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Paysans de
l’
Ouest (15 juin 1937)a b 10 décembre 1933 Un discours de l’institut
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juin 1937)a b 10 décembre 1933 Un discours de
l’
instituteur. — Hier soir, séance de Pathé-Baby organisée par l’institu
3
. — Hier soir, séance de Pathé-Baby organisée par
l’
instituteur dans la salle de l’école des garçons. Il me tardait de voi
4
ce de Pathé-Baby organisée par l’instituteur dans
la
salle de l’école des garçons. Il me tardait de voir une fois les habi
5
Baby organisée par l’instituteur dans la salle de
l’
école des garçons. Il me tardait de voir une fois les habitants du vil
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école des garçons. Il me tardait de voir une fois
les
habitants du village réunis, leur façon d’être ensemble, et surtout l
7
ge réunis, leur façon d’être ensemble, et surtout
la
jeunesse, d’ordinaire invisible, au point que je doutais même qu’elle
8
ême qu’elle existât. Elle était là. Elle occupait
les
longs bancs rangés en chevrons derrière le petit appareil de projecti
9
upait les longs bancs rangés en chevrons derrière
le
petit appareil de projection, placé à trois ou quatre mètres de l’écr
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de projection, placé à trois ou quatre mètres de
l’
écran. (Un drap de lit sur le tableau noir.) Une quarantaine de filles
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ou quatre mètres de l’écran. (Un drap de lit sur
le
tableau noir.) Une quarantaine de filles et de gars peu bruyants, pre
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es seulement. Et des enfants autour du trépied de
l’
appareil, empressés à tendre les bobines de film à l’instituteur. Il f
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tour du trépied de l’appareil, empressés à tendre
les
bobines de film à l’instituteur. Il fallut un certain temps pour mett
14
ppareil, empressés à tendre les bobines de film à
l’
instituteur. Il fallut un certain temps pour mettre au point la projec
15
. Il fallut un certain temps pour mettre au point
la
projection. Les jeunes gens étouffaient des rires, chatouillaient les
16
certain temps pour mettre au point la projection.
Les
jeunes gens étouffaient des rires, chatouillaient les filles. Devant
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jeunes gens étouffaient des rires, chatouillaient
les
filles. Devant moi une grosse luronne s’agitait sur son banc. Je voya
18
que grasse. Un des garçons s’en aperçoit, attrape
la
puce en pinçant la fille, et les rires redoublent. L’instituteur récl
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garçons s’en aperçoit, attrape la puce en pinçant
la
fille, et les rires redoublent. L’instituteur réclame le silence, et
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aperçoit, attrape la puce en pinçant la fille, et
les
rires redoublent. L’instituteur réclame le silence, et la projection
21
uce en pinçant la fille, et les rires redoublent.
L’
instituteur réclame le silence, et la projection commence. C’est un fi
22
e, et les rires redoublent. L’instituteur réclame
le
silence, et la projection commence. C’est un film d’avant-guerre, la
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redoublent. L’instituteur réclame le silence, et
la
projection commence. C’est un film d’avant-guerre, la Course au flamb
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rojection commence. C’est un film d’avant-guerre,
la
Course au flambeau, tiré de la pièce de Paul Hervieu. Entre chaque ép
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lm d’avant-guerre, la Course au flambeau, tiré de
la
pièce de Paul Hervieu. Entre chaque épisode reparaissent les mêmes ép
26
e Paul Hervieu. Entre chaque épisode reparaissent
les
mêmes éphèbes grecs, porteurs de torches qu’ils se passent avec des g
27
es lents, hallucinants, à grands sauts ralentis —
le
courant électrique n’étant sans doute pas réglé pour faire tourner l’
28
e n’étant sans doute pas réglé pour faire tourner
l’
appareil au rythme normal. Tout le monde a l’air très content, bien qu
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mal. Tout le monde a l’air très content, bien que
le
film m’apparaisse à peu près incompréhensible. La course au flambeau
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le film m’apparaisse à peu près incompréhensible.
La
course au flambeau terminée, on rallume. L’instituteur monte à sa cha
31
ible. La course au flambeau terminée, on rallume.
L’
instituteur monte à sa chaire et annonce qu’il va prononcer, comme cha
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omme d’allure énergique et de visage intelligent,
la
chevelure noire en bataille qu’il saisit à pleines mains dans les mom
33
ire en bataille qu’il saisit à pleines mains dans
les
moments pathétiques. Il annonce le sujet de ce soir : Qu’est-ce qu’êt
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es mains dans les moments pathétiques. Il annonce
le
sujet de ce soir : Qu’est-ce qu’être laïque ? — « Messieurs, chers am
35
rs, chers amis ! Je vous rappellerai tout d’abord
les
circonstances qui m’ont fait choisir ce sujet. Il y a… tout près d’ic
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y a… tout près d’ici… quelqu’un — je ne veux pas
le
nommer, je n’attaquerai personne, moi ! — il y a, dis-je, quelqu’un q
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consciences ! » Récit détaillé des calomnies que
le
curé répand sur son compte, dans les foyers et jusque dans la presse1
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calomnies que le curé répand sur son compte, dans
les
foyers et jusque dans la presse1 ! « Je n’ai pas cherché la guerre, m
39
nd sur son compte, dans les foyers et jusque dans
la
presse1 ! « Je n’ai pas cherché la guerre, moi ! Eh bien ! je saurai
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et jusque dans la presse1 ! « Je n’ai pas cherché
la
guerre, moi ! Eh bien ! je saurai me défendre ! Et malgré les persécu
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moi ! Eh bien ! je saurai me défendre ! Et malgré
les
persécutions de ceux qui ont intérêt à étouffer la vérité, etc. » La
42
s persécutions de ceux qui ont intérêt à étouffer
la
vérité, etc. » La chevelure s’agite, les bras s’agitent, la voix s’en
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ceux qui ont intérêt à étouffer la vérité, etc. »
La
chevelure s’agite, les bras s’agitent, la voix s’enfle. « J’étais au
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étouffer la vérité, etc. » La chevelure s’agite,
les
bras s’agitent, la voix s’enfle. « J’étais au dernier congrès des ins
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etc. » La chevelure s’agite, les bras s’agitent,
la
voix s’enfle. « J’étais au dernier congrès des instituteurs qui s’est
46
toyens, lors de ce congrès, il a été stipulé qu’à
l’
avenir… » La fin de la phrase étant particulièrement sonore, des appla
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de ce congrès, il a été stipulé qu’à l’avenir… »
La
fin de la phrase étant particulièrement sonore, des applaudissements
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grès, il a été stipulé qu’à l’avenir… » La fin de
la
phrase étant particulièrement sonore, des applaudissements éclatent a
49
sonore, des applaudissements éclatent au fond de
la
salle. Le jeune orateur électrisé se lance dans une définition vibran
50
es applaudissements éclatent au fond de la salle.
Le
jeune orateur électrisé se lance dans une définition vibrante de la l
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lectrisé se lance dans une définition vibrante de
la
laïcité. « Être laïque, c’est vouloir la justice et l’égalité pour to
52
rante de la laïcité. « Être laïque, c’est vouloir
la
justice et l’égalité pour tous ! Être laïque, c’est vouloir l’instruc
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ïcité. « Être laïque, c’est vouloir la justice et
l’
égalité pour tous ! Être laïque, c’est vouloir l’instruction libre et
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l’égalité pour tous ! Être laïque, c’est vouloir
l’
instruction libre et gratuite pour tous, sans distinction de fortune o
55
Ah ! surtout, être laïque, ce n’est pas combattre
les
religions, comme le prétend le voisin, « car je les respecte toutes,
56
ïque, ce n’est pas combattre les religions, comme
le
prétend le voisin, « car je les respecte toutes, les religions, sauf
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est pas combattre les religions, comme le prétend
le
voisin, « car je les respecte toutes, les religions, sauf quand elles
58
s religions, comme le prétend le voisin, « car je
les
respecte toutes, les religions, sauf quand elles viennent m’attaquer
59
prétend le voisin, « car je les respecte toutes,
les
religions, sauf quand elles viennent m’attaquer dans mon activité pro
60
, c’est être religieux au vrai sens du mot, selon
les
paroles de Gambetta, d’Ernest Lavisse et de quelques autres. Être laï
61
mer son prochain » ! Je n’ai pas plutôt soufflé à
l’
oreille de ma femme : « C’est un sermon ! » que l’orateur, au comble d
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l’oreille de ma femme : « C’est un sermon ! » que
l’
orateur, au comble de son éloquence, s’écrie : « Et, mes frères ! si l
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de son éloquence, s’écrie : « Et, mes frères ! si
l’
on vient encore vous dire que je suis un empoisonneur des consciences,
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aurez maintenant me défendre ! etc. » C’est fini.
L’
instituteur s’éponge. Les hommes du fond ont applaudi brièvement. Mell
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ndre ! etc. » C’est fini. L’instituteur s’éponge.
Les
hommes du fond ont applaudi brièvement. Mellouin a même crié : Très b
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di brièvement. Mellouin a même crié : Très bien !
Les
jeunes trouvent qu’« il cause bien ». Pour terminer la soirée, on pas
67
unes trouvent qu’« il cause bien ». Pour terminer
la
soirée, on passe un dessin animé, le Petit Poucet, qui remporte un gr
68
our terminer la soirée, on passe un dessin animé,
le
Petit Poucet, qui remporte un gros succès. En sortant, nous passons d
69
e un gros succès. En sortant, nous passons devant
la
salle du curé, qui donne aussi ce soir une séance de cinéma. On enten
70
éma. On entend rire des enfants. — J’ai rencontré
le
curé ce matin, suivi comme d’habitude d’une bande de petits garçons.
71
pas répondu à mon salut. 12 décembre 1933 Tout à
l’
heure, en déchirant le journal de l’île pour allumer le feu, j’ai vu l
72
ut. 12 décembre 1933 Tout à l’heure, en déchirant
le
journal de l’île pour allumer le feu, j’ai vu l’annonce d’une confére
73
e 1933 Tout à l’heure, en déchirant le journal de
l’
île pour allumer le feu, j’ai vu l’annonce d’une conférence contradict
74
re, en déchirant le journal de l’île pour allumer
le
feu, j’ai vu l’annonce d’une conférence contradictoire à A… : « La Bi
75
le journal de l’île pour allumer le feu, j’ai vu
l’
annonce d’une conférence contradictoire à A… : « La Bible et les trava
76
’annonce d’une conférence contradictoire à A… : «
La
Bible et les travailleurs. » C’est sans doute une réponse à la confér
77
ne conférence contradictoire à A… : « La Bible et
les
travailleurs. » C’est sans doute une réponse à la conférence donnée a
78
es travailleurs. » C’est sans doute une réponse à
la
conférence donnée au même endroit, il y a quinze jours, sous les ausp
79
donnée au même endroit, il y a quinze jours, sous
les
auspices d’une ligue « antifasciste », et qui avait pour sujet : « L’
80
gue « antifasciste », et qui avait pour sujet : «
L’
Église contre les travailleurs. » Je comptais me rendre à la première
81
te », et qui avait pour sujet : « L’Église contre
les
travailleurs. » Je comptais me rendre à la première conférence. Mais
82
comptais me rendre à la première conférence. Mais
le
village d’A… est à huit kilomètres et la tempête m’avait empêché d’y
83
ce. Mais le village d’A… est à huit kilomètres et
la
tempête m’avait empêché d’y aller à bicyclette. J’essaierai d’aller d
84
yclette. J’essaierai d’aller demain soir entendre
la
réponse. La mère Renaud vient de m’apprendre que l’orateur est le pas
85
ssaierai d’aller demain soir entendre la réponse.
La
mère Renaud vient de m’apprendre que l’orateur est le pasteur du chef
86
réponse. La mère Renaud vient de m’apprendre que
l’
orateur est le pasteur du chef-lieu. Il paraît qu’il cause très bien —
87
ère Renaud vient de m’apprendre que l’orateur est
le
pasteur du chef-lieu. Il paraît qu’il cause très bien — lui aussi — m
88
qu’il cause très bien — lui aussi — mais elle ne
l’
a jamais entendu. Elle est catholique, en effet, comme d’ailleurs tout
89
comme d’ailleurs tout le monde au village, à part
la
petite minorité de mauvaises têtes qui suit les prêches laïques de l’
90
rt la petite minorité de mauvaises têtes qui suit
les
prêches laïques de l’instituteur. Le seul protestant est mort l’été d
91
e mauvaises têtes qui suit les prêches laïques de
l’
instituteur. Le seul protestant est mort l’été dernier, âgé de 93 ans.
92
es qui suit les prêches laïques de l’instituteur.
Le
seul protestant est mort l’été dernier, âgé de 93 ans. Il s’était con
93
ues de l’instituteur. Le seul protestant est mort
l’
été dernier, âgé de 93 ans. Il s’était converti à soixante-dix ans « e
94
s prennent ici quelque chose de joliment absurde.
Les
paysans du village ne sont pas même tous capables de lire le journal,
95
du village ne sont pas même tous capables de lire
le
journal, et j’ai remarqué qu’ils achètent absolument au hasard ceux q
96
ment au hasard ceux qu’ils trouvent en dépôt chez
la
mère Renaud : l’Ami du Peuple ou la France de Bordeaux, la feuille lo
97
ux qu’ils trouvent en dépôt chez la mère Renaud :
l’
Ami du Peuple ou la France de Bordeaux, la feuille locale des curés ou
98
en dépôt chez la mère Renaud : l’Ami du Peuple ou
la
France de Bordeaux, la feuille locale des curés ou celle des républic
99
enaud : l’Ami du Peuple ou la France de Bordeaux,
la
feuille locale des curés ou celle des républicains. Il est à peu près
100
avoir s’ils font une distinction quelconque entre
les
opinions, pourtant bien tranchées, que ces journaux leur servent. Je
101
crois qu’ils n’y pensent même pas. Peut-être que
la
discussion annoncée après la conférence d’A… me fera modifier ce juge
102
e pas. Peut-être que la discussion annoncée après
la
conférence d’A… me fera modifier ce jugement. J’en suis bien curieux.
103
’en suis bien curieux. 15 décembre 1933 Je relève
les
notes prises l’autre soir sur la conférence à A… … Grande salle de la
104
1933 Je relève les notes prises l’autre soir sur
la
conférence à A… … Grande salle de la mairie, voûtée, peinte en bleu c
105
tre soir sur la conférence à A… … Grande salle de
la
mairie, voûtée, peinte en bleu clair. Une table et trois chaises sur
106
nte en bleu clair. Une table et trois chaises sur
la
scène surélevée. Environ une centaine d’auditeurs : paysans et pêcheu
107
rang, deux « dames », l’une très vieille. Ce sont
les
seules femmes. Mauvais éclairage. L’orateur se hisse sur la scène : u
108
le. Ce sont les seules femmes. Mauvais éclairage.
L’
orateur se hisse sur la scène : un homme jeune encore, un peu gros et
109
femmes. Mauvais éclairage. L’orateur se hisse sur
la
scène : un homme jeune encore, un peu gros et lent d’allure, physiono
110
mis, nous allons procéder, selon votre coutume, à
l’
élection du bureau, puisque, comme vous le savez, la conférence est co
111
tume, à l’élection du bureau, puisque, comme vous
le
savez, la conférence est contradictoire. Je vous demanderai donc de b
112
élection du bureau, puisque, comme vous le savez,
la
conférence est contradictoire. Je vous demanderai donc de bien vouloi
113
leurs voisins, trois hommes se lèvent en haussant
les
épaules pour s’excuser de se mettre en avant. Ils gravissent la scène
114
r s’excuser de se mettre en avant. Ils gravissent
la
scène, enlèvent leur casquette à visière cirée, et s’installent sur l
115
ur casquette à visière cirée, et s’installent sur
les
trois chaises, un tout à droite, un tout à gauche, le troisième, qui
116
à droite, un tout à gauche, le troisième, qui est
le
président, derrière la table, embarrassés de leurs mains, de leurs pi
117
che, le troisième, qui est le président, derrière
la
table, embarrassés de leurs mains, de leurs pieds, de leur casquette.
118
r casquette. Coups d’œil malicieux aux copains de
la
salle. Le président se lève : « Messieurs et dames, vous m’excuserez
119
e. Coups d’œil malicieux aux copains de la salle.
Le
président se lève : « Messieurs et dames, vous m’excuserez de ne pas
120
dames, vous m’excuserez de ne pas vous présenter
l’
orateur qui va vous faire un intéressant discours sur le sujet… Je ne
121
eur qui va vous faire un intéressant discours sur
le
sujet… Je ne connais pas beaucoup M. Palut, n’est-ce pas, c’est la pr
122
inement qu’il va nous intéresser, et je lui donne
la
parole. » M. Palut sourit cordialement, et parle : — On a dit ici mêm
123
cordialement, et parle : — On a dit ici même que
l’
Église est contre les travailleurs. Est-ce vrai ? Il y a plusieurs égl
124
rle : — On a dit ici même que l’Église est contre
les
travailleurs. Est-ce vrai ? Il y a plusieurs églises, et malheureusem
125
alheureusement elles ne s’entendent pas toujours.
La
primitive église était constituée par des esclaves et des gens pauvre
126
il y a eu des églises de riches. Elles ont trahi
l’
Évangile. Un philosophe français, M. Julien Benda, a dit que les clerc
127
n philosophe français, M. Julien Benda, a dit que
les
clercs ont trahi. Les clercs, n’est-ce pas, ce sont les intellectuels
128
M. Julien Benda, a dit que les clercs ont trahi.
Les
clercs, n’est-ce pas, ce sont les intellectuels, les écrivains, les p
129
ercs ont trahi. Les clercs, n’est-ce pas, ce sont
les
intellectuels, les écrivains, les professeurs, des hommes distingués
130
clercs, n’est-ce pas, ce sont les intellectuels,
les
écrivains, les professeurs, des hommes distingués et très instruits.
131
ce pas, ce sont les intellectuels, les écrivains,
les
professeurs, des hommes distingués et très instruits. Eh bien, il y a
132
i. Capitalisme, bourgeoisie égoïste, guerre. Mais
le
vrai chrétien est avec les petits. Résumé de ce que la Bible dit des
133
e égoïste, guerre. Mais le vrai chrétien est avec
les
petits. Résumé de ce que la Bible dit des travailleurs : Jérémie exig
134
ai chrétien est avec les petits. Résumé de ce que
la
Bible dit des travailleurs : Jérémie exigeait que le roi payât les ou
135
Bible dit des travailleurs : Jérémie exigeait que
le
roi payât les ouvriers. L’Ancien Testament nous montre que le système
136
travailleurs : Jérémie exigeait que le roi payât
les
ouvriers. L’Ancien Testament nous montre que le système de propriété
137
: Jérémie exigeait que le roi payât les ouvriers.
L’
Ancien Testament nous montre que le système de propriété chez les Juif
138
les ouvriers. L’Ancien Testament nous montre que
le
système de propriété chez les Juifs est presque communiste ! Jésus es
139
ment nous montre que le système de propriété chez
les
Juifs est presque communiste ! Jésus est l’ami des pauvres, des péage
140
chez les Juifs est presque communiste ! Jésus est
l’
ami des pauvres, des péagers. Malheureusement il y a le cléricalisme.
141
des pauvres, des péagers. Malheureusement il y a
le
cléricalisme. C’est lui qui est mauvais, non pas la Bible. Être chrét
142
cléricalisme. C’est lui qui est mauvais, non pas
la
Bible. Être chrétien, c’est aimer son prochain comme Jésus nous aime.
143
aimer son prochain comme Jésus nous aime. Si tous
les
hommes étaient chrétiens, il n’y aurait plus d’exploitation ni de gue
144
il n’y aurait plus d’exploitation ni de guerre !…
La
péroraison a été éloquente, un peu trop à mon goût. On applaudit. Le
145
éloquente, un peu trop à mon goût. On applaudit.
Le
président demande s’il y a des questions à poser. Long silence embarr
146
ence embarrassé. Enfin un type se lève au fond de
la
salle et demande « s’il n’y a pas des contradictions dans la Bible ».
147
demande « s’il n’y a pas des contradictions dans
la
Bible ». Suit une petite discussion tout à fait confuse et sans aucun
148
on tout à fait confuse et sans aucun rapport avec
le
sujet. Il n’y a pas d’autre question. Le président fait alors un bref
149
ort avec le sujet. Il n’y a pas d’autre question.
Le
président fait alors un bref remerciement à l’orateur. Il s’excuse en
150
n. Le président fait alors un bref remerciement à
l’
orateur. Il s’excuse encore de ne pas s’y connaître assez en religion,
151
assure qu’il a été bien intéressé. On se lève, et
les
langues se délient. « Il a bien parlé, hein ? », me dit mon voisin, p
152
est un petit maigre en casquette, environ 35 ans,
l’
air intelligent. Je l’approuve et m’étonne que la discussion n’ait pas
153
casquette, environ 35 ans, l’air intelligent. Je
l’
approuve et m’étonne que la discussion n’ait pas été plus longue : il
154
l’air intelligent. Je l’approuve et m’étonne que
la
discussion n’ait pas été plus longue : il y avait pourtant bien des a
155
d’accord ? « Ben quoi, fait-il, convaincu, c’est
la
vérité ce qu’il a dit ! » Comment donc ? Ai-je affaire à un chrétien
156
un chrétien ou même à un protestant ? J’essaie de
le
faire parler. Je lui dis : « Oui, c’est la vérité pour les chrétiens,
157
aie de le faire parler. Je lui dis : « Oui, c’est
la
vérité pour les chrétiens, mais tout le monde ne pense pas comme ça i
158
parler. Je lui dis : « Oui, c’est la vérité pour
les
chrétiens, mais tout le monde ne pense pas comme ça ici ? » Il me reg
159
affaire. C’est bien comme ça que c’est écrit dans
la
Bible, il n’a pas dit de mensonges, quoi ! Mais ici ils ne savent pas
160
F…2 alors, c’est autre chose. Là ça barde, après
les
réunions ! Mais ici, qu’est-ce que vous voulez ? Ils sont comme ça… »
161
r au conférencier, et nous sortons ensemble. Dans
la
rue noire, un homme nous rejoint : c’est celui qui a présidé la réuni
162
un homme nous rejoint : c’est celui qui a présidé
la
réunion. Il veut encore remercier M. Palut. Enfin il veut lui demande
163
s je ne saisis pas bien si ce curé lui a interdit
la
lecture de la Bible, ou si, au contraire, il pourrait lui en prêter u
164
pas bien si ce curé lui a interdit la lecture de
la
Bible, ou si, au contraire, il pourrait lui en prêter une. Quoi qu’il
165
l pourrait lui en prêter une. Quoi qu’il en soit,
le
pasteur note le nom du « président » et promet de lui envoyer un Nouv
166
n prêter une. Quoi qu’il en soit, le pasteur note
le
nom du « président » et promet de lui envoyer un Nouveau Testament. N
167
de lui envoyer un Nouveau Testament. Nous faisons
les
cent pas sur la place. M. Palut sait que je suis écrivain. Il a lu un
168
Nouveau Testament. Nous faisons les cent pas sur
la
place. M. Palut sait que je suis écrivain. Il a lu un de mes articles
169
je suis écrivain. Il a lu un de mes articles. Je
le
sens inquiet de mon opinion d’« intellectuel » sur son discours. « C’
170
ai dit ce soir, j’ai dû vous ennuyer, hein ? » Je
le
rassure vivement. Ce n’est pas moi qui lui reprocherai jamais d’être
171
lui reprocherai jamais d’être trop simple. On ne
l’
est jamais assez ! — Oh ! vous savez, — dit-il — je n’y mets pas d’amo
172
anchement ce que vous pensez, de cette soirée… Je
le
regarde. C’est un homme simple et solide, on peut lui parler en camar
173
mble qu’on pourrait leur parler plus directement,
les
interpeller, enfin quoi, les secouer un peu ! Ils sont là à vous écou
174
er plus directement, les interpeller, enfin quoi,
les
secouer un peu ! Ils sont là à vous écouter sans bouger, comme ils on
175
à vous écouter sans bouger, comme ils ont écouté
les
autres qui disaient le contraire, et pas moyen de savoir avec qui ils
176
ger, comme ils ont écouté les autres qui disaient
le
contraire, et pas moyen de savoir avec qui ils sont d’accord. Il ne f
177
et je vous assure qu’un communiste, par exemple,
les
aurait attaqués plus brutalement sans aucune précaution oratoire. Pou
178
quoi ne pas saisir cette occasion de leur prêcher
l’
Évangile, là, tout droit, dans leur langage de tous les jours, comme l
179
angile, là, tout droit, dans leur langage de tous
les
jours, comme le faisaient les réformateurs, les forcer à prendre part
180
droit, dans leur langage de tous les jours, comme
le
faisaient les réformateurs, les forcer à prendre parti, je ne sais pa
181
eur langage de tous les jours, comme le faisaient
les
réformateurs, les forcer à prendre parti, je ne sais pas, moi, les en
182
s les jours, comme le faisaient les réformateurs,
les
forcer à prendre parti, je ne sais pas, moi, les engueuler ? Je vous
183
les forcer à prendre parti, je ne sais pas, moi,
les
engueuler ? Je vous dis ma première impression, puisque vous me la de
184
vous dis ma première impression, puisque vous me
la
demandez. Je sais bien que vous les connaissez beaucoup mieux que moi
185
uisque vous me la demandez. Je sais bien que vous
les
connaissez beaucoup mieux que moi… Le pasteur sourit : — Vous me fait
186
n que vous les connaissez beaucoup mieux que moi…
Le
pasteur sourit : — Vous me faites plaisir, tenez ! Bien sûr, vous ave
187
sez donc, il y a plus de six ans que je suis dans
l’
île, et je n’avais jamais pu parler à A…, à cause du curé qui s’y oppo
188
r à A…, à cause du curé qui s’y opposait par tous
les
moyens. Ils sont difficiles à prendre, ici. Surtout il ne faut pas le
189
difficiles à prendre, ici. Surtout il ne faut pas
les
brusquer ! Ce soir, il s’agissait de gagner leur confiance, et ensuit
190
faire d’éloquence ? Cela trancherait au moins sur
la
propagande électorale. — Oui, oui, mais… je les connais. Ils aiment q
191
ur la propagande électorale. — Oui, oui, mais… je
les
connais. Ils aiment qu’on leur fasse un beau discours. Ah ! c’est ter
192
rement. Mais qu’est-ce qu’ils comprennent ? Allez
le
savoir, avec eux. On prêche pendant six ans la même chose, ils vous r
193
ez le savoir, avec eux. On prêche pendant six ans
la
même chose, ils vous remercient, on croit qu’ils ont compris, et puis
194
faudra reparler de tout cela. M. Palut n’a jamais
l’
occasion de discuter, il se sent terriblement isolé au milieu de cette
195
é à bicyclette, sans lumière, distinguant à peine
la
route asphaltée. Je roulais comme en rêve, le long des dunes qui me c
196
comme en rêve, le long des dunes qui me cachaient
la
mer bruyante, à ma gauche. Un brouillard vague flottait sur les marai
197
te, à ma gauche. Un brouillard vague flottait sur
les
marais. « Le peuple, me disais-je en pédalant, ce qu’ils appellent le
198
e. Un brouillard vague flottait sur les marais. «
Le
peuple, me disais-je en pédalant, ce qu’ils appellent le peuple… » ;
199
le, me disais-je en pédalant, ce qu’ils appellent
le
peuple… » ; je revoyais cette centaine d’hommes dans la salle nue. Le
200
ple… » ; je revoyais cette centaine d’hommes dans
la
salle nue. Leur méfiance ou leur timidité, ou aussi leur fatigue aprè
201
ont plus rien en hiver ? Ils sont venus pour tuer
le
temps, au lieu d’aller au café. Cette inertie, dès qu’il ne s’agit pl
202
ne s’agit plus d’argent ! À moins que ce ne soit
le
langage, la difficulté de s’exprimer ? Tout est mystère en eux, et po
203
lus d’argent ! À moins que ce ne soit le langage,
la
difficulté de s’exprimer ? Tout est mystère en eux, et pour eux-mêmes
204
en eux, et pour eux-mêmes sans doute. Et on dit «
le
peuple », la volonté du peuple, comme si on ne les avait jamais vus o
205
ur eux-mêmes sans doute. Et on dit « le peuple »,
la
volonté du peuple, comme si on ne les avait jamais vus ou jamais aimé
206
le peuple », la volonté du peuple, comme si on ne
les
avait jamais vus ou jamais aimés ! Là-dessus, quantité de pensées et
207
avec une énergie particulière en pédalant contre
le
vent dans l’obscurité. Mais le lendemain il n’en reste rien qu’un peu
208
rgie particulière en pédalant contre le vent dans
l’
obscurité. Mais le lendemain il n’en reste rien qu’un peu de courbatur
209
en pédalant contre le vent dans l’obscurité. Mais
le
lendemain il n’en reste rien qu’un peu de courbature dans les jambes.
210
n il n’en reste rien qu’un peu de courbature dans
les
jambes. 16 décembre 1933 Derrière la même pile d’assiettes où je croi
211
bature dans les jambes. 16 décembre 1933 Derrière
la
même pile d’assiettes où je crois avoir déjà dit que j’avais trouvé d
212
e, j’ai déniché ce matin une édition populaire de
La
Naissance du jour, de Colette. Je n’avais pas encore lu ce livre. Il
213
vais pas encore lu ce livre. Il est exactement de
l’
espèce que j’aime, et l’un des plus charmants dans cette espèce, mais
214
e raison très précise et qui n’a rien à voir avec
la
critique littéraire. À la page 43 de l’édition que j’ai sous les yeux
215
ui n’a rien à voir avec la critique littéraire. À
la
page 43 de l’édition que j’ai sous les yeux, je lis ceci : « … ils dé
216
voir avec la critique littéraire. À la page 43 de
l’
édition que j’ai sous les yeux, je lis ceci : « … ils déménagent… comm
217
ttéraire. À la page 43 de l’édition que j’ai sous
les
yeux, je lis ceci : « … ils déménagent… comme les puces d’un hérisson
218
les yeux, je lis ceci : « … ils déménagent… comme
les
puces d’un hérisson mort. » Cette phrase a fait dans mon esprit ce qu
219
mon compte, j’en ai pris sept sur mon pyjama dans
l’
espace de deux minutes, ce qui doit constituer une sorte de record. D’
220
ituer une sorte de record. D’autres sautaient sur
le
couvre-pied. D’autres sur le plancher. Je n’en menais pas large. Comm
221
autres sautaient sur le couvre-pied. D’autres sur
le
plancher. Je n’en menais pas large. Comme la mère Renaud était venue
222
sur le plancher. Je n’en menais pas large. Comme
la
mère Renaud était venue nous voir la veille, nous ne cherchâmes pas p
223
large. Comme la mère Renaud était venue nous voir
la
veille, nous ne cherchâmes pas plus loin la cause du phénomène. Il es
224
voir la veille, nous ne cherchâmes pas plus loin
la
cause du phénomène. Il est vrai qu’on a beau porter un nombre excessi
225
petit hérisson était venu se mettre en boule dans
la
plate-bande qui borde la maison, sous ma fenêtre. Il soufflait très v
226
se mettre en boule dans la plate-bande qui borde
la
maison, sous ma fenêtre. Il soufflait très vite, il avait l’air malad
227
e. Il soufflait très vite, il avait l’air malade.
Le
lendemain nous le trouvions mort. Et je l’avais oublié là, sans sépul
228
ès vite, il avait l’air malade. Le lendemain nous
le
trouvions mort. Et je l’avais oublié là, sans sépulture, caché sous d
229
alade. Le lendemain nous le trouvions mort. Et je
l’
avais oublié là, sans sépulture, caché sous des feuillages brunis. Si
230
caché sous des feuillages brunis. Si j’ajoute que
la
porte d’entrée joint mal le seuil, tout s’explique sans peine désorma
231
unis. Si j’ajoute que la porte d’entrée joint mal
le
seuil, tout s’explique sans peine désormais, grâce à la phrase de Col
232
il, tout s’explique sans peine désormais, grâce à
la
phrase de Colette. Je rapporte cette anecdote parce qu’elle comporte
233
necdote parce qu’elle comporte une conclusion qui
la
dépasse d’ailleurs notablement et qui me paraît assez frappante. Voic
234
s, je viens de trouver dans un ouvrage littéraire
la
solution d’une question précise. Grâce à Colette, je sais maintenant
235
l’air de rien, mais je vois là comme un symbole.
Les
livres devraient être utiles. On devrait y trouver des renseignements
236
ptions objectives et utilisables ; et ceci à tous
les
degrés de la réalité, dans les grandes choses comme dans les choses d
237
ves et utilisables ; et ceci à tous les degrés de
la
réalité, dans les grandes choses comme dans les choses de rien. Au li
238
s ; et ceci à tous les degrés de la réalité, dans
les
grandes choses comme dans les choses de rien. Au lieu de cela, les mo
239
de la réalité, dans les grandes choses comme dans
les
choses de rien. Au lieu de cela, les modernes nous servent des états
240
s comme dans les choses de rien. Au lieu de cela,
les
modernes nous servent des états d’âme improbables ou excessifs, des i
241
xcessifs, des inquiétudes dont ils n’ont même pas
l’
air d’être vraiment inquiets, des indiscrétions gênantes et dont on ne
242
s doctrines dont ils négligent de nous dire s’ils
les
ont essayées sur le vif, dans le détail de la vie quotidienne. Ils no
243
négligent de nous dire s’ils les ont essayées sur
le
vif, dans le détail de la vie quotidienne. Ils nous donnent très rare
244
nous dire s’ils les ont essayées sur le vif, dans
le
détail de la vie quotidienne. Ils nous donnent très rarement des répo
245
ls les ont essayées sur le vif, dans le détail de
la
vie quotidienne. Ils nous donnent très rarement des réponses, ou alor
246
nt des réponses à des questions qu’on n’avait pas
l’
idée de se poser ; et c’est là qu’ils croient voir leur astuce. Astuce
247
ar exemple, il rapporte à madame de Stein comment
les
habitants de Ferrare utilisent les vieilles tuiles concassées pour re
248
Stein comment les habitants de Ferrare utilisent
les
vieilles tuiles concassées pour recouvrir les routes et les allées de
249
ent les vieilles tuiles concassées pour recouvrir
les
routes et les allées de leurs jardins. Et il ajoute : « Dès mon retou
250
es tuiles concassées pour recouvrir les routes et
les
allées de leurs jardins. Et il ajoute : « Dès mon retour à la maison,
251
leurs jardins. Et il ajoute : « Dès mon retour à
la
maison, j’essaierai cela. La Toscane me paraît bien gouvernée, tout y
252
: « Dès mon retour à la maison, j’essaierai cela.
La
Toscane me paraît bien gouvernée, tout y présente un aspect complet,
253
t semble destiné à un noble usage… » Commentons :
la
noblesse est dans l’usage. Pas de noblesse sans usage, sans applicati
254
noble usage… » Commentons : la noblesse est dans
l’
usage. Pas de noblesse sans usage, sans application précise aux choses
255
rare ! 18 décembre 1933 Je ne cesse de repenser à
la
conférence d’avant-hier à A… Il me semble qu’elle m’apprend sur « le
256
nt-hier à A… Il me semble qu’elle m’apprend sur «
le
peuple » davantage que toutes mes expériences précédentes. Il me semb
257
dentes. Il me semble même qu’elle m’a fait voir «
le
peuple » pour la première fois de ma vie. Première constatation : l’a
258
première fois de ma vie. Première constatation :
l’
apathie générale, aussi bien à A… qu’à la séance de cinéma. Il n’y aur
259
tation : l’apathie générale, aussi bien à A… qu’à
la
séance de cinéma. Il n’y aurait là rien d’étonnant, si l’on ne nous r
260
e de cinéma. Il n’y aurait là rien d’étonnant, si
l’
on ne nous rebattait les oreilles de phrases sur la volonté et la miss
261
ait là rien d’étonnant, si l’on ne nous rebattait
les
oreilles de phrases sur la volonté et la mission du peuple. On a beau
262
’on ne nous rebattait les oreilles de phrases sur
la
volonté et la mission du peuple. On a beau se méfier des phrases, il
263
battait les oreilles de phrases sur la volonté et
la
mission du peuple. On a beau se méfier des phrases, il faut se trouve
264
phrases, il faut se trouver placé soudain devant
les
êtres en chair et en os dont elles parlent, pour comprendre à quel po
265
elles mentent, et quel immense désir de réveiller
le
peuple elles traduisent chez certains qui les prononcent de bonne foi
266
ller le peuple elles traduisent chez certains qui
les
prononcent de bonne foi. Elles le trahissent d’ailleurs, ce désir, en
267
z certains qui les prononcent de bonne foi. Elles
le
trahissent d’ailleurs, ce désir, en essayant de le faire passer d’ore
268
e trahissent d’ailleurs, ce désir, en essayant de
le
faire passer d’ores et déjà pour une réalité. Deuxième constatation :
269
e voudraient pas même de notre aide (nous égalent
les
intellectuels bourgeois). Il est très difficile d’aimer ces hommes, e
270
fficile d’aimer ces hommes, et cependant ils sont
la
réalité vivante et présente du « peuple ». Par contre, il est très fa
271
isième constatation : la plupart des discours que
l’
on tient au peuple lui sont incompréhensibles ; mais ceux qui les écou
272
peuple lui sont incompréhensibles ; mais ceux qui
les
écoutent ont l’air de trouver cela tout naturel. Je fus certainement
273
de trouver cela tout naturel. Je fus certainement
le
seul ici à m’étonner que l’instituteur citât Ernest Lavisse, ou le pa
274
. Je fus certainement le seul ici à m’étonner que
l’
instituteur citât Ernest Lavisse, ou le pasteur M. Benda. Il est génér
275
tonner que l’instituteur citât Ernest Lavisse, ou
le
pasteur M. Benda. Il est généralement admis en France qu’un orateur d
276
es noms qu’on ne connaît pas. Cela fait partie de
l’
éloquence. Et l’éloquence est le but du discours, dont le sujet n’est
277
connaît pas. Cela fait partie de l’éloquence. Et
l’
éloquence est le but du discours, dont le sujet n’est que le prétexte.
278
la fait partie de l’éloquence. Et l’éloquence est
le
but du discours, dont le sujet n’est que le prétexte. Je constate. Je
279
ence. Et l’éloquence est le but du discours, dont
le
sujet n’est que le prétexte. Je constate. Je conclus que les intellec
280
e est le but du discours, dont le sujet n’est que
le
prétexte. Je constate. Je conclus que les intellectuels sont en mauva
281
’est que le prétexte. Je constate. Je conclus que
les
intellectuels sont en mauvaise posture pour agir sur le peuple. Qu’il
282
ellectuels sont en mauvaise posture pour agir sur
le
peuple. Qu’ils disent des vérités ou des mensonges, on n’applaudira g
283
rités ou des mensonges, on n’applaudira guère que
le
son de leur voix, ou le parti qui les délègue. Il resterait à expliqu
284
on n’applaudira guère que le son de leur voix, ou
le
parti qui les délègue. Il resterait à expliquer cet état de choses, q
285
ra guère que le son de leur voix, ou le parti qui
les
délègue. Il resterait à expliquer cet état de choses, qui voue les «
286
esterait à expliquer cet état de choses, qui voue
les
« clercs » à s’agiter dans le vide — ce qui est malsain — et le peupl
287
e choses, qui voue les « clercs » à s’agiter dans
le
vide — ce qui est malsain — et le peuple à ne pouvoir se libérer des
288
à s’agiter dans le vide — ce qui est malsain — et
le
peuple à ne pouvoir se libérer des charlataneries politiques autremen
289
il ne sera pas le dernier à pâtir. Impuissance de
l’
« esprit », bêtise de l’action : ces deux misères n’auraient-elles pas
290
r à pâtir. Impuissance de l’« esprit », bêtise de
l’
action : ces deux misères n’auraient-elles pas une origine commune ? I
291
l m’a semblé que j’entrevoyais cette origine dans
les
propos de mon voisin au sortir de la conférence. Cet homme trouvait q
292
rigine dans les propos de mon voisin au sortir de
la
conférence. Cet homme trouvait qu’il n’y avait rien à « discuter » da
293
trouvait qu’il n’y avait rien à « discuter » dans
les
paroles de l’orateur, parce que c’était « la vérité ». Autrement dit,
294
n’y avait rien à « discuter » dans les paroles de
l’
orateur, parce que c’était « la vérité ». Autrement dit, parce que c’é
295
ans les paroles de l’orateur, parce que c’était «
la
vérité ». Autrement dit, parce que c’était correct, parce que ça se t
296
urplus c’était bien dit. Il ne lui est pas venu à
l’
esprit que la vérité est quelque chose qui peut être réalisé. Et qu’il
297
t bien dit. Il ne lui est pas venu à l’esprit que
la
vérité est quelque chose qui peut être réalisé. Et qu’il s’agit de pr
298
ouver ou de refuser en fait ce que venait de dire
le
conférencier, alors, alors il y aurait eu à discuter ! Mais je n’ai p
299
n’ai pas remarqué qu’aucun des auditeurs ait pris
la
chose de cette manière. Je sais bien qu’il y a la difficulté de s’exp
300
la chose de cette manière. Je sais bien qu’il y a
la
difficulté de s’exprimer, la timidité, la fatigue, et que tout cela p
301
sais bien qu’il y a la difficulté de s’exprimer,
la
timidité, la fatigue, et que tout cela peut bien suffire à expliquer
302
’il y a la difficulté de s’exprimer, la timidité,
la
fatigue, et que tout cela peut bien suffire à expliquer le silence de
303
e, et que tout cela peut bien suffire à expliquer
le
silence de ces cultivateurs. Mais le type qui m’a parlé avait la lang
304
à expliquer le silence de ces cultivateurs. Mais
le
type qui m’a parlé avait la langue bien pendue. Mais surtout je m’avi
305
es cultivateurs. Mais le type qui m’a parlé avait
la
langue bien pendue. Mais surtout je m’avise que la majorité des « int
306
a langue bien pendue. Mais surtout je m’avise que
la
majorité des « intellectuels » d’aujourd’hui ne pense pas très différ
307
Peuple ou « clercs », ils estiment également que
la
« vérité » n’engage à rien. Ils bornent le rôle de l’esprit à la cons
308
nt que la « vérité » n’engage à rien. Ils bornent
le
rôle de l’esprit à la constatation de l’exactitude objective et forme
309
vérité » n’engage à rien. Ils bornent le rôle de
l’
esprit à la constatation de l’exactitude objective et formelle des fai
310
’engage à rien. Ils bornent le rôle de l’esprit à
la
constatation de l’exactitude objective et formelle des faits ou des r
311
bornent le rôle de l’esprit à la constatation de
l’
exactitude objective et formelle des faits ou des raisonnements que l’
312
ve et formelle des faits ou des raisonnements que
l’
on allègue. « Il a raison » ne signifie pas pour eux : « Donc je dois
313
ses préjugés, sa déduction est correcte. » Ainsi
l’
intelligence devient irresponsable. Les clercs s’y résignent et même s
314
te. » Ainsi l’intelligence devient irresponsable.
Les
clercs s’y résignent et même s’en vantent : c’est plus commode. Quant
315
illeux, des espèces d’aristos qui ne vont qu’avec
les
riches. Il y en a certes qui font progresser la science, et cela c’es
316
les riches. Il y en a certes qui font progresser
la
science, et cela c’est bien. On va les écouter avec plaisir quand ils
317
progresser la science, et cela c’est bien. On va
les
écouter avec plaisir quand ils viennent faire une conférence instruct
318
nce instructive avec projections lumineuses. Mais
les
philosophes3, par exemple, à quoi cela sert-il ? D’ailleurs, on n’en
319
ert-il ? D’ailleurs, on n’en a jamais vu. Quant à
la
politique, c’est tout à fait autre chose. C’est un certain nombre de
320
C’est un certain nombre de phrases qu’on lit dans
les
journaux et qu’on entend dans les assemblées, et grâce auxquelles on
321
qu’on lit dans les journaux et qu’on entend dans
les
assemblées, et grâce auxquelles on reconnaît tout de suite si un type
322
es on reconnaît tout de suite si un type est avec
les
petits ou avec les gros. D’autre part, c’est une question de travail,
323
t de suite si un type est avec les petits ou avec
les
gros. D’autre part, c’est une question de travail, de salaires, de pr
324
une question de travail, de salaires, de prix de
la
vie, et là les intellectuels ne servent à rien. Enfin, les questions
325
de travail, de salaires, de prix de la vie, et là
les
intellectuels ne servent à rien. Enfin, les questions de personnes jo
326
et là les intellectuels ne servent à rien. Enfin,
les
questions de personnes jouent un rôle : on aime avoir un député instr
327
ns, qu’un intellectuel aille parler au peuple, on
l’
écoutera bien patiemment, s’il a su se rendre sympathique et surtout s
328
t s’il a l’air « sincère », mais on n’aura jamais
l’
idée de mettre en pratique ce qu’il dit. Il reste dans son rôle en s’a
329
u’il dit. Il reste dans son rôle en s’agitant sur
l’
estrade et en lançant des appels éloquents, et moi je reste dans mon r
330
homme du peuple ne s’est jamais dit cela comme je
le
dis ici. Mais il me paraît clair que la plupart font comme s’ils le p
331
l me paraît clair que la plupart font comme s’ils
le
pensaient. D’autre part, il est trop certain que les intellectuels pr
332
pensaient. D’autre part, il est trop certain que
les
intellectuels professent depuis longtemps en toute conscience une doc
333
nscience une doctrine analogue. Il est normal que
les
hommes sans culture se trompent sur la nature et sur le rôle de la cu
334
ormal que les hommes sans culture se trompent sur
la
nature et sur le rôle de la culture. Mais il est inquiétant que les h
335
mes sans culture se trompent sur la nature et sur
le
rôle de la culture. Mais il est inquiétant que les hommes cultivés, a
336
lture se trompent sur la nature et sur le rôle de
la
culture. Mais il est inquiétant que les hommes cultivés, au lieu de s
337
le rôle de la culture. Mais il est inquiétant que
les
hommes cultivés, au lieu de s’efforcer, comme ils devraient, de comba
338
ontraire leur confort. Au lieu de faire respecter
la
vérité, en montrant par l’exemple qu’elle implique des actes, ils la
339
ieu de faire respecter la vérité, en montrant par
l’
exemple qu’elle implique des actes, ils la disqualifient et ils s’en m
340
ant par l’exemple qu’elle implique des actes, ils
la
disqualifient et ils s’en moquent agréablement, ils la réduisent à un
341
squalifient et ils s’en moquent agréablement, ils
la
réduisent à un ensemble de phrases correctes, quelquefois ingénieuses
342
efois ingénieuses, et par définition inefficaces.
L’
opinion de mon voisin après la conférence, j’ai pu croire que c’était
343
nition inefficaces. L’opinion de mon voisin après
la
conférence, j’ai pu croire que c’était l’opinion d’un nigaud ; mais n
344
n après la conférence, j’ai pu croire que c’était
l’
opinion d’un nigaud ; mais non, c’est celle d’un clerc parfait. Je n’a
345
’étonner de cette rencontre. 19 décembre 1933 Si
l’
on veut réellement conduire un homme à un but défini, il faut avant to
346
n but défini, il faut avant tout se préoccuper de
le
prendre là où il est, et commencer là. Voilà le secret de tout secour
347
e le prendre là où il est, et commencer là. Voilà
le
secret de tout secours… Pour aider réellement un homme, il faut que j
348
par orgueil, de sorte qu’au fond, au lieu d’aider
l’
homme, je cherche à me faire admirer de lui. Cette remarque de Kierke
349
hacun, mon amour-propre, je ne puis m’empêcher de
le
juger assez justifié dans l’occurrence. On n’aime pas à être tenu pou
350
e puis m’empêcher de le juger assez justifié dans
l’
occurrence. On n’aime pas à être tenu pour un fainéant ou un rentier,
351
« situation » qui fait de moi, pour parler comme
la
presse, un « intellectuel en chômage. » (Écrire, aux yeux de ces pays
352
respect pour moi, c’est parce qu’on raconte dans
le
pays que je possède une machine à écrire…) Février 1934 Les gens. —
353
e je possède une machine à écrire…) Février 1934
Les
gens. — Du haut des dunes, je vois les terres divisées en parcelles m
354
rier 1934 Les gens. — Du haut des dunes, je vois
les
terres divisées en parcelles minuscules. Sur ces parcelles des hommes
355
s parcelles des hommes et des femmes travaillent,
le
buste parallèle au sol. Ces deux observations physiques très simples
356
ommentaire. Elles résument en deux images exactes
les
conditions morales et économiques des habitants de l’île. 1° Division
357
onditions morales et économiques des habitants de
l’
île. 1° Division des terres. — J’ai pu vérifier à plusieurs reprises l
358
s terres. — J’ai pu vérifier à plusieurs reprises
l’
extraordinaire complication du cadastre en lisant affichées sur les mu
359
complication du cadastre en lisant affichées sur
les
murs de l’église les annonces de ventes immobilières. Les propriétés
360
n du cadastre en lisant affichées sur les murs de
l’
église les annonces de ventes immobilières. Les propriétés se composen
361
stre en lisant affichées sur les murs de l’église
les
annonces de ventes immobilières. Les propriétés se composent générale
362
de l’église les annonces de ventes immobilières.
Les
propriétés se composent généralement d’une vingtaine ou d’une trentai
363
lles, dont beaucoup n’ont que quelques centiares,
les
plus grandes un à deux ares. Je connais déjà la géographie locale ass
364
les plus grandes un à deux ares. Je connais déjà
la
géographie locale assez pour me rendre compte de la dispersion ridicu
365
géographie locale assez pour me rendre compte de
la
dispersion ridicule des parcelles tout autour du village : l’homme qu
366
n ridicule des parcelles tout autour du village :
l’
homme qui travaille ces bouts de champ, grands comme ma chambre, doit
367
rands comme ma chambre, doit passer une partie de
la
journée à marcher de l’un à l’autre. Disposition encore plus gênante
368
tre. Disposition encore plus gênante au moment de
la
récolte. Et, bien entendu, cela exclut l’usage des machines agricoles
369
ment de la récolte. Et, bien entendu, cela exclut
l’
usage des machines agricoles. Pourquoi ne s’entendent-ils pas entre eu
370
nseigné. Il paraît bien qu’un maire avait proposé
la
réforme, avant la guerre. Mais cela n’a pas marché. La tradition de l
371
bien qu’un maire avait proposé la réforme, avant
la
guerre. Mais cela n’a pas marché. La tradition de l’île veut que chaq
372
forme, avant la guerre. Mais cela n’a pas marché.
La
tradition de l’île veut que chaque champ soit partagé à la mort du pr
373
guerre. Mais cela n’a pas marché. La tradition de
l’
île veut que chaque champ soit partagé à la mort du propriétaire en au
374
ion de l’île veut que chaque champ soit partagé à
la
mort du propriétaire en autant de parcelles qu’il y a d’héritiers. Ce
375
er que l’un hérite d’un champ un peu meilleur que
les
autres. Égalité contre solidarité. Le résultat évident de cette tradi
376
illeur que les autres. Égalité contre solidarité.
Le
résultat évident de cette tradition sacro-sainte, c’est que les paysa
377
vident de cette tradition sacro-sainte, c’est que
les
paysans travaillent beaucoup plus qu’il ne serait nécessaire à leur s
378
qu’il ne serait nécessaire à leur subsistance si
la
répartition des terres était conçue, non point selon les principes ég
379
artition des terres était conçue, non point selon
les
principes égalitaires, mais selon le bon sens pratique. Comment espér
380
point selon les principes égalitaires, mais selon
le
bon sens pratique. Comment espérer un développement « culturel » de c
381
abrutie de fatigue ? Il faudrait d’abord réformer
les
conditions matérielles. Mais précisément ce qui s’y oppose, c’est l’i
382
ielles. Mais précisément ce qui s’y oppose, c’est
l’
idéologie rudimentaire qu’on leur a inculquée, et qui n’a que trop bie
383
me ici pourrait influencer cette mentalité, c’est
l’
instituteur. S’il leur donnait une éducation non plus égalitaire, mais
384
être changées. Mais si personne ne fait rien par
le
moyen normal de l’éducation, il n’y a plus d’autre solution que la co
385
s si personne ne fait rien par le moyen normal de
l’
éducation, il n’y a plus d’autre solution que la contrainte. La dictat
386
e l’éducation, il n’y a plus d’autre solution que
la
contrainte. La dictature est un moyen grossier, souvent barbare et to
387
il n’y a plus d’autre solution que la contrainte.
La
dictature est un moyen grossier, souvent barbare et toujours déshonor
388
ent barbare et toujours déshonorant pour ceux qui
la
subissent, mais c’est le seul moyen de transformer et d’animer un peu
389
éshonorant pour ceux qui la subissent, mais c’est
le
seul moyen de transformer et d’animer un peuple auquel on n’a pas su
390
et d’animer un peuple auquel on n’a pas su donner
le
sens civique, le sens de la communauté. Qui est-ce qui se préoccupe e
391
uple auquel on n’a pas su donner le sens civique,
le
sens de la communauté. Qui est-ce qui se préoccupe en France de donne
392
on n’a pas su donner le sens civique, le sens de
la
communauté. Qui est-ce qui se préoccupe en France de donner au peuple
393
anti-quelque chose, qui n’empêcheront rien, c’est
l’
évidence, parce qu’elles n’exigent rien de positif, ne construisent ri
394
citations verbales. Dictature ou éducation, voilà
le
dilemme. 2° Mauvais outils. — Revenons au sens précis, limité et terr
395
ens précis, limité et terre à terre des usages de
l’
île. Dès la quarantaine déjà, les hommes et les femmes ont tous le cor
396
limité et terre à terre des usages de l’île. Dès
la
quarantaine déjà, les hommes et les femmes ont tous le corps plus ou
397
rre des usages de l’île. Dès la quarantaine déjà,
les
hommes et les femmes ont tous le corps plus ou moins déjeté. Cela pro
398
de l’île. Dès la quarantaine déjà, les hommes et
les
femmes ont tous le corps plus ou moins déjeté. Cela provient évidemme
399
arantaine déjà, les hommes et les femmes ont tous
le
corps plus ou moins déjeté. Cela provient évidemment de leur position
400
aillent aux champs. Et cette position provient de
la
forme de leurs outils. Ils n’utilisent guère que des « bouelles » au
401
des « bouelles » au manche très court, recourbé à
l’
extrémité, de telle sorte que la lame fait avec le manche un angle d’e
402
court, recourbé à l’extrémité, de telle sorte que
la
lame fait avec le manche un angle d’environ 45 degrés. Cet instrument
403
l’extrémité, de telle sorte que la lame fait avec
le
manche un angle d’environ 45 degrés. Cet instrument, d’une part les o
404
e d’environ 45 degrés. Cet instrument, d’une part
les
oblige à baisser le buste au maximum, jambes écartées, pour gratter l
405
. Cet instrument, d’une part les oblige à baisser
le
buste au maximum, jambes écartées, pour gratter la terre sablonneuse,
406
e buste au maximum, jambes écartées, pour gratter
la
terre sablonneuse, d’autre part les empêche de labourer cette terre à
407
, pour gratter la terre sablonneuse, d’autre part
les
empêche de labourer cette terre à plus de quinze ou vingt centimètres
408
s de rallonge au manche, un angle plus grand avec
la
lame, cela suffirait à redresser leur corps et augmenterait le rendem
409
suffirait à redresser leur corps et augmenterait
le
rendement de leurs champs. Intrigué dès les premiers jours par l’allu
410
leurs champs. Intrigué dès les premiers jours par
l’
allure et les façons de travailler si spéciales des gens d’ici, j’ai h
411
. Intrigué dès les premiers jours par l’allure et
les
façons de travailler si spéciales des gens d’ici, j’ai hésité longtem
412
es gens d’ici, j’ai hésité longtemps à croire que
la
raison en était réellement aussi simple. Je connais tout de même asse
413
ement aussi simple. Je connais tout de même assez
la
terre pour savoir que les mêmes outils ne sont pas bons en tous pays,
414
nnais tout de même assez la terre pour savoir que
les
mêmes outils ne sont pas bons en tous pays, et je cherchais quelle pa
415
je cherchais quelle particularité locale motivait
l’
usage exclusif de cette bouelle. Je les ai questionnés : ils ont eu l’
416
le motivait l’usage exclusif de cette bouelle. Je
les
ai questionnés : ils ont eu l’air plutôt surpris. « On a toujours fai
417
urpris. « On a toujours fait comme ça. » Un jour,
le
père Renaud étant venu retourner une planche d’oignons, je lui ai off
418
retourner une planche d’oignons, je lui ai offert
les
outils à long manche qui sont dans le chai, et il a refusé. « On n’a
419
ai offert les outils à long manche qui sont dans
le
chai, et il a refusé. « On n’a pas l’habitude. » Contre-épreuve : un
420
i sont dans le chai, et il a refusé. « On n’a pas
l’
habitude. » Contre-épreuve : un petit propriétaire venu du continent i
421
e n’en sais rien4. Je me borne à constater qu’ici
les
paysans travaillent trop, se plaignent du mauvais rendement de la ter
422
illent trop, se plaignent du mauvais rendement de
la
terre, et refusent cependant de rien changer à des habitudes dont les
423
nt cependant de rien changer à des habitudes dont
les
défauts sautent aux yeux du premier venu. 13 février 1934 La presse.
424
autent aux yeux du premier venu. 13 février 1934
La
presse. — Je note à l’usage d’un futur historien des mœurs que la pre
425
ier venu. 13 février 1934 La presse. — Je note à
l’
usage d’un futur historien des mœurs que la presse « de droite » reflè
426
note à l’usage d’un futur historien des mœurs que
la
presse « de droite » reflète assez exactement la mentalité et les con
427
la presse « de droite » reflète assez exactement
la
mentalité et les conversations de la bourgeoisie conservatrice, alors
428
droite » reflète assez exactement la mentalité et
les
conversations de la bourgeoisie conservatrice, alors que la presse de
429
z exactement la mentalité et les conversations de
la
bourgeoisie conservatrice, alors que la presse de gauche ne reflète n
430
ations de la bourgeoisie conservatrice, alors que
la
presse de gauche ne reflète nullement la mentalité ni les conversatio
431
lors que la presse de gauche ne reflète nullement
la
mentalité ni les conversations populaires. C’est que les journaux soc
432
se de gauche ne reflète nullement la mentalité ni
les
conversations populaires. C’est que les journaux socialistes et commu
433
talité ni les conversations populaires. C’est que
les
journaux socialistes et communistes sont rédigés par des bourgeois, o
434
rédigés par des bourgeois, ou par des candidats à
la
bourgeoisie, en tous cas par des gens qui recherchent la « considérat
435
geoisie, en tous cas par des gens qui recherchent
la
« considération » du peuple. D’où le ton haineux typiquement petit-bo
436
recherchent la « considération » du peuple. D’où
le
ton haineux typiquement petit-bourgeois de certaines de ces feuilles.
437
ces feuilles. Je n’ai jamais retrouvé ce ton dans
le
peuple. S’il en paraît parfois, par accident, quelques traces ici ou
438
ar accident, quelques traces ici ou là, c’est que
le
peuple, en France, lit trop de journaux, ne lit que cela, et finit pa
439
urnaux, ne lit que cela, et finit par se croire «
le
Peuple », tel que l’imaginent les bourgeois et leurs journalistes. Ce
440
la, et finit par se croire « le Peuple », tel que
l’
imaginent les bourgeois et leurs journalistes. Ce n’est pas dans notre
441
par se croire « le Peuple », tel que l’imaginent
les
bourgeois et leurs journalistes. Ce n’est pas dans notre île, d’aille
442
ailleurs, que j’ai pu constater cette contagion !
Les
deux journaux locaux gardent un ton à la fois naïf et grandiloquent,
443
elui des « discussions » qu’on peut entendre dans
les
cafés du port, au chef-lieu, mais qui correspond bien à ce que les pê
444
, au chef-lieu, mais qui correspond bien à ce que
les
pêcheurs ou les paysans aiment à se faire dire, me semble-t-il. D’ail
445
mais qui correspond bien à ce que les pêcheurs ou
les
paysans aiment à se faire dire, me semble-t-il. D’ailleurs il y a peu
446
a peu de nouvelles du monde dans leurs colonnes.
Les
correspondances villageoises (accidents de bicyclette, arrivée d’un b
447
d’un bateau, prix du sel, causeries du curé ou de
l’
instituteur, mariages, décès et naissances) tiennent presque toute la
448
ages, décès et naissances) tiennent presque toute
la
place. Abîme entre la politique des amis du peuple et la réalité du p
449
ces) tiennent presque toute la place. Abîme entre
la
politique des amis du peuple et la réalité du peuple : rien ne le ren
450
e. Abîme entre la politique des amis du peuple et
la
réalité du peuple : rien ne le rend plus sensible que cette différenc
451
amis du peuple et la réalité du peuple : rien ne
le
rend plus sensible que cette différence de ton entre tel organe socia
452
ces petits journaux de campagne. 15 février 1934
Les
gens. — Si j’avais une âme de philanthrope, je chercherais à répandre
453
nthrope, je chercherais à répandre mes idées dans
la
population : j’organiserais, par exemple, un meeting pour exposer mes
454
outume de se réunir, d’être ensemble pour causer.
Le
dimanche, ils « font la partie » chez l’un ou l’autre, à quatre ou ci
455
tre ensemble pour causer. Le dimanche, ils « font
la
partie » chez l’un ou l’autre, à quatre ou cinq. On boit et on tape l
456
ou l’autre, à quatre ou cinq. On boit et on tape
le
carton sans beaucoup de paroles. C’est à cela que se réduit la vie co
457
s beaucoup de paroles. C’est à cela que se réduit
la
vie commune. Quelques-uns le déplorent parmi les vieux. Mais personne
458
à cela que se réduit la vie commune. Quelques-uns
le
déplorent parmi les vieux. Mais personne n’a l’idée de rien entrepren
459
t la vie commune. Quelques-uns le déplorent parmi
les
vieux. Mais personne n’a l’idée de rien entreprendre. Le village comp
460
s le déplorent parmi les vieux. Mais personne n’a
l’
idée de rien entreprendre. Le village comptait autrefois, paraît-il, c
461
x. Mais personne n’a l’idée de rien entreprendre.
Le
village comptait autrefois, paraît-il, cinq ou six Sociétés de caract
462
ix Sociétés de caractère utilitaire ou récréatif.
La
plus fameuse était la Clique des retraités de la Marine, qui animait
463
re utilitaire ou récréatif. La plus fameuse était
la
Clique des retraités de la Marine, qui animait de ses concerts de nom
464
La plus fameuse était la Clique des retraités de
la
Marine, qui animait de ses concerts de nombreuses fêtes villageoises.
465
fêtes villageoises. Tout cela s’est dissous quand
les
hommes sont partis pour la guerre, et rien ne s’est refait depuis. Qu
466
a s’est dissous quand les hommes sont partis pour
la
guerre, et rien ne s’est refait depuis. Quand on veut danser, on fait
467
efait depuis. Quand on veut danser, on fait venir
l’
orchestre-jazz du chef-lieu : il arrive dans un somptueux car d’excurs
468
ux associations se survivent encore. L’une, c’est
la
Mutuelle, dont l’activité principale se manifeste lors des enterremen
469
survivent encore. L’une, c’est la Mutuelle, dont
l’
activité principale se manifeste lors des enterrements : elle assure à
470
se suite pour leur dernier voyage. L’autre, c’est
la
Société coopérative de panification, réunissant dans une sorte de cor
471
rporation boulangers, minotiers et consommateurs.
Le
pain, la tombe. Deux réalités fondamentales. Voilà qui est bien dans
472
boulangers, minotiers et consommateurs. Le pain,
la
tombe. Deux réalités fondamentales. Voilà qui est bien dans l’harmoni
473
x réalités fondamentales. Voilà qui est bien dans
l’
harmonie de cette lande où l’homme et ses maisons mettent les seules v
474
là qui est bien dans l’harmonie de cette lande où
l’
homme et ses maisons mettent les seules verticales. Existence ramenée
475
de cette lande où l’homme et ses maisons mettent
les
seules verticales. Existence ramenée à ces deux dimensions premières.
476
nce ramenée à ces deux dimensions premières. Pour
la
vie, l’homme debout et actif, il faut le pain. Pour la mort, l’homme
477
née à ces deux dimensions premières. Pour la vie,
l’
homme debout et actif, il faut le pain. Pour la mort, l’homme qui se r
478
es. Pour la vie, l’homme debout et actif, il faut
le
pain. Pour la mort, l’homme qui se recouche, il faut la tombe. Il y a
479
e, l’homme debout et actif, il faut le pain. Pour
la
mort, l’homme qui se recouche, il faut la tombe. Il y a toujours quel
480
e debout et actif, il faut le pain. Pour la mort,
l’
homme qui se recouche, il faut la tombe. Il y a toujours quelque grand
481
n. Pour la mort, l’homme qui se recouche, il faut
la
tombe. Il y a toujours quelque grandeur dans les choses simples, rudi
482
t la tombe. Il y a toujours quelque grandeur dans
les
choses simples, rudimentaires. Mais quand je vois ces hommes et ces f
483
vivre, j’hésite à reconnaître dans leur existence
le
beau mythe du peuple primitif aux prises avec les éléments hostiles.
484
le beau mythe du peuple primitif aux prises avec
les
éléments hostiles. En vérité, ils vivent à peine. Ils subsistent. À l
485
a fois aux limites du continent et aux limites de
l’
humanité. Ils n’attaquent plus, ils se cramponnent. Ce ne sont pas des
486
ais de petits propriétaires qui se défendent avec
la
seule obstination de l’instinct, au niveau le plus bas où l’homme pui
487
res qui se défendent avec la seule obstination de
l’
instinct, au niveau le plus bas où l’homme puisse vivre sans misère, s
488
vec la seule obstination de l’instinct, au niveau
le
plus bas où l’homme puisse vivre sans misère, sans ambitions, sans rê
489
stination de l’instinct, au niveau le plus bas où
l’
homme puisse vivre sans misère, sans ambitions, sans rêves, sans trist
490
ne signifie pas nécessairement qu’ils aient perdu
le
sentiment de leur commune condition. Ils sont peut-être trop pareils
491
on. Ils sont peut-être trop pareils pour éprouver
le
besoin de s’unir. Ils n’ont pas à faire face à des menaces extérieure
492
seul, menace ou entreprise commune, qui rassemble
les
peuples et les pousse à créer des signes visibles de leur union : ass
493
entreprise commune, qui rassemble les peuples et
les
pousse à créer des signes visibles de leur union : assemblées, fêtes,
494
Mais ici que feraient-ils de tout cela ? Ils ont
la
liberté, et cela leur suffit, depuis cent-cinquante ans. Ils ne songe
495
cent-cinquante ans. Ils ne songent pas à en tirer
le
moindre profit positif. Ils se nourrissent mal (légumes, soupes, frui
496
de 200 000 francs, que leurs fils iront perdre à
la
ville : je crois cependant que la proportion des fous est moindre ici
497
iront perdre à la ville : je crois cependant que
la
proportion des fous est moindre ici que sur le continent. Et l’on meu
498
ue la proportion des fous est moindre ici que sur
le
continent. Et l’on meurt vieux, et les médecins ne font pas fortune.
499
des fous est moindre ici que sur le continent. Et
l’
on meurt vieux, et les médecins ne font pas fortune. Quelle conclusion
500
ici que sur le continent. Et l’on meurt vieux, et
les
médecins ne font pas fortune. Quelle conclusion tirer de tout cela ?
501
lle conclusion tirer de tout cela ? Quand on voit
les
choses et les êtres de trop près, on perd le peu de foi que l’on pouv
502
tirer de tout cela ? Quand on voit les choses et
les
êtres de trop près, on perd le peu de foi que l’on pouvait accorder a
503
oit les choses et les êtres de trop près, on perd
le
peu de foi que l’on pouvait accorder aux idéologies et aux politicien
504
les êtres de trop près, on perd le peu de foi que
l’
on pouvait accorder aux idéologies et aux politiciens. Il faut vivre à
505
— c’est son mystère — mais ne dites pas que vous
le
faites pour son bonheur, car il est plus « heureux » que vous. Il fau
506
uement à une vérité absolue, qui vaille mieux que
la
paix et le bonheur, pour oser bouleverser la petite vie de notre île.
507
e vérité absolue, qui vaille mieux que la paix et
le
bonheur, pour oser bouleverser la petite vie de notre île. À noter et
508
que la paix et le bonheur, pour oser bouleverser
la
petite vie de notre île. À noter et à souligner : seules les guerres
509
vie de notre île. À noter et à souligner : seules
les
guerres de religion ont tiré de l’héroïsme de ce peuple. Mais combien
510
gner : seules les guerres de religion ont tiré de
l’
héroïsme de ce peuple. Mais combien se feraient tuer aujourd’hui pour
511
r sauver leur pratique ? On en vient à penser que
le
régime qui convient le mieux à cette vie obscure — j’entends celui qu
512
? On en vient à penser que le régime qui convient
le
mieux à cette vie obscure — j’entends celui qui la contente le mieux
513
e mieux à cette vie obscure — j’entends celui qui
la
contente le mieux à défaut de la développer —, c’est encore la Troisi
514
tte vie obscure — j’entends celui qui la contente
le
mieux à défaut de la développer —, c’est encore la Troisième Républiq
515
ntends celui qui la contente le mieux à défaut de
la
développer —, c’est encore la Troisième République : un État faible,
516
re la Troisième République : un État faible, dont
le
centre est lointain, qui ne croit à rien, et qui par suite ne peut ri
517
xiger de sérieux. Mais il y a d’autres aspects de
la
question. Le sel ne se vend plus depuis un an, et c’était la ressourc
518
eux. Mais il y a d’autres aspects de la question.
Le
sel ne se vend plus depuis un an, et c’était la ressource principale
519
. Le sel ne se vend plus depuis un an, et c’était
la
ressource principale des villages. Le chef-lieu est en train de deven
520
et c’était la ressource principale des villages.
Le
chef-lieu est en train de devenir la proie des politiciens de Paris.
521
es villages. Le chef-lieu est en train de devenir
la
proie des politiciens de Paris. Un dimanche, ce sont les enfants comm
522
ie des politiciens de Paris. Un dimanche, ce sont
les
enfants communistes de la colonie de vacances qui défilent en maillot
523
. Un dimanche, ce sont les enfants communistes de
la
colonie de vacances qui défilent en maillots rouges et l’on pousse de
524
ie de vacances qui défilent en maillots rouges et
l’
on pousse des « cris séditieux » ; le dimanche suivant, ce sont les en
525
ts rouges et l’on pousse des « cris séditieux » ;
le
dimanche suivant, ce sont les enfants de la fondation « de droite » e
526
« cris séditieux » ; le dimanche suivant, ce sont
les
enfants de la fondation « de droite » et on les applaudit : la fondat
527
x » ; le dimanche suivant, ce sont les enfants de
la
fondation « de droite » et on les applaudit : la fondation fait vivre
528
t les enfants de la fondation « de droite » et on
les
applaudit : la fondation fait vivre beaucoup de personnes de l’île. L
529
la fondation « de droite » et on les applaudit :
la
fondation fait vivre beaucoup de personnes de l’île. La moitié des ma
530
la fondation fait vivre beaucoup de personnes de
l’
île. La moitié des maisons sont vides, et quelques-unes déjà tombent e
531
dation fait vivre beaucoup de personnes de l’île.
La
moitié des maisons sont vides, et quelques-unes déjà tombent en ruine
532
alors, qui va venir un beau jour, de Paris, faire
la
loi dans notre village ? 15 mars 1934 Je rentre de Vendée. On m’avait
533
rapporte deux séries d’observations nouvelles sur
la
province, et je crois d’autant plus utile de les consigner qu’elles m
534
r la province, et je crois d’autant plus utile de
les
consigner qu’elles modifient sensiblement certains jugements auxquels
535
blement certains jugements auxquels m’avait amené
la
considération de mon île. Il faut parler d’abord des autocars. Je ne
536
l faut parler d’abord des autocars. Je ne sais si
l’
on se doute à Paris de l’importance des autocars et des transformation
537
autocars. Je ne sais si l’on se doute à Paris de
l’
importance des autocars et des transformations qu’ils sont en train de
538
ansformations qu’ils sont en train de causer dans
la
vie provinciale. Je n’ai pas compté le nombre de lignes actuellement
539
auser dans la vie provinciale. Je n’ai pas compté
le
nombre de lignes actuellement exploitées. Mais j’ai pu constater, dan
540
j’ai pu constater, dans plusieurs départements de
l’
Ouest, qu’il n’est plus guère de « pays » qui ne soit desservi par une
541
ait modifier plus rapidement et plus profondément
la
coutume de la France rurale. Mais ce n’est pas encore assez dire : l’
542
lus rapidement et plus profondément la coutume de
la
France rurale. Mais ce n’est pas encore assez dire : l’autocar modifi
543
nce rurale. Mais ce n’est pas encore assez dire :
l’
autocar modifie complètement le mode de contact entre le voyageur et l
544
ncore assez dire : l’autocar modifie complètement
le
mode de contact entre le voyageur et la province. Naguère encore, qua
545
car modifie complètement le mode de contact entre
le
voyageur et la province. Naguère encore, quand on n’avait que les che
546
plètement le mode de contact entre le voyageur et
la
province. Naguère encore, quand on n’avait que les chemins de fer, to
547
la province. Naguère encore, quand on n’avait que
les
chemins de fer, tout convergeait vers Paris, non seulement du fait d’
548
viaire centralisée, mais encore sentimentalement.
