1 1937, La Revue de Paris, articles (1937–1969). Paysans de l’Ouest (15 juin 1937)
1 incompréhensible. La course au flambeau terminée, on rallume. L’instituteur monte à sa chaire et annonce qu’il va prononce
2 son éloquence, s’écrie : « Et, mes frères ! si l’ on vient encore vous dire que je suis un empoisonneur des consciences, v
3 nt qu’« il cause bien ». Pour terminer la soirée, on passe un dessin animé, le Petit Poucet, qui remporte un gros succès.
4 ré, qui donne aussi ce soir une séance de cinéma. On entend rire des enfants. — J’ai rencontré le curé ce matin, suivi com
5 ole. » M. Palut sourit cordialement, et parle : — On a dit ici même que l’Église est contre les travailleurs. Est-ce vrai 
6 roraison a été éloquente, un peu trop à mon goût. On applaudit. Le président demande s’il y a des questions à poser. Long
7 religion, mais assure qu’il a été bien intéressé. On se lève, et les langues se délient. « Il a bien parlé, hein ? », me d
8 e procurer une Bible pour étudier un peu tout ça. On sent bien que c’est important de s’y connaître dans ces questions ».
9 uestions ». Il s’exprime avec tant de prudence qu’ on a peine à comprendre ses intentions. Il a un oncle qui est curé, mais
10 oi qui lui reprocherai jamais d’être trop simple. On ne l’est jamais assez ! — Oh ! vous savez, — dit-il — je n’y mets pas
11 … Je le regarde. C’est un homme simple et solide, on peut lui parler en camarade : — Eh bien ! si vous voulez mon opinion,
12 re trop compliqué pour ce public. Il me semble qu’ on pourrait leur parler plus directement, les interpeller, enfin quoi, l
13 l s’agissait de gagner leur confiance, et ensuite on verra si on peut aller plus loin. — Mais ne croyez-vous pas qu’on pou
14 de gagner leur confiance, et ensuite on verra si on peut aller plus loin. — Mais ne croyez-vous pas qu’on pourrait gagner
15 eut aller plus loin. — Mais ne croyez-vous pas qu’ on pourrait gagner leur confiance en leur parlant plus familièrement, sa
16 . — Oui, oui, mais… je les connais. Ils aiment qu’ on leur fasse un beau discours. Ah ! c’est terrible, je vous assure. Bie
17 e qu’ils comprennent ? Allez le savoir, avec eux. On prêche pendant six ans la même chose, ils vous remercient, on croit q
18 ndant six ans la même chose, ils vous remercient, on croit qu’ils ont compris, et puis un beau jour on s’aperçoit que… rie
19 on croit qu’ils ont compris, et puis un beau jour on s’aperçoit que… rien, rien et rien ! Et pourtant il faut bien continu
20 ien ! Et pourtant il faut bien continuer, même si on a envie de tout plaquer, certains jours… Il faudra reparler de tout c
21 mystère en eux, et pour eux-mêmes sans doute. Et on dit « le peuple », la volonté du peuple, comme si on ne les avait jam
22 dit « le peuple », la volonté du peuple, comme si on ne les avait jamais vus ou jamais aimés ! Là-dessus, quantité de pens
23 clusions qui m’ont paru évidentes et importantes. On se sent réfléchir avec une énergie particulière en pédalant contre le
24 mort. » Cette phrase a fait dans mon esprit ce qu’ on appelle un trait de lumière. Lundi dernier, au petit matin, nous nous
25 s plus loin la cause du phénomène. Il est vrai qu’ on a beau porter un nombre excessif de jupons, cela ne devrait pas suffi
26 mme un symbole. Les livres devraient être utiles. On devrait y trouver des renseignements concrets, des recettes exactes,
27 ment inquiets, des indiscrétions gênantes et dont on ne sait trop que faire, ou des doctrines dont ils négligent de nous d
28 ce sont justement des réponses à des questions qu’ on n’avait pas l’idée de se poser ; et c’est là qu’ils croient voir leur
29 éralement sensationnelle, mais que veulent-ils qu’ on en fasse ? Nous avons tout à rapprendre de Goethe. Non seulement des
30 de cinéma. Il n’y aurait là rien d’étonnant, si l’ on ne nous rebattait les oreilles de phrases sur la volonté et la missio
31 e phrases sur la volonté et la mission du peuple. On a beau se méfier des phrases, il faut se trouver placé soudain devant
32 comprendre à quel point elles mentent. Mais alors on comprend aussi pourquoi elles mentent, et quel immense désir de révei
33 ième constatation : la plupart des discours que l’ on tient au peuple lui sont incompréhensibles ; mais ceux qui les écoute
34 s en France qu’un orateur dit un tas de choses qu’ on ne comprend pas, et cite des noms qu’on ne connaît pas. Cela fait par
35 choses qu’on ne comprend pas, et cite des noms qu’ on ne connaît pas. Cela fait partie de l’éloquence. Et l’éloquence est l
36 uple. Qu’ils disent des vérités ou des mensonges, on n’applaudira guère que le son de leur voix, ou le parti qui les délèg
37 et formelle des faits ou des raisonnements que l’ on allègue. « Il a raison » ne signifie pas pour eux : « Donc je dois ré
38 au peuple, il y a belle lurette qu’il sait ce qu’ on doit penser des gens instruits. La plupart sont des égoïstes, des org
39 i font progresser la science, et cela c’est bien. On va les écouter avec plaisir quand ils viennent faire une conférence i
40 3, par exemple, à quoi cela sert-il ? D’ailleurs, on n’en a jamais vu. Quant à la politique, c’est tout à fait autre chose
