1 1933, Le Semeur, articles (1933–1949). Humanisme et christianisme (mars 1933)
1 Humanisme et christianisme (mars 1933)a b Je ne suis pas venu pour vous apporte
2 à grands traits des antithèses à dessein forcées, et provoquer vos objections, plutôt qu’une adhésion muette à des constat
3 n muette à des constatations prudemment mesurées. Et d’abord, la question qui nous occupe ici est-elle une vraie question 
4 la vie, que vous vous posiez avant de venir ici, et à laquelle, réellement, vous cherchez à répondre ? En un mot, est-ce
5 e — pour employer un terme favori de la théologie et de la philosophie allemande contemporaines1 ? L’une des caractéristiq
6 n est décidé à refuser tous les conflits concrets et les décisions qu’ils comportent. Nous refusons toute problématique da
7 guer une évasion hors des problèmes qui se posent et nous sont posés, hic et nunc. Avant d’aller plus loin, cherchons donc
8 à autre chose qu’une question de mots ? Dans l’un et l’autre cas, il s’agit bel et bien de savoir quel sens l’homme veut d
9 de mots ? Dans l’un et l’autre cas, il s’agit bel et bien de savoir quel sens l’homme veut donner à sa vie, comment il doi
10 r cette terre, une scandaleuse économie d’énergie et de courage. Pour eux, le christianisme est contre l’homme. 2. À cela,
11  ? Car Dieu seul connaît l’homme dans son origine et dans sa fin. L’homme étant « séparé » de Dieu sa source, — et c’est e
12 in. L’homme étant « séparé » de Dieu sa source, —  et c’est en quoi consiste le péché « originel » — il en résulte qu’il ne
13 son bien. Il pose les questions les plus absurdes et les plus insolubles, par exemple : il ne sait même pas pourquoi il es
14 choses les plus importantes du monde : l’origine et la fin de son existence terrestre. Dès lors, ceux qui croient détenir
15 la volonté, naturelle à l’homme, d’agir pour soi, et non pour Dieu. C’est maintenant au tour de l’humaniste d’endosser le
16 i pose sans cesse la crise perpétuelle du monde. Et l’antagonisme des deux attitudes prend une forme encore plus précise,
17 e : tel est le fondement de l’attitude de service et de sacrifice qui, dans tous les domaines, fait de lui un révolutionna
18 s des garanties humaines les plus élémentaires, —  et toute l’histoire des martyrs en témoigne. Un chrétien est un être qui
19 e sur la vie n’est plus un chrétien à cet instant et dans cet acte ; il agit en humaniste. Il témoigne de sa défiance à l’
20 i la valeur absolue est la vie, non l’obéissance. Et de même un chrétien qui dit, parlant des autres ou parlant en général
21 ge du fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal. Humaniste encore, l’homme pieux qui prie pour demander à Dieu
22 s à dire que l’humanisme n’ait pas ses doctrines, et même une expression politique cohérente. On a cité dans les Débats, c
23 ces jours derniers, les écrits de MM. Fernandez2 et Guéhenno. Si intéressants et précis que soit l’un dans le détail de s
24 ts de MM. Fernandez2 et Guéhenno. Si intéressants et précis que soit l’un dans le détail de sa dialectique critique, et si
25 t l’un dans le détail de sa dialectique critique, et si généreux que se veuille le second dans ses attaques contre un chri
26 e temps. La seule tentative pleinement consciente et avouée pour soustraire l’homme à son créateur, pour rebâtir un monde
27 à la mesure de l’homme considéré comme autonome, et « calculable » humainement. Le Plan est d’ores et déjà la plus formid
28 t au christianisme, comme une « question » réelle et féconde. Mais en face de ce triomphe humaniste, le chrétien ne pourra
29 mme, lieu naturel du nécessaire conflit de l’ange et de la bête ? L’homme soviétique se trouve soustrait aux conflits natu
30 re un homme ? L’homme chrétien est à la fois ange et bête. Dans ce conflit perpétuel, il trouve sa joie et sa souffrance —
31 ête. Dans ce conflit perpétuel, il trouve sa joie et sa souffrance — peu importe le nom qu’il leur donne ; — il y trouve s
32 nt qu’elle se trouve engagée dans un conflit réel et concret, exigeant une décision. 2. Ch. Westphal rappelait la phrase
33 l’infini. » a. Rougemont Denis de, « Humanisme et christianisme », Le Semeur, Paris, mars 1933, p. 286-293. b. La prem
2 1934, Le Semeur, articles (1933–1949). Sur la méthode de M. Goguel (novembre 1934)
34 École des hautes études, est déjà fort importante et fait de son auteur le maître incontesté de nos critiques du Nouveau T
35 lumineuse Vie de Jésus 4 dont le succès fut grand et les conclusions vivement discutées. L’ouvrage qu’il nous donne aujour
36 e aujourd’hui est la suite de cette Vie de Jésus, et les questions qu’il pose n’apparaissent pas moins passionnantes. Quel
37 passionnantes. Quelle fut la genèse psychologique et historique de la croyance à la résurrection de Jésus ? C’est ainsi qu
38 travail que M. Goguel adopte au départ revêt bel et bien la forme d’une explication de cause à effet. On pense couramment
39 formes de la croyance à la résurrection chez Paul et Jean, puis chez les rédacteurs des évangiles, enfin chez les premiers
40 partie, à défaire cette histoire trop bien faite, et à démolir, avec une sorte de minutieuse indifférence, tous les récits
41 à la sépulture, au tombeau vide, aux apparitions et à l’Ascension. Et voici à quelles conclusions il aboutit : Alors qu’
42 u tombeau vide, aux apparitions et à l’Ascension. Et voici à quelles conclusions il aboutit : Alors qu’à l’origine, on av
43 cateurs ont dû dire : « Jésus est vivant au ciel, et la preuve, c’est que sa tombe s’est trouvée vide ». Et l’on a spontan
44 preuve, c’est que sa tombe s’est trouvée vide ». Et l’on a spontanément imaginé les conditions dans lesquelles les femmes
45 ude. En face d’affirmations aussi déconcertantes et aussi graves, le lecteur se sent autorisé à la plus grande exigence c
46 s venons de le voir, à des données psychologiques et historiques dont le dosage et la valeur sont très variables. Il sembl
47 nées psychologiques et historiques dont le dosage et la valeur sont très variables. Il semble qu’un de ses principes soit
48 comme prévenus les auteurs anonymes des évangiles et du livre des Actes. La méfiance règne en permanence dans son esprit :
49 uelques faits qui résistent à l’érosion critique, et qui permettent alors de réfuter M. Couchoud. Dirons-nous que cette mé
50 raître le rôle de l’interprétation psychologique, et c’est là le second obstacle. M. Goguel tire des arguments, pour lui d
51 que le récit se trouve, dans tous les cas, affadi et banalisé. Si l’on voit bien ce qui pouvait pousser les auteurs primit