Le
confort relatif des grandes lignes indiquait qu’on allait à Paris ou
549
ait qu’on allait à Paris ou qu’on en venait. Tout
le
reste n’était que tortillards cahotants, jamais à l’heure, où l’on se
550
reste n’était que tortillards cahotants, jamais à
l’
heure, où l’on se sentait relégué à l’écart de la « vraie » circulatio
551
t que tortillards cahotants, jamais à l’heure, où
l’
on se sentait relégué à l’écart de la « vraie » circulation. Et l’on n
552
s, jamais à l’heure, où l’on se sentait relégué à
l’
écart de la « vraie » circulation. Et l’on ne voyait guère que des gar
553
l’heure, où l’on se sentait relégué à l’écart de
la
« vraie » circulation. Et l’on ne voyait guère que des gares, ce qu’i
554
relégué à l’écart de la « vraie » circulation. Et
l’
on ne voyait guère que des gares, ce qu’il y a de plus attristant dans
555
plus attristant dans chaque village. Aujourd’hui,
les
stations d’autocars sont sur la place principale. C’est de là qu’on p
556
ge. Aujourd’hui, les stations d’autocars sont sur
la
place principale. C’est de là qu’on part au milieu d’une grande afflu
557
arrive à grand son de trompe, c’est enfin ce que
l’
on voit le mieux de chaque pays. La voie ferrée était une sorte d’insu
558
grand son de trompe, c’est enfin ce que l’on voit
le
mieux de chaque pays. La voie ferrée était une sorte d’insulte à la v
559
t enfin ce que l’on voit le mieux de chaque pays.
La
voie ferrée était une sorte d’insulte à la vie locale : elle la trave
560
pays. La voie ferrée était une sorte d’insulte à
la
vie locale : elle la traversait abstraitement, sans la voir, sans ten
561
était une sorte d’insulte à la vie locale : elle
la
traversait abstraitement, sans la voir, sans tenir compte de ses circ
562
e locale : elle la traversait abstraitement, sans
la
voir, sans tenir compte de ses circonstances. Sur ses bords ne vivait
563
s ne vivait qu’une population nomade, qui portait
l’
uniforme de l’État, partout, la même. Vous pouviez parcourir vingt foi
564
’une population nomade, qui portait l’uniforme de
l’
État, partout, la même. Vous pouviez parcourir vingt fois la France de
565
omade, qui portait l’uniforme de l’État, partout,
la
même. Vous pouviez parcourir vingt fois la France de part en part, sa
566
rtout, la même. Vous pouviez parcourir vingt fois
la
France de part en part, sans remarquer que les gens qui l’habitent ne
567
ois la France de part en part, sans remarquer que
les
gens qui l’habitent ne sont pas tous de la même sorte, et que d’une p
568
de part en part, sans remarquer que les gens qui
l’
habitent ne sont pas tous de la même sorte, et que d’une province à un
569
r que les gens qui l’habitent ne sont pas tous de
la
même sorte, et que d’une province à une autre, ce n’est pas seulement
570
’une province à une autre, ce n’est pas seulement
le
paysage qui change. N’était-ce pas là l’une des raisons qui faisait s
571
l’une des raisons qui faisait si facilement nier
la
subsistance des « petites patries » dans la nation abstraitement unif
572
nier la subsistance des « petites patries » dans
la
nation abstraitement unifiée ? La ligne d’autocar fait partie du pays
573
patries » dans la nation abstraitement unifiée ?
La
ligne d’autocar fait partie du pays. Elle en épouse la géographie phy
574
gne d’autocar fait partie du pays. Elle en épouse
la
géographie physique, mais aussi humaine. Elle quitte à tout propos la
575
ue, mais aussi humaine. Elle quitte à tout propos
la
route nationale pour des chemins secondaires ou des ruelles à peine p
576
econdaires ou des ruelles à peine plus larges que
la
voiture. Mais aussi elle tient compte des rythmes de la vie locale, d
577
ture. Mais aussi elle tient compte des rythmes de
la
vie locale, du calendrier des marées, de l’heure matinale des foires,
578
es de la vie locale, du calendrier des marées, de
l’
heure matinale des foires, dans les districts ruraux, et ailleurs de l
579
des marées, de l’heure matinale des foires, dans
les
districts ruraux, et ailleurs de l’entrée et de la sortie des usines
580
foires, dans les districts ruraux, et ailleurs de
l’
entrée et de la sortie des usines ou des écoles. La simple intention d
581
s districts ruraux, et ailleurs de l’entrée et de
la
sortie des usines ou des écoles. La simple intention d’utiliser ce mo
582
’entrée et de la sortie des usines ou des écoles.
La
simple intention d’utiliser ce moyen de transport vous met en contact
583
pour obtenir un minimum de précisions concernant
l’
heure du prochain départ et la destination des diverses voitures qui s
584
écisions concernant l’heure du prochain départ et
la
destination des diverses voitures qui stationnent sur la place. C’est
585
ination des diverses voitures qui stationnent sur
la
place. C’est que chaque compagnie a sa tête de ligne chez un bistro d
586
ro différent, et il est rare qu’on puisse trouver
l’
horaire ailleurs. Parfois le bistro vend aussi les billets ; et c’est
587
qu’on puisse trouver l’horaire ailleurs. Parfois
le
bistro vend aussi les billets ; et c’est chez lui qu’on attend le dép
588
l’horaire ailleurs. Parfois le bistro vend aussi
les
billets ; et c’est chez lui qu’on attend le départ. Pour peu que l’on
589
ussi les billets ; et c’est chez lui qu’on attend
le
départ. Pour peu que l’on manifeste la moindre curiosité on ne tarde
590
est chez lui qu’on attend le départ. Pour peu que
l’
on manifeste la moindre curiosité on ne tarde pas à y apprendre pas ma
591
’on attend le départ. Pour peu que l’on manifeste
la
moindre curiosité on ne tarde pas à y apprendre pas mal d’histoires,
592
rendre pas mal d’histoires, dont j’indiquerai ici
l’
enchaînement à peu près immuable. Cela commence par quelques anecdotes
593
mmuable. Cela commence par quelques anecdotes sur
l’
installation de la ligne et sur la concurrente qui a fait baisser les
594
ence par quelques anecdotes sur l’installation de
la
ligne et sur la concurrente qui a fait baisser les prix. Car il est d
595
s anecdotes sur l’installation de la ligne et sur
la
concurrente qui a fait baisser les prix. Car il est de règle qu’au dé
596
la ligne et sur la concurrente qui a fait baisser
les
prix. Car il est de règle qu’au début deux Compagnies se disputent le
597
de règle qu’au début deux Compagnies se disputent
le
parcours, jusqu’à ce que l’une des deux fasse faillite, ou réussisse
598
» sa renonciation, quitte à recommencer aussitôt
le
petit jeu sur un autre parcours5. De là à des potins sur les personna
599
eu sur un autre parcours5. De là à des potins sur
les
personnalités de l’endroit, sur le rôle qu’ont joué dans l’affaire le
600
urs5. De là à des potins sur les personnalités de
l’
endroit, sur le rôle qu’ont joué dans l’affaire le sous-préfet, ou le
601
es potins sur les personnalités de l’endroit, sur
le
rôle qu’ont joué dans l’affaire le sous-préfet, ou le député, ou dive
602
alités de l’endroit, sur le rôle qu’ont joué dans
l’
affaire le sous-préfet, ou le député, ou divers margoulins, topazes, e
603
l’endroit, sur le rôle qu’ont joué dans l’affaire
le
sous-préfet, ou le député, ou divers margoulins, topazes, etc. Si l’o
604
ôle qu’ont joué dans l’affaire le sous-préfet, ou
le
député, ou divers margoulins, topazes, etc. Si l’on a le temps, il n’
605
le député, ou divers margoulins, topazes, etc. Si
l’
on a le temps, il n’est pas impossible de pousser la « discussion » su
606
té, ou divers margoulins, topazes, etc. Si l’on a
le
temps, il n’est pas impossible de pousser la « discussion » sur un pl
607
on a le temps, il n’est pas impossible de pousser
la
« discussion » sur un plan supérieur, d’aborder par exemple la questi
608
on » sur un plan supérieur, d’aborder par exemple
la
question du capitalisme en général. Bref, lorsque vous montez dans l’
609
alisme en général. Bref, lorsque vous montez dans
l’
autocar, vous êtes renseigné, vaille que vaille, sur les facteurs écon
610
ocar, vous êtes renseigné, vaille que vaille, sur
les
facteurs économiques du pays, sur les noms des notables et sur le jeu
611
vaille, sur les facteurs économiques du pays, sur
les
noms des notables et sur le jeu des partis politiques. Et que dire ma
612
omiques du pays, sur les noms des notables et sur
le
jeu des partis politiques. Et que dire maintenant du voyage lui-même
613
C’est une résurrection de ce que Vigny pleurait,
la
poésie des diligences, mais aérée. C’est fait d’une foule d’incidents
614
vif et qui change de tête plusieurs fois pendant
le
trajet, de coups de main aux voyageurs chargés de paquets ou d’un jeu
615
et admiré, d’arrêts et de détours imprévus — car
les
chauffeurs acceptent volontiers toutes sortes de petites commissions
616
nt rares, ceux qui n’ont pas deux mots à dire par
la
portière entrouverte un instant à la fille de l’auberge écartée qui a
617
s à dire par la portière entrouverte un instant à
la
fille de l’auberge écartée qui attend le passage du car, les cheveux
618
la portière entrouverte un instant à la fille de
l’
auberge écartée qui attend le passage du car, les cheveux au vent, sur
619
nstant à la fille de l’auberge écartée qui attend
le
passage du car, les cheveux au vent, sur le bord de la route. Rien de
620
e l’auberge écartée qui attend le passage du car,
les
cheveux au vent, sur le bord de la route. Rien de plus sympathique qu
621
ttend le passage du car, les cheveux au vent, sur
le
bord de la route. Rien de plus sympathique que les conducteurs de car
622
ssage du car, les cheveux au vent, sur le bord de
la
route. Rien de plus sympathique que les conducteurs de car. Cela tien
623
le bord de la route. Rien de plus sympathique que
les
conducteurs de car. Cela tient évidemment à leur métier. Ce sont, en
624
unes gaillards solides et gais, et qui ont toutes
les
raisons d’aimer le travail et de le faire bien : c’est moderne, c’est
625
es et gais, et qui ont toutes les raisons d’aimer
le
travail et de le faire bien : c’est moderne, c’est sportif, cela vous
626
i ont toutes les raisons d’aimer le travail et de
le
faire bien : c’est moderne, c’est sportif, cela vous pose dans l’espr
627
c’est moderne, c’est sportif, cela vous pose dans
l’
esprit des populations, on se sent maître à bord de sa puissante machi
628
se sent maître à bord de sa puissante machine, et
l’
on bénéficie de ces petites faveurs que les femmes ont toujours accord
629
ine, et l’on bénéficie de ces petites faveurs que
les
femmes ont toujours accordées à ceux qui commandent et disposent, ne
630
que pour une heure, de leur vie. Oui, voilà bien
les
hommes avec lesquels je rêverais d’entreprendre une belle révolution,
631
entreprendre une belle révolution, qui rajeunisse
la
France : ils ont la bonne humeur, le dynamisme, le sens pratique et l
632
le révolution, qui rajeunisse la France : ils ont
la
bonne humeur, le dynamisme, le sens pratique et la rapidité d’esprit
633
i rajeunisse la France : ils ont la bonne humeur,
le
dynamisme, le sens pratique et la rapidité d’esprit que les bourgeois
634
a France : ils ont la bonne humeur, le dynamisme,
le
sens pratique et la rapidité d’esprit que les bourgeois, qui en sont
635
a bonne humeur, le dynamisme, le sens pratique et
la
rapidité d’esprit que les bourgeois, qui en sont dépourvus, attribuen
636
sme, le sens pratique et la rapidité d’esprit que
les
bourgeois, qui en sont dépourvus, attribuent par erreur au « peuple »
637
par erreur au « peuple » en général. Sans compter
les
moyens techniques dont ils disposent et qui seraient décisifs lors d’
638
rapide. Mais loin de moi ces ambitions : ceux qui
les
ont n’en parlent pas, dit-on. Et je ne suis qu’un écrivain. Ceci me r
639
t de conversation que j’aurais dû noter plus tôt.
Le
monsieur rencontré dans l’autocar de Taillefer voulait savoir quel ét
640
ais dû noter plus tôt. Le monsieur rencontré dans
l’
autocar de Taillefer voulait savoir quel était mon métier. Et quand j’
641
je n’étais qu’un écrivain, et chômeur par-dessus
le
marché, il s’écria : — Ah ! cher monsieur, je vous envie ! Vous avez
642
envie ! Vous avez un rôle magnifique à jouer dans
la
société. Vous avez le temps de réfléchir, et de nous faire part de vo
643
ôle magnifique à jouer dans la société. Vous avez
le
temps de réfléchir, et de nous faire part de vos lumières, et sans vo
644
normal, mettons qu’un fonctionnaire (c’était pour
le
flatter), et cela tient aux circonstances mêmes qui l’ont mis dans le
645
atter), et cela tient aux circonstances mêmes qui
l’
ont mis dans le cas d’écrire. Car, ou bien l’on écrit ce que l’on ne p
646
tient aux circonstances mêmes qui l’ont mis dans
le
cas d’écrire. Car, ou bien l’on écrit ce que l’on ne peut pas faire,
647
qui l’ont mis dans le cas d’écrire. Car, ou bien
l’
on écrit ce que l’on ne peut pas faire, et c’est l’aveu d’une faibless
648
s le cas d’écrire. Car, ou bien l’on écrit ce que
l’
on ne peut pas faire, et c’est l’aveu d’une faiblesse ou d’une ambitio
649
’on écrit ce que l’on ne peut pas faire, et c’est
l’
aveu d’une faiblesse ou d’une ambition excessive, deux choses qui comp
650
ition excessive, deux choses qui compliquent fort
la
vie, je crois ; ou bien l’on écrit des choses intelligentes, et c’est
651
s qui compliquent fort la vie, je crois ; ou bien
l’
on écrit des choses intelligentes, et c’est encore l’aveu d’une inadap
652
n écrit des choses intelligentes, et c’est encore
l’
aveu d’une inadaptation cruelle aux mœurs et coutumes de ce temps ; ou
653
simplement pour gagner sa chienne de vie et c’est
le
bon moyen de traîner la misère la plus honteuse qui se puisse imagine
654
a chienne de vie et c’est le bon moyen de traîner
la
misère la plus honteuse qui se puisse imaginer, dans les antres rédac
655
de vie et c’est le bon moyen de traîner la misère
la
plus honteuse qui se puisse imaginer, dans les antres rédactionnels.
656
ère la plus honteuse qui se puisse imaginer, dans
les
antres rédactionnels. Je dis les antres. De toute façon, un écrivain
657
e imaginer, dans les antres rédactionnels. Je dis
les
antres. De toute façon, un écrivain est par nature un empêtré. Et voi
658
, un écrivain est par nature un empêtré. Et voilà
le
paradoxe et l’injustice : c’est qu’on attend, qu’on exige même de ces
659
st par nature un empêtré. Et voilà le paradoxe et
l’
injustice : c’est qu’on attend, qu’on exige même de ces gens-là des ve
660
me de ces gens-là des vertus au-dessus du commun,
la
révélation de secrets qui suffiraient à rendre heureux les plus indig
661
ation de secrets qui suffiraient à rendre heureux
les
plus indignes, et ingénieux les plus balourds, enfin je ne sais quell
662
à rendre heureux les plus indignes, et ingénieux
les
plus balourds, enfin je ne sais quelle supériorité humaine, quel luxe
663
ne, quel luxe d’énergie ou d’invention qui, s’ils
les
possédaient vraiment, feraient de leurs détenteurs non point des écri
664
quand vous aurez compris cela, vous cesserez, je
le
crains, d’envier ma condition… 16 mars 1934 D’un autre « peuple ». —
665
es de jeunes cultivateurs. Eux-mêmes avaient fixé
la
liste des sujets qu’ils désiraient étudier au cours de l’hiver, avec
666
des sujets qu’ils désiraient étudier au cours de
l’
hiver, avec l’aide de plusieurs orateurs bénévoles, pasteurs, institut
667
’ils désiraient étudier au cours de l’hiver, avec
l’
aide de plusieurs orateurs bénévoles, pasteurs, instituteurs ou autres
668
nstituteurs ou autres « personnes instruites » de
la
région. On m’avait prié de parler des révolutions russes de 1905 et d
669
des révolutions russes de 1905 et de 1917, et de
l’
état actuel de l’URSS. Ils étaient venus par groupes, à bicyclette ou
670
russes de 1905 et de 1917, et de l’état actuel de
l’
URSS. Ils étaient venus par groupes, à bicyclette ou en charrettes, d
671
r groupes, à bicyclette ou en charrettes, de tous
les
villages voisins. Du haut de la colline où nous étions tous réunis po
672
rrettes, de tous les villages voisins. Du haut de
la
colline où nous étions tous réunis pour déjeuner, on dominait tout un
673
un canton de marécages mélancoliques ; et parfois
l’
on voyait scintiller, dans un lointain nuageux et sous une trouée d’or
674
dans un lointain nuageux et sous une trouée d’or,
la
mer. La petite salle des cours ruraux peut contenir une centaine d’au
675
lointain nuageux et sous une trouée d’or, la mer.
La
petite salle des cours ruraux peut contenir une centaine d’auditeurs.
676
rs ruraux peut contenir une centaine d’auditeurs.
L’
orateur doit se tenir debout au milieu d’eux, de manière à pouvoir, to
677
pouvoir, tout en parlant, passer des clichés dans
la
lanterne à projection. Pour assurer le fameux « contact avec le publi
678
ichés dans la lanterne à projection. Pour assurer
le
fameux « contact avec le public », rien ne vaut cette proximité physi
679
projection. Pour assurer le fameux « contact avec
le
public », rien ne vaut cette proximité physique. Je leur parlai penda
680
ni haies, sans chemins creux et sans secrets, où
les
hommes vivent sans calcul ni prudence, dans la misère et dans la comm
681
ù les hommes vivent sans calcul ni prudence, dans
la
misère et dans la communion, superstitieux, poètes, bons et fous. Je
682
t sans calcul ni prudence, dans la misère et dans
la
communion, superstitieux, poètes, bons et fous. Je décrivis les révol
683
superstitieux, poètes, bons et fous. Je décrivis
les
révoltes obscures de ces masses opprimées et naïves, conduites par de
684
intellectuels bannis ou petits nobles déclassés,
le
triomphe implacable de Lénine, l’enthousiasme du plan de cinq ans. Et
685
bles déclassés, le triomphe implacable de Lénine,
l’
enthousiasme du plan de cinq ans. Et je m’étonnais tout en parlant de
686
pée contemporaine : tout cela se dégageait ici de
la
mesquinerie hargneuse des polémiques et des partis pris, devenait lég
687
et des partis pris, devenait légendaire, prenait
le
rythme et les couleurs grandioses et irréelles de la page d’histoire.
688
s pris, devenait légendaire, prenait le rythme et
les
couleurs grandioses et irréelles de la page d’histoire. Mensonge de l
689
rythme et les couleurs grandioses et irréelles de
la
page d’histoire. Mensonge de la distance et de la simplification, vér
690
s et irréelles de la page d’histoire. Mensonge de
la
distance et de la simplification, vérité de la fable qui donne une fo
691
la page d’histoire. Mensonge de la distance et de
la
simplification, vérité de la fable qui donne une forme grande à nos o
692
de la distance et de la simplification, vérité de
la
fable qui donne une forme grande à nos obscurs et grands désirs infor
693
nformulés. En finissant, je craignis un moment de
les
avoir trompés, de les avoir rendus jaloux d’une espèce d’imagerie d’É
694
t, je craignis un moment de les avoir trompés, de
les
avoir rendus jaloux d’une espèce d’imagerie d’Épinal, malgré moi trop
695
ntes peintures de paradis modernisé que vulgarise
la
propagande communiste. Mais leurs questions ne tardèrent pas à me ras
696
rchait vraiment là-bas, aussi bien que j’avais pu
le
laisser croire ; si ce n’était pas encore un de ces régimes de dictat
697
it pas encore un de ces régimes de dictature ; si
les
paysans avaient plus de liberté qu’auparavant, etc. Mais ce qui me su
698
nt, etc. Mais ce qui me surprit davantage, ce fut
la
question franche d’un garçon de vingt ans, costaud, l’air intelligent
699
estion franche d’un garçon de vingt ans, costaud,
l’
air intelligent et ouvert : « Pensez-vous qu’on pourrait faire la même
700
nt et ouvert : « Pensez-vous qu’on pourrait faire
la
même chose ici ? » Pour sa part, il était sceptique. Il pensait qu’en
701
part, il était sceptique. Il pensait qu’en Vendée
les
choses ne seraient pas si simples, que la situation matérielle était
702
Vendée les choses ne seraient pas si simples, que
la
situation matérielle était meilleure et demandait un développement to
703
r ici, garder sa liberté et se gouverner comme on
l’
entendait. Et je me disais, en l’écoutant : « En voilà un que l’on pou
704
uverner comme on l’entendait. Et je me disais, en
l’
écoutant : « En voilà un que l’on pourrait sans honte présenter aux je
705
t je me disais, en l’écoutant : « En voilà un que
l’
on pourrait sans honte présenter aux jeunes Russes, aux jeunes Alleman
706
davantage : tout cela est encore moins clair dans
la
réalité que dans ce résumé). Quand j’ai projeté sur la paroi blanche
707
alité que dans ce résumé). Quand j’ai projeté sur
la
paroi blanche de la salle la photo de Kalinine, président de l’URSS,
708
sumé). Quand j’ai projeté sur la paroi blanche de
la
salle la photo de Kalinine, président de l’URSS, debout dans un champ
709
and j’ai projeté sur la paroi blanche de la salle
la
photo de Kalinine, président de l’URSS, debout dans un champ, en cost
710
he de la salle la photo de Kalinine, président de
l’
URSS, debout dans un champ, en costume de moujik, il y a eu un profond
711
a causerie, évitant de prononcer mon jugement sur
les
faits que je venais d’exposer, afin de voir si mes auditeurs étaient
712
exposer, afin de voir si mes auditeurs étaient de
la
même espèce que ceux de l’île : cette série de questions précises et
713
s auditeurs étaient de la même espèce que ceux de
l’
île : cette série de questions précises et ce désir de rapporter ce qu
714
conscience de leur autonomie… Je ne bifferai pas
les
conclusions que j’avais tirées de la conférence à A… Elles sont égale
715
ifferai pas les conclusions que j’avais tirées de
la
conférence à A… Elles sont également vraies. Ce qui est faux, c’est d
716
faux, c’est de parler du peuple en général. « On
le
savait depuis longtemps ». On sait tant de choses qu’on n’a jamais pr
717
s ». On sait tant de choses qu’on n’a jamais pris
la
peine de connaître, chez les « intellectuels ». 17 mars 1934 L’insti
718
qu’on n’a jamais pris la peine de connaître, chez
les
« intellectuels ». 17 mars 1934 L’instituteur vendéen. — Nous étions
719
naître, chez les « intellectuels ». 17 mars 1934
L’
instituteur vendéen. — Nous étions assis dans sa cuisine avec sa femme
720
uls, sans direction. Nous ne savons pas que lire.
Le
travail est dur, ici. Il faut lutter contre les parents, contre la co
721
e. Le travail est dur, ici. Il faut lutter contre
les
parents, contre la concurrence de l’école libre qui nous a pris les d
722
r, ici. Il faut lutter contre les parents, contre
la
concurrence de l’école libre qui nous a pris les deux tiers de nos él
723
tter contre les parents, contre la concurrence de
l’
école libre qui nous a pris les deux tiers de nos élèves. On aurait be
724
e la concurrence de l’école libre qui nous a pris
les
deux tiers de nos élèves. On aurait besoin de nourriture intellectuel
725
efois on nous envoie des journaux ou des revues à
l’
essai, mais c’est toujours de la politique. Quand j’étais jeune, j’ai
726
x ou des revues à l’essai, mais c’est toujours de
la
politique. Quand j’étais jeune, j’ai beaucoup lu Anatole France, c’es
727
atole France, c’est à cause de lui que j’ai perdu
la
foi. J’aimais aussi Romain Rolland. Est-ce qu’il est mort ? Vous ne p
728
. Il faudrait en lire deux au moins pour corriger
les
mensonges. Ce qu’ils peuvent tous mentir ! On ne peut plus avoir conf
729
ous mentir ! On ne peut plus avoir confiance dans
les
partis. C’est aussi à cause de cette centralisation : qu’est-ce qu’il
730
i essayé de faire une liste de livres à lire pour
l’
instituteur de M… Je ne trouve à lui recommander que des traductions.
731
ne trouve à lui recommander que des traductions.
La
littérature moderne en France n’a guère à donner à ceux qui ont faim
732
n. On dirait que tout son effort est de s’écarter
le
plus possible de ce qui est simplement vrai. Je comprends assez bien
733
utile et humaine… Auparavant, ils croyaient comme
les
autres que c’était plutôt ridicule. Telle est la pauvre chance des «
734
les autres que c’était plutôt ridicule. Telle est
la
pauvre chance des « intellectuels » : il a fallu un nouveau conformis
735
ctuels » : il a fallu un nouveau conformisme pour
les
libérer de l’ancien ; — et l’alibi d’une action politique à laquelle
736
fallu un nouveau conformisme pour les libérer de
l’
ancien ; — et l’alibi d’une action politique à laquelle ils n’entenden
737
u conformisme pour les libérer de l’ancien ; — et
l’
alibi d’une action politique à laquelle ils n’entendent goutte. 1. D
738
goutte. 1. Deux petits journaux paraissent dans
l’
île. L’un est aux mains de M. T…, député de droite, et des « curés ».
739
ntifasciste ». 2. Village à l’autre extrémité de
l’
île. 3. Combien d’ailleurs savent que ce mot peut désigner autre chos
740
long, surtout dans un terrain sablonneux ». Reste
la
question de savoir s’il est normal de se déformer le corps pour gagne
741
question de savoir s’il est normal de se déformer
le
corps pour gagner un peu plus. Or ils y sont, pour la plupart, contra
742
un seul bidon d’essence. Simplement, ils vendent
la
menace d’utiliser le parcours d’une Compagnie en exercice. a. Rouge
743
nce. Simplement, ils vendent la menace d’utiliser
le
parcours d’une Compagnie en exercice. a. Rougemont Denis de, « Pays
744
n exercice. a. Rougemont Denis de, « Paysans de
l’
Ouest », La Revue de Paris, Paris, juin 1937, p. 826-851. b. Introdui
745
a. Rougemont Denis de, « Paysans de l’Ouest »,
La
Revue de Paris, Paris, juin 1937, p. 826-851. b. Introduit par la no
746
, Paris, juin 1937, p. 826-851. b. Introduit par
la
note suivante : « M. Denis de Rougemont, qui a publié récemment un re
747
, qui a publié récemment un remarquable essai sur
la
culture dans la société actuelle, Penser avec les mains , a noté, da
748
écemment un remarquable essai sur la culture dans
la
société actuelle, Penser avec les mains , a noté, dans un journal in
749
ournal intime tenu au cours d’un long séjour dans
l’
île de Ré et en Vendée, ses impressions sur la vie des paysans en géné
750
ans l’île de Ré et en Vendée, ses impressions sur
la
vie des paysans en général et sur leurs aspirations politiques en par
751
ons politiques en particulier. Ces aspirations, à
la
vérité, sont extrêmement imprécises. Il y a, en France, un divorce an
752
s. Il y a, en France, un divorce angoissant entre
les
réalités humaines et la terminologie et la doctrine politiques. Les p
753
divorce angoissant entre les réalités humaines et
la
terminologie et la doctrine politiques. Les pages qu’on va lire, nour
754
entre les réalités humaines et la terminologie et
la
doctrine politiques. Les pages qu’on va lire, nourries d’observations
755
nes et la terminologie et la doctrine politiques.
Les
pages qu’on va lire, nourries d’observations précises, en apportent d
756
L’
Âme romantique et le rêve (15 août 1939)c Le recours à l’inconscien
757
L’Âme romantique et
le
rêve (15 août 1939)c Le recours à l’inconscient, pour expliquer la
758
L’Âme romantique et le rêve (15 août 1939)c
Le
recours à l’inconscient, pour expliquer la conduite des individus ou
759
ntique et le rêve (15 août 1939)c Le recours à
l’
inconscient, pour expliquer la conduite des individus ou des collectiv
760
9)c Le recours à l’inconscient, pour expliquer
la
conduite des individus ou des collectivités, c’est l’un des traits ty
761
’est l’un des traits typiques de notre siècle. Or
l’
inconscient est la grande découverte — ou l’invention — des romantique
762
ts typiques de notre siècle. Or l’inconscient est
la
grande découverte — ou l’invention — des romantiques allemands. C’est
763
e. Or l’inconscient est la grande découverte — ou
l’
invention — des romantiques allemands. C’est donc l’une de nos origine
764
iques allemands. C’est donc l’une de nos origines
les
plus profondes que nous révèle M. Albert Béguin, en publiant son gros
765
M. Albert Béguin, en publiant son gros volume sur
L’
Âme romantique et le rêve. Livre charmant et capiteux, malgré sa gravi
766
publiant son gros volume sur L’Âme romantique et
le
rêve. Livre charmant et capiteux, malgré sa gravité d’ailleurs jamais
767
a gravité d’ailleurs jamais sévère ; au point que
l’
on craindrait d’en détourner certains lecteurs en remarquant que c’est
768
t que c’est aussi un ouvrage d’actualité, au sens
le
plus pénétrant de ce terme. Et pourtant, il faut bien le dire : cette
769
pénétrant de ce terme. Et pourtant, il faut bien
le
dire : cette révélation du romantisme allemand dans ce qu’il eut d’au
770
use. Et par là même — car nous vivons au seuil de
l’
ère des mystiques collectives — cette lecture nous introduit aux verti
771
d’où sont nés des mouvements politiques tels que
le
national-socialisme. Peu à peu, elle dévoile à nos yeux une sorte d’u
772
gue de rêves a submergé notre littérature, depuis
la
guerre ; et voici que renaît, d’une manière bien frappante, l’intérêt
773
t voici que renaît, d’une manière bien frappante,
l’
intérêt de beaucoup pour les études mystiques ; voici que se répand l’
774
anière bien frappante, l’intérêt de beaucoup pour
les
études mystiques ; voici que se répand l’usage, et même l’abus, du te
775
p pour les études mystiques ; voici que se répand
l’
usage, et même l’abus, du terme de « mystique » dans l’ordre politique
776
mystiques ; voici que se répand l’usage, et même
l’
abus, du terme de « mystique » dans l’ordre politique ; voici enfin qu
777
ge, et même l’abus, du terme de « mystique » dans
l’
ordre politique ; voici enfin qu’un grand empire réalise au milieu de
778
ici enfin qu’un grand empire réalise au milieu de
l’
Europe la plus inquiétante synthèse de religiosité, de politique, de r
779
qu’un grand empire réalise au milieu de l’Europe
la
plus inquiétante synthèse de religiosité, de politique, de rêve et de
780
ur secrète complicité, rien n’est plus propre que
l’
ouvrage d’Albert Béguin à nous guider dans la pénombre où s’émeut leur
781
que l’ouvrage d’Albert Béguin à nous guider dans
la
pénombre où s’émeut leur commune origine. I. Le Rêve et la Mystique
782
la pénombre où s’émeut leur commune origine. I.
Le
Rêve et la Mystique La conscience claire est la première conquête
783
où s’émeut leur commune origine. I. Le Rêve et
la
Mystique La conscience claire est la première conquête spirituelle
784
r commune origine. I. Le Rêve et la Mystique
La
conscience claire est la première conquête spirituelle des hommes ang
785
ère conquête spirituelle des hommes angoissés par
le
mystère d’une nature hostile et mouvante. La parole de raison, qui di
786
par le mystère d’une nature hostile et mouvante.
La
parole de raison, qui distingue les choses, les arrête et les identif
787
e et mouvante. La parole de raison, qui distingue
les
choses, les arrête et les identifie, apparaît comme une délivrance, u
788
e. La parole de raison, qui distingue les choses,
les
arrête et les identifie, apparaît comme une délivrance, une victoire
789
e raison, qui distingue les choses, les arrête et
les
identifie, apparaît comme une délivrance, une victoire sur le chaos p
790
, apparaît comme une délivrance, une victoire sur
le
chaos panique. Mais cette victoire, lorsqu’elle est trop complète, lo
791
’elle est devenue trop ancienne et facile, laisse
l’
homme sur un sentiment de déception et d’indicible appauvrissement. Le
792
ment de déception et d’indicible appauvrissement.
Le
monde rationnel est rassurant, mais beaucoup de questions y demeurent
793
ction, comparable au vertige, vers ces régions de
l’
être obscur que le bon sens et la philosophie prétendaient mettre au b
794
au vertige, vers ces régions de l’être obscur que
le
bon sens et la philosophie prétendaient mettre au ban de l’humanité.
795
s ces régions de l’être obscur que le bon sens et
la
philosophie prétendaient mettre au ban de l’humanité. Et tandis que d
796
s et la philosophie prétendaient mettre au ban de
l’
humanité. Et tandis que dans sa panique l’homme primitif s’était tourn
797
ban de l’humanité. Et tandis que dans sa panique
l’
homme primitif s’était tourné vers la raison libératrice, au terme des
798
s sa panique l’homme primitif s’était tourné vers
la
raison libératrice, au terme des époques appauvries de mystère l’homm
799
trice, au terme des époques appauvries de mystère
l’
homme sceptique se rejette avec passion vers les « aspects nocturnes »
800
re l’homme sceptique se rejette avec passion vers
les
« aspects nocturnes » de sa nature. Ainsi naquit le romantisme allema
801
« aspects nocturnes » de sa nature. Ainsi naquit
le
romantisme allemand après le siècle des Lumières. Ainsi renaissent no
802
nature. Ainsi naquit le romantisme allemand après
le
siècle des Lumières. Ainsi renaissent nos soifs mystiques élémentaire
803
un siècle de science positiviste. Est-il vrai que
la
nuit et le rêve n’ont rien à révéler qui importe au jour ? Est-il vra
804
e science positiviste. Est-il vrai que la nuit et
le
rêve n’ont rien à révéler qui importe au jour ? Est-il vrai que la pa
805
n à révéler qui importe au jour ? Est-il vrai que
la
passion, l’angoisse et la folie sont moins réelles que nos sagesses t
806
qui importe au jour ? Est-il vrai que la passion,
l’
angoisse et la folie sont moins réelles que nos sagesses tyranniques ?
807
jour ? Est-il vrai que la passion, l’angoisse et
la
folie sont moins réelles que nos sagesses tyranniques ? « Songe est m
808
s tyranniques ? « Songe est mensonge », décrétait
la
raison. Mais elle nous a laissés sur notre faim. Le songe, au contrai
809
raison. Mais elle nous a laissés sur notre faim.
Le
songe, au contraire, nous propose des paradis et des terreurs d’une i
810
es terreurs d’une intensité séduisante. Serait-il
le
signe, ou l’entrée, d’une Vérité supérieure ? Telle est la question q
811
’une intensité séduisante. Serait-il le signe, ou
l’
entrée, d’une Vérité supérieure ? Telle est la question que posèrent l
812
ou l’entrée, d’une Vérité supérieure ? Telle est
la
question que posèrent les premiers romantiques allemands. « Ils admet
813
mands. « Ils admettent tous, écrit M. Béguin, que
la
vie obscure est en incessante communication avec une autre réalité, p
814
e réalité, plus vaste, antérieure et supérieure à
la
vie individuelle. » Mais quelle est cette réalité ? Notre nature prof
815
elle est cette réalité ? Notre nature profonde ou
la
divinité ? « Plus nous nous retirons en nous-mêmes, en nous détournan
816
rnant des apparences, et plus nous pénétrons dans
la
nature des choses qui sont hors de nous », affirme un des théoriciens
817
hoses qui, en nous, étaient restées secrètes pour
la
conscience ? Tieck pose très nettement la question : « Il faudrait sa
818
es pour la conscience ? Tieck pose très nettement
la
question : « Il faudrait savoir jusqu’à quel point nos songes nous ap
819
s-mêmes, ou bien une main d’en haut brasse-t-elle
les
cartes ? » Déjà E. T. A. Hoffmann insinue la réponse : « Et si un pri
820
lle les cartes ? » Déjà E. T. A. Hoffmann insinue
la
réponse : « Et si un principe spirituel étranger à nous-mêmes était l
821
un principe spirituel étranger à nous-mêmes était
le
mobile de ces irruptions soudaines d’images inconnues qui se jettent
822
ons soudaines d’images inconnues qui se jettent à
la
traverse de nos idées d’une manière si brusque et si saisissante ? »
823
brusque et si saisissante ? » De là à penser que
le
rêve est « un vestige du divin », il n’y a que l’épaisseur d’un scrup
824
le rêve est « un vestige du divin », il n’y a que
l’
épaisseur d’un scrupule d’orthodoxie, d’une dernière crainte de confon
825
d’orthodoxie, d’une dernière crainte de confondre
l’
homme et Dieu. Troxler esquive non sans adresse la difficulté et le ch
826
l’homme et Dieu. Troxler esquive non sans adresse
la
difficulté et le choix : pour lui, le rêve est « tantôt un écho du su
827
Troxler esquive non sans adresse la difficulté et
le
choix : pour lui, le rêve est « tantôt un écho du supraterrestre dans
828
ans adresse la difficulté et le choix : pour lui,
le
rêve est « tantôt un écho du supraterrestre dans le terrestre, tantôt
829
rêve est « tantôt un écho du supraterrestre dans
le
terrestre, tantôt un reflet du terrestre dans le supraterrestre » ; o
830
le terrestre, tantôt un reflet du terrestre dans
le
supraterrestre » ; ou encore : « Ce qui rêve en nous, c’est l’Esprit
831
stre » ; ou encore : « Ce qui rêve en nous, c’est
l’
Esprit à l’instant où il descend dans la matière », mais c’est aussi «
832
us, c’est l’Esprit à l’instant où il descend dans
la
matière », mais c’est aussi « la Matière, à l’instant où elle s’élève
833
il descend dans la matière », mais c’est aussi «
la
Matière, à l’instant où elle s’élève jusqu’à l’Esprit ». Voilà bien l
834
« la Matière, à l’instant où elle s’élève jusqu’à
l’
Esprit ». Voilà bien la profonde ambiguïté où naît le romantisme, et d
835
nt où elle s’élève jusqu’à l’Esprit ». Voilà bien
la
profonde ambiguïté où naît le romantisme, et dont il vit ! Croire que
836
sprit ». Voilà bien la profonde ambiguïté où naît
le
romantisme, et dont il vit ! Croire que le rêve ne révèle rien que no
837
ù naît le romantisme, et dont il vit ! Croire que
le
rêve ne révèle rien que nos secrets, ce serait tomber dans la psychan
838
évèle rien que nos secrets, ce serait tomber dans
la
psychanalyse. Croire qu’il révèle aussi un monde supérieur, c’est ent
839
évèle aussi un monde supérieur, c’est entrer dans
la
voie mystique. Si la plupart des romantiques n’ont pas choisi en tout
840
oute clarté — ruse vitale pour des poètes —, tous
les
textes cités par Béguin nous inclinent à penser qu’ils sont plus proc
841
ychanalystes. Au fond, lorsqu’ils se demandent si
le
rêve est connaissance ou illusion, et si c’est « l’Autre », ou le moi
842
aissance ou illusion, et si c’est « l’Autre », ou
le
moi sombre et son néant, que l’on atteint au fond de l’inconscient, i
843
t « l’Autre », ou le moi sombre et son néant, que
l’
on atteint au fond de l’inconscient, ils formulent le problème crucial
844
sombre et son néant, que l’on atteint au fond de
l’
inconscient, ils formulent le problème crucial qui se pose à tous les
845
n atteint au fond de l’inconscient, ils formulent
le
problème crucial qui se pose à tous les mystiques. Albert Béguin lui
846
formulent le problème crucial qui se pose à tous
les
mystiques. Albert Béguin lui-même nous invite trop souvent à établir
847
nt à établir ce parallèle pour que nous puissions
l’
esquiver. Essayons d’en relever quelques points. Au départ, cette même
848
, aux rencontres fortuites en apparence, mais que
l’
âme prédisposée interprète aussitôt comme des messages. Cela suppose u
849
es et ambiguës pour échapper au froid contrôle de
la
raison. Toute la poésie romantique, de même que la surréaliste, est à
850
ur échapper au froid contrôle de la raison. Toute
la
poésie romantique, de même que la surréaliste, est à l’affût des « su
851
a raison. Toute la poésie romantique, de même que
la
surréaliste, est à l’affût des « surprises pleines de sens » dont nou
852
sie romantique, de même que la surréaliste, est à
l’
affût des « surprises pleines de sens » dont nous parlent aussi les my
853
rprises pleines de sens » dont nous parlent aussi
les
mystiques. Une autre analogie, assez frappante, c’est le rôle de la r
854
iques. Une autre analogie, assez frappante, c’est
le
rôle de la rhétorique chez les poètes du rêve et les mystiques. Le ph
855
autre analogie, assez frappante, c’est le rôle de
la
rhétorique chez les poètes du rêve et les mystiques. Le philosophe G.
856
ez frappante, c’est le rôle de la rhétorique chez
les
poètes du rêve et les mystiques. Le philosophe G. von Schubert, comme
857
rôle de la rhétorique chez les poètes du rêve et
les
mystiques. Le philosophe G. von Schubert, comme plus tard le poète Je
858
torique chez les poètes du rêve et les mystiques.
Le
philosophe G. von Schubert, comme plus tard le poète Jean-Paul, insis
859
s. Le philosophe G. von Schubert, comme plus tard
le
poète Jean-Paul, insistent sur un fait que Freud utilisera jusqu’à l’
860
insistent sur un fait que Freud utilisera jusqu’à
l’
abus : c’est que l’esprit abandonné au rêve s’exprime ordinairement da
861
it que Freud utilisera jusqu’à l’abus : c’est que
l’
esprit abandonné au rêve s’exprime ordinairement dans un langage métap
862
s plus précises et plus constantes que celles qui
le
régissent à l’état de veille. D’autre part, l’on sait bien que les my
863
et plus constantes que celles qui le régissent à
l’
état de veille. D’autre part, l’on sait bien que les mystiques, fussen
864
ui le régissent à l’état de veille. D’autre part,
l’
on sait bien que les mystiques, fussent-ils de religions différentes —
865
’état de veille. D’autre part, l’on sait bien que
les
mystiques, fussent-ils de religions différentes — hindous, musulmans
866
ulmans ou chrétiens — ont de tout temps réinventé
les
mêmes figures de langage pour traduire l’ineffable qu’ils vivaient. E
867
nventé les mêmes figures de langage pour traduire
l’
ineffable qu’ils vivaient. Et ceci nous amène au problème central : ce
868
Et ceci nous amène au problème central : celui de
l’
expression d’un indicible. Il nous faut dépasser ici le domaine circon
869
ression d’un indicible. Il nous faut dépasser ici
le
domaine circonscrit du rêve. Les romantiques, d’ailleurs, ont été bie
870
faut dépasser ici le domaine circonscrit du rêve.
Les
romantiques, d’ailleurs, ont été bien au-delà, dans leur exploration
871
s, ont été bien au-delà, dans leur exploration de
l’
inconscient. Le songe, pour eux, n’est que la « porte » ouvrant sur le
872
au-delà, dans leur exploration de l’inconscient.
Le
songe, pour eux, n’est que la « porte » ouvrant sur le monde ineffabl
873
n de l’inconscient. Le songe, pour eux, n’est que
la
« porte » ouvrant sur le monde ineffable, qui est proprement le domai
874
nge, pour eux, n’est que la « porte » ouvrant sur
le
monde ineffable, qui est proprement le domaine des mystiques. Toute e
875
uvrant sur le monde ineffable, qui est proprement
le
domaine des mystiques. Toute expérience mystique ou romantique présup
876
oute expérience mystique ou romantique présuppose
l’
existence d’un centre ou d’un tréfonds divin de l’âme (c’est l’Un-grun
877
l’existence d’un centre ou d’un tréfonds divin de
l’
âme (c’est l’Un-grund de Jakob Boehme), dont on ne peut rien dire, et
878
’un centre ou d’un tréfonds divin de l’âme (c’est
l’
Un-grund de Jakob Boehme), dont on ne peut rien dire, et qui cependant
879
, dont on ne peut rien dire, et qui cependant est
la
source de tout ce que l’on dit. C’est l’ineffable, l’indicible, le ro
880
re, et qui cependant est la source de tout ce que
l’
on dit. C’est l’ineffable, l’indicible, le royaume du Silence absolu ;
881
dant est la source de tout ce que l’on dit. C’est
l’
ineffable, l’indicible, le royaume du Silence absolu ; et pourtant — v
882
ource de tout ce que l’on dit. C’est l’ineffable,
l’
indicible, le royaume du Silence absolu ; et pourtant — voici le parad
883
ce que l’on dit. C’est l’ineffable, l’indicible,
le
royaume du Silence absolu ; et pourtant — voici le paradoxe —, nous v
884
e royaume du Silence absolu ; et pourtant — voici
le
paradoxe —, nous voyons bien que les grands mystiques, et après eux l
885
rtant — voici le paradoxe —, nous voyons bien que
les
grands mystiques, et après eux les romantiques, passent leur vie à en
886
oyons bien que les grands mystiques, et après eux
les
romantiques, passent leur vie à en parler, à en écrire, à tenter de l
887
nt leur vie à en parler, à en écrire, à tenter de
le
cerner par des figures qui, n’étant jamais suffisantes, doivent être
888
doivent être inépuisablement multipliées. Disons-
le
sans la moindre irrévérence : nul n’est plus verbeux qu’un mystique,
889
être inépuisablement multipliées. Disons-le sans
la
moindre irrévérence : nul n’est plus verbeux qu’un mystique, si ce n’
890
t un romantique allemand. Car l’un et l’autre ont
l’
ambition de communiquer par l’écrit ce qu’ils ne cessent de définir co
891
l’un et l’autre ont l’ambition de communiquer par
l’
écrit ce qu’ils ne cessent de définir comme l’indicible. Dès lors, la
892
par l’écrit ce qu’ils ne cessent de définir comme
l’
indicible. Dès lors, la plainte sera la même, qu’il s’agisse d’une Thé
893
e cessent de définir comme l’indicible. Dès lors,
la
plainte sera la même, qu’il s’agisse d’une Thérèse d’Avila ou simplem
894
inir comme l’indicible. Dès lors, la plainte sera
la
même, qu’il s’agisse d’une Thérèse d’Avila ou simplement du bonhomme
895
Donnez-moi des « paroles nouvelles pour exprimer
l’
inexprimable », dit la sainte ; et le poète : « Mais où trouver des mo
896
les nouvelles pour exprimer l’inexprimable », dit
la
sainte ; et le poète : « Mais où trouver des mots pour dépeindre, mêm
897
our exprimer l’inexprimable », dit la sainte ; et
le
poète : « Mais où trouver des mots pour dépeindre, même faiblement, l
898
trouver des mots pour dépeindre, même faiblement,
la
merveille de la vision qui s’offrit à moi et qui, transformant mon âm
899
pour dépeindre, même faiblement, la merveille de
la
vision qui s’offrit à moi et qui, transformant mon âme, m’entraîna au
900
ouleva tout entier… » Peut-être touchons-nous ici
le
mystère même, la source inépuisable, le point originel et fascinant d
901
r… » Peut-être touchons-nous ici le mystère même,
la
source inépuisable, le point originel et fascinant de tout jaillissem
902
-nous ici le mystère même, la source inépuisable,
le
point originel et fascinant de tout jaillissement du langage, de tout
903
éraire. « Où trouver des mots ? », gémissent-ils.
La
plainte est sincère et tragique. Mais combien de mots leur fera-t-ell
904
uadés que, nonobstant leur impuissance à traduire
l’
inconscient ou l’indicible, ils ont entendu quelque chose. « Je crois
905
tant leur impuissance à traduire l’inconscient ou
l’
indicible, ils ont entendu quelque chose. « Je crois avoir fait une dé
906
, écrit Ritter, celle d’une conscience passive de
l’
involontaire. » Et sur cette base, la seconde génération du romantisme
907
n du romantisme va formuler sa fameuse théorie de
l’
inspiration — tellement vulgarisée de nos jours qu’on en oublie l’orig
908
tellement vulgarisée de nos jours qu’on en oublie
l’
origine mystique : « Le poète et le rêveur sont passifs ; ils écoutent
909
nos jours qu’on en oublie l’origine mystique : «
Le
poète et le rêveur sont passifs ; ils écoutent le langage d’une voix
910
u’on en oublie l’origine mystique : « Le poète et
le
rêveur sont passifs ; ils écoutent le langage d’une voix qui leur est
911
Le poète et le rêveur sont passifs ; ils écoutent
le
langage d’une voix qui leur est intérieure et pourtant étrangère, qui
912
ntérieure et pourtant étrangère, qui s’élève dans
les
profondeurs d’eux-mêmes sans qu’ils puissent faire autre chose que de
913
u’ils puissent faire autre chose que de saluer là
l’
écho d’un discours divin. » Alors le doute n’est plus permis : l’analo
914
de saluer là l’écho d’un discours divin. » Alors
le
doute n’est plus permis : l’analogie purement formelle que nous décri
915
cours divin. » Alors le doute n’est plus permis :
l’
analogie purement formelle que nous décrivions jusqu’ici devient une p
916
crivions jusqu’ici devient une profonde identité.
L’
intervention de la catégorie « passivité » nous fait comprendre la nat
917
devient une profonde identité. L’intervention de
la
catégorie « passivité » nous fait comprendre la nature du Silence et
918
e la catégorie « passivité » nous fait comprendre
la
nature du Silence et de l’indicible dont nous parlaient mystiques et
919
» nous fait comprendre la nature du Silence et de
l’
indicible dont nous parlaient mystiques et romantiques : c’est la néga
920
t nous parlaient mystiques et romantiques : c’est
la
négation et la mort du monde des formes et du langage humain, la néga
921
t mystiques et romantiques : c’est la négation et
la
mort du monde des formes et du langage humain, la négation et la mort
922
la mort du monde des formes et du langage humain,
la
négation et la mort du divers, du moi distinct et agissant. C’est la
923
e des formes et du langage humain, la négation et
la
mort du divers, du moi distinct et agissant. C’est la Nuit des sens e
924
ort du divers, du moi distinct et agissant. C’est
la
Nuit des sens et de l’esprit que décrit un Jean de la Croix, et dont
925
istinct et agissant. C’est la Nuit des sens et de
l’
esprit que décrit un Jean de la Croix, et dont la nuit des songes, cha
926
l’esprit que décrit un Jean de la Croix, et dont
la
nuit des songes, chantée par les poètes, n’était que le symbole et le
927
la Croix, et dont la nuit des songes, chantée par
les
poètes, n’était que le symbole et le signe physique6. C’est « le roya
928
t des songes, chantée par les poètes, n’était que
le
symbole et le signe physique6. C’est « le royaume de l’Être qui se co
929
chantée par les poètes, n’était que le symbole et
le
signe physique6. C’est « le royaume de l’Être qui se confond avec le
930
ait que le symbole et le signe physique6. C’est «
le
royaume de l’Être qui se confond avec le royaume du Néant, l’éternité
931
bole et le signe physique6. C’est « le royaume de
l’
Être qui se confond avec le royaume du Néant, l’éternité enfin conquis
932
C’est « le royaume de l’Être qui se confond avec
le
royaume du Néant, l’éternité enfin conquise et dont la plénitude ne p
933
e l’Être qui se confond avec le royaume du Néant,
l’
éternité enfin conquise et dont la plénitude ne peut humainement s’exp
934
yaume du Néant, l’éternité enfin conquise et dont
la
plénitude ne peut humainement s’exprimer que par l’image de l’absence
935
plénitude ne peut humainement s’exprimer que par
l’
image de l’absence de toute créature, de toute forme. » Car nous ne pe
936
ne peut humainement s’exprimer que par l’image de
l’
absence de toute créature, de toute forme. » Car nous ne percevons et
937
forme. » Car nous ne percevons et n’exprimons que
le
divers et le distinct, ce qui a pris forme ; tout ce que notre consci
938
nous ne percevons et n’exprimons que le divers et
le
distinct, ce qui a pris forme ; tout ce que notre conscience a séparé
939
Et c’est cela qui constitue notre réalité de tous
les
jours. Pour rejoindre le Tout et l’Unité, il s’agit donc de perdre le
940
e notre réalité de tous les jours. Pour rejoindre
le
Tout et l’Unité, il s’agit donc de perdre le Divers, de perdre le rée
941
lité de tous les jours. Pour rejoindre le Tout et
l’
Unité, il s’agit donc de perdre le Divers, de perdre le réel, de se pe
942
ndre le Tout et l’Unité, il s’agit donc de perdre
le
Divers, de perdre le réel, de se perdre soi-même, pour se confondre a
943
té, il s’agit donc de perdre le Divers, de perdre
le
réel, de se perdre soi-même, pour se confondre avec cet Indicible qui
944
nfondre avec cet Indicible qui reste, aux yeux de
la
chair, le pur Néant. Ainsi, le terme de la quête romantique, à traver
945
ec cet Indicible qui reste, aux yeux de la chair,
le
pur Néant. Ainsi, le terme de la quête romantique, à travers les imag
946
reste, aux yeux de la chair, le pur Néant. Ainsi,
le
terme de la quête romantique, à travers les images du rêve, s’identif
947
eux de la chair, le pur Néant. Ainsi, le terme de
la
quête romantique, à travers les images du rêve, s’identifie avec le t
948
Ainsi, le terme de la quête romantique, à travers
les
images du rêve, s’identifie avec le terme de toute expérience mystiqu
949
e, à travers les images du rêve, s’identifie avec
le
terme de toute expérience mystique : c’est la « pure présence ineffab
950
vec le terme de toute expérience mystique : c’est
la
« pure présence ineffable », la « contemplation sans objet ». Je pens
951
mystique : c’est la « pure présence ineffable »,
la
« contemplation sans objet ». Je pense donc qu’il est légitime de sui
952
de suivre Albert Béguin dans cette conclusion : «
La
grandeur du romantisme restera d’avoir reconnu et affirmé la profonde
953
du romantisme restera d’avoir reconnu et affirmé
la
profonde ressemblance des états poétiques et des révélations d’ordre
954
irrationnels et de s’être dévoué, corps et âme, à
la
grande nostalgie de l’être en exil. » II. L’Être en exil Ce sen
955
re dévoué, corps et âme, à la grande nostalgie de
l’
être en exil. » II. L’Être en exil Ce sentiment d’exil que nous
956
à la grande nostalgie de l’être en exil. » II.
L’
Être en exil Ce sentiment d’exil que nous trouvons à l’origine des
957
n exil Ce sentiment d’exil que nous trouvons à
l’
origine des expériences mystiques les plus diverses, d’où naît-il, dan
958
us trouvons à l’origine des expériences mystiques
les
plus diverses, d’où naît-il, dans quel souvenir d’une patrie heureuse
959
d’une constatation si générale, comment passer à
l’
élucidation de ce fait le plus singulier dans la vie de l’esprit humai
960
nérale, comment passer à l’élucidation de ce fait
le
plus singulier dans la vie de l’esprit humain, qui est l’engagement s
961
à l’élucidation de ce fait le plus singulier dans
la
vie de l’esprit humain, qui est l’engagement sur la via mystica ? S’i
962
ation de ce fait le plus singulier dans la vie de
l’
esprit humain, qui est l’engagement sur la via mystica ? S’il est perm
963
singulier dans la vie de l’esprit humain, qui est
l’
engagement sur la via mystica ? S’il est permis — comme on l’admet un
964
vie de l’esprit humain, qui est l’engagement sur
la
via mystica ? S’il est permis — comme on l’admet un peu trop facileme
965
t sur la via mystica ? S’il est permis — comme on
l’
admet un peu trop facilement de nos jours — de tirer de l’étude des ma
966
un peu trop facilement de nos jours — de tirer de
l’
étude des maladies une vue nouvelle sur les structures de l’homme, peu
967
irer de l’étude des maladies une vue nouvelle sur
les
structures de l’homme, peut-être pouvons-nous demander à la biographi
968
s maladies une vue nouvelle sur les structures de
l’
homme, peut-être pouvons-nous demander à la biographie des romantiques
969
res de l’homme, peut-être pouvons-nous demander à
la
biographie des romantiques quelques lumières sur les mystiques propre
970
biographie des romantiques quelques lumières sur
les
mystiques proprement dits, tout au moins sur les causes humaines du s
971
les mystiques proprement dits, tout au moins sur
les
causes humaines du sentiment d’exil où leur passion s’éveille. Le cha
972
es du sentiment d’exil où leur passion s’éveille.
Le
chapitre important consacré par Béguin à Karl Philip Moritz peut nous
973
ritz fut l’un des tout premiers à se tourner vers
l’
étude des rêves. Il s’y trouvait prédisposé par l’habitude de l’examen
974
l’étude des rêves. Il s’y trouvait prédisposé par
l’
habitude de l’examen de conscience en profondeur tel que le pratiquaie
975
ves. Il s’y trouvait prédisposé par l’habitude de
l’
examen de conscience en profondeur tel que le pratiquaient autour de l
976
e de l’examen de conscience en profondeur tel que
le
pratiquaient autour de lui les disciples de madame Guyon7. Non conten
977
profondeur tel que le pratiquaient autour de lui
les
disciples de madame Guyon7. Non content de publier une revue entièrem
978
autobiographiques qui nous permettent de pénétrer
l’
intimité d’une expérience prémystique (ou faut-il dire d’une expérienc
979
faut-il dire d’une expérience mystique privée de
la
grâce, réduite à ses aspects purement humains ?) Le point de départ p
980
grâce, réduite à ses aspects purement humains ?)
Le
point de départ paraît bien être une blessure qu’il reçut de la vie,
981
part paraît bien être une blessure qu’il reçut de
la
vie, un choc qui l’a laissé béant sur une contradiction irrémédiable
982
e une blessure qu’il reçut de la vie, un choc qui
l’
a laissé béant sur une contradiction irrémédiable entre la dure réalit
983
sé béant sur une contradiction irrémédiable entre
la
dure réalité et les désirs profonds du moi. Blessure si cruelle et in
984
ntradiction irrémédiable entre la dure réalité et
les
désirs profonds du moi. Blessure si cruelle et intime que sa conscien
985
e si cruelle et intime que sa conscience en évite
le
souvenir (ou le refoule comme dira Freud) de telle manière que la cau
986
intime que sa conscience en évite le souvenir (ou
le
refoule comme dira Freud) de telle manière que la cause secrète de sa
987
le refoule comme dira Freud) de telle manière que
la
cause secrète de sa douleur en vient à se confondre avec le fait de v
988
ecrète de sa douleur en vient à se confondre avec
le
fait de vivre en général. D’où l’idée qu’il doit « expier la faute qu
989
confondre avec le fait de vivre en général. D’où
l’
idée qu’il doit « expier la faute qu’il n’a commise que par son existe
990
vivre en général. D’où l’idée qu’il doit « expier
la
faute qu’il n’a commise que par son existence même ». Un philosophe m
991
ue tel que Ignaz Troxler n’hésitera pas à élargir
le
processus jusqu’à y englober tout l’univers, atteint par le péché ori
992
as à élargir le processus jusqu’à y englober tout
l’
univers, atteint par le péché originel : « Sous quelque angle qu’on ve
993
us jusqu’à y englober tout l’univers, atteint par
le
péché originel : « Sous quelque angle qu’on veuille l’examiner, l’hom
994
ché originel : « Sous quelque angle qu’on veuille
l’
examiner, l’homme trouve en lui une blessure qui déchire tout ce qui v
995
: « Sous quelque angle qu’on veuille l’examiner,
l’
homme trouve en lui une blessure qui déchire tout ce qui vit en lui, e
996
tout ce qui vit en lui, et que peut-être lui fit
la
Vie même. » Non sans lucidité, Moritz a su dépeindre l’état de consci
997
même. » Non sans lucidité, Moritz a su dépeindre
l’
état de conscience qui naît de cet obscur déchirement : « C’était comm
998
ît de cet obscur déchirement : « C’était comme si
le
poids de son existence l’eût accablé. Qu’il dût, jour pour jour, se l
999
nt : « C’était comme si le poids de son existence
l’
eût accablé. Qu’il dût, jour pour jour, se lever avec lui-même, se cou
1000
ormais, inexorablement, être lui-même… cette idée
le
plongea peu à peu dans un désespoir qui l’amena au bord de la rivière
1001
e idée le plongea peu à peu dans un désespoir qui
l’
amena au bord de la rivière… » Prenons-y garde : ce moi détesté, c’est
1002
eu à peu dans un désespoir qui l’amena au bord de
la
rivière… » Prenons-y garde : ce moi détesté, c’est la fatalité de l’ê
1003
ivière… » Prenons-y garde : ce moi détesté, c’est
la
fatalité de l’être individuel, charnel, créé, et lié à toute la créat
1004
ns-y garde : ce moi détesté, c’est la fatalité de
l’
être individuel, charnel, créé, et lié à toute la création. C’est par
1005
l’être individuel, charnel, créé, et lié à toute
la
création. C’est par lui et à travers lui que la conscience perçoit la
1006
e la création. C’est par lui et à travers lui que
la
conscience perçoit la réalité extérieure ; comme lui donc, cette réal
1007
ar lui et à travers lui que la conscience perçoit
la
réalité extérieure ; comme lui donc, cette réalité apparaîtra blessée
1008
ée et douloureuse. Se détester revient à détester
le
monde. L’incapacité d’accepter le monde réel est signe d’une incapaci
1009
oureuse. Se détester revient à détester le monde.
L’
incapacité d’accepter le monde réel est signe d’une incapacité de s’ac
1010
ient à détester le monde. L’incapacité d’accepter
le
monde réel est signe d’une incapacité de s’accepter soi-même — à caus
1011
cause de cette blessure qu’il s’agit d’oublier si
l’
on ne parvient pas à l’expier. Et en effet, à la faveur de cet oubli,
1012
qu’il s’agit d’oublier si l’on ne parvient pas à
l’
expier. Et en effet, à la faveur de cet oubli, de ce refus, le moi per
1013
i l’on ne parvient pas à l’expier. Et en effet, à
la
faveur de cet oubli, de ce refus, le moi perd peu à peu de sa réalité
1014
en effet, à la faveur de cet oubli, de ce refus,
le
moi perd peu à peu de sa réalité : d’où le sentiment si fréquent chez
1015
refus, le moi perd peu à peu de sa réalité : d’où
le
sentiment si fréquent chez la plupart des romantiques d’être mal assu
1016
re mal assuré de sa propre identité, et d’avoir à
la
rechercher précisément dans le passé. Moritz décrit ainsi le héros d’
1017
tité, et d’avoir à la rechercher précisément dans
le
passé. Moritz décrit ainsi le héros d’un de ses romans : « Il lui par
1018
er précisément dans le passé. Moritz décrit ainsi
le
héros d’un de ses romans : « Il lui parut qu’il s’était échappé entiè
1019
avant toute démarche se rechercher lui-même dans
la
série de ses souvenirs. Il sentait que l’existence n’a d’appui ferme
1020
me dans la série de ses souvenirs. Il sentait que
l’
existence n’a d’appui ferme que dans la chaîne ininterrompue des souve
1021
entait que l’existence n’a d’appui ferme que dans
la
chaîne ininterrompue des souvenirs8 ». Mais, comme le note Albert Bég
1022
haîne ininterrompue des souvenirs8 ». Mais, comme
le
note Albert Béguin, Moritz à cet endroit, « tourne court, incapable u
1023
ourne court, incapable une fois de plus de saisir
la
pensée salvatrice ». C’est qu’il est un souvenir interdit, trop doulo
1024
venir interdit, trop douloureux pour être revécu.
Le
moi malade échoue à se ressaisir dans la mémoire, puisque la cause de
1025
revécu. Le moi malade échoue à se ressaisir dans
la
mémoire, puisque la cause de sa maladie est justement ce qu’il ne peu
1026
de échoue à se ressaisir dans la mémoire, puisque
la
cause de sa maladie est justement ce qu’il ne peut se remémorer, cett
1027
u’il ne peut se remémorer, cette lacune qui est à
l’
origine de la conscience divisée. Comment alors sortir du cercle, comm
1028
se remémorer, cette lacune qui est à l’origine de
la
conscience divisée. Comment alors sortir du cercle, comment guérir ?
1029
tir du cercle, comment guérir ? Comment récupérer
la
vie totale dans sa bienheureuse unité ? Ce n’est plus possible ici-ba
1030
euse unité ? Ce n’est plus possible ici-bas, dans
la
prison du moi coupable et douloureux. Il faudra donc chercher au-delà
1031
audra donc chercher au-delà. Et nous avons vu que
le
rêve, ou la descente au fond de l’inconscient, représentent pour les
1032
hercher au-delà. Et nous avons vu que le rêve, ou
la
descente au fond de l’inconscient, représentent pour les romantiques
1033
s avons vu que le rêve, ou la descente au fond de
l’
inconscient, représentent pour les romantiques les voies d’un retour a
1034
cente au fond de l’inconscient, représentent pour
les
romantiques les voies d’un retour au monde perdu, à la « vraie vie »
1035
l’inconscient, représentent pour les romantiques
les
voies d’un retour au monde perdu, à la « vraie vie » qui est « ailleu
1036
mantiques les voies d’un retour au monde perdu, à
la
« vraie vie » qui est « ailleurs », comme dit Rimbaud. Vie d’expansio
1037
comme dit Rimbaud. Vie d’expansion indéfinie dans
l’
univers ou la divinité. Vie d’innocence retrouvée : car le moi qui s’y
1038
baud. Vie d’expansion indéfinie dans l’univers ou
la
divinité. Vie d’innocence retrouvée : car le moi qui s’y perd, perd a
1039
s ou la divinité. Vie d’innocence retrouvée : car
le
moi qui s’y perd, perd aussi le sentiment de sa culpabilité. Mais d’u
1040
e retrouvée : car le moi qui s’y perd, perd aussi
le
sentiment de sa culpabilité. Mais d’une autre manière encore, et plus
1041
Mais d’une autre manière encore, et plus précise,
le
rêve ou la via mystica sont des moyens de récupérer le monde perdu. C
1042
autre manière encore, et plus précise, le rêve ou
la
via mystica sont des moyens de récupérer le monde perdu. Ce qu’il fau
1043
ve ou la via mystica sont des moyens de récupérer
le
monde perdu. Ce qu’il faut souligner ici, c’est que la tendance à la
1044
nde perdu. Ce qu’il faut souligner ici, c’est que
la
tendance à la dilatation panthéiste ou mystique de l’être revêt presq
1045
qu’il faut souligner ici, c’est que la tendance à
la
dilatation panthéiste ou mystique de l’être revêt presque toujours la
1046
endance à la dilatation panthéiste ou mystique de
l’
être revêt presque toujours la forme d’un vœu de mort. Le sommeil préf
1047
iste ou mystique de l’être revêt presque toujours
la
forme d’un vœu de mort. Le sommeil préfigure la mort pour le poète ro
1048
revêt presque toujours la forme d’un vœu de mort.
Le
sommeil préfigure la mort pour le poète romantique ; et la mort progr
1049
s la forme d’un vœu de mort. Le sommeil préfigure
la
mort pour le poète romantique ; et la mort progressive à soi-même est
1050
un vœu de mort. Le sommeil préfigure la mort pour
le
poète romantique ; et la mort progressive à soi-même est l’ambition d
1051
l préfigure la mort pour le poète romantique ; et
la
mort progressive à soi-même est l’ambition de tous les vrais mystique
1052
omantique ; et la mort progressive à soi-même est
l’
ambition de tous les vrais mystiques. Mais pourquoi voudrait-on mourir
1053
ort progressive à soi-même est l’ambition de tous
les
vrais mystiques. Mais pourquoi voudrait-on mourir ? La biographie de
1054
ais mystiques. Mais pourquoi voudrait-on mourir ?
La
biographie de plusieurs des poètes étudiés par Béguin nous indique un
1055
és par Béguin nous indique une réponse. En effet,
la
blessure dont ils souffrent est presque toujours symbolisée par la pe
1056
ils souffrent est presque toujours symbolisée par
la
perte d’un être aimé. Passer dans l’autre monde, c’est retrouver la m
1057
aimé. Passer dans l’autre monde, c’est retrouver
la
morte ! « L’expérience typique, qui est celle de Jean-Paul à la mort
1058
dans l’autre monde, c’est retrouver la morte ! «
L’
expérience typique, qui est celle de Jean-Paul à la mort de ses amis,
1059
’expérience typique, qui est celle de Jean-Paul à
la
mort de ses amis, de Novalis perdant Sophie von Kühn ou de Nerval pou
1060
perdant Sophie von Kühn ou de Nerval poursuivant
l’
image d’Aurélia, Anton Reiser (le héros de Moritz) la fait dès l’enfan
1061
rval poursuivant l’image d’Aurélia, Anton Reiser (
le
héros de Moritz) la fait dès l’enfance, lorsqu’il s’interroge sur ce
1062
mage d’Aurélia, Anton Reiser (le héros de Moritz)
la
fait dès l’enfance, lorsqu’il s’interroge sur ce qu’est devenue sa pe
1063
ia, Anton Reiser (le héros de Moritz) la fait dès
l’
enfance, lorsqu’il s’interroge sur ce qu’est devenue sa petite sœur :
1064
’interroge sur ce qu’est devenue sa petite sœur :
le
vœu de retrouver la morte, de communier avec un autre univers, lui fa
1065
’est devenue sa petite sœur : le vœu de retrouver
la
morte, de communier avec un autre univers, lui fait mépriser cette vi
1066
ut son espoir dans une existence d’outre-tombe ».
Le
rêve ou la via mystica seront cette existence d’outre-tombe vécue dès
1067
ir dans une existence d’outre-tombe ». Le rêve ou
la
via mystica seront cette existence d’outre-tombe vécue dès ici-bas, d
1068
ière indicible. Et peut-être pourrait-on dire que
l’
expérience mystique générale ne devient proprement chrétienne que dans
1069
énérale ne devient proprement chrétienne que dans
le
cas où l’être aimé, sur la mort duquel on médite, est la personne du
1070
devient proprement chrétienne que dans le cas où
l’
être aimé, sur la mort duquel on médite, est la personne du Christ cru
1071
nt chrétienne que dans le cas où l’être aimé, sur
la
mort duquel on médite, est la personne du Christ crucifié — ou se con
1072
où l’être aimé, sur la mort duquel on médite, est
la
personne du Christ crucifié — ou se confond avec elle indiscernableme
1073
ifié — ou se confond avec elle indiscernablement.
Les
romantiques n’ont pas été si loin dans la voie des sublimations — sau
1074
ement. Les romantiques n’ont pas été si loin dans
la
voie des sublimations — sauf peut-être Jean-Paul et Novalis. Ils n’ar
1075
i pardonne, qui guérisse, et qui leur rende alors
la
force d’accepter leur moi coupable et le monde réel. La « contemplati
1076
de alors la force d’accepter leur moi coupable et
le
monde réel. La « contemplation sans objet » à laquelle ils parviennen
1077
ce d’accepter leur moi coupable et le monde réel.
La
« contemplation sans objet » à laquelle ils parviennent en de très ra
1078
moyen détourné de revivre sa blessure, ou plutôt
l’
élan même qu’elle a brisé, mais sans se l’avouer et sans pouvoir la re
1079
plutôt l’élan même qu’elle a brisé, mais sans se
l’
avouer et sans pouvoir la reconnaître ou l’exprimer… C’est le mouvemen
1080
le a brisé, mais sans se l’avouer et sans pouvoir
la
reconnaître ou l’exprimer… C’est le mouvement fondamental de toute pa
1081
ans se l’avouer et sans pouvoir la reconnaître ou
l’
exprimer… C’est le mouvement fondamental de toute passion, le mouvemen
1082
sans pouvoir la reconnaître ou l’exprimer… C’est
le
mouvement fondamental de toute passion, le mouvement d’un amour qui p
1083
C’est le mouvement fondamental de toute passion,
le
mouvement d’un amour qui préfère le néant aux limitations de la vie —
1084
oute passion, le mouvement d’un amour qui préfère
le
néant aux limitations de la vie — la joie devant la mort de Tristan e
1085
’un amour qui préfère le néant aux limitations de
la
vie — la joie devant la mort de Tristan et d’Isolde. III. Mystique
1086
qui préfère le néant aux limitations de la vie —
la
joie devant la mort de Tristan et d’Isolde. III. Mystique et Perso
1087
néant aux limitations de la vie — la joie devant
la
mort de Tristan et d’Isolde. III. Mystique et Personne L’exempl
1088
stan et d’Isolde. III. Mystique et Personne
L’
exemple des romantiques allemands illustre une relation profonde et co
1089
illustre une relation profonde et constante dans
l’
homme : celle qui existe entre le recours à l’indicible et la fuite de
1090
t constante dans l’homme : celle qui existe entre
le
recours à l’indicible et la fuite devant le moi personnel. Se réfugie
1091
ans l’homme : celle qui existe entre le recours à
l’
indicible et la fuite devant le moi personnel. Se réfugier dans l’indi
1092
elle qui existe entre le recours à l’indicible et
la
fuite devant le moi personnel. Se réfugier dans l’indicible, c’est en
1093
entre le recours à l’indicible et la fuite devant
le
moi personnel. Se réfugier dans l’indicible, c’est entretenir une équ
1094
a fuite devant le moi personnel. Se réfugier dans
l’
indicible, c’est entretenir une équivoque dont il y a lieu de craindre
1095
s un monde dont on ne peut rien dire. D’où encore
le
besoin qu’ils éprouvent d’affirmer surabondamment que l’on n’en peut
1096
in qu’ils éprouvent d’affirmer surabondamment que
l’
on n’en peut rien dire que par des allusions, des métaphores, des poèm
1097
métaphores, des poèmes « inspirés ». À ce niveau,
le
mysticisme donne naissance à la plus émouvante littérature. Mais il f
1098
s ». À ce niveau, le mysticisme donne naissance à
la
plus émouvante littérature. Mais il faut reconnaître aussi que s’y ré
1099
t reconnaître aussi que s’y révèle une maladie de
la
personne. Le paradoxe de l’expression d’un Indicible est tellement es
1100
aussi que s’y révèle une maladie de la personne.
