1 1937, La Revue de Paris, articles (1937–1969). Paysans de l’Ouest (15 juin 1937)
1 e vous rappellerai tout d’abord les circonstances qui m’ont fait choisir ce sujet. Il y a… tout près d’ici… quelqu’un — je
2 uerai personne, moi ! — il y a, dis-je, quelqu’un qui a osé prétendre que je suis un empoisonneur des consciences ! » Récit
3 me défendre ! Et malgré les persécutions de ceux qui ont intérêt à étouffer la vérité, etc. » La chevelure s’agite, les br
4 le. « J’étais au dernier congrès des instituteurs qui s’est tenu à Paris. Eh bien ! citoyens, lors de ce congrès, il a été
5 oirée, on passe un dessin animé, le Petit Poucet, qui remporte un gros succès. En sortant, nous passons devant la salle du
6 En sortant, nous passons devant la salle du curé, qui donne aussi ce soir une séance de cinéma. On entend rire des enfants.
7 ous les auspices d’une ligue « antifasciste », et qui avait pour sujet : « L’Église contre les travailleurs. » Je comptais
8 age, à part la petite minorité de mauvaises têtes qui suit les prêches laïques de l’instituteur. Le seul protestant est mor
9 un tout à droite, un tout à gauche, le troisième, qui est le président, derrière la table, embarrassés de leurs mains, de l
10 us m’excuserez de ne pas vous présenter l’orateur qui va vous faire un intéressant discours sur le sujet… Je ne connais pas
11 Eh bien, il y a aussi des prêtres et des pasteurs qui ont trahi. Capitalisme, bourgeoisie égoïste, guerre. Mais le vrai chr
12 Malheureusement il y a le cléricalisme. C’est lui qui est mauvais, non pas la Bible. Être chrétien, c’est aimer son prochai
13 s longue : il y avait pourtant bien des auditeurs qui ne devaient pas être d’accord ? « Ben quoi, fait-il, convaincu, c’est
14 la rue noire, un homme nous rejoint : c’est celui qui a présidé la réunion. Il veut encore remercier M. Palut. Enfin il veu
15 peine à comprendre ses intentions. Il a un oncle qui est curé, mais je ne saisis pas bien si ce curé lui a interdit la lec
16 hein ? » Je le rassure vivement. Ce n’est pas moi qui lui reprocherai jamais d’être trop simple. On ne l’est jamais assez !
17 uter sans bouger, comme ils ont écouté les autres qui disaient le contraire, et pas moyen de savoir avec qui ils sont d’acc
18 isaient le contraire, et pas moyen de savoir avec qui ils sont d’accord. Il ne faut pas oublier que nous vivons à une époqu
19 je n’avais jamais pu parler à A…, à cause du curé qui s’y opposait par tous les moyens. Ils sont difficiles à prendre, ici.
20 ltée. Je roulais comme en rêve, le long des dunes qui me cachaient la mer bruyante, à ma gauche. Un brouillard vague flotta
21 Là-dessus, quantité de pensées et de conclusions qui m’ont paru évidentes et importantes. On se sent réfléchir avec une én
22 parle ici. C’est pour une raison très précise et qui n’a rien à voir avec la critique littéraire. À la page 43 de l’éditio
23 sur mon pyjama dans l’espace de deux minutes, ce qui doit constituer une sorte de record. D’autres sautaient sur le couvre
24 était venu se mettre en boule dans la plate-bande qui borde la maison, sous ma fenêtre. Il soufflait très vite, il avait l’
25 te anecdote parce qu’elle comporte une conclusion qui la dépasse d’ailleurs notablement et qui me paraît assez frappante. V
26 nclusion qui la dépasse d’ailleurs notablement et qui me paraît assez frappante. Voici : pour la première fois depuis je ne
27 éveiller le peuple elles traduisent chez certains qui les prononcent de bonne foi. Elles le trahissent d’ailleurs, ce désir
28 tation : il est très difficile d’aimer des hommes qui ne nous sont rien, qui ne nous demandent rien, qui peut-être ne voudr
29 fficile d’aimer des hommes qui ne nous sont rien, qui ne nous demandent rien, qui peut-être ne voudraient pas même de notre
30 ui ne nous sont rien, qui ne nous demandent rien, qui peut-être ne voudraient pas même de notre aide (nous égalent les inte
31 e haïr et de condamner un certain ordre de choses qui nous vexe et dont nous souffrons. Et il est très tentant d’appeler ce
32 au peuple lui sont incompréhensibles ; mais ceux qui les écoutent ont l’air de trouver cela tout naturel. Je fus certainem
33 audira guère que le son de leur voix, ou le parti qui les délègue. Il resterait à expliquer cet état de choses, qui voue le
34 gue. Il resterait à expliquer cet état de choses, qui voue les « clercs » à s’agiter dans le vide — ce qui est malsain — et
35 voue les « clercs » à s’agiter dans le vide — ce qui est malsain — et le peuple à ne pouvoir se libérer des charlataneries
36 s venu à l’esprit que la vérité est quelque chose qui peut être réalisé. Et qu’il s’agit de prendre position effectivement.
37 quer le silence de ces cultivateurs. Mais le type qui m’a parlé avait la langue bien pendue. Mais surtout je m’avise que la
38 égoïstes, des orgueilleux, des espèces d’aristos qui ne vont qu’avec les riches. Il y en a certes qui font progresser la s
39 qui ne vont qu’avec les riches. Il y en a certes qui font progresser la science, et cela c’est bien. On va les écouter ave
40 elle m’invite à regarder plus objectivement ceux qui m’entourent, ce « peuple » qu’il s’agit d’aider, et que je vois encor
41 s’agit d’aider, et que je vois encore si mal. (Ce qui ne m’a pas empêché jusqu’ici de m’occuper de politique, par exemple…
42 uation, ou mieux, dans ce défaut de « situation » qui fait de moi, pour parler comme la presse, un « intellectuel en chômag
43 le des parcelles tout autour du village : l’homme qui travaille ces bouts de champ, grands comme ma chambre, doit passer un
44 r les conditions matérielles. Mais précisément ce qui s’y oppose, c’est l’idéologie rudimentaire qu’on leur a inculquée, et
45 idéologie rudimentaire qu’on leur a inculquée, et qui n’a que trop bien convenu à leur penchant naturel. Il faudrait donc d
46 lité pour rendre possible une réforme matérielle, qui , à son tour, permettrait d’autres progrès. Un seul homme ici pourrait
47 souvent barbare et toujours déshonorant pour ceux qui la subissent, mais c’est le seul moyen de transformer et d’animer un
48 donner le sens civique, le sens de la communauté. Qui est-ce qui se préoccupe en France de donner au peuple une éducation s
49 ens civique, le sens de la communauté. Qui est-ce qui se préoccupe en France de donner au peuple une éducation solidariste 
50 eurs dans des ligues toujours anti-quelque chose, qui n’empêcheront rien, c’est l’évidence, parce qu’elles n’exigent rien d
51 ignons, je lui ai offert les outils à long manche qui sont dans le chai, et il a refusé. « On n’a pas l’habitude. » Contre-
52 ropriétaire venu du continent il y a trois ans et qui utilise des outils ordinaires, me dit qu’il a tout de suite obtenu de
53 didats à la bourgeoisie, en tous cas par des gens qui recherchent la « considération » du peuple. D’où le ton haineux typiq
54 ent, avec des maladresses et des grosses astuces, qui n’est pas exactement celui des « discussions » qu’on peut entendre da
55 tendre dans les cafés du port, au chef-lieu, mais qui correspond bien à ce que les pêcheurs ou les paysans aiment à se fair
56 sion mes projets de réforme. Mais je sais bien ce qui m’arrêterait dès les premiers pas. Ces hommes n’ont pas ou n’ont plus
57 meuse était la Clique des retraités de la Marine, qui animait de ses concerts de nombreuses fêtes villageoises. Tout cela s
58 ain, la tombe. Deux réalités fondamentales. Voilà qui est bien dans l’harmonie de cette lande où l’homme et ses maisons met
59 et actif, il faut le pain. Pour la mort, l’homme qui se recouche, il faut la tombe. Il y a toujours quelque grandeur dans
60 ns, des défricheurs, mais de petits propriétaires qui se défendent avec la seule obstination de l’instinct, au niveau le pl
61 r, c’est cela seul, menace ou entreprise commune, qui rassemble les peuples et les pousse à créer des signes visibles de le
62 udrait croire fanatiquement à une vérité absolue, qui vaille mieux que la paix et le bonheur, pour oser bouleverser la peti
63 eur pratique ? On en vient à penser que le régime qui convient le mieux à cette vie obscure — j’entends celui qui la conten