41 utre chose. C’est un certain nombre de phrases qu’ on lit dans les journaux et qu’on entend dans les assemblées, et grâce a
42 mbre de phrases qu’on lit dans les journaux et qu’ on entend dans les assemblées, et grâce auxquelles on reconnaît tout de
43 n entend dans les assemblées, et grâce auxquelles on reconnaît tout de suite si un type est avec les petits ou avec les gr
44 nfin, les questions de personnes jouent un rôle : on aime avoir un député instruit. Mais ce n’est pas pour qu’il dise des
45 tions, qu’un intellectuel aille parler au peuple, on l’écoutera bien patiemment, s’il a su se rendre sympathique et surtou
46 athique et surtout s’il a l’air « sincère », mais on n’aura jamais l’idée de mettre en pratique ce qu’il dit. Il reste dan
47 tonner de cette rencontre. 19 décembre 1933 Si l’ on veut réellement conduire un homme à un but défini, il faut avant tout
48 her de le juger assez justifié dans l’occurrence. On n’aime pas à être tenu pour un fainéant ou un rentier, quand on est d
49 à être tenu pour un fainéant ou un rentier, quand on est dans ma situation, ou mieux, dans ce défaut de « situation » qui
50 ls ont un peu de respect pour moi, c’est parce qu’ on raconte dans le pays que je possède une machine à écrire…) Février 19
51 qui s’y oppose, c’est l’idéologie rudimentaire qu’ on leur a inculquée, et qui n’a que trop bien convenu à leur penchant na
52 moyen de transformer et d’animer un peuple auquel on n’a pas su donner le sens civique, le sens de la communauté. Qui est-
53 e de donner au peuple une éducation solidariste ? On cherche à enrôler ces cultivateurs dans des ligues toujours anti-quel
54 questionnés : ils ont eu l’air plutôt surpris. «  On a toujours fait comme ça. » Un jour, le père Renaud étant venu retour
55 g manche qui sont dans le chai, et il a refusé. «  On n’a pas l’habitude. » Contre-épreuve : un petit propriétaire venu du
56 n’est pas exactement celui des « discussions » qu’ on peut entendre dans les cafés du port, au chef-lieu, mais qui correspo
57 partie » chez l’un ou l’autre, à quatre ou cinq. On boit et on tape le carton sans beaucoup de paroles. C’est à cela que
58 hez l’un ou l’autre, à quatre ou cinq. On boit et on tape le carton sans beaucoup de paroles. C’est à cela que se réduit l
59 la guerre, et rien ne s’est refait depuis. Quand on veut danser, on fait venir l’orchestre-jazz du chef-lieu : il arrive
60 ien ne s’est refait depuis. Quand on veut danser, on fait venir l’orchestre-jazz du chef-lieu : il arrive dans un somptueu
61 s fous est moindre ici que sur le continent. Et l’ on meurt vieux, et les médecins ne font pas fortune. Quelle conclusion t
62 une. Quelle conclusion tirer de tout cela ? Quand on voit les choses et les êtres de trop près, on perd le peu de foi que
63 and on voit les choses et les êtres de trop près, on perd le peu de foi que l’on pouvait accorder aux idéologies et aux po
64 s êtres de trop près, on perd le peu de foi que l’ on pouvait accorder aux idéologies et aux politiciens. Il faut vivre à P
65 ient tuer aujourd’hui pour sauver leur pratique ? On en vient à penser que le régime qui convient le mieux à cette vie obs
66 de vacances qui défilent en maillots rouges et l’ on pousse des « cris séditieux » ; le dimanche suivant, ce sont les enfa
67 sont les enfants de la fondation « de droite » et on les applaudit : la fondation fait vivre beaucoup de personnes de l’îl
68 notre village ? 15 mars 1934 Je rentre de Vendée. On m’avait demandé d’y aller faire quelques causeries. J’en rapporte deu
69 faut parler d’abord des autocars. Je ne sais si l’ on se doute à Paris de l’importance des autocars et des transformations
70 le voyageur et la province. Naguère encore, quand on n’avait que les chemins de fer, tout convergeait vers Paris, non seul
71 e confort relatif des grandes lignes indiquait qu’ on allait à Paris ou qu’on en venait. Tout le reste n’était que tortilla
72 andes lignes indiquait qu’on allait à Paris ou qu’ on en venait. Tout le reste n’était que tortillards cahotants, jamais à
73 que tortillards cahotants, jamais à l’heure, où l’ on se sentait relégué à l’écart de la « vraie » circulation. Et l’on ne
74 légué à l’écart de la « vraie » circulation. Et l’ on ne voyait guère que des gares, ce qu’il y a de plus attristant dans c
75 cars sont sur la place principale. C’est de là qu’ on part au milieu d’une grande affluence de badauds, c’est là qu’on arri
76 eu d’une grande affluence de badauds, c’est là qu’ on arrive à grand son de trompe, c’est enfin ce que l’on voit le mieux d
77 rrive à grand son de trompe, c’est enfin ce que l’ on voit le mieux de chaque pays. La voie ferrée était une sorte d’insult
78 ligne chez un bistro différent, et il est rare qu’ on puisse trouver l’horaire ailleurs. Parfois le bistro vend aussi les b
79 tro vend aussi les billets ; et c’est chez lui qu’ on attend le départ. Pour peu que l’on manifeste la moindre curiosité on
80 t chez lui qu’on attend le départ. Pour peu que l’ on manifeste la moindre curiosité on ne tarde pas à y apprendre pas mal
