1 1937, La Revue de Paris, articles (1937–1969). Paysans de l’Ouest (15 juin 1937)
1 lles. Devant moi une grosse luronne s’agitait sur son banc. Je voyais une puce circuler sur sa nuque grasse. Un des garçons
2 ait sur son banc. Je voyais une puce circuler sur sa nuque grasse. Un des garçons s’en aperçoit, attrape la puce en pinçan
3 mbeau terminée, on rallume. L’instituteur monte à sa chaire et annonce qu’il va prononcer, comme chaque semaine désormais,
4 cit détaillé des calomnies que le curé répand sur son compte, dans les foyers et jusque dans la presse1 ! « Je n’ai pas che
5 ues autres. Être laïque, c’est finalement « aimer son prochain » ! Je n’ai pas plutôt soufflé à l’oreille de ma femme : « C
6 « C’est un sermon ! » que l’orateur, au comble de son éloquence, s’écrie : « Et, mes frères ! si l’on vient encore vous dir
7 ais, non pas la Bible. Être chrétien, c’est aimer son prochain comme Jésus nous aime. Si tous les hommes étaient chrétiens,
8 as comme ça ici ? » Il me regarde un peu étonné à son tour : « Qu’est-ce que vous voulez, il n’y a rien à répondre, c’est j
9 re, c’est juste, ce qu’il a dit ! Il connaît bien son affaire. C’est bien comme ça que c’est écrit dans la Bible, il n’a pa
10 avec tant de prudence qu’on a peine à comprendre ses intentions. Il a un oncle qui est curé, mais je ne saisis pas bien si
11 ens inquiet de mon opinion d’« intellectuel » sur son discours. « C’était sûrement beaucoup trop simple pour vous, ce que j
12 us pour un dimanche prochain, au chef-lieu, après son culte. Je suis rentré à bicyclette, sans lumière, distinguant à peine
13 rnée, tout y présente un aspect complet, tout y a son fini, tout sert et semble destiné à un noble usage… » Commentons : la
14 és ou des mensonges, on n’applaudira guère que le son de leur voix, ou le parti qui les délègue. Il resterait à expliquer c
15 r ce qu’il dit », mais simplement : « Étant donné ses prémisses ou ses préjugés, sa déduction est correcte. » Ainsi l’intel
16 mais simplement : « Étant donné ses prémisses ou ses préjugés, sa déduction est correcte. » Ainsi l’intelligence devient i
17 nt : « Étant donné ses prémisses ou ses préjugés, sa déduction est correcte. » Ainsi l’intelligence devient irresponsable.
18 de mettre en pratique ce qu’il dit. Il reste dans son rôle en s’agitant sur l’estrade et en lançant des appels éloquents, e
19 ur rendre possible une réforme matérielle, qui, à son tour, permettrait d’autres progrès. Un seul homme ici pourrait influe
20 e suite obtenu des résultats supérieurs à ceux de ses voisins, et à moindre fatigue. Il y a peut-être d’innombrables petits
21 Clique des retraités de la Marine, qui animait de ses concerts de nombreuses fêtes villageoises. Tout cela s’est dissous qu
22 e lors des enterrements : elle assure à chacun de ses membres une nombreuse suite pour leur dernier voyage. L’autre, c’est
23 bien dans l’harmonie de cette lande où l’homme et ses maisons mettent les seules verticales. Existence ramenée à ces deux d
24 , sans rêves, sans tristesse. Chacun pour soi sur sa parcelle de terre ingrate, dans sa courette pleine de fleurs. Qu’ils
25 n pour soi sur sa parcelle de terre ingrate, dans sa courette pleine de fleurs. Qu’ils n’aient pas de vie communautaire, c
26 sera peut-être capable de grandes choses — c’est son mystère — mais ne dites pas que vous le faites pour son bonheur, car
27 stère — mais ne dites pas que vous le faites pour son bonheur, car il est plus « heureux » que vous. Il faudrait croire fan
28 fluence de badauds, c’est là qu’on arrive à grand son de trompe, c’est enfin ce que l’on voit le mieux de chaque pays. La v
29 abstraitement, sans la voir, sans tenir compte de ses circonstances. Sur ses bords ne vivait qu’une population nomade, qui
30 voir, sans tenir compte de ses circonstances. Sur ses bords ne vivait qu’une population nomade, qui portait l’uniforme de l
31 onnent sur la place. C’est que chaque compagnie a sa tête de ligne chez un bistro différent, et il est rare qu’on puisse t
32 e faillite, ou réussisse à vendre « honnêtement » sa renonciation, quitte à recommencer aussitôt le petit jeu sur un autre
33 prit des populations, on se sent maître à bord de sa puissante machine, et l’on bénéficie de ces petites faveurs que les f
34 e temps ; ou bien on écrit simplement pour gagner sa chienne de vie et c’est le bon moyen de traîner la misère la plus hon
35 ifférent ; qu’on voulait surtout, par ici, garder sa liberté et se gouverner comme on l’entendait. Et je me disais, en l’é
36 L’instituteur vendéen. — Nous étions assis dans sa cuisine avec sa femme et ses deux enfants. C’est un homme de quarante
37 vendéen. — Nous étions assis dans sa cuisine avec sa femme et ses deux enfants. C’est un homme de quarante ans, aux traits
38 ous étions assis dans sa cuisine avec sa femme et ses deux enfants. C’est un homme de quarante ans, aux traits réguliers et
39 de geste et de parole ; prudent. Il se plaint de son isolement. « On nous laisse seuls, sans direction. Nous ne savons pas
40 té, de force ou de conviction. On dirait que tout son effort est de s’écarter le plus possible de ce qui est simplement vra
41 s d’un long séjour dans l’île de Ré et en Vendée, ses impressions sur la vie des paysans en général et sur leurs aspiration
2 1939, La Revue de Paris, articles (1937–1969). L’Âme romantique et le rêve (15 août 1939)
42 des que nous révèle M. Albert Béguin, en publiant son gros volume sur L’Âme romantique et le rêve. Livre charmant et capite
43 ue et le rêve. Livre charmant et capiteux, malgré sa gravité d’ailleurs jamais sévère ; au point que l’on craindrait d’en
44 t mettre au ban de l’humanité. Et tandis que dans sa panique l’homme primitif s’était tourné vers la raison libératrice, a
