1 1937, La Revue de Paris, articles (1937–1969). Paysans de l’Ouest (15 juin 1937)
1 Paysans de l’ Ouest (15 juin 1937)a b 10 décembre 1933 Un discours de l’institut
2 juin 1937)a b 10 décembre 1933 Un discours de l’ instituteur. — Hier soir, séance de Pathé-Baby organisée par l’institu
3 . — Hier soir, séance de Pathé-Baby organisée par l’ instituteur dans la salle de l’école des garçons. Il me tardait de voi
4 ce de Pathé-Baby organisée par l’instituteur dans la salle de l’école des garçons. Il me tardait de voir une fois les habi
5 Baby organisée par l’instituteur dans la salle de l’ école des garçons. Il me tardait de voir une fois les habitants du vil
6 école des garçons. Il me tardait de voir une fois les habitants du village réunis, leur façon d’être ensemble, et surtout l
7 ge réunis, leur façon d’être ensemble, et surtout la jeunesse, d’ordinaire invisible, au point que je doutais même qu’elle
8 ême qu’elle existât. Elle était là. Elle occupait les longs bancs rangés en chevrons derrière le petit appareil de projecti
9 upait les longs bancs rangés en chevrons derrière le petit appareil de projection, placé à trois ou quatre mètres de l’écr
10 de projection, placé à trois ou quatre mètres de l’ écran. (Un drap de lit sur le tableau noir.) Une quarantaine de filles
11 ou quatre mètres de l’écran. (Un drap de lit sur le tableau noir.) Une quarantaine de filles et de gars peu bruyants, pre
12 es seulement. Et des enfants autour du trépied de l’ appareil, empressés à tendre les bobines de film à l’instituteur. Il f
13 tour du trépied de l’appareil, empressés à tendre les bobines de film à l’instituteur. Il fallut un certain temps pour mett
14 ppareil, empressés à tendre les bobines de film à l’ instituteur. Il fallut un certain temps pour mettre au point la projec
15 . Il fallut un certain temps pour mettre au point la projection. Les jeunes gens étouffaient des rires, chatouillaient les
16 certain temps pour mettre au point la projection. Les jeunes gens étouffaient des rires, chatouillaient les filles. Devant
17 jeunes gens étouffaient des rires, chatouillaient les filles. Devant moi une grosse luronne s’agitait sur son banc. Je voya
18 que grasse. Un des garçons s’en aperçoit, attrape la puce en pinçant la fille, et les rires redoublent. L’instituteur récl
19 garçons s’en aperçoit, attrape la puce en pinçant la fille, et les rires redoublent. L’instituteur réclame le silence, et
20 aperçoit, attrape la puce en pinçant la fille, et les rires redoublent. L’instituteur réclame le silence, et la projection
21 uce en pinçant la fille, et les rires redoublent. L’ instituteur réclame le silence, et la projection commence. C’est un fi
22 e, et les rires redoublent. L’instituteur réclame le silence, et la projection commence. C’est un film d’avant-guerre, la
23 redoublent. L’instituteur réclame le silence, et la projection commence. C’est un film d’avant-guerre, la Course au flamb
24 rojection commence. C’est un film d’avant-guerre, la Course au flambeau, tiré de la pièce de Paul Hervieu. Entre chaque ép
25 lm d’avant-guerre, la Course au flambeau, tiré de la pièce de Paul Hervieu. Entre chaque épisode reparaissent les mêmes ép
26 e Paul Hervieu. Entre chaque épisode reparaissent les mêmes éphèbes grecs, porteurs de torches qu’ils se passent avec des g
27 es lents, hallucinants, à grands sauts ralentis — le courant électrique n’étant sans doute pas réglé pour faire tourner l’
28 e n’étant sans doute pas réglé pour faire tourner l’ appareil au rythme normal. Tout le monde a l’air très content, bien qu
29 mal. Tout le monde a l’air très content, bien que le film m’apparaisse à peu près incompréhensible. La course au flambeau
30 le film m’apparaisse à peu près incompréhensible. La course au flambeau terminée, on rallume. L’instituteur monte à sa cha
31 ible. La course au flambeau terminée, on rallume. L’ instituteur monte à sa chaire et annonce qu’il va prononcer, comme cha
32 omme d’allure énergique et de visage intelligent, la chevelure noire en bataille qu’il saisit à pleines mains dans les mom
33 ire en bataille qu’il saisit à pleines mains dans les moments pathétiques. Il annonce le sujet de ce soir : Qu’est-ce qu’êt
34 es mains dans les moments pathétiques. Il annonce le sujet de ce soir : Qu’est-ce qu’être laïque ? — « Messieurs, chers am
35 rs, chers amis ! Je vous rappellerai tout d’abord les circonstances qui m’ont fait choisir ce sujet. Il y a… tout près d’ic
36 y a… tout près d’ici… quelqu’un — je ne veux pas le nommer, je n’attaquerai personne, moi ! — il y a, dis-je, quelqu’un q
37 consciences ! » Récit détaillé des calomnies que le curé répand sur son compte, dans les foyers et jusque dans la presse1
38 calomnies que le curé répand sur son compte, dans les foyers et jusque dans la presse1 ! « Je n’ai pas cherché la guerre, m
39 nd sur son compte, dans les foyers et jusque dans la presse1 ! « Je n’ai pas cherché la guerre, moi ! Eh bien ! je saurai
40 et jusque dans la presse1 ! « Je n’ai pas cherché la guerre, moi ! Eh bien ! je saurai me défendre ! Et malgré les persécu
41 moi ! Eh bien ! je saurai me défendre ! Et malgré les persécutions de ceux qui ont intérêt à étouffer la vérité, etc. » La
42 s persécutions de ceux qui ont intérêt à étouffer la vérité, etc. » La chevelure s’agite, les bras s’agitent, la voix s’en
43 ceux qui ont intérêt à étouffer la vérité, etc. » La chevelure s’agite, les bras s’agitent, la voix s’enfle. « J’étais au
44 étouffer la vérité, etc. » La chevelure s’agite, les bras s’agitent, la voix s’enfle. « J’étais au dernier congrès des ins
45 etc. » La chevelure s’agite, les bras s’agitent, la voix s’enfle. « J’étais au dernier congrès des instituteurs qui s’est
46 toyens, lors de ce congrès, il a été stipulé qu’à l’ avenir… » La fin de la phrase étant particulièrement sonore, des appla
47 de ce congrès, il a été stipulé qu’à l’avenir… » La fin de la phrase étant particulièrement sonore, des applaudissements
48 grès, il a été stipulé qu’à l’avenir… » La fin de la phrase étant particulièrement sonore, des applaudissements éclatent a
49 sonore, des applaudissements éclatent au fond de la salle. Le jeune orateur électrisé se lance dans une définition vibran
50 es applaudissements éclatent au fond de la salle. Le jeune orateur électrisé se lance dans une définition vibrante de la l
51 lectrisé se lance dans une définition vibrante de la laïcité. « Être laïque, c’est vouloir la justice et l’égalité pour to
52 rante de la laïcité. « Être laïque, c’est vouloir la justice et l’égalité pour tous ! Être laïque, c’est vouloir l’instruc
53 ïcité. « Être laïque, c’est vouloir la justice et l’ égalité pour tous ! Être laïque, c’est vouloir l’instruction libre et
54 l’égalité pour tous ! Être laïque, c’est vouloir l’ instruction libre et gratuite pour tous, sans distinction de fortune o
55 Ah ! surtout, être laïque, ce n’est pas combattre les religions, comme le prétend le voisin, « car je les respecte toutes,
56 ïque, ce n’est pas combattre les religions, comme le prétend le voisin, « car je les respecte toutes, les religions, sauf
57 est pas combattre les religions, comme le prétend le voisin, « car je les respecte toutes, les religions, sauf quand elles
58 s religions, comme le prétend le voisin, « car je les respecte toutes, les religions, sauf quand elles viennent m’attaquer
59 prétend le voisin, « car je les respecte toutes, les religions, sauf quand elles viennent m’attaquer dans mon activité pro
60 , c’est être religieux au vrai sens du mot, selon les paroles de Gambetta, d’Ernest Lavisse et de quelques autres. Être laï
61 mer son prochain » ! Je n’ai pas plutôt soufflé à l’ oreille de ma femme : « C’est un sermon ! » que l’orateur, au comble d
62 l’oreille de ma femme : « C’est un sermon ! » que l’ orateur, au comble de son éloquence, s’écrie : « Et, mes frères ! si l
63 de son éloquence, s’écrie : « Et, mes frères ! si l’ on vient encore vous dire que je suis un empoisonneur des consciences,
64 aurez maintenant me défendre ! etc. » C’est fini. L’ instituteur s’éponge. Les hommes du fond ont applaudi brièvement. Mell
65 ndre ! etc. » C’est fini. L’instituteur s’éponge. Les hommes du fond ont applaudi brièvement. Mellouin a même crié : Très b
66 di brièvement. Mellouin a même crié : Très bien ! Les jeunes trouvent qu’« il cause bien ». Pour terminer la soirée, on pas
67 unes trouvent qu’« il cause bien ». Pour terminer la soirée, on passe un dessin animé, le Petit Poucet, qui remporte un gr
68 our terminer la soirée, on passe un dessin animé, le Petit Poucet, qui remporte un gros succès. En sortant, nous passons d
69 e un gros succès. En sortant, nous passons devant la salle du curé, qui donne aussi ce soir une séance de cinéma. On enten
70 éma. On entend rire des enfants. — J’ai rencontré le curé ce matin, suivi comme d’habitude d’une bande de petits garçons.
71 pas répondu à mon salut. 12 décembre 1933 Tout à l’ heure, en déchirant le journal de l’île pour allumer le feu, j’ai vu l
72 ut. 12 décembre 1933 Tout à l’heure, en déchirant le journal de l’île pour allumer le feu, j’ai vu l’annonce d’une confére
73 e 1933 Tout à l’heure, en déchirant le journal de l’ île pour allumer le feu, j’ai vu l’annonce d’une conférence contradict
74 re, en déchirant le journal de l’île pour allumer le feu, j’ai vu l’annonce d’une conférence contradictoire à A… : « La Bi
75 le journal de l’île pour allumer le feu, j’ai vu l’ annonce d’une conférence contradictoire à A… : « La Bible et les trava
76 ’annonce d’une conférence contradictoire à A… : «  La Bible et les travailleurs. » C’est sans doute une réponse à la confér
77 ne conférence contradictoire à A… : « La Bible et les travailleurs. » C’est sans doute une réponse à la conférence donnée a
78 es travailleurs. » C’est sans doute une réponse à la conférence donnée au même endroit, il y a quinze jours, sous les ausp
79 donnée au même endroit, il y a quinze jours, sous les auspices d’une ligue « antifasciste », et qui avait pour sujet : « L’
80 gue « antifasciste », et qui avait pour sujet : «  L’ Église contre les travailleurs. » Je comptais me rendre à la première
81 te », et qui avait pour sujet : « L’Église contre les travailleurs. » Je comptais me rendre à la première conférence. Mais
82 comptais me rendre à la première conférence. Mais le village d’A… est à huit kilomètres et la tempête m’avait empêché d’y
83 ce. Mais le village d’A… est à huit kilomètres et la tempête m’avait empêché d’y aller à bicyclette. J’essaierai d’aller d
84 yclette. J’essaierai d’aller demain soir entendre la réponse. La mère Renaud vient de m’apprendre que l’orateur est le pas
85 ssaierai d’aller demain soir entendre la réponse. La mère Renaud vient de m’apprendre que l’orateur est le pasteur du chef
86 réponse. La mère Renaud vient de m’apprendre que l’ orateur est le pasteur du chef-lieu. Il paraît qu’il cause très bien —
87 ère Renaud vient de m’apprendre que l’orateur est le pasteur du chef-lieu. Il paraît qu’il cause très bien — lui aussi — m
88 qu’il cause très bien — lui aussi — mais elle ne l’ a jamais entendu. Elle est catholique, en effet, comme d’ailleurs tout
89 comme d’ailleurs tout le monde au village, à part la petite minorité de mauvaises têtes qui suit les prêches laïques de l’
90 rt la petite minorité de mauvaises têtes qui suit les prêches laïques de l’instituteur. Le seul protestant est mort l’été d
91 e mauvaises têtes qui suit les prêches laïques de l’ instituteur. Le seul protestant est mort l’été dernier, âgé de 93 ans.
92 es qui suit les prêches laïques de l’instituteur. Le seul protestant est mort l’été dernier, âgé de 93 ans. Il s’était con
93 ues de l’instituteur. Le seul protestant est mort l’ été dernier, âgé de 93 ans. Il s’était converti à soixante-dix ans « e
94 s prennent ici quelque chose de joliment absurde. Les paysans du village ne sont pas même tous capables de lire le journal,
95 du village ne sont pas même tous capables de lire le journal, et j’ai remarqué qu’ils achètent absolument au hasard ceux q
96 ment au hasard ceux qu’ils trouvent en dépôt chez la mère Renaud : l’Ami du Peuple ou la France de Bordeaux, la feuille lo
97 ux qu’ils trouvent en dépôt chez la mère Renaud : l’ Ami du Peuple ou la France de Bordeaux, la feuille locale des curés ou
98 en dépôt chez la mère Renaud : l’Ami du Peuple ou la France de Bordeaux, la feuille locale des curés ou celle des républic
99 enaud : l’Ami du Peuple ou la France de Bordeaux, la feuille locale des curés ou celle des républicains. Il est à peu près
100 avoir s’ils font une distinction quelconque entre les opinions, pourtant bien tranchées, que ces journaux leur servent. Je
101 crois qu’ils n’y pensent même pas. Peut-être que la discussion annoncée après la conférence d’A… me fera modifier ce juge
102 e pas. Peut-être que la discussion annoncée après la conférence d’A… me fera modifier ce jugement. J’en suis bien curieux.
103 ’en suis bien curieux. 15 décembre 1933 Je relève les notes prises l’autre soir sur la conférence à A… … Grande salle de la
104 1933 Je relève les notes prises l’autre soir sur la conférence à A… … Grande salle de la mairie, voûtée, peinte en bleu c
105 tre soir sur la conférence à A… … Grande salle de la mairie, voûtée, peinte en bleu clair. Une table et trois chaises sur
106 nte en bleu clair. Une table et trois chaises sur la scène surélevée. Environ une centaine d’auditeurs : paysans et pêcheu
107 rang, deux « dames », l’une très vieille. Ce sont les seules femmes. Mauvais éclairage. L’orateur se hisse sur la scène : u
108 le. Ce sont les seules femmes. Mauvais éclairage. L’ orateur se hisse sur la scène : un homme jeune encore, un peu gros et
109 femmes. Mauvais éclairage. L’orateur se hisse sur la scène : un homme jeune encore, un peu gros et lent d’allure, physiono
110 mis, nous allons procéder, selon votre coutume, à l’ élection du bureau, puisque, comme vous le savez, la conférence est co
111 tume, à l’élection du bureau, puisque, comme vous le savez, la conférence est contradictoire. Je vous demanderai donc de b
112 élection du bureau, puisque, comme vous le savez, la conférence est contradictoire. Je vous demanderai donc de bien vouloi
113 leurs voisins, trois hommes se lèvent en haussant les épaules pour s’excuser de se mettre en avant. Ils gravissent la scène
114 r s’excuser de se mettre en avant. Ils gravissent la scène, enlèvent leur casquette à visière cirée, et s’installent sur l
115 ur casquette à visière cirée, et s’installent sur les trois chaises, un tout à droite, un tout à gauche, le troisième, qui
116 à droite, un tout à gauche, le troisième, qui est le président, derrière la table, embarrassés de leurs mains, de leurs pi
117 che, le troisième, qui est le président, derrière la table, embarrassés de leurs mains, de leurs pieds, de leur casquette.
118 r casquette. Coups d’œil malicieux aux copains de la salle. Le président se lève : « Messieurs et dames, vous m’excuserez
119 e. Coups d’œil malicieux aux copains de la salle. Le président se lève : « Messieurs et dames, vous m’excuserez de ne pas
120 dames, vous m’excuserez de ne pas vous présenter l’ orateur qui va vous faire un intéressant discours sur le sujet… Je ne
121 eur qui va vous faire un intéressant discours sur le sujet… Je ne connais pas beaucoup M. Palut, n’est-ce pas, c’est la pr
122 inement qu’il va nous intéresser, et je lui donne la parole. » M. Palut sourit cordialement, et parle : — On a dit ici mêm
123 cordialement, et parle : — On a dit ici même que l’ Église est contre les travailleurs. Est-ce vrai ? Il y a plusieurs égl
124 rle : — On a dit ici même que l’Église est contre les travailleurs. Est-ce vrai ? Il y a plusieurs églises, et malheureusem
125 alheureusement elles ne s’entendent pas toujours. La primitive église était constituée par des esclaves et des gens pauvre
126 il y a eu des églises de riches. Elles ont trahi l’ Évangile. Un philosophe français, M. Julien Benda, a dit que les clerc
127 n philosophe français, M. Julien Benda, a dit que les clercs ont trahi. Les clercs, n’est-ce pas, ce sont les intellectuels
128 M. Julien Benda, a dit que les clercs ont trahi. Les clercs, n’est-ce pas, ce sont les intellectuels, les écrivains, les p
129 ercs ont trahi. Les clercs, n’est-ce pas, ce sont les intellectuels, les écrivains, les professeurs, des hommes distingués
130 clercs, n’est-ce pas, ce sont les intellectuels, les écrivains, les professeurs, des hommes distingués et très instruits.
131 ce pas, ce sont les intellectuels, les écrivains, les professeurs, des hommes distingués et très instruits. Eh bien, il y a
132 i. Capitalisme, bourgeoisie égoïste, guerre. Mais le vrai chrétien est avec les petits. Résumé de ce que la Bible dit des
133 e égoïste, guerre. Mais le vrai chrétien est avec les petits. Résumé de ce que la Bible dit des travailleurs : Jérémie exig
134 ai chrétien est avec les petits. Résumé de ce que la Bible dit des travailleurs : Jérémie exigeait que le roi payât les ou
135 Bible dit des travailleurs : Jérémie exigeait que le roi payât les ouvriers. L’Ancien Testament nous montre que le système
136 travailleurs : Jérémie exigeait que le roi payât les ouvriers. L’Ancien Testament nous montre que le système de propriété
137 : Jérémie exigeait que le roi payât les ouvriers. L’ Ancien Testament nous montre que le système de propriété chez les Juif
138 les ouvriers. L’Ancien Testament nous montre que le système de propriété chez les Juifs est presque communiste ! Jésus es
139 ment nous montre que le système de propriété chez les Juifs est presque communiste ! Jésus est l’ami des pauvres, des péage
140 chez les Juifs est presque communiste ! Jésus est l’ ami des pauvres, des péagers. Malheureusement il y a le cléricalisme.
141 des pauvres, des péagers. Malheureusement il y a le cléricalisme. C’est lui qui est mauvais, non pas la Bible. Être chrét
142 cléricalisme. C’est lui qui est mauvais, non pas la Bible. Être chrétien, c’est aimer son prochain comme Jésus nous aime.
143 aimer son prochain comme Jésus nous aime. Si tous les hommes étaient chrétiens, il n’y aurait plus d’exploitation ni de gue
144 il n’y aurait plus d’exploitation ni de guerre !… La péroraison a été éloquente, un peu trop à mon goût. On applaudit. Le
145 éloquente, un peu trop à mon goût. On applaudit. Le président demande s’il y a des questions à poser. Long silence embarr
146 ence embarrassé. Enfin un type se lève au fond de la salle et demande « s’il n’y a pas des contradictions dans la Bible ».
147 demande « s’il n’y a pas des contradictions dans la Bible ». Suit une petite discussion tout à fait confuse et sans aucun
148 on tout à fait confuse et sans aucun rapport avec le sujet. Il n’y a pas d’autre question. Le président fait alors un bref
149 ort avec le sujet. Il n’y a pas d’autre question. Le président fait alors un bref remerciement à l’orateur. Il s’excuse en
150 n. Le président fait alors un bref remerciement à l’ orateur. Il s’excuse encore de ne pas s’y connaître assez en religion,
151 assure qu’il a été bien intéressé. On se lève, et les langues se délient. « Il a bien parlé, hein ? », me dit mon voisin, p
152 est un petit maigre en casquette, environ 35 ans, l’ air intelligent. Je l’approuve et m’étonne que la discussion n’ait pas
153 casquette, environ 35 ans, l’air intelligent. Je l’ approuve et m’étonne que la discussion n’ait pas été plus longue : il
154 l’air intelligent. Je l’approuve et m’étonne que la discussion n’ait pas été plus longue : il y avait pourtant bien des a
155 d’accord ? « Ben quoi, fait-il, convaincu, c’est la vérité ce qu’il a dit ! » Comment donc ? Ai-je affaire à un chrétien
156 un chrétien ou même à un protestant ? J’essaie de le faire parler. Je lui dis : « Oui, c’est la vérité pour les chrétiens,
157 aie de le faire parler. Je lui dis : « Oui, c’est la vérité pour les chrétiens, mais tout le monde ne pense pas comme ça i
158 parler. Je lui dis : « Oui, c’est la vérité pour les chrétiens, mais tout le monde ne pense pas comme ça ici ? » Il me reg
159 affaire. C’est bien comme ça que c’est écrit dans la Bible, il n’a pas dit de mensonges, quoi ! Mais ici ils ne savent pas
160 F…2 alors, c’est autre chose. Là ça barde, après les réunions ! Mais ici, qu’est-ce que vous voulez ? Ils sont comme ça… »
161 r au conférencier, et nous sortons ensemble. Dans la rue noire, un homme nous rejoint : c’est celui qui a présidé la réuni
162 un homme nous rejoint : c’est celui qui a présidé la réunion. Il veut encore remercier M. Palut. Enfin il veut lui demande
163 s je ne saisis pas bien si ce curé lui a interdit la lecture de la Bible, ou si, au contraire, il pourrait lui en prêter u
164 pas bien si ce curé lui a interdit la lecture de la Bible, ou si, au contraire, il pourrait lui en prêter une. Quoi qu’il
165 l pourrait lui en prêter une. Quoi qu’il en soit, le pasteur note le nom du « président » et promet de lui envoyer un Nouv
166 n prêter une. Quoi qu’il en soit, le pasteur note le nom du « président » et promet de lui envoyer un Nouveau Testament. N
167 de lui envoyer un Nouveau Testament. Nous faisons les cent pas sur la place. M. Palut sait que je suis écrivain. Il a lu un
168 Nouveau Testament. Nous faisons les cent pas sur la place. M. Palut sait que je suis écrivain. Il a lu un de mes articles
169 je suis écrivain. Il a lu un de mes articles. Je le sens inquiet de mon opinion d’« intellectuel » sur son discours. « C’
170 ai dit ce soir, j’ai dû vous ennuyer, hein ? » Je le rassure vivement. Ce n’est pas moi qui lui reprocherai jamais d’être
171 lui reprocherai jamais d’être trop simple. On ne l’ est jamais assez ! — Oh ! vous savez, — dit-il — je n’y mets pas d’amo
172 anchement ce que vous pensez, de cette soirée… Je le regarde. C’est un homme simple et solide, on peut lui parler en camar
173 mble qu’on pourrait leur parler plus directement, les interpeller, enfin quoi, les secouer un peu ! Ils sont là à vous écou
174 er plus directement, les interpeller, enfin quoi, les secouer un peu ! Ils sont là à vous écouter sans bouger, comme ils on
175 à vous écouter sans bouger, comme ils ont écouté les autres qui disaient le contraire, et pas moyen de savoir avec qui ils
176 ger, comme ils ont écouté les autres qui disaient le contraire, et pas moyen de savoir avec qui ils sont d’accord. Il ne f
177 et je vous assure qu’un communiste, par exemple, les aurait attaqués plus brutalement sans aucune précaution oratoire. Pou
178 quoi ne pas saisir cette occasion de leur prêcher l’ Évangile, là, tout droit, dans leur langage de tous les jours, comme l
179 angile, là, tout droit, dans leur langage de tous les jours, comme le faisaient les réformateurs, les forcer à prendre part
180 droit, dans leur langage de tous les jours, comme le faisaient les réformateurs, les forcer à prendre parti, je ne sais pa
181 eur langage de tous les jours, comme le faisaient les réformateurs, les forcer à prendre parti, je ne sais pas, moi, les en
182 s les jours, comme le faisaient les réformateurs, les forcer à prendre parti, je ne sais pas, moi, les engueuler ? Je vous
183 les forcer à prendre parti, je ne sais pas, moi, les engueuler ? Je vous dis ma première impression, puisque vous me la de
184 vous dis ma première impression, puisque vous me la demandez. Je sais bien que vous les connaissez beaucoup mieux que moi
185 uisque vous me la demandez. Je sais bien que vous les connaissez beaucoup mieux que moi… Le pasteur sourit : — Vous me fait
186 n que vous les connaissez beaucoup mieux que moi… Le pasteur sourit : — Vous me faites plaisir, tenez ! Bien sûr, vous ave
187 sez donc, il y a plus de six ans que je suis dans l’ île, et je n’avais jamais pu parler à A…, à cause du curé qui s’y oppo
188 r à A…, à cause du curé qui s’y opposait par tous les moyens. Ils sont difficiles à prendre, ici. Surtout il ne faut pas le
189 difficiles à prendre, ici. Surtout il ne faut pas les brusquer ! Ce soir, il s’agissait de gagner leur confiance, et ensuit
190 faire d’éloquence ? Cela trancherait au moins sur la propagande électorale. — Oui, oui, mais… je les connais. Ils aiment q
191 ur la propagande électorale. — Oui, oui, mais… je les connais. Ils aiment qu’on leur fasse un beau discours. Ah ! c’est ter
192 rement. Mais qu’est-ce qu’ils comprennent ? Allez le savoir, avec eux. On prêche pendant six ans la même chose, ils vous r
193 ez le savoir, avec eux. On prêche pendant six ans la même chose, ils vous remercient, on croit qu’ils ont compris, et puis
194 faudra reparler de tout cela. M. Palut n’a jamais l’ occasion de discuter, il se sent terriblement isolé au milieu de cette
195 é à bicyclette, sans lumière, distinguant à peine la route asphaltée. Je roulais comme en rêve, le long des dunes qui me c
196 comme en rêve, le long des dunes qui me cachaient la mer bruyante, à ma gauche. Un brouillard vague flottait sur les marai
197 te, à ma gauche. Un brouillard vague flottait sur les marais. « Le peuple, me disais-je en pédalant, ce qu’ils appellent le
198 e. Un brouillard vague flottait sur les marais. «  Le peuple, me disais-je en pédalant, ce qu’ils appellent le peuple… » ;
199 le, me disais-je en pédalant, ce qu’ils appellent le peuple… » ; je revoyais cette centaine d’hommes dans la salle nue. Le
200 ple… » ; je revoyais cette centaine d’hommes dans la salle nue. Leur méfiance ou leur timidité, ou aussi leur fatigue aprè
201 ont plus rien en hiver ? Ils sont venus pour tuer le temps, au lieu d’aller au café. Cette inertie, dès qu’il ne s’agit pl
202 ne s’agit plus d’argent ! À moins que ce ne soit le langage, la difficulté de s’exprimer ? Tout est mystère en eux, et po
203 lus d’argent ! À moins que ce ne soit le langage, la difficulté de s’exprimer ? Tout est mystère en eux, et pour eux-mêmes
204 en eux, et pour eux-mêmes sans doute. Et on dit «  le peuple », la volonté du peuple, comme si on ne les avait jamais vus o
205 ur eux-mêmes sans doute. Et on dit « le peuple », la volonté du peuple, comme si on ne les avait jamais vus ou jamais aimé
206 le peuple », la volonté du peuple, comme si on ne les avait jamais vus ou jamais aimés ! Là-dessus, quantité de pensées et
207 avec une énergie particulière en pédalant contre le vent dans l’obscurité. Mais le lendemain il n’en reste rien qu’un peu
208 rgie particulière en pédalant contre le vent dans l’ obscurité. Mais le lendemain il n’en reste rien qu’un peu de courbatur
209 en pédalant contre le vent dans l’obscurité. Mais le lendemain il n’en reste rien qu’un peu de courbature dans les jambes.
210 n il n’en reste rien qu’un peu de courbature dans les jambes. 16 décembre 1933 Derrière la même pile d’assiettes où je croi
211 bature dans les jambes. 16 décembre 1933 Derrière la même pile d’assiettes où je crois avoir déjà dit que j’avais trouvé d
212 e, j’ai déniché ce matin une édition populaire de La Naissance du jour, de Colette. Je n’avais pas encore lu ce livre. Il
213 vais pas encore lu ce livre. Il est exactement de l’ espèce que j’aime, et l’un des plus charmants dans cette espèce, mais
214 e raison très précise et qui n’a rien à voir avec la critique littéraire. À la page 43 de l’édition que j’ai sous les yeux
215 ui n’a rien à voir avec la critique littéraire. À la page 43 de l’édition que j’ai sous les yeux, je lis ceci : « … ils dé
216 voir avec la critique littéraire. À la page 43 de l’ édition que j’ai sous les yeux, je lis ceci : « … ils déménagent… comm
217 ttéraire. À la page 43 de l’édition que j’ai sous les yeux, je lis ceci : « … ils déménagent… comme les puces d’un hérisson
218 les yeux, je lis ceci : « … ils déménagent… comme les puces d’un hérisson mort. » Cette phrase a fait dans mon esprit ce qu
219 mon compte, j’en ai pris sept sur mon pyjama dans l’ espace de deux minutes, ce qui doit constituer une sorte de record. D’
220 ituer une sorte de record. D’autres sautaient sur le couvre-pied. D’autres sur le plancher. Je n’en menais pas large. Comm
221 autres sautaient sur le couvre-pied. D’autres sur le plancher. Je n’en menais pas large. Comme la mère Renaud était venue
222 sur le plancher. Je n’en menais pas large. Comme la mère Renaud était venue nous voir la veille, nous ne cherchâmes pas p
223 large. Comme la mère Renaud était venue nous voir la veille, nous ne cherchâmes pas plus loin la cause du phénomène. Il es
224 voir la veille, nous ne cherchâmes pas plus loin la cause du phénomène. Il est vrai qu’on a beau porter un nombre excessi
225 petit hérisson était venu se mettre en boule dans la plate-bande qui borde la maison, sous ma fenêtre. Il soufflait très v
226 se mettre en boule dans la plate-bande qui borde la maison, sous ma fenêtre. Il soufflait très vite, il avait l’air malad
227 e. Il soufflait très vite, il avait l’air malade. Le lendemain nous le trouvions mort. Et je l’avais oublié là, sans sépul
228 ès vite, il avait l’air malade. Le lendemain nous le trouvions mort. Et je l’avais oublié là, sans sépulture, caché sous d
229 alade. Le lendemain nous le trouvions mort. Et je l’ avais oublié là, sans sépulture, caché sous des feuillages brunis. Si
230 caché sous des feuillages brunis. Si j’ajoute que la porte d’entrée joint mal le seuil, tout s’explique sans peine désorma
231 unis. Si j’ajoute que la porte d’entrée joint mal le seuil, tout s’explique sans peine désormais, grâce à la phrase de Col
232 il, tout s’explique sans peine désormais, grâce à la phrase de Colette. Je rapporte cette anecdote parce qu’elle comporte
233 necdote parce qu’elle comporte une conclusion qui la dépasse d’ailleurs notablement et qui me paraît assez frappante. Voic
234 s, je viens de trouver dans un ouvrage littéraire la solution d’une question précise. Grâce à Colette, je sais maintenant
235 l’air de rien, mais je vois là comme un symbole. Les livres devraient être utiles. On devrait y trouver des renseignements
236 ptions objectives et utilisables ; et ceci à tous les degrés de la réalité, dans les grandes choses comme dans les choses d
237 ves et utilisables ; et ceci à tous les degrés de la réalité, dans les grandes choses comme dans les choses de rien. Au li
238 s ; et ceci à tous les degrés de la réalité, dans les grandes choses comme dans les choses de rien. Au lieu de cela, les mo
239 de la réalité, dans les grandes choses comme dans les choses de rien. Au lieu de cela, les modernes nous servent des états
240 s comme dans les choses de rien. Au lieu de cela, les modernes nous servent des états d’âme improbables ou excessifs, des i
241 xcessifs, des inquiétudes dont ils n’ont même pas l’ air d’être vraiment inquiets, des indiscrétions gênantes et dont on ne
242 s doctrines dont ils négligent de nous dire s’ils les ont essayées sur le vif, dans le détail de la vie quotidienne. Ils no
243 négligent de nous dire s’ils les ont essayées sur le vif, dans le détail de la vie quotidienne. Ils nous donnent très rare
244 nous dire s’ils les ont essayées sur le vif, dans le détail de la vie quotidienne. Ils nous donnent très rarement des répo
245 ls les ont essayées sur le vif, dans le détail de la vie quotidienne. Ils nous donnent très rarement des réponses, ou alor
246 nt des réponses à des questions qu’on n’avait pas l’ idée de se poser ; et c’est là qu’ils croient voir leur astuce. Astuce
247 ar exemple, il rapporte à madame de Stein comment les habitants de Ferrare utilisent les vieilles tuiles concassées pour re
248 Stein comment les habitants de Ferrare utilisent les vieilles tuiles concassées pour recouvrir les routes et les allées de
249 ent les vieilles tuiles concassées pour recouvrir les routes et les allées de leurs jardins. Et il ajoute : « Dès mon retou
250 es tuiles concassées pour recouvrir les routes et les allées de leurs jardins. Et il ajoute : « Dès mon retour à la maison,
251 leurs jardins. Et il ajoute : « Dès mon retour à la maison, j’essaierai cela. La Toscane me paraît bien gouvernée, tout y
252 : « Dès mon retour à la maison, j’essaierai cela. La Toscane me paraît bien gouvernée, tout y présente un aspect complet,
253 t semble destiné à un noble usage… » Commentons : la noblesse est dans l’usage. Pas de noblesse sans usage, sans applicati
254 noble usage… » Commentons : la noblesse est dans l’ usage. Pas de noblesse sans usage, sans application précise aux choses
255 rare ! 18 décembre 1933 Je ne cesse de repenser à la conférence d’avant-hier à A… Il me semble qu’elle m’apprend sur « le
256 nt-hier à A… Il me semble qu’elle m’apprend sur «  le peuple » davantage que toutes mes expériences précédentes. Il me semb
257 dentes. Il me semble même qu’elle m’a fait voir «  le peuple » pour la première fois de ma vie. Première constatation : l’a
258 première fois de ma vie. Première constatation : l’ apathie générale, aussi bien à A… qu’à la séance de cinéma. Il n’y aur
259 tation : l’apathie générale, aussi bien à A… qu’à la séance de cinéma. Il n’y aurait là rien d’étonnant, si l’on ne nous r
260 e de cinéma. Il n’y aurait là rien d’étonnant, si l’ on ne nous rebattait les oreilles de phrases sur la volonté et la miss
261 ait là rien d’étonnant, si l’on ne nous rebattait les oreilles de phrases sur la volonté et la mission du peuple. On a beau
262 ’on ne nous rebattait les oreilles de phrases sur la volonté et la mission du peuple. On a beau se méfier des phrases, il
263 battait les oreilles de phrases sur la volonté et la mission du peuple. On a beau se méfier des phrases, il faut se trouve
264 phrases, il faut se trouver placé soudain devant les êtres en chair et en os dont elles parlent, pour comprendre à quel po
265 elles mentent, et quel immense désir de réveiller le peuple elles traduisent chez certains qui les prononcent de bonne foi
266 ller le peuple elles traduisent chez certains qui les prononcent de bonne foi. Elles le trahissent d’ailleurs, ce désir, en
267 z certains qui les prononcent de bonne foi. Elles le trahissent d’ailleurs, ce désir, en essayant de le faire passer d’ore
268 e trahissent d’ailleurs, ce désir, en essayant de le faire passer d’ores et déjà pour une réalité. Deuxième constatation :
269 e voudraient pas même de notre aide (nous égalent les intellectuels bourgeois). Il est très difficile d’aimer ces hommes, e
270 fficile d’aimer ces hommes, et cependant ils sont la réalité vivante et présente du « peuple ». Par contre, il est très fa
271 isième constatation : la plupart des discours que l’ on tient au peuple lui sont incompréhensibles ; mais ceux qui les écou
272 peuple lui sont incompréhensibles ; mais ceux qui les écoutent ont l’air de trouver cela tout naturel. Je fus certainement
273 de trouver cela tout naturel. Je fus certainement le seul ici à m’étonner que l’instituteur citât Ernest Lavisse, ou le pa
274 . Je fus certainement le seul ici à m’étonner que l’ instituteur citât Ernest Lavisse, ou le pasteur M. Benda. Il est génér
275 tonner que l’instituteur citât Ernest Lavisse, ou le pasteur M. Benda. Il est généralement admis en France qu’un orateur d
276 es noms qu’on ne connaît pas. Cela fait partie de l’ éloquence. Et l’éloquence est le but du discours, dont le sujet n’est
277 connaît pas. Cela fait partie de l’éloquence. Et l’ éloquence est le but du discours, dont le sujet n’est que le prétexte.
278 la fait partie de l’éloquence. Et l’éloquence est le but du discours, dont le sujet n’est que le prétexte. Je constate. Je
279 ence. Et l’éloquence est le but du discours, dont le sujet n’est que le prétexte. Je constate. Je conclus que les intellec
280 e est le but du discours, dont le sujet n’est que le prétexte. Je constate. Je conclus que les intellectuels sont en mauva
281 ’est que le prétexte. Je constate. Je conclus que les intellectuels sont en mauvaise posture pour agir sur le peuple. Qu’il
282 ellectuels sont en mauvaise posture pour agir sur le peuple. Qu’ils disent des vérités ou des mensonges, on n’applaudira g
283 rités ou des mensonges, on n’applaudira guère que le son de leur voix, ou le parti qui les délègue. Il resterait à expliqu
284 on n’applaudira guère que le son de leur voix, ou le parti qui les délègue. Il resterait à expliquer cet état de choses, q
285 ra guère que le son de leur voix, ou le parti qui les délègue. Il resterait à expliquer cet état de choses, qui voue les « 
286 esterait à expliquer cet état de choses, qui voue les « clercs » à s’agiter dans le vide — ce qui est malsain — et le peupl
287 e choses, qui voue les « clercs » à s’agiter dans le vide — ce qui est malsain — et le peuple à ne pouvoir se libérer des
288 à s’agiter dans le vide — ce qui est malsain — et le peuple à ne pouvoir se libérer des charlataneries politiques autremen
289 il ne sera pas le dernier à pâtir. Impuissance de l’ « esprit », bêtise de l’action : ces deux misères n’auraient-elles pas
290 r à pâtir. Impuissance de l’« esprit », bêtise de l’ action : ces deux misères n’auraient-elles pas une origine commune ? I
291 l m’a semblé que j’entrevoyais cette origine dans les propos de mon voisin au sortir de la conférence. Cet homme trouvait q
292 rigine dans les propos de mon voisin au sortir de la conférence. Cet homme trouvait qu’il n’y avait rien à « discuter » da
293 trouvait qu’il n’y avait rien à « discuter » dans les paroles de l’orateur, parce que c’était « la vérité ». Autrement dit,
294 n’y avait rien à « discuter » dans les paroles de l’ orateur, parce que c’était « la vérité ». Autrement dit, parce que c’é
295 ans les paroles de l’orateur, parce que c’était «  la vérité ». Autrement dit, parce que c’était correct, parce que ça se t
296 urplus c’était bien dit. Il ne lui est pas venu à l’ esprit que la vérité est quelque chose qui peut être réalisé. Et qu’il
297 t bien dit. Il ne lui est pas venu à l’esprit que la vérité est quelque chose qui peut être réalisé. Et qu’il s’agit de pr
298 ouver ou de refuser en fait ce que venait de dire le conférencier, alors, alors il y aurait eu à discuter ! Mais je n’ai p
299 n’ai pas remarqué qu’aucun des auditeurs ait pris la chose de cette manière. Je sais bien qu’il y a la difficulté de s’exp
300 la chose de cette manière. Je sais bien qu’il y a la difficulté de s’exprimer, la timidité, la fatigue, et que tout cela p
301 sais bien qu’il y a la difficulté de s’exprimer, la timidité, la fatigue, et que tout cela peut bien suffire à expliquer
302 ’il y a la difficulté de s’exprimer, la timidité, la fatigue, et que tout cela peut bien suffire à expliquer le silence de
303 e, et que tout cela peut bien suffire à expliquer le silence de ces cultivateurs. Mais le type qui m’a parlé avait la lang
304 à expliquer le silence de ces cultivateurs. Mais le type qui m’a parlé avait la langue bien pendue. Mais surtout je m’avi
305 es cultivateurs. Mais le type qui m’a parlé avait la langue bien pendue. Mais surtout je m’avise que la majorité des « int
306 a langue bien pendue. Mais surtout je m’avise que la majorité des « intellectuels » d’aujourd’hui ne pense pas très différ
307 Peuple ou « clercs », ils estiment également que la « vérité » n’engage à rien. Ils bornent le rôle de l’esprit à la cons
308 nt que la « vérité » n’engage à rien. Ils bornent le rôle de l’esprit à la constatation de l’exactitude objective et forme
309  vérité » n’engage à rien. Ils bornent le rôle de l’ esprit à la constatation de l’exactitude objective et formelle des fai
310 ’engage à rien. Ils bornent le rôle de l’esprit à la constatation de l’exactitude objective et formelle des faits ou des r
311 bornent le rôle de l’esprit à la constatation de l’ exactitude objective et formelle des faits ou des raisonnements que l’
312 ve et formelle des faits ou des raisonnements que l’ on allègue. « Il a raison » ne signifie pas pour eux : « Donc je dois
313 ses préjugés, sa déduction est correcte. » Ainsi l’ intelligence devient irresponsable. Les clercs s’y résignent et même s
314 te. » Ainsi l’intelligence devient irresponsable. Les clercs s’y résignent et même s’en vantent : c’est plus commode. Quant
315 illeux, des espèces d’aristos qui ne vont qu’avec les riches. Il y en a certes qui font progresser la science, et cela c’es
316 les riches. Il y en a certes qui font progresser la science, et cela c’est bien. On va les écouter avec plaisir quand ils
317 progresser la science, et cela c’est bien. On va les écouter avec plaisir quand ils viennent faire une conférence instruct
318 nce instructive avec projections lumineuses. Mais les philosophes3, par exemple, à quoi cela sert-il ? D’ailleurs, on n’en
319 ert-il ? D’ailleurs, on n’en a jamais vu. Quant à la politique, c’est tout à fait autre chose. C’est un certain nombre de
320 C’est un certain nombre de phrases qu’on lit dans les journaux et qu’on entend dans les assemblées, et grâce auxquelles on
321 qu’on lit dans les journaux et qu’on entend dans les assemblées, et grâce auxquelles on reconnaît tout de suite si un type
322 es on reconnaît tout de suite si un type est avec les petits ou avec les gros. D’autre part, c’est une question de travail,
323 t de suite si un type est avec les petits ou avec les gros. D’autre part, c’est une question de travail, de salaires, de pr
324 une question de travail, de salaires, de prix de la vie, et là les intellectuels ne servent à rien. Enfin, les questions
325 de travail, de salaires, de prix de la vie, et là les intellectuels ne servent à rien. Enfin, les questions de personnes jo
326 et là les intellectuels ne servent à rien. Enfin, les questions de personnes jouent un rôle : on aime avoir un député instr
327 ns, qu’un intellectuel aille parler au peuple, on l’ écoutera bien patiemment, s’il a su se rendre sympathique et surtout s
328 t s’il a l’air « sincère », mais on n’aura jamais l’ idée de mettre en pratique ce qu’il dit. Il reste dans son rôle en s’a
329 u’il dit. Il reste dans son rôle en s’agitant sur l’ estrade et en lançant des appels éloquents, et moi je reste dans mon r
330 homme du peuple ne s’est jamais dit cela comme je le dis ici. Mais il me paraît clair que la plupart font comme s’ils le p
331 l me paraît clair que la plupart font comme s’ils le pensaient. D’autre part, il est trop certain que les intellectuels pr
332 pensaient. D’autre part, il est trop certain que les intellectuels professent depuis longtemps en toute conscience une doc
333 nscience une doctrine analogue. Il est normal que les hommes sans culture se trompent sur la nature et sur le rôle de la cu
334 ormal que les hommes sans culture se trompent sur la nature et sur le rôle de la culture. Mais il est inquiétant que les h
335 mes sans culture se trompent sur la nature et sur le rôle de la culture. Mais il est inquiétant que les hommes cultivés, a
336 lture se trompent sur la nature et sur le rôle de la culture. Mais il est inquiétant que les hommes cultivés, au lieu de s
337 le rôle de la culture. Mais il est inquiétant que les hommes cultivés, au lieu de s’efforcer, comme ils devraient, de comba
338 ontraire leur confort. Au lieu de faire respecter la vérité, en montrant par l’exemple qu’elle implique des actes, ils la
339 ieu de faire respecter la vérité, en montrant par l’ exemple qu’elle implique des actes, ils la disqualifient et ils s’en m
340 ant par l’exemple qu’elle implique des actes, ils la disqualifient et ils s’en moquent agréablement, ils la réduisent à un
341 squalifient et ils s’en moquent agréablement, ils la réduisent à un ensemble de phrases correctes, quelquefois ingénieuses
342 efois ingénieuses, et par définition inefficaces. L’ opinion de mon voisin après la conférence, j’ai pu croire que c’était
343 nition inefficaces. L’opinion de mon voisin après la conférence, j’ai pu croire que c’était l’opinion d’un nigaud ; mais n
344 n après la conférence, j’ai pu croire que c’était l’ opinion d’un nigaud ; mais non, c’est celle d’un clerc parfait. Je n’a
345 ’étonner de cette rencontre. 19 décembre 1933 Si l’ on veut réellement conduire un homme à un but défini, il faut avant to
346 n but défini, il faut avant tout se préoccuper de le prendre là où il est, et commencer là. Voilà le secret de tout secour
347 e le prendre là où il est, et commencer là. Voilà le secret de tout secours… Pour aider réellement un homme, il faut que j
348 par orgueil, de sorte qu’au fond, au lieu d’aider l’ homme, je cherche à me faire admirer de lui. Cette remarque de Kierke
349 hacun, mon amour-propre, je ne puis m’empêcher de le juger assez justifié dans l’occurrence. On n’aime pas à être tenu pou
350 e puis m’empêcher de le juger assez justifié dans l’ occurrence. On n’aime pas à être tenu pour un fainéant ou un rentier,
351 « situation » qui fait de moi, pour parler comme la presse, un « intellectuel en chômage. » (Écrire, aux yeux de ces pays
352 respect pour moi, c’est parce qu’on raconte dans le pays que je possède une machine à écrire…) Février 1934 Les gens. —
353 e je possède une machine à écrire…) Février 1934 Les gens. — Du haut des dunes, je vois les terres divisées en parcelles m
354 rier 1934 Les gens. — Du haut des dunes, je vois les terres divisées en parcelles minuscules. Sur ces parcelles des hommes
355 s parcelles des hommes et des femmes travaillent, le buste parallèle au sol. Ces deux observations physiques très simples
356 ommentaire. Elles résument en deux images exactes les conditions morales et économiques des habitants de l’île. 1° Division
357 onditions morales et économiques des habitants de l’ île. 1° Division des terres. — J’ai pu vérifier à plusieurs reprises l
358 s terres. — J’ai pu vérifier à plusieurs reprises l’ extraordinaire complication du cadastre en lisant affichées sur les mu
359 complication du cadastre en lisant affichées sur les murs de l’église les annonces de ventes immobilières. Les propriétés
360 n du cadastre en lisant affichées sur les murs de l’ église les annonces de ventes immobilières. Les propriétés se composen
361 stre en lisant affichées sur les murs de l’église les annonces de ventes immobilières. Les propriétés se composent générale
362 de l’église les annonces de ventes immobilières. Les propriétés se composent généralement d’une vingtaine ou d’une trentai
363 lles, dont beaucoup n’ont que quelques centiares, les plus grandes un à deux ares. Je connais déjà la géographie locale ass
364 les plus grandes un à deux ares. Je connais déjà la géographie locale assez pour me rendre compte de la dispersion ridicu
365 géographie locale assez pour me rendre compte de la dispersion ridicule des parcelles tout autour du village : l’homme qu
366 n ridicule des parcelles tout autour du village : l’ homme qui travaille ces bouts de champ, grands comme ma chambre, doit
367 rands comme ma chambre, doit passer une partie de la journée à marcher de l’un à l’autre. Disposition encore plus gênante
368 tre. Disposition encore plus gênante au moment de la récolte. Et, bien entendu, cela exclut l’usage des machines agricoles
369 ment de la récolte. Et, bien entendu, cela exclut l’ usage des machines agricoles. Pourquoi ne s’entendent-ils pas entre eu
370 nseigné. Il paraît bien qu’un maire avait proposé la réforme, avant la guerre. Mais cela n’a pas marché. La tradition de l
371 bien qu’un maire avait proposé la réforme, avant la guerre. Mais cela n’a pas marché. La tradition de l’île veut que chaq
372 forme, avant la guerre. Mais cela n’a pas marché. La tradition de l’île veut que chaque champ soit partagé à la mort du pr
373 guerre. Mais cela n’a pas marché. La tradition de l’ île veut que chaque champ soit partagé à la mort du propriétaire en au
374 ion de l’île veut que chaque champ soit partagé à la mort du propriétaire en autant de parcelles qu’il y a d’héritiers. Ce
375 er que l’un hérite d’un champ un peu meilleur que les autres. Égalité contre solidarité. Le résultat évident de cette tradi
376 illeur que les autres. Égalité contre solidarité. Le résultat évident de cette tradition sacro-sainte, c’est que les paysa
377 vident de cette tradition sacro-sainte, c’est que les paysans travaillent beaucoup plus qu’il ne serait nécessaire à leur s
378 qu’il ne serait nécessaire à leur subsistance si la répartition des terres était conçue, non point selon les principes ég
379 artition des terres était conçue, non point selon les principes égalitaires, mais selon le bon sens pratique. Comment espér
380 point selon les principes égalitaires, mais selon le bon sens pratique. Comment espérer un développement « culturel » de c
381 abrutie de fatigue ? Il faudrait d’abord réformer les conditions matérielles. Mais précisément ce qui s’y oppose, c’est l’i
382 ielles. Mais précisément ce qui s’y oppose, c’est l’ idéologie rudimentaire qu’on leur a inculquée, et qui n’a que trop bie
383 me ici pourrait influencer cette mentalité, c’est l’ instituteur. S’il leur donnait une éducation non plus égalitaire, mais
384 être changées. Mais si personne ne fait rien par le moyen normal de l’éducation, il n’y a plus d’autre solution que la co
385 s si personne ne fait rien par le moyen normal de l’ éducation, il n’y a plus d’autre solution que la contrainte. La dictat
386 e l’éducation, il n’y a plus d’autre solution que la contrainte. La dictature est un moyen grossier, souvent barbare et to
387 il n’y a plus d’autre solution que la contrainte. La dictature est un moyen grossier, souvent barbare et toujours déshonor
388 ent barbare et toujours déshonorant pour ceux qui la subissent, mais c’est le seul moyen de transformer et d’animer un peu
389 éshonorant pour ceux qui la subissent, mais c’est le seul moyen de transformer et d’animer un peuple auquel on n’a pas su
390 et d’animer un peuple auquel on n’a pas su donner le sens civique, le sens de la communauté. Qui est-ce qui se préoccupe e
391 uple auquel on n’a pas su donner le sens civique, le sens de la communauté. Qui est-ce qui se préoccupe en France de donne
392 on n’a pas su donner le sens civique, le sens de la communauté. Qui est-ce qui se préoccupe en France de donner au peuple
393 anti-quelque chose, qui n’empêcheront rien, c’est l’ évidence, parce qu’elles n’exigent rien de positif, ne construisent ri
394 citations verbales. Dictature ou éducation, voilà le dilemme. 2° Mauvais outils. — Revenons au sens précis, limité et terr
395 ens précis, limité et terre à terre des usages de l’ île. Dès la quarantaine déjà, les hommes et les femmes ont tous le cor
396 limité et terre à terre des usages de l’île. Dès la quarantaine déjà, les hommes et les femmes ont tous le corps plus ou
397 rre des usages de l’île. Dès la quarantaine déjà, les hommes et les femmes ont tous le corps plus ou moins déjeté. Cela pro
398 de l’île. Dès la quarantaine déjà, les hommes et les femmes ont tous le corps plus ou moins déjeté. Cela provient évidemme
399 arantaine déjà, les hommes et les femmes ont tous le corps plus ou moins déjeté. Cela provient évidemment de leur position
400 aillent aux champs. Et cette position provient de la forme de leurs outils. Ils n’utilisent guère que des « bouelles » au
401 des « bouelles » au manche très court, recourbé à l’ extrémité, de telle sorte que la lame fait avec le manche un angle d’e
402 court, recourbé à l’extrémité, de telle sorte que la lame fait avec le manche un angle d’environ 45 degrés. Cet instrument
403 l’extrémité, de telle sorte que la lame fait avec le manche un angle d’environ 45 degrés. Cet instrument, d’une part les o
404 e d’environ 45 degrés. Cet instrument, d’une part les oblige à baisser le buste au maximum, jambes écartées, pour gratter l
405 . Cet instrument, d’une part les oblige à baisser le buste au maximum, jambes écartées, pour gratter la terre sablonneuse,
406 e buste au maximum, jambes écartées, pour gratter la terre sablonneuse, d’autre part les empêche de labourer cette terre à
407 , pour gratter la terre sablonneuse, d’autre part les empêche de labourer cette terre à plus de quinze ou vingt centimètres
408 s de rallonge au manche, un angle plus grand avec la lame, cela suffirait à redresser leur corps et augmenterait le rendem
409 suffirait à redresser leur corps et augmenterait le rendement de leurs champs. Intrigué dès les premiers jours par l’allu
410 leurs champs. Intrigué dès les premiers jours par l’ allure et les façons de travailler si spéciales des gens d’ici, j’ai h
411 . Intrigué dès les premiers jours par l’allure et les façons de travailler si spéciales des gens d’ici, j’ai hésité longtem
412 es gens d’ici, j’ai hésité longtemps à croire que la raison en était réellement aussi simple. Je connais tout de même asse
413 ement aussi simple. Je connais tout de même assez la terre pour savoir que les mêmes outils ne sont pas bons en tous pays,
414 nnais tout de même assez la terre pour savoir que les mêmes outils ne sont pas bons en tous pays, et je cherchais quelle pa
415 je cherchais quelle particularité locale motivait l’ usage exclusif de cette bouelle. Je les ai questionnés : ils ont eu l’
416 le motivait l’usage exclusif de cette bouelle. Je les ai questionnés : ils ont eu l’air plutôt surpris. « On a toujours fai
417 urpris. « On a toujours fait comme ça. » Un jour, le père Renaud étant venu retourner une planche d’oignons, je lui ai off
418 retourner une planche d’oignons, je lui ai offert les outils à long manche qui sont dans le chai, et il a refusé. « On n’a
419 ai offert les outils à long manche qui sont dans le chai, et il a refusé. « On n’a pas l’habitude. » Contre-épreuve : un
420 i sont dans le chai, et il a refusé. « On n’a pas l’ habitude. » Contre-épreuve : un petit propriétaire venu du continent i
421 e n’en sais rien4. Je me borne à constater qu’ici les paysans travaillent trop, se plaignent du mauvais rendement de la ter
422 illent trop, se plaignent du mauvais rendement de la terre, et refusent cependant de rien changer à des habitudes dont les
423 nt cependant de rien changer à des habitudes dont les défauts sautent aux yeux du premier venu. 13 février 1934 La presse.
424 autent aux yeux du premier venu. 13 février 1934 La presse. — Je note à l’usage d’un futur historien des mœurs que la pre
425 ier venu. 13 février 1934 La presse. — Je note à l’ usage d’un futur historien des mœurs que la presse « de droite » reflè
426 note à l’usage d’un futur historien des mœurs que la presse « de droite » reflète assez exactement la mentalité et les con
427 la presse « de droite » reflète assez exactement la mentalité et les conversations de la bourgeoisie conservatrice, alors
428 droite » reflète assez exactement la mentalité et les conversations de la bourgeoisie conservatrice, alors que la presse de
429 z exactement la mentalité et les conversations de la bourgeoisie conservatrice, alors que la presse de gauche ne reflète n
430 ations de la bourgeoisie conservatrice, alors que la presse de gauche ne reflète nullement la mentalité ni les conversatio
431 lors que la presse de gauche ne reflète nullement la mentalité ni les conversations populaires. C’est que les journaux soc
432 se de gauche ne reflète nullement la mentalité ni les conversations populaires. C’est que les journaux socialistes et commu
433 talité ni les conversations populaires. C’est que les journaux socialistes et communistes sont rédigés par des bourgeois, o
434 rédigés par des bourgeois, ou par des candidats à la bourgeoisie, en tous cas par des gens qui recherchent la « considérat
435 geoisie, en tous cas par des gens qui recherchent la « considération » du peuple. D’où le ton haineux typiquement petit-bo
436 recherchent la « considération » du peuple. D’où le ton haineux typiquement petit-bourgeois de certaines de ces feuilles.
437 ces feuilles. Je n’ai jamais retrouvé ce ton dans le peuple. S’il en paraît parfois, par accident, quelques traces ici ou
438 ar accident, quelques traces ici ou là, c’est que le peuple, en France, lit trop de journaux, ne lit que cela, et finit pa
439 urnaux, ne lit que cela, et finit par se croire «  le Peuple », tel que l’imaginent les bourgeois et leurs journalistes. Ce
440 la, et finit par se croire « le Peuple », tel que l’ imaginent les bourgeois et leurs journalistes. Ce n’est pas dans notre
441 par se croire « le Peuple », tel que l’imaginent les bourgeois et leurs journalistes. Ce n’est pas dans notre île, d’aille
442 ailleurs, que j’ai pu constater cette contagion ! Les deux journaux locaux gardent un ton à la fois naïf et grandiloquent,
443 elui des « discussions » qu’on peut entendre dans les cafés du port, au chef-lieu, mais qui correspond bien à ce que les pê
444 , au chef-lieu, mais qui correspond bien à ce que les pêcheurs ou les paysans aiment à se faire dire, me semble-t-il. D’ail
445 mais qui correspond bien à ce que les pêcheurs ou les paysans aiment à se faire dire, me semble-t-il. D’ailleurs il y a peu
446 a peu de nouvelles du monde dans leurs colonnes. Les correspondances villageoises (accidents de bicyclette, arrivée d’un b
447 d’un bateau, prix du sel, causeries du curé ou de l’ instituteur, mariages, décès et naissances) tiennent presque toute la
448 ages, décès et naissances) tiennent presque toute la place. Abîme entre la politique des amis du peuple et la réalité du p
449 ces) tiennent presque toute la place. Abîme entre la politique des amis du peuple et la réalité du peuple : rien ne le ren
450 e. Abîme entre la politique des amis du peuple et la réalité du peuple : rien ne le rend plus sensible que cette différenc
451 amis du peuple et la réalité du peuple : rien ne le rend plus sensible que cette différence de ton entre tel organe socia
452 ces petits journaux de campagne. 15 février 1934 Les gens. — Si j’avais une âme de philanthrope, je chercherais à répandre
453 nthrope, je chercherais à répandre mes idées dans la population : j’organiserais, par exemple, un meeting pour exposer mes
454 outume de se réunir, d’être ensemble pour causer. Le dimanche, ils « font la partie » chez l’un ou l’autre, à quatre ou ci
455 tre ensemble pour causer. Le dimanche, ils « font la partie » chez l’un ou l’autre, à quatre ou cinq. On boit et on tape l
456 ou l’autre, à quatre ou cinq. On boit et on tape le carton sans beaucoup de paroles. C’est à cela que se réduit la vie co
457 s beaucoup de paroles. C’est à cela que se réduit la vie commune. Quelques-uns le déplorent parmi les vieux. Mais personne
458 à cela que se réduit la vie commune. Quelques-uns le déplorent parmi les vieux. Mais personne n’a l’idée de rien entrepren
459 t la vie commune. Quelques-uns le déplorent parmi les vieux. Mais personne n’a l’idée de rien entreprendre. Le village comp
460 s le déplorent parmi les vieux. Mais personne n’a l’ idée de rien entreprendre. Le village comptait autrefois, paraît-il, c
461 x. Mais personne n’a l’idée de rien entreprendre. Le village comptait autrefois, paraît-il, cinq ou six Sociétés de caract
462 ix Sociétés de caractère utilitaire ou récréatif. La plus fameuse était la Clique des retraités de la Marine, qui animait
463 re utilitaire ou récréatif. La plus fameuse était la Clique des retraités de la Marine, qui animait de ses concerts de nom
464 La plus fameuse était la Clique des retraités de la Marine, qui animait de ses concerts de nombreuses fêtes villageoises.
465 fêtes villageoises. Tout cela s’est dissous quand les hommes sont partis pour la guerre, et rien ne s’est refait depuis. Qu
466 a s’est dissous quand les hommes sont partis pour la guerre, et rien ne s’est refait depuis. Quand on veut danser, on fait
467 efait depuis. Quand on veut danser, on fait venir l’ orchestre-jazz du chef-lieu : il arrive dans un somptueux car d’excurs
468 ux associations se survivent encore. L’une, c’est la Mutuelle, dont l’activité principale se manifeste lors des enterremen
469 survivent encore. L’une, c’est la Mutuelle, dont l’ activité principale se manifeste lors des enterrements : elle assure à
470 se suite pour leur dernier voyage. L’autre, c’est la Société coopérative de panification, réunissant dans une sorte de cor
471 rporation boulangers, minotiers et consommateurs. Le pain, la tombe. Deux réalités fondamentales. Voilà qui est bien dans
472 boulangers, minotiers et consommateurs. Le pain, la tombe. Deux réalités fondamentales. Voilà qui est bien dans l’harmoni
473 x réalités fondamentales. Voilà qui est bien dans l’ harmonie de cette lande où l’homme et ses maisons mettent les seules v
474 là qui est bien dans l’harmonie de cette lande où l’ homme et ses maisons mettent les seules verticales. Existence ramenée
475 de cette lande où l’homme et ses maisons mettent les seules verticales. Existence ramenée à ces deux dimensions premières.
476 nce ramenée à ces deux dimensions premières. Pour la vie, l’homme debout et actif, il faut le pain. Pour la mort, l’homme
477 née à ces deux dimensions premières. Pour la vie, l’ homme debout et actif, il faut le pain. Pour la mort, l’homme qui se r
478 es. Pour la vie, l’homme debout et actif, il faut le pain. Pour la mort, l’homme qui se recouche, il faut la tombe. Il y a
479 e, l’homme debout et actif, il faut le pain. Pour la mort, l’homme qui se recouche, il faut la tombe. Il y a toujours quel
480 e debout et actif, il faut le pain. Pour la mort, l’ homme qui se recouche, il faut la tombe. Il y a toujours quelque grand
481 n. Pour la mort, l’homme qui se recouche, il faut la tombe. Il y a toujours quelque grandeur dans les choses simples, rudi
482 t la tombe. Il y a toujours quelque grandeur dans les choses simples, rudimentaires. Mais quand je vois ces hommes et ces f
483 vivre, j’hésite à reconnaître dans leur existence le beau mythe du peuple primitif aux prises avec les éléments hostiles.
484 le beau mythe du peuple primitif aux prises avec les éléments hostiles. En vérité, ils vivent à peine. Ils subsistent. À l
485 a fois aux limites du continent et aux limites de l’ humanité. Ils n’attaquent plus, ils se cramponnent. Ce ne sont pas des
486 ais de petits propriétaires qui se défendent avec la seule obstination de l’instinct, au niveau le plus bas où l’homme pui
487 res qui se défendent avec la seule obstination de l’ instinct, au niveau le plus bas où l’homme puisse vivre sans misère, s
488 vec la seule obstination de l’instinct, au niveau le plus bas où l’homme puisse vivre sans misère, sans ambitions, sans rê
489 stination de l’instinct, au niveau le plus bas où l’ homme puisse vivre sans misère, sans ambitions, sans rêves, sans trist
490 ne signifie pas nécessairement qu’ils aient perdu le sentiment de leur commune condition. Ils sont peut-être trop pareils
491 on. Ils sont peut-être trop pareils pour éprouver le besoin de s’unir. Ils n’ont pas à faire face à des menaces extérieure
492 seul, menace ou entreprise commune, qui rassemble les peuples et les pousse à créer des signes visibles de leur union : ass
493 entreprise commune, qui rassemble les peuples et les pousse à créer des signes visibles de leur union : assemblées, fêtes,
494 Mais ici que feraient-ils de tout cela ? Ils ont la liberté, et cela leur suffit, depuis cent-cinquante ans. Ils ne songe
495 cent-cinquante ans. Ils ne songent pas à en tirer le moindre profit positif. Ils se nourrissent mal (légumes, soupes, frui
496 de 200 000 francs, que leurs fils iront perdre à la ville : je crois cependant que la proportion des fous est moindre ici
497 iront perdre à la ville : je crois cependant que la proportion des fous est moindre ici que sur le continent. Et l’on meu
498 ue la proportion des fous est moindre ici que sur le continent. Et l’on meurt vieux, et les médecins ne font pas fortune.
499 des fous est moindre ici que sur le continent. Et l’ on meurt vieux, et les médecins ne font pas fortune. Quelle conclusion
500 ici que sur le continent. Et l’on meurt vieux, et les médecins ne font pas fortune. Quelle conclusion tirer de tout cela ?
501 lle conclusion tirer de tout cela ? Quand on voit les choses et les êtres de trop près, on perd le peu de foi que l’on pouv
502 tirer de tout cela ? Quand on voit les choses et les êtres de trop près, on perd le peu de foi que l’on pouvait accorder a
503 oit les choses et les êtres de trop près, on perd le peu de foi que l’on pouvait accorder aux idéologies et aux politicien
504 les êtres de trop près, on perd le peu de foi que l’ on pouvait accorder aux idéologies et aux politiciens. Il faut vivre à
505 — c’est son mystère — mais ne dites pas que vous le faites pour son bonheur, car il est plus « heureux » que vous. Il fau
506 uement à une vérité absolue, qui vaille mieux que la paix et le bonheur, pour oser bouleverser la petite vie de notre île.
507 e vérité absolue, qui vaille mieux que la paix et le bonheur, pour oser bouleverser la petite vie de notre île. À noter et
508 que la paix et le bonheur, pour oser bouleverser la petite vie de notre île. À noter et à souligner : seules les guerres
509 vie de notre île. À noter et à souligner : seules les guerres de religion ont tiré de l’héroïsme de ce peuple. Mais combien
510 gner : seules les guerres de religion ont tiré de l’ héroïsme de ce peuple. Mais combien se feraient tuer aujourd’hui pour
511 r sauver leur pratique ? On en vient à penser que le régime qui convient le mieux à cette vie obscure — j’entends celui qu
512 ? On en vient à penser que le régime qui convient le mieux à cette vie obscure — j’entends celui qui la contente le mieux
513 e mieux à cette vie obscure — j’entends celui qui la contente le mieux à défaut de la développer —, c’est encore la Troisi
514 tte vie obscure — j’entends celui qui la contente le mieux à défaut de la développer —, c’est encore la Troisième Républiq
515 ntends celui qui la contente le mieux à défaut de la développer —, c’est encore la Troisième République : un État faible,
516 re la Troisième République : un État faible, dont le centre est lointain, qui ne croit à rien, et qui par suite ne peut ri
517 xiger de sérieux. Mais il y a d’autres aspects de la question. Le sel ne se vend plus depuis un an, et c’était la ressourc
518 eux. Mais il y a d’autres aspects de la question. Le sel ne se vend plus depuis un an, et c’était la ressource principale
519 . Le sel ne se vend plus depuis un an, et c’était la ressource principale des villages. Le chef-lieu est en train de deven
520 et c’était la ressource principale des villages. Le chef-lieu est en train de devenir la proie des politiciens de Paris.