64 nt le mieux à cette vie obscure — j’entends celui qui la contente le mieux à défaut de la développer —, c’est encore la Tro
65 ue : un État faible, dont le centre est lointain, qui ne croit à rien, et qui par suite ne peut rien exiger de sérieux. Mai
66 t le centre est lointain, qui ne croit à rien, et qui par suite ne peut rien exiger de sérieux. Mais il y a d’autres aspect
67 les enfants communistes de la colonie de vacances qui défilent en maillots rouges et l’on pousse des « cris séditieux » ; l
68 sse trop de forces grandir contre lui : et alors, qui va venir un beau jour, de Paris, faire la loi dans notre village ? 15
69 ts de l’Ouest, qu’il n’est plus guère de « pays » qui ne soit desservi par une ou deux ou même trois Compagnies de transpor
70 Sur ses bords ne vivait qu’une population nomade, qui portait l’uniforme de l’État, partout, la même. Vous pouviez parcouri
71 ance de part en part, sans remarquer que les gens qui l’habitent ne sont pas tous de la même sorte, et que d’une province à
72 ce à une autre, ce n’est pas seulement le paysage qui change. N’était-ce pas là l’une des raisons qui faisait si facilement
73 e qui change. N’était-ce pas là l’une des raisons qui faisait si facilement nier la subsistance des « petites patries » dan
74 in départ et la destination des diverses voitures qui stationnent sur la place. C’est que chaque compagnie a sa tête de lig
75 l’installation de la ligne et sur la concurrente qui a fait baisser les prix. Car il est de règle qu’au début deux Compagn
76 un luxueux fauteuil de cuir rouge ou bleu vif et qui change de tête plusieurs fois pendant le trajet, de coups de main aux
77 c force recommandations ; et ils sont rares, ceux qui n’ont pas deux mots à dire par la portière entrouverte un instant à l
78 uverte un instant à la fille de l’auberge écartée qui attend le passage du car, les cheveux au vent, sur le bord de la rout
79 n général de jeunes gaillards solides et gais, et qui ont toutes les raisons d’aimer le travail et de le faire bien : c’est
80 eurs que les femmes ont toujours accordées à ceux qui commandent et disposent, ne fût-ce que pour une heure, de leur vie. O
81 je rêverais d’entreprendre une belle révolution, qui rajeunisse la France : ils ont la bonne humeur, le dynamisme, le sens
82 atique et la rapidité d’esprit que les bourgeois, qui en sont dépourvus, attribuent par erreur au « peuple » en général. Sa
83 mpter les moyens techniques dont ils disposent et qui seraient décisifs lors d’une action rapide. Mais loin de moi ces ambi
84 ion rapide. Mais loin de moi ces ambitions : ceux qui les ont n’en parlent pas, dit-on. Et je ne suis qu’un écrivain. Ceci
85 lumières, et sans vous, où irions-nous donc, nous qui ne croyons plus aux curés ! — Comptez, monsieur, — lui dis-je, — qu’u
86 e flatter), et cela tient aux circonstances mêmes qui l’ont mis dans le cas d’écrire. Car, ou bien l’on écrit ce que l’on n
87 aiblesse ou d’une ambition excessive, deux choses qui compliquent fort la vie, je crois ; ou bien l’on écrit des choses int
88 e bon moyen de traîner la misère la plus honteuse qui se puisse imaginer, dans les antres rédactionnels. Je dis les antres.
89 tus au-dessus du commun, la révélation de secrets qui suffiraient à rendre heureux les plus indignes, et ingénieux les plus
90 orité humaine, quel luxe d’énergie ou d’invention qui , s’ils les possédaient vraiment, feraient de leurs détenteurs non poi
91 moi, ce que nous vous donnons, c’est justement ce qui nous manque, et quand vous aurez compris cela, vous cesserez, je le c
92 tance et de la simplification, vérité de la fable qui donne une forme grande à nos obscurs et grands désirs informulés. En
93 aient plus de liberté qu’auparavant, etc. Mais ce qui me surprit davantage, ce fut la question franche d’un garçon de vingt
94 a conférence à A… Elles sont également vraies. Ce qui est faux, c’est de parler du peuple en général. « On le savait depuis
95 s parents, contre la concurrence de l’école libre qui nous a pris les deux tiers de nos élèves. On aurait besoin de nourrit
96 ature moderne en France n’a guère à donner à ceux qui ont faim de nourriture solide, élémentaire. Défaut de naïveté, de for
97 on effort est de s’écarter le plus possible de ce qui est simplement vrai. Je comprends assez bien qu’un certain nombre d’é
98 t par la note suivante : « M. Denis de Rougemont, qui a publié récemment un remarquable essai sur la culture dans la sociét
99 raites du Journal d’un intellectuel en chômage , qui doit paraître prochainement. »
2 1939, La Revue de Paris, articles (1937–1969). L’Âme romantique et le rêve (15 août 1939)
100 nature hostile et mouvante. La parole de raison, qui distingue les choses, les arrête et les identifie, apparaît comme une
101 vrai que la nuit et le rêve n’ont rien à révéler qui importe au jour ? Est-il vrai que la passion, l’angoisse et la folie
102 et plus nous pénétrons dans la nature des choses qui sont hors de nous », affirme un des théoriciens du premier romantisme
103 xler. Mais encore : s’agit-il vraiment des choses qui sont hors de nous, ou bien seulement de choses qui, en nous, étaient
104 ui sont hors de nous, ou bien seulement de choses qui , en nous, étaient restées secrètes pour la conscience ? Tieck pose tr
105 appartiennent. » Quand nous rêvons, « est-ce nous qui nous jouons de nous-mêmes, ou bien une main d’en haut brasse-t-elle l
106 le de ces irruptions soudaines d’images inconnues qui se jettent à la traverse de nos idées d’une manière si brusque et si
107 estre dans le supraterrestre » ; ou encore : « Ce qui rêve en nous, c’est l’Esprit à l’instant où il descend dans la matièr
108 l’inconscient, ils formulent le problème crucial qui se pose à tous les mystiques. Albert Béguin lui-même nous invite tro
109 nt translucides, une nostalgie longtemps déçue et qui s’empare avec avidité des plus furtives promesses de bonheur, surtout
110 lois plus précises et plus constantes que celles qui le régissent à l’état de veille. D’autre part, l’on sait bien que les
111 que la « porte » ouvrant sur le monde ineffable, qui est proprement le domaine des mystiques. Toute expérience mystique ou
112 d de Jakob Boehme), dont on ne peut rien dire, et qui cependant est la source de tout ce que l’on dit. C’est l’ineffable, l
113 en écrire, à tenter de le cerner par des figures qui , n’étant jamais suffisantes, doivent être inépuisablement multipliées
114 indre, même faiblement, la merveille de la vision qui s’offrit à moi et qui, transformant mon âme, m’entraîna au-devant d’u
115 , la merveille de la vision qui s’offrit à moi et qui , transformant mon âme, m’entraîna au-devant d’une réalité invisible,
116 sont passifs ; ils écoutent le langage d’une voix qui leur est intérieure et pourtant étrangère, qui s’élève dans les profo
117 ix qui leur est intérieure et pourtant étrangère, qui s’élève dans les profondeurs d’eux-mêmes sans qu’ils puissent faire a
118 le signe physique6. C’est « le royaume de l’Être qui se confond avec le royaume du Néant, l’éternité enfin conquise et don
119 s et n’exprimons que le divers et le distinct, ce qui a pris forme ; tout ce que notre conscience a séparé du Tout. Et c’es
120 notre conscience a séparé du Tout. Et c’est cela qui constitue notre réalité de tous les jours. Pour rejoindre le Tout et
121 re soi-même, pour se confondre avec cet Indicible qui reste, aux yeux de la chair, le pur Néant. Ainsi, le terme de la quêt
122 le plus singulier dans la vie de l’esprit humain, qui est l’engagement sur la via mystica ? S’il est permis — comme on l’ad
123 ves, Moritz écrivit deux romans autobiographiques qui nous permettent de pénétrer l’intimité d’une expérience prémystique (
124 être une blessure qu’il reçut de la vie, un choc qui l’a laissé béant sur une contradiction irrémédiable entre la dure réa
125 le l’examiner, l’homme trouve en lui une blessure qui déchire tout ce qui vit en lui, et que peut-être lui fit la Vie même.