52 ugé moderne qui pousse M. Goguel à les décolorer. Et l’on se demande ce qui subsisterait de ses conclusions si on leur app
53 guel ne fait-il pas comme les premiers croyants —  et avec la même bonne foi — de la rétrohistoire, de l’imagerie psycholog
54 uvre aux proportions d’une génétique descriptive, et en se bornant à réfuter des textes sans préjuger de la réalité des fa
55 ble. Tout en admirant à chaque page l’ingéniosité et la science de M. Goguel, on se sent parfois gêné par l’anachronisme é
56 tradictions mêmes d’un récit, la marque de la vie et des passions ? Prenons, à peu près au hasard, l’exemple de Marc, chap
57 ombeau, qui le trouvent vide, qui voient un ange, et voici que cet ange leur parle ! Les réactions de ces femmes n’auront
58 ces femmes n’auront probablement rien d’homogène et seront même plus contradictoires qu’aucun récit ne peut le faire sent
59 ’ont aucune force de contrainte. C’est l’Écriture et le dogme qui les jugent, et non l’inverse, comme l’a fort bien montré
60 nte. C’est l’Écriture et le dogme qui les jugent, et non l’inverse, comme l’a fort bien montré Max Dominicé à propos de Ca
61 on nous paraît sur ce point tout à fait orthodoxe et courageuse. Au contraire de la plupart des historiens modernes qui on
62 de la résurrection de Jésus au mythe du Dieu mort et ressuscité, en particulier). Pour M. Maurice Goguel, la foi a déformé
63 e refuser Dieu, même alors qu’il se rend visible. Et ce n’est point parmi les morts qu’il nous faut chercher le Vivant (Lu
3 1935, Le Semeur, articles (1933–1949). La cité (avril-mai 1935)
64 ensées qu’agitait cet homme ; cette ville habitée et gouvernée par des chrétiens ; cette cité où le clerc, le magistrat et
65 chrétiens ; cette cité où le clerc, le magistrat et le marchand adoraient le même Dieu, dans le même langage ; cette unit
66 e unité vivante, cette communauté où toute pensée et toute action se répondaient, où il était normal, salutaire et logique
67 ion se répondaient, où il était normal, salutaire et logique que les choses s’ordonnent à l’homme, et que l’homme s’ordonn
68 et logique que les choses s’ordonnent à l’homme, et que l’homme s’ordonne à son Dieu. Tel était donc mon rêve, mon imagin
69 gs qui portent ce nom étrange du Kremlin-Bicêtre… Et je pus constater que les données du problème avaient un peu changé, —
70 cet euphémisme académique. Les termes de chrétien et de cité, qui, dans l’image moyenâgeuse me paraissaient se correspondr
71 image moyenâgeuse me paraissaient se correspondre et s’ordonner si simplement, me semblèrent soudain, dans la réalité des
72 nomiques. Un jeu secret qui se joue sur nos têtes et dont la Presse nous donne l’image conventionnelle. Entre les forces q
73 tionnelle. Entre les forces qui dominent la cité, et les hommes qui habitent la cité, il n’y a plus aucune proportion. Mai
74 lles se confondent avec celles de la bourgeoisie. Et maintenant nous comprendrons peut-être mieux le sens concret de la qu
75 temples justement parce qu’on ne le craint plus ? Et dès lors, à quoi servirait de méditer sur la manière dont ce chrétien
76 aniser la production ou de conclure des traités ? Et si ce n’est pas le cas, ne ferait-il pas mieux de se limiter à son do
77 elle un sens concret ? Conduit-elle à des actes ? Et ces actes eux-mêmes, auront-ils la moindre portée ? L’observation obj
78 tive du monde ramène le clerc dans sa chambrette, et le chrétien dans sa paroisse. Elle conclut au scepticisme, et au pess
79 en dans sa paroisse. Elle conclut au scepticisme, et au pessimisme intégral. — « J’ai appliqué mon cœur — dit l’Ecclésiast
80 liqué mon cœur — dit l’Ecclésiaste — à rechercher et à sonder par la sagesse tout ce qui se fait sous les cieux : c’est là
81 omme. J’ai vu tout ce qui se fait sous les cieux, et voici, tout est vanité et poursuite du vent. » Je plaindrais l’homme
82 se fait sous les cieux, et voici, tout est vanité et poursuite du vent. » Je plaindrais l’homme d’action qui n’aurait jama
83 si pessimiste : voici ce fait : Dieu peut tout ! Et c’est à Dieu que nous disons dans toutes les églises chrétiennes : « 
84 a jamais. Elle est un ordre, que nous avons reçu, et que nous n’avons pas le droit ni le pouvoir de discuter. Elle nous ad
85 voir de discuter. Elle nous adresse une vocation. Et alors, nous voici placés dans une situation toute nouvelle. Nous n’av
86 la cité. Nous prions : « Que Ton règne vienne ! » et si nous ne faisons pas l’impossible — justement : l’impossible — pour
87 e ce règne, nous ne sommes plus que des menteurs, et notre prière nous condamne. Le chrétien est cet homme qui, ayant mesu
88 on point parce qu’il distingue un succès possible et prochain, mais parce qu’il a reçu un ordre, et que cet ordre vient de
89 le et prochain, mais parce qu’il a reçu un ordre, et que cet ordre vient de Dieu. « Ne vous conformez pas à ce siècle prés
90 t de notre vocation est contenu dans ces mots-là, et si je parvenais ce soir à vous les rendre vivants et présents, et si
91 si je parvenais ce soir à vous les rendre vivants et présents, et si vous n’emportiez d’ici que le seul souvenir de ces mo
92 is ce soir à vous les rendre vivants et présents, et si vous n’emportiez d’ici que le seul souvenir de ces mots, je penser
93 rme du monde mais bien à sa transformation. Forme et transformation, ce sont là les deux termes qui s’opposent dans notre
94 La forme de ce monde : vous savez ce qu’elle est, et vous savez qu’elle est mauvaise. La forme de ce monde, ce sont toutes
95 tes les puissances que j’énumérais tout à l’heure et qui dominent la cité. C’est le désordre et l’injustice tolérés, deven
96 ’heure et qui dominent la cité. C’est le désordre et l’injustice tolérés, devenus normaux, c’est la presse, l’exploitation
97 ’exploitation des pauvres, la raison du plus fort et la loi du talion. Ici, c’est le capitalisme créateur de chômage, là c
98 la forme du monde que protestent les socialistes, et avec eux des masses grandissantes de bourgeois lentement dépossédés d
99 nde, ce sera pour l’incroyant l’ensemble des abus et des désordres dont il souffre ; — pour le chrétien, ce sera bien dava
100 dire que notre foi nous en libère matériellement et moralement ? Est-ce à dire qu’en tant que chrétiens nous échappons au
101 iens nous échappons aux lois communes ? Non pas ! Et gardons-nous ici de toute illusion optimiste ! Chrétiens, nous reston
102 C’est là le sens de nos prières, de nos angoisses et de l’appel de toute l’humanité à la justice. Mais alors, cette forme
103 s radicale que tout ce que nous pouvions imaginer et souhaiter. Et c’est à cette transformation que nous appartenons de dr
