1 1933, Le Semeur, articles (1933–1949). Humanisme et christianisme (mars 1933)
1 e ignore, ce sont les choses les plus importantes du monde : l’origine et la fin de son existence terrestre. Dès lors, ceu
2 se fondant sur l’homme sont semblables, aux yeux du chrétien, à ce fameux baron de Crac qui prétendrait se tirer alors d’
3 yeux de certains humanistes, peut-être. Aux yeux du chrétien, non ; le conflit est plus grave, car le rejet de l’humanism
4 tion que lui pose sans cesse la crise perpétuelle du monde. Et l’antagonisme des deux attitudes prend une forme encore pl
5 domaines, fait de lui un révolutionnaire, l’homme du risque opposé à l’homme des assurances. Car l’humanisme n’est, aux ye
6 n songe que ce « paradis » doit être payé ici-bas du mépris des garanties humaines les plus élémentaires, — et toute l’his
7 , immoral, — porte un jugement d’humaniste, mange du fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal. Humaniste enco
8 ste, mange du fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal. Humaniste encore, l’homme pieux qui prie pour demande
9 du fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal. Humaniste encore, l’homme pieux qui prie pour demander à Dieu de
10 er jusqu’aux dernières conséquences de leur refus du transcendant. Le communisme seul a poussé jusqu’aux réalisations effe
11 ntenant la vraie défense de l’homme, lieu naturel du nécessaire conflit de l’ange et de la bête ? L’homme soviétique se tr
12 n définitive, un suicide supérieurement organisé, du « genre humain » ? 1. Existentielle, c’est-à-dire : qui concerne «
2 1934, Le Semeur, articles (1933–1949). Sur la méthode de M. Goguel (novembre 1934)
13 son auteur le maître incontesté de nos critiques du Nouveau Testament. C’est l’œuvre d’un savant spécialisé, au premier c
14 hèse, une concrétisation toujours plus rigoureuse du fait de la résurrection. Il lui reste alors, dans une deuxième partie
15 me prévenus les auteurs anonymes des évangiles et du livre des Actes. La méfiance règne en permanence dans son esprit : ma
16 e de la même méthode appliquée aux mêmes endroits du texte. La comparaison de ces conjectures fait soupçonner très vite le
17 vraisemblance, en psychologie, sinon le triomphe du conventionnel ? Quand on compare les résultats obtenus par M. Goguel,
18 par M. Goguel. Il répondra que c’est au bénéfice du vrai. Mais il faudrait alors déclarer ses critères. La vérité psychol
19 . La première, qu’il indique lui-même, c’est que, du point de vue de la foi vivante, les postulats critiques de l’auteur n
20 part, il nous délivre d’une tentation permanente. Du même coup, il ruine d’ailleurs certaines objections classiques de l’i
21 assimilation de la résurrection de Jésus au mythe du Dieu mort et ressuscité, en particulier). Pour M. Maurice Goguel, la
22 ’est pas de nous fournir une explication probante du miracle ; elle se trahit elle-même quand elle s’y essaie. Dire que « 
3 1935, Le Semeur, articles (1933–1949). La cité (avril-mai 1935)
23 étien arpentait les portiques d’une de ces villes du Quattrocento, où tout était bâti à la mesure de l’homme, où tout, — s
24 traverser à pied la banlieue parisienne. C’était du côté des faubourgs qui portent ce nom étrange du Kremlin-Bicêtre… Et
25 du côté des faubourgs qui portent ce nom étrange du Kremlin-Bicêtre… Et je pus constater que les données du problème avai
26 mlin-Bicêtre… Et je pus constater que les données du problème avaient un peu changé, — si vous me permettez cet euphémisme
27 t-ils la moindre portée ? L’observation objective du monde nous obligerait à conclure qu’en effet, les conditions sont dev
28 les conditions sont devenues telles que l’action du chrétien, comme chrétien, ne vaut guère la peine qu’on en parle. J’ir
29 nous faire journalistes ! L’observation objective du monde ramène le clerc dans sa chambrette, et le chrétien dans sa paro
30 les cieux, et voici, tout est vanité et poursuite du vent. » Je plaindrais l’homme d’action qui n’aurait jamais eu ce cri,
31 ez transformés. Nous n’appartenons pas à la forme du monde mais bien à sa transformation. Forme et transformation, ce sont
32 la presse, l’exploitation des pauvres, la raison du plus fort et la loi du talion. Ici, c’est le capitalisme créateur de