81 Pour peu que l’on manifeste la moindre curiosité on ne tarde pas à y apprendre pas mal d’histoires, dont j’indiquerai ici
82 député, ou divers margoulins, topazes, etc. Si l’ on a le temps, il n’est pas impossible de pousser la « discussion » sur
83 if, cela vous pose dans l’esprit des populations, on se sent maître à bord de sa puissante machine, et l’on bénéficie de c
84 sent maître à bord de sa puissante machine, et l’ on bénéficie de ces petites faveurs que les femmes ont toujours accordée
85 mbitions : ceux qui les ont n’en parlent pas, dit- on . Et je ne suis qu’un écrivain. Ceci me rappelle un bout de conversati
86 ui l’ont mis dans le cas d’écrire. Car, ou bien l’ on écrit ce que l’on ne peut pas faire, et c’est l’aveu d’une faiblesse
87 le cas d’écrire. Car, ou bien l’on écrit ce que l’ on ne peut pas faire, et c’est l’aveu d’une faiblesse ou d’une ambition
88 qui compliquent fort la vie, je crois ; ou bien l’ on écrit des choses intelligentes, et c’est encore l’aveu d’une inadapta
89 uelle aux mœurs et coutumes de ce temps ; ou bien on écrit simplement pour gagner sa chienne de vie et c’est le bon moyen
90 é. Et voilà le paradoxe et l’injustice : c’est qu’ on attend, qu’on exige même de ces gens-là des vertus au-dessus du commu
91 paradoxe et l’injustice : c’est qu’on attend, qu’ on exige même de ces gens-là des vertus au-dessus du commun, la révélati
92 ou autres « personnes instruites » de la région. On m’avait prié de parler des révolutions russes de 1905 et de 1917, et
93 colline où nous étions tous réunis pour déjeuner, on dominait tout un canton de marécages mélancoliques ; et parfois l’on
94 canton de marécages mélancoliques ; et parfois l’ on voyait scintiller, dans un lointain nuageux et sous une trouée d’or,
95 d, l’air intelligent et ouvert : « Pensez-vous qu’ on pourrait faire la même chose ici ? » Pour sa part, il était sceptique
96 et demandait un développement tout différent ; qu’ on voulait surtout, par ici, garder sa liberté et se gouverner comme on
97 par ici, garder sa liberté et se gouverner comme on l’entendait. Et je me disais, en l’écoutant : « En voilà un que l’on
98 je me disais, en l’écoutant : « En voilà un que l’ on pourrait sans honte présenter aux jeunes Russes, aux jeunes Allemands
99 fond silence au lieu des rires que je craignais. ( On peut donc gouverner sans être un monsieur en haut de forme ? Il a l’a
100 est faux, c’est de parler du peuple en général. «  On le savait depuis longtemps ». On sait tant de choses qu’on n’a jamais
101 le en général. « On le savait depuis longtemps ». On sait tant de choses qu’on n’a jamais pris la peine de connaître, chez
102 ait depuis longtemps ». On sait tant de choses qu’ on n’a jamais pris la peine de connaître, chez les « intellectuels ». 17
103 arole ; prudent. Il se plaint de son isolement. «  On nous laisse seuls, sans direction. Nous ne savons pas que lire. Le tr
104 bre qui nous a pris les deux tiers de nos élèves. On aurait besoin de nourriture intellectuelle pour se soutenir. Quelquef
105 ture intellectuelle pour se soutenir. Quelquefois on nous envoie des journaux ou des revues à l’essai, mais c’est toujours
106 pas de journaux politiques ? — Ce n’est pas ce qu’ on cherche. Il faudrait en lire deux au moins pour corriger les mensonge
107 er les mensonges. Ce qu’ils peuvent tous mentir ! On ne peut plus avoir confiance dans les partis. C’est aussi à cause de
108 à changer pratiquement dans chaque province ? Qu’ on arrive enfin à se gouverner sur place, dans chaque commune ? On sent
109 n à se gouverner sur place, dans chaque commune ? On sent bien ce qu’il faudrait. Mais qu’est-ce qu’on peut, tout seuls da
110 On sent bien ce qu’il faudrait. Mais qu’est-ce qu’ on peut, tout seuls dans ce coin ?… » J’ai essayé de faire une liste de
111 re. Défaut de naïveté, de force ou de conviction. On dirait que tout son effort est de s’écarter le plus possible de ce qu
112 petit fait, m’explique qu’avec un manche court «  on travaille plus vite et plus efficacement qu’avec un manche long, surt
113 minologie et la doctrine politiques. Les pages qu’ on va lire, nourries d’observations précises, en apportent des preuves f
2 1939, La Revue de Paris, articles (1937–1969). L’Âme romantique et le rêve (15 août 1939)
114 gravité d’ailleurs jamais sévère ; au point que l’ on craindrait d’en détourner certains lecteurs en remarquant que c’est a
115 « l’Autre », ou le moi sombre et son néant, que l’ on atteint au fond de l’inconscient, ils formulent le problème crucial q
116 le régissent à l’état de veille. D’autre part, l’ on sait bien que les mystiques, fussent-ils de religions différentes — h
117 de l’âme (c’est l’Un-grund de Jakob Boehme), dont on ne peut rien dire, et qui cependant est la source de tout ce que l’on
118 , et qui cependant est la source de tout ce que l’ on dit. C’est l’ineffable, l’indicible, le royaume du Silence absolu ; e
119 nspiration — tellement vulgarisée de nos jours qu’ on en oublie l’origine mystique : « Le poète et le rêveur sont passifs ;
120 s quel souvenir d’une patrie heureuse et perdue ? On aura bientôt fait de répondre en alléguant notre double nature, corpo