104 tout ce que nous pouvions imaginer et souhaiter. Et c’est à cette transformation que nous appartenons de droit, dès l’ins
105 onçons. Mais qu’est-ce que cette transformation ? Et de quel droit pouvons-nous l’annoncer ? Est-ce un ensemble de réforme
106 les dégoûtés : nous y pensons tous plus ou moins, et beaucoup d’entre nous y travaillent. Il ne sera pas dit que l’homme c
107 te solidarité avec l’espoir de ceux qui souffrent et qui créent. Mais s’il accepte pratiquement de travailler à la révolut
108 é. Il est vivant ! Par lui, la forme de ce monde, et sa puissance dernière, la mort, sont absolument dominées. C’en est fa
109 est fait ! depuis 19 siècles. La justice a paru, et nous en témoignons par nos actions de grâce — précisément par nos act
110 ctions de grâce — précisément par nos actions ! — et je voudrais mettre l’accent sur ce mot-là, afin que vous ne pensiez p
111 ne s’agit ici que de pathos sentimental. Action, et non pas sentiment, ni piété, ni extase, ni cloître. Voilà pourquoi no
112 contre ce monde au nom d’une justice triomphante, et c’est elle que nous annonçons : ainsi donc, ces deux temps de notre v
113 ait unique, renvoient à un motif unique : la mort et la résurrection de Jésus-Christ. Ni l’attente passive, ni l’ardeur me
114 notre action : nous attestons la justice apparue, et dans l’élan de notre action de grâce, prisonniers que nous sommes de
115 rme terrestre, nous prêchons une victoire acquise et le retour promis de cette justice ! ⁂ Il se peut que certains d’entre
116 té. Encore un qui s’évade ! Encore un qui décolle et va planer au-dessus des nuages… Peut-être qu’un ou deux, ou beaucoup
117 llons-nous ? j’ai répondu : le Seigneur vient ! — et nous allons à la rencontre de son règne, vers la transformation radic
118 vers la transformation radicale de toutes choses. Et je vous demande, maintenant, si l’on a le droit de se mettre en route
119 s pose la question des fins dernières de l’homme, et cela, qu’ils le veuillent ou non ? Et s’ils le voient, comment peuven
120 de l’homme, et cela, qu’ils le veuillent ou non ? Et s’ils le voient, comment peuvent-ils encore éluder si cavalièrement l
121 i cavalièrement le problème dernier de l’action ? Et je demande encore : qui donc osera poser ces grandes questions derniè
122 e n’est le chrétien, dans la cité contemporaine ? Et s’il ne le fait pas, qui d’autre est en mesure d’assumer cette charge
123 sa réalité ? Qu’il doute de la justice de Dieu ? Et qu’il trahit sa vocation première ? Je pense que beaucoup d’entre vou
124 it qu’elles fussent posées, toutes ces questions, et il faut qu’elles demeurent posées comme un grand signe d’interrogatio
125 deux grands problèmes pratiques : est-il possible et nécessaire, partant de cette vocation, d’aboutir à ce que j’appellera
126 i des chrétiens ? Telle est la première question. Et si l’on répond non à cette première question, est-il possible alors,
127 entre dans l’un ou l’autre des partis existants, et fasse sienne la cause de ce parti ? Ce sera la seconde question. Au s
128 ons pour leur prouver la puissance de son glaive, et tout accessoirement celle de l’Esprit ; des chevaliers partant pour l
129 Roi-Soleil, prince très chrétien, à Guillaume II et à son Gott mit uns ! ; des Espagnols massacrant les Incas au nom d’un
130 étienne, toute politique conduite par une Église, et qui vise des buts proprement politiques, appartient à la forme du mon
131 ement politiques, appartient à la forme du monde, et par là même, appelle notre protestation. Quel est donc le rôle de l’É
132 é mal gré à son succès ; voici l’Église puissante et séduisant par sa puissance ; voici le message de la transformation qu
133 ion qui se change en message de la conservation ; et voici l’ombre du Grand Inquisiteur qui vient bénir ce monde moralisé,
134 alisée, dispensant chaque chrétien de reconnaître et d’accepter les risques d’une vocation toujours unique, et parfois sca
135 epter les risques d’une vocation toujours unique, et parfois scandaleuse. Je ne crois pas que les chrétiens possèdent, du
136 toute leur mission dans la cité, que d’une seule et unique manière, et c’est en devenant et en restant de vraies Églises,
137 dans la cité, que d’une seule et unique manière, et c’est en devenant et en restant de vraies Églises, c’est-à-dire des a
138 une seule et unique manière, et c’est en devenant et en restant de vraies Églises, c’est-à-dire des annonciatrices de la P
139 Parole, du jugement porté sur la forme du monde, et de la grâce offerte à ceux qui croient. Mais ceci dit, et une fois r
140 grâce offerte à ceux qui croient. Mais ceci dit, et une fois repoussée la tentation théocratique à laquelle je vois succo
141 la cité ? Si l’Église n’est pas un parti, comment et où faut-il que nous prenions parti ? Où allons-nous nous engager ? Ca
142 s-nous nous engager ? Car vocation signifie acte, et tout acte est un engagement. Nous voici donc en face de la seconde qu
143 paux partis qui constituent des forces politiques et sociales dans la cité française d’aujourd’hui. Nous entrerions dans u
144 s entrerions dans un débat terriblement technique et faussement précis, et nous aurions vite fait de perdre de vue la voca
145 ébat terriblement technique et faussement précis, et nous aurions vite fait de perdre de vue la vocation particulière du c
146 aminer un seul exemple, le plus riche à mon sens, et peut-être le plus typique : l’exemple du parti socialiste. Protestati
147 volontiers qu’aucun parti ne m’attire davantage, et qu’aucun ne saurait m’apparaître, à première vue, plus conforme à not
148 rait d’union qu’on nous propose, entre socialiste et chrétien ? Prenons bien garde ici au sens des mots : protestation et
149 ns bien garde ici au sens des mots : protestation et justice. Oui, ces mots d’ordre sont les mêmes pour le chrétien et pou
150 ces mots d’ordre sont les mêmes pour le chrétien et pour le socialiste. L’élan sentimental est peut-être le même, les rev
151 s motifs premiers, les buts derniers sont autres. Et ce sont ces motifs et ces buts qui doivent donner aux mots leur sens
152 buts derniers sont autres. Et ce sont ces motifs et ces buts qui doivent donner aux mots leur sens réel. Nous trahirions
153 rer ouvertement aux socialistes qu’entre leur but et notre but, entre nos motifs et les leurs, il y a tout l’abîme qui sép
154 qu’entre leur but et notre but, entre nos motifs et les leurs, il y a tout l’abîme qui sépare un idéal moral d’une foi au