Le
paradoxe de l’expression d’un Indicible est tellement essentiel au ro
1101
révèle une maladie de la personne. Le paradoxe de
l’
expression d’un Indicible est tellement essentiel au romantisme que je
1102
iel au romantisme que je n’hésite pas à y trouver
l’
explication d’un fait connu de tous les historiens : c’est l’incapacit
1103
à y trouver l’explication d’un fait connu de tous
les
historiens : c’est l’incapacité des romantiques à donner des œuvres a
1104
on d’un fait connu de tous les historiens : c’est
l’
incapacité des romantiques à donner des œuvres achevées. En effet, le
1105
mantiques à donner des œuvres achevées. En effet,
le
mouvement de ces poètes est inversé de celui du Créateur. Créer, c’es
1106
Créer, c’est donner forme, et ils voudraient nier
les
formes ; c’est limiter, et ils aspirent à l’expansion indéfinie ; c’e
1107
ier les formes ; c’est limiter, et ils aspirent à
l’
expansion indéfinie ; c’est définir par la parole et l’acte, et ils re
1108
irent à l’expansion indéfinie ; c’est définir par
la
parole et l’acte, et ils recherchent le silence passif. Aussi n’ont-i
1109
ansion indéfinie ; c’est définir par la parole et
l’
acte, et ils recherchent le silence passif. Aussi n’ont-ils laissé pou
1110
finir par la parole et l’acte, et ils recherchent
le
silence passif. Aussi n’ont-ils laissé pour la plupart que des fragme
1111
t Indicible ou ce discours sans mots entendu dans
la
nuit de la passivité, comment l’eussent-ils pu rendre au jour sans le
1112
ou ce discours sans mots entendu dans la nuit de
la
passivité, comment l’eussent-ils pu rendre au jour sans le trahir, et
1113
ots entendu dans la nuit de la passivité, comment
l’
eussent-ils pu rendre au jour sans le trahir, et se trahir ? Ainsi leu
1114
ité, comment l’eussent-ils pu rendre au jour sans
le
trahir, et se trahir ? Ainsi leur œuvre est à l’image de la contradic
1115
le trahir, et se trahir ? Ainsi leur œuvre est à
l’
image de la contradiction vitale dont ils souffraient et d’où naissait
1116
et se trahir ? Ainsi leur œuvre est à l’image de
la
contradiction vitale dont ils souffraient et d’où naissait leur désir
1117
é de perdre leur moi personnel. Je préciserai ici
le
sens que je donne au mot de personne, pour éviter certains malentendu
1118
sonne, pour éviter certains malentendus courants.
La
personne est en nous l’être spirituel, responsable d’une vocation, et
1119
ins malentendus courants. La personne est en nous
l’
être spirituel, responsable d’une vocation, et trouvant là son unité e
1120
té en dépit des contradictions dont peut souffrir
l’
individu (c’est-à-dire l’être naturel). L’individu est entièrement dét
1121
tions dont peut souffrir l’individu (c’est-à-dire
l’
être naturel). L’individu est entièrement déterminé par l’espèce, le m
1122
ouffrir l’individu (c’est-à-dire l’être naturel).
L’
individu est entièrement déterminé par l’espèce, le milieu, l’histoire
1123
aturel). L’individu est entièrement déterminé par
l’
espèce, le milieu, l’histoire, les richesses qu’il a héritées et les b
1124
’individu est entièrement déterminé par l’espèce,
le
milieu, l’histoire, les richesses qu’il a héritées et les blessures q
1125
st entièrement déterminé par l’espèce, le milieu,
l’
histoire, les richesses qu’il a héritées et les blessures qu’il a subi
1126
nt déterminé par l’espèce, le milieu, l’histoire,
les
richesses qu’il a héritées et les blessures qu’il a subies. Il est em
1127
eu, l’histoire, les richesses qu’il a héritées et
les
blessures qu’il a subies. Il est emprisonné dans ces données, et c’es
1128
it à y échapper par des sublimations : au fond de
la
nuit et de l’inconscient, c’est encore lui qu’il retrouvera sous des
1129
r par des sublimations : au fond de la nuit et de
l’
inconscient, c’est encore lui qu’il retrouvera sous des espèces méconn
1130
nes. Et il est juste que les premières touches de
l’
esprit rendent le moi sensible à ses limitations, et lui inspirent la
1131
ste que les premières touches de l’esprit rendent
le
moi sensible à ses limitations, et lui inspirent la nostalgie de les
1132
moi sensible à ses limitations, et lui inspirent
la
nostalgie de les dépasser. Mais seule une vocation lui en donnera la
1133
ses limitations, et lui inspirent la nostalgie de
les
dépasser. Mais seule une vocation lui en donnera la force. Qu’il la r
1134
dépasser. Mais seule une vocation lui en donnera
la
force. Qu’il la reçoive et qu’il l’accepte consciemment, ce sera pour
1135
seule une vocation lui en donnera la force. Qu’il
la
reçoive et qu’il l’accepte consciemment, ce sera pour lui l’introduct
1136
ui en donnera la force. Qu’il la reçoive et qu’il
l’
accepte consciemment, ce sera pour lui l’introduction à une liberté to
1137
et qu’il l’accepte consciemment, ce sera pour lui
l’
introduction à une liberté toute nouvelle. Dès ce moment, il accomplit
1138
à celle de ces pseudo ou prémystiques que furent
les
poètes du rêve : il se dévoue à quelque chose qui le dépasse, il se d
1139
poètes du rêve : il se dévoue à quelque chose qui
le
dépasse, il se donne à une réalité qui, souvent, ne tient pas compte
1140
e nos raisons, il s’impose une sorte d’ascèse qui
le
libère des servitudes naturelles. Mais cette ascèse n’aboutit pas à l
1141
des naturelles. Mais cette ascèse n’aboutit pas à
la
négation du réel. Elle transforme et oriente à nouveau les forces de
1142
ion du réel. Elle transforme et oriente à nouveau
les
forces de l’individu, plutôt qu’elle ne veut les détruire. Elle engag
1143
lle transforme et oriente à nouveau les forces de
l’
individu, plutôt qu’elle ne veut les détruire. Elle engage dans le mon
1144
les forces de l’individu, plutôt qu’elle ne veut
les
détruire. Elle engage dans le monde actif, au lieu que le romantique
1145
ôt qu’elle ne veut les détruire. Elle engage dans
le
monde actif, au lieu que le romantique voulait s’en évader. Elle nous
1146
ire. Elle engage dans le monde actif, au lieu que
le
romantique voulait s’en évader. Elle nous rend enfin responsables vis
1147
bles vis-à-vis de notre prochain, et c’est à quoi
l’
on peut reconnaître la légitimité d’une vocation. Thérèse d’Avila ne v
1148
e prochain, et c’est à quoi l’on peut reconnaître
la
légitimité d’une vocation. Thérèse d’Avila ne voulait accepter que le
1149
vocation. Thérèse d’Avila ne voulait accepter que
les
révélations qui la portaient à quelque action pratique dans la vie qu
1150
Avila ne voulait accepter que les révélations qui
la
portaient à quelque action pratique dans la vie quotidienne. Ainsi l’
1151
s qui la portaient à quelque action pratique dans
la
vie quotidienne. Ainsi l’« ascèse personnaliste » se distingue radica
1152
ue action pratique dans la vie quotidienne. Ainsi
l’
« ascèse personnaliste » se distingue radicalement de la « dissolution
1153
cèse personnaliste » se distingue radicalement de
la
« dissolution du moi » des romantiques. C’est une « activité » qui ne
1154
st une « activité » qui ne commence qu’au-delà de
la
mort à soi-même, c’est-à-dire du renoncement au moi tourmenté par son
1155
moi tourmenté par son égoïsme. Elle ne prend pas
la
mort pour but, mais bien la vie, et cette vie-ci. Elle accepte le moi
1156
me. Elle ne prend pas la mort pour but, mais bien
la
vie, et cette vie-ci. Elle accepte le moi et toutes ses servitudes en
1157
, mais bien la vie, et cette vie-ci. Elle accepte
le
moi et toutes ses servitudes en vertu de sa vocation, c’est-à-dire en
1158
ertu d’un appel venu d’ailleurs mais qui concerne
l’
ici-bas. Seule une telle vocation peut donner le courage de s’avouer e
1159
e l’ici-bas. Seule une telle vocation peut donner
le
courage de s’avouer en toute lucidité, de s’exprimer sans réticences
1160
que dorénavant ce n’est pas cela qui compte, mais
l’
œuvre à faire et Celui qui l’ordonne. Alors le moi coupable et détesté
1161
ela qui compte, mais l’œuvre à faire et Celui qui
l’
ordonne. Alors le moi coupable et détesté ne cherche plus de vaine éch
1162
ais l’œuvre à faire et Celui qui l’ordonne. Alors
le
moi coupable et détesté ne cherche plus de vaine échappatoire dans l’
1163
étesté ne cherche plus de vaine échappatoire dans
l’
indicible et l’inconscient. Il ose enfin parler et témoigner au nom d’
1164
he plus de vaine échappatoire dans l’indicible et
l’
inconscient. Il ose enfin parler et témoigner au nom d’une Vérité qui
1165
enfin parler et témoigner au nom d’une Vérité qui
le
dépasse. Et l’on rejoint ici l’enseignement évangélique : ce ne sont
1166
témoigner au nom d’une Vérité qui le dépasse. Et
l’
on rejoint ici l’enseignement évangélique : ce ne sont pas des extases
1167
d’une Vérité qui le dépasse. Et l’on rejoint ici
l’
enseignement évangélique : ce ne sont pas des extases indicibles qui s
1168
et d’annoncer leur foi. « C’est en confessant de
la
bouche qu’on parvient au salut », dit saint Paul. IV. Romantisme e
1169
Romantisme et national-socialisme De même que
l’
expérience d’un au-delà ne prend son sens et sa vertu que lorsqu’elle
1170
t sa vertu que lorsqu’elle nous ramène au jour de
l’
activité quotidienne — de même nos incursions dans la psychologie du r
1171
ctivité quotidienne — de même nos incursions dans
la
psychologie du romantisme doivent nous servir à mieux comprendre le t
1172
romantisme doivent nous servir à mieux comprendre
le
temps où nous vivons et agissons. Que signifie cette invasion de la p
1173
ivons et agissons. Que signifie cette invasion de
la
politique et de la vie sociale par ce qu’on nomme les « mystiques » c
1174
Que signifie cette invasion de la politique et de
la
vie sociale par ce qu’on nomme les « mystiques » collectives ? Certai
1175
politique et de la vie sociale par ce qu’on nomme
les
« mystiques » collectives ? Certaines catégories que nous venons de d
1176
enons de dégager pourraient guider notre analyse.
Le
mouvement hitlérien, dans son essence, m’apparaît comme un romantisme
1177
omantisme politique. Et je ne dis pas du tout que
les
écrits d’un Novalis ou d’un Jean-Paul soient à sa source ; ce serait
1178
ons retrouver au niveau inférieur et collectif de
la
psychologie nazie des processus fort analogues à ceux que nous avons
1179
simplistes, bien sûr — de certaines attitudes de
l’
homme en face de son destin et de sa personne. Le national-socialisme
1180
l’homme en face de son destin et de sa personne.
Le
national-socialisme apparut comme une réaction de défense à l’humilia
1181
ocialisme apparut comme une réaction de défense à
l’
humiliation collective infligée aux Allemands par Versailles, par la d
1182
ective infligée aux Allemands par Versailles, par
la
défaite, par la misère publique. Voilà bien la blessure la déception
1183
aux Allemands par Versailles, par la défaite, par
la
misère publique. Voilà bien la blessure la déception non plus ressent
1184
ar la défaite, par la misère publique. Voilà bien
la
blessure la déception non plus ressentie par un individu, mais par la
1185
e, par la misère publique. Voilà bien la blessure
la
déception non plus ressentie par un individu, mais par la nation tout
1186
tion non plus ressentie par un individu, mais par
la
nation tout entière dans ses rapports avec le monde réel. D’où l’impr
1187
par la nation tout entière dans ses rapports avec
le
monde réel. D’où l’impression de culpabilité, inacceptable et inavoua
1188
ntière dans ses rapports avec le monde réel. D’où
l’
impression de culpabilité, inacceptable et inavouable (à cause de l’or
1189
lpabilité, inacceptable et inavouable (à cause de
l’
orgueil national). C’est le monde qui doit être mal fait ! Car nous y
1190
inavouable (à cause de l’orgueil national). C’est
le
monde qui doit être mal fait ! Car nous y sommes brimés, nous qui pou
1191
ar nous y sommes brimés, nous qui pourtant sommes
les
fils des vertueux Germains ! Et de ce sentiment de culpabilité, refou
1192
ilité, refoulé avec force et bruyamment nié (tous
les
discours d’Hitler proclament, dès le début, que les Allemands n’ont p
1193
t nié (tous les discours d’Hitler proclament, dès
le
début, que les Allemands n’ont pas perdu la guerre) doit résulter un
1194
s discours d’Hitler proclament, dès le début, que
les
Allemands n’ont pas perdu la guerre) doit résulter un sentiment de ma
1195
, dès le début, que les Allemands n’ont pas perdu
la
guerre) doit résulter un sentiment de manque d’assurance nationale. L
1196
ter un sentiment de manque d’assurance nationale.
La
vraie Allemagne ne peut pas être celle qui a subi la « blessure ». Il
1197
vraie Allemagne ne peut pas être celle qui a subi
la
« blessure ». Il faut donc la chercher ailleurs : dans un rêve de pui
1198
re celle qui a subi la « blessure ». Il faut donc
la
chercher ailleurs : dans un rêve de puissance et de libération, dans
1199
dans un rêve de puissance et de libération, dans
l’
avenir, cet ersatz de l’au-delà. Nions donc cette réalité qui nous opp
1200
ce et de libération, dans l’avenir, cet ersatz de
l’
au-delà. Nions donc cette réalité qui nous opprime si méticuleusement,
1201
ous voulons une passion nouvelle ! Et de même que
le
romantique oubliait son moi détesté en se perdant dans les fêtes du r
1202
tique oubliait son moi détesté en se perdant dans
les
fêtes du rêve, l’Allemand moyen oubliera ses misères et les humiliati
1203
moi détesté en se perdant dans les fêtes du rêve,
l’
Allemand moyen oubliera ses misères et les humiliations de sa patrie e
1204
du rêve, l’Allemand moyen oubliera ses misères et
les
humiliations de sa patrie en se perdant dans l’âme collective, dans l
1205
les humiliations de sa patrie en se perdant dans
l’
âme collective, dans l’hypnose des fêtes sacrales organisées par le Fü
1206
patrie en se perdant dans l’âme collective, dans
l’
hypnose des fêtes sacrales organisées par le Führer, au rythme lent et
1207
dans l’hypnose des fêtes sacrales organisées par
le
Führer, au rythme lent et envoûtant des défilés et des tambours penda
1208
cient ; on lui a dit que sa vraie vie était entre
les
mains du parti, d’un démiurge anonyme et obscur dont il n’a plus qu’à
1209
anonyme et obscur dont il n’a plus qu’à recevoir
les
ordres, sans trop chercher à les comprendre, comme « passif ». Le voi
1210
us qu’à recevoir les ordres, sans trop chercher à
les
comprendre, comme « passif ». Le voilà délivré de la terrible charge
1211
trop chercher à les comprendre, comme « passif ».
Le
voilà délivré de la terrible charge de sa conscience et de ses doutes
1212
comprendre, comme « passif ». Le voilà délivré de
la
terrible charge de sa conscience et de ses doutes. La discipline coll
1213
errible charge de sa conscience et de ses doutes.
La
discipline collective joue le rôle d’une ascèse du moi : les renoncem
1214
e et de ses doutes. La discipline collective joue
le
rôle d’une ascèse du moi : les renoncements mêmes qu’elle impose devi
1215
ine collective joue le rôle d’une ascèse du moi :
les
renoncements mêmes qu’elle impose deviennent les preuves de sa transc
1216
les renoncements mêmes qu’elle impose deviennent
les
preuves de sa transcendante vérité. Et c’est ainsi que la masse allem
1217
es de sa transcendante vérité. Et c’est ainsi que
la
masse allemande, imitant au niveau le plus bas l’évolution des romant
1218
t ainsi que la masse allemande, imitant au niveau
le
plus bas l’évolution des romantiques cherche à récupérer son unité pe
1219
la masse allemande, imitant au niveau le plus bas
l’
évolution des romantiques cherche à récupérer son unité perdue dans un
1220
on unité perdue dans un monde supra-personnel, où
les
limites hostiles s’effacent, où la passion peut s’épanouir, où l’inte
1221
personnel, où les limites hostiles s’effacent, où
la
passion peut s’épanouir, où l’intensité de l’émotion remplace la véri
1222
les s’effacent, où la passion peut s’épanouir, où
l’
intensité de l’émotion remplace la vérité mesquine des juristes. Et ce
1223
où la passion peut s’épanouir, où l’intensité de
l’
émotion remplace la vérité mesquine des juristes. Et cela nous fait co
1224
s’épanouir, où l’intensité de l’émotion remplace
la
vérité mesquine des juristes. Et cela nous fait comprendre bien des c
1225
en des choses à première vue sans liens intimes :
la
suppression du droit romain, le mépris des frontières et des obligati
1226
s liens intimes : la suppression du droit romain,
le
mépris des frontières et des obligations, le culte des morts rétabli,
1227
ain, le mépris des frontières et des obligations,
le
culte des morts rétabli, le rêve d’expansion indéfinie, mais aussi le
1228
s et des obligations, le culte des morts rétabli,
le
rêve d’expansion indéfinie, mais aussi le goût de la guerre (préfigur
1229
établi, le rêve d’expansion indéfinie, mais aussi
le
goût de la guerre (préfiguration de la mort, toujours rêvée par les g
1230
rêve d’expansion indéfinie, mais aussi le goût de
la
guerre (préfiguration de la mort, toujours rêvée par les grands passi
1231
mais aussi le goût de la guerre (préfiguration de
la
mort, toujours rêvée par les grands passionnés), et la volonté de s’e
1232
rre (préfiguration de la mort, toujours rêvée par
les
grands passionnés), et la volonté de s’enfermer dans une réalité impé
1233
rt, toujours rêvée par les grands passionnés), et
la
volonté de s’enfermer dans une réalité impénétrable, indicible, incom
1234
cable, et qui n’a point de « raisons » à donner :
l’
autarcie matérielle et morale. On ne dira jamais trop à quel point ce
1235
l point ce pseudo-mysticisme romantique détermine
l’
action du Führer et son pouvoir hypnotique sur les masses. Les apparen
1236
l’action du Führer et son pouvoir hypnotique sur
les
masses. Les apparences de Realpolitik maintenues par les cyniques et
1237
Führer et son pouvoir hypnotique sur les masses.
Les
apparences de Realpolitik maintenues par les cyniques et les habiles
1238
ses. Les apparences de Realpolitik maintenues par
les
cyniques et les habiles ne dissimulent que très imparfaitement les vr
1239
ces de Realpolitik maintenues par les cyniques et
les
habiles ne dissimulent que très imparfaitement les vrais ressorts du
1240
es habiles ne dissimulent que très imparfaitement
les
vrais ressorts du régime hitlérien. Nous ne sommes plus en présence d
1241
ple envoûté par son rêve. Un peuple qui renonce à
la
raison, qui renonce à se justifier aux yeux du monde, parce qu’il tro
1242
d’innocence exaltante, une occasion de sacrifier
le
moi coupable et détesté à quelque chose de plus vrai que la vie, et q
1243
pable et détesté à quelque chose de plus vrai que
la
vie, et qui est sa mission millénaire. « Chez nous, proclamait récemm
1244
ns diverses entre lesquelles il devrait choisir :
le
peuple n’aime pas à choisir, il aime qu’on lui présente une opinion j
1245
rs, notre politique est une politique d’artistes.
Le
Führer est un artiste de la politique. Les autres hommes d’État sont
1246
politique d’artistes. Le Führer est un artiste de
la
politique. Les autres hommes d’État sont seulement des manœuvres. Son
1247
tistes. Le Führer est un artiste de la politique.
Les
autres hommes d’État sont seulement des manœuvres. Son État à lui est
1248
sont seulement des manœuvres. Son État à lui est
le
produit d’une imagination géniale9. » Une politique d’artistes, une p
1249
tes, une politique de romantisme collectif, voilà
le
cauchemar que rêve à côté de nous le IIIe Reich somnambulique. Nous a
1250
ectif, voilà le cauchemar que rêve à côté de nous
le
IIIe Reich somnambulique. Nous avons tout à craindre des « inspiratio
1251
e, à mon avis, au moins autant qu’économique. Car
la
lutte qui se livre aujourd’hui dans le secret de la conscience allema
1252
mique. Car la lutte qui se livre aujourd’hui dans
le
secret de la conscience allemande, c’est une lutte de nature religieu
1253
lutte qui se livre aujourd’hui dans le secret de
la
conscience allemande, c’est une lutte de nature religieuse. C’est l’a
1254
ande, c’est une lutte de nature religieuse. C’est
l’
affrontement d’une religion de l’inconscience collective et d’une foi
1255
eligieuse. C’est l’affrontement d’une religion de
l’
inconscience collective et d’une foi qui veut témoigner par la Parole
1256
ce collective et d’une foi qui veut témoigner par
la
Parole et l’acte personnel. 6. En effet, pour les romantiques, « l
1257
et d’une foi qui veut témoigner par la Parole et
l’
acte personnel. 6. En effet, pour les romantiques, « le sommeil est
1258
Parole et l’acte personnel. 6. En effet, pour
les
romantiques, « le sommeil est une préfiguration de la mort », et c’es
1259
ersonnel. 6. En effet, pour les romantiques, «
le
sommeil est une préfiguration de la mort », et c’est uniquement dans
1260
omantiques, « le sommeil est une préfiguration de
la
mort », et c’est uniquement dans la mort que nous pouvons rejoindre l
1261
figuration de la mort », et c’est uniquement dans
la
mort que nous pouvons rejoindre l’Autre, l’indicible. 7. On peut reg
1262
dans la mort que nous pouvons rejoindre l’Autre,
l’
indicible. 7. On peut regretter qu’Albert Béguin n’ait pas insisté da
1263
qu’Albert Béguin n’ait pas insisté davantage sur
l’
importance du quiétisme pour la formation de la psychologie moderne, e
1264
isté davantage sur l’importance du quiétisme pour
la
formation de la psychologie moderne, et en particulier de la psycholo
1265
ur l’importance du quiétisme pour la formation de
la
psychologie moderne, et en particulier de la psychologie de l’inconsc
1266
n de la psychologie moderne, et en particulier de
la
psychologie de l’inconscient. 8. C’est la Recherche du temps perdu,
1267
e moderne, et en particulier de la psychologie de
l’
inconscient. 8. C’est la Recherche du temps perdu, de Proust. 9. Dis
1268
ier de la psychologie de l’inconscient. 8. C’est
la
Recherche du temps perdu, de Proust. 9. Discours du 18 juin 1939, à
1269
antzig. c. Rougemont Denis de, « [Compte rendu]
L’
Âme romantique et le rêve », La Revue de Paris, Paris, août 1939, p. 9
1270
nt Denis de, « [Compte rendu] L’Âme romantique et
le
rêve », La Revue de Paris, Paris, août 1939, p. 915-928.
1271
, « [Compte rendu] L’Âme romantique et le rêve »,
La
Revue de Paris, Paris, août 1939, p. 915-928.
1272
est une île en forme de gratte-ciel couché. C’est
la
ville la plus simple du monde. Douze avenues parallèles, dans le sens
1273
le en forme de gratte-ciel couché. C’est la ville
la
plus simple du monde. Douze avenues parallèles, dans le sens de la lo
1274
s simple du monde. Douze avenues parallèles, dans
le
sens de la longueur, qui est de vingt-cinq kilomètres environ — elles
1275
monde. Douze avenues parallèles, dans le sens de
la
longueur, qui est de vingt-cinq kilomètres environ — elles figurent a
1276
nq kilomètres environ — elles figurent assez bien
les
ascenseurs d’un grand building — et deux-cent-cinquante rues coupant
1277
nd building — et deux-cent-cinquante rues coupant
les
avenues à angle droit : autant d’étages. Au milieu, Central Park, rec
1278
u, Central Park, rectangulaire. C’est tout, c’est
la
cité de Manhattan. Mais les faubourgs, au-delà de l’Hudson et de l’Ea
1279
ire. C’est tout, c’est la cité de Manhattan. Mais
les
faubourgs, au-delà de l’Hudson et de l’East River qui entourent l’île
1280
cité de Manhattan. Mais les faubourgs, au-delà de
l’
Hudson et de l’East River qui entourent l’île, s’étendent sur des espa
1281
an. Mais les faubourgs, au-delà de l’Hudson et de
l’
East River qui entourent l’île, s’étendent sur des espaces bien plus v
1282
delà de l’Hudson et de l’East River qui entourent
l’
île, s’étendent sur des espaces bien plus vastes, îles et plaines reli
1283
on plus, que New York est une ville alpestre ! Je
l’
ai senti le premier soir d’octobre, quand le soleil couchant flambait
1284
! Je l’ai senti le premier soir d’octobre, quand
le
soleil couchant flambait les hauteurs des gratte-ciel, de cette coule
1285
soir d’octobre, quand le soleil couchant flambait
les
hauteurs des gratte-ciel, de cette couleur orangée aérienne qu’on voi
1286
n voit aux crêtes des parois rocheuses, alors que
la
vallée s’emplit d’une ombre froide. Et j’étais bien au fond d’une gor
1287
es noircies où circulait un vent âpre et salubre.
La
mer et la montagne se ressemblent partout. Ici, elles se rejoignent e
1288
s où circulait un vent âpre et salubre. La mer et
la
montagne se ressemblent partout. Ici, elles se rejoignent et se mêlen
1289
t partout. Ici, elles se rejoignent et se mêlent.
Les
grands souffles océaniques, chargés de sel et d’aventure, viennent fr
1290
s, chargés de sel et d’aventure, viennent frapper
les
« faces » argentées de l’Empire State, du Chrysler, du Centre Rockefe
1291
ture, viennent frapper les « faces » argentées de
l’
Empire State, du Chrysler, du Centre Rockefeller, de vingt autres de c
1292
ler, de vingt autres de ces sommités célèbres que
les
New-Yorkais vous désignent comme les Suisses énumèrent leurs Alpes au
1293
célèbres que les New-Yorkais vous désignent comme
les
Suisses énumèrent leurs Alpes au visiteur qui en contemple la chaîne.
1294
numèrent leurs Alpes au visiteur qui en contemple
la
chaîne. Le vent fou, l’air ozoné et la lumière éclatant très haut dan
1295
urs Alpes au visiteur qui en contemple la chaîne.
Le
vent fou, l’air ozoné et la lumière éclatant très haut dans le ciel s
1296
visiteur qui en contemple la chaîne. Le vent fou,
l’
air ozoné et la lumière éclatant très haut dans le ciel sur des parois
1297
contemple la chaîne. Le vent fou, l’air ozoné et
la
lumière éclatant très haut dans le ciel sur des parois violemment déc
1298
l’air ozoné et la lumière éclatant très haut dans
le
ciel sur des parois violemment découpées, c’est un climat que je conn
1299
n climat que je connais… Mais il y a plus. Il y a
le
sol qui est alpestre dans sa profondeur. À Central Park, au milieu de
1300
affleurer de larges dalles de granit. Autrefois,
les
glaciers sont venus jusqu’ici ! Ils couvraient la moitié de l’île, et
1301
es glaciers sont venus jusqu’ici ! Ils couvraient
la
moitié de l’île, et la moraine s’étendait bien plus avant. Voici l’un
1302
ont venus jusqu’ici ! Ils couvraient la moitié de
l’
île, et la moraine s’étendait bien plus avant. Voici l’un des secrets
1303
jusqu’ici ! Ils couvraient la moitié de l’île, et
la
moraine s’étendait bien plus avant. Voici l’un des secrets de la déme
1304
endait bien plus avant. Voici l’un des secrets de
la
démesure de Manhattan : seules, ces assises de granit étaient capable
1305
s assises de granit étaient capables de supporter
le
formidable poids d’un gratte-ciel de cent étages. Et les blocs errati
1306
midable poids d’un gratte-ciel de cent étages. Et
les
blocs erratiques, débités en tranches, polis et luisants comme du mar
1307
et luisants comme du marbre, ont été plaqués sur
les
façades et dans les vestibules des plus riches bâtiments, reliques sc
1308
u marbre, ont été plaqués sur les façades et dans
les
vestibules des plus riches bâtiments, reliques scellées d’une antiqui
1309
ine. À Chicago et Saint-Louis, au contraire, sur
les
plaines d’alluvions ou dans les marécages, les gratte-ciel déjà, me d
1310
au contraire, sur les plaines d’alluvions ou dans
les
marécages, les gratte-ciel déjà, me dit-on, menacent de suivre l’inqu
1311
ur les plaines d’alluvions ou dans les marécages,
les
gratte-ciel déjà, me dit-on, menacent de suivre l’inquiétant exemple
1312
s gratte-ciel déjà, me dit-on, menacent de suivre
l’
inquiétant exemple de la célèbre tour de Pise. Bien des aspects physiq
1313
it-on, menacent de suivre l’inquiétant exemple de
la
célèbre tour de Pise. Bien des aspects physiques et moraux de la cité
1314
de Pise. Bien des aspects physiques et moraux de
la
cité de Manhattan s’expliquent par ce sol et ce climat. Entre la Prai
1315
attan s’expliquent par ce sol et ce climat. Entre
la
Prairie proche et l’Océan, ce lieu d’extrême civilisation matérielle
1316
r ce sol et ce climat. Entre la Prairie proche et
l’
Océan, ce lieu d’extrême civilisation matérielle demeure hanté par on
1317
dans une atmosphère irrémédiablement désertique.
Les
Américains des plaines de l’Ouest, venant à New York, ont coutume de
1318
blement désertique. Les Américains des plaines de
l’
Ouest, venant à New York, ont coutume de se plaindre de l’inhumanité q
1319
venant à New York, ont coutume de se plaindre de
l’
inhumanité que revêtent ici les rapports quotidiens. Ils pensent, dans
1320
e de se plaindre de l’inhumanité que revêtent ici
les
rapports quotidiens. Ils pensent, dans leur ignorance, que c’est une
1321
opéenne »… Mais, moi, je m’y sens contemporain de
la
préhistoire de quelque avenir démesuré. Sortie de Manhattan Sur
1322
n Sur un quai souterrain, après avoir traversé
les
parvis populeux surmontés d’une coupole astronomique de la gare de Pe
1323
populeux surmontés d’une coupole astronomique de
la
gare de Pennsylvanie, j’ai pris mon premier train américain. Comme to
1324
Comme tout le monde, j’ai glissé mon billet dans
le
ruban de mon chapeau, où le contrôleur l’a pris et replacé sans me dé
1325
lissé mon billet dans le ruban de mon chapeau, où
le
contrôleur l’a pris et replacé sans me déranger dans la lecture de mo
1326
et dans le ruban de mon chapeau, où le contrôleur
l’
a pris et replacé sans me déranger dans la lecture de mon journal. Il
1327
trôleur l’a pris et replacé sans me déranger dans
la
lecture de mon journal. Il n’y a que deux classes en Amérique : l’une
1328
Il n’y a que deux classes en Amérique : l’une où
les
fauteuils au dossier très haut sont fixes (deux de chaque côté du cou
1329
ux de chaque côté du couloir central), l’autre où
les
fauteuils sont espacés et pivotent ; classe de luxe et classe de gran
1330
cars. J’ai pris un coach. Je me suis enfoncé dans
le
velours bleu sombre et j’ai regardé mes voisins, car nous roulions da
1331
s voisins, car nous roulions dans un tunnel. Dans
l’
ensemble, les femmes m’ont paru dignes de ce que le cinéma nous en pro
1332
ar nous roulions dans un tunnel. Dans l’ensemble,
les
femmes m’ont paru dignes de ce que le cinéma nous en promet — mais il
1333
’ensemble, les femmes m’ont paru dignes de ce que
le
cinéma nous en promet — mais il suffit de trois ou quatre beautés sai
1334
belles dans ce pays ! » Soudain, je n’ai plus vu
les
gens. Le train surgissait du tunnel dans une plaine de marécages et d
1335
ns ce pays ! » Soudain, je n’ai plus vu les gens.
Le
train surgissait du tunnel dans une plaine de marécages et de roseaux
1336
ants, coupée de canaux et de digues, enjambée par
les
arches de fer d’un pont à n’en pas croire ses yeux, qui porte l’autos
1337
r d’un pont à n’en pas croire ses yeux, qui porte
l’
autostrade pendant des kilomètres au-dessus des usines, des feux rouge
1338
iluviens. Une falaise de granit se dresse près de
la
voie. Nous la passons. Sur son autre versant s’étale un cimetière d’a
1339
falaise de granit se dresse près de la voie. Nous
la
passons. Sur son autre versant s’étale un cimetière d’autos décarcass
1340
du grand délire de construction qui enfièvre tout
le
continent et dont le pont de l’autostrade au long de l’horizon porte
1341
nstruction qui enfièvre tout le continent et dont
le
pont de l’autostrade au long de l’horizon porte la gloire. Manhatt
1342
qui enfièvre tout le continent et dont le pont de
l’
autostrade au long de l’horizon porte la gloire. Manhattan — Suite
1343
tinent et dont le pont de l’autostrade au long de
l’
horizon porte la gloire. Manhattan — Suite Le bel hiver. — J’ai
1344
e pont de l’autostrade au long de l’horizon porte
la
gloire. Manhattan — Suite Le bel hiver. — J’ai retrouvé New Yo
1345
horizon porte la gloire. Manhattan — Suite
Le
bel hiver. — J’ai retrouvé New York glaciale et belle, ce bleu de pou
1346
laire et rose au lointain des avenues trop larges
le
matin, ce bleu d’ombre de brique au puits des rues luisantes, dos lon
1347
culation vibrante aux pieds, fumerolles au ras de
l’
asphalte et le vent fou ! Si le détail est laid, voyez l’ensemble. Pou
1348
nte aux pieds, fumerolles au ras de l’asphalte et
le
vent fou ! Si le détail est laid, voyez l’ensemble. Pour un homme qui
1349
merolles au ras de l’asphalte et le vent fou ! Si
le
détail est laid, voyez l’ensemble. Pour un homme qui est seul, Manhat
1350
lte et le vent fou ! Si le détail est laid, voyez
l’
ensemble. Pour un homme qui est seul, Manhattan est sublime. Il n’a qu
1351
Manhattan est sublime. Il n’a qu’à s’oublier dans
l’
énergie fusante de cette capitale du matin. Ville pure. — Entre la T
1352
de cette capitale du matin. Ville pure. — Entre
la
Trente-troisième et la Soixantième rue, le cœur de Manhattan c’est la
1353
tin. Ville pure. — Entre la Trente-troisième et
la
Soixantième rue, le cœur de Manhattan c’est la ville pure. Ici, tout
1354
Entre la Trente-troisième et la Soixantième rue,
le
cœur de Manhattan c’est la ville pure. Ici, tout ce que le regard tou
1355
et la Soixantième rue, le cœur de Manhattan c’est
la
ville pure. Ici, tout ce que le regard touche et mesure dans les troi
1356
e Manhattan c’est la ville pure. Ici, tout ce que
le
regard touche et mesure dans les trois dimensions de l’espace, sauf u
1357
Ici, tout ce que le regard touche et mesure dans
les
trois dimensions de l’espace, sauf un découpage de ciel mat, tout est
1358
ard touche et mesure dans les trois dimensions de
l’
espace, sauf un découpage de ciel mat, tout est fait de main d’homme s
1359
on horizontale et verticale, intensité suprême de
la
présence humaine jusqu’à trois-cents mètres du sol. Pour la première
1360
s, je vois une ville aussi purifiée de nature que
l’
est de prose un groupe de mots de Mallarmé. Paris, Rome, en comparaiso
1361
raison, sont d’immenses parcs semés de monuments.
Le
site et le paysage y sont partout sensibles. Les rues montent et tour
1362
t d’immenses parcs semés de monuments. Le site et
le
paysage y sont partout sensibles. Les rues montent et tournent, épous
1363
. Le site et le paysage y sont partout sensibles.
Les
rues montent et tournent, épousant les collines. Le sol des plaines e
1364
sensibles. Les rues montent et tournent, épousant
les
collines. Le sol des plaines environnantes paraît encore à nu dans le
1365
rues montent et tournent, épousant les collines.
Le
sol des plaines environnantes paraît encore à nu dans les cours des h
1366
des plaines environnantes paraît encore à nu dans
les
cours des hôtels, entre les pavés provinciaux, aux esplanades, aux te
1367
raît encore à nu dans les cours des hôtels, entre
les
pavés provinciaux, aux esplanades, aux terrains vagues envahis d’herb
1368
esplanades, aux terrains vagues envahis d’herbes.
Les
arbres cachent les façades, moutonnent à la hauteur des toits, et la
1369
rains vagues envahis d’herbes. Les arbres cachent
les
façades, moutonnent à la hauteur des toits, et la rivière ouvre l’esp
1370
bes. Les arbres cachent les façades, moutonnent à
la
hauteur des toits, et la rivière ouvre l’espace, double le ciel, qui
1371
es façades, moutonnent à la hauteur des toits, et
la
rivière ouvre l’espace, double le ciel, qui règne seul au coucher du
1372
nnent à la hauteur des toits, et la rivière ouvre
l’
espace, double le ciel, qui règne seul au coucher du soleil. À New Yor
1373
r des toits, et la rivière ouvre l’espace, double
le
ciel, qui règne seul au coucher du soleil. À New York, la lumière du
1374
qui règne seul au coucher du soleil. À New York,
la
lumière du soir évacue rapidement les rues profondes, remonte au somm
1375
À New York, la lumière du soir évacue rapidement
les
rues profondes, remonte au sommet des buildings, se perd dans un dern
1376
rd dans un dernier éclat d’avion fuyant, et c’est
la
ville alors qui s’empare du ciel, s’en fait un dôme à sa mesure et le
1377
’empare du ciel, s’en fait un dôme à sa mesure et
le
referme sur sa nuit de ville. Appartements. — Les grandes maisons l
1378
e referme sur sa nuit de ville. Appartements. —
Les
grandes maisons les mettent mal à l’aise, parce qu’ils pensent tout d
1379
t de ville. Appartements. — Les grandes maisons
les
mettent mal à l’aise, parce qu’ils pensent tout de suite à l’usage ph
1380
al à l’aise, parce qu’ils pensent tout de suite à
l’
usage physique, non point à ces symboles de l’âme que forment les chât
1381
e à l’usage physique, non point à ces symboles de
l’
âme que forment les châteaux au fond de nos mémoires. L’idéal de l’Amé
1382
ue, non point à ces symboles de l’âme que forment
les
châteaux au fond de nos mémoires. L’idéal de l’Américain serait sans
1383
que forment les châteaux au fond de nos mémoires.
L’
idéal de l’Américain serait sans doute la maison d’une seule pièce, av
1384
les châteaux au fond de nos mémoires. L’idéal de
l’
Américain serait sans doute la maison d’une seule pièce, avec au centr
1385
émoires. L’idéal de l’Américain serait sans doute
la
maison d’une seule pièce, avec au centre un grand fauteuil tournant e
1386
euil tournant et basculant, qui se transformerait
le
soir en lit et d’où, sans se lever, l’on atteindrait le téléphone, la
1387
sformerait le soir en lit et d’où, sans se lever,
l’
on atteindrait le téléphone, la poignée du frigidaire, les boutons du
1388
r en lit et d’où, sans se lever, l’on atteindrait
le
téléphone, la poignée du frigidaire, les boutons du fourneau électriq
1389
où, sans se lever, l’on atteindrait le téléphone,
la
poignée du frigidaire, les boutons du fourneau électrique, ceux de la
1390
teindrait le téléphone, la poignée du frigidaire,
les
boutons du fourneau électrique, ceux de la radio et les robinets de l
1391
aire, les boutons du fourneau électrique, ceux de
la
radio et les robinets de la baignoire. Désespoir à Times Square. —
1392
utons du fourneau électrique, ceux de la radio et
les
robinets de la baignoire. Désespoir à Times Square. — Errer dans la
1393
u électrique, ceux de la radio et les robinets de
la
baignoire. Désespoir à Times Square. — Errer dans la foule, regarde
1394
ignoire. Désespoir à Times Square. — Errer dans
la
foule, regarder ou subir les vitrines et les réclames lumineuses en d
1395
Square. — Errer dans la foule, regarder ou subir
les
vitrines et les réclames lumineuses en délire, passer une heure aux A
1396
dans la foule, regarder ou subir les vitrines et
les
réclames lumineuses en délire, passer une heure aux Actualités, écout
1397
délire, passer une heure aux Actualités, écouter
les
conversations des voisins dans un bar, coudoyer des hommes déformés o
1398
après un dîner solitaire, un soir de pluie, c’est
le
contraire d’un exercice spirituel : une véritable centrifugation de l
1399
rcice spirituel : une véritable centrifugation de
l’
être. Mais peut-être, me dis-je après coup, mais peut-être, en poussan
1400
dis-je après coup, mais peut-être, en poussant à
l’
extrême cette « distraction » de l’âme et de la volonté, rejoindrait-o
1401
en poussant à l’extrême cette « distraction » de
l’
âme et de la volonté, rejoindrait-on quelque réalité valable, et par l
1402
à l’extrême cette « distraction » de l’âme et de
la
volonté, rejoindrait-on quelque réalité valable, et par la sensation
1403
é, rejoindrait-on quelque réalité valable, et par
la
sensation directe du monde tel que le crée l’homme privé de l’Esprit,
1404
ble, et par la sensation directe du monde tel que
le
crée l’homme privé de l’Esprit, l’une des entrées de la Voie négative
1405
par la sensation directe du monde tel que le crée
l’
homme privé de l’Esprit, l’une des entrées de la Voie négative et du D
1406
directe du monde tel que le crée l’homme privé de
l’
Esprit, l’une des entrées de la Voie négative et du Désert dont parlen
1407
e l’homme privé de l’Esprit, l’une des entrées de
la
Voie négative et du Désert dont parlent les mystiques ? Homéopathie s
1408
ées de la Voie négative et du Désert dont parlent
les
mystiques ? Homéopathie spirituelle : traitement par l’absence-de-que
1409
tiques ? Homéopathie spirituelle : traitement par
l’
absence-de-quelque-chose-qui-y-était, qui n’y est plus, mais dont la p
1410
ue-chose-qui-y-était, qui n’y est plus, mais dont
la
progressive évacuation a laissé le milieu actif… Plus simplement, ce
1411
lus, mais dont la progressive évacuation a laissé
le
milieu actif… Plus simplement, ce vide est encore un appel ; ce déses
1412
ésespoir, s’il est conscient, un dernier signe de
la
vie… Non, j’ai surtout senti le désespoir tout court dans cette prome
1413
dernier signe de la vie… Non, j’ai surtout senti
le
désespoir tout court dans cette promenade de plusieurs heures, et c’e
1414
de plusieurs heures, et c’est ici seulement, sur
le
papier, que je comprends qu’il faut pousser plus loin. On se demande
1415
On se demande parfois : qu’est-ce, en somme, que
le
péché ? C’est cela, c’était ce que j’éprouvais à Times Square avec un
1416
ouvais à Times Square avec une acuité crispante :
l’
état du monde d’où l’Esprit s’est retiré. Ce n’étaient pas « les péché
1417
avec une acuité crispante : l’état du monde d’où
l’
Esprit s’est retiré. Ce n’étaient pas « les péchés » de ces hommes et
1418
de d’où l’Esprit s’est retiré. Ce n’étaient pas «
les
péchés » de ces hommes et de ces femmes, ni les miens, dont nul ne pe
1419
et qui peut-être n’en sont point. Ce n’était pas
le
froid, la pluie, la poisse aux pieds mêlée d’essence sur l’asphalte d
1420
ut-être n’en sont point. Ce n’était pas le froid,
la
pluie, la poisse aux pieds mêlée d’essence sur l’asphalte des avenues
1421
en sont point. Ce n’était pas le froid, la pluie,
la
poisse aux pieds mêlée d’essence sur l’asphalte des avenues, c’était
1422
la pluie, la poisse aux pieds mêlée d’essence sur
l’
asphalte des avenues, c’était ce vide. C’était le sens absent. Beek
1423
l’asphalte des avenues, c’était ce vide. C’était
le
sens absent. Beekman Place Parallèle à l’East River, dont la sé
1424
t le sens absent. Beekman Place Parallèle à
l’
East River, dont la sépare une rangée d’hôtels particuliers à cinq éta
1425
Beekman Place Parallèle à l’East River, dont
la
sépare une rangée d’hôtels particuliers à cinq étages, cette rue très
1426
ois, ne portent pas de numéro et ne coupent point
les
avenues à angle droit. Hors série, modèle de grand luxe, elle s’orne
1427
grands portiers galonnés. Une buée bleue, pendant
l’
été, emplit cet espace fermé par les hauts bâtiments de la Cinquante-e
1428
bleue, pendant l’été, emplit cet espace fermé par
les
hauts bâtiments de la Cinquante-et-unième rue, en brique vernie, tout
1429
mplit cet espace fermé par les hauts bâtiments de
la
Cinquante-et-unième rue, en brique vernie, tout luisants de fenêtres
1430
d’ornements. Beekman Place est un de ces lieux où
l’
exilé s’écrie : « Mais c’est l’Europe ! » parce qu’il y trouve un char
1431
un de ces lieux où l’exilé s’écrie : « Mais c’est
l’
Europe ! » parce qu’il y trouve un charme, simplement. Mais quand je l
1432
’il y trouve un charme, simplement. Mais quand je
la
vois du haut de mon douzième étage, en enfilade, petite tranchée d’as
1433
… Si je me retourne un peu sur ma terrasse, voici
la
perspective de l’East River jusqu’à Brooklyn. Un paysage immense de m
1434
e un peu sur ma terrasse, voici la perspective de
l’
East River jusqu’à Brooklyn. Un paysage immense de minéral et d’eau. L
1435
Brooklyn. Un paysage immense de minéral et d’eau.
La
rivière, sillonnée de remorqueurs toussotants, luit d’un éclat d’étai
1436
queurs toussotants, luit d’un éclat d’étain pâli.
Les
ponts immenses, vers Brooklyn, font une dentelle d’un kilomètre, tout
1437
ont une dentelle d’un kilomètre, toute menue dans
la
distance. Cheminées, mâts, clochers, usines basses et réclames lumine
1438
ines basses et réclames lumineuses en plein jour.
Le
seul vestige de nature — car l’eau même est canalisée — ce sont ces t
1439
es en plein jour. Le seul vestige de nature — car
l’
eau même est canalisée — ce sont ces trois îlots de granit noir couver
1440
eux petits phares dont clignotent irrégulièrement
le
feu vert — cinq secondes de révolution — et le feu rouge — six ou sep
1441
nt le feu vert — cinq secondes de révolution — et
le
feu rouge — six ou sept secondes. Tout ce qu’embrasse mon regard, tou
1442
e mon regard, tout est fait de main d’homme, sauf
les
mouettes. Qu’on ne me parle plus des lois économiques et de leurs fat
1443
miques et de leurs fatales réalités : car ce sont
les
réalités d’un monde tout artificiel que nous, les hommes, avons bâti
1444
les réalités d’un monde tout artificiel que nous,
les
hommes, avons bâti selon nos caprices, nos passions et nos raisons fo
1445
e paysage se transformerait. Si je me tourne vers
le
nord, je vois un monde de terrasses, du dixième au trentième étage du
1446
xième au trentième étage du River Club, où vivent
les
milliardaires et les acteurs. Et tout près, ces jardins suspendus où
1447
age du River Club, où vivent les milliardaires et
les
acteurs. Et tout près, ces jardins suspendus où circulent de jeunes f
1448
es… Quelques jeunes gens viennent boire un verre,
le
soir. Un violoniste s’escrime à vingt reprises sur le Deuxième Concer
1449
artèlent ce Tchaïkovski qu’on entend siffler dans
la
rue… Je me souviens de ce que j’ai sous les yeux : je le vois déjà co
1450
r dans la rue… Je me souviens de ce que j’ai sous
les
yeux : je le vois déjà comme je me le rappellerai, une fois de retour
1451
Je me souviens de ce que j’ai sous les yeux : je
le
vois déjà comme je me le rappellerai, une fois de retour en Europe. J
1452
j’ai sous les yeux : je le vois déjà comme je me
le
rappellerai, une fois de retour en Europe. J’en connais par avance la
1453
fois de retour en Europe. J’en connais par avance
la
nostalgie. Le soir vient dans un luxe américain d’ocres, de roses, d’
1454
en Europe. J’en connais par avance la nostalgie.
Le
soir vient dans un luxe américain d’ocres, de roses, d’argents et d’é
1455
d’ocres, de roses, d’argents et d’éclats d’or sur
les
fenêtres des usines. Des fumées traînent, les ponts s’éteignent, le s
1456
sur les fenêtres des usines. Des fumées traînent,
les
ponts s’éteignent, le sommet des gratte-ciel se met à luire sous la l
1457
ines. Des fumées traînent, les ponts s’éteignent,
le
sommet des gratte-ciel se met à luire sous la lune, au-dessus des pre
1458
nt, le sommet des gratte-ciel se met à luire sous
la
lune, au-dessus des premiers nuages. Une grande nuit s’ouvre au trava
1459
t sors. Je me promène sur cette terrasse qui fait
le
tour de mes chambres blanches, posées sur le onzième étage et festonn
1460
nzième étage et festonnées de tuiles provençales.
La
brique est chaude encore sous mes pieds nus. À ma hauteur, et un peu
1461
un peu plus bas, et puis beaucoup plus bas, dans
les
buildings voisins séparés de ma terrasse par un gouffre profond mais
1462
ée en peignoir rose ouvre son frigidaire, sort de
la
glace, ôte enfin le peignoir, il fait trop chaud. Des rires viennent
1463
ouvre son frigidaire, sort de la glace, ôte enfin
le
peignoir, il fait trop chaud. Des rires viennent d’une terrasse obscu
1464
asse obscure, un cliquetis de tiges de verre dans
les
highballs. Je rentre et j’aligne mes mots. Petits matins déjà doux de
1465
s. Petits matins déjà doux des terrasses, moments
les
plus aigus de la vie, au jour qui point, quand toutes choses et les s
1466
éjà doux des terrasses, moments les plus aigus de
la
vie, au jour qui point, quand toutes choses et les souvenirs d’hier c
1467
la vie, au jour qui point, quand toutes choses et
les
souvenirs d’hier changent de poids et de millésime, quand les mouette
1468
s d’hier changent de poids et de millésime, quand
les
mouettes éclosent du rocher, quand les premiers remorqueurs se metten
1469
miers remorqueurs se mettent à souffler fort dans
la
brume d’été flottant sur la rivière… Une langue de lumière orangée vi
1470
à souffler fort dans la brume d’été flottant sur
la
rivière… Une langue de lumière orangée vient râper doucement le crépi
1471
e langue de lumière orangée vient râper doucement
le
crépi des murs bas, sur la terrasse toute voisine. Un autre jour, le
1472
vient râper doucement le crépi des murs bas, sur
la
terrasse toute voisine. Un autre jour, le même amour, mais le cœur s’
1473
as, sur la terrasse toute voisine. Un autre jour,
le
même amour, mais le cœur s’ouvre — l’aube est l’heure du pardon déliv
1474
toute voisine. Un autre jour, le même amour, mais
le
cœur s’ouvre — l’aube est l’heure du pardon délivrant — et je me donn
1475
autre jour, le même amour, mais le cœur s’ouvre —
l’
aube est l’heure du pardon délivrant — et je me donne au jour américai
1476
le même amour, mais le cœur s’ouvre — l’aube est
l’
heure du pardon délivrant — et je me donne au jour américain ! Sur le
1477
élivrant — et je me donne au jour américain ! Sur
le
grand fond sonore à bouche fermée des usines de l’autre rive, les sir
1478
onore à bouche fermée des usines de l’autre rive,
les
sirènes des ferry-boats poussaient leur solo de désastre, de faux dés
1479
tre, de faux désastre et d’appel commercial, dans
le
matin strident de l’East River. Un quadrimoteur argenté passait très
1480
et d’appel commercial, dans le matin strident de
l’
East River. Un quadrimoteur argenté passait très haut entre deux tours
1481
r arroser au tuyau ses arbustes. Soudain, passant
la
tranche ocrée d’un bâtiment de trente étages, à mi-hauteur, sur la ri
1482
d’un bâtiment de trente étages, à mi-hauteur, sur
la
rivière, une proue grise et ses canons glissait sans bruit, un énorme
1483
ait sans bruit, un énorme croiseur défilait, tout
l’
équipage en fête saluant New York d’adieux, filant pavois au vent vers
1484
ant New York d’adieux, filant pavois au vent vers
l’
Europe… Slums La Soixante-quinzième rue n’a rien de particulier.
1485
filant pavois au vent vers l’Europe… Slums
La
Soixante-quinzième rue n’a rien de particulier. Elle part luxueusemen
1486
enue et de Central Park, traverse en direction de
l’
est de beaux quartiers gris clair d’un gothique sobre et astiqué, chan
1487
n avenue, perd toute tenue dès qu’elle a traversé
les
piliers du métro aérien qui longe encore la Troisième avenue, s’anime
1488
piers sales, pour s’ouvrir enfin toute béante sur
les
fumées de l’East River, au terme d’un parcours rectiligne d’un kilomè
1489
our s’ouvrir enfin toute béante sur les fumées de
l’
East River, au terme d’un parcours rectiligne d’un kilomètre et demi,
1490
lomètre et demi, sans changer de largeur. (Seuls,
les
trottoirs se rétrécissent.) Cette rue, comme cent autres pareilles, f
1491
, comme cent autres pareilles, fait voir en coupe
la
société américaine. C’est une coupe mégaloscopique — le contraire de
1492
iété américaine. C’est une coupe mégaloscopique —
le
contraire de microscopique — permettant l’examen à l’œil nu. Décrivon
1493
ique — le contraire de microscopique — permettant
l’
examen à l’œil nu. Décrivons sa partie, inférieure. La rue huileuse, p
1494
ontraire de microscopique — permettant l’examen à
l’
œil nu. Décrivons sa partie, inférieure. La rue huileuse, parsemée de
1495
amen à l’œil nu. Décrivons sa partie, inférieure.
La
rue huileuse, parsemée de vieilles lettres, de bouts de bois et d’écl
1496
tas de neige noircissent au rebord des trottoirs.
Les
enfants qui ne jouent plus à la balle parce que la nuit vient de desc
1497
d des trottoirs. Les enfants qui ne jouent plus à
la
balle parce que la nuit vient de descendre — depuis cinq ans que je c
1498
s enfants qui ne jouent plus à la balle parce que
la
nuit vient de descendre — depuis cinq ans que je circule dans cette v
1499
mmenses cartonnages goudronnés. Flammes gaies sur
le
couchant rose et fuligineux, en rectangle au bout de la rue, légèreme
1500
chant rose et fuligineux, en rectangle au bout de
la
rue, légèrement mordu sur les bords par la silhouette des escaliers d
1501
rectangle au bout de la rue, légèrement mordu sur
les
bords par la silhouette des escaliers de sauvetage. Ces grands seaux
1502
out de la rue, légèrement mordu sur les bords par
la
silhouette des escaliers de sauvetage. Ces grands seaux à ordures en
1503
ment ou mal vidés dans ce quartier, débordent sur
la
neige entre les escaliers de quatre marches qui conduisent aux portes
1504
és dans ce quartier, débordent sur la neige entre
les
escaliers de quatre marches qui conduisent aux portes d’entrée. Porte
1505
nds où deux personnes peuvent à peine se croiser.
L’
angoisse me prend chaque fois que j’y pénètre. (Rappel inconscient de
1506
aque fois que j’y pénètre. (Rappel inconscient de
la
naissance, me dirait un psychanalyste.) Les boîtes à lettres portent
1507
ent de la naissance, me dirait un psychanalyste.)
Les
boîtes à lettres portent des noms en cek, nous sommes dans le quartie
1508
lettres portent des noms en cek, nous sommes dans
le
quartier slovaque. Je gravis l’escalier jusqu’au troisième. La porte
1509
nous sommes dans le quartier slovaque. Je gravis
l’
escalier jusqu’au troisième. La porte donne dans la cuisine. En face d
1510
lovaque. Je gravis l’escalier jusqu’au troisième.
La
porte donne dans la cuisine. En face du fourneau à charbon, qui est c
1511
’escalier jusqu’au troisième. La porte donne dans
la
cuisine. En face du fourneau à charbon, qui est censé chauffer l’appa
1512
ace du fourneau à charbon, qui est censé chauffer
l’
appartement, une espèce de baignoire couverte et fort étroite se dress
1513
faudrait monter sur une chaise pour y entrer. De
la
cuisine, on passe par une baie sans porte dans le frontroom, qui donn
1514
la cuisine, on passe par une baie sans porte dans
le
frontroom, qui donne sur la rue. De l’autre côté de la cuisine, deux
1515
baie sans porte dans le frontroom, qui donne sur
la
rue. De l’autre côté de la cuisine, deux petites chambres sans fenêtr
1516
ontroom, qui donne sur la rue. De l’autre côté de
la
cuisine, deux petites chambres sans fenêtres ni portes. Au fond, une
1517
portes. Au fond, une autre pièce plus claire, sur
la
cour. Ce logis, qui n’est guère qu’un corridor légèrement cloisonné,
1518
’un corridor légèrement cloisonné, s’annonce dans
les
journaux : « Cinq pièces, eau chaude et bain. » Il en existe dans Man
1519
reliées par deux ou trois alvéoles aveugles. Tout
l’
East Side populaire est ainsi, sur une vingtaine de kilomètres. Je me
1520
, sur une vingtaine de kilomètres. Je me penche à
la
fenêtre, au-dessus de la cour. Le sol en est jonché de plâtras, de jo
1521
lomètres. Je me penche à la fenêtre, au-dessus de
la
cour. Le sol en est jonché de plâtras, de journaux, de chiffons qui b
1522
Je me penche à la fenêtre, au-dessus de la cour.
Le
sol en est jonché de plâtras, de journaux, de chiffons qui bougent, o
1523
sont peut-être des chats. Des cordes tendues sur
l’
abîme supportent des lessives et de grands draps claquants. Du haut en
1524
. Du haut en bas des façades de brique zigzaguent
les
noirs escaliers de sauvetage. Dans un sous-sol violemment éclairé, je
1525
se femme en peignoir qui se farde à gestes menus.
Le
concierge irlandais hurle dans l’escalier. Des enfants pleurent parmi
1526
à gestes menus. Le concierge irlandais hurle dans
l’
escalier. Des enfants pleurent parmi les radios nostalgiques, des fenê
1527
hurle dans l’escalier. Des enfants pleurent parmi
les
radios nostalgiques, des fenêtres s’allument et s’éteignent. On peut
1528
ais dans un cadre strictement rectangulaire. Tous
les
objets qu’on voit sont des rectangles, à part les chiffons et les cha
1529
les objets qu’on voit sont des rectangles, à part
les
chiffons et les chats. Les façades, hauts rectangles troués de lumièr
1530
voit sont des rectangles, à part les chiffons et
les
chats. Les façades, hauts rectangles troués de lumières et de scènes
1531
des rectangles, à part les chiffons et les chats.
Les
façades, hauts rectangles troués de lumières et de scènes du soir, s’
1532
t de scènes du soir, s’étagent en silhouettes sur
le
ciel rouge. Une radio clame Amapola, plus fort que tout, dans la cour
1533
Une radio clame Amapola, plus fort que tout, dans
la
cour où les draps au vent font de grands gestes frénétiques. New York
1534
lame Amapola, plus fort que tout, dans la cour où
les
draps au vent font de grands gestes frénétiques. New York possède aus
1535
ew York possède aussi deux-cents gratte-ciel pour
les
bureaux et quelques belles avenues de résidences pour les directeurs
1536
aux et quelques belles avenues de résidences pour
les
directeurs de bureaux. C’est ce qu’on en voit de l’étranger. Cohoe
1537
directeurs de bureaux. C’est ce qu’on en voit de
l’
étranger. Cohoes Ayant remarqué qu’on me refusait du beurre à l’
1538
s Ayant remarqué qu’on me refusait du beurre à
l’
épicerie du village de Lake George10, et que j’en paraissais fort ennu
1539
moyen et leurs maris se partagent une maison que
les
pins nous cachent, à deux-cents pas, plus petite que la nôtre, donc p
1540
s nous cachent, à deux-cents pas, plus petite que
la
nôtre, donc plus commode et plus confortable à leur sens. (Seuls les
1541
s commode et plus confortable à leur sens. (Seuls
les
Européens de mon espèce aiment les maisons trop grandes, en Amérique.
1542
r sens. (Seuls les Européens de mon espèce aiment
les
maisons trop grandes, en Amérique.) L’un des maris se nomme Robert ;
1543
çais et sa vieille mère est une Allemande du Sud.
La
famille de l’autre mari est de ce pays depuis plusieurs générations ;
1544
Hier, Robert m’a conduit à Albany, pour m’éviter
la
moitié du trajet jusqu’à New York dans un train bondé de soldats. (Le
1545
jusqu’à New York dans un train bondé de soldats. (
Le
nombre de ces petits services que vous rendent ici les voisins ! En E
1546
ombre de ces petits services que vous rendent ici
les
voisins ! En Europe, le voisin n’est que l’ennemi virtuel.) J’ai cru
1547
ces que vous rendent ici les voisins ! En Europe,
le
voisin n’est que l’ennemi virtuel.) J’ai cru poli de m’arrêter pour u
1548
ici les voisins ! En Europe, le voisin n’est que
l’
ennemi virtuel.) J’ai cru poli de m’arrêter pour une heure dans la vil
1549
.) J’ai cru poli de m’arrêter pour une heure dans
la
ville natale de Robert, à quelques kilomètres d’Albany. Vingt-cinq-mi
1550
kilomètres d’Albany. Vingt-cinq-mille habitants.
Le
nom, très difficile à prononcer : Cohoes, est sans doute d’origine in
1551
otre ville, me dit Robert, et pourtant elle avait
les
plus grandes filatures du monde avant l’autre guerre, j’entends pour
1552
res du monde avant l’autre guerre, j’entends pour
la
longueur des bâtiments. » (Il est peu de villes américaines qui ne ré
1553
quelque chose d’unique au monde, compensant ainsi
l’
impression qu’elles sont interchangeables à tant d’autres égards.) Le
1554
es sont interchangeables à tant d’autres égards.)
Le
paysage pourrait bien être européen : collines douces, bois et prairi
1555
es douces, bois et prairies, une rivière lente et
les
longs bâtiments des filatures — tout me rappelle la Souabe, le Wurtem
1556
longs bâtiments des filatures — tout me rappelle
la
Souabe, le Wurtemberg. Et, justement, nous arrivons devant une maison
1557
ments des filatures — tout me rappelle la Souabe,
le
Wurtemberg. Et, justement, nous arrivons devant une maison de bois pe
1558
née de géraniums aux fenêtres. C’est là qu’habite
la
mère de Robert, une vieille dame maigre et digne, dont les ancêtres q
1559
de Robert, une vieille dame maigre et digne, dont
les
ancêtres quittèrent l’Allemagne en 1848, parce qu’ils étaient républi
1560
ame maigre et digne, dont les ancêtres quittèrent
l’
Allemagne en 1848, parce qu’ils étaient républicains. Cette vague d’ém
1561
ique, libérale et plus ou moins morave, a modifié
l’
aspect et les coutumes de maint État du Middle West et de la partie no
1562
le et plus ou moins morave, a modifié l’aspect et
les
coutumes de maint État du Middle West et de la partie nord de la Penn
1563
t les coutumes de maint État du Middle West et de
la
partie nord de la Pennsylvanie. Nous traversons maintenant la ville p
1564
maint État du Middle West et de la partie nord de
la
Pennsylvanie. Nous traversons maintenant la ville pour aller au burea
1565
rd de la Pennsylvanie. Nous traversons maintenant
la
ville pour aller au bureau de Robert. Plusieurs églises dominent de l
1566
t. Plusieurs églises dominent de leur masse rouge
les
maisons de bois ou de brique d’un seul étage. Je remarque un groupe d
1567
, c’est l’une de nos deux églises ukrainiennes. »
La
moitié de la population de Cohoes est slave, polonaise ou russe d’ori
1568
de nos deux églises ukrainiennes. » La moitié de
la
population de Cohoes est slave, polonaise ou russe d’origine. L’autre
1569
d’Anglo-Saxons, laquelle d’ailleurs conduit tout
le
reste. Une petite ville internationale de province, sans grand avenir
1570
ur son passé d’un siècle… Robert me dépose devant
l’
entrée de son agence de locations, dans l’une des rues principales. Le
1571
ce de locations, dans l’une des rues principales.
Le
bureau donne sur le trottoir par trois portes grandes ouvertes. Je vo
1572
s l’une des rues principales. Le bureau donne sur
le
trottoir par trois portes grandes ouvertes. Je vois Robert tomber la
1573
is portes grandes ouvertes. Je vois Robert tomber
la
veste, lire quelques lettres, puis je l’entends dicter à sa secrétair
1574
t tomber la veste, lire quelques lettres, puis je
l’
entends dicter à sa secrétaire. Les passants me paraissent aussi laids
1575
ettres, puis je l’entends dicter à sa secrétaire.
Les
passants me paraissent aussi laids que ces maisons de bois grisâtres
1576
ux parois renflées ou légèrement obliques. Seule,
la
Banque est en pierres blanches, ornée de colonnes et d’un fronton de
1577
Je compte beaucoup de barbes longues et bouclées.
La
rue est sale. Suis-je en Russie ? Non, il y a trop d’autos. Robert re
1578
vient et nous roulons vers Albany. À la sortie de
la
ville, il me montre un terrain d’aviation : — C’est moi qui ai fondé
1579
quatre accidents mortels en une semaine… C’était
le
moment du grand krach, en 1929. Tout s’écroulait. Ma faillite a passé
1580
ujourd’hui, je suis président du club de golf. Si
les
affaires vont bien, après la guerre, j’espère m’acheter de nouveau un
1581
du club de golf. Si les affaires vont bien, après
la
guerre, j’espère m’acheter de nouveau un petit avion. Ce sera plus co
1582
nouveau un petit avion. Ce sera plus commode pour
les
week-ends, surtout que madame Robert n’aime pas conduire l’auto… J’e
1583
ds, surtout que madame Robert n’aime pas conduire
l’
auto… J’essaie en vain de comparer Cohoes à une ville du même nombre
1584
s bourgeois pieux et honnêtes, mais ils n’ont pas
le
sens du risque et de la vitesse. Nous avons bien des fanatiques de l’
1585
nêtes, mais ils n’ont pas le sens du risque et de
la
vitesse. Nous avons bien des fanatiques de l’aviation, mais ce ne son
1586
de la vitesse. Nous avons bien des fanatiques de
l’
aviation, mais ce ne sont pas des agents de location, d’autre part ama
1587
e vie, cette ville aux images que, par Hollywood,
l’
Amérique nous propose d’elle-même et qu’elle s’efforce d’imiter. So
1588
plateaux onduleux et livrés aux chevaux, jusqu’à
l’
horizon bleu des Appalaches. Pendant que nous roulons sur une route de
1589
ns sur une route de campagne, au creux des haies,
le
ciel se couvre. « C’est là-haut, me dit-on, à mi-pente des coteaux. »
1590
ngue pas encore cette maison célèbre, cachée dans
les
bosquets au bout d’une longue allée qui monte entre des barrières bla
1591
C’est sa manière de se venger de W…, car c’était
la
maison de ses ancêtres, à lui. Elle la déteste. Elle n’aime vraiment
1592
ar c’était la maison de ses ancêtres, à lui. Elle
la
déteste. Elle n’aime vraiment que ses chevaux… L’auto s’arrête devant
1593
la déteste. Elle n’aime vraiment que ses chevaux…
L’
auto s’arrête devant un haut portique. Deux colonnes blanches entre de
1594
s du deuxième étage. Une odeur écœurante vient de
la
porte dont un battant s’entrouvre devant nous. Trois grands longs chi
1595
e devant nous. Trois grands longs chiens sortent,
le
museau bas, et l’un vient vomir à nos pieds des morceaux de cire mal
1596
eds des morceaux de cire mal mâchés. Une servante
les
poursuit armée d’une cravache. Elle crie qu’ils viennent encore de ma
1597
vache. Elle crie qu’ils viennent encore de manger
les
bougies du carrosse de George Washington. (C’est une pièce de musée q
1598
pièce de musée que nous allons voir, remisée sous
la
colonnade des écuries.) Nous pénétrons dans un vestibule sombre. La m
1599
curies.) Nous pénétrons dans un vestibule sombre.
La
maîtresse de maison est sortie à cheval. Promenons-nous en l’attendan
1600
de maison est sortie à cheval. Promenons-nous en
l’
attendant. L’odeur des chiens imprègne les corridors. Dans un fumoir,
1601
t sortie à cheval. Promenons-nous en l’attendant.
L’
odeur des chiens imprègne les corridors. Dans un fumoir, à droite, en
1602
-nous en l’attendant. L’odeur des chiens imprègne
les
corridors. Dans un fumoir, à droite, en contrebas, deux hommes en ves
1603
whiskys, sans se déranger. Nous traversons toute
la
maison, puis une large galerie ouverte, encombrée de vieux meubles et
1604
et là, des statues de faunes et de chiens gisent
le
nez dans l’herbe, près d’un socle brisé. Le pré s’élève et s’ouvre su
1605
statues de faunes et de chiens gisent le nez dans
l’
herbe, près d’un socle brisé. Le pré s’élève et s’ouvre sur la cour sa
1606
isent le nez dans l’herbe, près d’un socle brisé.
Le
pré s’élève et s’ouvre sur la cour sablée des écuries. Celles-ci se d
1607
s d’un socle brisé. Le pré s’élève et s’ouvre sur
la
cour sablée des écuries. Celles-ci se déploient en demi-cercle, ornée
1608
une colonnade et d’un clocheton de brique portant
l’
œil blanc d’un énorme cadran. Voici le carrosse de Washington, à l’aba
1609
que portant l’œil blanc d’un énorme cadran. Voici
le
carrosse de Washington, à l’abandon. La peinture craquelée tombe par
1610
énorme cadran. Voici le carrosse de Washington, à
l’
abandon. La peinture craquelée tombe par morceaux, les coussins de vel
1611
an. Voici le carrosse de Washington, à l’abandon.
La
peinture craquelée tombe par morceaux, les coussins de velours rouge
1612
bandon. La peinture craquelée tombe par morceaux,
les
coussins de velours rouge sont moisis. Nous redescendons. Le ciel est
1613
de velours rouge sont moisis. Nous redescendons.
Le
ciel est devenu noir. Du portique, entre les hautes colonnes blanches
1614
dons. Le ciel est devenu noir. Du portique, entre
les
hautes colonnes blanches et ces ifs dramatiques, on domine un paysage
1615
s. Soudain, un coup de vent violent a jeté contre
la
façade et nos visages un tourbillon de feuilles et de grosses gouttes
1616
euilles et de grosses gouttes obliques. Entrée de
l’
automne ! The Fall, la Chute, comme ils l’appellent… Premiers éclairs
1617
gouttes obliques. Entrée de l’automne ! The Fall,
la
Chute, comme ils l’appellent… Premiers éclairs sur les prairies. Par
1618
trée de l’automne ! The Fall, la Chute, comme ils
l’
appellent… Premiers éclairs sur les prairies. Par la charmille, où il
1619
hute, comme ils l’appellent… Premiers éclairs sur
les
prairies. Par la charmille, où il fait presque nuit — mais on devine
1620
appellent… Premiers éclairs sur les prairies. Par
la
charmille, où il fait presque nuit — mais on devine encore quelques s
1621
re quelques statues décapitées ou renversées dans
les
branchages — nous arrivons au coin d’un bâtiment de ferme. C’est le c
1622
us arrivons au coin d’un bâtiment de ferme. C’est
le
chenil. Le parc s’arrête ici et s’ouvrent les espaces de pâturages nu
1623
au coin d’un bâtiment de ferme. C’est le chenil.
