1
tout la jeunesse, d’ordinaire invisible, au point
que
je doutais même qu’elle existât. Elle était là. Elle occupait les lon
2
ordinaire invisible, au point que je doutais même
qu’
elle existât. Elle était là. Elle occupait les longs bancs rangés en c
3
sent les mêmes éphèbes grecs, porteurs de torches
qu’
ils se passent avec des gestes lents, hallucinants, à grands sauts ral
4
llume. L’instituteur monte à sa chaire et annonce
qu’
il va prononcer, comme chaque semaine désormais, un petit discours. «
5
isage intelligent, la chevelure noire en bataille
qu’
il saisit à pleines mains dans les moments pathétiques. Il annonce le
6
nts pathétiques. Il annonce le sujet de ce soir :
Qu’
est-ce qu’être laïque ? — « Messieurs, chers amis ! Je vous rappellera
7
iques. Il annonce le sujet de ce soir : Qu’est-ce
qu’
être laïque ? — « Messieurs, chers amis ! Je vous rappellerai tout d’a
8
! — il y a, dis-je, quelqu’un qui a osé prétendre
que
je suis un empoisonneur des consciences ! » Récit détaillé des calomn
9
des consciences ! » Récit détaillé des calomnies
que
le curé répand sur son compte, dans les foyers et jusque dans la pres
10
! citoyens, lors de ce congrès, il a été stipulé
qu’
à l’avenir… » La fin de la phrase étant particulièrement sonore, des a
11
ent m’attaquer dans mon activité professionnelle,
que
je considère comme sacrée ! » En somme, être laïque, c’est être relig
12
é à l’oreille de ma femme : « C’est un sermon ! »
que
l’orateur, au comble de son éloquence, s’écrie : « Et, mes frères ! s
13
« Et, mes frères ! si l’on vient encore vous dire
que
je suis un empoisonneur des consciences, vous saurez maintenant me dé
14
uin a même crié : Très bien ! Les jeunes trouvent
qu’
« il cause bien ». Pour terminer la soirée, on passe un dessin animé,
15
e la réponse. La mère Renaud vient de m’apprendre
que
l’orateur est le pasteur du chef-lieu. Il paraît qu’il cause très bie
16
l’orateur est le pasteur du chef-lieu. Il paraît
qu’
il cause très bien — lui aussi — mais elle ne l’a jamais entendu. Elle
17
ous capables de lire le journal, et j’ai remarqué
qu’
ils achètent absolument au hasard ceux qu’ils trouvent en dépôt chez l
18
emarqué qu’ils achètent absolument au hasard ceux
qu’
ils trouvent en dépôt chez la mère Renaud : l’Ami du Peuple ou la Fran
19
nque entre les opinions, pourtant bien tranchées,
que
ces journaux leur servent. Je crois qu’ils n’y pensent même pas. Peut
20
ranchées, que ces journaux leur servent. Je crois
qu’
ils n’y pensent même pas. Peut-être que la discussion annoncée après l
21
. Je crois qu’ils n’y pensent même pas. Peut-être
que
la discussion annoncée après la conférence d’A… me fera modifier ce j
22
up M. Palut, n’est-ce pas, c’est la première fois
qu’
il vient à A…, mais certainement qu’il va nous intéresser, et je lui d
23
première fois qu’il vient à A…, mais certainement
qu’
il va nous intéresser, et je lui donne la parole. » M. Palut sourit co
24
urit cordialement, et parle : — On a dit ici même
que
l’Église est contre les travailleurs. Est-ce vrai ? Il y a plusieurs
25
e. Un philosophe français, M. Julien Benda, a dit
que
les clercs ont trahi. Les clercs, n’est-ce pas, ce sont les intellect
26
e vrai chrétien est avec les petits. Résumé de ce
que
la Bible dit des travailleurs : Jérémie exigeait que le roi payât les
27
la Bible dit des travailleurs : Jérémie exigeait
que
le roi payât les ouvriers. L’Ancien Testament nous montre que le syst
28
ayât les ouvriers. L’Ancien Testament nous montre
que
le système de propriété chez les Juifs est presque communiste ! Jésus
29
pas s’y connaître assez en religion, mais assure
qu’
il a été bien intéressé. On se lève, et les langues se délient. « Il a
30
ans, l’air intelligent. Je l’approuve et m’étonne
que
la discussion n’ait pas été plus longue : il y avait pourtant bien de
31
Ben quoi, fait-il, convaincu, c’est la vérité ce
qu’
il a dit ! » Comment donc ? Ai-je affaire à un chrétien ou même à un p
32
ci ? » Il me regarde un peu étonné à son tour : «
Qu’
est-ce que vous voulez, il n’y a rien à répondre, c’est juste, ce qu’i
33
me regarde un peu étonné à son tour : « Qu’est-ce
que
vous voulez, il n’y a rien à répondre, c’est juste, ce qu’il a dit !
34
voulez, il n’y a rien à répondre, c’est juste, ce
qu’
il a dit ! Il connaît bien son affaire. C’est bien comme ça que c’est
35
Il connaît bien son affaire. C’est bien comme ça
que
c’est écrit dans la Bible, il n’a pas dit de mensonges, quoi ! Mais i
36
hose. Là ça barde, après les réunions ! Mais ici,
qu’
est-ce que vous voulez ? Ils sont comme ça… » Je vais me présenter au
37
a barde, après les réunions ! Mais ici, qu’est-ce
que
vous voulez ? Ils sont comme ça… » Je vais me présenter au conférenci
38
s questions ». Il s’exprime avec tant de prudence
qu’
on a peine à comprendre ses intentions. Il a un oncle qui est curé, ma
39
faisons les cent pas sur la place. M. Palut sait
que
je suis écrivain. Il a lu un de mes articles. Je le sens inquiet de m
40
était sûrement beaucoup trop simple pour vous, ce
que
je leur ai dit ce soir, j’ai dû vous ennuyer, hein ? » Je le rassure
41
’amour-propre, vous pouvez me dire franchement ce
que
vous pensez, de cette soirée… Je le regarde. C’est un homme simple et
42
pinion, ou si elle peut vous être utile… je crois
que
vous êtes encore trop compliqué pour ce public. Il me semble qu’on po
43
ncore trop compliqué pour ce public. Il me semble
qu’
on pourrait leur parler plus directement, les interpeller, enfin quoi,
44
vec qui ils sont d’accord. Il ne faut pas oublier
que
nous vivons à une époque de propagande forcenée, et je vous assure qu
45
époque de propagande forcenée, et je vous assure
qu’
un communiste, par exemple, les aurait attaqués plus brutalement sans
46
ession, puisque vous me la demandez. Je sais bien
que
vous les connaissez beaucoup mieux que moi… Le pasteur sourit : — Vou
47
sais bien que vous les connaissez beaucoup mieux
que
moi… Le pasteur sourit : — Vous me faites plaisir, tenez ! Bien sûr,
48
son, mon cher monsieur. Mais c’est plus difficile
que
vous ne croyez. Il faut que je vous dise que c’est la première fois q
49
c’est plus difficile que vous ne croyez. Il faut
que
je vous dise que c’est la première fois que je parle ici, c’est déjà
50
cile que vous ne croyez. Il faut que je vous dise
que
c’est la première fois que je parle ici, c’est déjà un énorme succès.
51
faut que je vous dise que c’est la première fois
que
je parle ici, c’est déjà un énorme succès. Pensez donc, il y a plus d
52
norme succès. Pensez donc, il y a plus de six ans
que
je suis dans l’île, et je n’avais jamais pu parler à A…, à cause du c
53
n peut aller plus loin. — Mais ne croyez-vous pas
qu’
on pourrait gagner leur confiance en leur parlant plus familièrement,
54
ale. — Oui, oui, mais… je les connais. Ils aiment
qu’
on leur fasse un beau discours. Ah ! c’est terrible, je vous assure. B
55
ure. Bien sûr, il faudrait parler autrement. Mais
qu’
est-ce qu’ils comprennent ? Allez le savoir, avec eux. On prêche penda
56
sûr, il faudrait parler autrement. Mais qu’est-ce
qu’
ils comprennent ? Allez le savoir, avec eux. On prêche pendant six ans
57
ans la même chose, ils vous remercient, on croit
qu’
ils ont compris, et puis un beau jour on s’aperçoit que… rien, rien et
58
s ont compris, et puis un beau jour on s’aperçoit
que
… rien, rien et rien ! Et pourtant il faut bien continuer, même si on
59
marais. « Le peuple, me disais-je en pédalant, ce
qu’
ils appellent le peuple… » ; je revoyais cette centaine d’hommes dans
60
rtie, dès qu’il ne s’agit plus d’argent ! À moins
que
ce ne soit le langage, la difficulté de s’exprimer ? Tout est mystère
61
l’obscurité. Mais le lendemain il n’en reste rien
qu’
un peu de courbature dans les jambes. 16 décembre 1933 Derrière la mêm
62
même pile d’assiettes où je crois avoir déjà dit
que
j’avais trouvé deux ouvrages traitant de mon île, j’ai déniché ce mat
63
encore lu ce livre. Il est exactement de l’espèce
que
j’aime, et l’un des plus charmants dans cette espèce, mais ce n’est p
64
dans cette espèce, mais ce n’est point pour cela
que
j’en parle ici. C’est pour une raison très précise et qui n’a rien à
65
la critique littéraire. À la page 43 de l’édition
que
j’ai sous les yeux, je lis ceci : « … ils déménagent… comme les puces
66
on mort. » Cette phrase a fait dans mon esprit ce
qu’
on appelle un trait de lumière. Lundi dernier, au petit matin, nous no
67
pas plus loin la cause du phénomène. Il est vrai
qu’
on a beau porter un nombre excessif de jupons, cela ne devrait pas suf
68
re, caché sous des feuillages brunis. Si j’ajoute
que
la porte d’entrée joint mal le seuil, tout s’explique sans peine déso
69
es indiscrétions gênantes et dont on ne sait trop
que
faire, ou des doctrines dont ils négligent de nous dire s’ils les ont
70
e, ce sont justement des réponses à des questions
qu’
on n’avait pas l’idée de se poser ; et c’est là qu’ils croient voir le
71
u’on n’avait pas l’idée de se poser ; et c’est là
qu’
ils croient voir leur astuce. Astuces, petites secousses, grandes seco
72
elle est même littéralement sensationnelle, mais
que
veulent-ils qu’on en fasse ? Nous avons tout à rapprendre de Goethe.
73
ittéralement sensationnelle, mais que veulent-ils
qu’
on en fasse ? Nous avons tout à rapprendre de Goethe. Non seulement de
74
ses, etc. Ne montons plus au ciel du second Faust
que
par ces allées de Ferrare ! 18 décembre 1933 Je ne cesse de repenser
75
er à la conférence d’avant-hier à A… Il me semble
qu’
elle m’apprend sur « le peuple » davantage que toutes mes expériences
76
ble qu’elle m’apprend sur « le peuple » davantage
que
toutes mes expériences précédentes. Il me semble même qu’elle m’a fai
77
es mes expériences précédentes. Il me semble même
qu’
elle m’a fait voir « le peuple » pour la première fois de ma vie. Prem
78
onstatation : l’apathie générale, aussi bien à A…
qu’
à la séance de cinéma. Il n’y aurait là rien d’étonnant, si l’on ne no
79
Troisième constatation : la plupart des discours
que
l’on tient au peuple lui sont incompréhensibles ; mais ceux qui les é
80
urel. Je fus certainement le seul ici à m’étonner
que
l’instituteur citât Ernest Lavisse, ou le pasteur M. Benda. Il est gé
81
eur M. Benda. Il est généralement admis en France
qu’
un orateur dit un tas de choses qu’on ne comprend pas, et cite des nom
82
dmis en France qu’un orateur dit un tas de choses
qu’
on ne comprend pas, et cite des noms qu’on ne connaît pas. Cela fait p
83
de choses qu’on ne comprend pas, et cite des noms
qu’
on ne connaît pas. Cela fait partie de l’éloquence. Et l’éloquence est
84
uence est le but du discours, dont le sujet n’est
que
le prétexte. Je constate. Je conclus que les intellectuels sont en ma
85
et n’est que le prétexte. Je constate. Je conclus
que
les intellectuels sont en mauvaise posture pour agir sur le peuple. Q
86
sont en mauvaise posture pour agir sur le peuple.