155 st vivant ? Car le chrétien n’est pas idéaliste, et c’est cela qui le distingue en fin de compte du socialiste. Le christ
156 e. Il annonce le salut pour ceux qui se repentent et qui croient, non point une théorie économique passagère. On a tort d’
157 e, comme si le christianisme était moins réaliste et comme si les chrétiens ne vivaient pas aussi de pain. Le grand danger
158 n qu’il nous offre d’un idéal humanitaire en lieu et place d’une foi. Si nous ne parvenons pas à faire comprendre aux soci
159 tés ! Nous connaissons des chrétiens socialistes. Et ils savent sans doute mieux que nous ce que signifie pour eux le comp
160 r eux le compromis entre leurs motifs de croyants et les motifs des camarades. Pensant à eux, je résumerai toute ma critiq
161 , que s’il est par ailleurs dénoncé, ouvertement, et au nom de la foi. J’ajouterai cependant une remarque. Si je refuse d’
162 au socialisme, c’est d’abord à cause du marxisme, et des motifs ouvertement antichrétiens qu’il donne à toute action dans
163 ocès des partis, pour des raisons assez sérieuses et valables d’opportunité politique. L’impuissance politique des formati
164 absolument incompatible avec l’idée de vocation. Et la réalité pratique et quotidienne montre que cette opposition est ef
165 e avec l’idée de vocation. Et la réalité pratique et quotidienne montre que cette opposition est effective. L’homme des ma
166 délègue à la majorité le souci de ses décisions. Et dans ce sens précis, il faut bien dire que les partis sont les agents
167 qui est si vrai, mais si « abstrait » — dit-on —,  et qui vous laisse en fin de compte le bec dans l’eau ? J’aurais renoncé
168 es concrets de vocation chrétienne dans la cité. Et d’abord, à l’image que je vous donnais en débutant du clerc moyenâgeu
169 apon chrétien. Fils d’un conseiller de l’empereur et d’une geisha, Kagawa appartient à une classe honorable, et jouit à vi
170 geisha, Kagawa appartient à une classe honorable, et jouit à vingt ans de tous les avantages qui sont chez nous ceux de la
171 rande bourgeoisie. Mais voilà qu’il se convertit, et c’est ici que l’aventure commence. Soudain frappé par le contraste od
172 le contraste odieux entre la misère des bas-fonds et l’essor de la bourgeoisie capitaliste qui se développe très rapidemen
173 tier le plus mal famé de la grande ville de Kobé, et se met à prêcher l’Évangile. Mais son activité ne se borne pas là : p
174 tu, exploité sans vergogne par tous les matamores et souteneurs qu’il a choisis pour voisins, pour prochains ! Et son acti
175 rs qu’il a choisis pour voisins, pour prochains ! Et son action apparemment désespérée s’étend mystérieusement sur ces qua
176 escorté par une foule d’enfants qu’il a secourus, et dès lors le mouvement est lancé, l’opinion publique alertée, et cet e
177 mouvement est lancé, l’opinion publique alertée, et cet effort aboutira à l’assainissement radical des slums ou bas-fonds
178 inissement radical des slums ou bas-fonds de Kobé et de plusieurs villes japonaises, à la création d’importantes œuvres so
179 . Il n’agit pas au bénéfice d’un parti. Il prêche et il proteste au nom d’une foi sans cesse proclamée. C’est ainsi qu’on
180 n parti que Jérémie accusait publiquement son roi et l’obligeait à réparer ses crimes ; ce n’est pas au nom d’un parti que
181 romain, ce n’est pas au nom d’un parti que Luther et Calvin déclenchent la plus grande révolution occidentale, — c’est au
182 e la vocation ne suffisait pas, que c’était vague et peu pratique ! Toute l’histoire du monde chrétien est faite par des v
183 ions précises reçues dans la prière, avec crainte et tremblement, et non pas revendiquées par le désir des hommes, à l’app
184 çues dans la prière, avec crainte et tremblement, et non pas revendiquées par le désir des hommes, à l’appui d’un parti po
185 vocations-là ont transformé le monde, moralement et pratiquement. Seules, elles sont apparues comme de fondamentales et c
186 eules, elles sont apparues comme de fondamentales et créatrices objections de la foi à la forme du monde. Mais, direz-vous
187 ces deux amis auxquels nous pensons tous ce soir et qui, du fond de leur prison, tout près d’ici, posent à notre conscien
188 d’ici, posent à notre conscience leur silencieuse et troublante question. Nous sommes, me direz-vous, des étudiants, c’est
189 er devoir de l’ingénieur reste de faire des plans et des calculs, et non pas de gâcher du ciment ? Si nous nous mettions t
190 ngénieur reste de faire des plans et des calculs, et non pas de gâcher du ciment ? Si nous nous mettions tous à faire de l
191 à faire de l’action sociale, à jouer les Kagawa, et à vivre dans les quartiers miséreux, ne serait-ce pas aussi faillir à
192 trouvé à la crise de surproduction intellectuelle et à l’encombrement des carrières libérales. L’agriculture manque de bra
193 ir une solution moins défaitiste à vous offrir. —  Et ce sera mon second exemple. Un écrivain américain de ces dernières an
194 ion en pleine révolte contre la tyrannie bancaire et puritaine, Waldo Franck, a écrit une phrase qui condense très bien la
195 la critique qui ne jaillit pas de la métaphysique et d’une véritable compréhension des expériences religieuses, est vaine,
196 eligieuses, est vaine, irresponsable, impuissante et antisociale. » Je crois que cette phrase exprime la plus grande vérit
197 ’a su ou n’a osé prévoir l’aboutissement matériel et moral de la révolution industrielle, c’est-à-dire du capitalisme. La
198 elle, c’est-à-dire du capitalisme. La bourgeoisie et le prolétariat, de même que les intellectuels, croient encore à certa
199 ls, croient encore à certaines notions de justice et de respect de l’homme qui n’ont aucun rapport avec la morale pratique
200 pport avec la morale pratique du monde économique et financier. Tout le monde sait que la morale des affaires est à peu pr
201 ffaires est à peu près le contraire de la morale, et que les nécessités économiques ne tiennent pas compte de nos beaux id
202 e plus large du terme. Les buts de l’intellectuel et son langage ne sont plus ceux de l’ouvrier ni du petit-bourgeois prov
203 eux de l’ouvrier ni du petit-bourgeois provincial et encore moins ceux du capitalisme. Chacun tire à hue et à dia, et pers
204 core moins ceux du capitalisme. Chacun tire à hue et à dia, et personne ne sait où il va. Il n’y a plus de commune mesure
205 ceux du capitalisme. Chacun tire à hue et à dia, et personne ne sait où il va. Il n’y a plus de commune mesure entre la p
206 . Il n’y a plus de commune mesure entre la pensée et l’action. La cité n’est plus dominée par une norme et un but commun.