33 ion des pauvres, la raison du plus fort et la loi du talion. Ici, c’est le capitalisme créateur de chômage, là c’est la ty
34 la tyrannie des dictatures. C’est contre la forme du monde que protestent les socialistes, et avec eux des masses grandiss
35 ilèges acquis par leur travail. La forme mauvaise du monde, ce sera pour l’incroyant l’ensemble des abus et des désordres
36 ul mot de péché — tout ce qui s’oppose à la venue du règne de justice qu’il appelle. « Nous n’appartenons pas à la forme d
37 u’il appelle. « Nous n’appartenons pas à la forme du monde. » — Est-ce à dire que notre foi nous en libère matériellement
38 mes, entièrement prisonniers de la forme mauvaise du monde. C’est là le fait. Mais notre foi proteste au nom de Dieu contr
39 es au monde, c’est vrai, mais non pas comme étant du monde. C’est là le sens de nos prières, de nos angoisses et de l’appe
40 l’humanité à la justice. Mais alors, cette forme du monde que le chrétien découvre pire encore que ne le pensaient les so
41 parce qu’il refuse toute solidarité avec la forme du monde présent, refuse aussi toute solidarité avec l’espoir de ceux qu
42 de cette acceptation. S’il annonce, au sens fort du terme, la transformation de ce monde, ce n’est pas en vertu des seuls
43 ques. Il se peut que ma définition de la vocation du chrétien vous ait paru, dès le principe, assez abstraite. Me voilà bi
44 Avant d’aborder le problème de l’action politique du chrétien, je tiens à dire deux mots concernant ces scrupules, ou peut
45 raits, c’est celle des fins dernières de l’action du chrétien. C’est la triple question que le peintre Gauguin avait chois
46 i répondu en rappelant la situation très précaire du chrétien dans la cité telle qu’elle est devenue. À la question : D’où
47 s de ce que j’ai à vous dire maintenant. Vocation du chrétien dans la cité : nous l’avons définie par deux mouvements : un
48 baptistes de Münster aux puritains capitalistes ; du Roi-Soleil, prince très chrétien, à Guillaume II et à son Gott mit un
49 canon contre les ouvriers de Vienne avec l’appui du parti clérical, — l’histoire des politiques chrétiennes se confond sé
50 avec l’histoire des trahisons les plus flagrantes du christianisme. Voilà bien la fatalité qui pèse sur notre histoire : u
51 e le prétexte. Les Églises se livrent au jugement du monde, dès lors qu’elles cessent d’être avant tout un jugement porté
52 buts proprement politiques, appartient à la forme du monde, et par là même, appelle notre protestation. Quel est donc le r
53 en message de la conservation ; et voici l’ombre du Grand Inquisiteur qui vient bénir ce monde moralisé, dont on ne sait
54 use. Je ne crois pas que les chrétiens possèdent, du seul fait de leur foi, des lumières spéciales sur les problèmes techn
55 es, c’est-à-dire des annonciatrices de la Parole, du jugement porté sur la forme du monde, et de la grâce offerte à ceux q
56 ices de la Parole, du jugement porté sur la forme du monde, et de la grâce offerte à ceux qui croient. Mais ceci dit, et
57 te fait de perdre de vue la vocation particulière du chrétien. Je me contenterai donc d’examiner un seul exemple, le plus
58 on sens, et peut-être le plus typique : l’exemple du parti socialiste. Protestation contre la forme actuelle du monde, pré
59 socialiste. Protestation contre la forme actuelle du monde, prédication active de sa transformation, — si telle est bien l
60 ormation, — si telle est bien la vocation civique du chrétien, beaucoup seront tentés de penser que cela conduit au social
61 cialisme proteste contre les conditions actuelles du travail ; il revendique une justice plus grande dans la société : si
62 , et c’est cela qui le distingue en fin de compte du socialiste. Le christianisme annonce une réalité, non pas un rêve. Il
63 ns ne vivaient pas aussi de pain. Le grand danger du socialisme n’est pas dans son matérialisme, mais dans sa fausse spiri
64 pratiquement au socialisme, c’est d’abord à cause du marxisme, et des motifs ouvertement antichrétiens qu’il donne à toute
65 hrétiens qu’il donne à toute action dans le cadre du parti. Mais si je refuse ce parti, c’est aussi parce qu’il est un par