121 ment sur la via mystica ? S’il est permis — comme on l’admet un peu trop facilement de nos jours — de tirer de l’étude des
122 t par le péché originel : « Sous quelque angle qu’ on veuille l’examiner, l’homme trouve en lui une blessure qui déchire to
123 use de cette blessure qu’il s’agit d’oublier si l’ on ne parvient pas à l’expier. Et en effet, à la faveur de cet oubli, de
124 tous les vrais mystiques. Mais pourquoi voudrait- on mourir ? La biographie de plusieurs des poètes étudiés par Béguin nou
125 s, d’une manière indicible. Et peut-être pourrait- on dire que l’expérience mystique générale ne devient proprement chrétie
126 ue dans le cas où l’être aimé, sur la mort duquel on médite, est la personne du Christ crucifié — ou se confond avec elle
127 romantiques ! D’où leur fuite dans un monde dont on ne peut rien dire. D’où encore le besoin qu’ils éprouvent d’affirmer
128 qu’ils éprouvent d’affirmer surabondamment que l’ on n’en peut rien dire que par des allusions, des métaphores, des poèmes
129 es vis-à-vis de notre prochain, et c’est à quoi l’ on peut reconnaître la légitimité d’une vocation. Thérèse d’Avila ne vou
130 émoigner au nom d’une Vérité qui le dépasse. Et l’ on rejoint ici l’enseignement évangélique : ce ne sont pas des extases i
131 r leur foi. « C’est en confessant de la bouche qu’ on parvient au salut », dit saint Paul. IV. Romantisme et national-so
132 on de la politique et de la vie sociale par ce qu’ on nomme les « mystiques » collectives ? Certaines catégories que nous v
133 t des défilés et des tambours pendant des heures… On lui a dit qu’il ne compte pas en tant qu’individu conscient ; on lui
134 ’il ne compte pas en tant qu’individu conscient ; on lui a dit que sa vraie vie était entre les mains du parti, d’un démiu
135 ons » à donner : l’autarcie matérielle et morale. On ne dira jamais trop à quel point ce pseudo-mysticisme romantique déte
136 e. « Chez nous, proclamait récemment M. Goebbels, on n’impose pas au peuple des opinions diverses entre lesquelles il devr
137 isir : le peuple n’aime pas à choisir, il aime qu’ on lui présente une opinion juste… D’ailleurs, notre politique est une p
138 nous pouvons rejoindre l’Autre, l’indicible. 7. On peut regretter qu’Albert Béguin n’ait pas insisté davantage sur l’imp
3 1946, La Revue de Paris, articles (1937–1969). Tableaux américains (décembre 1946)
139 gratte-ciel, de cette couleur orangée aérienne qu’ on voit aux crêtes des parois rocheuses, alors que la vallée s’emplit d’
140 dans les marécages, les gratte-ciel déjà, me dit- on , menacent de suivre l’inquiétant exemple de la célèbre tour de Pise.
141 extrême civilisation matérielle demeure hanté par on ne sait quelle sauvagerie des hauteurs ; et ce lieu d’extrême densité
142 tés saines ou frappantes, sur cinquante femmes qu’ on ne remarque pas, pour qu’on s’écrie : « Comme elles sont belles dans
143 r cinquante femmes qu’on ne remarque pas, pour qu’ on s’écrie : « Comme elles sont belles dans ce pays ! » Soudain, je n’ai
144 ormerait le soir en lit et d’où, sans se lever, l’ on atteindrait le téléphone, la poignée du frigidaire, les boutons du fo
145 traction » de l’âme et de la volonté, rejoindrait- on quelque réalité valable, et par la sensation directe du monde tel que
146 r, que je comprends qu’il faut pousser plus loin. On se demande parfois : qu’est-ce, en somme, que le péché ? C’est cela,
147 t est fait de main d’homme, sauf les mouettes. Qu’ on ne me parle plus des lois économiques et de leurs fatales réalités :
148 ois, mais deux radios martèlent ce Tchaïkovski qu’ on entend siffler dans la rue… Je me souviens de ce que j’ai sous les ye
149 nter sur une chaise pour y entrer. De la cuisine, on passe par une baie sans porte dans le frontroom, qui donne sur la rue
150 algiques, des fenêtres s’allument et s’éteignent. On peut vivre ici comme ailleurs, mais dans un cadre strictement rectang
151 dre strictement rectangulaire. Tous les objets qu’ on voit sont des rectangles, à part les chiffons et les chats. Les façad
152 ences pour les directeurs de bureaux. C’est ce qu’ on en voit de l’étranger. Cohoes Ayant remarqué qu’on me refusait
153 oit de l’étranger. Cohoes Ayant remarqué qu’ on me refusait du beurre à l’épicerie du village de Lake George10, et qu
154 haies, le ciel se couvre. « C’est là-haut, me dit- on , à mi-pente des coteaux. » On ne distingue pas encore cette maison cé
155 est là-haut, me dit-on, à mi-pente des coteaux. » On ne distingue pas encore cette maison célèbre, cachée dans les bosquet
156 hautes colonnes blanches et ces ifs dramatiques, on domine un paysage de pluies lointaines et de prairies dorées. Soudain
157 Par la charmille, où il fait presque nuit — mais on devine encore quelques statues décapitées ou renversées dans les bran
158 jaune, suivie d’un homme. Comme ils s’approchent, on voit qu’elle tient la bride d’une main, et de l’autre porte à sa bouc
159 notre groupe. Un autre homme apporte un plateau. On le renvoie chercher des verres et des bouteilles. Qui sont ces gens ?