Qu’
ils disent des vérités ou des mensonges, on n’applaudira guère que le
87
s vérités ou des mensonges, on n’applaudira guère
que
le son de leur voix, ou le parti qui les délègue. Il resterait à expl
88
e libérer des charlataneries politiques autrement
que
par des violences maladroites, dont il ne sera pas le dernier à pâtir
89
ent-elles pas une origine commune ? Il m’a semblé
que
j’entrevoyais cette origine dans les propos de mon voisin au sortir d
90
in au sortir de la conférence. Cet homme trouvait
qu’
il n’y avait rien à « discuter » dans les paroles de l’orateur, parce
91
’était correct, parce que ça se tenait en soi, et
qu’
au surplus c’était bien dit. Il ne lui est pas venu à l’esprit que la
92
était bien dit. Il ne lui est pas venu à l’esprit
que
la vérité est quelque chose qui peut être réalisé. Et qu’il s’agit de
93
érité est quelque chose qui peut être réalisé. Et
qu’
il s’agit de prendre position effectivement. S’il s’était senti interp
94
oisir, sommé d’approuver ou de refuser en fait ce
que
venait de dire le conférencier, alors, alors il y aurait eu à discute
95
aurait eu à discuter ! Mais je n’ai pas remarqué
qu’
aucun des auditeurs ait pris la chose de cette manière. Je sais bien q
96
ait pris la chose de cette manière. Je sais bien
qu’
il y a la difficulté de s’exprimer, la timidité, la fatigue, et que to
97
iculté de s’exprimer, la timidité, la fatigue, et
que
tout cela peut bien suffire à expliquer le silence de ces cultivateur
98
it la langue bien pendue. Mais surtout je m’avise
que
la majorité des « intellectuels » d’aujourd’hui ne pense pas très dif
99
ent. Peuple ou « clercs », ils estiment également
que
la « vérité » n’engage à rien. Ils bornent le rôle de l’esprit à la c
100
ective et formelle des faits ou des raisonnements
que
l’on allègue. « Il a raison » ne signifie pas pour eux : « Donc je do
101
ur eux : « Donc je dois régler ma conduite sur ce
qu’
il dit », mais simplement : « Étant donné ses prémisses ou ses préjugé
102
us commode. Quant au peuple, il y a belle lurette
qu’
il sait ce qu’on doit penser des gens instruits. La plupart sont des é
103
ant au peuple, il y a belle lurette qu’il sait ce
qu’
on doit penser des gens instruits. La plupart sont des égoïstes, des o
104
es orgueilleux, des espèces d’aristos qui ne vont
qu’
avec les riches. Il y en a certes qui font progresser la science, et c
105
t autre chose. C’est un certain nombre de phrases
qu’
on lit dans les journaux et qu’on entend dans les assemblées, et grâce
106
nombre de phrases qu’on lit dans les journaux et
qu’
on entend dans les assemblées, et grâce auxquelles on reconnaît tout d
107
eut faire de beaux discours. Dans ces conditions,
qu’
un intellectuel aille parler au peuple, on l’écoutera bien patiemment,
108
on n’aura jamais l’idée de mettre en pratique ce
qu’
il dit. Il reste dans son rôle en s’agitant sur l’estrade et en lançan
109
rès mes intérêts. Cela va de soi. Il est probable
qu’
aucun homme du peuple ne s’est jamais dit cela comme je le dis ici. Ma
110
cela comme je le dis ici. Mais il me paraît clair
que
la plupart font comme s’ils le pensaient. D’autre part, il est trop c
111
s le pensaient. D’autre part, il est trop certain
que
les intellectuels professent depuis longtemps en toute conscience une
112
e conscience une doctrine analogue. Il est normal
que
les hommes sans culture se trompent sur la nature et sur le rôle de l
113
sur le rôle de la culture. Mais il est inquiétant
que
les hommes cultivés, au lieu de s’efforcer, comme ils devraient, de c
114
re respecter la vérité, en montrant par l’exemple
qu’
elle implique des actes, ils la disqualifient et ils s’en moquent agré
115
de mon voisin après la conférence, j’ai pu croire
que
c’était l’opinion d’un nigaud ; mais non, c’est celle d’un clerc parf
116
secours… Pour aider réellement un homme, il faut
que
j’en sache davantage que lui, mais il faut avant tout que je sache ce
117
lement un homme, il faut que j’en sache davantage
que
lui, mais il faut avant tout que je sache ce qu’il sait. Sinon mon sa
118
sache davantage que lui, mais il faut avant tout
que
je sache ce qu’il sait. Sinon mon savoir supérieur ne lui servira de
119
que lui, mais il faut avant tout que je sache ce
qu’
il sait. Sinon mon savoir supérieur ne lui servira de rien. Si je pers
120
objectivement ceux qui m’entourent, ce « peuple »
qu’
il s’agit d’aider, et que je vois encore si mal. (Ce qui ne m’a pas em
121
entourent, ce « peuple » qu’il s’agit d’aider, et
que
je vois encore si mal. (Ce qui ne m’a pas empêché jusqu’ici de m’occu
122
des motifs au moins de ma gêne, quand je constate
qu’
ils ne comprennent pas de quoi je m’occupe. C’est peut-être un secret
123
t peut-être un secret désir, un inconscient désir
que
j’ai d’être reconnu par eux à ma juste valeur. Exactement ce que Kier
124
reconnu par eux à ma juste valeur. Exactement ce
que
Kierkegaard appelle vanité. Cependant, s’il est des plus probables qu
125
le vanité. Cependant, s’il est des plus probables
que
j’ai, comme un chacun, mon amour-propre, je ne puis m’empêcher de le
126
pour moi, c’est parce qu’on raconte dans le pays
que
je possède une machine à écrire…) Février 1934 Les gens. — Du haut d
127
d’une trentaine de parcelles, dont beaucoup n’ont
que
quelques centiares, les plus grandes un à deux ares. Je connais déjà
128
s cela n’a pas marché. La tradition de l’île veut
que
chaque champ soit partagé à la mort du propriétaire en autant de parc
129
à la mort du propriétaire en autant de parcelles
qu’
il y a d’héritiers. Ceci pour éviter que l’un hérite d’un champ un peu
130
parcelles qu’il y a d’héritiers. Ceci pour éviter
que
l’un hérite d’un champ un peu meilleur que les autres. Égalité contre
131
éviter que l’un hérite d’un champ un peu meilleur
que
les autres. Égalité contre solidarité. Le résultat évident de cette t
132
at évident de cette tradition sacro-sainte, c’est
que
les paysans travaillent beaucoup plus qu’il ne serait nécessaire à le
133
, c’est que les paysans travaillent beaucoup plus
qu’
il ne serait nécessaire à leur subsistance si la répartition des terre
134
ce qui s’y oppose, c’est l’idéologie rudimentaire
qu’
on leur a inculquée, et qui n’a que trop bien convenu à leur penchant
135
e rudimentaire qu’on leur a inculquée, et qui n’a
que
trop bien convenu à leur penchant naturel. Il faudrait donc d’abord r
136
al de l’éducation, il n’y a plus d’autre solution
que
la contrainte. La dictature est un moyen grossier, souvent barbare et
137
e la forme de leurs outils. Ils n’utilisent guère
que
des « bouelles » au manche très court, recourbé à l’extrémité, de tel
138
rès court, recourbé à l’extrémité, de telle sorte
que
la lame fait avec le manche un angle d’environ 45 degrés. Cet instrum
139
es des gens d’ici, j’ai hésité longtemps à croire
que
la raison en était réellement aussi simple. Je connais tout de même a
140
e connais tout de même assez la terre pour savoir
que
les mêmes outils ne sont pas bons en tous pays, et je cherchais quell
141
ans et qui utilise des outils ordinaires, me dit
qu’
il a tout de suite obtenu des résultats supérieurs à ceux de ses voisi
142
érer. Je n’en sais rien4. Je me borne à constater
qu’
ici les paysans travaillent trop, se plaignent du mauvais rendement de
143
Je note à l’usage d’un futur historien des mœurs
que
la presse « de droite » reflète assez exactement la mentalité et les
144
mentalité ni les conversations populaires. C’est
que
les journaux socialistes et communistes sont rédigés par des bourgeoi
145
s, par accident, quelques traces ici ou là, c’est
que
le peuple, en France, lit trop de journaux, ne lit que cela, et finit
146
e peuple, en France, lit trop de journaux, ne lit
que
cela, et finit par se croire « le Peuple », tel que l’imaginent les b
147
e cela, et finit par se croire « le Peuple », tel
que
l’imaginent les bourgeois et leurs journalistes. Ce n’est pas dans no
148
alistes. Ce n’est pas dans notre île, d’ailleurs,
que
j’ai pu constater cette contagion ! Les deux journaux locaux gardent
149
ui n’est pas exactement celui des « discussions »
qu’
on peut entendre dans les cafés du port, au chef-lieu, mais qui corres
150
port, au chef-lieu, mais qui correspond bien à ce
que
les pêcheurs ou les paysans aiment à se faire dire, me semble-t-il. D
151
réalité du peuple : rien ne le rend plus sensible
que
cette différence de ton entre tel organe socialiste ou communiste de
152
le carton sans beaucoup de paroles. C’est à cela
que
se réduit la vie commune. Quelques-uns le déplorent parmi les vieux.
153
mes et ces femmes accrochés à cette terre pauvre,
qu’
ils grattent lentement pour en tirer tout juste de quoi vivre, j’hésit
154
terre ingrate, dans sa courette pleine de fleurs.
Qu’
ils n’aient pas de vie communautaire, cela ne signifie pas nécessairem
155
ommunautaire, cela ne signifie pas nécessairement
qu’
ils aient perdu le sentiment de leur commune condition. Ils sont peut-
156
hozes, corporations ou camps de travail. Mais ici
que
feraient-ils de tout cela ? Ils ont la liberté, et cela leur suffit,
157
es, fruits de mer, seiches, et poissons, je crois
que
c’est à peu près tout) ; mais pourquoi vivraient-ils autrement ? Bien
158
sur une fortune de 100 000 ou de 200 000 francs,
que
leurs fils iront perdre à la ville : je crois cependant que la propor
159
endant que la proportion des fous est moindre ici
que
sur le continent. Et l’on meurt vieux, et les médecins ne font pas fo
160
et les êtres de trop près, on perd le peu de foi
que
l’on pouvait accorder aux idéologies et aux politiciens. Il faut vivr
161
es choses — c’est son mystère — mais ne dites pas
que
vous le faites pour son bonheur, car il est plus « heureux » que vous
162
tes pour son bonheur, car il est plus « heureux »
que
vous. Il faudrait croire fanatiquement à une vérité absolue, qui vail
163
atiquement à une vérité absolue, qui vaille mieux
que
la paix et le bonheur, pour oser bouleverser la petite vie de notre î
164
pour sauver leur pratique ? On en vient à penser
que
le régime qui convient le mieux à cette vie obscure — j’entends celui
165
et je crois d’autant plus utile de les consigner
qu’
elles modifient sensiblement certains jugements auxquels m’avait amené
166
l’importance des autocars et des transformations
qu’
ils sont en train de causer dans la vie provinciale. Je n’ai pas compt
167
onstater, dans plusieurs départements de l’Ouest,
qu’
il n’est plus guère de « pays » qui ne soit desservi par une ou deux o
168
ême trois Compagnies de transports locaux. Depuis
que
j’ai quitté Paris, j’ai bien utilisé une vingtaine de ces lignes. Je
169
et la province. Naguère encore, quand on n’avait
que
les chemins de fer, tout convergeait vers Paris, non seulement du fai
170
. Le confort relatif des grandes lignes indiquait
qu’
on allait à Paris ou qu’on en venait. Tout le reste n’était que tortil
171
grandes lignes indiquait qu’on allait à Paris ou
qu’
on en venait. Tout le reste n’était que tortillards cahotants, jamais
172
à Paris ou qu’on en venait. Tout le reste n’était
que
tortillards cahotants, jamais à l’heure, où l’on se sentait relégué à
173
la « vraie » circulation. Et l’on ne voyait guère
que
des gares, ce qu’il y a de plus attristant dans chaque village. Aujou
174
lation. Et l’on ne voyait guère que des gares, ce
qu’
il y a de plus attristant dans chaque village. Aujourd’hui, les statio
175
utocars sont sur la place principale. C’est de là
qu’
on part au milieu d’une grande affluence de badauds, c’est là qu’on ar
176
ilieu d’une grande affluence de badauds, c’est là
qu’
on arrive à grand son de trompe, c’est enfin ce que l’on voit le mieux
177
u’on arrive à grand son de trompe, c’est enfin ce
que
l’on voit le mieux de chaque pays. La voie ferrée était une sorte d’i
178
pte de ses circonstances. Sur ses bords ne vivait
qu’
une population nomade, qui portait l’uniforme de l’État, partout, la m
179
gt fois la France de part en part, sans remarquer
que
les gens qui l’habitent ne sont pas tous de la même sorte, et que d’u
180
l’habitent ne sont pas tous de la même sorte, et
que
d’une province à une autre, ce n’est pas seulement le paysage qui cha
181
ns secondaires ou des ruelles à peine plus larges
que
la voiture. Mais aussi elle tient compte des rythmes de la vie locale
182
rses voitures qui stationnent sur la place. C’est
que
chaque compagnie a sa tête de ligne chez un bistro différent, et il e
183
de ligne chez un bistro différent, et il est rare
qu’
on puisse trouver l’horaire ailleurs. Parfois le bistro vend aussi les
184
bistro vend aussi les billets ; et c’est chez lui
qu’
on attend le départ. Pour peu que l’on manifeste la moindre curiosité
185
t c’est chez lui qu’on attend le départ. Pour peu
que
l’on manifeste la moindre curiosité on ne tarde pas à y apprendre pas
186
qui a fait baisser les prix. Car il est de règle
qu’
au début deux Compagnies se disputent le parcours, jusqu’à ce que l’un
187
x Compagnies se disputent le parcours, jusqu’à ce
que
l’une des deux fasse faillite, ou réussisse à vendre « honnêtement »
188
s sur les personnalités de l’endroit, sur le rôle
qu’
ont joué dans l’affaire le sous-préfet, ou le député, ou divers margou
189
ontez dans l’autocar, vous êtes renseigné, vaille
que
vaille, sur les facteurs économiques du pays, sur les noms des notabl
190
notables et sur le jeu des partis politiques. Et
que
dire maintenant du voyage lui-même ? C’est une résurrection de ce que
191
du voyage lui-même ? C’est une résurrection de ce
que
Vigny pleurait, la poésie des diligences, mais aérée. C’est fait d’un
192
érée. C’est fait d’une foule d’incidents entrevus
que
tout dispose à romancer ; de conversations absurdes et rapidement int
193
t volontiers toutes sortes de petites commissions
que
de vieilles dames leur confient au départ avec force recommandations
194
sur le bord de la route. Rien de plus sympathique
que
les conducteurs de car. Cela tient évidemment à leur métier. Ce sont,
195
machine, et l’on bénéficie de ces petites faveurs
que
les femmes ont toujours accordées à ceux qui commandent et disposent,
196
ées à ceux qui commandent et disposent, ne fût-ce
que
pour une heure, de leur vie. Oui, voilà bien les hommes avec lesquels
197
namisme, le sens pratique et la rapidité d’esprit
que
les bourgeois, qui en sont dépourvus, attribuent par erreur au « peup
198
i les ont n’en parlent pas, dit-on. Et je ne suis
qu’
un écrivain. Ceci me rappelle un bout de conversation que j’aurais dû
199
crivain. Ceci me rappelle un bout de conversation
que
j’aurais dû noter plus tôt. Le monsieur rencontré dans l’autocar de T
200
savoir quel était mon métier. Et quand j’eus dit
que
je n’en avais aucun, et que je n’étais qu’un écrivain, et chômeur par
201
r. Et quand j’eus dit que je n’en avais aucun, et
que
je n’étais qu’un écrivain, et chômeur par-dessus le marché, il s’écri
202
us dit que je n’en avais aucun, et que je n’étais
qu’
un écrivain, et chômeur par-dessus le marché, il s’écria : — Ah ! che
203
aux curés ! — Comptez, monsieur, — lui dis-je, —
qu’
un écrivain a bien deux fois plus de peine à vivre qu’un homme normal,
204
n écrivain a bien deux fois plus de peine à vivre
qu’
un homme normal, mettons qu’un fonctionnaire (c’était pour le flatter)
205
plus de peine à vivre qu’un homme normal, mettons
qu’
un fonctionnaire (c’était pour le flatter), et cela tient aux circonst
206
dans le cas d’écrire. Car, ou bien l’on écrit ce
que
l’on ne peut pas faire, et c’est l’aveu d’une faiblesse ou d’une ambi
207
êtré. Et voilà le paradoxe et l’injustice : c’est
qu’
on attend, qu’on exige même de ces gens-là des vertus au-dessus du com
208
le paradoxe et l’injustice : c’est qu’on attend,
qu’
on exige même de ces gens-là des vertus au-dessus du commun, la révéla
209
, des milliardaires ou des saints. Croyez-moi, ce
que
nous vous donnons, c’est justement ce qui nous manque, et quand vous
210
ars 1934 D’un autre « peuple ». — Il faut encore
que
je revienne sur mon séjour vendéen. J’avais à donner trois « causerie
211
teurs. Eux-mêmes avaient fixé la liste des sujets
qu’
ils désiraient étudier au cours de l’hiver, avec l’aide de plusieurs o
212
lle aux innocentes peintures de paradis modernisé
que
vulgarise la propagande communiste. Mais leurs questions ne tardèrent
213
ictature ; si les paysans avaient plus de liberté
qu’
auparavant, etc. Mais ce qui me surprit davantage, ce fut la question
214
taud, l’air intelligent et ouvert : « Pensez-vous
qu’
on pourrait faire la même chose ici ? » Pour sa part, il était sceptiq
215
? » Pour sa part, il était sceptique. Il pensait
qu’
en Vendée les choses ne seraient pas si simples, que la situation maté
216
’en Vendée les choses ne seraient pas si simples,
que
la situation matérielle était meilleure et demandait un développement
217
re et demandait un développement tout différent ;
qu’
on voulait surtout, par ici, garder sa liberté et se gouverner comme o
218
t. Et je me disais, en l’écoutant : « En voilà un
que
l’on pourrait sans honte présenter aux jeunes Russes, aux jeunes Alle
219
tout cela est encore moins clair dans la réalité
que
dans ce résumé). Quand j’ai projeté sur la paroi blanche de la salle
220
k, il y a eu un profond silence au lieu des rires
que
je craignais. (On peut donc gouverner sans être un monsieur en haut d
221
, évitant de prononcer mon jugement sur les faits
que
je venais d’exposer, afin de voir si mes auditeurs étaient de la même
222
e voir si mes auditeurs étaient de la même espèce
que
ceux de l’île : cette série de questions précises et ce désir de rapp
223
de questions précises et ce désir de rapporter ce
que
j’avais dit à leur situation concrète. Esprit critique, méfiance inte
224
eur autonomie… Je ne bifferai pas les conclusions
que
j’avais tirées de la conférence à A… Elles sont également vraies. Ce
225
savait depuis longtemps ». On sait tant de choses
qu’
on n’a jamais pris la peine de connaître, chez les « intellectuels ».
226
laisse seuls, sans direction. Nous ne savons pas
que
lire. Le travail est dur, ici. Il faut lutter contre les parents, con
227
beaucoup lu Anatole France, c’est à cause de lui
que
j’ai perdu la foi. J’aimais aussi Romain Rolland. Est-ce qu’il est mo
228
rdu la foi. J’aimais aussi Romain Rolland. Est-ce
qu’
il est mort ? Vous ne pourriez pas me dire ce qu’il y aurait d’intéres
229
qu’il est mort ? Vous ne pourriez pas me dire ce
qu’
il y aurait d’intéressant à lire ? — Ne lisez-vous pas de journaux pol
230
us pas de journaux politiques ? — Ce n’est pas ce
qu’
on cherche. Il faudrait en lire deux au moins pour corriger les menson
231
ire deux au moins pour corriger les mensonges. Ce
qu’
ils peuvent tous mentir ! On ne peut plus avoir confiance dans les par
232
is. C’est aussi à cause de cette centralisation :
qu’
est-ce qu’ils savent de notre situation à Paris ? Est-ce qu’il n’y aur
233
aussi à cause de cette centralisation : qu’est-ce
qu’
ils savent de notre situation à Paris ? Est-ce qu’il n’y aurait pas mo
234
qu’ils savent de notre situation à Paris ? Est-ce
qu’
il n’y aurait pas moyen de faire un mouvement politique en dehors des
235
ique en dehors des partis, et de voir une fois ce
qu’
il y aurait à changer pratiquement dans chaque province ? Qu’on arrive
236
ait à changer pratiquement dans chaque province ?