Le
parc s’arrête ici et s’ouvrent les espaces de pâturages nus, en pente
1624
’est le chenil. Le parc s’arrête ici et s’ouvrent
les
espaces de pâturages nus, en pente douce. Très loin, en silhouette su
1625
nus, en pente douce. Très loin, en silhouette sur
la
crête d’une colline, nous voyons deux chevaux au galop. Ils disparais
1626
me. Comme ils s’approchent, on voit qu’elle tient
la
bride d’une main, et de l’autre porte à sa bouche une pomme qu’elle m
1627
qu’elle mord en galopant. Nouveaux éclairs. Tous
les
chiens du chenil se sont mis à hurler ensemble. Est-ce l’orage ou l’a
1628
s du chenil se sont mis à hurler ensemble. Est-ce
l’
orage ou l’approche de leur maîtresse ? Les cavaliers ralentissent et
1629
se sont mis à hurler ensemble. Est-ce l’orage ou
l’
approche de leur maîtresse ? Les cavaliers ralentissent et s’arrêtent
1630
Est-ce l’orage ou l’approche de leur maîtresse ?
Les
cavaliers ralentissent et s’arrêtent devant la barre du portail. Elle
1631
? Les cavaliers ralentissent et s’arrêtent devant
la
barre du portail. Elle pousse son cheval, le portail cède et lui livr
1632
vant la barre du portail. Elle pousse son cheval,
le
portail cède et lui livre passage. C’est une grande femme bottée, sau
1633
aît nu dans un fin sweater jaune. Elle rit, jette
la
pomme et nous salue de la main. Le jeune homme mince, immobile sur so
1634
jaune. Elle rit, jette la pomme et nous salue de
la
main. Le jeune homme mince, immobile sur son cheval, nous considère a
1635
lle rit, jette la pomme et nous salue de la main.
Le
jeune homme mince, immobile sur son cheval, nous considère avec hosti
1636
r son cheval, nous considère avec hostilité. Il a
les
yeux d’un bleu très pâle et dur. Il n’a pas salué. Son silence nous s
1637
alué. Son silence nous supprime. C’est sans doute
le
nouvel intendant. « Je vous retrouve à la maison ! », crie-t-elle. Et
1638
s doute le nouvel intendant. « Je vous retrouve à
la
maison ! », crie-t-elle. Et piquant son cheval, penchée sur l’encolur
1639
, crie-t-elle. Et piquant son cheval, penchée sur
l’
encolure, elle disparaît dans le tunnel de la charmille, tandis qu’une
1640
eval, penchée sur l’encolure, elle disparaît dans
le
tunnel de la charmille, tandis qu’une meute de chiens de toutes les t
1641
sur l’encolure, elle disparaît dans le tunnel de
la
charmille, tandis qu’une meute de chiens de toutes les tailles s’élan
1642
harmille, tandis qu’une meute de chiens de toutes
les
tailles s’élance sur ses traces en aboyant. Au fond d’une pièce vaste
1643
te lampe fait une flaque rose. « Je ne trouve pas
les
prises ! explique-t-elle, je ne mets jamais les pieds dans ce dégoûta
1644
s les prises ! explique-t-elle, je ne mets jamais
les
pieds dans ce dégoûtant salon ! » Des éclairs illuminent longuement l
1645
ûtant salon ! » Des éclairs illuminent longuement
les
meubles lourds, une bibliothèque, des boiseries. Le lustre, enfin, s’
1646
meubles lourds, une bibliothèque, des boiseries.
Le
lustre, enfin, s’allume par degrés. Elle court aux fenêtres et ferme
1647
intérieurs, en chêne clair, puis elle tire encore
les
rideaux. « Les orages me rendent folle, j’ai tellement peur. Et vous
1648
chêne clair, puis elle tire encore les rideaux. «
Les
orages me rendent folle, j’ai tellement peur. Et vous ? Vous êtes mue
1649
ur. Et vous ? Vous êtes muets. Vous avez soif ? »
Les
coups de tonnerre se succèdent sans répit, et parfois les lumières va
1650
s de tonnerre se succèdent sans répit, et parfois
les
lumières vacillent, baissent, remontent… Paraît dans la porte du fond
1651
ières vacillent, baissent, remontent… Paraît dans
la
porte du fond un homme en veste de chasse, qui tient des verres de wh
1652
veste de chasse, qui tient des verres de whisky à
la
main. Deux femmes blondes entrent et vont s’asseoir un peu à l’écart
1653
femmes blondes entrent et vont s’asseoir un peu à
l’
écart de notre groupe. Un autre homme apporte un plateau. On le renvoi
1654
tre groupe. Un autre homme apporte un plateau. On
le
renvoie chercher des verres et des bouteilles. Qui sont ces gens ? El
1655
uteilles. Qui sont ces gens ? Elle dit : — Je ne
le
sais pas plus que vous. Ils sont dans la maison depuis deux ou trois
1656
— Je ne le sais pas plus que vous. Ils sont dans
la
maison depuis deux ou trois jours et se disent les amis de Jim. — Mai
1657
la maison depuis deux ou trois jours et se disent
les
amis de Jim. — Mais où est Jim ? — Je ne sais pas. Il est parti. Jim
1658
t Jim ? — Je ne sais pas. Il est parti. Jim était
l’
intendant, une sorte de géant toujours en bottes qu’elle emmenait part
1659
egard d’acier du jeune homme silencieux de tout à
l’
heure. Des chiens se glissent entre les meubles, humides et tremblants
1660
x de tout à l’heure. Des chiens se glissent entre
les
meubles, humides et tremblants. « Mais je ne sais pas recevoir ! dit-
1661
s peur… » — Eh bien ? m’ont demandé mes amis dans
la
voiture qui nous emporte sous la pluie, qu’en pensez-vous ? — Well… p
1662
dé mes amis dans la voiture qui nous emporte sous
la
pluie, qu’en pensez-vous ? — Well… pour la première fois de ma vie, j
1663
remière fois de ma vie, je me sens tenté d’écrire
la
suite du roman. La route américaine L’Européen parle parfois de
1664
, je me sens tenté d’écrire la suite du roman.
La
route américaine L’Européen parle parfois de sa conception de la v
1665
rire la suite du roman. La route américaine
L’
Européen parle parfois de sa conception de la vie. Aux États-Unis, on
1666
e L’Européen parle parfois de sa conception de
la
vie. Aux États-Unis, on parle tous les jours de l’american way of lif
1667
nception de la vie. Aux États-Unis, on parle tous
les
jours de l’american way of life, littéralement : de la route américai
1668
a vie. Aux États-Unis, on parle tous les jours de
l’
american way of life, littéralement : de la route américaine de la vie
1669
urs de l’american way of life, littéralement : de
la
route américaine de la vie. Ce qui est pour nous concept, forme arrêt
1670
f life, littéralement : de la route américaine de
la
vie. Ce qui est pour nous concept, forme arrêtée, devient chez eux ch
1671
n, mouvement indéfini. C’est pourquoi je prendrai
les
routes d’Amérique comme un symbole du rêve et de la volonté du Nouvea
1672
routes d’Amérique comme un symbole du rêve et de
la
volonté du Nouveau Monde. On croyait close l’ère des pionniers, l’ère
1673
de la volonté du Nouveau Monde. On croyait close
l’
ère des pionniers, l’ère des défricheurs de savanes qui firent reculer
1674
veau Monde. On croyait close l’ère des pionniers,
l’
ère des défricheurs de savanes qui firent reculer la frontière de déca
1675
ère des défricheurs de savanes qui firent reculer
la
frontière de décade en décade, à travers le Far West, jusqu’à ce qu’i
1676
culer la frontière de décade en décade, à travers
le
Far West, jusqu’à ce qu’ils eussent rejoint les terres du Pacifique.
1677
rs le Far West, jusqu’à ce qu’ils eussent rejoint
les
terres du Pacifique. On ne pouvait plus rien ajouter aux plus hauts g
1678
ciel de New York, à ces grandiloquents témoins de
la
crise de 1929, où les affaires périssent et les bureaux se vident au-
1679
es grandiloquents témoins de la crise de 1929, où
les
affaires périssent et les bureaux se vident au-dessus du cinquantième
1680
de la crise de 1929, où les affaires périssent et
les
bureaux se vident au-dessus du cinquantième étage, pour peu que la pr
1681
ent au-dessus du cinquantième étage, pour peu que
la
pression baisse à Wall Street. Un grand malaise étreignait l’âme amér
1682
baisse à Wall Street. Un grand malaise étreignait
l’
âme américaine, prise de nausée dès qu’elle ressent l’approche d’une l
1683
e américaine, prise de nausée dès qu’elle ressent
l’
approche d’une limite infranchissable. Où s’élancer encore ? Comment s
1684
restait à construire des routes. Depuis dix ans,
les
autostrades américaines allongent sans répit leur ruban de béton, sem
1685
gent sans répit leur ruban de béton, semblables à
la
trace d’un grand fer à repasser au travers des savanes, des cultures
1686
gigantesque se poursuit en silence à travers tout
le
continent. Personne n’en parle. On n’a pas eu besoin de changer de ré
1687
e. On n’a pas eu besoin de changer de régime pour
le
réaliser. Les autostrades américaines ne sont pas une réclame politiq
1688
eu besoin de changer de régime pour le réaliser.
Les
autostrades américaines ne sont pas une réclame politique, ni même un
1689
olitique, ni même un expédient pour lutter contre
le
chômage. Elles sont le produit du rêve et de la vitalité inépuisable
1690
pédient pour lutter contre le chômage. Elles sont
le
produit du rêve et de la vitalité inépuisable d’un peuple libre, et q
1691
e le chômage. Elles sont le produit du rêve et de
la
vitalité inépuisable d’un peuple libre, et qui voit grand sans se for
1692
ue sens, séparées par une large bande gazonnée où
l’
on s’est ingénié à conserver, ici ou là, un grand arbre isolé, témoin
1693
erver, ici ou là, un grand arbre isolé, témoin de
la
prairie. Trois pistes blanches délimitées par des lignes jaunes et no
1694
, de gauche à droite, entre cent et cent-trente à
l’
heure, des millions de larges voitures. Une telle aisance dans la vite
1695
llions de larges voitures. Une telle aisance dans
la
vitesse, l’absence de secousses et d’obstacles, l’enivrante continuit
1696
rges voitures. Une telle aisance dans la vitesse,
l’
absence de secousses et d’obstacles, l’enivrante continuité du déferle
1697
a vitesse, l’absence de secousses et d’obstacles,
l’
enivrante continuité du déferlement général, tout cela vous donne, apr
1698
al, tout cela vous donne, après quelques minutes,
l’
illusion d’une puissance immobile qui vaincrait la distance par le cha
1699
l’illusion d’une puissance immobile qui vaincrait
la
distance par le charme, attirant les villes à soi et déplaçant de vas
1700
puissance immobile qui vaincrait la distance par
le
charme, attirant les villes à soi et déplaçant de vastes paysages au
1701
qui vaincrait la distance par le charme, attirant
les
villes à soi et déplaçant de vastes paysages au gré d’une curiosité r
1702
es au gré d’une curiosité rêveuse. Mais, soudain,
le
regard est pris par un panneau rutilant sur la droite, puis mitraillé
1703
n, le regard est pris par un panneau rutilant sur
la
droite, puis mitraillé à bout portant par cent, par mille panneaux de
1704
et disparaissent en coup de vent, jusqu’à ce que
l’
œil s’éduque et se mette à déchiffrer cette espèce de manuel de condui
1705
ite et de morale élémentaire (avec publicité dans
le
texte) dont les phrases fragmentées s’échelonnent tout au long des su
1706
e élémentaire (avec publicité dans le texte) dont
les
phrases fragmentées s’échelonnent tout au long des superhighways. « P
1707
otre droite… Dépassez à gauche… Avez-vous pensé à
l’
anniversaire de votre femme ?… Donnez-lui un aspirateur Smith… Des bon
1708
bonbons Johnson… Ici, trois tués par jour… Lisez
la
Bible… Cabines de touristes à cent yards… Ferryboat du Delaware en gr
1709
tes un détour par Philadelphie… Et arrêtez-vous à
l’
hôtel Franklin… Ralentissez, région de daims… Les partis se réconcilie
1710
à l’hôtel Franklin… Ralentissez, région de daims…
Les
partis se réconcilient… autour d’un verre de champagne Renault !… Ave
1711
ault !… Avez-vous vérifié votre niveau d’huile ?…
L’
État de Pennsylvania vous souhaite la bienvenue… Et limite votre vites
1712
u d’huile ?… L’État de Pennsylvania vous souhaite
la
bienvenue… Et limite votre vitesse à cinquante miles… cinq-cents doll
1713
inq-cents dollars d’amende ou un an de prison… ou
les
deux ensemble… Dieu bénisse l’Amérique… » Je ferme les yeux et j’écou
1714
an de prison… ou les deux ensemble… Dieu bénisse
l’
Amérique… » Je ferme les yeux et j’écoute le grondement sourd des pneu
1715
eux ensemble… Dieu bénisse l’Amérique… » Je ferme
les
yeux et j’écoute le grondement sourd des pneus qui mordent le béton.
1716
nisse l’Amérique… » Je ferme les yeux et j’écoute
le
grondement sourd des pneus qui mordent le béton. En cinq heures, nous
1717
’écoute le grondement sourd des pneus qui mordent
le
béton. En cinq heures, nous aurons couvert les quatre-cents kilomètre
1718
ent le béton. En cinq heures, nous aurons couvert
les
quatre-cents kilomètres qui séparent le centre de New York de Washing
1719
couvert les quatre-cents kilomètres qui séparent
le
centre de New York de Washington, en traversant deux villes énormes :
1720
deux villes énormes : Philadelphie et Baltimore.
La
vitesse rétrécit l’espace américain, les routes de la vitesse lui cré
1721
: Philadelphie et Baltimore. La vitesse rétrécit
l’
espace américain, les routes de la vitesse lui créent enfin des cadres
1722
altimore. La vitesse rétrécit l’espace américain,
les
routes de la vitesse lui créent enfin des cadres. Quand la surface se
1723
itesse rétrécit l’espace américain, les routes de
la
vitesse lui créent enfin des cadres. Quand la surface sera suffisamme
1724
de la vitesse lui créent enfin des cadres. Quand
la
surface sera suffisamment organisée, vers quoi se tourneront les effo
1725
a suffisamment organisée, vers quoi se tourneront
les
efforts de ce peuple ? Peut-être vers la profondeur, vers la culture,
1726
rneront les efforts de ce peuple ? Peut-être vers
la
profondeur, vers la culture, vers ces problèmes que le grand nombre a
1727
de ce peuple ? Peut-être vers la profondeur, vers
la
culture, vers ces problèmes que le grand nombre a toujours fuis, part
1728
ofondeur, vers la culture, vers ces problèmes que
le
grand nombre a toujours fuis, partout. Peut-être alors les masses ell
1729
nombre a toujours fuis, partout. Peut-être alors
les
masses elles-mêmes comprendront-elles qu’il n’est qu’un seul infini v
1730
ritable : celui que chacun porte en soi, celui de
l’
âme inépuisable. Ce jour-là, les glorieux highways aboutiront enfin à
1731
e en soi, celui de l’âme inépuisable. Ce jour-là,
les
glorieux highways aboutiront enfin à l’Homme. 10. Au bord du lac d
1732
jour-là, les glorieux highways aboutiront enfin à
l’
Homme. 10. Au bord du lac du même nom, dans le nord de l’État de Ne
1733
l’Homme. 10. Au bord du lac du même nom, dans
le
nord de l’État de New York. d. Rougemont Denis de, « Tableaux améri
1734
10. Au bord du lac du même nom, dans le nord de
l’
État de New York. d. Rougemont Denis de, « Tableaux américains », La
1735
d. Rougemont Denis de, « Tableaux américains »,
La
Revue de Paris, Paris, décembre 1946, p. 51-62.
1736
Le
Mouvement européen (avril 1949)e Nécessité et urgence de l’union
1737
ropéen (avril 1949)e Nécessité et urgence de
l’
union Quand un Américain déclare que votre idée est généreuse, c’es
1738
: il va vous aider. Quand un Européen vous dit :
l’
Europe unie, oui, c’est une belle idée, une idée généreuse…, c’est qu’
1739
ns ses propos et ses réflexes, imite à sa manière
le
cynisme frivole de la noblesse à la veille de la Révolution. Mais le
1740
éflexes, imite à sa manière le cynisme frivole de
la
noblesse à la veille de la Révolution. Mais le grand style se perd et
1741
à sa manière le cynisme frivole de la noblesse à
la
veille de la Révolution. Mais le grand style se perd et Staline est a
1742
le cynisme frivole de la noblesse à la veille de
la
Révolution. Mais le grand style se perd et Staline est aux portes. Il
1743
de la noblesse à la veille de la Révolution. Mais
le
grand style se perd et Staline est aux portes. Il s’agit en réalité d
1744
t Staline est aux portes. Il s’agit en réalité de
la
vie ou de la mort d’une civilisation. Fédérer nos petits peuples in e
1745
aux portes. Il s’agit en réalité de la vie ou de
la
mort d’une civilisation. Fédérer nos petits peuples in extremis est n
1746
opération de ce genre. Qu’il suffise de rappeler
les
données qui en déterminent exactement l’urgence. La guerre a eu pour
1747
appeler les données qui en déterminent exactement
l’
urgence. La guerre a eu pour conséquences principales, d’une part, l’a
1748
données qui en déterminent exactement l’urgence.
La
guerre a eu pour conséquences principales, d’une part, l’affaissement
1749
e a eu pour conséquences principales, d’une part,
l’
affaissement de l’Europe et, d’autre part, le surgissement au plan mon
1750
uences principales, d’une part, l’affaissement de
l’
Europe et, d’autre part, le surgissement au plan mondial de la Russie
1751
art, l’affaissement de l’Europe et, d’autre part,
le
surgissement au plan mondial de la Russie et de l’Amérique. Ces deux
1752
d’autre part, le surgissement au plan mondial de
la
Russie et de l’Amérique. Ces deux colosses sont en train de s’observe
1753
e surgissement au plan mondial de la Russie et de
l’
Amérique. Ces deux colosses sont en train de s’observer par-dessus nos
1754
nt-ils. Ils proclament au contraire leur amour de
la
paix, et ils le prouvent, l’un en relevant nos ruines, et l’autre en
1755
lament au contraire leur amour de la paix, et ils
le
prouvent, l’un en relevant nos ruines, et l’autre en annexant 700 000
1756
ne voit plus très clairement s’il s’agit de poser
les
bases de la paix ou de s’assurer des bases pour faire la guerre, mais
1757
très clairement s’il s’agit de poser les bases de
la
paix ou de s’assurer des bases pour faire la guerre, mais il reste év
1758
s de la paix ou de s’assurer des bases pour faire
la
guerre, mais il reste évident que si les deux Grands continuent à se
1759
our faire la guerre, mais il reste évident que si
les
deux Grands continuent à se déclarer la paix sur ce ton-là, cela fini
1760
t que si les deux Grands continuent à se déclarer
la
paix sur ce ton-là, cela finira par des coups. Une seule puissance po
1761
inira par des coups. Une seule puissance pourrait
les
séparer et les forcer au compromis, je veux dire à la paix, c’est l’E
1762
oups. Une seule puissance pourrait les séparer et
les
forcer au compromis, je veux dire à la paix, c’est l’Europe. Mais l’E
1763
éparer et les forcer au compromis, je veux dire à
la
paix, c’est l’Europe. Mais l’Europe n’est plus une puissance, parce q
1764
orcer au compromis, je veux dire à la paix, c’est
l’
Europe. Mais l’Europe n’est plus une puissance, parce qu’elle est divi
1765
mis, je veux dire à la paix, c’est l’Europe. Mais
l’
Europe n’est plus une puissance, parce qu’elle est divisée en vingt na
1766
ée en vingt nations dont aucune, isolée, n’a plus
la
taille qu’il faut pour parler et se faire entendre dans le monde domi
1767
qu’il faut pour parler et se faire entendre dans
le
monde dominé par les deux grands empires. Et non seulement l’Europe n
1768
ler et se faire entendre dans le monde dominé par
les
deux grands empires. Et non seulement l’Europe n’est plus une puissan
1769
iné par les deux grands empires. Et non seulement
l’
Europe n’est plus une puissance qui pourrait exiger la paix, mais chac
1770
rope n’est plus une puissance qui pourrait exiger
la
paix, mais chacune des nations qui la composent se voit menacée d’ann
1771
rait exiger la paix, mais chacune des nations qui
la
composent se voit menacée d’annexion politique ou de colonisation éco
1772
on politique ou de colonisation économique. Voici
le
fait fondamental qu’énonçait au congrès de La Haye le Message aux Eu
1773
ait fondamental qu’énonçait au congrès de La Haye
le
Message aux Européens : Aucun de nos pays ne peut prétendre, seul,
1774
ndance. Aucun de nos pays ne peut résoudre, seul,
les
problèmes que lui pose l’économie moderne. Les conclusions que l’on
1775
e peut résoudre, seul, les problèmes que lui pose
l’
économie moderne. Les conclusions que l’on doit tirer de cette double
1776
, les problèmes que lui pose l’économie moderne.
Les
conclusions que l’on doit tirer de cette double constatation sont d’u
1777
lui pose l’économie moderne. Les conclusions que
l’
on doit tirer de cette double constatation sont d’une tragique simplic
1778
e constatation sont d’une tragique simplicité. Si
les
choses continuent comme elles vont : 1° les différents pays de l’Euro
1779
é. Si les choses continuent comme elles vont : 1°
les
différents pays de l’Europe seront annexés ou colonisés l’un après l’
1780
uent comme elles vont : 1° les différents pays de
l’
Europe seront annexés ou colonisés l’un après l’autre ; 2° la question
1781
ront annexés ou colonisés l’un après l’autre ; 2°
la
question allemande ne sera pas réglée, fournissant un prétexte perman
1782
a pas réglée, fournissant un prétexte permanent à
la
guerre entre les deux Grands ; 3° rien ne pourra s’opposer à cette gu
1783
urnissant un prétexte permanent à la guerre entre
les
deux Grands ; 3° rien ne pourra s’opposer à cette guerre, dont quel q
1784
urra s’opposer à cette guerre, dont quel que soit
le
vainqueur — s’il en est un — c’est l’humanité tout entière qui sortir
1785
el que soit le vainqueur — s’il en est un — c’est
l’
humanité tout entière qui sortira vaincue. Si nous voulons sauver chac
1786
er chacun de nos pays, il faut donc commencer par
les
unir. Et si nous voulons sauver la paix, ou plutôt faire la paix, il
1787
commencer par les unir. Et si nous voulons sauver
la
paix, ou plutôt faire la paix, il nous faut commencer par faire l’Eur
1788
t si nous voulons sauver la paix, ou plutôt faire
la
paix, il nous faut commencer par faire l’Europe, c’est-à-dire cette t
1789
t faire la paix, il nous faut commencer par faire
l’
Europe, c’est-à-dire cette troisième puissance capable d’imposer un co
1790
ième puissance capable d’imposer un compromis, de
l’
inventer pour les deux autres. Que si l’on me dit alors que l’Europe m
1791
apable d’imposer un compromis, de l’inventer pour
les
deux autres. Que si l’on me dit alors que l’Europe même unie serait e
1792
romis, de l’inventer pour les deux autres. Que si
l’
on me dit alors que l’Europe même unie serait encore trop faible pour
1793
our les deux autres. Que si l’on me dit alors que
l’
Europe même unie serait encore trop faible pour tenir en respect les d
1794
e serait encore trop faible pour tenir en respect
les
deux Grands, je répondrai par un seul chiffre : la population de l’Eu
1795
s deux Grands, je répondrai par un seul chiffre :
la
population de l’Europe occidentale, à l’ouest du rideau de fer, est d
1796
répondrai par un seul chiffre : la population de
l’
Europe occidentale, à l’ouest du rideau de fer, est d’environ 320 mill
1797
hiffre : la population de l’Europe occidentale, à
l’
ouest du rideau de fer, est d’environ 320 millions d’habitants : c’est
1798
0 millions d’habitants : c’est deux fois plus que
l’
Amérique, autant que la Russie et tous ses satellites. Si ces 320 mill
1799
: c’est deux fois plus que l’Amérique, autant que
la
Russie et tous ses satellites. Si ces 320 millions d’habitants faisai
1800
ils seraient en mesure d’agir, de faire réfléchir
l’
agresseur, et de sauver la paix du monde. Sur quoi j’imagine bien que
1801
gir, de faire réfléchir l’agresseur, et de sauver
la
paix du monde. Sur quoi j’imagine bien que personne n’osera dire (mêm
1802
’imagine bien que personne n’osera dire (même pas
les
staliniens, ou pas comme cela) : « Je veux une Europe désunie… » En r
1803
it-on et que pourra-t-on faire en temps utile ? »
La
paix, l’Europe unie, d’accord, c’est un beau rêve. En attendant, voic
1804
que pourra-t-on faire en temps utile ? » La paix,
l’
Europe unie, d’accord, c’est un beau rêve. En attendant, voici le cauc
1805
d’accord, c’est un beau rêve. En attendant, voici
le
cauchemar. Déjà les maréchaux s’installent et tirent leurs plans ; la
1806
beau rêve. En attendant, voici le cauchemar. Déjà
les
maréchaux s’installent et tirent leurs plans ; la Russie fait donner
1807
es maréchaux s’installent et tirent leurs plans ;
la
Russie fait donner ses cinquièmes colonnes et l’Amérique numérote ses
1808
la Russie fait donner ses cinquièmes colonnes et
l’
Amérique numérote ses bombes. Ainsi l’urgence s’ajoute à la nécessité.
1809
colonnes et l’Amérique numérote ses bombes. Ainsi
l’
urgence s’ajoute à la nécessité. J’essaierai maintenant de répondre à
1810
e numérote ses bombes. Ainsi l’urgence s’ajoute à
la
nécessité. J’essaierai maintenant de répondre à ceux qui demandent ce
1811
déjà, et ce qu’on peut faire à temps pour fédérer
l’
Europe. Origines du mouvement fédéraliste Il y eut Sully, qu’aim
1812
isme naissant. Il y eut Victor Hugo, prophétisant
l’
avènement du fédéralisme : « La Suisse, dans l’histoire, aura le derni
1813
Hugo, prophétisant l’avènement du fédéralisme : «
La
Suisse, dans l’histoire, aura le dernier mot… » Il y eut Proudhon sur
1814
nt l’avènement du fédéralisme : « La Suisse, dans
l’
histoire, aura le dernier mot… » Il y eut Proudhon surtout, qui écriva
1815
ot… » Il y eut Proudhon surtout, qui écrivait : «
Le
xxe siècle ouvrira l’ère des fédérations, ou l’humanité recommencera
1816
surtout, qui écrivait : « Le xxe siècle ouvrira
l’
ère des fédérations, ou l’humanité recommencera un purgatoire de mille
1817
Le xxe siècle ouvrira l’ère des fédérations, ou
l’
humanité recommencera un purgatoire de mille ans. » C’était vers 1860.
1818
venir incertain, au milieu du xixe siècle, quand
la
réalité politique de l’Europe était l’essor des grands nationalismes.
1819
eu du xixe siècle, quand la réalité politique de
l’
Europe était l’essor des grands nationalismes. Il y eut enfin, après l
1820
cle, quand la réalité politique de l’Europe était
l’
essor des grands nationalismes. Il y eut enfin, après la Première Guer
1821
l y eut enfin, après la Première Guerre mondiale,
le
mouvement paneuropéen, lancé à Vienne en 1923 par le comte Coudenhove
1822
mouvement paneuropéen, lancé à Vienne en 1923 par
le
comte Coudenhove-Kalergi. Ce pionnier réussit à convaincre Briand, qu
1823
ncre Briand, qui prêta sa grande voix traînarde à
l’
idée d’une union continentale. Mais ces premières ferveurs devaient bi
1824
remières ferveurs devaient bientôt se perdre dans
la
rumeur polyglotte des couloirs de la SDN. On en était aux constructio
1825
perdre dans la rumeur polyglotte des couloirs de
la
SDN. On en était aux constructions diplomatiques. Elles s’écroulèrent
1826
la première épreuve. Aux yeux des jeunes gens de
l’
époque, il fallait quelque chose de plus profond, de plus prégnant, po
1827
pour donner ses assises morales et doctrinales à
la
fédération européenne. C’est alors qu’apparurent en France les premie
1828
une lecture très facile. On y parlait beaucoup de
l’
engagement — un mot qui a fait fortune depuis dans d’autres bouches. O
1829
is dans d’autres bouches. On y faisait surtout de
la
doctrine. On s’attachait à définir cette conception fondamentale de l
1830
achait à définir cette conception fondamentale de
l’
homme que l’on baptisait la personne — l’homme « à la fois libre et re
1831
inir cette conception fondamentale de l’homme que
l’
on baptisait la personne — l’homme « à la fois libre et responsable »
1832
eption fondamentale de l’homme que l’on baptisait
la
personne — l’homme « à la fois libre et responsable » que l’on opposa
1833
ntale de l’homme que l’on baptisait la personne —
l’
homme « à la fois libre et responsable » que l’on opposait d’une part
1834
— l’homme « à la fois libre et responsable » que
l’
on opposait d’une part à l’individu sans devoirs, et d’autre part à l’
1835
e et responsable » que l’on opposait d’une part à
l’
individu sans devoirs, et d’autre part à l’homme collectiviste, au sol
1836
part à l’individu sans devoirs, et d’autre part à
l’
homme collectiviste, au soldat politique sans droits. Mais puisqu’il s
1837
agissait de s’engager, on s’appliquait à tirer de
la
doctrine ses conséquences politiques et sociales, et c’est ainsi que
1838
uences politiques et sociales, et c’est ainsi que
l’
on aboutissait à un programme communautaire, fédéraliste, anticapitali
1839
, fédéraliste, anticapitaliste mais antiétatique.
Le
grand public nous ignorait. Nous formions ce qu’on appelle avec un pe
1840
ié de « petits groupes d’intellectuels ». Survint
la
Seconde Guerre mondiale et l’occupation de l’Europe. On put croire un
1841
lectuels ». Survint la Seconde Guerre mondiale et
l’
occupation de l’Europe. On put croire un moment que tout notre travail
1842
int la Seconde Guerre mondiale et l’occupation de
l’
Europe. On put croire un moment que tout notre travail allait être eff
1843
t être effacé pour toujours. C’était compter sans
les
mouvements de Résistance. Dans les réseaux clandestins, dans les camp
1844
t compter sans les mouvements de Résistance. Dans
les
réseaux clandestins, dans les camps, dans les journaux secrets qui se
1845
de Résistance. Dans les réseaux clandestins, dans
les
camps, dans les journaux secrets qui se multipliaient en France, en H
1846
ans les réseaux clandestins, dans les camps, dans
les
journaux secrets qui se multipliaient en France, en Hollande, en Polo
1847
s livres et nos revues passaient de main en main.
Les
événements que nous avions prévus parlaient pour nous, en dépit de to
1848
ns prévus parlaient pour nous, en dépit de toutes
les
censures. Et l’idée d’un avenir fédéraliste de l’Europe devenait, pou
1849
nt pour nous, en dépit de toutes les censures. Et
l’
idée d’un avenir fédéraliste de l’Europe devenait, pour beaucoup, le s
1850
es censures. Et l’idée d’un avenir fédéraliste de
l’
Europe devenait, pour beaucoup, le symbole de l’espoir à l’horizon de
1851
fédéraliste de l’Europe devenait, pour beaucoup,
le
symbole de l’espoir à l’horizon de la Libération11. C’est pourquoi, d
1852
e l’Europe devenait, pour beaucoup, le symbole de
l’
espoir à l’horizon de la Libération11. C’est pourquoi, dès l’année 194
1853
devenait, pour beaucoup, le symbole de l’espoir à
l’
horizon de la Libération11. C’est pourquoi, dès l’année 1945, on vit s
1854
r beaucoup, le symbole de l’espoir à l’horizon de
la
Libération11. C’est pourquoi, dès l’année 1945, on vit surgir dans to
1855
l’horizon de la Libération11. C’est pourquoi, dès
l’
année 1945, on vit surgir dans toute l’Europe un pullulement de petits
1856
rquoi, dès l’année 1945, on vit surgir dans toute
l’
Europe un pullulement de petits groupes fédéralistes. On y retrouvait
1857
tits groupes fédéralistes. On y retrouvait toutes
les
nuances politiques, nationales et religieuses qui font la richesse de
1858
es politiques, nationales et religieuses qui font
la
richesse de l’Europe, et qui la rendent si difficile à gouverner. La
1859
nationales et religieuses qui font la richesse de
l’
Europe, et qui la rendent si difficile à gouverner. La première tâche
1860
igieuses qui font la richesse de l’Europe, et qui
la
rendent si difficile à gouverner. La première tâche qui s’imposait,
1861
alistes dispersés. Dès 1946, ce fut chose faite :
l’
Union européenne des fédéralistes se constituait et pouvait convoquer
1862
ralistes se constituait et pouvait convoquer pour
le
mois d’août 1947, à Montreux, son premier congrès. Qu’étions-nous à l
1863
à Montreux, son premier congrès. Qu’étions-nous à
l’
époque, il y a un an et demi ? Cent-cinquante à deux-cents délégués ve
1864
sentant une cinquantaine d’associations de toutes
les
tailles, dont plusieurs n’étaient guère qu’un nom abstrait, touchant
1865
thies faciles et d’un scepticisme profond. Devant
la
tâche urgente, mais qui pouvait paraître surhumaine, de fédérer l’Eur
1866
mais qui pouvait paraître surhumaine, de fédérer
l’
Europe, c’est-à-dire de mettre sur pied, contre vents et marées, des i
1867
s et marées, des institutions continentales et de
les
faire admettre par les États, nous n’étions qu’une poignée d’hommes d
1868
utions continentales et de les faire admettre par
les
États, nous n’étions qu’une poignée d’hommes de bonne volonté, remarq
1869
ous sommes partis — nous sommes partis pour faire
l’
Europe, tout simplement. On s’étonnera de la part que je viens de fair
1870
faire l’Europe, tout simplement. On s’étonnera de
la
part que je viens de faire à la doctrine personnaliste dans la genèse
1871
On s’étonnera de la part que je viens de faire à
la
doctrine personnaliste dans la genèse de nos mouvements. Il est vrai
1872
e viens de faire à la doctrine personnaliste dans
la
genèse de nos mouvements. Il est vrai que beaucoup de petits groupes
1873
petits groupes qui se formèrent spontanément dans
les
camps et dans les maquis ne devaient rien à cette doctrine. Mais il e
1874
se formèrent spontanément dans les camps et dans
les
maquis ne devaient rien à cette doctrine. Mais il est non moins vrai
1875
à cette doctrine. Mais il est non moins vrai que
les
grands thèmes et le vocabulaire personnalistes reparaissent avec insi
1876
is il est non moins vrai que les grands thèmes et
le
vocabulaire personnalistes reparaissent avec insistance dans tous les
1877
onnalistes reparaissent avec insistance dans tous
les
documents qui jalonnent les étapes du mouvement vers l’Europe unie, à
1878
insistance dans tous les documents qui jalonnent
les
étapes du mouvement vers l’Europe unie, à partir du congrès de Montre
1879
uments qui jalonnent les étapes du mouvement vers
l’
Europe unie, à partir du congrès de Montreux jusqu’à ceux de La Haye,
1880
ces conjuguées, celle-ci demeure, me semble-t-il,
la
plus constante et la plus aisément discernable. De Montreux à Brux
1881
-ci demeure, me semble-t-il, la plus constante et
la
plus aisément discernable. De Montreux à Bruxelles Le congrès d
1882
sément discernable. De Montreux à Bruxelles
Le
congrès de Montreux n’était pas terminé que l’idée naissait parmi nou
1883
Le congrès de Montreux n’était pas terminé que
l’
idée naissait parmi nous d’en élargir l’action en convoquant, pour le
1884
rminé que l’idée naissait parmi nous d’en élargir
l’
action en convoquant, pour le printemps de l’année suivante, des états
1885
mi nous d’en élargir l’action en convoquant, pour
le
printemps de l’année suivante, des états généraux de l’Europe. Sur-le
1886
rgir l’action en convoquant, pour le printemps de
l’
année suivante, des états généraux de l’Europe. Sur-le-champ, des acco
1887
ntemps de l’année suivante, des états généraux de
l’
Europe. Sur-le-champ, des accords furent esquissés avec les représenta
1888
. Sur-le-champ, des accords furent esquissés avec
les
représentants d’autres mouvements venus en qualité d’observateurs. Le
1889
utres mouvements venus en qualité d’observateurs.
Les
envoyés du United Europe Committee nous informèrent que le président
1890
s du United Europe Committee nous informèrent que
le
président de ce groupement, Winston Churchill, avait également l’inte
1891
ce groupement, Winston Churchill, avait également
l’
intention de convoquer un « Congrès de l’Europe ». Il ne s’agissait pa
1892
galement l’intention de convoquer un « Congrès de
l’
Europe ». Il ne s’agissait pas, dans son esprit, d’une entreprise « fé
1893
t de leur rencontre à Montreux, que devait sortir
le
congrès de La Haye. Dès l’automne 1947, un Comité de coordination des
1894
eux, que devait sortir le congrès de La Haye. Dès
l’
automne 1947, un Comité de coordination des mouvements pour l’union de
1895
47, un Comité de coordination des mouvements pour
l’
union de l’Europe dressait les plans de travail pour La Haye. Il group
1896
té de coordination des mouvements pour l’union de
l’
Europe dressait les plans de travail pour La Haye. Il groupait les qua
1897
des mouvements pour l’union de l’Europe dressait
les
plans de travail pour La Haye. Il groupait les quatre organisations s
1898
it les plans de travail pour La Haye. Il groupait
les
quatre organisations suivantes : Union européenne des fédéralistes (p
1899
nomique (Paul van Zeeland) ; Comité français pour
l’
Europe unie (E. Herriot et R. Dautry). Les Nouvelles équipes internati
1900
ais pour l’Europe unie (E. Herriot et R. Dautry).
Les
Nouvelles équipes internationales (Robert Bichet) et l’Union parlemen
1901
velles équipes internationales (Robert Bichet) et
l’
Union parlementaire européenne (Coudenhove-Kalergi) adhérèrent quelque
1902
lques mois plus tard, suivies, après La Haye, par
le
Mouvement socialiste pour les États-Unis d’Europe. Le 7 mai 1948, dan
1903
, après La Haye, par le Mouvement socialiste pour
les
États-Unis d’Europe. Le 7 mai 1948, dans la Salle des chevaliers du P
1904
ouvement socialiste pour les États-Unis d’Europe.
Le
7 mai 1948, dans la Salle des chevaliers du Parlement néerlandais, s’
1905
pour les États-Unis d’Europe. Le 7 mai 1948, dans
la
Salle des chevaliers du Parlement néerlandais, s’ouvrait le Congrès d
1906
es chevaliers du Parlement néerlandais, s’ouvrait
le
Congrès de l’Europe. Nous étions cette fois-ci plus de huit-cents dél
1907
du Parlement néerlandais, s’ouvrait le Congrès de
l’
Europe. Nous étions cette fois-ci plus de huit-cents délégués, parmi l
1908
ent votées : économique, politique et culturelle.
La
résolution politique prévoyait, comme prochaine étape, la convocation
1909
ution politique prévoyait, comme prochaine étape,
la
convocation d’une Assemblée européenne, dont les membres seraient élu
1910
, la convocation d’une Assemblée européenne, dont
les
membres seraient élus « dans leur sein ou au-dehors » par les parleme
1911
seraient élus « dans leur sein ou au-dehors » par
les
parlements des nations participantes. Ce projet fut mis au point très
1912
l’intermédiaire de M. Bidault, il fut présenté à
la
réunion des ministres des Affaires étrangères des cinq pays signatair
1913
des cinq pays signataires du pacte de Bruxelles.
Le
18 août notre Mémorandum sur l’Assemblée européenne se voyait accepté
1914
cte de Bruxelles. Le 18 août notre Mémorandum sur
l’
Assemblée européenne se voyait accepté sans réserve par le gouvernemen
1915
lée européenne se voyait accepté sans réserve par
le
gouvernement français, bientôt suivi par le gouvernement belge. Quelq
1916
e par le gouvernement français, bientôt suivi par
le
gouvernement belge. Quelques semaines plus tard, à la suite d’une déc
1917
ouvernement belge. Quelques semaines plus tard, à
la
suite d’une décision des Cinq et sur la demande réitérée de nos mouve
1918
s tard, à la suite d’une décision des Cinq et sur
la
demande réitérée de nos mouvements, une conférence restreinte de dix-
1919
perts était convoquée à Paris, aux fins d’étudier
la
constitution d’un Parlement et d’un Conseil des ministres européens.
1920
arlement et d’un Conseil des ministres européens.
Le
28 janvier 1949, la conférence aboutissait à un premier accord, et po
1921
seil des ministres européens. Le 28 janvier 1949,
la
conférence aboutissait à un premier accord, et pouvait annoncer la cr
1922
utissait à un premier accord, et pouvait annoncer
la
création prochaine d’un Conseil de l’Europe, comprenant d’une part un
1923
inistres, d’autre part un Corps consultatif, dont
les
attributions restaient à définir. Parallèlement à cette action rapide
1924
emental, nous poursuivions bien d’autres tâches :
l’
élargissement de nos mouvements et leur liaison, l’étude juridique des
1925
’élargissement de nos mouvements et leur liaison,
l’
étude juridique des institutions à créer, la formation d’un Centre eur
1926
ison, l’étude juridique des institutions à créer,
la
formation d’un Centre européen de la culture et de nombreux travaux é
1927
x travaux économiques. Au début de novembre 1948,
l’
Union européenne des fédéralistes réunissait à Rome son deuxième congr
1928
une modeste salle d’hôtel. À Rome, on nous offrit
le
palais de Venise et toutes ses salles immenses, restées vides depuis
1929
toutes ses salles immenses, restées vides depuis
la
fuite du dernier locataire. L’une de nos commissions siégeait dans le
1930
locataire. L’une de nos commissions siégeait dans
le
cabinet de travail du dictateur, et les séances plénières eurent lieu
1931
geait dans le cabinet de travail du dictateur, et
les
séances plénières eurent lieu dans la salle même du Grand Conseil fas
1932
tateur, et les séances plénières eurent lieu dans
la
salle même du Grand Conseil fasciste, sur les murs de laquelle on ava
1933
dans la salle même du Grand Conseil fasciste, sur
les
murs de laquelle on avait substitué aux faisceaux de licteur les gran
1934
uelle on avait substitué aux faisceaux de licteur
les
grandes lettres du mot Europe. Le congrès fut inauguré en présence de
1935
aux de licteur les grandes lettres du mot Europe.
Le
congrès fut inauguré en présence de tous les ministres par un discour
1936
rope. Le congrès fut inauguré en présence de tous
les
ministres par un discours du président de la République, lui-même féd
1937
ous les ministres par un discours du président de
la
République, lui-même fédéraliste convaincu. Le comte Sforza vint à l’
1938
de la République, lui-même fédéraliste convaincu.
Le
comte Sforza vint à l’une des séances nous parler comme un militant :
1939
s’écria-t-il. En réalité, vous êtes, nous sommes,
la
vérité en marche. » Et finalement, les congressistes furent reçus par
1940
ous sommes, la vérité en marche. » Et finalement,
les
congressistes furent reçus par le pape Pie XII, qui leur dit en franç
1941
Et finalement, les congressistes furent reçus par
le
pape Pie XII, qui leur dit en français « sa plus vivante sympathie »
1942
it en français « sa plus vivante sympathie » pour
l’
œuvre urgente conduite par les fédéralistes. Peu avant le congrès de R
1943
nte sympathie » pour l’œuvre urgente conduite par
les
fédéralistes. Peu avant le congrès de Rome, le Comité de coordination
1944
urgente conduite par les fédéralistes. Peu avant
le
congrès de Rome, le Comité de coordination des groupements militant p
1945
r les fédéralistes. Peu avant le congrès de Rome,
le
Comité de coordination des groupements militant pour l’union de l’Eur
1946
ité de coordination des groupements militant pour
l’
union de l’Europe avait pris le nom de Mouvement européen, ses quatre
1947
dination des groupements militant pour l’union de
l’
Europe avait pris le nom de Mouvement européen, ses quatre présidents
1948
ents militant pour l’union de l’Europe avait pris
le
nom de Mouvement européen, ses quatre présidents d’honneur étant Léon
1949
urchill, Alcide de Gasperi et Paul-Henri Spaak. À
la
question : « Qu’a-t-on fait jusqu’ici pour la fédération de l’Europe
1950
. À la question : « Qu’a-t-on fait jusqu’ici pour
la
fédération de l’Europe ? » cet historique succinct permet donc de rép
1951
« Qu’a-t-on fait jusqu’ici pour la fédération de
l’
Europe ? » cet historique succinct permet donc de répondre : nous avon
1952
ous avons lancé un mouvement, nous avons conjugué
les
efforts entrepris de tous côtés par des tendances diverses, et nous s
1953
ommes parvenus, plus rapidement que nous n’osions
l’
imaginer, à engrener sur les rouages les principaux gouvernements euro
1954
ment que nous n’osions l’imaginer, à engrener sur
les
rouages les principaux gouvernements européens. Ce qui n’était qu’un
1955
s n’osions l’imaginer, à engrener sur les rouages
les
principaux gouvernements européens. Ce qui n’était qu’un rêve il y a
1956
éorie il y a quinze ans, qu’une espérance pendant
la
guerre, est aujourd’hui discuté par la presse, les parlements, les mi
1957
ce pendant la guerre, est aujourd’hui discuté par
la
presse, les parlements, les ministères, comme quelque chose qu’il fau
1958
la guerre, est aujourd’hui discuté par la presse,
les
parlements, les ministères, comme quelque chose qu’il faut réaliser d
1959
ujourd’hui discuté par la presse, les parlements,
les
ministères, comme quelque chose qu’il faut réaliser d’urgence, et qui
1960
que chose qu’il faut réaliser d’urgence, et qui a
les
plus grandes chances de se réaliser. Nous sommes donc arrivés à pied
1961
sommes donc arrivés à pied d’œuvre. Ici commence
la
bataille décisive. Objectifs immédiats L’effort du Mouvement eu
1962
e la bataille décisive. Objectifs immédiats
L’
effort du Mouvement européen, appuyé par la propagande ou les travaux
1963
ats L’effort du Mouvement européen, appuyé par
la
propagande ou les travaux spécialisés des six mouvements qui le compo
1964
u Mouvement européen, appuyé par la propagande ou
les
travaux spécialisés des six mouvements qui le composent, va se porter
1965
ou les travaux spécialisés des six mouvements qui
le
composent, va se porter au cours des mois prochains sur quatre points
1966
droits de l’homme, mesures économiques, Centre de
la
culture. Décrivons rapidement les forces en présence : nos plans, les
1967
iques, Centre de la culture. Décrivons rapidement
les
forces en présence : nos plans, les résistances à vaincre. L’Assembl
1968
ns rapidement les forces en présence : nos plans,
les
résistances à vaincre. L’Assemblée. — Les fédéralistes ayant fait tr
1969
présence : nos plans, les résistances à vaincre.
L’
Assemblée. — Les fédéralistes ayant fait triompher à La Haye le princi
1970
plans, les résistances à vaincre. L’Assemblée. —
Les
fédéralistes ayant fait triompher à La Haye le principe d’une représe
1971
— Les fédéralistes ayant fait triompher à La Haye
le
principe d’une représentation aussi large que possible non seulement
1972
nation (syndicats, religions, universités, etc.),
le
Mouvement européen défendit ce point de vue dans son mémorandum du 18
1973
dans son mémorandum du 18 août 1948. C’est ce que
la
presse nomme aujourd’hui, en simplifiant un peu, la position français
1974
presse nomme aujourd’hui, en simplifiant un peu,
la
position française. Je la nommerais plutôt la position fédéraliste. C
1975
en simplifiant un peu, la position française. Je
la
nommerais plutôt la position fédéraliste. Car si l’on veut que les pe
1976
eu, la position française. Je la nommerais plutôt
la
position fédéraliste. Car si l’on veut que les peuples soient représe
1977
nommerais plutôt la position fédéraliste. Car si
l’
on veut que les peuples soient représentés, c’est que l’on veut abouti
1978
tôt la position fédéraliste. Car si l’on veut que
les
peuples soient représentés, c’est que l’on veut aboutir à autre chose
1979
eut que les peuples soient représentés, c’est que
l’
on veut aboutir à autre chose qu’au « Corps consultatif » accepté par
1980
tre chose qu’au « Corps consultatif » accepté par
les
Cinq : à l’Assemblée constituante de l’Europe, qui pourra seule contr
1981
au « Corps consultatif » accepté par les Cinq : à
l’
Assemblée constituante de l’Europe, qui pourra seule contraindre les É
1982
epté par les Cinq : à l’Assemblée constituante de
l’
Europe, qui pourra seule contraindre les États à s’incliner devant un
1983
ituante de l’Europe, qui pourra seule contraindre
les
États à s’incliner devant un pouvoir fédéral, mettant un terme au règ
1984
gne féodal des souverainetés nationales absolues.
La
position dite britannique (en fait, celle de M. Bevin) tend, au contr
1985
celle de M. Bevin) tend, au contraire, à réduire
l’
Assemblée au rôle purement consultatif d’un petit Congrès d’experts no
1986
nsultatif d’un petit Congrès d’experts nommés par
les
gouvernements. Tout le pouvoir, dans ce cas, reviendrait aux ministre
1987
grès d’experts nommés par les gouvernements. Tout
le
pouvoir, dans ce cas, reviendrait aux ministres. Essayons de comprend
1988
ilitants, avec une volonté sournoise de sabotage.
Les
Britanniques respectent leur gouvernement. Ils pensent que les minist
1989
ues respectent leur gouvernement. Ils pensent que
les
ministres sont là pour gouverner, ce qui paraît étrange à beaucoup de
1990
Latins. Ils pensent donc, tout naturellement, que
l’
Europe sera faite par des ministres. Et cela ne va pas à une fédératio
1991
x souverainetés nationales, et ne troubleront pas
l’
économie travailliste dans son austère insularité… Step by step, répè
1992
s son austère insularité… Step by step, répètent
les
Anglais. Nous leur disons : « Vous ne pouvez franchir un abîme pas à
1993
ez franchir un abîme pas à pas, il faut sauter. »
Le
saut, dans ce cas, consistera à transformer le « Corps consultatif »
1994
» Le saut, dans ce cas, consistera à transformer
le
« Corps consultatif » en Assemblée constituante. Cour des droits de
1995
te des droits de l’homme vient d’être adoptée par
l’
ONU. Elle restera malheureusement inopérante tant que les États rester
1996
Elle restera malheureusement inopérante tant que
les
États resteront souverains. Car c’est la protection des droits de la
1997
ant que les États resteront souverains. Car c’est
la
protection des droits de la personne et des droits des minorités cont
1998
souverains. Car c’est la protection des droits de
la
personne et des droits des minorités contre l’État qu’il s’agit de sa
1999
de la personne et des droits des minorités contre
l’
État qu’il s’agit de sauvegarder aujourd’hui. Et cela suppose l’instit
2000
’agit de sauvegarder aujourd’hui. Et cela suppose
l’
institution d’une Cour suprême, c’est-à-dire d’une instance supérieure
2001
ts à leurs dépens, s’il y a lieu. C’est pourquoi
le
Conseil international du Mouvement européen, dans sa réunion de Bruxe
2002
a recommandé que soit créée, par convention entre
les
États membres de l’union européenne, une Cour des droits de l’homme e
2003
créée, par convention entre les États membres de
l’
union européenne, une Cour des droits de l’homme et une Commission d’e
2004
e des gouvernements. Ces deux organes formeraient
le
noyau d’un véritable pouvoir fédéral. Il me paraît clair qu’ils impli
2005
oir fédéral. Il me paraît clair qu’ils impliquent
la
création d’une force de police fédérale. Car enfin, de quoi s’agit-il
2006
éer un tribunal devant lequel puisse être déféré,
le
cas échéant, tout État qui céderait au totalitarisme ? Mesures écono
2007
derait au totalitarisme ? Mesures économiques. —
Le
contradicteur moyen aime à nous dire que nos plans « généreux » vaudr
2008
e à nous dire que nos plans « généreux » vaudront
le
papier qui les supporte, tant que nous n’aurons pas résolu les grands
2009
que nos plans « généreux » vaudront le papier qui
les
supporte, tant que nous n’aurons pas résolu les grands problèmes écon
2010
i les supporte, tant que nous n’aurons pas résolu
les
grands problèmes économiques. Nous sommes un certain nombre à penser
2011
ant que nos plans politiques n’auront pas abouti.
La
sagesse des experts, dans chacun de nos pays, se réduit au conseil cl
2012
pays, se réduit au conseil classique : augmenter
les
exportations. L’homme de la rue s’étonne de voir cette farce rééditée
2013
u conseil classique : augmenter les exportations.
L’
homme de la rue s’étonne de voir cette farce rééditée chaque jour avec
2014
lassique : augmenter les exportations. L’homme de
la
rue s’étonne de voir cette farce rééditée chaque jour avec tant de gr
2015
nt que toute exportation devient importation chez
le
voisin. Une conférence d’économistes européens, convoquée pour le moi
2016
onférence d’économistes européens, convoquée pour
le
mois d’avril à Westminster, essaiera de dépasser le plan des absurdit
2017
mois d’avril à Westminster, essaiera de dépasser
le
plan des absurdités officielles. Parmi les mesures que défendent la p
2018
épasser le plan des absurdités officielles. Parmi
les
mesures que défendent la plupart des fédéralistes, signalons l’abaiss
2019
défendent la plupart des fédéralistes, signalons
l’
abaissement progressif des barrières douanières, l’instauration d’une
2020
’abaissement progressif des barrières douanières,
l’
instauration d’une monnaie européenne, la création d’une régie fédéral
2021
anières, l’instauration d’une monnaie européenne,
la
création d’une régie fédérale des houillères (solution du problème de
2022
fédérale des houillères (solution du problème de
la
Ruhr). On doit attendre avec curiosité le résultat des discussions de
2023
lème de la Ruhr). On doit attendre avec curiosité
le
résultat des discussions de notre section économique, si l’on songe q
2024
t des discussions de notre section économique, si
l’
on songe qu’elle a pu réunir, sous le signe de l’Europe, des hommes au
2025
onomique, si l’on songe qu’elle a pu réunir, sous
le
signe de l’Europe, des hommes aussi divers que le dirigiste André Phi
2026
l’on songe qu’elle a pu réunir, sous le signe de
l’
Europe, des hommes aussi divers que le dirigiste André Philip, le libé
2027
le signe de l’Europe, des hommes aussi divers que
le
dirigiste André Philip, le libéral Giscard d’Estaing, Lord Layton et
2028
ommes aussi divers que le dirigiste André Philip,
le
libéral Giscard d’Estaing, Lord Layton et Léon Jouhaux. Centre europ
2029
re. — Finalement, il nous paraît clair que toutes
les
mesures économiques et politiques que pourrait proposer le Mouvement
2030
s économiques et politiques que pourrait proposer
le
Mouvement européen resteraient lettre morte, s’il n’existait, en deçà
2031
er, informer cette conscience de notre unité dans
la
richesse de nos diversités, telle doit être, avant tout comme après t
2032
és, telle doit être, avant tout comme après tout,
la
vocation de notre Mouvement européen. S’il ne mettait la culture à sa
2033
tion de notre Mouvement européen. S’il ne mettait
la
culture à sa place, qui est à la fois primordiale et finale, il cesse
2034
is primordiale et finale, il cesserait de mériter
l’
adjectif de son titre. C’est pourquoi le congrès de La Haye a réclamé
2035
e mériter l’adjectif de son titre. C’est pourquoi
le
congrès de La Haye a réclamé l’institution rapide d’un Centre europée
2036
e. C’est pourquoi le congrès de La Haye a réclamé
l’
institution rapide d’un Centre européen de la culture, capable de « do
2037
éen de la culture, capable de « donner une voix à
la
conscience de l’Europe et des peuples qui lui sont associés ». Il ne
2038
, capable de « donner une voix à la conscience de
l’
Europe et des peuples qui lui sont associés ». Il ne s’agit nullement
2039
onalisme européen, mais au contraire de restaurer
le
rayonnement des valeurs que l’Europe, malgré tout, illustre encore au
2040
raire de restaurer le rayonnement des valeurs que
l’
Europe, malgré tout, illustre encore aux yeux du monde entier : une ce
2041
yeux du monde entier : une certaine conception de
la
personne humaine et de ses libertés fondamentales, antérieures et sup
2042
ertés fondamentales, antérieures et supérieures à
l’
État ; un certain refus de l’uniformité, un certain sens du dialogue p
2043
res et supérieures à l’État ; un certain refus de
l’
uniformité, un certain sens du dialogue permanent, condition de notre
2044
s pays, des instituts qui veulent travailler pour
l’
Europe. Coordonner toutes ces initiatives dans le cadre d’un grand mou
2045
l’Europe. Coordonner toutes ces initiatives dans
le
cadre d’un grand mouvement qui leur donnera le moyen de concourir à l
2046
ns le cadre d’un grand mouvement qui leur donnera
le
moyen de concourir à l’édification d’un ordre libre ; former une opin
2047
ouvement qui leur donnera le moyen de concourir à
l’
édification d’un ordre libre ; former une opinion européenne ; offrir
2048
tique. Il n’est point d’ordre politique qui serve
l’
homme, s’il n’est orienté dès le départ par une vision libératrice et
2049
litique qui serve l’homme, s’il n’est orienté dès
le
départ par une vision libératrice et fascinante. L’Europe se fera, en
2050
départ par une vision libératrice et fascinante.
L’
Europe se fera, en dépit des experts (qui savent toujours que c’est De
2051
e de véritables résistants — ceux qui résistent à
la
fatalité — l’auront vue et marchent vers elle. Il se peut que la visi
2052
s résistants — ceux qui résistent à la fatalité —
l’
auront vue et marchent vers elle. Il se peut que la vision qui les gui
2053
’auront vue et marchent vers elle. Il se peut que
la
vision qui les guide, éclairant le chemin sous leurs pas, cache une r
2054
marchent vers elle. Il se peut que la vision qui
les
guide, éclairant le chemin sous leurs pas, cache une réalité finale q
2055
Il se peut que la vision qui les guide, éclairant
le
chemin sous leurs pas, cache une réalité finale qui les surprenne. Ch
2056
emin sous leurs pas, cache une réalité finale qui
les
surprenne. Christophe Colomb voyait les Indes, ou nommait ainsi sa vi
2057
inale qui les surprenne. Christophe Colomb voyait
les
Indes, ou nommait ainsi sa vision. Contre vents et marées, contre tou
2058
si sa vision. Contre vents et marées, contre tous
les
experts de son équipe, il se mit en route pour la joindre. Mais nous,
2059
es experts de son équipe, il se mit en route pour
la
joindre. Mais nous, quel continent nouveau, tout imprévu, risquons-no
2060
r croire ? Se peut-il que ce soit tout simplement
l’
Europe, redécouverte à la faveur de son union ? Une Europe rajeunie qu
2061
ce soit tout simplement l’Europe, redécouverte à
la
faveur de son union ? Une Europe rajeunie qui deviendrait soudain, po
2062
e qui deviendrait soudain, pour nos yeux étonnés,
la
Terre promise. 11. Voir le recueil de documents intitulés L’Europe
2063
r nos yeux étonnés, la Terre promise. 11. Voir
le
recueil de documents intitulés L’Europe de demain (La Baconnière) qui
2064
se. 11. Voir le recueil de documents intitulés
L’
Europe de demain (La Baconnière) qui groupe les déclarations fédéralis
2065
ecueil de documents intitulés L’Europe de demain (
La
Baconnière) qui groupe les déclarations fédéralistes des mouvements d
2066
lés L’Europe de demain (La Baconnière) qui groupe
les
déclarations fédéralistes des mouvements de la Résistance dans neuf p
2067
e les déclarations fédéralistes des mouvements de
la
Résistance dans neuf pays. e. Rougemont Denis de, « Le Mouvement eu
2068
stance dans neuf pays. e. Rougemont Denis de, «
Le
Mouvement européen », La Revue de Paris, Paris, avril 1949, p. 76-84.
2069
. Rougemont Denis de, « Le Mouvement européen »,
La
Revue de Paris, Paris, avril 1949, p. 76-84.
2070
Découverte de
l’
Europe (octobre 1949)f Il n’est pas facile d’être actuel. Il y faut
2071
datée une ère nouvelle. » Mais ce jour-là, il est
le
seul à s’en douter. Cette histoire n’est pas bien nouvelle, il y a pr
2072
ien nouvelle, il y a près de deux-mille ans qu’on
la
connaît : la mort d’un Juif obscur, près de Jérusalem, a fait moins d
2073
il y a près de deux-mille ans qu’on la connaît :
la
mort d’un Juif obscur, près de Jérusalem, a fait moins de bruit, en s
2074
rusalem, a fait moins de bruit, en son temps, que
la
visite de Bartali, coureur cycliste, au Vatican. Il serait donc vain
2075
au Vatican. Il serait donc vain de s’étonner que
le
Tour de France ait damé le pion de l’« actualité » à la première Asse
2076
vain de s’étonner que le Tour de France ait damé
le
pion de l’« actualité » à la première Assemblée de l’Europe, qui s’ou
2077
étonner que le Tour de France ait damé le pion de
l’
« actualité » à la première Assemblée de l’Europe, qui s’ouvrit à Stra
2078
Assemblée de l’Europe, qui s’ouvrit à Strasbourg
le
10 août, en pleines vacances de l’opinion publique. Pourtant les jour
2079
t à Strasbourg le 10 août, en pleines vacances de
l’
opinion publique. Pourtant les journalistes étaient présents. On dit m
2080
pleines vacances de l’opinion publique. Pourtant
les
journalistes étaient présents. On dit même qu’ils furent plus de cinq
2081
-cents. Et bien d’autres ont jugé Strasbourg dans
les
éditoriaux du monde entier, d’autant plus librement qu’ils n’y étaien
2082
tant plus librement qu’ils n’y étaient pas allés.
L’
événement s’est donc vu noyé sous un déluge de clichés contradictoires
2083
pitation dangereuse ou lenteurs désespérantes, ou
les
deux à la fois, souvent dans le même article. Que l’Assemblée se soit
2084
ésespérantes, ou les deux à la fois, souvent dans
le
même article. Que l’Assemblée se soit montrée timide ou au contraire
2085
deux à la fois, souvent dans le même article. Que
l’
Assemblée se soit montrée timide ou au contraire téméraire, que l’expé
2086
oit montrée timide ou au contraire téméraire, que
l’
expérience soit trop tardive, ou au contraire prématurée, c’est ce que
2087
uire des milliers de coupures de presse où figure
le
nom de Strasbourg. Une seule opinion générale se dégage de ce flot d’
2088
le se dégage de ce flot d’imprimés : et c’est que
l’
opinion, précisément, serait demeurée indifférente. Ce paradoxe couvre
2089
indifférente. Ce paradoxe couvre un sophisme. Car
les
journaux ne sauraient décrire l’opinion sans la modifier : ce sont eu
2090
n sophisme. Car les journaux ne sauraient décrire
l’
opinion sans la modifier : ce sont eux qui la déterminent en bonne par
2091
les journaux ne sauraient décrire l’opinion sans
la
modifier : ce sont eux qui la déterminent en bonne partie. S’il leur
2092
rire l’opinion sans la modifier : ce sont eux qui
la
déterminent en bonne partie. S’il leur faut tant de mots pour expliqu
2093
e. S’il leur faut tant de mots pour expliquer que
le
sujet n’intéresse personne, notre jugement doit chercher d’autres sou
2094
Strasbourg ? Quelque chose d’assez neuf, il faut
le
croire, pour que la presse n’ait pas su l’enregistrer, sinon par les
2095
e chose d’assez neuf, il faut le croire, pour que
la
presse n’ait pas su l’enregistrer, sinon par les oscillations que je
2096
l faut le croire, pour que la presse n’ait pas su
l’
enregistrer, sinon par les oscillations que je viens de rappeler, d’un
2097
e la presse n’ait pas su l’enregistrer, sinon par
les
oscillations que je viens de rappeler, d’un bout à l’autre du champ d
2098
eler, d’un bout à l’autre du champ des clichés. ⁂
La
réunion de cent-un députés, régulièrement élus par les parlements de
2099
éunion de cent-un députés, régulièrement élus par
les
parlements de douze pays, matérialisa le 10 août les efforts développ
2100
lus par les parlements de douze pays, matérialisa
le
10 août les efforts développés depuis quelques années par les mouveme
2101
parlements de douze pays, matérialisa le 10 août
les
efforts développés depuis quelques années par les mouvements fédérali
2102
les efforts développés depuis quelques années par
les
mouvements fédéralistes, et depuis un an par le Mouvement européen. M
2103
les mouvements fédéralistes, et depuis un an par
le
Mouvement européen. Mais cet aboutissement spectaculaire devait marqu
2104
tissement spectaculaire devait marquer — comme je
l’
ai dit ici, au mois d’avril — le vrai début de la bataille décisive. I
2105
arquer — comme je l’ai dit ici, au mois d’avril —
le
vrai début de la bataille décisive. Il était raisonnable de prévoir q
2106
l’ai dit ici, au mois d’avril — le vrai début de
la
bataille décisive. Il était raisonnable de prévoir que la première se
2107
erait consacrée à des questions de procédure, car
les
statuts du Conseil de l’Europe étaient loin d’assurer au Corps consul
2108
un dispositif de combat, tout d’abord obtenir que
le
Comité des ministres ne dicte pas l’ordre du jour de l’Assemblée ; co
2109
obtenir que le Comité des ministres ne dicte pas
l’
ordre du jour de l’Assemblée ; constituer des commissions permanentes
2110
ité des ministres ne dicte pas l’ordre du jour de
l’
Assemblée ; constituer des commissions permanentes ; délimiter une maj
2111
iter une majorité et une opposition ; bref, roder
la
machine et vérifier le jeu des commandes. De fait, une semaine a suff
2112
e opposition ; bref, roder la machine et vérifier
le
jeu des commandes. De fait, une semaine a suffi pour réussir ces diff
2113
ces différentes opérations, et même pour écarter
les
deux dangers majeurs qui guettaient la jeune Assemblée. Le premier eû
2114
r écarter les deux dangers majeurs qui guettaient
la
jeune Assemblée. Le premier eût consisté dans un clivage vertical, pa
2115
un clivage vertical, par délégations nationales.
Le
règlement l’a prévenu, fort heureusement. Les députés siègent en effe
2116
ertical, par délégations nationales. Le règlement
l’
a prévenu, fort heureusement. Les députés siègent en effet par ordre a
2117
les. Le règlement l’a prévenu, fort heureusement.
Les
députés siègent en effet par ordre alphabétique, non par groupes nati
2118
roupes nationaux. Ils votent individuellement. Et
l’
on n’a pas remarqué qu’un mot d’ordre national — s’il en fut jamais do
2119
s’il en fut jamais donné — ait été suivi même par
les
Britanniques. Ces derniers se sont, au contraire, divisés publiquemen
2120
ois exceptions près). Mais cette manière d’éviter
le
danger « national » risquait d’en créer un nouveau : le clivage horiz
2121
ger « national » risquait d’en créer un nouveau :
le
clivage horizontal de l’Assemblée selon les affinités des partis, par
2122
d’en créer un nouveau : le clivage horizontal de
l’
Assemblée selon les affinités des partis, par-dessus les frontières. L
2123
veau : le clivage horizontal de l’Assemblée selon
les
affinités des partis, par-dessus les frontières. Là encore, l’attitud
2124
emblée selon les affinités des partis, par-dessus
les
frontières. Là encore, l’attitude très particulière des Britanniques
2125
des partis, par-dessus les frontières. Là encore,
l’
attitude très particulière des Britanniques a fait échouer la première
2126
a première coalition partisane qui se dessinait :
les
travaillistes et les socialistes continentaux ne sont pas parvenus à
2127
partisane qui se dessinait : les travaillistes et
les
socialistes continentaux ne sont pas parvenus à former un front uni d
2128
à former un front uni des gauches, sur le plan de
l’
Europe. Dès les premières interventions sur le fond du débat, c’est-à-
2129
de l’Europe. Dès les premières interventions sur
le
fond du débat, c’est-à-dire sur les buts et les méthodes du Conseil d
2130
erventions sur le fond du débat, c’est-à-dire sur
les
buts et les méthodes du Conseil de l’Europe, les deux conceptions qui
2131
ur le fond du débat, c’est-à-dire sur les buts et
les
méthodes du Conseil de l’Europe, les deux conceptions qui se sont aff
2132
les buts et les méthodes du Conseil de l’Europe,
les
deux conceptions qui se sont affrontées n’ont pas été la gauche et la
2133
conceptions qui se sont affrontées n’ont pas été
la
gauche et la droite traditionnelles, mais bien le fédéralisme et l’un
2134
qui se sont affrontées n’ont pas été la gauche et
la
droite traditionnelles, mais bien le fédéralisme et l’unionisme, form
2135
la gauche et la droite traditionnelles, mais bien
le
fédéralisme et l’unionisme, formant une gauche et une droite nouvelle
2136
oite traditionnelles, mais bien le fédéralisme et
l’
unionisme, formant une gauche et une droite nouvelles, proprement euro
2137
proprement européennes, et qui ne recouvrent pas
les
anciennes divisions. (Ces dernières ne se retrouvent, mais notablemen
2138
retrouvent, mais notablement atténuées, que dans
le
plan économique, sous les noms de libéralisme et de dirigisme.) Que v
2139
ment atténuées, que dans le plan économique, sous
les
noms de libéralisme et de dirigisme.) Que veulent les unionistes ? L’
2140
noms de libéralisme et de dirigisme.) Que veulent
les
unionistes ? L’Europe unie, bien sûr. Mais pas trop vite, ni trop pré
2141
me et de dirigisme.) Que veulent les unionistes ?
L’
Europe unie, bien sûr. Mais pas trop vite, ni trop précisément… Ils pa
2142
préparatoires. Step by step reste leur devise. À
les
en croire, l’opinion n’est pas mûre, les peuples sont encore indiffér
2143
Step by step reste leur devise. À les en croire,
l’
opinion n’est pas mûre, les peuples sont encore indifférents ou hostil
2144
evise. À les en croire, l’opinion n’est pas mûre,
les
peuples sont encore indifférents ou hostiles aux travaux de Strasbour
2145
lent pécher, bien au contraire, par optimisme. Et
les
fédéralistes ont beau jeu de leur répondre : où prendrez-vous le temp
2146
ont beau jeu de leur répondre : où prendrez-vous
le
temps d’être prudents ? Si nous craignons d’aller trop vite, aux yeux
2147
Si nous craignons d’aller trop vite, aux yeux de
l’
expérience d’autres époques et d’une sagesse bien éprouvée (dans tous
2148
époques et d’une sagesse bien éprouvée (dans tous
les
sens de l’adjectif), on ne nous laissera pas même le temps de partir.
2149
’une sagesse bien éprouvée (dans tous les sens de
l’
adjectif), on ne nous laissera pas même le temps de partir. Le plan Ma
2150
sens de l’adjectif), on ne nous laissera pas même
le
temps de partir. Le plan Marshall se termine dans deux ans. La crise
2151
on ne nous laissera pas même le temps de partir.
Le
plan Marshall se termine dans deux ans. La crise économique s’aggrave
2152
artir. Le plan Marshall se termine dans deux ans.
La
crise économique s’aggrave très rapidement (sans nulle prudence !) fa
2153
e d’unité dans nos programmes de redressement. Et
les
menaces de guerre sont là. Demandez à l’opinion si elle est mûre pour
2154
ent. Et les menaces de guerre sont là. Demandez à
l’
opinion si elle est mûre pour la guerre ! Elle hésite à vous suivre à
2155
nt là. Demandez à l’opinion si elle est mûre pour
la
guerre ! Elle hésite à vous suivre à cause de vos prudences. Elle sui
2156
le suivra ceux qui marchent, ceux qui ont su voir
le
but et qui ont osé lui donner son vrai nom : fédération. Les progrès
2157
qui ont osé lui donner son vrai nom : fédération.
Les
progrès surprenants de l’idée fédéraliste parmi les députés européens
2158
vrai nom : fédération. Les progrès surprenants de
l’
idée fédéraliste parmi les députés européens sont attestés par un fait
2159
s progrès surprenants de l’idée fédéraliste parmi
les
députés européens sont attestés par un fait capital : la Commission d
2160
tés européens sont attestés par un fait capital :
la
Commission des affaires générales, élue par l’Assemblée dès le 20 aoû
2161
: la Commission des affaires générales, élue par
l’
Assemblée dès le 20 août, s’est engagée sans le moindre délai, dans l’
2162
des affaires générales, élue par l’Assemblée dès
le
20 août, s’est engagée sans le moindre délai, dans l’étude des struct
2163
ar l’Assemblée dès le 20 août, s’est engagée sans
le
moindre délai, dans l’étude des structures politiques nécessaires à l
2164
0 août, s’est engagée sans le moindre délai, dans
l’
étude des structures politiques nécessaires à l’union de l’Europe. C’e
2165
s l’étude des structures politiques nécessaires à
l’
union de l’Europe. C’est dire que la question centrale posée par les f
2166
es structures politiques nécessaires à l’union de
l’
Europe. C’est dire que la question centrale posée par les fédéralistes
2167
nécessaires à l’union de l’Europe. C’est dire que
la
question centrale posée par les fédéralistes, celle d’un gouvernement
2168
pe. C’est dire que la question centrale posée par
les
fédéralistes, celle d’un gouvernement au-dessus des États, n’a pas pu
2169
’a pas pu être refoulée plus de dix jours, malgré
les
efforts conjugués des unionistes nordiques et des ministres, malgré l
2170
des unionistes nordiques et des ministres, malgré
les
conseils de lenteur, de sagesse, de prudence, etc., prodigués (en ang
2171
aux députés européens. Dès sa prochaine session,
l’
Assemblée sera saisie d’un plan dont le président de la Commission, M.