126 me trouve en lui une blessure qui déchire tout ce qui vit en lui, et que peut-être lui fit la Vie même. » Non sans lucidité
127 idité, Moritz a su dépeindre l’état de conscience qui naît de cet obscur déchirement : « C’était comme si le poids de son e
128 cette idée le plongea peu à peu dans un désespoir qui l’amena au bord de la rivière… » Prenons-y garde : ce moi détesté, c’
129 ement ce qu’il ne peut se remémorer, cette lacune qui est à l’origine de la conscience divisée. Comment alors sortir du cer
130 es d’un retour au monde perdu, à la « vraie vie » qui est « ailleurs », comme dit Rimbaud. Vie d’expansion indéfinie dans l
131 divinité. Vie d’innocence retrouvée : car le moi qui s’y perd, perd aussi le sentiment de sa culpabilité. Mais d’une autre
132 ’est retrouver la morte ! « L’expérience typique, qui est celle de Jean-Paul à la mort de ses amis, de Novalis perdant Soph
133 nt pas à retrouver dans leur au-delà une Présence qui pardonne, qui guérisse, et qui leur rende alors la force d’accepter l
134 uver dans leur au-delà une Présence qui pardonne, qui guérisse, et qui leur rende alors la force d’accepter leur moi coupab
135 -delà une Présence qui pardonne, qui guérisse, et qui leur rende alors la force d’accepter leur moi coupable et le monde ré
136 amental de toute passion, le mouvement d’un amour qui préfère le néant aux limitations de la vie — la joie devant la mort d
137 lation profonde et constante dans l’homme : celle qui existe entre le recours à l’indicible et la fuite devant le moi perso
138 a pensée et de ses actes. Mais voilà justement ce qui répugne aux romantiques ! D’où leur fuite dans un monde dont on ne pe
139  illuminations », pareils aux souvenirs d’un rêve qui s’efface. Cela dont ils voulaient parler, cet Indicible ou ce discour
140 les poètes du rêve : il se dévoue à quelque chose qui le dépasse, il se donne à une réalité qui, souvent, ne tient pas comp
141 e chose qui le dépasse, il se donne à une réalité qui , souvent, ne tient pas compte de nos raisons, il s’impose une sorte d
142 te de nos raisons, il s’impose une sorte d’ascèse qui le libère des servitudes naturelles. Mais cette ascèse n’aboutit pas
143 e d’Avila ne voulait accepter que les révélations qui la portaient à quelque action pratique dans la vie quotidienne. Ainsi
144 du moi » des romantiques. C’est une « activité » qui ne commence qu’au-delà de la mort à soi-même, c’est-à-dire du renonce
145 t-à-dire en vertu d’un appel venu d’ailleurs mais qui concerne l’ici-bas. Seule une telle vocation peut donner le courage d
146 coupable — parce que dorénavant ce n’est pas cela qui compte, mais l’œuvre à faire et Celui qui l’ordonne. Alors le moi cou
147 as cela qui compte, mais l’œuvre à faire et Celui qui l’ordonne. Alors le moi coupable et détesté ne cherche plus de vaine
148 ose enfin parler et témoigner au nom d’une Vérité qui le dépasse. Et l’on rejoint ici l’enseignement évangélique : ce ne so
149 angélique : ce ne sont pas des extases indicibles qui sont promises aux vrais croyants, mais au contraire il leur est deman
150 e (à cause de l’orgueil national). C’est le monde qui doit être mal fait ! Car nous y sommes brimés, nous qui pourtant somm
151 it être mal fait ! Car nous y sommes brimés, nous qui pourtant sommes les fils des vertueux Germains ! Et de ce sentiment d
152 ionale. La vraie Allemagne ne peut pas être celle qui a subi la « blessure ». Il faut donc la chercher ailleurs : dans un r
153 cet ersatz de l’au-delà. Nions donc cette réalité qui nous opprime si méticuleusement, tous ces articles du traité qui nous
154 e si méticuleusement, tous ces articles du traité qui nous accusent, toutes ces règles du jeu politique inventées par des r
155 alité impénétrable, indicible, incommunicable, et qui n’a point de « raisons » à donner : l’autarcie matérielle et morale.