521 es villages. Le chef-lieu est en train de devenir la proie des politiciens de Paris. Un dimanche, ce sont les enfants comm
522 ie des politiciens de Paris. Un dimanche, ce sont les enfants communistes de la colonie de vacances qui défilent en maillot
523 . Un dimanche, ce sont les enfants communistes de la colonie de vacances qui défilent en maillots rouges et l’on pousse de
524 ie de vacances qui défilent en maillots rouges et l’ on pousse des « cris séditieux » ; le dimanche suivant, ce sont les en
525 ts rouges et l’on pousse des « cris séditieux » ; le dimanche suivant, ce sont les enfants de la fondation « de droite » e
526 « cris séditieux » ; le dimanche suivant, ce sont les enfants de la fondation « de droite » et on les applaudit : la fondat
527 x » ; le dimanche suivant, ce sont les enfants de la fondation « de droite » et on les applaudit : la fondation fait vivre
528 t les enfants de la fondation « de droite » et on les applaudit : la fondation fait vivre beaucoup de personnes de l’île. L
529 la fondation « de droite » et on les applaudit : la fondation fait vivre beaucoup de personnes de l’île. La moitié des ma
530 la fondation fait vivre beaucoup de personnes de l’ île. La moitié des maisons sont vides, et quelques-unes déjà tombent e
531 dation fait vivre beaucoup de personnes de l’île. La moitié des maisons sont vides, et quelques-unes déjà tombent en ruine
532 alors, qui va venir un beau jour, de Paris, faire la loi dans notre village ? 15 mars 1934 Je rentre de Vendée. On m’avait
533 rapporte deux séries d’observations nouvelles sur la province, et je crois d’autant plus utile de les consigner qu’elles m
534 r la province, et je crois d’autant plus utile de les consigner qu’elles modifient sensiblement certains jugements auxquels
535 blement certains jugements auxquels m’avait amené la considération de mon île. Il faut parler d’abord des autocars. Je ne
536 l faut parler d’abord des autocars. Je ne sais si l’ on se doute à Paris de l’importance des autocars et des transformation
537 autocars. Je ne sais si l’on se doute à Paris de l’ importance des autocars et des transformations qu’ils sont en train de
538 ansformations qu’ils sont en train de causer dans la vie provinciale. Je n’ai pas compté le nombre de lignes actuellement
539 auser dans la vie provinciale. Je n’ai pas compté le nombre de lignes actuellement exploitées. Mais j’ai pu constater, dan
540 j’ai pu constater, dans plusieurs départements de l’ Ouest, qu’il n’est plus guère de « pays » qui ne soit desservi par une
541 ait modifier plus rapidement et plus profondément la coutume de la France rurale. Mais ce n’est pas encore assez dire : l’
542 lus rapidement et plus profondément la coutume de la France rurale. Mais ce n’est pas encore assez dire : l’autocar modifi
543 nce rurale. Mais ce n’est pas encore assez dire : l’ autocar modifie complètement le mode de contact entre le voyageur et l
544 ncore assez dire : l’autocar modifie complètement le mode de contact entre le voyageur et la province. Naguère encore, qua
545 car modifie complètement le mode de contact entre le voyageur et la province. Naguère encore, quand on n’avait que les che
546 plètement le mode de contact entre le voyageur et la province. Naguère encore, quand on n’avait que les chemins de fer, to
547 la province. Naguère encore, quand on n’avait que les chemins de fer, tout convergeait vers Paris, non seulement du fait d’
548 viaire centralisée, mais encore sentimentalement. Le confort relatif des grandes lignes indiquait qu’on allait à Paris ou
549 ait qu’on allait à Paris ou qu’on en venait. Tout le reste n’était que tortillards cahotants, jamais à l’heure, où l’on se
550 reste n’était que tortillards cahotants, jamais à l’ heure, où l’on se sentait relégué à l’écart de la « vraie » circulatio
551 t que tortillards cahotants, jamais à l’heure, où l’ on se sentait relégué à l’écart de la « vraie » circulation. Et l’on n
552 s, jamais à l’heure, où l’on se sentait relégué à l’ écart de la « vraie » circulation. Et l’on ne voyait guère que des gar
553 l’heure, où l’on se sentait relégué à l’écart de la « vraie » circulation. Et l’on ne voyait guère que des gares, ce qu’i
554 relégué à l’écart de la « vraie » circulation. Et l’ on ne voyait guère que des gares, ce qu’il y a de plus attristant dans
555 plus attristant dans chaque village. Aujourd’hui, les stations d’autocars sont sur la place principale. C’est de là qu’on p
556 ge. Aujourd’hui, les stations d’autocars sont sur la place principale. C’est de là qu’on part au milieu d’une grande afflu
557 arrive à grand son de trompe, c’est enfin ce que l’ on voit le mieux de chaque pays. La voie ferrée était une sorte d’insu
558 grand son de trompe, c’est enfin ce que l’on voit le mieux de chaque pays. La voie ferrée était une sorte d’insulte à la v
559 t enfin ce que l’on voit le mieux de chaque pays. La voie ferrée était une sorte d’insulte à la vie locale : elle la trave
560 pays. La voie ferrée était une sorte d’insulte à la vie locale : elle la traversait abstraitement, sans la voir, sans ten
561 était une sorte d’insulte à la vie locale : elle la traversait abstraitement, sans la voir, sans tenir compte de ses circ
562 e locale : elle la traversait abstraitement, sans la voir, sans tenir compte de ses circonstances. Sur ses bords ne vivait
563 s ne vivait qu’une population nomade, qui portait l’ uniforme de l’État, partout, la même. Vous pouviez parcourir vingt foi
564 ’une population nomade, qui portait l’uniforme de l’ État, partout, la même. Vous pouviez parcourir vingt fois la France de
565 omade, qui portait l’uniforme de l’État, partout, la même. Vous pouviez parcourir vingt fois la France de part en part, sa
566 rtout, la même. Vous pouviez parcourir vingt fois la France de part en part, sans remarquer que les gens qui l’habitent ne
567 ois la France de part en part, sans remarquer que les gens qui l’habitent ne sont pas tous de la même sorte, et que d’une p
568 de part en part, sans remarquer que les gens qui l’ habitent ne sont pas tous de la même sorte, et que d’une province à un
569 r que les gens qui l’habitent ne sont pas tous de la même sorte, et que d’une province à une autre, ce n’est pas seulement
570 ’une province à une autre, ce n’est pas seulement le paysage qui change. N’était-ce pas là l’une des raisons qui faisait s
571 l’une des raisons qui faisait si facilement nier la subsistance des « petites patries » dans la nation abstraitement unif
572 nier la subsistance des « petites patries » dans la nation abstraitement unifiée ? La ligne d’autocar fait partie du pays
573 patries » dans la nation abstraitement unifiée ? La ligne d’autocar fait partie du pays. Elle en épouse la géographie phy
574 gne d’autocar fait partie du pays. Elle en épouse la géographie physique, mais aussi humaine. Elle quitte à tout propos la
575 ue, mais aussi humaine. Elle quitte à tout propos la route nationale pour des chemins secondaires ou des ruelles à peine p
576 econdaires ou des ruelles à peine plus larges que la voiture. Mais aussi elle tient compte des rythmes de la vie locale, d
577 ture. Mais aussi elle tient compte des rythmes de la vie locale, du calendrier des marées, de l’heure matinale des foires,
578 es de la vie locale, du calendrier des marées, de l’ heure matinale des foires, dans les districts ruraux, et ailleurs de l
579 des marées, de l’heure matinale des foires, dans les districts ruraux, et ailleurs de l’entrée et de la sortie des usines
580 foires, dans les districts ruraux, et ailleurs de l’ entrée et de la sortie des usines ou des écoles. La simple intention d
581 s districts ruraux, et ailleurs de l’entrée et de la sortie des usines ou des écoles. La simple intention d’utiliser ce mo
582 ’entrée et de la sortie des usines ou des écoles. La simple intention d’utiliser ce moyen de transport vous met en contact
583 pour obtenir un minimum de précisions concernant l’ heure du prochain départ et la destination des diverses voitures qui s
584 écisions concernant l’heure du prochain départ et la destination des diverses voitures qui stationnent sur la place. C’est
585 ination des diverses voitures qui stationnent sur la place. C’est que chaque compagnie a sa tête de ligne chez un bistro d
586 ro différent, et il est rare qu’on puisse trouver l’ horaire ailleurs. Parfois le bistro vend aussi les billets ; et c’est
587 qu’on puisse trouver l’horaire ailleurs. Parfois le bistro vend aussi les billets ; et c’est chez lui qu’on attend le dép
588 l’horaire ailleurs. Parfois le bistro vend aussi les billets ; et c’est chez lui qu’on attend le départ. Pour peu que l’on
589 ussi les billets ; et c’est chez lui qu’on attend le départ. Pour peu que l’on manifeste la moindre curiosité on ne tarde
590 est chez lui qu’on attend le départ. Pour peu que l’ on manifeste la moindre curiosité on ne tarde pas à y apprendre pas ma
591 ’on attend le départ. Pour peu que l’on manifeste la moindre curiosité on ne tarde pas à y apprendre pas mal d’histoires,
592 rendre pas mal d’histoires, dont j’indiquerai ici l’ enchaînement à peu près immuable. Cela commence par quelques anecdotes
593 mmuable. Cela commence par quelques anecdotes sur l’ installation de la ligne et sur la concurrente qui a fait baisser les
594 ence par quelques anecdotes sur l’installation de la ligne et sur la concurrente qui a fait baisser les prix. Car il est d
595 s anecdotes sur l’installation de la ligne et sur la concurrente qui a fait baisser les prix. Car il est de règle qu’au dé
596 la ligne et sur la concurrente qui a fait baisser les prix. Car il est de règle qu’au début deux Compagnies se disputent le
597 de règle qu’au début deux Compagnies se disputent le parcours, jusqu’à ce que l’une des deux fasse faillite, ou réussisse
598  » sa renonciation, quitte à recommencer aussitôt le petit jeu sur un autre parcours5. De là à des potins sur les personna
599 eu sur un autre parcours5. De là à des potins sur les personnalités de l’endroit, sur le rôle qu’ont joué dans l’affaire le
600 urs5. De là à des potins sur les personnalités de l’ endroit, sur le rôle qu’ont joué dans l’affaire le sous-préfet, ou le
601 es potins sur les personnalités de l’endroit, sur le rôle qu’ont joué dans l’affaire le sous-préfet, ou le député, ou dive
602 alités de l’endroit, sur le rôle qu’ont joué dans l’ affaire le sous-préfet, ou le député, ou divers margoulins, topazes, e
603 l’endroit, sur le rôle qu’ont joué dans l’affaire le sous-préfet, ou le député, ou divers margoulins, topazes, etc. Si l’o
604 ôle qu’ont joué dans l’affaire le sous-préfet, ou le député, ou divers margoulins, topazes, etc. Si l’on a le temps, il n’
605 le député, ou divers margoulins, topazes, etc. Si l’ on a le temps, il n’est pas impossible de pousser la « discussion » su
606 té, ou divers margoulins, topazes, etc. Si l’on a le temps, il n’est pas impossible de pousser la « discussion » sur un pl
607 on a le temps, il n’est pas impossible de pousser la « discussion » sur un plan supérieur, d’aborder par exemple la questi
608 on » sur un plan supérieur, d’aborder par exemple la question du capitalisme en général. Bref, lorsque vous montez dans l’
609 alisme en général. Bref, lorsque vous montez dans l’ autocar, vous êtes renseigné, vaille que vaille, sur les facteurs écon
610 ocar, vous êtes renseigné, vaille que vaille, sur les facteurs économiques du pays, sur les noms des notables et sur le jeu
611 vaille, sur les facteurs économiques du pays, sur les noms des notables et sur le jeu des partis politiques. Et que dire ma
612 omiques du pays, sur les noms des notables et sur le jeu des partis politiques. Et que dire maintenant du voyage lui-même 
613 C’est une résurrection de ce que Vigny pleurait, la poésie des diligences, mais aérée. C’est fait d’une foule d’incidents
614 vif et qui change de tête plusieurs fois pendant le trajet, de coups de main aux voyageurs chargés de paquets ou d’un jeu
615 et admiré, d’arrêts et de détours imprévus — car les chauffeurs acceptent volontiers toutes sortes de petites commissions
616 nt rares, ceux qui n’ont pas deux mots à dire par la portière entrouverte un instant à la fille de l’auberge écartée qui a
617 s à dire par la portière entrouverte un instant à la fille de l’auberge écartée qui attend le passage du car, les cheveux
618 la portière entrouverte un instant à la fille de l’ auberge écartée qui attend le passage du car, les cheveux au vent, sur
619 nstant à la fille de l’auberge écartée qui attend le passage du car, les cheveux au vent, sur le bord de la route. Rien de
620 e l’auberge écartée qui attend le passage du car, les cheveux au vent, sur le bord de la route. Rien de plus sympathique qu
621 ttend le passage du car, les cheveux au vent, sur le bord de la route. Rien de plus sympathique que les conducteurs de car
622 ssage du car, les cheveux au vent, sur le bord de la route. Rien de plus sympathique que les conducteurs de car. Cela tien
623 le bord de la route. Rien de plus sympathique que les conducteurs de car. Cela tient évidemment à leur métier. Ce sont, en
624 unes gaillards solides et gais, et qui ont toutes les raisons d’aimer le travail et de le faire bien : c’est moderne, c’est
625 es et gais, et qui ont toutes les raisons d’aimer le travail et de le faire bien : c’est moderne, c’est sportif, cela vous
626 i ont toutes les raisons d’aimer le travail et de le faire bien : c’est moderne, c’est sportif, cela vous pose dans l’espr
627 c’est moderne, c’est sportif, cela vous pose dans l’ esprit des populations, on se sent maître à bord de sa puissante machi
628 se sent maître à bord de sa puissante machine, et l’ on bénéficie de ces petites faveurs que les femmes ont toujours accord
629 ine, et l’on bénéficie de ces petites faveurs que les femmes ont toujours accordées à ceux qui commandent et disposent, ne
630 que pour une heure, de leur vie. Oui, voilà bien les hommes avec lesquels je rêverais d’entreprendre une belle révolution,
631 entreprendre une belle révolution, qui rajeunisse la France : ils ont la bonne humeur, le dynamisme, le sens pratique et l
632 le révolution, qui rajeunisse la France : ils ont la bonne humeur, le dynamisme, le sens pratique et la rapidité d’esprit
633 i rajeunisse la France : ils ont la bonne humeur, le dynamisme, le sens pratique et la rapidité d’esprit que les bourgeois
634 a France : ils ont la bonne humeur, le dynamisme, le sens pratique et la rapidité d’esprit que les bourgeois, qui en sont
635 a bonne humeur, le dynamisme, le sens pratique et la rapidité d’esprit que les bourgeois, qui en sont dépourvus, attribuen
636 sme, le sens pratique et la rapidité d’esprit que les bourgeois, qui en sont dépourvus, attribuent par erreur au « peuple »
637 par erreur au « peuple » en général. Sans compter les moyens techniques dont ils disposent et qui seraient décisifs lors d’
638 rapide. Mais loin de moi ces ambitions : ceux qui les ont n’en parlent pas, dit-on. Et je ne suis qu’un écrivain. Ceci me r
639 t de conversation que j’aurais dû noter plus tôt. Le monsieur rencontré dans l’autocar de Taillefer voulait savoir quel ét
640 ais dû noter plus tôt. Le monsieur rencontré dans l’ autocar de Taillefer voulait savoir quel était mon métier. Et quand j’
641 je n’étais qu’un écrivain, et chômeur par-dessus le marché, il s’écria : — Ah ! cher monsieur, je vous envie ! Vous avez
642 envie ! Vous avez un rôle magnifique à jouer dans la société. Vous avez le temps de réfléchir, et de nous faire part de vo
643 ôle magnifique à jouer dans la société. Vous avez le temps de réfléchir, et de nous faire part de vos lumières, et sans vo
644 normal, mettons qu’un fonctionnaire (c’était pour le flatter), et cela tient aux circonstances mêmes qui l’ont mis dans le
645 atter), et cela tient aux circonstances mêmes qui l’ ont mis dans le cas d’écrire. Car, ou bien l’on écrit ce que l’on ne p
646 tient aux circonstances mêmes qui l’ont mis dans le cas d’écrire. Car, ou bien l’on écrit ce que l’on ne peut pas faire,
647 qui l’ont mis dans le cas d’écrire. Car, ou bien l’ on écrit ce que l’on ne peut pas faire, et c’est l’aveu d’une faibless
648 s le cas d’écrire. Car, ou bien l’on écrit ce que l’ on ne peut pas faire, et c’est l’aveu d’une faiblesse ou d’une ambitio
649 ’on écrit ce que l’on ne peut pas faire, et c’est l’ aveu d’une faiblesse ou d’une ambition excessive, deux choses qui comp
650 ition excessive, deux choses qui compliquent fort la vie, je crois ; ou bien l’on écrit des choses intelligentes, et c’est
651 s qui compliquent fort la vie, je crois ; ou bien l’ on écrit des choses intelligentes, et c’est encore l’aveu d’une inadap
652 n écrit des choses intelligentes, et c’est encore l’ aveu d’une inadaptation cruelle aux mœurs et coutumes de ce temps ; ou
653 simplement pour gagner sa chienne de vie et c’est le bon moyen de traîner la misère la plus honteuse qui se puisse imagine
654 a chienne de vie et c’est le bon moyen de traîner la misère la plus honteuse qui se puisse imaginer, dans les antres rédac
655 de vie et c’est le bon moyen de traîner la misère la plus honteuse qui se puisse imaginer, dans les antres rédactionnels.
656 ère la plus honteuse qui se puisse imaginer, dans les antres rédactionnels. Je dis les antres. De toute façon, un écrivain
657 e imaginer, dans les antres rédactionnels. Je dis les antres. De toute façon, un écrivain est par nature un empêtré. Et voi
658 , un écrivain est par nature un empêtré. Et voilà le paradoxe et l’injustice : c’est qu’on attend, qu’on exige même de ces
659 st par nature un empêtré. Et voilà le paradoxe et l’ injustice : c’est qu’on attend, qu’on exige même de ces gens-là des ve
660 me de ces gens-là des vertus au-dessus du commun, la révélation de secrets qui suffiraient à rendre heureux les plus indig
661 ation de secrets qui suffiraient à rendre heureux les plus indignes, et ingénieux les plus balourds, enfin je ne sais quell
662 à rendre heureux les plus indignes, et ingénieux les plus balourds, enfin je ne sais quelle supériorité humaine, quel luxe
663 ne, quel luxe d’énergie ou d’invention qui, s’ils les possédaient vraiment, feraient de leurs détenteurs non point des écri
664 quand vous aurez compris cela, vous cesserez, je le crains, d’envier ma condition… 16 mars 1934 D’un autre « peuple ». —
665 es de jeunes cultivateurs. Eux-mêmes avaient fixé la liste des sujets qu’ils désiraient étudier au cours de l’hiver, avec
666 des sujets qu’ils désiraient étudier au cours de l’ hiver, avec l’aide de plusieurs orateurs bénévoles, pasteurs, institut
667 ’ils désiraient étudier au cours de l’hiver, avec l’ aide de plusieurs orateurs bénévoles, pasteurs, instituteurs ou autres
668 nstituteurs ou autres « personnes instruites » de la région. On m’avait prié de parler des révolutions russes de 1905 et d
669 des révolutions russes de 1905 et de 1917, et de l’ état actuel de l’URSS. Ils étaient venus par groupes, à bicyclette ou
670 russes de 1905 et de 1917, et de l’état actuel de l’ URSS. Ils étaient venus par groupes, à bicyclette ou en charrettes, d
671 r groupes, à bicyclette ou en charrettes, de tous les villages voisins. Du haut de la colline où nous étions tous réunis po
672 rrettes, de tous les villages voisins. Du haut de la colline où nous étions tous réunis pour déjeuner, on dominait tout un
673 un canton de marécages mélancoliques ; et parfois l’ on voyait scintiller, dans un lointain nuageux et sous une trouée d’or
674 dans un lointain nuageux et sous une trouée d’or, la mer. La petite salle des cours ruraux peut contenir une centaine d’au
675 lointain nuageux et sous une trouée d’or, la mer. La petite salle des cours ruraux peut contenir une centaine d’auditeurs.
676 rs ruraux peut contenir une centaine d’auditeurs. L’ orateur doit se tenir debout au milieu d’eux, de manière à pouvoir, to
677 pouvoir, tout en parlant, passer des clichés dans la lanterne à projection. Pour assurer le fameux « contact avec le publi
678 ichés dans la lanterne à projection. Pour assurer le fameux « contact avec le public », rien ne vaut cette proximité physi
679 projection. Pour assurer le fameux « contact avec le public », rien ne vaut cette proximité physique. Je leur parlai penda
680 ni haies, sans chemins creux et sans secrets, où les hommes vivent sans calcul ni prudence, dans la misère et dans la comm
681 ù les hommes vivent sans calcul ni prudence, dans la misère et dans la communion, superstitieux, poètes, bons et fous. Je
682 t sans calcul ni prudence, dans la misère et dans la communion, superstitieux, poètes, bons et fous. Je décrivis les révol
683 superstitieux, poètes, bons et fous. Je décrivis les révoltes obscures de ces masses opprimées et naïves, conduites par de
684 intellectuels bannis ou petits nobles déclassés, le triomphe implacable de Lénine, l’enthousiasme du plan de cinq ans. Et
685 bles déclassés, le triomphe implacable de Lénine, l’ enthousiasme du plan de cinq ans. Et je m’étonnais tout en parlant de
686 pée contemporaine : tout cela se dégageait ici de la mesquinerie hargneuse des polémiques et des partis pris, devenait lég
687 et des partis pris, devenait légendaire, prenait le rythme et les couleurs grandioses et irréelles de la page d’histoire.
688 s pris, devenait légendaire, prenait le rythme et les couleurs grandioses et irréelles de la page d’histoire. Mensonge de l
689 rythme et les couleurs grandioses et irréelles de la page d’histoire. Mensonge de la distance et de la simplification, vér
690 s et irréelles de la page d’histoire. Mensonge de la distance et de la simplification, vérité de la fable qui donne une fo
691 la page d’histoire. Mensonge de la distance et de la simplification, vérité de la fable qui donne une forme grande à nos o
692 de la distance et de la simplification, vérité de la fable qui donne une forme grande à nos obscurs et grands désirs infor
693 nformulés. En finissant, je craignis un moment de les avoir trompés, de les avoir rendus jaloux d’une espèce d’imagerie d’É
694 t, je craignis un moment de les avoir trompés, de les avoir rendus jaloux d’une espèce d’imagerie d’Épinal, malgré moi trop
695 ntes peintures de paradis modernisé que vulgarise la propagande communiste. Mais leurs questions ne tardèrent pas à me ras
696 rchait vraiment là-bas, aussi bien que j’avais pu le laisser croire ; si ce n’était pas encore un de ces régimes de dictat
697 it pas encore un de ces régimes de dictature ; si les paysans avaient plus de liberté qu’auparavant, etc. Mais ce qui me su
698 nt, etc. Mais ce qui me surprit davantage, ce fut la question franche d’un garçon de vingt ans, costaud, l’air intelligent
699 estion franche d’un garçon de vingt ans, costaud, l’ air intelligent et ouvert : « Pensez-vous qu’on pourrait faire la même
700 nt et ouvert : « Pensez-vous qu’on pourrait faire la même chose ici ? » Pour sa part, il était sceptique. Il pensait qu’en
701 part, il était sceptique. Il pensait qu’en Vendée les choses ne seraient pas si simples, que la situation matérielle était
702 Vendée les choses ne seraient pas si simples, que la situation matérielle était meilleure et demandait un développement to
703 r ici, garder sa liberté et se gouverner comme on l’ entendait. Et je me disais, en l’écoutant : « En voilà un que l’on pou
704 uverner comme on l’entendait. Et je me disais, en l’ écoutant : « En voilà un que l’on pourrait sans honte présenter aux je
705 t je me disais, en l’écoutant : « En voilà un que l’ on pourrait sans honte présenter aux jeunes Russes, aux jeunes Alleman
706 davantage : tout cela est encore moins clair dans la réalité que dans ce résumé). Quand j’ai projeté sur la paroi blanche
707 alité que dans ce résumé). Quand j’ai projeté sur la paroi blanche de la salle la photo de Kalinine, président de l’URSS,
708 sumé). Quand j’ai projeté sur la paroi blanche de la salle la photo de Kalinine, président de l’URSS, debout dans un champ
709 and j’ai projeté sur la paroi blanche de la salle la photo de Kalinine, président de l’URSS, debout dans un champ, en cost
710 he de la salle la photo de Kalinine, président de l’ URSS, debout dans un champ, en costume de moujik, il y a eu un profond
711 a causerie, évitant de prononcer mon jugement sur les faits que je venais d’exposer, afin de voir si mes auditeurs étaient
712 exposer, afin de voir si mes auditeurs étaient de la même espèce que ceux de l’île : cette série de questions précises et
713 s auditeurs étaient de la même espèce que ceux de l’ île : cette série de questions précises et ce désir de rapporter ce qu
714 conscience de leur autonomie… Je ne bifferai pas les conclusions que j’avais tirées de la conférence à A… Elles sont égale
715 ifferai pas les conclusions que j’avais tirées de la conférence à A… Elles sont également vraies. Ce qui est faux, c’est d
716 faux, c’est de parler du peuple en général. « On le savait depuis longtemps ». On sait tant de choses qu’on n’a jamais pr
717 s ». On sait tant de choses qu’on n’a jamais pris la peine de connaître, chez les « intellectuels ». 17 mars 1934 L’insti
718 qu’on n’a jamais pris la peine de connaître, chez les « intellectuels ». 17 mars 1934 L’instituteur vendéen. — Nous étions
719 naître, chez les « intellectuels ». 17 mars 1934 L’ instituteur vendéen. — Nous étions assis dans sa cuisine avec sa femme
720 uls, sans direction. Nous ne savons pas que lire. Le travail est dur, ici. Il faut lutter contre les parents, contre la co
721 e. Le travail est dur, ici. Il faut lutter contre les parents, contre la concurrence de l’école libre qui nous a pris les d
722 r, ici. Il faut lutter contre les parents, contre la concurrence de l’école libre qui nous a pris les deux tiers de nos él
723 tter contre les parents, contre la concurrence de l’ école libre qui nous a pris les deux tiers de nos élèves. On aurait be
724 e la concurrence de l’école libre qui nous a pris les deux tiers de nos élèves. On aurait besoin de nourriture intellectuel
725 efois on nous envoie des journaux ou des revues à l’ essai, mais c’est toujours de la politique. Quand j’étais jeune, j’ai
726 x ou des revues à l’essai, mais c’est toujours de la politique. Quand j’étais jeune, j’ai beaucoup lu Anatole France, c’es
727 atole France, c’est à cause de lui que j’ai perdu la foi. J’aimais aussi Romain Rolland. Est-ce qu’il est mort ? Vous ne p
728 . Il faudrait en lire deux au moins pour corriger les mensonges. Ce qu’ils peuvent tous mentir ! On ne peut plus avoir conf
729 ous mentir ! On ne peut plus avoir confiance dans les partis. C’est aussi à cause de cette centralisation : qu’est-ce qu’il
730 i essayé de faire une liste de livres à lire pour l’ instituteur de M… Je ne trouve à lui recommander que des traductions.
731 ne trouve à lui recommander que des traductions. La littérature moderne en France n’a guère à donner à ceux qui ont faim
732 n. On dirait que tout son effort est de s’écarter le plus possible de ce qui est simplement vrai. Je comprends assez bien
733 utile et humaine… Auparavant, ils croyaient comme les autres que c’était plutôt ridicule. Telle est la pauvre chance des « 
734 les autres que c’était plutôt ridicule. Telle est la pauvre chance des « intellectuels » : il a fallu un nouveau conformis
735 ctuels » : il a fallu un nouveau conformisme pour les libérer de l’ancien ; — et l’alibi d’une action politique à laquelle
736 fallu un nouveau conformisme pour les libérer de l’ ancien ; — et l’alibi d’une action politique à laquelle ils n’entenden
737 u conformisme pour les libérer de l’ancien ; — et l’ alibi d’une action politique à laquelle ils n’entendent goutte. 1. D
738 goutte. 1. Deux petits journaux paraissent dans l’ île. L’un est aux mains de M. T…, député de droite, et des « curés ».
739 ntifasciste ». 2. Village à l’autre extrémité de l’ île. 3. Combien d’ailleurs savent que ce mot peut désigner autre chos
740 long, surtout dans un terrain sablonneux ». Reste la question de savoir s’il est normal de se déformer le corps pour gagne
741 question de savoir s’il est normal de se déformer le corps pour gagner un peu plus. Or ils y sont, pour la plupart, contra
742 un seul bidon d’essence. Simplement, ils vendent la menace d’utiliser le parcours d’une Compagnie en exercice. a. Rouge
743 nce. Simplement, ils vendent la menace d’utiliser le parcours d’une Compagnie en exercice. a. Rougemont Denis de, « Pays
744 n exercice. a. Rougemont Denis de, « Paysans de l’ Ouest », La Revue de Paris, Paris, juin 1937, p. 826-851. b. Introdui
745 a. Rougemont Denis de, « Paysans de l’Ouest », La Revue de Paris, Paris, juin 1937, p. 826-851. b. Introduit par la no
746 , Paris, juin 1937, p. 826-851. b. Introduit par la note suivante : « M. Denis de Rougemont, qui a publié récemment un re
747 , qui a publié récemment un remarquable essai sur la culture dans la société actuelle, Penser avec les mains , a noté, da
748 écemment un remarquable essai sur la culture dans la société actuelle, Penser avec les mains , a noté, dans un journal in
749 ournal intime tenu au cours d’un long séjour dans l’ île de Ré et en Vendée, ses impressions sur la vie des paysans en géné
750 ans l’île de Ré et en Vendée, ses impressions sur la vie des paysans en général et sur leurs aspirations politiques en par
751 ons politiques en particulier. Ces aspirations, à la vérité, sont extrêmement imprécises. Il y a, en France, un divorce an
752 s. Il y a, en France, un divorce angoissant entre les réalités humaines et la terminologie et la doctrine politiques. Les p
753 divorce angoissant entre les réalités humaines et la terminologie et la doctrine politiques. Les pages qu’on va lire, nour
754 entre les réalités humaines et la terminologie et la doctrine politiques. Les pages qu’on va lire, nourries d’observations
755 nes et la terminologie et la doctrine politiques. Les pages qu’on va lire, nourries d’observations précises, en apportent d
2 1939, La Revue de Paris, articles (1937–1969). L’Âme romantique et le rêve (15 août 1939)
756 L’ Âme romantique et le rêve (15 août 1939)c Le recours à l’inconscien
757 L’Âme romantique et le rêve (15 août 1939)c Le recours à l’inconscient, pour expliquer la
758 L’Âme romantique et le rêve (15 août 1939)c Le recours à l’inconscient, pour expliquer la conduite des individus ou
759 ntique et le rêve (15 août 1939)c Le recours à l’ inconscient, pour expliquer la conduite des individus ou des collectiv
760 9)c Le recours à l’inconscient, pour expliquer la conduite des individus ou des collectivités, c’est l’un des traits ty
761 ’est l’un des traits typiques de notre siècle. Or l’ inconscient est la grande découverte — ou l’invention — des romantique
762 ts typiques de notre siècle. Or l’inconscient est la grande découverte — ou l’invention — des romantiques allemands. C’est
763 e. Or l’inconscient est la grande découverte — ou l’ invention — des romantiques allemands. C’est donc l’une de nos origine
764 iques allemands. C’est donc l’une de nos origines les plus profondes que nous révèle M. Albert Béguin, en publiant son gros
765 M. Albert Béguin, en publiant son gros volume sur L’ Âme romantique et le rêve. Livre charmant et capiteux, malgré sa gravi
766 publiant son gros volume sur L’Âme romantique et le rêve. Livre charmant et capiteux, malgré sa gravité d’ailleurs jamais
767 a gravité d’ailleurs jamais sévère ; au point que l’ on craindrait d’en détourner certains lecteurs en remarquant que c’est
768 t que c’est aussi un ouvrage d’actualité, au sens le plus pénétrant de ce terme. Et pourtant, il faut bien le dire : cette
769 pénétrant de ce terme. Et pourtant, il faut bien le dire : cette révélation du romantisme allemand dans ce qu’il eut d’au
770 use. Et par là même — car nous vivons au seuil de l’ ère des mystiques collectives — cette lecture nous introduit aux verti
771 d’où sont nés des mouvements politiques tels que le national-socialisme. Peu à peu, elle dévoile à nos yeux une sorte d’u
772 gue de rêves a submergé notre littérature, depuis la guerre ; et voici que renaît, d’une manière bien frappante, l’intérêt
773 t voici que renaît, d’une manière bien frappante, l’ intérêt de beaucoup pour les études mystiques ; voici que se répand l’
774 anière bien frappante, l’intérêt de beaucoup pour les études mystiques ; voici que se répand l’usage, et même l’abus, du te
775 p pour les études mystiques ; voici que se répand l’ usage, et même l’abus, du terme de « mystique » dans l’ordre politique
776 mystiques ; voici que se répand l’usage, et même l’ abus, du terme de « mystique » dans l’ordre politique ; voici enfin qu
777 ge, et même l’abus, du terme de « mystique » dans l’ ordre politique ; voici enfin qu’un grand empire réalise au milieu de
778 ici enfin qu’un grand empire réalise au milieu de l’ Europe la plus inquiétante synthèse de religiosité, de politique, de r
779 qu’un grand empire réalise au milieu de l’Europe la plus inquiétante synthèse de religiosité, de politique, de rêve et de
780 ur secrète complicité, rien n’est plus propre que l’ ouvrage d’Albert Béguin à nous guider dans la pénombre où s’émeut leur
781 que l’ouvrage d’Albert Béguin à nous guider dans la pénombre où s’émeut leur commune origine. I. Le Rêve et la Mystique
782 la pénombre où s’émeut leur commune origine. I. Le Rêve et la Mystique La conscience claire est la première conquête
783 où s’émeut leur commune origine. I. Le Rêve et la Mystique La conscience claire est la première conquête spirituelle
784 r commune origine. I. Le Rêve et la Mystique La conscience claire est la première conquête spirituelle des hommes ang
785 ère conquête spirituelle des hommes angoissés par le mystère d’une nature hostile et mouvante. La parole de raison, qui di
786 par le mystère d’une nature hostile et mouvante. La parole de raison, qui distingue les choses, les arrête et les identif
787 e et mouvante. La parole de raison, qui distingue les choses, les arrête et les identifie, apparaît comme une délivrance, u
788 e. La parole de raison, qui distingue les choses, les arrête et les identifie, apparaît comme une délivrance, une victoire
789 e raison, qui distingue les choses, les arrête et les identifie, apparaît comme une délivrance, une victoire sur le chaos p
790 , apparaît comme une délivrance, une victoire sur le chaos panique. Mais cette victoire, lorsqu’elle est trop complète, lo
791 ’elle est devenue trop ancienne et facile, laisse l’ homme sur un sentiment de déception et d’indicible appauvrissement. Le
792 ment de déception et d’indicible appauvrissement. Le monde rationnel est rassurant, mais beaucoup de questions y demeurent
793 ction, comparable au vertige, vers ces régions de l’ être obscur que le bon sens et la philosophie prétendaient mettre au b
794 au vertige, vers ces régions de l’être obscur que le bon sens et la philosophie prétendaient mettre au ban de l’humanité.
795 s ces régions de l’être obscur que le bon sens et la philosophie prétendaient mettre au ban de l’humanité. Et tandis que d
796 s et la philosophie prétendaient mettre au ban de l’ humanité. Et tandis que dans sa panique l’homme primitif s’était tourn
797 ban de l’humanité. Et tandis que dans sa panique l’ homme primitif s’était tourné vers la raison libératrice, au terme des
798 s sa panique l’homme primitif s’était tourné vers la raison libératrice, au terme des époques appauvries de mystère l’homm
799 trice, au terme des époques appauvries de mystère l’ homme sceptique se rejette avec passion vers les « aspects nocturnes »
800 re l’homme sceptique se rejette avec passion vers les « aspects nocturnes » de sa nature. Ainsi naquit le romantisme allema
801 « aspects nocturnes » de sa nature. Ainsi naquit le romantisme allemand après le siècle des Lumières. Ainsi renaissent no
802 nature. Ainsi naquit le romantisme allemand après le siècle des Lumières. Ainsi renaissent nos soifs mystiques élémentaire
803 un siècle de science positiviste. Est-il vrai que la nuit et le rêve n’ont rien à révéler qui importe au jour ? Est-il vra
804 e science positiviste. Est-il vrai que la nuit et le rêve n’ont rien à révéler qui importe au jour ? Est-il vrai que la pa
805 n à révéler qui importe au jour ? Est-il vrai que la passion, l’angoisse et la folie sont moins réelles que nos sagesses t
806 qui importe au jour ? Est-il vrai que la passion, l’ angoisse et la folie sont moins réelles que nos sagesses tyranniques ?
807 jour ? Est-il vrai que la passion, l’angoisse et la folie sont moins réelles que nos sagesses tyranniques ? « Songe est m
808 s tyranniques ? « Songe est mensonge », décrétait la raison. Mais elle nous a laissés sur notre faim. Le songe, au contrai
809 raison. Mais elle nous a laissés sur notre faim. Le songe, au contraire, nous propose des paradis et des terreurs d’une i
810 es terreurs d’une intensité séduisante. Serait-il le signe, ou l’entrée, d’une Vérité supérieure ? Telle est la question q
811 ’une intensité séduisante. Serait-il le signe, ou l’ entrée, d’une Vérité supérieure ? Telle est la question que posèrent l
812 ou l’entrée, d’une Vérité supérieure ? Telle est la question que posèrent les premiers romantiques allemands. « Ils admet
813 mands. « Ils admettent tous, écrit M. Béguin, que la vie obscure est en incessante communication avec une autre réalité, p
814 e réalité, plus vaste, antérieure et supérieure à la vie individuelle. » Mais quelle est cette réalité ? Notre nature prof
815 elle est cette réalité ? Notre nature profonde ou la divinité ? « Plus nous nous retirons en nous-mêmes, en nous détournan
816 rnant des apparences, et plus nous pénétrons dans la nature des choses qui sont hors de nous », affirme un des théoriciens
817 hoses qui, en nous, étaient restées secrètes pour la conscience ? Tieck pose très nettement la question : « Il faudrait sa
818 es pour la conscience ? Tieck pose très nettement la question : « Il faudrait savoir jusqu’à quel point nos songes nous ap
819 s-mêmes, ou bien une main d’en haut brasse-t-elle les cartes ? » Déjà E. T. A. Hoffmann insinue la réponse : « Et si un pri
820 lle les cartes ? » Déjà E. T. A. Hoffmann insinue la réponse : « Et si un principe spirituel étranger à nous-mêmes était l
821 un principe spirituel étranger à nous-mêmes était le mobile de ces irruptions soudaines d’images inconnues qui se jettent
822 ons soudaines d’images inconnues qui se jettent à la traverse de nos idées d’une manière si brusque et si saisissante ? »
823 brusque et si saisissante ? » De là à penser que le rêve est « un vestige du divin », il n’y a que l’épaisseur d’un scrup
824 le rêve est « un vestige du divin », il n’y a que l’ épaisseur d’un scrupule d’orthodoxie, d’une dernière crainte de confon
825 d’orthodoxie, d’une dernière crainte de confondre l’ homme et Dieu. Troxler esquive non sans adresse la difficulté et le ch
826 l’homme et Dieu. Troxler esquive non sans adresse la difficulté et le choix : pour lui, le rêve est « tantôt un écho du su
827 Troxler esquive non sans adresse la difficulté et le choix : pour lui, le rêve est « tantôt un écho du supraterrestre dans
828 ans adresse la difficulté et le choix : pour lui, le rêve est « tantôt un écho du supraterrestre dans le terrestre, tantôt
829 rêve est « tantôt un écho du supraterrestre dans le terrestre, tantôt un reflet du terrestre dans le supraterrestre » ; o
830 le terrestre, tantôt un reflet du terrestre dans le supraterrestre » ; ou encore : « Ce qui rêve en nous, c’est l’Esprit
831 stre » ; ou encore : « Ce qui rêve en nous, c’est l’ Esprit à l’instant où il descend dans la matière », mais c’est aussi «
832 us, c’est l’Esprit à l’instant où il descend dans la matière », mais c’est aussi « la Matière, à l’instant où elle s’élève
833 il descend dans la matière », mais c’est aussi «  la Matière, à l’instant où elle s’élève jusqu’à l’Esprit ». Voilà bien l
834 « la Matière, à l’instant où elle s’élève jusqu’à l’ Esprit ». Voilà bien la profonde ambiguïté où naît le romantisme, et d
835 nt où elle s’élève jusqu’à l’Esprit ». Voilà bien la profonde ambiguïté où naît le romantisme, et dont il vit ! Croire que
836 sprit ». Voilà bien la profonde ambiguïté où naît le romantisme, et dont il vit ! Croire que le rêve ne révèle rien que no
837 ù naît le romantisme, et dont il vit ! Croire que le rêve ne révèle rien que nos secrets, ce serait tomber dans la psychan
838 évèle rien que nos secrets, ce serait tomber dans la psychanalyse. Croire qu’il révèle aussi un monde supérieur, c’est ent
839 évèle aussi un monde supérieur, c’est entrer dans la voie mystique. Si la plupart des romantiques n’ont pas choisi en tout
840 oute clarté — ruse vitale pour des poètes —, tous les textes cités par Béguin nous inclinent à penser qu’ils sont plus proc
841 ychanalystes. Au fond, lorsqu’ils se demandent si le rêve est connaissance ou illusion, et si c’est « l’Autre », ou le moi
842 aissance ou illusion, et si c’est « l’Autre », ou le moi sombre et son néant, que l’on atteint au fond de l’inconscient, i
843 t « l’Autre », ou le moi sombre et son néant, que l’ on atteint au fond de l’inconscient, ils formulent le problème crucial
844 sombre et son néant, que l’on atteint au fond de l’ inconscient, ils formulent le problème crucial qui se pose à tous les
845 n atteint au fond de l’inconscient, ils formulent le problème crucial qui se pose à tous les mystiques. Albert Béguin lui
846 formulent le problème crucial qui se pose à tous les mystiques. Albert Béguin lui-même nous invite trop souvent à établir
847 nt à établir ce parallèle pour que nous puissions l’ esquiver. Essayons d’en relever quelques points. Au départ, cette même
848 , aux rencontres fortuites en apparence, mais que l’ âme prédisposée interprète aussitôt comme des messages. Cela suppose u
849 es et ambiguës pour échapper au froid contrôle de la raison. Toute la poésie romantique, de même que la surréaliste, est à
850 ur échapper au froid contrôle de la raison. Toute la poésie romantique, de même que la surréaliste, est à l’affût des « su
851 a raison. Toute la poésie romantique, de même que la surréaliste, est à l’affût des « surprises pleines de sens » dont nou
852 sie romantique, de même que la surréaliste, est à l’ affût des « surprises pleines de sens » dont nous parlent aussi les my
853 rprises pleines de sens » dont nous parlent aussi les mystiques. Une autre analogie, assez frappante, c’est le rôle de la r
854 iques. Une autre analogie, assez frappante, c’est le rôle de la rhétorique chez les poètes du rêve et les mystiques. Le ph
855 autre analogie, assez frappante, c’est le rôle de la rhétorique chez les poètes du rêve et les mystiques. Le philosophe G.
856 ez frappante, c’est le rôle de la rhétorique chez les poètes du rêve et les mystiques. Le philosophe G. von Schubert, comme
857 rôle de la rhétorique chez les poètes du rêve et les mystiques. Le philosophe G. von Schubert, comme plus tard le poète Je
858 torique chez les poètes du rêve et les mystiques. Le philosophe G. von Schubert, comme plus tard le poète Jean-Paul, insis
859 s. Le philosophe G. von Schubert, comme plus tard le poète Jean-Paul, insistent sur un fait que Freud utilisera jusqu’à l’
860 insistent sur un fait que Freud utilisera jusqu’à l’ abus : c’est que l’esprit abandonné au rêve s’exprime ordinairement da
861 it que Freud utilisera jusqu’à l’abus : c’est que l’ esprit abandonné au rêve s’exprime ordinairement dans un langage métap
862 s plus précises et plus constantes que celles qui le régissent à l’état de veille. D’autre part, l’on sait bien que les my
863 et plus constantes que celles qui le régissent à l’ état de veille. D’autre part, l’on sait bien que les mystiques, fussen
864 ui le régissent à l’état de veille. D’autre part, l’ on sait bien que les mystiques, fussent-ils de religions différentes —
865 ’état de veille. D’autre part, l’on sait bien que les mystiques, fussent-ils de religions différentes — hindous, musulmans
866 ulmans ou chrétiens — ont de tout temps réinventé les mêmes figures de langage pour traduire l’ineffable qu’ils vivaient. E
867 nventé les mêmes figures de langage pour traduire l’ ineffable qu’ils vivaient. Et ceci nous amène au problème central : ce
868 Et ceci nous amène au problème central : celui de l’ expression d’un indicible. Il nous faut dépasser ici le domaine circon
869 ression d’un indicible. Il nous faut dépasser ici le domaine circonscrit du rêve. Les romantiques, d’ailleurs, ont été bie
870 faut dépasser ici le domaine circonscrit du rêve. Les romantiques, d’ailleurs, ont été bien au-delà, dans leur exploration
871 s, ont été bien au-delà, dans leur exploration de l’ inconscient. Le songe, pour eux, n’est que la « porte » ouvrant sur le
872 au-delà, dans leur exploration de l’inconscient. Le songe, pour eux, n’est que la « porte » ouvrant sur le monde ineffabl
873 n de l’inconscient. Le songe, pour eux, n’est que la « porte » ouvrant sur le monde ineffable, qui est proprement le domai
874 nge, pour eux, n’est que la « porte » ouvrant sur le monde ineffable, qui est proprement le domaine des mystiques. Toute e
875 uvrant sur le monde ineffable, qui est proprement le domaine des mystiques. Toute expérience mystique ou romantique présup
876 oute expérience mystique ou romantique présuppose l’ existence d’un centre ou d’un tréfonds divin de l’âme (c’est l’Un-grun
877 l’existence d’un centre ou d’un tréfonds divin de l’ âme (c’est l’Un-grund de Jakob Boehme), dont on ne peut rien dire, et
878 ’un centre ou d’un tréfonds divin de l’âme (c’est l’ Un-grund de Jakob Boehme), dont on ne peut rien dire, et qui cependant
879 , dont on ne peut rien dire, et qui cependant est la source de tout ce que l’on dit. C’est l’ineffable, l’indicible, le ro
880 re, et qui cependant est la source de tout ce que l’ on dit. C’est l’ineffable, l’indicible, le royaume du Silence absolu ;
881 dant est la source de tout ce que l’on dit. C’est l’ ineffable, l’indicible, le royaume du Silence absolu ; et pourtant — v
882 ource de tout ce que l’on dit. C’est l’ineffable, l’ indicible, le royaume du Silence absolu ; et pourtant — voici le parad
883 ce que l’on dit. C’est l’ineffable, l’indicible, le royaume du Silence absolu ; et pourtant — voici le paradoxe —, nous v
884 e royaume du Silence absolu ; et pourtant — voici le paradoxe —, nous voyons bien que les grands mystiques, et après eux l
885 rtant — voici le paradoxe —, nous voyons bien que les grands mystiques, et après eux les romantiques, passent leur vie à en
886 oyons bien que les grands mystiques, et après eux les romantiques, passent leur vie à en parler, à en écrire, à tenter de l
887 nt leur vie à en parler, à en écrire, à tenter de le cerner par des figures qui, n’étant jamais suffisantes, doivent être
888 doivent être inépuisablement multipliées. Disons- le sans la moindre irrévérence : nul n’est plus verbeux qu’un mystique,
889 être inépuisablement multipliées. Disons-le sans la moindre irrévérence : nul n’est plus verbeux qu’un mystique, si ce n’
890 t un romantique allemand. Car l’un et l’autre ont l’ ambition de communiquer par l’écrit ce qu’ils ne cessent de définir co
891 l’un et l’autre ont l’ambition de communiquer par l’ écrit ce qu’ils ne cessent de définir comme l’indicible. Dès lors, la
892 par l’écrit ce qu’ils ne cessent de définir comme l’ indicible. Dès lors, la plainte sera la même, qu’il s’agisse d’une Thé
893 e cessent de définir comme l’indicible. Dès lors, la plainte sera la même, qu’il s’agisse d’une Thérèse d’Avila ou simplem
894 inir comme l’indicible. Dès lors, la plainte sera la même, qu’il s’agisse d’une Thérèse d’Avila ou simplement du bonhomme
895 Donnez-moi des « paroles nouvelles pour exprimer l’ inexprimable », dit la sainte ; et le poète : « Mais où trouver des mo
896 les nouvelles pour exprimer l’inexprimable », dit la sainte ; et le poète : « Mais où trouver des mots pour dépeindre, mêm
897 our exprimer l’inexprimable », dit la sainte ; et le poète : « Mais où trouver des mots pour dépeindre, même faiblement, l
898 trouver des mots pour dépeindre, même faiblement, la merveille de la vision qui s’offrit à moi et qui, transformant mon âm
899 pour dépeindre, même faiblement, la merveille de la vision qui s’offrit à moi et qui, transformant mon âme, m’entraîna au
900 ouleva tout entier… » Peut-être touchons-nous ici le mystère même, la source inépuisable, le point originel et fascinant d
901 r… » Peut-être touchons-nous ici le mystère même, la source inépuisable, le point originel et fascinant de tout jaillissem
902 -nous ici le mystère même, la source inépuisable, le point originel et fascinant de tout jaillissement du langage, de tout
903 éraire. « Où trouver des mots ? », gémissent-ils. La plainte est sincère et tragique. Mais combien de mots leur fera-t-ell
904 uadés que, nonobstant leur impuissance à traduire l’ inconscient ou l’indicible, ils ont entendu quelque chose. « Je crois
905 tant leur impuissance à traduire l’inconscient ou l’ indicible, ils ont entendu quelque chose. « Je crois avoir fait une dé
906 , écrit Ritter, celle d’une conscience passive de l’ involontaire. » Et sur cette base, la seconde génération du romantisme
907 n du romantisme va formuler sa fameuse théorie de l’ inspiration — tellement vulgarisée de nos jours qu’on en oublie l’orig
908 tellement vulgarisée de nos jours qu’on en oublie l’ origine mystique : « Le poète et le rêveur sont passifs ; ils écoutent
909 nos jours qu’on en oublie l’origine mystique : «  Le poète et le rêveur sont passifs ; ils écoutent le langage d’une voix
910 u’on en oublie l’origine mystique : « Le poète et le rêveur sont passifs ; ils écoutent le langage d’une voix qui leur est
911 Le poète et le rêveur sont passifs ; ils écoutent le langage d’une voix qui leur est intérieure et pourtant étrangère, qui
912 ntérieure et pourtant étrangère, qui s’élève dans les profondeurs d’eux-mêmes sans qu’ils puissent faire autre chose que de
913 u’ils puissent faire autre chose que de saluer là l’ écho d’un discours divin. » Alors le doute n’est plus permis : l’analo
914 de saluer là l’écho d’un discours divin. » Alors le doute n’est plus permis : l’analogie purement formelle que nous décri
915 cours divin. » Alors le doute n’est plus permis : l’ analogie purement formelle que nous décrivions jusqu’ici devient une p
916 crivions jusqu’ici devient une profonde identité. L’ intervention de la catégorie « passivité » nous fait comprendre la nat
917 devient une profonde identité. L’intervention de la catégorie « passivité » nous fait comprendre la nature du Silence et
918 e la catégorie « passivité » nous fait comprendre la nature du Silence et de l’indicible dont nous parlaient mystiques et
919 » nous fait comprendre la nature du Silence et de l’ indicible dont nous parlaient mystiques et romantiques : c’est la néga
920 t nous parlaient mystiques et romantiques : c’est la négation et la mort du monde des formes et du langage humain, la néga
921 t mystiques et romantiques : c’est la négation et la mort du monde des formes et du langage humain, la négation et la mort
922 la mort du monde des formes et du langage humain, la négation et la mort du divers, du moi distinct et agissant. C’est la
923 e des formes et du langage humain, la négation et la mort du divers, du moi distinct et agissant. C’est la Nuit des sens e
924 ort du divers, du moi distinct et agissant. C’est la Nuit des sens et de l’esprit que décrit un Jean de la Croix, et dont
925 istinct et agissant. C’est la Nuit des sens et de l’ esprit que décrit un Jean de la Croix, et dont la nuit des songes, cha
926 l’esprit que décrit un Jean de la Croix, et dont la nuit des songes, chantée par les poètes, n’était que le symbole et le
927 la Croix, et dont la nuit des songes, chantée par les poètes, n’était que le symbole et le signe physique6. C’est « le roya
928 t des songes, chantée par les poètes, n’était que le symbole et le signe physique6. C’est « le royaume de l’Être qui se co
929 chantée par les poètes, n’était que le symbole et le signe physique6. C’est « le royaume de l’Être qui se confond avec le
930 ait que le symbole et le signe physique6. C’est «  le royaume de l’Être qui se confond avec le royaume du Néant, l’éternité
931 bole et le signe physique6. C’est « le royaume de l’ Être qui se confond avec le royaume du Néant, l’éternité enfin conquis
932 C’est « le royaume de l’Être qui se confond avec le royaume du Néant, l’éternité enfin conquise et dont la plénitude ne p
933 e l’Être qui se confond avec le royaume du Néant, l’ éternité enfin conquise et dont la plénitude ne peut humainement s’exp
934 yaume du Néant, l’éternité enfin conquise et dont la plénitude ne peut humainement s’exprimer que par l’image de l’absence
935 plénitude ne peut humainement s’exprimer que par l’ image de l’absence de toute créature, de toute forme. » Car nous ne pe
936 ne peut humainement s’exprimer que par l’image de l’ absence de toute créature, de toute forme. » Car nous ne percevons et
937 forme. » Car nous ne percevons et n’exprimons que le divers et le distinct, ce qui a pris forme ; tout ce que notre consci
938 nous ne percevons et n’exprimons que le divers et le distinct, ce qui a pris forme ; tout ce que notre conscience a séparé
939 Et c’est cela qui constitue notre réalité de tous les jours. Pour rejoindre le Tout et l’Unité, il s’agit donc de perdre le
940 e notre réalité de tous les jours. Pour rejoindre le Tout et l’Unité, il s’agit donc de perdre le Divers, de perdre le rée
941 lité de tous les jours. Pour rejoindre le Tout et l’ Unité, il s’agit donc de perdre le Divers, de perdre le réel, de se pe
942 ndre le Tout et l’Unité, il s’agit donc de perdre le Divers, de perdre le réel, de se perdre soi-même, pour se confondre a
943 té, il s’agit donc de perdre le Divers, de perdre le réel, de se perdre soi-même, pour se confondre avec cet Indicible qui
944 nfondre avec cet Indicible qui reste, aux yeux de la chair, le pur Néant. Ainsi, le terme de la quête romantique, à traver
945 ec cet Indicible qui reste, aux yeux de la chair, le pur Néant. Ainsi, le terme de la quête romantique, à travers les imag
946 reste, aux yeux de la chair, le pur Néant. Ainsi, le terme de la quête romantique, à travers les images du rêve, s’identif
947 eux de la chair, le pur Néant. Ainsi, le terme de la quête romantique, à travers les images du rêve, s’identifie avec le t
948 Ainsi, le terme de la quête romantique, à travers les images du rêve, s’identifie avec le terme de toute expérience mystiqu
949 e, à travers les images du rêve, s’identifie avec le terme de toute expérience mystique : c’est la « pure présence ineffab
950 vec le terme de toute expérience mystique : c’est la « pure présence ineffable », la « contemplation sans objet ». Je pens
951 mystique : c’est la « pure présence ineffable », la « contemplation sans objet ». Je pense donc qu’il est légitime de sui
952 de suivre Albert Béguin dans cette conclusion : «  La grandeur du romantisme restera d’avoir reconnu et affirmé la profonde
953 du romantisme restera d’avoir reconnu et affirmé la profonde ressemblance des états poétiques et des révélations d’ordre
954 irrationnels et de s’être dévoué, corps et âme, à la grande nostalgie de l’être en exil. » II. L’Être en exil Ce sen
955 re dévoué, corps et âme, à la grande nostalgie de l’ être en exil. » II. L’Être en exil Ce sentiment d’exil que nous
956 à la grande nostalgie de l’être en exil. » II. L’ Être en exil Ce sentiment d’exil que nous trouvons à l’origine des
957 n exil Ce sentiment d’exil que nous trouvons à l’ origine des expériences mystiques les plus diverses, d’où naît-il, dan
958 us trouvons à l’origine des expériences mystiques les plus diverses, d’où naît-il, dans quel souvenir d’une patrie heureuse
959 d’une constatation si générale, comment passer à l’ élucidation de ce fait le plus singulier dans la vie de l’esprit humai
960 nérale, comment passer à l’élucidation de ce fait le plus singulier dans la vie de l’esprit humain, qui est l’engagement s
961 à l’élucidation de ce fait le plus singulier dans la vie de l’esprit humain, qui est l’engagement sur la via mystica ? S’i
962 ation de ce fait le plus singulier dans la vie de l’ esprit humain, qui est l’engagement sur la via mystica ? S’il est perm
963 singulier dans la vie de l’esprit humain, qui est l’ engagement sur la via mystica ? S’il est permis — comme on l’admet un
964 vie de l’esprit humain, qui est l’engagement sur la via mystica ? S’il est permis — comme on l’admet un peu trop facileme
965 t sur la via mystica ? S’il est permis — comme on l’ admet un peu trop facilement de nos jours — de tirer de l’étude des ma
966 un peu trop facilement de nos jours — de tirer de l’ étude des maladies une vue nouvelle sur les structures de l’homme, peu
967 irer de l’étude des maladies une vue nouvelle sur les structures de l’homme, peut-être pouvons-nous demander à la biographi
968 s maladies une vue nouvelle sur les structures de l’ homme, peut-être pouvons-nous demander à la biographie des romantiques
969 res de l’homme, peut-être pouvons-nous demander à la biographie des romantiques quelques lumières sur les mystiques propre
970 biographie des romantiques quelques lumières sur les mystiques proprement dits, tout au moins sur les causes humaines du s
971 les mystiques proprement dits, tout au moins sur les causes humaines du sentiment d’exil où leur passion s’éveille. Le cha
972 es du sentiment d’exil où leur passion s’éveille. Le chapitre important consacré par Béguin à Karl Philip Moritz peut nous
973 ritz fut l’un des tout premiers à se tourner vers l’ étude des rêves. Il s’y trouvait prédisposé par l’habitude de l’examen
974 l’étude des rêves. Il s’y trouvait prédisposé par l’ habitude de l’examen de conscience en profondeur tel que le pratiquaie
975 ves. Il s’y trouvait prédisposé par l’habitude de l’ examen de conscience en profondeur tel que le pratiquaient autour de l
976 e de l’examen de conscience en profondeur tel que le pratiquaient autour de lui les disciples de madame Guyon7. Non conten
977 profondeur tel que le pratiquaient autour de lui les disciples de madame Guyon7. Non content de publier une revue entièrem
978 autobiographiques qui nous permettent de pénétrer l’ intimité d’une expérience prémystique (ou faut-il dire d’une expérienc
979 faut-il dire d’une expérience mystique privée de la grâce, réduite à ses aspects purement humains ?) Le point de départ p
980 grâce, réduite à ses aspects purement humains ?) Le point de départ paraît bien être une blessure qu’il reçut de la vie,
981 part paraît bien être une blessure qu’il reçut de la vie, un choc qui l’a laissé béant sur une contradiction irrémédiable
982 e une blessure qu’il reçut de la vie, un choc qui l’ a laissé béant sur une contradiction irrémédiable entre la dure réalit
983 sé béant sur une contradiction irrémédiable entre la dure réalité et les désirs profonds du moi. Blessure si cruelle et in
984 ntradiction irrémédiable entre la dure réalité et les désirs profonds du moi. Blessure si cruelle et intime que sa conscien
985 e si cruelle et intime que sa conscience en évite le souvenir (ou le refoule comme dira Freud) de telle manière que la cau
986 intime que sa conscience en évite le souvenir (ou le refoule comme dira Freud) de telle manière que la cause secrète de sa
987 le refoule comme dira Freud) de telle manière que la cause secrète de sa douleur en vient à se confondre avec le fait de v
988 ecrète de sa douleur en vient à se confondre avec le fait de vivre en général. D’où l’idée qu’il doit « expier la faute qu
989 confondre avec le fait de vivre en général. D’où l’ idée qu’il doit « expier la faute qu’il n’a commise que par son existe
990 vivre en général. D’où l’idée qu’il doit « expier la faute qu’il n’a commise que par son existence même ». Un philosophe m
991 ue tel que Ignaz Troxler n’hésitera pas à élargir le processus jusqu’à y englober tout l’univers, atteint par le péché ori
992 as à élargir le processus jusqu’à y englober tout l’ univers, atteint par le péché originel : « Sous quelque angle qu’on ve
993 us jusqu’à y englober tout l’univers, atteint par le péché originel : « Sous quelque angle qu’on veuille l’examiner, l’hom
994 ché originel : « Sous quelque angle qu’on veuille l’ examiner, l’homme trouve en lui une blessure qui déchire tout ce qui v
995  : « Sous quelque angle qu’on veuille l’examiner, l’ homme trouve en lui une blessure qui déchire tout ce qui vit en lui, e
996 tout ce qui vit en lui, et que peut-être lui fit la Vie même. » Non sans lucidité, Moritz a su dépeindre l’état de consci
997 même. » Non sans lucidité, Moritz a su dépeindre l’ état de conscience qui naît de cet obscur déchirement : « C’était comm
998 ît de cet obscur déchirement : « C’était comme si le poids de son existence l’eût accablé. Qu’il dût, jour pour jour, se l
999 nt : « C’était comme si le poids de son existence l’ eût accablé. Qu’il dût, jour pour jour, se lever avec lui-même, se cou
1000 ormais, inexorablement, être lui-même… cette idée le plongea peu à peu dans un désespoir qui l’amena au bord de la rivière
1001 e idée le plongea peu à peu dans un désespoir qui l’ amena au bord de la rivière… » Prenons-y garde : ce moi détesté, c’est
1002 eu à peu dans un désespoir qui l’amena au bord de la rivière… » Prenons-y garde : ce moi détesté, c’est la fatalité de l’ê
1003 ivière… » Prenons-y garde : ce moi détesté, c’est la fatalité de l’être individuel, charnel, créé, et lié à toute la créat
1004 ns-y garde : ce moi détesté, c’est la fatalité de l’ être individuel, charnel, créé, et lié à toute la création. C’est par
1005 l’être individuel, charnel, créé, et lié à toute la création. C’est par lui et à travers lui que la conscience perçoit la
1006 e la création. C’est par lui et à travers lui que la conscience perçoit la réalité extérieure ; comme lui donc, cette réal
1007 ar lui et à travers lui que la conscience perçoit la réalité extérieure ; comme lui donc, cette réalité apparaîtra blessée
1008 ée et douloureuse. Se détester revient à détester le monde. L’incapacité d’accepter le monde réel est signe d’une incapaci
1009 oureuse. Se détester revient à détester le monde. L’ incapacité d’accepter le monde réel est signe d’une incapacité de s’ac
1010 ient à détester le monde. L’incapacité d’accepter le monde réel est signe d’une incapacité de s’accepter soi-même — à caus
1011 cause de cette blessure qu’il s’agit d’oublier si l’ on ne parvient pas à l’expier. Et en effet, à la faveur de cet oubli,
1012 qu’il s’agit d’oublier si l’on ne parvient pas à l’ expier. Et en effet, à la faveur de cet oubli, de ce refus, le moi per
1013 i l’on ne parvient pas à l’expier. Et en effet, à la faveur de cet oubli, de ce refus, le moi perd peu à peu de sa réalité
1014 en effet, à la faveur de cet oubli, de ce refus, le moi perd peu à peu de sa réalité : d’où le sentiment si fréquent chez
1015 refus, le moi perd peu à peu de sa réalité : d’où le sentiment si fréquent chez la plupart des romantiques d’être mal assu
1016 re mal assuré de sa propre identité, et d’avoir à la rechercher précisément dans le passé. Moritz décrit ainsi le héros d’
1017 tité, et d’avoir à la rechercher précisément dans le passé. Moritz décrit ainsi le héros d’un de ses romans : « Il lui par
1018 er précisément dans le passé. Moritz décrit ainsi le héros d’un de ses romans : « Il lui parut qu’il s’était échappé entiè
1019 avant toute démarche se rechercher lui-même dans la série de ses souvenirs. Il sentait que l’existence n’a d’appui ferme
1020 me dans la série de ses souvenirs. Il sentait que l’ existence n’a d’appui ferme que dans la chaîne ininterrompue des souve
1021 entait que l’existence n’a d’appui ferme que dans la chaîne ininterrompue des souvenirs8 ». Mais, comme le note Albert Bég
1022 haîne ininterrompue des souvenirs8 ». Mais, comme le note Albert Béguin, Moritz à cet endroit, « tourne court, incapable u
1023 ourne court, incapable une fois de plus de saisir la pensée salvatrice ». C’est qu’il est un souvenir interdit, trop doulo
1024 venir interdit, trop douloureux pour être revécu. Le moi malade échoue à se ressaisir dans la mémoire, puisque la cause de
1025 revécu. Le moi malade échoue à se ressaisir dans la mémoire, puisque la cause de sa maladie est justement ce qu’il ne peu
1026 de échoue à se ressaisir dans la mémoire, puisque la cause de sa maladie est justement ce qu’il ne peut se remémorer, cett
1027 u’il ne peut se remémorer, cette lacune qui est à l’ origine de la conscience divisée. Comment alors sortir du cercle, comm
1028 se remémorer, cette lacune qui est à l’origine de la conscience divisée. Comment alors sortir du cercle, comment guérir ?