Qu’
on arrive enfin à se gouverner sur place, dans chaque commune ? On sen
237
sur place, dans chaque commune ? On sent bien ce
qu’
il faudrait. Mais qu’est-ce qu’on peut, tout seuls dans ce coin ?… » J
238
ue commune ? On sent bien ce qu’il faudrait. Mais
qu’
est-ce qu’on peut, tout seuls dans ce coin ?… » J’ai essayé de faire u
239
? On sent bien ce qu’il faudrait. Mais qu’est-ce
qu’
on peut, tout seuls dans ce coin ?… » J’ai essayé de faire une liste d
240
’instituteur de M… Je ne trouve à lui recommander
que
des traductions. La littérature moderne en France n’a guère à donner
241
de naïveté, de force ou de conviction. On dirait
que
tout son effort est de s’écarter le plus possible de ce qui est simpl
242
maine… Auparavant, ils croyaient comme les autres
que
c’était plutôt ridicule. Telle est la pauvre chance des « intellectue
243
extrémité de l’île. 3. Combien d’ailleurs savent
que
ce mot peut désigner autre chose qu’un « je m’en fichiste » ? 4. J’a
244
leurs savent que ce mot peut désigner autre chose
qu’
un « je m’en fichiste » ? 4. J’avais raison de marquer ce doute. Un a
245
el je viens de raconter ce petit fait, m’explique
qu’
avec un manche court « on travaille plus vite et plus efficacement qu’
246
urt « on travaille plus vite et plus efficacement
qu’
avec un manche long, surtout dans un terrain sablonneux ». Reste la qu
247
ont, pour la plupart, contraints. 5. J’ai appris
que
, dans certaines régions du Midi, de véritables « écumeurs de lignes »
248
terminologie et la doctrine politiques. Les pages
qu’
on va lire, nourries d’observations précises, en apportent des preuves
249
est donc l’une de nos origines les plus profondes
que
nous révèle M. Albert Béguin, en publiant son gros volume sur L’Âme r
250
ré sa gravité d’ailleurs jamais sévère ; au point
que
l’on craindrait d’en détourner certains lecteurs en remarquant que c’
251
it d’en détourner certains lecteurs en remarquant
que
c’est aussi un ouvrage d’actualité, au sens le plus pénétrant de ce t
252
: cette révélation du romantisme allemand dans ce
qu’
il eut d’audacieux et de tragique ne présente pas seulement un intérêt
253
uels d’où sont nés des mouvements politiques tels
que
le national-socialisme. Peu à peu, elle dévoile à nos yeux une sorte
254
gé notre littérature, depuis la guerre ; et voici
que
renaît, d’une manière bien frappante, l’intérêt de beaucoup pour les
255
rêt de beaucoup pour les études mystiques ; voici
que
se répand l’usage, et même l’abus, du terme de « mystique » dans l’or
256
« mystique » dans l’ordre politique ; voici enfin
qu’
un grand empire réalise au milieu de l’Europe la plus inquiétante synt
257
s seulement coïncidents. Ce n’est point du hasard
qu’
ils sont nés. Et si tout nous invite à rechercher leur secrète complic
258
r leur secrète complicité, rien n’est plus propre
que
l’ouvrage d’Albert Béguin à nous guider dans la pénombre où s’émeut l
259
ble au vertige, vers ces régions de l’être obscur
que
le bon sens et la philosophie prétendaient mettre au ban de l’humanit
260
rès un siècle de science positiviste. Est-il vrai
que
la nuit et le rêve n’ont rien à révéler qui importe au jour ? Est-il
261
rien à révéler qui importe au jour ? Est-il vrai
que
la passion, l’angoisse et la folie sont moins réelles que nos sagesse
262
assion, l’angoisse et la folie sont moins réelles
que
nos sagesses tyranniques ? « Songe est mensonge », décrétait la raiso
263
, d’une Vérité supérieure ? Telle est la question
que
posèrent les premiers romantiques allemands. « Ils admettent tous, éc
264
allemands. « Ils admettent tous, écrit M. Béguin,
que
la vie obscure est en incessante communication avec une autre réalité
265
e si brusque et si saisissante ? » De là à penser
que
le rêve est « un vestige du divin », il n’y a que l’épaisseur d’un sc
266
que le rêve est « un vestige du divin », il n’y a
que
l’épaisseur d’un scrupule d’orthodoxie, d’une dernière crainte de con
267
té où naît le romantisme, et dont il vit ! Croire
que
le rêve ne révèle rien que nos secrets, ce serait tomber dans la psyc
268
t dont il vit ! Croire que le rêve ne révèle rien
que
nos secrets, ce serait tomber dans la psychanalyse. Croire qu’il révè
269
ts, ce serait tomber dans la psychanalyse. Croire
qu’
il révèle aussi un monde supérieur, c’est entrer dans la voie mystique
270
s textes cités par Béguin nous inclinent à penser
qu’
ils sont plus proches des mystiques que des psychanalystes. Au fond, l
271
t à penser qu’ils sont plus proches des mystiques
que
des psychanalystes. Au fond, lorsqu’ils se demandent si le rêve est c
272
c’est « l’Autre », ou le moi sombre et son néant,
que
l’on atteint au fond de l’inconscient, ils formulent le problème cruc
273
ions, aux rencontres fortuites en apparence, mais
que
l’âme prédisposée interprète aussitôt comme des messages. Cela suppos
274
us tard le poète Jean-Paul, insistent sur un fait
que
Freud utilisera jusqu’à l’abus : c’est que l’esprit abandonné au rêve
275
n fait que Freud utilisera jusqu’à l’abus : c’est
que
l’esprit abandonné au rêve s’exprime ordinairement dans un langage mé
276
aine, à des lois plus précises et plus constantes
que
celles qui le régissent à l’état de veille. D’autre part, l’on sait b
277
à l’état de veille. D’autre part, l’on sait bien
que
les mystiques, fussent-ils de religions différentes — hindous, musulm
278
êmes figures de langage pour traduire l’ineffable
qu’
ils vivaient. Et ceci nous amène au problème central : celui de l’expr
279
ation de l’inconscient. Le songe, pour eux, n’est
que
la « porte » ouvrant sur le monde ineffable, qui est proprement le do
280
n dire, et qui cependant est la source de tout ce
que
l’on dit. C’est l’ineffable, l’indicible, le royaume du Silence absol
281
s la moindre irrévérence : nul n’est plus verbeux
qu’
un mystique, si ce n’est un romantique allemand. Car l’un et l’autre o
282
utre ont l’ambition de communiquer par l’écrit ce
qu’
ils ne cessent de définir comme l’indicible. Dès lors, la plainte sera
283
e l’indicible. Dès lors, la plainte sera la même,
qu’
il s’agisse d’une Thérèse d’Avila ou simplement du bonhomme Tieck : Do
284
bien de mots leur fera-t-elle accumuler pour dire
que
rien ne saurait être dit… Et pourtant si, romantiques et mystiques so
285
rtant si, romantiques et mystiques sont persuadés
que
, nonobstant leur impuissance à traduire l’inconscient ou l’indicible,
286
l’inspiration — tellement vulgarisée de nos jours
qu’
on en oublie l’origine mystique : « Le poète et le rêveur sont passifs
287
’eux-mêmes sans qu’ils puissent faire autre chose
que
de saluer là l’écho d’un discours divin. » Alors le doute n’est plus
288
n’est plus permis : l’analogie purement formelle
que
nous décrivions jusqu’ici devient une profonde identité. L’interventi
289
t agissant. C’est la Nuit des sens et de l’esprit
que
décrit un Jean de la Croix, et dont la nuit des songes, chantée par l
290
nuit des songes, chantée par les poètes, n’était
que
le symbole et le signe physique6. C’est « le royaume de l’Être qui se
291
dont la plénitude ne peut humainement s’exprimer
que
par l’image de l’absence de toute créature, de toute forme. » Car nou
292
ute forme. » Car nous ne percevons et n’exprimons
que
le divers et le distinct, ce qui a pris forme ; tout ce que notre con
293
ers et le distinct, ce qui a pris forme ; tout ce
que
notre conscience a séparé du Tout. Et c’est cela qui constitue notre
294
», la « contemplation sans objet ». Je pense donc
qu’
il est légitime de suivre Albert Béguin dans cette conclusion : « La g
295
l. » II. L’Être en exil Ce sentiment d’exil
que
nous trouvons à l’origine des expériences mystiques les plus diverses
296
itude de l’examen de conscience en profondeur tel
que
le pratiquaient autour de lui les disciples de madame Guyon7. Non con
297
Le point de départ paraît bien être une blessure
qu’
il reçut de la vie, un choc qui l’a laissé béant sur une contradiction
298
rs profonds du moi. Blessure si cruelle et intime
que
sa conscience en évite le souvenir (ou le refoule comme dira Freud) d
299
(ou le refoule comme dira Freud) de telle manière
que
la cause secrète de sa douleur en vient à se confondre avec le fait d
300
dre avec le fait de vivre en général. D’où l’idée
qu’
il doit « expier la faute qu’il n’a commise que par son existence même
301
général. D’où l’idée qu’il doit « expier la faute
qu’
il n’a commise que par son existence même ». Un philosophe mystique te
302
ée qu’il doit « expier la faute qu’il n’a commise
que
par son existence même ». Un philosophe mystique tel que Ignaz Troxle
303
son existence même ». Un philosophe mystique tel
que
Ignaz Troxler n’hésitera pas à élargir le processus jusqu’à y englobe
304
eint par le péché originel : « Sous quelque angle
qu’
on veuille l’examiner, l’homme trouve en lui une blessure qui déchire
305
e blessure qui déchire tout ce qui vit en lui, et
que
peut-être lui fit la Vie même. » Non sans lucidité, Moritz a su dépei
306
comme si le poids de son existence l’eût accablé.
Qu’
il dût, jour pour jour, se lever avec lui-même, se coucher avec lui-mê
307
raîner après lui, à chaque pas, son moi détesté…,
qu’
il dût désormais, inexorablement, être lui-même… cette idée le plongea
308
toute la création. C’est par lui et à travers lui
que
la conscience perçoit la réalité extérieure ; comme lui donc, cette r
309
e s’accepter soi-même — à cause de cette blessure
qu’
il s’agit d’oublier si l’on ne parvient pas à l’expier. Et en effet, à
310
insi le héros d’un de ses romans : « Il lui parut
qu’
il s’était échappé entièrement à lui-même et qu’il lui fallait avant t
311
t qu’il s’était échappé entièrement à lui-même et
qu’
il lui fallait avant toute démarche se rechercher lui-même dans la sér
312
i-même dans la série de ses souvenirs. Il sentait
que
l’existence n’a d’appui ferme que dans la chaîne ininterrompue des so
313
irs. Il sentait que l’existence n’a d’appui ferme
que
dans la chaîne ininterrompue des souvenirs8 ». Mais, comme le note Al
314
s de plus de saisir la pensée salvatrice ». C’est
qu’
il est un souvenir interdit, trop douloureux pour être revécu. Le moi
315
, puisque la cause de sa maladie est justement ce
qu’
il ne peut se remémorer, cette lacune qui est à l’origine de la consci
316
Il faudra donc chercher au-delà. Et nous avons vu
que
le rêve, ou la descente au fond de l’inconscient, représentent pour l
317
a sont des moyens de récupérer le monde perdu. Ce
qu’
il faut souligner ici, c’est que la tendance à la dilatation panthéist
318
e monde perdu. Ce qu’il faut souligner ici, c’est
que
la tendance à la dilatation panthéiste ou mystique de l’être revêt pr
319
fait dès l’enfance, lorsqu’il s’interroge sur ce
qu’
est devenue sa petite sœur : le vœu de retrouver la morte, de communie
320
manière indicible. Et peut-être pourrait-on dire
que
l’expérience mystique générale ne devient proprement chrétienne que d
321
ystique générale ne devient proprement chrétienne
que
dans le cas où l’être aimé, sur la mort duquel on médite, est la pers
322
rné de revivre sa blessure, ou plutôt l’élan même
qu’
elle a brisé, mais sans se l’avouer et sans pouvoir la reconnaître ou
323
etenir une équivoque dont il y a lieu de craindre
qu’
elle soit intéressée. Au contraire, s’exprimer, c’est toujours s’avoue
324
dont on ne peut rien dire. D’où encore le besoin
qu’
ils éprouvent d’affirmer surabondamment que l’on n’en peut rien dire q
325
besoin qu’ils éprouvent d’affirmer surabondamment
que
l’on n’en peut rien dire que par des allusions, des métaphores, des p
326
irmer surabondamment que l’on n’en peut rien dire
que
par des allusions, des métaphores, des poèmes « inspirés ». À ce nive
327
vante littérature. Mais il faut reconnaître aussi
que
s’y révèle une maladie de la personne. Le paradoxe de l’expression d’
328
n Indicible est tellement essentiel au romantisme
que
je n’hésite pas à y trouver l’explication d’un fait connu de tous les
329
ce passif. Aussi n’ont-ils laissé pour la plupart
que
des fragments, des allusions, des éclats fugitifs ou « illuminations
330
dre leur moi personnel. Je préciserai ici le sens
que
je donne au mot de personne, pour éviter certains malentendus courant
331
ar l’espèce, le milieu, l’histoire, les richesses
qu’
il a héritées et les blessures qu’il a subies. Il est emprisonné dans
332
, les richesses qu’il a héritées et les blessures
qu’
il a subies. Il est emprisonné dans ces données, et c’est en vain qu’i
333
est emprisonné dans ces données, et c’est en vain
qu’
il chercherait à y échapper par des sublimations : au fond de la nuit
334
de la nuit et de l’inconscient, c’est encore lui
qu’
il retrouvera sous des espèces méconnaissables et qu’il sera tenté de
335
il retrouvera sous des espèces méconnaissables et
qu’
il sera tenté de croire divines. Et il est juste que les premières tou
336
’il sera tenté de croire divines. Et il est juste
que
les premières touches de l’esprit rendent le moi sensible à ses limit
337
Mais seule une vocation lui en donnera la force.
Qu’
il la reçoive et qu’il l’accepte consciemment, ce sera pour lui l’intr
338
tion lui en donnera la force. Qu’il la reçoive et
qu’
il l’accepte consciemment, ce sera pour lui l’introduction à une liber
339
t semblable à celle de ces pseudo ou prémystiques
que
furent les poètes du rêve : il se dévoue à quelque chose qui le dépas
340
riente à nouveau les forces de l’individu, plutôt
qu’
elle ne veut les détruire. Elle engage dans le monde actif, au lieu qu
341
étruire. Elle engage dans le monde actif, au lieu
que
le romantique voulait s’en évader. Elle nous rend enfin responsables
342
une vocation. Thérèse d’Avila ne voulait accepter
que
les révélations qui la portaient à quelque action pratique dans la vi
343
mantiques. C’est une « activité » qui ne commence
qu’
au-delà de la mort à soi-même, c’est-à-dire du renoncement au moi tour
344
ncer leur foi. « C’est en confessant de la bouche
qu’
on parvient au salut », dit saint Paul. IV. Romantisme et national-
345
rience d’un au-delà ne prend son sens et sa vertu
que
lorsqu’elle nous ramène au jour de l’activité quotidienne — de même n
346
x comprendre le temps où nous vivons et agissons.