156 mais d’un peuple envoûté par son rêve. Un peuple qui renonce à la raison, qui renonce à se justifier aux yeux du monde, pa
157 par son rêve. Un peuple qui renonce à la raison, qui renonce à se justifier aux yeux du monde, parce qu’il trouve dans sa
158 testé à quelque chose de plus vrai que la vie, et qui est sa mission millénaire. « Chez nous, proclamait récemment M. Goebb
159 avis, au moins autant qu’économique. Car la lutte qui se livre aujourd’hui dans le secret de la conscience allemande, c’est
160 eligion de l’inconscience collective et d’une foi qui veut témoigner par la Parole et l’acte personnel. 6. En effet, pou
3 1946, La Revue de Paris, articles (1937–1969). Tableaux américains (décembre 1946)
161 avenues parallèles, dans le sens de la longueur, qui est de vingt-cinq kilomètres environ — elles figurent assez bien les
162 faubourgs, au-delà de l’Hudson et de l’East River qui entourent l’île, s’étendent sur des espaces bien plus vastes, îles et
163 mme les Suisses énumèrent leurs Alpes au visiteur qui en contemple la chaîne. Le vent fou, l’air ozoné et la lumière éclata
164 t que je connais… Mais il y a plus. Il y a le sol qui est alpestre dans sa profondeur. À Central Park, au milieu des prairi
165 ches de fer d’un pont à n’en pas croire ses yeux, qui porte l’autostrade pendant des kilomètres au-dessus des usines, des f
166 rcassées, déchets du grand délire de construction qui enfièvre tout le continent et dont le pont de l’autostrade au long de
167 détail est laid, voyez l’ensemble. Pour un homme qui est seul, Manhattan est sublime. Il n’a qu’à s’oublier dans l’énergie
168 terre à nu, et plus une ligne indécise, ni d’eau qui court, ni de feuillages. Tout est pans de brique peinte et de ciment
169 ts, et la rivière ouvre l’espace, double le ciel, qui règne seul au coucher du soleil. À New York, la lumière du soir évacu
170 ier éclat d’avion fuyant, et c’est la ville alors qui s’empare du ciel, s’en fait un dôme à sa mesure et le referme sur sa
171 u centre un grand fauteuil tournant et basculant, qui se transformerait le soir en lit et d’où, sans se lever, l’on atteind
172 ement par l’absence-de-quelque-chose-qui-y-était, qui n’y est plus, mais dont la progressive évacuation a laissé le milieu
173 s femmes, ni les miens, dont nul ne peut juger et qui peut-être n’en sont point. Ce n’était pas le froid, la pluie, la pois
174 e des rares — j’en connais trois dans Manhattan — qui , à la fois, ne portent pas de numéro et ne coupent point les avenues
175 me lève et sors. Je me promène sur cette terrasse qui fait le tour de mes chambres blanches, posées sur le onzième étage et
176 rasses, moments les plus aigus de la vie, au jour qui point, quand toutes choses et les souvenirs d’hier changent de poids
177 ès qu’elle a traversé les piliers du métro aérien qui longe encore la Troisième avenue, s’anime alors dangereusement d’enfa
178 noircissent au rebord des trottoirs. Les enfants qui ne jouent plus à la balle parce que la nuit vient de descendre — depu
179 ur la neige entre les escaliers de quatre marches qui conduisent aux portes d’entrée. Portes étroites, ouvrant sur des coul
180 e dans la cuisine. En face du fourneau à charbon, qui est censé chauffer l’appartement, une espèce de baignoire couverte et
181 passe par une baie sans porte dans le frontroom, qui donne sur la rue. De l’autre côté de la cuisine, deux petites chambre
182 e autre pièce plus claire, sur la cour. Ce logis, qui n’est guère qu’un corridor légèrement cloisonné, s’annonce dans les j
183 n est jonché de plâtras, de journaux, de chiffons qui bougent, ou ce sont peut-être des chats. Des cordes tendues sur l’abî
184 lemment éclairé, je vois quelques Chinois courbés qui empilent du linge ; au cinquième, une grosse femme en peignoir qui se
185 inge ; au cinquième, une grosse femme en peignoir qui se farde à gestes menus. Le concierge irlandais hurle dans l’escalier
186 es bâtiments. » (Il est peu de villes américaines qui ne réussissent à se vanter de quelque chose d’unique au monde, compen
187 le internationale de province, sans grand avenir, qui vit déjà sur son passé d’un siècle… Robert me dépose devant l’entrée
188 il me montre un terrain d’aviation : — C’est moi qui ai fondé notre Air Club, il y a quinze ans, j’étais tout jeune. J’ai
189 chée dans les bosquets au bout d’une longue allée qui monte entre des barrières blanches. — Et vous verrez ce qu’elle en a
190 C’est une grande femme bottée, sauvage et belle, qui mord une pomme, et son torse paraît nu dans un fin sweater jaune. Ell
191 ans la porte du fond un homme en veste de chasse, qui tient des verres de whisky à la main. Deux femmes blondes entrent et
192 le renvoie chercher des verres et des bouteilles. Qui sont ces gens ? Elle dit : — Je ne le sais pas plus que vous. Ils so
193 Eh bien ? m’ont demandé mes amis dans la voiture qui nous emporte sous la pluie, qu’en pensez-vous ? — Well… pour la premi
194 téralement : de la route américaine de la vie. Ce qui est pour nous concept, forme arrêtée, devient chez eux chemin, mouvem
195 e des pionniers, l’ère des défricheurs de savanes qui firent reculer la frontière de décade en décade, à travers le Far Wes
196 de la vitalité inépuisable d’un peuple libre, et qui voit grand sans se forcer. Voici enfin un spectacle émouvant qui n’ef
197 sans se forcer. Voici enfin un spectacle émouvant qui n’effraye pas, mais au contraire atteste une force paisible et utile.
198 ques minutes, l’illusion d’une puissance immobile qui vaincrait la distance par le charme, attirant les villes à soi et dép
199 es yeux et j’écoute le grondement sourd des pneus qui mordent le béton. En cinq heures, nous aurons couvert les quatre-cent
200 , nous aurons couvert les quatre-cents kilomètres qui séparent le centre de New York de Washington, en traversant deux vill
4 1949, La Revue de Paris, articles (1937–1969). Le Mouvement européen (avril 1949)
201 e ce genre. Qu’il suffise de rappeler les données qui en déterminent exactement l’urgence. La guerre a eu pour conséquences
202 t non seulement l’Europe n’est plus une puissance qui pourrait exiger la paix, mais chacune des nations qui la composent se
203 pourrait exiger la paix, mais chacune des nations qui la composent se voit menacée d’annexion politique ou de colonisation
204 — s’il en est un — c’est l’humanité tout entière qui sortira vaincue. Si nous voulons sauver chacun de nos pays, il faut d
205 essité. J’essaierai maintenant de répondre à ceux qui demandent ce qu’on a fait déjà, et ce qu’on peut faire à temps pour f
206 aura le dernier mot… » Il y eut Proudhon surtout, qui écrivait : « Le xxe siècle ouvrira l’ère des fédérations, ou l’human
207 Kalergi. Ce pionnier réussit à convaincre Briand, qui prêta sa grande voix traînarde à l’idée d’une union continentale. Mai
208 e. On y parlait beaucoup de l’engagement — un mot qui a fait fortune depuis dans d’autres bouches. On y faisait surtout de
209 estins, dans les camps, dans les journaux secrets qui se multipliaient en France, en Hollande, en Pologne, en Italie et en
210 les nuances politiques, nationales et religieuses qui font la richesse de l’Europe, et qui la rendent si difficile à gouver
211 religieuses qui font la richesse de l’Europe, et qui la rendent si difficile à gouverner. La première tâche qui s’imposai
212 dent si difficile à gouverner. La première tâche qui s’imposait, c’était de fédérer tous ces fédéralistes dispersés. Dès 1
213 cepticisme profond. Devant la tâche urgente, mais qui pouvait paraître surhumaine, de fédérer l’Europe, c’est-à-dire de met
214 ments. Il est vrai que beaucoup de petits groupes qui se formèrent spontanément dans les camps et dans les maquis ne devaie
215 araissent avec insistance dans tous les documents qui jalonnent les étapes du mouvement vers l’Europe unie, à partir du con
216 s congressistes furent reçus par le pape Pie XII, qui leur dit en français « sa plus vivante sympathie » pour l’œuvre urgen
217 ouages les principaux gouvernements européens. Ce qui n’était qu’un rêve il y a un siècle, qu’une théorie il y a quinze ans
218 e quelque chose qu’il faut réaliser d’urgence, et qui a les plus grandes chances de se réaliser. Nous sommes donc arrivés à
219 nde ou les travaux spécialisés des six mouvements qui le composent, va se porter au cours des mois prochains sur quatre poi
220 es Cinq : à l’Assemblée constituante de l’Europe, qui pourra seule contraindre les États à s’incliner devant un pouvoir féd
221 ux ministres. Essayons de comprendre une attitude qui risque de se confondre, aux yeux de nos militants, avec une volonté s
222 sent que les ministres sont là pour gouverner, ce qui paraît étrange à beaucoup de Latins. Ils pensent donc, tout naturelle
223 lques mesures empiriques (ils disent : pratiques) qui ne porteront aucune atteinte aux souverainetés nationales, et ne trou
224 uel puisse être déféré, le cas échéant, tout État qui céderait au totalitarisme ? Mesures économiques. — Le contradicteur
225 ire que nos plans « généreux » vaudront le papier qui les supporte, tant que nous n’aurons pas résolu les grands problèmes
226 européen. S’il ne mettait la culture à sa place, qui est à la fois primordiale et finale, il cesserait de mériter l’adject
227 e voix à la conscience de l’Europe et des peuples qui lui sont associés ». Il ne s’agit nullement de fomenter on ne sait qu
228 iberté ; une manière de « chercher à comprendre » qui est notre forme intime de résistance aux mises au pas totalitaires… D
229 s surgissent, dans nos divers pays, des instituts qui veulent travailler pour l’Europe. Coordonner toutes ces initiatives d
230 es initiatives dans le cadre d’un grand mouvement qui leur donnera le moyen de concourir à l’édification d’un ordre libre ;
231 es des ambitions du Centre européen de la culture qui s’ouvrira bientôt en Suisse. ⁂ Il n’est point d’ordre économique poss
232 ordre politique. Il n’est point d’ordre politique qui serve l’homme, s’il n’est orienté dès le départ par une vision libéra
233 scinante. L’Europe se fera, en dépit des experts ( qui savent toujours que c’est Dewey qui sera élu), parce qu’une équipe de
234 des experts (qui savent toujours que c’est Dewey qui sera élu), parce qu’une équipe de véritables résistants — ceux qui ré
235 rce qu’une équipe de véritables résistants — ceux qui résistent à la fatalité — l’auront vue et marchent vers elle. Il se p
236 e et marchent vers elle. Il se peut que la vision qui les guide, éclairant le chemin sous leurs pas, cache une réalité fina
237 e chemin sous leurs pas, cache une réalité finale qui les surprenne. Christophe Colomb voyait les Indes, ou nommait ainsi s
238 te à la faveur de son union ? Une Europe rajeunie qui deviendrait soudain, pour nos yeux étonnés, la Terre promise. 11.