66 epte un mensonge parce que les intérêts immédiats du parti le commandent sans discussion. C’est l’homme qui délègue à la m
67 gement qui les renvoie au magasin des accessoires du stupide xixe siècle. ⁂ Je résume ces premières conclusions : ni poli
68 ’abord, à l’image que je vous donnais en débutant du clerc moyenâgeux dans la cité thomiste, j’opposerai une image moderne
69 ent probablement la biographie de Kagawa, le chef du jeune Japon chrétien. Fils d’un conseiller de l’empereur et d’une gei
70 a veut davantage. Il fonde les premiers syndicats du Japon, il conduit une grève, va en prison, en ressort triomphalement
71 ution d’un grand mouvement syndicaliste. Vocation du chrétien dans la cité. Tout le pouvoir de Kagawa se résume en effet d
72 c’était vague et peu pratique ! Toute l’histoire du monde chrétien est faite par des vocations précises reçues dans la pr
73 les et créatrices objections de la foi à la forme du monde. Mais, direz-vous encore, nous ne sommes pas tous des Jérémie,
74 x amis auxquels nous pensons tous ce soir et qui, du fond de leur prison, tout près d’ici, posent à notre conscience leur
75 re des plans et des calculs, et non pas de gâcher du ciment ? Si nous nous mettions tous à faire de l’action sociale, à jo
76 moral de la révolution industrielle, c’est-à-dire du capitalisme. La bourgeoisie et le prolétariat, de même que les intell
77 e qui n’ont aucun rapport avec la morale pratique du monde économique et financier. Tout le monde sait que la morale des a
78 ise profonde de la culture, au sens le plus large du terme. Les buts de l’intellectuel et son langage ne sont plus ceux de
79 et son langage ne sont plus ceux de l’ouvrier ni du petit-bourgeois provincial et encore moins ceux du capitalisme. Chacu
80 u petit-bourgeois provincial et encore moins ceux du capitalisme. Chacun tire à hue et à dia, et personne ne sait où il va
81 st très bien, mais cela n’atteint pas les racines du mal. Oui, la tâche la plus pratique, la plus sociale qui s’offre à no
82 voyez que nous retrouvons l’exigence spirituelle du chrétien. Mais vous voyez aussi qu’il s’agit là d’une révolution prof
83 me avec son principe immoral de la spéculation et du commerce de l’argent ; combattre la misère, car un homme qui n’a pas
84 mme concret, de la personne, voilà le mot d’ordre du personnalisme ; voilà son but, à la fois politique, économique et cul
85 qui juge ce siècle, à la transformation radicale du monde ! Si le but nous paraît trop haut, c’est que nous comptons enco
86 leur témoignage. Qu’ils le fassent comme témoins du Dieu qui les envoie ! — Il se peut que certains reçoivent l’ordre d’a
87 e fassent, si la foi leur permet de rendre grâces du sort qui leur est fait ! — Il se peut que d’autres en grand nombre co
88 ion d’agir, de faire acte de présence à la misère du siècle, de protester contre elle, et d’annoncer sa foi dans la transf
4 1945, Le Semeur, articles (1933–1949). La responsabilité culturelle de l’Église (mars 1945)
89 ès-guerre La jeunesse de presque tous les pays du monde aura été soumise à plusieurs années de service militaire et à u
90 Il nous faut donc prévoir un abaissement général du niveau d’instruction, une déflation de la culture classique, non seul
91 la guerre moderne tout contribue à un abaissement du niveau intellectuel : la propagande, la nécessité vitale de simplifie
92 eils, d’idéaux catholiques — au sens étymologique du mot — de solutions « totale » dans le domaine de la culture. Car l’ép
93 n’émane pas d’une théologie, ni même directement du christianisme. Elle peut se rallier à une attitude politique, inspiré
94 nsi que l’Église catholique romaine fut à la tête du mouvement philosophique du Moyen Âge, que les réformes de Luther et d
95 romaine fut à la tête du mouvement philosophique du Moyen Âge, que les réformes de Luther et de Calvin combattirent avec
96 ’ouvrir entre l’Église et la culture. Un chrétien du xixe ou du xxe siècle, par exemple, pouvait croire aux doctrines of
97 e l’Église et la culture. Un chrétien du xixe ou du xxe siècle, par exemple, pouvait croire aux doctrines officielles de
98 uritanisme Milton. Mais le protestantisme libéral du xixe ou xxe siècle n’a inspiré aucun artiste, musicien, poète ou ph