Que
signifie cette invasion de la politique et de la vie sociale par ce q
347
asion de la politique et de la vie sociale par ce
qu’
on nomme les « mystiques » collectives ? Certaines catégories que nous
348
« mystiques » collectives ? Certaines catégories
que
nous venons de dégager pourraient guider notre analyse. Le mouvement
349
un romantisme politique. Et je ne dis pas du tout
que
les écrits d’un Novalis ou d’un Jean-Paul soient à sa source ; ce ser
350
ient à sa source ; ce serait absurde. Mais je dis
que
nous pouvons retrouver au niveau inférieur et collectif de la psychol
351
hologie nazie des processus fort analogues à ceux
que
nous avons décrits. Il ne s’agit pas d’influences, il ne s’agit que d
352
rits. Il ne s’agit pas d’influences, il ne s’agit
que
de reviviscences — vulgaires et simplistes, bien sûr — de certaines a
353
s les discours d’Hitler proclament, dès le début,
que
les Allemands n’ont pas perdu la guerre) doit résulter un sentiment d
354
et des tambours pendant des heures… On lui a dit
qu’
il ne compte pas en tant qu’individu conscient ; on lui a dit que sa v
355
pas en tant qu’individu conscient ; on lui a dit
que
sa vraie vie était entre les mains du parti, d’un démiurge anonyme et
356
d’un démiurge anonyme et obscur dont il n’a plus
qu’
à recevoir les ordres, sans trop chercher à les comprendre, comme « pa
357
rôle d’une ascèse du moi : les renoncements mêmes
qu’
elle impose deviennent les preuves de sa transcendante vérité. Et c’es
358
reuves de sa transcendante vérité. Et c’est ainsi
que
la masse allemande, imitant au niveau le plus bas l’évolution des rom
359
es par les cyniques et les habiles ne dissimulent
que
très imparfaitement les vrais ressorts du régime hitlérien. Nous ne s
360
coupable et détesté à quelque chose de plus vrai
que
la vie, et qui est sa mission millénaire. « Chez nous, proclamait réc
361
choisir : le peuple n’aime pas à choisir, il aime
qu’
on lui présente une opinion juste… D’ailleurs, notre politique est une
362
tique de romantisme collectif, voilà le cauchemar
que
rêve à côté de nous le IIIe Reich somnambulique. Nous avons tout à cr
363
t à craindre des « inspirations » du Führer, mais
que
pourrait produire un réveil brusque ? Cette maladie demande un long t
364
e nature spirituelle, à mon avis, au moins autant
qu’
économique. Car la lutte qui se livre aujourd’hui dans le secret de la
365
on de la mort », et c’est uniquement dans la mort
que
nous pouvons rejoindre l’Autre, l’indicible. 7. On peut regretter qu
366
indre l’Autre, l’indicible. 7. On peut regretter
qu’
Albert Béguin n’ait pas insisté davantage sur l’importance du quiétism
367
New York alpestre Personne ne m’avait dit
que
New York est une île en forme de gratte-ciel couché. C’est la ville l
368
es surélevées. Personne ne m’avait dit, non plus,
que
New York est une ville alpestre ! Je l’ai senti le premier soir d’oct
369
es gratte-ciel, de cette couleur orangée aérienne
qu’
on voit aux crêtes des parois rocheuses, alors que la vallée s’emplit
370
efeller, de vingt autres de ces sommités célèbres
que
les New-Yorkais vous désignent comme les Suisses énumèrent leurs Alpe
371
des parois violemment découpées, c’est un climat
que
je connais… Mais il y a plus. Il y a le sol qui est alpestre dans sa
372
York, ont coutume de se plaindre de l’inhumanité
que
revêtent ici les rapports quotidiens. Ils pensent, dans leur ignoranc
373
rts quotidiens. Ils pensent, dans leur ignorance,
que
c’est une ville « trop européenne »… Mais, moi, je m’y sens contempor
374
déranger dans la lecture de mon journal. Il n’y a
que
deux classes en Amérique : l’une où les fauteuils au dossier très hau
375
ns l’ensemble, les femmes m’ont paru dignes de ce
que
le cinéma nous en promet — mais il suffit de trois ou quatre beautés
376
eautés saines ou frappantes, sur cinquante femmes
qu’
on ne remarque pas, pour qu’on s’écrie : « Comme elles sont belles dan
377
homme qui est seul, Manhattan est sublime. Il n’a
qu’
à s’oublier dans l’énergie fusante de cette capitale du matin. Ville
378
ur de Manhattan c’est la ville pure. Ici, tout ce
que
le regard touche et mesure dans les trois dimensions de l’espace, sau
379
fois, je vois une ville aussi purifiée de nature
que
l’est de prose un groupe de mots de Mallarmé. Paris, Rome, en compara
380
usage physique, non point à ces symboles de l’âme
que
forment les châteaux au fond de nos mémoires. L’idéal de l’Américain
381
valable, et par la sensation directe du monde tel
que
le crée l’homme privé de l’Esprit, l’une des entrées de la Voie négat
382
rs heures, et c’est ici seulement, sur le papier,
que
je comprends qu’il faut pousser plus loin. On se demande parfois : qu
383
st ici seulement, sur le papier, que je comprends
qu’
il faut pousser plus loin. On se demande parfois : qu’est-ce, en somme
384
l faut pousser plus loin. On se demande parfois :
qu’
est-ce, en somme, que le péché ? C’est cela, c’était ce que j’éprouvai
385
oin. On se demande parfois : qu’est-ce, en somme,
que
le péché ? C’est cela, c’était ce que j’éprouvais à Times Square avec
386
, en somme, que le péché ? C’est cela, c’était ce
que
j’éprouvais à Times Square avec une acuité crispante : l’état du mond
387
— et le feu rouge — six ou sept secondes. Tout ce
qu’
embrasse mon regard, tout est fait de main d’homme, sauf les mouettes.
388
tout est fait de main d’homme, sauf les mouettes.
Qu’
on ne me parle plus des lois économiques et de leurs fatales réalités
389
r ce sont les réalités d’un monde tout artificiel
que
nous, les hommes, avons bâti selon nos caprices, nos passions et nos
390
rgeois, mais deux radios martèlent ce Tchaïkovski
qu’
on entend siffler dans la rue… Je me souviens de ce que j’ai sous les
391
entend siffler dans la rue… Je me souviens de ce
que
j’ai sous les yeux : je le vois déjà comme je me le rappellerai, une
392
au base-ball parmi des seaux d’ordures plus hauts
qu’
eux et des tourbillons fous de papiers sales, pour s’ouvrir enfin tout
393
que la nuit vient de descendre — depuis cinq ans
que
je circule dans cette ville, je n’ai jamais été touché ; ils sont d’u
394
us claire, sur la cour. Ce logis, qui n’est guère
qu’
un corridor légèrement cloisonné, s’annonce dans les journaux : « Cinq
395
cadre strictement rectangulaire. Tous les objets
qu’
on voit sont des rectangles, à part les chiffons et les chats. Les faç
396
le ciel rouge. Une radio clame Amapola, plus fort
que
tout, dans la cour où les draps au vent font de grands gestes frénéti
397
sidences pour les directeurs de bureaux. C’est ce
qu’
on en voit de l’étranger. Cohoes Ayant remarqué qu’on me refusai
398
n voit de l’étranger. Cohoes Ayant remarqué
qu’
on me refusait du beurre à l’épicerie du village de Lake George10, et
399
urre à l’épicerie du village de Lake George10, et
que
j’en paraissais fort ennuyé, nos voisins vinrent un soir nous en offr
400
ns vinrent un soir nous en offrir, et c’est ainsi
que
nous avons fait connaissance. Deux femmes d’âge moyen et leurs maris
401
’âge moyen et leurs maris se partagent une maison
que
les pins nous cachent, à deux-cents pas, plus petite que la nôtre, do
402
pins nous cachent, à deux-cents pas, plus petite
que
la nôtre, donc plus commode et plus confortable à leur sens. (Seuls l
403
ndé de soldats. (Le nombre de ces petits services
que
vous rendent ici les voisins ! En Europe, le voisin n’est que l’ennem
404
dent ici les voisins ! En Europe, le voisin n’est
que
l’ennemi virtuel.) J’ai cru poli de m’arrêter pour une heure dans la
405
d’unique au monde, compensant ainsi l’impression
qu’
elles sont interchangeables à tant d’autres égards.) Le paysage pourra
406
clair, ornée de géraniums aux fenêtres. C’est là
qu’
habite la mère de Robert, une vieille dame maigre et digne, dont les a
407
ecrétaire. Les passants me paraissent aussi laids
que
ces maisons de bois grisâtres ou vert olive, mauves ou goudron, aux p
408
llite a passé inaperçue. J’ai ouvert cette agence
que
vous venez de voir, et je n’ai plus piloté depuis lors. Aujourd’hui,
409
Ce sera plus commode pour les week-ends, surtout
que
madame Robert n’aime pas conduire l’auto… J’essaie en vain de compar
410
ile de comparer cette vie, cette ville aux images
que
, par Hollywood, l’Amérique nous propose d’elle-même et qu’elle s’effo
411
Hollywood, l’Amérique nous propose d’elle-même et
qu’
elle s’efforce d’imiter. Souvenir d’un orage en Virginie Grands
412
entre des barrières blanches. — Et vous verrez ce
qu’
elle en a fait ! C’est sa manière de se venger de W…, car c’était la m
413
res, à lui. Elle la déteste. Elle n’aime vraiment
que
ses chevaux… L’auto s’arrête devant un haut portique. Deux colonnes b
414
ante les poursuit armée d’une cravache. Elle crie
qu’
ils viennent encore de manger les bougies du carrosse de George Washin
415
e de George Washington. (C’est une pièce de musée
que
nous allons voir, remisée sous la colonnade des écuries.) Nous pénétr
416
uivie d’un homme. Comme ils s’approchent, on voit
qu’
elle tient la bride d’une main, et de l’autre porte à sa bouche une po
417
e main, et de l’autre porte à sa bouche une pomme
qu’
elle mord en galopant. Nouveaux éclairs. Tous les chiens du chenil se
418
’intendant, une sorte de géant toujours en bottes
qu’
elle emmenait partout avec elle. Je pense au regard d’acier du jeune h
419
ais pas recevoir ! dit-elle moqueuse. Voulez-vous
que
je vous joue du piano ? Pour faire croire que je n’ai pas peur… » — E
420
ous que je vous joue du piano ? Pour faire croire
que
je n’ai pas peur… » — Eh bien ? m’ont demandé mes amis dans la voitur
421
s dans la voiture qui nous emporte sous la pluie,
qu’
en pensez-vous ? — Well… pour la première fois de ma vie, je me sens t
422
cade en décade, à travers le Far West, jusqu’à ce
qu’
ils eussent rejoint les terres du Pacifique. On ne pouvait plus rien a
423
vident au-dessus du cinquantième étage, pour peu
que
la pression baisse à Wall Street. Un grand malaise étreignait l’âme a
424
plan et disparaissent en coup de vent, jusqu’à ce
que
l’œil s’éduque et se mette à déchiffrer cette espèce de manuel de con
425
a profondeur, vers la culture, vers ces problèmes
que
le grand nombre a toujours fuis, partout. Peut-être alors les masses
426
e alors les masses elles-mêmes comprendront-elles
qu’
il n’est qu’un seul infini véritable : celui que chacun porte en soi,
427
masses elles-mêmes comprendront-elles qu’il n’est
qu’
un seul infini véritable : celui que chacun porte en soi, celui de l’â
428
s qu’il n’est qu’un seul infini véritable : celui
que
chacun porte en soi, celui de l’âme inépuisable. Ce jour-là, les glor
429
urgence de l’union Quand un Américain déclare
que
votre idée est généreuse, c’est qu’il est ému : il va vous aider. Qua
430
icain déclare que votre idée est généreuse, c’est
qu’
il est ému : il va vous aider. Quand un Européen vous dit : l’Europe u
431
c’est une belle idée, une idée généreuse…, c’est
qu’
il n’a pas envie d’y croire, qu’il ne fera rien, qu’il pense qu’il est
432
généreuse…, c’est qu’il n’a pas envie d’y croire,
qu’
il ne fera rien, qu’il pense qu’il est sérieux et que vous rêvez. C’es
433
’il n’a pas envie d’y croire, qu’il ne fera rien,
qu’
il pense qu’il est sérieux et que vous rêvez. C’est ainsi qu’une certa
434
envie d’y croire, qu’il ne fera rien, qu’il pense
qu’
il est sérieux et que vous rêvez. C’est ainsi qu’une certaine bourgeoi
435
il ne fera rien, qu’il pense qu’il est sérieux et
que
vous rêvez. C’est ainsi qu’une certaine bourgeoisie occidentale, poli
436
qu’il est sérieux et que vous rêvez. C’est ainsi
qu’
une certaine bourgeoisie occidentale, politiquement analphabète dans s
437
e seule chance de salut. On se demande en vain ce
qu’
il peut y avoir de « généreux » dans une opération de ce genre. Qu’il
438
r de « généreux » dans une opération de ce genre.
Qu’
il suffise de rappeler les données qui en déterminent exactement l’urg
439
bases pour faire la guerre, mais il reste évident
que
si les deux Grands continuent à se déclarer la paix sur ce ton-là, ce
440
t nations dont aucune, isolée, n’a plus la taille
qu’
il faut pour parler et se faire entendre dans le monde dominé par les
441
olonisation économique. Voici le fait fondamental
qu’
énonçait au congrès de La Haye le Message aux Européens : Aucun de
442
de nos pays ne peut résoudre, seul, les problèmes
que
lui pose l’économie moderne. Les conclusions que l’on doit tirer de
443
que lui pose l’économie moderne. Les conclusions
que
l’on doit tirer de cette double constatation sont d’une tragique simp
444
ien ne pourra s’opposer à cette guerre, dont quel
que
soit le vainqueur — s’il en est un — c’est l’humanité tout entière qu
445
un compromis, de l’inventer pour les deux autres.
Que
si l’on me dit alors que l’Europe même unie serait encore trop faible
446
n 320 millions d’habitants : c’est deux fois plus
que
l’Amérique, autant que la Russie et tous ses satellites. Si ces 320 m
447
nts : c’est deux fois plus que l’Amérique, autant
que
la Russie et tous ses satellites. Si ces 320 millions d’habitants fai
448
ces 320 millions d’habitants faisaient bloc, soit
qu’
ils se déclarent neutres, soit qu’ils menacent de porter tout leur poi
449
ient bloc, soit qu’ils se déclarent neutres, soit
qu’
ils menacent de porter tout leur poids d’un seul côté, ils seraient en
450
aucoup pensent : « Tout cela est bel et bon, mais
que
fait-on et que pourra-t-on faire en temps utile ? » La paix, l’Europe
451
: « Tout cela est bel et bon, mais que fait-on et
que
pourra-t-on faire en temps utile ? » La paix, l’Europe unie, d’accord
452
ai maintenant de répondre à ceux qui demandent ce
qu’
on a fait déjà, et ce qu’on peut faire à temps pour fédérer l’Europe.
453
à ceux qui demandent ce qu’on a fait déjà, et ce
qu’
on peut faire à temps pour fédérer l’Europe. Origines du mouvement
454
gines du mouvement fédéraliste Il y eut Sully,
qu’
aime à citer Churchill : il rêvait d’une coalition. Il y eut Montesqui
455
es rêves et ces prophéties ne pouvaient concerner
qu’
un avenir incertain, au milieu du xixe siècle, quand la réalité polit
456
définir cette conception fondamentale de l’homme
que
l’on baptisait la personne — l’homme « à la fois libre et responsable
457
onne — l’homme « à la fois libre et responsable »
que
l’on opposait d’une part à l’individu sans devoirs, et d’autre part à
458
nséquences politiques et sociales, et c’est ainsi
que
l’on aboutissait à un programme communautaire, fédéraliste, anticapit
459
. Le grand public nous ignorait. Nous formions ce
qu’
on appelle avec un peu de pitié de « petits groupes d’intellectuels ».
460
l’occupation de l’Europe. On put croire un moment
que
tout notre travail allait être effacé pour toujours. C’était compter
461
revues passaient de main en main. Les événements
que
nous avions prévus parlaient pour nous, en dépit de toutes les censur
462
ois d’août 1947, à Montreux, son premier congrès.
Qu’
étions-nous à l’époque, il y a un an et demi ? Cent-cinquante à deux-c
463
outes les tailles, dont plusieurs n’étaient guère
qu’
un nom abstrait, touchant ou ambitieux, comme par exemple : Comité int
464
e les faire admettre par les États, nous n’étions
qu’
une poignée d’hommes de bonne volonté, remarquablement dépourvus de mo
465
n appui de la part des gouvernements. C’est ainsi
qu’
à Montreux nous sommes partis — nous sommes partis pour faire l’Europe
466
Europe, tout simplement. On s’étonnera de la part
que
je viens de faire à la doctrine personnaliste dans la genèse de nos m
467
ste dans la genèse de nos mouvements. Il est vrai
que
beaucoup de petits groupes qui se formèrent spontanément dans les cam
468
rien à cette doctrine. Mais il est non moins vrai
que
les grands thèmes et le vocabulaire personnalistes reparaissent avec
469
les Le congrès de Montreux n’était pas terminé
que
l’idée naissait parmi nous d’en élargir l’action en convoquant, pour
470
voyés du United Europe Committee nous informèrent
que
le président de ce groupement, Winston Churchill, avait également l’i
471
à faciliter cette « union » des États de l’Europe
que
Churchill avait réclamée dans son grand discours de Zurich. C’est de
472
s indépendantes, et de leur rencontre à Montreux,
que
devait sortir le congrès de La Haye. Dès l’automne 1947, un Comité de
473
és, parmi lesquels des ex-Premiers ministres tels
que
Churchill, Ramadier, Reynaud et van Zeeland, soixante ministres et an
474
écrivains, des professeurs et des évêques, ainsi
que
de nombreux représentants des mouvements féminins et universitaires.