239 ents intitulés L’Europe de demain (La Baconnière) qui groupe les déclarations fédéralistes des mouvements de la Résistance
5 1949, La Revue de Paris, articles (1937–1969). Découverte de l’Europe (octobre 1949)
240  actualité » à la première Assemblée de l’Europe, qui s’ouvrit à Strasbourg le 10 août, en pleines vacances de l’opinion pu
241 décrire l’opinion sans la modifier : ce sont eux qui la déterminent en bonne partie. S’il leur faut tant de mots pour expl
242 ns, et même pour écarter les deux dangers majeurs qui guettaient la jeune Assemblée. Le premier eût consisté dans un clivag
243 es a fait échouer la première coalition partisane qui se dessinait : les travaillistes et les socialistes continentaux ne s
244 odes du Conseil de l’Europe, les deux conceptions qui se sont affrontées n’ont pas été la gauche et la droite traditionnell
245 une droite nouvelles, proprement européennes, et qui ne recouvrent pas les anciennes divisions. (Ces dernières ne se retro
246 suivre à cause de vos prudences. Elle suivra ceux qui marchent, ceux qui ont su voir le but et qui ont osé lui donner son v
247 os prudences. Elle suivra ceux qui marchent, ceux qui ont su voir le but et qui ont osé lui donner son vrai nom : fédératio
248 ceux qui marchent, ceux qui ont su voir le but et qui ont osé lui donner son vrai nom : fédération. Les progrès surprenants
249 vers les créations nécessaires. Le grand problème qui passe ainsi au premier rang, c’est celui de la source et des fondemen
250 s pionniers ont ignoré ce genre de raisonnements, qui voudraient faire passer pour réalisme la soumission au statu quo ? D’
251 pas, si l’on sait que les deux tiers des députés qui siégeaient à Strasbourg appartiennent à notre Mouvement et ont pris l
252 ements et parlements nationaux en disposeront. Et qui dispose de ces divers pouvoirs, sinon l’opinion générale, qu’il s’agi
253 nisés, ou simplement nous ne serons plus. Mais ce qui vient de se passer nourrit l’espoir. L’un des observateurs américains
254 ourrit l’espoir. L’un des observateurs américains qui assistait aux travaux de l’Assemblée, et qui a pu voir notre Mouvemen
255 ains qui assistait aux travaux de l’Assemblée, et qui a pu voir notre Mouvement à l’œuvre, s’écriait à Strasbourg : « J’ai
256 resque invisible, d’un très petit nombre d’hommes qui ont su voir juste… » Il venait de découvrir l’Europe, ses limitations
6 1950, La Revue de Paris, articles (1937–1969). L’Europe et sa culture (novembre 1950)
257 ture ; et ce n’est pas tout : les mots « et sa », qui les unissent, ne vont pas de soi, dira-t-on… Certes, on peut ergoter
258 le temps, elles sont mouvantes et complexes. (Ce qui peut signifier d’ailleurs qu’elles sont vivantes.) Elles apparaissent
259 nes indéfinies. Ce n’est pas un fait géographique qui marque ses limites vers l’Asie, mais seulement un fait historique, un
260 e dans le conflit entre l’Est et l’Ouest, conflit qui lui a seulement donné conscience d’elle-même une fois qu’elle existai
261 de la vocation transcendante et inconditionnelle qui vient donner à chaque humain, indépendamment de toute qualité individ
262 namiques de l’Occident, les conflits fondamentaux qui les sous-tendent et les grandes doctrines de l’homme et de la société
263 les grandes doctrines de l’homme et de la société qui se sont dégagées peu à peu de ce complexe, d’une manière comparable à
264 eurs. Or ce sont là les conditions par excellence qui provoquent à la création. Voilà pourquoi cet homme européen s’est rév
265 iquer que l’homme du ive siècle, par exemple, en qui s’était déjà formée la synthèse hautement instable et créatrice d’Ath
266 s que j’aurais oublié quelques éléments décisifs, qui ne sont nés ni d’Athènes, ni de Rome, ni de Jérusalem, ni de leurs co
267 té virulente, passion de la transformation, voilà qui définit l’ambition proprement occidentale, par contraste avec d’autre
268 entale, par contraste avec d’autres civilisations qui ont cherché le bonheur ou la sagesse, l’ordre statique ou l’immortali
269 mais décisive : la culture occidentale, c’est ce qui a fait de l’Europe autre chose que ce qu’elle est physiquement, autre
270 » par l’Histoire, au profit de deux empires neufs qui menacent d’engager une guerre sur son sol et à ses dépens. Poussière
271 nte que lui donne un des deux empires neufs, aide qui doit fatalement se transformer en contrôle, si nous ne savons pas en
272 e culture. D’une part, dans les pays totalitaires qui sont à nos portes et qui ont chez nous leurs répondants, la liberté f
273 ns les pays totalitaires qui sont à nos portes et qui ont chez nous leurs répondants, la liberté fondamentale de la culture
274 emple extrême, et heureusement exceptionnel, mais qui signale un vrai danger. Voici ce qu’écrivait, il y a quelques mois, M
275 contrôle et « des suspicions quasi policières », qui tendent à subordonner entièrement le savant à des exigences politique
276 comme c’est le cas de la physique nucléaire, ceux qui s’y livrent sont aussitôt privés des libertés élémentaires : liberté
277 emble de spécialités et de techniques ésotériques qui ne concernent pas l’homme de la rue, ni l’industriel ou le banquier.