1029 tir du cercle, comment guérir ? Comment récupérer la vie totale dans sa bienheureuse unité ? Ce n’est plus possible ici-ba
1030 euse unité ? Ce n’est plus possible ici-bas, dans la prison du moi coupable et douloureux. Il faudra donc chercher au-delà
1031 audra donc chercher au-delà. Et nous avons vu que le rêve, ou la descente au fond de l’inconscient, représentent pour les
1032 hercher au-delà. Et nous avons vu que le rêve, ou la descente au fond de l’inconscient, représentent pour les romantiques
1033 s avons vu que le rêve, ou la descente au fond de l’ inconscient, représentent pour les romantiques les voies d’un retour a
1034 cente au fond de l’inconscient, représentent pour les romantiques les voies d’un retour au monde perdu, à la « vraie vie »
1035 l’inconscient, représentent pour les romantiques les voies d’un retour au monde perdu, à la « vraie vie » qui est « ailleu
1036 mantiques les voies d’un retour au monde perdu, à la « vraie vie » qui est « ailleurs », comme dit Rimbaud. Vie d’expansio
1037 comme dit Rimbaud. Vie d’expansion indéfinie dans l’ univers ou la divinité. Vie d’innocence retrouvée : car le moi qui s’y
1038 baud. Vie d’expansion indéfinie dans l’univers ou la divinité. Vie d’innocence retrouvée : car le moi qui s’y perd, perd a
1039 s ou la divinité. Vie d’innocence retrouvée : car le moi qui s’y perd, perd aussi le sentiment de sa culpabilité. Mais d’u
1040 e retrouvée : car le moi qui s’y perd, perd aussi le sentiment de sa culpabilité. Mais d’une autre manière encore, et plus
1041 Mais d’une autre manière encore, et plus précise, le rêve ou la via mystica sont des moyens de récupérer le monde perdu. C
1042 autre manière encore, et plus précise, le rêve ou la via mystica sont des moyens de récupérer le monde perdu. Ce qu’il fau
1043 ve ou la via mystica sont des moyens de récupérer le monde perdu. Ce qu’il faut souligner ici, c’est que la tendance à la
1044 nde perdu. Ce qu’il faut souligner ici, c’est que la tendance à la dilatation panthéiste ou mystique de l’être revêt presq
1045 qu’il faut souligner ici, c’est que la tendance à la dilatation panthéiste ou mystique de l’être revêt presque toujours la
1046 endance à la dilatation panthéiste ou mystique de l’ être revêt presque toujours la forme d’un vœu de mort. Le sommeil préf
1047 iste ou mystique de l’être revêt presque toujours la forme d’un vœu de mort. Le sommeil préfigure la mort pour le poète ro
1048 revêt presque toujours la forme d’un vœu de mort. Le sommeil préfigure la mort pour le poète romantique ; et la mort progr
1049 s la forme d’un vœu de mort. Le sommeil préfigure la mort pour le poète romantique ; et la mort progressive à soi-même est
1050 un vœu de mort. Le sommeil préfigure la mort pour le poète romantique ; et la mort progressive à soi-même est l’ambition d
1051 l préfigure la mort pour le poète romantique ; et la mort progressive à soi-même est l’ambition de tous les vrais mystique
1052 omantique ; et la mort progressive à soi-même est l’ ambition de tous les vrais mystiques. Mais pourquoi voudrait-on mourir
1053 ort progressive à soi-même est l’ambition de tous les vrais mystiques. Mais pourquoi voudrait-on mourir ? La biographie de
1054 ais mystiques. Mais pourquoi voudrait-on mourir ? La biographie de plusieurs des poètes étudiés par Béguin nous indique un
1055 és par Béguin nous indique une réponse. En effet, la blessure dont ils souffrent est presque toujours symbolisée par la pe
1056 ils souffrent est presque toujours symbolisée par la perte d’un être aimé. Passer dans l’autre monde, c’est retrouver la m
1057 aimé. Passer dans l’autre monde, c’est retrouver la morte ! « L’expérience typique, qui est celle de Jean-Paul à la mort
1058 dans l’autre monde, c’est retrouver la morte ! «  L’ expérience typique, qui est celle de Jean-Paul à la mort de ses amis,
1059 ’expérience typique, qui est celle de Jean-Paul à la mort de ses amis, de Novalis perdant Sophie von Kühn ou de Nerval pou
1060 perdant Sophie von Kühn ou de Nerval poursuivant l’ image d’Aurélia, Anton Reiser (le héros de Moritz) la fait dès l’enfan
1061 rval poursuivant l’image d’Aurélia, Anton Reiser ( le héros de Moritz) la fait dès l’enfance, lorsqu’il s’interroge sur ce
1062 mage d’Aurélia, Anton Reiser (le héros de Moritz) la fait dès l’enfance, lorsqu’il s’interroge sur ce qu’est devenue sa pe
1063 ia, Anton Reiser (le héros de Moritz) la fait dès l’ enfance, lorsqu’il s’interroge sur ce qu’est devenue sa petite sœur :
1064 ’interroge sur ce qu’est devenue sa petite sœur : le vœu de retrouver la morte, de communier avec un autre univers, lui fa
1065 ’est devenue sa petite sœur : le vœu de retrouver la morte, de communier avec un autre univers, lui fait mépriser cette vi
1066 ut son espoir dans une existence d’outre-tombe ». Le rêve ou la via mystica seront cette existence d’outre-tombe vécue dès
1067 ir dans une existence d’outre-tombe ». Le rêve ou la via mystica seront cette existence d’outre-tombe vécue dès ici-bas, d
1068 ière indicible. Et peut-être pourrait-on dire que l’ expérience mystique générale ne devient proprement chrétienne que dans
1069 énérale ne devient proprement chrétienne que dans le cas où l’être aimé, sur la mort duquel on médite, est la personne du
1070 devient proprement chrétienne que dans le cas où l’ être aimé, sur la mort duquel on médite, est la personne du Christ cru
1071 nt chrétienne que dans le cas où l’être aimé, sur la mort duquel on médite, est la personne du Christ crucifié — ou se con
1072 où l’être aimé, sur la mort duquel on médite, est la personne du Christ crucifié — ou se confond avec elle indiscernableme
1073 ifié — ou se confond avec elle indiscernablement. Les romantiques n’ont pas été si loin dans la voie des sublimations — sau
1074 ement. Les romantiques n’ont pas été si loin dans la voie des sublimations — sauf peut-être Jean-Paul et Novalis. Ils n’ar
1075 i pardonne, qui guérisse, et qui leur rende alors la force d’accepter leur moi coupable et le monde réel. La « contemplati
1076 de alors la force d’accepter leur moi coupable et le monde réel. La « contemplation sans objet » à laquelle ils parviennen
1077 ce d’accepter leur moi coupable et le monde réel. La « contemplation sans objet » à laquelle ils parviennent en de très ra
1078 moyen détourné de revivre sa blessure, ou plutôt l’ élan même qu’elle a brisé, mais sans se l’avouer et sans pouvoir la re
1079 plutôt l’élan même qu’elle a brisé, mais sans se l’ avouer et sans pouvoir la reconnaître ou l’exprimer… C’est le mouvemen
1080 le a brisé, mais sans se l’avouer et sans pouvoir la reconnaître ou l’exprimer… C’est le mouvement fondamental de toute pa
1081 ans se l’avouer et sans pouvoir la reconnaître ou l’ exprimer… C’est le mouvement fondamental de toute passion, le mouvemen
1082 sans pouvoir la reconnaître ou l’exprimer… C’est le mouvement fondamental de toute passion, le mouvement d’un amour qui p
1083 C’est le mouvement fondamental de toute passion, le mouvement d’un amour qui préfère le néant aux limitations de la vie —
1084 oute passion, le mouvement d’un amour qui préfère le néant aux limitations de la vie — la joie devant la mort de Tristan e
1085 ’un amour qui préfère le néant aux limitations de la vie — la joie devant la mort de Tristan et d’Isolde. III. Mystique
1086 qui préfère le néant aux limitations de la vie — la joie devant la mort de Tristan et d’Isolde. III. Mystique et Perso
1087 néant aux limitations de la vie — la joie devant la mort de Tristan et d’Isolde. III. Mystique et Personne L’exempl
1088 stan et d’Isolde. III. Mystique et Personne L’ exemple des romantiques allemands illustre une relation profonde et co
1089 illustre une relation profonde et constante dans l’ homme : celle qui existe entre le recours à l’indicible et la fuite de
1090 t constante dans l’homme : celle qui existe entre le recours à l’indicible et la fuite devant le moi personnel. Se réfugie
1091 ans l’homme : celle qui existe entre le recours à l’ indicible et la fuite devant le moi personnel. Se réfugier dans l’indi
1092 elle qui existe entre le recours à l’indicible et la fuite devant le moi personnel. Se réfugier dans l’indicible, c’est en
1093 entre le recours à l’indicible et la fuite devant le moi personnel. Se réfugier dans l’indicible, c’est entretenir une équ
1094 a fuite devant le moi personnel. Se réfugier dans l’ indicible, c’est entretenir une équivoque dont il y a lieu de craindre
1095 s un monde dont on ne peut rien dire. D’où encore le besoin qu’ils éprouvent d’affirmer surabondamment que l’on n’en peut
1096 in qu’ils éprouvent d’affirmer surabondamment que l’ on n’en peut rien dire que par des allusions, des métaphores, des poèm
1097 métaphores, des poèmes « inspirés ». À ce niveau, le mysticisme donne naissance à la plus émouvante littérature. Mais il f
1098 s ». À ce niveau, le mysticisme donne naissance à la plus émouvante littérature. Mais il faut reconnaître aussi que s’y ré
1099 t reconnaître aussi que s’y révèle une maladie de la personne. Le paradoxe de l’expression d’un Indicible est tellement es
1100 aussi que s’y révèle une maladie de la personne. Le paradoxe de l’expression d’un Indicible est tellement essentiel au ro
1101 révèle une maladie de la personne. Le paradoxe de l’ expression d’un Indicible est tellement essentiel au romantisme que je
1102 iel au romantisme que je n’hésite pas à y trouver l’ explication d’un fait connu de tous les historiens : c’est l’incapacit
1103 à y trouver l’explication d’un fait connu de tous les historiens : c’est l’incapacité des romantiques à donner des œuvres a
1104 on d’un fait connu de tous les historiens : c’est l’ incapacité des romantiques à donner des œuvres achevées. En effet, le
1105 mantiques à donner des œuvres achevées. En effet, le mouvement de ces poètes est inversé de celui du Créateur. Créer, c’es
1106 Créer, c’est donner forme, et ils voudraient nier les formes ; c’est limiter, et ils aspirent à l’expansion indéfinie ; c’e
1107 ier les formes ; c’est limiter, et ils aspirent à l’ expansion indéfinie ; c’est définir par la parole et l’acte, et ils re
1108 irent à l’expansion indéfinie ; c’est définir par la parole et l’acte, et ils recherchent le silence passif. Aussi n’ont-i
1109 ansion indéfinie ; c’est définir par la parole et l’ acte, et ils recherchent le silence passif. Aussi n’ont-ils laissé pou
1110 finir par la parole et l’acte, et ils recherchent le silence passif. Aussi n’ont-ils laissé pour la plupart que des fragme
1111 t Indicible ou ce discours sans mots entendu dans la nuit de la passivité, comment l’eussent-ils pu rendre au jour sans le
1112 ou ce discours sans mots entendu dans la nuit de la passivité, comment l’eussent-ils pu rendre au jour sans le trahir, et
1113 ots entendu dans la nuit de la passivité, comment l’ eussent-ils pu rendre au jour sans le trahir, et se trahir ? Ainsi leu
1114 ité, comment l’eussent-ils pu rendre au jour sans le trahir, et se trahir ? Ainsi leur œuvre est à l’image de la contradic
1115 le trahir, et se trahir ? Ainsi leur œuvre est à l’ image de la contradiction vitale dont ils souffraient et d’où naissait
1116 et se trahir ? Ainsi leur œuvre est à l’image de la contradiction vitale dont ils souffraient et d’où naissait leur désir
1117 é de perdre leur moi personnel. Je préciserai ici le sens que je donne au mot de personne, pour éviter certains malentendu
1118 sonne, pour éviter certains malentendus courants. La personne est en nous l’être spirituel, responsable d’une vocation, et
1119 ins malentendus courants. La personne est en nous l’ être spirituel, responsable d’une vocation, et trouvant là son unité e
1120 té en dépit des contradictions dont peut souffrir l’ individu (c’est-à-dire l’être naturel). L’individu est entièrement dét
1121 tions dont peut souffrir l’individu (c’est-à-dire l’ être naturel). L’individu est entièrement déterminé par l’espèce, le m
1122 ouffrir l’individu (c’est-à-dire l’être naturel). L’ individu est entièrement déterminé par l’espèce, le milieu, l’histoire
1123 aturel). L’individu est entièrement déterminé par l’ espèce, le milieu, l’histoire, les richesses qu’il a héritées et les b
1124 ’individu est entièrement déterminé par l’espèce, le milieu, l’histoire, les richesses qu’il a héritées et les blessures q
1125 st entièrement déterminé par l’espèce, le milieu, l’ histoire, les richesses qu’il a héritées et les blessures qu’il a subi
1126 nt déterminé par l’espèce, le milieu, l’histoire, les richesses qu’il a héritées et les blessures qu’il a subies. Il est em
1127 eu, l’histoire, les richesses qu’il a héritées et les blessures qu’il a subies. Il est emprisonné dans ces données, et c’es
1128 it à y échapper par des sublimations : au fond de la nuit et de l’inconscient, c’est encore lui qu’il retrouvera sous des
1129 r par des sublimations : au fond de la nuit et de l’ inconscient, c’est encore lui qu’il retrouvera sous des espèces méconn
1130 nes. Et il est juste que les premières touches de l’ esprit rendent le moi sensible à ses limitations, et lui inspirent la
1131 ste que les premières touches de l’esprit rendent le moi sensible à ses limitations, et lui inspirent la nostalgie de les
1132 moi sensible à ses limitations, et lui inspirent la nostalgie de les dépasser. Mais seule une vocation lui en donnera la
1133 ses limitations, et lui inspirent la nostalgie de les dépasser. Mais seule une vocation lui en donnera la force. Qu’il la r
1134 dépasser. Mais seule une vocation lui en donnera la force. Qu’il la reçoive et qu’il l’accepte consciemment, ce sera pour
1135 seule une vocation lui en donnera la force. Qu’il la reçoive et qu’il l’accepte consciemment, ce sera pour lui l’introduct
1136 ui en donnera la force. Qu’il la reçoive et qu’il l’ accepte consciemment, ce sera pour lui l’introduction à une liberté to
1137 et qu’il l’accepte consciemment, ce sera pour lui l’ introduction à une liberté toute nouvelle. Dès ce moment, il accomplit
1138 à celle de ces pseudo ou prémystiques que furent les poètes du rêve : il se dévoue à quelque chose qui le dépasse, il se d
1139 poètes du rêve : il se dévoue à quelque chose qui le dépasse, il se donne à une réalité qui, souvent, ne tient pas compte
1140 e nos raisons, il s’impose une sorte d’ascèse qui le libère des servitudes naturelles. Mais cette ascèse n’aboutit pas à l
1141 des naturelles. Mais cette ascèse n’aboutit pas à la négation du réel. Elle transforme et oriente à nouveau les forces de
1142 ion du réel. Elle transforme et oriente à nouveau les forces de l’individu, plutôt qu’elle ne veut les détruire. Elle engag
1143 lle transforme et oriente à nouveau les forces de l’ individu, plutôt qu’elle ne veut les détruire. Elle engage dans le mon
1144 les forces de l’individu, plutôt qu’elle ne veut les détruire. Elle engage dans le monde actif, au lieu que le romantique
1145 ôt qu’elle ne veut les détruire. Elle engage dans le monde actif, au lieu que le romantique voulait s’en évader. Elle nous
1146 ire. Elle engage dans le monde actif, au lieu que le romantique voulait s’en évader. Elle nous rend enfin responsables vis
1147 bles vis-à-vis de notre prochain, et c’est à quoi l’ on peut reconnaître la légitimité d’une vocation. Thérèse d’Avila ne v
1148 e prochain, et c’est à quoi l’on peut reconnaître la légitimité d’une vocation. Thérèse d’Avila ne voulait accepter que le
1149 vocation. Thérèse d’Avila ne voulait accepter que les révélations qui la portaient à quelque action pratique dans la vie qu
1150 Avila ne voulait accepter que les révélations qui la portaient à quelque action pratique dans la vie quotidienne. Ainsi l’
1151 s qui la portaient à quelque action pratique dans la vie quotidienne. Ainsi l’« ascèse personnaliste » se distingue radica
1152 ue action pratique dans la vie quotidienne. Ainsi l’ « ascèse personnaliste » se distingue radicalement de la « dissolution
1153 cèse personnaliste » se distingue radicalement de la « dissolution du moi » des romantiques. C’est une « activité » qui ne
1154 st une « activité » qui ne commence qu’au-delà de la mort à soi-même, c’est-à-dire du renoncement au moi tourmenté par son
1155 moi tourmenté par son égoïsme. Elle ne prend pas la mort pour but, mais bien la vie, et cette vie-ci. Elle accepte le moi
1156 me. Elle ne prend pas la mort pour but, mais bien la vie, et cette vie-ci. Elle accepte le moi et toutes ses servitudes en
1157 , mais bien la vie, et cette vie-ci. Elle accepte le moi et toutes ses servitudes en vertu de sa vocation, c’est-à-dire en
1158 ertu d’un appel venu d’ailleurs mais qui concerne l’ ici-bas. Seule une telle vocation peut donner le courage de s’avouer e
1159 e l’ici-bas. Seule une telle vocation peut donner le courage de s’avouer en toute lucidité, de s’exprimer sans réticences
1160 que dorénavant ce n’est pas cela qui compte, mais l’ œuvre à faire et Celui qui l’ordonne. Alors le moi coupable et détesté
1161 ela qui compte, mais l’œuvre à faire et Celui qui l’ ordonne. Alors le moi coupable et détesté ne cherche plus de vaine éch
1162 ais l’œuvre à faire et Celui qui l’ordonne. Alors le moi coupable et détesté ne cherche plus de vaine échappatoire dans l’
1163 étesté ne cherche plus de vaine échappatoire dans l’ indicible et l’inconscient. Il ose enfin parler et témoigner au nom d’
1164 he plus de vaine échappatoire dans l’indicible et l’ inconscient. Il ose enfin parler et témoigner au nom d’une Vérité qui
1165 enfin parler et témoigner au nom d’une Vérité qui le dépasse. Et l’on rejoint ici l’enseignement évangélique : ce ne sont
1166 témoigner au nom d’une Vérité qui le dépasse. Et l’ on rejoint ici l’enseignement évangélique : ce ne sont pas des extases
1167 d’une Vérité qui le dépasse. Et l’on rejoint ici l’ enseignement évangélique : ce ne sont pas des extases indicibles qui s
1168 et d’annoncer leur foi. « C’est en confessant de la bouche qu’on parvient au salut », dit saint Paul. IV. Romantisme e
1169 Romantisme et national-socialisme De même que l’ expérience d’un au-delà ne prend son sens et sa vertu que lorsqu’elle
1170 t sa vertu que lorsqu’elle nous ramène au jour de l’ activité quotidienne — de même nos incursions dans la psychologie du r
1171 ctivité quotidienne — de même nos incursions dans la psychologie du romantisme doivent nous servir à mieux comprendre le t
1172 romantisme doivent nous servir à mieux comprendre le temps où nous vivons et agissons. Que signifie cette invasion de la p
1173 ivons et agissons. Que signifie cette invasion de la politique et de la vie sociale par ce qu’on nomme les « mystiques » c
1174 Que signifie cette invasion de la politique et de la vie sociale par ce qu’on nomme les « mystiques » collectives ? Certai
1175 politique et de la vie sociale par ce qu’on nomme les « mystiques » collectives ? Certaines catégories que nous venons de d
1176 enons de dégager pourraient guider notre analyse. Le mouvement hitlérien, dans son essence, m’apparaît comme un romantisme
1177 omantisme politique. Et je ne dis pas du tout que les écrits d’un Novalis ou d’un Jean-Paul soient à sa source ; ce serait
1178 ons retrouver au niveau inférieur et collectif de la psychologie nazie des processus fort analogues à ceux que nous avons
1179 simplistes, bien sûr — de certaines attitudes de l’ homme en face de son destin et de sa personne. Le national-socialisme
1180 l’homme en face de son destin et de sa personne. Le national-socialisme apparut comme une réaction de défense à l’humilia
1181 ocialisme apparut comme une réaction de défense à l’ humiliation collective infligée aux Allemands par Versailles, par la d
1182 ective infligée aux Allemands par Versailles, par la défaite, par la misère publique. Voilà bien la blessure la déception
1183 aux Allemands par Versailles, par la défaite, par la misère publique. Voilà bien la blessure la déception non plus ressent
1184 ar la défaite, par la misère publique. Voilà bien la blessure la déception non plus ressentie par un individu, mais par la
1185 e, par la misère publique. Voilà bien la blessure la déception non plus ressentie par un individu, mais par la nation tout
1186 tion non plus ressentie par un individu, mais par la nation tout entière dans ses rapports avec le monde réel. D’où l’impr
1187 par la nation tout entière dans ses rapports avec le monde réel. D’où l’impression de culpabilité, inacceptable et inavoua
1188 ntière dans ses rapports avec le monde réel. D’où l’ impression de culpabilité, inacceptable et inavouable (à cause de l’or
1189 lpabilité, inacceptable et inavouable (à cause de l’ orgueil national). C’est le monde qui doit être mal fait ! Car nous y
1190 inavouable (à cause de l’orgueil national). C’est le monde qui doit être mal fait ! Car nous y sommes brimés, nous qui pou
1191 ar nous y sommes brimés, nous qui pourtant sommes les fils des vertueux Germains ! Et de ce sentiment de culpabilité, refou
1192 ilité, refoulé avec force et bruyamment nié (tous les discours d’Hitler proclament, dès le début, que les Allemands n’ont p
1193 t nié (tous les discours d’Hitler proclament, dès le début, que les Allemands n’ont pas perdu la guerre) doit résulter un
1194 s discours d’Hitler proclament, dès le début, que les Allemands n’ont pas perdu la guerre) doit résulter un sentiment de ma
1195 , dès le début, que les Allemands n’ont pas perdu la guerre) doit résulter un sentiment de manque d’assurance nationale. L
1196 ter un sentiment de manque d’assurance nationale. La vraie Allemagne ne peut pas être celle qui a subi la « blessure ». Il
1197 vraie Allemagne ne peut pas être celle qui a subi la « blessure ». Il faut donc la chercher ailleurs : dans un rêve de pui
1198 re celle qui a subi la « blessure ». Il faut donc la chercher ailleurs : dans un rêve de puissance et de libération, dans
1199 dans un rêve de puissance et de libération, dans l’ avenir, cet ersatz de l’au-delà. Nions donc cette réalité qui nous opp
1200 ce et de libération, dans l’avenir, cet ersatz de l’ au-delà. Nions donc cette réalité qui nous opprime si méticuleusement,
1201 ous voulons une passion nouvelle ! Et de même que le romantique oubliait son moi détesté en se perdant dans les fêtes du r
1202 tique oubliait son moi détesté en se perdant dans les fêtes du rêve, l’Allemand moyen oubliera ses misères et les humiliati
1203 moi détesté en se perdant dans les fêtes du rêve, l’ Allemand moyen oubliera ses misères et les humiliations de sa patrie e
1204 du rêve, l’Allemand moyen oubliera ses misères et les humiliations de sa patrie en se perdant dans l’âme collective, dans l
1205 les humiliations de sa patrie en se perdant dans l’ âme collective, dans l’hypnose des fêtes sacrales organisées par le Fü
1206 patrie en se perdant dans l’âme collective, dans l’ hypnose des fêtes sacrales organisées par le Führer, au rythme lent et
1207 dans l’hypnose des fêtes sacrales organisées par le Führer, au rythme lent et envoûtant des défilés et des tambours penda
1208 cient ; on lui a dit que sa vraie vie était entre les mains du parti, d’un démiurge anonyme et obscur dont il n’a plus qu’à
1209 anonyme et obscur dont il n’a plus qu’à recevoir les ordres, sans trop chercher à les comprendre, comme « passif ». Le voi
1210 us qu’à recevoir les ordres, sans trop chercher à les comprendre, comme « passif ». Le voilà délivré de la terrible charge
1211 trop chercher à les comprendre, comme « passif ». Le voilà délivré de la terrible charge de sa conscience et de ses doutes
1212 comprendre, comme « passif ». Le voilà délivré de la terrible charge de sa conscience et de ses doutes. La discipline coll
1213 errible charge de sa conscience et de ses doutes. La discipline collective joue le rôle d’une ascèse du moi : les renoncem
1214 e et de ses doutes. La discipline collective joue le rôle d’une ascèse du moi : les renoncements mêmes qu’elle impose devi
1215 ine collective joue le rôle d’une ascèse du moi : les renoncements mêmes qu’elle impose deviennent les preuves de sa transc
1216 les renoncements mêmes qu’elle impose deviennent les preuves de sa transcendante vérité. Et c’est ainsi que la masse allem
1217 es de sa transcendante vérité. Et c’est ainsi que la masse allemande, imitant au niveau le plus bas l’évolution des romant
1218 t ainsi que la masse allemande, imitant au niveau le plus bas l’évolution des romantiques cherche à récupérer son unité pe
1219 la masse allemande, imitant au niveau le plus bas l’ évolution des romantiques cherche à récupérer son unité perdue dans un
1220 on unité perdue dans un monde supra-personnel, où les limites hostiles s’effacent, où la passion peut s’épanouir, où l’inte
1221 personnel, où les limites hostiles s’effacent, où la passion peut s’épanouir, où l’intensité de l’émotion remplace la véri
1222 les s’effacent, où la passion peut s’épanouir, où l’ intensité de l’émotion remplace la vérité mesquine des juristes. Et ce
1223 où la passion peut s’épanouir, où l’intensité de l’ émotion remplace la vérité mesquine des juristes. Et cela nous fait co
1224 s’épanouir, où l’intensité de l’émotion remplace la vérité mesquine des juristes. Et cela nous fait comprendre bien des c
1225 en des choses à première vue sans liens intimes : la suppression du droit romain, le mépris des frontières et des obligati
1226 s liens intimes : la suppression du droit romain, le mépris des frontières et des obligations, le culte des morts rétabli,
1227 ain, le mépris des frontières et des obligations, le culte des morts rétabli, le rêve d’expansion indéfinie, mais aussi le
1228 s et des obligations, le culte des morts rétabli, le rêve d’expansion indéfinie, mais aussi le goût de la guerre (préfigur
1229 établi, le rêve d’expansion indéfinie, mais aussi le goût de la guerre (préfiguration de la mort, toujours rêvée par les g
1230 rêve d’expansion indéfinie, mais aussi le goût de la guerre (préfiguration de la mort, toujours rêvée par les grands passi
1231 mais aussi le goût de la guerre (préfiguration de la mort, toujours rêvée par les grands passionnés), et la volonté de s’e
1232 rre (préfiguration de la mort, toujours rêvée par les grands passionnés), et la volonté de s’enfermer dans une réalité impé
1233 rt, toujours rêvée par les grands passionnés), et la volonté de s’enfermer dans une réalité impénétrable, indicible, incom
1234 cable, et qui n’a point de « raisons » à donner : l’ autarcie matérielle et morale. On ne dira jamais trop à quel point ce
1235 l point ce pseudo-mysticisme romantique détermine l’ action du Führer et son pouvoir hypnotique sur les masses. Les apparen
1236 l’action du Führer et son pouvoir hypnotique sur les masses. Les apparences de Realpolitik maintenues par les cyniques et
1237 Führer et son pouvoir hypnotique sur les masses. Les apparences de Realpolitik maintenues par les cyniques et les habiles
1238 ses. Les apparences de Realpolitik maintenues par les cyniques et les habiles ne dissimulent que très imparfaitement les vr
1239 ces de Realpolitik maintenues par les cyniques et les habiles ne dissimulent que très imparfaitement les vrais ressorts du
1240 es habiles ne dissimulent que très imparfaitement les vrais ressorts du régime hitlérien. Nous ne sommes plus en présence d
1241 ple envoûté par son rêve. Un peuple qui renonce à la raison, qui renonce à se justifier aux yeux du monde, parce qu’il tro
1242 d’innocence exaltante, une occasion de sacrifier le moi coupable et détesté à quelque chose de plus vrai que la vie, et q
1243 pable et détesté à quelque chose de plus vrai que la vie, et qui est sa mission millénaire. « Chez nous, proclamait récemm
1244 ns diverses entre lesquelles il devrait choisir : le peuple n’aime pas à choisir, il aime qu’on lui présente une opinion j
1245 rs, notre politique est une politique d’artistes. Le Führer est un artiste de la politique. Les autres hommes d’État sont
1246 politique d’artistes. Le Führer est un artiste de la politique. Les autres hommes d’État sont seulement des manœuvres. Son
1247 tistes. Le Führer est un artiste de la politique. Les autres hommes d’État sont seulement des manœuvres. Son État à lui est
1248 sont seulement des manœuvres. Son État à lui est le produit d’une imagination géniale9. » Une politique d’artistes, une p
1249 tes, une politique de romantisme collectif, voilà le cauchemar que rêve à côté de nous le IIIe Reich somnambulique. Nous a
1250 ectif, voilà le cauchemar que rêve à côté de nous le IIIe Reich somnambulique. Nous avons tout à craindre des « inspiratio
1251 e, à mon avis, au moins autant qu’économique. Car la lutte qui se livre aujourd’hui dans le secret de la conscience allema
1252 mique. Car la lutte qui se livre aujourd’hui dans le secret de la conscience allemande, c’est une lutte de nature religieu
1253 lutte qui se livre aujourd’hui dans le secret de la conscience allemande, c’est une lutte de nature religieuse. C’est l’a
1254 ande, c’est une lutte de nature religieuse. C’est l’ affrontement d’une religion de l’inconscience collective et d’une foi
1255 eligieuse. C’est l’affrontement d’une religion de l’ inconscience collective et d’une foi qui veut témoigner par la Parole
1256 ce collective et d’une foi qui veut témoigner par la Parole et l’acte personnel. 6. En effet, pour les romantiques, « l
1257 et d’une foi qui veut témoigner par la Parole et l’ acte personnel. 6. En effet, pour les romantiques, « le sommeil est
1258 Parole et l’acte personnel. 6. En effet, pour les romantiques, « le sommeil est une préfiguration de la mort », et c’es
1259 ersonnel. 6. En effet, pour les romantiques, «  le sommeil est une préfiguration de la mort », et c’est uniquement dans
1260 omantiques, « le sommeil est une préfiguration de la mort », et c’est uniquement dans la mort que nous pouvons rejoindre l
1261 figuration de la mort », et c’est uniquement dans la mort que nous pouvons rejoindre l’Autre, l’indicible. 7. On peut reg
1262 dans la mort que nous pouvons rejoindre l’Autre, l’ indicible. 7. On peut regretter qu’Albert Béguin n’ait pas insisté da
1263 qu’Albert Béguin n’ait pas insisté davantage sur l’ importance du quiétisme pour la formation de la psychologie moderne, e
1264 isté davantage sur l’importance du quiétisme pour la formation de la psychologie moderne, et en particulier de la psycholo
1265 ur l’importance du quiétisme pour la formation de la psychologie moderne, et en particulier de la psychologie de l’inconsc
1266 n de la psychologie moderne, et en particulier de la psychologie de l’inconscient. 8. C’est la Recherche du temps perdu,
1267 e moderne, et en particulier de la psychologie de l’ inconscient. 8. C’est la Recherche du temps perdu, de Proust. 9. Dis
1268 ier de la psychologie de l’inconscient. 8. C’est la Recherche du temps perdu, de Proust. 9. Discours du 18 juin 1939, à
1269 antzig. c. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] L’ Âme romantique et le rêve », La Revue de Paris, Paris, août 1939, p. 9
1270 nt Denis de, « [Compte rendu] L’Âme romantique et le rêve », La Revue de Paris, Paris, août 1939, p. 915-928.
1271 , « [Compte rendu] L’Âme romantique et le rêve », La Revue de Paris, Paris, août 1939, p. 915-928.
3 1946, La Revue de Paris, articles (1937–1969). Tableaux américains (décembre 1946)
1272 est une île en forme de gratte-ciel couché. C’est la ville la plus simple du monde. Douze avenues parallèles, dans le sens
1273 le en forme de gratte-ciel couché. C’est la ville la plus simple du monde. Douze avenues parallèles, dans le sens de la lo
1274 s simple du monde. Douze avenues parallèles, dans le sens de la longueur, qui est de vingt-cinq kilomètres environ — elles
1275 monde. Douze avenues parallèles, dans le sens de la longueur, qui est de vingt-cinq kilomètres environ — elles figurent a
1276 nq kilomètres environ — elles figurent assez bien les ascenseurs d’un grand building — et deux-cent-cinquante rues coupant
1277 nd building — et deux-cent-cinquante rues coupant les avenues à angle droit : autant d’étages. Au milieu, Central Park, rec
1278 u, Central Park, rectangulaire. C’est tout, c’est la cité de Manhattan. Mais les faubourgs, au-delà de l’Hudson et de l’Ea
1279 ire. C’est tout, c’est la cité de Manhattan. Mais les faubourgs, au-delà de l’Hudson et de l’East River qui entourent l’île
1280 cité de Manhattan. Mais les faubourgs, au-delà de l’ Hudson et de l’East River qui entourent l’île, s’étendent sur des espa
1281 an. Mais les faubourgs, au-delà de l’Hudson et de l’ East River qui entourent l’île, s’étendent sur des espaces bien plus v
1282 delà de l’Hudson et de l’East River qui entourent l’ île, s’étendent sur des espaces bien plus vastes, îles et plaines reli
1283 on plus, que New York est une ville alpestre ! Je l’ ai senti le premier soir d’octobre, quand le soleil couchant flambait
1284  ! Je l’ai senti le premier soir d’octobre, quand le soleil couchant flambait les hauteurs des gratte-ciel, de cette coule
1285 soir d’octobre, quand le soleil couchant flambait les hauteurs des gratte-ciel, de cette couleur orangée aérienne qu’on voi
1286 n voit aux crêtes des parois rocheuses, alors que la vallée s’emplit d’une ombre froide. Et j’étais bien au fond d’une gor
1287 es noircies où circulait un vent âpre et salubre. La mer et la montagne se ressemblent partout. Ici, elles se rejoignent e
1288 s où circulait un vent âpre et salubre. La mer et la montagne se ressemblent partout. Ici, elles se rejoignent et se mêlen
1289 t partout. Ici, elles se rejoignent et se mêlent. Les grands souffles océaniques, chargés de sel et d’aventure, viennent fr
1290 s, chargés de sel et d’aventure, viennent frapper les « faces » argentées de l’Empire State, du Chrysler, du Centre Rockefe
1291 ture, viennent frapper les « faces » argentées de l’ Empire State, du Chrysler, du Centre Rockefeller, de vingt autres de c
1292 ler, de vingt autres de ces sommités célèbres que les New-Yorkais vous désignent comme les Suisses énumèrent leurs Alpes au
1293 célèbres que les New-Yorkais vous désignent comme les Suisses énumèrent leurs Alpes au visiteur qui en contemple la chaîne.
1294 numèrent leurs Alpes au visiteur qui en contemple la chaîne. Le vent fou, l’air ozoné et la lumière éclatant très haut dan
1295 urs Alpes au visiteur qui en contemple la chaîne. Le vent fou, l’air ozoné et la lumière éclatant très haut dans le ciel s
1296 visiteur qui en contemple la chaîne. Le vent fou, l’ air ozoné et la lumière éclatant très haut dans le ciel sur des parois
1297 contemple la chaîne. Le vent fou, l’air ozoné et la lumière éclatant très haut dans le ciel sur des parois violemment déc
1298 l’air ozoné et la lumière éclatant très haut dans le ciel sur des parois violemment découpées, c’est un climat que je conn
1299 n climat que je connais… Mais il y a plus. Il y a le sol qui est alpestre dans sa profondeur. À Central Park, au milieu de
1300 affleurer de larges dalles de granit. Autrefois, les glaciers sont venus jusqu’ici ! Ils couvraient la moitié de l’île, et
1301 es glaciers sont venus jusqu’ici ! Ils couvraient la moitié de l’île, et la moraine s’étendait bien plus avant. Voici l’un
1302 ont venus jusqu’ici ! Ils couvraient la moitié de l’ île, et la moraine s’étendait bien plus avant. Voici l’un des secrets
1303 jusqu’ici ! Ils couvraient la moitié de l’île, et la moraine s’étendait bien plus avant. Voici l’un des secrets de la déme
1304 endait bien plus avant. Voici l’un des secrets de la démesure de Manhattan : seules, ces assises de granit étaient capable
1305 s assises de granit étaient capables de supporter le formidable poids d’un gratte-ciel de cent étages. Et les blocs errati
1306 midable poids d’un gratte-ciel de cent étages. Et les blocs erratiques, débités en tranches, polis et luisants comme du mar
1307 et luisants comme du marbre, ont été plaqués sur les façades et dans les vestibules des plus riches bâtiments, reliques sc
1308 u marbre, ont été plaqués sur les façades et dans les vestibules des plus riches bâtiments, reliques scellées d’une antiqui
1309 ine. À Chicago et Saint-Louis, au contraire, sur les plaines d’alluvions ou dans les marécages, les gratte-ciel déjà, me d
1310 au contraire, sur les plaines d’alluvions ou dans les marécages, les gratte-ciel déjà, me dit-on, menacent de suivre l’inqu
1311 ur les plaines d’alluvions ou dans les marécages, les gratte-ciel déjà, me dit-on, menacent de suivre l’inquiétant exemple
1312 s gratte-ciel déjà, me dit-on, menacent de suivre l’ inquiétant exemple de la célèbre tour de Pise. Bien des aspects physiq
1313 it-on, menacent de suivre l’inquiétant exemple de la célèbre tour de Pise. Bien des aspects physiques et moraux de la cité
1314 de Pise. Bien des aspects physiques et moraux de la cité de Manhattan s’expliquent par ce sol et ce climat. Entre la Prai
1315 attan s’expliquent par ce sol et ce climat. Entre la Prairie proche et l’Océan, ce lieu d’extrême civilisation matérielle
1316 r ce sol et ce climat. Entre la Prairie proche et l’ Océan, ce lieu d’extrême civilisation matérielle demeure hanté par on
1317 dans une atmosphère irrémédiablement désertique. Les Américains des plaines de l’Ouest, venant à New York, ont coutume de
1318 blement désertique. Les Américains des plaines de l’ Ouest, venant à New York, ont coutume de se plaindre de l’inhumanité q
1319 venant à New York, ont coutume de se plaindre de l’ inhumanité que revêtent ici les rapports quotidiens. Ils pensent, dans
1320 e de se plaindre de l’inhumanité que revêtent ici les rapports quotidiens. Ils pensent, dans leur ignorance, que c’est une
1321 opéenne »… Mais, moi, je m’y sens contemporain de la préhistoire de quelque avenir démesuré. Sortie de Manhattan Sur
1322 n Sur un quai souterrain, après avoir traversé les parvis populeux surmontés d’une coupole astronomique de la gare de Pe
1323 populeux surmontés d’une coupole astronomique de la gare de Pennsylvanie, j’ai pris mon premier train américain. Comme to
1324 Comme tout le monde, j’ai glissé mon billet dans le ruban de mon chapeau, où le contrôleur l’a pris et replacé sans me dé
1325 lissé mon billet dans le ruban de mon chapeau, où le contrôleur l’a pris et replacé sans me déranger dans la lecture de mo
1326 et dans le ruban de mon chapeau, où le contrôleur l’ a pris et replacé sans me déranger dans la lecture de mon journal. Il
1327 trôleur l’a pris et replacé sans me déranger dans la lecture de mon journal. Il n’y a que deux classes en Amérique : l’une
1328 Il n’y a que deux classes en Amérique : l’une où les fauteuils au dossier très haut sont fixes (deux de chaque côté du cou
1329 ux de chaque côté du couloir central), l’autre où les fauteuils sont espacés et pivotent ; classe de luxe et classe de gran
1330 cars. J’ai pris un coach. Je me suis enfoncé dans le velours bleu sombre et j’ai regardé mes voisins, car nous roulions da
1331 s voisins, car nous roulions dans un tunnel. Dans l’ ensemble, les femmes m’ont paru dignes de ce que le cinéma nous en pro
1332 ar nous roulions dans un tunnel. Dans l’ensemble, les femmes m’ont paru dignes de ce que le cinéma nous en promet — mais il
1333 ’ensemble, les femmes m’ont paru dignes de ce que le cinéma nous en promet — mais il suffit de trois ou quatre beautés sai
1334 belles dans ce pays ! » Soudain, je n’ai plus vu les gens. Le train surgissait du tunnel dans une plaine de marécages et d
1335 ns ce pays ! » Soudain, je n’ai plus vu les gens. Le train surgissait du tunnel dans une plaine de marécages et de roseaux
1336 ants, coupée de canaux et de digues, enjambée par les arches de fer d’un pont à n’en pas croire ses yeux, qui porte l’autos
1337 r d’un pont à n’en pas croire ses yeux, qui porte l’ autostrade pendant des kilomètres au-dessus des usines, des feux rouge
1338 iluviens. Une falaise de granit se dresse près de la voie. Nous la passons. Sur son autre versant s’étale un cimetière d’a
1339 falaise de granit se dresse près de la voie. Nous la passons. Sur son autre versant s’étale un cimetière d’autos décarcass
1340 du grand délire de construction qui enfièvre tout le continent et dont le pont de l’autostrade au long de l’horizon porte
1341 nstruction qui enfièvre tout le continent et dont le pont de l’autostrade au long de l’horizon porte la gloire. Manhatt
1342 qui enfièvre tout le continent et dont le pont de l’ autostrade au long de l’horizon porte la gloire. Manhattan — Suite
1343 tinent et dont le pont de l’autostrade au long de l’ horizon porte la gloire. Manhattan — Suite Le bel hiver. — J’ai
1344 e pont de l’autostrade au long de l’horizon porte la gloire. Manhattan — Suite Le bel hiver. — J’ai retrouvé New Yo
1345 horizon porte la gloire. Manhattan — Suite Le bel hiver. — J’ai retrouvé New York glaciale et belle, ce bleu de pou
1346 laire et rose au lointain des avenues trop larges le matin, ce bleu d’ombre de brique au puits des rues luisantes, dos lon
1347 culation vibrante aux pieds, fumerolles au ras de l’ asphalte et le vent fou ! Si le détail est laid, voyez l’ensemble. Pou
1348 nte aux pieds, fumerolles au ras de l’asphalte et le vent fou ! Si le détail est laid, voyez l’ensemble. Pour un homme qui
1349 merolles au ras de l’asphalte et le vent fou ! Si le détail est laid, voyez l’ensemble. Pour un homme qui est seul, Manhat
1350 lte et le vent fou ! Si le détail est laid, voyez l’ ensemble. Pour un homme qui est seul, Manhattan est sublime. Il n’a qu
1351 Manhattan est sublime. Il n’a qu’à s’oublier dans l’ énergie fusante de cette capitale du matin. Ville pure. — Entre la T
1352 de cette capitale du matin. Ville pure. — Entre la Trente-troisième et la Soixantième rue, le cœur de Manhattan c’est la
1353 tin. Ville pure. — Entre la Trente-troisième et la Soixantième rue, le cœur de Manhattan c’est la ville pure. Ici, tout
1354 Entre la Trente-troisième et la Soixantième rue, le cœur de Manhattan c’est la ville pure. Ici, tout ce que le regard tou
1355 et la Soixantième rue, le cœur de Manhattan c’est la ville pure. Ici, tout ce que le regard touche et mesure dans les troi
1356 e Manhattan c’est la ville pure. Ici, tout ce que le regard touche et mesure dans les trois dimensions de l’espace, sauf u
1357 Ici, tout ce que le regard touche et mesure dans les trois dimensions de l’espace, sauf un découpage de ciel mat, tout est
1358 ard touche et mesure dans les trois dimensions de l’ espace, sauf un découpage de ciel mat, tout est fait de main d’homme s
1359 on horizontale et verticale, intensité suprême de la présence humaine jusqu’à trois-cents mètres du sol. Pour la première
1360 s, je vois une ville aussi purifiée de nature que l’ est de prose un groupe de mots de Mallarmé. Paris, Rome, en comparaiso
1361 raison, sont d’immenses parcs semés de monuments. Le site et le paysage y sont partout sensibles. Les rues montent et tour
1362 t d’immenses parcs semés de monuments. Le site et le paysage y sont partout sensibles. Les rues montent et tournent, épous
1363 . Le site et le paysage y sont partout sensibles. Les rues montent et tournent, épousant les collines. Le sol des plaines e
1364 sensibles. Les rues montent et tournent, épousant les collines. Le sol des plaines environnantes paraît encore à nu dans le
1365 rues montent et tournent, épousant les collines. Le sol des plaines environnantes paraît encore à nu dans les cours des h
1366 des plaines environnantes paraît encore à nu dans les cours des hôtels, entre les pavés provinciaux, aux esplanades, aux te
1367 raît encore à nu dans les cours des hôtels, entre les pavés provinciaux, aux esplanades, aux terrains vagues envahis d’herb
1368 esplanades, aux terrains vagues envahis d’herbes. Les arbres cachent les façades, moutonnent à la hauteur des toits, et la
1369 rains vagues envahis d’herbes. Les arbres cachent les façades, moutonnent à la hauteur des toits, et la rivière ouvre l’esp
1370 bes. Les arbres cachent les façades, moutonnent à la hauteur des toits, et la rivière ouvre l’espace, double le ciel, qui
1371 es façades, moutonnent à la hauteur des toits, et la rivière ouvre l’espace, double le ciel, qui règne seul au coucher du
1372 nnent à la hauteur des toits, et la rivière ouvre l’ espace, double le ciel, qui règne seul au coucher du soleil. À New Yor
1373 r des toits, et la rivière ouvre l’espace, double le ciel, qui règne seul au coucher du soleil. À New York, la lumière du
1374 qui règne seul au coucher du soleil. À New York, la lumière du soir évacue rapidement les rues profondes, remonte au somm
1375 À New York, la lumière du soir évacue rapidement les rues profondes, remonte au sommet des buildings, se perd dans un dern
1376 rd dans un dernier éclat d’avion fuyant, et c’est la ville alors qui s’empare du ciel, s’en fait un dôme à sa mesure et le
1377 ’empare du ciel, s’en fait un dôme à sa mesure et le referme sur sa nuit de ville. Appartements. — Les grandes maisons l
1378 e referme sur sa nuit de ville. Appartements. — Les grandes maisons les mettent mal à l’aise, parce qu’ils pensent tout d
1379 t de ville. Appartements. — Les grandes maisons les mettent mal à l’aise, parce qu’ils pensent tout de suite à l’usage ph
1380 al à l’aise, parce qu’ils pensent tout de suite à l’ usage physique, non point à ces symboles de l’âme que forment les chât
1381 e à l’usage physique, non point à ces symboles de l’ âme que forment les châteaux au fond de nos mémoires. L’idéal de l’Amé
1382 ue, non point à ces symboles de l’âme que forment les châteaux au fond de nos mémoires. L’idéal de l’Américain serait sans
1383 que forment les châteaux au fond de nos mémoires. L’ idéal de l’Américain serait sans doute la maison d’une seule pièce, av
1384 les châteaux au fond de nos mémoires. L’idéal de l’ Américain serait sans doute la maison d’une seule pièce, avec au centr
1385 émoires. L’idéal de l’Américain serait sans doute la maison d’une seule pièce, avec au centre un grand fauteuil tournant e
1386 euil tournant et basculant, qui se transformerait le soir en lit et d’où, sans se lever, l’on atteindrait le téléphone, la
1387 sformerait le soir en lit et d’où, sans se lever, l’ on atteindrait le téléphone, la poignée du frigidaire, les boutons du
1388 r en lit et d’où, sans se lever, l’on atteindrait le téléphone, la poignée du frigidaire, les boutons du fourneau électriq
1389 où, sans se lever, l’on atteindrait le téléphone, la poignée du frigidaire, les boutons du fourneau électrique, ceux de la
1390 teindrait le téléphone, la poignée du frigidaire, les boutons du fourneau électrique, ceux de la radio et les robinets de l
1391 aire, les boutons du fourneau électrique, ceux de la radio et les robinets de la baignoire. Désespoir à Times Square. —
1392 utons du fourneau électrique, ceux de la radio et les robinets de la baignoire. Désespoir à Times Square. — Errer dans la
1393 u électrique, ceux de la radio et les robinets de la baignoire. Désespoir à Times Square. — Errer dans la foule, regarde
1394 ignoire. Désespoir à Times Square. — Errer dans la foule, regarder ou subir les vitrines et les réclames lumineuses en d
1395 Square. — Errer dans la foule, regarder ou subir les vitrines et les réclames lumineuses en délire, passer une heure aux A
1396 dans la foule, regarder ou subir les vitrines et les réclames lumineuses en délire, passer une heure aux Actualités, écout
1397 délire, passer une heure aux Actualités, écouter les conversations des voisins dans un bar, coudoyer des hommes déformés o
1398 après un dîner solitaire, un soir de pluie, c’est le contraire d’un exercice spirituel : une véritable centrifugation de l
1399 rcice spirituel : une véritable centrifugation de l’ être. Mais peut-être, me dis-je après coup, mais peut-être, en poussan
1400 dis-je après coup, mais peut-être, en poussant à l’ extrême cette « distraction » de l’âme et de la volonté, rejoindrait-o
1401 en poussant à l’extrême cette « distraction » de l’ âme et de la volonté, rejoindrait-on quelque réalité valable, et par l
1402 à l’extrême cette « distraction » de l’âme et de la volonté, rejoindrait-on quelque réalité valable, et par la sensation
1403 é, rejoindrait-on quelque réalité valable, et par la sensation directe du monde tel que le crée l’homme privé de l’Esprit,
1404 ble, et par la sensation directe du monde tel que le crée l’homme privé de l’Esprit, l’une des entrées de la Voie négative
1405 par la sensation directe du monde tel que le crée l’ homme privé de l’Esprit, l’une des entrées de la Voie négative et du D
1406 directe du monde tel que le crée l’homme privé de l’ Esprit, l’une des entrées de la Voie négative et du Désert dont parlen
1407 e l’homme privé de l’Esprit, l’une des entrées de la Voie négative et du Désert dont parlent les mystiques ? Homéopathie s
1408 ées de la Voie négative et du Désert dont parlent les mystiques ? Homéopathie spirituelle : traitement par l’absence-de-que
1409 tiques ? Homéopathie spirituelle : traitement par l’ absence-de-quelque-chose-qui-y-était, qui n’y est plus, mais dont la p
1410 ue-chose-qui-y-était, qui n’y est plus, mais dont la progressive évacuation a laissé le milieu actif… Plus simplement, ce
1411 lus, mais dont la progressive évacuation a laissé le milieu actif… Plus simplement, ce vide est encore un appel ; ce déses
1412 ésespoir, s’il est conscient, un dernier signe de la vie… Non, j’ai surtout senti le désespoir tout court dans cette prome
1413 dernier signe de la vie… Non, j’ai surtout senti le désespoir tout court dans cette promenade de plusieurs heures, et c’e
1414 de plusieurs heures, et c’est ici seulement, sur le papier, que je comprends qu’il faut pousser plus loin. On se demande
1415 On se demande parfois : qu’est-ce, en somme, que le péché ? C’est cela, c’était ce que j’éprouvais à Times Square avec un
1416 ouvais à Times Square avec une acuité crispante : l’ état du monde d’où l’Esprit s’est retiré. Ce n’étaient pas « les péché
1417 avec une acuité crispante : l’état du monde d’où l’ Esprit s’est retiré. Ce n’étaient pas « les péchés » de ces hommes et
1418 de d’où l’Esprit s’est retiré. Ce n’étaient pas «  les péchés » de ces hommes et de ces femmes, ni les miens, dont nul ne pe
1419 et qui peut-être n’en sont point. Ce n’était pas le froid, la pluie, la poisse aux pieds mêlée d’essence sur l’asphalte d
1420 ut-être n’en sont point. Ce n’était pas le froid, la pluie, la poisse aux pieds mêlée d’essence sur l’asphalte des avenues
1421 en sont point. Ce n’était pas le froid, la pluie, la poisse aux pieds mêlée d’essence sur l’asphalte des avenues, c’était
1422 la pluie, la poisse aux pieds mêlée d’essence sur l’ asphalte des avenues, c’était ce vide. C’était le sens absent. Beek
1423 l’asphalte des avenues, c’était ce vide. C’était le sens absent. Beekman Place Parallèle à l’East River, dont la sé
1424 t le sens absent. Beekman Place Parallèle à l’ East River, dont la sépare une rangée d’hôtels particuliers à cinq éta
1425 Beekman Place Parallèle à l’East River, dont la sépare une rangée d’hôtels particuliers à cinq étages, cette rue très
1426 ois, ne portent pas de numéro et ne coupent point les avenues à angle droit. Hors série, modèle de grand luxe, elle s’orne
1427 grands portiers galonnés. Une buée bleue, pendant l’ été, emplit cet espace fermé par les hauts bâtiments de la Cinquante-e
1428 bleue, pendant l’été, emplit cet espace fermé par les hauts bâtiments de la Cinquante-et-unième rue, en brique vernie, tout
1429 mplit cet espace fermé par les hauts bâtiments de la Cinquante-et-unième rue, en brique vernie, tout luisants de fenêtres
1430 d’ornements. Beekman Place est un de ces lieux où l’ exilé s’écrie : « Mais c’est l’Europe ! » parce qu’il y trouve un char
1431 un de ces lieux où l’exilé s’écrie : « Mais c’est l’ Europe ! » parce qu’il y trouve un charme, simplement. Mais quand je l
1432 ’il y trouve un charme, simplement. Mais quand je la vois du haut de mon douzième étage, en enfilade, petite tranchée d’as
1433 … Si je me retourne un peu sur ma terrasse, voici la perspective de l’East River jusqu’à Brooklyn. Un paysage immense de m
1434 e un peu sur ma terrasse, voici la perspective de l’ East River jusqu’à Brooklyn. Un paysage immense de minéral et d’eau. L
1435 Brooklyn. Un paysage immense de minéral et d’eau. La rivière, sillonnée de remorqueurs toussotants, luit d’un éclat d’étai
1436 queurs toussotants, luit d’un éclat d’étain pâli. Les ponts immenses, vers Brooklyn, font une dentelle d’un kilomètre, tout
1437 ont une dentelle d’un kilomètre, toute menue dans la distance. Cheminées, mâts, clochers, usines basses et réclames lumine
1438 ines basses et réclames lumineuses en plein jour. Le seul vestige de nature — car l’eau même est canalisée — ce sont ces t
1439 es en plein jour. Le seul vestige de nature — car l’ eau même est canalisée — ce sont ces trois îlots de granit noir couver
1440 eux petits phares dont clignotent irrégulièrement le feu vert — cinq secondes de révolution — et le feu rouge — six ou sep
1441 nt le feu vert — cinq secondes de révolution — et le feu rouge — six ou sept secondes. Tout ce qu’embrasse mon regard, tou
1442 e mon regard, tout est fait de main d’homme, sauf les mouettes. Qu’on ne me parle plus des lois économiques et de leurs fat
1443 miques et de leurs fatales réalités : car ce sont les réalités d’un monde tout artificiel que nous, les hommes, avons bâti
1444 les réalités d’un monde tout artificiel que nous, les hommes, avons bâti selon nos caprices, nos passions et nos raisons fo
1445 e paysage se transformerait. Si je me tourne vers le nord, je vois un monde de terrasses, du dixième au trentième étage du
1446 xième au trentième étage du River Club, où vivent les milliardaires et les acteurs. Et tout près, ces jardins suspendus où
1447 age du River Club, où vivent les milliardaires et les acteurs. Et tout près, ces jardins suspendus où circulent de jeunes f
1448 es… Quelques jeunes gens viennent boire un verre, le soir. Un violoniste s’escrime à vingt reprises sur le Deuxième Concer
1449 artèlent ce Tchaïkovski qu’on entend siffler dans la rue… Je me souviens de ce que j’ai sous les yeux : je le vois déjà co
1450 r dans la rue… Je me souviens de ce que j’ai sous les yeux : je le vois déjà comme je me le rappellerai, une fois de retour
1451 Je me souviens de ce que j’ai sous les yeux : je le vois déjà comme je me le rappellerai, une fois de retour en Europe. J
1452 j’ai sous les yeux : je le vois déjà comme je me le rappellerai, une fois de retour en Europe. J’en connais par avance la
1453 fois de retour en Europe. J’en connais par avance la nostalgie. Le soir vient dans un luxe américain d’ocres, de roses, d’
1454 en Europe. J’en connais par avance la nostalgie. Le soir vient dans un luxe américain d’ocres, de roses, d’argents et d’é
1455 d’ocres, de roses, d’argents et d’éclats d’or sur les fenêtres des usines. Des fumées traînent, les ponts s’éteignent, le s
1456 sur les fenêtres des usines. Des fumées traînent, les ponts s’éteignent, le sommet des gratte-ciel se met à luire sous la l
1457 ines. Des fumées traînent, les ponts s’éteignent, le sommet des gratte-ciel se met à luire sous la lune, au-dessus des pre
1458 nt, le sommet des gratte-ciel se met à luire sous la lune, au-dessus des premiers nuages. Une grande nuit s’ouvre au trava
1459 t sors. Je me promène sur cette terrasse qui fait le tour de mes chambres blanches, posées sur le onzième étage et festonn
1460 nzième étage et festonnées de tuiles provençales. La brique est chaude encore sous mes pieds nus. À ma hauteur, et un peu
1461 un peu plus bas, et puis beaucoup plus bas, dans les buildings voisins séparés de ma terrasse par un gouffre profond mais
1462 ée en peignoir rose ouvre son frigidaire, sort de la glace, ôte enfin le peignoir, il fait trop chaud. Des rires viennent
1463 ouvre son frigidaire, sort de la glace, ôte enfin le peignoir, il fait trop chaud. Des rires viennent d’une terrasse obscu
1464 asse obscure, un cliquetis de tiges de verre dans les highballs. Je rentre et j’aligne mes mots. Petits matins déjà doux de
1465 s. Petits matins déjà doux des terrasses, moments les plus aigus de la vie, au jour qui point, quand toutes choses et les s
1466 éjà doux des terrasses, moments les plus aigus de la vie, au jour qui point, quand toutes choses et les souvenirs d’hier c
1467 la vie, au jour qui point, quand toutes choses et les souvenirs d’hier changent de poids et de millésime, quand les mouette
1468 s d’hier changent de poids et de millésime, quand les mouettes éclosent du rocher, quand les premiers remorqueurs se metten
1469 miers remorqueurs se mettent à souffler fort dans la brume d’été flottant sur la rivière… Une langue de lumière orangée vi
1470 à souffler fort dans la brume d’été flottant sur la rivière… Une langue de lumière orangée vient râper doucement le crépi
1471 e langue de lumière orangée vient râper doucement le crépi des murs bas, sur la terrasse toute voisine. Un autre jour, le
1472 vient râper doucement le crépi des murs bas, sur la terrasse toute voisine. Un autre jour, le même amour, mais le cœur s’
1473 as, sur la terrasse toute voisine. Un autre jour, le même amour, mais le cœur s’ouvre — l’aube est l’heure du pardon déliv
1474 toute voisine. Un autre jour, le même amour, mais le cœur s’ouvre — l’aube est l’heure du pardon délivrant — et je me donn
1475 autre jour, le même amour, mais le cœur s’ouvre — l’ aube est l’heure du pardon délivrant — et je me donne au jour américai
1476 le même amour, mais le cœur s’ouvre — l’aube est l’ heure du pardon délivrant — et je me donne au jour américain ! Sur le
1477 élivrant — et je me donne au jour américain ! Sur le grand fond sonore à bouche fermée des usines de l’autre rive, les sir
1478 onore à bouche fermée des usines de l’autre rive, les sirènes des ferry-boats poussaient leur solo de désastre, de faux dés
1479 tre, de faux désastre et d’appel commercial, dans le matin strident de l’East River. Un quadrimoteur argenté passait très
1480 et d’appel commercial, dans le matin strident de l’ East River. Un quadrimoteur argenté passait très haut entre deux tours
1481 r arroser au tuyau ses arbustes. Soudain, passant la tranche ocrée d’un bâtiment de trente étages, à mi-hauteur, sur la ri
1482 d’un bâtiment de trente étages, à mi-hauteur, sur la rivière, une proue grise et ses canons glissait sans bruit, un énorme
1483 ait sans bruit, un énorme croiseur défilait, tout l’ équipage en fête saluant New York d’adieux, filant pavois au vent vers
1484 ant New York d’adieux, filant pavois au vent vers l’ Europe… Slums La Soixante-quinzième rue n’a rien de particulier.
1485 filant pavois au vent vers l’Europe… Slums La Soixante-quinzième rue n’a rien de particulier. Elle part luxueusemen
1486 enue et de Central Park, traverse en direction de l’ est de beaux quartiers gris clair d’un gothique sobre et astiqué, chan
1487 n avenue, perd toute tenue dès qu’elle a traversé les piliers du métro aérien qui longe encore la Troisième avenue, s’anime
1488 piers sales, pour s’ouvrir enfin toute béante sur les fumées de l’East River, au terme d’un parcours rectiligne d’un kilomè
1489 our s’ouvrir enfin toute béante sur les fumées de l’ East River, au terme d’un parcours rectiligne d’un kilomètre et demi,
1490 lomètre et demi, sans changer de largeur. (Seuls, les trottoirs se rétrécissent.) Cette rue, comme cent autres pareilles, f
1491 , comme cent autres pareilles, fait voir en coupe la société américaine. C’est une coupe mégaloscopique — le contraire de
1492 iété américaine. C’est une coupe mégaloscopique — le contraire de microscopique — permettant l’examen à l’œil nu. Décrivon
1493 ique — le contraire de microscopique — permettant l’ examen à l’œil nu. Décrivons sa partie, inférieure. La rue huileuse, p
1494 ontraire de microscopique — permettant l’examen à l’ œil nu. Décrivons sa partie, inférieure. La rue huileuse, parsemée de
1495 amen à l’œil nu. Décrivons sa partie, inférieure. La rue huileuse, parsemée de vieilles lettres, de bouts de bois et d’écl
1496 tas de neige noircissent au rebord des trottoirs. Les enfants qui ne jouent plus à la balle parce que la nuit vient de desc
1497 d des trottoirs. Les enfants qui ne jouent plus à la balle parce que la nuit vient de descendre — depuis cinq ans que je c
1498 s enfants qui ne jouent plus à la balle parce que la nuit vient de descendre — depuis cinq ans que je circule dans cette v
1499 mmenses cartonnages goudronnés. Flammes gaies sur le couchant rose et fuligineux, en rectangle au bout de la rue, légèreme
1500 chant rose et fuligineux, en rectangle au bout de la rue, légèrement mordu sur les bords par la silhouette des escaliers d
1501 rectangle au bout de la rue, légèrement mordu sur les bords par la silhouette des escaliers de sauvetage. Ces grands seaux
1502 out de la rue, légèrement mordu sur les bords par la silhouette des escaliers de sauvetage. Ces grands seaux à ordures en
1503 ment ou mal vidés dans ce quartier, débordent sur la neige entre les escaliers de quatre marches qui conduisent aux portes
1504 és dans ce quartier, débordent sur la neige entre les escaliers de quatre marches qui conduisent aux portes d’entrée. Porte
1505 nds où deux personnes peuvent à peine se croiser. L’ angoisse me prend chaque fois que j’y pénètre. (Rappel inconscient de
1506 aque fois que j’y pénètre. (Rappel inconscient de la naissance, me dirait un psychanalyste.) Les boîtes à lettres portent
1507 ent de la naissance, me dirait un psychanalyste.) Les boîtes à lettres portent des noms en cek, nous sommes dans le quartie
1508 lettres portent des noms en cek, nous sommes dans le quartier slovaque. Je gravis l’escalier jusqu’au troisième. La porte
1509 nous sommes dans le quartier slovaque. Je gravis l’ escalier jusqu’au troisième. La porte donne dans la cuisine. En face d
1510 lovaque. Je gravis l’escalier jusqu’au troisième. La porte donne dans la cuisine. En face du fourneau à charbon, qui est c
1511 ’escalier jusqu’au troisième. La porte donne dans la cuisine. En face du fourneau à charbon, qui est censé chauffer l’appa
1512 ace du fourneau à charbon, qui est censé chauffer l’ appartement, une espèce de baignoire couverte et fort étroite se dress
1513 faudrait monter sur une chaise pour y entrer. De la cuisine, on passe par une baie sans porte dans le frontroom, qui donn
1514 la cuisine, on passe par une baie sans porte dans le frontroom, qui donne sur la rue. De l’autre côté de la cuisine, deux
1515 baie sans porte dans le frontroom, qui donne sur la rue. De l’autre côté de la cuisine, deux petites chambres sans fenêtr
1516 ontroom, qui donne sur la rue. De l’autre côté de la cuisine, deux petites chambres sans fenêtres ni portes. Au fond, une
1517 portes. Au fond, une autre pièce plus claire, sur la cour. Ce logis, qui n’est guère qu’un corridor légèrement cloisonné,
1518 ’un corridor légèrement cloisonné, s’annonce dans les journaux : « Cinq pièces, eau chaude et bain. » Il en existe dans Man
1519 reliées par deux ou trois alvéoles aveugles. Tout l’ East Side populaire est ainsi, sur une vingtaine de kilomètres. Je me
1520 , sur une vingtaine de kilomètres. Je me penche à la fenêtre, au-dessus de la cour. Le sol en est jonché de plâtras, de jo
1521 lomètres. Je me penche à la fenêtre, au-dessus de la cour. Le sol en est jonché de plâtras, de journaux, de chiffons qui b
1522 Je me penche à la fenêtre, au-dessus de la cour. Le sol en est jonché de plâtras, de journaux, de chiffons qui bougent, o
1523 sont peut-être des chats. Des cordes tendues sur l’ abîme supportent des lessives et de grands draps claquants. Du haut en
1524 . Du haut en bas des façades de brique zigzaguent les noirs escaliers de sauvetage. Dans un sous-sol violemment éclairé, je
1525 se femme en peignoir qui se farde à gestes menus. Le concierge irlandais hurle dans l’escalier. Des enfants pleurent parmi
1526 à gestes menus. Le concierge irlandais hurle dans l’ escalier. Des enfants pleurent parmi les radios nostalgiques, des fenê
1527 hurle dans l’escalier. Des enfants pleurent parmi les radios nostalgiques, des fenêtres s’allument et s’éteignent. On peut
1528 ais dans un cadre strictement rectangulaire. Tous les objets qu’on voit sont des rectangles, à part les chiffons et les cha
1529 les objets qu’on voit sont des rectangles, à part les chiffons et les chats. Les façades, hauts rectangles troués de lumièr
1530 voit sont des rectangles, à part les chiffons et les chats. Les façades, hauts rectangles troués de lumières et de scènes
1531 des rectangles, à part les chiffons et les chats. Les façades, hauts rectangles troués de lumières et de scènes du soir, s’
1532 t de scènes du soir, s’étagent en silhouettes sur le ciel rouge. Une radio clame Amapola, plus fort que tout, dans la cour
1533 Une radio clame Amapola, plus fort que tout, dans la cour où les draps au vent font de grands gestes frénétiques. New York
1534 lame Amapola, plus fort que tout, dans la cour où les draps au vent font de grands gestes frénétiques. New York possède aus
1535 ew York possède aussi deux-cents gratte-ciel pour les bureaux et quelques belles avenues de résidences pour les directeurs
1536 aux et quelques belles avenues de résidences pour les directeurs de bureaux. C’est ce qu’on en voit de l’étranger. Cohoe
1537 directeurs de bureaux. C’est ce qu’on en voit de l’ étranger. Cohoes Ayant remarqué qu’on me refusait du beurre à l’
1538 s Ayant remarqué qu’on me refusait du beurre à l’ épicerie du village de Lake George10, et que j’en paraissais fort ennu
1539 moyen et leurs maris se partagent une maison que les pins nous cachent, à deux-cents pas, plus petite que la nôtre, donc p
1540 s nous cachent, à deux-cents pas, plus petite que la nôtre, donc plus commode et plus confortable à leur sens. (Seuls les
1541 s commode et plus confortable à leur sens. (Seuls les Européens de mon espèce aiment les maisons trop grandes, en Amérique.
1542 r sens. (Seuls les Européens de mon espèce aiment les maisons trop grandes, en Amérique.) L’un des maris se nomme Robert ;
1543 çais et sa vieille mère est une Allemande du Sud. La famille de l’autre mari est de ce pays depuis plusieurs générations ;
1544 Hier, Robert m’a conduit à Albany, pour m’éviter la moitié du trajet jusqu’à New York dans un train bondé de soldats. (Le
1545 jusqu’à New York dans un train bondé de soldats. ( Le nombre de ces petits services que vous rendent ici les voisins ! En E
1546 ombre de ces petits services que vous rendent ici les voisins ! En Europe, le voisin n’est que l’ennemi virtuel.) J’ai cru
1547 ces que vous rendent ici les voisins ! En Europe, le voisin n’est que l’ennemi virtuel.) J’ai cru poli de m’arrêter pour u
1548 ici les voisins ! En Europe, le voisin n’est que l’ ennemi virtuel.) J’ai cru poli de m’arrêter pour une heure dans la vil
1549 .) J’ai cru poli de m’arrêter pour une heure dans la ville natale de Robert, à quelques kilomètres d’Albany. Vingt-cinq-mi
1550 kilomètres d’Albany. Vingt-cinq-mille habitants. Le nom, très difficile à prononcer : Cohoes, est sans doute d’origine in
1551 otre ville, me dit Robert, et pourtant elle avait les plus grandes filatures du monde avant l’autre guerre, j’entends pour
1552 res du monde avant l’autre guerre, j’entends pour la longueur des bâtiments. » (Il est peu de villes américaines qui ne ré
1553 quelque chose d’unique au monde, compensant ainsi l’ impression qu’elles sont interchangeables à tant d’autres égards.) Le
1554 es sont interchangeables à tant d’autres égards.) Le paysage pourrait bien être européen : collines douces, bois et prairi
1555 es douces, bois et prairies, une rivière lente et les longs bâtiments des filatures — tout me rappelle la Souabe, le Wurtem
1556 longs bâtiments des filatures — tout me rappelle la Souabe, le Wurtemberg. Et, justement, nous arrivons devant une maison
1557 ments des filatures — tout me rappelle la Souabe, le Wurtemberg. Et, justement, nous arrivons devant une maison de bois pe
1558 née de géraniums aux fenêtres. C’est là qu’habite la mère de Robert, une vieille dame maigre et digne, dont les ancêtres q
1559 de Robert, une vieille dame maigre et digne, dont les ancêtres quittèrent l’Allemagne en 1848, parce qu’ils étaient républi
1560 ame maigre et digne, dont les ancêtres quittèrent l’ Allemagne en 1848, parce qu’ils étaient républicains. Cette vague d’ém
1561 ique, libérale et plus ou moins morave, a modifié l’ aspect et les coutumes de maint État du Middle West et de la partie no
1562 le et plus ou moins morave, a modifié l’aspect et les coutumes de maint État du Middle West et de la partie nord de la Penn
1563 t les coutumes de maint État du Middle West et de la partie nord de la Pennsylvanie. Nous traversons maintenant la ville p
1564 maint État du Middle West et de la partie nord de la Pennsylvanie. Nous traversons maintenant la ville pour aller au burea
1565 rd de la Pennsylvanie. Nous traversons maintenant la ville pour aller au bureau de Robert. Plusieurs églises dominent de l
1566 t. Plusieurs églises dominent de leur masse rouge les maisons de bois ou de brique d’un seul étage. Je remarque un groupe d
1567 , c’est l’une de nos deux églises ukrainiennes. » La moitié de la population de Cohoes est slave, polonaise ou russe d’ori
1568 de nos deux églises ukrainiennes. » La moitié de la population de Cohoes est slave, polonaise ou russe d’origine. L’autre
1569 d’Anglo-Saxons, laquelle d’ailleurs conduit tout le reste. Une petite ville internationale de province, sans grand avenir
1570 ur son passé d’un siècle… Robert me dépose devant l’ entrée de son agence de locations, dans l’une des rues principales. Le
1571 ce de locations, dans l’une des rues principales. Le bureau donne sur le trottoir par trois portes grandes ouvertes. Je vo
1572 s l’une des rues principales. Le bureau donne sur le trottoir par trois portes grandes ouvertes. Je vois Robert tomber la
1573 is portes grandes ouvertes. Je vois Robert tomber la veste, lire quelques lettres, puis je l’entends dicter à sa secrétair
1574 t tomber la veste, lire quelques lettres, puis je l’ entends dicter à sa secrétaire. Les passants me paraissent aussi laids
1575 ettres, puis je l’entends dicter à sa secrétaire. Les passants me paraissent aussi laids que ces maisons de bois grisâtres
1576 ux parois renflées ou légèrement obliques. Seule, la Banque est en pierres blanches, ornée de colonnes et d’un fronton de
1577 Je compte beaucoup de barbes longues et bouclées. La rue est sale. Suis-je en Russie ? Non, il y a trop d’autos. Robert re
1578 vient et nous roulons vers Albany. À la sortie de la ville, il me montre un terrain d’aviation : — C’est moi qui ai fondé
1579 quatre accidents mortels en une semaine… C’était le moment du grand krach, en 1929. Tout s’écroulait. Ma faillite a passé
1580 ujourd’hui, je suis président du club de golf. Si les affaires vont bien, après la guerre, j’espère m’acheter de nouveau un
1581 du club de golf. Si les affaires vont bien, après la guerre, j’espère m’acheter de nouveau un petit avion. Ce sera plus co
1582 nouveau un petit avion. Ce sera plus commode pour les week-ends, surtout que madame Robert n’aime pas conduire l’auto… J’e
1583 ds, surtout que madame Robert n’aime pas conduire l’ auto… J’essaie en vain de comparer Cohoes à une ville du même nombre
1584 s bourgeois pieux et honnêtes, mais ils n’ont pas le sens du risque et de la vitesse. Nous avons bien des fanatiques de l’
1585 nêtes, mais ils n’ont pas le sens du risque et de la vitesse. Nous avons bien des fanatiques de l’aviation, mais ce ne son
1586 de la vitesse. Nous avons bien des fanatiques de l’ aviation, mais ce ne sont pas des agents de location, d’autre part ama
1587 e vie, cette ville aux images que, par Hollywood, l’ Amérique nous propose d’elle-même et qu’elle s’efforce d’imiter. So
1588 plateaux onduleux et livrés aux chevaux, jusqu’à l’ horizon bleu des Appalaches. Pendant que nous roulons sur une route de
1589 ns sur une route de campagne, au creux des haies, le ciel se couvre. « C’est là-haut, me dit-on, à mi-pente des coteaux. »
1590 ngue pas encore cette maison célèbre, cachée dans les bosquets au bout d’une longue allée qui monte entre des barrières bla
1591 C’est sa manière de se venger de W…, car c’était la maison de ses ancêtres, à lui. Elle la déteste. Elle n’aime vraiment
1592 ar c’était la maison de ses ancêtres, à lui. Elle la déteste. Elle n’aime vraiment que ses chevaux… L’auto s’arrête devant
1593 la déteste. Elle n’aime vraiment que ses chevaux… L’ auto s’arrête devant un haut portique. Deux colonnes blanches entre de
1594 s du deuxième étage. Une odeur écœurante vient de la porte dont un battant s’entrouvre devant nous. Trois grands longs chi
1595 e devant nous. Trois grands longs chiens sortent, le museau bas, et l’un vient vomir à nos pieds des morceaux de cire mal
1596 eds des morceaux de cire mal mâchés. Une servante les poursuit armée d’une cravache. Elle crie qu’ils viennent encore de ma
1597 vache. Elle crie qu’ils viennent encore de manger les bougies du carrosse de George Washington. (C’est une pièce de musée q
1598 pièce de musée que nous allons voir, remisée sous la colonnade des écuries.) Nous pénétrons dans un vestibule sombre. La m
1599 curies.) Nous pénétrons dans un vestibule sombre. La maîtresse de maison est sortie à cheval. Promenons-nous en l’attendan
1600 de maison est sortie à cheval. Promenons-nous en l’ attendant. L’odeur des chiens imprègne les corridors. Dans un fumoir,
1601 t sortie à cheval. Promenons-nous en l’attendant. L’ odeur des chiens imprègne les corridors. Dans un fumoir, à droite, en
1602 -nous en l’attendant. L’odeur des chiens imprègne les corridors. Dans un fumoir, à droite, en contrebas, deux hommes en ves
1603 whiskys, sans se déranger. Nous traversons toute la maison, puis une large galerie ouverte, encombrée de vieux meubles et
1604 et là, des statues de faunes et de chiens gisent le nez dans l’herbe, près d’un socle brisé. Le pré s’élève et s’ouvre su
1605 statues de faunes et de chiens gisent le nez dans l’ herbe, près d’un socle brisé. Le pré s’élève et s’ouvre sur la cour sa
1606 isent le nez dans l’herbe, près d’un socle brisé. Le pré s’élève et s’ouvre sur la cour sablée des écuries. Celles-ci se d
1607 s d’un socle brisé. Le pré s’élève et s’ouvre sur la cour sablée des écuries. Celles-ci se déploient en demi-cercle, ornée
1608 une colonnade et d’un clocheton de brique portant l’ œil blanc d’un énorme cadran. Voici le carrosse de Washington, à l’aba
1609 que portant l’œil blanc d’un énorme cadran. Voici le carrosse de Washington, à l’abandon. La peinture craquelée tombe par
1610 énorme cadran. Voici le carrosse de Washington, à l’ abandon. La peinture craquelée tombe par morceaux, les coussins de vel
1611 an. Voici le carrosse de Washington, à l’abandon. La peinture craquelée tombe par morceaux, les coussins de velours rouge
1612 bandon. La peinture craquelée tombe par morceaux, les coussins de velours rouge sont moisis. Nous redescendons. Le ciel est
1613 de velours rouge sont moisis. Nous redescendons. Le ciel est devenu noir. Du portique, entre les hautes colonnes blanches
1614 dons. Le ciel est devenu noir. Du portique, entre les hautes colonnes blanches et ces ifs dramatiques, on domine un paysage
1615 s. Soudain, un coup de vent violent a jeté contre la façade et nos visages un tourbillon de feuilles et de grosses gouttes
1616 euilles et de grosses gouttes obliques. Entrée de l’ automne ! The Fall, la Chute, comme ils l’appellent… Premiers éclairs
1617 gouttes obliques. Entrée de l’automne ! The Fall, la Chute, comme ils l’appellent… Premiers éclairs sur les prairies. Par
1618 trée de l’automne ! The Fall, la Chute, comme ils l’ appellent… Premiers éclairs sur les prairies. Par la charmille, où il
1619 hute, comme ils l’appellent… Premiers éclairs sur les prairies. Par la charmille, où il fait presque nuit — mais on devine
1620 appellent… Premiers éclairs sur les prairies. Par la charmille, où il fait presque nuit — mais on devine encore quelques s
1621 re quelques statues décapitées ou renversées dans les branchages — nous arrivons au coin d’un bâtiment de ferme. C’est le c
1622 us arrivons au coin d’un bâtiment de ferme. C’est le chenil. Le parc s’arrête ici et s’ouvrent les espaces de pâturages nu
1623 au coin d’un bâtiment de ferme. C’est le chenil. Le parc s’arrête ici et s’ouvrent les espaces de pâturages nus, en pente
1624 ’est le chenil. Le parc s’arrête ici et s’ouvrent les espaces de pâturages nus, en pente douce. Très loin, en silhouette su
1625 nus, en pente douce. Très loin, en silhouette sur la crête d’une colline, nous voyons deux chevaux au galop. Ils disparais
1626 me. Comme ils s’approchent, on voit qu’elle tient la bride d’une main, et de l’autre porte à sa bouche une pomme qu’elle m
1627 qu’elle mord en galopant. Nouveaux éclairs. Tous les chiens du chenil se sont mis à hurler ensemble. Est-ce l’orage ou l’a
1628 s du chenil se sont mis à hurler ensemble. Est-ce l’ orage ou l’approche de leur maîtresse ? Les cavaliers ralentissent et
1629 se sont mis à hurler ensemble. Est-ce l’orage ou l’ approche de leur maîtresse ? Les cavaliers ralentissent et s’arrêtent
1630 Est-ce l’orage ou l’approche de leur maîtresse ? Les cavaliers ralentissent et s’arrêtent devant la barre du portail. Elle
1631 ? Les cavaliers ralentissent et s’arrêtent devant la barre du portail. Elle pousse son cheval, le portail cède et lui livr
1632 vant la barre du portail. Elle pousse son cheval, le portail cède et lui livre passage. C’est une grande femme bottée, sau
1633 aît nu dans un fin sweater jaune. Elle rit, jette la pomme et nous salue de la main. Le jeune homme mince, immobile sur so
1634 jaune. Elle rit, jette la pomme et nous salue de la main. Le jeune homme mince, immobile sur son cheval, nous considère a
1635 lle rit, jette la pomme et nous salue de la main. Le jeune homme mince, immobile sur son cheval, nous considère avec hosti
1636 r son cheval, nous considère avec hostilité. Il a les yeux d’un bleu très pâle et dur. Il n’a pas salué. Son silence nous s
1637 alué. Son silence nous supprime. C’est sans doute le nouvel intendant. « Je vous retrouve à la maison ! », crie-t-elle. Et
1638 s doute le nouvel intendant. « Je vous retrouve à la maison ! », crie-t-elle. Et piquant son cheval, penchée sur l’encolur
1639 , crie-t-elle. Et piquant son cheval, penchée sur l’ encolure, elle disparaît dans le tunnel de la charmille, tandis qu’une
1640 eval, penchée sur l’encolure, elle disparaît dans le tunnel de la charmille, tandis qu’une meute de chiens de toutes les t
1641 sur l’encolure, elle disparaît dans le tunnel de la charmille, tandis qu’une meute de chiens de toutes les tailles s’élan
1642 harmille, tandis qu’une meute de chiens de toutes les tailles s’élance sur ses traces en aboyant. Au fond d’une pièce vaste
1643 te lampe fait une flaque rose. « Je ne trouve pas les prises ! explique-t-elle, je ne mets jamais les pieds dans ce dégoûta
1644 s les prises ! explique-t-elle, je ne mets jamais les pieds dans ce dégoûtant salon ! » Des éclairs illuminent longuement l
1645 ûtant salon ! » Des éclairs illuminent longuement les meubles lourds, une bibliothèque, des boiseries. Le lustre, enfin, s’
1646 meubles lourds, une bibliothèque, des boiseries. Le lustre, enfin, s’allume par degrés. Elle court aux fenêtres et ferme
1647 intérieurs, en chêne clair, puis elle tire encore les rideaux. « Les orages me rendent folle, j’ai tellement peur. Et vous 
1648 chêne clair, puis elle tire encore les rideaux. «  Les orages me rendent folle, j’ai tellement peur. Et vous ? Vous êtes mue
1649 ur. Et vous ? Vous êtes muets. Vous avez soif ? » Les coups de tonnerre se succèdent sans répit, et parfois les lumières va
1650 s de tonnerre se succèdent sans répit, et parfois les lumières vacillent, baissent, remontent… Paraît dans la porte du fond
1651 ières vacillent, baissent, remontent… Paraît dans la porte du fond un homme en veste de chasse, qui tient des verres de wh
1652 veste de chasse, qui tient des verres de whisky à la main. Deux femmes blondes entrent et vont s’asseoir un peu à l’écart
1653 femmes blondes entrent et vont s’asseoir un peu à l’ écart de notre groupe. Un autre homme apporte un plateau. On le renvoi
1654 tre groupe. Un autre homme apporte un plateau. On le renvoie chercher des verres et des bouteilles. Qui sont ces gens ? El
1655 uteilles. Qui sont ces gens ? Elle dit : — Je ne le sais pas plus que vous. Ils sont dans la maison depuis deux ou trois
1656 — Je ne le sais pas plus que vous. Ils sont dans la maison depuis deux ou trois jours et se disent les amis de Jim. — Mai
1657 la maison depuis deux ou trois jours et se disent les amis de Jim. — Mais où est Jim ? — Je ne sais pas. Il est parti. Jim
1658 t Jim ? — Je ne sais pas. Il est parti. Jim était l’ intendant, une sorte de géant toujours en bottes qu’elle emmenait part
1659 egard d’acier du jeune homme silencieux de tout à l’ heure. Des chiens se glissent entre les meubles, humides et tremblants
1660 x de tout à l’heure. Des chiens se glissent entre les meubles, humides et tremblants. « Mais je ne sais pas recevoir ! dit-
1661 s peur… » — Eh bien ? m’ont demandé mes amis dans la voiture qui nous emporte sous la pluie, qu’en pensez-vous ? — Well… p
1662 dé mes amis dans la voiture qui nous emporte sous la pluie, qu’en pensez-vous ? — Well… pour la première fois de ma vie, j
1663 remière fois de ma vie, je me sens tenté d’écrire la suite du roman. La route américaine L’Européen parle parfois de
1664 , je me sens tenté d’écrire la suite du roman. La route américaine L’Européen parle parfois de sa conception de la v
1665 rire la suite du roman. La route américaine L’ Européen parle parfois de sa conception de la vie. Aux États-Unis, on
1666 e L’Européen parle parfois de sa conception de la vie. Aux États-Unis, on parle tous les jours de l’american way of lif
1667 nception de la vie. Aux États-Unis, on parle tous les jours de l’american way of life, littéralement : de la route américai
1668 a vie. Aux États-Unis, on parle tous les jours de l’ american way of life, littéralement : de la route américaine de la vie
1669 urs de l’american way of life, littéralement : de la route américaine de la vie. Ce qui est pour nous concept, forme arrêt
1670 f life, littéralement : de la route américaine de la vie. Ce qui est pour nous concept, forme arrêtée, devient chez eux ch
1671 n, mouvement indéfini. C’est pourquoi je prendrai les routes d’Amérique comme un symbole du rêve et de la volonté du Nouvea
1672 routes d’Amérique comme un symbole du rêve et de la volonté du Nouveau Monde. On croyait close l’ère des pionniers, l’ère
1673 de la volonté du Nouveau Monde. On croyait close l’ ère des pionniers, l’ère des défricheurs de savanes qui firent reculer
1674 veau Monde. On croyait close l’ère des pionniers, l’ ère des défricheurs de savanes qui firent reculer la frontière de déca
1675 ère des défricheurs de savanes qui firent reculer la frontière de décade en décade, à travers le Far West, jusqu’à ce qu’i
1676 culer la frontière de décade en décade, à travers le Far West, jusqu’à ce qu’ils eussent rejoint les terres du Pacifique.