45 te avec passion vers les « aspects nocturnes » de sa nature. Ainsi naquit le romantisme allemand après le siècle des Lumiè
46 ion, et si c’est « l’Autre », ou le moi sombre et son néant, que l’on atteint au fond de l’inconscient, ils formulent le pr
47 , la seconde génération du romantisme va formuler sa fameuse théorie de l’inspiration — tellement vulgarisée de nos jours
48 expérience mystique privée de la grâce, réduite à ses aspects purement humains ?) Le point de départ paraît bien être une b
49 rofonds du moi. Blessure si cruelle et intime que sa conscience en évite le souvenir (ou le refoule comme dira Freud) de t
50 a Freud) de telle manière que la cause secrète de sa douleur en vient à se confondre avec le fait de vivre en général. D’o
51 doit « expier la faute qu’il n’a commise que par son existence même ». Un philosophe mystique tel que Ignaz Troxler n’hési
52 scur déchirement : « C’était comme si le poids de son existence l’eût accablé. Qu’il dût, jour pour jour, se lever avec lui
53 r avec lui-même, traîner après lui, à chaque pas, son moi détesté…, qu’il dût désormais, inexorablement, être lui-même… cet
54 cet oubli, de ce refus, le moi perd peu à peu de sa réalité : d’où le sentiment si fréquent chez la plupart des romantiqu
55 z la plupart des romantiques d’être mal assuré de sa propre identité, et d’avoir à la rechercher précisément dans le passé
56 ns le passé. Moritz décrit ainsi le héros d’un de ses romans : « Il lui parut qu’il s’était échappé entièrement à lui-même
57 démarche se rechercher lui-même dans la série de ses souvenirs. Il sentait que l’existence n’a d’appui ferme que dans la c
58 se ressaisir dans la mémoire, puisque la cause de sa maladie est justement ce qu’il ne peut se remémorer, cette lacune qui
59 ent guérir ? Comment récupérer la vie totale dans sa bienheureuse unité ? Ce n’est plus possible ici-bas, dans la prison d
60 r le moi qui s’y perd, perd aussi le sentiment de sa culpabilité. Mais d’une autre manière encore, et plus précise, le rêv
61 typique, qui est celle de Jean-Paul à la mort de ses amis, de Novalis perdant Sophie von Kühn ou de Nerval poursuivant l’i
62 ance, lorsqu’il s’interroge sur ce qu’est devenue sa petite sœur : le vœu de retrouver la morte, de communier avec un autr
63 utre univers, lui fait mépriser cette vie, sentir ses limites, mettre tout son espoir dans une existence d’outre-tombe ». L
64 priser cette vie, sentir ses limites, mettre tout son espoir dans une existence d’outre-tombe ». Le rêve ou la via mystica
65 e « sensation voluptueuse » (comme dit Moritz) de sa propre dissolution, un moyen détourné de revivre sa blessure, ou plut
66 propre dissolution, un moyen détourné de revivre sa blessure, ou plutôt l’élan même qu’elle a brisé, mais sans se l’avoue
67 urs s’avouer, c’est se donner pour responsable de sa pensée et de ses actes. Mais voilà justement ce qui répugne aux roman
68 est se donner pour responsable de sa pensée et de ses actes. Mais voilà justement ce qui répugne aux romantiques ! D’où leu
69 ituel, responsable d’une vocation, et trouvant là son unité en dépit des contradictions dont peut souffrir l’individu (c’es
70 res touches de l’esprit rendent le moi sensible à ses limitations, et lui inspirent la nostalgie de les dépasser. Mais seul
71 c’est-à-dire du renoncement au moi tourmenté par son égoïsme. Elle ne prend pas la mort pour but, mais bien la vie, et cet
72 e, et cette vie-ci. Elle accepte le moi et toutes ses servitudes en vertu de sa vocation, c’est-à-dire en vertu d’un appel
73 cepte le moi et toutes ses servitudes en vertu de sa vocation, c’est-à-dire en vertu d’un appel venu d’ailleurs mais qui c
74 idité, de s’exprimer sans réticences et d’assumer son moi coupable — parce que dorénavant ce n’est pas cela qui compte, mai
75 De même que l’expérience d’un au-delà ne prend son sens et sa vertu que lorsqu’elle nous ramène au jour de l’activité qu
76 ue l’expérience d’un au-delà ne prend son sens et sa vertu que lorsqu’elle nous ramène au jour de l’activité quotidienne —
77 uider notre analyse. Le mouvement hitlérien, dans son essence, m’apparaît comme un romantisme politique. Et je ne dis pas d
78 es écrits d’un Novalis ou d’un Jean-Paul soient à sa source ; ce serait absurde. Mais je dis que nous pouvons retrouver au
79 ûr — de certaines attitudes de l’homme en face de son destin et de sa personne. Le national-socialisme apparut comme une ré
80 attitudes de l’homme en face de son destin et de sa personne. Le national-socialisme apparut comme une réaction de défens
81 un individu, mais par la nation tout entière dans ses rapports avec le monde réel. D’où l’impression de culpabilité, inacce
82 nouvelle ! Et de même que le romantique oubliait son moi détesté en se perdant dans les fêtes du rêve, l’Allemand moyen ou
83 dans les fêtes du rêve, l’Allemand moyen oubliera ses misères et les humiliations de sa patrie en se perdant dans l’âme col
84 moyen oubliera ses misères et les humiliations de sa patrie en se perdant dans l’âme collective, dans l’hypnose des fêtes
85 en tant qu’individu conscient ; on lui a dit que sa vraie vie était entre les mains du parti, d’un démiurge anonyme et ob
86 ssif ». Le voilà délivré de la terrible charge de sa conscience et de ses doutes. La discipline collective joue le rôle d’
87 ivré de la terrible charge de sa conscience et de ses doutes. La discipline collective joue le rôle d’une ascèse du moi : l
88 ts mêmes qu’elle impose deviennent les preuves de sa transcendante vérité. Et c’est ainsi que la masse allemande, imitant
89 s l’évolution des romantiques cherche à récupérer son unité perdue dans un monde supra-personnel, où les limites hostiles s
90 icisme romantique détermine l’action du Führer et son pouvoir hypnotique sur les masses. Les apparences de Realpolitik main