2172
e session, l’Assemblée sera saisie d’un plan dont
le
président de la Commission, M. Bidault, peut déjà déclarer qu’il s’or
2173
emblée sera saisie d’un plan dont le président de
la
Commission, M. Bidault, peut déjà déclarer qu’il s’orientera nettemen
2174
l comment M. Churchill peut à la fois lutter pour
l’
union de l’Europe et déclarer qu’on ne touchera pas à ces sacro-sainte
2175
. Churchill peut à la fois lutter pour l’union de
l’
Europe et déclarer qu’on ne touchera pas à ces sacro-saintes souverain
2176
ntes souverainetés.) Mais au lieu de discuter sur
l’
abandon des privilèges féodaux des États, l’Assemblée, fort sagement,
2177
r sur l’abandon des privilèges féodaux des États,
l’
Assemblée, fort sagement, s’est tournée vers les créations nécessaires
2178
s, l’Assemblée, fort sagement, s’est tournée vers
les
créations nécessaires. Le grand problème qui passe ainsi au premier r
2179
nt, s’est tournée vers les créations nécessaires.
Le
grand problème qui passe ainsi au premier rang, c’est celui de la sou
2180
e qui passe ainsi au premier rang, c’est celui de
la
source et des fondements du pouvoir fédéral de demain. Dans les coulo
2181
des fondements du pouvoir fédéral de demain. Dans
les
couloirs et les clubs de Strasbourg, on a pu voir se former deux écol
2182
u pouvoir fédéral de demain. Dans les couloirs et
les
clubs de Strasbourg, on a pu voir se former deux écoles. La première
2183
pu voir se former deux écoles. La première tient
le
Comité des ministres pour le germe du futur gouvernement de l’Europe.
2184
s. La première tient le Comité des ministres pour
le
germe du futur gouvernement de l’Europe. Car les ministres, observe-t
2185
ministres pour le germe du futur gouvernement de
l’
Europe. Car les ministres, observe-t-on, sont les seuls à détenir un p
2186
r le germe du futur gouvernement de l’Europe. Car
les
ministres, observe-t-on, sont les seuls à détenir un pouvoir bien rée
2187
e l’Europe. Car les ministres, observe-t-on, sont
les
seuls à détenir un pouvoir bien réel, dans le Conseil de l’Europe tel
2188
nt les seuls à détenir un pouvoir bien réel, dans
le
Conseil de l’Europe tel qu’il existe. Certes. Mais, si le Conseil exi
2189
il de l’Europe tel qu’il existe. Certes. Mais, si
le
Conseil existe, n’est-ce point précisément parce que certains pionnie
2190
ements, qui voudraient faire passer pour réalisme
la
soumission au statu quo ? D’autre part, les pouvoirs que détiennent l
2191
alisme la soumission au statu quo ? D’autre part,
les
pouvoirs que détiennent les ministres étant strictement nationaux, le
2192
u quo ? D’autre part, les pouvoirs que détiennent
les
ministres étant strictement nationaux, leur addition ou juxtaposition
2193
position n’irait-elle point créer, sur le plan de
l’
Europe, un danger pire que l’absence de pouvoir, une sorte de frein au
2194
réer, sur le plan de l’Europe, un danger pire que
l’
absence de pouvoir, une sorte de frein automatique, un véritable anti-
2195
, qu’il s’agirait alors de renverser pour établir
l’
union réelle ? La seconde école, celle des fédéralistes, tient que l’o
2196
seconde école, celle des fédéralistes, tient que
l’
origine normale du pouvoir à créer réside dans l’Assemblée elle-même,
2197
l’origine normale du pouvoir à créer réside dans
l’
Assemblée elle-même, dont le Comité des ministres, élargi, devrait for
2198
r à créer réside dans l’Assemblée elle-même, dont
le
Comité des ministres, élargi, devrait former la Chambre haute (Sénat
2199
t le Comité des ministres, élargi, devrait former
la
Chambre haute (Sénat ou Conseil d’États). La Commission permanente de
2200
rmer la Chambre haute (Sénat ou Conseil d’États).
La
Commission permanente de vingt-huit membres, élue par cette double As
2201
cette double Assemblée, pourrait alors préfigurer
le
Cabinet fédéral de l’Union. Sans préjuger de l’issue d’un tel débat,
2202
, pourrait alors préfigurer le Cabinet fédéral de
l’
Union. Sans préjuger de l’issue d’un tel débat, l’on peut voir dès mai
2203
r le Cabinet fédéral de l’Union. Sans préjuger de
l’
issue d’un tel débat, l’on peut voir dès maintenant dans le seul fait
2204
l’Union. Sans préjuger de l’issue d’un tel débat,
l’
on peut voir dès maintenant dans le seul fait qu’il ait lieu, la preuv
2205
’un tel débat, l’on peut voir dès maintenant dans
le
seul fait qu’il ait lieu, la preuve d’une très rapide évolution. Les
2206
dès maintenant dans le seul fait qu’il ait lieu,
la
preuve d’une très rapide évolution. Les dirigeants de notre Mouvement
2207
ait lieu, la preuve d’une très rapide évolution.
Les
dirigeants de notre Mouvement européen n’osaient pas espérer que la q
2208
otre Mouvement européen n’osaient pas espérer que
la
question capitale s’imposerait tout naturellement, dans un délai auss
2209
ntrer quelque fierté, lorsqu’ils passent en revue
les
objectifs qu’ils désignaient dans leurs mémorandums, et les confronte
2210
ifs qu’ils désignaient dans leurs mémorandums, et
les
confrontent avec les résultats atteints au terme de la première sessi
2211
t dans leurs mémorandums, et les confrontent avec
les
résultats atteints au terme de la première session de l’Assemblée. Ce
2212
ltats atteints au terme de la première session de
l’
Assemblée. Celle-ci a conquis tout d’abord la liberté de fixer ses ord
2213
n de l’Assemblée. Celle-ci a conquis tout d’abord
la
liberté de fixer ses ordres du jour. Elle a voté, malgré l’opposition
2214
de fixer ses ordres du jour. Elle a voté, malgré
l’
opposition du Comité ministériel la création d’une Cour européenne des
2215
a voté, malgré l’opposition du Comité ministériel
la
création d’une Cour européenne des droits de l’homme, pouvoir supérie
2216
éé plusieurs commissions permanentes pour étudier
l’
instauration rapide d’une autorité politique supranationale, d’un Cons
2217
de formation à Genève). Ces décisions couronnent
le
travail obstiné de quelques petites équipes au sein du Mouvement euro
2218
équipes au sein du Mouvement européen. Bien plus,
l’
existence même de l’Assemblée et la rapidité de ses premières opératio
2219
ouvement européen. Bien plus, l’existence même de
l’
Assemblée et la rapidité de ses premières opérations doivent être attr
2220
en. Bien plus, l’existence même de l’Assemblée et
la
rapidité de ses premières opérations doivent être attribuées en premi
2221
rations doivent être attribuées en premier lieu à
l’
action décisive du Mouvement : Churchill et Spaak n’ont pas manqué de
2222
ouvement : Churchill et Spaak n’ont pas manqué de
le
souligner, pour s’en féliciter, bien entendu, M. Hugh Dalton, pour s’
2223
ur s’en plaindre (et cette confirmation n’est pas
la
moins valable). On ne s’en étonnera pas, si l’on sait que les deux ti
2224
as la moins valable). On ne s’en étonnera pas, si
l’
on sait que les deux tiers des députés qui siégeaient à Strasbourg app
2225
lable). On ne s’en étonnera pas, si l’on sait que
les
deux tiers des députés qui siégeaient à Strasbourg appartiennent à no
2226
bourg appartiennent à notre Mouvement et ont pris
l’
habitude d’y travailler ensemble. On s’est demandé si ces premiers suc
2227
ante au Mouvement européen, ou s’il devait passer
la
main à l’Assemblée. C’est peut-être chanter victoire un peu trop tôt.
2228
uvement européen, ou s’il devait passer la main à
l’
Assemblée. C’est peut-être chanter victoire un peu trop tôt. Il reste
2229
peu trop tôt. Il reste encore à faire entrer dans
la
réalité le principal : la Constitution fédérale. Les commissions de l
2230
t. Il reste encore à faire entrer dans la réalité
le
principal : la Constitution fédérale. Les commissions de l’Assemblée
2231
ore à faire entrer dans la réalité le principal :
la
Constitution fédérale. Les commissions de l’Assemblée la proposeront,
2232
réalité le principal : la Constitution fédérale.
Les
commissions de l’Assemblée la proposeront, mais les gouvernements et
2233
al : la Constitution fédérale. Les commissions de
l’
Assemblée la proposeront, mais les gouvernements et parlements nationa
2234
titution fédérale. Les commissions de l’Assemblée
la
proposeront, mais les gouvernements et parlements nationaux en dispos
2235
s commissions de l’Assemblée la proposeront, mais
les
gouvernements et parlements nationaux en disposeront. Et qui dispose
2236
ont. Et qui dispose de ces divers pouvoirs, sinon
l’
opinion générale, qu’il s’agit maintenant d’alerter, d’informer, et de
2237
n poids sur ses élus ? Montrer ce but et préparer
les
voies reste la mission décisive du Mouvement européen. Car l’essentie
2238
élus ? Montrer ce but et préparer les voies reste
la
mission décisive du Mouvement européen. Car l’essentiel n’est plus de
2239
te la mission décisive du Mouvement européen. Car
l’
essentiel n’est plus de changer le nom de l’Assemblée consultative pou
2240
t européen. Car l’essentiel n’est plus de changer
le
nom de l’Assemblée consultative pour qu’elle devienne en fait constit
2241
. Car l’essentiel n’est plus de changer le nom de
l’
Assemblée consultative pour qu’elle devienne en fait constituante, mai
2242
es vœux et avis soient régulièrement acceptés par
les
gouvernements et parlements, en attendant le verdict populaire. ⁂ Nou
2243
par les gouvernements et parlements, en attendant
le
verdict populaire. ⁂ Nous sommes en pleine action, et il est clair qu
2244
leine action, et il est clair qu’il s’est fait de
l’
Histoire à Strasbourg, mais nous n’en connaissons encore que le dynami
2245
Strasbourg, mais nous n’en connaissons encore que
le
dynamisme intérieur. Les résultats pourront être jugés d’ici deux ans
2246
en connaissons encore que le dynamisme intérieur.
Les
résultats pourront être jugés d’ici deux ans. S’il n’y en a pas à ce
2247
rons plus. Mais ce qui vient de se passer nourrit
l’
espoir. L’un des observateurs américains qui assistait aux travaux de
2248
ervateurs américains qui assistait aux travaux de
l’
Assemblée, et qui a pu voir notre Mouvement à l’œuvre, s’écriait à Str
2249
e l’Assemblée, et qui a pu voir notre Mouvement à
l’
œuvre, s’écriait à Strasbourg : « J’ai été le témoin, ici, de choses s
2250
nt à l’œuvre, s’écriait à Strasbourg : « J’ai été
le
témoin, ici, de choses stupéfiantes, amazing things for us, Americans
2251
yens “mesurables”, sans organisations “solides” à
la
yankee, et par la seule action, presque invisible, d’un très petit no
2252
sans organisations “solides” à la yankee, et par
la
seule action, presque invisible, d’un très petit nombre d’hommes qui
2253
s qui ont su voir juste… » Il venait de découvrir
l’
Europe, ses limitations, son génie. f. Rougemont Denis de, « Découv
2254
génie. f. Rougemont Denis de, « Découverte de
l’
Europe », La Revue de Paris, Paris, octobre 1949, p. 147-151.
2255
Rougemont Denis de, « Découverte de l’Europe »,
La
Revue de Paris, Paris, octobre 1949, p. 147-151.
2256
L’
Europe et sa culture (novembre 1950)g Ce titre appelle deux séries
2257
0)g Ce titre appelle deux séries d’objections,
les
unes portant sur le mot Europe, les autres sur le mot culture ; et ce
2258
le deux séries d’objections, les unes portant sur
le
mot Europe, les autres sur le mot culture ; et ce n’est pas tout : le
2259
d’objections, les unes portant sur le mot Europe,
les
autres sur le mot culture ; et ce n’est pas tout : les mots « et sa »
2260
es unes portant sur le mot Europe, les autres sur
le
mot culture ; et ce n’est pas tout : les mots « et sa », qui les unis
2261
utres sur le mot culture ; et ce n’est pas tout :
les
mots « et sa », qui les unissent, ne vont pas de soi, dira-t-on… Cert
2262
; et ce n’est pas tout : les mots « et sa », qui
les
unissent, ne vont pas de soi, dira-t-on… Certes, on peut ergoter à l’
2263
pas de soi, dira-t-on… Certes, on peut ergoter à
l’
infini sur les termes d’Europe et de culture. Où commencent, où finiss
2264
dira-t-on… Certes, on peut ergoter à l’infini sur
les
termes d’Europe et de culture. Où commencent, où finissent ces deux r
2265
, où finissent ces deux réalités ? À la fois dans
l’
espace et dans le temps, elles sont mouvantes et complexes. (Ce qui pe
2266
s deux réalités ? À la fois dans l’espace et dans
le
temps, elles sont mouvantes et complexes. (Ce qui peut signifier d’ai
2267
apparaissent, surtout, liées de telle manière que
l’
on ne peut définir l’une sans supposer l’existence de l’autre. Le prem
2268
ière que l’on ne peut définir l’une sans supposer
l’
existence de l’autre. Le premier caractère permanent de l’Europe est d
2269
nce de l’autre. Le premier caractère permanent de
l’
Europe est de nature géographique : l’Europe est une presqu’île de l’A
2270
ermanent de l’Europe est de nature géographique :
l’
Europe est une presqu’île de l’Asie. Second caractère permanent : elle
2271
ure géographique : l’Europe est une presqu’île de
l’
Asie. Second caractère permanent : elle est nettement divisée en compa
2272
s fleuves, nettement délimitée de trois côtés par
les
mers et par l’Océan. Elle rappelle une Grèce agrandie. Mais voici le
2273
ment délimitée de trois côtés par les mers et par
l’
Océan. Elle rappelle une Grèce agrandie. Mais voici le caractère probl
2274
éan. Elle rappelle une Grèce agrandie. Mais voici
le
caractère problématique de cette presqu’île : de même que la Grèce n’
2275
e problématique de cette presqu’île : de même que
la
Grèce n’a pas de frontière bien marquée vers le nord, l’Europe s’ouvr
2276
e la Grèce n’a pas de frontière bien marquée vers
le
nord, l’Europe s’ouvre vers l’est par des plaines indéfinies. Ce n’es
2277
e n’a pas de frontière bien marquée vers le nord,
l’
Europe s’ouvre vers l’est par des plaines indéfinies. Ce n’est pas un
2278
bien marquée vers le nord, l’Europe s’ouvre vers
l’
est par des plaines indéfinies. Ce n’est pas un fait géographique qui
2279
un fait géographique qui marque ses limites vers
l’
Asie, mais seulement un fait historique, un rapport de forces humaines
2280
n fait historique, un rapport de forces humaines.
La
frontière de l’Est sera donc toujours mouvante. Et c’est dans l’affro
2281
e, un rapport de forces humaines. La frontière de
l’
Est sera donc toujours mouvante. Et c’est dans l’affrontement perpétue
2282
l’Est sera donc toujours mouvante. Et c’est dans
l’
affrontement perpétuel avec l’Asie, dans l’effort pour s’en distinguer
2283
ante. Et c’est dans l’affrontement perpétuel avec
l’
Asie, dans l’effort pour s’en distinguer, pour résister à la réabsorpt
2284
t dans l’affrontement perpétuel avec l’Asie, dans
l’
effort pour s’en distinguer, pour résister à la réabsorption dans la g
2285
ns l’effort pour s’en distinguer, pour résister à
la
réabsorption dans la grande mère, que la petite Europe, au cours des
2286
distinguer, pour résister à la réabsorption dans
la
grande mère, que la petite Europe, au cours des siècles, a pris consc
2287
sister à la réabsorption dans la grande mère, que
la
petite Europe, au cours des siècles, a pris conscience d’elle-même et
2288
d’elle-même et de son unité. Marathon, Salamine,
la
défense du limes romain, les champs Catalauniques, les croisades, Nic
2289
. Marathon, Salamine, la défense du limes romain,
les
champs Catalauniques, les croisades, Nicopolis, Lépante… Noms prestig
2290
éfense du limes romain, les champs Catalauniques,
les
croisades, Nicopolis, Lépante… Noms prestigieux ! Aujourd’hui, la gue
2291
copolis, Lépante… Noms prestigieux ! Aujourd’hui,
la
guerre froide, le rideau de fer. Relevons que les poussées de l’Asie
2292
Noms prestigieux ! Aujourd’hui, la guerre froide,
le
rideau de fer. Relevons que les poussées de l’Asie par l’est ont été
2293
la guerre froide, le rideau de fer. Relevons que
les
poussées de l’Asie par l’est ont été suivies généralement de périodes
2294
e, le rideau de fer. Relevons que les poussées de
l’
Asie par l’est ont été suivies généralement de périodes sombres, d’épu
2295
u de fer. Relevons que les poussées de l’Asie par
l’
est ont été suivies généralement de périodes sombres, d’épuisement ou
2296
mbres, d’épuisement ou de destruction, tandis que
les
poussées venues du Proche-Orient par la Méditerranée, l’Italie ou l’A
2297
ndis que les poussées venues du Proche-Orient par
la
Méditerranée, l’Italie ou l’Afrique ont été assimilées et ont fécondé
2298
sées venues du Proche-Orient par la Méditerranée,
l’
Italie ou l’Afrique ont été assimilées et ont fécondé nos civilisation
2299
du Proche-Orient par la Méditerranée, l’Italie ou
l’
Afrique ont été assimilées et ont fécondé nos civilisations. Au fait g
2300
écondé nos civilisations. Au fait géographique de
la
division de l’Europe en compartiments relativement isolés, il faut ra
2301
lisations. Au fait géographique de la division de
l’
Europe en compartiments relativement isolés, il faut rattacher les div
2302
partiments relativement isolés, il faut rattacher
les
diversités nationales, dont nous avons tiré si grand parti avant que
2303
es, dont nous avons tiré si grand parti avant que
le
phénomène de l’étatisme ne les sclérose et ne les rende névrotiques o
2304
ons tiré si grand parti avant que le phénomène de
l’
étatisme ne les sclérose et ne les rende névrotiques ou même criminell
2305
and parti avant que le phénomène de l’étatisme ne
les
sclérose et ne les rende névrotiques ou même criminelles. Enfin, au f
2306
le phénomène de l’étatisme ne les sclérose et ne
les
rende névrotiques ou même criminelles. Enfin, au fait géographique du
2307
e des côtes par plusieurs mers, il faut rattacher
les
approches différentes du monde par les Espagnols et Portugais, les Sc
2308
rattacher les approches différentes du monde par
les
Espagnols et Portugais, les Scandinaves, les Anglais, les Hollandais,
2309
férentes du monde par les Espagnols et Portugais,
les
Scandinaves, les Anglais, les Hollandais, les Français, et les divers
2310
par les Espagnols et Portugais, les Scandinaves,
les
Anglais, les Hollandais, les Français, et les diverses formes qu’a re
2311
gnols et Portugais, les Scandinaves, les Anglais,
les
Hollandais, les Français, et les diverses formes qu’a revêtues l’impé
2312
is, les Scandinaves, les Anglais, les Hollandais,
les
Français, et les diverses formes qu’a revêtues l’impérialisme europée
2313
es, les Anglais, les Hollandais, les Français, et
les
diverses formes qu’a revêtues l’impérialisme européen au cours des âg
2314
es Français, et les diverses formes qu’a revêtues
l’
impérialisme européen au cours des âges. La part des déterminations ph
2315
vêtues l’impérialisme européen au cours des âges.
La
part des déterminations physiques ainsi marquée, nous nous trouvons d
2316
concentrer sa réflexion vitale. C’est un fait que
la
péninsule Europe ne représente qu’à peine 5 % des terres de la planèt
2317
Europe ne représente qu’à peine 5 % des terres de
la
planète. D’où vient alors qu’elle ait dominé le monde entier pendant
2318
e la planète. D’où vient alors qu’elle ait dominé
le
monde entier pendant des siècles ? À l’origine de toute espèce de dyn
2319
it dominé le monde entier pendant des siècles ? À
l’
origine de toute espèce de dynamisme, il y a une tension. À l’origine
2320
toute espèce de dynamisme, il y a une tension. À
l’
origine de la puissance européenne, cas tout à fait exceptionnel de dy
2321
de dynamisme, il y a une tension. À l’origine de
la
puissance européenne, cas tout à fait exceptionnel de dynamisme colle
2322
r ici autre chose que ce que tout le monde sait :
la
tension fondamentale du monde occidental est, à l’origine, ternaire e
2323
a tension fondamentale du monde occidental est, à
l’
origine, ternaire et non pas bipolaire, de même que la théologie de l’
2324
igine, ternaire et non pas bipolaire, de même que
la
théologie de l’Occident n’est pas dualiste, mais trinitaire. Et de fa
2325
et non pas bipolaire, de même que la théologie de
l’
Occident n’est pas dualiste, mais trinitaire. Et de fait, l’Europe n’a
2326
n’est pas dualiste, mais trinitaire. Et de fait,
l’
Europe n’a pas pris naissance dans le conflit entre l’Est et l’Ouest,
2327
Et de fait, l’Europe n’a pas pris naissance dans
le
conflit entre l’Est et l’Ouest, conflit qui lui a seulement donné con
2328
rope n’a pas pris naissance dans le conflit entre
l’
Est et l’Ouest, conflit qui lui a seulement donné conscience d’elle-mê
2329
pas pris naissance dans le conflit entre l’Est et
l’
Ouest, conflit qui lui a seulement donné conscience d’elle-même une fo
2330
me une fois qu’elle existait déjà, mais bien dans
le
complexe de tensions entrecroisées dont les trois pôles peuvent être
2331
n dans le complexe de tensions entrecroisées dont
les
trois pôles peuvent être appelés symboliquement Athènes, Rome et Jéru
2332
uement Athènes, Rome et Jérusalem. Athènes, c’est
la
découverte de l’individu, de l’homme distingué du troupeau, et prenan
2333
ome et Jérusalem. Athènes, c’est la découverte de
l’
individu, de l’homme distingué du troupeau, et prenant mesure de lui-m
2334
m. Athènes, c’est la découverte de l’individu, de
l’
homme distingué du troupeau, et prenant mesure de lui-même par une rup
2335
upture libératrice, mais aussi profanatrice, avec
le
sacré. Rome, c’est la création du citoyen, c’est-à-dire de l’individu
2336
is aussi profanatrice, avec le sacré. Rome, c’est
la
création du citoyen, c’est-à-dire de l’individu réintégré dans une co
2337
me, c’est la création du citoyen, c’est-à-dire de
l’
individu réintégré dans une collectivité d’un nouveau genre, la civita
2338
intégré dans une collectivité d’un nouveau genre,
la
civitas fondée non plus sur le sacré, mais sur la loi et le contrat.
2339
’un nouveau genre, la civitas fondée non plus sur
le
sacré, mais sur la loi et le contrat. Jérusalem enfin, c’est la révél
2340
la civitas fondée non plus sur le sacré, mais sur
la
loi et le contrat. Jérusalem enfin, c’est la révélation de la personn
2341
fondée non plus sur le sacré, mais sur la loi et
le
contrat. Jérusalem enfin, c’est la révélation de la personne, c’est-à
2342
sur la loi et le contrat. Jérusalem enfin, c’est
la
révélation de la personne, c’est-à-dire de la vocation transcendante
2343
contrat. Jérusalem enfin, c’est la révélation de
la
personne, c’est-à-dire de la vocation transcendante et inconditionnel
2344
est la révélation de la personne, c’est-à-dire de
la
vocation transcendante et inconditionnelle qui vient donner à chaque
2345
individuelle, de toute classification légale dans
la
cité, donc de tout rapport de forces, une valeur absolue, non mesurab
2346
de ces trois pôles, il est possible d’interpréter
les
principales structures dynamiques de l’Occident, les conflits fondame
2347
erpréter les principales structures dynamiques de
l’
Occident, les conflits fondamentaux qui les sous-tendent et les grande
2348
principales structures dynamiques de l’Occident,
les
conflits fondamentaux qui les sous-tendent et les grandes doctrines d
2349
ques de l’Occident, les conflits fondamentaux qui
les
sous-tendent et les grandes doctrines de l’homme et de la société qui
2350
les conflits fondamentaux qui les sous-tendent et
les
grandes doctrines de l’homme et de la société qui se sont dégagées pe
2351
qui les sous-tendent et les grandes doctrines de
l’
homme et de la société qui se sont dégagées peu à peu de ce complexe,
2352
tendent et les grandes doctrines de l’homme et de
la
société qui se sont dégagées peu à peu de ce complexe, d’une manière
2353
e complexe, d’une manière comparable à celle dont
les
grandes hérésies se sont définies à partir de la doctrine trinitaire.
2354
les grandes hérésies se sont définies à partir de
la
doctrine trinitaire. Après vingt siècles de combinaisons et d’analyse
2355
s, Rome, et Jérusalem, cela s’appelle aujourd’hui
l’
individualisme, le collectivisme et le personnalisme. La lutte que se
2356
lem, cela s’appelle aujourd’hui l’individualisme,
le
collectivisme et le personnalisme. La lutte que se livrent actuelleme
2357
aujourd’hui l’individualisme, le collectivisme et
le
personnalisme. La lutte que se livrent actuellement ces trois attitud
2358
vidualisme, le collectivisme et le personnalisme.
La
lutte que se livrent actuellement ces trois attitudes humaines dans l
2359
nt actuellement ces trois attitudes humaines dans
le
monde, dans la société et jusque dans nos vies privées, cette lutte e
2360
ces trois attitudes humaines dans le monde, dans
la
société et jusque dans nos vies privées, cette lutte est si violente
2361
entre Athènes, Rome et Jérusalem, il y avait, dès
le
départ, un drame, ou plutôt trois drames entrecroisés, et leurs combi
2362
tions. Dans ce complexe de drames, constitutif de
l’
Occident, nous trouvons le grand secret de l’homme européen : c’est un
2363
drames, constitutif de l’Occident, nous trouvons
le
grand secret de l’homme européen : c’est un homme dialectique, dialog
2364
f de l’Occident, nous trouvons le grand secret de
l’
homme européen : c’est un homme dialectique, dialogique, ne pouvant es
2365
que, dialogique, ne pouvant espérer d’atteindre à
l’
équilibre qu’au prix des synthèses les plus difficiles, n’y parvenant
2366
’atteindre à l’équilibre qu’au prix des synthèses
les
plus difficiles, n’y parvenant que bien rarement, obligé de redresser
2367
homme donc condamné au choix perpétuel, et donc à
la
prise de conscience, et donc d’abord à la mise en question de tous le
2368
donc à la prise de conscience, et donc d’abord à
la
mise en question de tous les résultats et de toutes les valeurs. Or c
2369
ce, et donc d’abord à la mise en question de tous
les
résultats et de toutes les valeurs. Or ce sont là les conditions par
2370
se en question de tous les résultats et de toutes
les
valeurs. Or ce sont là les conditions par excellence qui provoquent à
2371
résultats et de toutes les valeurs. Or ce sont là
les
conditions par excellence qui provoquent à la création. Voilà pourquo
2372
là les conditions par excellence qui provoquent à
la
création. Voilà pourquoi cet homme européen s’est révélé, au cours du
2373
ateur qu’aucune espèce d’autre homme produite par
les
familles connues de la planète. Il ne pouvait faire autrement. Je par
2374
’autre homme produite par les familles connues de
la
planète. Il ne pouvait faire autrement. Je parle des derniers mille a
2375
es derniers mille ans. Mais comment expliquer que
l’
homme du ive siècle, par exemple, en qui s’était déjà formée la synth
2376
siècle, par exemple, en qui s’était déjà formée
la
synthèse hautement instable et créatrice d’Athènes, de Rome et de Jér
2377
it cependant pas présenté certains des caractères
les
plus marquants de l’homme du xixe ou du xxe siècle ? Cela ne prouve
2378
nté certains des caractères les plus marquants de
l’
homme du xixe ou du xxe siècle ? Cela ne prouve-t-il pas que j’aurai
2379
usalem, ni de leurs combinaisons ? Il y a d’abord
le
temps. Un dialogue prend du temps. Le temps de contredire, puis parfo
2380
y a d’abord le temps. Un dialogue prend du temps.
Le
temps de contredire, puis parfois de comprendre, de faire des expérie
2381
omprendre, de faire des expériences et d’en tirer
les
conclusions. Au cours des temps, mille vérités et mille erreurs, nées
2382
ique, et non pas seulement mécanique. Ainsi, dans
le
laboratoire européen, certains produits nouveaux ne sont apparus qu’a
2383
que du complexe que je viens de décrire. Ce sont
les
idées de révolution, de passion et de progrès. Elles sont nées toutes
2384
de passion et de progrès. Elles sont nées toutes
les
trois de la révélation chrétienne, analysée et déformée dans le prism
2385
t de progrès. Elles sont nées toutes les trois de
la
révélation chrétienne, analysée et déformée dans le prisme gréco-judé
2386
révélation chrétienne, analysée et déformée dans
le
prisme gréco-judéo-romain. L’idée de révolution est inconcevable pour
2387
ée et déformée dans le prisme gréco-judéo-romain.
L’
idée de révolution est inconcevable pour un Asiatique ou un Noir, s’il
2388
otre civilisation. Car cette idée, en vérité, est
la
transposition dans le plan collectif de la conversion chrétienne, du
2389
cette idée, en vérité, est la transposition dans
le
plan collectif de la conversion chrétienne, du changement d’orientati
2390
é, est la transposition dans le plan collectif de
la
conversion chrétienne, du changement d’orientation fondamental et bru
2391
mains d’institutions, de droit nouveau. De même,
la
passion en amour est une transposition de la conversion dans le plan
2392
ême, la passion en amour est une transposition de
la
conversion dans le plan des relations individuelles, nous disons même
2393
amour est une transposition de la conversion dans
le
plan des relations individuelles, nous disons même individualistes. E
2394
alistes. Elle n’apparaît qu’au xiie siècle, sous
l’
influence de l’hérésie manichéenne. Elle suppose la croyance chrétienn
2395
’apparaît qu’au xiie siècle, sous l’influence de
l’
hérésie manichéenne. Elle suppose la croyance chrétienne, personnalist
2396
’influence de l’hérésie manichéenne. Elle suppose
la
croyance chrétienne, personnaliste, en la valeur infinie d’un individ
2397
suppose la croyance chrétienne, personnaliste, en
la
valeur infinie d’un individu élu, unique, irremplaçable. Là où cette
2398
ù cette croyance s’atténue, comme en Amérique (où
l’
on pense réellement qu’un homme en vaut un autre), on voit aussitôt la
2399
t qu’un homme en vaut un autre), on voit aussitôt
la
passion s’atténuer ou disparaître. Enfin, l’idée de progrès est de to
2400
itôt la passion s’atténuer ou disparaître. Enfin,
l’
idée de progrès est de toute évidence d’origine évangélique, ou plus e
2401
ve. Ces trois idées-forces, ces trois ressorts de
l’
âme occidentale — on en pourrait mentionner d’autres — suffiront à tit
2402
t à titre d’exemples : elles nous font pressentir
la
nature et les causes d’une capacité spécifique de l’Européen : celle
2403
xemples : elles nous font pressentir la nature et
les
causes d’une capacité spécifique de l’Européen : celle de transformer
2404
nature et les causes d’une capacité spécifique de
l’
Européen : celle de transformer son milieu et ses données matérielles
2405
é de conscience, créativité virulente, passion de
la
transformation, voilà qui définit l’ambition proprement occidentale,
2406
, passion de la transformation, voilà qui définit
l’
ambition proprement occidentale, par contraste avec d’autres civilisat
2407
raste avec d’autres civilisations qui ont cherché
le
bonheur ou la sagesse, l’ordre statique ou l’immortalité. Cette inqui
2408
utres civilisations qui ont cherché le bonheur ou
la
sagesse, l’ordre statique ou l’immortalité. Cette inquiétude conscien
2409
sations qui ont cherché le bonheur ou la sagesse,
l’
ordre statique ou l’immortalité. Cette inquiétude consciente et créatr
2410
ché le bonheur ou la sagesse, l’ordre statique ou
l’
immortalité. Cette inquiétude consciente et créatrice, je l’appellerai
2411
ité. Cette inquiétude consciente et créatrice, je
l’
appellerai tout simplement : notre culture. Certes, on peut définir la
2412
mplement : notre culture. Certes, on peut définir
la
culture tout autrement : comme l’ensemble des disciplines intellectue
2413
on peut définir la culture tout autrement : comme
l’
ensemble des disciplines intellectuelles, sociales, artistiques et rel
2414
es et religieuses d’une société donnée ; ou comme
l’
ensemble des procédés de création, et leur transmission ; ou encore co
2415
sion ; ou encore comme une prise de conscience de
la
vie, comme une extension progressive de la maîtrise de l’homme sur lu
2416
nce de la vie, comme une extension progressive de
la
maîtrise de l’homme sur lui-même et le monde… Toutes ces définitions,
2417
comme une extension progressive de la maîtrise de
l’
homme sur lui-même et le monde… Toutes ces définitions, et vingt autre
2418
ressive de la maîtrise de l’homme sur lui-même et
le
monde… Toutes ces définitions, et vingt autres possibles, sont à la f
2419
bale et d’une constatation simple mais décisive :
la
culture occidentale, c’est ce qui a fait de l’Europe autre chose que
2420
: la culture occidentale, c’est ce qui a fait de
l’
Europe autre chose que ce qu’elle est physiquement, autre chose qu’un
2421
e chose qu’un petit cap de l’Asie, pour reprendre
le
mot fameux de Valéry, — le cœur et le cerveau du monde moderne. À tou
2422
l’Asie, pour reprendre le mot fameux de Valéry, —
le
cœur et le cerveau du monde moderne. À toutes fins utiles, nous savon
2423
r reprendre le mot fameux de Valéry, — le cœur et
le
cerveau du monde moderne. À toutes fins utiles, nous savons assez bie
2424
bien de quoi nous parlons, quand nous parlons de
l’
Europe ou de la culture. Notre tâche est moins, aujourd’hui, de les dé
2425
ous parlons, quand nous parlons de l’Europe ou de
la
culture. Notre tâche est moins, aujourd’hui, de les définir que de le
2426
a culture. Notre tâche est moins, aujourd’hui, de
les
définir que de les sauver. Aussi bien n’ai-je voulu mentionner certai
2427
che est moins, aujourd’hui, de les définir que de
les
sauver. Aussi bien n’ai-je voulu mentionner certaines données fondame
2428
ntionner certaines données fondamentales que dans
la
mesure où ce rappel m’a paru nécessaire pour informer et guider une a
2429
Essayons de saisir maintenant ces deux réalités,
l’
Europe et la culture, dans leur drame immédiat à nos vies. L’Europe d’
2430
saisir maintenant ces deux réalités, l’Europe et
la
culture, dans leur drame immédiat à nos vies. L’Europe d’abord. Naguè
2431
la culture, dans leur drame immédiat à nos vies.
L’
Europe d’abord. Naguère encore reine de la terre, jusque vers 1914, et
2432
s vies. L’Europe d’abord. Naguère encore reine de
la
terre, jusque vers 1914, et même jusqu’au dernier conflit, l’Europe s
2433
sque vers 1914, et même jusqu’au dernier conflit,
l’
Europe s’est vue brusquement détrônée, il y a cinq ans, en même temps
2434
e avait représenté un quart, puis un cinquième de
la
population du globe. Elle n’en sera dans cinquante ans plus qu’un dix
2435
qu’elle voit très bien, c’est qu’elle n’est plus
le
centre du monde, sur le plan de la puissance politique. Elle se sent
2436
lle n’est plus le centre du monde, sur le plan de
la
puissance politique. Elle se sent « mise à pied » par l’Histoire, au
2437
sance politique. Elle se sent « mise à pied » par
l’
Histoire, au profit de deux empires neufs qui menacent d’engager une g
2438
et à ses dépens. Poussière de petits États, dont
les
plus populeux ne sauraient plus prétendre un seul instant être à l’éc
2439
e sauraient plus prétendre un seul instant être à
l’
échelle des réalités modernes ; encombrée de frontières intérieures ;
2440
sa vieille astuce politique en rivalités locales,
l’
Europe n’offre plus aux empires américain et russe qu’un de ces vides
2441
mpires américain et russe qu’un de ces vides dont
l’
Histoire n’a pas moins horreur que la Nature. De plus, elle se voit am
2442
s vides dont l’Histoire n’a pas moins horreur que
la
Nature. De plus, elle se voit amputée, pour le moment, d’un quart de
2443
ue la Nature. De plus, elle se voit amputée, pour
le
moment, d’un quart de sa population à l’Est, et de la péninsule ibéri
2444
ée, pour le moment, d’un quart de sa population à
l’
Est, et de la péninsule ibérique à l’Ouest. Le reste ne vit encore qu’
2445
oment, d’un quart de sa population à l’Est, et de
la
péninsule ibérique à l’Ouest. Le reste ne vit encore qu’en vertu de l
2446
population à l’Est, et de la péninsule ibérique à
l’
Ouest. Le reste ne vit encore qu’en vertu de l’aide intelligente que l
2447
n à l’Est, et de la péninsule ibérique à l’Ouest.
Le
reste ne vit encore qu’en vertu de l’aide intelligente que lui donne
2448
à l’Ouest. Le reste ne vit encore qu’en vertu de
l’
aide intelligente que lui donne un des deux empires neufs, aide qui do
2449
ose parmi nous d’un corps d’occupation anticipée.
La
crise économique est imminente. La crise sociale est endémique. Au po
2450
ion anticipée. La crise économique est imminente.
La
crise sociale est endémique. Au point de vue de la puissance matériel
2451
a crise sociale est endémique. Au point de vue de
la
puissance matérielle, rappelons que l’Amérique consacre cette année a
2452
de vue de la puissance matérielle, rappelons que
l’
Amérique consacre cette année au développement de la recherche atomiqu
2453
Amérique consacre cette année au développement de
la
recherche atomique 5 milliards de dollars, tandis que le crédit corre
2454
erche atomique 5 milliards de dollars, tandis que
le
crédit correspondant en France atteint à peine 1/400e de cette somme.
2455
en France atteint à peine 1/400e de cette somme.
L’
idée de progrès a émigré ; elle est devenue américaine et russe. Mais
2456
déjà au drame de notre culture. D’une part, dans
les
pays totalitaires qui sont à nos portes et qui ont chez nous leurs ré
2457
nos portes et qui ont chez nous leurs répondants,
la
liberté fondamentale de la culture, son pouvoir de mettre en question
2458
nous leurs répondants, la liberté fondamentale de
la
culture, son pouvoir de mettre en question les valeurs régnantes et l
2459
de la culture, son pouvoir de mettre en question
les
valeurs régnantes et les activités officielles, se voit niée, punie,
2460
ir de mettre en question les valeurs régnantes et
les
activités officielles, se voit niée, punie, qualifiée d’immorale. Mai
2461
laisse est devenue presque vide et sans effets. À
l’
Est, nous voyons se former une véritable culture censoriale. Le critèr
2462
oyons se former une véritable culture censoriale.
Le
critère politique est seul admis. Et l’on s’y réfère avec une rigueur
2463
nsoriale. Le critère politique est seul admis. Et
l’
on s’y réfère avec une rigueur telle que le style même d’un écrivain o
2464
is. Et l’on s’y réfère avec une rigueur telle que
le
style même d’un écrivain ou d’un peintre peut être attaqué par les fo
2465
un écrivain ou d’un peintre peut être attaqué par
les
fonctionnaires de l’État et qualifié de sabotage. La censure politiqu
2466
intre peut être attaqué par les fonctionnaires de
l’
État et qualifié de sabotage. La censure politique est si parfaitement
2467
fonctionnaires de l’État et qualifié de sabotage.
La
censure politique est si parfaitement préventive qu’elle peut s’offri
2468
si parfaitement préventive qu’elle peut s’offrir
le
luxe de disparaître en tant qu’activité distincte de répression. Elle
2469
affirmer, récemment, que dans un État communiste
la
censure au sens courant du mot n’existe pas ; car toute censure suppo
2470
oute censure suppose une certaine indépendance de
la
production intellectuelle ou des sources d’information ; or cette ind
2471
; or cette indépendance est exclue à priori dans
les
démocraties dites populaires. Cependant, qu’en est-il chez nous de la
2472
populaires. Cependant, qu’en est-il chez nous de
la
liberté et de la censure ? Allons tout de suite à un exemple extrême,
2473
ndant, qu’en est-il chez nous de la liberté et de
la
censure ? Allons tout de suite à un exemple extrême, et heureusement
2474
y a quelques mois, M. Jean Thibaud, directeur de
l’
Institut français de physique atomique : « Dans le domaine de la physi
2475
l’Institut français de physique atomique : « Dans
le
domaine de la physique, des résultats d’une incroyable portée intelle
2476
nçais de physique atomique : « Dans le domaine de
la
physique, des résultats d’une incroyable portée intellectuelle sont a
2477
tenus secrets et ne donnent pas lieu, comme avant
la
guerre, à des communications de portée internationale. Il y a loin de
2478
ications de portée internationale. Il y a loin de
la
situation présente à celle d’il y a dix ans, où certaines découvertes
2479
découvertes étaient annoncées par télégramme dans
les
périodiques à diffusion mondiale… » L’État fait peser sur les recherc
2480
amme dans les périodiques à diffusion mondiale… »
L’
État fait peser sur les recherches de la physique nucléaire un lourd c
2481
ues à diffusion mondiale… » L’État fait peser sur
les
recherches de la physique nucléaire un lourd contrôle et « des suspic
2482
ndiale… » L’État fait peser sur les recherches de
la
physique nucléaire un lourd contrôle et « des suspicions quasi polici
2483
licières », qui tendent à subordonner entièrement
le
savant à des exigences politiques et militaires. Cet exemple des rech
2484
ne un inquiétant avertissement, il suggère que si
la
culture reste encore libre en Occident, c’est peut-être dans la mesur
2485
te encore libre en Occident, c’est peut-être dans
la
mesure où les pouvoirs ne la prennent pas au sérieux, ne lui attribue
2486
re en Occident, c’est peut-être dans la mesure où
les
pouvoirs ne la prennent pas au sérieux, ne lui attribuent aucune « ut
2487
c’est peut-être dans la mesure où les pouvoirs ne
la
prennent pas au sérieux, ne lui attribuent aucune « utilité pratique
2488
révèle « pratiquement utilisable » au service de
la
politique, comme c’est le cas de la physique nucléaire, ceux qui s’y
2489
lisable » au service de la politique, comme c’est
le
cas de la physique nucléaire, ceux qui s’y livrent sont aussitôt priv
2490
au service de la politique, comme c’est le cas de
la
physique nucléaire, ceux qui s’y livrent sont aussitôt privés des lib
2491
change et de publication. D’une manière générale,
la
condition de la culture, dans nos pays, a subi de profondes transform
2492
lication. D’une manière générale, la condition de
la
culture, dans nos pays, a subi de profondes transformations pendant l
2493
pays, a subi de profondes transformations pendant
l’
ère des nationalismes et de la souveraineté sans limites de l’État. Cr
2494
sformations pendant l’ère des nationalismes et de
la
souveraineté sans limites de l’État. Créatrice des richesses, de la p
2495
tionalismes et de la souveraineté sans limites de
l’
État. Créatrice des richesses, de la puissance et du prestige mondial
2496
ns limites de l’État. Créatrice des richesses, de
la
puissance et du prestige mondial de l’Europe, on pourrait croire qu’e
2497
hesses, de la puissance et du prestige mondial de
l’
Europe, on pourrait croire qu’elle n’est plus aujourd’hui qu’un append
2498
t de techniques ésotériques qui ne concernent pas
l’
homme de la rue, ni l’industriel ou le banquier. Jadis centrale, la si
2499
ques ésotériques qui ne concernent pas l’homme de
la
rue, ni l’industriel ou le banquier. Jadis centrale, la situation de
2500
iques qui ne concernent pas l’homme de la rue, ni
l’
industriel ou le banquier. Jadis centrale, la situation de la culture
2501
cernent pas l’homme de la rue, ni l’industriel ou
le
banquier. Jadis centrale, la situation de la culture est devenue péri
2502
, ni l’industriel ou le banquier. Jadis centrale,
la
situation de la culture est devenue périphérique. Comment expliquer a
2503
l ou le banquier. Jadis centrale, la situation de
la
culture est devenue périphérique. Comment expliquer autrement qu’il s
2504
qu’il soit admis sans question, de nos jours, que
l’
esprit subordonne ses intérêts à ceux de l’économie, de la politique,
2505
s, que l’esprit subordonne ses intérêts à ceux de
l’
économie, de la politique, ou de la défense nationale ? Et que personn
2506
subordonne ses intérêts à ceux de l’économie, de
la
politique, ou de la défense nationale ? Et que personne ne s’avise de
2507
rêts à ceux de l’économie, de la politique, ou de
la
défense nationale ? Et que personne ne s’avise de soutenir qu’il faud
2508
hiérarchie ? Rendue matériellement dépendante de
l’
État, plus qu’elle ne le fut jamais du mécénat privé, notre culture se
2509
ériellement dépendante de l’État, plus qu’elle ne
le
fut jamais du mécénat privé, notre culture se voit contrainte d’obéir
2510
r à des « nécessités » qui lui sont étrangères et
la
dégradent. Elle perd ainsi sa fonction directrice. Et la séparation s
2511
adent. Elle perd ainsi sa fonction directrice. Et
la
séparation s’aggrave entre la pensée et l’action, entre une pensée qu
2512
tion directrice. Et la séparation s’aggrave entre
la
pensée et l’action, entre une pensée qui accepte d’être inefficace, e
2513
ce. Et la séparation s’aggrave entre la pensée et
l’
action, entre une pensée qui accepte d’être inefficace, et une action
2514
urtes vues, privée de cohérence profonde. Tel est
le
mal profond dont souffre l’Occident. À l’inverse, les régimes totalit
2515
nce profonde. Tel est le mal profond dont souffre
l’
Occident. À l’inverse, les régimes totalitaires de l’Est ont si bien v
2516
Tel est le mal profond dont souffre l’Occident. À
l’
inverse, les régimes totalitaires de l’Est ont si bien vu l’importance
2517
mal profond dont souffre l’Occident. À l’inverse,
les
régimes totalitaires de l’Est ont si bien vu l’importance primordiale
2518
ccident. À l’inverse, les régimes totalitaires de
l’
Est ont si bien vu l’importance primordiale de la culture qu’ils l’ont
2519
les régimes totalitaires de l’Est ont si bien vu
l’
importance primordiale de la culture qu’ils l’ont immédiatement étatis
2520
l’Est ont si bien vu l’importance primordiale de
la
culture qu’ils l’ont immédiatement étatisée. Ils lui ont rendu offici
2521
vu l’importance primordiale de la culture qu’ils
l’
ont immédiatement étatisée. Ils lui ont rendu officiellement sa place
2522
nt rendu officiellement sa place centrale, et ils
l’
y tiennent emprisonnée. Elle est reine de nouveau, mais elle ne reconn
2523
ix proférant des aveux spontanés, criant sur tous
les
modes l’éloge de ses bourreaux : elle est devenue la Propagande. Les
2524
nt des aveux spontanés, criant sur tous les modes
l’
éloge de ses bourreaux : elle est devenue la Propagande. Les condition
2525
modes l’éloge de ses bourreaux : elle est devenue
la
Propagande. Les conditions morales de la vie de l’esprit au xxe sièc
2526
e ses bourreaux : elle est devenue la Propagande.
Les
conditions morales de la vie de l’esprit au xxe siècle, se résument
2527
devenue la Propagande. Les conditions morales de
la
vie de l’esprit au xxe siècle, se résument donc dans le paradoxe sui
2528
a Propagande. Les conditions morales de la vie de
l’
esprit au xxe siècle, se résument donc dans le paradoxe suivant : ceu
2529
de l’esprit au xxe siècle, se résument donc dans
le
paradoxe suivant : ceux qui laissent la culture en liberté, à l’Ouest
2530
donc dans le paradoxe suivant : ceux qui laissent
la
culture en liberté, à l’Ouest, en font peu de cas pratiquement ; et c
2531
vant : ceux qui laissent la culture en liberté, à
l’
Ouest, en font peu de cas pratiquement ; et ceux qui, à l’Est, lui rec
2532
en font peu de cas pratiquement ; et ceux qui, à
l’
Est, lui reconnaissent un rôle central, la dénaturent et l’asservissen
2533
qui, à l’Est, lui reconnaissent un rôle central,
la
dénaturent et l’asservissent. Or, il est évident que ces conditions s
2534
i reconnaissent un rôle central, la dénaturent et
l’
asservissent. Or, il est évident que ces conditions sont particulièrem
2535
ces conditions sont particulièrement graves pour
l’
Europe, puisqu’elles brisent dans un cas et, dans l’autre, détendent l
2536
s brisent dans un cas et, dans l’autre, détendent
les
ressorts de la créativité qui était depuis des siècles la vraie cause
2537
n cas et, dans l’autre, détendent les ressorts de
la
créativité qui était depuis des siècles la vraie cause de notre puiss
2538
rts de la créativité qui était depuis des siècles
la
vraie cause de notre puissance et donc de notre indépendance. De plus
2539
ssance et donc de notre indépendance. De plus, si
la
culture accepte d’être privée théoriquement et pratiquement de la pri
2540
te d’être privée théoriquement et pratiquement de
la
primauté dans nos vies nationales, soit qu’elle se laisse subordonner
2541
ité, et d’un rôle de produit de luxe, alors c’est
le
sens même de notre civilisation occidentale qui se trouve dénaturé. C
2542
ilisation occidentale qui se trouve dénaturé. Car
l’
Europe existait réellement là où toutes les valeurs que symbolise le m
2543
ré. Car l’Europe existait réellement là où toutes
les
valeurs que symbolise le mot culture représentaient des fins en soi ;
2544
réellement là où toutes les valeurs que symbolise
le
mot culture représentaient des fins en soi ; là où toutes les activit
2545
ure représentaient des fins en soi ; là où toutes
les
activités, et les richesses, et les révoltes, et l’invention, trouvai
2546
des fins en soi ; là où toutes les activités, et
les
richesses, et les révoltes, et l’invention, trouvaient leur justifica
2547
là où toutes les activités, et les richesses, et
les
révoltes, et l’invention, trouvaient leur justification finale dans l
2548
activités, et les richesses, et les révoltes, et
l’
invention, trouvaient leur justification finale dans le développement
2549
ention, trouvaient leur justification finale dans
le
développement de la personne humaine, dans le libre exercice des voca
2550
eur justification finale dans le développement de
la
personne humaine, dans le libre exercice des vocations ; là enfin où
2551
ans le développement de la personne humaine, dans
le
libre exercice des vocations ; là enfin où cette phrase de l’Évangile
2552
rcice des vocations ; là enfin où cette phrase de
l’
Évangile rendait le son le plus authentique : « Que servirait à un hom
2553
; là enfin où cette phrase de l’Évangile rendait
le
son le plus authentique : « Que servirait à un homme de gagner le mon
2554
nfin où cette phrase de l’Évangile rendait le son
le
plus authentique : « Que servirait à un homme de gagner le monde, s’i
2555
uthentique : « Que servirait à un homme de gagner
le
monde, s’il perdait son âme ? » ⁂ J’admets ici, comme hypothèse de ba
2556
s ici, comme hypothèse de base, qu’il faut sauver
l’
Europe et sauver la culture. Si je pensais, comme certains, qu’il est
2557
èse de base, qu’il faut sauver l’Europe et sauver
la
culture. Si je pensais, comme certains, qu’il est trop tard, je me ta
2558
erais Américain. Mais il est impossible de sauver
l’
Europe si l’on ne sauve pas en même temps sa culture ; ou de sauver la
2559
ain. Mais il est impossible de sauver l’Europe si
l’
on ne sauve pas en même temps sa culture ; ou de sauver la culture occ
2560
sauve pas en même temps sa culture ; ou de sauver
la
culture occidentale si l’on ne sauve pas en même temps sa patrie. Rie
2561
culture ; ou de sauver la culture occidentale si
l’
on ne sauve pas en même temps sa patrie. Rien ne sert de faire durer,
2562
patrie. Rien ne sert de faire durer, de conserver
la
créature, si l’on tarit les sources de sa recréation perpétuelle. Et
2563
sert de faire durer, de conserver la créature, si
l’
on tarit les sources de sa recréation perpétuelle. Et rien ne sert non
2564
re durer, de conserver la créature, si l’on tarit
les
sources de sa recréation perpétuelle. Et rien ne sert non plus d’entr
2565
erpétuelle. Et rien ne sert non plus d’entretenir
le
désir créateur, si on le prive des possibilités de s’accomplir dans u
2566
rt non plus d’entretenir le désir créateur, si on
le
prive des possibilités de s’accomplir dans une libre communauté. Si l
2567
ités de s’accomplir dans une libre communauté. Si
l’
Europe est réduite à l’impuissance politique, si elle est colonisée pa
2568
s une libre communauté. Si l’Europe est réduite à
l’
impuissance politique, si elle est colonisée par l’Amérique — ce qu’el
2569
’impuissance politique, si elle est colonisée par
l’
Amérique — ce qu’elle désire parfois — ou envahie par la Russie, certa
2570
ique — ce qu’elle désire parfois — ou envahie par
la
Russie, certains pensent que notre culture serait alors notre dernier
2571
erait alors notre dernier refuge, qu’on ferait de
l’
Europe un musée dans les ruines, pour l’agrément des millionnaires cur
2572
er refuge, qu’on ferait de l’Europe un musée dans
les
ruines, pour l’agrément des millionnaires curieux, ou l’édification m
2573
ferait de l’Europe un musée dans les ruines, pour
l’
agrément des millionnaires curieux, ou l’édification méfiante des stak
2574
es, pour l’agrément des millionnaires curieux, ou
l’
édification méfiante des stakhanovistes en troupeaux. Mais un musée, c
2575
stes en troupeaux. Mais un musée, ce n’est pas de
la
culture. Je ne vois pas d’exemple historique d’une culture qui ait en
2576
créé dans une nation privée de son indépendance.
L’
Europe est encore le foyer de la civilisation occidentale, la seule qu
2577
n privée de son indépendance. L’Europe est encore
le
foyer de la civilisation occidentale, la seule qui ait su couvrir tou
2578
son indépendance. L’Europe est encore le foyer de
la
civilisation occidentale, la seule qui ait su couvrir toute la planèt
2579
t encore le foyer de la civilisation occidentale,
la
seule qui ait su couvrir toute la planète. Mais ce foyer fatalement s
2580
on occidentale, la seule qui ait su couvrir toute
la
planète. Mais ce foyer fatalement s’éteindra si la puissance doit nou
2581
a planète. Mais ce foyer fatalement s’éteindra si
la
puissance doit nous être interdite, car la puissance est mère des uto
2582
dra si la puissance doit nous être interdite, car
la
puissance est mère des utopies exaltées, de la confiance en soi, du g
2583
ar la puissance est mère des utopies exaltées, de
la
confiance en soi, du gaspillage des forces, et aussi du sens de la me
2584
oi, du gaspillage des forces, et aussi du sens de
la
mesure, toutes choses sans lesquelles on ne crée rien de grand. La pe
2585
choses sans lesquelles on ne crée rien de grand.
La
peinture ne se fait pas dans les musées, mais dans les villes où exis
2586
ée rien de grand. La peinture ne se fait pas dans
les
musées, mais dans les villes où existe un marché ; la littérature ne
2587
einture ne se fait pas dans les musées, mais dans
les
villes où existe un marché ; la littérature ne se crée pas dans les u
2588
usées, mais dans les villes où existe un marché ;
la
littérature ne se crée pas dans les universités et les bibliothèques,
2589
te un marché ; la littérature ne se crée pas dans
les
universités et les bibliothèques, mais dans le champ libre des passio
2590
ittérature ne se crée pas dans les universités et
les
bibliothèques, mais dans le champ libre des passions ; la philosophie
2591
s les universités et les bibliothèques, mais dans
le
champ libre des passions ; la philosophie dépérit dans une société qu
2592
othèques, mais dans le champ libre des passions ;
la
philosophie dépérit dans une société qui ne risque ou ne conçoit plus
2593
qui ne risque ou ne conçoit plus d’aventure ; et
la
science s’arrête quand l’audace est un crime. Si l’Europe disparaît d
2594
it plus d’aventure ; et la science s’arrête quand
l’
audace est un crime. Si l’Europe disparaît du jeu des forces mondiales
2595
science s’arrête quand l’audace est un crime. Si
l’
Europe disparaît du jeu des forces mondiales, personne ne pourra rempl
2596
d’une civilisation qui avait su remplacer toutes
les
autres. Le secret de ses mesures vivantes sera perdu. Mais en retour,
2597
isation qui avait su remplacer toutes les autres.
Le
secret de ses mesures vivantes sera perdu. Mais en retour, sans une c
2598
Mais en retour, sans une culture active rendue à
l’
efficacité, l’Europe ne peut recouvrer la puissance. Elle sera peut-êt
2599
r, sans une culture active rendue à l’efficacité,
l’
Europe ne peut recouvrer la puissance. Elle sera peut-être unie, c’est
2600
rendue à l’efficacité, l’Europe ne peut recouvrer
la
puissance. Elle sera peut-être unie, c’est même plus que probable, pa
2601
peut-être unie, c’est même plus que probable, par
les
soins d’experts étrangers ou d’une police qui a fait ses preuves aill
2602
a fait ses preuves ailleurs. Mais elle aura perdu
le
ressort de son pouvoir transformateur du monde, ce pouvoir qui avait
2603
ur à partir d’un médiocre destin. Que servirait à
l’
Europe de recevoir une unité, si ce n’était pas celle de son choix ? E
2604
r elle-même ? Son destin et non plus sa liberté ?
L’
Europe sans sa culture, réduite à ce qu’elle est, ne serait plus qu’un
2605
elle est, ne serait plus qu’un cap de l’Asie — et
l’
Asie n’a jamais passé pour la terre de la liberté. Certes, on peut dis
2606
n cap de l’Asie — et l’Asie n’a jamais passé pour
la
terre de la liberté. Certes, on peut disputer sur les concepts, mais
2607
sie — et l’Asie n’a jamais passé pour la terre de
la
liberté. Certes, on peut disputer sur les concepts, mais je parle de
2608
terre de la liberté. Certes, on peut disputer sur
les
concepts, mais je parle de réalités : l’Europe et la culture universe
2609
ter sur les concepts, mais je parle de réalités :
l’
Europe et la culture universelle qu’elle a produite sont deux réalités
2610
concepts, mais je parle de réalités : l’Europe et
la
culture universelle qu’elle a produite sont deux réalités coextensive
2611
uvement, au milieu de notre siècle ? Va-t-il vers
la
renaissance ou vers la décadence ? Je crois que la sublime réponse à
2612
otre siècle ? Va-t-il vers la renaissance ou vers
la
décadence ? Je crois que la sublime réponse à la question des lendema
2613
a renaissance ou vers la décadence ? Je crois que
la
sublime réponse à la question des lendemains nous a été donnée une fo
2614
la décadence ? Je crois que la sublime réponse à
la
question des lendemains nous a été donnée une fois pour toutes par la
2615
emains nous a été donnée une fois pour toutes par
la
sentinelle d’Isaïe : « Le matin vient, et la nuit aussi ! » Cette fin
2616
ne fois pour toutes par la sentinelle d’Isaïe : «
Le
matin vient, et la nuit aussi ! » Cette fin de non-recevoir, lyrique
2617
par la sentinelle d’Isaïe : « Le matin vient, et
la
nuit aussi ! » Cette fin de non-recevoir, lyrique et ironique, nous r
2618
faire me paraît être ici d’apprécier tout d’abord
l’
état de nos forces, en vue d’agir. Entre les deux colosses russe et am
2619
’abord l’état de nos forces, en vue d’agir. Entre
les
deux colosses russe et américain, l’Europe qui vient de perdre la gue
2620
agir. Entre les deux colosses russe et américain,
l’
Europe qui vient de perdre la guerre fait actuellement ce qu’on appell
2621
russe et américain, l’Europe qui vient de perdre
la
guerre fait actuellement ce qu’on appelle une névrose d’infériorité.
2622
u’on appelle une névrose d’infériorité. Pourtant,
les
faits ne justifient pas le désespoir, mais seulement un effort de red
2623
nfériorité. Pourtant, les faits ne justifient pas
le
désespoir, mais seulement un effort de redressement. Entre deux-cents
2624
nquante-millions d’Américains, nous sommes ici, à
l’
ouest du rideau de fer, près de trois-cents-millions d’Européens. Nous
2625
plus d’un quart du charbon, de près d’un tiers de
l’
électricité que produit aujourd’hui la planète. Nous disposons surtout
2626
un tiers de l’électricité que produit aujourd’hui
la
planète. Nous disposons surtout de ressources humaines qui n’ont pas
2627
ales ailleurs : une main-d’œuvre spécialisée dont
les
traditions ne s’imitent pas, une capacité d’invention que le monde en
2628
ns ne s’imitent pas, une capacité d’invention que
le
monde entier peut nous envier. Qu’avons-nous inventé, nous les Europé
2629
ier peut nous envier. Qu’avons-nous inventé, nous
les
Européens, depuis cent ans ? Je répondrai : que n’avons-nous pas inve
2630
ue n’avons-nous pas inventé ? Je cite pêle-mêle :
le
marxisme et la psychanalyse, l’existentialisme et le personnalisme, l
2631
pas inventé ? Je cite pêle-mêle : le marxisme et
la
psychanalyse, l’existentialisme et le personnalisme, la théorie des q
2632
cite pêle-mêle : le marxisme et la psychanalyse,
l’
existentialisme et le personnalisme, la théorie des quanta et celle de
2633
marxisme et la psychanalyse, l’existentialisme et
le
personnalisme, la théorie des quanta et celle des groupes, la sociolo
2634
chanalyse, l’existentialisme et le personnalisme,
la
théorie des quanta et celle des groupes, la sociologie et les grandes
2635
isme, la théorie des quanta et celle des groupes,
la
sociologie et les grandes synthèses historiques, la relativité généra
2636
des quanta et celle des groupes, la sociologie et
les
grandes synthèses historiques, la relativité généralisée et la physiq
2637
sociologie et les grandes synthèses historiques,
la
relativité généralisée et la physique nucléaire, l’aviation, la radio
2638
nthèses historiques, la relativité généralisée et
la
physique nucléaire, l’aviation, la radio et le cinéma, la vaccination
2639
relativité généralisée et la physique nucléaire,
l’
aviation, la radio et le cinéma, la vaccination, la pénicilline et le
2640
généralisée et la physique nucléaire, l’aviation,
la
radio et le cinéma, la vaccination, la pénicilline et le DDT, le pétr
2641
et la physique nucléaire, l’aviation, la radio et
le
cinéma, la vaccination, la pénicilline et le DDT, le pétrole synthéti
2642
que nucléaire, l’aviation, la radio et le cinéma,
la
vaccination, la pénicilline et le DDT, le pétrole synthétique et le r
2643
’aviation, la radio et le cinéma, la vaccination,
la
pénicilline et le DDT, le pétrole synthétique et le radar, la rationa
2644
o et le cinéma, la vaccination, la pénicilline et
le
DDT, le pétrole synthétique et le radar, la rationalisation du travai
2645
cinéma, la vaccination, la pénicilline et le DDT,
le
pétrole synthétique et le radar, la rationalisation du travail indust
2646
pénicilline et le DDT, le pétrole synthétique et
le
radar, la rationalisation du travail industriel, la construction méta
2647
ne et le DDT, le pétrole synthétique et le radar,
la
rationalisation du travail industriel, la construction métallique, le
2648
radar, la rationalisation du travail industriel,
la
construction métallique, le syndicalisme et les coopératives, et enfi
2649
u travail industriel, la construction métallique,
le
syndicalisme et les coopératives, et enfin l’art moderne tout entier
2650
l, la construction métallique, le syndicalisme et
les
coopératives, et enfin l’art moderne tout entier : peinture, musique,
2651
ue, le syndicalisme et les coopératives, et enfin
l’
art moderne tout entier : peinture, musique, littérature, poésie, théâ
2652
: presque tous leurs grands noms sont des noms de
l’
Europe, et les très rares qui n’en sont pas ont appris leur métier de
2653
s leurs grands noms sont des noms de l’Europe, et
les
très rares qui n’en sont pas ont appris leur métier de nos maîtres, d
2654
cafés de Paris, ou par nos livres. Je dirai plus.
Le
monde moderne tout entier peut être appelé une création européenne. P
2655
er peut être appelé une création européenne. Pour
le
bien comme pour le mal, il imite à la fois nos mœurs et nos objets, n
2656
une création européenne. Pour le bien comme pour
le
mal, il imite à la fois nos mœurs et nos objets, nos procédés d’art e
2657
nement, d’industrie et de médecine, et nos armes.
Les
Hindous, les Chinois, les Noirs copient l’Europe pour toutes ces chos
2658
ustrie et de médecine, et nos armes. Les Hindous,
les
Chinois, les Noirs copient l’Europe pour toutes ces choses, mais nous
2659
médecine, et nos armes. Les Hindous, les Chinois,
les
Noirs copient l’Europe pour toutes ces choses, mais nous, nous copion
2660
rmes. Les Hindous, les Chinois, les Noirs copient
l’
Europe pour toutes ces choses, mais nous, nous copions tout au plus qu
2661
ues rythmes de leurs danses. Finalement, que sont
les
empires qui prétendent partager le monde à nos dépens ? L’Amérique du
2662
ent, que sont les empires qui prétendent partager
le
monde à nos dépens ? L’Amérique du Nord et la Russie de Staline sont
2663
s qui prétendent partager le monde à nos dépens ?
L’
Amérique du Nord et la Russie de Staline sont des produits de notre cu
2664
ger le monde à nos dépens ? L’Amérique du Nord et
la
Russie de Staline sont des produits de notre culture, l’une dès ses o
2665
e en ce qu’elle a de moderne justement. Calvin et
le
puritanisme, d’un côté, plus les gratte-ciel, le système Taylor-Bedau
2666
tement. Calvin et le puritanisme, d’un côté, plus
les
gratte-ciel, le système Taylor-Bedaux à tous les degrés, la cellophan
2667
le puritanisme, d’un côté, plus les gratte-ciel,
le
système Taylor-Bedaux à tous les degrés, la cellophane et le zipper p
2668
les gratte-ciel, le système Taylor-Bedaux à tous
les
degrés, la cellophane et le zipper partout, qui sont des inventions e
2669
ciel, le système Taylor-Bedaux à tous les degrés,
la
cellophane et le zipper partout, qui sont des inventions européennes
2670
Taylor-Bedaux à tous les degrés, la cellophane et
le
zipper partout, qui sont des inventions européennes ; et de l’autre c
2671
et de l’autre côté, Marx et notre industrie, plus
l’
instruction publique et l’athéisme, l’hypertrophie de l’appareil étati
2672
t notre industrie, plus l’instruction publique et
l’
athéisme, l’hypertrophie de l’appareil étatique, et des copies de l’ar
2673
strie, plus l’instruction publique et l’athéisme,
l’
hypertrophie de l’appareil étatique, et des copies de l’art officiel d
2674
ruction publique et l’athéisme, l’hypertrophie de
l’
appareil étatique, et des copies de l’art officiel de nos grands-pères
2675
rtrophie de l’appareil étatique, et des copies de
l’
art officiel de nos grands-pères. Caricatures évidemment ; mais ce n’e
2676
appeler ce procédé de description : leurs traits
les
plus frappants, et qu’ils croient spécifiques, ne sont souvent que de
2677
sure ni critique, méthodiquement, parfois jusqu’à
la
monstruosité12. Mais s’il en est ainsi, si tels sont nos atouts, d’où
2678
ous ayons perdu, ou que nous croyions avoir perdu
la
puissance et l’initiative, dès qu’il s’agit d’autre chose que de pein
2679
ou que nous croyions avoir perdu la puissance et
l’
initiative, dès qu’il s’agit d’autre chose que de peinture, de parfums
2680
? J’ai dit que nous sommes trois-cents-millions à
l’
ouest du rideau de fer. C’est vrai en fait, mais nous ne le sentons pa
2681
u rideau de fer. C’est vrai en fait, mais nous ne
le
sentons pas. Car je parlais en tant qu’Européen quand je disais nous.
2682
raignons donc, comme des peuples trop petits pour
le
monde où ils vivent. J’ai dressé une liste de nos créations les plus
2683
ls vivent. J’ai dressé une liste de nos créations
les
plus connues, celles qui ont fixé le visage du monde moderne. Et cett
2684
s créations les plus connues, celles qui ont fixé
le
visage du monde moderne. Et cette liste est impressionnante. Mais pou
2685
re faut-il qu’ils aient conscience d’appartenir à
la
famille européenne. Sinon, chacun d’entre eux va compter dans ma list
2686
inon, chacun d’entre eux va compter dans ma liste
les
quelques noms de son pays et n’en tirera qu’une raison de plus de se
2687
minoritaire, ou pauvre. Il en va de même sur tous
les
plans. Divisés, enfermés dans nos États-nations, nous sommes tous tro
2688
nt je ne songe pas un seul instant à sous-estimer
l’
importance. Ces conflits ne seront pas résolus par la seule grâce de n
2689
mportance. Ces conflits ne seront pas résolus par
la
seule grâce de notre union. Mais sans elle sera supprimée la possibil
2690
âce de notre union. Mais sans elle sera supprimée
la
possibilité de les résoudre un jour. Je ne dirai pas que la division
2691
. Mais sans elle sera supprimée la possibilité de
les
résoudre un jour. Je ne dirai pas que la division de l’Europe en ving
2692
lité de les résoudre un jour. Je ne dirai pas que
la
division de l’Europe en vingt nations, chacune trop petite, rend comp
2693
oudre un jour. Je ne dirai pas que la division de
l’
Europe en vingt nations, chacune trop petite, rend compte de tous les
2694
nations, chacune trop petite, rend compte de tous
les
maux dont nous pouvons souffrir. Mais elle rend compte de nos faibles
2695
faiblesses, et de notre démission sur le plan de
l’
Histoire. Et elle rend compte de la névrose d’infériorité que j’ai dit
2696
sur le plan de l’Histoire. Et elle rend compte de
la
névrose d’infériorité que j’ai dite. La division de l’Europe nous pri
2697
compte de la névrose d’infériorité que j’ai dite.
La
division de l’Europe nous prive de la puissance dont tous les élément
2698
vrose d’infériorité que j’ai dite. La division de
l’
Europe nous prive de la puissance dont tous les éléments sont pourtant
2699
j’ai dite. La division de l’Europe nous prive de
la
puissance dont tous les éléments sont pourtant parmi nous, mais dispe
2700
de l’Europe nous prive de la puissance dont tous
les
éléments sont pourtant parmi nous, mais dispersés. La division de l’E
2701
léments sont pourtant parmi nous, mais dispersés.
La
division de l’Europe paralyse notre culture aussi, puisqu’il n’est pa
2702
urtant parmi nous, mais dispersés. La division de
l’
Europe paralyse notre culture aussi, puisqu’il n’est pas de culture sa
2703
change des idées, des personnes et des œuvres, et
l’
on sait ce qu’il en est aujourd’hui à cet égard. La condition nécessai
2704
’on sait ce qu’il en est aujourd’hui à cet égard.