1677 rs le Far West, jusqu’à ce qu’ils eussent rejoint les terres du Pacifique. On ne pouvait plus rien ajouter aux plus hauts g
1678 ciel de New York, à ces grandiloquents témoins de la crise de 1929, où les affaires périssent et les bureaux se vident au-
1679 es grandiloquents témoins de la crise de 1929, où les affaires périssent et les bureaux se vident au-dessus du cinquantième
1680 de la crise de 1929, où les affaires périssent et les bureaux se vident au-dessus du cinquantième étage, pour peu que la pr
1681 ent au-dessus du cinquantième étage, pour peu que la pression baisse à Wall Street. Un grand malaise étreignait l’âme amér
1682 baisse à Wall Street. Un grand malaise étreignait l’ âme américaine, prise de nausée dès qu’elle ressent l’approche d’une l
1683 e américaine, prise de nausée dès qu’elle ressent l’ approche d’une limite infranchissable. Où s’élancer encore ? Comment s
1684 restait à construire des routes. Depuis dix ans, les autostrades américaines allongent sans répit leur ruban de béton, sem
1685 gent sans répit leur ruban de béton, semblables à la trace d’un grand fer à repasser au travers des savanes, des cultures
1686 gigantesque se poursuit en silence à travers tout le continent. Personne n’en parle. On n’a pas eu besoin de changer de ré
1687 e. On n’a pas eu besoin de changer de régime pour le réaliser. Les autostrades américaines ne sont pas une réclame politiq
1688 eu besoin de changer de régime pour le réaliser. Les autostrades américaines ne sont pas une réclame politique, ni même un
1689 olitique, ni même un expédient pour lutter contre le chômage. Elles sont le produit du rêve et de la vitalité inépuisable
1690 pédient pour lutter contre le chômage. Elles sont le produit du rêve et de la vitalité inépuisable d’un peuple libre, et q
1691 e le chômage. Elles sont le produit du rêve et de la vitalité inépuisable d’un peuple libre, et qui voit grand sans se for
1692 ue sens, séparées par une large bande gazonnée où l’ on s’est ingénié à conserver, ici ou là, un grand arbre isolé, témoin
1693 erver, ici ou là, un grand arbre isolé, témoin de la prairie. Trois pistes blanches délimitées par des lignes jaunes et no
1694 , de gauche à droite, entre cent et cent-trente à l’ heure, des millions de larges voitures. Une telle aisance dans la vite
1695 llions de larges voitures. Une telle aisance dans la vitesse, l’absence de secousses et d’obstacles, l’enivrante continuit
1696 rges voitures. Une telle aisance dans la vitesse, l’ absence de secousses et d’obstacles, l’enivrante continuité du déferle
1697 a vitesse, l’absence de secousses et d’obstacles, l’ enivrante continuité du déferlement général, tout cela vous donne, apr
1698 al, tout cela vous donne, après quelques minutes, l’ illusion d’une puissance immobile qui vaincrait la distance par le cha
1699 l’illusion d’une puissance immobile qui vaincrait la distance par le charme, attirant les villes à soi et déplaçant de vas
1700 puissance immobile qui vaincrait la distance par le charme, attirant les villes à soi et déplaçant de vastes paysages au
1701 qui vaincrait la distance par le charme, attirant les villes à soi et déplaçant de vastes paysages au gré d’une curiosité r
1702 es au gré d’une curiosité rêveuse. Mais, soudain, le regard est pris par un panneau rutilant sur la droite, puis mitraillé
1703 n, le regard est pris par un panneau rutilant sur la droite, puis mitraillé à bout portant par cent, par mille panneaux de
1704 et disparaissent en coup de vent, jusqu’à ce que l’ œil s’éduque et se mette à déchiffrer cette espèce de manuel de condui
1705 ite et de morale élémentaire (avec publicité dans le texte) dont les phrases fragmentées s’échelonnent tout au long des su
1706 e élémentaire (avec publicité dans le texte) dont les phrases fragmentées s’échelonnent tout au long des superhighways. « P
1707 otre droite… Dépassez à gauche… Avez-vous pensé à l’ anniversaire de votre femme ?… Donnez-lui un aspirateur Smith… Des bon
1708 bonbons Johnson… Ici, trois tués par jour… Lisez la Bible… Cabines de touristes à cent yards… Ferryboat du Delaware en gr
1709 tes un détour par Philadelphie… Et arrêtez-vous à l’ hôtel Franklin… Ralentissez, région de daims… Les partis se réconcilie
1710 à l’hôtel Franklin… Ralentissez, région de daims… Les partis se réconcilient… autour d’un verre de champagne Renault !… Ave
1711 ault !… Avez-vous vérifié votre niveau d’huile ?… L’ État de Pennsylvania vous souhaite la bienvenue… Et limite votre vites
1712 u d’huile ?… L’État de Pennsylvania vous souhaite la bienvenue… Et limite votre vitesse à cinquante miles… cinq-cents doll
1713 inq-cents dollars d’amende ou un an de prison… ou les deux ensemble… Dieu bénisse l’Amérique… » Je ferme les yeux et j’écou
1714 an de prison… ou les deux ensemble… Dieu bénisse l’ Amérique… » Je ferme les yeux et j’écoute le grondement sourd des pneu
1715 eux ensemble… Dieu bénisse l’Amérique… » Je ferme les yeux et j’écoute le grondement sourd des pneus qui mordent le béton.
1716 nisse l’Amérique… » Je ferme les yeux et j’écoute le grondement sourd des pneus qui mordent le béton. En cinq heures, nous
1717 ’écoute le grondement sourd des pneus qui mordent le béton. En cinq heures, nous aurons couvert les quatre-cents kilomètre
1718 ent le béton. En cinq heures, nous aurons couvert les quatre-cents kilomètres qui séparent le centre de New York de Washing
1719 couvert les quatre-cents kilomètres qui séparent le centre de New York de Washington, en traversant deux villes énormes :
1720 deux villes énormes : Philadelphie et Baltimore. La vitesse rétrécit l’espace américain, les routes de la vitesse lui cré
1721  : Philadelphie et Baltimore. La vitesse rétrécit l’ espace américain, les routes de la vitesse lui créent enfin des cadres
1722 altimore. La vitesse rétrécit l’espace américain, les routes de la vitesse lui créent enfin des cadres. Quand la surface se
1723 itesse rétrécit l’espace américain, les routes de la vitesse lui créent enfin des cadres. Quand la surface sera suffisamme
1724 de la vitesse lui créent enfin des cadres. Quand la surface sera suffisamment organisée, vers quoi se tourneront les effo
1725 a suffisamment organisée, vers quoi se tourneront les efforts de ce peuple ? Peut-être vers la profondeur, vers la culture,
1726 rneront les efforts de ce peuple ? Peut-être vers la profondeur, vers la culture, vers ces problèmes que le grand nombre a
1727 de ce peuple ? Peut-être vers la profondeur, vers la culture, vers ces problèmes que le grand nombre a toujours fuis, part
1728 ofondeur, vers la culture, vers ces problèmes que le grand nombre a toujours fuis, partout. Peut-être alors les masses ell
1729 nombre a toujours fuis, partout. Peut-être alors les masses elles-mêmes comprendront-elles qu’il n’est qu’un seul infini v
1730 ritable : celui que chacun porte en soi, celui de l’ âme inépuisable. Ce jour-là, les glorieux highways aboutiront enfin à
1731 e en soi, celui de l’âme inépuisable. Ce jour-là, les glorieux highways aboutiront enfin à l’Homme. 10. Au bord du lac d
1732 jour-là, les glorieux highways aboutiront enfin à l’ Homme. 10. Au bord du lac du même nom, dans le nord de l’État de Ne
1733 l’Homme. 10. Au bord du lac du même nom, dans le nord de l’État de New York. d. Rougemont Denis de, « Tableaux améri
1734 10. Au bord du lac du même nom, dans le nord de l’ État de New York. d. Rougemont Denis de, « Tableaux américains », La
1735 d. Rougemont Denis de, « Tableaux américains », La Revue de Paris, Paris, décembre 1946, p. 51-62.
4 1949, La Revue de Paris, articles (1937–1969). Le Mouvement européen (avril 1949)
1736 Le Mouvement européen (avril 1949)e Nécessité et urgence de l’union
1737 ropéen (avril 1949)e Nécessité et urgence de l’ union Quand un Américain déclare que votre idée est généreuse, c’es
1738  : il va vous aider. Quand un Européen vous dit : l’ Europe unie, oui, c’est une belle idée, une idée généreuse…, c’est qu’
1739 ns ses propos et ses réflexes, imite à sa manière le cynisme frivole de la noblesse à la veille de la Révolution. Mais le
1740 éflexes, imite à sa manière le cynisme frivole de la noblesse à la veille de la Révolution. Mais le grand style se perd et
1741 à sa manière le cynisme frivole de la noblesse à la veille de la Révolution. Mais le grand style se perd et Staline est a
1742 le cynisme frivole de la noblesse à la veille de la Révolution. Mais le grand style se perd et Staline est aux portes. Il
1743 de la noblesse à la veille de la Révolution. Mais le grand style se perd et Staline est aux portes. Il s’agit en réalité d
1744 t Staline est aux portes. Il s’agit en réalité de la vie ou de la mort d’une civilisation. Fédérer nos petits peuples in e
1745 aux portes. Il s’agit en réalité de la vie ou de la mort d’une civilisation. Fédérer nos petits peuples in extremis est n
1746 opération de ce genre. Qu’il suffise de rappeler les données qui en déterminent exactement l’urgence. La guerre a eu pour
1747 appeler les données qui en déterminent exactement l’ urgence. La guerre a eu pour conséquences principales, d’une part, l’a
1748 données qui en déterminent exactement l’urgence. La guerre a eu pour conséquences principales, d’une part, l’affaissement
1749 e a eu pour conséquences principales, d’une part, l’ affaissement de l’Europe et, d’autre part, le surgissement au plan mon
1750 uences principales, d’une part, l’affaissement de l’ Europe et, d’autre part, le surgissement au plan mondial de la Russie
1751 art, l’affaissement de l’Europe et, d’autre part, le surgissement au plan mondial de la Russie et de l’Amérique. Ces deux
1752 d’autre part, le surgissement au plan mondial de la Russie et de l’Amérique. Ces deux colosses sont en train de s’observe
1753 e surgissement au plan mondial de la Russie et de l’ Amérique. Ces deux colosses sont en train de s’observer par-dessus nos
1754 nt-ils. Ils proclament au contraire leur amour de la paix, et ils le prouvent, l’un en relevant nos ruines, et l’autre en
1755 lament au contraire leur amour de la paix, et ils le prouvent, l’un en relevant nos ruines, et l’autre en annexant 700 000
1756 ne voit plus très clairement s’il s’agit de poser les bases de la paix ou de s’assurer des bases pour faire la guerre, mais
1757 très clairement s’il s’agit de poser les bases de la paix ou de s’assurer des bases pour faire la guerre, mais il reste év
1758 s de la paix ou de s’assurer des bases pour faire la guerre, mais il reste évident que si les deux Grands continuent à se
1759 our faire la guerre, mais il reste évident que si les deux Grands continuent à se déclarer la paix sur ce ton-là, cela fini
1760 t que si les deux Grands continuent à se déclarer la paix sur ce ton-là, cela finira par des coups. Une seule puissance po
1761 inira par des coups. Une seule puissance pourrait les séparer et les forcer au compromis, je veux dire à la paix, c’est l’E
1762 oups. Une seule puissance pourrait les séparer et les forcer au compromis, je veux dire à la paix, c’est l’Europe. Mais l’E
1763 éparer et les forcer au compromis, je veux dire à la paix, c’est l’Europe. Mais l’Europe n’est plus une puissance, parce q
1764 orcer au compromis, je veux dire à la paix, c’est l’ Europe. Mais l’Europe n’est plus une puissance, parce qu’elle est divi
1765 mis, je veux dire à la paix, c’est l’Europe. Mais l’ Europe n’est plus une puissance, parce qu’elle est divisée en vingt na
1766 ée en vingt nations dont aucune, isolée, n’a plus la taille qu’il faut pour parler et se faire entendre dans le monde domi
1767 qu’il faut pour parler et se faire entendre dans le monde dominé par les deux grands empires. Et non seulement l’Europe n
1768 ler et se faire entendre dans le monde dominé par les deux grands empires. Et non seulement l’Europe n’est plus une puissan
1769 iné par les deux grands empires. Et non seulement l’ Europe n’est plus une puissance qui pourrait exiger la paix, mais chac
1770 rope n’est plus une puissance qui pourrait exiger la paix, mais chacune des nations qui la composent se voit menacée d’ann
1771 rait exiger la paix, mais chacune des nations qui la composent se voit menacée d’annexion politique ou de colonisation éco
1772 on politique ou de colonisation économique. Voici le fait fondamental qu’énonçait au congrès de La Haye le Message aux Eu
1773 ait fondamental qu’énonçait au congrès de La Haye le Message aux Européens  : Aucun de nos pays ne peut prétendre, seul,
1774 ndance. Aucun de nos pays ne peut résoudre, seul, les problèmes que lui pose l’économie moderne. Les conclusions que l’on
1775 e peut résoudre, seul, les problèmes que lui pose l’ économie moderne. Les conclusions que l’on doit tirer de cette double
1776 , les problèmes que lui pose l’économie moderne. Les conclusions que l’on doit tirer de cette double constatation sont d’u
1777 lui pose l’économie moderne. Les conclusions que l’ on doit tirer de cette double constatation sont d’une tragique simplic
1778 e constatation sont d’une tragique simplicité. Si les choses continuent comme elles vont : 1° les différents pays de l’Euro
1779 é. Si les choses continuent comme elles vont : 1° les différents pays de l’Europe seront annexés ou colonisés l’un après l’
1780 uent comme elles vont : 1° les différents pays de l’ Europe seront annexés ou colonisés l’un après l’autre ; 2° la question
1781 ront annexés ou colonisés l’un après l’autre ; 2° la question allemande ne sera pas réglée, fournissant un prétexte perman
1782 a pas réglée, fournissant un prétexte permanent à la guerre entre les deux Grands ; 3° rien ne pourra s’opposer à cette gu
1783 urnissant un prétexte permanent à la guerre entre les deux Grands ; 3° rien ne pourra s’opposer à cette guerre, dont quel q
1784 urra s’opposer à cette guerre, dont quel que soit le vainqueur — s’il en est un — c’est l’humanité tout entière qui sortir
1785 el que soit le vainqueur — s’il en est un — c’est l’ humanité tout entière qui sortira vaincue. Si nous voulons sauver chac
1786 er chacun de nos pays, il faut donc commencer par les unir. Et si nous voulons sauver la paix, ou plutôt faire la paix, il
1787 commencer par les unir. Et si nous voulons sauver la paix, ou plutôt faire la paix, il nous faut commencer par faire l’Eur
1788 t si nous voulons sauver la paix, ou plutôt faire la paix, il nous faut commencer par faire l’Europe, c’est-à-dire cette t
1789 t faire la paix, il nous faut commencer par faire l’ Europe, c’est-à-dire cette troisième puissance capable d’imposer un co
1790 ième puissance capable d’imposer un compromis, de l’ inventer pour les deux autres. Que si l’on me dit alors que l’Europe m
1791 apable d’imposer un compromis, de l’inventer pour les deux autres. Que si l’on me dit alors que l’Europe même unie serait e
1792 romis, de l’inventer pour les deux autres. Que si l’ on me dit alors que l’Europe même unie serait encore trop faible pour
1793 our les deux autres. Que si l’on me dit alors que l’ Europe même unie serait encore trop faible pour tenir en respect les d
1794 e serait encore trop faible pour tenir en respect les deux Grands, je répondrai par un seul chiffre : la population de l’Eu
1795 s deux Grands, je répondrai par un seul chiffre : la population de l’Europe occidentale, à l’ouest du rideau de fer, est d
1796 répondrai par un seul chiffre : la population de l’ Europe occidentale, à l’ouest du rideau de fer, est d’environ 320 mill
1797 hiffre : la population de l’Europe occidentale, à l’ ouest du rideau de fer, est d’environ 320 millions d’habitants : c’est
1798 0 millions d’habitants : c’est deux fois plus que l’ Amérique, autant que la Russie et tous ses satellites. Si ces 320 mill
1799 : c’est deux fois plus que l’Amérique, autant que la Russie et tous ses satellites. Si ces 320 millions d’habitants faisai
1800 ils seraient en mesure d’agir, de faire réfléchir l’ agresseur, et de sauver la paix du monde. Sur quoi j’imagine bien que
1801 gir, de faire réfléchir l’agresseur, et de sauver la paix du monde. Sur quoi j’imagine bien que personne n’osera dire (mêm
1802 ’imagine bien que personne n’osera dire (même pas les staliniens, ou pas comme cela) : « Je veux une Europe désunie… » En r
1803 it-on et que pourra-t-on faire en temps utile ? » La paix, l’Europe unie, d’accord, c’est un beau rêve. En attendant, voic
1804 que pourra-t-on faire en temps utile ? » La paix, l’ Europe unie, d’accord, c’est un beau rêve. En attendant, voici le cauc
1805 d’accord, c’est un beau rêve. En attendant, voici le cauchemar. Déjà les maréchaux s’installent et tirent leurs plans ; la
1806 beau rêve. En attendant, voici le cauchemar. Déjà les maréchaux s’installent et tirent leurs plans ; la Russie fait donner
1807 es maréchaux s’installent et tirent leurs plans ; la Russie fait donner ses cinquièmes colonnes et l’Amérique numérote ses
1808 la Russie fait donner ses cinquièmes colonnes et l’ Amérique numérote ses bombes. Ainsi l’urgence s’ajoute à la nécessité.
1809 colonnes et l’Amérique numérote ses bombes. Ainsi l’ urgence s’ajoute à la nécessité. J’essaierai maintenant de répondre à
1810 e numérote ses bombes. Ainsi l’urgence s’ajoute à la nécessité. J’essaierai maintenant de répondre à ceux qui demandent ce
1811 déjà, et ce qu’on peut faire à temps pour fédérer l’ Europe. Origines du mouvement fédéraliste Il y eut Sully, qu’aim
1812 isme naissant. Il y eut Victor Hugo, prophétisant l’ avènement du fédéralisme : « La Suisse, dans l’histoire, aura le derni
1813 Hugo, prophétisant l’avènement du fédéralisme : «  La Suisse, dans l’histoire, aura le dernier mot… » Il y eut Proudhon sur
1814 nt l’avènement du fédéralisme : « La Suisse, dans l’ histoire, aura le dernier mot… » Il y eut Proudhon surtout, qui écriva
1815 ot… » Il y eut Proudhon surtout, qui écrivait : «  Le xxe siècle ouvrira l’ère des fédérations, ou l’humanité recommencera
1816 surtout, qui écrivait : « Le xxe siècle ouvrira l’ ère des fédérations, ou l’humanité recommencera un purgatoire de mille
1817  Le xxe siècle ouvrira l’ère des fédérations, ou l’ humanité recommencera un purgatoire de mille ans. » C’était vers 1860.
1818 venir incertain, au milieu du xixe siècle, quand la réalité politique de l’Europe était l’essor des grands nationalismes.
1819 eu du xixe siècle, quand la réalité politique de l’ Europe était l’essor des grands nationalismes. Il y eut enfin, après l
1820 cle, quand la réalité politique de l’Europe était l’ essor des grands nationalismes. Il y eut enfin, après la Première Guer
1821 l y eut enfin, après la Première Guerre mondiale, le mouvement paneuropéen, lancé à Vienne en 1923 par le comte Coudenhove
1822 mouvement paneuropéen, lancé à Vienne en 1923 par le comte Coudenhove-Kalergi. Ce pionnier réussit à convaincre Briand, qu
1823 ncre Briand, qui prêta sa grande voix traînarde à l’ idée d’une union continentale. Mais ces premières ferveurs devaient bi
1824 remières ferveurs devaient bientôt se perdre dans la rumeur polyglotte des couloirs de la SDN. On en était aux constructio
1825 perdre dans la rumeur polyglotte des couloirs de la SDN. On en était aux constructions diplomatiques. Elles s’écroulèrent
1826 la première épreuve. Aux yeux des jeunes gens de l’ époque, il fallait quelque chose de plus profond, de plus prégnant, po
1827 pour donner ses assises morales et doctrinales à la fédération européenne. C’est alors qu’apparurent en France les premie
1828 une lecture très facile. On y parlait beaucoup de l’ engagement — un mot qui a fait fortune depuis dans d’autres bouches. O
1829 is dans d’autres bouches. On y faisait surtout de la doctrine. On s’attachait à définir cette conception fondamentale de l
1830 achait à définir cette conception fondamentale de l’ homme que l’on baptisait la personne — l’homme « à la fois libre et re
1831 inir cette conception fondamentale de l’homme que l’ on baptisait la personne — l’homme « à la fois libre et responsable »
1832 eption fondamentale de l’homme que l’on baptisait la personne — l’homme « à la fois libre et responsable » que l’on opposa
1833 ntale de l’homme que l’on baptisait la personne — l’ homme « à la fois libre et responsable » que l’on opposait d’une part
1834 — l’homme « à la fois libre et responsable » que l’ on opposait d’une part à l’individu sans devoirs, et d’autre part à l’
1835 e et responsable » que l’on opposait d’une part à l’ individu sans devoirs, et d’autre part à l’homme collectiviste, au sol
1836 part à l’individu sans devoirs, et d’autre part à l’ homme collectiviste, au soldat politique sans droits. Mais puisqu’il s
1837 agissait de s’engager, on s’appliquait à tirer de la doctrine ses conséquences politiques et sociales, et c’est ainsi que
1838 uences politiques et sociales, et c’est ainsi que l’ on aboutissait à un programme communautaire, fédéraliste, anticapitali
1839 , fédéraliste, anticapitaliste mais antiétatique. Le grand public nous ignorait. Nous formions ce qu’on appelle avec un pe
1840 ié de « petits groupes d’intellectuels ». Survint la Seconde Guerre mondiale et l’occupation de l’Europe. On put croire un
1841 lectuels ». Survint la Seconde Guerre mondiale et l’ occupation de l’Europe. On put croire un moment que tout notre travail
1842 int la Seconde Guerre mondiale et l’occupation de l’ Europe. On put croire un moment que tout notre travail allait être eff
1843 t être effacé pour toujours. C’était compter sans les mouvements de Résistance. Dans les réseaux clandestins, dans les camp
1844 t compter sans les mouvements de Résistance. Dans les réseaux clandestins, dans les camps, dans les journaux secrets qui se
1845 de Résistance. Dans les réseaux clandestins, dans les camps, dans les journaux secrets qui se multipliaient en France, en H
1846 ans les réseaux clandestins, dans les camps, dans les journaux secrets qui se multipliaient en France, en Hollande, en Polo
1847 s livres et nos revues passaient de main en main. Les événements que nous avions prévus parlaient pour nous, en dépit de to
1848 ns prévus parlaient pour nous, en dépit de toutes les censures. Et l’idée d’un avenir fédéraliste de l’Europe devenait, pou
1849 nt pour nous, en dépit de toutes les censures. Et l’ idée d’un avenir fédéraliste de l’Europe devenait, pour beaucoup, le s
1850 es censures. Et l’idée d’un avenir fédéraliste de l’ Europe devenait, pour beaucoup, le symbole de l’espoir à l’horizon de
1851 fédéraliste de l’Europe devenait, pour beaucoup, le symbole de l’espoir à l’horizon de la Libération11. C’est pourquoi, d
1852 e l’Europe devenait, pour beaucoup, le symbole de l’ espoir à l’horizon de la Libération11. C’est pourquoi, dès l’année 194
1853 devenait, pour beaucoup, le symbole de l’espoir à l’ horizon de la Libération11. C’est pourquoi, dès l’année 1945, on vit s
1854 r beaucoup, le symbole de l’espoir à l’horizon de la Libération11. C’est pourquoi, dès l’année 1945, on vit surgir dans to
1855 l’horizon de la Libération11. C’est pourquoi, dès l’ année 1945, on vit surgir dans toute l’Europe un pullulement de petits
1856 rquoi, dès l’année 1945, on vit surgir dans toute l’ Europe un pullulement de petits groupes fédéralistes. On y retrouvait
1857 tits groupes fédéralistes. On y retrouvait toutes les nuances politiques, nationales et religieuses qui font la richesse de
1858 es politiques, nationales et religieuses qui font la richesse de l’Europe, et qui la rendent si difficile à gouverner. La
1859 nationales et religieuses qui font la richesse de l’ Europe, et qui la rendent si difficile à gouverner. La première tâche
1860 igieuses qui font la richesse de l’Europe, et qui la rendent si difficile à gouverner. La première tâche qui s’imposait,
1861 alistes dispersés. Dès 1946, ce fut chose faite : l’ Union européenne des fédéralistes se constituait et pouvait convoquer
1862 ralistes se constituait et pouvait convoquer pour le mois d’août 1947, à Montreux, son premier congrès. Qu’étions-nous à l
1863 à Montreux, son premier congrès. Qu’étions-nous à l’ époque, il y a un an et demi ? Cent-cinquante à deux-cents délégués ve
1864 sentant une cinquantaine d’associations de toutes les tailles, dont plusieurs n’étaient guère qu’un nom abstrait, touchant
1865 thies faciles et d’un scepticisme profond. Devant la tâche urgente, mais qui pouvait paraître surhumaine, de fédérer l’Eur
1866 mais qui pouvait paraître surhumaine, de fédérer l’ Europe, c’est-à-dire de mettre sur pied, contre vents et marées, des i
1867 s et marées, des institutions continentales et de les faire admettre par les États, nous n’étions qu’une poignée d’hommes d
1868 utions continentales et de les faire admettre par les États, nous n’étions qu’une poignée d’hommes de bonne volonté, remarq
1869 ous sommes partis — nous sommes partis pour faire l’ Europe, tout simplement. On s’étonnera de la part que je viens de fair
1870 faire l’Europe, tout simplement. On s’étonnera de la part que je viens de faire à la doctrine personnaliste dans la genèse
1871 On s’étonnera de la part que je viens de faire à la doctrine personnaliste dans la genèse de nos mouvements. Il est vrai
1872 e viens de faire à la doctrine personnaliste dans la genèse de nos mouvements. Il est vrai que beaucoup de petits groupes
1873 petits groupes qui se formèrent spontanément dans les camps et dans les maquis ne devaient rien à cette doctrine. Mais il e
1874 se formèrent spontanément dans les camps et dans les maquis ne devaient rien à cette doctrine. Mais il est non moins vrai
1875 à cette doctrine. Mais il est non moins vrai que les grands thèmes et le vocabulaire personnalistes reparaissent avec insi
1876 is il est non moins vrai que les grands thèmes et le vocabulaire personnalistes reparaissent avec insistance dans tous les
1877 onnalistes reparaissent avec insistance dans tous les documents qui jalonnent les étapes du mouvement vers l’Europe unie, à
1878 insistance dans tous les documents qui jalonnent les étapes du mouvement vers l’Europe unie, à partir du congrès de Montre
1879 uments qui jalonnent les étapes du mouvement vers l’ Europe unie, à partir du congrès de Montreux jusqu’à ceux de La Haye,
1880 ces conjuguées, celle-ci demeure, me semble-t-il, la plus constante et la plus aisément discernable. De Montreux à Brux
1881 -ci demeure, me semble-t-il, la plus constante et la plus aisément discernable. De Montreux à Bruxelles Le congrès d
1882 sément discernable. De Montreux à Bruxelles Le congrès de Montreux n’était pas terminé que l’idée naissait parmi nou
1883 Le congrès de Montreux n’était pas terminé que l’ idée naissait parmi nous d’en élargir l’action en convoquant, pour le
1884 rminé que l’idée naissait parmi nous d’en élargir l’ action en convoquant, pour le printemps de l’année suivante, des états
1885 mi nous d’en élargir l’action en convoquant, pour le printemps de l’année suivante, des états généraux de l’Europe. Sur-le
1886 rgir l’action en convoquant, pour le printemps de l’ année suivante, des états généraux de l’Europe. Sur-le-champ, des acco
1887 ntemps de l’année suivante, des états généraux de l’ Europe. Sur-le-champ, des accords furent esquissés avec les représenta
1888 . Sur-le-champ, des accords furent esquissés avec les représentants d’autres mouvements venus en qualité d’observateurs. Le
1889 utres mouvements venus en qualité d’observateurs. Les envoyés du United Europe Committee nous informèrent que le président
1890 s du United Europe Committee nous informèrent que le président de ce groupement, Winston Churchill, avait également l’inte
1891 ce groupement, Winston Churchill, avait également l’ intention de convoquer un « Congrès de l’Europe ». Il ne s’agissait pa
1892 galement l’intention de convoquer un « Congrès de l’ Europe ». Il ne s’agissait pas, dans son esprit, d’une entreprise « fé
1893 t de leur rencontre à Montreux, que devait sortir le congrès de La Haye. Dès l’automne 1947, un Comité de coordination des
1894 eux, que devait sortir le congrès de La Haye. Dès l’ automne 1947, un Comité de coordination des mouvements pour l’union de
1895 47, un Comité de coordination des mouvements pour l’ union de l’Europe dressait les plans de travail pour La Haye. Il group
1896 té de coordination des mouvements pour l’union de l’ Europe dressait les plans de travail pour La Haye. Il groupait les qua
1897 des mouvements pour l’union de l’Europe dressait les plans de travail pour La Haye. Il groupait les quatre organisations s
1898 it les plans de travail pour La Haye. Il groupait les quatre organisations suivantes : Union européenne des fédéralistes (p
1899 nomique (Paul van Zeeland) ; Comité français pour l’ Europe unie (E. Herriot et R. Dautry). Les Nouvelles équipes internati
1900 ais pour l’Europe unie (E. Herriot et R. Dautry). Les Nouvelles équipes internationales (Robert Bichet) et l’Union parlemen
1901 velles équipes internationales (Robert Bichet) et l’ Union parlementaire européenne (Coudenhove-Kalergi) adhérèrent quelque
1902 lques mois plus tard, suivies, après La Haye, par le Mouvement socialiste pour les États-Unis d’Europe. Le 7 mai 1948, dan
1903 , après La Haye, par le Mouvement socialiste pour les États-Unis d’Europe. Le 7 mai 1948, dans la Salle des chevaliers du P
1904 ouvement socialiste pour les États-Unis d’Europe. Le 7 mai 1948, dans la Salle des chevaliers du Parlement néerlandais, s’
1905 pour les États-Unis d’Europe. Le 7 mai 1948, dans la Salle des chevaliers du Parlement néerlandais, s’ouvrait le Congrès d
1906 es chevaliers du Parlement néerlandais, s’ouvrait le Congrès de l’Europe. Nous étions cette fois-ci plus de huit-cents dél
1907 du Parlement néerlandais, s’ouvrait le Congrès de l’ Europe. Nous étions cette fois-ci plus de huit-cents délégués, parmi l
1908 ent votées : économique, politique et culturelle. La résolution politique prévoyait, comme prochaine étape, la convocation
1909 ution politique prévoyait, comme prochaine étape, la convocation d’une Assemblée européenne, dont les membres seraient élu
1910 , la convocation d’une Assemblée européenne, dont les membres seraient élus « dans leur sein ou au-dehors » par les parleme
1911 seraient élus « dans leur sein ou au-dehors » par les parlements des nations participantes. Ce projet fut mis au point très
1912 l’intermédiaire de M. Bidault, il fut présenté à la réunion des ministres des Affaires étrangères des cinq pays signatair
1913 des cinq pays signataires du pacte de Bruxelles. Le 18 août notre Mémorandum sur l’Assemblée européenne se voyait accepté
1914 cte de Bruxelles. Le 18 août notre Mémorandum sur l’ Assemblée européenne se voyait accepté sans réserve par le gouvernemen
1915 lée européenne se voyait accepté sans réserve par le gouvernement français, bientôt suivi par le gouvernement belge. Quelq
1916 e par le gouvernement français, bientôt suivi par le gouvernement belge. Quelques semaines plus tard, à la suite d’une déc
1917 ouvernement belge. Quelques semaines plus tard, à la suite d’une décision des Cinq et sur la demande réitérée de nos mouve
1918 s tard, à la suite d’une décision des Cinq et sur la demande réitérée de nos mouvements, une conférence restreinte de dix-
1919 perts était convoquée à Paris, aux fins d’étudier la constitution d’un Parlement et d’un Conseil des ministres européens.
1920 arlement et d’un Conseil des ministres européens. Le 28 janvier 1949, la conférence aboutissait à un premier accord, et po
1921 seil des ministres européens. Le 28 janvier 1949, la conférence aboutissait à un premier accord, et pouvait annoncer la cr
1922 utissait à un premier accord, et pouvait annoncer la création prochaine d’un Conseil de l’Europe, comprenant d’une part un
1923 inistres, d’autre part un Corps consultatif, dont les attributions restaient à définir. Parallèlement à cette action rapide
1924 emental, nous poursuivions bien d’autres tâches : l’ élargissement de nos mouvements et leur liaison, l’étude juridique des
1925 ’élargissement de nos mouvements et leur liaison, l’ étude juridique des institutions à créer, la formation d’un Centre eur
1926 ison, l’étude juridique des institutions à créer, la formation d’un Centre européen de la culture et de nombreux travaux é
1927 x travaux économiques. Au début de novembre 1948, l’ Union européenne des fédéralistes réunissait à Rome son deuxième congr
1928 une modeste salle d’hôtel. À Rome, on nous offrit le palais de Venise et toutes ses salles immenses, restées vides depuis
1929 toutes ses salles immenses, restées vides depuis la fuite du dernier locataire. L’une de nos commissions siégeait dans le
1930 locataire. L’une de nos commissions siégeait dans le cabinet de travail du dictateur, et les séances plénières eurent lieu
1931 geait dans le cabinet de travail du dictateur, et les séances plénières eurent lieu dans la salle même du Grand Conseil fas
1932 tateur, et les séances plénières eurent lieu dans la salle même du Grand Conseil fasciste, sur les murs de laquelle on ava
1933 dans la salle même du Grand Conseil fasciste, sur les murs de laquelle on avait substitué aux faisceaux de licteur les gran
1934 uelle on avait substitué aux faisceaux de licteur les grandes lettres du mot Europe. Le congrès fut inauguré en présence de
1935 aux de licteur les grandes lettres du mot Europe. Le congrès fut inauguré en présence de tous les ministres par un discour
1936 rope. Le congrès fut inauguré en présence de tous les ministres par un discours du président de la République, lui-même féd
1937 ous les ministres par un discours du président de la République, lui-même fédéraliste convaincu. Le comte Sforza vint à l’
1938 de la République, lui-même fédéraliste convaincu. Le comte Sforza vint à l’une des séances nous parler comme un militant :
1939 s’écria-t-il. En réalité, vous êtes, nous sommes, la vérité en marche. » Et finalement, les congressistes furent reçus par
1940 ous sommes, la vérité en marche. » Et finalement, les congressistes furent reçus par le pape Pie XII, qui leur dit en franç
1941 Et finalement, les congressistes furent reçus par le pape Pie XII, qui leur dit en français « sa plus vivante sympathie »
1942 it en français « sa plus vivante sympathie » pour l’ œuvre urgente conduite par les fédéralistes. Peu avant le congrès de R
1943 nte sympathie » pour l’œuvre urgente conduite par les fédéralistes. Peu avant le congrès de Rome, le Comité de coordination
1944 urgente conduite par les fédéralistes. Peu avant le congrès de Rome, le Comité de coordination des groupements militant p
1945 r les fédéralistes. Peu avant le congrès de Rome, le Comité de coordination des groupements militant pour l’union de l’Eur
1946 ité de coordination des groupements militant pour l’ union de l’Europe avait pris le nom de Mouvement européen, ses quatre
1947 dination des groupements militant pour l’union de l’ Europe avait pris le nom de Mouvement européen, ses quatre présidents
1948 ents militant pour l’union de l’Europe avait pris le nom de Mouvement européen, ses quatre présidents d’honneur étant Léon
1949 urchill, Alcide de Gasperi et Paul-Henri Spaak. À la question : « Qu’a-t-on fait jusqu’ici pour la fédération de l’Europe 
1950 . À la question : « Qu’a-t-on fait jusqu’ici pour la fédération de l’Europe ? » cet historique succinct permet donc de rép
1951 « Qu’a-t-on fait jusqu’ici pour la fédération de l’ Europe ? » cet historique succinct permet donc de répondre : nous avon
1952 ous avons lancé un mouvement, nous avons conjugué les efforts entrepris de tous côtés par des tendances diverses, et nous s
1953 ommes parvenus, plus rapidement que nous n’osions l’ imaginer, à engrener sur les rouages les principaux gouvernements euro
1954 ment que nous n’osions l’imaginer, à engrener sur les rouages les principaux gouvernements européens. Ce qui n’était qu’un
1955 s n’osions l’imaginer, à engrener sur les rouages les principaux gouvernements européens. Ce qui n’était qu’un rêve il y a
1956 éorie il y a quinze ans, qu’une espérance pendant la guerre, est aujourd’hui discuté par la presse, les parlements, les mi
1957 ce pendant la guerre, est aujourd’hui discuté par la presse, les parlements, les ministères, comme quelque chose qu’il fau
1958 la guerre, est aujourd’hui discuté par la presse, les parlements, les ministères, comme quelque chose qu’il faut réaliser d
1959 ujourd’hui discuté par la presse, les parlements, les ministères, comme quelque chose qu’il faut réaliser d’urgence, et qui
1960 que chose qu’il faut réaliser d’urgence, et qui a les plus grandes chances de se réaliser. Nous sommes donc arrivés à pied
1961 sommes donc arrivés à pied d’œuvre. Ici commence la bataille décisive. Objectifs immédiats L’effort du Mouvement eu
1962 e la bataille décisive. Objectifs immédiats L’ effort du Mouvement européen, appuyé par la propagande ou les travaux
1963 ats L’effort du Mouvement européen, appuyé par la propagande ou les travaux spécialisés des six mouvements qui le compo
1964 u Mouvement européen, appuyé par la propagande ou les travaux spécialisés des six mouvements qui le composent, va se porter
1965 ou les travaux spécialisés des six mouvements qui le composent, va se porter au cours des mois prochains sur quatre points
1966 droits de l’homme, mesures économiques, Centre de la culture. Décrivons rapidement les forces en présence : nos plans, les
1967 iques, Centre de la culture. Décrivons rapidement les forces en présence : nos plans, les résistances à vaincre. L’Assembl
1968 ns rapidement les forces en présence : nos plans, les résistances à vaincre. L’Assemblée. — Les fédéralistes ayant fait tr
1969 présence : nos plans, les résistances à vaincre. L’ Assemblée. — Les fédéralistes ayant fait triompher à La Haye le princi
1970 plans, les résistances à vaincre. L’Assemblée. — Les fédéralistes ayant fait triompher à La Haye le principe d’une représe
1971 — Les fédéralistes ayant fait triompher à La Haye le principe d’une représentation aussi large que possible non seulement
1972 nation (syndicats, religions, universités, etc.), le Mouvement européen défendit ce point de vue dans son mémorandum du 18
1973 dans son mémorandum du 18 août 1948. C’est ce que la presse nomme aujourd’hui, en simplifiant un peu, la position français
1974 presse nomme aujourd’hui, en simplifiant un peu, la position française. Je la nommerais plutôt la position fédéraliste. C
1975 en simplifiant un peu, la position française. Je la nommerais plutôt la position fédéraliste. Car si l’on veut que les pe
1976 eu, la position française. Je la nommerais plutôt la position fédéraliste. Car si l’on veut que les peuples soient représe
1977 nommerais plutôt la position fédéraliste. Car si l’ on veut que les peuples soient représentés, c’est que l’on veut abouti
1978 tôt la position fédéraliste. Car si l’on veut que les peuples soient représentés, c’est que l’on veut aboutir à autre chose
1979 eut que les peuples soient représentés, c’est que l’ on veut aboutir à autre chose qu’au « Corps consultatif » accepté par
1980 tre chose qu’au « Corps consultatif » accepté par les Cinq : à l’Assemblée constituante de l’Europe, qui pourra seule contr
1981 au « Corps consultatif » accepté par les Cinq : à l’ Assemblée constituante de l’Europe, qui pourra seule contraindre les É
1982 epté par les Cinq : à l’Assemblée constituante de l’ Europe, qui pourra seule contraindre les États à s’incliner devant un
1983 ituante de l’Europe, qui pourra seule contraindre les États à s’incliner devant un pouvoir fédéral, mettant un terme au règ
1984 gne féodal des souverainetés nationales absolues. La position dite britannique (en fait, celle de M. Bevin) tend, au contr
1985 celle de M. Bevin) tend, au contraire, à réduire l’ Assemblée au rôle purement consultatif d’un petit Congrès d’experts no
1986 nsultatif d’un petit Congrès d’experts nommés par les gouvernements. Tout le pouvoir, dans ce cas, reviendrait aux ministre
1987 grès d’experts nommés par les gouvernements. Tout le pouvoir, dans ce cas, reviendrait aux ministres. Essayons de comprend
1988 ilitants, avec une volonté sournoise de sabotage. Les Britanniques respectent leur gouvernement. Ils pensent que les minist
1989 ues respectent leur gouvernement. Ils pensent que les ministres sont là pour gouverner, ce qui paraît étrange à beaucoup de
1990 Latins. Ils pensent donc, tout naturellement, que l’ Europe sera faite par des ministres. Et cela ne va pas à une fédératio
1991 x souverainetés nationales, et ne troubleront pas l’ économie travailliste dans son austère insularité… Step by step, répè
1992 s son austère insularité… Step by step, répètent les Anglais. Nous leur disons : « Vous ne pouvez franchir un abîme pas à
1993 ez franchir un abîme pas à pas, il faut sauter. » Le saut, dans ce cas, consistera à transformer le « Corps consultatif »
1994  » Le saut, dans ce cas, consistera à transformer le « Corps consultatif » en Assemblée constituante. Cour des droits de
1995 te des droits de l’homme vient d’être adoptée par l’ ONU. Elle restera malheureusement inopérante tant que les États rester
1996 Elle restera malheureusement inopérante tant que les États resteront souverains. Car c’est la protection des droits de la
1997 ant que les États resteront souverains. Car c’est la protection des droits de la personne et des droits des minorités cont
1998 souverains. Car c’est la protection des droits de la personne et des droits des minorités contre l’État qu’il s’agit de sa
1999 de la personne et des droits des minorités contre l’ État qu’il s’agit de sauvegarder aujourd’hui. Et cela suppose l’instit
2000 ’agit de sauvegarder aujourd’hui. Et cela suppose l’ institution d’une Cour suprême, c’est-à-dire d’une instance supérieure
2001 ts à leurs dépens, s’il y a lieu. C’est pourquoi le Conseil international du Mouvement européen, dans sa réunion de Bruxe
2002 a recommandé que soit créée, par convention entre les États membres de l’union européenne, une Cour des droits de l’homme e
2003 créée, par convention entre les États membres de l’ union européenne, une Cour des droits de l’homme et une Commission d’e
2004 e des gouvernements. Ces deux organes formeraient le noyau d’un véritable pouvoir fédéral. Il me paraît clair qu’ils impli
2005 oir fédéral. Il me paraît clair qu’ils impliquent la création d’une force de police fédérale. Car enfin, de quoi s’agit-il
2006 éer un tribunal devant lequel puisse être déféré, le cas échéant, tout État qui céderait au totalitarisme ? Mesures écono
2007 derait au totalitarisme ? Mesures économiques. — Le contradicteur moyen aime à nous dire que nos plans « généreux » vaudr
2008 e à nous dire que nos plans « généreux » vaudront le papier qui les supporte, tant que nous n’aurons pas résolu les grands
2009 que nos plans « généreux » vaudront le papier qui les supporte, tant que nous n’aurons pas résolu les grands problèmes écon
2010 i les supporte, tant que nous n’aurons pas résolu les grands problèmes économiques. Nous sommes un certain nombre à penser
2011 ant que nos plans politiques n’auront pas abouti. La sagesse des experts, dans chacun de nos pays, se réduit au conseil cl
2012 pays, se réduit au conseil classique : augmenter les exportations. L’homme de la rue s’étonne de voir cette farce rééditée
2013 u conseil classique : augmenter les exportations. L’ homme de la rue s’étonne de voir cette farce rééditée chaque jour avec
2014 lassique : augmenter les exportations. L’homme de la rue s’étonne de voir cette farce rééditée chaque jour avec tant de gr
2015 nt que toute exportation devient importation chez le voisin. Une conférence d’économistes européens, convoquée pour le moi
2016 onférence d’économistes européens, convoquée pour le mois d’avril à Westminster, essaiera de dépasser le plan des absurdit
2017 mois d’avril à Westminster, essaiera de dépasser le plan des absurdités officielles. Parmi les mesures que défendent la p
2018 épasser le plan des absurdités officielles. Parmi les mesures que défendent la plupart des fédéralistes, signalons l’abaiss
2019 défendent la plupart des fédéralistes, signalons l’ abaissement progressif des barrières douanières, l’instauration d’une
2020 ’abaissement progressif des barrières douanières, l’ instauration d’une monnaie européenne, la création d’une régie fédéral
2021 anières, l’instauration d’une monnaie européenne, la création d’une régie fédérale des houillères (solution du problème de
2022 fédérale des houillères (solution du problème de la Ruhr). On doit attendre avec curiosité le résultat des discussions de
2023 lème de la Ruhr). On doit attendre avec curiosité le résultat des discussions de notre section économique, si l’on songe q
2024 t des discussions de notre section économique, si l’ on songe qu’elle a pu réunir, sous le signe de l’Europe, des hommes au
2025 onomique, si l’on songe qu’elle a pu réunir, sous le signe de l’Europe, des hommes aussi divers que le dirigiste André Phi
2026 l’on songe qu’elle a pu réunir, sous le signe de l’ Europe, des hommes aussi divers que le dirigiste André Philip, le libé
2027 le signe de l’Europe, des hommes aussi divers que le dirigiste André Philip, le libéral Giscard d’Estaing, Lord Layton et
2028 ommes aussi divers que le dirigiste André Philip, le libéral Giscard d’Estaing, Lord Layton et Léon Jouhaux. Centre europ
2029 re. — Finalement, il nous paraît clair que toutes les mesures économiques et politiques que pourrait proposer le Mouvement
2030 s économiques et politiques que pourrait proposer le Mouvement européen resteraient lettre morte, s’il n’existait, en deçà
2031 er, informer cette conscience de notre unité dans la richesse de nos diversités, telle doit être, avant tout comme après t
2032 és, telle doit être, avant tout comme après tout, la vocation de notre Mouvement européen. S’il ne mettait la culture à sa
2033 tion de notre Mouvement européen. S’il ne mettait la culture à sa place, qui est à la fois primordiale et finale, il cesse
2034 is primordiale et finale, il cesserait de mériter l’ adjectif de son titre. C’est pourquoi le congrès de La Haye a réclamé
2035 e mériter l’adjectif de son titre. C’est pourquoi le congrès de La Haye a réclamé l’institution rapide d’un Centre europée
2036 e. C’est pourquoi le congrès de La Haye a réclamé l’ institution rapide d’un Centre européen de la culture, capable de « do
2037 éen de la culture, capable de « donner une voix à la conscience de l’Europe et des peuples qui lui sont associés ». Il ne
2038 , capable de « donner une voix à la conscience de l’ Europe et des peuples qui lui sont associés ». Il ne s’agit nullement
2039 onalisme européen, mais au contraire de restaurer le rayonnement des valeurs que l’Europe, malgré tout, illustre encore au
2040 raire de restaurer le rayonnement des valeurs que l’ Europe, malgré tout, illustre encore aux yeux du monde entier : une ce
2041 yeux du monde entier : une certaine conception de la personne humaine et de ses libertés fondamentales, antérieures et sup
2042 ertés fondamentales, antérieures et supérieures à l’ État ; un certain refus de l’uniformité, un certain sens du dialogue p
2043 res et supérieures à l’État ; un certain refus de l’ uniformité, un certain sens du dialogue permanent, condition de notre
2044 s pays, des instituts qui veulent travailler pour l’ Europe. Coordonner toutes ces initiatives dans le cadre d’un grand mou
2045 l’Europe. Coordonner toutes ces initiatives dans le cadre d’un grand mouvement qui leur donnera le moyen de concourir à l
2046 ns le cadre d’un grand mouvement qui leur donnera le moyen de concourir à l’édification d’un ordre libre ; former une opin
2047 ouvement qui leur donnera le moyen de concourir à l’ édification d’un ordre libre ; former une opinion européenne ; offrir
2048 tique. Il n’est point d’ordre politique qui serve l’ homme, s’il n’est orienté dès le départ par une vision libératrice et
2049 litique qui serve l’homme, s’il n’est orienté dès le départ par une vision libératrice et fascinante. L’Europe se fera, en
2050 départ par une vision libératrice et fascinante. L’ Europe se fera, en dépit des experts (qui savent toujours que c’est De
2051 e de véritables résistants — ceux qui résistent à la fatalité — l’auront vue et marchent vers elle. Il se peut que la visi
2052 s résistants — ceux qui résistent à la fatalité — l’ auront vue et marchent vers elle. Il se peut que la vision qui les gui
2053 ’auront vue et marchent vers elle. Il se peut que la vision qui les guide, éclairant le chemin sous leurs pas, cache une r
2054 marchent vers elle. Il se peut que la vision qui les guide, éclairant le chemin sous leurs pas, cache une réalité finale q
2055 Il se peut que la vision qui les guide, éclairant le chemin sous leurs pas, cache une réalité finale qui les surprenne. Ch
2056 emin sous leurs pas, cache une réalité finale qui les surprenne. Christophe Colomb voyait les Indes, ou nommait ainsi sa vi
2057 inale qui les surprenne. Christophe Colomb voyait les Indes, ou nommait ainsi sa vision. Contre vents et marées, contre tou
2058 si sa vision. Contre vents et marées, contre tous les experts de son équipe, il se mit en route pour la joindre. Mais nous,
2059 es experts de son équipe, il se mit en route pour la joindre. Mais nous, quel continent nouveau, tout imprévu, risquons-no
2060 r croire ? Se peut-il que ce soit tout simplement l’ Europe, redécouverte à la faveur de son union ? Une Europe rajeunie qu
2061 ce soit tout simplement l’Europe, redécouverte à la faveur de son union ? Une Europe rajeunie qui deviendrait soudain, po
2062 e qui deviendrait soudain, pour nos yeux étonnés, la Terre promise. 11. Voir le recueil de documents intitulés L’Europe
2063 r nos yeux étonnés, la Terre promise. 11. Voir le recueil de documents intitulés L’Europe de demain (La Baconnière) qui
2064 se. 11. Voir le recueil de documents intitulés L’ Europe de demain (La Baconnière) qui groupe les déclarations fédéralis
2065 ecueil de documents intitulés L’Europe de demain ( La Baconnière) qui groupe les déclarations fédéralistes des mouvements d
2066 lés L’Europe de demain (La Baconnière) qui groupe les déclarations fédéralistes des mouvements de la Résistance dans neuf p
2067 e les déclarations fédéralistes des mouvements de la Résistance dans neuf pays. e. Rougemont Denis de, « Le Mouvement eu
2068 stance dans neuf pays. e. Rougemont Denis de, «  Le Mouvement européen », La Revue de Paris, Paris, avril 1949, p. 76-84.
2069 . Rougemont Denis de, « Le Mouvement européen », La Revue de Paris, Paris, avril 1949, p. 76-84.
5 1949, La Revue de Paris, articles (1937–1969). Découverte de l’Europe (octobre 1949)
2070 Découverte de l’ Europe (octobre 1949)f Il n’est pas facile d’être actuel. Il y faut
2071 datée une ère nouvelle. » Mais ce jour-là, il est le seul à s’en douter. Cette histoire n’est pas bien nouvelle, il y a pr
2072 ien nouvelle, il y a près de deux-mille ans qu’on la connaît : la mort d’un Juif obscur, près de Jérusalem, a fait moins d
2073 il y a près de deux-mille ans qu’on la connaît : la mort d’un Juif obscur, près de Jérusalem, a fait moins de bruit, en s
2074 rusalem, a fait moins de bruit, en son temps, que la visite de Bartali, coureur cycliste, au Vatican. Il serait donc vain
2075 au Vatican. Il serait donc vain de s’étonner que le Tour de France ait damé le pion de l’« actualité » à la première Asse
2076 vain de s’étonner que le Tour de France ait damé le pion de l’« actualité » à la première Assemblée de l’Europe, qui s’ou
2077 étonner que le Tour de France ait damé le pion de l’ « actualité » à la première Assemblée de l’Europe, qui s’ouvrit à Stra
2078 Assemblée de l’Europe, qui s’ouvrit à Strasbourg le 10 août, en pleines vacances de l’opinion publique. Pourtant les jour
2079 t à Strasbourg le 10 août, en pleines vacances de l’ opinion publique. Pourtant les journalistes étaient présents. On dit m
2080 pleines vacances de l’opinion publique. Pourtant les journalistes étaient présents. On dit même qu’ils furent plus de cinq
2081 -cents. Et bien d’autres ont jugé Strasbourg dans les éditoriaux du monde entier, d’autant plus librement qu’ils n’y étaien
2082 tant plus librement qu’ils n’y étaient pas allés. L’ événement s’est donc vu noyé sous un déluge de clichés contradictoires
2083 pitation dangereuse ou lenteurs désespérantes, ou les deux à la fois, souvent dans le même article. Que l’Assemblée se soit
2084 ésespérantes, ou les deux à la fois, souvent dans le même article. Que l’Assemblée se soit montrée timide ou au contraire
2085 deux à la fois, souvent dans le même article. Que l’ Assemblée se soit montrée timide ou au contraire téméraire, que l’expé
2086 oit montrée timide ou au contraire téméraire, que l’ expérience soit trop tardive, ou au contraire prématurée, c’est ce que
2087 uire des milliers de coupures de presse où figure le nom de Strasbourg. Une seule opinion générale se dégage de ce flot d’
2088 le se dégage de ce flot d’imprimés : et c’est que l’ opinion, précisément, serait demeurée indifférente. Ce paradoxe couvre
2089 indifférente. Ce paradoxe couvre un sophisme. Car les journaux ne sauraient décrire l’opinion sans la modifier : ce sont eu
2090 n sophisme. Car les journaux ne sauraient décrire l’ opinion sans la modifier : ce sont eux qui la déterminent en bonne par
2091 les journaux ne sauraient décrire l’opinion sans la modifier : ce sont eux qui la déterminent en bonne partie. S’il leur
2092 rire l’opinion sans la modifier : ce sont eux qui la déterminent en bonne partie. S’il leur faut tant de mots pour expliqu
2093 e. S’il leur faut tant de mots pour expliquer que le sujet n’intéresse personne, notre jugement doit chercher d’autres sou
2094 Strasbourg ? Quelque chose d’assez neuf, il faut le croire, pour que la presse n’ait pas su l’enregistrer, sinon par les
2095 e chose d’assez neuf, il faut le croire, pour que la presse n’ait pas su l’enregistrer, sinon par les oscillations que je
2096 l faut le croire, pour que la presse n’ait pas su l’ enregistrer, sinon par les oscillations que je viens de rappeler, d’un
2097 e la presse n’ait pas su l’enregistrer, sinon par les oscillations que je viens de rappeler, d’un bout à l’autre du champ d
2098 eler, d’un bout à l’autre du champ des clichés. ⁂ La réunion de cent-un députés, régulièrement élus par les parlements de
2099 éunion de cent-un députés, régulièrement élus par les parlements de douze pays, matérialisa le 10 août les efforts développ
2100 lus par les parlements de douze pays, matérialisa le 10 août les efforts développés depuis quelques années par les mouveme
2101 parlements de douze pays, matérialisa le 10 août les efforts développés depuis quelques années par les mouvements fédérali
2102 les efforts développés depuis quelques années par les mouvements fédéralistes, et depuis un an par le Mouvement européen. M
2103 les mouvements fédéralistes, et depuis un an par le Mouvement européen. Mais cet aboutissement spectaculaire devait marqu
2104 tissement spectaculaire devait marquer — comme je l’ ai dit ici, au mois d’avril — le vrai début de la bataille décisive. I
2105 arquer — comme je l’ai dit ici, au mois d’avril — le vrai début de la bataille décisive. Il était raisonnable de prévoir q
2106 l’ai dit ici, au mois d’avril — le vrai début de la bataille décisive. Il était raisonnable de prévoir que la première se
2107 erait consacrée à des questions de procédure, car les statuts du Conseil de l’Europe étaient loin d’assurer au Corps consul
2108 un dispositif de combat, tout d’abord obtenir que le Comité des ministres ne dicte pas l’ordre du jour de l’Assemblée ; co
2109 obtenir que le Comité des ministres ne dicte pas l’ ordre du jour de l’Assemblée ; constituer des commissions permanentes 
2110 ité des ministres ne dicte pas l’ordre du jour de l’ Assemblée ; constituer des commissions permanentes ; délimiter une maj
2111 iter une majorité et une opposition ; bref, roder la machine et vérifier le jeu des commandes. De fait, une semaine a suff
2112 e opposition ; bref, roder la machine et vérifier le jeu des commandes. De fait, une semaine a suffi pour réussir ces diff
2113 ces différentes opérations, et même pour écarter les deux dangers majeurs qui guettaient la jeune Assemblée. Le premier eû
2114 r écarter les deux dangers majeurs qui guettaient la jeune Assemblée. Le premier eût consisté dans un clivage vertical, pa
2115 un clivage vertical, par délégations nationales. Le règlement l’a prévenu, fort heureusement. Les députés siègent en effe
2116 ertical, par délégations nationales. Le règlement l’ a prévenu, fort heureusement. Les députés siègent en effet par ordre a
2117 les. Le règlement l’a prévenu, fort heureusement. Les députés siègent en effet par ordre alphabétique, non par groupes nati
2118 roupes nationaux. Ils votent individuellement. Et l’ on n’a pas remarqué qu’un mot d’ordre national — s’il en fut jamais do
2119 s’il en fut jamais donné — ait été suivi même par les Britanniques. Ces derniers se sont, au contraire, divisés publiquemen
2120 ois exceptions près). Mais cette manière d’éviter le danger « national » risquait d’en créer un nouveau : le clivage horiz
2121 ger « national » risquait d’en créer un nouveau : le clivage horizontal de l’Assemblée selon les affinités des partis, par
2122 d’en créer un nouveau : le clivage horizontal de l’ Assemblée selon les affinités des partis, par-dessus les frontières. L
2123 veau : le clivage horizontal de l’Assemblée selon les affinités des partis, par-dessus les frontières. Là encore, l’attitud
2124 emblée selon les affinités des partis, par-dessus les frontières. Là encore, l’attitude très particulière des Britanniques
2125 des partis, par-dessus les frontières. Là encore, l’ attitude très particulière des Britanniques a fait échouer la première
2126 a première coalition partisane qui se dessinait : les travaillistes et les socialistes continentaux ne sont pas parvenus à
2127 partisane qui se dessinait : les travaillistes et les socialistes continentaux ne sont pas parvenus à former un front uni d
2128 à former un front uni des gauches, sur le plan de l’ Europe. Dès les premières interventions sur le fond du débat, c’est-à-
2129 de l’Europe. Dès les premières interventions sur le fond du débat, c’est-à-dire sur les buts et les méthodes du Conseil d
2130 erventions sur le fond du débat, c’est-à-dire sur les buts et les méthodes du Conseil de l’Europe, les deux conceptions qui
2131 ur le fond du débat, c’est-à-dire sur les buts et les méthodes du Conseil de l’Europe, les deux conceptions qui se sont aff
2132 les buts et les méthodes du Conseil de l’Europe, les deux conceptions qui se sont affrontées n’ont pas été la gauche et la
2133 conceptions qui se sont affrontées n’ont pas été la gauche et la droite traditionnelles, mais bien le fédéralisme et l’un
2134 qui se sont affrontées n’ont pas été la gauche et la droite traditionnelles, mais bien le fédéralisme et l’unionisme, form
2135 la gauche et la droite traditionnelles, mais bien le fédéralisme et l’unionisme, formant une gauche et une droite nouvelle
2136 oite traditionnelles, mais bien le fédéralisme et l’ unionisme, formant une gauche et une droite nouvelles, proprement euro
2137 proprement européennes, et qui ne recouvrent pas les anciennes divisions. (Ces dernières ne se retrouvent, mais notablemen
2138 retrouvent, mais notablement atténuées, que dans le plan économique, sous les noms de libéralisme et de dirigisme.) Que v
2139 ment atténuées, que dans le plan économique, sous les noms de libéralisme et de dirigisme.) Que veulent les unionistes ? L’
2140 noms de libéralisme et de dirigisme.) Que veulent les unionistes ? L’Europe unie, bien sûr. Mais pas trop vite, ni trop pré
2141 me et de dirigisme.) Que veulent les unionistes ? L’ Europe unie, bien sûr. Mais pas trop vite, ni trop précisément… Ils pa
2142 préparatoires. Step by step reste leur devise. À les en croire, l’opinion n’est pas mûre, les peuples sont encore indiffér
2143 Step by step reste leur devise. À les en croire, l’ opinion n’est pas mûre, les peuples sont encore indifférents ou hostil
2144 evise. À les en croire, l’opinion n’est pas mûre, les peuples sont encore indifférents ou hostiles aux travaux de Strasbour
2145 lent pécher, bien au contraire, par optimisme. Et les fédéralistes ont beau jeu de leur répondre : où prendrez-vous le temp
2146 ont beau jeu de leur répondre : où prendrez-vous le temps d’être prudents ? Si nous craignons d’aller trop vite, aux yeux
2147 Si nous craignons d’aller trop vite, aux yeux de l’ expérience d’autres époques et d’une sagesse bien éprouvée (dans tous
2148 époques et d’une sagesse bien éprouvée (dans tous les sens de l’adjectif), on ne nous laissera pas même le temps de partir.
2149 ’une sagesse bien éprouvée (dans tous les sens de l’ adjectif), on ne nous laissera pas même le temps de partir. Le plan Ma
2150 sens de l’adjectif), on ne nous laissera pas même le temps de partir. Le plan Marshall se termine dans deux ans. La crise
2151 on ne nous laissera pas même le temps de partir. Le plan Marshall se termine dans deux ans. La crise économique s’aggrave
2152 artir. Le plan Marshall se termine dans deux ans. La crise économique s’aggrave très rapidement (sans nulle prudence !) fa
2153 e d’unité dans nos programmes de redressement. Et les menaces de guerre sont là. Demandez à l’opinion si elle est mûre pour
2154 ent. Et les menaces de guerre sont là. Demandez à l’ opinion si elle est mûre pour la guerre ! Elle hésite à vous suivre à
2155 nt là. Demandez à l’opinion si elle est mûre pour la guerre ! Elle hésite à vous suivre à cause de vos prudences. Elle sui
2156 le suivra ceux qui marchent, ceux qui ont su voir le but et qui ont osé lui donner son vrai nom : fédération. Les progrès
2157 qui ont osé lui donner son vrai nom : fédération. Les progrès surprenants de l’idée fédéraliste parmi les députés européens
2158 vrai nom : fédération. Les progrès surprenants de l’ idée fédéraliste parmi les députés européens sont attestés par un fait
2159 s progrès surprenants de l’idée fédéraliste parmi les députés européens sont attestés par un fait capital : la Commission d
2160 tés européens sont attestés par un fait capital : la Commission des affaires générales, élue par l’Assemblée dès le 20 aoû
2161  : la Commission des affaires générales, élue par l’ Assemblée dès le 20 août, s’est engagée sans le moindre délai, dans l’
2162 des affaires générales, élue par l’Assemblée dès le 20 août, s’est engagée sans le moindre délai, dans l’étude des struct
2163 ar l’Assemblée dès le 20 août, s’est engagée sans le moindre délai, dans l’étude des structures politiques nécessaires à l
2164 0 août, s’est engagée sans le moindre délai, dans l’ étude des structures politiques nécessaires à l’union de l’Europe. C’e
2165 s l’étude des structures politiques nécessaires à l’ union de l’Europe. C’est dire que la question centrale posée par les f
2166 es structures politiques nécessaires à l’union de l’ Europe. C’est dire que la question centrale posée par les fédéralistes
2167 nécessaires à l’union de l’Europe. C’est dire que la question centrale posée par les fédéralistes, celle d’un gouvernement
2168 pe. C’est dire que la question centrale posée par les fédéralistes, celle d’un gouvernement au-dessus des États, n’a pas pu
2169 ’a pas pu être refoulée plus de dix jours, malgré les efforts conjugués des unionistes nordiques et des ministres, malgré l
2170 des unionistes nordiques et des ministres, malgré les conseils de lenteur, de sagesse, de prudence, etc., prodigués (en ang
2171 aux députés européens. Dès sa prochaine session, l’ Assemblée sera saisie d’un plan dont le président de la Commission, M.