278 e se voit contrainte d’obéir à des « nécessités » qui lui sont étrangères et la dégradent. Elle perd ainsi sa fonction dire
279 ave entre la pensée et l’action, entre une pensée qui accepte d’être inefficace, et une action par conséquent désorientée,
280 se résument donc dans le paradoxe suivant : ceux qui laissent la culture en liberté, à l’Ouest, en font peu de cas pratiqu
281 ’Ouest, en font peu de cas pratiquement ; et ceux qui , à l’Est, lui reconnaissent un rôle central, la dénaturent et l’asser
282 l’autre, détendent les ressorts de la créativité qui était depuis des siècles la vraie cause de notre puissance et donc de
283 st le sens même de notre civilisation occidentale qui se trouve dénaturé. Car l’Europe existait réellement là où toutes les
284 Je ne vois pas d’exemple historique d’une culture qui ait encore créé dans une nation privée de son indépendance. L’Europe
285 le foyer de la civilisation occidentale, la seule qui ait su couvrir toute la planète. Mais ce foyer fatalement s’éteindra
286 assions ; la philosophie dépérit dans une société qui ne risque ou ne conçoit plus d’aventure ; et la science s’arrête quan
287 ne pourra remplacer cette âme d’une civilisation qui avait su remplacer toutes les autres. Le secret de ses mesures vivant
288 par les soins d’experts étrangers ou d’une police qui a fait ses preuves ailleurs. Mais elle aura perdu le ressort de son p
289 e son pouvoir transformateur du monde, ce pouvoir qui avait fait sa grandeur à partir d’un médiocre destin. Que servirait à
290 re les deux colosses russe et américain, l’Europe qui vient de perdre la guerre fait actuellement ce qu’on appelle une névr
291 te. Nous disposons surtout de ressources humaines qui n’ont pas leurs égales ailleurs : une main-d’œuvre spécialisée dont l
292 noms sont des noms de l’Europe, et les très rares qui n’en sont pas ont appris leur métier de nos maîtres, dans nos écoles,
293 de leurs danses. Finalement, que sont les empires qui prétendent partager le monde à nos dépens ? L’Amérique du Nord et la
294 s les degrés, la cellophane et le zipper partout, qui sont des inventions européennes ; et de l’autre côté, Marx et notre i
295 e liste de nos créations les plus connues, celles qui ont fixé le visage du monde moderne. Et cette liste est impressionnan
296 e domaine économique, nous avons le plan Schuman, qui peut être un début de mise en commun de nos ressources matérielles. E
297 uissance, il est temps de proposer un autre Plan, qui consisterait dans la mise en commun, au service de l’Europe entière,
298 e viendrait répondre à trois nécessités urgentes, qui en indiquent tout naturellement les trois chapitres principaux. Premi
299 t les programmes et les buts se ressemblent, mais qui , souvent, s’ignorent mutuellement. Partout se posent des problèmes qu
300 ent mutuellement. Partout se posent des problèmes qui restent insolubles dans le cadre trop étroit de chaque nation et de c
301 n ensemble alors que c’est l’ensemble de l’Europe qui se voit attaqué par les propagandes que l’on sait. La nécessité se fa
302 ue le programme du Centre européen de la culture, qui s’est ouvert à Genève au mois de septembre sur l’initiative du Mouvem
303 ante. Une mitrailleuse ne sert à rien, si l’homme qui la reçoit refuse de s’en servir, parce qu’il ignore ce qui est en jeu
304 çoit refuse de s’en servir, parce qu’il ignore ce qui est en jeu, ce qui vaut d’être défendu. La défense effective de l’Eur
305 servir, parce qu’il ignore ce qui est en jeu, ce qui vaut d’être défendu. La défense effective de l’Europe doit commencer
306 ntraire pour maintenir les risques de la liberté, qui ont fait la vraie grandeur de l’homme européen, et pour sauver en fac
307 et des terres immenses de la fatalité, une Europe qui demeure la terre des hommes. 12. Ici cependant, point de malentendu
308 is tenter par la plus fausse des symétries, celle qui mettrait les USA et l’URSS dans le rôle de Charybde et de Scylla. Ent
309 ’idéal sans cesse élargi de la liberté de pensée, qui est une garantie des autres libertés. Entre les stalinistes et nous,
310 ège d’Europe, inauguré à Bruges le 12 octobre, et qui peut devenir l’École des sciences politiques du continent. g. Rouge
7 1951, La Revue de Paris, articles (1937–1969). Inde 1951 (décembre 1951)
311 e Congrès indien pour la liberté de la culture. —  Qui l’organise ? — La revue Thought, qui est publiée à New Dehli. — Alors
312 a culture. — Qui l’organise ? — La revue Thought, qui est publiée à New Dehli. — Alors, pourquoi le Congrès se tient-il à B
313 faire croire au fonctionnaire que c’est M. Nehru qui patronne le Congrès, alors qu’en vérité, il s’est borné à le déplacer
314 bles de croire en rien, nous courons admirer ceux qui vénèrent les vaches. L’homme qui connaît ses dieux se conçoit dans le
315 ons admirer ceux qui vénèrent les vaches. L’homme qui connaît ses dieux se conçoit dans leur ordre et sans autres problèmes
316 èmes, la faim n’étant qu’un ennemi. L’Occidental, qui ne se connaît plus, va voir ailleurs comment on croit, mais sans dési
317 et pourtant dérobée, la Sombre Chose pressentie, qui parfois nous envoie, mêlés à la circulation bien ordonnée de ces quar
318 petit bras coupé au coude. On retient la portière qui allait briser cela, on leur jette quelques pièces, mais elles revienn
319 à celui des corbeaux, le cri de la misère sauvage qui seule, dans cette fournaise humide, fouette encore l’énergie de l’ani
320 t dans les mêmes termes qu’en Europe. Il y a ceux qui pensent que l’URSS c’est la justice, les USA la liberté ; ceux qui sc
321 ’URSS c’est la justice, les USA la liberté ; ceux qui scrupuleusement se refusent à choisir entre le Coca-Cola et le camp d
322 ir entre le Coca-Cola et le camp de Kolyma ; ceux qui invoquent la morale et Gandhi pour justifier le neutralisme, et ceux
323 et Gandhi pour justifier le neutralisme, et ceux qui tiennent à distinguer neutralisme et neutralité ; ceux qui demandent
324 ent à distinguer neutralisme et neutralité ; ceux qui demandent que les démocraties balayent devant leur porte, se réformen
325 devant leur porte, se réforment d’abord, et ceux qui veulent sauver d’abord la liberté, sans laquelle il n’est pas questio
326 ion de réformes humainement valables ; ceux enfin qui se frappent la poitrine en déclarant qu’il y a de l’indécence à venir
327 i l’Inde sans avoir voulu dire ce que j’en pense, qui se résume à ceci : si les anciens Hindous, les Égyptiens, les Sumérie
328 de ce matin. C’est un savant indien, D. R. Sethi, qui inventa le procédé pour détruire les racines d’une herbe nommée kans,
329 de centrale. Avec l’aide des tracteurs américains qui avaient construit la Route birmane, il vient de rendre, en quelques m
330 airai. « Ventre affamé n’a point d’oreilles », et qui suis-je pour lutter ici contre la force d’un proverbe, si convaincu q
331 que je sois qu’il dit faux, que ce sont les repus qui n’écoutent pas, et que la disette est mère des civilisations, comme l
332 et profonde. Tout autour du bassin, et sur l’îlot qui en occupe le centre, s’élèvent des colonnes de pierre noire, hérissée
333 trés dans les boutiques, des passants à pieds nus qui circulent sans nous voir de leurs yeux fixes et ardents. Nous croise
334 ne espèce de solennité énigmatique et insidieuse, qui tient du rêve et de la vie animale. Tout est menu, félin, misérable e
335 nous a croisés. Comme je l’apercevais de loin : — Qui est-ce ? ai-je demandé à mon ami. — Un holy man, a-t-il répondu distr
336 la statuaire hindoue : les attitudes des dieux : qui semblent monotones, ou parfois curieusement affectées, sont des figur