91 résence de Bismarck, mais d’un peuple envoûté par son rêve. Un peuple qui renonce à la raison, qui renonce à se justifier a
92 tifier aux yeux du monde, parce qu’il trouve dans sa passion une espèce d’innocence exaltante, une occasion de sacrifier l
93 quelque chose de plus vrai que la vie, et qui est sa mission millénaire. « Chez nous, proclamait récemment M. Goebbels, on
94 utres hommes d’État sont seulement des manœuvres. Son État à lui est le produit d’une imagination géniale9. » Une politique
3 1946, La Revue de Paris, articles (1937–1969). Tableaux américains (décembre 1946)
95 il y a plus. Il y a le sol qui est alpestre dans sa profondeur. À Central Park, au milieu des prairies, vous voyez affleu
96 par les arches de fer d’un pont à n’en pas croire ses yeux, qui porte l’autostrade pendant des kilomètres au-dessus des usi
97 t se dresse près de la voie. Nous la passons. Sur son autre versant s’étale un cimetière d’autos décarcassées, déchets du g
98 e alors qui s’empare du ciel, s’en fait un dôme à sa mesure et le referme sur sa nuit de ville. Appartements. — Les gran
99 , s’en fait un dôme à sa mesure et le referme sur sa nuit de ville. Appartements. — Les grandes maisons les mettent mal
100 ampes. Une blonde platinée en peignoir rose ouvre son frigidaire, sort de la glace, ôte enfin le peignoir, il fait trop cha
101 chambre, un vieux monsieur, pour arroser au tuyau ses arbustes. Soudain, passant la tranche ocrée d’un bâtiment de trente é
102 à mi-hauteur, sur la rivière, une proue grise et ses canons glissait sans bruit, un énorme croiseur défilait, tout l’équip
103 pique — permettant l’examen à l’œil nu. Décrivons sa partie, inférieure. La rue huileuse, parsemée de vieilles lettres, de
104 s, en Amérique.) L’un des maris se nomme Robert ; son père était un Canadien français et sa vieille mère est une Allemande
105 e Robert ; son père était un Canadien français et sa vieille mère est une Allemande du Sud. La famille de l’autre mari est
106 de province, sans grand avenir, qui vit déjà sur son passé d’un siècle… Robert me dépose devant l’entrée de son agence de
107 d’un siècle… Robert me dépose devant l’entrée de son agence de locations, dans l’une des rues principales. Le bureau donne
108 lire quelques lettres, puis je l’entends dicter à sa secrétaire. Les passants me paraissent aussi laids que ces maisons de
109 es. — Et vous verrez ce qu’elle en a fait ! C’est sa manière de se venger de W…, car c’était la maison de ses ancêtres, à
110 ière de se venger de W…, car c’était la maison de ses ancêtres, à lui. Elle la déteste. Elle n’aime vraiment que ses chevau
111 à lui. Elle la déteste. Elle n’aime vraiment que ses chevaux… L’auto s’arrête devant un haut portique. Deux colonnes blanc
112 tient la bride d’une main, et de l’autre porte à sa bouche une pomme qu’elle mord en galopant. Nouveaux éclairs. Tous les
113 ’arrêtent devant la barre du portail. Elle pousse son cheval, le portail cède et lui livre passage. C’est une grande femme
114 bottée, sauvage et belle, qui mord une pomme, et son torse paraît nu dans un fin sweater jaune. Elle rit, jette la pomme e
115 ue de la main. Le jeune homme mince, immobile sur son cheval, nous considère avec hostilité. Il a les yeux d’un bleu très p
116 eux d’un bleu très pâle et dur. Il n’a pas salué. Son silence nous supprime. C’est sans doute le nouvel intendant. « Je vou
117 retrouve à la maison ! », crie-t-elle. Et piquant son cheval, penchée sur l’encolure, elle disparaît dans le tunnel de la c
118 eute de chiens de toutes les tailles s’élance sur ses traces en aboyant. Au fond d’une pièce vaste et noire, une petite lam
119 a route américaine L’Européen parle parfois de sa conception de la vie. Aux États-Unis, on parle tous les jours de l’am
4 1949, La Revue de Paris, articles (1937–1969). Le Mouvement européen (avril 1949)
120 oisie occidentale, politiquement analphabète dans ses propos et ses réflexes, imite à sa manière le cynisme frivole de la n
121 ale, politiquement analphabète dans ses propos et ses réflexes, imite à sa manière le cynisme frivole de la noblesse à la v
122 lphabète dans ses propos et ses réflexes, imite à sa manière le cynisme frivole de la noblesse à la veille de la Révolutio
123 e peut prétendre, seul, à une défense sérieuse de son indépendance. Aucun de nos pays ne peut résoudre, seul, les problèmes
124 plus que l’Amérique, autant que la Russie et tous ses satellites. Si ces 320 millions d’habitants faisaient bloc, soit qu’i
125 ent et tirent leurs plans ; la Russie fait donner ses cinquièmes colonnes et l’Amérique numérote ses bombes. Ainsi l’urgenc
126 er ses cinquièmes colonnes et l’Amérique numérote ses bombes. Ainsi l’urgence s’ajoute à la nécessité. J’essaierai maintena
127 e pionnier réussit à convaincre Briand, qui prêta sa grande voix traînarde à l’idée d’une union continentale. Mais ces pre
128 se de plus profond, de plus prégnant, pour donner ses assises morales et doctrinales à la fédération européenne. C’est alor
129 s’engager, on s’appliquait à tirer de la doctrine ses conséquences politiques et sociales, et c’est ainsi que l’on aboutiss
130 t convoquer pour le mois d’août 1947, à Montreux, son premier congrès. Qu’étions-nous à l’époque, il y a un an et demi ? Ce
131 Congrès de l’Europe ». Il ne s’agissait pas, dans son esprit, d’une entreprise « fédéraliste » au sens précis, mais plutôt
132 ats de l’Europe que Churchill avait réclamée dans son grand discours de Zurich. C’est de ces deux initiatives indépendantes
133 ion européenne des fédéralistes réunissait à Rome son deuxième congrès annuel. À Montreux, nous avions tenu nos séances dan
134 ome, on nous offrit le palais de Venise et toutes ses salles immenses, restées vides depuis la fuite du dernier locataire.