160 rfois de sa conception de la vie. Aux États-Unis, on parle tous les jours de l’american way of life, littéralement : de la
161 ymbole du rêve et de la volonté du Nouveau Monde. On croyait close l’ère des pionniers, l’ère des défricheurs de savanes q
162 e qu’ils eussent rejoint les terres du Pacifique. On ne pouvait plus rien ajouter aux plus hauts gratte-ciel de New York,
163 à travers tout le continent. Personne n’en parle. On n’a pas eu besoin de changer de régime pour le réaliser. Les autostra
164 sens, séparées par une large bande gazonnée où l’ on s’est ingénié à conserver, ici ou là, un grand arbre isolé, témoin de
4 1949, La Revue de Paris, articles (1937–1969). Le Mouvement européen (avril 1949)
165 ples in extremis est notre seule chance de salut. On se demande en vain ce qu’il peut y avoir de « généreux » dans une opé
166 0 000 kilomètres carrés de nos terres. Si bien qu’ on ne voit plus très clairement s’il s’agit de poser les bases de la pai
167 i pose l’économie moderne. Les conclusions que l’ on doit tirer de cette double constatation sont d’une tragique simplicit
168 mis, de l’inventer pour les deux autres. Que si l’ on me dit alors que l’Europe même unie serait encore trop faible pour te
169 nsent : « Tout cela est bel et bon, mais que fait- on et que pourra-t-on faire en temps utile ? » La paix, l’Europe unie, d
170 est bel et bon, mais que fait-on et que pourra-t- on faire en temps utile ? » La paix, l’Europe unie, d’accord, c’est un b
171 maintenant de répondre à ceux qui demandent ce qu’ on a fait déjà, et ce qu’on peut faire à temps pour fédérer l’Europe.
172 ceux qui demandent ce qu’on a fait déjà, et ce qu’ on peut faire à temps pour fédérer l’Europe. Origines du mouvement fé
173 dans la rumeur polyglotte des couloirs de la SDN. On en était aux constructions diplomatiques. Elles s’écroulèrent à la pr
174 ernières n’étaient pas d’une lecture très facile. On y parlait beaucoup de l’engagement — un mot qui a fait fortune depuis
175 qui a fait fortune depuis dans d’autres bouches. On y faisait surtout de la doctrine. On s’attachait à définir cette conc
176 res bouches. On y faisait surtout de la doctrine. On s’attachait à définir cette conception fondamentale de l’homme que l’
177 ir cette conception fondamentale de l’homme que l’ on baptisait la personne — l’homme « à la fois libre et responsable » qu
178 l’homme « à la fois libre et responsable » que l’ on opposait d’une part à l’individu sans devoirs, et d’autre part à l’ho
179 s droits. Mais puisqu’il s’agissait de s’engager, on s’appliquait à tirer de la doctrine ses conséquences politiques et so
180 nces politiques et sociales, et c’est ainsi que l’ on aboutissait à un programme communautaire, fédéraliste, anticapitalist
181 e grand public nous ignorait. Nous formions ce qu’ on appelle avec un peu de pitié de « petits groupes d’intellectuels ». S
182 onde Guerre mondiale et l’occupation de l’Europe. On put croire un moment que tout notre travail allait être effacé pour t
183 a Libération11. C’est pourquoi, dès l’année 1945, on vit surgir dans toute l’Europe un pullulement de petits groupes fédér
184 pe un pullulement de petits groupes fédéralistes. On y retrouvait toutes les nuances politiques, nationales et religieuses
185 mmes partis pour faire l’Europe, tout simplement. On s’étonnera de la part que je viens de faire à la doctrine personnalis
186 s séances dans une modeste salle d’hôtel. À Rome, on nous offrit le palais de Venise et toutes ses salles immenses, restée
187 Grand Conseil fasciste, sur les murs de laquelle on avait substitué aux faisceaux de licteur les grandes lettres du mot E
188 une des séances nous parler comme un militant : «  On n’ose plus nous appeler des utopistes et des rêveurs ! s’écria-t-il.