2172 e session, l’Assemblée sera saisie d’un plan dont le président de la Commission, M. Bidault, peut déjà déclarer qu’il s’or
2173 emblée sera saisie d’un plan dont le président de la Commission, M. Bidault, peut déjà déclarer qu’il s’orientera nettemen
2174 l comment M. Churchill peut à la fois lutter pour l’ union de l’Europe et déclarer qu’on ne touchera pas à ces sacro-sainte
2175 . Churchill peut à la fois lutter pour l’union de l’ Europe et déclarer qu’on ne touchera pas à ces sacro-saintes souverain
2176 ntes souverainetés.) Mais au lieu de discuter sur l’ abandon des privilèges féodaux des États, l’Assemblée, fort sagement,
2177 r sur l’abandon des privilèges féodaux des États, l’ Assemblée, fort sagement, s’est tournée vers les créations nécessaires
2178 s, l’Assemblée, fort sagement, s’est tournée vers les créations nécessaires. Le grand problème qui passe ainsi au premier r
2179 nt, s’est tournée vers les créations nécessaires. Le grand problème qui passe ainsi au premier rang, c’est celui de la sou
2180 e qui passe ainsi au premier rang, c’est celui de la source et des fondements du pouvoir fédéral de demain. Dans les coulo
2181 des fondements du pouvoir fédéral de demain. Dans les couloirs et les clubs de Strasbourg, on a pu voir se former deux écol
2182 u pouvoir fédéral de demain. Dans les couloirs et les clubs de Strasbourg, on a pu voir se former deux écoles. La première
2183 pu voir se former deux écoles. La première tient le Comité des ministres pour le germe du futur gouvernement de l’Europe.
2184 s. La première tient le Comité des ministres pour le germe du futur gouvernement de l’Europe. Car les ministres, observe-t
2185 ministres pour le germe du futur gouvernement de l’ Europe. Car les ministres, observe-t-on, sont les seuls à détenir un p
2186 r le germe du futur gouvernement de l’Europe. Car les ministres, observe-t-on, sont les seuls à détenir un pouvoir bien rée
2187 e l’Europe. Car les ministres, observe-t-on, sont les seuls à détenir un pouvoir bien réel, dans le Conseil de l’Europe tel
2188 nt les seuls à détenir un pouvoir bien réel, dans le Conseil de l’Europe tel qu’il existe. Certes. Mais, si le Conseil exi
2189 il de l’Europe tel qu’il existe. Certes. Mais, si le Conseil existe, n’est-ce point précisément parce que certains pionnie
2190 ements, qui voudraient faire passer pour réalisme la soumission au statu quo ? D’autre part, les pouvoirs que détiennent l
2191 alisme la soumission au statu quo ? D’autre part, les pouvoirs que détiennent les ministres étant strictement nationaux, le
2192 u quo ? D’autre part, les pouvoirs que détiennent les ministres étant strictement nationaux, leur addition ou juxtaposition
2193 position n’irait-elle point créer, sur le plan de l’ Europe, un danger pire que l’absence de pouvoir, une sorte de frein au
2194 réer, sur le plan de l’Europe, un danger pire que l’ absence de pouvoir, une sorte de frein automatique, un véritable anti-
2195 , qu’il s’agirait alors de renverser pour établir l’ union réelle ? La seconde école, celle des fédéralistes, tient que l’o
2196 seconde école, celle des fédéralistes, tient que l’ origine normale du pouvoir à créer réside dans l’Assemblée elle-même,
2197 l’origine normale du pouvoir à créer réside dans l’ Assemblée elle-même, dont le Comité des ministres, élargi, devrait for
2198 r à créer réside dans l’Assemblée elle-même, dont le Comité des ministres, élargi, devrait former la Chambre haute (Sénat
2199 t le Comité des ministres, élargi, devrait former la Chambre haute (Sénat ou Conseil d’États). La Commission permanente de
2200 rmer la Chambre haute (Sénat ou Conseil d’États). La Commission permanente de vingt-huit membres, élue par cette double As
2201 cette double Assemblée, pourrait alors préfigurer le Cabinet fédéral de l’Union. Sans préjuger de l’issue d’un tel débat,
2202 , pourrait alors préfigurer le Cabinet fédéral de l’ Union. Sans préjuger de l’issue d’un tel débat, l’on peut voir dès mai
2203 r le Cabinet fédéral de l’Union. Sans préjuger de l’ issue d’un tel débat, l’on peut voir dès maintenant dans le seul fait
2204 l’Union. Sans préjuger de l’issue d’un tel débat, l’ on peut voir dès maintenant dans le seul fait qu’il ait lieu, la preuv
2205 ’un tel débat, l’on peut voir dès maintenant dans le seul fait qu’il ait lieu, la preuve d’une très rapide évolution. Les
2206 dès maintenant dans le seul fait qu’il ait lieu, la preuve d’une très rapide évolution. Les dirigeants de notre Mouvement
2207 ait lieu, la preuve d’une très rapide évolution. Les dirigeants de notre Mouvement européen n’osaient pas espérer que la q
2208 otre Mouvement européen n’osaient pas espérer que la question capitale s’imposerait tout naturellement, dans un délai auss
2209 ntrer quelque fierté, lorsqu’ils passent en revue les objectifs qu’ils désignaient dans leurs mémorandums, et les confronte
2210 ifs qu’ils désignaient dans leurs mémorandums, et les confrontent avec les résultats atteints au terme de la première sessi
2211 t dans leurs mémorandums, et les confrontent avec les résultats atteints au terme de la première session de l’Assemblée. Ce
2212 ltats atteints au terme de la première session de l’ Assemblée. Celle-ci a conquis tout d’abord la liberté de fixer ses ord
2213 n de l’Assemblée. Celle-ci a conquis tout d’abord la liberté de fixer ses ordres du jour. Elle a voté, malgré l’opposition
2214 de fixer ses ordres du jour. Elle a voté, malgré l’ opposition du Comité ministériel la création d’une Cour européenne des
2215 a voté, malgré l’opposition du Comité ministériel la création d’une Cour européenne des droits de l’homme, pouvoir supérie
2216 éé plusieurs commissions permanentes pour étudier l’ instauration rapide d’une autorité politique supranationale, d’un Cons
2217 de formation à Genève). Ces décisions couronnent le travail obstiné de quelques petites équipes au sein du Mouvement euro
2218 équipes au sein du Mouvement européen. Bien plus, l’ existence même de l’Assemblée et la rapidité de ses premières opératio
2219 ouvement européen. Bien plus, l’existence même de l’ Assemblée et la rapidité de ses premières opérations doivent être attr
2220 en. Bien plus, l’existence même de l’Assemblée et la rapidité de ses premières opérations doivent être attribuées en premi
2221 rations doivent être attribuées en premier lieu à l’ action décisive du Mouvement : Churchill et Spaak n’ont pas manqué de
2222 ouvement : Churchill et Spaak n’ont pas manqué de le souligner, pour s’en féliciter, bien entendu, M. Hugh Dalton, pour s’
2223 ur s’en plaindre (et cette confirmation n’est pas la moins valable). On ne s’en étonnera pas, si l’on sait que les deux ti
2224 as la moins valable). On ne s’en étonnera pas, si l’ on sait que les deux tiers des députés qui siégeaient à Strasbourg app
2225 lable). On ne s’en étonnera pas, si l’on sait que les deux tiers des députés qui siégeaient à Strasbourg appartiennent à no
2226 bourg appartiennent à notre Mouvement et ont pris l’ habitude d’y travailler ensemble. On s’est demandé si ces premiers suc
2227 ante au Mouvement européen, ou s’il devait passer la main à l’Assemblée. C’est peut-être chanter victoire un peu trop tôt.
2228 uvement européen, ou s’il devait passer la main à l’ Assemblée. C’est peut-être chanter victoire un peu trop tôt. Il reste
2229 peu trop tôt. Il reste encore à faire entrer dans la réalité le principal : la Constitution fédérale. Les commissions de l
2230 t. Il reste encore à faire entrer dans la réalité le principal : la Constitution fédérale. Les commissions de l’Assemblée
2231 ore à faire entrer dans la réalité le principal : la Constitution fédérale. Les commissions de l’Assemblée la proposeront,
2232 réalité le principal : la Constitution fédérale. Les commissions de l’Assemblée la proposeront, mais les gouvernements et
2233 al : la Constitution fédérale. Les commissions de l’ Assemblée la proposeront, mais les gouvernements et parlements nationa
2234 titution fédérale. Les commissions de l’Assemblée la proposeront, mais les gouvernements et parlements nationaux en dispos
2235 s commissions de l’Assemblée la proposeront, mais les gouvernements et parlements nationaux en disposeront. Et qui dispose
2236 ont. Et qui dispose de ces divers pouvoirs, sinon l’ opinion générale, qu’il s’agit maintenant d’alerter, d’informer, et de
2237 n poids sur ses élus ? Montrer ce but et préparer les voies reste la mission décisive du Mouvement européen. Car l’essentie
2238 élus ? Montrer ce but et préparer les voies reste la mission décisive du Mouvement européen. Car l’essentiel n’est plus de
2239 te la mission décisive du Mouvement européen. Car l’ essentiel n’est plus de changer le nom de l’Assemblée consultative pou
2240 t européen. Car l’essentiel n’est plus de changer le nom de l’Assemblée consultative pour qu’elle devienne en fait constit
2241 . Car l’essentiel n’est plus de changer le nom de l’ Assemblée consultative pour qu’elle devienne en fait constituante, mai
2242 es vœux et avis soient régulièrement acceptés par les gouvernements et parlements, en attendant le verdict populaire. ⁂ Nou
2243 par les gouvernements et parlements, en attendant le verdict populaire. ⁂ Nous sommes en pleine action, et il est clair qu
2244 leine action, et il est clair qu’il s’est fait de l’ Histoire à Strasbourg, mais nous n’en connaissons encore que le dynami
2245 Strasbourg, mais nous n’en connaissons encore que le dynamisme intérieur. Les résultats pourront être jugés d’ici deux ans
2246 en connaissons encore que le dynamisme intérieur. Les résultats pourront être jugés d’ici deux ans. S’il n’y en a pas à ce
2247 rons plus. Mais ce qui vient de se passer nourrit l’ espoir. L’un des observateurs américains qui assistait aux travaux de
2248 ervateurs américains qui assistait aux travaux de l’ Assemblée, et qui a pu voir notre Mouvement à l’œuvre, s’écriait à Str
2249 e l’Assemblée, et qui a pu voir notre Mouvement à l’ œuvre, s’écriait à Strasbourg : « J’ai été le témoin, ici, de choses s
2250 nt à l’œuvre, s’écriait à Strasbourg : « J’ai été le témoin, ici, de choses stupéfiantes, amazing things for us, Americans
2251 yens “mesurables”, sans organisations “solides” à la yankee, et par la seule action, presque invisible, d’un très petit no
2252 sans organisations “solides” à la yankee, et par la seule action, presque invisible, d’un très petit nombre d’hommes qui
2253 s qui ont su voir juste… » Il venait de découvrir l’ Europe, ses limitations, son génie. f. Rougemont Denis de, « Découv
2254 génie. f. Rougemont Denis de, « Découverte de l’ Europe », La Revue de Paris, Paris, octobre 1949, p. 147-151.
2255 Rougemont Denis de, « Découverte de l’Europe », La Revue de Paris, Paris, octobre 1949, p. 147-151.
6 1950, La Revue de Paris, articles (1937–1969). L’Europe et sa culture (novembre 1950)
2256 L’ Europe et sa culture (novembre 1950)g Ce titre appelle deux séries
2257 0)g Ce titre appelle deux séries d’objections, les unes portant sur le mot Europe, les autres sur le mot culture ; et ce
2258 le deux séries d’objections, les unes portant sur le mot Europe, les autres sur le mot culture ; et ce n’est pas tout : le
2259 d’objections, les unes portant sur le mot Europe, les autres sur le mot culture ; et ce n’est pas tout : les mots « et sa »
2260 es unes portant sur le mot Europe, les autres sur le mot culture ; et ce n’est pas tout : les mots « et sa », qui les unis
2261 utres sur le mot culture ; et ce n’est pas tout : les mots « et sa », qui les unissent, ne vont pas de soi, dira-t-on… Cert
2262  ; et ce n’est pas tout : les mots « et sa », qui les unissent, ne vont pas de soi, dira-t-on… Certes, on peut ergoter à l’
2263 pas de soi, dira-t-on… Certes, on peut ergoter à l’ infini sur les termes d’Europe et de culture. Où commencent, où finiss
2264 dira-t-on… Certes, on peut ergoter à l’infini sur les termes d’Europe et de culture. Où commencent, où finissent ces deux r
2265 , où finissent ces deux réalités ? À la fois dans l’ espace et dans le temps, elles sont mouvantes et complexes. (Ce qui pe
2266 s deux réalités ? À la fois dans l’espace et dans le temps, elles sont mouvantes et complexes. (Ce qui peut signifier d’ai
2267 apparaissent, surtout, liées de telle manière que l’ on ne peut définir l’une sans supposer l’existence de l’autre. Le prem
2268 ière que l’on ne peut définir l’une sans supposer l’ existence de l’autre. Le premier caractère permanent de l’Europe est d
2269 nce de l’autre. Le premier caractère permanent de l’ Europe est de nature géographique : l’Europe est une presqu’île de l’A
2270 ermanent de l’Europe est de nature géographique : l’ Europe est une presqu’île de l’Asie. Second caractère permanent : elle
2271 ure géographique : l’Europe est une presqu’île de l’ Asie. Second caractère permanent : elle est nettement divisée en compa
2272 s fleuves, nettement délimitée de trois côtés par les mers et par l’Océan. Elle rappelle une Grèce agrandie. Mais voici le
2273 ment délimitée de trois côtés par les mers et par l’ Océan. Elle rappelle une Grèce agrandie. Mais voici le caractère probl
2274 éan. Elle rappelle une Grèce agrandie. Mais voici le caractère problématique de cette presqu’île : de même que la Grèce n’
2275 e problématique de cette presqu’île : de même que la Grèce n’a pas de frontière bien marquée vers le nord, l’Europe s’ouvr
2276 e la Grèce n’a pas de frontière bien marquée vers le nord, l’Europe s’ouvre vers l’est par des plaines indéfinies. Ce n’es
2277 e n’a pas de frontière bien marquée vers le nord, l’ Europe s’ouvre vers l’est par des plaines indéfinies. Ce n’est pas un
2278 bien marquée vers le nord, l’Europe s’ouvre vers l’ est par des plaines indéfinies. Ce n’est pas un fait géographique qui
2279 un fait géographique qui marque ses limites vers l’ Asie, mais seulement un fait historique, un rapport de forces humaines
2280 n fait historique, un rapport de forces humaines. La frontière de l’Est sera donc toujours mouvante. Et c’est dans l’affro
2281 e, un rapport de forces humaines. La frontière de l’ Est sera donc toujours mouvante. Et c’est dans l’affrontement perpétue
2282 l’Est sera donc toujours mouvante. Et c’est dans l’ affrontement perpétuel avec l’Asie, dans l’effort pour s’en distinguer
2283 ante. Et c’est dans l’affrontement perpétuel avec l’ Asie, dans l’effort pour s’en distinguer, pour résister à la réabsorpt
2284 t dans l’affrontement perpétuel avec l’Asie, dans l’ effort pour s’en distinguer, pour résister à la réabsorption dans la g
2285 ns l’effort pour s’en distinguer, pour résister à la réabsorption dans la grande mère, que la petite Europe, au cours des
2286 distinguer, pour résister à la réabsorption dans la grande mère, que la petite Europe, au cours des siècles, a pris consc
2287 sister à la réabsorption dans la grande mère, que la petite Europe, au cours des siècles, a pris conscience d’elle-même et
2288 d’elle-même et de son unité. Marathon, Salamine, la défense du limes romain, les champs Catalauniques, les croisades, Nic
2289 . Marathon, Salamine, la défense du limes romain, les champs Catalauniques, les croisades, Nicopolis, Lépante… Noms prestig
2290 éfense du limes romain, les champs Catalauniques, les croisades, Nicopolis, Lépante… Noms prestigieux ! Aujourd’hui, la gue
2291 copolis, Lépante… Noms prestigieux ! Aujourd’hui, la guerre froide, le rideau de fer. Relevons que les poussées de l’Asie
2292 Noms prestigieux ! Aujourd’hui, la guerre froide, le rideau de fer. Relevons que les poussées de l’Asie par l’est ont été
2293 la guerre froide, le rideau de fer. Relevons que les poussées de l’Asie par l’est ont été suivies généralement de périodes
2294 e, le rideau de fer. Relevons que les poussées de l’ Asie par l’est ont été suivies généralement de périodes sombres, d’épu
2295 u de fer. Relevons que les poussées de l’Asie par l’ est ont été suivies généralement de périodes sombres, d’épuisement ou
2296 mbres, d’épuisement ou de destruction, tandis que les poussées venues du Proche-Orient par la Méditerranée, l’Italie ou l’A
2297 ndis que les poussées venues du Proche-Orient par la Méditerranée, l’Italie ou l’Afrique ont été assimilées et ont fécondé
2298 sées venues du Proche-Orient par la Méditerranée, l’ Italie ou l’Afrique ont été assimilées et ont fécondé nos civilisation
2299 du Proche-Orient par la Méditerranée, l’Italie ou l’ Afrique ont été assimilées et ont fécondé nos civilisations. Au fait g
2300 écondé nos civilisations. Au fait géographique de la division de l’Europe en compartiments relativement isolés, il faut ra
2301 lisations. Au fait géographique de la division de l’ Europe en compartiments relativement isolés, il faut rattacher les div
2302 partiments relativement isolés, il faut rattacher les diversités nationales, dont nous avons tiré si grand parti avant que
2303 es, dont nous avons tiré si grand parti avant que le phénomène de l’étatisme ne les sclérose et ne les rende névrotiques o
2304 ons tiré si grand parti avant que le phénomène de l’ étatisme ne les sclérose et ne les rende névrotiques ou même criminell
2305 and parti avant que le phénomène de l’étatisme ne les sclérose et ne les rende névrotiques ou même criminelles. Enfin, au f
2306 le phénomène de l’étatisme ne les sclérose et ne les rende névrotiques ou même criminelles. Enfin, au fait géographique du
2307 e des côtes par plusieurs mers, il faut rattacher les approches différentes du monde par les Espagnols et Portugais, les Sc
2308 rattacher les approches différentes du monde par les Espagnols et Portugais, les Scandinaves, les Anglais, les Hollandais,
2309 férentes du monde par les Espagnols et Portugais, les Scandinaves, les Anglais, les Hollandais, les Français, et les divers
2310 par les Espagnols et Portugais, les Scandinaves, les Anglais, les Hollandais, les Français, et les diverses formes qu’a re
2311 gnols et Portugais, les Scandinaves, les Anglais, les Hollandais, les Français, et les diverses formes qu’a revêtues l’impé
2312 is, les Scandinaves, les Anglais, les Hollandais, les Français, et les diverses formes qu’a revêtues l’impérialisme europée
2313 es, les Anglais, les Hollandais, les Français, et les diverses formes qu’a revêtues l’impérialisme européen au cours des âg
2314 es Français, et les diverses formes qu’a revêtues l’ impérialisme européen au cours des âges. La part des déterminations ph
2315 vêtues l’impérialisme européen au cours des âges. La part des déterminations physiques ainsi marquée, nous nous trouvons d
2316 concentrer sa réflexion vitale. C’est un fait que la péninsule Europe ne représente qu’à peine 5 % des terres de la planèt
2317 Europe ne représente qu’à peine 5 % des terres de la planète. D’où vient alors qu’elle ait dominé le monde entier pendant
2318 e la planète. D’où vient alors qu’elle ait dominé le monde entier pendant des siècles ? À l’origine de toute espèce de dyn
2319 it dominé le monde entier pendant des siècles ? À l’ origine de toute espèce de dynamisme, il y a une tension. À l’origine
2320 toute espèce de dynamisme, il y a une tension. À l’ origine de la puissance européenne, cas tout à fait exceptionnel de dy
2321 de dynamisme, il y a une tension. À l’origine de la puissance européenne, cas tout à fait exceptionnel de dynamisme colle
2322 r ici autre chose que ce que tout le monde sait : la tension fondamentale du monde occidental est, à l’origine, ternaire e
2323 a tension fondamentale du monde occidental est, à l’ origine, ternaire et non pas bipolaire, de même que la théologie de l’
2324 igine, ternaire et non pas bipolaire, de même que la théologie de l’Occident n’est pas dualiste, mais trinitaire. Et de fa
2325 et non pas bipolaire, de même que la théologie de l’ Occident n’est pas dualiste, mais trinitaire. Et de fait, l’Europe n’a
2326 n’est pas dualiste, mais trinitaire. Et de fait, l’ Europe n’a pas pris naissance dans le conflit entre l’Est et l’Ouest,
2327 Et de fait, l’Europe n’a pas pris naissance dans le conflit entre l’Est et l’Ouest, conflit qui lui a seulement donné con
2328 rope n’a pas pris naissance dans le conflit entre l’ Est et l’Ouest, conflit qui lui a seulement donné conscience d’elle-mê
2329 pas pris naissance dans le conflit entre l’Est et l’ Ouest, conflit qui lui a seulement donné conscience d’elle-même une fo
2330 me une fois qu’elle existait déjà, mais bien dans le complexe de tensions entrecroisées dont les trois pôles peuvent être
2331 n dans le complexe de tensions entrecroisées dont les trois pôles peuvent être appelés symboliquement Athènes, Rome et Jéru
2332 uement Athènes, Rome et Jérusalem. Athènes, c’est la découverte de l’individu, de l’homme distingué du troupeau, et prenan
2333 ome et Jérusalem. Athènes, c’est la découverte de l’ individu, de l’homme distingué du troupeau, et prenant mesure de lui-m
2334 m. Athènes, c’est la découverte de l’individu, de l’ homme distingué du troupeau, et prenant mesure de lui-même par une rup
2335 upture libératrice, mais aussi profanatrice, avec le sacré. Rome, c’est la création du citoyen, c’est-à-dire de l’individu
2336 is aussi profanatrice, avec le sacré. Rome, c’est la création du citoyen, c’est-à-dire de l’individu réintégré dans une co
2337 me, c’est la création du citoyen, c’est-à-dire de l’ individu réintégré dans une collectivité d’un nouveau genre, la civita
2338 intégré dans une collectivité d’un nouveau genre, la civitas fondée non plus sur le sacré, mais sur la loi et le contrat.
2339 ’un nouveau genre, la civitas fondée non plus sur le sacré, mais sur la loi et le contrat. Jérusalem enfin, c’est la révél
2340 la civitas fondée non plus sur le sacré, mais sur la loi et le contrat. Jérusalem enfin, c’est la révélation de la personn
2341 fondée non plus sur le sacré, mais sur la loi et le contrat. Jérusalem enfin, c’est la révélation de la personne, c’est-à
2342 sur la loi et le contrat. Jérusalem enfin, c’est la révélation de la personne, c’est-à-dire de la vocation transcendante
2343 contrat. Jérusalem enfin, c’est la révélation de la personne, c’est-à-dire de la vocation transcendante et inconditionnel
2344 est la révélation de la personne, c’est-à-dire de la vocation transcendante et inconditionnelle qui vient donner à chaque
2345 individuelle, de toute classification légale dans la cité, donc de tout rapport de forces, une valeur absolue, non mesurab
2346 de ces trois pôles, il est possible d’interpréter les principales structures dynamiques de l’Occident, les conflits fondame
2347 erpréter les principales structures dynamiques de l’ Occident, les conflits fondamentaux qui les sous-tendent et les grande
2348 principales structures dynamiques de l’Occident, les conflits fondamentaux qui les sous-tendent et les grandes doctrines d
2349 ques de l’Occident, les conflits fondamentaux qui les sous-tendent et les grandes doctrines de l’homme et de la société qui
2350 les conflits fondamentaux qui les sous-tendent et les grandes doctrines de l’homme et de la société qui se sont dégagées pe
2351 qui les sous-tendent et les grandes doctrines de l’ homme et de la société qui se sont dégagées peu à peu de ce complexe,
2352 tendent et les grandes doctrines de l’homme et de la société qui se sont dégagées peu à peu de ce complexe, d’une manière
2353 e complexe, d’une manière comparable à celle dont les grandes hérésies se sont définies à partir de la doctrine trinitaire.
2354 les grandes hérésies se sont définies à partir de la doctrine trinitaire. Après vingt siècles de combinaisons et d’analyse
2355 s, Rome, et Jérusalem, cela s’appelle aujourd’hui l’ individualisme, le collectivisme et le personnalisme. La lutte que se
2356 lem, cela s’appelle aujourd’hui l’individualisme, le collectivisme et le personnalisme. La lutte que se livrent actuelleme
2357 aujourd’hui l’individualisme, le collectivisme et le personnalisme. La lutte que se livrent actuellement ces trois attitud
2358 vidualisme, le collectivisme et le personnalisme. La lutte que se livrent actuellement ces trois attitudes humaines dans l
2359 nt actuellement ces trois attitudes humaines dans le monde, dans la société et jusque dans nos vies privées, cette lutte e
2360 ces trois attitudes humaines dans le monde, dans la société et jusque dans nos vies privées, cette lutte est si violente
2361 entre Athènes, Rome et Jérusalem, il y avait, dès le départ, un drame, ou plutôt trois drames entrecroisés, et leurs combi
2362 tions. Dans ce complexe de drames, constitutif de l’ Occident, nous trouvons le grand secret de l’homme européen : c’est un
2363 drames, constitutif de l’Occident, nous trouvons le grand secret de l’homme européen : c’est un homme dialectique, dialog
2364 f de l’Occident, nous trouvons le grand secret de l’ homme européen : c’est un homme dialectique, dialogique, ne pouvant es
2365 que, dialogique, ne pouvant espérer d’atteindre à l’ équilibre qu’au prix des synthèses les plus difficiles, n’y parvenant
2366 ’atteindre à l’équilibre qu’au prix des synthèses les plus difficiles, n’y parvenant que bien rarement, obligé de redresser
2367 homme donc condamné au choix perpétuel, et donc à la prise de conscience, et donc d’abord à la mise en question de tous le
2368 donc à la prise de conscience, et donc d’abord à la mise en question de tous les résultats et de toutes les valeurs. Or c
2369 ce, et donc d’abord à la mise en question de tous les résultats et de toutes les valeurs. Or ce sont là les conditions par
2370 se en question de tous les résultats et de toutes les valeurs. Or ce sont là les conditions par excellence qui provoquent à
2371 résultats et de toutes les valeurs. Or ce sont là les conditions par excellence qui provoquent à la création. Voilà pourquo
2372 là les conditions par excellence qui provoquent à la création. Voilà pourquoi cet homme européen s’est révélé, au cours du
2373 ateur qu’aucune espèce d’autre homme produite par les familles connues de la planète. Il ne pouvait faire autrement. Je par
2374 ’autre homme produite par les familles connues de la planète. Il ne pouvait faire autrement. Je parle des derniers mille a
2375 es derniers mille ans. Mais comment expliquer que l’ homme du ive siècle, par exemple, en qui s’était déjà formée la synth
2376 siècle, par exemple, en qui s’était déjà formée la synthèse hautement instable et créatrice d’Athènes, de Rome et de Jér
2377 it cependant pas présenté certains des caractères les plus marquants de l’homme du xixe ou du xxe siècle ? Cela ne prouve
2378 nté certains des caractères les plus marquants de l’ homme du xixe ou du xxe siècle ? Cela ne prouve-t-il pas que j’aurai
2379 usalem, ni de leurs combinaisons ? Il y a d’abord le temps. Un dialogue prend du temps. Le temps de contredire, puis parfo
2380 y a d’abord le temps. Un dialogue prend du temps. Le temps de contredire, puis parfois de comprendre, de faire des expérie
2381 omprendre, de faire des expériences et d’en tirer les conclusions. Au cours des temps, mille vérités et mille erreurs, nées
2382 ique, et non pas seulement mécanique. Ainsi, dans le laboratoire européen, certains produits nouveaux ne sont apparus qu’a
2383 que du complexe que je viens de décrire. Ce sont les idées de révolution, de passion et de progrès. Elles sont nées toutes
2384 de passion et de progrès. Elles sont nées toutes les trois de la révélation chrétienne, analysée et déformée dans le prism
2385 t de progrès. Elles sont nées toutes les trois de la révélation chrétienne, analysée et déformée dans le prisme gréco-judé
2386 révélation chrétienne, analysée et déformée dans le prisme gréco-judéo-romain. L’idée de révolution est inconcevable pour
2387 ée et déformée dans le prisme gréco-judéo-romain. L’ idée de révolution est inconcevable pour un Asiatique ou un Noir, s’il
2388 otre civilisation. Car cette idée, en vérité, est la transposition dans le plan collectif de la conversion chrétienne, du
2389 cette idée, en vérité, est la transposition dans le plan collectif de la conversion chrétienne, du changement d’orientati
2390 é, est la transposition dans le plan collectif de la conversion chrétienne, du changement d’orientation fondamental et bru
2391 mains d’institutions, de droit nouveau. De même, la passion en amour est une transposition de la conversion dans le plan
2392 ême, la passion en amour est une transposition de la conversion dans le plan des relations individuelles, nous disons même
2393 amour est une transposition de la conversion dans le plan des relations individuelles, nous disons même individualistes. E
2394 alistes. Elle n’apparaît qu’au xiie siècle, sous l’ influence de l’hérésie manichéenne. Elle suppose la croyance chrétienn
2395 ’apparaît qu’au xiie siècle, sous l’influence de l’ hérésie manichéenne. Elle suppose la croyance chrétienne, personnalist
2396 ’influence de l’hérésie manichéenne. Elle suppose la croyance chrétienne, personnaliste, en la valeur infinie d’un individ
2397 suppose la croyance chrétienne, personnaliste, en la valeur infinie d’un individu élu, unique, irremplaçable. Là où cette
2398 ù cette croyance s’atténue, comme en Amérique (où l’ on pense réellement qu’un homme en vaut un autre), on voit aussitôt la
2399 t qu’un homme en vaut un autre), on voit aussitôt la passion s’atténuer ou disparaître. Enfin, l’idée de progrès est de to
2400 itôt la passion s’atténuer ou disparaître. Enfin, l’ idée de progrès est de toute évidence d’origine évangélique, ou plus e
2401 ve. Ces trois idées-forces, ces trois ressorts de l’ âme occidentale — on en pourrait mentionner d’autres — suffiront à tit
2402 t à titre d’exemples : elles nous font pressentir la nature et les causes d’une capacité spécifique de l’Européen : celle
2403 xemples : elles nous font pressentir la nature et les causes d’une capacité spécifique de l’Européen : celle de transformer
2404 nature et les causes d’une capacité spécifique de l’ Européen : celle de transformer son milieu et ses données matérielles
2405 é de conscience, créativité virulente, passion de la transformation, voilà qui définit l’ambition proprement occidentale,
2406 , passion de la transformation, voilà qui définit l’ ambition proprement occidentale, par contraste avec d’autres civilisat
2407 raste avec d’autres civilisations qui ont cherché le bonheur ou la sagesse, l’ordre statique ou l’immortalité. Cette inqui
2408 utres civilisations qui ont cherché le bonheur ou la sagesse, l’ordre statique ou l’immortalité. Cette inquiétude conscien
2409 sations qui ont cherché le bonheur ou la sagesse, l’ ordre statique ou l’immortalité. Cette inquiétude consciente et créatr
2410 ché le bonheur ou la sagesse, l’ordre statique ou l’ immortalité. Cette inquiétude consciente et créatrice, je l’appellerai
2411 ité. Cette inquiétude consciente et créatrice, je l’ appellerai tout simplement : notre culture. Certes, on peut définir la
2412 mplement : notre culture. Certes, on peut définir la culture tout autrement : comme l’ensemble des disciplines intellectue
2413 on peut définir la culture tout autrement : comme l’ ensemble des disciplines intellectuelles, sociales, artistiques et rel
2414 es et religieuses d’une société donnée ; ou comme l’ ensemble des procédés de création, et leur transmission ; ou encore co
2415 sion ; ou encore comme une prise de conscience de la vie, comme une extension progressive de la maîtrise de l’homme sur lu
2416 nce de la vie, comme une extension progressive de la maîtrise de l’homme sur lui-même et le monde… Toutes ces définitions,
2417 comme une extension progressive de la maîtrise de l’ homme sur lui-même et le monde… Toutes ces définitions, et vingt autre
2418 ressive de la maîtrise de l’homme sur lui-même et le monde… Toutes ces définitions, et vingt autres possibles, sont à la f
2419 bale et d’une constatation simple mais décisive : la culture occidentale, c’est ce qui a fait de l’Europe autre chose que
2420  : la culture occidentale, c’est ce qui a fait de l’ Europe autre chose que ce qu’elle est physiquement, autre chose qu’un
2421 e chose qu’un petit cap de l’Asie, pour reprendre le mot fameux de Valéry, — le cœur et le cerveau du monde moderne. À tou
2422 l’Asie, pour reprendre le mot fameux de Valéry, —  le cœur et le cerveau du monde moderne. À toutes fins utiles, nous savon
2423 r reprendre le mot fameux de Valéry, — le cœur et le cerveau du monde moderne. À toutes fins utiles, nous savons assez bie
2424 bien de quoi nous parlons, quand nous parlons de l’ Europe ou de la culture. Notre tâche est moins, aujourd’hui, de les dé
2425 ous parlons, quand nous parlons de l’Europe ou de la culture. Notre tâche est moins, aujourd’hui, de les définir que de le
2426 a culture. Notre tâche est moins, aujourd’hui, de les définir que de les sauver. Aussi bien n’ai-je voulu mentionner certai
2427 che est moins, aujourd’hui, de les définir que de les sauver. Aussi bien n’ai-je voulu mentionner certaines données fondame
2428 ntionner certaines données fondamentales que dans la mesure où ce rappel m’a paru nécessaire pour informer et guider une a
2429 Essayons de saisir maintenant ces deux réalités, l’ Europe et la culture, dans leur drame immédiat à nos vies. L’Europe d’
2430 saisir maintenant ces deux réalités, l’Europe et la culture, dans leur drame immédiat à nos vies. L’Europe d’abord. Naguè
2431 la culture, dans leur drame immédiat à nos vies. L’ Europe d’abord. Naguère encore reine de la terre, jusque vers 1914, et
2432 s vies. L’Europe d’abord. Naguère encore reine de la terre, jusque vers 1914, et même jusqu’au dernier conflit, l’Europe s
2433 sque vers 1914, et même jusqu’au dernier conflit, l’ Europe s’est vue brusquement détrônée, il y a cinq ans, en même temps
2434 e avait représenté un quart, puis un cinquième de la population du globe. Elle n’en sera dans cinquante ans plus qu’un dix
2435 qu’elle voit très bien, c’est qu’elle n’est plus le centre du monde, sur le plan de la puissance politique. Elle se sent
2436 lle n’est plus le centre du monde, sur le plan de la puissance politique. Elle se sent « mise à pied » par l’Histoire, au
2437 sance politique. Elle se sent « mise à pied » par l’ Histoire, au profit de deux empires neufs qui menacent d’engager une g
2438 et à ses dépens. Poussière de petits États, dont les plus populeux ne sauraient plus prétendre un seul instant être à l’éc
2439 e sauraient plus prétendre un seul instant être à l’ échelle des réalités modernes ; encombrée de frontières intérieures ;
2440 sa vieille astuce politique en rivalités locales, l’ Europe n’offre plus aux empires américain et russe qu’un de ces vides
2441 mpires américain et russe qu’un de ces vides dont l’ Histoire n’a pas moins horreur que la Nature. De plus, elle se voit am
2442 s vides dont l’Histoire n’a pas moins horreur que la Nature. De plus, elle se voit amputée, pour le moment, d’un quart de
2443 ue la Nature. De plus, elle se voit amputée, pour le moment, d’un quart de sa population à l’Est, et de la péninsule ibéri
2444 ée, pour le moment, d’un quart de sa population à l’ Est, et de la péninsule ibérique à l’Ouest. Le reste ne vit encore qu’
2445 oment, d’un quart de sa population à l’Est, et de la péninsule ibérique à l’Ouest. Le reste ne vit encore qu’en vertu de l
2446 population à l’Est, et de la péninsule ibérique à l’ Ouest. Le reste ne vit encore qu’en vertu de l’aide intelligente que l
2447 n à l’Est, et de la péninsule ibérique à l’Ouest. Le reste ne vit encore qu’en vertu de l’aide intelligente que lui donne
2448 à l’Ouest. Le reste ne vit encore qu’en vertu de l’ aide intelligente que lui donne un des deux empires neufs, aide qui do
2449 ose parmi nous d’un corps d’occupation anticipée. La crise économique est imminente. La crise sociale est endémique. Au po
2450 ion anticipée. La crise économique est imminente. La crise sociale est endémique. Au point de vue de la puissance matériel
2451 a crise sociale est endémique. Au point de vue de la puissance matérielle, rappelons que l’Amérique consacre cette année a
2452 de vue de la puissance matérielle, rappelons que l’ Amérique consacre cette année au développement de la recherche atomiqu
2453 Amérique consacre cette année au développement de la recherche atomique 5 milliards de dollars, tandis que le crédit corre
2454 erche atomique 5 milliards de dollars, tandis que le crédit correspondant en France atteint à peine 1/400e de cette somme.
2455 en France atteint à peine 1/400e de cette somme. L’ idée de progrès a émigré ; elle est devenue américaine et russe. Mais
2456 déjà au drame de notre culture. D’une part, dans les pays totalitaires qui sont à nos portes et qui ont chez nous leurs ré
2457 nos portes et qui ont chez nous leurs répondants, la liberté fondamentale de la culture, son pouvoir de mettre en question
2458 nous leurs répondants, la liberté fondamentale de la culture, son pouvoir de mettre en question les valeurs régnantes et l
2459 de la culture, son pouvoir de mettre en question les valeurs régnantes et les activités officielles, se voit niée, punie,
2460 ir de mettre en question les valeurs régnantes et les activités officielles, se voit niée, punie, qualifiée d’immorale. Mai
2461 laisse est devenue presque vide et sans effets. À l’ Est, nous voyons se former une véritable culture censoriale. Le critèr
2462 oyons se former une véritable culture censoriale. Le critère politique est seul admis. Et l’on s’y réfère avec une rigueur
2463 nsoriale. Le critère politique est seul admis. Et l’ on s’y réfère avec une rigueur telle que le style même d’un écrivain o
2464 is. Et l’on s’y réfère avec une rigueur telle que le style même d’un écrivain ou d’un peintre peut être attaqué par les fo
2465 un écrivain ou d’un peintre peut être attaqué par les fonctionnaires de l’État et qualifié de sabotage. La censure politiqu
2466 intre peut être attaqué par les fonctionnaires de l’ État et qualifié de sabotage. La censure politique est si parfaitement
2467 fonctionnaires de l’État et qualifié de sabotage. La censure politique est si parfaitement préventive qu’elle peut s’offri
2468 si parfaitement préventive qu’elle peut s’offrir le luxe de disparaître en tant qu’activité distincte de répression. Elle
2469 affirmer, récemment, que dans un État communiste la censure au sens courant du mot n’existe pas ; car toute censure suppo
2470 oute censure suppose une certaine indépendance de la production intellectuelle ou des sources d’information ; or cette ind
2471  ; or cette indépendance est exclue à priori dans les démocraties dites populaires. Cependant, qu’en est-il chez nous de la
2472 populaires. Cependant, qu’en est-il chez nous de la liberté et de la censure ? Allons tout de suite à un exemple extrême,
2473 ndant, qu’en est-il chez nous de la liberté et de la censure ? Allons tout de suite à un exemple extrême, et heureusement
2474 y a quelques mois, M. Jean Thibaud, directeur de l’ Institut français de physique atomique : « Dans le domaine de la physi
2475 l’Institut français de physique atomique : « Dans le domaine de la physique, des résultats d’une incroyable portée intelle
2476 nçais de physique atomique : « Dans le domaine de la physique, des résultats d’une incroyable portée intellectuelle sont a
2477 tenus secrets et ne donnent pas lieu, comme avant la guerre, à des communications de portée internationale. Il y a loin de
2478 ications de portée internationale. Il y a loin de la situation présente à celle d’il y a dix ans, où certaines découvertes
2479 découvertes étaient annoncées par télégramme dans les périodiques à diffusion mondiale… » L’État fait peser sur les recherc
2480 amme dans les périodiques à diffusion mondiale… » L’ État fait peser sur les recherches de la physique nucléaire un lourd c
2481 ues à diffusion mondiale… » L’État fait peser sur les recherches de la physique nucléaire un lourd contrôle et « des suspic
2482 ndiale… » L’État fait peser sur les recherches de la physique nucléaire un lourd contrôle et « des suspicions quasi polici
2483 licières », qui tendent à subordonner entièrement le savant à des exigences politiques et militaires. Cet exemple des rech
2484 ne un inquiétant avertissement, il suggère que si la culture reste encore libre en Occident, c’est peut-être dans la mesur
2485 te encore libre en Occident, c’est peut-être dans la mesure où les pouvoirs ne la prennent pas au sérieux, ne lui attribue
2486 re en Occident, c’est peut-être dans la mesure où les pouvoirs ne la prennent pas au sérieux, ne lui attribuent aucune « ut
2487 c’est peut-être dans la mesure où les pouvoirs ne la prennent pas au sérieux, ne lui attribuent aucune « utilité pratique 
2488 révèle « pratiquement utilisable » au service de la politique, comme c’est le cas de la physique nucléaire, ceux qui s’y
2489 lisable » au service de la politique, comme c’est le cas de la physique nucléaire, ceux qui s’y livrent sont aussitôt priv
2490 au service de la politique, comme c’est le cas de la physique nucléaire, ceux qui s’y livrent sont aussitôt privés des lib
2491 change et de publication. D’une manière générale, la condition de la culture, dans nos pays, a subi de profondes transform
2492 lication. D’une manière générale, la condition de la culture, dans nos pays, a subi de profondes transformations pendant l
2493 pays, a subi de profondes transformations pendant l’ ère des nationalismes et de la souveraineté sans limites de l’État. Cr
2494 sformations pendant l’ère des nationalismes et de la souveraineté sans limites de l’État. Créatrice des richesses, de la p
2495 tionalismes et de la souveraineté sans limites de l’ État. Créatrice des richesses, de la puissance et du prestige mondial
2496 ns limites de l’État. Créatrice des richesses, de la puissance et du prestige mondial de l’Europe, on pourrait croire qu’e
2497 hesses, de la puissance et du prestige mondial de l’ Europe, on pourrait croire qu’elle n’est plus aujourd’hui qu’un append
2498 t de techniques ésotériques qui ne concernent pas l’ homme de la rue, ni l’industriel ou le banquier. Jadis centrale, la si
2499 ques ésotériques qui ne concernent pas l’homme de la rue, ni l’industriel ou le banquier. Jadis centrale, la situation de
2500 iques qui ne concernent pas l’homme de la rue, ni l’ industriel ou le banquier. Jadis centrale, la situation de la culture
2501 cernent pas l’homme de la rue, ni l’industriel ou le banquier. Jadis centrale, la situation de la culture est devenue péri
2502 , ni l’industriel ou le banquier. Jadis centrale, la situation de la culture est devenue périphérique. Comment expliquer a
2503 l ou le banquier. Jadis centrale, la situation de la culture est devenue périphérique. Comment expliquer autrement qu’il s
2504 qu’il soit admis sans question, de nos jours, que l’ esprit subordonne ses intérêts à ceux de l’économie, de la politique,
2505 s, que l’esprit subordonne ses intérêts à ceux de l’ économie, de la politique, ou de la défense nationale ? Et que personn
2506 subordonne ses intérêts à ceux de l’économie, de la politique, ou de la défense nationale ? Et que personne ne s’avise de
2507 rêts à ceux de l’économie, de la politique, ou de la défense nationale ? Et que personne ne s’avise de soutenir qu’il faud
2508 hiérarchie ? Rendue matériellement dépendante de l’ État, plus qu’elle ne le fut jamais du mécénat privé, notre culture se
2509 ériellement dépendante de l’État, plus qu’elle ne le fut jamais du mécénat privé, notre culture se voit contrainte d’obéir
2510 r à des « nécessités » qui lui sont étrangères et la dégradent. Elle perd ainsi sa fonction directrice. Et la séparation s
2511 adent. Elle perd ainsi sa fonction directrice. Et la séparation s’aggrave entre la pensée et l’action, entre une pensée qu
2512 tion directrice. Et la séparation s’aggrave entre la pensée et l’action, entre une pensée qui accepte d’être inefficace, e
2513 ce. Et la séparation s’aggrave entre la pensée et l’ action, entre une pensée qui accepte d’être inefficace, et une action
2514 urtes vues, privée de cohérence profonde. Tel est le mal profond dont souffre l’Occident. À l’inverse, les régimes totalit
2515 nce profonde. Tel est le mal profond dont souffre l’ Occident. À l’inverse, les régimes totalitaires de l’Est ont si bien v
2516 Tel est le mal profond dont souffre l’Occident. À l’ inverse, les régimes totalitaires de l’Est ont si bien vu l’importance
2517 mal profond dont souffre l’Occident. À l’inverse, les régimes totalitaires de l’Est ont si bien vu l’importance primordiale
2518 ccident. À l’inverse, les régimes totalitaires de l’ Est ont si bien vu l’importance primordiale de la culture qu’ils l’ont
2519 les régimes totalitaires de l’Est ont si bien vu l’ importance primordiale de la culture qu’ils l’ont immédiatement étatis
2520 l’Est ont si bien vu l’importance primordiale de la culture qu’ils l’ont immédiatement étatisée. Ils lui ont rendu offici
2521 vu l’importance primordiale de la culture qu’ils l’ ont immédiatement étatisée. Ils lui ont rendu officiellement sa place
2522 nt rendu officiellement sa place centrale, et ils l’ y tiennent emprisonnée. Elle est reine de nouveau, mais elle ne reconn
2523 ix proférant des aveux spontanés, criant sur tous les modes l’éloge de ses bourreaux : elle est devenue la Propagande. Les
2524 nt des aveux spontanés, criant sur tous les modes l’ éloge de ses bourreaux : elle est devenue la Propagande. Les condition
2525 modes l’éloge de ses bourreaux : elle est devenue la Propagande. Les conditions morales de la vie de l’esprit au xxe sièc
2526 e ses bourreaux : elle est devenue la Propagande. Les conditions morales de la vie de l’esprit au xxe siècle, se résument
2527 devenue la Propagande. Les conditions morales de la vie de l’esprit au xxe siècle, se résument donc dans le paradoxe sui
2528 a Propagande. Les conditions morales de la vie de l’ esprit au xxe siècle, se résument donc dans le paradoxe suivant : ceu
2529 de l’esprit au xxe siècle, se résument donc dans le paradoxe suivant : ceux qui laissent la culture en liberté, à l’Ouest
2530 donc dans le paradoxe suivant : ceux qui laissent la culture en liberté, à l’Ouest, en font peu de cas pratiquement ; et c
2531 vant : ceux qui laissent la culture en liberté, à l’ Ouest, en font peu de cas pratiquement ; et ceux qui, à l’Est, lui rec
2532 en font peu de cas pratiquement ; et ceux qui, à l’ Est, lui reconnaissent un rôle central, la dénaturent et l’asservissen
2533 qui, à l’Est, lui reconnaissent un rôle central, la dénaturent et l’asservissent. Or, il est évident que ces conditions s
2534 i reconnaissent un rôle central, la dénaturent et l’ asservissent. Or, il est évident que ces conditions sont particulièrem
2535 ces conditions sont particulièrement graves pour l’ Europe, puisqu’elles brisent dans un cas et, dans l’autre, détendent l
2536 s brisent dans un cas et, dans l’autre, détendent les ressorts de la créativité qui était depuis des siècles la vraie cause
2537 n cas et, dans l’autre, détendent les ressorts de la créativité qui était depuis des siècles la vraie cause de notre puiss
2538 rts de la créativité qui était depuis des siècles la vraie cause de notre puissance et donc de notre indépendance. De plus
2539 ssance et donc de notre indépendance. De plus, si la culture accepte d’être privée théoriquement et pratiquement de la pri
2540 te d’être privée théoriquement et pratiquement de la primauté dans nos vies nationales, soit qu’elle se laisse subordonner
2541 ité, et d’un rôle de produit de luxe, alors c’est le sens même de notre civilisation occidentale qui se trouve dénaturé. C
2542 ilisation occidentale qui se trouve dénaturé. Car l’ Europe existait réellement là où toutes les valeurs que symbolise le m
2543 ré. Car l’Europe existait réellement là où toutes les valeurs que symbolise le mot culture représentaient des fins en soi ;
2544 réellement là où toutes les valeurs que symbolise le mot culture représentaient des fins en soi ; là où toutes les activit
2545 ure représentaient des fins en soi ; là où toutes les activités, et les richesses, et les révoltes, et l’invention, trouvai
2546 des fins en soi ; là où toutes les activités, et les richesses, et les révoltes, et l’invention, trouvaient leur justifica
2547 là où toutes les activités, et les richesses, et les révoltes, et l’invention, trouvaient leur justification finale dans l
2548 activités, et les richesses, et les révoltes, et l’ invention, trouvaient leur justification finale dans le développement
2549 ention, trouvaient leur justification finale dans le développement de la personne humaine, dans le libre exercice des voca
2550 eur justification finale dans le développement de la personne humaine, dans le libre exercice des vocations ; là enfin où
2551 ans le développement de la personne humaine, dans le libre exercice des vocations ; là enfin où cette phrase de l’Évangile
2552 rcice des vocations ; là enfin où cette phrase de l’ Évangile rendait le son le plus authentique : « Que servirait à un hom
2553  ; là enfin où cette phrase de l’Évangile rendait le son le plus authentique : « Que servirait à un homme de gagner le mon
2554 nfin où cette phrase de l’Évangile rendait le son le plus authentique : « Que servirait à un homme de gagner le monde, s’i
2555 uthentique : « Que servirait à un homme de gagner le monde, s’il perdait son âme ? » ⁂ J’admets ici, comme hypothèse de ba
2556 s ici, comme hypothèse de base, qu’il faut sauver l’ Europe et sauver la culture. Si je pensais, comme certains, qu’il est
2557 èse de base, qu’il faut sauver l’Europe et sauver la culture. Si je pensais, comme certains, qu’il est trop tard, je me ta
2558 erais Américain. Mais il est impossible de sauver l’ Europe si l’on ne sauve pas en même temps sa culture ; ou de sauver la
2559 ain. Mais il est impossible de sauver l’Europe si l’ on ne sauve pas en même temps sa culture ; ou de sauver la culture occ
2560 sauve pas en même temps sa culture ; ou de sauver la culture occidentale si l’on ne sauve pas en même temps sa patrie. Rie
2561 culture ; ou de sauver la culture occidentale si l’ on ne sauve pas en même temps sa patrie. Rien ne sert de faire durer,
2562 patrie. Rien ne sert de faire durer, de conserver la créature, si l’on tarit les sources de sa recréation perpétuelle. Et
2563 sert de faire durer, de conserver la créature, si l’ on tarit les sources de sa recréation perpétuelle. Et rien ne sert non
2564 re durer, de conserver la créature, si l’on tarit les sources de sa recréation perpétuelle. Et rien ne sert non plus d’entr
2565 erpétuelle. Et rien ne sert non plus d’entretenir le désir créateur, si on le prive des possibilités de s’accomplir dans u
2566 rt non plus d’entretenir le désir créateur, si on le prive des possibilités de s’accomplir dans une libre communauté. Si l
2567 ités de s’accomplir dans une libre communauté. Si l’ Europe est réduite à l’impuissance politique, si elle est colonisée pa
2568 s une libre communauté. Si l’Europe est réduite à l’ impuissance politique, si elle est colonisée par l’Amérique — ce qu’el
2569 ’impuissance politique, si elle est colonisée par l’ Amérique — ce qu’elle désire parfois — ou envahie par la Russie, certa
2570 ique — ce qu’elle désire parfois — ou envahie par la Russie, certains pensent que notre culture serait alors notre dernier
2571 erait alors notre dernier refuge, qu’on ferait de l’ Europe un musée dans les ruines, pour l’agrément des millionnaires cur
2572 er refuge, qu’on ferait de l’Europe un musée dans les ruines, pour l’agrément des millionnaires curieux, ou l’édification m
2573 ferait de l’Europe un musée dans les ruines, pour l’ agrément des millionnaires curieux, ou l’édification méfiante des stak
2574 es, pour l’agrément des millionnaires curieux, ou l’ édification méfiante des stakhanovistes en troupeaux. Mais un musée, c
2575 stes en troupeaux. Mais un musée, ce n’est pas de la culture. Je ne vois pas d’exemple historique d’une culture qui ait en
2576 créé dans une nation privée de son indépendance. L’ Europe est encore le foyer de la civilisation occidentale, la seule qu
2577 n privée de son indépendance. L’Europe est encore le foyer de la civilisation occidentale, la seule qui ait su couvrir tou
2578 son indépendance. L’Europe est encore le foyer de la civilisation occidentale, la seule qui ait su couvrir toute la planèt
2579 t encore le foyer de la civilisation occidentale, la seule qui ait su couvrir toute la planète. Mais ce foyer fatalement s
2580 on occidentale, la seule qui ait su couvrir toute la planète. Mais ce foyer fatalement s’éteindra si la puissance doit nou
2581 a planète. Mais ce foyer fatalement s’éteindra si la puissance doit nous être interdite, car la puissance est mère des uto
2582 dra si la puissance doit nous être interdite, car la puissance est mère des utopies exaltées, de la confiance en soi, du g
2583 ar la puissance est mère des utopies exaltées, de la confiance en soi, du gaspillage des forces, et aussi du sens de la me
2584 oi, du gaspillage des forces, et aussi du sens de la mesure, toutes choses sans lesquelles on ne crée rien de grand. La pe
2585 choses sans lesquelles on ne crée rien de grand. La peinture ne se fait pas dans les musées, mais dans les villes où exis
2586 ée rien de grand. La peinture ne se fait pas dans les musées, mais dans les villes où existe un marché ; la littérature ne
2587 einture ne se fait pas dans les musées, mais dans les villes où existe un marché ; la littérature ne se crée pas dans les u
2588 usées, mais dans les villes où existe un marché ; la littérature ne se crée pas dans les universités et les bibliothèques,
2589 te un marché ; la littérature ne se crée pas dans les universités et les bibliothèques, mais dans le champ libre des passio
2590 ittérature ne se crée pas dans les universités et les bibliothèques, mais dans le champ libre des passions ; la philosophie
2591 s les universités et les bibliothèques, mais dans le champ libre des passions ; la philosophie dépérit dans une société qu
2592 othèques, mais dans le champ libre des passions ; la philosophie dépérit dans une société qui ne risque ou ne conçoit plus
2593 qui ne risque ou ne conçoit plus d’aventure ; et la science s’arrête quand l’audace est un crime. Si l’Europe disparaît d
2594 it plus d’aventure ; et la science s’arrête quand l’ audace est un crime. Si l’Europe disparaît du jeu des forces mondiales
2595 science s’arrête quand l’audace est un crime. Si l’ Europe disparaît du jeu des forces mondiales, personne ne pourra rempl
2596 d’une civilisation qui avait su remplacer toutes les autres. Le secret de ses mesures vivantes sera perdu. Mais en retour,
2597 isation qui avait su remplacer toutes les autres. Le secret de ses mesures vivantes sera perdu. Mais en retour, sans une c
2598 Mais en retour, sans une culture active rendue à l’ efficacité, l’Europe ne peut recouvrer la puissance. Elle sera peut-êt
2599 r, sans une culture active rendue à l’efficacité, l’ Europe ne peut recouvrer la puissance. Elle sera peut-être unie, c’est
2600 rendue à l’efficacité, l’Europe ne peut recouvrer la puissance. Elle sera peut-être unie, c’est même plus que probable, pa
2601 peut-être unie, c’est même plus que probable, par les soins d’experts étrangers ou d’une police qui a fait ses preuves aill
2602 a fait ses preuves ailleurs. Mais elle aura perdu le ressort de son pouvoir transformateur du monde, ce pouvoir qui avait
2603 ur à partir d’un médiocre destin. Que servirait à l’ Europe de recevoir une unité, si ce n’était pas celle de son choix ? E
2604 r elle-même ? Son destin et non plus sa liberté ? L’ Europe sans sa culture, réduite à ce qu’elle est, ne serait plus qu’un
2605 elle est, ne serait plus qu’un cap de l’Asie — et l’ Asie n’a jamais passé pour la terre de la liberté. Certes, on peut dis
2606 n cap de l’Asie — et l’Asie n’a jamais passé pour la terre de la liberté. Certes, on peut disputer sur les concepts, mais
2607 sie — et l’Asie n’a jamais passé pour la terre de la liberté. Certes, on peut disputer sur les concepts, mais je parle de
2608 terre de la liberté. Certes, on peut disputer sur les concepts, mais je parle de réalités : l’Europe et la culture universe
2609 ter sur les concepts, mais je parle de réalités : l’ Europe et la culture universelle qu’elle a produite sont deux réalités
2610 concepts, mais je parle de réalités : l’Europe et la culture universelle qu’elle a produite sont deux réalités coextensive
2611 uvement, au milieu de notre siècle ? Va-t-il vers la renaissance ou vers la décadence ? Je crois que la sublime réponse à
2612 otre siècle ? Va-t-il vers la renaissance ou vers la décadence ? Je crois que la sublime réponse à la question des lendema
2613 a renaissance ou vers la décadence ? Je crois que la sublime réponse à la question des lendemains nous a été donnée une fo
2614 la décadence ? Je crois que la sublime réponse à la question des lendemains nous a été donnée une fois pour toutes par la
2615 emains nous a été donnée une fois pour toutes par la sentinelle d’Isaïe : « Le matin vient, et la nuit aussi ! » Cette fin
2616 ne fois pour toutes par la sentinelle d’Isaïe : «  Le matin vient, et la nuit aussi ! » Cette fin de non-recevoir, lyrique
2617 par la sentinelle d’Isaïe : « Le matin vient, et la nuit aussi ! » Cette fin de non-recevoir, lyrique et ironique, nous r
2618 faire me paraît être ici d’apprécier tout d’abord l’ état de nos forces, en vue d’agir. Entre les deux colosses russe et am
2619 ’abord l’état de nos forces, en vue d’agir. Entre les deux colosses russe et américain, l’Europe qui vient de perdre la gue
2620 agir. Entre les deux colosses russe et américain, l’ Europe qui vient de perdre la guerre fait actuellement ce qu’on appell
2621 russe et américain, l’Europe qui vient de perdre la guerre fait actuellement ce qu’on appelle une névrose d’infériorité.
2622 u’on appelle une névrose d’infériorité. Pourtant, les faits ne justifient pas le désespoir, mais seulement un effort de red
2623 nfériorité. Pourtant, les faits ne justifient pas le désespoir, mais seulement un effort de redressement. Entre deux-cents
2624 nquante-millions d’Américains, nous sommes ici, à l’ ouest du rideau de fer, près de trois-cents-millions d’Européens. Nous
2625 plus d’un quart du charbon, de près d’un tiers de l’ électricité que produit aujourd’hui la planète. Nous disposons surtout
2626 un tiers de l’électricité que produit aujourd’hui la planète. Nous disposons surtout de ressources humaines qui n’ont pas
2627 ales ailleurs : une main-d’œuvre spécialisée dont les traditions ne s’imitent pas, une capacité d’invention que le monde en
2628 ns ne s’imitent pas, une capacité d’invention que le monde entier peut nous envier. Qu’avons-nous inventé, nous les Europé
2629 ier peut nous envier. Qu’avons-nous inventé, nous les Européens, depuis cent ans ? Je répondrai : que n’avons-nous pas inve
2630 ue n’avons-nous pas inventé ? Je cite pêle-mêle : le marxisme et la psychanalyse, l’existentialisme et le personnalisme, l
2631 pas inventé ? Je cite pêle-mêle : le marxisme et la psychanalyse, l’existentialisme et le personnalisme, la théorie des q
2632 cite pêle-mêle : le marxisme et la psychanalyse, l’ existentialisme et le personnalisme, la théorie des quanta et celle de
2633 marxisme et la psychanalyse, l’existentialisme et le personnalisme, la théorie des quanta et celle des groupes, la sociolo
2634 chanalyse, l’existentialisme et le personnalisme, la théorie des quanta et celle des groupes, la sociologie et les grandes
2635 isme, la théorie des quanta et celle des groupes, la sociologie et les grandes synthèses historiques, la relativité généra
2636 des quanta et celle des groupes, la sociologie et les grandes synthèses historiques, la relativité généralisée et la physiq
2637 sociologie et les grandes synthèses historiques, la relativité généralisée et la physique nucléaire, l’aviation, la radio
2638 nthèses historiques, la relativité généralisée et la physique nucléaire, l’aviation, la radio et le cinéma, la vaccination
2639 relativité généralisée et la physique nucléaire, l’ aviation, la radio et le cinéma, la vaccination, la pénicilline et le
2640 généralisée et la physique nucléaire, l’aviation, la radio et le cinéma, la vaccination, la pénicilline et le DDT, le pétr
2641 et la physique nucléaire, l’aviation, la radio et le cinéma, la vaccination, la pénicilline et le DDT, le pétrole synthéti
2642 que nucléaire, l’aviation, la radio et le cinéma, la vaccination, la pénicilline et le DDT, le pétrole synthétique et le r
2643 ’aviation, la radio et le cinéma, la vaccination, la pénicilline et le DDT, le pétrole synthétique et le radar, la rationa
2644 o et le cinéma, la vaccination, la pénicilline et le DDT, le pétrole synthétique et le radar, la rationalisation du travai
2645 cinéma, la vaccination, la pénicilline et le DDT, le pétrole synthétique et le radar, la rationalisation du travail indust
2646 pénicilline et le DDT, le pétrole synthétique et le radar, la rationalisation du travail industriel, la construction méta
2647 ne et le DDT, le pétrole synthétique et le radar, la rationalisation du travail industriel, la construction métallique, le
2648 radar, la rationalisation du travail industriel, la construction métallique, le syndicalisme et les coopératives, et enfi
2649 u travail industriel, la construction métallique, le syndicalisme et les coopératives, et enfin l’art moderne tout entier 
2650 l, la construction métallique, le syndicalisme et les coopératives, et enfin l’art moderne tout entier : peinture, musique,
2651 ue, le syndicalisme et les coopératives, et enfin l’ art moderne tout entier : peinture, musique, littérature, poésie, théâ
2652 : presque tous leurs grands noms sont des noms de l’ Europe, et les très rares qui n’en sont pas ont appris leur métier de
2653 s leurs grands noms sont des noms de l’Europe, et les très rares qui n’en sont pas ont appris leur métier de nos maîtres, d
2654 cafés de Paris, ou par nos livres. Je dirai plus. Le monde moderne tout entier peut être appelé une création européenne. P
2655 er peut être appelé une création européenne. Pour le bien comme pour le mal, il imite à la fois nos mœurs et nos objets, n
2656 une création européenne. Pour le bien comme pour le mal, il imite à la fois nos mœurs et nos objets, nos procédés d’art e
2657 nement, d’industrie et de médecine, et nos armes. Les Hindous, les Chinois, les Noirs copient l’Europe pour toutes ces chos
2658 ustrie et de médecine, et nos armes. Les Hindous, les Chinois, les Noirs copient l’Europe pour toutes ces choses, mais nous
2659 médecine, et nos armes. Les Hindous, les Chinois, les Noirs copient l’Europe pour toutes ces choses, mais nous, nous copion
2660 rmes. Les Hindous, les Chinois, les Noirs copient l’ Europe pour toutes ces choses, mais nous, nous copions tout au plus qu
2661 ues rythmes de leurs danses. Finalement, que sont les empires qui prétendent partager le monde à nos dépens ? L’Amérique du
2662 ent, que sont les empires qui prétendent partager le monde à nos dépens ? L’Amérique du Nord et la Russie de Staline sont
2663 s qui prétendent partager le monde à nos dépens ? L’ Amérique du Nord et la Russie de Staline sont des produits de notre cu
2664 ger le monde à nos dépens ? L’Amérique du Nord et la Russie de Staline sont des produits de notre culture, l’une dès ses o
2665 e en ce qu’elle a de moderne justement. Calvin et le puritanisme, d’un côté, plus les gratte-ciel, le système Taylor-Bedau
2666 tement. Calvin et le puritanisme, d’un côté, plus les gratte-ciel, le système Taylor-Bedaux à tous les degrés, la cellophan
2667 le puritanisme, d’un côté, plus les gratte-ciel, le système Taylor-Bedaux à tous les degrés, la cellophane et le zipper p
2668 les gratte-ciel, le système Taylor-Bedaux à tous les degrés, la cellophane et le zipper partout, qui sont des inventions e
2669 ciel, le système Taylor-Bedaux à tous les degrés, la cellophane et le zipper partout, qui sont des inventions européennes 
2670 Taylor-Bedaux à tous les degrés, la cellophane et le zipper partout, qui sont des inventions européennes ; et de l’autre c
2671 et de l’autre côté, Marx et notre industrie, plus l’ instruction publique et l’athéisme, l’hypertrophie de l’appareil étati
2672 t notre industrie, plus l’instruction publique et l’ athéisme, l’hypertrophie de l’appareil étatique, et des copies de l’ar
2673 strie, plus l’instruction publique et l’athéisme, l’ hypertrophie de l’appareil étatique, et des copies de l’art officiel d
2674 ruction publique et l’athéisme, l’hypertrophie de l’ appareil étatique, et des copies de l’art officiel de nos grands-pères
2675 rtrophie de l’appareil étatique, et des copies de l’ art officiel de nos grands-pères. Caricatures évidemment ; mais ce n’e
2676 appeler ce procédé de description : leurs traits les plus frappants, et qu’ils croient spécifiques, ne sont souvent que de
2677 sure ni critique, méthodiquement, parfois jusqu’à la monstruosité12. Mais s’il en est ainsi, si tels sont nos atouts, d’où
2678 ous ayons perdu, ou que nous croyions avoir perdu la puissance et l’initiative, dès qu’il s’agit d’autre chose que de pein
2679 ou que nous croyions avoir perdu la puissance et l’ initiative, dès qu’il s’agit d’autre chose que de peinture, de parfums
2680 ? J’ai dit que nous sommes trois-cents-millions à l’ ouest du rideau de fer. C’est vrai en fait, mais nous ne le sentons pa
2681 u rideau de fer. C’est vrai en fait, mais nous ne le sentons pas. Car je parlais en tant qu’Européen quand je disais nous.