La
condition nécessaire, sinon suffisante, du maintien de l’Europe au ra
2705
tion nécessaire, sinon suffisante, du maintien de
l’
Europe au rang des grandes puissances, c’est son union. Telle est auss
2706
ndes puissances, c’est son union. Telle est aussi
la
condition du maintien de ce foyer de création et de liberté que repré
2707
ce foyer de création et de liberté que représente
l’
Europe dans le monde, et que rien ne peut remplacer. Qu’avons-nous fai
2708
éation et de liberté que représente l’Europe dans
le
monde, et que rien ne peut remplacer. Qu’avons-nous fait pour nous un
2709
mplacer. Qu’avons-nous fait pour nous unir ? Dans
le
domaine politique, nous avons Strasbourg. Ce n’est pas beaucoup plus
2710
c’en est une. Nous verrons ce qu’elle vaut, avant
la
fin de l’année. Dans le domaine économique, nous avons le plan Schuma
2711
ne. Nous verrons ce qu’elle vaut, avant la fin de
l’
année. Dans le domaine économique, nous avons le plan Schuman, qui peu
2712
ns ce qu’elle vaut, avant la fin de l’année. Dans
le
domaine économique, nous avons le plan Schuman, qui peut être un débu
2713
e l’année. Dans le domaine économique, nous avons
le
plan Schuman, qui peut être un début de mise en commun de nos ressour
2714
e nos ressources matérielles. Et maintenant, dans
le
domaine de cette culture dont on ne saurait trop répéter qu’elle est
2715
lture dont on ne saurait trop répéter qu’elle est
le
vrai, le seul secret de notre puissance, il est temps de proposer un
2716
t on ne saurait trop répéter qu’elle est le vrai,
le
seul secret de notre puissance, il est temps de proposer un autre Pla
2717
de proposer un autre Plan, qui consisterait dans
la
mise en commun, au service de l’Europe entière, de nos ressources sci
2718
onsisterait dans la mise en commun, au service de
l’
Europe entière, de nos ressources scientifiques, éducatrices et créatr
2719
tés urgentes, qui en indiquent tout naturellement
les
trois chapitres principaux. Premièrement, nous avons besoin d’un inve
2720
évidente dès qu’on entreprend des recherches sur
l’
état présent d’une question scientifique, sur les déficiences et les a
2721
r l’état présent d’une question scientifique, sur
les
déficiences et les avantages culturels de l’Europe par rapport aux au
2722
une question scientifique, sur les déficiences et
les
avantages culturels de l’Europe par rapport aux autres continents, su
2723
sur les déficiences et les avantages culturels de
l’
Europe par rapport aux autres continents, sur les forces disponibles p
2724
e l’Europe par rapport aux autres continents, sur
les
forces disponibles pour certaines tâches, sur les réformes à introdui
2725
les forces disponibles pour certaines tâches, sur
les
réformes à introduire. Il y a donc lieu d’envisager la création d’une
2726
formes à introduire. Il y a donc lieu d’envisager
la
création d’une sorte d’Institut de la conjoncture culturelle en Europ
2727
d’envisager la création d’une sorte d’Institut de
la
conjoncture culturelle en Europe. Deuxièmement, nous avons besoin d’u
2728
forts dispersés entre nos vingt nations. Partout,
l’
on voit surgir des instituts13 dont les programmes et les buts se ress
2729
s. Partout, l’on voit surgir des instituts13 dont
les
programmes et les buts se ressemblent, mais qui, souvent, s’ignorent
2730
oit surgir des instituts13 dont les programmes et
les
buts se ressemblent, mais qui, souvent, s’ignorent mutuellement. Part
2731
posent des problèmes qui restent insolubles dans
le
cadre trop étroit de chaque nation et de chaque budget national : pro
2732
problèmes des recherches atomiques, du cinéma, de
la
télévision, des intellectuels réfugiés, de la révision des manuels d’
2733
de la télévision, des intellectuels réfugiés, de
la
révision des manuels d’histoire, des échanges… Ainsi apparaît la néce
2734
manuels d’histoire, des échanges… Ainsi apparaît
la
nécessité d’un lieu de confrontation permanente et d’un instrument d’
2735
ermanente et d’un instrument d’action concertée à
l’
échelle du continent, quelque chose comme un Chatham House européen, m
2736
éen, mais certainement plus militant, étant donné
l’
urgence des problèmes à résoudre. Troisièmement, l’on constate qu’aucu
2737
’urgence des problèmes à résoudre. Troisièmement,
l’
on constate qu’aucun de nos instituts culturels nationaux ne peut parl
2738
nationaux ne peut parler, actuellement, au nom de
l’
Europe dans son ensemble alors que c’est l’ensemble de l’Europe qui se
2739
nom de l’Europe dans son ensemble alors que c’est
l’
ensemble de l’Europe qui se voit attaqué par les propagandes que l’on
2740
e dans son ensemble alors que c’est l’ensemble de
l’
Europe qui se voit attaqué par les propagandes que l’on sait. La néces
2741
st l’ensemble de l’Europe qui se voit attaqué par
les
propagandes que l’on sait. La nécessité se fait donc sentir d’un orga
2742
urope qui se voit attaqué par les propagandes que
l’
on sait. La nécessité se fait donc sentir d’un organisme dont la raiso
2743
e voit attaqué par les propagandes que l’on sait.
La
nécessité se fait donc sentir d’un organisme dont la raison d’être pr
2744
nécessité se fait donc sentir d’un organisme dont
la
raison d’être principale soit de pouvoir prendre certaines initiative
2745
ndre certaines initiatives et de parler au nom de
l’
Europe comme unité, dans le plan de la culture et de la morale publiqu
2746
et de parler au nom de l’Europe comme unité, dans
le
plan de la culture et de la morale publique, de même que seule une Au
2747
r au nom de l’Europe comme unité, dans le plan de
la
culture et de la morale publique, de même que seule une Autorité poli
2748
ope comme unité, dans le plan de la culture et de
la
morale publique, de même que seule une Autorité politique supranation
2749
r au nom de trois-cents-millions d’Européens avec
les
Russes ou les Américains. L’action dont je viens d’esquisser les troi
2750
ois-cents-millions d’Européens avec les Russes ou
les
Américains. L’action dont je viens d’esquisser les trois chapitres pr
2751
ns d’Européens avec les Russes ou les Américains.
L’
action dont je viens d’esquisser les trois chapitres principaux, ce n’
2752
es Américains. L’action dont je viens d’esquisser
les
trois chapitres principaux, ce n’est rien d’autre, en fait, que le pr
2753
s principaux, ce n’est rien d’autre, en fait, que
le
programme du Centre européen de la culture, qui s’est ouvert à Genève
2754
ui s’est ouvert à Genève au mois de septembre sur
l’
initiative du Mouvement européen, et auquel le Conseil de l’Europe vie
2755
sur l’initiative du Mouvement européen, et auquel
le
Conseil de l’Europe vient d’accorder son patronage officiel. M. Winst
2756
officiel. M. Winston Churchill a proposé, devant
l’
Assemblée de Strasbourg, la création d’une armée de l’Europe. Que cett
2757
hill a proposé, devant l’Assemblée de Strasbourg,
la
création d’une armée de l’Europe. Que cette armée soit nécessaire, c’
2758
semblée de Strasbourg, la création d’une armée de
l’
Europe. Que cette armée soit nécessaire, c’est la déplorable évidence.
2759
l’Europe. Que cette armée soit nécessaire, c’est
la
déplorable évidence. Mais elle ne sera pas suffisante. Une mitrailleu
2760
s suffisante. Une mitrailleuse ne sert à rien, si
l’
homme qui la reçoit refuse de s’en servir, parce qu’il ignore ce qui e
2761
. Une mitrailleuse ne sert à rien, si l’homme qui
la
reçoit refuse de s’en servir, parce qu’il ignore ce qui est en jeu, c
2762
re ce qui est en jeu, ce qui vaut d’être défendu.
La
défense effective de l’Europe doit commencer dans les cerveaux et dan
2763
qui vaut d’être défendu. La défense effective de
l’
Europe doit commencer dans les cerveaux et dans les cœurs. Elle suppos
2764
défense effective de l’Europe doit commencer dans
les
cerveaux et dans les cœurs. Elle suppose une prise de conscience. Et
2765
l’Europe doit commencer dans les cerveaux et dans
les
cœurs. Elle suppose une prise de conscience. Et toute volonté de réve
2766
rise de conscience. Et toute volonté de réveil de
la
conscience commune européenne, dans nos élites et dans nos peuples, s
2767
nne, dans nos élites et dans nos peuples, suppose
la
reconnaissance de deux réalités qu’oublient généralement nos « réalis
2768
lement nos « réalistes ». La première, c’est que
l’
Europe est une culture (civilisation si l’on préfère) ou n’est qu’un a
2769
est que l’Europe est une culture (civilisation si
l’
on préfère) ou n’est qu’un appendice insignifiant de l’Asie. Et cela v
2770
préfère) ou n’est qu’un appendice insignifiant de
l’
Asie. Et cela veut dire que la vraie source de la puissance européenne
2771
ice insignifiant de l’Asie. Et cela veut dire que
la
vraie source de la puissance européenne est sa culture, et qu’il sera
2772
l’Asie. Et cela veut dire que la vraie source de
la
puissance européenne est sa culture, et qu’il serait absurde et vain
2773
sauver l’une sans l’autre. La seconde, c’est que
le
ressort intime, mais aussi le but final de la culture occidentale, co
2774
seconde, c’est que le ressort intime, mais aussi
le
but final de la culture occidentale, consistent en une seule et même
2775
que le ressort intime, mais aussi le but final de
la
culture occidentale, consistent en une seule et même chose : la liber
2776
identale, consistent en une seule et même chose :
la
liberté de la personne. Et cela veut dire que les chances de l’Europe
2777
istent en une seule et même chose : la liberté de
la
personne. Et cela veut dire que les chances de l’Europe se confondent
2778
la liberté de la personne. Et cela veut dire que
les
chances de l’Europe se confondent aujourd’hui avec les chances de l’h
2779
la personne. Et cela veut dire que les chances de
l’
Europe se confondent aujourd’hui avec les chances de l’homme. C’est po
2780
hances de l’Europe se confondent aujourd’hui avec
les
chances de l’homme. C’est pourquoi nous voulons sauver l’Europe. Non
2781
ope se confondent aujourd’hui avec les chances de
l’
homme. C’est pourquoi nous voulons sauver l’Europe. Non point pour l’o
2782
es de l’homme. C’est pourquoi nous voulons sauver
l’
Europe. Non point pour l’opposer aux grandes nations nouvelles, non po
2783
quoi nous voulons sauver l’Europe. Non point pour
l’
opposer aux grandes nations nouvelles, non point pour élargir l’esprit
2784
grandes nations nouvelles, non point pour élargir
l’
esprit nationaliste aux dimensions du continent, non par orgueil ou pa
2785
satisfaction de nous-mêmes, et encore moins avec
le
fol espoir d’apaiser à jamais tous nos conflits, mais, au contraire p
2786
s nos conflits, mais, au contraire pour maintenir
les
risques de la liberté, qui ont fait la vraie grandeur de l’homme euro
2787
mais, au contraire pour maintenir les risques de
la
liberté, qui ont fait la vraie grandeur de l’homme européen, et pour
2788
maintenir les risques de la liberté, qui ont fait
la
vraie grandeur de l’homme européen, et pour sauver en face de la terr
2789
de la liberté, qui ont fait la vraie grandeur de
l’
homme européen, et pour sauver en face de la terre des masses, et de l
2790
ur de l’homme européen, et pour sauver en face de
la
terre des masses, et de la terre des machines, et des terres immenses
2791
pour sauver en face de la terre des masses, et de
la
terre des machines, et des terres immenses de la fatalité, une Europe
2792
la terre des machines, et des terres immenses de
la
fatalité, une Europe qui demeure la terre des hommes. 12. Ici cepen
2793
s immenses de la fatalité, une Europe qui demeure
la
terre des hommes. 12. Ici cependant, point de malentendu ! Ne nous
2794
e malentendu ! Ne nous laissons jamais tenter par
la
plus fausse des symétries, celle qui mettrait les USA et l’URSS dans
2795
la plus fausse des symétries, celle qui mettrait
les
USA et l’URSS dans le rôle de Charybde et de Scylla. Entre les Améric
2796
usse des symétries, celle qui mettrait les USA et
l’
URSS dans le rôle de Charybde et de Scylla. Entre les Américains et no
2797
étries, celle qui mettrait les USA et l’URSS dans
le
rôle de Charybde et de Scylla. Entre les Américains et nous, Européen
2798
URSS dans le rôle de Charybde et de Scylla. Entre
les
Américains et nous, Européens, il y a en commun les principes origine
2799
s Américains et nous, Européens, il y a en commun
les
principes originels, l’usage présent, et l’idéal sans cesse élargi de
2800
opéens, il y a en commun les principes originels,
l’
usage présent, et l’idéal sans cesse élargi de la liberté de pensée, q
2801
mmun les principes originels, l’usage présent, et
l’
idéal sans cesse élargi de la liberté de pensée, qui est une garantie
2802
l’usage présent, et l’idéal sans cesse élargi de
la
liberté de pensée, qui est une garantie des autres libertés. Entre le
2803
, qui est une garantie des autres libertés. Entre
les
stalinistes et nous, Européens, il n’y a qu’un mot : démocratie. Pour
2804
Nous savons où sont nos alliances. 13. Tels que
le
Collège d’Autriche, la Deutsche Europa Akademie, le Centro di Studi E
2805
s alliances. 13. Tels que le Collège d’Autriche,
la
Deutsche Europa Akademie, le Centro di Studi Europei, les Summer Scho
2806
Collège d’Autriche, la Deutsche Europa Akademie,
le
Centro di Studi Europei, les Summer Schools of European Studies, et e
2807
sche Europa Akademie, le Centro di Studi Europei,
les
Summer Schools of European Studies, et enfin le Collège d’Europe, ina
2808
les Summer Schools of European Studies, et enfin
le
Collège d’Europe, inauguré à Bruges le 12 octobre, et qui peut deveni
2809
, et enfin le Collège d’Europe, inauguré à Bruges
le
12 octobre, et qui peut devenir l’École des sciences politiques du co
2810
uguré à Bruges le 12 octobre, et qui peut devenir
l’
École des sciences politiques du continent. g. Rougemont Denis de, «
2811
litiques du continent. g. Rougemont Denis de, «
L’
Europe et sa culture », La Revue de Paris, Paris, novembre 1950, p. 79
2812
Rougemont Denis de, « L’Europe et sa culture »,
La
Revue de Paris, Paris, novembre 1950, p. 79-90.
2813
Inde 1951 (décembre 1951)h i
Les
États neufs ont des douaniers nerveux, mais ceux de l’Inde se dominen
2814
ats neufs ont des douaniers nerveux, mais ceux de
l’
Inde se dominent : ils ont gardé cela des Anglais. Il leur faut cepend
2815
cependant plus d’une heure pour nous administrer
les
preuves méticuleuses d’une souveraineté que nul ne songe à contester.
2816
n congrès. — Quel congrès ? Il y en a beaucoup. —
Le
Congrès indien pour la liberté de la culture. — Qui l’organise ? — La
2817
ès ? Il y en a beaucoup. — Le Congrès indien pour
la
liberté de la culture. — Qui l’organise ? — La revue Thought, qui est
2818
beaucoup. — Le Congrès indien pour la liberté de
la
culture. — Qui l’organise ? — La revue Thought, qui est publiée à New
2819
ngrès indien pour la liberté de la culture. — Qui
l’
organise ? — La revue Thought, qui est publiée à New Dehli. — Alors, p
2820
ur la liberté de la culture. — Qui l’organise ? —
La
revue Thought, qui est publiée à New Dehli. — Alors, pourquoi le Cong
2821
t, qui est publiée à New Dehli. — Alors, pourquoi
le
Congrès se tient-il à Bombay ? — Parce que M. Nehru le veut ainsi. (R
2822
ngrès se tient-il à Bombay ? — Parce que M. Nehru
le
veut ainsi. (Réponse propre à faire croire au fonctionnaire que c’est
2823
au fonctionnaire que c’est M. Nehru qui patronne
le
Congrès, alors qu’en vérité, il s’est borné à le déplacer, par un déc
2824
le Congrès, alors qu’en vérité, il s’est borné à
le
déplacer, par un décret, de la capitale à Bombay.) L’officier n’est p
2825
, il s’est borné à le déplacer, par un décret, de
la
capitale à Bombay.) L’officier n’est pas bien convaincu : il voudrait
2826
éplacer, par un décret, de la capitale à Bombay.)
L’
officier n’est pas bien convaincu : il voudrait obtenir des réponses q
2827
l. Sourire de soulagement. — Au Taj ? OK. OK ? On
le
dirait à moins. Plus qu’un hôtel, c’est un quartier de ville en un se
2828
lle en un seul bâtiment surmonté d’une coupole. À
l’
intérieur, deux rues de boutiques de luxe, de cafés et de librairies a
2829
luxe, de cafés et de librairies aboutissent dans
le
hall central ouvert sur un vaste patio où les voitures se succèdent s
2830
dans le hall central ouvert sur un vaste patio où
les
voitures se succèdent sans relâche. Ma chambre a dix mètres sur cinq,
2831
je sonne, trois serviteurs paraissent au fond de
la
pièce, devant une tenture sombre, sans nul bruit. Il m’est arrivé de
2832
. Pourquoi trois ? Je me dis que le premier prend
les
ordres, que le second probablement les enregistre, et que le troisièm
2833
mier prend les ordres, que le second probablement
les
enregistre, et que le troisième les exécute. Mais non, tout simplemen
2834
probablement les enregistre, et que le troisième
les
exécute. Mais non, tout simplement, il y a trop de gens en Inde. J’ai
2835
il y a trop de gens en Inde. J’ai sommeillé sous
le
ronron lent de l’hélice. Je sonne pour demander du thé. Les trois for
2836
ns en Inde. J’ai sommeillé sous le ronron lent de
l’
hélice. Je sonne pour demander du thé. Les trois formes blanches naiss
2837
lent de l’hélice. Je sonne pour demander du thé.
Les
trois formes blanches naissent dans l’ombre. Je me rendors. Le thé es
2838
r du thé. Les trois formes blanches naissent dans
l’
ombre. Je me rendors. Le thé est là, et de nouveau trois hommes en bla
2839
es blanches naissent dans l’ombre. Je me rendors.
Le
thé est là, et de nouveau trois hommes en blanc près de la table. Je
2840
t là, et de nouveau trois hommes en blanc près de
la
table. Je leur demande du sucre. Ils sourient et s’inclinent. Ils ont
2841
ls sourient et s’inclinent. Ils ont des crayons à
la
main et des blocs de papier. Ils attendent. Je leur dis que c’est tou
2842
ient me poser quelques questions. Mon opinion sur
la
neutralité de l’Inde ? Sur Nehru ? Éclair de magnésium. Aveuglé, je c
2843
lques questions. Mon opinion sur la neutralité de
l’
Inde ? Sur Nehru ? Éclair de magnésium. Aveuglé, je comprends, et m’ef
2844
donner des réponses attendues, soudain frappé par
la
similitude entre le contrôle des étrangers et l’interview. ⁂ Bombay,
2845
attendues, soudain frappé par la similitude entre
le
contrôle des étrangers et l’interview. ⁂ Bombay, porte des Indes, pré
2846
la similitude entre le contrôle des étrangers et
l’
interview. ⁂ Bombay, porte des Indes, présente à l’arrivant l’architec
2847
’interview. ⁂ Bombay, porte des Indes, présente à
l’
arrivant l’architecture et le puissant trafic d’une grande cité de l’O
2848
⁂ Bombay, porte des Indes, présente à l’arrivant
l’
architecture et le puissant trafic d’une grande cité de l’Occident com
2849
es Indes, présente à l’arrivant l’architecture et
le
puissant trafic d’une grande cité de l’Occident comme on en voit en A
2850
ecture et le puissant trafic d’une grande cité de
l’
Occident comme on en voit en Amérique du Sud : plus uniformément moder
2851
s. Notons une légère frustration de notre sens de
l’
exotisme. Cette espèce de curiosité, toujours au bord de la ferveur, q
2852
e. Cette espèce de curiosité, toujours au bord de
la
ferveur, qu’évoque le terme d’exotisme : rien de plus typiquement eur
2853
iosité, toujours au bord de la ferveur, qu’évoque
le
terme d’exotisme : rien de plus typiquement européen. Parmi les peupl
2854
otisme : rien de plus typiquement européen. Parmi
les
peuples de la terre, seuls les Européens recherchent l’étranger, le d
2855
e plus typiquement européen. Parmi les peuples de
la
terre, seuls les Européens recherchent l’étranger, le dépaysement pou
2856
nt européen. Parmi les peuples de la terre, seuls
les
Européens recherchent l’étranger, le dépaysement pour lui-même, et so
2857
ples de la terre, seuls les Européens recherchent
l’
étranger, le dépaysement pour lui-même, et sont déçus de ne le point t
2858
erre, seuls les Européens recherchent l’étranger,
le
dépaysement pour lui-même, et sont déçus de ne le point trouver aussi
2859
le dépaysement pour lui-même, et sont déçus de ne
le
point trouver aussi pur et déconcertant qu’ils le rêvaient. Pour l’In
2860
le point trouver aussi pur et déconcertant qu’ils
le
rêvaient. Pour l’Indien, le Chinois, l’Arabe, l’étranger n’a jamais é
2861
ussi pur et déconcertant qu’ils le rêvaient. Pour
l’
Indien, le Chinois, l’Arabe, l’étranger n’a jamais été un sujet de lit
2862
t déconcertant qu’ils le rêvaient. Pour l’Indien,
le
Chinois, l’Arabe, l’étranger n’a jamais été un sujet de littérature,
2863
nt qu’ils le rêvaient. Pour l’Indien, le Chinois,
l’
Arabe, l’étranger n’a jamais été un sujet de littérature, de nostalgie
2864
le rêvaient. Pour l’Indien, le Chinois, l’Arabe,
l’
étranger n’a jamais été un sujet de littérature, de nostalgie conscien
2865
stalgie consciente et cultivée. Il peut bien être
le
plus fort, il le fut en effet pendant des siècles, mais il a tort, es
2866
e et cultivée. Il peut bien être le plus fort, il
le
fut en effet pendant des siècles, mais il a tort, essentiellement. Ce
2867
on, vivante encore dans nos campagnes et derrière
les
rideaux de nos provinces, est répudiée depuis longtemps par nos élite
2868
ance inverse prédomine. Il semble qu’au regard de
la
« hideuse vulgarité » de l’Occident, dont parlait récemment André Gid
2869
emble qu’au regard de la « hideuse vulgarité » de
l’
Occident, dont parlait récemment André Gide, toute la noblesse des ges
2870
ccident, dont parlait récemment André Gide, toute
la
noblesse des gestes, des allures, toute la solennité des religions (l
2871
toute la noblesse des gestes, des allures, toute
la
solennité des religions (les nôtres étant tenues pour préjugés) aient
2872
e en rien, nous courons admirer ceux qui vénèrent
les
vaches. L’homme qui connaît ses dieux se conçoit dans leur ordre et s
2873
ous courons admirer ceux qui vénèrent les vaches.
L’
homme qui connaît ses dieux se conçoit dans leur ordre et sans autres
2874
conçoit dans leur ordre et sans autres problèmes,
la
faim n’étant qu’un ennemi. L’Occidental, qui ne se connaît plus, va v
2875
s autres problèmes, la faim n’étant qu’un ennemi.
L’
Occidental, qui ne se connaît plus, va voir ailleurs comment on croit,
2876
ent on croit, mais sans désir sérieux de partager
la
foi de ceux dont il admire qu’ils en aient une. Ceci dit, je n’aurai
2877
esse que je n’aie découvert, à mon tour, derrière
l’
immense façade des quais synthétiquement occidentale, tout éclatante d
2878
ux reflets aux vitres de milliers de bow-windows,
la
Sombre Chose, grouillante et mystérieuse, tapie tout près d’ici peut-
2879
stérieuse, tapie tout près d’ici peut-être, comme
le
rêve sous la veille, instante et pourtant dérobée, la Sombre Chose pr
2880
pie tout près d’ici peut-être, comme le rêve sous
la
veille, instante et pourtant dérobée, la Sombre Chose pressentie, qui
2881
êve sous la veille, instante et pourtant dérobée,
la
Sombre Chose pressentie, qui parfois nous envoie, mêlés à la circulat
2882
hose pressentie, qui parfois nous envoie, mêlés à
la
circulation bien ordonnée de ces quartiers, des signes brefs et toujo
2883
rtiers, des signes brefs et toujours inquiétants,
le
cri précipité et comme rageur d’un corbeau maigre à ma fenêtre, une o
2884
, une ombre nette de vautour traversant lentement
la
chaussée, des crachats rouges de bétel sur le trottoir, et ces moigno
2885
ent la chaussée, des crachats rouges de bétel sur
le
trottoir, et ces moignons de bras charmants et menaçants… Sur le port
2886
ces moignons de bras charmants et menaçants… Sur
le
port et devant les grands hôtels, des fillettes aux yeux sans sourire
2887
ras charmants et menaçants… Sur le port et devant
les
grands hôtels, des fillettes aux yeux sans sourire, au corps d’une in
2888
peine vêtues d’un lambeau de coton, glissent dans
les
grosses voitures américaines, au moment de claquer les portières, leu
2889
rosses voitures américaines, au moment de claquer
les
portières, leur petit bras coupé au coude. On retient la portière qui
2890
ières, leur petit bras coupé au coude. On retient
la
portière qui allait briser cela, on leur jette quelques pièces, mais
2891
hostile et guttural, pareil à celui des corbeaux,
le
cri de la misère sauvage qui seule, dans cette fournaise humide, foue
2892
guttural, pareil à celui des corbeaux, le cri de
la
misère sauvage qui seule, dans cette fournaise humide, fouette encore
2893
eule, dans cette fournaise humide, fouette encore
l’
énergie de l’animal humain. ⁂ Aborder l’Inde par Bombay, ou par son in
2894
tte fournaise humide, fouette encore l’énergie de
l’
animal humain. ⁂ Aborder l’Inde par Bombay, ou par son intelligentsia,
2895
te encore l’énergie de l’animal humain. ⁂ Aborder
l’
Inde par Bombay, ou par son intelligentsia, c’est retrouver d’abord ce
2896
retrouver d’abord ce que nous connaissions, avec
la
seule surprise de n’en pas avoir d’autres. Dès les premières heures d
2897
vient évident que leurs problèmes s’énoncent dans
les
mêmes termes qu’en Europe. Il y a ceux qui pensent que l’URSS c’est l
2898
termes qu’en Europe. Il y a ceux qui pensent que
l’
URSS c’est la justice, les USA la liberté ; ceux qui scrupuleusement s
2899
Europe. Il y a ceux qui pensent que l’URSS c’est
la
justice, les USA la liberté ; ceux qui scrupuleusement se refusent à
2900
y a ceux qui pensent que l’URSS c’est la justice,
les
USA la liberté ; ceux qui scrupuleusement se refusent à choisir entre
2901
qui pensent que l’URSS c’est la justice, les USA
la
liberté ; ceux qui scrupuleusement se refusent à choisir entre le Coc
2902
x qui scrupuleusement se refusent à choisir entre
le
Coca-Cola et le camp de Kolyma ; ceux qui invoquent la morale et Gand
2903
ement se refusent à choisir entre le Coca-Cola et
le
camp de Kolyma ; ceux qui invoquent la morale et Gandhi pour justifie
2904
ca-Cola et le camp de Kolyma ; ceux qui invoquent
la
morale et Gandhi pour justifier le neutralisme, et ceux qui tiennent
2905
qui invoquent la morale et Gandhi pour justifier
le
neutralisme, et ceux qui tiennent à distinguer neutralisme et neutral
2906
eutralisme et neutralité ; ceux qui demandent que
les
démocraties balayent devant leur porte, se réforment d’abord, et ceux
2907
rment d’abord, et ceux qui veulent sauver d’abord
la
liberté, sans laquelle il n’est pas question de réformes humainement
2908
humainement valables ; ceux enfin qui se frappent
la
poitrine en déclarant qu’il y a de l’indécence à venir parler de cult
2909
se frappent la poitrine en déclarant qu’il y a de
l’
indécence à venir parler de culture dans un pays où des millions sont
2910
occidentaux, et frénétiquement applaudi, reparaît
le
lendemain dans les éditoriaux, les jours suivants dans mille échos, l
2911
énétiquement applaudi, reparaît le lendemain dans
les
éditoriaux, les jours suivants dans mille échos, lettres à l’éditeur,
2912
laudi, reparaît le lendemain dans les éditoriaux,
les
jours suivants dans mille échos, lettres à l’éditeur, et commentaires
2913
x, les jours suivants dans mille échos, lettres à
l’
éditeur, et commentaires critiques sur le Congrès. Je quitterai l’Inde
2914
ettres à l’éditeur, et commentaires critiques sur
le
Congrès. Je quitterai l’Inde sans avoir voulu dire ce que j’en pense,
2915
mmentaires critiques sur le Congrès. Je quitterai
l’
Inde sans avoir voulu dire ce que j’en pense, qui se résume à ceci : s
2916
dire ce que j’en pense, qui se résume à ceci : si
les
anciens Hindous, les Égyptiens, les Sumériens et les Romains, si les
2917
e, qui se résume à ceci : si les anciens Hindous,
les
Égyptiens, les Sumériens et les Romains, si les Occidentaux eux-mêmes
2918
e à ceci : si les anciens Hindous, les Égyptiens,
les
Sumériens et les Romains, si les Occidentaux eux-mêmes avaient déclar
2919
anciens Hindous, les Égyptiens, les Sumériens et
les
Romains, si les Occidentaux eux-mêmes avaient déclaré en leur temps :
2920
, les Égyptiens, les Sumériens et les Romains, si
les
Occidentaux eux-mêmes avaient déclaré en leur temps : point de cultur
2921
r temps : point de culture tant qu’il subsiste de
la
misère et de la famine, il n’y aurait point de civilisation ; s’il n’
2922
de culture tant qu’il subsiste de la misère et de
la
famine, il n’y aurait point de civilisation ; s’il n’y avait point de
2923
us serions sans moyens techniques pour remédier à
la
famine. J’en trouve une preuve de plus dans le journal de ce matin. C
2924
à la famine. J’en trouve une preuve de plus dans
le
journal de ce matin. C’est un savant indien, D. R. Sethi, qui inventa
2925
C’est un savant indien, D. R. Sethi, qui inventa
le
procédé pour détruire les racines d’une herbe nommée kans, fléau des
2926
D. R. Sethi, qui inventa le procédé pour détruire
les
racines d’une herbe nommée kans, fléau des riches vallées à blé de l’
2927
be nommée kans, fléau des riches vallées à blé de
l’
Inde centrale. Avec l’aide des tracteurs américains qui avaient constr
2928
des riches vallées à blé de l’Inde centrale. Avec
l’
aide des tracteurs américains qui avaient construit la Route birmane,
2929
de des tracteurs américains qui avaient construit
la
Route birmane, il vient de rendre, en quelques mois d’essais, cent-mi
2930
oreilles », et qui suis-je pour lutter ici contre
la
force d’un proverbe, si convaincu que je sois qu’il dit faux, que ce
2931
convaincu que je sois qu’il dit faux, que ce sont
les
repus qui n’écoutent pas, et que la disette est mère des civilisation
2932
que ce sont les repus qui n’écoutent pas, et que
la
disette est mère des civilisations, comme l’angoisse l’est de la pens
2933
que la disette est mère des civilisations, comme
l’
angoisse l’est de la pensée. ⁂ — Que cherchez-vous ? me dit Raja Rao,
2934
ette est mère des civilisations, comme l’angoisse
l’
est de la pensée. ⁂ — Que cherchez-vous ? me dit Raja Rao, que je renc
2935
mère des civilisations, comme l’angoisse l’est de
la
pensée. ⁂ — Que cherchez-vous ? me dit Raja Rao, que je rencontre dan
2936
hez-vous ? me dit Raja Rao, que je rencontre dans
le
hall du Taj. (Il a l’air d’un Gitan avec ses boucles noires, il est b
2937
rthodoxe, donc très libre d’esprit.) — Je cherche
l’
Inde. La trouverai-je à Bombay ? Il appelle un taxi, et nous voilà par
2938
, donc très libre d’esprit.) — Je cherche l’Inde.
La
trouverai-je à Bombay ? Il appelle un taxi, et nous voilà partis. Nou
2939
un taxi, et nous voilà partis. Nous avons quitté
la
voiture à l’entrée d’une ruelle étroite que nous descendons lentement
2940
nous voilà partis. Nous avons quitté la voiture à
l’
entrée d’une ruelle étroite que nous descendons lentement jusqu’à des
2941
niches, comme à Naples. Il y a bien, assises sur
les
marches, ces fillettes en sari aux narines cloutées d’un diamant, aux
2942
evilles surchargées d’anneaux et de grelots, mais
le
décor est italien. (Et ce même rose très pâle et un peu mauve des cot
2943
lie et plus rarement au Brésil.) Nous descendons.
Les
escaliers débouchent sur une place irrégulière, en terre battue, plan
2944
u tronc pelé. Un désordre de maisons inégales sur
la
gauche. À droite s’étend un long bassin rectangulaire, empli d’une ea
2945
verte et profonde. Tout autour du bassin, et sur
l’
îlot qui en occupe le centre, s’élèvent des colonnes de pierre noire,
2946
out autour du bassin, et sur l’îlot qui en occupe
le
centre, s’élèvent des colonnes de pierre noire, hérissées de demi-sou
2947
-soucoupes : ce sont des lampes, et tout s’allume
les
soirs de fête. Nous entrons dans une rue sinueuse, bordée de petites
2948
ques et mal superposées, de cafés minuscules dont
les
balcons surplombent le bassin, et d’espèces de garages ou étables, on
2949
de cafés minuscules dont les balcons surplombent
le
bassin, et d’espèces de garages ou étables, on ne sait, aux larges po
2950
ables, on ne sait, aux larges portes à barreaux :
les
temples. Au fond de l’ombre, un autel s’illumine. Étoffes rouge et or
2951
arges portes à barreaux : les temples. Au fond de
l’
ombre, un autel s’illumine. Étoffes rouge et or derrière la statuette,
2952
un autel s’illumine. Étoffes rouge et or derrière
la
statuette, bijoux, fleurs, menues verroteries, et dans l’étroit espac
2953
ette, bijoux, fleurs, menues verroteries, et dans
l’
étroit espace devant l’autel, une femme debout, sans un geste. Parfois
2954
enues verroteries, et dans l’étroit espace devant
l’
autel, une femme debout, sans un geste. Parfois le prêtre en pagne sor
2955
l’autel, une femme debout, sans un geste. Parfois
le
prêtre en pagne sort d’un coin noir, et vient planter autour d’une fo
2956
t vient planter autour d’une fontaine basse, dans
la
courette, deux minces baguettes d’encens surmontées d’une flammèche.
2957
rmontées d’une flammèche. Tout ceci s’ouvrant sur
la
rue, à quelques pas des hommes vautrés dans les boutiques, des passan
2958
ur la rue, à quelques pas des hommes vautrés dans
les
boutiques, des passants à pieds nus qui circulent sans nous voir de l
2959
ardents. Nous croise un être demi-nu, très vieux,
le
crâne tondu, deux mamelles pendant jusqu’au ventre. Des femmes aux me
2960
es et gracieux. Peu de bruits, et pas un sourire.
La
cloche d’un temple tinte, sans musique. On entend le frottement des p
2961
cloche d’un temple tinte, sans musique. On entend
le
frottement des pieds nus, des saris roses, violets, vert assourdi. De
2962
s, violets, vert assourdi. Des yeux brillent dans
les
portes sombres. Çà et là, un homme prie, accroupi contre un mur. Il r
2963
prie, accroupi contre un mur. Il règne dans tout
le
quartier une espèce de solennité énigmatique et insidieuse, qui tient
2964
nigmatique et insidieuse, qui tient du rêve et de
la
vie animale. Tout est menu, félin, misérable et précieux à la fois. D
2965
trop lourd et trop grand. Un peu plus loin, là où
la
rue tourne et s’éclaire, vers les roches noires et plates du bord de
2966
plus loin, là où la rue tourne et s’éclaire, vers
les
roches noires et plates du bord de mer, des hommes assis en groupe éc
2967
t une lecture à haute voix. Accroupi sur un banc,
le
lecteur tient ouvert sur ses genoux un gros in-quarto relié. Homme en
2968
arata. Ils écoutent sans bouger, jeunes et vieux,
le
livre dont Gandhi chaque soir lisait quelques extraits à ses disciple
2969
s un groupe d’hommes plus dignes et candides dans
l’
acte d’entendre un poème. Plus tard, comme nous remontions les pentes
2970
tendre un poème. Plus tard, comme nous remontions
les
pentes de Malabar Hill par des chemins encaissés entre les murs de pa
2971
s de Malabar Hill par des chemins encaissés entre
les
murs de parc des grandes demeures luxueuses, un saint nous a croisés.
2972
ures luxueuses, un saint nous a croisés. Comme je
l’
apercevais de loin : — Qui est-ce ? ai-je demandé à mon ami. — Un holy
2973
hmait ses lentes et grandes enjambées en frappant
le
sol d’un bâton. Derrière lui se pressaient trois hommes plus petits,
2974
se pressaient trois hommes plus petits, l’un sur
les
talons de l’autre, le premier très gros et court, le second décharné,
2975
e premier très gros et court, le second décharné,
les
tendons des chevilles saillant comme des cordelettes, et le troisième
2976
sorte de queue de cheval surgissant du sommet de
l’
occiput. Le saint homme déployait son importance, les trois suiveurs s
2977
ueue de cheval surgissant du sommet de l’occiput.
Le
saint homme déployait son importance, les trois suiveurs semblaient v
2978
occiput. Le saint homme déployait son importance,
les
trois suiveurs semblaient vouloir montrer avec insistance qu’ils suiv
2979
uloir montrer avec insistance qu’ils suivaient. ⁂
Le
prêtre, le swami, le holy man : plus ils sont saints, plus ils sont n
2980
er avec insistance qu’ils suivaient. ⁂ Le prêtre,
le
swami, le holy man : plus ils sont saints, plus ils sont nus, et non
2981
sistance qu’ils suivaient. ⁂ Le prêtre, le swami,
le
holy man : plus ils sont saints, plus ils sont nus, et non pas chamar
2982
t nus, et non pas chamarrés de robes et surplis à
l’
instar des princes ou des rois, et comme le sont nos dignitaires ecclé
2983
plis à l’instar des princes ou des rois, et comme
le
sont nos dignitaires ecclésiastiques, toujours plus lourdement revêtu
2984
lus lourdement revêtus à mesure qu’ils gravissent
la
hiérarchie sacrée. Nos mouvements de réforme religieuse n’ont-ils pas
2985
s toujours commencé par revenir avec passion vers
la
nudité spirituelle ? Parfois même ils l’ont physiquement manifestée,
2986
ion vers la nudité spirituelle ? Parfois même ils
l’
ont physiquement manifestée, de saint François aux Doukhobors. ⁂ Dans
2987
ifestée, de saint François aux Doukhobors. ⁂ Dans
le
salon d’une vaste résidence, vidé de ses meubles, le mur du fond tend
2988
salon d’une vaste résidence, vidé de ses meubles,
le
mur du fond tendu d’un seul voile de soie noir chargé de larges signe
2989
d’or, Çakuntala dansait des danses classiques de
l’
Inde ancienne. Deux petits groupes de musiciens l’accompagnaient, assi
2990
l’Inde ancienne. Deux petits groupes de musiciens
l’
accompagnaient, assis à terre de chaque côté de la pièce. La subtile d
2991
l’accompagnaient, assis à terre de chaque côté de
la
pièce. La subtile dissymétrie de ses gestes, soulignée par des avance
2992
naient, assis à terre de chaque côté de la pièce.
La
subtile dissymétrie de ses gestes, soulignée par des avancements obli
2993
ments obliques du menton, en liaison stricte avec
les
mouvements des bras, des doigts et des chevilles, m’a fait comprendre
2994
des doigts et des chevilles, m’a fait comprendre
la
statuaire hindoue : les attitudes des dieux : qui semblent monotones,
2995
illes, m’a fait comprendre la statuaire hindoue :
les
attitudes des dieux : qui semblent monotones, ou parfois curieusement
2996
rfois curieusement affectées, sont des figures de
la
danse de Shiva, langage rituel absolument exact, interprétant le deve
2997
va, langage rituel absolument exact, interprétant
le
devenir cosmique. Ému par tant de beautés concertées, la danseuse et
2998
nir cosmique. Ému par tant de beautés concertées,
la
danseuse et ses pas, dont chacun signifiait, l’éclat somptueux des so
2999
, la danseuse et ses pas, dont chacun signifiait,
l’
éclat somptueux des soies, des couleurs, des bijoux, je songeais que l
3000
soies, des couleurs, des bijoux, je songeais que
l’
idée de « mauvais goût » devient inconcevable en Inde, alors qu’un tel
3001
excès de richesses combinées n’eût pas manqué de
l’
évoquer dans nos pays. C’est qu’ici, rien ne relève du « goût », mais
3002
mais chaque forme et chaque geste sont dictés par
le
rite et revêtus de son autorité. Pourtant ce qui a suivi m’a troublé
3003
avantage et j’en parlerai plus longuement. Devant
la
soie de fond viennent d’apparaître deux hercules au visage rond barré
3004
e un bâton blanc semblable à celui de nos agents.
L’
introducteur annonce une « danse des sticks » symbolisant le duel de d
3005
teur annonce une « danse des sticks » symbolisant
le
duel de dieux jumeaux. La musique commence doucement, batterie souten
3006
es sticks » symbolisant le duel de dieux jumeaux.
La
musique commence doucement, batterie soutenant deux ou trois notes to
3007
rs pareilles. D’abord couchés à terre, dos à dos,
les
danseurs frappent très faiblement l’un contre l’autre leurs bâtons cr
3008
s bâtons croisés ; puis se tournent lentement sur
le
côté et frappent un peu plus fort ; s’assoient et frappent ; tournent
3009
frappant devant eux, de côté, derrière leur dos,
les
bras levés, avec une violence inouïe — s’ils venaient à rater un seul
3010
ter un seul croisement des armes et se touchaient
la
tête, ils tomberaient raides — le fracas des bâtons devient celui d’u
3011
t se touchaient la tête, ils tomberaient raides —
le
fracas des bâtons devient celui d’une dure mêlée de chevaliers, cepen
3012
lui d’une dure mêlée de chevaliers, cependant que
la
musique monotone rythme les coups avec une implacable exactitude. Dec
3013
valiers, cependant que la musique monotone rythme
les
coups avec une implacable exactitude. Decrescendo. Maintenant les voi
3014
ne implacable exactitude. Decrescendo. Maintenant
les
voici de nouveau presque assis, appuyés au sol d’une main, frappant d
3015
nt, frappent encore faiblement, s’immobilisent et
la
musique s’arrête sans conclusion, comme n’importe où. Les deux géants
3016
que s’arrête sans conclusion, comme n’importe où.
Les
deux géants aux faces placides se relèvent et s’en vont s’asseoir par
3017
placides se relèvent et s’en vont s’asseoir parmi
les
musiciens. « Est-ce beau, ou grotesque, ou les deux ? », me souffle à
3018
mi les musiciens. « Est-ce beau, ou grotesque, ou
les
deux ? », me souffle à l’oreille mon voisin. Ce qui m’a le plus surpr
3019
beau, ou grotesque, ou les deux ? », me souffle à
l’
oreille mon voisin. Ce qui m’a le plus surpris, c’est l’inhumanité (à
3020
», me souffle à l’oreille mon voisin. Ce qui m’a
le
plus surpris, c’est l’inhumanité (à notre sens occidental) de ces deu
3021
lle mon voisin. Ce qui m’a le plus surpris, c’est
l’
inhumanité (à notre sens occidental) de ces deux êtres absolument pare
3022
et opaque, leur animalité totalement possédée par
le
rythme léger des instruments, et ces coups décochés à intervalles pré
3023
précis, par une détente d’une vigueur folle, sans
la
moindre trace de passion. Non, ni « beau » ni « grotesque » n’ont ri
3024
« beau » ni « grotesque » n’ont rien à voir ici.
La
danse des deux hercules moustachus et puérils, surgis peut-être d’un
3025
s une compréhension bien autrement inquiétante de
l’
Asie. Comment dire ce que l’on sent être à ce point étranger aux conce
3026
rement inquiétante de l’Asie. Comment dire ce que
l’
on sent être à ce point étranger aux concepts formulés par l’Europe ?
3027
tre à ce point étranger aux concepts formulés par
l’
Europe ? Et comment suggérer dans son obscurité le sentiment, mal dist
3028
l’Europe ? Et comment suggérer dans son obscurité
le
sentiment, mal distinct d’une angoisse, qu’ici le Moi, l’ego central,
3029
le sentiment, mal distinct d’une angoisse, qu’ici
le
Moi, l’ego central, n’existe pas ? Ces danseurs sont des rôles, des a
3030
ment, mal distinct d’une angoisse, qu’ici le Moi,
l’
ego central, n’existe pas ? Ces danseurs sont des rôles, des acteurs a
3031
e propre et séparée. Je serais tenté d’imaginer à
la
limite qu’ils ne sont rien que chair opaque, virilité à l’état pur. A
3032
qu’ils ne sont rien que chair opaque, virilité à
l’
état pur. Aussi tyranniquement déterminés par la batterie des instrume
3033
à l’état pur. Aussi tyranniquement déterminés par
la
batterie des instruments et les figures dynamiques de la danse que l’
3034
ent déterminés par la batterie des instruments et
les
figures dynamiques de la danse que l’animal par ses instincts. Sans p
3035
erie des instruments et les figures dynamiques de
la
danse que l’animal par ses instincts. Sans problèmes, sans contradict
3036
ruments et les figures dynamiques de la danse que
l’
animal par ses instincts. Sans problèmes, sans contradictions, sans du
3037
problèmes, sans contradictions, sans dualité dans
la
conscience, donc sans aucune espèce de liberté possible, s’il est vra
3038
toute liberté suppose quelque hiatus intime entre
le
Moi et le destin. Il me semble qu’au seuil de comprendre, je viens de
3039
rté suppose quelque hiatus intime entre le Moi et
le
destin. Il me semble qu’au seuil de comprendre, je viens de sentir au
3040
comprendre, je viens de sentir au moins pourquoi
l’
Asie peut connaître les castes, ignorer entièrement la personne, faire
3041
de sentir au moins pourquoi l’Asie peut connaître
les
castes, ignorer entièrement la personne, faire bon marché de l’indivi
3042
ie peut connaître les castes, ignorer entièrement
la
personne, faire bon marché de l’individu, de ses souffrances, de sa v
3043
orer entièrement la personne, faire bon marché de
l’
individu, de ses souffrances, de sa vie même, et pourquoi ses grandeur
3044
belles ou cruelles, hideuses ou fascinantes comme
les
figures d’un rêve, intensément précises mais sans échelle, chargées d
3045
nt de se muer totalement l’une dans l’autre, tels
les
animaux et les dieux dans la métamorphose infinie de la Fable. ⁂ Chaq
3046
otalement l’une dans l’autre, tels les animaux et
les
dieux dans la métamorphose infinie de la Fable. ⁂ Chaque nuit, je sor
3047
dans l’autre, tels les animaux et les dieux dans
la
métamorphose infinie de la Fable. ⁂ Chaque nuit, je sors de mon hôtel
3048
maux et les dieux dans la métamorphose infinie de
la
Fable. ⁂ Chaque nuit, je sors de mon hôtel pour aller respirer l’air
3049
ue nuit, je sors de mon hôtel pour aller respirer
l’
air de la mer. Les corridors et les galeries de boutiques sont jonchés
3050
je sors de mon hôtel pour aller respirer l’air de
la
mer. Les corridors et les galeries de boutiques sont jonchés de corps
3051
de mon hôtel pour aller respirer l’air de la mer.
Les
corridors et les galeries de boutiques sont jonchés de corps endormis
3052
aller respirer l’air de la mer. Les corridors et
les
galeries de boutiques sont jonchés de corps endormis. (Quand je passe
3053
x, mes serviteurs se lèvent à demi.) Dehors, dans
l’
ombre des arcades, des milliers de dormeurs sans mouvement. Sur le dos
3054
des, des milliers de dormeurs sans mouvement. Sur
le
dos, bouche ouverte, à même le sol dallé, sur le ventre ou sur le côt
3055
ans mouvement. Sur le dos, bouche ouverte, à même
le
sol dallé, sur le ventre ou sur le côté, recroquevillés, nus ou couve
3056
le dos, bouche ouverte, à même le sol dallé, sur
le
ventre ou sur le côté, recroquevillés, nus ou couverts d’un drap. Cer
3057
uverte, à même le sol dallé, sur le ventre ou sur
le
côté, recroquevillés, nus ou couverts d’un drap. Certains se font un
3058
se font un lit d’une table à fruits, d’autres de
l’
embrasure d’une vitrine de boutique. Leur immobilité parfaite me fasci
3059
is je ne connais pas d’Indien nerveux, même parmi
les
intellectuels.) Près du port, des gamins vous offrent à voix basse le
3060
rès du port, des gamins vous offrent à voix basse
les
marchandises les plus diverses, commençant par des « english girls »,
3061
gamins vous offrent à voix basse les marchandises
les
plus diverses, commençant par des « english girls », sans doute les p
3062
commençant par des « english girls », sans doute
les
plus avouables de la liste. Il fait déjà trente-trois degrés, à deux
3063
english girls », sans doute les plus avouables de
la
liste. Il fait déjà trente-trois degrés, à deux heures du matin : l’é
3064
éjà trente-trois degrés, à deux heures du matin :
l’
été approche. ⁂ Accroupis au bord du chemin, on ne sait jamais, me dis
3065
on ne sait jamais, me disait M…, s’ils sont dans
la
posture de l’adoration ou celle de la défécation. Il y a bien moins d
3066
mais, me disait M…, s’ils sont dans la posture de
l’
adoration ou celle de la défécation. Il y a bien moins d’irrévérence d
3067
s sont dans la posture de l’adoration ou celle de
la
défécation. Il y a bien moins d’irrévérence dans cette remarque qu’un
3068
révérence dans cette remarque qu’un Occidental ne
le
pensera, ignorant par exemple que les Indiens religieux vénèrent jusq
3069
ccidental ne le pensera, ignorant par exemple que
les
Indiens religieux vénèrent jusqu’à la bouse des vaches sacrées, dont
3070
xemple que les Indiens religieux vénèrent jusqu’à
la
bouse des vaches sacrées, dont ils enduisent le four de leur cuisine,
3071
à la bouse des vaches sacrées, dont ils enduisent
le
four de leur cuisine, ou qu’ils s’appliquent sur les cheveux et sur l
3072
four de leur cuisine, ou qu’ils s’appliquent sur
les
cheveux et sur le front en triples traits, non sans l’avoir mêlée d’u
3073
ne, ou qu’ils s’appliquent sur les cheveux et sur
le
front en triples traits, non sans l’avoir mêlée d’un colorant jaune d
3074
eveux et sur le front en triples traits, non sans
l’
avoir mêlée d’un colorant jaune d’or ou vermillon. ⁂ Quartier purement
3075
urement indien du centre de Bombay : comment font
les
autos pour traverser sans semer la mort à chaque instant, cette foule
3076
comment font les autos pour traverser sans semer
la
mort à chaque instant, cette foule d’hommes en blanc qui marchent en
3077
d’hommes en blanc qui marchent en tous sens entre
les
deux trottoirs, quand il faut encore contourner sans les frôler les v
3078
x trottoirs, quand il faut encore contourner sans
les
frôler les vaches accroupies ou couchées sur le flanc en plein milieu
3079
, quand il faut encore contourner sans les frôler
les
vaches accroupies ou couchées sur le flanc en plein milieu de la chau
3080
les frôler les vaches accroupies ou couchées sur
le
flanc en plein milieu de la chaussée. Mieux vaut aller à pied le long
3081
upies ou couchées sur le flanc en plein milieu de
la
chaussée. Mieux vaut aller à pied le long des étalages, lentement à t
3082
à pied le long des étalages, lentement à travers
les
odeurs d’huile brûlée, d’encens ou de pétales de fleurs emplissant de
3083
mplissant des corbeilles si fraîches à voir. Dans
la
fournaise d’une petite place, vers midi, j’hésitais entre trois ruell
3084
uvement serait d’entrer. Mon guide me retient par
la
manche : lieu sacré. Un homme, sur le seuil, fait un signe. Je ne com
3085
retient par la manche : lieu sacré. Un homme, sur
le
seuil, fait un signe. Je ne comprends pas. Je passe le porche. Saisis
3086
uil, fait un signe. Je ne comprends pas. Je passe
le
porche. Saisissement dès l’entrée dans l’ombre et le silence. Essayer
3087
mprends pas. Je passe le porche. Saisissement dès
l’
entrée dans l’ombre et le silence. Essayer de se rappeler le plus gran
3088
e passe le porche. Saisissement dès l’entrée dans
l’
ombre et le silence. Essayer de se rappeler le plus grand nombre possi
3089
porche. Saisissement dès l’entrée dans l’ombre et
le
silence. Essayer de se rappeler le plus grand nombre possible des obj
3090
ans l’ombre et le silence. Essayer de se rappeler
le
plus grand nombre possible des objets livrés à ma vue, pendant les br
3091
mbre possible des objets livrés à ma vue, pendant
les
brefs instants où je pourrai me tenir là, observé, surveillé, repouss
3092
ssé par tous ces yeux hostiles et insistants. Sur
les
grandes dalles de pierre, l’urine des vaches sacrées se répand lentem
3093
et insistants. Sur les grandes dalles de pierre,
l’
urine des vaches sacrées se répand lentement en larges nappes. À droit
3094
d’un abreuvoir. À gauche, un énorme pipal — c’est
l’
arbre sacré de Vishnu — dont le feuillage couvre la cour entière. Dans
3095
orme pipal — c’est l’arbre sacré de Vishnu — dont
le
feuillage couvre la cour entière. Dans la torsade de racines grises f
3096
’arbre sacré de Vishnu — dont le feuillage couvre
la
cour entière. Dans la torsade de racines grises formant le tronc, des
3097
— dont le feuillage couvre la cour entière. Dans
la
torsade de racines grises formant le tronc, des fleurs roses et viole
3098
ntière. Dans la torsade de racines grises formant
le
tronc, des fleurs roses et violettes, piquées en ex-voto. Devant moi,
3099
rrasse surélevée d’un mètre. Des hommes assis sur
le
rebord, jambes pendantes, me regardent. Au pied de l’arbre, une petit
3100
ebord, jambes pendantes, me regardent. Au pied de
l’
arbre, une petite fontaine et un autel, chargé de fleurs et d’offrande
3101
mme prie debout, puis se tourne à demi en remuant
les
lèvres vers l’autre côté de la cour. Je suis son regard et découvre e
3102
à demi en remuant les lèvres vers l’autre côté de
la
cour. Je suis son regard et découvre en retrait, au-delà de l’abreuvo
3103
uis son regard et découvre en retrait, au-delà de
l’
abreuvoir, un bâtiment peint en bleu-vert, chargé de clochetons et de
3104
est un temple. En réalité toute cette cour, avec
les
vaches et leur mine sacrée, le pipal, l’autel, la fontaine, les fleur
3105
cette cour, avec les vaches et leur mine sacrée,
le
pipal, l’autel, la fontaine, les fleurs offertes et les fidèles muets
3106
r, avec les vaches et leur mine sacrée, le pipal,
l’
autel, la fontaine, les fleurs offertes et les fidèles muets, forme l’
3107
es vaches et leur mine sacrée, le pipal, l’autel,
la
fontaine, les fleurs offertes et les fidèles muets, forme l’antichamb
3108
leur mine sacrée, le pipal, l’autel, la fontaine,
les
fleurs offertes et les fidèles muets, forme l’antichambre ou le parvi
3109
pal, l’autel, la fontaine, les fleurs offertes et
les
fidèles muets, forme l’antichambre ou le parvis du temple. D’où l’imp
3110
, les fleurs offertes et les fidèles muets, forme
l’
antichambre ou le parvis du temple. D’où l’impression de solennité, dè
3111
rtes et les fidèles muets, forme l’antichambre ou
le
parvis du temple. D’où l’impression de solennité, dès le premier rega
3112
forme l’antichambre ou le parvis du temple. D’où
l’
impression de solennité, dès le premier regard jeté de la rue. Au fond
3113
ssion de solennité, dès le premier regard jeté de
la
rue. Au fond, dans le prolongement de la terrasse, on distingue entre
3114
s le premier regard jeté de la rue. Au fond, dans
le
prolongement de la terrasse, on distingue entre les feuillages des ma
3115
jeté de la rue. Au fond, dans le prolongement de
la
terrasse, on distingue entre les feuillages des maisons, des enfants
3116
e prolongement de la terrasse, on distingue entre
les
feuillages des maisons, des enfants qui jouent, du linge qui pend. At
3117
, « arrêtée » en plein cœur du désordre éperdu de
la
ville. L’ombre, l’absence de paroles, de mouvements. Et la compositio
3118
e » en plein cœur du désordre éperdu de la ville.
L’
ombre, l’absence de paroles, de mouvements. Et la composition compliqu
3119
ein cœur du désordre éperdu de la ville. L’ombre,
l’
absence de paroles, de mouvements. Et la composition compliquée de l’e
3120
L’ombre, l’absence de paroles, de mouvements. Et
la
composition compliquée de l’ensemble, comme une mise en scène pleine
3121
s, de mouvements. Et la composition compliquée de
l’
ensemble, comme une mise en scène pleine de sous-entendus. J’attends u
3122
public, ni même de rites communautaires ; à part
les
processions et fêtes périodiques ; enfin, peu de respect pour les prê
3123
et fêtes périodiques ; enfin, peu de respect pour
les
prêtres, sortes de domestiques des temples, utiles par leur savoir de
3124
des temples, utiles par leur savoir des rites de
la
naissance et de la mort, mais fort inférieurs aux brahmines. Comment
3125
s par leur savoir des rites de la naissance et de
la
mort, mais fort inférieurs aux brahmines. Comment cette religion subs
3126
de disciplines collectives ? Elle se transmet par
la
famille, par le respect de la caste, par l’étude des Vedas, surtout p
3127
ollectives ? Elle se transmet par la famille, par
le
respect de la caste, par l’étude des Vedas, surtout par les écoles de
3128
lle se transmet par la famille, par le respect de
la
caste, par l’étude des Vedas, surtout par les écoles de Maîtres. Les
3129
t par la famille, par le respect de la caste, par
l’
étude des Vedas, surtout par les écoles de Maîtres. Les rites sont fam
3130
t de la caste, par l’étude des Vedas, surtout par
les
écoles de Maîtres. Les rites sont familiaux, ou même individuels. Dan
3131
ude des Vedas, surtout par les écoles de Maîtres.
Les
rites sont familiaux, ou même individuels. Dans ce pays où les rues g
3132
t familiaux, ou même individuels. Dans ce pays où
les
rues grouillent jusqu’au délire, où l’on multiplie par trois, par dix
3133
e pays où les rues grouillent jusqu’au délire, où
l’
on multiplie par trois, par dix, par cent le nombre des individus jugé
3134
e, où l’on multiplie par trois, par dix, par cent
le
nombre des individus jugés nécessaires chez nous pour une tâche déter
3135
ai vu jusqu’à cinq personnes sur une bicyclette —
le
père, la mère, et trois enfants — où enfin, d’une manière générale, i
3136
qu’à cinq personnes sur une bicyclette — le père,
la
mère, et trois enfants — où enfin, d’une manière générale, il y a par
3137
ut trop de gens ; dans ce pays qui ne croit pas à
l’
absolu de la personne et qui semble voué au collectif, la dévotion et
3138
ens ; dans ce pays qui ne croit pas à l’absolu de
la
personne et qui semble voué au collectif, la dévotion et le culte son
3139
u de la personne et qui semble voué au collectif,
la
dévotion et le culte sont individualistes. Et bien plus encore le sal
3140
e et qui semble voué au collectif, la dévotion et
le
culte sont individualistes. Et bien plus encore le salut. Je revois c
3141
e culte sont individualistes. Et bien plus encore
le
salut. Je revois ces femmes seules dans les temples étroits, intimes
3142
encore le salut. Je revois ces femmes seules dans
les
temples étroits, intimes avec le dieu, tournant le dos aux passants.
3143
mes seules dans les temples étroits, intimes avec
le
dieu, tournant le dos aux passants. Et ces hommes en prière contre un
3144
s temples étroits, intimes avec le dieu, tournant
le
dos aux passants. Et ces hommes en prière contre un mur. Et ces saint
3145
. Et ces saints demi-nus, traversant à grands pas
les
rues encombrées de piétons, de vaches, de zébus et d’autos, allant ai
3146
, on ne sait où, mais on ne peut s’empêcher de se
le
demander, et d’eux seuls dans la foule infinie, car eux seuls sont vr
3147
s’empêcher de se le demander, et d’eux seuls dans
la
foule infinie, car eux seuls sont vraiment distincts, marchant vers a
3148
hant vers autre chose que leur nature, quand tout
le
reste est déterminé par la fonction, l’espèce, la caste… ⁂ Grand dîne
3149
eur nature, quand tout le reste est déterminé par
la
fonction, l’espèce, la caste… ⁂ Grand dîner chez le ministre de l’Ali
3150
uand tout le reste est déterminé par la fonction,
l’
espèce, la caste… ⁂ Grand dîner chez le ministre de l’Alimentation : b
3151
le reste est déterminé par la fonction, l’espèce,
la
caste… ⁂ Grand dîner chez le ministre de l’Alimentation : bouillons d
3152
fonction, l’espèce, la caste… ⁂ Grand dîner chez
le
ministre de l’Alimentation : bouillons de légumes, légumes hachés, cu
3153
pèce, la caste… ⁂ Grand dîner chez le ministre de
l’
Alimentation : bouillons de légumes, légumes hachés, curries, galettes
3154
fruits et glaces, servis dans de petits bols que
l’
on dépose sans relâche et sans ordre sur le pourtour d’un grand platea
3155
ls que l’on dépose sans relâche et sans ordre sur
le
pourtour d’un grand plateau d’argent, devant chaque convive. La conve
3156
un grand plateau d’argent, devant chaque convive.
La
conversation s’engage entre Stephen Spender et ses vis-à-vis Hindous
3157
ses vis-à-vis Hindous et Parsis. Stephen déplore
la
condition présente de l’homme occidental, tourmenté comme on sait par
3158
Parsis. Stephen déplore la condition présente de
l’
homme occidental, tourmenté comme on sait par mille complexes, sexuels
3159
omplexes, sexuels surtout. Qu’en est-il en Inde ?
Les
Indiens échangent un sourire, hésitent un peu, par politesse sans dou
3160
e anxieusement, se plaint de notre sens du péché.
Les
Indiens continuent de sourire : non vraiment, ils n’ont pas ce sens-l
3161
de simplicité. Je reviens à ce que j’écrivais sur
l’
absence de contradiction dans l’être intime de l’Asiatique : c’est une
3162
ue j’écrivais sur l’absence de contradiction dans
l’
être intime de l’Asiatique : c’est une autre manière d’exprimer qu’il
3163
l’absence de contradiction dans l’être intime de
l’
Asiatique : c’est une autre manière d’exprimer qu’il n’a pas le sens d
3164
c’est une autre manière d’exprimer qu’il n’a pas
le
sens du péché ; et par suite, qu’il n’a pas non plus le sens de la ré
3165
s du péché ; et par suite, qu’il n’a pas non plus
le
sens de la révolte, ni celui de l’humour, ni même celui de l’original
3166
; et par suite, qu’il n’a pas non plus le sens de
la
révolte, ni celui de l’humour, ni même celui de l’originalité, étant
3167
a pas non plus le sens de la révolte, ni celui de
l’
humour, ni même celui de l’originalité, étant l’homme du Karma, et d’u
3168
a révolte, ni celui de l’humour, ni même celui de
l’
originalité, étant l’homme du Karma, et d’une caste. La suppression de
3169
e l’humour, ni même celui de l’originalité, étant
l’
homme du Karma, et d’une caste. La suppression des castes, admise en d
3170
ginalité, étant l’homme du Karma, et d’une caste.
La
suppression des castes, admise en droit, si elle devenait jamais effe
3171
x problèmes personnels, aux risques permanents de
la
personne, à ses échecs dans la névrose ou l’insanité collective, bref
3172
ques permanents de la personne, à ses échecs dans
la
névrose ou l’insanité collective, bref, à toute l’aventure courue par
3173
s de la personne, à ses échecs dans la névrose ou
l’
insanité collective, bref, à toute l’aventure courue par l’Occident. D
3174
a névrose ou l’insanité collective, bref, à toute
l’
aventure courue par l’Occident. Dans l’état présent des choses, on com
3175
é collective, bref, à toute l’aventure courue par
l’
Occident. Dans l’état présent des choses, on comprend fort bien que no
3176
f, à toute l’aventure courue par l’Occident. Dans
l’
état présent des choses, on comprend fort bien que notre idée de l’ori
3177
s choses, on comprend fort bien que notre idée de
l’
originalité (dans les arts ou dans la conduite) ne signifie rien de ra
3178
d fort bien que notre idée de l’originalité (dans
les
arts ou dans la conduite) ne signifie rien de raisonnable pour l’Asia
3179
otre idée de l’originalité (dans les arts ou dans
la
conduite) ne signifie rien de raisonnable pour l’Asiatique en tant qu
3180
la conduite) ne signifie rien de raisonnable pour
l’
Asiatique en tant que tel14. Il est d’une caste, d’une secte religieus
3181
ituelle définie, d’une école ou d’une profession.
La
variation, l’innovation individuelle ne sont pas vues, ou bien ne son
3182
e, d’une école ou d’une profession. La variation,
l’
innovation individuelle ne sont pas vues, ou bien ne sont qu’erreurs.
3183
lle ne sont pas vues, ou bien ne sont qu’erreurs.
Le
besoin d’être original, et dans un autre ordre l’humour, expriment no
3184
Le besoin d’être original, et dans un autre ordre
l’
humour, expriment notre notion de l’individu : isolé, désacralisé, en
3185
n autre ordre l’humour, expriment notre notion de
l’
individu : isolé, désacralisé, en révolte ouverte ou sournoise contre
3186
par essence discutable, c’est-à-dire affecté dès
l’
origine, comme en chacun de ses états, par un principe d’injustice, de
3187
ice, de malheur, d’incomplétude inéluctable. D’où
le
sens du péché, d’où la révolte, d’où l’idée d’un progrès nécessaire,
3188
mplétude inéluctable. D’où le sens du péché, d’où
la
révolte, d’où l’idée d’un progrès nécessaire, absolument liés dans no
3189
ble. D’où le sens du péché, d’où la révolte, d’où
l’
idée d’un progrès nécessaire, absolument liés dans notre histoire et d
3190
histoire et dans notre action personnelle. Alors
la
vocation vient remplacer le rôle. Qu’elle fasse défaut, et nous vivon
3191
on personnelle. Alors la vocation vient remplacer
le
rôle. Qu’elle fasse défaut, et nous vivons dans l’incertain, l’absurd
3192
e rôle. Qu’elle fasse défaut, et nous vivons dans
l’
incertain, l’absurde ou la médiocrité. Chez l’Indien donc, point de ré
3193
le fasse défaut, et nous vivons dans l’incertain,
l’
absurde ou la médiocrité. Chez l’Indien donc, point de révolte. À ce q
3194
ut, et nous vivons dans l’incertain, l’absurde ou
la
médiocrité. Chez l’Indien donc, point de révolte. À ce qui menacerait
3195
ans l’incertain, l’absurde ou la médiocrité. Chez
l’
Indien donc, point de révolte. À ce qui menacerait de le dénaturer, il
3196
en donc, point de révolte. À ce qui menacerait de
le
dénaturer, il résiste en collant à son identité, qui est celle d’un o
3197
toute destruction violente et non rituelle il y a
le
risque insane de changer le réel et de blesser l’ordre du monde. De l
3198
t non rituelle il y a le risque insane de changer
le
réel et de blesser l’ordre du monde. De là, sans doute, l’idée de non
3199
le risque insane de changer le réel et de blesser
l’
ordre du monde. De là, sans doute, l’idée de non-violence, forme de ré
3200
t de blesser l’ordre du monde. De là, sans doute,
l’
idée de non-violence, forme de résistance la plus profonde à l’étrange
3201
oute, l’idée de non-violence, forme de résistance
la
plus profonde à l’étrangeté néfaste de l’ennemi, puisqu’elle met à l’
3202
-violence, forme de résistance la plus profonde à
l’
étrangeté néfaste de l’ennemi, puisqu’elle met à l’abri du danger de c
3203
istance la plus profonde à l’étrangeté néfaste de
l’
ennemi, puisqu’elle met à l’abri du danger de communier avec lui dans
3204
’étrangeté néfaste de l’ennemi, puisqu’elle met à
l’
abri du danger de communier avec lui dans la lutte et d’en sortir cont
3205
met à l’abri du danger de communier avec lui dans
la
lutte et d’en sortir contaminé. ⁂ Nehru. — L’un de ses anciens amis
3206
de. « Nehru, me disait-il, suit en toute occasion
la
ligne approuvée par les Russes. Prenez l’affaire de la Corée : il pro
3207
il, suit en toute occasion la ligne approuvée par
les
Russes. Prenez l’affaire de la Corée : il propose un plébiscite “démo
3208
ccasion la ligne approuvée par les Russes. Prenez
l’
affaire de la Corée : il propose un plébiscite “démocratique”, qui ne
3209
gne approuvée par les Russes. Prenez l’affaire de
la
Corée : il propose un plébiscite “démocratique”, qui ne peut tourner
3210
ébiscite “démocratique”, qui ne peut tourner qu’à
l’
avantage des communistes. Mais prenez l’affaire du Kashmir : là, plus
3211
rner qu’à l’avantage des communistes. Mais prenez
l’
affaire du Kashmir : là, plus question de plébiscite, idée quantitativ
3212
ien américaine ; il s’agit au contraire de sauver
les
droits de la minorité, seule responsable et progressiste, et qui est
3213
; il s’agit au contraire de sauver les droits de
la
minorité, seule responsable et progressiste, et qui est hindoue. N’ou
3214
ogressiste, et qui est hindoue. N’oubliez pas que
le
Pandit est du Kashmir. Prenez enfin l’affaire du blé. La famine menac
3215
ez pas que le Pandit est du Kashmir. Prenez enfin
l’
affaire du blé. La famine menace au Bihar. On demande l’aide des États
3216
it est du Kashmir. Prenez enfin l’affaire du blé.