189 eri et Paul-Henri Spaak. À la question : « Qu’a-t- on fait jusqu’ici pour la fédération de l’Europe ? » cet historique succ
190 ommerais plutôt la position fédéraliste. Car si l’ on veut que les peuples soient représentés, c’est que l’on veut aboutir
191 t que les peuples soient représentés, c’est que l’ on veut aboutir à autre chose qu’au « Corps consultatif » accepté par le
192 blée constituante. Cour des droits de l’homme. — On sait qu’une Charte des droits de l’homme vient d’être adoptée par l’O
193 des houillères (solution du problème de la Ruhr). On doit attendre avec curiosité le résultat des discussions de notre sec
194 des discussions de notre section économique, si l’ on songe qu’elle a pu réunir, sous le signe de l’Europe, des hommes auss
195 nt associés ». Il ne s’agit nullement de fomenter on ne sait quel nationalisme européen, mais au contraire de restaurer le
5 1949, La Revue de Paris, articles (1937–1969). Découverte de l’Europe (octobre 1949)
196 s bien nouvelle, il y a près de deux-mille ans qu’ on la connaît : la mort d’un Juif obscur, près de Jérusalem, a fait moin
197 ique. Pourtant les journalistes étaient présents. On dit même qu’ils furent plus de cinq-cents. Et bien d’autres ont jugé
198 upes nationaux. Ils votent individuellement. Et l’ on n’a pas remarqué qu’un mot d’ordre national — s’il en fut jamais donn
199 out prix de se porter en avant sans leur soutien. On serait tenté d’accuser ces prudents de scepticisme impénitent. En vér
200 bien éprouvée (dans tous les sens de l’adjectif), on ne nous laissera pas même le temps de partir. Le plan Marshall se ter
201 is lutter pour l’union de l’Europe et déclarer qu’ on ne touchera pas à ces sacro-saintes souverainetés.) Mais au lieu de d
202 in. Dans les couloirs et les clubs de Strasbourg, on a pu voir se former deux écoles. La première tient le Comité des mini
203 rnement de l’Europe. Car les ministres, observe-t- on , sont les seuls à détenir un pouvoir bien réel, dans le Conseil de l’
204 Union. Sans préjuger de l’issue d’un tel débat, l’ on peut voir dès maintenant dans le seul fait qu’il ait lieu, la preuve
205 t cette confirmation n’est pas la moins valable). On ne s’en étonnera pas, si l’on sait que les deux tiers des députés qui
206 la moins valable). On ne s’en étonnera pas, si l’ on sait que les deux tiers des députés qui siégeaient à Strasbourg appar
207 t et ont pris l’habitude d’y travailler ensemble. On s’est demandé si ces premiers succès laissaient encore une raison d’ê
6 1950, La Revue de Paris, articles (1937–1969). L’Europe et sa culture (novembre 1950)
208 a », qui les unissent, ne vont pas de soi, dira-t- on … Certes, on peut ergoter à l’infini sur les termes d’Europe et de cul
209 unissent, ne vont pas de soi, dira-t-on… Certes, on peut ergoter à l’infini sur les termes d’Europe et de culture. Où com
210 paraissent, surtout, liées de telle manière que l’ on ne peut définir l’une sans supposer l’existence de l’autre. Le premie
211 te est si violente et douloureuse, si concrète qu’ on se voit dispensé de toute autre considération philosophique ou histor
212 cette croyance s’atténue, comme en Amérique (où l’ on pense réellement qu’un homme en vaut un autre), on voit aussitôt la p
213 n pense réellement qu’un homme en vaut un autre), on voit aussitôt la passion s’atténuer ou disparaître. Enfin, l’idée de
214 forces, ces trois ressorts de l’âme occidentale — on en pourrait mentionner d’autres — suffiront à titre d’exemples : elle
215 pellerai tout simplement : notre culture. Certes, on peut définir la culture tout autrement : comme l’ensemble des discipl
216 ’autre part, dans nos pays, cette même liberté qu’ on nous laisse est devenue presque vide et sans effets. À l’Est, nous vo
217 oriale. Le critère politique est seul admis. Et l’ on s’y réfère avec une rigueur telle que le style même d’un écrivain ou
218 la puissance et du prestige mondial de l’Europe, on pourrait croire qu’elle n’est plus aujourd’hui qu’un appendice aux dé
219 n. Mais il est impossible de sauver l’Europe si l’ on ne sauve pas en même temps sa culture ; ou de sauver la culture occid
220 ulture ; ou de sauver la culture occidentale si l’ on ne sauve pas en même temps sa patrie. Rien ne sert de faire durer, de
221 rt de faire durer, de conserver la créature, si l’ on tarit les sources de sa recréation perpétuelle. Et rien ne sert non p
222 sert non plus d’entretenir le désir créateur, si on le prive des possibilités de s’accomplir dans une libre communauté. S
223 tre culture serait alors notre dernier refuge, qu’ on ferait de l’Europe un musée dans les ruines, pour l’agrément des mill
224 sens de la mesure, toutes choses sans lesquelles on ne crée rien de grand. La peinture ne se fait pas dans les musées, ma
225 jamais passé pour la terre de la liberté. Certes, on peut disputer sur les concepts, mais je parle de réalités : l’Europe
226 vient de perdre la guerre fait actuellement ce qu’ on appelle une névrose d’infériorité. Pourtant, les faits ne justifient
227 ange des idées, des personnes et des œuvres, et l’ on sait ce qu’il en est aujourd’hui à cet égard. La condition nécessaire
228 maintenant, dans le domaine de cette culture dont on ne saurait trop répéter qu’elle est le vrai, le seul secret de notre
229 ontinent. Cette nécessité devient évidente dès qu’ on entreprend des recherches sur l’état présent d’une question scientifi