337 r le rite et revêtus de son autorité. Pourtant ce qui a suivi m’a troublé davantage et j’en parlerai plus longuement. Devan
338 oustaches noires, et d’une placidité d’expression qui surprend. Vêtus de blouses bleues et de longues culottes blanches ser
339 s deux ? », me souffle à l’oreille mon voisin. Ce qui m’a le plus surpris, c’est l’inhumanité (à notre sens occidental) de
340 t à chaque instant, cette foule d’hommes en blanc qui marchent en tous sens entre les deux trottoirs, quand il faut encore
341 -vert, chargé de clochetons et de reliefs rococo, qui évoque un pavillon de foire et qui est un temple. En réalité toute ce
342 eliefs rococo, qui évoque un pavillon de foire et qui est un temple. En réalité toute cette cour, avec les vaches et leur m
343 gue entre les feuillages des maisons, des enfants qui jouent, du linge qui pend. Atmosphère hiératique, « arrêtée » en plei
344 ges des maisons, des enfants qui jouent, du linge qui pend. Atmosphère hiératique, « arrêtée » en plein cœur du désordre ép
345 en ne se passe. Ou plutôt, je ne saurai jamais ce qui , de toute évidence envoûtante, se passe ici, sans manifestation. ⁂ H
346 érale, il y a partout trop de gens ; dans ce pays qui ne croit pas à l’absolu de la personne et qui semble voué au collecti
347 ays qui ne croit pas à l’absolu de la personne et qui semble voué au collectif, la dévotion et le culte sont individualiste
348 crité. Chez l’Indien donc, point de révolte. À ce qui menacerait de le dénaturer, il résiste en collant à son identité, qui
349 dénaturer, il résiste en collant à son identité, qui est celle d’un ordre et non pas d’un ego, d’un être différent qui ne
350 un ordre et non pas d’un ego, d’un être différent qui ne vivra qu’une fois. Il résiste sans contre-attaque, sans chercher à
351 Corée : il propose un plébiscite “démocratique”, qui ne peut tourner qu’à l’avantage des communistes. Mais prenez l’affair
352 a minorité, seule responsable et progressiste, et qui est hindoue. N’oubliez pas que le Pandit est du Kashmir. Prenez enfin
353 e céréales, on salue la grandeur du geste. Nehru, qui a visité la Russie soviétique il y a vingt ans, la tient pour le pays
354 la sauver de la misère. » Beaucoup enfin de ceux qui l’aiment et qui l’admirent : « Ah ! s’il était resté notre leader mor
355 misère. » Beaucoup enfin de ceux qui l’aiment et qui l’admirent : « Ah ! s’il était resté notre leader moral, au lieu de d
356 , curieux de tout, connaissant bien les écrivains qui participèrent au congrès, mais esquivant doucement mes tentatives pou
357 le vif du sujet ; parlant plutôt du cinéma indien qui , m’apprend-il, le cède de peu à Hollywood quant au volume de producti
358 ité ; parlant des douze grandes langues indiennes qui remplaceront de plus en plus l’anglais jusque dans l’université, c’es
359 écrié : « Votre Nehru, c’est l’un des six ou sept qui dirigent aujourd’hui le monde et qui forment déjà, de fait sinon de d
360 six ou sept qui dirigent aujourd’hui le monde et qui forment déjà, de fait sinon de droit, une sorte de cabinet mondial :
361 tel il doit prêter l’oreille à l’opinion mondiale qui parle ici… » Mais sans me laisser achever ma citation : « Six ou sept
362 moraliste en somme, mais sans foi religieuse, et qui remplace les dogmes par quelques bons principes empruntés au libérali
363 l’esprit trouverait-il encore ce mystère primitif qui lie l’homme à ses dieux comme une ombre à la nuit ? Ne trouverait-il
364 de contradiction, cette petite cicatrice secrète qui trahit l’arrachement de l’individu à l’inconscient sacré, au corps ma
365 ehru. J’en suis sûr maintenant : ce grand Indien, qui libéra son peuple des Anglais, pense en anglais. ⁂ Délivrée des Mogho
366 reconnaître. Elle se dit neutre, comme quelqu’un qui voudrait bien se rendormir. Mais l’image du réveil est trompeuse. Je
367 s quel camp choisir. Comme on comprend que Nehru, qui doit « jouer » pour elle sur le plan international, ne soit tenté que
368 tés individuelles, dans sa lutte contre la Russie qui représente les masses organisées. Ce conflit n’intéresse en rien le g
369 lit n’intéresse en rien le gros du peuple indien, qui n’a jamais connu le phénomène des « masses », ni l’individualisme don
370 rs positives Nehru peut-il fonder le double refus qui paraît inspirer sa politique ? Au nom de quelle fidélité profonde, ou
371 rtisans, mais le pouvoir est aux « sécularistes » qui se détachent d’elle ou la renient. L’évolution normale que provoquera
372 tre un passé réduit à l’impuissance pratique mais qui résiste en profondeur, et un avenir encore épidermique, le présent de
373 ffisance, s’accroît moins vite que la population, qui déborde la nuit sur les trottoirs. (Un lit pour des centaines de pers
374 blent insolubles. Il faut donc aider l’Inde, mais qui le peut ? L’Amérique lui fournit des tracteurs et du blé. La Russie l
375 évolte. Et l’Europe, jusqu’ici, n’a rien offert. ( Qui , d’ailleurs, l’eût fait en son nom ?) Elle s’est bornée à se retirer
376 formés aux disciplines occidentales, à l’anarchie qui les résume. 15. Pandit veut dire sage, docte — un peu comme notre « 
8 1965, La Revue de Paris, articles (1937–1969). Le Suisse moyen et quelques autres (mai 1965)
377 upport ou résultat fictif des statistiques. Voilà qui surprendra, s’agissant d’un pays exceptionnellement composite : vingt
378 ennent nos fameuses diversités dans cette moyenne qui semble les nier ? Réponse : cette moyenne n’est pas née de la fusion
379 titude d’intime approbation à l’égard d’un régime qui permet à chacun de rester soi-même où qu’il vive, à droits égaux mais
380 sence de conflits dramatiques et de la prospérité qui en a pu résulter. Pas de moyenne réelle dans les pays où une faction,
381 compromis, l’attrait de la moyenne et son revers qui est la peur de différer, le conformisme, sont les vertus et les défau
382 s donnent du Suisse moyen un portrait statistique qui ressemble à s’y méprendre aux Suisses parmi lesquels je vis, que je v
383 eux-mêmes sont marqués par l’esprit d’efficacité qui fait du Suisse un type extrême d’Occidental. « Toutes les activités c
384 ne du bourgeois et surtout de son épouse. Tout ce qui est compliqué est vaguement immoral : l’art baroque en particulier, d
385 des gloires de ce pays. C’est la Suisse primitive qui a produit tout cela, pendant l’époque patricienne, très mal vue. La S
386 où l’or est gaspillé sur des stucs boursouflés et qui manquent de sérieux… Et cela conduit à poser la question des critères
387 son ensemble d’une certaine éthique protestante, qui ne sépare point la vertu de l’effort ni la valeur d’une action du mér
388 on pourrait poser au citoyen moyen cette question qui figure dans l’enquête intitulée Un jour en Suisse : « Estimez-vous qu
389 as Gotthelf contre les mœurs des paysans bernois ( qui , loin d’exiger d’une jeune fille la preuve de sa virginité, attendaie
390 nt une Suisse gaillarde, rustique et soldatesque, qui préfère la virtù à la vertu. Le réveil religieux succédant au piétism
391 res et il fallait surtout que rien ne dépasse. Ce qui dépasse aux yeux de la censure, ce sont les œuvres mises à l’index pa
392 s sont : résidus de préjugés sociaux ou religieux qui n’ont plus beaucoup d’importance, la jeunesse étant suffisamment aver
393 embles urbains. Ce n’est pas l’anarchie des mœurs qui menace la Suisse, c’est plutôt une espèce particulière de conformisme
394 ois qu’il est bien assuré, c’est la vie elle-même qui devient le danger, ses surprises que le poste « divers et imprévu » a
395 les Suisses tels qu’ils sont et se veulent. Ceux qui refuseront de s’y reconnaître ne seront sans doute pas les derniers à
396 u d’efficacité, etc., et selon qu’on préfère ceux qui s’engagent dans les guerres d’idéologies à ceux qui signent des contr