2682 raignons donc, comme des peuples trop petits pour le monde où ils vivent. J’ai dressé une liste de nos créations les plus
2683 ls vivent. J’ai dressé une liste de nos créations les plus connues, celles qui ont fixé le visage du monde moderne. Et cett
2684 s créations les plus connues, celles qui ont fixé le visage du monde moderne. Et cette liste est impressionnante. Mais pou
2685 re faut-il qu’ils aient conscience d’appartenir à la famille européenne. Sinon, chacun d’entre eux va compter dans ma list
2686 inon, chacun d’entre eux va compter dans ma liste les quelques noms de son pays et n’en tirera qu’une raison de plus de se
2687 minoritaire, ou pauvre. Il en va de même sur tous les plans. Divisés, enfermés dans nos États-nations, nous sommes tous tro
2688 nt je ne songe pas un seul instant à sous-estimer l’ importance. Ces conflits ne seront pas résolus par la seule grâce de n
2689 mportance. Ces conflits ne seront pas résolus par la seule grâce de notre union. Mais sans elle sera supprimée la possibil
2690 âce de notre union. Mais sans elle sera supprimée la possibilité de les résoudre un jour. Je ne dirai pas que la division
2691 . Mais sans elle sera supprimée la possibilité de les résoudre un jour. Je ne dirai pas que la division de l’Europe en ving
2692 lité de les résoudre un jour. Je ne dirai pas que la division de l’Europe en vingt nations, chacune trop petite, rend comp
2693 oudre un jour. Je ne dirai pas que la division de l’ Europe en vingt nations, chacune trop petite, rend compte de tous les
2694 nations, chacune trop petite, rend compte de tous les maux dont nous pouvons souffrir. Mais elle rend compte de nos faibles
2695 faiblesses, et de notre démission sur le plan de l’ Histoire. Et elle rend compte de la névrose d’infériorité que j’ai dit
2696 sur le plan de l’Histoire. Et elle rend compte de la névrose d’infériorité que j’ai dite. La division de l’Europe nous pri
2697 compte de la névrose d’infériorité que j’ai dite. La division de l’Europe nous prive de la puissance dont tous les élément
2698 vrose d’infériorité que j’ai dite. La division de l’ Europe nous prive de la puissance dont tous les éléments sont pourtant
2699 j’ai dite. La division de l’Europe nous prive de la puissance dont tous les éléments sont pourtant parmi nous, mais dispe
2700 de l’Europe nous prive de la puissance dont tous les éléments sont pourtant parmi nous, mais dispersés. La division de l’E
2701 léments sont pourtant parmi nous, mais dispersés. La division de l’Europe paralyse notre culture aussi, puisqu’il n’est pa
2702 urtant parmi nous, mais dispersés. La division de l’ Europe paralyse notre culture aussi, puisqu’il n’est pas de culture sa
2703 change des idées, des personnes et des œuvres, et l’ on sait ce qu’il en est aujourd’hui à cet égard. La condition nécessai
2704 ’on sait ce qu’il en est aujourd’hui à cet égard. La condition nécessaire, sinon suffisante, du maintien de l’Europe au ra
2705 tion nécessaire, sinon suffisante, du maintien de l’ Europe au rang des grandes puissances, c’est son union. Telle est auss
2706 ndes puissances, c’est son union. Telle est aussi la condition du maintien de ce foyer de création et de liberté que repré
2707 ce foyer de création et de liberté que représente l’ Europe dans le monde, et que rien ne peut remplacer. Qu’avons-nous fai
2708 éation et de liberté que représente l’Europe dans le monde, et que rien ne peut remplacer. Qu’avons-nous fait pour nous un
2709 mplacer. Qu’avons-nous fait pour nous unir ? Dans le domaine politique, nous avons Strasbourg. Ce n’est pas beaucoup plus
2710 c’en est une. Nous verrons ce qu’elle vaut, avant la fin de l’année. Dans le domaine économique, nous avons le plan Schuma
2711 ne. Nous verrons ce qu’elle vaut, avant la fin de l’ année. Dans le domaine économique, nous avons le plan Schuman, qui peu
2712 ns ce qu’elle vaut, avant la fin de l’année. Dans le domaine économique, nous avons le plan Schuman, qui peut être un débu
2713 e l’année. Dans le domaine économique, nous avons le plan Schuman, qui peut être un début de mise en commun de nos ressour
2714 e nos ressources matérielles. Et maintenant, dans le domaine de cette culture dont on ne saurait trop répéter qu’elle est
2715 lture dont on ne saurait trop répéter qu’elle est le vrai, le seul secret de notre puissance, il est temps de proposer un
2716 t on ne saurait trop répéter qu’elle est le vrai, le seul secret de notre puissance, il est temps de proposer un autre Pla
2717 de proposer un autre Plan, qui consisterait dans la mise en commun, au service de l’Europe entière, de nos ressources sci
2718 onsisterait dans la mise en commun, au service de l’ Europe entière, de nos ressources scientifiques, éducatrices et créatr
2719 tés urgentes, qui en indiquent tout naturellement les trois chapitres principaux. Premièrement, nous avons besoin d’un inve
2720 évidente dès qu’on entreprend des recherches sur l’ état présent d’une question scientifique, sur les déficiences et les a
2721 r l’état présent d’une question scientifique, sur les déficiences et les avantages culturels de l’Europe par rapport aux au
2722 une question scientifique, sur les déficiences et les avantages culturels de l’Europe par rapport aux autres continents, su
2723 sur les déficiences et les avantages culturels de l’ Europe par rapport aux autres continents, sur les forces disponibles p
2724 e l’Europe par rapport aux autres continents, sur les forces disponibles pour certaines tâches, sur les réformes à introdui
2725 les forces disponibles pour certaines tâches, sur les réformes à introduire. Il y a donc lieu d’envisager la création d’une
2726 formes à introduire. Il y a donc lieu d’envisager la création d’une sorte d’Institut de la conjoncture culturelle en Europ
2727 d’envisager la création d’une sorte d’Institut de la conjoncture culturelle en Europe. Deuxièmement, nous avons besoin d’u
2728 forts dispersés entre nos vingt nations. Partout, l’ on voit surgir des instituts13 dont les programmes et les buts se ress
2729 s. Partout, l’on voit surgir des instituts13 dont les programmes et les buts se ressemblent, mais qui, souvent, s’ignorent
2730 oit surgir des instituts13 dont les programmes et les buts se ressemblent, mais qui, souvent, s’ignorent mutuellement. Part
2731 posent des problèmes qui restent insolubles dans le cadre trop étroit de chaque nation et de chaque budget national : pro
2732 problèmes des recherches atomiques, du cinéma, de la télévision, des intellectuels réfugiés, de la révision des manuels d’
2733 de la télévision, des intellectuels réfugiés, de la révision des manuels d’histoire, des échanges… Ainsi apparaît la néce
2734 manuels d’histoire, des échanges… Ainsi apparaît la nécessité d’un lieu de confrontation permanente et d’un instrument d’
2735 ermanente et d’un instrument d’action concertée à l’ échelle du continent, quelque chose comme un Chatham House européen, m
2736 éen, mais certainement plus militant, étant donné l’ urgence des problèmes à résoudre. Troisièmement, l’on constate qu’aucu
2737 ’urgence des problèmes à résoudre. Troisièmement, l’ on constate qu’aucun de nos instituts culturels nationaux ne peut parl
2738 nationaux ne peut parler, actuellement, au nom de l’ Europe dans son ensemble alors que c’est l’ensemble de l’Europe qui se
2739 nom de l’Europe dans son ensemble alors que c’est l’ ensemble de l’Europe qui se voit attaqué par les propagandes que l’on
2740 e dans son ensemble alors que c’est l’ensemble de l’ Europe qui se voit attaqué par les propagandes que l’on sait. La néces
2741 st l’ensemble de l’Europe qui se voit attaqué par les propagandes que l’on sait. La nécessité se fait donc sentir d’un orga
2742 urope qui se voit attaqué par les propagandes que l’ on sait. La nécessité se fait donc sentir d’un organisme dont la raiso
2743 e voit attaqué par les propagandes que l’on sait. La nécessité se fait donc sentir d’un organisme dont la raison d’être pr
2744 nécessité se fait donc sentir d’un organisme dont la raison d’être principale soit de pouvoir prendre certaines initiative
2745 ndre certaines initiatives et de parler au nom de l’ Europe comme unité, dans le plan de la culture et de la morale publiqu
2746 et de parler au nom de l’Europe comme unité, dans le plan de la culture et de la morale publique, de même que seule une Au
2747 r au nom de l’Europe comme unité, dans le plan de la culture et de la morale publique, de même que seule une Autorité poli
2748 ope comme unité, dans le plan de la culture et de la morale publique, de même que seule une Autorité politique supranation
2749 r au nom de trois-cents-millions d’Européens avec les Russes ou les Américains. L’action dont je viens d’esquisser les troi
2750 ois-cents-millions d’Européens avec les Russes ou les Américains. L’action dont je viens d’esquisser les trois chapitres pr
2751 ns d’Européens avec les Russes ou les Américains. L’ action dont je viens d’esquisser les trois chapitres principaux, ce n’
2752 es Américains. L’action dont je viens d’esquisser les trois chapitres principaux, ce n’est rien d’autre, en fait, que le pr
2753 s principaux, ce n’est rien d’autre, en fait, que le programme du Centre européen de la culture, qui s’est ouvert à Genève
2754 ui s’est ouvert à Genève au mois de septembre sur l’ initiative du Mouvement européen, et auquel le Conseil de l’Europe vie
2755 sur l’initiative du Mouvement européen, et auquel le Conseil de l’Europe vient d’accorder son patronage officiel. M. Winst
2756 officiel. M. Winston Churchill a proposé, devant l’ Assemblée de Strasbourg, la création d’une armée de l’Europe. Que cett
2757 hill a proposé, devant l’Assemblée de Strasbourg, la création d’une armée de l’Europe. Que cette armée soit nécessaire, c’
2758 semblée de Strasbourg, la création d’une armée de l’ Europe. Que cette armée soit nécessaire, c’est la déplorable évidence.
2759 l’Europe. Que cette armée soit nécessaire, c’est la déplorable évidence. Mais elle ne sera pas suffisante. Une mitrailleu
2760 s suffisante. Une mitrailleuse ne sert à rien, si l’ homme qui la reçoit refuse de s’en servir, parce qu’il ignore ce qui e
2761 . Une mitrailleuse ne sert à rien, si l’homme qui la reçoit refuse de s’en servir, parce qu’il ignore ce qui est en jeu, c
2762 re ce qui est en jeu, ce qui vaut d’être défendu. La défense effective de l’Europe doit commencer dans les cerveaux et dan
2763 qui vaut d’être défendu. La défense effective de l’ Europe doit commencer dans les cerveaux et dans les cœurs. Elle suppos
2764 défense effective de l’Europe doit commencer dans les cerveaux et dans les cœurs. Elle suppose une prise de conscience. Et
2765 l’Europe doit commencer dans les cerveaux et dans les cœurs. Elle suppose une prise de conscience. Et toute volonté de réve
2766 rise de conscience. Et toute volonté de réveil de la conscience commune européenne, dans nos élites et dans nos peuples, s
2767 nne, dans nos élites et dans nos peuples, suppose la reconnaissance de deux réalités qu’oublient généralement nos « réalis
2768 lement nos « réalistes ». La première, c’est que l’ Europe est une culture (civilisation si l’on préfère) ou n’est qu’un a
2769 est que l’Europe est une culture (civilisation si l’ on préfère) ou n’est qu’un appendice insignifiant de l’Asie. Et cela v
2770 préfère) ou n’est qu’un appendice insignifiant de l’ Asie. Et cela veut dire que la vraie source de la puissance européenne
2771 ice insignifiant de l’Asie. Et cela veut dire que la vraie source de la puissance européenne est sa culture, et qu’il sera
2772 l’Asie. Et cela veut dire que la vraie source de la puissance européenne est sa culture, et qu’il serait absurde et vain
2773 sauver l’une sans l’autre. La seconde, c’est que le ressort intime, mais aussi le but final de la culture occidentale, co
2774 seconde, c’est que le ressort intime, mais aussi le but final de la culture occidentale, consistent en une seule et même
2775 que le ressort intime, mais aussi le but final de la culture occidentale, consistent en une seule et même chose : la liber
2776 identale, consistent en une seule et même chose : la liberté de la personne. Et cela veut dire que les chances de l’Europe
2777 istent en une seule et même chose : la liberté de la personne. Et cela veut dire que les chances de l’Europe se confondent
2778 la liberté de la personne. Et cela veut dire que les chances de l’Europe se confondent aujourd’hui avec les chances de l’h
2779 la personne. Et cela veut dire que les chances de l’ Europe se confondent aujourd’hui avec les chances de l’homme. C’est po
2780 hances de l’Europe se confondent aujourd’hui avec les chances de l’homme. C’est pourquoi nous voulons sauver l’Europe. Non
2781 ope se confondent aujourd’hui avec les chances de l’ homme. C’est pourquoi nous voulons sauver l’Europe. Non point pour l’o
2782 es de l’homme. C’est pourquoi nous voulons sauver l’ Europe. Non point pour l’opposer aux grandes nations nouvelles, non po
2783 quoi nous voulons sauver l’Europe. Non point pour l’ opposer aux grandes nations nouvelles, non point pour élargir l’esprit
2784 grandes nations nouvelles, non point pour élargir l’ esprit nationaliste aux dimensions du continent, non par orgueil ou pa
2785 satisfaction de nous-mêmes, et encore moins avec le fol espoir d’apaiser à jamais tous nos conflits, mais, au contraire p
2786 s nos conflits, mais, au contraire pour maintenir les risques de la liberté, qui ont fait la vraie grandeur de l’homme euro
2787 mais, au contraire pour maintenir les risques de la liberté, qui ont fait la vraie grandeur de l’homme européen, et pour
2788 maintenir les risques de la liberté, qui ont fait la vraie grandeur de l’homme européen, et pour sauver en face de la terr
2789 de la liberté, qui ont fait la vraie grandeur de l’ homme européen, et pour sauver en face de la terre des masses, et de l
2790 ur de l’homme européen, et pour sauver en face de la terre des masses, et de la terre des machines, et des terres immenses
2791 pour sauver en face de la terre des masses, et de la terre des machines, et des terres immenses de la fatalité, une Europe
2792 la terre des machines, et des terres immenses de la fatalité, une Europe qui demeure la terre des hommes. 12. Ici cepen
2793 s immenses de la fatalité, une Europe qui demeure la terre des hommes. 12. Ici cependant, point de malentendu ! Ne nous
2794 e malentendu ! Ne nous laissons jamais tenter par la plus fausse des symétries, celle qui mettrait les USA et l’URSS dans
2795 la plus fausse des symétries, celle qui mettrait les USA et l’URSS dans le rôle de Charybde et de Scylla. Entre les Améric
2796 usse des symétries, celle qui mettrait les USA et l’ URSS dans le rôle de Charybde et de Scylla. Entre les Américains et no
2797 étries, celle qui mettrait les USA et l’URSS dans le rôle de Charybde et de Scylla. Entre les Américains et nous, Européen
2798 URSS dans le rôle de Charybde et de Scylla. Entre les Américains et nous, Européens, il y a en commun les principes origine
2799 s Américains et nous, Européens, il y a en commun les principes originels, l’usage présent, et l’idéal sans cesse élargi de
2800 opéens, il y a en commun les principes originels, l’ usage présent, et l’idéal sans cesse élargi de la liberté de pensée, q
2801 mmun les principes originels, l’usage présent, et l’ idéal sans cesse élargi de la liberté de pensée, qui est une garantie
2802 l’usage présent, et l’idéal sans cesse élargi de la liberté de pensée, qui est une garantie des autres libertés. Entre le
2803 , qui est une garantie des autres libertés. Entre les stalinistes et nous, Européens, il n’y a qu’un mot : démocratie. Pour
2804 Nous savons où sont nos alliances. 13. Tels que le Collège d’Autriche, la Deutsche Europa Akademie, le Centro di Studi E
2805 s alliances. 13. Tels que le Collège d’Autriche, la Deutsche Europa Akademie, le Centro di Studi Europei, les Summer Scho
2806 Collège d’Autriche, la Deutsche Europa Akademie, le Centro di Studi Europei, les Summer Schools of European Studies, et e
2807 sche Europa Akademie, le Centro di Studi Europei, les Summer Schools of European Studies, et enfin le Collège d’Europe, ina
2808 les Summer Schools of European Studies, et enfin le Collège d’Europe, inauguré à Bruges le 12 octobre, et qui peut deveni
2809 , et enfin le Collège d’Europe, inauguré à Bruges le 12 octobre, et qui peut devenir l’École des sciences politiques du co
2810 uguré à Bruges le 12 octobre, et qui peut devenir l’ École des sciences politiques du continent. g. Rougemont Denis de, «
2811 litiques du continent. g. Rougemont Denis de, «  L’ Europe et sa culture », La Revue de Paris, Paris, novembre 1950, p. 79
2812 Rougemont Denis de, « L’Europe et sa culture », La Revue de Paris, Paris, novembre 1950, p. 79-90.
7 1951, La Revue de Paris, articles (1937–1969). Inde 1951 (décembre 1951)
2813 Inde 1951 (décembre 1951)h i Les États neufs ont des douaniers nerveux, mais ceux de l’Inde se dominen
2814 ats neufs ont des douaniers nerveux, mais ceux de l’ Inde se dominent : ils ont gardé cela des Anglais. Il leur faut cepend
2815 cependant plus d’une heure pour nous administrer les preuves méticuleuses d’une souveraineté que nul ne songe à contester.
2816 n congrès. — Quel congrès ? Il y en a beaucoup. —  Le Congrès indien pour la liberté de la culture. — Qui l’organise ? — La
2817 ès ? Il y en a beaucoup. — Le Congrès indien pour la liberté de la culture. — Qui l’organise ? — La revue Thought, qui est
2818 beaucoup. — Le Congrès indien pour la liberté de la culture. — Qui l’organise ? — La revue Thought, qui est publiée à New
2819 ngrès indien pour la liberté de la culture. — Qui l’ organise ? — La revue Thought, qui est publiée à New Dehli. — Alors, p
2820 ur la liberté de la culture. — Qui l’organise ? —  La revue Thought, qui est publiée à New Dehli. — Alors, pourquoi le Cong
2821 t, qui est publiée à New Dehli. — Alors, pourquoi le Congrès se tient-il à Bombay ? — Parce que M. Nehru le veut ainsi. (R
2822 ngrès se tient-il à Bombay ? — Parce que M. Nehru le veut ainsi. (Réponse propre à faire croire au fonctionnaire que c’est
2823 au fonctionnaire que c’est M. Nehru qui patronne le Congrès, alors qu’en vérité, il s’est borné à le déplacer, par un déc
2824 le Congrès, alors qu’en vérité, il s’est borné à le déplacer, par un décret, de la capitale à Bombay.) L’officier n’est p
2825 , il s’est borné à le déplacer, par un décret, de la capitale à Bombay.) L’officier n’est pas bien convaincu : il voudrait
2826 éplacer, par un décret, de la capitale à Bombay.) L’ officier n’est pas bien convaincu : il voudrait obtenir des réponses q
2827 l. Sourire de soulagement. — Au Taj ? OK. OK ? On le dirait à moins. Plus qu’un hôtel, c’est un quartier de ville en un se
2828 lle en un seul bâtiment surmonté d’une coupole. À l’ intérieur, deux rues de boutiques de luxe, de cafés et de librairies a
2829 luxe, de cafés et de librairies aboutissent dans le hall central ouvert sur un vaste patio où les voitures se succèdent s
2830 dans le hall central ouvert sur un vaste patio où les voitures se succèdent sans relâche. Ma chambre a dix mètres sur cinq,
2831 je sonne, trois serviteurs paraissent au fond de la pièce, devant une tenture sombre, sans nul bruit. Il m’est arrivé de
2832 . Pourquoi trois ? Je me dis que le premier prend les ordres, que le second probablement les enregistre, et que le troisièm
2833 mier prend les ordres, que le second probablement les enregistre, et que le troisième les exécute. Mais non, tout simplemen
2834 probablement les enregistre, et que le troisième les exécute. Mais non, tout simplement, il y a trop de gens en Inde. J’ai
2835 il y a trop de gens en Inde. J’ai sommeillé sous le ronron lent de l’hélice. Je sonne pour demander du thé. Les trois for
2836 ns en Inde. J’ai sommeillé sous le ronron lent de l’ hélice. Je sonne pour demander du thé. Les trois formes blanches naiss
2837 lent de l’hélice. Je sonne pour demander du thé. Les trois formes blanches naissent dans l’ombre. Je me rendors. Le thé es
2838 r du thé. Les trois formes blanches naissent dans l’ ombre. Je me rendors. Le thé est là, et de nouveau trois hommes en bla
2839 es blanches naissent dans l’ombre. Je me rendors. Le thé est là, et de nouveau trois hommes en blanc près de la table. Je
2840 t là, et de nouveau trois hommes en blanc près de la table. Je leur demande du sucre. Ils sourient et s’inclinent. Ils ont
2841 ls sourient et s’inclinent. Ils ont des crayons à la main et des blocs de papier. Ils attendent. Je leur dis que c’est tou
2842 ient me poser quelques questions. Mon opinion sur la neutralité de l’Inde ? Sur Nehru ? Éclair de magnésium. Aveuglé, je c
2843 lques questions. Mon opinion sur la neutralité de l’ Inde ? Sur Nehru ? Éclair de magnésium. Aveuglé, je comprends, et m’ef
2844 donner des réponses attendues, soudain frappé par la similitude entre le contrôle des étrangers et l’interview. ⁂ Bombay,
2845 attendues, soudain frappé par la similitude entre le contrôle des étrangers et l’interview. ⁂ Bombay, porte des Indes, pré
2846 la similitude entre le contrôle des étrangers et l’ interview. ⁂ Bombay, porte des Indes, présente à l’arrivant l’architec
2847 ’interview. ⁂ Bombay, porte des Indes, présente à l’ arrivant l’architecture et le puissant trafic d’une grande cité de l’O
2848 ⁂ Bombay, porte des Indes, présente à l’arrivant l’ architecture et le puissant trafic d’une grande cité de l’Occident com
2849 es Indes, présente à l’arrivant l’architecture et le puissant trafic d’une grande cité de l’Occident comme on en voit en A
2850 ecture et le puissant trafic d’une grande cité de l’ Occident comme on en voit en Amérique du Sud : plus uniformément moder
2851 s. Notons une légère frustration de notre sens de l’ exotisme. Cette espèce de curiosité, toujours au bord de la ferveur, q
2852 e. Cette espèce de curiosité, toujours au bord de la ferveur, qu’évoque le terme d’exotisme : rien de plus typiquement eur
2853 iosité, toujours au bord de la ferveur, qu’évoque le terme d’exotisme : rien de plus typiquement européen. Parmi les peupl
2854 otisme : rien de plus typiquement européen. Parmi les peuples de la terre, seuls les Européens recherchent l’étranger, le d
2855 e plus typiquement européen. Parmi les peuples de la terre, seuls les Européens recherchent l’étranger, le dépaysement pou
2856 nt européen. Parmi les peuples de la terre, seuls les Européens recherchent l’étranger, le dépaysement pour lui-même, et so
2857 ples de la terre, seuls les Européens recherchent l’ étranger, le dépaysement pour lui-même, et sont déçus de ne le point t
2858 erre, seuls les Européens recherchent l’étranger, le dépaysement pour lui-même, et sont déçus de ne le point trouver aussi
2859 le dépaysement pour lui-même, et sont déçus de ne le point trouver aussi pur et déconcertant qu’ils le rêvaient. Pour l’In
2860 le point trouver aussi pur et déconcertant qu’ils le rêvaient. Pour l’Indien, le Chinois, l’Arabe, l’étranger n’a jamais é
2861 ussi pur et déconcertant qu’ils le rêvaient. Pour l’ Indien, le Chinois, l’Arabe, l’étranger n’a jamais été un sujet de lit
2862 t déconcertant qu’ils le rêvaient. Pour l’Indien, le Chinois, l’Arabe, l’étranger n’a jamais été un sujet de littérature,
2863 nt qu’ils le rêvaient. Pour l’Indien, le Chinois, l’ Arabe, l’étranger n’a jamais été un sujet de littérature, de nostalgie
2864 le rêvaient. Pour l’Indien, le Chinois, l’Arabe, l’ étranger n’a jamais été un sujet de littérature, de nostalgie conscien
2865 stalgie consciente et cultivée. Il peut bien être le plus fort, il le fut en effet pendant des siècles, mais il a tort, es
2866 e et cultivée. Il peut bien être le plus fort, il le fut en effet pendant des siècles, mais il a tort, essentiellement. Ce
2867 on, vivante encore dans nos campagnes et derrière les rideaux de nos provinces, est répudiée depuis longtemps par nos élite
2868 ance inverse prédomine. Il semble qu’au regard de la « hideuse vulgarité » de l’Occident, dont parlait récemment André Gid
2869 emble qu’au regard de la « hideuse vulgarité » de l’ Occident, dont parlait récemment André Gide, toute la noblesse des ges
2870 ccident, dont parlait récemment André Gide, toute la noblesse des gestes, des allures, toute la solennité des religions (l
2871 toute la noblesse des gestes, des allures, toute la solennité des religions (les nôtres étant tenues pour préjugés) aient
2872 e en rien, nous courons admirer ceux qui vénèrent les vaches. L’homme qui connaît ses dieux se conçoit dans leur ordre et s
2873 ous courons admirer ceux qui vénèrent les vaches. L’ homme qui connaît ses dieux se conçoit dans leur ordre et sans autres
2874 conçoit dans leur ordre et sans autres problèmes, la faim n’étant qu’un ennemi. L’Occidental, qui ne se connaît plus, va v
2875 s autres problèmes, la faim n’étant qu’un ennemi. L’ Occidental, qui ne se connaît plus, va voir ailleurs comment on croit,
2876 ent on croit, mais sans désir sérieux de partager la foi de ceux dont il admire qu’ils en aient une. Ceci dit, je n’aurai
2877 esse que je n’aie découvert, à mon tour, derrière l’ immense façade des quais synthétiquement occidentale, tout éclatante d
2878 ux reflets aux vitres de milliers de bow-windows, la Sombre Chose, grouillante et mystérieuse, tapie tout près d’ici peut-
2879 stérieuse, tapie tout près d’ici peut-être, comme le rêve sous la veille, instante et pourtant dérobée, la Sombre Chose pr
2880 pie tout près d’ici peut-être, comme le rêve sous la veille, instante et pourtant dérobée, la Sombre Chose pressentie, qui
2881 êve sous la veille, instante et pourtant dérobée, la Sombre Chose pressentie, qui parfois nous envoie, mêlés à la circulat
2882 hose pressentie, qui parfois nous envoie, mêlés à la circulation bien ordonnée de ces quartiers, des signes brefs et toujo
2883 rtiers, des signes brefs et toujours inquiétants, le cri précipité et comme rageur d’un corbeau maigre à ma fenêtre, une o
2884 , une ombre nette de vautour traversant lentement la chaussée, des crachats rouges de bétel sur le trottoir, et ces moigno
2885 ent la chaussée, des crachats rouges de bétel sur le trottoir, et ces moignons de bras charmants et menaçants… Sur le port
2886 ces moignons de bras charmants et menaçants… Sur le port et devant les grands hôtels, des fillettes aux yeux sans sourire
2887 ras charmants et menaçants… Sur le port et devant les grands hôtels, des fillettes aux yeux sans sourire, au corps d’une in
2888 peine vêtues d’un lambeau de coton, glissent dans les grosses voitures américaines, au moment de claquer les portières, leu
2889 rosses voitures américaines, au moment de claquer les portières, leur petit bras coupé au coude. On retient la portière qui
2890 ières, leur petit bras coupé au coude. On retient la portière qui allait briser cela, on leur jette quelques pièces, mais
2891 hostile et guttural, pareil à celui des corbeaux, le cri de la misère sauvage qui seule, dans cette fournaise humide, foue
2892 guttural, pareil à celui des corbeaux, le cri de la misère sauvage qui seule, dans cette fournaise humide, fouette encore
2893 eule, dans cette fournaise humide, fouette encore l’ énergie de l’animal humain. ⁂ Aborder l’Inde par Bombay, ou par son in
2894 tte fournaise humide, fouette encore l’énergie de l’ animal humain. ⁂ Aborder l’Inde par Bombay, ou par son intelligentsia,
2895 te encore l’énergie de l’animal humain. ⁂ Aborder l’ Inde par Bombay, ou par son intelligentsia, c’est retrouver d’abord ce
2896 retrouver d’abord ce que nous connaissions, avec la seule surprise de n’en pas avoir d’autres. Dès les premières heures d
2897 vient évident que leurs problèmes s’énoncent dans les mêmes termes qu’en Europe. Il y a ceux qui pensent que l’URSS c’est l
2898 termes qu’en Europe. Il y a ceux qui pensent que l’ URSS c’est la justice, les USA la liberté ; ceux qui scrupuleusement s
2899 Europe. Il y a ceux qui pensent que l’URSS c’est la justice, les USA la liberté ; ceux qui scrupuleusement se refusent à
2900 y a ceux qui pensent que l’URSS c’est la justice, les USA la liberté ; ceux qui scrupuleusement se refusent à choisir entre
2901 qui pensent que l’URSS c’est la justice, les USA la liberté ; ceux qui scrupuleusement se refusent à choisir entre le Coc
2902 x qui scrupuleusement se refusent à choisir entre le Coca-Cola et le camp de Kolyma ; ceux qui invoquent la morale et Gand
2903 ement se refusent à choisir entre le Coca-Cola et le camp de Kolyma ; ceux qui invoquent la morale et Gandhi pour justifie
2904 ca-Cola et le camp de Kolyma ; ceux qui invoquent la morale et Gandhi pour justifier le neutralisme, et ceux qui tiennent
2905 qui invoquent la morale et Gandhi pour justifier le neutralisme, et ceux qui tiennent à distinguer neutralisme et neutral
2906 eutralisme et neutralité ; ceux qui demandent que les démocraties balayent devant leur porte, se réforment d’abord, et ceux
2907 rment d’abord, et ceux qui veulent sauver d’abord la liberté, sans laquelle il n’est pas question de réformes humainement
2908 humainement valables ; ceux enfin qui se frappent la poitrine en déclarant qu’il y a de l’indécence à venir parler de cult
2909 se frappent la poitrine en déclarant qu’il y a de l’ indécence à venir parler de culture dans un pays où des millions sont
2910 occidentaux, et frénétiquement applaudi, reparaît le lendemain dans les éditoriaux, les jours suivants dans mille échos, l
2911 énétiquement applaudi, reparaît le lendemain dans les éditoriaux, les jours suivants dans mille échos, lettres à l’éditeur,
2912 laudi, reparaît le lendemain dans les éditoriaux, les jours suivants dans mille échos, lettres à l’éditeur, et commentaires
2913 x, les jours suivants dans mille échos, lettres à l’ éditeur, et commentaires critiques sur le Congrès. Je quitterai l’Inde
2914 ettres à l’éditeur, et commentaires critiques sur le Congrès. Je quitterai l’Inde sans avoir voulu dire ce que j’en pense,
2915 mmentaires critiques sur le Congrès. Je quitterai l’ Inde sans avoir voulu dire ce que j’en pense, qui se résume à ceci : s
2916 dire ce que j’en pense, qui se résume à ceci : si les anciens Hindous, les Égyptiens, les Sumériens et les Romains, si les
2917 e, qui se résume à ceci : si les anciens Hindous, les Égyptiens, les Sumériens et les Romains, si les Occidentaux eux-mêmes
2918 e à ceci : si les anciens Hindous, les Égyptiens, les Sumériens et les Romains, si les Occidentaux eux-mêmes avaient déclar
2919 anciens Hindous, les Égyptiens, les Sumériens et les Romains, si les Occidentaux eux-mêmes avaient déclaré en leur temps :
2920 , les Égyptiens, les Sumériens et les Romains, si les Occidentaux eux-mêmes avaient déclaré en leur temps : point de cultur
2921 r temps : point de culture tant qu’il subsiste de la misère et de la famine, il n’y aurait point de civilisation ; s’il n’
2922 de culture tant qu’il subsiste de la misère et de la famine, il n’y aurait point de civilisation ; s’il n’y avait point de
2923 us serions sans moyens techniques pour remédier à la famine. J’en trouve une preuve de plus dans le journal de ce matin. C
2924 à la famine. J’en trouve une preuve de plus dans le journal de ce matin. C’est un savant indien, D. R. Sethi, qui inventa
2925 C’est un savant indien, D. R. Sethi, qui inventa le procédé pour détruire les racines d’une herbe nommée kans, fléau des
2926 D. R. Sethi, qui inventa le procédé pour détruire les racines d’une herbe nommée kans, fléau des riches vallées à blé de l’
2927 be nommée kans, fléau des riches vallées à blé de l’ Inde centrale. Avec l’aide des tracteurs américains qui avaient constr
2928 des riches vallées à blé de l’Inde centrale. Avec l’ aide des tracteurs américains qui avaient construit la Route birmane,
2929 de des tracteurs américains qui avaient construit la Route birmane, il vient de rendre, en quelques mois d’essais, cent-mi
2930 oreilles », et qui suis-je pour lutter ici contre la force d’un proverbe, si convaincu que je sois qu’il dit faux, que ce
2931 convaincu que je sois qu’il dit faux, que ce sont les repus qui n’écoutent pas, et que la disette est mère des civilisation
2932 que ce sont les repus qui n’écoutent pas, et que la disette est mère des civilisations, comme l’angoisse l’est de la pens
2933 que la disette est mère des civilisations, comme l’ angoisse l’est de la pensée. ⁂ — Que cherchez-vous ? me dit Raja Rao,
2934 ette est mère des civilisations, comme l’angoisse l’ est de la pensée. ⁂ — Que cherchez-vous ? me dit Raja Rao, que je renc
2935 mère des civilisations, comme l’angoisse l’est de la pensée. ⁂ — Que cherchez-vous ? me dit Raja Rao, que je rencontre dan
2936 hez-vous ? me dit Raja Rao, que je rencontre dans le hall du Taj. (Il a l’air d’un Gitan avec ses boucles noires, il est b
2937 rthodoxe, donc très libre d’esprit.) — Je cherche l’ Inde. La trouverai-je à Bombay ? Il appelle un taxi, et nous voilà par
2938 , donc très libre d’esprit.) — Je cherche l’Inde. La trouverai-je à Bombay ? Il appelle un taxi, et nous voilà partis. Nou
2939 un taxi, et nous voilà partis. Nous avons quitté la voiture à l’entrée d’une ruelle étroite que nous descendons lentement
2940 nous voilà partis. Nous avons quitté la voiture à l’ entrée d’une ruelle étroite que nous descendons lentement jusqu’à des
2941 niches, comme à Naples. Il y a bien, assises sur les marches, ces fillettes en sari aux narines cloutées d’un diamant, aux
2942 evilles surchargées d’anneaux et de grelots, mais le décor est italien. (Et ce même rose très pâle et un peu mauve des cot
2943 lie et plus rarement au Brésil.) Nous descendons. Les escaliers débouchent sur une place irrégulière, en terre battue, plan
2944 u tronc pelé. Un désordre de maisons inégales sur la gauche. À droite s’étend un long bassin rectangulaire, empli d’une ea
2945 verte et profonde. Tout autour du bassin, et sur l’ îlot qui en occupe le centre, s’élèvent des colonnes de pierre noire,
2946 out autour du bassin, et sur l’îlot qui en occupe le centre, s’élèvent des colonnes de pierre noire, hérissées de demi-sou
2947 -soucoupes : ce sont des lampes, et tout s’allume les soirs de fête. Nous entrons dans une rue sinueuse, bordée de petites
2948 ques et mal superposées, de cafés minuscules dont les balcons surplombent le bassin, et d’espèces de garages ou étables, on
2949 de cafés minuscules dont les balcons surplombent le bassin, et d’espèces de garages ou étables, on ne sait, aux larges po
2950 ables, on ne sait, aux larges portes à barreaux : les temples. Au fond de l’ombre, un autel s’illumine. Étoffes rouge et or
2951 arges portes à barreaux : les temples. Au fond de l’ ombre, un autel s’illumine. Étoffes rouge et or derrière la statuette,
2952 un autel s’illumine. Étoffes rouge et or derrière la statuette, bijoux, fleurs, menues verroteries, et dans l’étroit espac
2953 ette, bijoux, fleurs, menues verroteries, et dans l’ étroit espace devant l’autel, une femme debout, sans un geste. Parfois
2954 enues verroteries, et dans l’étroit espace devant l’ autel, une femme debout, sans un geste. Parfois le prêtre en pagne sor
2955 l’autel, une femme debout, sans un geste. Parfois le prêtre en pagne sort d’un coin noir, et vient planter autour d’une fo
2956 t vient planter autour d’une fontaine basse, dans la courette, deux minces baguettes d’encens surmontées d’une flammèche.
2957 rmontées d’une flammèche. Tout ceci s’ouvrant sur la rue, à quelques pas des hommes vautrés dans les boutiques, des passan
2958 ur la rue, à quelques pas des hommes vautrés dans les boutiques, des passants à pieds nus qui circulent sans nous voir de l
2959 ardents. Nous croise un être demi-nu, très vieux, le crâne tondu, deux mamelles pendant jusqu’au ventre. Des femmes aux me
2960 es et gracieux. Peu de bruits, et pas un sourire. La cloche d’un temple tinte, sans musique. On entend le frottement des p
2961 cloche d’un temple tinte, sans musique. On entend le frottement des pieds nus, des saris roses, violets, vert assourdi. De
2962 s, violets, vert assourdi. Des yeux brillent dans les portes sombres. Çà et là, un homme prie, accroupi contre un mur. Il r
2963 prie, accroupi contre un mur. Il règne dans tout le quartier une espèce de solennité énigmatique et insidieuse, qui tient
2964 nigmatique et insidieuse, qui tient du rêve et de la vie animale. Tout est menu, félin, misérable et précieux à la fois. D
2965 trop lourd et trop grand. Un peu plus loin, là où la rue tourne et s’éclaire, vers les roches noires et plates du bord de
2966 plus loin, là où la rue tourne et s’éclaire, vers les roches noires et plates du bord de mer, des hommes assis en groupe éc
2967 t une lecture à haute voix. Accroupi sur un banc, le lecteur tient ouvert sur ses genoux un gros in-quarto relié. Homme en
2968 arata. Ils écoutent sans bouger, jeunes et vieux, le livre dont Gandhi chaque soir lisait quelques extraits à ses disciple
2969 s un groupe d’hommes plus dignes et candides dans l’ acte d’entendre un poème. Plus tard, comme nous remontions les pentes
2970 tendre un poème. Plus tard, comme nous remontions les pentes de Malabar Hill par des chemins encaissés entre les murs de pa
2971 s de Malabar Hill par des chemins encaissés entre les murs de parc des grandes demeures luxueuses, un saint nous a croisés.
2972 ures luxueuses, un saint nous a croisés. Comme je l’ apercevais de loin : — Qui est-ce ? ai-je demandé à mon ami. — Un holy
2973 hmait ses lentes et grandes enjambées en frappant le sol d’un bâton. Derrière lui se pressaient trois hommes plus petits,
2974 se pressaient trois hommes plus petits, l’un sur les talons de l’autre, le premier très gros et court, le second décharné,
2975 e premier très gros et court, le second décharné, les tendons des chevilles saillant comme des cordelettes, et le troisième
2976 sorte de queue de cheval surgissant du sommet de l’ occiput. Le saint homme déployait son importance, les trois suiveurs s
2977 ueue de cheval surgissant du sommet de l’occiput. Le saint homme déployait son importance, les trois suiveurs semblaient v
2978 occiput. Le saint homme déployait son importance, les trois suiveurs semblaient vouloir montrer avec insistance qu’ils suiv
2979 uloir montrer avec insistance qu’ils suivaient. ⁂ Le prêtre, le swami, le holy man : plus ils sont saints, plus ils sont n
2980 er avec insistance qu’ils suivaient. ⁂ Le prêtre, le swami, le holy man : plus ils sont saints, plus ils sont nus, et non
2981 sistance qu’ils suivaient. ⁂ Le prêtre, le swami, le holy man : plus ils sont saints, plus ils sont nus, et non pas chamar
2982 t nus, et non pas chamarrés de robes et surplis à l’ instar des princes ou des rois, et comme le sont nos dignitaires ecclé
2983 plis à l’instar des princes ou des rois, et comme le sont nos dignitaires ecclésiastiques, toujours plus lourdement revêtu
2984 lus lourdement revêtus à mesure qu’ils gravissent la hiérarchie sacrée. Nos mouvements de réforme religieuse n’ont-ils pas
2985 s toujours commencé par revenir avec passion vers la nudité spirituelle ? Parfois même ils l’ont physiquement manifestée,
2986 ion vers la nudité spirituelle ? Parfois même ils l’ ont physiquement manifestée, de saint François aux Doukhobors. ⁂ Dans
2987 ifestée, de saint François aux Doukhobors. ⁂ Dans le salon d’une vaste résidence, vidé de ses meubles, le mur du fond tend
2988 salon d’une vaste résidence, vidé de ses meubles, le mur du fond tendu d’un seul voile de soie noir chargé de larges signe
2989 d’or, Çakuntala dansait des danses classiques de l’ Inde ancienne. Deux petits groupes de musiciens l’accompagnaient, assi
2990 l’Inde ancienne. Deux petits groupes de musiciens l’ accompagnaient, assis à terre de chaque côté de la pièce. La subtile d
2991 l’accompagnaient, assis à terre de chaque côté de la pièce. La subtile dissymétrie de ses gestes, soulignée par des avance
2992 naient, assis à terre de chaque côté de la pièce. La subtile dissymétrie de ses gestes, soulignée par des avancements obli
2993 ments obliques du menton, en liaison stricte avec les mouvements des bras, des doigts et des chevilles, m’a fait comprendre
2994 des doigts et des chevilles, m’a fait comprendre la statuaire hindoue : les attitudes des dieux : qui semblent monotones,
2995 illes, m’a fait comprendre la statuaire hindoue : les attitudes des dieux : qui semblent monotones, ou parfois curieusement
2996 rfois curieusement affectées, sont des figures de la danse de Shiva, langage rituel absolument exact, interprétant le deve
2997 va, langage rituel absolument exact, interprétant le devenir cosmique. Ému par tant de beautés concertées, la danseuse et
2998 nir cosmique. Ému par tant de beautés concertées, la danseuse et ses pas, dont chacun signifiait, l’éclat somptueux des so
2999 , la danseuse et ses pas, dont chacun signifiait, l’ éclat somptueux des soies, des couleurs, des bijoux, je songeais que l
3000 soies, des couleurs, des bijoux, je songeais que l’ idée de « mauvais goût » devient inconcevable en Inde, alors qu’un tel
3001 excès de richesses combinées n’eût pas manqué de l’ évoquer dans nos pays. C’est qu’ici, rien ne relève du « goût », mais
3002 mais chaque forme et chaque geste sont dictés par le rite et revêtus de son autorité. Pourtant ce qui a suivi m’a troublé
3003 avantage et j’en parlerai plus longuement. Devant la soie de fond viennent d’apparaître deux hercules au visage rond barré
3004 e un bâton blanc semblable à celui de nos agents. L’ introducteur annonce une « danse des sticks » symbolisant le duel de d
3005 teur annonce une « danse des sticks » symbolisant le duel de dieux jumeaux. La musique commence doucement, batterie souten
3006 es sticks » symbolisant le duel de dieux jumeaux. La musique commence doucement, batterie soutenant deux ou trois notes to
3007 rs pareilles. D’abord couchés à terre, dos à dos, les danseurs frappent très faiblement l’un contre l’autre leurs bâtons cr
3008 s bâtons croisés ; puis se tournent lentement sur le côté et frappent un peu plus fort ; s’assoient et frappent ; tournent
3009 frappant devant eux, de côté, derrière leur dos, les bras levés, avec une violence inouïe — s’ils venaient à rater un seul
3010 ter un seul croisement des armes et se touchaient la tête, ils tomberaient raides — le fracas des bâtons devient celui d’u
3011 t se touchaient la tête, ils tomberaient raides — le fracas des bâtons devient celui d’une dure mêlée de chevaliers, cepen
3012 lui d’une dure mêlée de chevaliers, cependant que la musique monotone rythme les coups avec une implacable exactitude. Dec
3013 valiers, cependant que la musique monotone rythme les coups avec une implacable exactitude. Decrescendo. Maintenant les voi
3014 ne implacable exactitude. Decrescendo. Maintenant les voici de nouveau presque assis, appuyés au sol d’une main, frappant d
3015 nt, frappent encore faiblement, s’immobilisent et la musique s’arrête sans conclusion, comme n’importe où. Les deux géants
3016 que s’arrête sans conclusion, comme n’importe où. Les deux géants aux faces placides se relèvent et s’en vont s’asseoir par
3017 placides se relèvent et s’en vont s’asseoir parmi les musiciens. « Est-ce beau, ou grotesque, ou les deux ? », me souffle à
3018 mi les musiciens. « Est-ce beau, ou grotesque, ou les deux ? », me souffle à l’oreille mon voisin. Ce qui m’a le plus surpr
3019 beau, ou grotesque, ou les deux ? », me souffle à l’ oreille mon voisin. Ce qui m’a le plus surpris, c’est l’inhumanité (à
3020  », me souffle à l’oreille mon voisin. Ce qui m’a le plus surpris, c’est l’inhumanité (à notre sens occidental) de ces deu
3021 lle mon voisin. Ce qui m’a le plus surpris, c’est l’ inhumanité (à notre sens occidental) de ces deux êtres absolument pare
3022 et opaque, leur animalité totalement possédée par le rythme léger des instruments, et ces coups décochés à intervalles pré
3023 précis, par une détente d’une vigueur folle, sans la moindre trace de passion. Non, ni « beau » ni « grotesque » n’ont ri
3024 « beau » ni « grotesque » n’ont rien à voir ici. La danse des deux hercules moustachus et puérils, surgis peut-être d’un
3025 s une compréhension bien autrement inquiétante de l’ Asie. Comment dire ce que l’on sent être à ce point étranger aux conce
3026 rement inquiétante de l’Asie. Comment dire ce que l’ on sent être à ce point étranger aux concepts formulés par l’Europe ?
3027 tre à ce point étranger aux concepts formulés par l’ Europe ? Et comment suggérer dans son obscurité le sentiment, mal dist
3028 l’Europe ? Et comment suggérer dans son obscurité le sentiment, mal distinct d’une angoisse, qu’ici le Moi, l’ego central,
3029 le sentiment, mal distinct d’une angoisse, qu’ici le Moi, l’ego central, n’existe pas ? Ces danseurs sont des rôles, des a
3030 ment, mal distinct d’une angoisse, qu’ici le Moi, l’ ego central, n’existe pas ? Ces danseurs sont des rôles, des acteurs a
3031 e propre et séparée. Je serais tenté d’imaginer à la limite qu’ils ne sont rien que chair opaque, virilité à l’état pur. A
3032 qu’ils ne sont rien que chair opaque, virilité à l’ état pur. Aussi tyranniquement déterminés par la batterie des instrume
3033 à l’état pur. Aussi tyranniquement déterminés par la batterie des instruments et les figures dynamiques de la danse que l’
3034 ent déterminés par la batterie des instruments et les figures dynamiques de la danse que l’animal par ses instincts. Sans p
3035 erie des instruments et les figures dynamiques de la danse que l’animal par ses instincts. Sans problèmes, sans contradict
3036 ruments et les figures dynamiques de la danse que l’ animal par ses instincts. Sans problèmes, sans contradictions, sans du
3037 problèmes, sans contradictions, sans dualité dans la conscience, donc sans aucune espèce de liberté possible, s’il est vra
3038 toute liberté suppose quelque hiatus intime entre le Moi et le destin. Il me semble qu’au seuil de comprendre, je viens de
3039 rté suppose quelque hiatus intime entre le Moi et le destin. Il me semble qu’au seuil de comprendre, je viens de sentir au
3040 comprendre, je viens de sentir au moins pourquoi l’ Asie peut connaître les castes, ignorer entièrement la personne, faire
3041 de sentir au moins pourquoi l’Asie peut connaître les castes, ignorer entièrement la personne, faire bon marché de l’indivi
3042 ie peut connaître les castes, ignorer entièrement la personne, faire bon marché de l’individu, de ses souffrances, de sa v
3043 orer entièrement la personne, faire bon marché de l’ individu, de ses souffrances, de sa vie même, et pourquoi ses grandeur
3044 belles ou cruelles, hideuses ou fascinantes comme les figures d’un rêve, intensément précises mais sans échelle, chargées d
3045 nt de se muer totalement l’une dans l’autre, tels les animaux et les dieux dans la métamorphose infinie de la Fable. ⁂ Chaq
3046 otalement l’une dans l’autre, tels les animaux et les dieux dans la métamorphose infinie de la Fable. ⁂ Chaque nuit, je sor
3047 dans l’autre, tels les animaux et les dieux dans la métamorphose infinie de la Fable. ⁂ Chaque nuit, je sors de mon hôtel
3048 maux et les dieux dans la métamorphose infinie de la Fable. ⁂ Chaque nuit, je sors de mon hôtel pour aller respirer l’air
3049 ue nuit, je sors de mon hôtel pour aller respirer l’ air de la mer. Les corridors et les galeries de boutiques sont jonchés
3050 je sors de mon hôtel pour aller respirer l’air de la mer. Les corridors et les galeries de boutiques sont jonchés de corps
3051 de mon hôtel pour aller respirer l’air de la mer. Les corridors et les galeries de boutiques sont jonchés de corps endormis
3052 aller respirer l’air de la mer. Les corridors et les galeries de boutiques sont jonchés de corps endormis. (Quand je passe
3053 x, mes serviteurs se lèvent à demi.) Dehors, dans l’ ombre des arcades, des milliers de dormeurs sans mouvement. Sur le dos
3054 des, des milliers de dormeurs sans mouvement. Sur le dos, bouche ouverte, à même le sol dallé, sur le ventre ou sur le côt
3055 ans mouvement. Sur le dos, bouche ouverte, à même le sol dallé, sur le ventre ou sur le côté, recroquevillés, nus ou couve
3056 le dos, bouche ouverte, à même le sol dallé, sur le ventre ou sur le côté, recroquevillés, nus ou couverts d’un drap. Cer
3057 uverte, à même le sol dallé, sur le ventre ou sur le côté, recroquevillés, nus ou couverts d’un drap. Certains se font un
3058 se font un lit d’une table à fruits, d’autres de l’ embrasure d’une vitrine de boutique. Leur immobilité parfaite me fasci
3059 is je ne connais pas d’Indien nerveux, même parmi les intellectuels.) Près du port, des gamins vous offrent à voix basse le
3060 rès du port, des gamins vous offrent à voix basse les marchandises les plus diverses, commençant par des « english girls »,
3061 gamins vous offrent à voix basse les marchandises les plus diverses, commençant par des « english girls », sans doute les p
3062 commençant par des « english girls », sans doute les plus avouables de la liste. Il fait déjà trente-trois degrés, à deux
3063 english girls », sans doute les plus avouables de la liste. Il fait déjà trente-trois degrés, à deux heures du matin : l’é
3064 éjà trente-trois degrés, à deux heures du matin : l’ été approche. ⁂ Accroupis au bord du chemin, on ne sait jamais, me dis
3065 on ne sait jamais, me disait M…, s’ils sont dans la posture de l’adoration ou celle de la défécation. Il y a bien moins d
3066 mais, me disait M…, s’ils sont dans la posture de l’ adoration ou celle de la défécation. Il y a bien moins d’irrévérence d
3067 s sont dans la posture de l’adoration ou celle de la défécation. Il y a bien moins d’irrévérence dans cette remarque qu’un
3068 révérence dans cette remarque qu’un Occidental ne le pensera, ignorant par exemple que les Indiens religieux vénèrent jusq
3069 ccidental ne le pensera, ignorant par exemple que les Indiens religieux vénèrent jusqu’à la bouse des vaches sacrées, dont
3070 xemple que les Indiens religieux vénèrent jusqu’à la bouse des vaches sacrées, dont ils enduisent le four de leur cuisine,
3071 à la bouse des vaches sacrées, dont ils enduisent le four de leur cuisine, ou qu’ils s’appliquent sur les cheveux et sur l
3072 four de leur cuisine, ou qu’ils s’appliquent sur les cheveux et sur le front en triples traits, non sans l’avoir mêlée d’u
3073 ne, ou qu’ils s’appliquent sur les cheveux et sur le front en triples traits, non sans l’avoir mêlée d’un colorant jaune d
3074 eveux et sur le front en triples traits, non sans l’ avoir mêlée d’un colorant jaune d’or ou vermillon. ⁂ Quartier purement
3075 urement indien du centre de Bombay : comment font les autos pour traverser sans semer la mort à chaque instant, cette foule
3076 comment font les autos pour traverser sans semer la mort à chaque instant, cette foule d’hommes en blanc qui marchent en
3077 d’hommes en blanc qui marchent en tous sens entre les deux trottoirs, quand il faut encore contourner sans les frôler les v
3078 x trottoirs, quand il faut encore contourner sans les frôler les vaches accroupies ou couchées sur le flanc en plein milieu
3079 , quand il faut encore contourner sans les frôler les vaches accroupies ou couchées sur le flanc en plein milieu de la chau
3080 les frôler les vaches accroupies ou couchées sur le flanc en plein milieu de la chaussée. Mieux vaut aller à pied le long
3081 upies ou couchées sur le flanc en plein milieu de la chaussée. Mieux vaut aller à pied le long des étalages, lentement à t
3082 à pied le long des étalages, lentement à travers les odeurs d’huile brûlée, d’encens ou de pétales de fleurs emplissant de
3083 mplissant des corbeilles si fraîches à voir. Dans la fournaise d’une petite place, vers midi, j’hésitais entre trois ruell
3084 uvement serait d’entrer. Mon guide me retient par la manche : lieu sacré. Un homme, sur le seuil, fait un signe. Je ne com
3085 retient par la manche : lieu sacré. Un homme, sur le seuil, fait un signe. Je ne comprends pas. Je passe le porche. Saisis
3086 uil, fait un signe. Je ne comprends pas. Je passe le porche. Saisissement dès l’entrée dans l’ombre et le silence. Essayer
3087 mprends pas. Je passe le porche. Saisissement dès l’ entrée dans l’ombre et le silence. Essayer de se rappeler le plus gran
3088 e passe le porche. Saisissement dès l’entrée dans l’ ombre et le silence. Essayer de se rappeler le plus grand nombre possi
3089 porche. Saisissement dès l’entrée dans l’ombre et le silence. Essayer de se rappeler le plus grand nombre possible des obj
3090 ans l’ombre et le silence. Essayer de se rappeler le plus grand nombre possible des objets livrés à ma vue, pendant les br
3091 mbre possible des objets livrés à ma vue, pendant les brefs instants où je pourrai me tenir là, observé, surveillé, repouss
3092 ssé par tous ces yeux hostiles et insistants. Sur les grandes dalles de pierre, l’urine des vaches sacrées se répand lentem
3093 et insistants. Sur les grandes dalles de pierre, l’ urine des vaches sacrées se répand lentement en larges nappes. À droit
3094 d’un abreuvoir. À gauche, un énorme pipal — c’est l’ arbre sacré de Vishnu — dont le feuillage couvre la cour entière. Dans
3095 orme pipal — c’est l’arbre sacré de Vishnu — dont le feuillage couvre la cour entière. Dans la torsade de racines grises f
3096 ’arbre sacré de Vishnu — dont le feuillage couvre la cour entière. Dans la torsade de racines grises formant le tronc, des
3097 — dont le feuillage couvre la cour entière. Dans la torsade de racines grises formant le tronc, des fleurs roses et viole
3098 ntière. Dans la torsade de racines grises formant le tronc, des fleurs roses et violettes, piquées en ex-voto. Devant moi,
3099 rrasse surélevée d’un mètre. Des hommes assis sur le rebord, jambes pendantes, me regardent. Au pied de l’arbre, une petit
3100 ebord, jambes pendantes, me regardent. Au pied de l’ arbre, une petite fontaine et un autel, chargé de fleurs et d’offrande
3101 mme prie debout, puis se tourne à demi en remuant les lèvres vers l’autre côté de la cour. Je suis son regard et découvre e
3102 à demi en remuant les lèvres vers l’autre côté de la cour. Je suis son regard et découvre en retrait, au-delà de l’abreuvo
3103 uis son regard et découvre en retrait, au-delà de l’ abreuvoir, un bâtiment peint en bleu-vert, chargé de clochetons et de
3104 est un temple. En réalité toute cette cour, avec les vaches et leur mine sacrée, le pipal, l’autel, la fontaine, les fleur
3105 cette cour, avec les vaches et leur mine sacrée, le pipal, l’autel, la fontaine, les fleurs offertes et les fidèles muets
3106 r, avec les vaches et leur mine sacrée, le pipal, l’ autel, la fontaine, les fleurs offertes et les fidèles muets, forme l’
3107 es vaches et leur mine sacrée, le pipal, l’autel, la fontaine, les fleurs offertes et les fidèles muets, forme l’antichamb
3108 leur mine sacrée, le pipal, l’autel, la fontaine, les fleurs offertes et les fidèles muets, forme l’antichambre ou le parvi
3109 pal, l’autel, la fontaine, les fleurs offertes et les fidèles muets, forme l’antichambre ou le parvis du temple. D’où l’imp
3110 , les fleurs offertes et les fidèles muets, forme l’ antichambre ou le parvis du temple. D’où l’impression de solennité, dè
3111 rtes et les fidèles muets, forme l’antichambre ou le parvis du temple. D’où l’impression de solennité, dès le premier rega
3112 forme l’antichambre ou le parvis du temple. D’où l’ impression de solennité, dès le premier regard jeté de la rue. Au fond
3113 ssion de solennité, dès le premier regard jeté de la rue. Au fond, dans le prolongement de la terrasse, on distingue entre
3114 s le premier regard jeté de la rue. Au fond, dans le prolongement de la terrasse, on distingue entre les feuillages des ma
3115 jeté de la rue. Au fond, dans le prolongement de la terrasse, on distingue entre les feuillages des maisons, des enfants
3116 e prolongement de la terrasse, on distingue entre les feuillages des maisons, des enfants qui jouent, du linge qui pend. At
3117 , « arrêtée » en plein cœur du désordre éperdu de la ville. L’ombre, l’absence de paroles, de mouvements. Et la compositio
3118 e » en plein cœur du désordre éperdu de la ville. L’ ombre, l’absence de paroles, de mouvements. Et la composition compliqu
3119 ein cœur du désordre éperdu de la ville. L’ombre, l’ absence de paroles, de mouvements. Et la composition compliquée de l’e
3120 L’ombre, l’absence de paroles, de mouvements. Et la composition compliquée de l’ensemble, comme une mise en scène pleine
3121 s, de mouvements. Et la composition compliquée de l’ ensemble, comme une mise en scène pleine de sous-entendus. J’attends u
3122 public, ni même de rites communautaires ; à part les processions et fêtes périodiques ; enfin, peu de respect pour les prê
3123 et fêtes périodiques ; enfin, peu de respect pour les prêtres, sortes de domestiques des temples, utiles par leur savoir de
3124 des temples, utiles par leur savoir des rites de la naissance et de la mort, mais fort inférieurs aux brahmines. Comment
3125 s par leur savoir des rites de la naissance et de la mort, mais fort inférieurs aux brahmines. Comment cette religion subs
3126 de disciplines collectives ? Elle se transmet par la famille, par le respect de la caste, par l’étude des Vedas, surtout p
3127 ollectives ? Elle se transmet par la famille, par le respect de la caste, par l’étude des Vedas, surtout par les écoles de
3128 lle se transmet par la famille, par le respect de la caste, par l’étude des Vedas, surtout par les écoles de Maîtres. Les
3129 t par la famille, par le respect de la caste, par l’ étude des Vedas, surtout par les écoles de Maîtres. Les rites sont fam
3130 t de la caste, par l’étude des Vedas, surtout par les écoles de Maîtres. Les rites sont familiaux, ou même individuels. Dan
3131 ude des Vedas, surtout par les écoles de Maîtres. Les rites sont familiaux, ou même individuels. Dans ce pays où les rues g
3132 t familiaux, ou même individuels. Dans ce pays où les rues grouillent jusqu’au délire, où l’on multiplie par trois, par dix
3133 e pays où les rues grouillent jusqu’au délire, où l’ on multiplie par trois, par dix, par cent le nombre des individus jugé
3134 e, où l’on multiplie par trois, par dix, par cent le nombre des individus jugés nécessaires chez nous pour une tâche déter
3135 ai vu jusqu’à cinq personnes sur une bicyclette — le père, la mère, et trois enfants — où enfin, d’une manière générale, i
3136 qu’à cinq personnes sur une bicyclette — le père, la mère, et trois enfants — où enfin, d’une manière générale, il y a par
3137 ut trop de gens ; dans ce pays qui ne croit pas à l’ absolu de la personne et qui semble voué au collectif, la dévotion et
3138 ens ; dans ce pays qui ne croit pas à l’absolu de la personne et qui semble voué au collectif, la dévotion et le culte son
3139 u de la personne et qui semble voué au collectif, la dévotion et le culte sont individualistes. Et bien plus encore le sal
3140 e et qui semble voué au collectif, la dévotion et le culte sont individualistes. Et bien plus encore le salut. Je revois c
3141 e culte sont individualistes. Et bien plus encore le salut. Je revois ces femmes seules dans les temples étroits, intimes
3142 encore le salut. Je revois ces femmes seules dans les temples étroits, intimes avec le dieu, tournant le dos aux passants.
3143 mes seules dans les temples étroits, intimes avec le dieu, tournant le dos aux passants. Et ces hommes en prière contre un
3144 s temples étroits, intimes avec le dieu, tournant le dos aux passants. Et ces hommes en prière contre un mur. Et ces saint
3145 . Et ces saints demi-nus, traversant à grands pas les rues encombrées de piétons, de vaches, de zébus et d’autos, allant ai
3146 , on ne sait où, mais on ne peut s’empêcher de se le demander, et d’eux seuls dans la foule infinie, car eux seuls sont vr
3147 s’empêcher de se le demander, et d’eux seuls dans la foule infinie, car eux seuls sont vraiment distincts, marchant vers a
3148 hant vers autre chose que leur nature, quand tout le reste est déterminé par la fonction, l’espèce, la caste… ⁂ Grand dîne
3149 eur nature, quand tout le reste est déterminé par la fonction, l’espèce, la caste… ⁂ Grand dîner chez le ministre de l’Ali
3150 uand tout le reste est déterminé par la fonction, l’ espèce, la caste… ⁂ Grand dîner chez le ministre de l’Alimentation : b
3151 le reste est déterminé par la fonction, l’espèce, la caste… ⁂ Grand dîner chez le ministre de l’Alimentation : bouillons d
3152 fonction, l’espèce, la caste… ⁂ Grand dîner chez le ministre de l’Alimentation : bouillons de légumes, légumes hachés, cu
3153 pèce, la caste… ⁂ Grand dîner chez le ministre de l’ Alimentation : bouillons de légumes, légumes hachés, curries, galettes
3154 fruits et glaces, servis dans de petits bols que l’ on dépose sans relâche et sans ordre sur le pourtour d’un grand platea
3155 ls que l’on dépose sans relâche et sans ordre sur le pourtour d’un grand plateau d’argent, devant chaque convive. La conve
3156 un grand plateau d’argent, devant chaque convive. La conversation s’engage entre Stephen Spender et ses vis-à-vis Hindous
3157 ses vis-à-vis Hindous et Parsis. Stephen déplore la condition présente de l’homme occidental, tourmenté comme on sait par
3158 Parsis. Stephen déplore la condition présente de l’ homme occidental, tourmenté comme on sait par mille complexes, sexuels
3159 omplexes, sexuels surtout. Qu’en est-il en Inde ? Les Indiens échangent un sourire, hésitent un peu, par politesse sans dou
3160 e anxieusement, se plaint de notre sens du péché. Les Indiens continuent de sourire : non vraiment, ils n’ont pas ce sens-l
3161 de simplicité. Je reviens à ce que j’écrivais sur l’ absence de contradiction dans l’être intime de l’Asiatique : c’est une
3162 ue j’écrivais sur l’absence de contradiction dans l’ être intime de l’Asiatique : c’est une autre manière d’exprimer qu’il
3163 l’absence de contradiction dans l’être intime de l’ Asiatique : c’est une autre manière d’exprimer qu’il n’a pas le sens d
3164 c’est une autre manière d’exprimer qu’il n’a pas le sens du péché ; et par suite, qu’il n’a pas non plus le sens de la ré
3165 s du péché ; et par suite, qu’il n’a pas non plus le sens de la révolte, ni celui de l’humour, ni même celui de l’original
3166 ; et par suite, qu’il n’a pas non plus le sens de la révolte, ni celui de l’humour, ni même celui de l’originalité, étant
3167 a pas non plus le sens de la révolte, ni celui de l’ humour, ni même celui de l’originalité, étant l’homme du Karma, et d’u
3168 a révolte, ni celui de l’humour, ni même celui de l’ originalité, étant l’homme du Karma, et d’une caste. La suppression de
3169 e l’humour, ni même celui de l’originalité, étant l’ homme du Karma, et d’une caste. La suppression des castes, admise en d
3170 ginalité, étant l’homme du Karma, et d’une caste. La suppression des castes, admise en droit, si elle devenait jamais effe
3171 x problèmes personnels, aux risques permanents de la personne, à ses échecs dans la névrose ou l’insanité collective, bref
3172 ques permanents de la personne, à ses échecs dans la névrose ou l’insanité collective, bref, à toute l’aventure courue par
3173 s de la personne, à ses échecs dans la névrose ou l’ insanité collective, bref, à toute l’aventure courue par l’Occident. D
3174 a névrose ou l’insanité collective, bref, à toute l’ aventure courue par l’Occident. Dans l’état présent des choses, on com
3175 é collective, bref, à toute l’aventure courue par l’ Occident. Dans l’état présent des choses, on comprend fort bien que no
3176 f, à toute l’aventure courue par l’Occident. Dans l’ état présent des choses, on comprend fort bien que notre idée de l’ori
3177 s choses, on comprend fort bien que notre idée de l’ originalité (dans les arts ou dans la conduite) ne signifie rien de ra
3178 d fort bien que notre idée de l’originalité (dans les arts ou dans la conduite) ne signifie rien de raisonnable pour l’Asia
3179 otre idée de l’originalité (dans les arts ou dans la conduite) ne signifie rien de raisonnable pour l’Asiatique en tant qu
3180 la conduite) ne signifie rien de raisonnable pour l’ Asiatique en tant que tel14. Il est d’une caste, d’une secte religieus
3181 ituelle définie, d’une école ou d’une profession. La variation, l’innovation individuelle ne sont pas vues, ou bien ne son
3182 e, d’une école ou d’une profession. La variation, l’ innovation individuelle ne sont pas vues, ou bien ne sont qu’erreurs.
3183 lle ne sont pas vues, ou bien ne sont qu’erreurs. Le besoin d’être original, et dans un autre ordre l’humour, expriment no
3184 Le besoin d’être original, et dans un autre ordre l’ humour, expriment notre notion de l’individu : isolé, désacralisé, en
3185 n autre ordre l’humour, expriment notre notion de l’ individu : isolé, désacralisé, en révolte ouverte ou sournoise contre
3186 par essence discutable, c’est-à-dire affecté dès l’ origine, comme en chacun de ses états, par un principe d’injustice, de
3187 ice, de malheur, d’incomplétude inéluctable. D’où le sens du péché, d’où la révolte, d’où l’idée d’un progrès nécessaire,
3188 mplétude inéluctable. D’où le sens du péché, d’où la révolte, d’où l’idée d’un progrès nécessaire, absolument liés dans no
3189 ble. D’où le sens du péché, d’où la révolte, d’où l’ idée d’un progrès nécessaire, absolument liés dans notre histoire et d
3190 histoire et dans notre action personnelle. Alors la vocation vient remplacer le rôle. Qu’elle fasse défaut, et nous vivon
3191 on personnelle. Alors la vocation vient remplacer le rôle. Qu’elle fasse défaut, et nous vivons dans l’incertain, l’absurd
3192 e rôle. Qu’elle fasse défaut, et nous vivons dans l’ incertain, l’absurde ou la médiocrité. Chez l’Indien donc, point de ré
3193 le fasse défaut, et nous vivons dans l’incertain, l’ absurde ou la médiocrité. Chez l’Indien donc, point de révolte. À ce q
3194 ut, et nous vivons dans l’incertain, l’absurde ou la médiocrité. Chez l’Indien donc, point de révolte. À ce qui menacerait
3195 ans l’incertain, l’absurde ou la médiocrité. Chez l’ Indien donc, point de révolte. À ce qui menacerait de le dénaturer, il
3196 en donc, point de révolte. À ce qui menacerait de le dénaturer, il résiste en collant à son identité, qui est celle d’un o
3197 toute destruction violente et non rituelle il y a le risque insane de changer le réel et de blesser l’ordre du monde. De l
3198 t non rituelle il y a le risque insane de changer le réel et de blesser l’ordre du monde. De là, sans doute, l’idée de non
3199 le risque insane de changer le réel et de blesser l’ ordre du monde. De là, sans doute, l’idée de non-violence, forme de ré
3200 t de blesser l’ordre du monde. De là, sans doute, l’ idée de non-violence, forme de résistance la plus profonde à l’étrange
3201 oute, l’idée de non-violence, forme de résistance la plus profonde à l’étrangeté néfaste de l’ennemi, puisqu’elle met à l’
3202 -violence, forme de résistance la plus profonde à l’ étrangeté néfaste de l’ennemi, puisqu’elle met à l’abri du danger de c
3203 istance la plus profonde à l’étrangeté néfaste de l’ ennemi, puisqu’elle met à l’abri du danger de communier avec lui dans
3204 ’étrangeté néfaste de l’ennemi, puisqu’elle met à l’ abri du danger de communier avec lui dans la lutte et d’en sortir cont
3205 met à l’abri du danger de communier avec lui dans la lutte et d’en sortir contaminé. ⁂ Nehru. — L’un de ses anciens amis
3206 de. « Nehru, me disait-il, suit en toute occasion la ligne approuvée par les Russes. Prenez l’affaire de la Corée : il pro
3207 il, suit en toute occasion la ligne approuvée par les Russes. Prenez l’affaire de la Corée : il propose un plébiscite “démo
3208 ccasion la ligne approuvée par les Russes. Prenez l’ affaire de la Corée : il propose un plébiscite “démocratique”, qui ne
3209 gne approuvée par les Russes. Prenez l’affaire de la Corée : il propose un plébiscite “démocratique”, qui ne peut tourner
3210 ébiscite “démocratique”, qui ne peut tourner qu’à l’ avantage des communistes. Mais prenez l’affaire du Kashmir : là, plus
3211 rner qu’à l’avantage des communistes. Mais prenez l’ affaire du Kashmir : là, plus question de plébiscite, idée quantitativ
3212 ien américaine ; il s’agit au contraire de sauver les droits de la minorité, seule responsable et progressiste, et qui est
3213  ; il s’agit au contraire de sauver les droits de la minorité, seule responsable et progressiste, et qui est hindoue. N’ou
3214 ogressiste, et qui est hindoue. N’oubliez pas que le Pandit est du Kashmir. Prenez enfin l’affaire du blé. La famine menac
3215 ez pas que le Pandit est du Kashmir. Prenez enfin l’ affaire du blé. La famine menace au Bihar. On demande l’aide des États
3216 it est du Kashmir. Prenez enfin l’affaire du blé. La famine menace au Bihar. On demande l’aide des États-Unis, on critique
3217 ire du blé. La famine menace au Bihar. On demande l’ aide des États-Unis, on critique en même temps leur politique, on les
3218 nis, on critique en même temps leur politique, on les rend hésitants et l’on se plaint de leur retard, mais si l’URSS nous
3219 me temps leur politique, on les rend hésitants et l’ on se plaint de leur retard, mais si l’URSS nous envoie deux wagons de
3220 sitants et l’on se plaint de leur retard, mais si l’ URSS nous envoie deux wagons de céréales, on salue la grandeur du gest
3221 RSS nous envoie deux wagons de céréales, on salue la grandeur du geste. Nehru, qui a visité la Russie soviétique il y a vi
3222 n salue la grandeur du geste. Nehru, qui a visité la Russie soviétique il y a vingt ans, la tient pour le pays de l’avenir
3223 i a visité la Russie soviétique il y a vingt ans, la tient pour le pays de l’avenir. Cependant il déteste les communistes
3224 Russie soviétique il y a vingt ans, la tient pour le pays de l’avenir. Cependant il déteste les communistes indiens, fait
3225 étique il y a vingt ans, la tient pour le pays de l’ avenir. Cependant il déteste les communistes indiens, fait emprisonner
3226 nt pour le pays de l’avenir. Cependant il déteste les communistes indiens, fait emprisonner leurs leaders. Staline s’en moq
3227 ner leurs leaders. Staline s’en moque, pourvu que l’ Inde appuie la Chine. Et cinq des grands ambassadeurs de l’Inde sont c
3228 ers. Staline s’en moque, pourvu que l’Inde appuie la Chine. Et cinq des grands ambassadeurs de l’Inde sont communistes ou
3229 puie la Chine. Et cinq des grands ambassadeurs de l’ Inde sont communistes ou fellow-travellers… » Un diplomate : « Nul ne
3230 « Nul ne sait ce qu’il va faire. Il suit surtout la ligne de ses humeurs. L’autre jour, au banquet des grands industriels
3231 l s’est lancé dans un discours fort irrité contre le machinisme, inutile selon lui. Or il s’agit d’équiper l’Inde, pour la
3232 inisme, inutile selon lui. Or il s’agit d’équiper l’ Inde, pour la sauver de la misère. » Beaucoup enfin de ceux qui l’aime
3233 le selon lui. Or il s’agit d’équiper l’Inde, pour la sauver de la misère. » Beaucoup enfin de ceux qui l’aiment et qui l’a
3234 Or il s’agit d’équiper l’Inde, pour la sauver de la misère. » Beaucoup enfin de ceux qui l’aiment et qui l’admirent : « A
3235 sauver de la misère. » Beaucoup enfin de ceux qui l’ aiment et qui l’admirent : « Ah ! s’il était resté notre leader moral,
3236 ère. » Beaucoup enfin de ceux qui l’aiment et qui l’ admirent : « Ah ! s’il était resté notre leader moral, au lieu de deve
3237 u lieu de devenir Premier ministre… » Telles sont les opinions que l’on m’a confiées depuis que je suis dans ce pays — douz
3238 Premier ministre… » Telles sont les opinions que l’ on m’a confiées depuis que je suis dans ce pays — douze jours seulemen
3239 ièce, et de quelques familiers de sa maison. Dans le salon où je l’attendais, avant le repas, je n’étais pas sans inquiétu
3240 lques familiers de sa maison. Dans le salon où je l’ attendais, avant le repas, je n’étais pas sans inquiétude. J’arrivais
3241 sa maison. Dans le salon où je l’attendais, avant le repas, je n’étais pas sans inquiétude. J’arrivais à l’instant de Bomb
3242 ongrès s’était clos sur une résolution condamnant le neutralisme. J’avais lu dans l’avion que le Premier ministre devait r
3243 lution condamnant le neutralisme. J’avais lu dans l’ avion que le Premier ministre devait rentrer ce matin même du Kashmir,
3244 tin même du Kashmir, après une nuit de voyage. On le disait fort irritable. J’étais en train d’admirer des jonquilles, rap
3245 entré sans bruit, d’un pas rapide. Un peu voûté, l’ air sérieux et distant. Il porte une longue veste de soie d’un violet
3246 e, tête nue. Un prince d’Orient, aussi beau qu’on le dit. Légèrement boudeur, m’a-t-il semblé d’abord. (À la première ment
3247 emière mention que je risque du Congrès, baissant la tête et regardant sa main posée sur un coussin, sans réagir. Je ne sa
3248 ant et détendu, curieux de tout, connaissant bien les écrivains qui participèrent au congrès, mais esquivant doucement mes
3249 quivant doucement mes tentatives pour entrer dans le vif du sujet ; parlant plutôt du cinéma indien qui, m’apprend-il, le
3250 arlant plutôt du cinéma indien qui, m’apprend-il, le cède de peu à Hollywood quant au volume de production, mais qu’il jug
3251 e production, mais qu’il juge pire encore quant à la qualité ; parlant des douze grandes langues indiennes qui remplaceron
3252 angues indiennes qui remplaceront de plus en plus l’ anglais jusque dans l’université, c’est regrettable mais inévitable ;
3253 emplaceront de plus en plus l’anglais jusque dans l’ université, c’est regrettable mais inévitable ; parlant des fruits con
3254 tes diverses posés devant nous, et guettant si je les aime ; parlant de tout pour ne parler de rien peut-être, s’amusant à
3255 ien peut-être, s’amusant à ce jeu où je m’amuse à le suivre. Enfin je pousse un pion, profitant d’un silence. Je lui dis q
3256 tant d’un silence. Je lui dis que Madariaga, dans la séance de clôture du congrès, s’est écrié : « Votre Nehru, c’est l’un
3257 est l’un des six ou sept qui dirigent aujourd’hui le monde et qui forment déjà, de fait sinon de droit, une sorte de cabin
3258 cabinet mondial : en tant que tel il doit prêter l’ oreille à l’opinion mondiale qui parle ici… » Mais sans me laisser ach
3259 dial : en tant que tel il doit prêter l’oreille à l’ opinion mondiale qui parle ici… » Mais sans me laisser achever ma cita
3260 citation : « Six ou sept ? me dit-il. Quels sont les autres ? » — No others ! tranche la nièce avec simplicité. (Nous lais
3261 . Quels sont les autres ? » — No others ! tranche la nièce avec simplicité. (Nous laissons sans réponse la question de sav
3262 ièce avec simplicité. (Nous laissons sans réponse la question de savoir s’ils devraient être des Staline ou des Einstein,
3263 u café, je lui dis mon étonnement à découvrir que l’ intelligentsia de son pays présente avec la nôtre tant d’analogies, no
3264 ir que l’intelligentsia de son pays présente avec la nôtre tant d’analogies, non seulement par sa situation entre l’URSS e
3265 d’analogies, non seulement par sa situation entre l’ URSS et les USA, mais par sa manière d’assumer ou de refuser cette sit
3266 s, non seulement par sa situation entre l’URSS et les USA, mais par sa manière d’assumer ou de refuser cette situation. App
3267 ands indianistes sont allemands ou français, mais l’ Inde ne connaît guère l’Europe que par les collèges anglais, et d’autr
3268 lemands ou français, mais l’Inde ne connaît guère l’ Europe que par les collèges anglais, et d’autre part, elle est tentée
3269 is, mais l’Inde ne connaît guère l’Europe que par les collèges anglais, et d’autre part, elle est tentée de juger l’Occiden
3270 nglais, et d’autre part, elle est tentée de juger l’ Occident tout entier à travers l’Amérique ; or l’Europe est plus près
3271 tentée de juger l’Occident tout entier à travers l’ Amérique ; or l’Europe est plus près de l’Inde… Il s’est donné une pet
3272 l’Occident tout entier à travers l’Amérique ; or l’ Europe est plus près de l’Inde… Il s’est donné une petite tape sur le
3273 travers l’Amérique ; or l’Europe est plus près de l’ Inde… Il s’est donné une petite tape sur le genou. « C’est vrai, cela 
3274 rès de l’Inde… Il s’est donné une petite tape sur le genou. « C’est vrai, cela ! me dit-il, il y a du vrai là-dedans… » J’
3275 a du vrai là-dedans… » J’ai pris congé au haut de l’ escalier. Mais il me rejoint sur le seuil du palais. « N’oubliez pas d
3276 ngé au haut de l’escalier. Mais il me rejoint sur le seuil du palais. « N’oubliez pas de dire à Madariaga que je l’attends
3277 alais. « N’oubliez pas de dire à Madariaga que je l’ attends. Ou plutôt non, je lui téléphonerai. » Un sourire un peu grave
3278 re un peu grave et charmeur. Un adieu familier de la main. J’essaie maintenant de recomposer ce que l’on m’a dit de lui et
3279 la main. J’essaie maintenant de recomposer ce que l’ on m’a dit de lui et ce que j’ai vu de l’homme, pendant une entrevue «
3280 r ce que l’on m’a dit de lui et ce que j’ai vu de l’ homme, pendant une entrevue « banale », et c’est son prix. Nehru est u
3281 Cambridge, un aristocrate libéral inclinant vers le socialisme, et dont le destin, complice de sa nature intime plutôt qu
3282 ate libéral inclinant vers le socialisme, et dont le destin, complice de sa nature intime plutôt que de ses idées, a fait
3283 nu Premier ministre, il s’agit là d’un caprice de l’ Histoire. Il y a beaucoup de caprice chez Nehru. À l’inverse d’un Stal
3284 istoire. Il y a beaucoup de caprice chez Nehru. À l’ inverse d’un Staline, d’un Hitler, mais peut-être aussi d’un Gandhi, i
3285 distinct de son rôle historique. On dirait qu’il le voit avec quelque distance. Un moraliste en somme, mais sans foi reli
3286 somme, mais sans foi religieuse, et qui remplace les dogmes par quelques bons principes empruntés au libéralisme, au socia
3287 ale que de logique. Son dédain mal dissimulé pour la culture américaine est celui d’un brahmine pour une caste inférieure
3288 celui d’un brahmine pour une caste inférieure (il l’ a écrit), non pas celui d’un Marx pour le capitalisme promis à des cri
3289 eure (il l’a écrit), non pas celui d’un Marx pour le capitalisme promis à des crises fatales. Les mesures qu’il vient de p
3290 pour le capitalisme promis à des crises fatales. Les mesures qu’il vient de prendre contre la presse, au nom d’un idéal de
3291 atales. Les mesures qu’il vient de prendre contre la presse, au nom d’un idéal de « propreté morale », sont en fait ressen
3292 ies comme traduisant sa colère personnelle contre l’ opposition. En dépit de ces défauts, que les Indiens lui reconnaissent
3293 contre l’opposition. En dépit de ces défauts, que les Indiens lui reconnaissent, entouré du respect général. Cela tient à s
3294 visage et son maintien expriment une harmonie de l’ âme hindoue que la plupart des corps, dans ce pays, cachent et même co
3295 ce pays, cachent et même contredisent à nos yeux. L’ Indien du peuple, avec ses membres grêles, sa peau grise, ses yeux fix
3296 et brillants, nous apparaît plus près que nous de l’ animal, ou soudain plus près de l’esprit. (Le businessman occidental f
3297 rès que nous de l’animal, ou soudain plus près de l’ esprit. (Le businessman occidental faisant oublier l’un comme l’autre.