230 rts dispersés entre nos vingt nations. Partout, l’ on voit surgir des instituts13 dont les programmes et les buts se ressem
231 rgence des problèmes à résoudre. Troisièmement, l’ on constate qu’aucun de nos instituts culturels nationaux ne peut parler
232 ope qui se voit attaqué par les propagandes que l’ on sait. La nécessité se fait donc sentir d’un organisme dont la raison
233 t que l’Europe est une culture (civilisation si l’ on préfère) ou n’est qu’un appendice insignifiant de l’Asie. Et cela veu
7 1951, La Revue de Paris, articles (1937–1969). Inde 1951 (décembre 1951)
234 d’une souveraineté que nul ne songe à contester. On nous demande pourquoi nous venons ici. — Pour un congrès. — Quel cong
235 ôtel. Sourire de soulagement. — Au Taj ? OK. OK ? On le dirait à moins. Plus qu’un hôtel, c’est un quartier de ville en un
236 sant trafic d’une grande cité de l’Occident comme on en voit en Amérique du Sud : plus uniformément modernes que les nôtre
237 qui ne se connaît plus, va voir ailleurs comment on croit, mais sans désir sérieux de partager la foi de ceux dont il adm
238 er les portières, leur petit bras coupé au coude. On retient la portière qui allait briser cela, on leur jette quelques pi
239 e. On retient la portière qui allait briser cela, on leur jette quelques pièces, mais elles reviennent toujours, avec cett
240 nt le bassin, et d’espèces de garages ou étables, on ne sait, aux larges portes à barreaux : les temples. Au fond de l’omb
241 urire. La cloche d’un temple tinte, sans musique. On entend le frottement des pieds nus, des saris roses, violets, vert as
242 . — Mais un vrai ou un charlatan ? — Comment peut- on savoir. Il y en a tant. Il marchait lentement, à grands pas important
243 ment inquiétante de l’Asie. Comment dire ce que l’ on sent être à ce point étranger aux concepts formulés par l’Europe ? Et
244  : l’été approche. ⁂ Accroupis au bord du chemin, on ne sait jamais, me disait M…, s’ils sont dans la posture de l’adorati
245 ue. Au fond, dans le prolongement de la terrasse, on distingue entre les feuillages des maisons, des enfants qui jouent, d
246 pays où les rues grouillent jusqu’au délire, où l’ on multiplie par trois, par dix, par cent le nombre des individus jugés
247 de vaches, de zébus et d’autos, allant ailleurs, on ne sait où, mais on ne peut s’empêcher de se le demander, et d’eux se
248 et d’autos, allant ailleurs, on ne sait où, mais on ne peut s’empêcher de se le demander, et d’eux seuls dans la foule in
249 ruits et glaces, servis dans de petits bols que l’ on dépose sans relâche et sans ordre sur le pourtour d’un grand plateau
250 n présente de l’homme occidental, tourmenté comme on sait par mille complexes, sexuels surtout. Qu’en est-il en Inde ? Les
251 e par l’Occident. Dans l’état présent des choses, on comprend fort bien que notre idée de l’originalité (dans les arts ou
252 nfin l’affaire du blé. La famine menace au Bihar. On demande l’aide des États-Unis, on critique en même temps leur politiq
253 enace au Bihar. On demande l’aide des États-Unis, on critique en même temps leur politique, on les rend hésitants et l’on
254 s-Unis, on critique en même temps leur politique, on les rend hésitants et l’on se plaint de leur retard, mais si l’URSS n
255 temps leur politique, on les rend hésitants et l’ on se plaint de leur retard, mais si l’URSS nous envoie deux wagons de c
256 is si l’URSS nous envoie deux wagons de céréales, on salue la grandeur du geste. Nehru, qui a visité la Russie soviétique
257 remier ministre… » Telles sont les opinions que l’ on m’a confiées depuis que je suis dans ce pays — douze jours seulement
258 matin même du Kashmir, après une nuit de voyage. On le disait fort irritable. J’étais en train d’admirer des jonquilles,
259 oire, tête nue. Un prince d’Orient, aussi beau qu’ on le dit. Légèrement boudeur, m’a-t-il semblé d’abord. (À la première m
260 main. J’essaie maintenant de recomposer ce que l’ on m’a dit de lui et ce que j’ai vu de l’homme, pendant une entrevue « b
261 , il reste comme distinct de son rôle historique. On dirait qu’il le voit avec quelque distance. Un moraliste en somme, ma
262 et les révolutions. Endormie en plein Moyen Âge, on la réveille au siècle américain et russe. Ni d’un côté ni de l’autre,
263 raînée. Elle ne sait pas quel camp choisir. Comme on comprend que Nehru, qui doit « jouer » pour elle sur le plan internat
264 ocratique. Les fonctionnaires sont corrompus, dit- on , du haut en bas des hiérarchies improvisées après le départ des Angla
8 1965, La Revue de Paris, articles (1937–1969). Le Suisse moyen et quelques autres (mai 1965)
265 ers rapproche, les décrets d’uniformité divisent. On parle toujours de la Suisse comme d’une nation « une et diverse ». Il
266 s Suisses possibles, mais le monde a changé, et l’ on s’adapte à ces changements, loin de s’accrocher aux recettes du passé
267 ons et gouvernants, c’est le goût du travail dont on a pu écrire qu’il est « le mode existentiel des Suisses », la base de
268 ’est aussi « leur seul mode de promotion »17, dit- on et sans doute en va-t-il vraiment ainsi pour l’immense majorité. La c
269 contingences. Je ne connais pas d’autre pays où l’ on pourrait poser au citoyen moyen cette question qui figure dans l’enqu
270 e intitulée Un jour en Suisse : « Estimez-vous qu’ on peut être un bon Suisse et se lever à 9 heures ? » À l’origine du dev