475
de Gasperi et Paul-Henri Spaak. À la question : «
Qu’
a-t-on fait jusqu’ici pour la fédération de l’Europe ? » cet historiqu
476
iverses, et nous sommes parvenus, plus rapidement
que
nous n’osions l’imaginer, à engrener sur les rouages les principaux g
477
rincipaux gouvernements européens. Ce qui n’était
qu’
un rêve il y a un siècle, qu’une théorie il y a quinze ans, qu’une esp
478
éens. Ce qui n’était qu’un rêve il y a un siècle,
qu’
une théorie il y a quinze ans, qu’une espérance pendant la guerre, est
479
y a un siècle, qu’une théorie il y a quinze ans,
qu’
une espérance pendant la guerre, est aujourd’hui discuté par la presse
480
s parlements, les ministères, comme quelque chose
qu’
il faut réaliser d’urgence, et qui a les plus grandes chances de se ré
481
Haye le principe d’une représentation aussi large
que
possible non seulement des parlements (partis politiques), mais aussi
482
vue dans son mémorandum du 18 août 1948. C’est ce
que
la presse nomme aujourd’hui, en simplifiant un peu, la position franç
483
plutôt la position fédéraliste. Car si l’on veut
que
les peuples soient représentés, c’est que l’on veut aboutir à autre c
484
on veut que les peuples soient représentés, c’est
que
l’on veut aboutir à autre chose qu’au « Corps consultatif » accepté p
485
sentés, c’est que l’on veut aboutir à autre chose
qu’
au « Corps consultatif » accepté par les Cinq : à l’Assemblée constitu
486
nniques respectent leur gouvernement. Ils pensent
que
les ministres sont là pour gouverner, ce qui paraît étrange à beaucou
487
de Latins. Ils pensent donc, tout naturellement,
que
l’Europe sera faite par des ministres. Et cela ne va pas à une fédéra
488
stituante. Cour des droits de l’homme. — On sait
qu’
une Charte des droits de l’homme vient d’être adoptée par l’ONU. Elle
489
ONU. Elle restera malheureusement inopérante tant
que
les États resteront souverains. Car c’est la protection des droits de
490
ersonne et des droits des minorités contre l’État
qu’
il s’agit de sauvegarder aujourd’hui. Et cela suppose l’institution d’
491
opéen, dans sa réunion de Bruxelles, a recommandé
que
soit créée, par convention entre les États membres de l’union europée
492
’un véritable pouvoir fédéral. Il me paraît clair
qu’
ils impliquent la création d’une force de police fédérale. Car enfin,
493
miques. — Le contradicteur moyen aime à nous dire
que
nos plans « généreux » vaudront le papier qui les supporte, tant que
494
éreux » vaudront le papier qui les supporte, tant
que
nous n’aurons pas résolu les grands problèmes économiques. Nous somme
495
onomiques. Nous sommes un certain nombre à penser
qu’
au contraire, la plupart des problèmes économiques resteront insoluble
496
es économiques resteront insolubles en fait, tant
que
nos plans politiques n’auront pas abouti. La sagesse des experts, dan
497
ue jour avec tant de gravité. Il se dit naïvement
que
toute exportation devient importation chez le voisin. Une conférence
498
lan des absurdités officielles. Parmi les mesures
que
défendent la plupart des fédéralistes, signalons l’abaissement progre
499
ssions de notre section économique, si l’on songe
qu’
elle a pu réunir, sous le signe de l’Europe, des hommes aussi divers q
500
ous le signe de l’Europe, des hommes aussi divers
que
le dirigiste André Philip, le libéral Giscard d’Estaing, Lord Layton
501
de la culture. — Finalement, il nous paraît clair
que
toutes les mesures économiques et politiques que pourrait proposer le
502
que toutes les mesures économiques et politiques
que
pourrait proposer le Mouvement européen resteraient lettre morte, s’i
503
s’il n’existait, en deçà et au-delà des divisions
qu’
il nous faut surmonter, une entité européenne bien vivante, un sentime
504
contraire de restaurer le rayonnement des valeurs
que
l’Europe, malgré tout, illustre encore aux yeux du monde entier : une
505
e fera, en dépit des experts (qui savent toujours
que
c’est Dewey qui sera élu), parce qu’une équipe de véritables résistan
506
— l’auront vue et marchent vers elle. Il se peut
que
la vision qui les guide, éclairant le chemin sous leurs pas, cache un
507
il suffirait peut-être d’oser croire ? Se peut-il
que
ce soit tout simplement l’Europe, redécouverte à la faveur de son uni
508
pas bien nouvelle, il y a près de deux-mille ans
qu’
on la connaît : la mort d’un Juif obscur, près de Jérusalem, a fait mo
509
e Jérusalem, a fait moins de bruit, en son temps,
que
la visite de Bartali, coureur cycliste, au Vatican. Il serait donc va
510
ste, au Vatican. Il serait donc vain de s’étonner
que
le Tour de France ait damé le pion de l’« actualité » à la première A
511
nt les journalistes étaient présents. On dit même
qu’
ils furent plus de cinq-cents. Et bien d’autres ont jugé Strasbourg da
512
itoriaux du monde entier, d’autant plus librement
qu’
ils n’y étaient pas allés. L’événement s’est donc vu noyé sous un délu
513
les deux à la fois, souvent dans le même article.
Que
l’Assemblée se soit montrée timide ou au contraire téméraire, que l’e
514
se soit montrée timide ou au contraire téméraire,
que
l’expérience soit trop tardive, ou au contraire prématurée, c’est ce
515
rop tardive, ou au contraire prématurée, c’est ce
que
personne ne sera capable de déduire des milliers de coupures de press
516
nérale se dégage de ce flot d’imprimés : et c’est
que
l’opinion, précisément, serait demeurée indifférente. Ce paradoxe cou
517
artie. S’il leur faut tant de mots pour expliquer
que
le sujet n’intéresse personne, notre jugement doit chercher d’autres
518
e, notre jugement doit chercher d’autres sources.
Que
s’est-il passé à Strasbourg ? Quelque chose d’assez neuf, il faut le
519
pas su l’enregistrer, sinon par les oscillations
que
je viens de rappeler, d’un bout à l’autre du champ des clichés. ⁂ La
520
ataille décisive. Il était raisonnable de prévoir
que
la première session serait consacrée à des questions de procédure, ca
521
ace un dispositif de combat, tout d’abord obtenir
que
le Comité des ministres ne dicte pas l’ordre du jour de l’Assemblée ;
522
votent individuellement. Et l’on n’a pas remarqué
qu’
un mot d’ordre national — s’il en fut jamais donné — ait été suivi mêm
523
res ne se retrouvent, mais notablement atténuées,
que
dans le plan économique, sous les noms de libéralisme et de dirigisme
524
e, sous les noms de libéralisme et de dirigisme.)
Que
veulent les unionistes ? L’Europe unie, bien sûr. Mais pas trop vite,
525
ues nécessaires à l’union de l’Europe. C’est dire
que
la question centrale posée par les fédéralistes, celle d’un gouvernem
526
de la Commission, M. Bidault, peut déjà déclarer
qu’
il s’orientera nettement vers une fédération finale. Il est clair qu’u
527
ettement vers une fédération finale. Il est clair
qu’
une formule fédérale implique certaines limitations précises des souve
528
fois lutter pour l’union de l’Europe et déclarer
qu’
on ne touchera pas à ces sacro-saintes souverainetés.) Mais au lieu de
529
ouvoir bien réel, dans le Conseil de l’Europe tel
qu’
il existe. Certes. Mais, si le Conseil existe, n’est-ce point précisém
530
mission au statu quo ? D’autre part, les pouvoirs
que
détiennent les ministres étant strictement nationaux, leur addition o
531
nt créer, sur le plan de l’Europe, un danger pire
que
l’absence de pouvoir, une sorte de frein automatique, un véritable an
532
de frein automatique, un véritable anti-pouvoir,
qu’
il s’agirait alors de renverser pour établir l’union réelle ? La secon
533
? La seconde école, celle des fédéralistes, tient
que
l’origine normale du pouvoir à créer réside dans l’Assemblée elle-mêm
534
, l’on peut voir dès maintenant dans le seul fait
qu’
il ait lieu, la preuve d’une très rapide évolution. Les dirigeants de
535
de notre Mouvement européen n’osaient pas espérer
que
la question capitale s’imposerait tout naturellement, dans un délai a
536
fierté, lorsqu’ils passent en revue les objectifs
qu’
ils désignaient dans leurs mémorandums, et les confrontent avec les ré
537
s valable). On ne s’en étonnera pas, si l’on sait
que
les deux tiers des députés qui siégeaient à Strasbourg appartiennent
538
de ces divers pouvoirs, sinon l’opinion générale,
qu’
il s’agit maintenant d’alerter, d’informer, et de faire peser de tout
539
. ⁂ Nous sommes en pleine action, et il est clair
qu’
il s’est fait de l’Histoire à Strasbourg, mais nous n’en connaissons e
540
e à Strasbourg, mais nous n’en connaissons encore
que
le dynamisme intérieur. Les résultats pourront être jugés d’ici deux
541
s et complexes. (Ce qui peut signifier d’ailleurs
qu’
elles sont vivantes.) Elles apparaissent en partie problématiques, en
542
les apparaissent, surtout, liées de telle manière
que
l’on ne peut définir l’une sans supposer l’existence de l’autre. Le p
543
r résister à la réabsorption dans la grande mère,
que
la petite Europe, au cours des siècles, a pris conscience d’elle-même
544
hui, la guerre froide, le rideau de fer. Relevons
que
les poussées de l’Asie par l’est ont été suivies généralement de péri
545
Hollandais, les Français, et les diverses formes
qu’
a revêtues l’impérialisme européen au cours des âges. La part des déte
546
oit concentrer sa réflexion vitale. C’est un fait
que
la péninsule Europe ne représente qu’à peine 5 % des terres de la pla
547
est un fait que la péninsule Europe ne représente
qu’
à peine 5 % des terres de la planète. D’où vient alors qu’elle ait dom
548
? Il serait superflu de chercher ici autre chose
que
ce que tout le monde sait : la tension fondamentale du monde occident
549
erait superflu de chercher ici autre chose que ce
que
tout le monde sait : la tension fondamentale du monde occidental est,
550
e, le collectivisme et le personnalisme. La lutte
que
se livrent actuellement ces trois attitudes humaines dans le monde, d
551
lutte est si violente et douloureuse, si concrète
qu’
on se voit dispensé de toute autre considération philosophique ou hist
552
ion philosophique ou historique tendant à prouver
qu’
entre Athènes, Rome et Jérusalem, il y avait, dès le départ, un drame,
553
que, ne pouvant espérer d’atteindre à l’équilibre
qu’
au prix des synthèses les plus difficiles, n’y parvenant que bien rare
554
des synthèses les plus difficiles, n’y parvenant
que
bien rarement, obligé de redresser ses déviations sans cesse renaissa
555
lé, au cours du dernier millénaire, plus créateur
qu’
aucune espèce d’autre homme produite par les familles connues de la pl
556
le des derniers mille ans. Mais comment expliquer
que
l’homme du ive siècle, par exemple, en qui s’était déjà formée la sy
557
xixe ou du xxe siècle ? Cela ne prouve-t-il pas
que
j’aurais oublié quelques éléments décisifs, qui ne sont nés ni d’Athè
558
opéen, certains produits nouveaux ne sont apparus
qu’
après des siècles de macération. Trois idées, devenues de nos jours ré
559
s, me paraissent typiquement d’Europe, en ce sens
qu’
elles ne pouvaient naître que du complexe que je viens de décrire. Ce
560
d’Europe, en ce sens qu’elles ne pouvaient naître
que
du complexe que je viens de décrire. Ce sont les idées de révolution,
561
sens qu’elles ne pouvaient naître que du complexe
que
je viens de décrire. Ce sont les idées de révolution, de passion et d
562
nous disons même individualistes. Elle n’apparaît
qu’
au xiie siècle, sous l’influence de l’hérésie manichéenne. Elle suppo
563
énue, comme en Amérique (où l’on pense réellement
qu’
un homme en vaut un autre), on voit aussitôt la passion s’atténuer ou
564
tale, c’est ce qui a fait de l’Europe autre chose
que
ce qu’elle est physiquement, autre chose qu’un petit cap de l’Asie, p
565
’est ce qui a fait de l’Europe autre chose que ce
qu’
elle est physiquement, autre chose qu’un petit cap de l’Asie, pour rep
566
hose que ce qu’elle est physiquement, autre chose
qu’
un petit cap de l’Asie, pour reprendre le mot fameux de Valéry, — le c
567
otre tâche est moins, aujourd’hui, de les définir
que
de les sauver. Aussi bien n’ai-je voulu mentionner certaines données
568
voulu mentionner certaines données fondamentales
que
dans la mesure où ce rappel m’a paru nécessaire pour informer et guid
569
du globe. Elle n’en sera dans cinquante ans plus
qu’
un dixième probablement. Elle ne sait pas encore. Mais ce qu’elle voit
570
me probablement. Elle ne sait pas encore. Mais ce
qu’
elle voit très bien, c’est qu’elle n’est plus le centre du monde, sur
571
pas encore. Mais ce qu’elle voit très bien, c’est
qu’
elle n’est plus le centre du monde, sur le plan de la puissance politi
572
urope n’offre plus aux empires américain et russe
qu’
un de ces vides dont l’Histoire n’a pas moins horreur que la Nature. D
573
e ces vides dont l’Histoire n’a pas moins horreur
que
la Nature. De plus, elle se voit amputée, pour le moment, d’un quart
574
insule ibérique à l’Ouest. Le reste ne vit encore
qu’
en vertu de l’aide intelligente que lui donne un des deux empires neuf
575
ne vit encore qu’en vertu de l’aide intelligente
que
lui donne un des deux empires neufs, aide qui doit fatalement se tran
576
oint de vue de la puissance matérielle, rappelons
que
l’Amérique consacre cette année au développement de la recherche atom
577
s d’autre part, dans nos pays, cette même liberté
qu’
on nous laisse est devenue presque vide et sans effets. À l’Est, nous
578
admis. Et l’on s’y réfère avec une rigueur telle
que
le style même d’un écrivain ou d’un peintre peut être attaqué par les
579
censure politique est si parfaitement préventive
qu’
elle peut s’offrir le luxe de disparaître en tant qu’activité distinct
580
sion. Elle est partout et nulle part. C’est ainsi
qu’
un ancien ministre bulgare en exil pouvait affirmer, récemment, que da
581
stre bulgare en exil pouvait affirmer, récemment,
que
dans un État communiste la censure au sens courant du mot n’existe pa
582
dans les démocraties dites populaires. Cependant,
qu’
en est-il chez nous de la liberté et de la censure ? Allons tout de su
583
ionnel, mais qui signale un vrai danger. Voici ce
qu’
écrivait, il y a quelques mois, M. Jean Thibaud, directeur de l’Instit
584
ous donne un inquiétant avertissement, il suggère
que
si la culture reste encore libre en Occident, c’est peut-être dans la
585
prestige mondial de l’Europe, on pourrait croire
qu’
elle n’est plus aujourd’hui qu’un appendice aux déclarations officiell
586
on pourrait croire qu’elle n’est plus aujourd’hui
qu’
un appendice aux déclarations officielles, un ornement peut-être vain,
587
devenue périphérique. Comment expliquer autrement
qu’
il soit admis sans question, de nos jours, que l’esprit subordonne ses
588
ent qu’il soit admis sans question, de nos jours,
que
l’esprit subordonne ses intérêts à ceux de l’économie, de la politiqu
589
de la politique, ou de la défense nationale ? Et
que
personne ne s’avise de soutenir qu’il faudrait inverser cette hiérarc
590
ationale ? Et que personne ne s’avise de soutenir
qu’
il faudrait inverser cette hiérarchie ? Rendue matériellement dépendan
591
Rendue matériellement dépendante de l’État, plus
qu’
elle ne le fut jamais du mécénat privé, notre culture se voit contrain
592
si bien vu l’importance primordiale de la culture
qu’
ils l’ont immédiatement étatisée. Ils lui ont rendu officiellement sa
593
dénaturent et l’asservissent. Or, il est évident
que
ces conditions sont particulièrement graves pour l’Europe, puisqu’ell
594
ent de la primauté dans nos vies nationales, soit
qu’
elle se laisse subordonner aux intérêts économiques ou politiques, soi
595
nner aux intérêts économiques ou politiques, soit
qu’
elle se contente d’une liberté honoraire, sans responsabilité, et d’un
596
rope existait réellement là où toutes les valeurs
que
symbolise le mot culture représentaient des fins en soi ; là où toute
597
l’Évangile rendait le son le plus authentique : «
Que
servirait à un homme de gagner le monde, s’il perdait son âme ? » ⁂ J
598
âme ? » ⁂ J’admets ici, comme hypothèse de base,
qu’
il faut sauver l’Europe et sauver la culture. Si je pensais, comme cer
599
sauver la culture. Si je pensais, comme certains,
qu’
il est trop tard, je me tairais, ou je me ferais Américain. Mais il es
600
itique, si elle est colonisée par l’Amérique — ce
qu’
elle désire parfois — ou envahie par la Russie, certains pensent que n
601
fois — ou envahie par la Russie, certains pensent
que
notre culture serait alors notre dernier refuge, qu’on ferait de l’Eu
602
notre culture serait alors notre dernier refuge,
qu’
on ferait de l’Europe un musée dans les ruines, pour l’agrément des mi
603
ssance. Elle sera peut-être unie, c’est même plus
que
probable, par les soins d’experts étrangers ou d’une police qui a fai
604
t fait sa grandeur à partir d’un médiocre destin.