3298 s de l’animal, ou soudain plus près de l’esprit. ( Le businessman occidental faisant oublier l’un comme l’autre.) Sur le vi
3299 cidental faisant oublier l’un comme l’autre.) Sur le visage de Nehru, l’âme affleure et vient en surface. Mais dans son êt
3300 lier l’un comme l’autre.) Sur le visage de Nehru, l’ âme affleure et vient en surface. Mais dans son être intime, le regard
3301 e et vient en surface. Mais dans son être intime, le regard de l’esprit trouverait-il encore ce mystère primitif qui lie l
3302 surface. Mais dans son être intime, le regard de l’ esprit trouverait-il encore ce mystère primitif qui lie l’homme à ses
3303 trouverait-il encore ce mystère primitif qui lie l’ homme à ses dieux comme une ombre à la nuit ? Ne trouverait-il pas au
3304 tif qui lie l’homme à ses dieux comme une ombre à la nuit ? Ne trouverait-il pas au contraire ce signe d’inquiétude et de
3305 iction, cette petite cicatrice secrète qui trahit l’ arrachement de l’individu à l’inconscient sacré, au corps magique d’un
3306 ite cicatrice secrète qui trahit l’arrachement de l’ individu à l’inconscient sacré, au corps magique d’une race ? L’indivi
3307 secrète qui trahit l’arrachement de l’individu à l’ inconscient sacré, au corps magique d’une race ? L’individualité n’est
3308 ’inconscient sacré, au corps magique d’une race ? L’ individualité n’est jamais née qu’en rupture de magie. Cette crise pro
3309 e qu’en rupture de magie. Cette crise profonde de l’ Inde se résume en Nehru. J’en suis sûr maintenant : ce grand Indien, q
3310 ais, pense en anglais. ⁂ Délivrée des Moghols par l’ Occident, puis de l’Occident par l’action combinée de Gandhi, de nos f
3311 s. ⁂ Délivrée des Moghols par l’Occident, puis de l’ Occident par l’action combinée de Gandhi, de nos faiblesses et de nos
3312 es Moghols par l’Occident, puis de l’Occident par l’ action combinée de Gandhi, de nos faiblesses et de nos idéaux, l’Inde
3313 ée de Gandhi, de nos faiblesses et de nos idéaux, l’ Inde va-t-elle enfin se retrouver elle-même ? Six siècles de tutelle,
3314 siècles de tutelle, presque « d’occupation », ne l’ ont-ils pas profondément dénaturée ? Certes, mais l’Inde en soi n’exis
3315 ont-ils pas profondément dénaturée ? Certes, mais l’ Inde en soi n’existe pas ailleurs que dans nos idées vagues sur son my
3316 embler qu’à ce qu’elle deviendra. En six siècles, le monde a changé ; une Inde indépendante eût changé elle aussi. Le fait
3317 gé ; une Inde indépendante eût changé elle aussi. Le fait certain, c’est qu’elle n’a pu le faire au rythme accéléré de not
3318 elle aussi. Le fait certain, c’est qu’elle n’a pu le faire au rythme accéléré de notre histoire. Elle a manqué la Renaissa
3319 rythme accéléré de notre histoire. Elle a manqué la Renaissance, les Lumières, le romantisme et les révolutions. Endormie
3320 de notre histoire. Elle a manqué la Renaissance, les Lumières, le romantisme et les révolutions. Endormie en plein Moyen Â
3321 oire. Elle a manqué la Renaissance, les Lumières, le romantisme et les révolutions. Endormie en plein Moyen Âge, on la rév
3322 ué la Renaissance, les Lumières, le romantisme et les révolutions. Endormie en plein Moyen Âge, on la réveille au siècle am
3323 les révolutions. Endormie en plein Moyen Âge, on la réveille au siècle américain et russe. Ni d’un côté ni de l’autre, el
3324 me quelqu’un qui voudrait bien se rendormir. Mais l’ image du réveil est trompeuse. Je n’ai pas senti là-bas l’essor d’un p
3325 du réveil est trompeuse. Je n’ai pas senti là-bas l’ essor d’un peuple jeune, sa confiance dans l’avenir, ses projets exces
3326 -bas l’essor d’un peuple jeune, sa confiance dans l’ avenir, ses projets excessifs. Au contraire, un immense embarras devan
3327 cessifs. Au contraire, un immense embarras devant le monde tel que d’autres l’ont fait. Jetée dans la lice des États, au m
3328 immense embarras devant le monde tel que d’autres l’ ont fait. Jetée dans la lice des États, au milieu d’une partie serrée,
3329 le monde tel que d’autres l’ont fait. Jetée dans la lice des États, au milieu d’une partie serrée, l’Inde se voit sommée
3330 la lice des États, au milieu d’une partie serrée, l’ Inde se voit sommée de jouer. Elle n’est pas équipée, ni entraînée. El
3331 sur le plan international, ne soit tenté que par le rôle d’arbitre ! Admettons que l’Amérique représente aujourd’hui le m
3332 t tenté que par le rôle d’arbitre ! Admettons que l’ Amérique représente aujourd’hui le monde des libertés individuelles, d
3333 ! Admettons que l’Amérique représente aujourd’hui le monde des libertés individuelles, dans sa lutte contre la Russie qui
3334 des libertés individuelles, dans sa lutte contre la Russie qui représente les masses organisées. Ce conflit n’intéresse e
3335 es, dans sa lutte contre la Russie qui représente les masses organisées. Ce conflit n’intéresse en rien le gros du peuple i
3336 masses organisées. Ce conflit n’intéresse en rien le gros du peuple indien, qui n’a jamais connu le phénomène des « masses
3337 en le gros du peuple indien, qui n’a jamais connu le phénomène des « masses », ni l’individualisme dont il est la rançon.
3338 n’a jamais connu le phénomène des « masses », ni l’ individualisme dont il est la rançon. Cependant l’Inde, en tant qu’Éta
3339 e des « masses », ni l’individualisme dont il est la rançon. Cependant l’Inde, en tant qu’État, doit voter pour ou contre
3340 l’individualisme dont il est la rançon. Cependant l’ Inde, en tant qu’État, doit voter pour ou contre l’un des blocs, sauf
3341 ur quelles valeurs positives Nehru peut-il fonder le double refus qui paraît inspirer sa politique ? Au nom de quelle fidé
3342 u de quel idéal nouveau repoussera-t-il longtemps la double tentation ? L’Inde antique, religieuse, hindoue, subsiste enco
3343 u repoussera-t-il longtemps la double tentation ? L’ Inde antique, religieuse, hindoue, subsiste encore dans toutes les cas
3344 religieuse, hindoue, subsiste encore dans toutes les castes, chez les brahmines, chez les paysans et artisans, mais le pou
3345 oue, subsiste encore dans toutes les castes, chez les brahmines, chez les paysans et artisans, mais le pouvoir est aux « sé
3346 dans toutes les castes, chez les brahmines, chez les paysans et artisans, mais le pouvoir est aux « sécularistes » qui se
3347 les brahmines, chez les paysans et artisans, mais le pouvoir est aux « sécularistes » qui se détachent d’elle ou la renien
3348 t aux « sécularistes » qui se détachent d’elle ou la renient. L’évolution normale que provoquerait une suppression réelle
3349 laristes » qui se détachent d’elle ou la renient. L’ évolution normale que provoquerait une suppression réelle des castes r
3350 t une suppression réelle des castes rapprocherait l’ Inde de l’Occident, de l’Europe en particulier. Mais elle n’affecte en
3351 des castes rapprocherait l’Inde de l’Occident, de l’ Europe en particulier. Mais elle n’affecte encore que l’intelligentsia
3352 pe en particulier. Mais elle n’affecte encore que l’ intelligentsia16. Celle-ci d’ailleurs rejoint plus facilement nos ince
3353 ncertitudes que nos fois… Entre un passé réduit à l’ impuissance pratique mais qui résiste en profondeur, et un avenir enco
3354 e en profondeur, et un avenir encore épidermique, le présent de l’Inde paraît manquer de consistance. Nous avons des probl
3355 r, et un avenir encore épidermique, le présent de l’ Inde paraît manquer de consistance. Nous avons des problèmes, l’Inde e
3356 manquer de consistance. Nous avons des problèmes, l’ Inde est problèmes. Je n’ai guère parlé que du plus intime d’entre eux
3357 que du plus intime d’entre eux, tel que j’ai cru le pressentir : celui de l’homme entre le mythe et la personne. Les autr
3358 re eux, tel que j’ai cru le pressentir : celui de l’ homme entre le mythe et la personne. Les autres sont assez connus. Des
3359 e j’ai cru le pressentir : celui de l’homme entre le mythe et la personne. Les autres sont assez connus. Des milliers de v
3360 e pressentir : celui de l’homme entre le mythe et la personne. Les autres sont assez connus. Des milliers de vaches sacrée
3361 : celui de l’homme entre le mythe et la personne. Les autres sont assez connus. Des milliers de vaches sacrées, d’ailleurs
3362 vaches sacrées, d’ailleurs malades, embarrassent la circulation. Des millions de singes sacrés pillent les champs rendus
3363 irculation. Des millions de singes sacrés pillent les champs rendus à la culture par les tracteurs. La production, d’une dé
3364 ions de singes sacrés pillent les champs rendus à la culture par les tracteurs. La production, d’une désastreuse insuffisa
3365 sacrés pillent les champs rendus à la culture par les tracteurs. La production, d’une désastreuse insuffisance, s’accroît m
3366 les champs rendus à la culture par les tracteurs. La production, d’une désastreuse insuffisance, s’accroît moins vite que
3367 ésastreuse insuffisance, s’accroît moins vite que la population, qui déborde la nuit sur les trottoirs. (Un lit pour des c
3368 accroît moins vite que la population, qui déborde la nuit sur les trottoirs. (Un lit pour des centaines de personnes à Bom
3369 s vite que la population, qui déborde la nuit sur les trottoirs. (Un lit pour des centaines de personnes à Bombay.) Neuf ho
3370 trés, dans un régime officiellement démocratique. Les fonctionnaires sont corrompus, dit-on, du haut en bas des hiérarchies
3371 du haut en bas des hiérarchies improvisées après le départ des Anglais. L’armée serait impuissante devant une invasion. E
3372 rarchies improvisées après le départ des Anglais. L’ armée serait impuissante devant une invasion. Et ainsi de suite… Presq
3373 blèmes me semblent insolubles. Il faut donc aider l’ Inde, mais qui le peut ? L’Amérique lui fournit des tracteurs et du bl
3374 t insolubles. Il faut donc aider l’Inde, mais qui le peut ? L’Amérique lui fournit des tracteurs et du blé. La Russie lui
3375 es. Il faut donc aider l’Inde, mais qui le peut ? L’ Amérique lui fournit des tracteurs et du blé. La Russie lui propose la
3376 ? L’Amérique lui fournit des tracteurs et du blé. La Russie lui propose la révolte. Et l’Europe, jusqu’ici, n’a rien offer
3377 it des tracteurs et du blé. La Russie lui propose la révolte. Et l’Europe, jusqu’ici, n’a rien offert. (Qui, d’ailleurs, l
3378 s et du blé. La Russie lui propose la révolte. Et l’ Europe, jusqu’ici, n’a rien offert. (Qui, d’ailleurs, l’eût fait en so
3379 pe, jusqu’ici, n’a rien offert. (Qui, d’ailleurs, l’ eût fait en son nom ?) Elle s’est bornée à se retirer politiquement. E
3380 tirer politiquement. Elle doit trouver maintenant les formes d’une présence désintéressée, fraternelle. 14. Je ne parle p
3381 llectuels, formés aux disciplines occidentales, à l’ anarchie qui les résume. 15. Pandit veut dire sage, docte — un peu co
3382 és aux disciplines occidentales, à l’anarchie qui les résume. 15. Pandit veut dire sage, docte — un peu comme notre « doct
3383 gentsia de formation occidentale que se recrutent les staliniens de l’Inde et leurs alliés. Le communisme, comme idéal et d
3384 on occidentale que se recrutent les staliniens de l’ Inde et leurs alliés. Le communisme, comme idéal et doctrine révolutio
3385 crutent les staliniens de l’Inde et leurs alliés. Le communisme, comme idéal et doctrine révolutionnaire, n’a guère touché
3386 et doctrine révolutionnaire, n’a guère touché que les milieux d’étudiants et les populations très anciennement chrétiennes
3387 , n’a guère touché que les milieux d’étudiants et les populations très anciennement chrétiennes du Malabar. Mais un Hindou
3388 enir « collectiviste » s’il n’a passé d’abord par l’ individualisme, soit chrétien, rationaliste. h. Rougemont Denis de,
3389 onaliste. h. Rougemont Denis de, « Inde 1951 », La Revue de Paris, Paris, décembre 1951, p. 56-69. i. Introduit par la
3390 Paris, décembre 1951, p. 56-69. i. Introduit par la note suivante : « Ces tableaux de l’Inde que Denis de Rougemont rappo
3391 ntroduit par la note suivante : « Ces tableaux de l’ Inde que Denis de Rougemont rapporte d’un récent voyage forment un cur
3392 n récent voyage forment un curieux contraste avec les pages de Somerset Maugham que nous avons publiées dans notre précéden
3393 s publiées dans notre précédente livraison. Après l’ Inde religieuse, voici l’Inde des foules — l’Inde de 390 millions d’ha
3394 cédente livraison. Après l’Inde religieuse, voici l’ Inde des foules — l’Inde de 390 millions d’habitants — la vie de la ru
3395 près l’Inde religieuse, voici l’Inde des foules — l’ Inde de 390 millions d’habitants — la vie de la rue — et aussi les pré
3396 des foules — l’Inde de 390 millions d’habitants — la vie de la rue — et aussi les préoccupations nouvelles nées de l’indép
3397 — l’Inde de 390 millions d’habitants — la vie de la rue — et aussi les préoccupations nouvelles nées de l’indépendance, l
3398 illions d’habitants — la vie de la rue — et aussi les préoccupations nouvelles nées de l’indépendance, les soucis de la jeu
3399 e — et aussi les préoccupations nouvelles nées de l’ indépendance, les soucis de la jeune intelligentsia… ses réactions en
3400 préoccupations nouvelles nées de l’indépendance, les soucis de la jeune intelligentsia… ses réactions en face de l’URSS… e
3401 s nouvelles nées de l’indépendance, les soucis de la jeune intelligentsia… ses réactions en face de l’URSS… et un portrait
3402 la jeune intelligentsia… ses réactions en face de l’ URSS… et un portrait nuancé de Nehru. »
8 1965, La Revue de Paris, articles (1937–1969). Le Suisse moyen et quelques autres (mai 1965)
3403 Le Suisse moyen et quelques autres (mai 1965)j k Portrait du Suisse
3404 es (mai 1965)j k Portrait du Suisse moyen Les Suisses sont plus réellement moyens que « l’homme moyen » des autres
3405 Les Suisses sont plus réellement moyens que «  l’ homme moyen » des autres peuples, support ou résultat fictif des stati
3406 fameuses diversités dans cette moyenne qui semble les nier ? Réponse : cette moyenne n’est pas née de la fusion des diversi
3407 s nier ? Réponse : cette moyenne n’est pas née de la fusion des diversités, encore moins de leur mélange dans chaque indiv
3408 s de leur libre multiplicité, distribuée sur tout le territoire, et d’une même attitude d’intime approbation à l’égard d’u
3409 ive, à droits égaux mais à charge de respect pour les coutumes locales et leurs compartimentages. La moyenne suisse est l’e
3410 r les coutumes locales et leurs compartimentages. La moyenne suisse est l’expression d’un contentement presque unanime, d’
3411 et leurs compartimentages. La moyenne suisse est l’ expression d’un contentement presque unanime, d’une longue absence de
3412 ’une longue absence de conflits dramatiques et de la prospérité qui en a pu résulter. Pas de moyenne réelle dans les pays
3413 qui en a pu résulter. Pas de moyenne réelle dans les pays où une faction, une Église, une classe a tenté d’imposer ses règ
3414 e classe a tenté d’imposer ses règles, provoquant la violence et fixant pour longtemps d’irréductibles discordances et des
3415 bles discordances et des disparités extrêmes dans les manières de vivre et de juger. La liberté de rester divers rapproche,
3416 extrêmes dans les manières de vivre et de juger. La liberté de rester divers rapproche, les décrets d’uniformité divisent
3417 de juger. La liberté de rester divers rapproche, les décrets d’uniformité divisent. On parle toujours de la Suisse comme d
3418 crets d’uniformité divisent. On parle toujours de la Suisse comme d’une nation « une et diverse ». Il faut voir qu’elle es
3419 t voir qu’elle est une parce qu’elle est diverse. Le goût du juste milieu, le sens du compromis, l’attrait de la moyenne e
3420 rce qu’elle est diverse. Le goût du juste milieu, le sens du compromis, l’attrait de la moyenne et son revers qui est la p
3421 e. Le goût du juste milieu, le sens du compromis, l’ attrait de la moyenne et son revers qui est la peur de différer, le co
3422 juste milieu, le sens du compromis, l’attrait de la moyenne et son revers qui est la peur de différer, le conformisme, so
3423 is, l’attrait de la moyenne et son revers qui est la peur de différer, le conformisme, sont les vertus et les défauts typi
3424 oyenne et son revers qui est la peur de différer, le conformisme, sont les vertus et les défauts typiques qu’appelle la to
3425 qui est la peur de différer, le conformisme, sont les vertus et les défauts typiques qu’appelle la tolérance fédéraliste. E
3426 r de différer, le conformisme, sont les vertus et les défauts typiques qu’appelle la tolérance fédéraliste. Enquêtes sociol
3427 ont les vertus et les défauts typiques qu’appelle la tolérance fédéraliste. Enquêtes sociologiques, études d’opinion et an
3428 x Suisses parmi lesquels je vis, que je vois dans la rue, que j’entends dans les trains, avec lesquels j’ai fait mon servi
3429 vis, que je vois dans la rue, que j’entends dans les trains, avec lesquels j’ai fait mon service militaire ou que je renco
3430 fait mon service militaire ou que je rencontre à l’ étranger, livrés aux joies inépuisables de la comparaison des niveaux
3431 re à l’étranger, livrés aux joies inépuisables de la comparaison des niveaux de vie. Ce sont des réalistes sans cynisme. I
3432 leur condition, parce qu’ils en connaissent bien les données de fait et les impératifs concrets, et qu’ils la jugent au su
3433 qu’ils en connaissent bien les données de fait et les impératifs concrets, et qu’ils la jugent au surplus satisfaisante. Un
3434 ées de fait et les impératifs concrets, et qu’ils la jugent au surplus satisfaisante. Une enquête conduite par l’institut
3435 u surplus satisfaisante. Une enquête conduite par l’ institut Gallup pendant l’été de 1963, dans six pays d’Europe et aux É
3436 ne enquête conduite par l’institut Gallup pendant l’ été de 1963, dans six pays d’Europe et aux États-Unis, montre qu’ils s
3437 e qu’ils sont « en tête des gens heureux », comme l’ écrit un journal français. Alors que 48 % seulement des Français se di
3438 que cela va très bien ainsi. Mais il y a mieux. À la question posée par un autre institut de sondage de l’opinion publique
3439 uestion posée par un autre institut de sondage de l’ opinion publique : « D’une manière générale, diriez-vous que vous êtes
3440 t 6 % seulement pas très heureux. (Reste 1 % pour les désespérés ou ceux que la question laisse froids.) Ce n’est pas que t
3441 ureux. (Reste 1 % pour les désespérés ou ceux que la question laisse froids.) Ce n’est pas que tout soit parfait dans la m
3442 froids.) Ce n’est pas que tout soit parfait dans la meilleure des Suisses possibles, mais le monde a changé, et l’on s’ad
3443 ait dans la meilleure des Suisses possibles, mais le monde a changé, et l’on s’adapte à ces changements, loin de s’accroch
3444 des Suisses possibles, mais le monde a changé, et l’ on s’adapte à ces changements, loin de s’accrocher aux recettes du pas
3445 re, mais rien non plus de moins réactionnaire que le Suisse moyen. Réformiste conservateur, il évolue avec ténacité vers d
3446 e avec ténacité vers des formes d’organisation de l’ économie et de la distribution des revenus que les socialistes d’antan
3447 ers des formes d’organisation de l’économie et de la distribution des revenus que les socialistes d’antan revendiquaient s
3448 l’économie et de la distribution des revenus que les socialistes d’antan revendiquaient sans trop oser y croire, et que le
3449 an revendiquaient sans trop oser y croire, et que les patrons modernes négocient posément avec des chefs syndicalistes très
3450 hefs syndicalistes très avertis des conditions de la productivité. Le fonds commun sur lequel peuvent compter syndicaliste
3451 s très avertis des conditions de la productivité. Le fonds commun sur lequel peuvent compter syndicalistes, patrons et gou
3452 pter syndicalistes, patrons et gouvernants, c’est le goût du travail dont on a pu écrire qu’il est « le mode existentiel d
3453 e goût du travail dont on a pu écrire qu’il est «  le mode existentiel des Suisses », la base de leurs rapports sociaux et
3454 re qu’il est « le mode existentiel des Suisses », la base de leurs rapports sociaux et souvent le sens même de leur vie. D
3455 s », la base de leurs rapports sociaux et souvent le sens même de leur vie. Dans le canton de Neuchâtel de mon enfance, co
3456 sociaux et souvent le sens même de leur vie. Dans le canton de Neuchâtel de mon enfance, combien de fois n’ai-je pas lu ce
3457 bas d’un faire-part de décès, en lieu et place de l’ habituel verset biblique : « Le travail fut sa vie. » C’est aussi « le
3458 n lieu et place de l’habituel verset biblique : «  Le travail fut sa vie. » C’est aussi « leur seul mode de promotion »17,
3459 t-on et sans doute en va-t-il vraiment ainsi pour l’ immense majorité. La coutume patricienne n’a guère laissé de traces qu
3460 n va-t-il vraiment ainsi pour l’immense majorité. La coutume patricienne n’a guère laissé de traces que dans quelques banq
3461 ssé de traces que dans quelques banques privées ; le parti radical a perdu la puissance qu’il exerçait jusqu’aux débuts de
3462 elques banques privées ; le parti radical a perdu la puissance qu’il exerçait jusqu’aux débuts de ce siècle sur les nomina
3463 qu’il exerçait jusqu’aux débuts de ce siècle sur les nominations dans la fonction publique, et nul autre parti ne l’a remp
3464 ’aux débuts de ce siècle sur les nominations dans la fonction publique, et nul autre parti ne l’a remplacé ; peu ou point
3465 dans la fonction publique, et nul autre parti ne l’ a remplacé ; peu ou point de grandes fortunes fondées sur un coup de c
3466 andes fortunes fondées sur un coup de chance ; et les fils à papa ne se contentent pas de poser comme ailleurs aux progress
3467 marque par une grande stabilité professionnelle. Le Suisse s’expatrie facilement18 et passe sans nulle difficulté d’une c
3468 eille guère en Suisse que de sérieux soupçons sur la valeur morale du personnage. Les loisirs eux-mêmes sont marqués par l
3469 ieux soupçons sur la valeur morale du personnage. Les loisirs eux-mêmes sont marqués par l’esprit d’efficacité qui fait du
3470 ersonnage. Les loisirs eux-mêmes sont marqués par l’ esprit d’efficacité qui fait du Suisse un type extrême d’Occidental. «
3471 du Suisse un type extrême d’Occidental. « Toutes les activités culturelles du Suisse, très importantes, participent en une
3472 une certaine manière du travail », observe encore l’ enquête déjà citée. Lire, aller au théâtre, écouter des conférences es
3473 aut se maintenir en forme en faisant du ski ou de la gymnastique. Le plaisir pur, la gratuité ne s’avouent guère, se cherc
3474 en forme en faisant du ski ou de la gymnastique. Le plaisir pur, la gratuité ne s’avouent guère, se cherchent des prétext
3475 sant du ski ou de la gymnastique. Le plaisir pur, la gratuité ne s’avouent guère, se cherchent des prétextes et en trouven
3476 ’excellents, mais il n’y a plus de gratuité. Dans L’ Annuaire statistique de la Suisse, publication très officielle, sous l
3477 plus de gratuité. Dans L’Annuaire statistique de la Suisse, publication très officielle, sous la rubrique « Budget de mén
3478 e de la Suisse, publication très officielle, sous la rubrique « Budget de ménages », je trouve ce poste : « Instruction, d
3479 action. » C’est « Culture et loisirs » en France, la nuance est significative. Quant au goût de la simplicité, affiché jus
3480 ce, la nuance est significative. Quant au goût de la simplicité, affiché jusqu’à la manie ou au défi, il caractérisait les
3481 . Quant au goût de la simplicité, affiché jusqu’à la manie ou au défi, il caractérisait les Suisses bien avant l’ère indus
3482 ché jusqu’à la manie ou au défi, il caractérisait les Suisses bien avant l’ère industrielle-utilitaire, et même bien avant
3483 au défi, il caractérisait les Suisses bien avant l’ ère industrielle-utilitaire, et même bien avant la Réforme, mais il es
3484 l’ère industrielle-utilitaire, et même bien avant la Réforme, mais il est en symbiose avec elles, et s’en nourrit autant q
3485 en nourrit autant qu’il explique leur succès dans la majorité de nos cantons. « Simplifions », « C’est plus simple ainsi »
3486 , ce sera très simple » sont des mots de passe de la vie quotidienne du bourgeois et surtout de son épouse. Tout ce qui es
3487 Tout ce qui est compliqué est vaguement immoral : l’ art baroque en particulier, dont tant de chefs-d’œuvre, pourtant, comm
3488 lier, dont tant de chefs-d’œuvre, pourtant, comme l’ immense abbaye princière d’Einsiedeln, la cathédrale de Saint-Gall et
3489 t, comme l’immense abbaye princière d’Einsiedeln, la cathédrale de Saint-Gall et les églises de la campagne lucernoise, Be
3490 ière d’Einsiedeln, la cathédrale de Saint-Gall et les églises de la campagne lucernoise, Beromünster, Ettiswil et Sursee, f
3491 ln, la cathédrale de Saint-Gall et les églises de la campagne lucernoise, Beromünster, Ettiswil et Sursee, font une des gl
3492 et Sursee, font une des gloires de ce pays. C’est la Suisse primitive qui a produit tout cela, pendant l’époque patricienn
3493 Suisse primitive qui a produit tout cela, pendant l’ époque patricienne, très mal vue. La Suisse moderne, puritaine et tech
3494 cela, pendant l’époque patricienne, très mal vue. La Suisse moderne, puritaine et technique, ennemie de la dépense autant
3495 uisse moderne, puritaine et technique, ennemie de la dépense autant que de l’apparat, et même des majuscules typographique
3496 et technique, ennemie de la dépense autant que de l’ apparat, et même des majuscules typographiques (voir l’école graphique
3497 arat, et même des majuscules typographiques (voir l’ école graphique de Zurich) se sent complètement dépaysée dans ces sanc
3498 ent complètement dépaysée dans ces sanctuaires où l’ or est gaspillé sur des stucs boursouflés et qui manquent de sérieux…
3499 t-ils encore ceux de sa religion, ou déjà ceux de l’ utilitarisme que certains jugent inhérent à la nouvelle civilisation d
3500 de l’utilitarisme que certains jugent inhérent à la nouvelle civilisation de l’Occident, — celle que le monde entier lui
3501 ins jugent inhérent à la nouvelle civilisation de l’ Occident, — celle que le monde entier lui attribue désormais, lui repr
3502 nouvelle civilisation de l’Occident, — celle que le monde entier lui attribue désormais, lui reproche vertueusement et s’
3503 i reproche vertueusement et s’empresse d’imiter ? La tournure d’esprit sociologique du xxe siècle multiplie les questions
3504 re d’esprit sociologique du xxe siècle multiplie les questions de ce genre. Il est peut-être encore plus difficile d’y rép
3505 peut-être encore plus difficile d’y répondre dans le cas de la Suisse que dans celui des États-Unis par exemple19. Car la
3506 encore plus difficile d’y répondre dans le cas de la Suisse que dans celui des États-Unis par exemple19. Car la Suisse res
3507 que dans celui des États-Unis par exemple19. Car la Suisse reste tributaire dans son ensemble d’une certaine éthique prot
3508 certaine éthique protestante, qui ne sépare point la vertu de l’effort ni la valeur d’une action du mérite moral de son au
3509 ique protestante, qui ne sépare point la vertu de l’ effort ni la valeur d’une action du mérite moral de son auteur. D’où i
3510 ante, qui ne sépare point la vertu de l’effort ni la valeur d’une action du mérite moral de son auteur. D’où il résulte, p
3511 de son auteur. D’où il résulte, par exemple, que le goût du travail correspond chez le Suisse moyen à une exigence morale
3512 r exemple, que le goût du travail correspond chez le Suisse moyen à une exigence morale plutôt qu’au seul désir de gagner
3513 rale plutôt qu’au seul désir de gagner davantage. La paresse est une déficience, et non le signe éventuel d’une sagesse li
3514 davantage. La paresse est une déficience, et non le signe éventuel d’une sagesse libérée des contingences. Je ne connais
3515 s contingences. Je ne connais pas d’autre pays où l’ on pourrait poser au citoyen moyen cette question qui figure dans l’en
3516 r au citoyen moyen cette question qui figure dans l’ enquête intitulée Un jour en Suisse : « Estimez-vous qu’on peut être u
3517 t être un bon Suisse et se lever à 9 heures ? » À l’ origine du devoir et du goût de se lever tôt pour travailler, il y a l
3518 t du goût de se lever tôt pour travailler, il y a la Bible autant que la coutume paysanne et bien plus que l’utilitarisme.
3519 r tôt pour travailler, il y a la Bible autant que la coutume paysanne et bien plus que l’utilitarisme. Il y a d’abord la b
3520 e autant que la coutume paysanne et bien plus que l’ utilitarisme. Il y a d’abord la bonne conscience, bien plus que le sen
3521 e et bien plus que l’utilitarisme. Il y a d’abord la bonne conscience, bien plus que le sens du rendement objectif : car,
3522 Il y a d’abord la bonne conscience, bien plus que le sens du rendement objectif : car, ainsi que l’a bien dit une mauvaise
3523 ue le sens du rendement objectif : car, ainsi que l’ a bien dit une mauvaise langue, le Suisse se lève tôt, mais il se réve
3524 car, ainsi que l’a bien dit une mauvaise langue, le Suisse se lève tôt, mais il se réveille tard. Mais qu’en est-il d’aut
3525 Mais qu’en est-il d’autres domaines critiques de l’ existence morale en Occident : la sexualité, le mariage ? Les anciens
3526 nes critiques de l’existence morale en Occident : la sexualité, le mariage ? Les anciens Suisses, au temps des Ligues, n’é
3527 de l’existence morale en Occident : la sexualité, le mariage ? Les anciens Suisses, au temps des Ligues, n’étaient pas moi
3528 e morale en Occident : la sexualité, le mariage ? Les anciens Suisses, au temps des Ligues, n’étaient pas moins connus pour
3529 temps des Ligues, n’étaient pas moins connus pour la licence de leurs mœurs que pour l’austérité patriarcale de leurs prin
3530 ns connus pour la licence de leurs mœurs que pour l’ austérité patriarcale de leurs principes. Les chroniques illustrées d’
3531 pour l’austérité patriarcale de leurs principes. Les chroniques illustrées d’Urs Graf, les descriptions des bains de Bade,
3532 principes. Les chroniques illustrées d’Urs Graf, les descriptions des bains de Bade, « jardin de volupté de l’Europe », le
3533 iptions des bains de Bade, « jardin de volupté de l’ Europe », les récits de Casanova, les lettres de Rousseau, et plus tar
3534 bains de Bade, « jardin de volupté de l’Europe », les récits de Casanova, les lettres de Rousseau, et plus tard les indigna
3535 de volupté de l’Europe », les récits de Casanova, les lettres de Rousseau, et plus tard les indignations de Jeremias Gotthe
3536 e Casanova, les lettres de Rousseau, et plus tard les indignations de Jeremias Gotthelf contre les mœurs des paysans bernoi
3537 tard les indignations de Jeremias Gotthelf contre les mœurs des paysans bernois (qui, loin d’exiger d’une jeune fille la pr
3538 ans bernois (qui, loin d’exiger d’une jeune fille la preuve de sa virginité, attendaient au contraire, pour l’épouser, la
3539 e de sa virginité, attendaient au contraire, pour l’ épouser, la preuve qu’elle pouvait être mère), cent témoignages concor
3540 ginité, attendaient au contraire, pour l’épouser, la preuve qu’elle pouvait être mère), cent témoignages concordants décri
3541 e gaillarde, rustique et soldatesque, qui préfère la virtù à la vertu. Le réveil religieux succédant au piétisme, l’avènem
3542 , rustique et soldatesque, qui préfère la virtù à la vertu. Le réveil religieux succédant au piétisme, l’avènement de la b
3543 et soldatesque, qui préfère la virtù à la vertu. Le réveil religieux succédant au piétisme, l’avènement de la bourgeoisie
3544 vertu. Le réveil religieux succédant au piétisme, l’ avènement de la bourgeoisie et l’école ont changé tout cela. Comme par
3545 l religieux succédant au piétisme, l’avènement de la bourgeoisie et l’école ont changé tout cela. Comme partout en Europe,
3546 ant au piétisme, l’avènement de la bourgeoisie et l’ école ont changé tout cela. Comme partout en Europe, pendant le xixe
3547 hangé tout cela. Comme partout en Europe, pendant le xixe siècle, la notion de péché s’est vue assimilée avant tout à cel
3548 Comme partout en Europe, pendant le xixe siècle, la notion de péché s’est vue assimilée avant tout à celle de luxure, ou,
3549 , pour rester conforme au langage des pasteurs, à l’ « impureté », péril majeur pour l’âme et parfois pour le corps. Cette
3550 des pasteurs, à l’« impureté », péril majeur pour l’ âme et parfois pour le corps. Cette préoccupation quelque peu obsédant
3551 pureté », péril majeur pour l’âme et parfois pour le corps. Cette préoccupation quelque peu obsédante assombrit la prédica
3552 tte préoccupation quelque peu obsédante assombrit la prédication pendant un siècle. Il est d’autant plus remarquable que l
3553 t un siècle. Il est d’autant plus remarquable que le Suisse moyen formé à cette école ne soit pas devenu le révolté qu’on
3554 isse moyen formé à cette école ne soit pas devenu le révolté qu’on serait tenté d’imaginer, et que les Églises soient aujo
3555 le révolté qu’on serait tenté d’imaginer, et que les Églises soient aujourd’hui plus vivantes qu’hier. Les nouvelles génér
3556 Églises soient aujourd’hui plus vivantes qu’hier. Les nouvelles générations me paraissent tranquillement libérées de la han
3557 érations me paraissent tranquillement libérées de la hantise du « péché », et les pasteurs actuels aussi. D’où l’on pourr
3558 uillement libérées de la hantise du « péché », et les pasteurs actuels aussi. D’où l’on pourrait déduire d’une part que le
3559 u « péché », et les pasteurs actuels aussi. D’où l’ on pourrait déduire d’une part que les exigences de la chair étaient b
3560 aussi. D’où l’on pourrait déduire d’une part que les exigences de la chair étaient bien fortes en ce pays pour que la reli
3561 pourrait déduire d’une part que les exigences de la chair étaient bien fortes en ce pays pour que la religion dût consacr
3562 la chair étaient bien fortes en ce pays pour que la religion dût consacrer tant d’efforts à les réfréner ; d’autre part,
3563 ur que la religion dût consacrer tant d’efforts à les réfréner ; d’autre part, que la religion devait exercer un empire bie
3564 tant d’efforts à les réfréner ; d’autre part, que la religion devait exercer un empire bien puissant pour que ses discipli
3565 e conclusion ? Nous en trouverons sans doute dans les enquêtes en cours sur le régime de la censure et l’état du mariage en
3566 uverons sans doute dans les enquêtes en cours sur le régime de la censure et l’état du mariage en Suisse. La censure des p
3567 doute dans les enquêtes en cours sur le régime de la censure et l’état du mariage en Suisse. La censure des publications n
3568 enquêtes en cours sur le régime de la censure et l’ état du mariage en Suisse. La censure des publications n’est officiell
3569 ime de la censure et l’état du mariage en Suisse. La censure des publications n’est officiellement exercée qu’aux frontièr
3570 officiellement exercée qu’aux frontières du pays. La pudeur de la jeunesse suisse est ainsi protégée par les douaniers, fo
3571 t exercée qu’aux frontières du pays. La pudeur de la jeunesse suisse est ainsi protégée par les douaniers, fonctionnaires
3572 deur de la jeunesse suisse est ainsi protégée par les douaniers, fonctionnaires subalternes et militarisés. Quels peuvent b
3573 s peuvent bien être leurs critères du moral et de l’ immoral ? Je n’en ai découvert qu’un seul : « La discipline, un point
3574 e l’immoral ? Je n’en ai découvert qu’un seul : «  La discipline, un point c’est tout ! », me criait hier encore un de ces
3575 que j’avais dévié de quelques centimètres hors de la file des voitures qu’il lui avait plu d’organiser devant le poste, — 
3576 s voitures qu’il lui avait plu d’organiser devant le poste, — souvenir de l’école enfantine où il alignait des bâtonnets p
3577 it plu d’organiser devant le poste, — souvenir de l’ école enfantine où il alignait des bâtonnets pendant des heures et il
3578 t que rien ne dépasse. Ce qui dépasse aux yeux de la censure, ce sont les œuvres mises à l’index par le ministère public f
3579 e. Ce qui dépasse aux yeux de la censure, ce sont les œuvres mises à l’index par le ministère public fédéral, et dont chaqu
3580 ux yeux de la censure, ce sont les œuvres mises à l’ index par le ministère public fédéral, et dont chaque employé des doua
3581 a censure, ce sont les œuvres mises à l’index par le ministère public fédéral, et dont chaque employé des douanes est cens
3582 nt chaque employé des douanes est censé connaître la liste (Sade, Henry Miller, etc.). Or, les critères d’un tel office ne
3583 onnaître la liste (Sade, Henry Miller, etc.). Or, les critères d’un tel office ne sauraient être, évidemment, que ceux de l
3584 office ne sauraient être, évidemment, que ceux de la banalité morale la plus plate et la plus résiduelle. On interdit l’en
3585 être, évidemment, que ceux de la banalité morale la plus plate et la plus résiduelle. On interdit l’entrée de tout écrit,
3586 , que ceux de la banalité morale la plus plate et la plus résiduelle. On interdit l’entrée de tout écrit, de toute image o
3587 la plus plate et la plus résiduelle. On interdit l’ entrée de tout écrit, de toute image ou œuvre d’art « où un particulie
3588 non averti ne chercherait qu’une excitation pour les sens20 ». Faut-il penser que les Suisses bénéficient vraiment d’une s
3589 excitation pour les sens20 ». Faut-il penser que les Suisses bénéficient vraiment d’une sensualité si violente qu’un rien,
3590 vraiment d’une sensualité si violente qu’un rien, la moindre négligence risquerait de la porter aux pires excès ? Comme la
3591 e qu’un rien, la moindre négligence risquerait de la porter aux pires excès ? Comme la censure des films (cantonale ou loc
3592 e risquerait de la porter aux pires excès ? Comme la censure des films (cantonale ou locale), ces mesures restrictives ne
3593 ursauts de révolte ni farouches approbations ; on les considère pour ce qu’elles sont : résidus de préjugés sociaux ou reli
3594 u religieux qui n’ont plus beaucoup d’importance, la jeunesse étant suffisamment avertie pour excuser, voire pour « compre
3595 comprendre » ce genre de routines officielles que les vieux se croient obligés de cultiver, mais cela changera bientôt, « o
3596 er, mais cela changera bientôt, « on n’arrête pas le progrès… » Quant aux conceptions du mariage, quel est le sens général
3597 rès… » Quant aux conceptions du mariage, quel est le sens général de leur évolution ? Autrefois, on se mariait dans la tri
3598 de leur évolution ? Autrefois, on se mariait dans la tribu : la commune, le milieu, « nos familles », et très rarement hor
3599 lution ? Autrefois, on se mariait dans la tribu : la commune, le milieu, « nos familles », et très rarement hors du canton
3600 refois, on se mariait dans la tribu : la commune, le milieu, « nos familles », et très rarement hors du canton, et dans ce
3601 u canton, et dans ce cas plutôt hors de Suisse21. L’ humoriste Georges Mikes affirme qu’un habitant de l’Obwald lui a dit :
3602 humoriste Georges Mikes affirme qu’un habitant de l’ Obwald lui a dit : « Je préférerais donner ma fille à un homme de Wint
3603 -t-il : « J’ai connu une dame de Schaffhouse dont le fils avait épousé une jeune fille de la ville de Winterthour, distant
3604 ouse dont le fils avait épousé une jeune fille de la ville de Winterthour, distante d’une vingtaine de kilomètres. Elle en
3605 ante d’une vingtaine de kilomètres. Elle en avait le cœur brisé, bien entendu, et m’expliqua en grande confidence qu’elle
3606 e de soi22 ». Tout cela appartient au passé, mais les statistiques récentes sembleraient donner raison à cette dame : la Su
3607 écentes sembleraient donner raison à cette dame : la Suisse tient l’un des premiers rangs (derrière les États-Unis, le Dan
3608 la Suisse tient l’un des premiers rangs (derrière les États-Unis, le Danemark, la Suède et l’Autriche) pour la proportion d
3609 l’un des premiers rangs (derrière les États-Unis, le Danemark, la Suède et l’Autriche) pour la proportion des divorces, de
3610 iers rangs (derrière les États-Unis, le Danemark, la Suède et l’Autriche) pour la proportion des divorces, depuis que la m
3611 derrière les États-Unis, le Danemark, la Suède et l’ Autriche) pour la proportion des divorces, depuis que la mobilité de s
3612 s-Unis, le Danemark, la Suède et l’Autriche) pour la proportion des divorces, depuis que la mobilité de sa population d’un
3613 iche) pour la proportion des divorces, depuis que la mobilité de sa population d’un canton à l’autre a entraîné un accrois
3614 sionnels : « Ces mariages mixtes !… » En réalité, le divorce s’explique surtout par d’autres causes. Il n’est pas le signe
3615 xplique surtout par d’autres causes. Il n’est pas le signe d’un quelconque « relâchement moral » (comparé à la Suisse patr
3616 d’un quelconque « relâchement moral » (comparé à la Suisse patriarcale), mais au contraire, dirais-je, d’une exigence acc
3617 d du mariage et de ce qu’il peut représenter pour le développement personnel de chacun des conjoints et pour leur intégrat
3618 et pour leur intégration en tant que couple dans la vie sociale…23 Au total, il ne semble pas que « l’immoralité » progr
3619 vie sociale…23 Au total, il ne semble pas que «  l’ immoralité » progresse notablement dans les cantons, comme elle le fai
3620 s que « l’immoralité » progresse notablement dans les cantons, comme elle le fait dans les trop vastes sociétés mal structu
3621 rogresse notablement dans les cantons, comme elle le fait dans les trop vastes sociétés mal structurées ou les grands ense
3622 blement dans les cantons, comme elle le fait dans les trop vastes sociétés mal structurées ou les grands ensembles urbains.
3623 dans les trop vastes sociétés mal structurées ou les grands ensembles urbains. Ce n’est pas l’anarchie des mœurs qui menac
3624 ées ou les grands ensembles urbains. Ce n’est pas l’ anarchie des mœurs qui menace la Suisse, c’est plutôt une espèce parti
3625 ins. Ce n’est pas l’anarchie des mœurs qui menace la Suisse, c’est plutôt une espèce particulière de conformisme raisonné,
3626 après mûr examen, et surtout : moralement assumé. Le niveau de vie, une fois qu’il est bien assuré, c’est la vie elle-même
3627 eau de vie, une fois qu’il est bien assuré, c’est la vie elle-même qui devient le danger, ses surprises que le poste « div
3628 t bien assuré, c’est la vie elle-même qui devient le danger, ses surprises que le poste « divers et imprévu » au budget de
3629 lle-même qui devient le danger, ses surprises que le poste « divers et imprévu » au budget de la petite famille ne suffiro
3630 s que le poste « divers et imprévu » au budget de la petite famille ne suffiront pas à couvrir, peut-être. Et certaines qu
3631 ut-être. Et certaines questions qu’on se pose sur le sens final de tout cela… ⁂ Ce portrait, garanti conforme aux mensurat
3632 i conforme aux mensurations scientifiques comme à l’ expérience quotidienne, montre les Suisses tels qu’ils sont et se veul
3633 tifiques comme à l’expérience quotidienne, montre les Suisses tels qu’ils sont et se veulent. Ceux qui refuseront de s’y re
3634 eront de s’y reconnaître ne seront sans doute pas les derniers à y reconnaître leurs voisins. C’est un portrait, ce n’est p
3635 ce n’est pas un éloge, ni une critique. Dire que le Suisse moyen est sérieux mais heureux (j’ajoute qu’il rit beaucoup et
3636 e mais résolument réformiste, et qu’il n’aime pas les jeux d’idées ni la spéculation dans aucun ordre, enfin que le travail
3637 formiste, et qu’il n’aime pas les jeux d’idées ni la spéculation dans aucun ordre, enfin que le travail est sa vie, est-ce
3638 ées ni la spéculation dans aucun ordre, enfin que le travail est sa vie, est-ce le vanter ou le dénigrer ? Il est clair qu
3639 un ordre, enfin que le travail est sa vie, est-ce le vanter ou le dénigrer ? Il est clair que c’est l’un et l’autre, selon
3640 in que le travail est sa vie, est-ce le vanter ou le dénigrer ? Il est clair que c’est l’un et l’autre, selon le signe don
3641 r ? Il est clair que c’est l’un et l’autre, selon le signe dont on affecte les notions de révolte, ou d’intégration social
3642 t l’un et l’autre, selon le signe dont on affecte les notions de révolte, ou d’intégration sociale, de contestation ou de s
3643 , et selon qu’on préfère ceux qui s’engagent dans les guerres d’idéologies à ceux qui signent des contrats de « paix de tra
3644 Suisse moyen, ce n’est pas encore un portrait de la Suisse. L’enquête la plus intelligente et la statistique la plus fine
3645 en, ce n’est pas encore un portrait de la Suisse. L’ enquête la plus intelligente et la statistique la plus fine peuvent mo
3646 st pas encore un portrait de la Suisse. L’enquête la plus intelligente et la statistique la plus fine peuvent montrer les
3647 t de la Suisse. L’enquête la plus intelligente et la statistique la plus fine peuvent montrer les traits acquis de la phys
3648 L’enquête la plus intelligente et la statistique la plus fine peuvent montrer les traits acquis de la physionomie d’un pe
3649 te et la statistique la plus fine peuvent montrer les traits acquis de la physionomie d’un peuple, mais non les forces qui
3650 la plus fine peuvent montrer les traits acquis de la physionomie d’un peuple, mais non les forces qui l’ont configurée. Un
3651 ts acquis de la physionomie d’un peuple, mais non les forces qui l’ont configurée. Un Mozart, un Descartes, un Kipling n’au
3652 physionomie d’un peuple, mais non les forces qui l’ ont configurée. Un Mozart, un Descartes, un Kipling n’auraient jamais
3653 ais été décelés par quelque sondage d’opinion sur les « attitudes culturelles » de l’Autrichien, du Français ou de l’Anglai
3654 ge d’opinion sur les « attitudes culturelles » de l’ Autrichien, du Français ou de l’Anglais, et ce sont pourtant de tels h
3655 culturelles » de l’Autrichien, du Français ou de l’ Anglais, et ce sont pourtant de tels hommes qui donnent à un pays ce q
3656 ntôt « traditionnel ». On répète qu’ils expriment l’ âme de leur patrie, mais on oublie qu’ils l’ont créée d’abord (bien qu
3657 iment l’âme de leur patrie, mais on oublie qu’ils l’ ont créée d’abord (bien que dans un langage donné, qui existait avant
3658 és longuement agissantes et soudain décisives que l’ homme moyen ne peut pas exprimer, bien qu’il en vive, — ou faut-il dir
3659 il en vit ? Et ce sont des hommes d’exception qui les révèlent dans leurs œuvres, même s’ils croyaient y exprimer tout autr
3660 n film naguère célèbre, Orson Welles assurait que la Suisse n’a donné au monde que la pendule à coucou. J’imagine qu’il en
3661 les assurait que la Suisse n’a donné au monde que la pendule à coucou. J’imagine qu’il entendait dire que la Suisse n’a pr
3662 dule à coucou. J’imagine qu’il entendait dire que la Suisse n’a produit rien de grand, hommes, idées ou objets, comme l’It
3663 uit rien de grand, hommes, idées ou objets, comme l’ Italie a produit Dante, la France Pascal et la Révolution, l’Allemagne
3664 idées ou objets, comme l’Italie a produit Dante, la France Pascal et la Révolution, l’Allemagne Goethe et certains phénom
3665 mme l’Italie a produit Dante, la France Pascal et la Révolution, l’Allemagne Goethe et certains phénomènes moins humaniste
3666 produit Dante, la France Pascal et la Révolution, l’ Allemagne Goethe et certains phénomènes moins humanistes, la Russie To
3667 e Goethe et certains phénomènes moins humanistes, la Russie Tolstoï et Staline, l’Espagne Cervantès, Colomb et l’Amérique,
3668 s moins humanistes, la Russie Tolstoï et Staline, l’ Espagne Cervantès, Colomb et l’Amérique, cette dernière Orson Welles e
3669 olstoï et Staline, l’Espagne Cervantès, Colomb et l’ Amérique, cette dernière Orson Welles et la Bombe. Il faut admettre qu
3670 omb et l’Amérique, cette dernière Orson Welles et la Bombe. Il faut admettre que notre aurea mediocritas saute aux yeux du
3671 critas saute aux yeux du premier venu, tandis que les grandeurs éventuelles de la Suisse restent quelque peu mystérieuses,
3672 ier venu, tandis que les grandeurs éventuelles de la Suisse restent quelque peu mystérieuses, même aux yeux des Européens
3673 des Européens dotés d’une bonne culture générale. Le statut du « grand homme » en Suisse le condamne à demeurer à peu près
3674 générale. Le statut du « grand homme » en Suisse le condamne à demeurer à peu près invisible. Comment veut-on qu’un étran
3675 eu près invisible. Comment veut-on qu’un étranger le voie ? Si cet étranger vient chez nous et cite l’un des Suisses qu’il
3676 e trouvera pas une personne sur mille, prise dans la rue, qui ait jamais entendu ce nom-là ; en revanche, les hommes impor
3677 , qui ait jamais entendu ce nom-là ; en revanche, les hommes importants qu’on lui indiquera sont inconnus hors du canton. L
3678 qu’on lui indiquera sont inconnus hors du canton. La Suisse résulte, l’ai-je assez dit, de l’agrégation d’innombrables com
3679 sont inconnus hors du canton. La Suisse résulte, l’ ai-je assez dit, de l’agrégation d’innombrables compartiments. Si bien
3680 canton. La Suisse résulte, l’ai-je assez dit, de l’ agrégation d’innombrables compartiments. Si bien que l’homme de poids
3681 égation d’innombrables compartiments. Si bien que l’ homme de poids y sera surtout local. Il sera le grand homme d’une vall
3682 ue l’homme de poids y sera surtout local. Il sera le grand homme d’une vallée, d’une cité, plus rarement d’un canton, pres
3683 lus rarement d’un canton, presque jamais celui de la nation entière. D’autre part, le réflexe antihégémonique s’oppose à t
3684 jamais celui de la nation entière. D’autre part, le réflexe antihégémonique s’oppose à toute prédominance d’un canton ou
3685 toute prédominance d’un canton ou d’un homme qui le représente. D’où les conséquences qu’on a vues dans le domaine de la
3686 d’un canton ou d’un homme qui le représente. D’où les conséquences qu’on a vues dans le domaine de la vie publique : tout s
3687 présente. D’où les conséquences qu’on a vues dans le domaine de la vie publique : tout se ligue instantanément contre celu
3688 les conséquences qu’on a vues dans le domaine de la vie publique : tout se ligue instantanément contre celui qui ferait m
3689 tanément contre celui qui ferait mine de dépasser la mesure commune et d’être un chef. Un Führer suisse est impensable, et
3690 un chef. Un Führer suisse est impensable, et même l’ essai d’instituer un Landammann de Suisse échoua très vite, vers 1800.
3691 vite, vers 1800. Un Collège peu voyant administre l’ État, on ne saurait dire qu’il gouverne les Suisses, et c’est très bie
3692 inistre l’État, on ne saurait dire qu’il gouverne les Suisses, et c’est très bien. Mais dans le domaine de la culture, cet
3693 uverne les Suisses, et c’est très bien. Mais dans le domaine de la culture, cet égalitarisme jaloux et tatillon présente l
3694 sses, et c’est très bien. Mais dans le domaine de la culture, cet égalitarisme jaloux et tatillon présente les plus sérieu
3695 ure, cet égalitarisme jaloux et tatillon présente les plus sérieux inconvénients. Car pour qu’un grand art s’épanouisse, il
3696 milieu, une école, un public alerté, un snobisme, les libéralités d’un mécène ou d’une cour. C’est tout cela qu’interdisent
3697 etits compartiments. Que fera dans ces conditions l’ homme de talent ou d’ambition ? Il a trois possibilités : essayer de s
3698 e — tenter de se rendre utile — ou courir loin de la Suisse son aventure. De là peut-être certains traits communs aux Suis
3699 ts communs aux Suisses qui se sont illustrés dans les domaines les plus divers. Sans prétendre à composer un portrait-robot
3700 x Suisses qui se sont illustrés dans les domaines les plus divers. Sans prétendre à composer un portrait-robot du « grand h
3701 certaines conduites spécifiques que lui imposent les petites dimensions de notre État et les conditions de sa paix. Se r
3702 imposent les petites dimensions de notre État et les conditions de sa paix. Se rendre invisible : passer inaperçu. — Il
3703 e n’est pas se dissimuler, en vérité : simplement le génie qui leur advient prend les couleurs du milieu. Albert Bitzius é
3704 rité : simplement le génie qui leur advient prend les couleurs du milieu. Albert Bitzius était un jeune Bernois, épris de l
3705 es. Il devint cependant pasteur à 25 ans et passa le reste de sa vie dans la cure du village de Lützelflüh. À quarante ans
3706 pasteur à 25 ans et passa le reste de sa vie dans la cure du village de Lützelflüh. À quarante ans il se mit à écrire et,
3707 lflüh. À quarante ans il se mit à écrire et, sous le nom de Jeremias Gotthelf (Jérémie : le prophète ; Gotthelf : « Dieu a
3708 e et, sous le nom de Jeremias Gotthelf (Jérémie : le prophète ; Gotthelf : « Dieu aide ! »), publia coup sur coup une quin
3709 , éducatifs, épiques et religieux, fantastiques à la fin (L’Araignée noire), que Thomas Mann qualifie d’homériques. Toutes
3710 ifs, épiques et religieux, fantastiques à la fin ( L’ Araignée noire), que Thomas Mann qualifie d’homériques. Toutes les fam
3711 e), que Thomas Mann qualifie d’homériques. Toutes les familles l’ont lu, en Suisse alémanique. Il s’était occupé sa vie dur
3712 s Mann qualifie d’homériques. Toutes les familles l’ ont lu, en Suisse alémanique. Il s’était occupé sa vie durant de l’adm
3713 se alémanique. Il s’était occupé sa vie durant de l’ administration locale, du secours des pauvres et de la commission scol
3714 ministration locale, du secours des pauvres et de la commission scolaire. Henri-Frédéric Amiel n’eut même pas à choisir u
3715 e très populaire (« Roulez tambours, pour couvrir la frontière… Dans nos cantons, chaque enfant naît soldat ! ») et des co
3716 naît soldat ! ») et des cours de philosophie dont l’ ennui seul est resté mémorable ont camouflé le passage parmi nous du g
3717 ont l’ennui seul est resté mémorable ont camouflé le passage parmi nous du génie de l’introspection. Dix-sept-mille pages
3718 le ont camouflé le passage parmi nous du génie de l’ introspection. Dix-sept-mille pages de Journal furent écrites dans l’o
3719 x-sept-mille pages de Journal furent écrites dans l’ ombre d’une carrière assez terne pour être acceptée sans histoires. « 
3720 sans histoires. « En épousant Genève, j’ai épousé la mort — celle de mon talent et de ma joie. » Je crois que c’est Paul B
3721 mme invisible ; refusant de succéder à Ranke dans la chaire d’histoire de Berlin, il se fit accepter dans sa cité natale s
3722 eur. Un peu plus tard, Ferdinand de Saussure suit la même conduite à Genève comme par instinct, s’il est un instinct patri
3723 me par instinct, s’il est un instinct patricien. ( L’ intellectuel du xxe siècle cherche au contraire à s’imposer en tant q
3724 est elle qui se voit dorénavant « admise », comme l’ était la conduite inverse au dernier siècle.) Se rendre utile. — Pay
3725 qui se voit dorénavant « admise », comme l’était la conduite inverse au dernier siècle.) Se rendre utile. — Pays pauvre
3726 Se rendre utile. — Pays pauvre au départ et dont les seules richesses furent fabriquées par un travail humain bien concert
3727 t fabriquées par un travail humain bien concerté, la Suisse est née de la coopération. Un pour tous, tous pour un, c’est m
3728 ravail humain bien concerté, la Suisse est née de la coopération. Un pour tous, tous pour un, c’est moins un idéal qu’une
3729 une œuvre utile au bien commun. Et c’est pourquoi les Suisses qui ont excellé furent presque tous, à des titres divers, hom
3730 tous, à des titres divers, hommes utiles au sens le plus noble et penseurs engagés dans une communauté (qui souvent dépas
3731 isseurs d’âmes, mystiques intervenant pour sauver la cité, réformateurs politiques ou religieux, négociateurs de grandes a
3732 eux, négociateurs de grandes affaires publiques à l’ échelle de l’Europe et du monde, théologiens ou pédagogues, savants du
3733 eurs de grandes affaires publiques à l’échelle de l’ Europe et du monde, théologiens ou pédagogues, savants du premier rang
3734 x d’applications humanitaires ou techniques, nous les voyons tous assurer les devoirs sociaux ou civiques, éducatifs ou spi
3735 aires ou techniques, nous les voyons tous assurer les devoirs sociaux ou civiques, éducatifs ou spirituels, comme si le fai
3736 ux ou civiques, éducatifs ou spirituels, comme si le fait d’être utiles excusait leurs grands dons aux yeux de leur consci
3737 ique et de leur peuple. Point de spéculation sur l’ Être en soi, mais seulement sur les relations entre Dieu et l’individu
3738 spéculation sur l’Être en soi, mais seulement sur les relations entre Dieu et l’individu, entre l’individu et la communauté
3739 i, mais seulement sur les relations entre Dieu et l’ individu, entre l’individu et la communauté, entre les hommes, entre l
3740 sur les relations entre Dieu et l’individu, entre l’ individu et la communauté, entre les hommes, entre les peuples et nati
3741 ons entre Dieu et l’individu, entre l’individu et la communauté, entre les hommes, entre les peuples et nations, entre des
3742 ndividu, entre l’individu et la communauté, entre les hommes, entre les peuples et nations, entre des entités moralement dé
3743 ndividu et la communauté, entre les hommes, entre les peuples et nations, entre des entités moralement définies. Le salut d
3744 t nations, entre des entités moralement définies. Le salut de l’homme ou sa santé, plutôt que sa définition, préoccupent l
3745 ntre des entités moralement définies. Le salut de l’ homme ou sa santé, plutôt que sa définition, préoccupent les meilleurs
3746 u sa santé, plutôt que sa définition, préoccupent les meilleurs esprits suisses. Il est possible que le plus grand théologi
3747 es meilleurs esprits suisses. Il est possible que le plus grand théologien et le plus grand psychologue de ce siècle, jusq
3748 . Il est possible que le plus grand théologien et le plus grand psychologue de ce siècle, jusqu’ici, soient deux Suisses :
3749 t deux Suisses : Karl Barth et C. G. Jung. En eux la Suisse excelle et se dépasse, mais dans le seul sens qu’elle ait jama
3750 En eux la Suisse excelle et se dépasse, mais dans le seul sens qu’elle ait jamais voulu se permettre : celui de la cure d’
3751 qu’elle ait jamais voulu se permettre : celui de la cure d’âme et d’esprit, et non de la spéculation abstraite. Tous deux
3752 e : celui de la cure d’âme et d’esprit, et non de la spéculation abstraite. Tous deux fils de pasteurs bâlois, de haute ta
3753 licieuse, et pas du tout « intellectuels » ni par l’ allure ni dans l’abord humain : à cela peut-être se résument leurs tra
3754 du tout « intellectuels » ni par l’allure ni dans l’ abord humain : à cela peut-être se résument leurs traits communs car p
3755 sument leurs traits communs car par ailleurs tout les oppose. Jeune pasteur en Argovie, et socialiste combatif, Karl Barth
3756 te combatif, Karl Barth publie un commentaire sur l’ Épître aux Romains qui produit dans les milieux théologiques de langue
3757 entaire sur l’Épître aux Romains qui produit dans les milieux théologiques de langue allemande une révolution comparable à
3758 nes. Il est nommé professeur en Allemagne. Devant les prétentions nationales-socialistes, il dresse un manifeste de l’« Égl
3759 nationales-socialistes, il dresse un manifeste de l’ « Église confessante », première affirmation, fondamentale, de la Rési
3760 essante », première affirmation, fondamentale, de la Résistance européenne. On lui fait un procès à Bonn. Il n’attaque pas
3761 e. On lui fait un procès à Bonn. Il n’attaque pas le régime en soi, mais ses complices dans l’Église. On l’expulse. Et dès
3762 que pas le régime en soi, mais ses complices dans l’ Église. On l’expulse. Et dès lors, revenu à Bâle, il édifie une Dogmat
3763 gime en soi, mais ses complices dans l’Église. On l’ expulse. Et dès lors, revenu à Bâle, il édifie une Dogmatique de l’Égl
3764 lors, revenu à Bâle, il édifie une Dogmatique de l’ Église qui est le monument théologique le plus hardi et dur d’arêtes d
3765 âle, il édifie une Dogmatique de l’Église qui est le monument théologique le plus hardi et dur d’arêtes de l’ère moderne.
3766 tique de l’Église qui est le monument théologique le plus hardi et dur d’arêtes de l’ère moderne. On n’avait pas été moins
3767 ment théologique le plus hardi et dur d’arêtes de l’ ère moderne. On n’avait pas été moins conformiste depuis Luther dans l
3768 vait pas été moins conformiste depuis Luther dans la réinvention de l’orthodoxie. Jamais voix plus autoritaire après un si
3769 conformiste depuis Luther dans la réinvention de l’ orthodoxie. Jamais voix plus autoritaire après un siècle de libéralism
3770 e puritain et sentimental, ne s’était élevée dans les Églises en retraite devant le « monde moderne ». En voulant ramener l
3771 ’était élevée dans les Églises en retraite devant le « monde moderne ». En voulant ramener les protestants aux grandes opt
3772 e devant le « monde moderne ». En voulant ramener les protestants aux grandes options spirituelles de la Réforme, Karl Bart
3773 s protestants aux grandes options spirituelles de la Réforme, Karl Barth ne les a pas du tout éloignés de l’époque présent
3774 options spirituelles de la Réforme, Karl Barth ne les a pas du tout éloignés de l’époque présente, bien au contraire, il a
3775 orme, Karl Barth ne les a pas du tout éloignés de l’ époque présente, bien au contraire, il a même précédé, en fait, la ten
3776 e, bien au contraire, il a même précédé, en fait, la tentative d’aggiornamento de l’Église initiée par le pape Jean XXIII.