207 ’action. La cité n’est plus dominée par une norme et un but commun. Ce sont les bases culturelles qui sont atteintes ! Et
208 e sont les bases culturelles qui sont atteintes ! Et c’est pourquoi toute réforme de détail, ou toute œuvre sociale partie
209 hec, tant qu’on n’aura pas reconstruit ces bases, et retrouvé la commune mesure. Donner de la soupe aux chômeurs, c’est tr
210 lle : retrouver cette commune mesure de la pensée et de l’action, de la culture et de l’économie ; or, elle ne peut être c
211 mesure de la pensée et de l’action, de la culture et de l’économie ; or, elle ne peut être cherchée sérieusement nulle par
212 mesure commune, de leur règle centrale de pensée et d’action, ou si l’on veut, pour simplifier, de leur morale. Et toute
213 ou si l’on veut, pour simplifier, de leur morale. Et toute morale se fonde dans une religion, même la morale de ceux qui s
214 nthousiasmante, cette tâche de recréer une mesure et une morale communautaire que se sont assignée les groupes personnalis
215 ’est-ce donc que la personne humaine ? Exactement et tout simplement, la personne, c’est ce que j’appelais l’exercice de l
216 hrétien connaît : l’homme qui a reçu une vocation et qui lui obéit dans ses actes. Voici ce que disent les personnalistes 
217 . Voici ce que disent les personnalistes : l’État et les institutions doivent être mis au service de l’homme ; or, c’est l
218 c’est l’inverse qui se passe aujourd’hui ; l’État et les institutions doivent avoir pour seul but d’assurer à chacun le li
219 t avoir pour seul but d’assurer à chacun le libre et le plein exercice de sa vocation personnelle. Et c’est dans cet espri
220 et le plein exercice de sa vocation personnelle. Et c’est dans cet esprit qu’il s’agit de rebâtir l’économie et les cadre
221 ans cet esprit qu’il s’agit de rebâtir l’économie et les cadres sociaux. Vous voyez que nous retrouvons l’exigence spiritu
222 éclaration des devoirs de l’homme envers lui-même et son prochain. Mais d’abord il s’agit, pour les groupes personnalistes
223 git, pour les groupes personnalistes, de dénoncer et de combattre tout ce qui s’oppose au libre jeu des vocations dans la
224 lisme avec son principe immoral de la spéculation et du commerce de l’argent ; combattre la misère, car un homme qui n’a p
225 s partis, cette tyrannie démocratique ; combattre et dénoncer cette autre tyrannie qui s’appelle la grande presse, et qui
226 te autre tyrannie qui s’appelle la grande presse, et qui voudrait se faire prendre pour l’opinion publique, alors qu’elle
227 pas sur nos morales trop idéalistes, ou cyniques. Et le triomphe d’une telle morale, à son tour, ne sera possible, que si
228 système cohérent, englobant à la fois l’économie et la pensée, et toutes les lois de la cité. Or, c’est à bâtir ce systèm
229 ent, englobant à la fois l’économie et la pensée, et toutes les lois de la cité. Or, c’est à bâtir ce système, à développe
230 epuis trois ans les groupes de L’Ordre nouveau , et ceux de la revue Esprit . Le jeune mouvement personnaliste ne se don
231 ; vous y trouverez des hommes de toutes croyances et de toutes incroyances. Mais en fait, c’est le seul mouvement qui répo
232 parti politique. C’est un ordre, une chevalerie ! Et le principe de cet ordre nouveau n’est autre que celui de la vocation
233 vocation personnelle. Oui, le principe animateur et dynamique qui fonde tout le mouvement personnaliste, c’est cette form
234 te formidable idée que tout homme a une vocation, et peut devenir une personne, et doit devenir une personne, — idée qu’ap
235 mme a une vocation, et peut devenir une personne, et doit devenir une personne, — idée qu’apporta dans le monde le message
236 de la doctrine de Calvin. Ordonner toutes choses, et d’abord la cité, à l’exercice libre et fidèle des vocations, refaire
237 es choses, et d’abord la cité, à l’exercice libre et fidèle des vocations, refaire un monde à la mesure de l’homme concret
238  ; voilà son but, à la fois politique, économique et culturel. Ici, la vérité est mise au premier rang : le succès même lu
239 tes, le mouvement personnaliste est encore jeune, et n’a pas remué les masses jusqu’ici. Mais je ferai deux remarques : 1°
240 désordre établi, jusque dans le détail de la vie. Et si, comme chrétiens, vous ne trouvez pas dans le mouvement personnali
241 plus pratiques, lorsqu’il s’agit de politique, —  et qu’on n’arrive à rien quand on vise si haut. Des malins, des parlemen
242 ’un fondement vrai, d’une vision vraie de l’homme et de l’État, de reprendre les choses à la base, dans leur réalité derni
243 la base, dans leur réalité dernière, métaphysique et religieuse. Qui aura ce courage, si les chrétiens ne l’ont pas ? Où v
244 voulez-vous aller si vous refusez cette chance ? Et comment un chrétien pourrait-il m’opposer les objections d’un pratici
245 e braque nos regards sur le miracle d’une justice et d’une vérité déjà descendue sur la terre ? Tous les autres auraient l
246 sur lui seul, il compte sur Celui qui peut faire, et bien faire, ce que l’homme fait mal. Telle est sa liberté dans l’acti
247 rté dans l’action, dans l’échec, dans l’espérance et la protestation, dans l’annonce d’un monde nouveau. ⁂ Je n’ai pas che
248 à marquer quels peuvent être nos motifs de choix, et le lieu d’une action pratique. Il se peut que je me trompe. Il se peu
249 ler. Qu’ils le fassent, si c’est là leur mission, et la forme de leur témoignage. Qu’ils le fassent comme témoins du Dieu
250 t dans leur domaine quotidien, celui de la pensée et de l’action auquel travaillent les groupes personnalistes. Qu’ils le
251 aussi des voix qui nous appellent de l’extérieur, et qui nous montrent, ici et maintenant, des possibilités d’action direc
252 pellent de l’extérieur, et qui nous montrent, ici et maintenant, des possibilités d’action directe. — Tentation socialiste
253 à la misère du siècle, de protester contre elle, et d’annoncer sa foi dans la transformation promise de toutes choses. « 
254 formez pas à ce siècle présent », dit saint Paul. Et je vous laisserai sur cette mise en demeure : « Ne vous conformez pas
255 est la volonté de Dieu, ce qui est bon, agréable et parfait. » f. Rougemont Denis de, « La cité », Le Semeur, Paris, a
256 compte dans la livraison de septembre 1931 de Foi et Vie .