135 s par le pape Pie XII, qui leur dit en français «  sa plus vivante sympathie » pour l’œuvre urgente conduite par les fédéra
136 l’Europe avait pris le nom de Mouvement européen, ses quatre présidents d’honneur étant Léon Blum, Winston Churchill, Alcid
137 Mouvement européen défendit ce point de vue dans son mémorandum du 18 août 1948. C’est ce que la presse nomme aujourd’hui,
138 t ne troubleront pas l’économie travailliste dans son austère insularité… Step by step, répètent les Anglais. Nous leur di
139 quêter sur leur territoire et pour faire exécuter ses arrêts à leurs dépens, s’il y a lieu. C’est pourquoi le Conseil inte
140 Conseil international du Mouvement européen, dans sa réunion de Bruxelles, a recommandé que soit créée, par convention ent
141 Mouvement européen. S’il ne mettait la culture à sa place, qui est à la fois primordiale et finale, il cesserait de mérit
142 et finale, il cesserait de mériter l’adjectif de son titre. C’est pourquoi le congrès de La Haye a réclamé l’institution r
143 certaine conception de la personne humaine et de ses libertés fondamentales, antérieures et supérieures à l’État ; un cert
144 istophe Colomb voyait les Indes, ou nommait ainsi sa vision. Contre vents et marées, contre tous les experts de son équipe
145 ontre vents et marées, contre tous les experts de son équipe, il se mit en route pour la joindre. Mais nous, quel continent
146 simplement l’Europe, redécouverte à la faveur de son union ? Une Europe rajeunie qui deviendrait soudain, pour nos yeux ét
5 1949, La Revue de Paris, articles (1937–1969). Découverte de l’Europe (octobre 1949)
147 cur, près de Jérusalem, a fait moins de bruit, en son temps, que la visite de Bartali, coureur cycliste, au Vatican. Il ser
148 urope étaient loin d’assurer au Corps consultatif son minimum vital d’autonomie. Avant d’agir, il fallait mettre en place u
149 qui ont su voir le but et qui ont osé lui donner son vrai nom : fédération. Les progrès surprenants de l’idée fédéraliste
150 anglais généralement) aux députés européens. Dès sa prochaine session, l’Assemblée sera saisie d’un plan dont le présiden
151 lle-ci a conquis tout d’abord la liberté de fixer ses ordres du jour. Elle a voté, malgré l’opposition du Comité ministérie
152 l’existence même de l’Assemblée et la rapidité de ses premières opérations doivent être attribuées en premier lieu à l’acti
153 d’alerter, d’informer, et de faire peser de tout son poids sur ses élus ? Montrer ce but et préparer les voies reste la mi
154 informer, et de faire peser de tout son poids sur ses élus ? Montrer ce but et préparer les voies reste la mission décisive
155 fait constituante, mais bien d’agir en sorte que ses vœux et avis soient régulièrement acceptés par les gouvernements et p
156 su voir juste… » Il venait de découvrir l’Europe, ses limitations, son génie. f. Rougemont Denis de, « Découverte de l’E
157 Il venait de découvrir l’Europe, ses limitations, son génie. f. Rougemont Denis de, « Découverte de l’Europe », La Revue
6 1950, La Revue de Paris, articles (1937–1969). L’Europe et sa culture (novembre 1950)
158 L’Europe et sa culture (novembre 1950)g Ce titre appelle deux séries d’objections
159 ot culture ; et ce n’est pas tout : les mots « et sa  », qui les unissent, ne vont pas de soi, dira-t-on… Certes, on peut e
160 ies. Ce n’est pas un fait géographique qui marque ses limites vers l’Asie, mais seulement un fait historique, un rapport de
161 des siècles, a pris conscience d’elle-même et de son unité. Marathon, Salamine, la défense du limes romain, les champs Cat
162 le, sur laquelle notre génération doit concentrer sa réflexion vitale. C’est un fait que la péninsule Europe ne représente
163 parvenant que bien rarement, obligé de redresser ses déviations sans cesse renaissantes par des réactions toujours renouve
164 é spécifique de l’Européen : celle de transformer son milieu et ses données matérielles ou morales, sans se laisser arrêter
165 e l’Européen : celle de transformer son milieu et ses données matérielles ou morales, sans se laisser arrêter par des const
166 inq ans, en même temps qu’elle était libérée dans ses ruines. Elle avait représenté un quart, puis un cinquième de la popul