397 i s’engagent dans les guerres d’idéologies à ceux qui signent des contrats de « paix de travail ». (Il n’est pas interdit d
398 e la physionomie d’un peuple, mais non les forces qui l’ont configurée. Un Mozart, un Descartes, un Kipling n’auraient jama
399 de l’Anglais, et ce sont pourtant de tels hommes qui donnent à un pays ce qu’on appelle son visage, visage bientôt « tradi
400 nt créée d’abord (bien que dans un langage donné, qui existait avant eux, qu’ils renouvellent seulement). Il y a dans une p
401 qu’il en vit ? Et ce sont des hommes d’exception qui les révèlent dans leurs œuvres, même s’ils croyaient y exprimer tout
402 ra pas une personne sur mille, prise dans la rue, qui ait jamais entendu ce nom-là ; en revanche, les hommes importants qu’
403 se à toute prédominance d’un canton ou d’un homme qui le représente. D’où les conséquences qu’on a vues dans le domaine de
404 lique : tout se ligue instantanément contre celui qui ferait mine de dépasser la mesure commune et d’être un chef. Un Führe
405 là peut-être certains traits communs aux Suisses qui se sont illustrés dans les domaines les plus divers. Sans prétendre à
406 rendre invisible : passer inaperçu. — Il y a ceux qui ne laissent rien paraître que leur identité native et naturelle. Ce n
407 as se dissimuler, en vérité : simplement le génie qui leur advient prend les couleurs du milieu. Albert Bitzius était un je
408 et de ma joie. » Je crois que c’est Paul Bourget qui a dit que « Paris en eût fait un dieu ». Mais ce n’eût été qu’un dieu
409 nouvelle tactique conformiste, puisque c’est elle qui se voit dorénavant « admise », comme l’était la conduite inverse au d
410 ile au bien commun. Et c’est pourquoi les Suisses qui ont excellé furent presque tous, à des titres divers, hommes utiles a
411 us noble et penseurs engagés dans une communauté ( qui souvent dépassait leur pays) plutôt que créateurs d’art ou de pensée
412 giens ou pédagogues, savants du premier rang mais qui restent soucieux d’applications humanitaires ou techniques, nous les
413 th publie un commentaire sur l’Épître aux Romains qui produit dans les milieux théologiques de langue allemande une révolut
414 venu à Bâle, il édifie une Dogmatique de l’Église qui est le monument théologique le plus hardi et dur d’arêtes de l’ère mo
415 nt Paul), il est le seul théologien depuis Calvin qui ait influencé l’ensemble des Églises protestantes, en Amérique comme
416 toute dogmatique. Alors que Barth veut définir ce qui est vrai « en Dieu » selon la Parole de Dieu, Jung recherche ce qui s
417 Dieu » selon la Parole de Dieu, Jung recherche ce qui se passe en l’homme, selon les mythes universels. L’un veut amener l’
418 pas en Suisse de poètes de génie, ni de peintres qui aient fait époque, ni de compositeurs du plus haut rang. Hölderlin ou
419 er, l’Alémanique Othmar Ammann, autant de Suisses qui ont su voir grand — mais pas chez eux. Lucien Febvre, admirable histo
420 s larges vues panoramiques les grandes dimensions qui leur manquent en Suisse25. Mais ce n’est pas en grimpant sur nos Alpe
421 à Paris. Quant à un Jung, à un Ramuz, à un Barth, qui , après de longs séjours loin du pays, ont fait le principal de leur c
422 e leur carrière en Suisse, ce n’est pas la Suisse qui a découvert et propagé leur nom dans le monde ; c’est au contraire de
9 1969, La Revue de Paris, articles (1937–1969). L’avenir du fédéralisme (septembre 1969)
423 gence inspire les mouvements d’union continentale qui créent le Conseil de l’Europe et le Marché commun, puis leurs contrep
424 . Renaissance donc des micronationalismes locaux, qui revendiquent leur autonomie au nom de leur langue, de leurs coutumes,
425 umes, ou des nécessités économiques nouvelles, et qui enfièvrent tour à tour la Bretagne, les Flandres ou le Pays basque.
426 ières… À tous les coups, c’est donc l’État-nation qui perd. Il ne correspond plus ni aux conditions de liberté et de partic
427 ? Sur les quelque cent-trente nations souveraines qui divisent notre humanité, je ne compte guère que deux douzaines d’État
428 et au-delà, l’URSS, l’Inde et l’Australie. Voilà qui réfute le cliché du fédéralisme « désuet ». Mais l’étiquette fédérale
429 nales et les diversités religieuses et politiques qui sont opprimées par l’État central dont un Parti unique s’est emparé ;
430 éria, c’est au contraire une des régions fédérées qui s’érige en État unitaire ; en Suisse, c’est le régime fédératif lui-m
431 e ; en Suisse, c’est le régime fédératif lui-même qui se voit invoqué (non sans paradoxe d’ailleurs), pour refuser de se la
432 mies plus locales et vers des unions plus vastes, qui est le battement même du cœur d’un régime sain, j’entends immunisé co
433 ule. Or je ne vois pas terme du langage politique qui prête à pires malentendus ! Un Français cultivé qui demande à son Lit
434 i prête à pires malentendus ! Un Français cultivé qui demande à son Littré le sens du mot fédéralisme trouve ceci : « Fédér
435 Système, doctrine du gouvernement fédératif. » Ce qui ne nous apprend rien, d’autant que « fédératif » est défini plus loin
436 que « fédératif » est défini plus loin comme ce «  qui a rapport à une confédération ». Quant à « fédération », c’est simple
437 ssurément moins éclairante que les deux citations qui l’illustrent : 1) « Le fédéralisme était une des formes politiques le
438 donc, la cause est jugée. Il s’agit d’un système qui est bon pour les sauvages, et qui semble n’avoir été préconisé que pa
439 it d’un système qui est bon pour les sauvages, et qui semble n’avoir été préconisé que par des traîtres à la République… Il
440 e reste d’être un concept dialectique, ambigu, et qui autorise — ou incite en tout cas — aux plus invraisemblables pataquès
441 l’un à l’autre, mais seulement dans une création qui englobe, satisfasse et transcende les exigences de l’un et de l’autre
442 pellerai donc solution fédéraliste toute solution qui prend pour règle de respecter les deux termes antinomiques en conflit
443 cellule de base des ligues et fédérations. Voilà qui est proprement occidental : devant ce même problème de l’Un et du div
444 de cet effort toujours renouvelé toujours menacé, qui dénote la santé de la pensée européenne, sa justesse, sa mesure conqu
445 iques ou physiques, esthétiques ou politiques. Ce qui s’oppose coopère, et de la lutte des contraires procède la plus belle
446 raires mais également valables, voilà je crois ce qui définit l’apport original et spécifique de la pensée occidentale ; or
447 lle a sauvegardé les propriétés de chaque nature, qui se rencontrent dans une seule personne… » Abstraction faite de la foi
448 atures sans confusion ni séparation et de l’union qui loin de supprimer la différence des natures sauvegarde leurs propriét
449 respectueux du réel et des conditions de la vie, qui sont : antinomies, oppositions, lutte des contraires « d’où procède l
450 résulte d’un couple d’exigences contradictoires, qui paraissent exclusives l’une de l’autre, quoique indispensables l’une
451 adhésion à des communautés plus vastes, de cadres qui rassurent, d’enracinement et de mobilité… La situation de l’homme qui
452 acinement et de mobilité… La situation de l’homme qui veut à la fois sa vie privée et une vie sociale est homologue à la si
453 sociale est homologue à la situation de la région qui veut à la fois son autonomie et sa participation à un plus grand ense
454 bon marché, trop serré avec d’autres chez soi, et qui voudrait être enfin seul, sort et se mêle à la foule anonyme… Mais c’
455 d’une constitution, de type plus ou moins fédéral qui peut résoudre une fois pour toutes ce conflit permanent. Il y faut un