4 1936, Le Semeur, articles (1933–1949). Notre foi, par Emil Brunner (janvier 1936)
257 ». Dès l’abord, on est frappé par leur simplicité et leur clarté, qui réussissent à mettre à la portée de tous, sans l’aff
258 lire ces méditations sans se sentir pris à partie et directement engagé par les réactions et les réponses qu’elles exigent
259 à partie et directement engagé par les réactions et les réponses qu’elles exigent de nous. Ces études se succèdent selon
260 mme — Jésus-Christ — La foi chrétienne — L’Église et les sacrements — L’espérance eschatologique. Le trait le plus marquan
261 set de l’Écriture ne soit cité, on sent la pensée et la foi de l’auteur informées par la Bible, et dominées par elle. Pour
262 sée et la foi de l’auteur informées par la Bible, et dominées par elle. Pour Brunner, « la foi chrétienne est une foi bibl
263 foi biblique » ; la Bible est la Parole de Dieu, et nous ne pouvons rien savoir de Dieu que par Sa révélation dans cette
264 uvre nos cœurs à cette Parole, Il la rend vivante et agissante en nous, en sorte qu’elle produit en nous ce que saint Paul
265 rait pas ; la foi au Dieu de majesté, de sainteté et d’amour, qui s’est révélé à nous en Jésus-Christ, exige que nous pren
5 1945, Le Semeur, articles (1933–1949). La responsabilité culturelle de l’Église (mars 1945)
266 entre les principes de la Charte de l’Atlantique et les affirmations formulées par les grandes conférences œcuméniques. M
267 s ne fasse allusion à l’ordre culturel de demain. Et il est cependant certain que si les Églises continuent à négliger cet
268 é soumise à plusieurs années de service militaire et à une interruption plus ou moins complète de toute activité intellect
269 ou par majorités, de placer tout le mal d’un côté et tout le bon de l’autre, de soupçonner de sabotage ceux qui maintienne
270 al nouveau ; un désir puissant de repartir à neuf et de ne pas retomber dans les erreurs traditionnelles ou revenir aux di
271 ue cette exigence, surgissant d’un chaos matériel et spirituel, présente à nouveau l’apparence d’un fascisme culturel : le
272 is en jeu des idéologies beaucoup plus puissantes et dynamiques. Il serait romantique de supposer que la guerre actuelle a
273 Mais sans aucun doute leur faim sera plus grande et leur soif de réponses à leurs questions, de conseils, d’idéaux cathol
274 e a été une ère de division, d’absence de parenté et de commune mesure entre idéal et pratique, entre les diverses discipl
275 sence de parenté et de commune mesure entre idéal et pratique, entre les diverses disciplines de l’esprit, entre les diver
276 e l’esprit, entre les diverses activités humaines et sociales. Les années d’après-guerre seront probablement caractérisées
277 chez les meilleurs), un besoin de direction ferme et de réalisations expéditives d’allures totalitaires. Le devoir des
278 chrétiennes ne donnent pas cette direction ferme et vraiment catholique (embrassant tous les aspects de la vie), l’abîme
279 vie), l’abîme s’élargira entre le monde religieux et la culture. Cette dernière s’établira contre le christianisme et prob
280 Cette dernière s’établira contre le christianisme et probablement avec les orientations suivantes : science, (scientisme),
281 e », création de nouveaux nationalismes religieux et virulents. Mais si une Église veut être en mesure d’intervenir dans l
282 r une théologie qui soit en même temps rigoureuse et vitale à l’intérieur de l’Église. Une Église dont la théologie est va
283 que si elle parle au nom de sa propre théologie, et en rattachant ce qu’elle dit de la façon la plus directe à cette théo
284 sophique du Moyen Âge, que les réformes de Luther et de Calvin combattirent avec succès la Renaissance et inspirèrent un v
285 de Calvin combattirent avec succès la Renaissance et inspirèrent un vaste mouvement culturel. Plus tard, lorsque les théol
286 turel. Plus tard, lorsque les théologies romaines et réformées s’atrophièrent, elles n’osèrent plus, ni ne purent davantag
287 turel. L’abîme commença à s’ouvrir entre l’Église et la culture. Un chrétien du xixe ou du xxe siècle, par exemple, pouv
288 croire aux doctrines officielles de sa confession et en même temps admirer Wagner, Whitman, ou Renoir, sans seulement se d
289 la théologie avait cessé d’être vivante, précise et exigeante, et donc source d’inspiration. Le thomisme a inspiré Dante,
290 avait cessé d’être vivante, précise et exigeante, et donc source d’inspiration. Le thomisme a inspiré Dante, le calvinisme
291 ateur, parce qu’il n’avait aucune exigence claire et ferme, parce qu’il n’offrait à l’instinct créateur aucune charpente e
292 n’offrait à l’instinct créateur aucune charpente et qu’il ne fixait aucune limite qui soit en même temps un stimulant et
293 aucune limite qui soit en même temps un stimulant et un guide. Premièrement, donc, si l’Église n’a rien à donner, si elle
294 a culture, cette dernière s’en trouvera appauvrie et désorientée. Elle sera coupée de ses racines. Car toute la culture oc
295 te la culture occidentale est née de la théologie et de la liturgie chrétienne ; soit en se soumettant au code chrétien, s
296 randes philosophies modernes, celles de Descartes et de Hegel, sont nées d’une controverse manifestement théologique à ses
297 overse manifestement théologique à ses origines.) Et , en second, lieu, si la culture perd contact avec l’Église, avec sa d
298 ture perd contact avec l’Église, avec sa doctrine et son culte, l’Église perd ses moyens les plus efficaces d’agir sur le
299 réé en dehors de l’Église ou en opposition à elle et devient difficile à intégrer dans une conception chrétienne du monde.