167 pires neufs qui menacent d’engager une guerre sur son sol et à ses dépens. Poussière de petits États, dont les plus populeu
168 ui menacent d’engager une guerre sur son sol et à ses dépens. Poussière de petits États, dont les plus populeux ne sauraien
169  ; encombrée de frontières intérieures ; épuisant sa vieille astuce politique en rivalités locales, l’Europe n’offre plus
170 le se voit amputée, pour le moment, d’un quart de sa population à l’Est, et de la péninsule ibérique à l’Ouest. Le reste n
171 épondants, la liberté fondamentale de la culture, son pouvoir de mettre en question les valeurs régnantes et les activités
172 ne « utilité pratique ». Inversement, si l’une de ses activités se révèle « pratiquement utilisable » au service de la poli
173 s question, de nos jours, que l’esprit subordonne ses intérêts à ceux de l’économie, de la politique, ou de la défense nati
174 sont étrangères et la dégradent. Elle perd ainsi sa fonction directrice. Et la séparation s’aggrave entre la pensée et l’
175 tement étatisée. Ils lui ont rendu officiellement sa place centrale, et ils l’y tiennent emprisonnée. Elle est reine de no
176 est reine de nouveau, mais elle ne reconnaît plus sa propre voix proférant des aveux spontanés, criant sur tous les modes
177 x spontanés, criant sur tous les modes l’éloge de ses bourreaux : elle est devenue la Propagande. Les conditions morales de
178 là enfin où cette phrase de l’Évangile rendait le son le plus authentique : « Que servirait à un homme de gagner le monde,
179 irait à un homme de gagner le monde, s’il perdait son âme ? » ⁂ J’admets ici, comme hypothèse de base, qu’il faut sauver l’
180 auver l’Europe si l’on ne sauve pas en même temps sa culture ; ou de sauver la culture occidentale si l’on ne sauve pas en
181 re occidentale si l’on ne sauve pas en même temps sa patrie. Rien ne sert de faire durer, de conserver la créature, si l’o
182 nserver la créature, si l’on tarit les sources de sa recréation perpétuelle. Et rien ne sert non plus d’entretenir le dési
183 ure qui ait encore créé dans une nation privée de son indépendance. L’Europe est encore le foyer de la civilisation occiden
184 vait su remplacer toutes les autres. Le secret de ses mesures vivantes sera perdu. Mais en retour, sans une culture active
185 ns d’experts étrangers ou d’une police qui a fait ses preuves ailleurs. Mais elle aura perdu le ressort de son pouvoir tran
186 uves ailleurs. Mais elle aura perdu le ressort de son pouvoir transformateur du monde, ce pouvoir qui avait fait sa grandeu
187 ransformateur du monde, ce pouvoir qui avait fait sa grandeur à partir d’un médiocre destin. Que servirait à l’Europe de r
188 de recevoir une unité, si ce n’était pas celle de son choix ? Et si cette unité signifiait sa défaite, non point sa conquêt
189 celle de son choix ? Et si cette unité signifiait sa défaite, non point sa conquête sur elle-même ? Son destin et non plus
190 t si cette unité signifiait sa défaite, non point sa conquête sur elle-même ? Son destin et non plus sa liberté ? L’Europe
191 sa défaite, non point sa conquête sur elle-même ? Son destin et non plus sa liberté ? L’Europe sans sa culture, réduite à c
192 a conquête sur elle-même ? Son destin et non plus sa liberté ? L’Europe sans sa culture, réduite à ce qu’elle est, ne sera
193 Son destin et non plus sa liberté ? L’Europe sans sa culture, réduite à ce qu’elle est, ne serait plus qu’un cap de l’Asie
194 ine sont des produits de notre culture, l’une dès ses origines, et l’autre en ce qu’elle a de moderne justement. Calvin et
195 eux va compter dans ma liste les quelques noms de son pays et n’en tirera qu’une raison de plus de se sentir minoritaire, o
196 de l’Europe au rang des grandes puissances, c’est son union. Telle est aussi la condition du maintien de ce foyer de créati
197 eut parler, actuellement, au nom de l’Europe dans son ensemble alors que c’est l’ensemble de l’Europe qui se voit attaqué p
198 et auquel le Conseil de l’Europe vient d’accorder son patronage officiel. M. Winston Churchill a proposé, devant l’Assemblé
199 ue la vraie source de la puissance européenne est sa culture, et qu’il serait absurde et vain d’essayer de sauver l’une sa
200 continent. g. Rougemont Denis de, « L’Europe et sa culture », La Revue de Paris, Paris, novembre 1950, p. 79-90.