Que
servirait à l’Europe de recevoir une unité, si ce n’était pas celle d
605
liberté ? L’Europe sans sa culture, réduite à ce
qu’
elle est, ne serait plus qu’un cap de l’Asie — et l’Asie n’a jamais pa
606
culture, réduite à ce qu’elle est, ne serait plus
qu’
un cap de l’Asie — et l’Asie n’a jamais passé pour la terre de la libe
607
de réalités : l’Europe et la culture universelle
qu’
elle a produite sont deux réalités coextensives. Elles naissent et meu
608
ves. Elles naissent et meurent du même mouvement.
Qu’
en est-il de ce mouvement, au milieu de notre siècle ? Va-t-il vers la
609
rs la renaissance ou vers la décadence ? Je crois
que
la sublime réponse à la question des lendemains nous a été donnée une
610
ui vient de perdre la guerre fait actuellement ce
qu’
on appelle une névrose d’infériorité. Pourtant, les faits ne justifien
611
t du charbon, de près d’un tiers de l’électricité
que
produit aujourd’hui la planète. Nous disposons surtout de ressources
612
itions ne s’imitent pas, une capacité d’invention
que
le monde entier peut nous envier. Qu’avons-nous inventé, nous les Eur
613
d’invention que le monde entier peut nous envier.
Qu’
avons-nous inventé, nous les Européens, depuis cent ans ? Je répondrai
614
s les Européens, depuis cent ans ? Je répondrai :
que
n’avons-nous pas inventé ? Je cite pêle-mêle : le marxisme et la psyc
615
ou quelques rythmes de leurs danses. Finalement,
que
sont les empires qui prétendent partager le monde à nos dépens ? L’Am
616
culture, l’une dès ses origines, et l’autre en ce
qu’
elle a de moderne justement. Calvin et le puritanisme, d’un côté, plus
617
tures évidemment ; mais ce n’est point par hasard
que
ces deux grands pays semblent appeler ce procédé de description : leu
618
description : leurs traits les plus frappants, et
qu’
ils croient spécifiques, ne sont souvent que des emprunts à notre fond
619
s, et qu’ils croient spécifiques, ne sont souvent
que
des emprunts à notre fonds, mais développés là-bas sans mesure ni cri
620
nt notre faiblesse et notre angoisse ? D’où vient
que
nous ayons perdu, ou que nous croyions avoir perdu la puissance et l’
621
re angoisse ? D’où vient que nous ayons perdu, ou
que
nous croyions avoir perdu la puissance et l’initiative, dès qu’il s’a
622
e et l’initiative, dès qu’il s’agit d’autre chose
que
de peinture, de parfums, ou de vins du cru ? J’ai dit que nous sommes
623
einture, de parfums, ou de vins du cru ? J’ai dit
que
nous sommes trois-cents-millions à l’ouest du rideau de fer. C’est vr
624
ou des Grecs, c’est-à-dire comme s’ils n’étaient
que
quarante millions, soixante millions ou trois millions. Nous parlons,
625
qu’ils en tirent quelque orgueil, encore faut-il
qu’
ils aient conscience d’appartenir à la famille européenne. Sinon, chac
626
iste les quelques noms de son pays et n’en tirera
qu’
une raison de plus de se sentir minoritaire, ou pauvre. Il en va de mê
627
sibilité de les résoudre un jour. Je ne dirai pas
que
la division de l’Europe en vingt nations, chacune trop petite, rend c
628
. Et elle rend compte de la névrose d’infériorité
que
j’ai dite. La division de l’Europe nous prive de la puissance dont to
629
ées, des personnes et des œuvres, et l’on sait ce
qu’
il en est aujourd’hui à cet égard. La condition nécessaire, sinon suff
630
du maintien de ce foyer de création et de liberté
que
représente l’Europe dans le monde, et que rien ne peut remplacer. Qu’
631
liberté que représente l’Europe dans le monde, et
que
rien ne peut remplacer. Qu’avons-nous fait pour nous unir ? Dans le d
632
ope dans le monde, et que rien ne peut remplacer.
Qu’
avons-nous fait pour nous unir ? Dans le domaine politique, nous avons
633
nous avons Strasbourg. Ce n’est pas beaucoup plus
qu’
une promesse, mais c’en est une. Nous verrons ce qu’elle vaut, avant l
634
’une promesse, mais c’en est une. Nous verrons ce
qu’
elle vaut, avant la fin de l’année. Dans le domaine économique, nous a
635
de cette culture dont on ne saurait trop répéter
qu’
elle est le vrai, le seul secret de notre puissance, il est temps de p
636
roblèmes à résoudre. Troisièmement, l’on constate
qu’
aucun de nos instituts culturels nationaux ne peut parler, actuellemen
637
l’Europe qui se voit attaqué par les propagandes
que
l’on sait. La nécessité se fait donc sentir d’un organisme dont la ra
638
itres principaux, ce n’est rien d’autre, en fait,
que
le programme du Centre européen de la culture, qui s’est ouvert à Gen
639
Strasbourg, la création d’une armée de l’Europe.
Que
cette armée soit nécessaire, c’est la déplorable évidence. Mais elle
640
uples, suppose la reconnaissance de deux réalités
qu’
oublient généralement nos « réalistes ». La première, c’est que l’Eur
641
néralement nos « réalistes ». La première, c’est
que
l’Europe est une culture (civilisation si l’on préfère) ou n’est qu’u
642
e culture (civilisation si l’on préfère) ou n’est
qu’
un appendice insignifiant de l’Asie. Et cela veut dire que la vraie so
643
pendice insignifiant de l’Asie. Et cela veut dire
que
la vraie source de la puissance européenne est sa culture, et qu’il s
644
rce de la puissance européenne est sa culture, et
qu’
il serait absurde et vain d’essayer de sauver l’une sans l’autre. La s
645
r de sauver l’une sans l’autre. La seconde, c’est
que
le ressort intime, mais aussi le but final de la culture occidentale,
646
se : la liberté de la personne. Et cela veut dire
que
les chances de l’Europe se confondent aujourd’hui avec les chances de
647
ntre les stalinistes et nous, Européens, il n’y a
qu’
un mot : démocratie. Pour eux, cela veut dire dictature. Pour nous, li
648
ité. Nous savons où sont nos alliances. 13. Tels
que
le Collège d’Autriche, la Deutsche Europa Akademie, le Centro di Stud
649
strer les preuves méticuleuses d’une souveraineté
que
nul ne songe à contester. On nous demande pourquoi nous venons ici. —
650
. (Réponse propre à faire croire au fonctionnaire
que
c’est M. Nehru qui patronne le Congrès, alors qu’en vérité, il s’est
651
bien convaincu : il voudrait obtenir des réponses
qu’
il connaît. Finalement : — Où habiterez-vous ? — Au Taj Mahal Hôtel. S
652
t. — Au Taj ? OK. OK ? On le dirait à moins. Plus
qu’
un hôtel, c’est un quartier de ville en un seul bâtiment surmonté d’un
653
Du plafond pend une grande hélice à quatre pales,
qu’
un bouton électrique met en marche : trois vitesses. Sol de dalles gri
654
’entendant rien venir, et de m’apercevoir ensuite
qu’
ils étaient là déjà depuis un long moment. Pourquoi trois ? Je me dis
655
depuis un long moment. Pourquoi trois ? Je me dis
que
le premier prend les ordres, que le second probablement les enregistr
656
rois ? Je me dis que le premier prend les ordres,
que
le second probablement les enregistre, et que le troisième les exécut
657
es, que le second probablement les enregistre, et
que
le troisième les exécute. Mais non, tout simplement, il y a trop de g
658
t des blocs de papier. Ils attendent. Je leur dis
que
c’est tout ce que je désire. Mais eux voudraient me poser quelques qu
659
ier. Ils attendent. Je leur dis que c’est tout ce
que
je désire. Mais eux voudraient me poser quelques questions. Mon opini
660
t en Amérique du Sud : plus uniformément modernes
que
les nôtres. Notons une légère frustration de notre sens de l’exotisme
661
èce de curiosité, toujours au bord de la ferveur,
qu’
évoque le terme d’exotisme : rien de plus typiquement européen. Parmi
662
de ne le point trouver aussi pur et déconcertant
qu’
ils le rêvaient. Pour l’Indien, le Chinois, l’Arabe, l’étranger n’a ja
663
quelles une croyance inverse prédomine. Il semble
qu’
au regard de la « hideuse vulgarité » de l’Occident, dont parlait réce
664
r ordre et sans autres problèmes, la faim n’étant
qu’
un ennemi. L’Occidental, qui ne se connaît plus, va voir ailleurs comm
665
sérieux de partager la foi de ceux dont il admire
qu’
ils en aient une. Ceci dit, je n’aurai de cesse que je n’aie découvert
666
u’ils en aient une. Ceci dit, je n’aurai de cesse
que
je n’aie découvert, à mon tour, derrière l’immense façade des quais s
667
ar son intelligentsia, c’est retrouver d’abord ce
que
nous connaissions, avec la seule surprise de n’en pas avoir d’autres.
668
es premières heures de débats, il devient évident
que
leurs problèmes s’énoncent dans les mêmes termes qu’en Europe. Il y a
669
leurs problèmes s’énoncent dans les mêmes termes
qu’
en Europe. Il y a ceux qui pensent que l’URSS c’est la justice, les US
670
êmes termes qu’en Europe. Il y a ceux qui pensent
que
l’URSS c’est la justice, les USA la liberté ; ceux qui scrupuleusemen
671
er neutralisme et neutralité ; ceux qui demandent
que
les démocraties balayent devant leur porte, se réforment d’abord, et
672
ux enfin qui se frappent la poitrine en déclarant
qu’
il y a de l’indécence à venir parler de culture dans un pays où des mi
673
rès. Je quitterai l’Inde sans avoir voulu dire ce
que
j’en pense, qui se résume à ceci : si les anciens Hindous, les Égypti
674
ent déclaré en leur temps : point de culture tant
qu’
il subsiste de la misère et de la famine, il n’y aurait point de civil
675
r ici contre la force d’un proverbe, si convaincu
que
je sois qu’il dit faux, que ce sont les repus qui n’écoutent pas, et
676
la force d’un proverbe, si convaincu que je sois
qu’
il dit faux, que ce sont les repus qui n’écoutent pas, et que la diset
677
roverbe, si convaincu que je sois qu’il dit faux,
que
ce sont les repus qui n’écoutent pas, et que la disette est mère des
678
aux, que ce sont les repus qui n’écoutent pas, et
que
la disette est mère des civilisations, comme l’angoisse l’est de la p
679
sations, comme l’angoisse l’est de la pensée. ⁂ —
Que
cherchez-vous ? me dit Raja Rao, que je rencontre dans le hall du Taj
680
pensée. ⁂ — Que cherchez-vous ? me dit Raja Rao,
que
je rencontre dans le hall du Taj. (Il a l’air d’un Gitan avec ses bou
681
quitté la voiture à l’entrée d’une ruelle étroite
que
nous descendons lentement jusqu’à des escaliers très raides et compli
682
me rose très pâle et un peu mauve des cotonnades,
que
je n’avais encore vu qu’en Italie et plus rarement au Brésil.) Nous d
683
eu mauve des cotonnades, que je n’avais encore vu
qu’
en Italie et plus rarement au Brésil.) Nous descendons. Les escaliers
684
blancs, sérieux et lent. Raja Rao lui demande ce
qu’
il lit. C’est un chant du Mahabharata. Ils écoutent sans bouger, jeune
685
iveurs semblaient vouloir montrer avec insistance
qu’
ils suivaient. ⁂ Le prêtre, le swami, le holy man : plus ils sont sain
686
tiques, toujours plus lourdement revêtus à mesure
qu’
ils gravissent la hiérarchie sacrée. Nos mouvements de réforme religie
687
des soies, des couleurs, des bijoux, je songeais
que
l’idée de « mauvais goût » devient inconcevable en Inde, alors qu’un
688
’eût pas manqué de l’évoquer dans nos pays. C’est
qu’
ici, rien ne relève du « goût », mais chaque forme et chaque geste son
689
autrement inquiétante de l’Asie. Comment dire ce
que
l’on sent être à ce point étranger aux concepts formulés par l’Europe
690
curité le sentiment, mal distinct d’une angoisse,
qu’
ici le Moi, l’ego central, n’existe pas ? Ces danseurs sont des rôles,
691
t séparée. Je serais tenté d’imaginer à la limite
qu’
ils ne sont rien que chair opaque, virilité à l’état pur. Aussi tyrann
692
tenté d’imaginer à la limite qu’ils ne sont rien
que
chair opaque, virilité à l’état pur. Aussi tyranniquement déterminés
693
instruments et les figures dynamiques de la danse
que
l’animal par ses instincts. Sans problèmes, sans contradictions, sans
694
aucune espèce de liberté possible, s’il est vrai
que
toute liberté suppose quelque hiatus intime entre le Moi et le destin
695
us intime entre le Moi et le destin. Il me semble
qu’
au seuil de comprendre, je viens de sentir au moins pourquoi l’Asie pe
696
y a bien moins d’irrévérence dans cette remarque
qu’
un Occidental ne le pensera, ignorant par exemple que les Indiens reli
697
un Occidental ne le pensera, ignorant par exemple
que
les Indiens religieux vénèrent jusqu’à la bouse des vaches sacrées, d
698
s, dont ils enduisent le four de leur cuisine, ou
qu’
ils s’appliquent sur les cheveux et sur le front en triples traits, no
699
ont vraiment distincts, marchant vers autre chose
que
leur nature, quand tout le reste est déterminé par la fonction, l’esp
700
s de fruits et glaces, servis dans de petits bols
que
l’on dépose sans relâche et sans ordre sur le pourtour d’un grand pla
701
mme on sait par mille complexes, sexuels surtout.
Qu’
en est-il en Inde ? Les Indiens échangent un sourire, hésitent un peu,
702
un peu, par politesse sans doute, et disent enfin
que
non, qu’ils n’ont pas de complexes, surtout pas de complexes sexuels.
703
ar politesse sans doute, et disent enfin que non,
qu’
ils n’ont pas de complexes, surtout pas de complexes sexuels. Spender
704
duit à sa plus grande simplicité. Je reviens à ce
que
j’écrivais sur l’absence de contradiction dans l’être intime de l’Asi
705
l’Asiatique : c’est une autre manière d’exprimer
qu’
il n’a pas le sens du péché ; et par suite, qu’il n’a pas non plus le
706
er qu’il n’a pas le sens du péché ; et par suite,
qu’
il n’a pas non plus le sens de la révolte, ni celui de l’humour, ni mê
707
l’état présent des choses, on comprend fort bien
que
notre idée de l’originalité (dans les arts ou dans la conduite) ne si
708
on individuelle ne sont pas vues, ou bien ne sont
qu’
erreurs. Le besoin d’être original, et dans un autre ordre l’humour, e
709
nelle. Alors la vocation vient remplacer le rôle.