La
famine menace au Bihar. On demande l’aide des États-Unis, on critique
3217
ire du blé. La famine menace au Bihar. On demande
l’
aide des États-Unis, on critique en même temps leur politique, on les
3218
nis, on critique en même temps leur politique, on
les
rend hésitants et l’on se plaint de leur retard, mais si l’URSS nous
3219
me temps leur politique, on les rend hésitants et
l’
on se plaint de leur retard, mais si l’URSS nous envoie deux wagons de
3220
sitants et l’on se plaint de leur retard, mais si
l’
URSS nous envoie deux wagons de céréales, on salue la grandeur du gest
3221
RSS nous envoie deux wagons de céréales, on salue
la
grandeur du geste. Nehru, qui a visité la Russie soviétique il y a vi
3222
n salue la grandeur du geste. Nehru, qui a visité
la
Russie soviétique il y a vingt ans, la tient pour le pays de l’avenir
3223
i a visité la Russie soviétique il y a vingt ans,
la
tient pour le pays de l’avenir. Cependant il déteste les communistes
3224
Russie soviétique il y a vingt ans, la tient pour
le
pays de l’avenir. Cependant il déteste les communistes indiens, fait
3225
étique il y a vingt ans, la tient pour le pays de
l’
avenir. Cependant il déteste les communistes indiens, fait emprisonner
3226
nt pour le pays de l’avenir. Cependant il déteste
les
communistes indiens, fait emprisonner leurs leaders. Staline s’en moq
3227
ner leurs leaders. Staline s’en moque, pourvu que
l’
Inde appuie la Chine. Et cinq des grands ambassadeurs de l’Inde sont c
3228
ers. Staline s’en moque, pourvu que l’Inde appuie
la
Chine. Et cinq des grands ambassadeurs de l’Inde sont communistes ou
3229
puie la Chine. Et cinq des grands ambassadeurs de
l’
Inde sont communistes ou fellow-travellers… » Un diplomate : « Nul ne
3230
« Nul ne sait ce qu’il va faire. Il suit surtout
la
ligne de ses humeurs. L’autre jour, au banquet des grands industriels
3231
l s’est lancé dans un discours fort irrité contre
le
machinisme, inutile selon lui. Or il s’agit d’équiper l’Inde, pour la
3232
inisme, inutile selon lui. Or il s’agit d’équiper
l’
Inde, pour la sauver de la misère. » Beaucoup enfin de ceux qui l’aime
3233
le selon lui. Or il s’agit d’équiper l’Inde, pour
la
sauver de la misère. » Beaucoup enfin de ceux qui l’aiment et qui l’a
3234
Or il s’agit d’équiper l’Inde, pour la sauver de
la
misère. » Beaucoup enfin de ceux qui l’aiment et qui l’admirent : « A
3235
sauver de la misère. » Beaucoup enfin de ceux qui
l’
aiment et qui l’admirent : « Ah ! s’il était resté notre leader moral,
3236
ère. » Beaucoup enfin de ceux qui l’aiment et qui
l’
admirent : « Ah ! s’il était resté notre leader moral, au lieu de deve
3237
u lieu de devenir Premier ministre… » Telles sont
les
opinions que l’on m’a confiées depuis que je suis dans ce pays — douz
3238
Premier ministre… » Telles sont les opinions que
l’
on m’a confiées depuis que je suis dans ce pays — douze jours seulemen
3239
ièce, et de quelques familiers de sa maison. Dans
le
salon où je l’attendais, avant le repas, je n’étais pas sans inquiétu
3240
lques familiers de sa maison. Dans le salon où je
l’
attendais, avant le repas, je n’étais pas sans inquiétude. J’arrivais
3241
sa maison. Dans le salon où je l’attendais, avant
le
repas, je n’étais pas sans inquiétude. J’arrivais à l’instant de Bomb
3242
ongrès s’était clos sur une résolution condamnant
le
neutralisme. J’avais lu dans l’avion que le Premier ministre devait r
3243
lution condamnant le neutralisme. J’avais lu dans
l’
avion que le Premier ministre devait rentrer ce matin même du Kashmir,
3244
tin même du Kashmir, après une nuit de voyage. On
le
disait fort irritable. J’étais en train d’admirer des jonquilles, rap
3245
entré sans bruit, d’un pas rapide. Un peu voûté,
l’
air sérieux et distant. Il porte une longue veste de soie d’un violet
3246
e, tête nue. Un prince d’Orient, aussi beau qu’on
le
dit. Légèrement boudeur, m’a-t-il semblé d’abord. (À la première ment
3247
emière mention que je risque du Congrès, baissant
la
tête et regardant sa main posée sur un coussin, sans réagir. Je ne sa
3248
ant et détendu, curieux de tout, connaissant bien
les
écrivains qui participèrent au congrès, mais esquivant doucement mes
3249
quivant doucement mes tentatives pour entrer dans
le
vif du sujet ; parlant plutôt du cinéma indien qui, m’apprend-il, le
3250
arlant plutôt du cinéma indien qui, m’apprend-il,
le
cède de peu à Hollywood quant au volume de production, mais qu’il jug
3251
e production, mais qu’il juge pire encore quant à
la
qualité ; parlant des douze grandes langues indiennes qui remplaceron
3252
angues indiennes qui remplaceront de plus en plus
l’
anglais jusque dans l’université, c’est regrettable mais inévitable ;
3253
emplaceront de plus en plus l’anglais jusque dans
l’
université, c’est regrettable mais inévitable ; parlant des fruits con
3254
tes diverses posés devant nous, et guettant si je
les
aime ; parlant de tout pour ne parler de rien peut-être, s’amusant à
3255
ien peut-être, s’amusant à ce jeu où je m’amuse à
le
suivre. Enfin je pousse un pion, profitant d’un silence. Je lui dis q
3256
tant d’un silence. Je lui dis que Madariaga, dans
la
séance de clôture du congrès, s’est écrié : « Votre Nehru, c’est l’un
3257
est l’un des six ou sept qui dirigent aujourd’hui
le
monde et qui forment déjà, de fait sinon de droit, une sorte de cabin
3258
cabinet mondial : en tant que tel il doit prêter
l’
oreille à l’opinion mondiale qui parle ici… » Mais sans me laisser ach
3259
dial : en tant que tel il doit prêter l’oreille à
l’
opinion mondiale qui parle ici… » Mais sans me laisser achever ma cita
3260
citation : « Six ou sept ? me dit-il. Quels sont
les
autres ? » — No others ! tranche la nièce avec simplicité. (Nous lais
3261
. Quels sont les autres ? » — No others ! tranche
la
nièce avec simplicité. (Nous laissons sans réponse la question de sav
3262
ièce avec simplicité. (Nous laissons sans réponse
la
question de savoir s’ils devraient être des Staline ou des Einstein,
3263
u café, je lui dis mon étonnement à découvrir que
l’
intelligentsia de son pays présente avec la nôtre tant d’analogies, no
3264
ir que l’intelligentsia de son pays présente avec
la
nôtre tant d’analogies, non seulement par sa situation entre l’URSS e
3265
d’analogies, non seulement par sa situation entre
l’
URSS et les USA, mais par sa manière d’assumer ou de refuser cette sit
3266
s, non seulement par sa situation entre l’URSS et
les
USA, mais par sa manière d’assumer ou de refuser cette situation. App
3267
ands indianistes sont allemands ou français, mais
l’
Inde ne connaît guère l’Europe que par les collèges anglais, et d’autr
3268
lemands ou français, mais l’Inde ne connaît guère
l’
Europe que par les collèges anglais, et d’autre part, elle est tentée
3269
is, mais l’Inde ne connaît guère l’Europe que par
les
collèges anglais, et d’autre part, elle est tentée de juger l’Occiden
3270
nglais, et d’autre part, elle est tentée de juger
l’
Occident tout entier à travers l’Amérique ; or l’Europe est plus près
3271
tentée de juger l’Occident tout entier à travers
l’
Amérique ; or l’Europe est plus près de l’Inde… Il s’est donné une pet
3272
l’Occident tout entier à travers l’Amérique ; or
l’
Europe est plus près de l’Inde… Il s’est donné une petite tape sur le
3273
travers l’Amérique ; or l’Europe est plus près de
l’
Inde… Il s’est donné une petite tape sur le genou. « C’est vrai, cela
3274
rès de l’Inde… Il s’est donné une petite tape sur
le
genou. « C’est vrai, cela ! me dit-il, il y a du vrai là-dedans… » J’
3275
a du vrai là-dedans… » J’ai pris congé au haut de
l’
escalier. Mais il me rejoint sur le seuil du palais. « N’oubliez pas d
3276
ngé au haut de l’escalier. Mais il me rejoint sur
le
seuil du palais. « N’oubliez pas de dire à Madariaga que je l’attends
3277
alais. « N’oubliez pas de dire à Madariaga que je
l’
attends. Ou plutôt non, je lui téléphonerai. » Un sourire un peu grave
3278
re un peu grave et charmeur. Un adieu familier de
la
main. J’essaie maintenant de recomposer ce que l’on m’a dit de lui et
3279
la main. J’essaie maintenant de recomposer ce que
l’
on m’a dit de lui et ce que j’ai vu de l’homme, pendant une entrevue «
3280
r ce que l’on m’a dit de lui et ce que j’ai vu de
l’
homme, pendant une entrevue « banale », et c’est son prix. Nehru est u
3281
Cambridge, un aristocrate libéral inclinant vers
le
socialisme, et dont le destin, complice de sa nature intime plutôt qu
3282
ate libéral inclinant vers le socialisme, et dont
le
destin, complice de sa nature intime plutôt que de ses idées, a fait
3283
nu Premier ministre, il s’agit là d’un caprice de
l’
Histoire. Il y a beaucoup de caprice chez Nehru. À l’inverse d’un Stal
3284
istoire. Il y a beaucoup de caprice chez Nehru. À
l’
inverse d’un Staline, d’un Hitler, mais peut-être aussi d’un Gandhi, i
3285
distinct de son rôle historique. On dirait qu’il
le
voit avec quelque distance. Un moraliste en somme, mais sans foi reli
3286
somme, mais sans foi religieuse, et qui remplace
les
dogmes par quelques bons principes empruntés au libéralisme, au socia
3287
ale que de logique. Son dédain mal dissimulé pour
la
culture américaine est celui d’un brahmine pour une caste inférieure
3288
celui d’un brahmine pour une caste inférieure (il
l’
a écrit), non pas celui d’un Marx pour le capitalisme promis à des cri
3289
eure (il l’a écrit), non pas celui d’un Marx pour
le
capitalisme promis à des crises fatales. Les mesures qu’il vient de p
3290
pour le capitalisme promis à des crises fatales.
Les
mesures qu’il vient de prendre contre la presse, au nom d’un idéal de
3291
atales. Les mesures qu’il vient de prendre contre
la
presse, au nom d’un idéal de « propreté morale », sont en fait ressen
3292
ies comme traduisant sa colère personnelle contre
l’
opposition. En dépit de ces défauts, que les Indiens lui reconnaissent
3293
contre l’opposition. En dépit de ces défauts, que
les
Indiens lui reconnaissent, entouré du respect général. Cela tient à s
3294
visage et son maintien expriment une harmonie de
l’
âme hindoue que la plupart des corps, dans ce pays, cachent et même co
3295
ce pays, cachent et même contredisent à nos yeux.
L’
Indien du peuple, avec ses membres grêles, sa peau grise, ses yeux fix
3296
et brillants, nous apparaît plus près que nous de
l’
animal, ou soudain plus près de l’esprit. (Le businessman occidental f
3297
rès que nous de l’animal, ou soudain plus près de
l’
esprit. (Le businessman occidental faisant oublier l’un comme l’autre.
3298
s de l’animal, ou soudain plus près de l’esprit. (
Le
businessman occidental faisant oublier l’un comme l’autre.) Sur le vi
3299
cidental faisant oublier l’un comme l’autre.) Sur
le
visage de Nehru, l’âme affleure et vient en surface. Mais dans son êt
3300
lier l’un comme l’autre.) Sur le visage de Nehru,
l’
âme affleure et vient en surface. Mais dans son être intime, le regard
3301
e et vient en surface. Mais dans son être intime,
le
regard de l’esprit trouverait-il encore ce mystère primitif qui lie l
3302
surface. Mais dans son être intime, le regard de
l’
esprit trouverait-il encore ce mystère primitif qui lie l’homme à ses
3303
trouverait-il encore ce mystère primitif qui lie
l’
homme à ses dieux comme une ombre à la nuit ? Ne trouverait-il pas au
3304
tif qui lie l’homme à ses dieux comme une ombre à
la
nuit ? Ne trouverait-il pas au contraire ce signe d’inquiétude et de
3305
iction, cette petite cicatrice secrète qui trahit
l’
arrachement de l’individu à l’inconscient sacré, au corps magique d’un
3306
ite cicatrice secrète qui trahit l’arrachement de
l’
individu à l’inconscient sacré, au corps magique d’une race ? L’indivi
3307
secrète qui trahit l’arrachement de l’individu à
l’
inconscient sacré, au corps magique d’une race ? L’individualité n’est
3308
’inconscient sacré, au corps magique d’une race ?
L’
individualité n’est jamais née qu’en rupture de magie. Cette crise pro
3309
e qu’en rupture de magie. Cette crise profonde de
l’
Inde se résume en Nehru. J’en suis sûr maintenant : ce grand Indien, q
3310
ais, pense en anglais. ⁂ Délivrée des Moghols par
l’
Occident, puis de l’Occident par l’action combinée de Gandhi, de nos f
3311
s. ⁂ Délivrée des Moghols par l’Occident, puis de
l’
Occident par l’action combinée de Gandhi, de nos faiblesses et de nos
3312
es Moghols par l’Occident, puis de l’Occident par
l’
action combinée de Gandhi, de nos faiblesses et de nos idéaux, l’Inde
3313
ée de Gandhi, de nos faiblesses et de nos idéaux,
l’
Inde va-t-elle enfin se retrouver elle-même ? Six siècles de tutelle,
3314
siècles de tutelle, presque « d’occupation », ne
l’
ont-ils pas profondément dénaturée ? Certes, mais l’Inde en soi n’exis
3315
ont-ils pas profondément dénaturée ? Certes, mais
l’
Inde en soi n’existe pas ailleurs que dans nos idées vagues sur son my
3316
embler qu’à ce qu’elle deviendra. En six siècles,
le
monde a changé ; une Inde indépendante eût changé elle aussi. Le fait
3317
gé ; une Inde indépendante eût changé elle aussi.
Le
fait certain, c’est qu’elle n’a pu le faire au rythme accéléré de not
3318
elle aussi. Le fait certain, c’est qu’elle n’a pu
le
faire au rythme accéléré de notre histoire. Elle a manqué la Renaissa
3319
rythme accéléré de notre histoire. Elle a manqué
la
Renaissance, les Lumières, le romantisme et les révolutions. Endormie
3320
de notre histoire. Elle a manqué la Renaissance,
les
Lumières, le romantisme et les révolutions. Endormie en plein Moyen Â
3321
oire. Elle a manqué la Renaissance, les Lumières,
le
romantisme et les révolutions. Endormie en plein Moyen Âge, on la rév
3322
ué la Renaissance, les Lumières, le romantisme et
les
révolutions. Endormie en plein Moyen Âge, on la réveille au siècle am
3323
les révolutions. Endormie en plein Moyen Âge, on
la
réveille au siècle américain et russe. Ni d’un côté ni de l’autre, el
3324
me quelqu’un qui voudrait bien se rendormir. Mais
l’
image du réveil est trompeuse. Je n’ai pas senti là-bas l’essor d’un p
3325
du réveil est trompeuse. Je n’ai pas senti là-bas
l’
essor d’un peuple jeune, sa confiance dans l’avenir, ses projets exces
3326
-bas l’essor d’un peuple jeune, sa confiance dans
l’
avenir, ses projets excessifs. Au contraire, un immense embarras devan
3327
cessifs. Au contraire, un immense embarras devant
le
monde tel que d’autres l’ont fait. Jetée dans la lice des États, au m
3328
immense embarras devant le monde tel que d’autres
l’
ont fait. Jetée dans la lice des États, au milieu d’une partie serrée,
3329
le monde tel que d’autres l’ont fait. Jetée dans
la
lice des États, au milieu d’une partie serrée, l’Inde se voit sommée
3330
la lice des États, au milieu d’une partie serrée,
l’
Inde se voit sommée de jouer. Elle n’est pas équipée, ni entraînée. El
3331
sur le plan international, ne soit tenté que par
le
rôle d’arbitre ! Admettons que l’Amérique représente aujourd’hui le m
3332
t tenté que par le rôle d’arbitre ! Admettons que
l’
Amérique représente aujourd’hui le monde des libertés individuelles, d
3333
! Admettons que l’Amérique représente aujourd’hui
le
monde des libertés individuelles, dans sa lutte contre la Russie qui
3334
des libertés individuelles, dans sa lutte contre
la
Russie qui représente les masses organisées. Ce conflit n’intéresse e
3335
es, dans sa lutte contre la Russie qui représente
les
masses organisées. Ce conflit n’intéresse en rien le gros du peuple i
3336
masses organisées. Ce conflit n’intéresse en rien
le
gros du peuple indien, qui n’a jamais connu le phénomène des « masses
3337
en le gros du peuple indien, qui n’a jamais connu
le
phénomène des « masses », ni l’individualisme dont il est la rançon.
3338
n’a jamais connu le phénomène des « masses », ni
l’
individualisme dont il est la rançon. Cependant l’Inde, en tant qu’Éta
3339
e des « masses », ni l’individualisme dont il est
la
rançon. Cependant l’Inde, en tant qu’État, doit voter pour ou contre
3340
l’individualisme dont il est la rançon. Cependant
l’
Inde, en tant qu’État, doit voter pour ou contre l’un des blocs, sauf
3341
ur quelles valeurs positives Nehru peut-il fonder
le
double refus qui paraît inspirer sa politique ? Au nom de quelle fidé
3342
u de quel idéal nouveau repoussera-t-il longtemps
la
double tentation ? L’Inde antique, religieuse, hindoue, subsiste enco
3343
u repoussera-t-il longtemps la double tentation ?
L’
Inde antique, religieuse, hindoue, subsiste encore dans toutes les cas
3344
religieuse, hindoue, subsiste encore dans toutes
les
castes, chez les brahmines, chez les paysans et artisans, mais le pou
3345
oue, subsiste encore dans toutes les castes, chez
les
brahmines, chez les paysans et artisans, mais le pouvoir est aux « sé
3346
dans toutes les castes, chez les brahmines, chez
les
paysans et artisans, mais le pouvoir est aux « sécularistes » qui se
3347
les brahmines, chez les paysans et artisans, mais
le
pouvoir est aux « sécularistes » qui se détachent d’elle ou la renien
3348
t aux « sécularistes » qui se détachent d’elle ou
la
renient. L’évolution normale que provoquerait une suppression réelle
3349
laristes » qui se détachent d’elle ou la renient.
L’
évolution normale que provoquerait une suppression réelle des castes r
3350
t une suppression réelle des castes rapprocherait
l’
Inde de l’Occident, de l’Europe en particulier. Mais elle n’affecte en
3351
des castes rapprocherait l’Inde de l’Occident, de
l’
Europe en particulier. Mais elle n’affecte encore que l’intelligentsia
3352
pe en particulier. Mais elle n’affecte encore que
l’
intelligentsia16. Celle-ci d’ailleurs rejoint plus facilement nos ince
3353
ncertitudes que nos fois… Entre un passé réduit à
l’
impuissance pratique mais qui résiste en profondeur, et un avenir enco
3354
e en profondeur, et un avenir encore épidermique,
le
présent de l’Inde paraît manquer de consistance. Nous avons des probl
3355
r, et un avenir encore épidermique, le présent de
l’
Inde paraît manquer de consistance. Nous avons des problèmes, l’Inde e
3356
manquer de consistance. Nous avons des problèmes,
l’
Inde est problèmes. Je n’ai guère parlé que du plus intime d’entre eux
3357
que du plus intime d’entre eux, tel que j’ai cru
le
pressentir : celui de l’homme entre le mythe et la personne. Les autr
3358
re eux, tel que j’ai cru le pressentir : celui de
l’
homme entre le mythe et la personne. Les autres sont assez connus. Des
3359
e j’ai cru le pressentir : celui de l’homme entre
le
mythe et la personne. Les autres sont assez connus. Des milliers de v
3360
e pressentir : celui de l’homme entre le mythe et
la
personne. Les autres sont assez connus. Des milliers de vaches sacrée
3361
: celui de l’homme entre le mythe et la personne.
Les
autres sont assez connus. Des milliers de vaches sacrées, d’ailleurs
3362
vaches sacrées, d’ailleurs malades, embarrassent
la
circulation. Des millions de singes sacrés pillent les champs rendus
3363
irculation. Des millions de singes sacrés pillent
les
champs rendus à la culture par les tracteurs. La production, d’une dé
3364
ions de singes sacrés pillent les champs rendus à
la
culture par les tracteurs. La production, d’une désastreuse insuffisa
3365
sacrés pillent les champs rendus à la culture par
les
tracteurs. La production, d’une désastreuse insuffisance, s’accroît m
3366
les champs rendus à la culture par les tracteurs.
La
production, d’une désastreuse insuffisance, s’accroît moins vite que
3367
ésastreuse insuffisance, s’accroît moins vite que
la
population, qui déborde la nuit sur les trottoirs. (Un lit pour des c
3368
accroît moins vite que la population, qui déborde
la
nuit sur les trottoirs. (Un lit pour des centaines de personnes à Bom
3369
s vite que la population, qui déborde la nuit sur
les
trottoirs. (Un lit pour des centaines de personnes à Bombay.) Neuf ho
3370
trés, dans un régime officiellement démocratique.
Les
fonctionnaires sont corrompus, dit-on, du haut en bas des hiérarchies
3371
du haut en bas des hiérarchies improvisées après
le
départ des Anglais. L’armée serait impuissante devant une invasion. E
3372
rarchies improvisées après le départ des Anglais.
L’
armée serait impuissante devant une invasion. Et ainsi de suite… Presq
3373
blèmes me semblent insolubles. Il faut donc aider
l’
Inde, mais qui le peut ? L’Amérique lui fournit des tracteurs et du bl
3374
t insolubles. Il faut donc aider l’Inde, mais qui
le
peut ? L’Amérique lui fournit des tracteurs et du blé. La Russie lui
3375
es. Il faut donc aider l’Inde, mais qui le peut ?
L’
Amérique lui fournit des tracteurs et du blé. La Russie lui propose la
3376
? L’Amérique lui fournit des tracteurs et du blé.
La
Russie lui propose la révolte. Et l’Europe, jusqu’ici, n’a rien offer
3377
it des tracteurs et du blé. La Russie lui propose
la
révolte. Et l’Europe, jusqu’ici, n’a rien offert. (Qui, d’ailleurs, l
3378
s et du blé. La Russie lui propose la révolte. Et
l’
Europe, jusqu’ici, n’a rien offert. (Qui, d’ailleurs, l’eût fait en so
3379
pe, jusqu’ici, n’a rien offert. (Qui, d’ailleurs,
l’
eût fait en son nom ?) Elle s’est bornée à se retirer politiquement. E
3380
tirer politiquement. Elle doit trouver maintenant
les
formes d’une présence désintéressée, fraternelle. 14. Je ne parle p
3381
llectuels, formés aux disciplines occidentales, à
l’
anarchie qui les résume. 15. Pandit veut dire sage, docte — un peu co
3382
és aux disciplines occidentales, à l’anarchie qui
les
résume. 15. Pandit veut dire sage, docte — un peu comme notre « doct
3383
gentsia de formation occidentale que se recrutent
les
staliniens de l’Inde et leurs alliés. Le communisme, comme idéal et d
3384
on occidentale que se recrutent les staliniens de
l’
Inde et leurs alliés. Le communisme, comme idéal et doctrine révolutio
3385
crutent les staliniens de l’Inde et leurs alliés.
Le
communisme, comme idéal et doctrine révolutionnaire, n’a guère touché
3386
et doctrine révolutionnaire, n’a guère touché que
les
milieux d’étudiants et les populations très anciennement chrétiennes
3387
, n’a guère touché que les milieux d’étudiants et
les
populations très anciennement chrétiennes du Malabar. Mais un Hindou
3388
enir « collectiviste » s’il n’a passé d’abord par
l’
individualisme, soit chrétien, rationaliste. h. Rougemont Denis de,
3389
onaliste. h. Rougemont Denis de, « Inde 1951 »,
La
Revue de Paris, Paris, décembre 1951, p. 56-69. i. Introduit par la
3390
Paris, décembre 1951, p. 56-69. i. Introduit par
la
note suivante : « Ces tableaux de l’Inde que Denis de Rougemont rappo
3391
ntroduit par la note suivante : « Ces tableaux de
l’
Inde que Denis de Rougemont rapporte d’un récent voyage forment un cur
3392
n récent voyage forment un curieux contraste avec
les
pages de Somerset Maugham que nous avons publiées dans notre précéden
3393
s publiées dans notre précédente livraison. Après
l’
Inde religieuse, voici l’Inde des foules — l’Inde de 390 millions d’ha
3394
cédente livraison. Après l’Inde religieuse, voici
l’
Inde des foules — l’Inde de 390 millions d’habitants — la vie de la ru
3395
près l’Inde religieuse, voici l’Inde des foules —
l’
Inde de 390 millions d’habitants — la vie de la rue — et aussi les pré
3396
des foules — l’Inde de 390 millions d’habitants —
la
vie de la rue — et aussi les préoccupations nouvelles nées de l’indép
3397
— l’Inde de 390 millions d’habitants — la vie de
la
rue — et aussi les préoccupations nouvelles nées de l’indépendance, l
3398
illions d’habitants — la vie de la rue — et aussi
les
préoccupations nouvelles nées de l’indépendance, les soucis de la jeu
3399
e — et aussi les préoccupations nouvelles nées de
l’
indépendance, les soucis de la jeune intelligentsia… ses réactions en
3400
préoccupations nouvelles nées de l’indépendance,
les
soucis de la jeune intelligentsia… ses réactions en face de l’URSS… e
3401
s nouvelles nées de l’indépendance, les soucis de
la
jeune intelligentsia… ses réactions en face de l’URSS… et un portrait
3402
la jeune intelligentsia… ses réactions en face de
l’
URSS… et un portrait nuancé de Nehru. »
3403
Le
Suisse moyen et quelques autres (mai 1965)j k Portrait du Suisse
3404
es (mai 1965)j k Portrait du Suisse moyen
Les
Suisses sont plus réellement moyens que « l’homme moyen » des autres
3405
Les Suisses sont plus réellement moyens que «
l’
homme moyen » des autres peuples, support ou résultat fictif des stati
3406
fameuses diversités dans cette moyenne qui semble
les
nier ? Réponse : cette moyenne n’est pas née de la fusion des diversi
3407
s nier ? Réponse : cette moyenne n’est pas née de
la
fusion des diversités, encore moins de leur mélange dans chaque indiv
3408
s de leur libre multiplicité, distribuée sur tout
le
territoire, et d’une même attitude d’intime approbation à l’égard d’u
3409
ive, à droits égaux mais à charge de respect pour
les
coutumes locales et leurs compartimentages. La moyenne suisse est l’e
3410
r les coutumes locales et leurs compartimentages.
La
moyenne suisse est l’expression d’un contentement presque unanime, d’
3411
et leurs compartimentages. La moyenne suisse est
l’
expression d’un contentement presque unanime, d’une longue absence de
3412
’une longue absence de conflits dramatiques et de
la
prospérité qui en a pu résulter. Pas de moyenne réelle dans les pays
3413
qui en a pu résulter. Pas de moyenne réelle dans
les
pays où une faction, une Église, une classe a tenté d’imposer ses règ
3414
e classe a tenté d’imposer ses règles, provoquant
la
violence et fixant pour longtemps d’irréductibles discordances et des
3415
bles discordances et des disparités extrêmes dans
les
manières de vivre et de juger. La liberté de rester divers rapproche,
3416
extrêmes dans les manières de vivre et de juger.
La
liberté de rester divers rapproche, les décrets d’uniformité divisent
3417
de juger. La liberté de rester divers rapproche,
les
décrets d’uniformité divisent. On parle toujours de la Suisse comme d
3418
crets d’uniformité divisent. On parle toujours de
la
Suisse comme d’une nation « une et diverse ». Il faut voir qu’elle es
3419
t voir qu’elle est une parce qu’elle est diverse.
Le
goût du juste milieu, le sens du compromis, l’attrait de la moyenne e
3420
rce qu’elle est diverse. Le goût du juste milieu,
le
sens du compromis, l’attrait de la moyenne et son revers qui est la p
3421
e. Le goût du juste milieu, le sens du compromis,
l’
attrait de la moyenne et son revers qui est la peur de différer, le co
3422
juste milieu, le sens du compromis, l’attrait de
la
moyenne et son revers qui est la peur de différer, le conformisme, so
3423
is, l’attrait de la moyenne et son revers qui est
la
peur de différer, le conformisme, sont les vertus et les défauts typi
3424
oyenne et son revers qui est la peur de différer,
le
conformisme, sont les vertus et les défauts typiques qu’appelle la to
3425
qui est la peur de différer, le conformisme, sont
les
vertus et les défauts typiques qu’appelle la tolérance fédéraliste. E
3426
r de différer, le conformisme, sont les vertus et
les
défauts typiques qu’appelle la tolérance fédéraliste. Enquêtes sociol
3427
ont les vertus et les défauts typiques qu’appelle
la
tolérance fédéraliste. Enquêtes sociologiques, études d’opinion et an
3428
x Suisses parmi lesquels je vis, que je vois dans
la
rue, que j’entends dans les trains, avec lesquels j’ai fait mon servi
3429
vis, que je vois dans la rue, que j’entends dans
les
trains, avec lesquels j’ai fait mon service militaire ou que je renco
3430
fait mon service militaire ou que je rencontre à
l’
étranger, livrés aux joies inépuisables de la comparaison des niveaux
3431
re à l’étranger, livrés aux joies inépuisables de
la
comparaison des niveaux de vie. Ce sont des réalistes sans cynisme. I
3432
leur condition, parce qu’ils en connaissent bien
les
données de fait et les impératifs concrets, et qu’ils la jugent au su
3433
qu’ils en connaissent bien les données de fait et
les
impératifs concrets, et qu’ils la jugent au surplus satisfaisante. Un
3434
ées de fait et les impératifs concrets, et qu’ils
la
jugent au surplus satisfaisante. Une enquête conduite par l’institut
3435
u surplus satisfaisante. Une enquête conduite par
l’
institut Gallup pendant l’été de 1963, dans six pays d’Europe et aux É
3436
ne enquête conduite par l’institut Gallup pendant
l’
été de 1963, dans six pays d’Europe et aux États-Unis, montre qu’ils s
3437
e qu’ils sont « en tête des gens heureux », comme
l’
écrit un journal français. Alors que 48 % seulement des Français se di
3438
que cela va très bien ainsi. Mais il y a mieux. À
la
question posée par un autre institut de sondage de l’opinion publique
3439
uestion posée par un autre institut de sondage de
l’
opinion publique : « D’une manière générale, diriez-vous que vous êtes
3440
t 6 % seulement pas très heureux. (Reste 1 % pour
les
désespérés ou ceux que la question laisse froids.) Ce n’est pas que t
3441
ureux. (Reste 1 % pour les désespérés ou ceux que
la
question laisse froids.) Ce n’est pas que tout soit parfait dans la m
3442
froids.) Ce n’est pas que tout soit parfait dans
la
meilleure des Suisses possibles, mais le monde a changé, et l’on s’ad
3443
ait dans la meilleure des Suisses possibles, mais
le
monde a changé, et l’on s’adapte à ces changements, loin de s’accroch
3444
des Suisses possibles, mais le monde a changé, et
l’
on s’adapte à ces changements, loin de s’accrocher aux recettes du pas
3445
re, mais rien non plus de moins réactionnaire que
le
Suisse moyen. Réformiste conservateur, il évolue avec ténacité vers d
3446
e avec ténacité vers des formes d’organisation de
l’
économie et de la distribution des revenus que les socialistes d’antan
3447
ers des formes d’organisation de l’économie et de
la
distribution des revenus que les socialistes d’antan revendiquaient s
3448
l’économie et de la distribution des revenus que
les
socialistes d’antan revendiquaient sans trop oser y croire, et que le
3449
an revendiquaient sans trop oser y croire, et que
les
patrons modernes négocient posément avec des chefs syndicalistes très
3450
hefs syndicalistes très avertis des conditions de
la
productivité. Le fonds commun sur lequel peuvent compter syndicaliste
3451
s très avertis des conditions de la productivité.
Le
fonds commun sur lequel peuvent compter syndicalistes, patrons et gou
3452
pter syndicalistes, patrons et gouvernants, c’est
le
goût du travail dont on a pu écrire qu’il est « le mode existentiel d
3453
e goût du travail dont on a pu écrire qu’il est «
le
mode existentiel des Suisses », la base de leurs rapports sociaux et
3454
re qu’il est « le mode existentiel des Suisses »,
la
base de leurs rapports sociaux et souvent le sens même de leur vie. D
3455
s », la base de leurs rapports sociaux et souvent
le
sens même de leur vie. Dans le canton de Neuchâtel de mon enfance, co
3456
sociaux et souvent le sens même de leur vie. Dans
le
canton de Neuchâtel de mon enfance, combien de fois n’ai-je pas lu ce
3457
bas d’un faire-part de décès, en lieu et place de
l’
habituel verset biblique : « Le travail fut sa vie. » C’est aussi « le
3458
n lieu et place de l’habituel verset biblique : «
Le
travail fut sa vie. » C’est aussi « leur seul mode de promotion »17,
3459
t-on et sans doute en va-t-il vraiment ainsi pour
l’
immense majorité. La coutume patricienne n’a guère laissé de traces qu
3460
n va-t-il vraiment ainsi pour l’immense majorité.
La
coutume patricienne n’a guère laissé de traces que dans quelques banq
3461
ssé de traces que dans quelques banques privées ;
le
parti radical a perdu la puissance qu’il exerçait jusqu’aux débuts de
3462
elques banques privées ; le parti radical a perdu
la
puissance qu’il exerçait jusqu’aux débuts de ce siècle sur les nomina
3463
qu’il exerçait jusqu’aux débuts de ce siècle sur
les
nominations dans la fonction publique, et nul autre parti ne l’a remp
3464
’aux débuts de ce siècle sur les nominations dans
la
fonction publique, et nul autre parti ne l’a remplacé ; peu ou point
3465
dans la fonction publique, et nul autre parti ne
l’
a remplacé ; peu ou point de grandes fortunes fondées sur un coup de c
3466
andes fortunes fondées sur un coup de chance ; et
les
fils à papa ne se contentent pas de poser comme ailleurs aux progress
3467
marque par une grande stabilité professionnelle.
Le
Suisse s’expatrie facilement18 et passe sans nulle difficulté d’une c
3468
eille guère en Suisse que de sérieux soupçons sur
la
valeur morale du personnage. Les loisirs eux-mêmes sont marqués par l
3469
ieux soupçons sur la valeur morale du personnage.
Les
loisirs eux-mêmes sont marqués par l’esprit d’efficacité qui fait du
3470
ersonnage. Les loisirs eux-mêmes sont marqués par
l’
esprit d’efficacité qui fait du Suisse un type extrême d’Occidental. «
3471
du Suisse un type extrême d’Occidental. « Toutes
les
activités culturelles du Suisse, très importantes, participent en une
3472
une certaine manière du travail », observe encore
l’
enquête déjà citée. Lire, aller au théâtre, écouter des conférences es
3473
aut se maintenir en forme en faisant du ski ou de
la
gymnastique. Le plaisir pur, la gratuité ne s’avouent guère, se cherc
3474
en forme en faisant du ski ou de la gymnastique.
Le
plaisir pur, la gratuité ne s’avouent guère, se cherchent des prétext
3475
sant du ski ou de la gymnastique. Le plaisir pur,
la
gratuité ne s’avouent guère, se cherchent des prétextes et en trouven
3476
’excellents, mais il n’y a plus de gratuité. Dans
L’
Annuaire statistique de la Suisse, publication très officielle, sous l
3477
plus de gratuité. Dans L’Annuaire statistique de
la
Suisse, publication très officielle, sous la rubrique « Budget de mén
3478
e de la Suisse, publication très officielle, sous
la
rubrique « Budget de ménages », je trouve ce poste : « Instruction, d
3479
action. » C’est « Culture et loisirs » en France,
la
nuance est significative. Quant au goût de la simplicité, affiché jus
3480
ce, la nuance est significative. Quant au goût de
la
simplicité, affiché jusqu’à la manie ou au défi, il caractérisait les
3481
. Quant au goût de la simplicité, affiché jusqu’à
la
manie ou au défi, il caractérisait les Suisses bien avant l’ère indus
3482
ché jusqu’à la manie ou au défi, il caractérisait
les
Suisses bien avant l’ère industrielle-utilitaire, et même bien avant
3483
au défi, il caractérisait les Suisses bien avant
l’
ère industrielle-utilitaire, et même bien avant la Réforme, mais il es
3484
l’ère industrielle-utilitaire, et même bien avant
la
Réforme, mais il est en symbiose avec elles, et s’en nourrit autant q
3485
en nourrit autant qu’il explique leur succès dans
la
majorité de nos cantons. « Simplifions », « C’est plus simple ainsi »
3486
, ce sera très simple » sont des mots de passe de
la
vie quotidienne du bourgeois et surtout de son épouse. Tout ce qui es
3487
Tout ce qui est compliqué est vaguement immoral :
l’
art baroque en particulier, dont tant de chefs-d’œuvre, pourtant, comm
3488
lier, dont tant de chefs-d’œuvre, pourtant, comme
l’
immense abbaye princière d’Einsiedeln, la cathédrale de Saint-Gall et
3489
t, comme l’immense abbaye princière d’Einsiedeln,
la
cathédrale de Saint-Gall et les églises de la campagne lucernoise, Be
3490
ière d’Einsiedeln, la cathédrale de Saint-Gall et
les
églises de la campagne lucernoise, Beromünster, Ettiswil et Sursee, f
3491
ln, la cathédrale de Saint-Gall et les églises de
la
campagne lucernoise, Beromünster, Ettiswil et Sursee, font une des gl
3492
et Sursee, font une des gloires de ce pays. C’est
la
Suisse primitive qui a produit tout cela, pendant l’époque patricienn
3493
Suisse primitive qui a produit tout cela, pendant
l’
époque patricienne, très mal vue. La Suisse moderne, puritaine et tech
3494
cela, pendant l’époque patricienne, très mal vue.
La
Suisse moderne, puritaine et technique, ennemie de la dépense autant
3495
uisse moderne, puritaine et technique, ennemie de
la
dépense autant que de l’apparat, et même des majuscules typographique
3496
et technique, ennemie de la dépense autant que de
l’
apparat, et même des majuscules typographiques (voir l’école graphique
3497
arat, et même des majuscules typographiques (voir
l’
école graphique de Zurich) se sent complètement dépaysée dans ces sanc
3498
ent complètement dépaysée dans ces sanctuaires où
l’
or est gaspillé sur des stucs boursouflés et qui manquent de sérieux…
3499
t-ils encore ceux de sa religion, ou déjà ceux de
l’
utilitarisme que certains jugent inhérent à la nouvelle civilisation d
3500
de l’utilitarisme que certains jugent inhérent à
la
nouvelle civilisation de l’Occident, — celle que le monde entier lui
3501
ins jugent inhérent à la nouvelle civilisation de
l’
Occident, — celle que le monde entier lui attribue désormais, lui repr
3502
nouvelle civilisation de l’Occident, — celle que
le
monde entier lui attribue désormais, lui reproche vertueusement et s’
3503
i reproche vertueusement et s’empresse d’imiter ?
La
tournure d’esprit sociologique du xxe siècle multiplie les questions
3504
re d’esprit sociologique du xxe siècle multiplie
les
questions de ce genre. Il est peut-être encore plus difficile d’y rép
3505
peut-être encore plus difficile d’y répondre dans
le
cas de la Suisse que dans celui des États-Unis par exemple19. Car la
3506
encore plus difficile d’y répondre dans le cas de
la
Suisse que dans celui des États-Unis par exemple19. Car la Suisse res
3507
que dans celui des États-Unis par exemple19. Car
la
Suisse reste tributaire dans son ensemble d’une certaine éthique prot
3508
certaine éthique protestante, qui ne sépare point
la
vertu de l’effort ni la valeur d’une action du mérite moral de son au
3509
ique protestante, qui ne sépare point la vertu de
l’
effort ni la valeur d’une action du mérite moral de son auteur. D’où i
3510
ante, qui ne sépare point la vertu de l’effort ni
la
valeur d’une action du mérite moral de son auteur. D’où il résulte, p
3511
de son auteur. D’où il résulte, par exemple, que
le
goût du travail correspond chez le Suisse moyen à une exigence morale
3512
r exemple, que le goût du travail correspond chez
le
Suisse moyen à une exigence morale plutôt qu’au seul désir de gagner
3513
rale plutôt qu’au seul désir de gagner davantage.
La
paresse est une déficience, et non le signe éventuel d’une sagesse li
3514
davantage. La paresse est une déficience, et non
le
signe éventuel d’une sagesse libérée des contingences. Je ne connais
3515
s contingences. Je ne connais pas d’autre pays où
l’
on pourrait poser au citoyen moyen cette question qui figure dans l’en
3516
r au citoyen moyen cette question qui figure dans
l’
enquête intitulée Un jour en Suisse : « Estimez-vous qu’on peut être u
3517
t être un bon Suisse et se lever à 9 heures ? » À
l’
origine du devoir et du goût de se lever tôt pour travailler, il y a l
3518
t du goût de se lever tôt pour travailler, il y a
la
Bible autant que la coutume paysanne et bien plus que l’utilitarisme.
3519
r tôt pour travailler, il y a la Bible autant que
la
coutume paysanne et bien plus que l’utilitarisme. Il y a d’abord la b
3520
e autant que la coutume paysanne et bien plus que
l’
utilitarisme. Il y a d’abord la bonne conscience, bien plus que le sen
3521
e et bien plus que l’utilitarisme. Il y a d’abord
la
bonne conscience, bien plus que le sens du rendement objectif : car,
3522
Il y a d’abord la bonne conscience, bien plus que
le
sens du rendement objectif : car, ainsi que l’a bien dit une mauvaise
3523
ue le sens du rendement objectif : car, ainsi que
l’
a bien dit une mauvaise langue, le Suisse se lève tôt, mais il se réve
3524
car, ainsi que l’a bien dit une mauvaise langue,
le
Suisse se lève tôt, mais il se réveille tard. Mais qu’en est-il d’aut
3525
Mais qu’en est-il d’autres domaines critiques de
l’
existence morale en Occident : la sexualité, le mariage ? Les anciens
3526
nes critiques de l’existence morale en Occident :
la
sexualité, le mariage ? Les anciens Suisses, au temps des Ligues, n’é
3527
de l’existence morale en Occident : la sexualité,
le
mariage ? Les anciens Suisses, au temps des Ligues, n’étaient pas moi
3528
e morale en Occident : la sexualité, le mariage ?
Les
anciens Suisses, au temps des Ligues, n’étaient pas moins connus pour
3529
temps des Ligues, n’étaient pas moins connus pour
la
licence de leurs mœurs que pour l’austérité patriarcale de leurs prin
3530
ns connus pour la licence de leurs mœurs que pour
l’
austérité patriarcale de leurs principes. Les chroniques illustrées d’
3531
pour l’austérité patriarcale de leurs principes.
Les
chroniques illustrées d’Urs Graf, les descriptions des bains de Bade,
3532
principes. Les chroniques illustrées d’Urs Graf,
les
descriptions des bains de Bade, « jardin de volupté de l’Europe », le
3533
iptions des bains de Bade, « jardin de volupté de
l’
Europe », les récits de Casanova, les lettres de Rousseau, et plus tar
3534
bains de Bade, « jardin de volupté de l’Europe »,
les
récits de Casanova, les lettres de Rousseau, et plus tard les indigna
3535
de volupté de l’Europe », les récits de Casanova,
les
lettres de Rousseau, et plus tard les indignations de Jeremias Gotthe
3536
e Casanova, les lettres de Rousseau, et plus tard
les
indignations de Jeremias Gotthelf contre les mœurs des paysans bernoi
3537
tard les indignations de Jeremias Gotthelf contre
les
mœurs des paysans bernois (qui, loin d’exiger d’une jeune fille la pr
3538
ans bernois (qui, loin d’exiger d’une jeune fille
la
preuve de sa virginité, attendaient au contraire, pour l’épouser, la
3539
e de sa virginité, attendaient au contraire, pour
l’
épouser, la preuve qu’elle pouvait être mère), cent témoignages concor
3540
ginité, attendaient au contraire, pour l’épouser,
la
preuve qu’elle pouvait être mère), cent témoignages concordants décri
3541
e gaillarde, rustique et soldatesque, qui préfère
la
virtù à la vertu. Le réveil religieux succédant au piétisme, l’avènem
3542
, rustique et soldatesque, qui préfère la virtù à
la
vertu. Le réveil religieux succédant au piétisme, l’avènement de la b
3543
et soldatesque, qui préfère la virtù à la vertu.
Le
réveil religieux succédant au piétisme, l’avènement de la bourgeoisie
3544
vertu. Le réveil religieux succédant au piétisme,
l’
avènement de la bourgeoisie et l’école ont changé tout cela. Comme par
3545
l religieux succédant au piétisme, l’avènement de
la
bourgeoisie et l’école ont changé tout cela. Comme partout en Europe,
3546
ant au piétisme, l’avènement de la bourgeoisie et
l’
école ont changé tout cela. Comme partout en Europe, pendant le xixe
3547
hangé tout cela. Comme partout en Europe, pendant
le
xixe siècle, la notion de péché s’est vue assimilée avant tout à cel
3548
Comme partout en Europe, pendant le xixe siècle,
la
notion de péché s’est vue assimilée avant tout à celle de luxure, ou,
3549
, pour rester conforme au langage des pasteurs, à
l’
« impureté », péril majeur pour l’âme et parfois pour le corps. Cette
3550
des pasteurs, à l’« impureté », péril majeur pour
l’
âme et parfois pour le corps. Cette préoccupation quelque peu obsédant
3551
pureté », péril majeur pour l’âme et parfois pour
le
corps. Cette préoccupation quelque peu obsédante assombrit la prédica
3552
tte préoccupation quelque peu obsédante assombrit
la
prédication pendant un siècle. Il est d’autant plus remarquable que l
3553
t un siècle. Il est d’autant plus remarquable que
le
Suisse moyen formé à cette école ne soit pas devenu le révolté qu’on
3554
isse moyen formé à cette école ne soit pas devenu
le
révolté qu’on serait tenté d’imaginer, et que les Églises soient aujo
3555
le révolté qu’on serait tenté d’imaginer, et que
les
Églises soient aujourd’hui plus vivantes qu’hier. Les nouvelles génér
3556
Églises soient aujourd’hui plus vivantes qu’hier.
Les
nouvelles générations me paraissent tranquillement libérées de la han
3557
érations me paraissent tranquillement libérées de
la
hantise du « péché », et les pasteurs actuels aussi. D’où l’on pourr
3558
uillement libérées de la hantise du « péché », et
les
pasteurs actuels aussi. D’où l’on pourrait déduire d’une part que le
3559
u « péché », et les pasteurs actuels aussi. D’où
l’
on pourrait déduire d’une part que les exigences de la chair étaient b
3560
aussi. D’où l’on pourrait déduire d’une part que
les
exigences de la chair étaient bien fortes en ce pays pour que la reli
3561
pourrait déduire d’une part que les exigences de
la
chair étaient bien fortes en ce pays pour que la religion dût consacr
3562
la chair étaient bien fortes en ce pays pour que
la
religion dût consacrer tant d’efforts à les réfréner ; d’autre part,
3563
ur que la religion dût consacrer tant d’efforts à
les
réfréner ; d’autre part, que la religion devait exercer un empire bie
3564
tant d’efforts à les réfréner ; d’autre part, que
la
religion devait exercer un empire bien puissant pour que ses discipli
3565
e conclusion ? Nous en trouverons sans doute dans
les
enquêtes en cours sur le régime de la censure et l’état du mariage en
3566
uverons sans doute dans les enquêtes en cours sur
le
régime de la censure et l’état du mariage en Suisse. La censure des p
3567
doute dans les enquêtes en cours sur le régime de
la
censure et l’état du mariage en Suisse. La censure des publications n
3568
enquêtes en cours sur le régime de la censure et
l’
état du mariage en Suisse. La censure des publications n’est officiell
3569
ime de la censure et l’état du mariage en Suisse.
La
censure des publications n’est officiellement exercée qu’aux frontièr
3570
officiellement exercée qu’aux frontières du pays.
La
pudeur de la jeunesse suisse est ainsi protégée par les douaniers, fo
3571
t exercée qu’aux frontières du pays. La pudeur de
la
jeunesse suisse est ainsi protégée par les douaniers, fonctionnaires
3572
deur de la jeunesse suisse est ainsi protégée par
les
douaniers, fonctionnaires subalternes et militarisés. Quels peuvent b
3573
s peuvent bien être leurs critères du moral et de
l’
immoral ? Je n’en ai découvert qu’un seul : « La discipline, un point
3574
e l’immoral ? Je n’en ai découvert qu’un seul : «
La
discipline, un point c’est tout ! », me criait hier encore un de ces
3575
que j’avais dévié de quelques centimètres hors de
la
file des voitures qu’il lui avait plu d’organiser devant le poste, —
3576
s voitures qu’il lui avait plu d’organiser devant
le
poste, — souvenir de l’école enfantine où il alignait des bâtonnets p
3577
it plu d’organiser devant le poste, — souvenir de
l’
école enfantine où il alignait des bâtonnets pendant des heures et il
3578
t que rien ne dépasse. Ce qui dépasse aux yeux de
la
censure, ce sont les œuvres mises à l’index par le ministère public f
3579
e. Ce qui dépasse aux yeux de la censure, ce sont
les
œuvres mises à l’index par le ministère public fédéral, et dont chaqu
3580
ux yeux de la censure, ce sont les œuvres mises à
l’
index par le ministère public fédéral, et dont chaque employé des doua
3581
a censure, ce sont les œuvres mises à l’index par
le
ministère public fédéral, et dont chaque employé des douanes est cens
3582
nt chaque employé des douanes est censé connaître
la
liste (Sade, Henry Miller, etc.). Or, les critères d’un tel office ne
3583
onnaître la liste (Sade, Henry Miller, etc.). Or,
les
critères d’un tel office ne sauraient être, évidemment, que ceux de l
3584
office ne sauraient être, évidemment, que ceux de
la
banalité morale la plus plate et la plus résiduelle. On interdit l’en
3585
être, évidemment, que ceux de la banalité morale
la
plus plate et la plus résiduelle. On interdit l’entrée de tout écrit,
3586
, que ceux de la banalité morale la plus plate et
la
plus résiduelle. On interdit l’entrée de tout écrit, de toute image o
3587
la plus plate et la plus résiduelle. On interdit
l’
entrée de tout écrit, de toute image ou œuvre d’art « où un particulie
3588
non averti ne chercherait qu’une excitation pour
les
sens20 ». Faut-il penser que les Suisses bénéficient vraiment d’une s
3589
excitation pour les sens20 ». Faut-il penser que
les
Suisses bénéficient vraiment d’une sensualité si violente qu’un rien,
3590
vraiment d’une sensualité si violente qu’un rien,
la
moindre négligence risquerait de la porter aux pires excès ? Comme la
3591
e qu’un rien, la moindre négligence risquerait de
la
porter aux pires excès ? Comme la censure des films (cantonale ou loc
3592
e risquerait de la porter aux pires excès ? Comme
la
censure des films (cantonale ou locale), ces mesures restrictives ne
3593
ursauts de révolte ni farouches approbations ; on
les
considère pour ce qu’elles sont : résidus de préjugés sociaux ou reli
3594
u religieux qui n’ont plus beaucoup d’importance,
la
jeunesse étant suffisamment avertie pour excuser, voire pour « compre
3595
comprendre » ce genre de routines officielles que
les
vieux se croient obligés de cultiver, mais cela changera bientôt, « o
3596
er, mais cela changera bientôt, « on n’arrête pas
le
progrès… » Quant aux conceptions du mariage, quel est le sens général
3597
rès… » Quant aux conceptions du mariage, quel est
le
sens général de leur évolution ? Autrefois, on se mariait dans la tri
3598
de leur évolution ? Autrefois, on se mariait dans
la
tribu : la commune, le milieu, « nos familles », et très rarement hor
3599
lution ? Autrefois, on se mariait dans la tribu :
la
commune, le milieu, « nos familles », et très rarement hors du canton
3600
refois, on se mariait dans la tribu : la commune,
le
milieu, « nos familles », et très rarement hors du canton, et dans ce
3601
u canton, et dans ce cas plutôt hors de Suisse21.
L’
humoriste Georges Mikes affirme qu’un habitant de l’Obwald lui a dit :
3602
humoriste Georges Mikes affirme qu’un habitant de
l’
Obwald lui a dit : « Je préférerais donner ma fille à un homme de Wint
3603
-t-il : « J’ai connu une dame de Schaffhouse dont
le
fils avait épousé une jeune fille de la ville de Winterthour, distant
3604
ouse dont le fils avait épousé une jeune fille de
la
ville de Winterthour, distante d’une vingtaine de kilomètres. Elle en
3605
ante d’une vingtaine de kilomètres. Elle en avait
le
cœur brisé, bien entendu, et m’expliqua en grande confidence qu’elle
3606
e de soi22 ». Tout cela appartient au passé, mais
les
statistiques récentes sembleraient donner raison à cette dame : la Su
3607
écentes sembleraient donner raison à cette dame :
la
Suisse tient l’un des premiers rangs (derrière les États-Unis, le Dan
3608
la Suisse tient l’un des premiers rangs (derrière
les
États-Unis, le Danemark, la Suède et l’Autriche) pour la proportion d
3609
l’un des premiers rangs (derrière les États-Unis,
le
Danemark, la Suède et l’Autriche) pour la proportion des divorces, de
3610
iers rangs (derrière les États-Unis, le Danemark,
la
Suède et l’Autriche) pour la proportion des divorces, depuis que la m
3611
derrière les États-Unis, le Danemark, la Suède et
l’
Autriche) pour la proportion des divorces, depuis que la mobilité de s
3612
s-Unis, le Danemark, la Suède et l’Autriche) pour
la
proportion des divorces, depuis que la mobilité de sa population d’un
3613
iche) pour la proportion des divorces, depuis que
la
mobilité de sa population d’un canton à l’autre a entraîné un accrois
3614
sionnels : « Ces mariages mixtes !… » En réalité,
le
divorce s’explique surtout par d’autres causes. Il n’est pas le signe
3615
xplique surtout par d’autres causes. Il n’est pas
le
signe d’un quelconque « relâchement moral » (comparé à la Suisse patr
3616
d’un quelconque « relâchement moral » (comparé à
la
Suisse patriarcale), mais au contraire, dirais-je, d’une exigence acc
3617
d du mariage et de ce qu’il peut représenter pour
le
développement personnel de chacun des conjoints et pour leur intégrat
3618
et pour leur intégration en tant que couple dans
la
vie sociale…23 Au total, il ne semble pas que « l’immoralité » progr
3619
vie sociale…23 Au total, il ne semble pas que «
l’
immoralité » progresse notablement dans les cantons, comme elle le fai
3620
s que « l’immoralité » progresse notablement dans
les
cantons, comme elle le fait dans les trop vastes sociétés mal structu
3621
rogresse notablement dans les cantons, comme elle
le
fait dans les trop vastes sociétés mal structurées ou les grands ense
3622
blement dans les cantons, comme elle le fait dans
les
trop vastes sociétés mal structurées ou les grands ensembles urbains.
3623
dans les trop vastes sociétés mal structurées ou
les
grands ensembles urbains. Ce n’est pas l’anarchie des mœurs qui menac
3624
ées ou les grands ensembles urbains. Ce n’est pas
l’
anarchie des mœurs qui menace la Suisse, c’est plutôt une espèce parti
3625
ins. Ce n’est pas l’anarchie des mœurs qui menace
la
Suisse, c’est plutôt une espèce particulière de conformisme raisonné,
3626
après mûr examen, et surtout : moralement assumé.
Le
niveau de vie, une fois qu’il est bien assuré, c’est la vie elle-même
3627
eau de vie, une fois qu’il est bien assuré, c’est
la
vie elle-même qui devient le danger, ses surprises que le poste « div
3628
t bien assuré, c’est la vie elle-même qui devient
le
danger, ses surprises que le poste « divers et imprévu » au budget de
3629
lle-même qui devient le danger, ses surprises que
le
poste « divers et imprévu » au budget de la petite famille ne suffiro
3630
s que le poste « divers et imprévu » au budget de
la
petite famille ne suffiront pas à couvrir, peut-être. Et certaines qu
3631
ut-être. Et certaines questions qu’on se pose sur
le
sens final de tout cela… ⁂ Ce portrait, garanti conforme aux mensurat
3632
i conforme aux mensurations scientifiques comme à
l’
expérience quotidienne, montre les Suisses tels qu’ils sont et se veul
3633
tifiques comme à l’expérience quotidienne, montre
les
Suisses tels qu’ils sont et se veulent. Ceux qui refuseront de s’y re
3634
eront de s’y reconnaître ne seront sans doute pas
les
derniers à y reconnaître leurs voisins. C’est un portrait, ce n’est p
3635
ce n’est pas un éloge, ni une critique. Dire que
le
Suisse moyen est sérieux mais heureux (j’ajoute qu’il rit beaucoup et
3636
e mais résolument réformiste, et qu’il n’aime pas
les
jeux d’idées ni la spéculation dans aucun ordre, enfin que le travail
3637
formiste, et qu’il n’aime pas les jeux d’idées ni
la
spéculation dans aucun ordre, enfin que le travail est sa vie, est-ce
3638
ées ni la spéculation dans aucun ordre, enfin que
le
travail est sa vie, est-ce le vanter ou le dénigrer ? Il est clair qu
3639
un ordre, enfin que le travail est sa vie, est-ce
le
vanter ou le dénigrer ? Il est clair que c’est l’un et l’autre, selon
3640
in que le travail est sa vie, est-ce le vanter ou
le
dénigrer ? Il est clair que c’est l’un et l’autre, selon le signe don
3641
r ? Il est clair que c’est l’un et l’autre, selon
le
signe dont on affecte les notions de révolte, ou d’intégration social
3642
t l’un et l’autre, selon le signe dont on affecte
les
notions de révolte, ou d’intégration sociale, de contestation ou de s
3643
, et selon qu’on préfère ceux qui s’engagent dans
les
guerres d’idéologies à ceux qui signent des contrats de « paix de tra
3644
Suisse moyen, ce n’est pas encore un portrait de
la
Suisse. L’enquête la plus intelligente et la statistique la plus fine
3645
en, ce n’est pas encore un portrait de la Suisse.
L’
enquête la plus intelligente et la statistique la plus fine peuvent mo
3646
st pas encore un portrait de la Suisse. L’enquête
la
plus intelligente et la statistique la plus fine peuvent montrer les
3647
t de la Suisse. L’enquête la plus intelligente et
la
statistique la plus fine peuvent montrer les traits acquis de la phys
3648
L’enquête la plus intelligente et la statistique
la
plus fine peuvent montrer les traits acquis de la physionomie d’un pe
3649
te et la statistique la plus fine peuvent montrer
les
traits acquis de la physionomie d’un peuple, mais non les forces qui
3650
la plus fine peuvent montrer les traits acquis de
la
physionomie d’un peuple, mais non les forces qui l’ont configurée. Un
3651
ts acquis de la physionomie d’un peuple, mais non
les
forces qui l’ont configurée. Un Mozart, un Descartes, un Kipling n’au
3652
physionomie d’un peuple, mais non les forces qui
l’
ont configurée. Un Mozart, un Descartes, un Kipling n’auraient jamais
3653
ais été décelés par quelque sondage d’opinion sur
les
« attitudes culturelles » de l’Autrichien, du Français ou de l’Anglai
3654
ge d’opinion sur les « attitudes culturelles » de
l’
Autrichien, du Français ou de l’Anglais, et ce sont pourtant de tels h
3655
culturelles » de l’Autrichien, du Français ou de
l’
Anglais, et ce sont pourtant de tels hommes qui donnent à un pays ce q
3656
ntôt « traditionnel ». On répète qu’ils expriment
l’
âme de leur patrie, mais on oublie qu’ils l’ont créée d’abord (bien qu
3657
iment l’âme de leur patrie, mais on oublie qu’ils
l’
ont créée d’abord (bien que dans un langage donné, qui existait avant
3658
és longuement agissantes et soudain décisives que
l’
homme moyen ne peut pas exprimer, bien qu’il en vive, — ou faut-il dir
3659
il en vit ? Et ce sont des hommes d’exception qui
les
révèlent dans leurs œuvres, même s’ils croyaient y exprimer tout autr
3660
n film naguère célèbre, Orson Welles assurait que
la
Suisse n’a donné au monde que la pendule à coucou. J’imagine qu’il en
3661
les assurait que la Suisse n’a donné au monde que
la
pendule à coucou. J’imagine qu’il entendait dire que la Suisse n’a pr
3662
dule à coucou. J’imagine qu’il entendait dire que
la
Suisse n’a produit rien de grand, hommes, idées ou objets, comme l’It
3663
uit rien de grand, hommes, idées ou objets, comme
l’
Italie a produit Dante, la France Pascal et la Révolution, l’Allemagne
3664
idées ou objets, comme l’Italie a produit Dante,
la
France Pascal et la Révolution, l’Allemagne Goethe et certains phénom
3665
mme l’Italie a produit Dante, la France Pascal et
la
Révolution, l’Allemagne Goethe et certains phénomènes moins humaniste
3666
produit Dante, la France Pascal et la Révolution,
l’
Allemagne Goethe et certains phénomènes moins humanistes, la Russie To
3667
e Goethe et certains phénomènes moins humanistes,
la
Russie Tolstoï et Staline, l’Espagne Cervantès, Colomb et l’Amérique,
3668
s moins humanistes, la Russie Tolstoï et Staline,
l’
Espagne Cervantès, Colomb et l’Amérique, cette dernière Orson Welles e
3669
olstoï et Staline, l’Espagne Cervantès, Colomb et
l’
Amérique, cette dernière Orson Welles et la Bombe. Il faut admettre qu
3670
omb et l’Amérique, cette dernière Orson Welles et
la
Bombe. Il faut admettre que notre aurea mediocritas saute aux yeux du
3671
critas saute aux yeux du premier venu, tandis que
les
grandeurs éventuelles de la Suisse restent quelque peu mystérieuses,
3672
ier venu, tandis que les grandeurs éventuelles de
la
Suisse restent quelque peu mystérieuses, même aux yeux des Européens
3673
des Européens dotés d’une bonne culture générale.
Le
statut du « grand homme » en Suisse le condamne à demeurer à peu près
3674
générale. Le statut du « grand homme » en Suisse
le
condamne à demeurer à peu près invisible. Comment veut-on qu’un étran
3675
eu près invisible. Comment veut-on qu’un étranger
le
voie ? Si cet étranger vient chez nous et cite l’un des Suisses qu’il
3676
e trouvera pas une personne sur mille, prise dans
la
rue, qui ait jamais entendu ce nom-là ; en revanche, les hommes impor
3677
, qui ait jamais entendu ce nom-là ; en revanche,
les
hommes importants qu’on lui indiquera sont inconnus hors du canton. L
3678
qu’on lui indiquera sont inconnus hors du canton.
La
Suisse résulte, l’ai-je assez dit, de l’agrégation d’innombrables com
3679
sont inconnus hors du canton. La Suisse résulte,
l’
ai-je assez dit, de l’agrégation d’innombrables compartiments. Si bien
3680
canton. La Suisse résulte, l’ai-je assez dit, de
l’
agrégation d’innombrables compartiments. Si bien que l’homme de poids
3681
égation d’innombrables compartiments. Si bien que
l’
homme de poids y sera surtout local. Il sera le grand homme d’une vall
3682
ue l’homme de poids y sera surtout local. Il sera
le
grand homme d’une vallée, d’une cité, plus rarement d’un canton, pres
3683
lus rarement d’un canton, presque jamais celui de
la
nation entière. D’autre part, le réflexe antihégémonique s’oppose à t
3684
jamais celui de la nation entière. D’autre part,
le
réflexe antihégémonique s’oppose à toute prédominance d’un canton ou
3685
toute prédominance d’un canton ou d’un homme qui
le
représente. D’où les conséquences qu’on a vues dans le domaine de la
3686
d’un canton ou d’un homme qui le représente. D’où
les
conséquences qu’on a vues dans le domaine de la vie publique : tout s
3687
présente. D’où les conséquences qu’on a vues dans
le
domaine de la vie publique : tout se ligue instantanément contre celu
3688
les conséquences qu’on a vues dans le domaine de
la
vie publique : tout se ligue instantanément contre celui qui ferait m
3689
tanément contre celui qui ferait mine de dépasser
la
mesure commune et d’être un chef. Un Führer suisse est impensable, et
3690
un chef. Un Führer suisse est impensable, et même
l’
essai d’instituer un Landammann de Suisse échoua très vite, vers 1800.
3691
vite, vers 1800. Un Collège peu voyant administre
l’
État, on ne saurait dire qu’il gouverne les Suisses, et c’est très bie
3692
inistre l’État, on ne saurait dire qu’il gouverne
les
Suisses, et c’est très bien. Mais dans le domaine de la culture, cet
3693
uverne les Suisses, et c’est très bien. Mais dans
le
domaine de la culture, cet égalitarisme jaloux et tatillon présente l
3694
sses, et c’est très bien. Mais dans le domaine de
la
culture, cet égalitarisme jaloux et tatillon présente les plus sérieu
3695
ure, cet égalitarisme jaloux et tatillon présente
les
plus sérieux inconvénients. Car pour qu’un grand art s’épanouisse, il
3696
milieu, une école, un public alerté, un snobisme,
les
libéralités d’un mécène ou d’une cour. C’est tout cela qu’interdisent
3697
etits compartiments. Que fera dans ces conditions
l’
homme de talent ou d’ambition ? Il a trois possibilités : essayer de s
3698
e — tenter de se rendre utile — ou courir loin de
la
Suisse son aventure. De là peut-être certains traits communs aux Suis
3699
ts communs aux Suisses qui se sont illustrés dans
les
domaines les plus divers. Sans prétendre à composer un portrait-robot
3700
x Suisses qui se sont illustrés dans les domaines
les
plus divers. Sans prétendre à composer un portrait-robot du « grand h
3701
certaines conduites spécifiques que lui imposent
les
petites dimensions de notre État et les conditions de sa paix. Se r
3702
imposent les petites dimensions de notre État et
les
conditions de sa paix. Se rendre invisible : passer inaperçu. — Il
3703
e n’est pas se dissimuler, en vérité : simplement
le
génie qui leur advient prend les couleurs du milieu. Albert Bitzius é
3704
rité : simplement le génie qui leur advient prend
les
couleurs du milieu. Albert Bitzius était un jeune Bernois, épris de l
3705
es. Il devint cependant pasteur à 25 ans et passa
le
reste de sa vie dans la cure du village de Lützelflüh. À quarante ans
3706
pasteur à 25 ans et passa le reste de sa vie dans
la
cure du village de Lützelflüh. À quarante ans il se mit à écrire et,
3707
lflüh. À quarante ans il se mit à écrire et, sous
le
nom de Jeremias Gotthelf (Jérémie : le prophète ; Gotthelf : « Dieu a
3708
e et, sous le nom de Jeremias Gotthelf (Jérémie :
le
prophète ; Gotthelf : « Dieu aide ! »), publia coup sur coup une quin
3709
, éducatifs, épiques et religieux, fantastiques à
la
fin (L’Araignée noire), que Thomas Mann qualifie d’homériques. Toutes
3710
ifs, épiques et religieux, fantastiques à la fin (
L’
Araignée noire), que Thomas Mann qualifie d’homériques. Toutes les fam
3711
e), que Thomas Mann qualifie d’homériques. Toutes
les
familles l’ont lu, en Suisse alémanique. Il s’était occupé sa vie dur
3712
s Mann qualifie d’homériques. Toutes les familles
l’
ont lu, en Suisse alémanique. Il s’était occupé sa vie durant de l’adm
3713
se alémanique. Il s’était occupé sa vie durant de
l’
administration locale, du secours des pauvres et de la commission scol
3714
ministration locale, du secours des pauvres et de
la
commission scolaire. Henri-Frédéric Amiel n’eut même pas à choisir u
3715
e très populaire (« Roulez tambours, pour couvrir
la
frontière… Dans nos cantons, chaque enfant naît soldat ! ») et des co
3716
naît soldat ! ») et des cours de philosophie dont
l’
ennui seul est resté mémorable ont camouflé le passage parmi nous du g
3717
ont l’ennui seul est resté mémorable ont camouflé
le
passage parmi nous du génie de l’introspection. Dix-sept-mille pages
3718
le ont camouflé le passage parmi nous du génie de
l’
introspection. Dix-sept-mille pages de Journal furent écrites dans l’o
3719
x-sept-mille pages de Journal furent écrites dans
l’
ombre d’une carrière assez terne pour être acceptée sans histoires. «
3720
sans histoires. « En épousant Genève, j’ai épousé
la
mort — celle de mon talent et de ma joie. » Je crois que c’est Paul B
3721
mme invisible ; refusant de succéder à Ranke dans
la
chaire d’histoire de Berlin, il se fit accepter dans sa cité natale s
3722
eur. Un peu plus tard, Ferdinand de Saussure suit
la
même conduite à Genève comme par instinct, s’il est un instinct patri
3723
me par instinct, s’il est un instinct patricien. (
L’
intellectuel du xxe siècle cherche au contraire à s’imposer en tant q
3724
est elle qui se voit dorénavant « admise », comme
l’
était la conduite inverse au dernier siècle.) Se rendre utile. — Pay
3725
qui se voit dorénavant « admise », comme l’était
la
conduite inverse au dernier siècle.) Se rendre utile. — Pays pauvre
3726
Se rendre utile. — Pays pauvre au départ et dont
les
seules richesses furent fabriquées par un travail humain bien concert
3727
t fabriquées par un travail humain bien concerté,
la
Suisse est née de la coopération. Un pour tous, tous pour un, c’est m
3728
ravail humain bien concerté, la Suisse est née de
la
coopération. Un pour tous, tous pour un, c’est moins un idéal qu’une
3729
une œuvre utile au bien commun. Et c’est pourquoi
les
Suisses qui ont excellé furent presque tous, à des titres divers, hom
3730
tous, à des titres divers, hommes utiles au sens
le
plus noble et penseurs engagés dans une communauté (qui souvent dépas
3731
isseurs d’âmes, mystiques intervenant pour sauver
la
cité, réformateurs politiques ou religieux, négociateurs de grandes a
3732
eux, négociateurs de grandes affaires publiques à
l’
échelle de l’Europe et du monde, théologiens ou pédagogues, savants du
3733
eurs de grandes affaires publiques à l’échelle de
l’
Europe et du monde, théologiens ou pédagogues, savants du premier rang
3734
x d’applications humanitaires ou techniques, nous
les
voyons tous assurer les devoirs sociaux ou civiques, éducatifs ou spi
3735
aires ou techniques, nous les voyons tous assurer
les
devoirs sociaux ou civiques, éducatifs ou spirituels, comme si le fai
3736
ux ou civiques, éducatifs ou spirituels, comme si
le
fait d’être utiles excusait leurs grands dons aux yeux de leur consci
3737
ique et de leur peuple. Point de spéculation sur
l’
Être en soi, mais seulement sur les relations entre Dieu et l’individu
3738
spéculation sur l’Être en soi, mais seulement sur
les
relations entre Dieu et l’individu, entre l’individu et la communauté
3739
i, mais seulement sur les relations entre Dieu et
l’
individu, entre l’individu et la communauté, entre les hommes, entre l
3740
sur les relations entre Dieu et l’individu, entre
l’
individu et la communauté, entre les hommes, entre les peuples et nati
3741
ons entre Dieu et l’individu, entre l’individu et
la
communauté, entre les hommes, entre les peuples et nations, entre des
3742
ndividu, entre l’individu et la communauté, entre
les
hommes, entre les peuples et nations, entre des entités moralement dé
3743
ndividu et la communauté, entre les hommes, entre
les
peuples et nations, entre des entités moralement définies. Le salut d
3744
t nations, entre des entités moralement définies.
Le
salut de l’homme ou sa santé, plutôt que sa définition, préoccupent l
3745
ntre des entités moralement définies. Le salut de
l’
homme ou sa santé, plutôt que sa définition, préoccupent les meilleurs
3746
u sa santé, plutôt que sa définition, préoccupent
les
meilleurs esprits suisses. Il est possible que le plus grand théologi
3747
es meilleurs esprits suisses. Il est possible que
le
plus grand théologien et le plus grand psychologue de ce siècle, jusq
3748
. Il est possible que le plus grand théologien et
le
plus grand psychologue de ce siècle, jusqu’ici, soient deux Suisses :
3749
t deux Suisses : Karl Barth et C. G. Jung. En eux
la
Suisse excelle et se dépasse, mais dans le seul sens qu’elle ait jama
3750
En eux la Suisse excelle et se dépasse, mais dans
le
seul sens qu’elle ait jamais voulu se permettre : celui de la cure d’
3751
qu’elle ait jamais voulu se permettre : celui de
la
cure d’âme et d’esprit, et non de la spéculation abstraite. Tous deux
3752
e : celui de la cure d’âme et d’esprit, et non de
la
spéculation abstraite. Tous deux fils de pasteurs bâlois, de haute ta
3753
licieuse, et pas du tout « intellectuels » ni par
l’
allure ni dans l’abord humain : à cela peut-être se résument leurs tra
3754
du tout « intellectuels » ni par l’allure ni dans
l’
abord humain : à cela peut-être se résument leurs traits communs car p
3755
sument leurs traits communs car par ailleurs tout
les
oppose. Jeune pasteur en Argovie, et socialiste combatif, Karl Barth
3756
te combatif, Karl Barth publie un commentaire sur
l’
Épître aux Romains qui produit dans les milieux théologiques de langue
3757
entaire sur l’Épître aux Romains qui produit dans
les
milieux théologiques de langue allemande une révolution comparable à
3758
nes. Il est nommé professeur en Allemagne. Devant
les
prétentions nationales-socialistes, il dresse un manifeste de l’« Égl
3759
nationales-socialistes, il dresse un manifeste de
l’
« Église confessante », première affirmation, fondamentale, de la Rési
3760
essante », première affirmation, fondamentale, de
la
Résistance européenne. On lui fait un procès à Bonn. Il n’attaque pas
3761
e. On lui fait un procès à Bonn. Il n’attaque pas
le
régime en soi, mais ses complices dans l’Église. On l’expulse. Et dès
3762
que pas le régime en soi, mais ses complices dans
l’
Église. On l’expulse. Et dès lors, revenu à Bâle, il édifie une Dogmat
3763
gime en soi, mais ses complices dans l’Église. On
l’
expulse. Et dès lors, revenu à Bâle, il édifie une Dogmatique de l’Égl
3764
lors, revenu à Bâle, il édifie une Dogmatique de
l’
Église qui est le monument théologique le plus hardi et dur d’arêtes d
3765
âle, il édifie une Dogmatique de l’Église qui est
le
monument théologique le plus hardi et dur d’arêtes de l’ère moderne.
3766
tique de l’Église qui est le monument théologique
le
plus hardi et dur d’arêtes de l’ère moderne. On n’avait pas été moins
3767
ment théologique le plus hardi et dur d’arêtes de
l’
ère moderne. On n’avait pas été moins conformiste depuis Luther dans l
3768
vait pas été moins conformiste depuis Luther dans
la
réinvention de l’orthodoxie. Jamais voix plus autoritaire après un si
3769
conformiste depuis Luther dans la réinvention de
l’
orthodoxie. Jamais voix plus autoritaire après un siècle de libéralism
3770
e puritain et sentimental, ne s’était élevée dans
les
Églises en retraite devant le « monde moderne ». En voulant ramener l
3771
’était élevée dans les Églises en retraite devant
le
« monde moderne ». En voulant ramener les protestants aux grandes opt
3772
e devant le « monde moderne ». En voulant ramener
les
protestants aux grandes options spirituelles de la Réforme, Karl Bart
3773
s protestants aux grandes options spirituelles de
la
Réforme, Karl Barth ne les a pas du tout éloignés de l’époque présent
3774
options spirituelles de la Réforme, Karl Barth ne
les
a pas du tout éloignés de l’époque présente, bien au contraire, il a
3775
orme, Karl Barth ne les a pas du tout éloignés de
l’
époque présente, bien au contraire, il a même précédé, en fait, la ten
3776
e, bien au contraire, il a même précédé, en fait,
la
tentative d’aggiornamento de l’Église initiée par le pape Jean XXIII.