7 1951, La Revue de Paris, articles (1937–1969). Inde 1951 (décembre 1951)
201 ceux qui vénèrent les vaches. L’homme qui connaît ses dieux se conçoit dans leur ordre et sans autres problèmes, la faim n’
202 nimal humain. ⁂ Aborder l’Inde par Bombay, ou par son intelligentsia, c’est retrouver d’abord ce que nous connaissions, ave
203 dans le hall du Taj. (Il a l’air d’un Gitan avec ses boucles noires, il est brahmine, et par un choix délibéré, très ortho
204 Accroupi sur un banc, le lecteur tient ouvert sur ses genoux un gros in-quarto relié. Homme encore jeune, massif, de peau t
205 ont Gandhi chaque soir lisait quelques extraits à ses disciples. Je ne sais si j’ai rien vu de plus touchant, ni jamais un
206 dant jusqu’au nombril, et d’un pagne. Il rythmait ses lentes et grandes enjambées en frappant le sol d’un bâton. Derrière l
207 du sommet de l’occiput. Le saint homme déployait son importance, les trois suiveurs semblaient vouloir montrer avec insist
208 s. ⁂ Dans le salon d’une vaste résidence, vidé de ses meubles, le mur du fond tendu d’un seul voile de soie noir chargé de
209 haque côté de la pièce. La subtile dissymétrie de ses gestes, soulignée par des avancements obliques du menton, en liaison
210 mu par tant de beautés concertées, la danseuse et ses pas, dont chacun signifiait, l’éclat somptueux des soies, des couleur
211 haque geste sont dictés par le rite et revêtus de son autorité. Pourtant ce qui a suivi m’a troublé davantage et j’en parle
212 e plus en plus fort ; et quand leur danse atteint sa plus intense animation, frappant devant eux, de côté, derrière leur d
213 formulés par l’Europe ? Et comment suggérer dans son obscurité le sentiment, mal distinct d’une angoisse, qu’ici le Moi, l
214 s figures dynamiques de la danse que l’animal par ses instincts. Sans problèmes, sans contradictions, sans dualité dans la
215 t la personne, faire bon marché de l’individu, de ses souffrances, de sa vie même, et pourquoi ses grandeurs anciennes nous
216 bon marché de l’individu, de ses souffrances, de sa vie même, et pourquoi ses grandeurs anciennes nous semblent tour à to
217 , de ses souffrances, de sa vie même, et pourquoi ses grandeurs anciennes nous semblent tour à tour follement belles ou cru
218 les lèvres vers l’autre côté de la cour. Je suis son regard et découvre en retrait, au-delà de l’abreuvoir, un bâtiment pe
219 La conversation s’engage entre Stephen Spender et ses vis-à-vis Hindous et Parsis. Stephen déplore la condition présente de
220 a beaucoup à dire sur ce dialogue, ainsi réduit à sa plus grande simplicité. Je reviens à ce que j’écrivais sur l’absence
221 sonnels, aux risques permanents de la personne, à ses échecs dans la névrose ou l’insanité collective, bref, à toute l’aven
222 -à-dire affecté dès l’origine, comme en chacun de ses états, par un principe d’injustice, de malheur, d’incomplétude inéluc
223 nacerait de le dénaturer, il résiste en collant à son identité, qui est celle d’un ordre et non pas d’un ego, d’un être dif
224 tte et d’en sortir contaminé. ⁂ Nehru. — L’un de ses anciens amis m’a mis en garde. « Nehru, me disait-il, suit en toute o
225 it ce qu’il va faire. Il suit surtout la ligne de ses humeurs. L’autre jour, au banquet des grands industriels, il s’est la
226 rs d’un déjeuner auquel il m’a convié, entouré de sa fille, de sa nièce, et de quelques familiers de sa maison. Dans le sa
227 ner auquel il m’a convié, entouré de sa fille, de sa nièce, et de quelques familiers de sa maison. Dans le salon où je l’a
228 a fille, de sa nièce, et de quelques familiers de sa maison. Dans le salon où je l’attendais, avant le repas, je n’étais p
229 rer des jonquilles, rapportées toutes fraîches de son pays natal. Il est entré sans bruit, d’un pas rapide. Un peu voûté, l
230 risque du Congrès, baissant la tête et regardant sa main posée sur un coussin, sans réagir. Je ne sais pourquoi je me sui
231 on étonnement à découvrir que l’intelligentsia de son pays présente avec la nôtre tant d’analogies, non seulement par sa si
232 avec la nôtre tant d’analogies, non seulement par sa situation entre l’URSS et les USA, mais par sa manière d’assumer ou d
233 ar sa situation entre l’URSS et les USA, mais par sa manière d’assumer ou de refuser cette situation. Approuverait-il un p
234 ’homme, pendant une entrevue « banale », et c’est son prix. Nehru est un brahmine éduqué à Cambridge, un aristocrate libéra
235 ers le socialisme, et dont le destin, complice de sa nature intime plutôt que de ses idées, a fait un prince. Que ce pandi
236 estin, complice de sa nature intime plutôt que de ses idées, a fait un prince. Que ce pandit soit devenu Premier ministre,
237 tre aussi d’un Gandhi, il reste comme distinct de son rôle historique. On dirait qu’il le voit avec quelque distance. Un mo
238 plus soucieux de noblesse morale que de logique. Son dédain mal dissimulé pour la culture américaine est celui d’un brahmi
239 orale », sont en fait ressenties comme traduisant sa colère personnelle contre l’opposition. En dépit de ces défauts, que
240 aissent, entouré du respect général. Cela tient à son rôle de chef libérateur, mais non moins à sa grande séduction personn
241 t à son rôle de chef libérateur, mais non moins à sa grande séduction personnelle. Tout le monde parle de sa beauté. Et il
242 nde séduction personnelle. Tout le monde parle de sa beauté. Et il est vrai que son visage et son maintien expriment une h
243 t le monde parle de sa beauté. Et il est vrai que son visage et son maintien expriment une harmonie de l’âme hindoue que la
244 le de sa beauté. Et il est vrai que son visage et son maintien expriment une harmonie de l’âme hindoue que la plupart des c
245 contredisent à nos yeux. L’Indien du peuple, avec ses membres grêles, sa peau grise, ses yeux fixes et brillants, nous appa
246 eux. L’Indien du peuple, avec ses membres grêles, sa peau grise, ses yeux fixes et brillants, nous apparaît plus près que