Qu’
elle fasse défaut, et nous vivons dans l’incertain, l’absurde ou la mé
710
on pas d’un ego, d’un être différent qui ne vivra
qu’
une fois. Il résiste sans contre-attaque, sans chercher à détruire un
711
un plébiscite “démocratique”, qui ne peut tourner
qu’
à l’avantage des communistes. Mais prenez l’affaire du Kashmir : là, p
712
t progressiste, et qui est hindoue. N’oubliez pas
que
le Pandit est du Kashmir. Prenez enfin l’affaire du blé. La famine me
713
isonner leurs leaders. Staline s’en moque, pourvu
que
l’Inde appuie la Chine. Et cinq des grands ambassadeurs de l’Inde son
714
low-travellers… » Un diplomate : « Nul ne sait ce
qu’
il va faire. Il suit surtout la ligne de ses humeurs. L’autre jour, au
715
enir Premier ministre… » Telles sont les opinions
que
l’on m’a confiées depuis que je suis dans ce pays — douze jours seule
716
es sont les opinions que l’on m’a confiées depuis
que
je suis dans ce pays — douze jours seulement — et je n’en prends aucu
717
ondamnant le neutralisme. J’avais lu dans l’avion
que
le Premier ministre devait rentrer ce matin même du Kashmir, après un
718
e noire, tête nue. Un prince d’Orient, aussi beau
qu’
on le dit. Légèrement boudeur, m’a-t-il semblé d’abord. (À la première
719
, m’a-t-il semblé d’abord. (À la première mention
que
je risque du Congrès, baissant la tête et regardant sa main posée sur
720
u à Hollywood quant au volume de production, mais
qu’
il juge pire encore quant à la qualité ; parlant des douze grandes lan
721
ousse un pion, profitant d’un silence. Je lui dis
que
Madariaga, dans la séance de clôture du congrès, s’est écrié : « Votr
722
…) Au café, je lui dis mon étonnement à découvrir
que
l’intelligentsia de son pays présente avec la nôtre tant d’analogies,
723
u français, mais l’Inde ne connaît guère l’Europe
que
par les collèges anglais, et d’autre part, elle est tentée de juger l
724
il du palais. « N’oubliez pas de dire à Madariaga
que
je l’attends. Ou plutôt non, je lui téléphonerai. » Un sourire un peu
725
de la main. J’essaie maintenant de recomposer ce
que
l’on m’a dit de lui et ce que j’ai vu de l’homme, pendant une entrevu
726
nt de recomposer ce que l’on m’a dit de lui et ce
que
j’ai vu de l’homme, pendant une entrevue « banale », et c’est son pri
727
nt le destin, complice de sa nature intime plutôt
que
de ses idées, a fait un prince. Que ce pandit soit devenu Premier min
728
intime plutôt que de ses idées, a fait un prince.
Que
ce pandit soit devenu Premier ministre, il s’agit là d’un caprice de
729
comme distinct de son rôle historique. On dirait
qu’
il le voit avec quelque distance. Un moraliste en somme, mais sans foi
730
manitaire, et à Gandhi. Avec cela, plus impatient
qu’
autoritaire, plus soucieux de noblesse morale que de logique. Son déda
731
qu’autoritaire, plus soucieux de noblesse morale
que
de logique. Son dédain mal dissimulé pour la culture américaine est c
732
italisme promis à des crises fatales. Les mesures
qu’
il vient de prendre contre la presse, au nom d’un idéal de « propreté
733
lle contre l’opposition. En dépit de ces défauts,
que
les Indiens lui reconnaissent, entouré du respect général. Cela tient
734
Tout le monde parle de sa beauté. Et il est vrai
que
son visage et son maintien expriment une harmonie de l’âme hindoue qu
735
maintien expriment une harmonie de l’âme hindoue
que
la plupart des corps, dans ce pays, cachent et même contredisent à no
736
yeux fixes et brillants, nous apparaît plus près
que
nous de l’animal, ou soudain plus près de l’esprit. (Le businessman o
737
que d’une race ? L’individualité n’est jamais née
qu’
en rupture de magie. Cette crise profonde de l’Inde se résume en Nehru
738
Certes, mais l’Inde en soi n’existe pas ailleurs
que
dans nos idées vagues sur son mystère. Elle ne peut plus ressembler q
739
ues sur son mystère. Elle ne peut plus ressembler
qu’
à ce qu’elle deviendra. En six siècles, le monde a changé ; une Inde i
740
son mystère. Elle ne peut plus ressembler qu’à ce
qu’
elle deviendra. En six siècles, le monde a changé ; une Inde indépenda
741
nte eût changé elle aussi. Le fait certain, c’est
qu’
elle n’a pu le faire au rythme accéléré de notre histoire. Elle a manq
742
ontraire, un immense embarras devant le monde tel
que
d’autres l’ont fait. Jetée dans la lice des États, au milieu d’une pa
743
ne sait pas quel camp choisir. Comme on comprend
que
Nehru, qui doit « jouer » pour elle sur le plan international, ne soi
744
our elle sur le plan international, ne soit tenté
que
par le rôle d’arbitre ! Admettons que l’Amérique représente aujourd’h
745
soit tenté que par le rôle d’arbitre ! Admettons
que
l’Amérique représente aujourd’hui le monde des libertés individuelles
746
tachent d’elle ou la renient. L’évolution normale
que
provoquerait une suppression réelle des castes rapprocherait l’Inde d
747
Europe en particulier. Mais elle n’affecte encore
que
l’intelligentsia16. Celle-ci d’ailleurs rejoint plus facilement nos i
748
ailleurs rejoint plus facilement nos incertitudes
que
nos fois… Entre un passé réduit à l’impuissance pratique mais qui rés
749
blèmes, l’Inde est problèmes. Je n’ai guère parlé
que
du plus intime d’entre eux, tel que j’ai cru le pressentir : celui de
750
i guère parlé que du plus intime d’entre eux, tel
que
j’ai cru le pressentir : celui de l’homme entre le mythe et la person
751
ne désastreuse insuffisance, s’accroît moins vite
que
la population, qui déborde la nuit sur les trottoirs. (Un lit pour de
752
ans cette intelligentsia de formation occidentale
que
se recrutent les staliniens de l’Inde et leurs alliés. Le communisme,
753
éal et doctrine révolutionnaire, n’a guère touché
que
les milieux d’étudiants et les populations très anciennement chrétien
754
t par la note suivante : « Ces tableaux de l’Inde
que
Denis de Rougemont rapporte d’un récent voyage forment un curieux con
755
ieux contraste avec les pages de Somerset Maugham
que
nous avons publiées dans notre précédente livraison. Après l’Inde rel
756
moyen Les Suisses sont plus réellement moyens
que
« l’homme moyen » des autres peuples, support ou résultat fictif des
757
dénombré cinquante-deux actuellement existantes.)
Que
deviennent nos fameuses diversités dans cette moyenne qui semble les
758
régime qui permet à chacun de rester soi-même où
qu’
il vive, à droits égaux mais à charge de respect pour les coutumes loc
759
mme d’une nation « une et diverse ». Il faut voir
qu’
elle est une parce qu’elle est diverse. Le goût du juste milieu, le se
760
formisme, sont les vertus et les défauts typiques
qu’
appelle la tolérance fédéraliste. Enquêtes sociologiques, études d’opi
761
s’y méprendre aux Suisses parmi lesquels je vis,
que
je vois dans la rue, que j’entends dans les trains, avec lesquels j’a
762
s parmi lesquels je vis, que je vois dans la rue,
que
j’entends dans les trains, avec lesquels j’ai fait mon service milita
763
avec lesquels j’ai fait mon service militaire ou
que
je rencontre à l’étranger, livrés aux joies inépuisables de la compar
764
es données de fait et les impératifs concrets, et
qu’
ils la jugent au surplus satisfaisante. Une enquête conduite par l’ins
765
dans six pays d’Europe et aux États-Unis, montre
qu’
ils sont « en tête des gens heureux », comme l’écrit un journal frança
766
niveau de vie, tandis que 38 % s’en plaignent et
que
14 % n’en pensent rien, une majorité écrasante de 88 % des Suisses tr
767
e majorité écrasante de 88 % des Suisses trouvent
que
cela va très bien ainsi. Mais il y a mieux. À la question posée par u
768
publique : « D’une manière générale, diriez-vous
que
vous êtes très heureux, plutôt heureux, pas très heureux ? » 42 % rép
769
s heureux. (Reste 1 % pour les désespérés ou ceux
que
la question laisse froids.) Ce n’est pas que tout soit parfait dans l
770
ceux que la question laisse froids.) Ce n’est pas
que
tout soit parfait dans la meilleure des Suisses possibles, mais le mo
771
nnaire, mais rien non plus de moins réactionnaire
que
le Suisse moyen. Réformiste conservateur, il évolue avec ténacité ver
772
n de l’économie et de la distribution des revenus
que
les socialistes d’antan revendiquaient sans trop oser y croire, et qu
773
’antan revendiquaient sans trop oser y croire, et
que
les patrons modernes négocient posément avec des chefs syndicalistes
774
nts, c’est le goût du travail dont on a pu écrire
qu’
il est « le mode existentiel des Suisses », la base de leurs rapports
775
La coutume patricienne n’a guère laissé de traces
que
dans quelques banques privées ; le parti radical a perdu la puissance
776
s privées ; le parti radical a perdu la puissance
qu’
il exerçait jusqu’aux débuts de ce siècle sur les nominations dans la
777
e en général fidèle à son métier. Dire d’un homme
qu’
il a fait beaucoup de métiers est un éloge banal en Amérique (ou versa
778
lents, polyvalent) mais n’éveille guère en Suisse
que
de sérieux soupçons sur la valeur morale du personnage. Les loisirs e
779
st en symbiose avec elles, et s’en nourrit autant
qu’
il explique leur succès dans la majorité de nos cantons. « Simplifions
780
itaine et technique, ennemie de la dépense autant
que
de l’apparat, et même des majuscules typographiques (voir l’école gra
781
ux de sa religion, ou déjà ceux de l’utilitarisme
que
certains jugent inhérent à la nouvelle civilisation de l’Occident, —
782
à la nouvelle civilisation de l’Occident, — celle
que
le monde entier lui attribue désormais, lui reproche vertueusement et
783
s difficile d’y répondre dans le cas de la Suisse
que
dans celui des États-Unis par exemple19. Car la Suisse reste tributai
784
oral de son auteur. D’où il résulte, par exemple,
que
le goût du travail correspond chez le Suisse moyen à une exigence mor
785
chez le Suisse moyen à une exigence morale plutôt
qu’
au seul désir de gagner davantage. La paresse est une déficience, et n
786
uête intitulée Un jour en Suisse : « Estimez-vous
qu’
on peut être un bon Suisse et se lever à 9 heures ? » À l’origine du d
787
lever tôt pour travailler, il y a la Bible autant
que
la coutume paysanne et bien plus que l’utilitarisme. Il y a d’abord l
788
Bible autant que la coutume paysanne et bien plus
que
l’utilitarisme. Il y a d’abord la bonne conscience, bien plus que le
789
me. Il y a d’abord la bonne conscience, bien plus
que
le sens du rendement objectif : car, ainsi que l’a bien dit une mauva
790
us que le sens du rendement objectif : car, ainsi
que
l’a bien dit une mauvaise langue, le Suisse se lève tôt, mais il se r
791
uisse se lève tôt, mais il se réveille tard. Mais
qu’
en est-il d’autres domaines critiques de l’existence morale en Occiden
792
t pas moins connus pour la licence de leurs mœurs
que
pour l’austérité patriarcale de leurs principes. Les chroniques illus
793
tendaient au contraire, pour l’épouser, la preuve
qu’
elle pouvait être mère), cent témoignages concordants décrivent une Su
794
ndant un siècle. Il est d’autant plus remarquable
que
le Suisse moyen formé à cette école ne soit pas devenu le révolté qu’
795
formé à cette école ne soit pas devenu le révolté
qu’
on serait tenté d’imaginer, et que les Églises soient aujourd’hui plus
796
venu le révolté qu’on serait tenté d’imaginer, et
que
les Églises soient aujourd’hui plus vivantes qu’hier. Les nouvelles g
797
que les Églises soient aujourd’hui plus vivantes
qu’
hier. Les nouvelles générations me paraissent tranquillement libérées
798
els aussi. D’où l’on pourrait déduire d’une part
que
les exigences de la chair étaient bien fortes en ce pays pour que la
799
rer tant d’efforts à les réfréner ; d’autre part,
que
la religion devait exercer un empire bien puissant pour que ses disci
800
eptés aussi communément et sans plus de rébellion
que
de désaffection. D’autres indices viennent-ils corroborer cette concl
801
ure des publications n’est officiellement exercée
qu’
aux frontières du pays. La pudeur de la jeunesse suisse est ainsi prot
802
s du moral et de l’immoral ? Je n’en ai découvert
qu’
un seul : « La discipline, un point c’est tout ! », me criait hier enc
803
quelques centimètres hors de la file des voitures
qu’
il lui avait plu d’organiser devant le poste, — souvenir de l’école en
804
âtonnets pendant des heures et il fallait surtout
que
rien ne dépasse. Ce qui dépasse aux yeux de la censure, ce sont les œ
805
es d’un tel office ne sauraient être, évidemment,
que
ceux de la banalité morale la plus plate et la plus résiduelle. On in
806
art « où un particulier non averti ne chercherait
qu’
une excitation pour les sens20 ». Faut-il penser que les Suisses bénéf
807
’une excitation pour les sens20 ». Faut-il penser
que
les Suisses bénéficient vraiment d’une sensualité si violente qu’un r
808
bénéficient vraiment d’une sensualité si violente
qu’
un rien, la moindre négligence risquerait de la porter aux pires excès
809
farouches approbations ; on les considère pour ce
qu’
elles sont : résidus de préjugés sociaux ou religieux qui n’ont plus b
810
r « comprendre » ce genre de routines officielles
que
les vieux se croient obligés de cultiver, mais cela changera bientôt,
811
rs de Suisse21. L’humoriste Georges Mikes affirme
qu’
un habitant de l’Obwald lui a dit : « Je préférerais donner ma fille à
812
donner ma fille à un homme de Winterthour plutôt
qu’
à quelqu’un de Nidwald » (canton voisin). En revanche, raconte-t-il :
813
bien entendu, et m’expliqua en grande confidence
qu’
elle faisait de grands efforts pour traiter sa bru ‟comme si elle étai
814
tait l’une des nôtres”, tout en sachant fort bien
que
‟ces mariages mixtes ne réussissent jamais”. Elle voyait dans son att
815
Autriche) pour la proportion des divorces, depuis
que
la mobilité de sa population d’un canton à l’autre a entraîné un accr
816
une exigence accrue à l’égard du mariage et de ce
qu’
il peut représenter pour le développement personnel de chacun des conj
817
ans la vie sociale…23 Au total, il ne semble pas
que
« l’immoralité » progresse notablement dans les cantons, comme elle l
818
ie elle-même qui devient le danger, ses surprises
que
le poste « divers et imprévu » au budget de la petite famille ne suff
819
pas à couvrir, peut-être. Et certaines questions
qu’
on se pose sur le sens final de tout cela… ⁂ Ce portrait, garanti conf
820
l’expérience quotidienne, montre les Suisses tels
qu’
ils sont et se veulent. Ceux qui refuseront de s’y reconnaître ne sero
821
ait, ce n’est pas un éloge, ni une critique. Dire
que
le Suisse moyen est sérieux mais heureux (j’ajoute qu’il rit beaucoup
822
e Suisse moyen est sérieux mais heureux (j’ajoute
qu’
il rit beaucoup et facilement), qu’il est réaliste sans cynisme, qu’il
823
reux (j’ajoute qu’il rit beaucoup et facilement),
qu’
il est réaliste sans cynisme, qu’il accepte sa condition comme il appr
824
et facilement), qu’il est réaliste sans cynisme,
qu’
il accepte sa condition comme il approuve son régime politique et accl
825
e et acclame son niveau de vie neuf fois sur dix,
qu’
il n’est pas révolutionnaire mais résolument réformiste, et qu’il n’ai
826
as révolutionnaire mais résolument réformiste, et
qu’
il n’aime pas les jeux d’idées ni la spéculation dans aucun ordre, enf
827
d’idées ni la spéculation dans aucun ordre, enfin
que
le travail est sa vie, est-ce le vanter ou le dénigrer ? Il est clair
828
e, est-ce le vanter ou le dénigrer ? Il est clair
que
c’est l’un et l’autre, selon le signe dont on affecte les notions de
829
tion, de gratuité ou d’efficacité, etc., et selon
qu’
on préfère ceux qui s’engagent dans les guerres d’idéologies à ceux qu
830
pourtant de tels hommes qui donnent à un pays ce
qu’
on appelle son visage, visage bientôt « traditionnel ». On répète qu’i
831
isage, visage bientôt « traditionnel ». On répète
qu’
ils expriment l’âme de leur patrie, mais on oublie qu’ils l’ont créée
832
ls expriment l’âme de leur patrie, mais on oublie
qu’
ils l’ont créée d’abord (bien que dans un langage donné, qui existait
833
ue dans un langage donné, qui existait avant eux,
qu’
ils renouvellent seulement). Il y a dans une patrie, dans une nation,
834
, dans une communauté humaine bien plus de choses
que
nos instruments d’analyse des consciences actuelles n’en peuvent comp
835
alités longuement agissantes et soudain décisives
que
l’homme moyen ne peut pas exprimer, bien qu’il en vive, — ou faut-il
836
ns un film naguère célèbre, Orson Welles assurait
que
la Suisse n’a donné au monde que la pendule à coucou. J’imagine qu’il
837
Welles assurait que la Suisse n’a donné au monde
que
la pendule à coucou. J’imagine qu’il entendait dire que la Suisse n’a
838
donné au monde que la pendule à coucou. J’imagine
qu’
il entendait dire que la Suisse n’a produit rien de grand, hommes, idé
839
pendule à coucou. J’imagine qu’il entendait dire
que
la Suisse n’a produit rien de grand, hommes, idées ou objets, comme l
840
rnière Orson Welles et la Bombe. Il faut admettre
que
notre aurea mediocritas saute aux yeux du premier venu, tandis que le
841
à demeurer à peu près invisible. Comment veut-on
qu’
un étranger le voie ? Si cet étranger vient chez nous et cite l’un des
842
étranger vient chez nous et cite l’un des Suisses
qu’
il connaît par sa réputation mondiale, il ne trouvera pas une personne
843
du ce nom-là ; en revanche, les hommes importants
qu’
on lui indiquera sont inconnus hors du canton. La Suisse résulte, l’ai
844
un homme qui le représente. D’où les conséquences
qu’
on a vues dans le domaine de la vie publique : tout se ligue instantan
845
peu voyant administre l’État, on ne saurait dire
qu’
il gouverne les Suisses, et c’est très bien. Mais dans le domaine de l
846
alités d’un mécène ou d’une cour. C’est tout cela
qu’
interdisent moralement nos principes, et physiquement nos petits compa
847
ncipes, et physiquement nos petits compartiments.