3777 précédé, en fait, la tentative d’aggiornamento de l’ Église initiée par le pape Jean XXIII. Ce n’est pas le moindre paradox
3778 tentative d’aggiornamento de l’Église initiée par le pape Jean XXIII. Ce n’est pas le moindre paradoxe de sa carrière, ple
3779 lise initiée par le pape Jean XXIII. Ce n’est pas le moindre paradoxe de sa carrière, pleine de surprises pour ses discipl
3780 , pleine de surprises pour ses disciples. Pendant la guerre, ce contempteur de toute espèce de « politique chrétienne » s’
3781 ue chrétienne » s’engage comme simple soldat dans l’ armée suisse : il faut résister à Hitler au nom de la foi, parce qu’il
3782 rmée suisse : il faut résister à Hitler au nom de la foi, parce qu’il instaure une religion. Après la guerre, ce contempte
3783 la foi, parce qu’il instaure une religion. Après la guerre, ce contempteur de la neutralité, « péché des Suisses », s’élè
3784 une religion. Après la guerre, ce contempteur de la neutralité, « péché des Suisses », s’élève sans relâche contre la gue
3785  péché des Suisses », s’élève sans relâche contre la guerre froide, et se voit accusé de neutralisme par les bourgeois ant
3786 erre froide, et se voit accusé de neutralisme par les bourgeois anticommunistes. Zwinglien par sa méfiance à l’égard des ri
3787 religion spontanée, luthérien par sa doctrine de la grâce mais aussi du péché radical détruisant toute « analogie de Dieu
3788 radical détruisant toute « analogie de Dieu » en l’ homme, calviniste par son sens civique et communautaire, mais kierkega
3789 Dieu totaliter aliter et sans commune mesure avec les intérêts de la tribu, essentiellement protestant par sa dialectique d
3790 liter et sans commune mesure avec les intérêts de la tribu, essentiellement protestant par sa dialectique du oui et du non
3791 e cela » (qu’il a puisée dans saint Paul), il est le seul théologien depuis Calvin qui ait influencé l’ensemble des Église
3792 e seul théologien depuis Calvin qui ait influencé l’ ensemble des Églises protestantes, en Amérique comme en Europe, et que
3793 protestantes, en Amérique comme en Europe, et que les docteurs de Rome respectent et commentent. Carl Gustav Jung, dans le
3794 respectent et commentent. Carl Gustav Jung, dans le même temps (après sa rupture avec Freud), redécouvrait le phénomène r
3795 temps (après sa rupture avec Freud), redécouvrait le phénomène religieux dans toutes ses dimensions psychologiques, ethnog
3796 th veut définir ce qui est vrai « en Dieu » selon la Parole de Dieu, Jung recherche ce qui se passe en l’homme, selon les
3797 Parole de Dieu, Jung recherche ce qui se passe en l’ homme, selon les mythes universels. L’un veut amener l’individu à l’ob
3798 Jung recherche ce qui se passe en l’homme, selon les mythes universels. L’un veut amener l’individu à l’obéissance au Dieu
3799 me, selon les mythes universels. L’un veut amener l’ individu à l’obéissance au Dieu biblique et transcendant du dogme, l’a
3800 mythes universels. L’un veut amener l’individu à l’ obéissance au Dieu biblique et transcendant du dogme, l’autre à l’appr
3801 Dieu biblique et transcendant du dogme, l’autre à l’ appropriation personnelle de réalités animiques, collectives (qu’on lu
3802 eproche de mal définir) et qu’il a détectées dans la grande nuit des âges. Autant Barth refuse le phénomène religieux, inf
3803 dans la grande nuit des âges. Autant Barth refuse le phénomène religieux, infiniment polyvalent, pour mieux affirmer la se
3804 gieux, infiniment polyvalent, pour mieux affirmer la seule foi, autant Jung veut s’ouvrir aux messages chiffrés des religi
3805 vrir aux messages chiffrés des religions de toute la terre. L’un procède par exclusion, l’autre par inclusion. À certains
3806 romaine et grecque — il connaît et il redécouvre la valeur des rites et des symboles et il est tout le contraire d’un ico
3807 a valeur des rites et des symboles et il est tout le contraire d’un iconoclaste — mais quand il déclare, dans sa Réponse à
3808 mais quand il déclare, dans sa Réponse à Job, que la proclamation du dogme de l’Assomption de la Vierge en 1950 marque la
3809 sa Réponse à Job, que la proclamation du dogme de l’ Assomption de la Vierge en 1950 marque la date la plus importante de l
3810 , que la proclamation du dogme de l’Assomption de la Vierge en 1950 marque la date la plus importante de l’histoire religi
3811 dogme de l’Assomption de la Vierge en 1950 marque la date la plus importante de l’histoire religieuse depuis la Réforme, P
3812 l’Assomption de la Vierge en 1950 marque la date la plus importante de l’histoire religieuse depuis la Réforme, Pie XII n
3813 erge en 1950 marque la date la plus importante de l’ histoire religieuse depuis la Réforme, Pie XII n’a pas lieu de s’en ré
3814 a plus importante de l’histoire religieuse depuis la Réforme, Pie XII n’a pas lieu de s’en réjouir : car l’hommage de Jung
3815 forme, Pie XII n’a pas lieu de s’en réjouir : car l’ hommage de Jung est rendu à la Sophia æterna de la mythologie gnostiqu
3816 s’en réjouir : car l’hommage de Jung est rendu à la Sophia æterna de la mythologie gnostique. Barth se veut strictement «
3817 l’hommage de Jung est rendu à la Sophia æterna de la mythologie gnostique. Barth se veut strictement « canonique » dans so
3818 ictement « canonique » dans son interprétation de la Bible, mais Jung se réfère aux livres apocryphes, non moins qu’à la «
3819 g se réfère aux livres apocryphes, non moins qu’à la « shakti » hindoue ou à l’Éternel féminin des mystiques hérétiques. P
3820 ryphes, non moins qu’à la « shakti » hindoue ou à l’ Éternel féminin des mystiques hérétiques. Pour Barth, Dieu est le vis-
3821 in des mystiques hérétiques. Pour Barth, Dieu est le vis-à-vis de l’homme, le Tout Autre. Pour Jung, Dieu est une réalité
3822 hérétiques. Pour Barth, Dieu est le vis-à-vis de l’ homme, le Tout Autre. Pour Jung, Dieu est une réalité psychique. Le th
3823 es. Pour Barth, Dieu est le vis-à-vis de l’homme, le Tout Autre. Pour Jung, Dieu est une réalité psychique. Le théologien
3824 Autre. Pour Jung, Dieu est une réalité psychique. Le théologien n’a que faire de la psychologie. Il la met entre parenthès
3825 réalité psychique. Le théologien n’a que faire de la psychologie. Il la met entre parenthèses pour ne considérer que la to
3826 Le théologien n’a que faire de la psychologie. Il la met entre parenthèses pour ne considérer que la totalité de l’existen
3827 l la met entre parenthèses pour ne considérer que la totalité de l’existence « en tant qu’objet soumis à la détermination
3828 parenthèses pour ne considérer que la totalité de l’ existence « en tant qu’objet soumis à la détermination de la Parole de
3829 talité de l’existence « en tant qu’objet soumis à la détermination de la Parole de Dieu24 ». En revanche, le psychologue n
3830 e « en tant qu’objet soumis à la détermination de la Parole de Dieu24 ». En revanche, le psychologue n’a que faire des dog
3831 ermination de la Parole de Dieu24 ». En revanche, le psychologue n’a que faire des dogmes, sauf s’ils sont l’expression cr
3832 hologue n’a que faire des dogmes, sauf s’ils sont l’ expression cristallisée d’un mythe, d’une situation archétypique, donc
3833 une situation archétypique, donc d’une réalité de l’ âme, — et c’est précisément dans la mesure où ils seraient un mythe fi
3834 une réalité de l’âme, — et c’est précisément dans la mesure où ils seraient un mythe fixé que Barth les rejetterait. Le di
3835 la mesure où ils seraient un mythe fixé que Barth les rejetterait. Le dialogue entre ces deux hommes n’était même pas conce
3836 seraient un mythe fixé que Barth les rejetterait. Le dialogue entre ces deux hommes n’était même pas concevable, et de fai
3837 e certaine démesure, un grand théâtre, un sens de la pompe et du style, libre de tout souci d’application « morale », leur
3838 eussent été formellement refusés par nos coutumes les plus invétérées. En revanche, les grands noms cités dans ces pages ne
3839 ar nos coutumes les plus invétérées. En revanche, les grands noms cités dans ces pages ne seraient guère pensables hors du
3840 ables hors du complexe suisse. Et c’est à eux que la Suisse, en retour, doit une densité de conscience communautaire, mais
3841 té transformatrice dont on trouvera difficilement l’ équivalent dans une autre région du monde d’étendue à peu près compara
3842 d’étendue à peu près comparable. S’expatrier. —  Les acheteurs de pendules à coucou et de montres miniaturisées ignorent e
3843 de montres miniaturisées ignorent en général que le plus grand dôme du monde, Saint-Pierre de Rome, fut achevé par des ar
3844 des capitales en Inde ; qu’un troisième a donné à l’ Amérique les deux ponts les plus longs du monde, le Golden Gate et le
3845 es en Inde ; qu’un troisième a donné à l’Amérique les deux ponts les plus longs du monde, le Golden Gate et le Washington B
3846 ’un troisième a donné à l’Amérique les deux ponts les plus longs du monde, le Golden Gate et le Washington Bridge, Les Tess
3847 ’Amérique les deux ponts les plus longs du monde, le Golden Gate et le Washington Bridge, Les Tessinois Maderno et Fontana
3848 ponts les plus longs du monde, le Golden Gate et le Washington Bridge, Les Tessinois Maderno et Fontana, le Romand Le Cor
3849 du monde, le Golden Gate et le Washington Bridge, Les Tessinois Maderno et Fontana, le Romand Le Corbusier, l’Alémanique Ot
3850 hington Bridge, Les Tessinois Maderno et Fontana, le Romand Le Corbusier, l’Alémanique Othmar Ammann, autant de Suisses qu
3851 inois Maderno et Fontana, le Romand Le Corbusier, l’ Alémanique Othmar Ammann, autant de Suisses qui ont su voir grand — ma
3852 s chez eux. Lucien Febvre, admirable historien de la culture, écrivait à propos de la Suisse : « Pays de gens moyens, oui.
3853 ble historien de la culture, écrivait à propos de la Suisse : « Pays de gens moyens, oui. Mais quand ils réussissent à se
3854 leur canton — alors pas de milieu, ils atteignent l’ universel. Au fond de son trou l’homme de Disentis, de Goeschenen, de
3855 , ils atteignent l’universel. Au fond de son trou l’ homme de Disentis, de Goeschenen, de Viège, entre les hautes parois de
3856 homme de Disentis, de Goeschenen, de Viège, entre les hautes parois de sa prison. Mais s’il monte sur la montagne… Alors ce
3857 s hautes parois de sa prison. Mais s’il monte sur la montagne… Alors cette ivresse des sommets. L’intuition de la grandeur
3858 sur la montagne… Alors cette ivresse des sommets. L’ intuition de la grandeur. Et plus d’obstacles devant la pensée. Le Sui
3859 … Alors cette ivresse des sommets. L’intuition de la grandeur. Et plus d’obstacles devant la pensée. Le Suisse s’appelle J
3860 uition de la grandeur. Et plus d’obstacles devant la pensée. Le Suisse s’appelle Jean-Jacques. Il s’appelle Germaine de St
3861 a grandeur. Et plus d’obstacles devant la pensée. Le Suisse s’appelle Jean-Jacques. Il s’appelle Germaine de Staël. Il s’a
3862 ans un autre domaine, Karl Barth. Son canton — ou l’ Europe. » Et il est vrai que nos meilleurs esprits, hors de l’étroit c
3863 Et il est vrai que nos meilleurs esprits, hors de l’ étroit compartiment natal, iront chercher dans les vertiges de la synt
3864 l’étroit compartiment natal, iront chercher dans les vertiges de la synthèse et dans les larges vues panoramiques les gran
3865 timent natal, iront chercher dans les vertiges de la synthèse et dans les larges vues panoramiques les grandes dimensions
3866 chercher dans les vertiges de la synthèse et dans les larges vues panoramiques les grandes dimensions qui leur manquent en
3867 la synthèse et dans les larges vues panoramiques les grandes dimensions qui leur manquent en Suisse25. Mais ce n’est pas e
3868 tôt son canton natal de Schwyz, Euler vécut dans les Allemagnes et à la cour de Russie, Jean de Müller à Vienne et à Berli
3869 l de Schwyz, Euler vécut dans les Allemagnes et à la cour de Russie, Jean de Müller à Vienne et à Berlin, Jean-Jacques, Mm
3870 ui, après de longs séjours loin du pays, ont fait le principal de leur carrière en Suisse, ce n’est pas la Suisse qui a dé
3871 rincipal de leur carrière en Suisse, ce n’est pas la Suisse qui a découvert et propagé leur nom dans le monde ; c’est au c
3872 a Suisse qui a découvert et propagé leur nom dans le monde ; c’est au contraire de l’étranger, des grands pays voisins ou
3873 gé leur nom dans le monde ; c’est au contraire de l’ étranger, des grands pays voisins ou de l’Amérique, que leur réputatio
3874 aire de l’étranger, des grands pays voisins ou de l’ Amérique, que leur réputation nous est revenue, comme importée. « Son
3875 us est revenue, comme importée. « Son canton — ou l’ Europe », c’est la formule parfaite. Ainsi, pour l’homme de culture en
3876 mme importée. « Son canton — ou l’Europe », c’est la formule parfaite. Ainsi, pour l’homme de culture en tant que tel, le
3877 ’Europe », c’est la formule parfaite. Ainsi, pour l’ homme de culture en tant que tel, le stade national est sauté. Cas uni
3878 . Ainsi, pour l’homme de culture en tant que tel, le stade national est sauté. Cas unique, dans l’Europe moderne. J’ose y
3879 el, le stade national est sauté. Cas unique, dans l’ Europe moderne. J’ose y voir le plus grand privilège des Suisses : que
3880 . Cas unique, dans l’Europe moderne. J’ose y voir le plus grand privilège des Suisses : quelle que soit leur petite patrie
3881 quelle que soit leur petite patrie locale, s’ils la dépassent c’est pour rejoindre immédiatement les grands courants cont
3882 s la dépassent c’est pour rejoindre immédiatement les grands courants continentaux ; parfois pour les déterminer. Condamnés
3883 t les grands courants continentaux ; parfois pour les déterminer. Condamnés à l’Europe en quelque sorte ; non, bien plutôt
3884 entaux ; parfois pour les déterminer. Condamnés à l’ Europe en quelque sorte ; non, bien plutôt libres pour elle… 17. Cf
3885 e ; non, bien plutôt libres pour elle… 17. Cf. l’ enquête Un jour en Suisse, 1964. 18. 300 000 Suisses vivent à l’étran
3886 ur en Suisse, 1964. 18. 300 000 Suisses vivent à l’ étranger, soit 5 % de la population. Cette proportion est décroissante
3887 300 000 Suisses vivent à l’étranger, soit 5 % de la population. Cette proportion est décroissante : 10 % avant 1914, 7,5 
3888 e par Franck Jotterand au cours d’une enquête sur la censure en Suisse. 21. « Le canton — ou l’Europe », comme disait Luc
3889 rs d’une enquête sur la censure en Suisse. 21. «  Le canton — ou l’Europe », comme disait Lucien Febvre. À la sixième géné
3890 e sur la censure en Suisse. 21. « Le canton — ou l’ Europe », comme disait Lucien Febvre. À la sixième génération des ancê
3891 énération des ancêtres de mon père, dont pourtant les parents et trois des grands-parents étaient de Neuchâtel, je trouve 3
3892 nces médicales et d’une écologie européenne avant la lettre : Paracelse. Théorie générale des sociétés humaines, dont le C
3893 lse. Théorie générale des sociétés humaines, dont le Contrat social n’est qu’un fragment : Rousseau. « Considérations sur
3894 t qu’un fragment : Rousseau. « Considérations sur l’ Histoire du Monde » : Jakob Burckhardt. « Vue générale du genre humain
3895 générale : Ferdinand de Saussure. Psychologie de l’ inconscient collectif, à l’échelle mondiale : C. G. Jung. j. Rougemo
3896 ussure. Psychologie de l’inconscient collectif, à l’ échelle mondiale : C. G. Jung. j. Rougemont Denis de, « Le Suisse mo
3897 mondiale : C. G. Jung. j. Rougemont Denis de, «  Le Suisse moyen et quelques autres », La Revue de Paris, Paris, mai 1965
3898 Denis de, « Le Suisse moyen et quelques autres », La Revue de Paris, Paris, mai 1965, p. 53-64. k. Suivi de la notice sui
3899 de Paris, Paris, mai 1965, p. 53-64. k. Suivi de la notice suivante : « Ces pages paraîtront dans La Suisse ou l’histoir
3900 la notice suivante : « Ces pages paraîtront dans La Suisse ou l’histoire d’un peuple heureux chez Hachette. »
3901 vante : « Ces pages paraîtront dans La Suisse ou l’ histoire d’un peuple heureux chez Hachette. »
9 1969, La Revue de Paris, articles (1937–1969). L’avenir du fédéralisme (septembre 1969)
3902 L’ avenir du fédéralisme (septembre 1969)l En 1863 paraissait le derni
3903 nd ouvrage de Proudhon, Du Principe fédératif, où l’ on pouvait lire cette phrase devenue célèbre : « Le xixe siècle ouvri
3904 ’on pouvait lire cette phrase devenue célèbre : «  Le xixe siècle ouvrira l’ère des fédérations, ou l’humanité recommencer
3905 hrase devenue célèbre : « Le xixe siècle ouvrira l’ ère des fédérations, ou l’humanité recommencera un purgatoire de mille
3906 Le xixe siècle ouvrira l’ère des fédérations, ou l’ humanité recommencera un purgatoire de mille ans. » Dans quelle voie s
3907 gés après un siècle ? Celle des fédérations et de l’ harmonie des peuples, ou celle d’une renaissance des particularismes n
3908 s particularismes nationaux ? Je répondrai : dans les deux à la fois, et cela n’est pas contradictoire. Un phénomène très g
3909 Un phénomène très général de convergence inspire les mouvements d’union continentale qui créent le Conseil de l’Europe et
3910 re les mouvements d’union continentale qui créent le Conseil de l’Europe et le Marché commun, puis leurs contreparties plu
3911 continentale qui créent le Conseil de l’Europe et le Marché commun, puis leurs contreparties plus ou moins réussies dans l
3912 s leurs contreparties plus ou moins réussies dans l’ empire communiste COMECON, dans le monde arabe, en Afrique et en Améri
3913 s réussies dans l’empire communiste COMECON, dans le monde arabe, en Afrique et en Amérique latine, cependant qu’une volon
3914 lonté d’union mondiale anime les Nations unies et l’ Unesco, le Conseil œcuménique des Églises et Vatican II. Simultanément
3915 ion mondiale anime les Nations unies et l’Unesco, le Conseil œcuménique des Églises et Vatican II. Simultanément, mais en
3916 utonomies et des volontés d’indépendance, inspire les mouvements de résurgences communalistes, régionalistes et nationalist
3917 l s’agisse de Nations en instance de divorce avec l’ OTAN ou avec le Pacte de Varsovie, ou de nations au sens ancien du mot
3918 ations en instance de divorce avec l’OTAN ou avec le Pacte de Varsovie, ou de nations au sens ancien du mot, régions ou et
3919 u ethnies en révolte plus ou moins ouverte contre le contrat étatique (inégal à leurs yeux) que jadis ou naguère leur impo
3920 al à leurs yeux) que jadis ou naguère leur imposa l’ élément formateur ou hégémonique de chacun de nos États unitaires. Ren
3921 nomiques nouvelles, et qui enfièvrent tour à tour la Bretagne, les Flandres ou le Pays basque. Convergences et diversific
3922 elles, et qui enfièvrent tour à tour la Bretagne, les Flandres ou le Pays basque. Convergences et diversification, exigenc
3923 fièvrent tour à tour la Bretagne, les Flandres ou le Pays basque. Convergences et diversification, exigence simultanée de
3924 entraînent des effets complémentaires, j’entends le dépassement de l’État-nation à la fois par en haut et par en bas, d’u
3925 fets complémentaires, j’entends le dépassement de l’ État-nation à la fois par en haut et par en bas, d’une part, vers des
3926 s et, d’autre part, vers un fédéralisme régional. La victime de ce double mouvement contradictoire, c’est l’État-nation, t
3927 time de ce double mouvement contradictoire, c’est l’ État-nation, tel qu’il est né de la Révolution et du Premier Empire, p
3928 ictoire, c’est l’État-nation, tel qu’il est né de la Révolution et du Premier Empire, produit de la confiscation d’une mys
3929 de la Révolution et du Premier Empire, produit de la confiscation d’une mystique — la nation — par un appareil administrat
3930 pire, produit de la confiscation d’une mystique — la nation — par un appareil administratif et policier — l’État. Un État
3931 ion — par un appareil administratif et policier — l’ État. Un État plus ou moins nationalisé ou une nation étatisée, modèle
3932 oins nationalisé ou une nation étatisée, modèle : la France, bientôt imitée par presque toute l’Europe — et au xxe siècle
3933 èle : la France, bientôt imitée par presque toute l’ Europe — et au xxe siècle, par une centaine de nations nouvelles. Cen
3934 ons nouvelles. Centralisé, atomisé et trituré par les dynamismes contraires du xxe siècle, l’État-nation européen nous app
3935 uré par les dynamismes contraires du xxe siècle, l’ État-nation européen nous apparaît, tel que les accidents de l’Histoir
3936 le, l’État-nation européen nous apparaît, tel que les accidents de l’Histoire nous l’ont laissé, à la fois trop petit et gr
3937 européen nous apparaît, tel que les accidents de l’ Histoire nous l’ont laissé, à la fois trop petit et grand. Il est trop
3938 pparaît, tel que les accidents de l’Histoire nous l’ ont laissé, à la fois trop petit et grand. Il est trop petit pour assu
3939 e temps presque tous nos États centralisés — dans la mesure même où ils sont centralisés — se révèlent trop grands pour an
3940 centralisés — se révèlent trop grands pour animer la vie économique culturelle et surtout civique de leurs régions : celle
3941 urs régions : celles-ci se sentent exploitées par l’ État, ses bureaux ou sa capitale, et les accusent de colonialisme. Il
3942 oitées par l’État, ses bureaux ou sa capitale, et les accusent de colonialisme. Il est certain que la prétention à une poli
3943 les accusent de colonialisme. Il est certain que la prétention à une politique indépendante, au plein sens du terme, ne s
3944 u plein sens du terme, ne saurait être soutenue à la rigueur que par la Chine, l’URSS et surtout les USA, s’ils acceptaien
3945 me, ne saurait être soutenue à la rigueur que par la Chine, l’URSS et surtout les USA, s’ils acceptaient toutefois d’en pa
3946 rait être soutenue à la rigueur que par la Chine, l’ URSS et surtout les USA, s’ils acceptaient toutefois d’en payer le pri
3947 à la rigueur que par la Chine, l’URSS et surtout les USA, s’ils acceptaient toutefois d’en payer le prix, lequel serait ce
3948 t les USA, s’ils acceptaient toutefois d’en payer le prix, lequel serait celui d’une autarcie presque totale ou d’une sort
3949 ou d’une sorte d’isolation paranoïaque. En fait, les États-Unis, quoique de loin les plus forts, dépendent autant de l’opi
3950 noïaque. En fait, les États-Unis, quoique de loin les plus forts, dépendent autant de l’opinion mondiale que celle-ci du do
3951 oique de loin les plus forts, dépendent autant de l’ opinion mondiale que celle-ci du dollar ou de la télévision. Une inter
3952 e l’opinion mondiale que celle-ci du dollar ou de la télévision. Une interdépendance universelle dans tous ordres tend à r
3953 dance universelle dans tous ordres tend à réduire l’ indépendance d’un État à une certaine liberté dans le choix de ses dép
3954 ndépendance d’un État à une certaine liberté dans le choix de ses dépendances, à un certain jeu dans l’aménagement de ses
3955 e choix de ses dépendances, à un certain jeu dans l’ aménagement de ses réseaux de relations plus ou moins contraignantes.
3956 crise permanente. 855 votes en quelques années à la Chambre italienne sur le règlement du statut des régions autonomes. R
3957 tes en quelques années à la Chambre italienne sur le règlement du statut des régions autonomes. Risque d’éclatement de la
3958 tut des régions autonomes. Risque d’éclatement de la Belgique. En France, floraison de projets officiels ou révolutionnair
3959 iciels ou révolutionnaires tendant à régionaliser l’ Hexagone. Succès spectaculaires, aux dernières élections, des autonomi
3960 e mais profonde. Plasticages à Saint-Brieuc, dans le Tyrol du Sud, à Louvain et dans le Jura bernois. Mais en même temps,
3961 t-Brieuc, dans le Tyrol du Sud, à Louvain et dans le Jura bernois. Mais en même temps, multiplication des jumelages europé
3962 nismes de coopérations multinationales du type de la Regio Basiliensis, unions professionnelles et industrielles tendant d
3963 essionnelles et industrielles tendant dévaloriser les frontières… À tous les coups, c’est donc l’État-nation qui perd. Il n
3964 ielles tendant dévaloriser les frontières… À tous les coups, c’est donc l’État-nation qui perd. Il ne correspond plus ni au
3965 iser les frontières… À tous les coups, c’est donc l’ État-nation qui perd. Il ne correspond plus ni aux conditions de liber
3966 e des communautés ou cités libres, comme Rousseau l’ avait si bien vu ; ni aux conditions de développement, de rentabilité
3967 re que de grands espaces économiques constitués à la mesure des possibilités et des besoins de l’ère scientifico-technique
3968 és à la mesure des possibilités et des besoins de l’ ère scientifico-technique. Cet échec de la politique centralisatrice e
3969 oins de l’ère scientifico-technique. Cet échec de la politique centralisatrice et unitaire, secrètement obsédée par un rêv
3970 t cette mise en question, voire en accusation, de la formule stato-nationale élaborée par le xixe siècle, nous renvoient
3971 ation, de la formule stato-nationale élaborée par le xixe siècle, nous renvoient l’un comme l’autre à des formules de typ
3972 mme l’autre à des formules de type fédéraliste. À la question que je me posais sur la prophétie proudhonienne, voici donc
3973 e fédéraliste. À la question que je me posais sur la prophétie proudhonienne, voici donc une première réponse : oui, nous
3974 entiellement fédéraliste. Peut-on dire plus ? Sur les quelque cent-trente nations souveraines qui divisent notre humanité,
3975 s d’États fédératifs, mais ils regroupent 40 % de la population du globe, et il est frappant de constater qu’on trouve par
3976 est frappant de constater qu’on trouve parmi eux les plus grands États des cinq continents et les plus modernes — ainsi le
3977 eux les plus grands États des cinq continents et les plus modernes — ainsi les États-Unis, le Mexique et le Brésil pour le
3978 des cinq continents et les plus modernes — ainsi les États-Unis, le Mexique et le Brésil pour les trois Amériques, le Nigé
3979 ents et les plus modernes — ainsi les États-Unis, le Mexique et le Brésil pour les trois Amériques, le Nigéria en Afrique,
3980 us modernes — ainsi les États-Unis, le Mexique et le Brésil pour les trois Amériques, le Nigéria en Afrique, l’Allemagne p
3981 insi les États-Unis, le Mexique et le Brésil pour les trois Amériques, le Nigéria en Afrique, l’Allemagne pour l’Europe de
3982 le Mexique et le Brésil pour les trois Amériques, le Nigéria en Afrique, l’Allemagne pour l’Europe de l’Ouest et la Yougos
3983 pour les trois Amériques, le Nigéria en Afrique, l’ Allemagne pour l’Europe de l’Ouest et la Yougoslavie pour celle de l’E
3984 mériques, le Nigéria en Afrique, l’Allemagne pour l’ Europe de l’Ouest et la Yougoslavie pour celle de l’Est, et au-delà, l
3985 Afrique, l’Allemagne pour l’Europe de l’Ouest et la Yougoslavie pour celle de l’Est, et au-delà, l’URSS, l’Inde et l’Aust
3986 Europe de l’Ouest et la Yougoslavie pour celle de l’ Est, et au-delà, l’URSS, l’Inde et l’Australie. Voilà qui réfute le cl
3987 t la Yougoslavie pour celle de l’Est, et au-delà, l’ URSS, l’Inde et l’Australie. Voilà qui réfute le cliché du fédéralisme
3988 goslavie pour celle de l’Est, et au-delà, l’URSS, l’ Inde et l’Australie. Voilà qui réfute le cliché du fédéralisme « désue
3989 our celle de l’Est, et au-delà, l’URSS, l’Inde et l’ Australie. Voilà qui réfute le cliché du fédéralisme « désuet ». Mais
3990 , l’URSS, l’Inde et l’Australie. Voilà qui réfute le cliché du fédéralisme « désuet ». Mais l’étiquette fédérale couvre de
3991 réfute le cliché du fédéralisme « désuet ». Mais l’ étiquette fédérale couvre des marchandises de qualités pour le moins d
3992 fédérale couvre des marchandises de qualités pour le moins diverses selon qu’il s’agit par exemple de l’empire soviétique,
3993 moins diverses selon qu’il s’agit par exemple de l’ empire soviétique, du Nigéria, ou de la Confédération suisse. Car la d
3994 exemple de l’empire soviétique, du Nigéria, ou de la Confédération suisse. Car la double exigence antinomique de la conver
3995 e, du Nigéria, ou de la Confédération suisse. Car la double exigence antinomique de la convergence et de la diversificatio
3996 ion suisse. Car la double exigence antinomique de la convergence et de la diversification n’est pas tellement mieux satisf
3997 uble exigence antinomique de la convergence et de la diversification n’est pas tellement mieux satisfaite dans ces trois É
3998 es trois États officiellement fédératifs que dans les nations unitaires : en URSS, ce sont les autonomies régionales et les
3999 que dans les nations unitaires : en URSS, ce sont les autonomies régionales et les diversités religieuses et politiques qui
4000 s : en URSS, ce sont les autonomies régionales et les diversités religieuses et politiques qui sont opprimées par l’État ce
4001 religieuses et politiques qui sont opprimées par l’ État central dont un Parti unique s’est emparé ; au Nigéria, c’est au
4002 s qui s’érige en État unitaire ; en Suisse, c’est le régime fédératif lui-même qui se voit invoqué (non sans paradoxe d’ai
4003 même s’ils disent s’inspirer du propre exemple de la fédération des cantons suisses ! Il est certain que dans ces trois ca
4004 l est certain que dans ces trois cas, c’est moins le fédéralisme qu’on est en droit d’incriminer que sa trahison pure et s
4005 fédéralisme, mais d’un défaut de fédéralisme. Et l’ on est en droit de penser que l’application correcte de la méthode féd
4006 e fédéralisme. Et l’on est en droit de penser que l’ application correcte de la méthode fédéraliste rétablirait bientôt ce
4007 en droit de penser que l’application correcte de la méthode fédéraliste rétablirait bientôt ce double mouvement de diasto
4008 s locales et vers des unions plus vastes, qui est le battement même du cœur d’un régime sain, j’entends immunisé contre le
4009 cœur d’un régime sain, j’entends immunisé contre le virus totalitaire. Mais si le fédéralisme apparaît bien comme le remè
4010 nds immunisé contre le virus totalitaire. Mais si le fédéralisme apparaît bien comme le remède spécifique au stato-nationa
4011 taire. Mais si le fédéralisme apparaît bien comme le remède spécifique au stato-nationalisme, il faudrait avant de le pres
4012 fique au stato-nationalisme, il faudrait avant de le prescrire, être très sûr de sa formule. Or je ne vois pas terme du la
4013 us ! Un Français cultivé qui demande à son Littré le sens du mot fédéralisme trouve ceci : « Fédéralisme : s. m. Néologism
4014 te définition est assurément moins éclairante que les deux citations qui l’illustrent : 1) « Le fédéralisme était une des f
4015 ément moins éclairante que les deux citations qui l’ illustrent : 1) « Le fédéralisme était une des formes politiques les p
4016 te que les deux citations qui l’illustrent : 1) «  Le fédéralisme était une des formes politiques les plus communes employé
4017 « Le fédéralisme était une des formes politiques les plus communes employées par les sauvages. » Chateaubriand, Amérique,
4018 formes politiques les plus communes employées par les sauvages. » Chateaubriand, Amérique, Gouvernement. 2) « Pendant la Ré
4019 ateaubriand, Amérique, Gouvernement. 2) « Pendant la Révolution, projet attribué aux girondins de rompre l’unité nationale
4020 volution, projet attribué aux girondins de rompre l’ unité nationale et de transformer la France en une fédération de petit
4021 ins de rompre l’unité nationale et de transformer la France en une fédération de petits États. » Pour le Français cultivé,
4022 France en une fédération de petits États. » Pour le Français cultivé, donc, la cause est jugée. Il s’agit d’un système qu
4023 e petits États. » Pour le Français cultivé, donc, la cause est jugée. Il s’agit d’un système qui est bon pour les sauvages
4024 st jugée. Il s’agit d’un système qui est bon pour les sauvages, et qui semble n’avoir été préconisé que par des traîtres à
4025 mble n’avoir été préconisé que par des traîtres à la République… Il est vrai que mon Littré date de 1865 : « fédéralisme »
4026 ualifié de « néologisme ». C’était deux ans après le livre de Proudhon. Depuis lors, les centaines d’études et de gros vol
4027 deux ans après le livre de Proudhon. Depuis lors, les centaines d’études et de gros volumes parus sur le sujet auraient dû
4028 s centaines d’études et de gros volumes parus sur le sujet auraient dû suffire, semble-t-il, à clarifier un terme que le p
4029 dû suffire, semble-t-il, à clarifier un terme que le problème européen et nos situations nationales nous amènent à utilise
4030 nt à utiliser quotidiennement. Mais pas du tout : le malheur congénital du fédéralisme reste d’être un concept dialectique
4031 éen qu’une journée fût réservée à des travaux sur le fédéralisme. Le représentant du Conseil de l’Europe tint à déclarer a
4032 ée fût réservée à des travaux sur le fédéralisme. Le représentant du Conseil de l’Europe tint à déclarer aussitôt que le t
4033 Conseil de l’Europe tint à déclarer aussitôt que le terme de fédéralisme étant tabou à Strasbourg, il se verrait obligé d
4034 bou à Strasbourg, il se verrait obligé de quitter le comité si l’on adoptait ma proposition. Je compris par la suite que c
4035 urg, il se verrait obligé de quitter le comité si l’ on adoptait ma proposition. Je compris par la suite que ce haut foncti
4036 é si l’on adoptait ma proposition. Je compris par la suite que ce haut fonctionnaire tenait le fédéralisme pour un système
4037 ris par la suite que ce haut fonctionnaire tenait le fédéralisme pour un système d’unification intégrale, sans respect pou
4038 ystème d’unification intégrale, sans respect pour les diversités et les autonomies des pays membres, c’est-à-dire très exac
4039 on intégrale, sans respect pour les diversités et les autonomies des pays membres, c’est-à-dire très exactement le contrair
4040 es des pays membres, c’est-à-dire très exactement le contraire de ce qu’il est. À l’inverse, le fédéralisme est assimilé p
4041 e très exactement le contraire de ce qu’il est. À l’ inverse, le fédéralisme est assimilé par beaucoup à une attitude de su
4042 tement le contraire de ce qu’il est. À l’inverse, le fédéralisme est assimilé par beaucoup à une attitude de suspicion env
4043 de de suspicion envers tout pouvoir central, et à la défense ombrageuse des autonomies locales ou régionales. C’est ainsi
4044 uropéen, écrivait récemment : « Ce n’est pas dans le fédéralisme, ce n’est pas en se repliant sur elle-même que la Walloni
4045 me, ce n’est pas en se repliant sur elle-même que la Wallonie trouvera son salut. » Plus étonnant encore, en Suisse même,
4046 sse même, il y a quelques années, on put entendre le recteur d’une de nos universités cantonales condamner le principe d’u
4047 eur d’une de nos universités cantonales condamner le principe d’une subvention fédérale « parce qu’ici, disait-il, nous so
4048 mes fédéralistes ! » Si pareils malentendus sont le fait d’Européens professionnels ou de gardiens jaloux des traditions
4049 x des traditions helvètes, que sera-ce ailleurs ? Le fédéralisme n’étant ni ceci, ni cela, mais la coexistence en tension
4050 s ? Le fédéralisme n’étant ni ceci, ni cela, mais la coexistence en tension de ceci et de cela, il semble que le danger d’
4051 ence en tension de ceci et de cela, il semble que le danger d’interprétations partielles, donc ruineuses dans son cas, lui
4052 pour ainsi dire congénital. Or s’il est vrai que l’ union de l’Europe est l’entreprise capitale de siècle, et s’il est vra
4053 dire congénital. Or s’il est vrai que l’union de l’ Europe est l’entreprise capitale de siècle, et s’il est vraisemblable
4054 tal. Or s’il est vrai que l’union de l’Europe est l’ entreprise capitale de siècle, et s’il est vraisemblable que cette uni
4055 union sera fédérale ou ne sera pas, on sent tous les dangers qu’entraînent en fait les malentendus que j’ai dits, et par s
4056 s, on sent tous les dangers qu’entraînent en fait les malentendus que j’ai dits, et par suite l’importance pratique de tout
4057 fait les malentendus que j’ai dits, et par suite l’ importance pratique de tout effort de clarification des concepts de fé
4058 is maintenant proposer quelques définitions, puis les relier à des situations contemporaines choisies dans les domaines les
4059 ier à des situations contemporaines choisies dans les domaines les plus variés et les moins politiques au sens étroit du mo
4060 uations contemporaines choisies dans les domaines les plus variés et les moins politiques au sens étroit du mot. ⁂ Tout d’a
4061 nes choisies dans les domaines les plus variés et les moins politiques au sens étroit du mot. ⁂ Tout d’abord, trois définit
4062 également valables et vitales, de telle sorte que la solution ne puisse être cherchée, ni dans la réduction de l’un des te
4063 que la solution ne puisse être cherchée, ni dans la réduction de l’un des termes, ni dans la subordination de l’un à l’au
4064 ni dans la réduction de l’un des termes, ni dans la subordination de l’un à l’autre, mais seulement dans une création qui
4065 ne création qui englobe, satisfasse et transcende les exigences de l’un et de l’autre. J’appellerai donc solution fédéralis
4066 toute solution qui prend pour règle de respecter les deux termes antinomiques en conflit tout en les composant de telle ma
4067 r les deux termes antinomiques en conflit tout en les composant de telle manière que la résultante de leur tension soit pos
4068 onflit tout en les composant de telle manière que la résultante de leur tension soit positive. (On dirait, dans le langage
4069 e de leur tension soit positive. (On dirait, dans le langage de la théorie des jeux de von Neumann et Morgenstern, qu’il s
4070 ion soit positive. (On dirait, dans le langage de la théorie des jeux de von Neumann et Morgenstern, qu’il s’agit de déter
4071 eumann et Morgenstern, qu’il s’agit de déterminer l’ optimum en lequel se concilient deux maxima contradictoires, — comme l
4072 e concilient deux maxima contradictoires, — comme l’ offre et la demande dans un prix.) L’ensemble des problèmes et des sol
4073 t deux maxima contradictoires, — comme l’offre et la demande dans un prix.) L’ensemble des problèmes et des solutions ains
4074 res, — comme l’offre et la demande dans un prix.) L’ ensemble des problèmes et des solutions ainsi définis constitue ce que
4075 utions ainsi définis constitue ce que je nommerai la politique fédéraliste, au sens le plus large du terme. Avant de cherc
4076 que je nommerai la politique fédéraliste, au sens le plus large du terme. Avant de chercher à quel type d’homme correspond
4077 ensée, une structure de relations bipolaires dont le « modèle » nous est connu : c’est celui qu’ont élaboré les fondateurs
4078 èle » nous est connu : c’est celui qu’ont élaboré les fondateurs de la philosophie occidentale dans le dialogue opposant le
4079 nu : c’est celui qu’ont élaboré les fondateurs de la philosophie occidentale dans le dialogue opposant les éléates aux ion
4080 les fondateurs de la philosophie occidentale dans le dialogue opposant les éléates aux ioniens au sujet de l’antinomie fon
4081 philosophie occidentale dans le dialogue opposant les éléates aux ioniens au sujet de l’antinomie fondamentale de l’Un et d
4082 ogue opposant les éléates aux ioniens au sujet de l’ antinomie fondamentale de l’Un et du Divers, ou encore de la permanenc
4083 e fondamentale de l’Un et du Divers, ou encore de la permanence et du changement. Parallèlement se constituaient les premi
4084 ent se constituaient les premières définitions de l’ homme comme individu distinct, et de la cité ou auto-nomie (littéralem
4085 nitions de l’homme comme individu distinct, et de la cité ou auto-nomie (littéralement auto-réglage) comme cellule de base
4086 l : devant ce même problème de l’Un et du divers, les métaphysiques orientales prennent le parti de supprimer le conflit en
4087 du divers, les métaphysiques orientales prennent le parti de supprimer le conflit en réduisant l’un de ses termes — le Di
4088 ysiques orientales prennent le parti de supprimer le conflit en réduisant l’un de ses termes — le Divers — au prix d’une l
4089 imer le conflit en réduisant l’un de ses termes — le Divers — au prix d’une longue ascèse exténuante. Pour le brahmane, po
4090 rs — au prix d’une longue ascèse exténuante. Pour le brahmane, pour le bouddhiste, le but est d’effacer l’individu, la dif
4091 longue ascèse exténuante. Pour le brahmane, pour le bouddhiste, le but est d’effacer l’individu, la différence, de tout f
4092 exténuante. Pour le brahmane, pour le bouddhiste, le but est d’effacer l’individu, la différence, de tout fondre dans l’Un
4093 rahmane, pour le bouddhiste, le but est d’effacer l’ individu, la différence, de tout fondre dans l’Un sans distinction. Ma
4094 r le bouddhiste, le but est d’effacer l’individu, la différence, de tout fondre dans l’Un sans distinction. Mais l’Occiden
4095 , de tout fondre dans l’Un sans distinction. Mais l’ Occident, dès l’aube grecque, cherche à maintenir les deux termes non
4096 dans l’Un sans distinction. Mais l’Occident, dès l’ aube grecque, cherche à maintenir les deux termes non pas en équilibre
4097 Occident, dès l’aube grecque, cherche à maintenir les deux termes non pas en équilibre neutre, mais bien en tension créatri
4098 neutre, mais bien en tension créatrice, et c’est le succès de cet effort toujours renouvelé toujours menacé, qui dénote l
4099 rt toujours renouvelé toujours menacé, qui dénote la santé de la pensée européenne, sa justesse, sa mesure conquise sur le
4100 renouvelé toujours menacé, qui dénote la santé de la pensée européenne, sa justesse, sa mesure conquise sur le chaos de la
4101 e européenne, sa justesse, sa mesure conquise sur le chaos de la masse indistincte autant que sur l’anarchie des individus
4102 , sa justesse, sa mesure conquise sur le chaos de la masse indistincte autant que sur l’anarchie des individus isolés, qu’
4103 r le chaos de la masse indistincte autant que sur l’ anarchie des individus isolés, qu’il s’agisse de réalités métaphysique
4104 ues ou politiques. Ce qui s’oppose coopère, et de la lutte des contraires procède la plus belle harmonie, dit un fragment
4105 se coopère, et de la lutte des contraires procède la plus belle harmonie, dit un fragment célèbre d’Héraclite. L’art et la
4106 le harmonie, dit un fragment célèbre d’Héraclite. L’ art et la science de cette mise en tension, de cette composition de ré
4107 ie, dit un fragment célèbre d’Héraclite. L’art et la science de cette mise en tension, de cette composition de réalités co
4108 également valables, voilà je crois ce qui définit l’ apport original et spécifique de la pensée occidentale ; or cette défi
4109 ce qui définit l’apport original et spécifique de la pensée occidentale ; or cette définition vaut également et intégralem
4110 e définition vaut également et intégralement pour le fédéralisme, du moins tel que je l’entends, après avoir valu pour la
4111 ralement pour le fédéralisme, du moins tel que je l’ entends, après avoir valu pour la Grèce des grands siècles avec sa dia
4112 moins tel que je l’entends, après avoir valu pour la Grèce des grands siècles avec sa dialectique de l’individu et de la c
4113 a Grèce des grands siècles avec sa dialectique de l’ individu et de la cité, conciliée dans la notion de citoyen. Mais le m
4114 s siècles avec sa dialectique de l’individu et de la cité, conciliée dans la notion de citoyen. Mais le moment crucial de
4115 tique de l’individu et de la cité, conciliée dans la notion de citoyen. Mais le moment crucial de toute l’évolution spécif
4116 a cité, conciliée dans la notion de citoyen. Mais le moment crucial de toute l’évolution spécifiquement occidentale vers l
4117 otion de citoyen. Mais le moment crucial de toute l’ évolution spécifiquement occidentale vers l’approfondissement et l’exp
4118 toute l’évolution spécifiquement occidentale vers l’ approfondissement et l’expansion du modèle des contraires en tension c
4119 fiquement occidentale vers l’approfondissement et l’ expansion du modèle des contraires en tension créatrice, nous le trouv
4120 modèle des contraires en tension créatrice, nous le trouvons dans le christianisme des grands conciles. À Nicée, puis à C
4121 aires en tension créatrice, nous le trouvons dans le christianisme des grands conciles. À Nicée, puis à Chalcédoine, plusi
4122 docteurs se mettent d’accord pour définir en grec la nature à la foi triple et une du Dieu Père, Fils et Saint-Esprit, et
4123 mettent d’accord pour définir en grec la nature à la foi triple et une du Dieu Père, Fils et Saint-Esprit, et la personne
4124 ple et une du Dieu Père, Fils et Saint-Esprit, et la personne à la fois une et double de Jésus-Christ. Et ils écrivent : «
4125 en deux natures, sans confusion (ni) séparation. L’ union n’a pas supprimé la différence des natures, mais plutôt elle a s
4126 nfusion (ni) séparation. L’union n’a pas supprimé la différence des natures, mais plutôt elle a sauvegardé les propriétés
4127 érence des natures, mais plutôt elle a sauvegardé les propriétés de chaque nature, qui se rencontrent dans une seule person
4128 t dans une seule personne… » Abstraction faite de la foi que l’on accorde ou non à la substance de ces énoncés, je retiens
4129 seule personne… » Abstraction faite de la foi que l’ on accorde ou non à la substance de ces énoncés, je retiens que leurs
4130 raction faite de la foi que l’on accorde ou non à la substance de ces énoncés, je retiens que leurs formes et structures p
4131 nt donc une société et une politique. De même que le modèle trinitaire des conciles sera utilisé par Kepler dans ses spécu
4132 sera utilisé par Kepler dans ses spéculations sur le cercle et leurs applications à l’astronomie, ou par Hegel dans sa dia
4133 péculations sur le cercle et leurs applications à l’ astronomie, ou par Hegel dans sa dialectique ternaire et ses applicati
4134 evenir historico-politique — source principale de la méthode marxienne — de même le modèle de la co-existence des deux nat
4135 urce principale de la méthode marxienne — de même le modèle de la co-existence des deux natures sans confusion ni séparati
4136 le de la méthode marxienne — de même le modèle de la co-existence des deux natures sans confusion ni séparation et de l’un
4137 s deux natures sans confusion ni séparation et de l’ union qui loin de supprimer la différence des natures sauvegarde leurs
4138 ni séparation et de l’union qui loin de supprimer la différence des natures sauvegarde leurs propriétés 26 sera repris par
4139 uvegarde leurs propriétés 26 sera repris par tous les penseurs occidentaux respectueux du réel et des conditions de la vie,
4140 identaux respectueux du réel et des conditions de la vie, qui sont : antinomies, oppositions, lutte des contraires « d’où
4141 oppositions, lutte des contraires « d’où procède la plus belle harmonie ». Je pense d’abord, bien sûr, aux esprits dialec
4142 entes de physiciens et de logiciens pour lesquels la complémentarité de phénomènes, définis comme exclusifs l’un de l’autr
4143 pense notamment aux théories de L. de Broglie sur la lumière, faite de vrais corpuscules mais aussi de vraies ondes…) ⁂ No
4144 ⁂ Notre modèle de pensée fédéraliste ainsi posé à la clé de l’histoire européenne, il reste à repérer les principaux domai
4145 dèle de pensée fédéraliste ainsi posé à la clé de l’ histoire européenne, il reste à repérer les principaux domaines de la
4146 clé de l’histoire européenne, il reste à repérer les principaux domaines de la réalité moderne où l’on retrouve les struct
4147 ne, il reste à repérer les principaux domaines de la réalité moderne où l’on retrouve les structures typiques d’un problèm
4148 les principaux domaines de la réalité moderne où l’ on retrouve les structures typiques d’un problème fédéraliste. À la ba
4149 x domaines de la réalité moderne où l’on retrouve les structures typiques d’un problème fédéraliste. À la base de notre ana
4150 structures typiques d’un problème fédéraliste. À la base de notre analyse, plaçons une conception de l’homme analogue au
4151 base de notre analyse, plaçons une conception de l’ homme analogue au modèle bipolaire posé par le concile de Chalcédoine.
4152 de l’homme analogue au modèle bipolaire posé par le concile de Chalcédoine. La personne humaine, notion déduite des dogme
4153 èle bipolaire posé par le concile de Chalcédoine. La personne humaine, notion déduite des dogmes relatifs aux trois Person
4154 surtout à la deuxième, va nous servir de module. La personne humaine, c’est l’homme considéré dans sa double réalité d’in
4155 nous servir de module. La personne humaine, c’est l’ homme considéré dans sa double réalité d’individu distinct et de citoy
4156 ité d’individu distinct et de citoyen engagé dans la société. Pourvu de libertés mais de responsabilités, solitaire et sol
4157 de responsabilités, solitaire et solidaire (selon le mot de Victor Hugo repris par Camus), distingué du troupeau par cette
4158 istingué du troupeau par cette vocation même dont l’ exercice le relie à la communauté, cet homme se constitue dans la dial
4159 troupeau par cette vocation même dont l’exercice le relie à la communauté, cet homme se constitue dans la dialectique des
4160 ar cette vocation même dont l’exercice le relie à la communauté, cet homme se constitue dans la dialectique des contraires
4161 elie à la communauté, cet homme se constitue dans la dialectique des contraires. Et ce caractère va se transmettre à tous
4162 traires. Et ce caractère va se transmettre à tous les groupes qu’il formera avec d’autres hommes, ses semblables. Ces group
4163 l’un n’ira pas sans l’autre, bien mieux : l’un — la solidarité — sera la garantie de l’autre — l’autonomie. Quelques exem
4164 l’autre, bien mieux : l’un — la solidarité — sera la garantie de l’autre — l’autonomie. Quelques exemples : 1. Le problème
4165 n — la solidarité — sera la garantie de l’autre — l’ autonomie. Quelques exemples : 1. Le problème des universités résulte
4166 de l’autre — l’autonomie. Quelques exemples : 1. Le problème des universités résulte d’un couple d’exigences contradictoi
4167 l’autre, quoique indispensables l’une à l’autre : la spécialisation et la culture générale. 2. Les problèmes actuels de l’
4168 spensables l’une à l’autre : la spécialisation et la culture générale. 2. Les problèmes actuels de l’habitat et de l’urban
4169 re : la spécialisation et la culture générale. 2. Les problèmes actuels de l’habitat et de l’urbanisme résultent de la croi
4170 la culture générale. 2. Les problèmes actuels de l’ habitat et de l’urbanisme résultent de la croissante difficulté de sat
4171 rale. 2. Les problèmes actuels de l’habitat et de l’ urbanisme résultent de la croissante difficulté de satisfaire les exig
4172 tuels de l’habitat et de l’urbanisme résultent de la croissante difficulté de satisfaire les exigences, également valables
4173 sultent de la croissante difficulté de satisfaire les exigences, également valables mais également frustrées dans les grand
4174 également valables mais également frustrées dans les grands ensembles, de solitude et de sociabilité, de recueillement et
4175 bilité, de recueillement et de communication avec les autres. 3. Au niveau de la vie civique et politique, tout le problème
4176 de communication avec les autres. 3. Au niveau de la vie civique et politique, tout le problème revient à concilier les be
4177 3. Au niveau de la vie civique et politique, tout le problème revient à concilier les besoins contraires mais vitaux d’aut
4178 t politique, tout le problème revient à concilier les besoins contraires mais vitaux d’autonomie locale et de grands espace
4179 ands espaces communs, de participation efficace à la vie d’un groupe concret et d’horizons ouverts, d’adhésion à des commu
4180 res qui rassurent, d’enracinement et de mobilité… La situation de l’homme qui veut à la fois sa vie privée et une vie soci
4181 t, d’enracinement et de mobilité… La situation de l’ homme qui veut à la fois sa vie privée et une vie sociale est homologu
4182 sa vie privée et une vie sociale est homologue à la situation de la région qui veut à la fois son autonomie et sa partici
4183 t une vie sociale est homologue à la situation de la région qui veut à la fois son autonomie et sa participation à un plus
4184 un plus grand ensemble, en association. 4. Enfin, le problème général de l’œcuménisme n’est-il pas le même en sa forme que
4185 en association. 4. Enfin, le problème général de l’ œcuménisme n’est-il pas le même en sa forme que ceux que nous venons d
4186 le problème général de l’œcuménisme n’est-il pas le même en sa forme que ceux que nous venons d’évoquer, puisqu’il consis
4187 siste à concilier des confessions distinctes dans l’ unité de l’Église, c’est-à-dire en dernière analyse, des vocations par
4188 cilier des confessions distinctes dans l’unité de l’ Église, c’est-à-dire en dernière analyse, des vocations particulières
4189 e analyse, des vocations particulières au sein de l’ Être même de l’Universel, source et fin de toute communauté. Dans tous
4190 vocations particulières au sein de l’Être même de l’ Universel, source et fin de toute communauté. Dans tous ces domaines d
4191 Dans tous ces domaines d’existence, quels seront les principes de méthode dictés par le souci fédéraliste de respect des d
4192 quels seront les principes de méthode dictés par le souci fédéraliste de respect des diversités, des conditions contradic
4193 des diversités, des conditions contradictoires de la vie, comme la liberté des personnes et la force de la communauté ? L’
4194 , des conditions contradictoires de la vie, comme la liberté des personnes et la force de la communauté ? L’analyse fédéra
4195 ires de la vie, comme la liberté des personnes et la force de la communauté ? L’analyse fédéraliste d’une situation part d
4196 ie, comme la liberté des personnes et la force de la communauté ? L’analyse fédéraliste d’une situation part du concret, e
4197 erté des personnes et la force de la communauté ? L’ analyse fédéraliste d’une situation part du concret, en ce sens que d’
4198 du concret, en ce sens que d’abord elle considère la nature d’une tâche ou d’une fonction particulière dont on aura reconn
4199 d’une fonction particulière dont on aura reconnu la nécessité ou l’agrément. Deuxième étape : elle évalue les dimensions
4200 particulière dont on aura reconnu la nécessité ou l’ agrément. Deuxième étape : elle évalue les dimensions optima de l’aire
4201 ssité ou l’agrément. Deuxième étape : elle évalue les dimensions optima de l’aire d’exécution requise et elle le fait en fo
4202 ième étape : elle évalue les dimensions optima de l’ aire d’exécution requise et elle le fait en fonction des trois facteur
4203 ions optima de l’aire d’exécution requise et elle le fait en fonction des trois facteurs suivants : possibilités de partic
4204 re étape : une fois déterminée cette dimension et l’ unité correspondante (communale, régionale, nationale, continentale ou
4205 onale, nationale, continentale ou mondiale, selon les cas), il ne reste qu’à désigner le niveau de compétence où seront pri
4206 ndiale, selon les cas), il ne reste qu’à désigner le niveau de compétence où seront prises les décisions relatives à cette
4207 désigner le niveau de compétence où seront prises les décisions relatives à cette tâche. Il peut y avoir d’ailleurs plusieu
4208 ieurs niveaux de décisions, hiérarchisés. Séparer les pouvoirs, les disperser, les répartir selon le bon sens, voilà le pro
4209 de décisions, hiérarchisés. Séparer les pouvoirs, les disperser, les répartir selon le bon sens, voilà le programme proudho
4210 iérarchisés. Séparer les pouvoirs, les disperser, les répartir selon le bon sens, voilà le programme proudhonien de divisio
4211 r les pouvoirs, les disperser, les répartir selon le bon sens, voilà le programme proudhonien de division fédéraliste de l
4212 disperser, les répartir selon le bon sens, voilà le programme proudhonien de division fédéraliste de l’État, inverse exac
4213 programme proudhonien de division fédéraliste de l’ État, inverse exact de l’utopie totalitaire. De plus, les aires d’opér
4214 division fédéraliste de l’État, inverse exact de l’ utopie totalitaire. De plus, les aires d’opération peuvent et doivent
4215 , inverse exact de l’utopie totalitaire. De plus, les aires d’opération peuvent et doivent différer selon les tâches, j’ent
4216 res d’opération peuvent et doivent différer selon les tâches, j’entends selon qu’elles intéressent tous les hommes de toute
4217 tâches, j’entends selon qu’elles intéressent tous les hommes de toutes les régions, certains hommes de toutes les régions,
4218 on qu’elles intéressent tous les hommes de toutes les régions, certains hommes de toutes les régions, certains hommes de ce
4219 de toutes les régions, certains hommes de toutes les régions, certains hommes de certaines régions, tous les hommes de que
4220 gions, certains hommes de certaines régions, tous les hommes de quelques régions, ou d’une seule. Je conviendrai que le nom
4221 lques régions, ou d’une seule. Je conviendrai que le nombre des combinaisons auxquelles peut conduire cette méthode a de q
4222 lles peut conduire cette méthode a de quoi donner le vertige aux fonctionnaires de tradition unitaire. Mais les ordinateur
4223 ge aux fonctionnaires de tradition unitaire. Mais les ordinateurs vont prendre la relève. Lénine disait que la révolution c
4224 ition unitaire. Mais les ordinateurs vont prendre la relève. Lénine disait que la révolution communiste, c’était les sovie
4225 nateurs vont prendre la relève. Lénine disait que la révolution communiste, c’était les soviets plus l’électricité. Pour m
4226 nine disait que la révolution communiste, c’était les soviets plus l’électricité. Pour moi, le fédéralisme, c’est l’autonom
4227 a révolution communiste, c’était les soviets plus l’ électricité. Pour moi, le fédéralisme, c’est l’autonomie des régions p
4228 c’était les soviets plus l’électricité. Pour moi, le fédéralisme, c’est l’autonomie des régions plus les ordinateurs, c’es
4229 us l’électricité. Pour moi, le fédéralisme, c’est l’ autonomie des régions plus les ordinateurs, c’est-à-dire le respect du
4230 e fédéralisme, c’est l’autonomie des régions plus les ordinateurs, c’est-à-dire le respect du réel et de ses infinies compl
4231 ie des régions plus les ordinateurs, c’est-à-dire le respect du réel et de ses infinies complexités enfin rendu possible p
4232 ses infinies complexités enfin rendu possible par la technique moderne. (Ce débat n’est pas d’aujourd’hui. Aux projets de
4233 ourd’hui. Aux projets de découpage géométrique de la France en carrés réguliers de dix-huit lieues de côté, comme le propo
4234 arrés réguliers de dix-huit lieues de côté, comme le proposait Sieyès sous prétexte de simplifier les contrôles administra
4235 e le proposait Sieyès sous prétexte de simplifier les contrôles administratifs, Mirabeau répondait déjà par cette grande ph
4236 Mirabeau répondait déjà par cette grande phrase : Le but de la société n’est pas que l’administration soit facile, mais qu
4237 épondait déjà par cette grande phrase : Le but de la société n’est pas que l’administration soit facile, mais qu’elle soit
4238 rande phrase : Le but de la société n’est pas que l’ administration soit facile, mais qu’elle soit juste et éclairée.) Nous
4239 sions et d’attribution des niveaux décisionnels — la participation, l’efficacité et l’économie des moyens — sont en interd
4240 tion des niveaux décisionnels — la participation, l’ efficacité et l’économie des moyens — sont en interdépendance générale
4241 décisionnels — la participation, l’efficacité et l’ économie des moyens — sont en interdépendance générale. Prenons l’exem
4242 oyens — sont en interdépendance générale. Prenons l’ exemple de l’habitat : le gigantisme des villes, l’entassement dans le
4243 en interdépendance générale. Prenons l’exemple de l’ habitat : le gigantisme des villes, l’entassement dans les grands ense
4244 ndance générale. Prenons l’exemple de l’habitat : le gigantisme des villes, l’entassement dans les grands ensembles conçus
4245 ’exemple de l’habitat : le gigantisme des villes, l’ entassement dans les grands ensembles conçus pour rapporter, ont produ
4246 at : le gigantisme des villes, l’entassement dans les grands ensembles conçus pour rapporter, ont produit une situation de
4247 apporter, ont produit une situation de crise dont l’ acuité se mesure notamment par le chiffre élevé des suicides. L’homme
4248 on de crise dont l’acuité se mesure notamment par le chiffre élevé des suicides. L’homme des ensembles à bon marché, trop
4249 sure notamment par le chiffre élevé des suicides. L’ homme des ensembles à bon marché, trop serré avec d’autres chez soi, e
4250 t qui voudrait être enfin seul, sort et se mêle à la foule anonyme… Mais c’est une mauvaise solitude, née de l’absence de
4251 anonyme… Mais c’est une mauvaise solitude, née de l’ absence de communication avec ceux que l’on côtoie comme s’ils n’étaie
4252 , née de l’absence de communication avec ceux que l’ on côtoie comme s’ils n’étaient pas là. La solution consisterait à rec
4253 eux que l’on côtoie comme s’ils n’étaient pas là. La solution consisterait à recréer les conditions de communauté, et tout
4254 taient pas là. La solution consisterait à recréer les conditions de communauté, et tout d’abord certaines dimensions et str
4255 vées aux seuls piétons et d’une place remplissant la fonction de l’agora ou du forum dans la cité antique : place délimité
4256 piétons et d’une place remplissant la fonction de l’ agora ou du forum dans la cité antique : place délimitée par tous les
4257 mplissant la fonction de l’agora ou du forum dans la cité antique : place délimitée par tous les bâtiments symboliques de
4258 m dans la cité antique : place délimitée par tous les bâtiments symboliques de la vie communautaire, églises, mairie, march
4259 e délimitée par tous les bâtiments symboliques de la vie communautaire, églises, mairie, marchés, cafés, lieu de rencontre
4260 irts, de criée des journaux et de manifestations. La possibilité physique et morale de participation à la vie communale dé
4261 possibilité physique et morale de participation à la vie communale dépend de tels aménagements. Les dimensions, d’ailleurs
4262 n à la vie communale dépend de tels aménagements. Les dimensions, d’ailleurs, peuvent être numériques aussi bien qu’archite
4263 numériques aussi bien qu’architecturales : prenez les conflits actuels dans l’université, en tous pays et tous régimes poli
4264 rchitecturales : prenez les conflits actuels dans l’ université, en tous pays et tous régimes politico-économiques. Ils ont
4265 politico-économiques. Ils ont pour motif profond l’ antinomie entre la culture générale au sens traditionnel et l’acquisit
4266 ues. Ils ont pour motif profond l’antinomie entre la culture générale au sens traditionnel et l’acquisition d’un savoir pr
4267 entre la culture générale au sens traditionnel et l’ acquisition d’un savoir professionnel souvent d’autant plus rentable q
4268 able qu’il est plus étroitement spécialisé ; mais la révolte actuelle des étudiants, sorte de tourbillon dans l’égarement,
4269 actuelle des étudiants, sorte de tourbillon dans l’ égarement, est aussi le résultat mécanique de l’explosion des effectif
4270 , sorte de tourbillon dans l’égarement, est aussi le résultat mécanique de l’explosion des effectifs. Multipliez par dix l
4271 s l’égarement, est aussi le résultat mécanique de l’ explosion des effectifs. Multipliez par dix les dimensions des marches
4272 de l’explosion des effectifs. Multipliez par dix les dimensions des marches d’un escalier, il devient impraticable. De mêm
4273 d’un escalier, il devient impraticable. De même, le décuplement des effectifs estudiantins transforme en acrobatie toute
4274 nsforme en acrobatie toute participation réelle à la recherche et compromet l’efficacité de l’enseignement. Remède fédéral
4275 participation réelle à la recherche et compromet l’ efficacité de l’enseignement. Remède fédéraliste : commencer par rééva
4276 éelle à la recherche et compromet l’efficacité de l’ enseignement. Remède fédéraliste : commencer par réévaluer les dimensi
4277 ent. Remède fédéraliste : commencer par réévaluer les dimensions d’une université digne du nom, ménageant des possibilités
4278 ès spécialisées et de travail interdisciplinaire. L’ analyse conduit à souhaiter l’adoption, comme module, de petits groupe
4279 interdisciplinaire. L’analyse conduit à souhaiter l’ adoption, comme module, de petits groupes ou unités de base de douze à
4280 uinze étudiants autour d’un enseignant (c’étaient les dimensions d’un studium de la Sorbonne au xiiie siècle) puis une féd
4281 eignant (c’étaient les dimensions d’un studium de la Sorbonne au xiiie siècle) puis une fédération de ces petites unités
4282 etites unités en départements, et je retrouve ici les solutions préconisées lors du fameux colloque de Caen, en 1966, mais
4283 s du fameux colloque de Caen, en 1966, mais aussi les conclusions de mon discours de Goettingen aux recteurs européens en 1
4284 rs de Goettingen aux recteurs européens en 1964m. L’ université fut une commune libre au Moyen âge. Toute vie civique, depu
4285 une libre au Moyen âge. Toute vie civique, depuis la cité grecque, est communale d’abord, municipale. C’est au niveau de l
4286 communale d’abord, municipale. C’est au niveau de la vie civique et politique — c’est le même mot, selon l’étymologie — qu
4287 au niveau de la vie civique et politique — c’est le même mot, selon l’étymologie — que nous allons enfin retrouver le pro
4288 e civique et politique — c’est le même mot, selon l’ étymologie — que nous allons enfin retrouver le problème classique du
4289 on l’étymologie — que nous allons enfin retrouver le problème classique du fédéralisme : comment assurer la cohésion d’un
4290 oblème classique du fédéralisme : comment assurer la cohésion d’un ensemble assez vaste pour pouvoir se charger de tâches
4291 pouvoir se charger de tâches communes (telles que la défense, les affaires étrangères et la politique économique, ou certa
4292 harger de tâches communes (telles que la défense, les affaires étrangères et la politique économique, ou certaines recherch
4293 telles que la défense, les affaires étrangères et la politique économique, ou certaines recherches scientifiques) sans lés
4294 ou certaines recherches scientifiques) sans léser les droits essentiels et l’autonomie des unités de base ? Comment devenir
4295 cientifiques) sans léser les droits essentiels et l’ autonomie des unités de base ? Comment devenir assez grand pour être f
4296 estant assez petit pour être libre ? Ce n’est pas le vote d’une constitution, de type plus ou moins fédéral qui peut résou
4297 elle que j’ai dite : sans cesse évaluer à nouveau la dimension des tâches à entreprendre, répartir en conséquence les pouv
4298 es tâches à entreprendre, répartir en conséquence les pouvoirs de décision, opérer les concentrations de forces proportionn
4299 r en conséquence les pouvoirs de décision, opérer les concentrations de forces proportionnées à la puissance que l’on veut
4300 rer les concentrations de forces proportionnées à la puissance que l’on veut obtenir et en même temps multiplier les petit
4301 tions de forces proportionnées à la puissance que l’ on veut obtenir et en même temps multiplier les petites unités de base
4302 que l’on veut obtenir et en même temps multiplier les petites unités de base, de manière à maintenir ou renforcer les possi
4303 ités de base, de manière à maintenir ou renforcer les possibilités de participation civiques, intellectuelles et affectives
4304 autés plus petites correspondant aux exigences de l’ habitat, de la formation des esprits et de l’exercice du civisme, c’es
4305 ites correspondant aux exigences de l’habitat, de la formation des esprits et de l’exercice du civisme, c’est dans cette d
4306 s de l’habitat, de la formation des esprits et de l’ exercice du civisme, c’est dans cette dialectique concrète que sont en
4307 estinées à devenir — à plus ou moins long terme — les unités de base de la future fédération continentale, en lieu et place
4308 plus ou moins long terme — les unités de base de la future fédération continentale, en lieu et place des États-nations co
4309 nstitués au xixe siècle. On s’aperçoit alors que le fédéralisme politique (intra- ou interétatique), seul pris en considé
4310 ou interétatique), seul pris en considération par les auteurs classiques, n’était en réalité qu’un cas particulier d’une co
4311 n beaucoup plus large des relations humaines dans la cité, des relations publiques en général. C’est ce qu’avait bien vu l
4312 s publiques en général. C’est ce qu’avait bien vu le regretté Pierre Duclos, lorsqu’il relevait que « le fédéralisme vit d
4313 regretté Pierre Duclos, lorsqu’il relevait que «  le fédéralisme vit d’une vie que la forme institutionnelle dénommée État
4314 l relevait que « le fédéralisme vit d’une vie que la forme institutionnelle dénommée État ne suffit pas à qualifier et moi
4315 r et moins encore à épuiser »… Et il ajoutait : «  Le fédéralisme est autre chose qu’une simple recette juridique ou politi
4316 ie et de civilisation, capable, au même titre que le libéralisme, le socialisme ou la démocratie, d’alimenter la pensée de
4317 ation, capable, au même titre que le libéralisme, le socialisme ou la démocratie, d’alimenter la pensée des sociétés et de
4318 u même titre que le libéralisme, le socialisme ou la démocratie, d’alimenter la pensée des sociétés et de dicter aux homme
4319 isme, le socialisme ou la démocratie, d’alimenter la pensée des sociétés et de dicter aux hommes ces “images de comporteme
4320 ertrand de Jouvenel a si justement mis en vedette l’ importance historique.27 » Nous voici loin de la forme politique bonne
4321 e l’importance historique.27 » Nous voici loin de la forme politique bonne pour les sauvages dont parlait Littré. Mais loi
4322 Nous voici loin de la forme politique bonne pour les sauvages dont parlait Littré. Mais loin aussi des définitions étroite
4323 es et constitutionnelles du xixe . Nous voici sur le seuil de l’ère des grandes unions et des petites unités fonctionnelle
4324 tutionnelles du xixe . Nous voici sur le seuil de l’ ère des grandes unions et des petites unités fonctionnelles, et l’on v
4325 s unions et des petites unités fonctionnelles, et l’ on va peut-être trouver, dans les techniques avancées, le moyen de leu
4326 onctionnelles, et l’on va peut-être trouver, dans les techniques avancées, le moyen de leur composition. En tant que méthod
4327 peut-être trouver, dans les techniques avancées, le moyen de leur composition. En tant que méthode générale d’aménagement
4328 de générale d’aménagement des relations humaines, le fédéralisme tel que j’ai tenté de le définir ne fait que commencer. I
4329 ns humaines, le fédéralisme tel que j’ai tenté de le définir ne fait que commencer. Il n’est pas matière historique, mais
4330 ec Henri Brugmans Le Fédéralisme contemporain : «  Le fédéralisme est présence au pouvoir global des éléments particuliers
4331 nt distincts et reconnaissables — dont se compose la fédération. Il est une symbiose sans confusion ni disparition des spé
4332 es spécificités. » 27. H. Brugmans et P. Duclos, Le Fédéralisme contemporain, Paris, 1963, p. 151. l. Rougemont Denis d
4333 , Paris, 1963, p. 151. l. Rougemont Denis de, «  L’ avenir du fédéralisme », La Revue de Paris, Paris, septembre 1969, p. 
4334 Rougemont Denis de, « L’avenir du fédéralisme », La Revue de Paris, Paris, septembre 1969, p. 1-10. m. Le texte est paru
4335 vue de Paris, Paris, septembre 1969, p. 1-10. m. Le texte est paru dans La Revue de Paris de novembre 1965. Nous donnons
4336 ptembre 1969, p. 1-10. m. Le texte est paru dans La Revue de Paris de novembre 1965. Nous donnons en ligne les versions p
4337 de Paris de novembre 1965. Nous donnons en ligne les versions publiées en septembre 1964 dans la Gazette de Lausanne (ver
4338 igne les versions publiées en septembre 1964 dans la Gazette de Lausanne (version partielle), et en décembre 1964 dans le
4339 ne (version partielle), et en décembre 1964 dans le Bulletin du Centre européen de la culture (version la plus complète)
4340 lletin du Centre européen de la culture (version la plus complète).