300 arce qu’elle est attentive à préserver les droits et les devoirs de la critique théologique sur tous les plans et pas seul
301 irs de la critique théologique sur tous les plans et pas seulement d’une façon négative et restrictive. Que peuvent alors
302 s les plans et pas seulement d’une façon négative et restrictive. Que peuvent alors faire les Églises pour collaborer à la
303 ons une réponse simple. Les Églises pourront agir et inspirer si elles sont fondées sur une doctrine ferme et complète. El
304 irer si elles sont fondées sur une doctrine ferme et complète. Elles auront autorité dans la mesure où elles interviendron
305 cipes ou stades intermédiaires entre la théologie et les éthiques. La catégorie intermédiaire qui paraît la plus féconde d
306 i paraît la plus féconde dans le domaine culturel et social est celle de Vocation (au sens calviniste et luthérien du mot,
307 social est celle de Vocation (au sens calviniste et luthérien du mot, qui est plus large que celui dans lequel l’entend R
308 n, un appel spécial qui le distingue de son genre et qui lui confère une dignité inaliénable dans la mesure où il obéit à
309 ocation. Maintenant les grandes maladies sociales et culturelles des temps modernes ont toutes cette caractéristique commu
310 a vocation car elle nie ses conséquences sociales et communautaires. La principale critique que l’on puisse adresser à ce
311 es, cherchant à établir une homogénéité mécanique et rigide, qu’elle soit imposée d’en haut (État, tyran), ou d’en bas (ég
312 vocation personnelle, ou la vocation d’un groupe et la considèrent comme dangereuse et scandaleuse. Ces doctrines sont pa
313 on d’un groupe et la considèrent comme dangereuse et scandaleuse. Ces doctrines sont par là incompatibles avec l’ordre chr
314 ibles avec l’ordre chrétien, qui implique l’union et non l’uniformité et qui respecte la diversité des dons, la diversité
315 hrétien, qui implique l’union et non l’uniformité et qui respecte la diversité des dons, la diversité des membres dans un
316 u’il ne soit fondé sur le respect de la vocation, et qu’il n’assure à chaque homme (et à chaque groupe ou entité collectiv
317 de la vocation, et qu’il n’assure à chaque homme ( et à chaque groupe ou entité collective) la liberté de réaliser cette vo
318 liberté de réaliser cette vocation divine, unique et inaliénable. Un ordre social chrétien sera ainsi œcuménique plutôt qu
319 entralisé (dans les domaines culturels, religieux et sociaux). Il placera les droits et les devoirs de l’individu (c’est-à
320 els, religieux et sociaux). Il placera les droits et les devoirs de l’individu (c’est-à-dire de l’individu chargé d’une vo
321 ’individu chargé d’une vocation) avant les droits et les devoirs de l’État (l’organisme dont le devoir est d’assurer la li
322 droits d’un capitaine mais seulement ses devoirs et ses fonctions. Il va sans dire que l’organisation de l’armée est tell
323 raitement dirigés selon les besoins de la machine et non selon leur vocation réelle. Elle condamnera le système du capital
324 des hasards d’opérations de Bourse, par exemple, et non des droits conférés par l’exercice d’une vocation. Elle condamner
325 ganisme individuel ou collectif la liberté légale et les moyens matériels d’accomplir sa vocation. Elles le feront au nom
326 ocation. Elles le feront au nom de leur doctrine, et avec une grande précision. Elles ne le feront pas au nom de conceptio
327 des Églises est de repenser toutes ces catégories et de les critiquer d’un point de vue spécifiquement chrétien. Il doit y
328 pour chacun de réaliser sa vocation, etc.) Alors, et alors seulement, les Églises retrouveront une autorité effective. Ell
329 ouvements entrepris par d’autres, avec des motifs et pour des buts qui ne sont pas nécessairement chrétiens. Les conséq
330 leur confessionnelle, philosophique ni régionale, et sans aucun lien défini avec une communauté réelle et b) nationalisme,
331 sans aucun lien défini avec une communauté réelle et b) nationalisme, autarchie spirituelle. La vocation d’un homme ou d’u
332 un homme ou d’un groupe est à la fois distinction et intégration. Ces deux éléments devraient être conciliés et sauvegardé
333 ation. Ces deux éléments devraient être conciliés et sauvegardés avec vigilance — l’élément d’universalisation et celui de
334 dés avec vigilance — l’élément d’universalisation et celui de distinction. Il est grandement souhaitable, par exemple, que
335 établissements laïques, neutres ou non chrétiens, et que tout l’enseignement, dans chaque matière, y soit dominé par la do
336 comme c’est le cas dans les instituts catholiques et à l’Université calviniste de Hollande. Mais, en même temps, pouddr194
337 s. L’attitude générale serait alors d’approfondir et d’intégrer le plus possible chaque vocation culturelle du groupe (qu’
338 s dans un ensemble beaucoup plus large — le corps et ses membres ; ne jamais chercher l’union en neutralisant les différen
339 chercher l’union en neutralisant les différences et les particularités, mais au contraire en cherchant à les comparer. Le
340 i d’une collaboration plus étroite entre l’Église et l’Intelligentzia. Dans le présent état des choses, cette collaboratio
341 casion à un certain nombre de savants, historiens et écrivains de travailler pour les Églises dans leur ensemble. Mais la
342 tre en contact organique les créateurs de culture et l’Église comme telle — l’Église comme corps de doctrine et comme comm
343 se comme telle — l’Église comme corps de doctrine et comme communauté. Sur ce plan tout reste à créer. Et quelque chose do
344 comme communauté. Sur ce plan tout reste à créer. Et quelque chose doit être créé si nous voulons éviter que la culture de
6 1946, Le Semeur, articles (1933–1949). Chances d’action du christianisme (juin-juillet 1946)
345 de la philologie, puis des systèmes sociologiques et philosophiques qui se mirent à pulluler dès le xixe siècle, et qui s
346 ues qui se mirent à pulluler dès le xixe siècle, et qui se posaient en termes intraduisibles dans les catégories théologi
347 fendre contre la menace quotidienne, innombrable, et sans cesse accrue, mais d’une manière imperceptible, d’habitudes de p
348 ’une manière imperceptible, d’habitudes de pensée et de vie de moins en moins conformes aux lois spirituelles : sans le sa
349 e persécution à coups d’épingle, de demi-sourires et d’ironies intellectuelles basées sur « les derniers progrès de la sci
350 it de bien. Partout, l’on vit au cours du xviiie et surtout du xixe siècle, s’exténuer les formes extrêmes, hardies et c
351 siècle, s’exténuer les formes extrêmes, hardies et créatrices des différentes confessions. On reculait sous la pression
352 oralisme centré sur l’homme. Tout tranquillement, et pour sauver leur corps, les Églises renonçaient sinon à leur âme même
353 cette véhémence flambante qui fut toujours signe et symbole de l’Esprit. Un fils soumis de Rome, le grand Paul Claudel, p
354 emarque hélas valable pour bien d’autres Églises, et qui résume toute une époque. Je pense qu’avec la guerre, cette époque
355 pense qu’avec la guerre, cette époque a pris fin. Et je fonde cette croyance sur quelques faits. C’est un fait que le tota
356 e qui semblait établie entre les sociétés laïques et les Églises ; qu’il a brusquement mis à nu l’état minoritaire des chr
357 été abattu finalement, dans ses formes déclarées et spectaculaires tout au moins ; et que son élévation brutale puis sa c
358 ormes déclarées et spectaculaires tout au moins ; et que son élévation brutale puis sa chute ont été pour toutes les Églis
359 ienne, qui prétendait se substituer à la religion et conduire le monde moderne vers un paradis sans Dieu, a démontré son i