Que
fera dans ces conditions l’homme de talent ou d’ambition ? Il a trois
848
essant de définir certaines conduites spécifiques
que
lui imposent les petites dimensions de notre État et les conditions d
849
erçu. — Il y a ceux qui ne laissent rien paraître
que
leur identité native et naturelle. Ce n’est pas se dissimuler, en vér
850
igieux, fantastiques à la fin (L’Araignée noire),
que
Thomas Mann qualifie d’homériques. Toutes les familles l’ont lu, en S
851
t — celle de mon talent et de ma joie. » Je crois
que
c’est Paul Bourget qui a dit que « Paris en eût fait un dieu ». Mais
852
joie. » Je crois que c’est Paul Bourget qui a dit
que
« Paris en eût fait un dieu ». Mais ce n’eût été qu’un dieu de salons
853
« Paris en eût fait un dieu ». Mais ce n’eût été
qu’
un dieu de salons, un dieu causeur. Jacob Burckhardt à sa manière fut
854
Un pour tous, tous pour un, c’est moins un idéal
qu’
une vitale obligation de solidarité pratique. Quand un Suisse entrepre
855
créatrice ou son génie individuel, en démontrant
qu’
il fait une œuvre utile au bien commun. Et c’est pourquoi les Suisses
856
mmunauté (qui souvent dépassait leur pays) plutôt
que
créateurs d’art ou de pensée pure. Médecins praticiens, guérisseurs d
857
définies. Le salut de l’homme ou sa santé, plutôt
que
sa définition, préoccupent les meilleurs esprits suisses. Il est poss
858
sse excelle et se dépasse, mais dans le seul sens
qu’
elle ait jamais voulu se permettre : celui de la cure d’âme et d’espri
859
nces, et par sa rhétorique du « tout cela et rien
que
cela » (qu’il a puisée dans saint Paul), il est le seul théologien de
860
sa rhétorique du « tout cela et rien que cela » (
qu’
il a puisée dans saint Paul), il est le seul théologien depuis Calvin
861
ses protestantes, en Amérique comme en Europe, et
que
les docteurs de Rome respectent et commentent. Carl Gustav Jung, dan
862
n personnelle de réalités animiques, collectives (
qu’
on lui reproche de mal définir) et qu’il a détectées dans la grande nu
863
ollectives (qu’on lui reproche de mal définir) et
qu’
il a détectées dans la grande nuit des âges. Autant Barth refuse le ph
864
e — mais quand il déclare, dans sa Réponse à Job,
que
la proclamation du dogme de l’Assomption de la Vierge en 1950 marque
865
s Jung se réfère aux livres apocryphes, non moins
qu’
à la « shakti » hindoue ou à l’Éternel féminin des mystiques hérétique
866
Dieu est une réalité psychique. Le théologien n’a
que
faire de la psychologie. Il la met entre parenthèses pour ne considér
867
e. Il la met entre parenthèses pour ne considérer
que
la totalité de l’existence « en tant qu’objet soumis à la déterminati
868
role de Dieu24 ». En revanche, le psychologue n’a
que
faire des dogmes, sauf s’ils sont l’expression cristallisée d’un myth
869
ment dans la mesure où ils seraient un mythe fixé
que
Barth les rejetterait. Le dialogue entre ces deux hommes n’était même
870
même très partielle n’a été entreprise jusqu’ici,
que
je sache. (Un jour, peut-être, j’essaierai de me rendre compte de ce
871
peut-être, j’essaierai de me rendre compte de ce
que
je dois à l’un autant qu’à l’autre de ces maîtres incompatibles.) Nou
872
me rendre compte de ce que je dois à l’un autant
qu’
à l’autre de ces maîtres incompatibles.) Nous n’avons pas en Suisse de
873
pensables hors du complexe suisse. Et c’est à eux
que
la Suisse, en retour, doit une densité de conscience communautaire, m
874
u et de montres miniaturisées ignorent en général
que
le plus grand dôme du monde, Saint-Pierre de Rome, fut achevé par des
875
fut achevé par des architectes venus de Suisse ;
qu’
un autre Suisse bâtit des capitales en Inde ; qu’un troisième a donné
876
qu’un autre Suisse bâtit des capitales en Inde ;
qu’
un troisième a donné à l’Amérique les deux ponts les plus longs du mon
877
Barth. Son canton — ou l’Europe. » Et il est vrai
que
nos meilleurs esprits, hors de l’étroit compartiment natal, iront che
878
t sur nos Alpes comme Horace-Bénédict de Saussure
que
ces hommes s’illustrèrent et apprirent à voir grand, c’est en s’expat
879
ranger, des grands pays voisins ou de l’Amérique,
que
leur réputation nous est revenue, comme importée. « Son canton — ou l
880
voir le plus grand privilège des Suisses : quelle
que
soit leur petite patrie locale, s’ils la dépassent c’est pour rejoind
881
7,5 % en 1945. 19. Je pense à des ouvrages tels
que
The Lonely Crowd, de David Riesman. 20. Déclaration d’un chef du ser
882
s sociétés humaines, dont le Contrat social n’est
qu’
un fragment : Rousseau. « Considérations sur l’Histoire du Monde » : J
883
es communalistes, régionalistes et nationalistes,
qu’
on voit partout en plein essor, qu’il s’agisse de Nations en instance
884
nationalistes, qu’on voit partout en plein essor,
qu’
il s’agisse de Nations en instance de divorce avec l’OTAN ou avec le P
885
contre le contrat étatique (inégal à leurs yeux)
que
jadis ou naguère leur imposa l’élément formateur ou hégémonique de ch
886
ouvement contradictoire, c’est l’État-nation, tel
qu’
il est né de la Révolution et du Premier Empire, produit de la confisc
887
siècle, l’État-nation européen nous apparaît, tel
que
les accidents de l’Histoire nous l’ont laissé, à la fois trop petit e
888
petit et grand. Il est trop petit pour assurer ce
qu’
on persiste à nommer son indépendance et sa souveraineté absolue : car
889
, et les accusent de colonialisme. Il est certain
que
la prétention à une politique indépendante, au plein sens du terme, n
890
s du terme, ne saurait être soutenue à la rigueur
que
par la Chine, l’URSS et surtout les USA, s’ils acceptaient toutefois
891
lus forts, dépendent autant de l’opinion mondiale
que
celle-ci du dollar ou de la télévision. Une interdépendance universel
892
s je ne vois guère d’État-nation de type unitaire
que
ce double mouvement de convergence mondiale et de diversification loc
893
té et de sécurité, auxquelles ne peuvent répondre
que
de grands espaces économiques constitués à la mesure des possibilités
894
à des formules de type fédéraliste. À la question
que
je me posais sur la prophétie proudhonienne, voici donc une première
895
s qui divisent notre humanité, je ne compte guère
que
deux douzaines d’États fédératifs, mais ils regroupent 40 % de la pop
896
ulation du globe, et il est frappant de constater
qu’
on trouve parmi eux les plus grands États des cinq continents et les p
897
handises de qualités pour le moins diverses selon
qu’
il s’agit par exemple de l’empire soviétique, du Nigéria, ou de la Con
898
te dans ces trois États officiellement fédératifs
que
dans les nations unitaires : en URSS, ce sont les autonomies régional
899
a fédération des cantons suisses ! Il est certain
que
dans ces trois cas, c’est moins le fédéralisme qu’on est en droit d’i
900
ue dans ces trois cas, c’est moins le fédéralisme
qu’
on est en droit d’incriminer que sa trahison pure et simple, ou son us
901
ns le fédéralisme qu’on est en droit d’incriminer
que
sa trahison pure et simple, ou son usage mal compris, ou son blocage
902
ut de fédéralisme. Et l’on est en droit de penser
que
l’application correcte de la méthode fédéraliste rétablirait bientôt
903
n politique d’États » (mais on a soin de préciser
qu’
en vers, cela fait cinq syllabes). Cette définition est assurément moi
904
Cette définition est assurément moins éclairante
que
les deux citations qui l’illustrent : 1) « Le fédéralisme était une d
905
les sauvages, et qui semble n’avoir été préconisé
que
par des traîtres à la République… Il est vrai que mon Littré date de
906
que par des traîtres à la République… Il est vrai
que
mon Littré date de 1865 : « fédéralisme » y est encore qualifié de «
907
ent dû suffire, semble-t-il, à clarifier un terme
que
le problème européen et nos situations nationales nous amènent à util
908
uggérai au comité directeur d’un congrès européen
qu’
une journée fût réservée à des travaux sur le fédéralisme. Le représen
909
t du Conseil de l’Europe tint à déclarer aussitôt
que
le terme de fédéralisme étant tabou à Strasbourg, il se verrait oblig
910
adoptait ma proposition. Je compris par la suite
que
ce haut fonctionnaire tenait le fédéralisme pour un système d’unifica
911
, c’est-à-dire très exactement le contraire de ce
qu’
il est. À l’inverse, le fédéralisme est assimilé par beaucoup à une at
912
des autonomies locales ou régionales. C’est ainsi
qu’
un illustre homme d’État belge, et grand Européen, écrivait récemment
913
alisme, ce n’est pas en se repliant sur elle-même
que
la Wallonie trouvera son salut. » Plus étonnant encore, en Suisse mêm
914
ls ou de gardiens jaloux des traditions helvètes,
que
sera-ce ailleurs ? Le fédéralisme n’étant ni ceci, ni cela, mais la c
915
xistence en tension de ceci et de cela, il semble
que
le danger d’interprétations partielles, donc ruineuses dans son cas,
916
soit pour ainsi dire congénital. Or s’il est vrai
que
l’union de l’Europe est l’entreprise capitale de siècle, et s’il est
917
ise capitale de siècle, et s’il est vraisemblable
que
cette union sera fédérale ou ne sera pas, on sent tous les dangers qu
918
fédérale ou ne sera pas, on sent tous les dangers
qu’
entraînent en fait les malentendus que j’ai dits, et par suite l’impor
919
les dangers qu’entraînent en fait les malentendus
que
j’ai dits, et par suite l’importance pratique de tout effort de clari
920
ais également valables et vitales, de telle sorte
que
la solution ne puisse être cherchée, ni dans la réduction de l’un des
921
en conflit tout en les composant de telle manière
que
la résultante de leur tension soit positive. (On dirait, dans le lang
922
a théorie des jeux de von Neumann et Morgenstern,
qu’
il s’agit de déterminer l’optimum en lequel se concilient deux maxima
923
lèmes et des solutions ainsi définis constitue ce
que
je nommerai la politique fédéraliste, au sens le plus large du terme.
924
homme elle entend préparer ou éduquer, constatons
qu’
elle traduit une forme de pensée, une structure de relations bipolaire
925
s dont le « modèle » nous est connu : c’est celui
qu’
ont élaboré les fondateurs de la philosophie occidentale dans le dialo
926
quise sur le chaos de la masse indistincte autant
que
sur l’anarchie des individus isolés, qu’il s’agisse de réalités métap
927
e autant que sur l’anarchie des individus isolés,
qu’
il s’agisse de réalités métaphysiques ou physiques, esthétiques ou pol
928
t intégralement pour le fédéralisme, du moins tel
que
je l’entends, après avoir valu pour la Grèce des grands siècles avec
929
une seule personne… » Abstraction faite de la foi
que
l’on accorde ou non à la substance de ces énoncés, je retiens que leu
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ou non à la substance de ces énoncés, je retiens
que
leurs formes et structures posent un certain type de relations, posen
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ce caractère va se transmettre à tous les groupes
qu’
il formera avec d’autres hommes, ses semblables. Ces groupes devront ê
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de l’œcuménisme n’est-il pas le même en sa forme
que
ceux que nous venons d’évoquer, puisqu’il consiste à concilier des co
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ménisme n’est-il pas le même en sa forme que ceux
que
nous venons d’évoquer, puisqu’il consiste à concilier des confessions
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liste d’une situation part du concret, en ce sens
que
d’abord elle considère la nature d’une tâche ou d’une fonction partic
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inentale ou mondiale, selon les cas), il ne reste
qu’
à désigner le niveau de compétence où seront prises les décisions rela
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oivent différer selon les tâches, j’entends selon
qu’
elles intéressent tous les hommes de toutes les régions, certains homm
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quelques régions, ou d’une seule. Je conviendrai
que
le nombre des combinaisons auxquelles peut conduire cette méthode a d
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ordinateurs vont prendre la relève. Lénine disait
que
la révolution communiste, c’était les soviets plus l’électricité. Pou
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te grande phrase : Le but de la société n’est pas
que
l’administration soit facile, mais qu’elle soit juste et éclairée.) N
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n’est pas que l’administration soit facile, mais
qu’
elle soit juste et éclairée.) Nous allons voir, enfin, que nos critère
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soit juste et éclairée.) Nous allons voir, enfin,
que
nos critères d’évaluation des dimensions et d’attribution des niveaux
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tude, née de l’absence de communication avec ceux
que
l’on côtoie comme s’ils n’étaient pas là. La solution consisterait à
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voir professionnel souvent d’autant plus rentable
qu’
il est plus étroitement spécialisé ; mais la révolte actuelle des étud
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litique — c’est le même mot, selon l’étymologie —
que
nous allons enfin retrouver le problème classique du fédéralisme : co
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our pouvoir se charger de tâches communes (telles
que
la défense, les affaires étrangères et la politique économique, ou ce
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t permanent. Il y faut une méthode vivante, celle
que
j’ai dite : sans cesse évaluer à nouveau la dimension des tâches à en
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ntrations de forces proportionnées à la puissance
que
l’on veut obtenir et en même temps multiplier les petites unités de b
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du civisme, c’est dans cette dialectique concrète
que
sont en train de se former sous nos yeux, en Europe, plus d’une centa
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on par les auteurs classiques, n’était en réalité
qu’
un cas particulier d’une conception beaucoup plus large des relations
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ité, des relations publiques en général. C’est ce
qu’
avait bien vu le regretté Pierre Duclos, lorsqu’il relevait que « le f
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vu le regretté Pierre Duclos, lorsqu’il relevait
que
« le fédéralisme vit d’une vie que la forme institutionnelle dénommée
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qu’il relevait que « le fédéralisme vit d’une vie
que
la forme institutionnelle dénommée État ne suffit pas à qualifier et
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Et il ajoutait : « Le fédéralisme est autre chose
qu’
une simple recette juridique ou politique : il est un des grands types
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de vie et de civilisation, capable, au même titre
que
le libéralisme, le socialisme ou la démocratie, d’alimenter la pensée
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gement des relations humaines, le fédéralisme tel
que
j’ai tenté de le définir ne fait que commencer. Il n’est pas matière
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éralisme tel que j’ai tenté de le définir ne fait
que
commencer. Il n’est pas matière historique, mais prospective. Il a pl
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historique, mais prospective. Il a plus d’avenir
que
de passé. 26. Pierre Duclos écrivait, en 1962, dans son excellent o