271 mé à cette école ne soit pas devenu le révolté qu’ on serait tenté d’imaginer, et que les Églises soient aujourd’hui plus v
272 « péché », et les pasteurs actuels aussi. D’où l’ on pourrait déduire d’une part que les exigences de la chair étaient bie
273 alité morale la plus plate et la plus résiduelle. On interdit l’entrée de tout écrit, de toute image ou œuvre d’art « où u
274 i sursauts de révolte ni farouches approbations ; on les considère pour ce qu’elles sont : résidus de préjugés sociaux ou
275 bligés de cultiver, mais cela changera bientôt, «  on n’arrête pas le progrès… » Quant aux conceptions du mariage, quel est
276 st le sens général de leur évolution ? Autrefois, on se mariait dans la tribu : la commune, le milieu, « nos familles », e
277 s à couvrir, peut-être. Et certaines questions qu’ on se pose sur le sens final de tout cela… ⁂ Ce portrait, garanti confor
278 ir que c’est l’un et l’autre, selon le signe dont on affecte les notions de révolte, ou d’intégration sociale, de contesta
279 n, de gratuité ou d’efficacité, etc., et selon qu’ on préfère ceux qui s’engagent dans les guerres d’idéologies à ceux qui
280 ments plus nuancés ou dialectiques.) Mais quoi qu’ on pense de ce portrait du Suisse moyen, ce n’est pas encore un portrait
281 urtant de tels hommes qui donnent à un pays ce qu’ on appelle son visage, visage bientôt « traditionnel ». On répète qu’ils
282 elle son visage, visage bientôt « traditionnel ». On répète qu’ils expriment l’âme de leur patrie, mais on oublie qu’ils l
283 épète qu’ils expriment l’âme de leur patrie, mais on oublie qu’ils l’ont créée d’abord (bien que dans un langage donné, qu
284 mne à demeurer à peu près invisible. Comment veut- on qu’un étranger le voie ? Si cet étranger vient chez nous et cite l’un
285 ce nom-là ; en revanche, les hommes importants qu’ on lui indiquera sont inconnus hors du canton. La Suisse résulte, l’ai-j
286 homme qui le représente. D’où les conséquences qu’ on a vues dans le domaine de la vie publique : tout se ligue instantaném
287 rs 1800. Un Collège peu voyant administre l’État, on ne saurait dire qu’il gouverne les Suisses, et c’est très bien. Mais
288 es données natives et par une volonté de rupture. On ne saurait lui reprocher cette nouvelle tactique conformiste, puisque
289 ation, fondamentale, de la Résistance européenne. On lui fait un procès à Bonn. Il n’attaque pas le régime en soi, mais se
290 régime en soi, mais ses complices dans l’Église. On l’expulse. Et dès lors, revenu à Bâle, il édifie une Dogmatique de l’
291 e le plus hardi et dur d’arêtes de l’ère moderne. On n’avait pas été moins conformiste depuis Luther dans la réinvention d
292 ersonnelle de réalités animiques, collectives (qu’ on lui reproche de mal définir) et qu’il a détectées dans la grande nuit
293 ire, mais aussi d’efficacité transformatrice dont on trouvera difficilement l’équivalent dans une autre région du monde d’
9 1969, La Revue de Paris, articles (1937–1969). L’avenir du fédéralisme (septembre 1969)
294 ouvrage de Proudhon, Du Principe fédératif, où l’ on pouvait lire cette phrase devenue célèbre : « Le xixe siècle ouvrira
295 communalistes, régionalistes et nationalistes, qu’ on voit partout en plein essor, qu’il s’agisse de Nations en instance de
296 it et grand. Il est trop petit pour assurer ce qu’ on persiste à nommer son indépendance et sa souveraineté absolue : car n
297 seuil d’une ère potentiellement fédéraliste. Peut- on dire plus ? Sur les quelque cent-trente nations souveraines qui divis
298 tion du globe, et il est frappant de constater qu’ on trouve parmi eux les plus grands États des cinq continents et les plu
299 dans ces trois cas, c’est moins le fédéralisme qu’ on est en droit d’incriminer que sa trahison pure et simple, ou son usag
300 édéralisme, mais d’un défaut de fédéralisme. Et l’ on est en droit de penser que l’application correcte de la méthode fédér
301 ’est simplement « union politique d’États » (mais on a soin de préciser qu’en vers, cela fait cinq syllabes). Cette défini
302 g, il se verrait obligé de quitter le comité si l’ on adoptait ma proposition. Je compris par la suite que ce haut fonction
303 t encore, en Suisse même, il y a quelques années, on put entendre le recteur d’une de nos universités cantonales condamner
304 ble que cette union sera fédérale ou ne sera pas, on sent tous les dangers qu’entraînent en fait les malentendus que j’ai
305 que la résultante de leur tension soit positive. ( On dirait, dans le langage de la théorie des jeux de von Neumann et Morg
306 ule personne… » Abstraction faite de la foi que l’ on accorde ou non à la substance de ces énoncés, je retiens que leurs fo
307 es principaux domaines de la réalité moderne où l’ on retrouve les structures typiques d’un problème fédéraliste. À la base
308 e d’une tâche ou d’une fonction particulière dont on aura reconnu la nécessité ou l’agrément. Deuxième étape : elle évalue
309 née de l’absence de communication avec ceux que l’ on côtoie comme s’ils n’étaient pas là. La solution consisterait à recré
310 ons de forces proportionnées à la puissance que l’ on veut obtenir et en même temps multiplier les petites unités de base,
311 ace des États-nations constitués au xixe siècle. On s’aperçoit alors que le fédéralisme politique (intra- ou interétatiqu
312 unions et des petites unités fonctionnelles, et l’ on va peut-être trouver, dans les techniques avancées, le moyen de leur