360 issante à nous donner des buts de vie, des idéaux et un monde plus efficaces qμe ceux du christianisme. C’est un fait que
361 ès de la Science » autorisent de moins en moins — et non de plus en plus, comme au siècle passé — à mettre en doute la vér
362 mme au siècle passé — à mettre en doute la vérité et la validité des dogmes chrétiens. L’ère des argumentations « scientif
363 l’existence de l’esprit, etc., paraît bien close, et pour longtemps. Et c’est un fait que les trois grandes confessions ch
364 prit, etc., paraît bien close, et pour longtemps. Et c’est un fait que les trois grandes confessions chrétiennes ont retro
365 critiques de l’extérieur. Renaissance du thomisme et des études mystiques chez les catholiques ; restauration de la dogmat
366 ez les protestants ; réapparition d’une puissante et purifiée Église orthodoxe à l’Est. Mais dire que l’époque de la défen
367 ns ce « presque » est là différence entre honneur et honte, vie et mort.) Et que trouvent aujourd’hui les peuples devant e
368 e » est là différence entre honneur et honte, vie et mort.) Et que trouvent aujourd’hui les peuples devant eux ? Battus et
369 différence entre honneur et honte, vie et mort.) Et que trouvent aujourd’hui les peuples devant eux ? Battus et vainqueur
370 uvent aujourd’hui les peuples devant eux ? Battus et vainqueurs, épuisés, cherchent en vain une utopie nouvelle. Les uns s
371 e nouvelle. Les uns s’abandonnent aux vieilleries et tentent de restaurer le nationalisme, condamné par les catastrophes r
372 s nihilistes. Devant cette démission de la pensée et de la morale, l’État se voit forcé d’étendre ses pouvoirs, à coups de
373 inal sans précédent. Ce vide est un appel, urgent et dramatique. Un appel à l’attaque, à l’offensive, à l’initiative, à du
374 l’initiative, à du plein. Ou encore : les Églises et leurs prédicateurs ont moins que jamais à se soucier, aujourd’hui, de
375 se noient. Comme laïque se tenant dans l’Église, et voyant au-dehors ses chances d’action, et la misère du temps qui appe
376 Église, et voyant au-dehors ses chances d’action, et la misère du temps qui appelle, j’attends ceci : I. Que l’Église offr
377 s, le règne de l’argent, le nomadisme industriel, et les déportations en masse, ont presque tué, laissant le champ libre à
378 ont presque tué, laissant le champ libre à l’État et à ses réglementations, souvent utiles, mais qui ne sont jamais règles
379 is une sociologie chrétienne pour le xxe siècle, et je la voudrais fondée sur la situation d’un groupe de frères prenant
380 urelles viables ; qu’elle ose de nouveau soutenir et guider une avant-garde intellectuelle, au lieu de garder sa position
381 lectuelle, au lieu de garder sa position méfiante et arriérée — académique — dans les arts sacrés comme vis-à-vis de la cu
382 héologiens adoptent une politique d’intervention, et non de vertueuse indignation, à l’égard des écoles nouvelles, dépourv
383 philosophie, littérature — est sortie des églises et des couvents. Hélas, elle en est bien sortie ! Il est temps que nous
384 ner ! 3. Que l’Église cesse de défendre la triste et inefficace moralité bourgeoise, avec laquelle trop de chrétiens confo
385 point de l’identifier avec la « vie chrétienne », et qu’elle restaure chez les fidèles le sens de la vocation personnelle,
386 e bourgeoise. Quelque chose qui entraîne en avant et au-delà, non pas ce qui retient en arrière et en deçà des risques de
387 ant et au-delà, non pas ce qui retient en arrière et en deçà des risques de la vie. 4. Que l’Église affirme avec force, da
388 transcende nos attachements nationaux, politiques et raciaux. Et c’est pourquoi ce mouvement œcuménique revêt une importan
389 os attachements nationaux, politiques et raciaux. Et c’est pourquoi ce mouvement œcuménique revêt une importance politique
390 raditionnelles. Que dis-je, il peut ! Il le doit, et de toute urgence ! S’il y échoue, je ne vois aucune raison d’attendre
391 se, pour le monde, que des tyrans, leurs guerres, et les tyrannies qui en résultent… Un mot encore. Ce programme, qui résu
392 ses comme corps organisés ne peuvent que soutenir et encadrer l’action chrétienne. Celle-ci se fera, comme elle s’est touj
393 omme elle s’est toujours faite, par des personnes et par des petits groupes ; par quelques « fous de Dieu » comme saint Fr
394 e, celui qui a reçu de Dieu une vocation précise, et il ajoute : toute vocation est sans précédent, et paraît donc « invra
395 et il ajoute : toute vocation est sans précédent, et paraît donc « invraisemblable » à celui qui la reçoit. Exemple, Abrah
7 1949, Le Semeur, articles (1933–1949). « Les protestants et l’esthétisme » (février-mars 1949)
396 « Les protestants et l’esthétisme » (février-mars 1949)k l …1° Le catholicisme inspire,
397 1949)k l …1° Le catholicisme inspire, encadre et soutient, aujourd’hui, un assez grand nombre d’écrivains très connus 
398 res sont entrés (ou rentrés) dans le catholicisme et se donnent, sans la moindre équivoque, pour des croyants et pratiquan
399 ent, sans la moindre équivoque, pour des croyants et pratiquants. Quant aux deux meilleurs poètes anglais de l’époque, T.
400 meilleurs poètes anglais de l’époque, T. S. Eliot et Wystan Auden, ils sont, certes, des chrétiens déclarés dans leur œuvr
401 ossible d’établir qu’à proportion des populations et de leurs confessions, l’Italie ait produit plus de grands écrivains q
402 ifier, en particulier pour l’Allemagne, la Suisse et la France. L’Espagne et l’Italie, profondément romaines, n’ont pas pr
403 ur l’Allemagne, la Suisse et la France. L’Espagne et l’Italie, profondément romaines, n’ont pas produit de nos jours de gr
404 uit de nos jours de grands écrivains catholiques, et , même, plusieurs de leurs auteurs les plus connus disent préférer le
405 bre des écrivains catholiques, protestants, juifs et athées correspond à peu près au nombre des catholiques, protestants,
406 rotestants ne le sont plus guère que de naissance et non par choix. Quelles sont les causes de ce phénomène particulier au
407 larer — comme Gide le fait encore — qu’orthodoxie et protestantisme s’excluent mutuellement. Libre examen et protestantism
408 testantisme s’excluent mutuellement. Libre examen et protestantisme devinrent synonymes, par un renversement presque compl
409 ustifiable autrement que par l’œuvre, qui l’avoue et la masque à la fois, et, en tout cas, un ensemble de règles, soit hér
410 par l’œuvre, qui l’avoue et la masque à la fois, et , en tout cas, un ensemble de règles, soit héritées, soit inventées :
411 ait des arguments contre une orthodoxie vieillie, et , finalement, contre l’orthodoxie en soi. C’était tarir une des source
412 sme à Milton, les doctrines jésuites au baroque), et de « bonnes » théologies condamner l’art (judaïsme biblique, jansénis
413 e à toute prétention (fondée ou non) à la rigueur et à la fidélité dogmatique, détruit en même temps ce qu’un artiste atte
414 écrivain catholique, Eliot un écrivain anglican. Et , pour les mêmes raisons, l’on peut attendre du grand renouveau théolo
415 s, d’essayistes des jeunes générations, en Europe et dans les deux Amériques, s’en sont déclarés tributaires.) Or la pensé
416 eté, dépasse notoirement l’antinomie du moralisme et de l’esthétique : ce dépassement constitue même l’essence de son œuvr
417 nis de, « [Réponse à une enquête] Les protestants et l’esthétisme », Le Semeur, Paris, février–mars 1949, p. 342-344. l.
418 act que les protestants sont davantage moralistes et citoyens qu’esthètes, pensez-vous que ceci soit dû à une orientation
419 rbation cette poussée vers l’esthétique peut-elle et doit-elle amener dans sa vie ? Vous voyez notre thème central, assez
420 e ? Vous voyez notre thème central, assez précis, et notre but : converser avec les étudiants qui s’inquiètent de la beaut