99 fficile à intégrer dans une conception chrétienne du monde. Ceci est particulièrement frappant dans les pays protestants o
100 éologie stricte a entièrement disparu — en raison du manque de stricte théologie. L’Église romaine a mieux retenu les forc
101 intéresser ou de suivre avec retard les tendances du jour. Vocation : le principe fondamental Pour passer de la théo
102 elle de Vocation (au sens calviniste et luthérien du mot, qui est plus large que celui dans lequel l’entend Rome). L’Évang
103 e même l’individualisme est une déviation morbide du sens de la vocation car elle nie ses conséquences sociales et communa
104 . Elles la remplacent par un ersatz : la fonction du citoyen à l’intérieur de l’État ou du Parti, conformément au décret d
105 la fonction du citoyen à l’intérieur de l’État ou du Parti, conformément au décret de l’État ou du Parti. Elles nient l’ex
106 ou du Parti, conformément au décret de l’État ou du Parti. Elles nient l’existence de toute différenciation ou la qualifi
107 leur vocation réelle. Elle condamnera le système du capital privé dans la mesure où le mouvement des biens de la puissanc
108 lasse sociale, à un ordre établi, ou à la réforme du moment. Elles cesseront d’être traînées dans le sillage de mouvements
109 égrer le plus possible chaque vocation culturelle du groupe (qu’il soit religieux ou national), le tout en vue de l’union
110 gnent de plus en plus d’une conception chrétienne du monde. i. Rougemont Denis de, « La responsabilité culturelle de l
5 1946, Le Semeur, articles (1933–1949). Chances d’action du christianisme (juin-juillet 1946)
111 Chances d’action du christianisme (juin-juillet 1946)j Depuis des siècles, depuis la R
112 se se défendaient contre les attaques successives du scepticisme né de la science cartésienne, de l’historisme, de la phil
113 avaient fait de bien. Partout, l’on vit au cours du xviiie et surtout du xixe siècle, s’exténuer les formes extrêmes, h
114 Partout, l’on vit au cours du xviiie et surtout du xixe siècle, s’exténuer les formes extrêmes, hardies et créatrices d
115 s la pression de l’incroyance, on faisait la part du feu, on cédait les positions trop menacées par le scepticisme. Pour n
116 s, les Églises renonçaient sinon à leur âme même, du moins à cette véhémence flambante qui fut toujours signe et symbole d
117 ues modernes répondaient dans l’ensemble : « Avec du sucre ! » Remarque hélas valable pour bien d’autres Églises, et qui r
118 e, des idéaux et un monde plus efficaces qμe ceux du christianisme. C’est un fait que « les derniers progrès de la Science
119 s « scientifiques » contre la Genèse, la Création du monde par Dieu, sa Fin, l’existence de l’esprit, etc., paraît bien cl
120 s-à-vis des critiques de l’extérieur. Renaissance du thomisme et des études mystiques chez les catholiques ; restauration
121 pel à l’attaque, à l’offensive, à l’initiative, à du plein. Ou encore : les Églises et leurs prédicateurs ont moins que ja
122 yant au-dehors ses chances d’action, et la misère du temps qui appelle, j’attends ceci : I. Que l’Église offre un type de
123 le le fit aux siècles sombres, avant la floraison du Moyen âge, qui fut son œuvre. Il s’agit de restaurer le sens de la co
124 sume à mes yeux les plus grandes chances d’action du christianisme au xxe siècle, resterait une pure utopie si les chréti
125 aham. j. Rougemont Denis de, « Chances d’action du christianisme », Le Semeur, Paris, juin–juillet 1946, p. 654-659.
6 1949, Le Semeur, articles (1933–1949). « Les protestants et l’esthétisme » (février-mars 1949)
126 entées : une rhétorique. La théologie protestante du xixe siècle invoquait la culture ou lui courait après. Elle en tirai
127 ilà sans doute pourquoi les premières générations du xxe siècle n’ont pas produit d’écrivains protestants au sens où Clau
128 n. Et, pour les mêmes raisons, l’on peut attendre du grand renouveau théologique, initié par Karl Barth, un renouveau prot
129 t dans sa pureté, dépasse notoirement l’antinomie du moralisme et de l’esthétique : ce dépassement constitue même l’essenc
130 duite par la lettre suivante d’André Dumas, datée du 16 novembre 1948 : « Chers amis… 1) S’il est exact que les protestant