247 u peuple, avec ses membres grêles, sa peau grise, ses yeux fixes et brillants, nous apparaît plus près que nous de l’animal
248 ru, l’âme affleure et vient en surface. Mais dans son être intime, le regard de l’esprit trouverait-il encore ce mystère pr
249 t-il encore ce mystère primitif qui lie l’homme à ses dieux comme une ombre à la nuit ? Ne trouverait-il pas au contraire c
250 suis sûr maintenant : ce grand Indien, qui libéra son peuple des Anglais, pense en anglais. ⁂ Délivrée des Moghols par l’Oc
251 existe pas ailleurs que dans nos idées vagues sur son mystère. Elle ne peut plus ressembler qu’à ce qu’elle deviendra. En s
252 n’ai pas senti là-bas l’essor d’un peuple jeune, sa confiance dans l’avenir, ses projets excessifs. Au contraire, un imme
253 or d’un peuple jeune, sa confiance dans l’avenir, ses projets excessifs. Au contraire, un immense embarras devant le monde
254 urd’hui le monde des libertés individuelles, dans sa lutte contre la Russie qui représente les masses organisées. Ce confl
255 trouver des motifs très puissants pour justifier son abstention. Mais sur quelles valeurs positives Nehru peut-il fonder l
256 eut-il fonder le double refus qui paraît inspirer sa politique ? Au nom de quelle fidélité profonde, ou de quel idéal nouv
257 n’a rien offert. (Qui, d’ailleurs, l’eût fait en son nom ?) Elle s’est bornée à se retirer politiquement. Elle doit trouve
258 épendance, les soucis de la jeune intelligentsia… ses réactions en face de l’URSS… et un portrait nuancé de Nehru. »
8 1965, La Revue de Paris, articles (1937–1969). Le Suisse moyen et quelques autres (mai 1965)
259 faction, une Église, une classe a tenté d’imposer ses règles, provoquant la violence et fixant pour longtemps d’irréductibl
260 le sens du compromis, l’attrait de la moyenne et son revers qui est la peur de différer, le conformisme, sont les vertus e
261 de l’habituel verset biblique : « Le travail fut sa vie. » C’est aussi « leur seul mode de promotion »17, dit-on et sans
262 canton à l’autre, mais reste en général fidèle à son métier. Dire d’un homme qu’il a fait beaucoup de métiers est un éloge
263 de la vie quotidienne du bourgeois et surtout de son épouse. Tout ce qui est compliqué est vaguement immoral : l’art baroq
264 s moraux du Suisse moyen. Sont-ils encore ceux de sa religion, ou déjà ceux de l’utilitarisme que certains jugent inhérent
265 ar exemple19. Car la Suisse reste tributaire dans son ensemble d’une certaine éthique protestante, qui ne sépare point la v
266 fort ni la valeur d’une action du mérite moral de son auteur. D’où il résulte, par exemple, que le goût du travail correspo
267 qui, loin d’exiger d’une jeune fille la preuve de sa virginité, attendaient au contraire, pour l’épouser, la preuve qu’ell
268 n devait exercer un empire bien puissant pour que ses disciplines et jugements fussent acceptés aussi communément et sans p
269 ce qu’elle faisait de grands efforts pour traiter sa bru ‟comme si elle était l’une des nôtres”, tout en sachant fort bien
270 s mixtes ne réussissent jamais”. Elle voyait dans son attitude un exemple miraculeux de sacrifice personnel et une manifest
271 roportion des divorces, depuis que la mobilité de sa population d’un canton à l’autre a entraîné un accroissement correspo
272 ré, c’est la vie elle-même qui devient le danger, ses surprises que le poste « divers et imprévu » au budget de la petite f
273 ), qu’il est réaliste sans cynisme, qu’il accepte sa condition comme il approuve son régime politique et acclame son nivea
274 sme, qu’il accepte sa condition comme il approuve son régime politique et acclame son niveau de vie neuf fois sur dix, qu’i
275 comme il approuve son régime politique et acclame son niveau de vie neuf fois sur dix, qu’il n’est pas révolutionnaire mais
276 lation dans aucun ordre, enfin que le travail est sa vie, est-ce le vanter ou le dénigrer ? Il est clair que c’est l’un et
277 els hommes qui donnent à un pays ce qu’on appelle son visage, visage bientôt « traditionnel ». On répète qu’ils expriment l
278 z nous et cite l’un des Suisses qu’il connaît par sa réputation mondiale, il ne trouvera pas une personne sur mille, prise
279 de se rendre utile — ou courir loin de la Suisse son aventure. De là peut-être certains traits communs aux Suisses qui se
280 tes dimensions de notre État et les conditions de sa paix. Se rendre invisible : passer inaperçu. — Il y a ceux qui ne l
281 t cependant pasteur à 25 ans et passa le reste de sa vie dans la cure du village de Lützelflüh. À quarante ans il se mit à
282 l’ont lu, en Suisse alémanique. Il s’était occupé sa vie durant de l’administration locale, du secours des pauvres et de l
283 u de salons, un dieu causeur. Jacob Burckhardt à sa manière fut aussi un grand homme invisible ; refusant de succéder à R
284 ire d’histoire de Berlin, il se fit accepter dans sa cité natale selon son rang social et en tant que professeur. Un peu p
285 lin, il se fit accepter dans sa cité natale selon son rang social et en tant que professeur. Un peu plus tard, Ferdinand de
286 au contraire à s’imposer en tant que différent de ses données natives et par une volonté de rupture. On ne saurait lui repr
287 ut se passe comme s’il avait à se faire pardonner sa turbulence créatrice ou son génie individuel, en démontrant qu’il fai
288 t à se faire pardonner sa turbulence créatrice ou son génie individuel, en démontrant qu’il fait une œuvre utile au bien co
289 tités moralement définies. Le salut de l’homme ou sa santé, plutôt que sa définition, préoccupent les meilleurs esprits su
290 nies. Le salut de l’homme ou sa santé, plutôt que sa définition, préoccupent les meilleurs esprits suisses. Il est possibl
291 s à Bonn. Il n’attaque pas le régime en soi, mais ses complices dans l’Église. On l’expulse. Et dès lors, revenu à Bâle, il