3777
précédé, en fait, la tentative d’aggiornamento de
l’
Église initiée par le pape Jean XXIII. Ce n’est pas le moindre paradox
3778
tentative d’aggiornamento de l’Église initiée par
le
pape Jean XXIII. Ce n’est pas le moindre paradoxe de sa carrière, ple
3779
lise initiée par le pape Jean XXIII. Ce n’est pas
le
moindre paradoxe de sa carrière, pleine de surprises pour ses discipl
3780
, pleine de surprises pour ses disciples. Pendant
la
guerre, ce contempteur de toute espèce de « politique chrétienne » s’
3781
ue chrétienne » s’engage comme simple soldat dans
l’
armée suisse : il faut résister à Hitler au nom de la foi, parce qu’il
3782
rmée suisse : il faut résister à Hitler au nom de
la
foi, parce qu’il instaure une religion. Après la guerre, ce contempte
3783
la foi, parce qu’il instaure une religion. Après
la
guerre, ce contempteur de la neutralité, « péché des Suisses », s’élè
3784
une religion. Après la guerre, ce contempteur de
la
neutralité, « péché des Suisses », s’élève sans relâche contre la gue
3785
péché des Suisses », s’élève sans relâche contre
la
guerre froide, et se voit accusé de neutralisme par les bourgeois ant
3786
erre froide, et se voit accusé de neutralisme par
les
bourgeois anticommunistes. Zwinglien par sa méfiance à l’égard des ri
3787
religion spontanée, luthérien par sa doctrine de
la
grâce mais aussi du péché radical détruisant toute « analogie de Dieu
3788
radical détruisant toute « analogie de Dieu » en
l’
homme, calviniste par son sens civique et communautaire, mais kierkega
3789
Dieu totaliter aliter et sans commune mesure avec
les
intérêts de la tribu, essentiellement protestant par sa dialectique d
3790
liter et sans commune mesure avec les intérêts de
la
tribu, essentiellement protestant par sa dialectique du oui et du non
3791
e cela » (qu’il a puisée dans saint Paul), il est
le
seul théologien depuis Calvin qui ait influencé l’ensemble des Église
3792
e seul théologien depuis Calvin qui ait influencé
l’
ensemble des Églises protestantes, en Amérique comme en Europe, et que
3793
protestantes, en Amérique comme en Europe, et que
les
docteurs de Rome respectent et commentent. Carl Gustav Jung, dans le
3794
respectent et commentent. Carl Gustav Jung, dans
le
même temps (après sa rupture avec Freud), redécouvrait le phénomène r
3795
temps (après sa rupture avec Freud), redécouvrait
le
phénomène religieux dans toutes ses dimensions psychologiques, ethnog
3796
th veut définir ce qui est vrai « en Dieu » selon
la
Parole de Dieu, Jung recherche ce qui se passe en l’homme, selon les
3797
Parole de Dieu, Jung recherche ce qui se passe en
l’
homme, selon les mythes universels. L’un veut amener l’individu à l’ob
3798
Jung recherche ce qui se passe en l’homme, selon
les
mythes universels. L’un veut amener l’individu à l’obéissance au Dieu
3799
me, selon les mythes universels. L’un veut amener
l’
individu à l’obéissance au Dieu biblique et transcendant du dogme, l’a
3800
mythes universels. L’un veut amener l’individu à
l’
obéissance au Dieu biblique et transcendant du dogme, l’autre à l’appr
3801
Dieu biblique et transcendant du dogme, l’autre à
l’
appropriation personnelle de réalités animiques, collectives (qu’on lu
3802
eproche de mal définir) et qu’il a détectées dans
la
grande nuit des âges. Autant Barth refuse le phénomène religieux, inf
3803
dans la grande nuit des âges. Autant Barth refuse
le
phénomène religieux, infiniment polyvalent, pour mieux affirmer la se
3804
gieux, infiniment polyvalent, pour mieux affirmer
la
seule foi, autant Jung veut s’ouvrir aux messages chiffrés des religi
3805
vrir aux messages chiffrés des religions de toute
la
terre. L’un procède par exclusion, l’autre par inclusion. À certains
3806
romaine et grecque — il connaît et il redécouvre
la
valeur des rites et des symboles et il est tout le contraire d’un ico
3807
a valeur des rites et des symboles et il est tout
le
contraire d’un iconoclaste — mais quand il déclare, dans sa Réponse à
3808
mais quand il déclare, dans sa Réponse à Job, que
la
proclamation du dogme de l’Assomption de la Vierge en 1950 marque la
3809
sa Réponse à Job, que la proclamation du dogme de
l’
Assomption de la Vierge en 1950 marque la date la plus importante de l
3810
, que la proclamation du dogme de l’Assomption de
la
Vierge en 1950 marque la date la plus importante de l’histoire religi
3811
dogme de l’Assomption de la Vierge en 1950 marque
la
date la plus importante de l’histoire religieuse depuis la Réforme, P
3812
l’Assomption de la Vierge en 1950 marque la date
la
plus importante de l’histoire religieuse depuis la Réforme, Pie XII n
3813
erge en 1950 marque la date la plus importante de
l’
histoire religieuse depuis la Réforme, Pie XII n’a pas lieu de s’en ré
3814
a plus importante de l’histoire religieuse depuis
la
Réforme, Pie XII n’a pas lieu de s’en réjouir : car l’hommage de Jung
3815
forme, Pie XII n’a pas lieu de s’en réjouir : car
l’
hommage de Jung est rendu à la Sophia æterna de la mythologie gnostiqu
3816
s’en réjouir : car l’hommage de Jung est rendu à
la
Sophia æterna de la mythologie gnostique. Barth se veut strictement «
3817
l’hommage de Jung est rendu à la Sophia æterna de
la
mythologie gnostique. Barth se veut strictement « canonique » dans so
3818
ictement « canonique » dans son interprétation de
la
Bible, mais Jung se réfère aux livres apocryphes, non moins qu’à la «
3819
g se réfère aux livres apocryphes, non moins qu’à
la
« shakti » hindoue ou à l’Éternel féminin des mystiques hérétiques. P
3820
ryphes, non moins qu’à la « shakti » hindoue ou à
l’
Éternel féminin des mystiques hérétiques. Pour Barth, Dieu est le vis-
3821
in des mystiques hérétiques. Pour Barth, Dieu est
le
vis-à-vis de l’homme, le Tout Autre. Pour Jung, Dieu est une réalité
3822
hérétiques. Pour Barth, Dieu est le vis-à-vis de
l’
homme, le Tout Autre. Pour Jung, Dieu est une réalité psychique. Le th
3823
es. Pour Barth, Dieu est le vis-à-vis de l’homme,
le
Tout Autre. Pour Jung, Dieu est une réalité psychique. Le théologien
3824
Autre. Pour Jung, Dieu est une réalité psychique.
Le
théologien n’a que faire de la psychologie. Il la met entre parenthès
3825
réalité psychique. Le théologien n’a que faire de
la
psychologie. Il la met entre parenthèses pour ne considérer que la to
3826
Le théologien n’a que faire de la psychologie. Il
la
met entre parenthèses pour ne considérer que la totalité de l’existen
3827
l la met entre parenthèses pour ne considérer que
la
totalité de l’existence « en tant qu’objet soumis à la détermination
3828
parenthèses pour ne considérer que la totalité de
l’
existence « en tant qu’objet soumis à la détermination de la Parole de
3829
talité de l’existence « en tant qu’objet soumis à
la
détermination de la Parole de Dieu24 ». En revanche, le psychologue n
3830
e « en tant qu’objet soumis à la détermination de
la
Parole de Dieu24 ». En revanche, le psychologue n’a que faire des dog
3831
ermination de la Parole de Dieu24 ». En revanche,
le
psychologue n’a que faire des dogmes, sauf s’ils sont l’expression cr
3832
hologue n’a que faire des dogmes, sauf s’ils sont
l’
expression cristallisée d’un mythe, d’une situation archétypique, donc
3833
une situation archétypique, donc d’une réalité de
l’
âme, — et c’est précisément dans la mesure où ils seraient un mythe fi
3834
une réalité de l’âme, — et c’est précisément dans
la
mesure où ils seraient un mythe fixé que Barth les rejetterait. Le di
3835
la mesure où ils seraient un mythe fixé que Barth
les
rejetterait. Le dialogue entre ces deux hommes n’était même pas conce
3836
seraient un mythe fixé que Barth les rejetterait.
Le
dialogue entre ces deux hommes n’était même pas concevable, et de fai
3837
e certaine démesure, un grand théâtre, un sens de
la
pompe et du style, libre de tout souci d’application « morale », leur
3838
eussent été formellement refusés par nos coutumes
les
plus invétérées. En revanche, les grands noms cités dans ces pages ne
3839
ar nos coutumes les plus invétérées. En revanche,
les
grands noms cités dans ces pages ne seraient guère pensables hors du
3840
ables hors du complexe suisse. Et c’est à eux que
la
Suisse, en retour, doit une densité de conscience communautaire, mais
3841
té transformatrice dont on trouvera difficilement
l’
équivalent dans une autre région du monde d’étendue à peu près compara
3842
d’étendue à peu près comparable. S’expatrier. —
Les
acheteurs de pendules à coucou et de montres miniaturisées ignorent e
3843
de montres miniaturisées ignorent en général que
le
plus grand dôme du monde, Saint-Pierre de Rome, fut achevé par des ar
3844
des capitales en Inde ; qu’un troisième a donné à
l’
Amérique les deux ponts les plus longs du monde, le Golden Gate et le
3845
es en Inde ; qu’un troisième a donné à l’Amérique
les
deux ponts les plus longs du monde, le Golden Gate et le Washington B
3846
’un troisième a donné à l’Amérique les deux ponts
les
plus longs du monde, le Golden Gate et le Washington Bridge, Les Tess
3847
’Amérique les deux ponts les plus longs du monde,
le
Golden Gate et le Washington Bridge, Les Tessinois Maderno et Fontana
3848
ponts les plus longs du monde, le Golden Gate et
le
Washington Bridge, Les Tessinois Maderno et Fontana, le Romand Le Cor
3849
du monde, le Golden Gate et le Washington Bridge,
Les
Tessinois Maderno et Fontana, le Romand Le Corbusier, l’Alémanique Ot
3850
hington Bridge, Les Tessinois Maderno et Fontana,
le
Romand Le Corbusier, l’Alémanique Othmar Ammann, autant de Suisses qu
3851
inois Maderno et Fontana, le Romand Le Corbusier,
l’
Alémanique Othmar Ammann, autant de Suisses qui ont su voir grand — ma
3852
s chez eux. Lucien Febvre, admirable historien de
la
culture, écrivait à propos de la Suisse : « Pays de gens moyens, oui.
3853
ble historien de la culture, écrivait à propos de
la
Suisse : « Pays de gens moyens, oui. Mais quand ils réussissent à se
3854
leur canton — alors pas de milieu, ils atteignent
l’
universel. Au fond de son trou l’homme de Disentis, de Goeschenen, de
3855
, ils atteignent l’universel. Au fond de son trou
l’
homme de Disentis, de Goeschenen, de Viège, entre les hautes parois de
3856
homme de Disentis, de Goeschenen, de Viège, entre
les
hautes parois de sa prison. Mais s’il monte sur la montagne… Alors ce
3857
s hautes parois de sa prison. Mais s’il monte sur
la
montagne… Alors cette ivresse des sommets. L’intuition de la grandeur
3858
sur la montagne… Alors cette ivresse des sommets.
L’
intuition de la grandeur. Et plus d’obstacles devant la pensée. Le Sui
3859
… Alors cette ivresse des sommets. L’intuition de
la
grandeur. Et plus d’obstacles devant la pensée. Le Suisse s’appelle J
3860
uition de la grandeur. Et plus d’obstacles devant
la
pensée. Le Suisse s’appelle Jean-Jacques. Il s’appelle Germaine de St
3861
a grandeur. Et plus d’obstacles devant la pensée.
Le
Suisse s’appelle Jean-Jacques. Il s’appelle Germaine de Staël. Il s’a
3862
ans un autre domaine, Karl Barth. Son canton — ou
l’
Europe. » Et il est vrai que nos meilleurs esprits, hors de l’étroit c
3863
Et il est vrai que nos meilleurs esprits, hors de
l’
étroit compartiment natal, iront chercher dans les vertiges de la synt
3864
l’étroit compartiment natal, iront chercher dans
les
vertiges de la synthèse et dans les larges vues panoramiques les gran
3865
timent natal, iront chercher dans les vertiges de
la
synthèse et dans les larges vues panoramiques les grandes dimensions
3866
chercher dans les vertiges de la synthèse et dans
les
larges vues panoramiques les grandes dimensions qui leur manquent en
3867
la synthèse et dans les larges vues panoramiques
les
grandes dimensions qui leur manquent en Suisse25. Mais ce n’est pas e
3868
tôt son canton natal de Schwyz, Euler vécut dans
les
Allemagnes et à la cour de Russie, Jean de Müller à Vienne et à Berli
3869
l de Schwyz, Euler vécut dans les Allemagnes et à
la
cour de Russie, Jean de Müller à Vienne et à Berlin, Jean-Jacques, Mm
3870
ui, après de longs séjours loin du pays, ont fait
le
principal de leur carrière en Suisse, ce n’est pas la Suisse qui a dé
3871
rincipal de leur carrière en Suisse, ce n’est pas
la
Suisse qui a découvert et propagé leur nom dans le monde ; c’est au c
3872
a Suisse qui a découvert et propagé leur nom dans
le
monde ; c’est au contraire de l’étranger, des grands pays voisins ou
3873
gé leur nom dans le monde ; c’est au contraire de
l’
étranger, des grands pays voisins ou de l’Amérique, que leur réputatio
3874
aire de l’étranger, des grands pays voisins ou de
l’
Amérique, que leur réputation nous est revenue, comme importée. « Son
3875
us est revenue, comme importée. « Son canton — ou
l’
Europe », c’est la formule parfaite. Ainsi, pour l’homme de culture en
3876
mme importée. « Son canton — ou l’Europe », c’est
la
formule parfaite. Ainsi, pour l’homme de culture en tant que tel, le
3877
’Europe », c’est la formule parfaite. Ainsi, pour
l’
homme de culture en tant que tel, le stade national est sauté. Cas uni
3878
. Ainsi, pour l’homme de culture en tant que tel,
le
stade national est sauté. Cas unique, dans l’Europe moderne. J’ose y
3879
el, le stade national est sauté. Cas unique, dans
l’
Europe moderne. J’ose y voir le plus grand privilège des Suisses : que
3880
. Cas unique, dans l’Europe moderne. J’ose y voir
le
plus grand privilège des Suisses : quelle que soit leur petite patrie
3881
quelle que soit leur petite patrie locale, s’ils
la
dépassent c’est pour rejoindre immédiatement les grands courants cont
3882
s la dépassent c’est pour rejoindre immédiatement
les
grands courants continentaux ; parfois pour les déterminer. Condamnés
3883
t les grands courants continentaux ; parfois pour
les
déterminer. Condamnés à l’Europe en quelque sorte ; non, bien plutôt
3884
entaux ; parfois pour les déterminer. Condamnés à
l’
Europe en quelque sorte ; non, bien plutôt libres pour elle… 17. Cf
3885
e ; non, bien plutôt libres pour elle… 17. Cf.
l’
enquête Un jour en Suisse, 1964. 18. 300 000 Suisses vivent à l’étran
3886
ur en Suisse, 1964. 18. 300 000 Suisses vivent à
l’
étranger, soit 5 % de la population. Cette proportion est décroissante
3887
300 000 Suisses vivent à l’étranger, soit 5 % de
la
population. Cette proportion est décroissante : 10 % avant 1914, 7,5
3888
e par Franck Jotterand au cours d’une enquête sur
la
censure en Suisse. 21. « Le canton — ou l’Europe », comme disait Luc
3889
rs d’une enquête sur la censure en Suisse. 21. «
Le
canton — ou l’Europe », comme disait Lucien Febvre. À la sixième géné
3890
e sur la censure en Suisse. 21. « Le canton — ou
l’
Europe », comme disait Lucien Febvre. À la sixième génération des ancê
3891
énération des ancêtres de mon père, dont pourtant
les
parents et trois des grands-parents étaient de Neuchâtel, je trouve 3
3892
nces médicales et d’une écologie européenne avant
la
lettre : Paracelse. Théorie générale des sociétés humaines, dont le C
3893
lse. Théorie générale des sociétés humaines, dont
le
Contrat social n’est qu’un fragment : Rousseau. « Considérations sur
3894
t qu’un fragment : Rousseau. « Considérations sur
l’
Histoire du Monde » : Jakob Burckhardt. « Vue générale du genre humain
3895
générale : Ferdinand de Saussure. Psychologie de
l’
inconscient collectif, à l’échelle mondiale : C. G. Jung. j. Rougemo
3896
ussure. Psychologie de l’inconscient collectif, à
l’
échelle mondiale : C. G. Jung. j. Rougemont Denis de, « Le Suisse mo
3897
mondiale : C. G. Jung. j. Rougemont Denis de, «
Le
Suisse moyen et quelques autres », La Revue de Paris, Paris, mai 1965
3898
Denis de, « Le Suisse moyen et quelques autres »,
La
Revue de Paris, Paris, mai 1965, p. 53-64. k. Suivi de la notice sui
3899
de Paris, Paris, mai 1965, p. 53-64. k. Suivi de
la
notice suivante : « Ces pages paraîtront dans La Suisse ou l’histoir
3900
la notice suivante : « Ces pages paraîtront dans
La
Suisse ou l’histoire d’un peuple heureux chez Hachette. »
3901
vante : « Ces pages paraîtront dans La Suisse ou
l’
histoire d’un peuple heureux chez Hachette. »
3902
L’
avenir du fédéralisme (septembre 1969)l En 1863 paraissait le derni
3903
nd ouvrage de Proudhon, Du Principe fédératif, où
l’
on pouvait lire cette phrase devenue célèbre : « Le xixe siècle ouvri
3904
’on pouvait lire cette phrase devenue célèbre : «
Le
xixe siècle ouvrira l’ère des fédérations, ou l’humanité recommencer
3905
hrase devenue célèbre : « Le xixe siècle ouvrira
l’
ère des fédérations, ou l’humanité recommencera un purgatoire de mille
3906
Le xixe siècle ouvrira l’ère des fédérations, ou
l’
humanité recommencera un purgatoire de mille ans. » Dans quelle voie s
3907
gés après un siècle ? Celle des fédérations et de
l’
harmonie des peuples, ou celle d’une renaissance des particularismes n
3908
s particularismes nationaux ? Je répondrai : dans
les
deux à la fois, et cela n’est pas contradictoire. Un phénomène très g
3909
Un phénomène très général de convergence inspire
les
mouvements d’union continentale qui créent le Conseil de l’Europe et
3910
re les mouvements d’union continentale qui créent
le
Conseil de l’Europe et le Marché commun, puis leurs contreparties plu
3911
continentale qui créent le Conseil de l’Europe et
le
Marché commun, puis leurs contreparties plus ou moins réussies dans l
3912
s leurs contreparties plus ou moins réussies dans
l’
empire communiste COMECON, dans le monde arabe, en Afrique et en Améri
3913
s réussies dans l’empire communiste COMECON, dans
le
monde arabe, en Afrique et en Amérique latine, cependant qu’une volon
3914
lonté d’union mondiale anime les Nations unies et
l’
Unesco, le Conseil œcuménique des Églises et Vatican II. Simultanément
3915
ion mondiale anime les Nations unies et l’Unesco,
le
Conseil œcuménique des Églises et Vatican II. Simultanément, mais en
3916
utonomies et des volontés d’indépendance, inspire
les
mouvements de résurgences communalistes, régionalistes et nationalist
3917
l s’agisse de Nations en instance de divorce avec
l’
OTAN ou avec le Pacte de Varsovie, ou de nations au sens ancien du mot
3918
ations en instance de divorce avec l’OTAN ou avec
le
Pacte de Varsovie, ou de nations au sens ancien du mot, régions ou et
3919
u ethnies en révolte plus ou moins ouverte contre
le
contrat étatique (inégal à leurs yeux) que jadis ou naguère leur impo
3920
al à leurs yeux) que jadis ou naguère leur imposa
l’
élément formateur ou hégémonique de chacun de nos États unitaires. Ren
3921
nomiques nouvelles, et qui enfièvrent tour à tour
la
Bretagne, les Flandres ou le Pays basque. Convergences et diversific
3922
elles, et qui enfièvrent tour à tour la Bretagne,
les
Flandres ou le Pays basque. Convergences et diversification, exigenc
3923
fièvrent tour à tour la Bretagne, les Flandres ou
le
Pays basque. Convergences et diversification, exigence simultanée de
3924
entraînent des effets complémentaires, j’entends
le
dépassement de l’État-nation à la fois par en haut et par en bas, d’u
3925
fets complémentaires, j’entends le dépassement de
l’
État-nation à la fois par en haut et par en bas, d’une part, vers des
3926
s et, d’autre part, vers un fédéralisme régional.
La
victime de ce double mouvement contradictoire, c’est l’État-nation, t
3927
time de ce double mouvement contradictoire, c’est
l’
État-nation, tel qu’il est né de la Révolution et du Premier Empire, p
3928
ictoire, c’est l’État-nation, tel qu’il est né de
la
Révolution et du Premier Empire, produit de la confiscation d’une mys
3929
de la Révolution et du Premier Empire, produit de
la
confiscation d’une mystique — la nation — par un appareil administrat
3930
pire, produit de la confiscation d’une mystique —
la
nation — par un appareil administratif et policier — l’État. Un État
3931
ion — par un appareil administratif et policier —
l’
État. Un État plus ou moins nationalisé ou une nation étatisée, modèle
3932
oins nationalisé ou une nation étatisée, modèle :
la
France, bientôt imitée par presque toute l’Europe — et au xxe siècle
3933
èle : la France, bientôt imitée par presque toute
l’
Europe — et au xxe siècle, par une centaine de nations nouvelles. Cen
3934
ons nouvelles. Centralisé, atomisé et trituré par
les
dynamismes contraires du xxe siècle, l’État-nation européen nous app
3935
uré par les dynamismes contraires du xxe siècle,
l’
État-nation européen nous apparaît, tel que les accidents de l’Histoir
3936
le, l’État-nation européen nous apparaît, tel que
les
accidents de l’Histoire nous l’ont laissé, à la fois trop petit et gr
3937
européen nous apparaît, tel que les accidents de
l’
Histoire nous l’ont laissé, à la fois trop petit et grand. Il est trop
3938
pparaît, tel que les accidents de l’Histoire nous
l’
ont laissé, à la fois trop petit et grand. Il est trop petit pour assu
3939
e temps presque tous nos États centralisés — dans
la
mesure même où ils sont centralisés — se révèlent trop grands pour an
3940
centralisés — se révèlent trop grands pour animer
la
vie économique culturelle et surtout civique de leurs régions : celle
3941
urs régions : celles-ci se sentent exploitées par
l’
État, ses bureaux ou sa capitale, et les accusent de colonialisme. Il
3942
oitées par l’État, ses bureaux ou sa capitale, et
les
accusent de colonialisme. Il est certain que la prétention à une poli
3943
les accusent de colonialisme. Il est certain que
la
prétention à une politique indépendante, au plein sens du terme, ne s
3944
u plein sens du terme, ne saurait être soutenue à
la
rigueur que par la Chine, l’URSS et surtout les USA, s’ils acceptaien
3945
me, ne saurait être soutenue à la rigueur que par
la
Chine, l’URSS et surtout les USA, s’ils acceptaient toutefois d’en pa
3946
rait être soutenue à la rigueur que par la Chine,
l’
URSS et surtout les USA, s’ils acceptaient toutefois d’en payer le pri
3947
à la rigueur que par la Chine, l’URSS et surtout
les
USA, s’ils acceptaient toutefois d’en payer le prix, lequel serait ce
3948
t les USA, s’ils acceptaient toutefois d’en payer
le
prix, lequel serait celui d’une autarcie presque totale ou d’une sort
3949
ou d’une sorte d’isolation paranoïaque. En fait,
les
États-Unis, quoique de loin les plus forts, dépendent autant de l’opi
3950
noïaque. En fait, les États-Unis, quoique de loin
les
plus forts, dépendent autant de l’opinion mondiale que celle-ci du do
3951
oique de loin les plus forts, dépendent autant de
l’
opinion mondiale que celle-ci du dollar ou de la télévision. Une inter
3952
e l’opinion mondiale que celle-ci du dollar ou de
la
télévision. Une interdépendance universelle dans tous ordres tend à r
3953
dance universelle dans tous ordres tend à réduire
l’
indépendance d’un État à une certaine liberté dans le choix de ses dép
3954
ndépendance d’un État à une certaine liberté dans
le
choix de ses dépendances, à un certain jeu dans l’aménagement de ses
3955
e choix de ses dépendances, à un certain jeu dans
l’
aménagement de ses réseaux de relations plus ou moins contraignantes.
3956
crise permanente. 855 votes en quelques années à
la
Chambre italienne sur le règlement du statut des régions autonomes. R
3957
tes en quelques années à la Chambre italienne sur
le
règlement du statut des régions autonomes. Risque d’éclatement de la
3958
tut des régions autonomes. Risque d’éclatement de
la
Belgique. En France, floraison de projets officiels ou révolutionnair
3959
iciels ou révolutionnaires tendant à régionaliser
l’
Hexagone. Succès spectaculaires, aux dernières élections, des autonomi
3960
e mais profonde. Plasticages à Saint-Brieuc, dans
le
Tyrol du Sud, à Louvain et dans le Jura bernois. Mais en même temps,
3961
t-Brieuc, dans le Tyrol du Sud, à Louvain et dans
le
Jura bernois. Mais en même temps, multiplication des jumelages europé
3962
nismes de coopérations multinationales du type de
la
Regio Basiliensis, unions professionnelles et industrielles tendant d
3963
essionnelles et industrielles tendant dévaloriser
les
frontières… À tous les coups, c’est donc l’État-nation qui perd. Il n
3964
ielles tendant dévaloriser les frontières… À tous
les
coups, c’est donc l’État-nation qui perd. Il ne correspond plus ni au
3965
iser les frontières… À tous les coups, c’est donc
l’
État-nation qui perd. Il ne correspond plus ni aux conditions de liber
3966
e des communautés ou cités libres, comme Rousseau
l’
avait si bien vu ; ni aux conditions de développement, de rentabilité
3967
re que de grands espaces économiques constitués à
la
mesure des possibilités et des besoins de l’ère scientifico-technique
3968
és à la mesure des possibilités et des besoins de
l’
ère scientifico-technique. Cet échec de la politique centralisatrice e
3969
oins de l’ère scientifico-technique. Cet échec de
la
politique centralisatrice et unitaire, secrètement obsédée par un rêv
3970
t cette mise en question, voire en accusation, de
la
formule stato-nationale élaborée par le xixe siècle, nous renvoient
3971
ation, de la formule stato-nationale élaborée par
le
xixe siècle, nous renvoient l’un comme l’autre à des formules de typ
3972
mme l’autre à des formules de type fédéraliste. À
la
question que je me posais sur la prophétie proudhonienne, voici donc
3973
e fédéraliste. À la question que je me posais sur
la
prophétie proudhonienne, voici donc une première réponse : oui, nous
3974
entiellement fédéraliste. Peut-on dire plus ? Sur
les
quelque cent-trente nations souveraines qui divisent notre humanité,
3975
s d’États fédératifs, mais ils regroupent 40 % de
la
population du globe, et il est frappant de constater qu’on trouve par
3976
est frappant de constater qu’on trouve parmi eux
les
plus grands États des cinq continents et les plus modernes — ainsi le
3977
eux les plus grands États des cinq continents et
les
plus modernes — ainsi les États-Unis, le Mexique et le Brésil pour le
3978
des cinq continents et les plus modernes — ainsi
les
États-Unis, le Mexique et le Brésil pour les trois Amériques, le Nigé
3979
ents et les plus modernes — ainsi les États-Unis,
le
Mexique et le Brésil pour les trois Amériques, le Nigéria en Afrique,
3980
us modernes — ainsi les États-Unis, le Mexique et
le
Brésil pour les trois Amériques, le Nigéria en Afrique, l’Allemagne p
3981
insi les États-Unis, le Mexique et le Brésil pour
les
trois Amériques, le Nigéria en Afrique, l’Allemagne pour l’Europe de
3982
le Mexique et le Brésil pour les trois Amériques,
le
Nigéria en Afrique, l’Allemagne pour l’Europe de l’Ouest et la Yougos
3983
pour les trois Amériques, le Nigéria en Afrique,
l’
Allemagne pour l’Europe de l’Ouest et la Yougoslavie pour celle de l’E
3984
mériques, le Nigéria en Afrique, l’Allemagne pour
l’
Europe de l’Ouest et la Yougoslavie pour celle de l’Est, et au-delà, l
3985
Afrique, l’Allemagne pour l’Europe de l’Ouest et
la
Yougoslavie pour celle de l’Est, et au-delà, l’URSS, l’Inde et l’Aust
3986
Europe de l’Ouest et la Yougoslavie pour celle de
l’
Est, et au-delà, l’URSS, l’Inde et l’Australie. Voilà qui réfute le cl
3987
t la Yougoslavie pour celle de l’Est, et au-delà,
l’
URSS, l’Inde et l’Australie. Voilà qui réfute le cliché du fédéralisme
3988
goslavie pour celle de l’Est, et au-delà, l’URSS,
l’
Inde et l’Australie. Voilà qui réfute le cliché du fédéralisme « désue
3989
our celle de l’Est, et au-delà, l’URSS, l’Inde et
l’
Australie. Voilà qui réfute le cliché du fédéralisme « désuet ». Mais
3990
, l’URSS, l’Inde et l’Australie. Voilà qui réfute
le
cliché du fédéralisme « désuet ». Mais l’étiquette fédérale couvre de
3991
réfute le cliché du fédéralisme « désuet ». Mais
l’
étiquette fédérale couvre des marchandises de qualités pour le moins d
3992
fédérale couvre des marchandises de qualités pour
le
moins diverses selon qu’il s’agit par exemple de l’empire soviétique,
3993
moins diverses selon qu’il s’agit par exemple de
l’
empire soviétique, du Nigéria, ou de la Confédération suisse. Car la d
3994
exemple de l’empire soviétique, du Nigéria, ou de
la
Confédération suisse. Car la double exigence antinomique de la conver
3995
e, du Nigéria, ou de la Confédération suisse. Car
la
double exigence antinomique de la convergence et de la diversificatio
3996
ion suisse. Car la double exigence antinomique de
la
convergence et de la diversification n’est pas tellement mieux satisf
3997
uble exigence antinomique de la convergence et de
la
diversification n’est pas tellement mieux satisfaite dans ces trois É
3998
es trois États officiellement fédératifs que dans
les
nations unitaires : en URSS, ce sont les autonomies régionales et les
3999
que dans les nations unitaires : en URSS, ce sont
les
autonomies régionales et les diversités religieuses et politiques qui
4000
s : en URSS, ce sont les autonomies régionales et
les
diversités religieuses et politiques qui sont opprimées par l’État ce
4001
religieuses et politiques qui sont opprimées par
l’
État central dont un Parti unique s’est emparé ; au Nigéria, c’est au
4002
s qui s’érige en État unitaire ; en Suisse, c’est
le
régime fédératif lui-même qui se voit invoqué (non sans paradoxe d’ai
4003
même s’ils disent s’inspirer du propre exemple de
la
fédération des cantons suisses ! Il est certain que dans ces trois ca
4004
l est certain que dans ces trois cas, c’est moins
le
fédéralisme qu’on est en droit d’incriminer que sa trahison pure et s
4005
fédéralisme, mais d’un défaut de fédéralisme. Et
l’
on est en droit de penser que l’application correcte de la méthode féd
4006
e fédéralisme. Et l’on est en droit de penser que
l’
application correcte de la méthode fédéraliste rétablirait bientôt ce
4007
en droit de penser que l’application correcte de
la
méthode fédéraliste rétablirait bientôt ce double mouvement de diasto
4008
s locales et vers des unions plus vastes, qui est
le
battement même du cœur d’un régime sain, j’entends immunisé contre le
4009
cœur d’un régime sain, j’entends immunisé contre
le
virus totalitaire. Mais si le fédéralisme apparaît bien comme le remè
4010
nds immunisé contre le virus totalitaire. Mais si
le
fédéralisme apparaît bien comme le remède spécifique au stato-nationa
4011
taire. Mais si le fédéralisme apparaît bien comme
le
remède spécifique au stato-nationalisme, il faudrait avant de le pres
4012
fique au stato-nationalisme, il faudrait avant de
le
prescrire, être très sûr de sa formule. Or je ne vois pas terme du la
4013
us ! Un Français cultivé qui demande à son Littré
le
sens du mot fédéralisme trouve ceci : « Fédéralisme : s. m. Néologism
4014
te définition est assurément moins éclairante que
les
deux citations qui l’illustrent : 1) « Le fédéralisme était une des f
4015
ément moins éclairante que les deux citations qui
l’
illustrent : 1) « Le fédéralisme était une des formes politiques les p
4016
te que les deux citations qui l’illustrent : 1) «
Le
fédéralisme était une des formes politiques les plus communes employé
4017
« Le fédéralisme était une des formes politiques
les
plus communes employées par les sauvages. » Chateaubriand, Amérique,
4018
formes politiques les plus communes employées par
les
sauvages. » Chateaubriand, Amérique, Gouvernement. 2) « Pendant la Ré
4019
ateaubriand, Amérique, Gouvernement. 2) « Pendant
la
Révolution, projet attribué aux girondins de rompre l’unité nationale
4020
volution, projet attribué aux girondins de rompre
l’
unité nationale et de transformer la France en une fédération de petit
4021
ins de rompre l’unité nationale et de transformer
la
France en une fédération de petits États. » Pour le Français cultivé,
4022
France en une fédération de petits États. » Pour
le
Français cultivé, donc, la cause est jugée. Il s’agit d’un système qu
4023
e petits États. » Pour le Français cultivé, donc,
la
cause est jugée. Il s’agit d’un système qui est bon pour les sauvages
4024
st jugée. Il s’agit d’un système qui est bon pour
les
sauvages, et qui semble n’avoir été préconisé que par des traîtres à
4025
mble n’avoir été préconisé que par des traîtres à
la
République… Il est vrai que mon Littré date de 1865 : « fédéralisme »
4026
ualifié de « néologisme ». C’était deux ans après
le
livre de Proudhon. Depuis lors, les centaines d’études et de gros vol
4027
deux ans après le livre de Proudhon. Depuis lors,
les
centaines d’études et de gros volumes parus sur le sujet auraient dû
4028
s centaines d’études et de gros volumes parus sur
le
sujet auraient dû suffire, semble-t-il, à clarifier un terme que le p
4029
dû suffire, semble-t-il, à clarifier un terme que
le
problème européen et nos situations nationales nous amènent à utilise
4030
nt à utiliser quotidiennement. Mais pas du tout :
le
malheur congénital du fédéralisme reste d’être un concept dialectique
4031
éen qu’une journée fût réservée à des travaux sur
le
fédéralisme. Le représentant du Conseil de l’Europe tint à déclarer a
4032
ée fût réservée à des travaux sur le fédéralisme.
Le
représentant du Conseil de l’Europe tint à déclarer aussitôt que le t
4033
Conseil de l’Europe tint à déclarer aussitôt que
le
terme de fédéralisme étant tabou à Strasbourg, il se verrait obligé d
4034
bou à Strasbourg, il se verrait obligé de quitter
le
comité si l’on adoptait ma proposition. Je compris par la suite que c
4035
urg, il se verrait obligé de quitter le comité si
l’
on adoptait ma proposition. Je compris par la suite que ce haut foncti
4036
é si l’on adoptait ma proposition. Je compris par
la
suite que ce haut fonctionnaire tenait le fédéralisme pour un système
4037
ris par la suite que ce haut fonctionnaire tenait
le
fédéralisme pour un système d’unification intégrale, sans respect pou
4038
ystème d’unification intégrale, sans respect pour
les
diversités et les autonomies des pays membres, c’est-à-dire très exac
4039
on intégrale, sans respect pour les diversités et
les
autonomies des pays membres, c’est-à-dire très exactement le contrair
4040
es des pays membres, c’est-à-dire très exactement
le
contraire de ce qu’il est. À l’inverse, le fédéralisme est assimilé p
4041
e très exactement le contraire de ce qu’il est. À
l’
inverse, le fédéralisme est assimilé par beaucoup à une attitude de su
4042
tement le contraire de ce qu’il est. À l’inverse,
le
fédéralisme est assimilé par beaucoup à une attitude de suspicion env
4043
de de suspicion envers tout pouvoir central, et à
la
défense ombrageuse des autonomies locales ou régionales. C’est ainsi
4044
uropéen, écrivait récemment : « Ce n’est pas dans
le
fédéralisme, ce n’est pas en se repliant sur elle-même que la Walloni
4045
me, ce n’est pas en se repliant sur elle-même que
la
Wallonie trouvera son salut. » Plus étonnant encore, en Suisse même,
4046
sse même, il y a quelques années, on put entendre
le
recteur d’une de nos universités cantonales condamner le principe d’u
4047
eur d’une de nos universités cantonales condamner
le
principe d’une subvention fédérale « parce qu’ici, disait-il, nous so
4048
mes fédéralistes ! » Si pareils malentendus sont
le
fait d’Européens professionnels ou de gardiens jaloux des traditions
4049
x des traditions helvètes, que sera-ce ailleurs ?
Le
fédéralisme n’étant ni ceci, ni cela, mais la coexistence en tension
4050
s ? Le fédéralisme n’étant ni ceci, ni cela, mais
la
coexistence en tension de ceci et de cela, il semble que le danger d’
4051
ence en tension de ceci et de cela, il semble que
le
danger d’interprétations partielles, donc ruineuses dans son cas, lui
4052
pour ainsi dire congénital. Or s’il est vrai que
l’
union de l’Europe est l’entreprise capitale de siècle, et s’il est vra
4053
dire congénital. Or s’il est vrai que l’union de
l’
Europe est l’entreprise capitale de siècle, et s’il est vraisemblable
4054
tal. Or s’il est vrai que l’union de l’Europe est
l’
entreprise capitale de siècle, et s’il est vraisemblable que cette uni
4055
union sera fédérale ou ne sera pas, on sent tous
les
dangers qu’entraînent en fait les malentendus que j’ai dits, et par s
4056
s, on sent tous les dangers qu’entraînent en fait
les
malentendus que j’ai dits, et par suite l’importance pratique de tout
4057
fait les malentendus que j’ai dits, et par suite
l’
importance pratique de tout effort de clarification des concepts de fé
4058
is maintenant proposer quelques définitions, puis
les
relier à des situations contemporaines choisies dans les domaines les
4059
ier à des situations contemporaines choisies dans
les
domaines les plus variés et les moins politiques au sens étroit du mo
4060
uations contemporaines choisies dans les domaines
les
plus variés et les moins politiques au sens étroit du mot. ⁂ Tout d’a
4061
nes choisies dans les domaines les plus variés et
les
moins politiques au sens étroit du mot. ⁂ Tout d’abord, trois définit
4062
également valables et vitales, de telle sorte que
la
solution ne puisse être cherchée, ni dans la réduction de l’un des te
4063
que la solution ne puisse être cherchée, ni dans
la
réduction de l’un des termes, ni dans la subordination de l’un à l’au
4064
ni dans la réduction de l’un des termes, ni dans
la
subordination de l’un à l’autre, mais seulement dans une création qui
4065
ne création qui englobe, satisfasse et transcende
les
exigences de l’un et de l’autre. J’appellerai donc solution fédéralis
4066
toute solution qui prend pour règle de respecter
les
deux termes antinomiques en conflit tout en les composant de telle ma
4067
r les deux termes antinomiques en conflit tout en
les
composant de telle manière que la résultante de leur tension soit pos
4068
onflit tout en les composant de telle manière que
la
résultante de leur tension soit positive. (On dirait, dans le langage
4069
e de leur tension soit positive. (On dirait, dans
le
langage de la théorie des jeux de von Neumann et Morgenstern, qu’il s
4070
ion soit positive. (On dirait, dans le langage de
la
théorie des jeux de von Neumann et Morgenstern, qu’il s’agit de déter
4071
eumann et Morgenstern, qu’il s’agit de déterminer
l’
optimum en lequel se concilient deux maxima contradictoires, — comme l
4072
e concilient deux maxima contradictoires, — comme
l’
offre et la demande dans un prix.) L’ensemble des problèmes et des sol
4073
t deux maxima contradictoires, — comme l’offre et
la
demande dans un prix.) L’ensemble des problèmes et des solutions ains
4074
res, — comme l’offre et la demande dans un prix.)
L’
ensemble des problèmes et des solutions ainsi définis constitue ce que
4075
utions ainsi définis constitue ce que je nommerai
la
politique fédéraliste, au sens le plus large du terme. Avant de cherc
4076
que je nommerai la politique fédéraliste, au sens
le
plus large du terme. Avant de chercher à quel type d’homme correspond
4077
ensée, une structure de relations bipolaires dont
le
« modèle » nous est connu : c’est celui qu’ont élaboré les fondateurs
4078
èle » nous est connu : c’est celui qu’ont élaboré
les
fondateurs de la philosophie occidentale dans le dialogue opposant le
4079
nu : c’est celui qu’ont élaboré les fondateurs de
la
philosophie occidentale dans le dialogue opposant les éléates aux ion
4080
les fondateurs de la philosophie occidentale dans
le
dialogue opposant les éléates aux ioniens au sujet de l’antinomie fon
4081
philosophie occidentale dans le dialogue opposant
les
éléates aux ioniens au sujet de l’antinomie fondamentale de l’Un et d
4082
ogue opposant les éléates aux ioniens au sujet de
l’
antinomie fondamentale de l’Un et du Divers, ou encore de la permanenc
4083
e fondamentale de l’Un et du Divers, ou encore de
la
permanence et du changement. Parallèlement se constituaient les premi
4084
ent se constituaient les premières définitions de
l’
homme comme individu distinct, et de la cité ou auto-nomie (littéralem
4085
nitions de l’homme comme individu distinct, et de
la
cité ou auto-nomie (littéralement auto-réglage) comme cellule de base
4086
l : devant ce même problème de l’Un et du divers,
les
métaphysiques orientales prennent le parti de supprimer le conflit en
4087
du divers, les métaphysiques orientales prennent
le
parti de supprimer le conflit en réduisant l’un de ses termes — le Di
4088
ysiques orientales prennent le parti de supprimer
le
conflit en réduisant l’un de ses termes — le Divers — au prix d’une l
4089
imer le conflit en réduisant l’un de ses termes —
le
Divers — au prix d’une longue ascèse exténuante. Pour le brahmane, po
4090
rs — au prix d’une longue ascèse exténuante. Pour
le
brahmane, pour le bouddhiste, le but est d’effacer l’individu, la dif
4091
longue ascèse exténuante. Pour le brahmane, pour
le
bouddhiste, le but est d’effacer l’individu, la différence, de tout f
4092
exténuante. Pour le brahmane, pour le bouddhiste,
le
but est d’effacer l’individu, la différence, de tout fondre dans l’Un
4093
rahmane, pour le bouddhiste, le but est d’effacer
l’
individu, la différence, de tout fondre dans l’Un sans distinction. Ma
4094
r le bouddhiste, le but est d’effacer l’individu,
la
différence, de tout fondre dans l’Un sans distinction. Mais l’Occiden
4095
, de tout fondre dans l’Un sans distinction. Mais
l’
Occident, dès l’aube grecque, cherche à maintenir les deux termes non
4096
dans l’Un sans distinction. Mais l’Occident, dès
l’
aube grecque, cherche à maintenir les deux termes non pas en équilibre
4097
Occident, dès l’aube grecque, cherche à maintenir
les
deux termes non pas en équilibre neutre, mais bien en tension créatri
4098
neutre, mais bien en tension créatrice, et c’est
le
succès de cet effort toujours renouvelé toujours menacé, qui dénote l
4099
rt toujours renouvelé toujours menacé, qui dénote
la
santé de la pensée européenne, sa justesse, sa mesure conquise sur le
4100
renouvelé toujours menacé, qui dénote la santé de
la
pensée européenne, sa justesse, sa mesure conquise sur le chaos de la
4101
e européenne, sa justesse, sa mesure conquise sur
le
chaos de la masse indistincte autant que sur l’anarchie des individus
4102
, sa justesse, sa mesure conquise sur le chaos de
la
masse indistincte autant que sur l’anarchie des individus isolés, qu’
4103
r le chaos de la masse indistincte autant que sur
l’
anarchie des individus isolés, qu’il s’agisse de réalités métaphysique
4104
ues ou politiques. Ce qui s’oppose coopère, et de
la
lutte des contraires procède la plus belle harmonie, dit un fragment
4105
se coopère, et de la lutte des contraires procède
la
plus belle harmonie, dit un fragment célèbre d’Héraclite. L’art et la
4106
le harmonie, dit un fragment célèbre d’Héraclite.
L’
art et la science de cette mise en tension, de cette composition de ré
4107
ie, dit un fragment célèbre d’Héraclite. L’art et
la
science de cette mise en tension, de cette composition de réalités co
4108
également valables, voilà je crois ce qui définit
l’
apport original et spécifique de la pensée occidentale ; or cette défi
4109
ce qui définit l’apport original et spécifique de
la
pensée occidentale ; or cette définition vaut également et intégralem
4110
e définition vaut également et intégralement pour
le
fédéralisme, du moins tel que je l’entends, après avoir valu pour la
4111
ralement pour le fédéralisme, du moins tel que je
l’
entends, après avoir valu pour la Grèce des grands siècles avec sa dia
4112
moins tel que je l’entends, après avoir valu pour
la
Grèce des grands siècles avec sa dialectique de l’individu et de la c
4113
a Grèce des grands siècles avec sa dialectique de
l’
individu et de la cité, conciliée dans la notion de citoyen. Mais le m
4114
s siècles avec sa dialectique de l’individu et de
la
cité, conciliée dans la notion de citoyen. Mais le moment crucial de
4115
tique de l’individu et de la cité, conciliée dans
la
notion de citoyen. Mais le moment crucial de toute l’évolution spécif
4116
a cité, conciliée dans la notion de citoyen. Mais
le
moment crucial de toute l’évolution spécifiquement occidentale vers l
4117
otion de citoyen. Mais le moment crucial de toute
l’
évolution spécifiquement occidentale vers l’approfondissement et l’exp
4118
toute l’évolution spécifiquement occidentale vers
l’
approfondissement et l’expansion du modèle des contraires en tension c
4119
fiquement occidentale vers l’approfondissement et
l’
expansion du modèle des contraires en tension créatrice, nous le trouv
4120
modèle des contraires en tension créatrice, nous
le
trouvons dans le christianisme des grands conciles. À Nicée, puis à C
4121
aires en tension créatrice, nous le trouvons dans
le
christianisme des grands conciles. À Nicée, puis à Chalcédoine, plusi
4122
docteurs se mettent d’accord pour définir en grec
la
nature à la foi triple et une du Dieu Père, Fils et Saint-Esprit, et
4123
mettent d’accord pour définir en grec la nature à
la
foi triple et une du Dieu Père, Fils et Saint-Esprit, et la personne
4124
ple et une du Dieu Père, Fils et Saint-Esprit, et
la
personne à la fois une et double de Jésus-Christ. Et ils écrivent : «
4125
en deux natures, sans confusion (ni) séparation.
L’
union n’a pas supprimé la différence des natures, mais plutôt elle a s
4126
nfusion (ni) séparation. L’union n’a pas supprimé
la
différence des natures, mais plutôt elle a sauvegardé les propriétés
4127
érence des natures, mais plutôt elle a sauvegardé
les
propriétés de chaque nature, qui se rencontrent dans une seule person
4128
t dans une seule personne… » Abstraction faite de
la
foi que l’on accorde ou non à la substance de ces énoncés, je retiens
4129
seule personne… » Abstraction faite de la foi que
l’
on accorde ou non à la substance de ces énoncés, je retiens que leurs
4130
raction faite de la foi que l’on accorde ou non à
la
substance de ces énoncés, je retiens que leurs formes et structures p
4131
nt donc une société et une politique. De même que
le
modèle trinitaire des conciles sera utilisé par Kepler dans ses spécu
4132
sera utilisé par Kepler dans ses spéculations sur
le
cercle et leurs applications à l’astronomie, ou par Hegel dans sa dia
4133
péculations sur le cercle et leurs applications à
l’
astronomie, ou par Hegel dans sa dialectique ternaire et ses applicati
4134
evenir historico-politique — source principale de
la
méthode marxienne — de même le modèle de la co-existence des deux nat
4135
urce principale de la méthode marxienne — de même
le
modèle de la co-existence des deux natures sans confusion ni séparati
4136
le de la méthode marxienne — de même le modèle de
la
co-existence des deux natures sans confusion ni séparation et de l’un
4137
s deux natures sans confusion ni séparation et de
l’
union qui loin de supprimer la différence des natures sauvegarde leurs
4138
ni séparation et de l’union qui loin de supprimer
la
différence des natures sauvegarde leurs propriétés 26 sera repris par
4139
uvegarde leurs propriétés 26 sera repris par tous
les
penseurs occidentaux respectueux du réel et des conditions de la vie,
4140
identaux respectueux du réel et des conditions de
la
vie, qui sont : antinomies, oppositions, lutte des contraires « d’où
4141
oppositions, lutte des contraires « d’où procède
la
plus belle harmonie ». Je pense d’abord, bien sûr, aux esprits dialec
4142
entes de physiciens et de logiciens pour lesquels
la
complémentarité de phénomènes, définis comme exclusifs l’un de l’autr
4143
pense notamment aux théories de L. de Broglie sur
la
lumière, faite de vrais corpuscules mais aussi de vraies ondes…) ⁂ No
4144
⁂ Notre modèle de pensée fédéraliste ainsi posé à
la
clé de l’histoire européenne, il reste à repérer les principaux domai
4145
dèle de pensée fédéraliste ainsi posé à la clé de
l’
histoire européenne, il reste à repérer les principaux domaines de la
4146
clé de l’histoire européenne, il reste à repérer
les
principaux domaines de la réalité moderne où l’on retrouve les struct
4147
ne, il reste à repérer les principaux domaines de
la
réalité moderne où l’on retrouve les structures typiques d’un problèm
4148
les principaux domaines de la réalité moderne où
l’
on retrouve les structures typiques d’un problème fédéraliste. À la ba
4149
x domaines de la réalité moderne où l’on retrouve
les
structures typiques d’un problème fédéraliste. À la base de notre ana
4150
structures typiques d’un problème fédéraliste. À
la
base de notre analyse, plaçons une conception de l’homme analogue au
4151
base de notre analyse, plaçons une conception de
l’
homme analogue au modèle bipolaire posé par le concile de Chalcédoine.
4152
de l’homme analogue au modèle bipolaire posé par
le
concile de Chalcédoine. La personne humaine, notion déduite des dogme
4153
èle bipolaire posé par le concile de Chalcédoine.
La
personne humaine, notion déduite des dogmes relatifs aux trois Person
4154
surtout à la deuxième, va nous servir de module.
La
personne humaine, c’est l’homme considéré dans sa double réalité d’in
4155
nous servir de module. La personne humaine, c’est
l’
homme considéré dans sa double réalité d’individu distinct et de citoy
4156
ité d’individu distinct et de citoyen engagé dans
la
société. Pourvu de libertés mais de responsabilités, solitaire et sol
4157
de responsabilités, solitaire et solidaire (selon
le
mot de Victor Hugo repris par Camus), distingué du troupeau par cette
4158
istingué du troupeau par cette vocation même dont
l’
exercice le relie à la communauté, cet homme se constitue dans la dial
4159
troupeau par cette vocation même dont l’exercice
le
relie à la communauté, cet homme se constitue dans la dialectique des
4160
ar cette vocation même dont l’exercice le relie à
la
communauté, cet homme se constitue dans la dialectique des contraires
4161
elie à la communauté, cet homme se constitue dans
la
dialectique des contraires. Et ce caractère va se transmettre à tous
4162
traires. Et ce caractère va se transmettre à tous
les
groupes qu’il formera avec d’autres hommes, ses semblables. Ces group
4163
l’un n’ira pas sans l’autre, bien mieux : l’un —
la
solidarité — sera la garantie de l’autre — l’autonomie. Quelques exem
4164
l’autre, bien mieux : l’un — la solidarité — sera
la
garantie de l’autre — l’autonomie. Quelques exemples : 1. Le problème
4165
n — la solidarité — sera la garantie de l’autre —
l’
autonomie. Quelques exemples : 1. Le problème des universités résulte
4166
de l’autre — l’autonomie. Quelques exemples : 1.
Le
problème des universités résulte d’un couple d’exigences contradictoi
4167
l’autre, quoique indispensables l’une à l’autre :
la
spécialisation et la culture générale. 2. Les problèmes actuels de l’
4168
spensables l’une à l’autre : la spécialisation et
la
culture générale. 2. Les problèmes actuels de l’habitat et de l’urban
4169
re : la spécialisation et la culture générale. 2.
Les
problèmes actuels de l’habitat et de l’urbanisme résultent de la croi
4170
la culture générale. 2. Les problèmes actuels de
l’
habitat et de l’urbanisme résultent de la croissante difficulté de sat
4171
rale. 2. Les problèmes actuels de l’habitat et de
l’
urbanisme résultent de la croissante difficulté de satisfaire les exig
4172
tuels de l’habitat et de l’urbanisme résultent de
la
croissante difficulté de satisfaire les exigences, également valables
4173
sultent de la croissante difficulté de satisfaire
les
exigences, également valables mais également frustrées dans les grand
4174
également valables mais également frustrées dans
les
grands ensembles, de solitude et de sociabilité, de recueillement et
4175
bilité, de recueillement et de communication avec
les
autres. 3. Au niveau de la vie civique et politique, tout le problème
4176
de communication avec les autres. 3. Au niveau de
la
vie civique et politique, tout le problème revient à concilier les be
4177
3. Au niveau de la vie civique et politique, tout
le
problème revient à concilier les besoins contraires mais vitaux d’aut
4178
t politique, tout le problème revient à concilier
les
besoins contraires mais vitaux d’autonomie locale et de grands espace
4179
ands espaces communs, de participation efficace à
la
vie d’un groupe concret et d’horizons ouverts, d’adhésion à des commu
4180
res qui rassurent, d’enracinement et de mobilité…
La
situation de l’homme qui veut à la fois sa vie privée et une vie soci
4181
t, d’enracinement et de mobilité… La situation de
l’
homme qui veut à la fois sa vie privée et une vie sociale est homologu
4182
sa vie privée et une vie sociale est homologue à
la
situation de la région qui veut à la fois son autonomie et sa partici
4183
t une vie sociale est homologue à la situation de
la
région qui veut à la fois son autonomie et sa participation à un plus
4184
un plus grand ensemble, en association. 4. Enfin,
le
problème général de l’œcuménisme n’est-il pas le même en sa forme que
4185
en association. 4. Enfin, le problème général de
l’
œcuménisme n’est-il pas le même en sa forme que ceux que nous venons d
4186
le problème général de l’œcuménisme n’est-il pas
le
même en sa forme que ceux que nous venons d’évoquer, puisqu’il consis
4187
siste à concilier des confessions distinctes dans
l’
unité de l’Église, c’est-à-dire en dernière analyse, des vocations par
4188
cilier des confessions distinctes dans l’unité de
l’
Église, c’est-à-dire en dernière analyse, des vocations particulières
4189
e analyse, des vocations particulières au sein de
l’
Être même de l’Universel, source et fin de toute communauté. Dans tous
4190
vocations particulières au sein de l’Être même de
l’
Universel, source et fin de toute communauté. Dans tous ces domaines d
4191
Dans tous ces domaines d’existence, quels seront
les
principes de méthode dictés par le souci fédéraliste de respect des d
4192
quels seront les principes de méthode dictés par
le
souci fédéraliste de respect des diversités, des conditions contradic
4193
des diversités, des conditions contradictoires de
la
vie, comme la liberté des personnes et la force de la communauté ? L’
4194
, des conditions contradictoires de la vie, comme
la
liberté des personnes et la force de la communauté ? L’analyse fédéra
4195
ires de la vie, comme la liberté des personnes et
la
force de la communauté ? L’analyse fédéraliste d’une situation part d
4196
ie, comme la liberté des personnes et la force de
la
communauté ? L’analyse fédéraliste d’une situation part du concret, e
4197
erté des personnes et la force de la communauté ?
L’
analyse fédéraliste d’une situation part du concret, en ce sens que d’
4198
du concret, en ce sens que d’abord elle considère
la
nature d’une tâche ou d’une fonction particulière dont on aura reconn
4199
d’une fonction particulière dont on aura reconnu
la
nécessité ou l’agrément. Deuxième étape : elle évalue les dimensions
4200
particulière dont on aura reconnu la nécessité ou
l’
agrément. Deuxième étape : elle évalue les dimensions optima de l’aire
4201
ssité ou l’agrément. Deuxième étape : elle évalue
les
dimensions optima de l’aire d’exécution requise et elle le fait en fo
4202
ième étape : elle évalue les dimensions optima de
l’
aire d’exécution requise et elle le fait en fonction des trois facteur
4203
ions optima de l’aire d’exécution requise et elle
le
fait en fonction des trois facteurs suivants : possibilités de partic
4204
re étape : une fois déterminée cette dimension et
l’
unité correspondante (communale, régionale, nationale, continentale ou
4205
onale, nationale, continentale ou mondiale, selon
les
cas), il ne reste qu’à désigner le niveau de compétence où seront pri
4206
ndiale, selon les cas), il ne reste qu’à désigner
le
niveau de compétence où seront prises les décisions relatives à cette
4207
désigner le niveau de compétence où seront prises
les
décisions relatives à cette tâche. Il peut y avoir d’ailleurs plusieu
4208
ieurs niveaux de décisions, hiérarchisés. Séparer
les
pouvoirs, les disperser, les répartir selon le bon sens, voilà le pro
4209
de décisions, hiérarchisés. Séparer les pouvoirs,
les
disperser, les répartir selon le bon sens, voilà le programme proudho
4210
iérarchisés. Séparer les pouvoirs, les disperser,
les
répartir selon le bon sens, voilà le programme proudhonien de divisio
4211
r les pouvoirs, les disperser, les répartir selon
le
bon sens, voilà le programme proudhonien de division fédéraliste de l
4212
disperser, les répartir selon le bon sens, voilà
le
programme proudhonien de division fédéraliste de l’État, inverse exac
4213
programme proudhonien de division fédéraliste de
l’
État, inverse exact de l’utopie totalitaire. De plus, les aires d’opér
4214
division fédéraliste de l’État, inverse exact de
l’
utopie totalitaire. De plus, les aires d’opération peuvent et doivent
4215
, inverse exact de l’utopie totalitaire. De plus,
les
aires d’opération peuvent et doivent différer selon les tâches, j’ent
4216
res d’opération peuvent et doivent différer selon
les
tâches, j’entends selon qu’elles intéressent tous les hommes de toute
4217
tâches, j’entends selon qu’elles intéressent tous
les
hommes de toutes les régions, certains hommes de toutes les régions,
4218
on qu’elles intéressent tous les hommes de toutes
les
régions, certains hommes de toutes les régions, certains hommes de ce
4219
de toutes les régions, certains hommes de toutes
les
régions, certains hommes de certaines régions, tous les hommes de que
4220
gions, certains hommes de certaines régions, tous
les
hommes de quelques régions, ou d’une seule. Je conviendrai que le nom
4221
lques régions, ou d’une seule. Je conviendrai que
le
nombre des combinaisons auxquelles peut conduire cette méthode a de q
4222
lles peut conduire cette méthode a de quoi donner
le
vertige aux fonctionnaires de tradition unitaire. Mais les ordinateur
4223
ge aux fonctionnaires de tradition unitaire. Mais
les
ordinateurs vont prendre la relève. Lénine disait que la révolution c
4224
ition unitaire. Mais les ordinateurs vont prendre
la
relève. Lénine disait que la révolution communiste, c’était les sovie
4225
nateurs vont prendre la relève. Lénine disait que
la
révolution communiste, c’était les soviets plus l’électricité. Pour m
4226
nine disait que la révolution communiste, c’était
les
soviets plus l’électricité. Pour moi, le fédéralisme, c’est l’autonom
4227
a révolution communiste, c’était les soviets plus
l’
électricité. Pour moi, le fédéralisme, c’est l’autonomie des régions p
4228
c’était les soviets plus l’électricité. Pour moi,
le
fédéralisme, c’est l’autonomie des régions plus les ordinateurs, c’es
4229
us l’électricité. Pour moi, le fédéralisme, c’est
l’
autonomie des régions plus les ordinateurs, c’est-à-dire le respect du
4230
e fédéralisme, c’est l’autonomie des régions plus
les
ordinateurs, c’est-à-dire le respect du réel et de ses infinies compl
4231
ie des régions plus les ordinateurs, c’est-à-dire
le
respect du réel et de ses infinies complexités enfin rendu possible p
4232
ses infinies complexités enfin rendu possible par
la
technique moderne. (Ce débat n’est pas d’aujourd’hui. Aux projets de
4233
ourd’hui. Aux projets de découpage géométrique de
la
France en carrés réguliers de dix-huit lieues de côté, comme le propo
4234
arrés réguliers de dix-huit lieues de côté, comme
le
proposait Sieyès sous prétexte de simplifier les contrôles administra
4235
e le proposait Sieyès sous prétexte de simplifier
les
contrôles administratifs, Mirabeau répondait déjà par cette grande ph
4236
Mirabeau répondait déjà par cette grande phrase :
Le
but de la société n’est pas que l’administration soit facile, mais qu
4237
épondait déjà par cette grande phrase : Le but de
la
société n’est pas que l’administration soit facile, mais qu’elle soit
4238
rande phrase : Le but de la société n’est pas que
l’
administration soit facile, mais qu’elle soit juste et éclairée.) Nous
4239
sions et d’attribution des niveaux décisionnels —
la
participation, l’efficacité et l’économie des moyens — sont en interd
4240
tion des niveaux décisionnels — la participation,
l’
efficacité et l’économie des moyens — sont en interdépendance générale
4241
décisionnels — la participation, l’efficacité et
l’
économie des moyens — sont en interdépendance générale. Prenons l’exem
4242
oyens — sont en interdépendance générale. Prenons
l’
exemple de l’habitat : le gigantisme des villes, l’entassement dans le
4243
en interdépendance générale. Prenons l’exemple de
l’
habitat : le gigantisme des villes, l’entassement dans les grands ense
4244
ndance générale. Prenons l’exemple de l’habitat :
le
gigantisme des villes, l’entassement dans les grands ensembles conçus
4245
’exemple de l’habitat : le gigantisme des villes,
l’
entassement dans les grands ensembles conçus pour rapporter, ont produ
4246
at : le gigantisme des villes, l’entassement dans
les
grands ensembles conçus pour rapporter, ont produit une situation de
4247
apporter, ont produit une situation de crise dont
l’
acuité se mesure notamment par le chiffre élevé des suicides. L’homme
4248
on de crise dont l’acuité se mesure notamment par
le
chiffre élevé des suicides. L’homme des ensembles à bon marché, trop
4249
sure notamment par le chiffre élevé des suicides.
L’
homme des ensembles à bon marché, trop serré avec d’autres chez soi, e
4250
t qui voudrait être enfin seul, sort et se mêle à
la
foule anonyme… Mais c’est une mauvaise solitude, née de l’absence de
4251
anonyme… Mais c’est une mauvaise solitude, née de
l’
absence de communication avec ceux que l’on côtoie comme s’ils n’étaie
4252
, née de l’absence de communication avec ceux que
l’
on côtoie comme s’ils n’étaient pas là. La solution consisterait à rec
4253
eux que l’on côtoie comme s’ils n’étaient pas là.
La
solution consisterait à recréer les conditions de communauté, et tout
4254
taient pas là. La solution consisterait à recréer
les
conditions de communauté, et tout d’abord certaines dimensions et str
4255
vées aux seuls piétons et d’une place remplissant
la
fonction de l’agora ou du forum dans la cité antique : place délimité
4256
piétons et d’une place remplissant la fonction de
l’
agora ou du forum dans la cité antique : place délimitée par tous les
4257
mplissant la fonction de l’agora ou du forum dans
la
cité antique : place délimitée par tous les bâtiments symboliques de
4258
m dans la cité antique : place délimitée par tous
les
bâtiments symboliques de la vie communautaire, églises, mairie, march
4259
e délimitée par tous les bâtiments symboliques de
la
vie communautaire, églises, mairie, marchés, cafés, lieu de rencontre
4260
irts, de criée des journaux et de manifestations.
La
possibilité physique et morale de participation à la vie communale dé
4261
possibilité physique et morale de participation à
la
vie communale dépend de tels aménagements. Les dimensions, d’ailleurs
4262
n à la vie communale dépend de tels aménagements.
Les
dimensions, d’ailleurs, peuvent être numériques aussi bien qu’archite
4263
numériques aussi bien qu’architecturales : prenez
les
conflits actuels dans l’université, en tous pays et tous régimes poli
4264
rchitecturales : prenez les conflits actuels dans
l’
université, en tous pays et tous régimes politico-économiques. Ils ont
4265
politico-économiques. Ils ont pour motif profond
l’
antinomie entre la culture générale au sens traditionnel et l’acquisit
4266
ues. Ils ont pour motif profond l’antinomie entre
la
culture générale au sens traditionnel et l’acquisition d’un savoir pr
4267
entre la culture générale au sens traditionnel et
l’
acquisition d’un savoir professionnel souvent d’autant plus rentable q
4268
able qu’il est plus étroitement spécialisé ; mais
la
révolte actuelle des étudiants, sorte de tourbillon dans l’égarement,
4269
actuelle des étudiants, sorte de tourbillon dans
l’
égarement, est aussi le résultat mécanique de l’explosion des effectif
4270
, sorte de tourbillon dans l’égarement, est aussi
le
résultat mécanique de l’explosion des effectifs. Multipliez par dix l
4271
s l’égarement, est aussi le résultat mécanique de
l’
explosion des effectifs. Multipliez par dix les dimensions des marches
4272
de l’explosion des effectifs. Multipliez par dix
les
dimensions des marches d’un escalier, il devient impraticable. De mêm
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d’un escalier, il devient impraticable. De même,
le
décuplement des effectifs estudiantins transforme en acrobatie toute
4274
nsforme en acrobatie toute participation réelle à
la
recherche et compromet l’efficacité de l’enseignement. Remède fédéral
4275
participation réelle à la recherche et compromet
l’
efficacité de l’enseignement. Remède fédéraliste : commencer par rééva
4276
éelle à la recherche et compromet l’efficacité de
l’
enseignement. Remède fédéraliste : commencer par réévaluer les dimensi
4277
ent. Remède fédéraliste : commencer par réévaluer
les
dimensions d’une université digne du nom, ménageant des possibilités
4278
ès spécialisées et de travail interdisciplinaire.
L’
analyse conduit à souhaiter l’adoption, comme module, de petits groupe
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interdisciplinaire. L’analyse conduit à souhaiter
l’
adoption, comme module, de petits groupes ou unités de base de douze à
4280
uinze étudiants autour d’un enseignant (c’étaient
les
dimensions d’un studium de la Sorbonne au xiiie siècle) puis une féd
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eignant (c’étaient les dimensions d’un studium de
la
Sorbonne au xiiie siècle) puis une fédération de ces petites unités
4282
etites unités en départements, et je retrouve ici
les
solutions préconisées lors du fameux colloque de Caen, en 1966, mais
4283
s du fameux colloque de Caen, en 1966, mais aussi
les
conclusions de mon discours de Goettingen aux recteurs européens en 1
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rs de Goettingen aux recteurs européens en 1964m.
L’
université fut une commune libre au Moyen âge. Toute vie civique, depu
4285
une libre au Moyen âge. Toute vie civique, depuis
la
cité grecque, est communale d’abord, municipale. C’est au niveau de l
4286
communale d’abord, municipale. C’est au niveau de
la
vie civique et politique — c’est le même mot, selon l’étymologie — qu
4287
au niveau de la vie civique et politique — c’est
le
même mot, selon l’étymologie — que nous allons enfin retrouver le pro
4288
e civique et politique — c’est le même mot, selon
l’
étymologie — que nous allons enfin retrouver le problème classique du
4289
on l’étymologie — que nous allons enfin retrouver
le
problème classique du fédéralisme : comment assurer la cohésion d’un
4290
oblème classique du fédéralisme : comment assurer
la
cohésion d’un ensemble assez vaste pour pouvoir se charger de tâches
4291
pouvoir se charger de tâches communes (telles que
la
défense, les affaires étrangères et la politique économique, ou certa
4292
harger de tâches communes (telles que la défense,
les
affaires étrangères et la politique économique, ou certaines recherch
4293
telles que la défense, les affaires étrangères et
la
politique économique, ou certaines recherches scientifiques) sans lés
4294
ou certaines recherches scientifiques) sans léser
les
droits essentiels et l’autonomie des unités de base ? Comment devenir
4295
cientifiques) sans léser les droits essentiels et
l’
autonomie des unités de base ? Comment devenir assez grand pour être f
4296
estant assez petit pour être libre ? Ce n’est pas
le
vote d’une constitution, de type plus ou moins fédéral qui peut résou
4297
elle que j’ai dite : sans cesse évaluer à nouveau
la
dimension des tâches à entreprendre, répartir en conséquence les pouv
4298
es tâches à entreprendre, répartir en conséquence
les
pouvoirs de décision, opérer les concentrations de forces proportionn
4299
r en conséquence les pouvoirs de décision, opérer
les
concentrations de forces proportionnées à la puissance que l’on veut
4300
rer les concentrations de forces proportionnées à
la
puissance que l’on veut obtenir et en même temps multiplier les petit
4301
tions de forces proportionnées à la puissance que
l’
on veut obtenir et en même temps multiplier les petites unités de base
4302
que l’on veut obtenir et en même temps multiplier
les
petites unités de base, de manière à maintenir ou renforcer les possi
4303
ités de base, de manière à maintenir ou renforcer
les
possibilités de participation civiques, intellectuelles et affectives
4304
autés plus petites correspondant aux exigences de
l’
habitat, de la formation des esprits et de l’exercice du civisme, c’es
4305
ites correspondant aux exigences de l’habitat, de
la
formation des esprits et de l’exercice du civisme, c’est dans cette d
4306
s de l’habitat, de la formation des esprits et de
l’
exercice du civisme, c’est dans cette dialectique concrète que sont en
4307
estinées à devenir — à plus ou moins long terme —
les
unités de base de la future fédération continentale, en lieu et place
4308
plus ou moins long terme — les unités de base de
la
future fédération continentale, en lieu et place des États-nations co
4309
nstitués au xixe siècle. On s’aperçoit alors que
le
fédéralisme politique (intra- ou interétatique), seul pris en considé
4310
ou interétatique), seul pris en considération par
les
auteurs classiques, n’était en réalité qu’un cas particulier d’une co
4311
n beaucoup plus large des relations humaines dans
la
cité, des relations publiques en général. C’est ce qu’avait bien vu l
4312
s publiques en général. C’est ce qu’avait bien vu
le
regretté Pierre Duclos, lorsqu’il relevait que « le fédéralisme vit d
4313
regretté Pierre Duclos, lorsqu’il relevait que «
le
fédéralisme vit d’une vie que la forme institutionnelle dénommée État
4314
l relevait que « le fédéralisme vit d’une vie que
la
forme institutionnelle dénommée État ne suffit pas à qualifier et moi
4315
r et moins encore à épuiser »… Et il ajoutait : «
Le
fédéralisme est autre chose qu’une simple recette juridique ou politi
4316
ie et de civilisation, capable, au même titre que
le
libéralisme, le socialisme ou la démocratie, d’alimenter la pensée de
4317
ation, capable, au même titre que le libéralisme,
le
socialisme ou la démocratie, d’alimenter la pensée des sociétés et de
4318
u même titre que le libéralisme, le socialisme ou
la
démocratie, d’alimenter la pensée des sociétés et de dicter aux homme
4319
isme, le socialisme ou la démocratie, d’alimenter
la
pensée des sociétés et de dicter aux hommes ces “images de comporteme
4320
ertrand de Jouvenel a si justement mis en vedette
l’
importance historique.27 » Nous voici loin de la forme politique bonne
4321
e l’importance historique.27 » Nous voici loin de
la
forme politique bonne pour les sauvages dont parlait Littré. Mais loi
4322
Nous voici loin de la forme politique bonne pour
les
sauvages dont parlait Littré. Mais loin aussi des définitions étroite
4323
es et constitutionnelles du xixe . Nous voici sur
le
seuil de l’ère des grandes unions et des petites unités fonctionnelle
4324
tutionnelles du xixe . Nous voici sur le seuil de
l’
ère des grandes unions et des petites unités fonctionnelles, et l’on v
4325
s unions et des petites unités fonctionnelles, et
l’
on va peut-être trouver, dans les techniques avancées, le moyen de leu
4326
onctionnelles, et l’on va peut-être trouver, dans
les
techniques avancées, le moyen de leur composition. En tant que méthod
4327
peut-être trouver, dans les techniques avancées,
le
moyen de leur composition. En tant que méthode générale d’aménagement
4328
de générale d’aménagement des relations humaines,
le
fédéralisme tel que j’ai tenté de le définir ne fait que commencer. I
4329
ns humaines, le fédéralisme tel que j’ai tenté de
le
définir ne fait que commencer. Il n’est pas matière historique, mais
4330
ec Henri Brugmans Le Fédéralisme contemporain : «
Le
fédéralisme est présence au pouvoir global des éléments particuliers
4331
nt distincts et reconnaissables — dont se compose
la
fédération. Il est une symbiose sans confusion ni disparition des spé
4332
es spécificités. » 27. H. Brugmans et P. Duclos,
Le
Fédéralisme contemporain, Paris, 1963, p. 151. l. Rougemont Denis d
4333
, Paris, 1963, p. 151. l. Rougemont Denis de, «
L’
avenir du fédéralisme », La Revue de Paris, Paris, septembre 1969, p.
4334
Rougemont Denis de, « L’avenir du fédéralisme »,
La
Revue de Paris, Paris, septembre 1969, p. 1-10. m. Le texte est paru
4335
vue de Paris, Paris, septembre 1969, p. 1-10. m.
Le
texte est paru dans La Revue de Paris de novembre 1965. Nous donnons
4336
ptembre 1969, p. 1-10. m. Le texte est paru dans
La
Revue de Paris de novembre 1965. Nous donnons en ligne les versions p
4337
de Paris de novembre 1965. Nous donnons en ligne
les
versions publiées en septembre 1964 dans la Gazette de Lausanne (ver
4338
igne les versions publiées en septembre 1964 dans
la
Gazette de Lausanne (version partielle), et en décembre 1964 dans le
4339
ne (version partielle), et en décembre 1964 dans
le
Bulletin du Centre européen de la culture (version la plus complète)
4340
lletin du Centre européen de la culture (version
la
plus complète).