292 e Jean XXIII. Ce n’est pas le moindre paradoxe de sa carrière, pleine de surprises pour ses disciples. Pendant la guerre,
293 paradoxe de sa carrière, pleine de surprises pour ses disciples. Pendant la guerre, ce contempteur de toute espèce de « pol
294 par les bourgeois anticommunistes. Zwinglien par sa méfiance à l’égard des rites et de toute religion spontanée, luthérie
295 tes et de toute religion spontanée, luthérien par sa doctrine de la grâce mais aussi du péché radical détruisant toute « a
296 e « analogie de Dieu » en l’homme, calviniste par son sens civique et communautaire, mais kierkegaardien par son affirmatio
297 civique et communautaire, mais kierkegaardien par son affirmation d’un Dieu totaliter aliter et sans commune mesure avec le
298 érêts de la tribu, essentiellement protestant par sa dialectique du oui et du non sans nuances, et par sa rhétorique du « 
299 dialectique du oui et du non sans nuances, et par sa rhétorique du « tout cela et rien que cela » (qu’il a puisée dans sai
300 ent. Carl Gustav Jung, dans le même temps (après sa rupture avec Freud), redécouvrait le phénomène religieux dans toutes
301 , redécouvrait le phénomène religieux dans toutes ses dimensions psychologiques, ethnographiques, évolutives, en deçà et au
302 re d’un iconoclaste — mais quand il déclare, dans sa Réponse à Job, que la proclamation du dogme de l’Assomption de la Vie
303 que. Barth se veut strictement « canonique » dans son interprétation de la Bible, mais Jung se réfère aux livres apocryphes
304 de milieu, ils atteignent l’universel. Au fond de son trou l’homme de Disentis, de Goeschenen, de Viège, entre les hautes p
305 Goeschenen, de Viège, entre les hautes parois de sa prison. Mais s’il monte sur la montagne… Alors cette ivresse des somm
306 Burckhardt ou, dans un autre domaine, Karl Barth. Son canton — ou l’Europe. » Et il est vrai que nos meilleurs esprits, hor
307 u latine, — européenne. Paracelse quitta très tôt son canton natal de Schwyz, Euler vécut dans les Allemagnes et à la cour
308 ur réputation nous est revenue, comme importée. «  Son canton — ou l’Europe », c’est la formule parfaite. Ainsi, pour l’homm
9 1969, La Revue de Paris, articles (1937–1969). L’avenir du fédéralisme (septembre 1969)
309 rop petit pour assurer ce qu’on persiste à nommer son indépendance et sa souveraineté absolue : car nul pays de notre Europ
310 er ce qu’on persiste à nommer son indépendance et sa souveraineté absolue : car nul pays de notre Europe n’est plus en mes
311 n mesure de jouer un rôle mondial, d’assurer seul sa défense, de se nourrir seul, au spirituel comme au physique. Et en mê
312 ons : celles-ci se sentent exploitées par l’État, ses bureaux ou sa capitale, et les accusent de colonialisme. Il est certa
313 se sentent exploitées par l’État, ses bureaux ou sa capitale, et les accusent de colonialisme. Il est certain que la prét
314 d’un État à une certaine liberté dans le choix de ses dépendances, à un certain jeu dans l’aménagement de ses réseaux de re
315 pendances, à un certain jeu dans l’aménagement de ses réseaux de relations plus ou moins contraignantes. Au surplus je ne v
316 e fédéralisme qu’on est en droit d’incriminer que sa trahison pure et simple, ou son usage mal compris, ou son blocage dél
317 t d’incriminer que sa trahison pure et simple, ou son usage mal compris, ou son blocage délibéré aux limites d’un État fédé
318 ison pure et simple, ou son usage mal compris, ou son blocage délibéré aux limites d’un État fédéral. Il ne s’agit pas d’un
319 faudrait avant de le prescrire, être très sûr de sa formule. Or je ne vois pas terme du langage politique qui prête à pir
320 s malentendus ! Un Français cultivé qui demande à son Littré le sens du mot fédéralisme trouve ceci : « Fédéralisme : s. m.
321 e repliant sur elle-même que la Wallonie trouvera son salut. » Plus étonnant encore, en Suisse même, il y a quelques années
322 d’interprétations partielles, donc ruineuses dans son cas, lui soit pour ainsi dire congénital. Or s’il est vrai que l’unio
323 arti de supprimer le conflit en réduisant l’un de ses termes — le Divers — au prix d’une longue ascèse exténuante. Pour le
324 acé, qui dénote la santé de la pensée européenne, sa justesse, sa mesure conquise sur le chaos de la masse indistincte aut
325 te la santé de la pensée européenne, sa justesse, sa mesure conquise sur le chaos de la masse indistincte autant que sur l
326 avoir valu pour la Grèce des grands siècles avec sa dialectique de l’individu et de la cité, conciliée dans la notion de
327 nitaire des conciles sera utilisé par Kepler dans ses spéculations sur le cercle et leurs applications à l’astronomie, ou p
328 rs applications à l’astronomie, ou par Hegel dans sa dialectique ternaire et ses applications au devenir historico-politiq
329 mie, ou par Hegel dans sa dialectique ternaire et ses applications au devenir historico-politique — source principale de la
330 La personne humaine, c’est l’homme considéré dans sa double réalité d’individu distinct et de citoyen engagé dans la socié
331 s les groupes qu’il formera avec d’autres hommes, ses semblables. Ces groupes devront être, à leur tour, à la fois autonome
332 ilité… La situation de l’homme qui veut à la fois sa vie privée et une vie sociale est homologue à la situation de la régi
333 ue à la situation de la région qui veut à la fois son autonomie et sa participation à un plus grand ensemble, en associatio
334 de la région qui veut à la fois son autonomie et sa participation à un plus grand ensemble, en association. 4. Enfin, le
335 e général de l’œcuménisme n’est-il pas le même en sa forme que ceux que nous venons d’évoquer, puisqu’il consiste à concil
336 rdinateurs, c’est-à-dire le respect du réel et de ses infinies complexités enfin rendu possible par la technique moderne. (
337 assé. 26. Pierre Duclos écrivait, en 1962, dans son excellent ouvrage en collaboration avec Henri Brugmans Le Fédéralisme