1 1933, Le Semeur, articles (1933–1949). Humanisme et christianisme (mars 1933)
1 Humanisme et christianisme (mars 1933)a b Je ne suis pas venu pour vous apporter un exposé systématique ou histori
2 git de salut. Certains humanistes le nieront. Ils me diront que, là où le chrétien parle de salut, eux se bornent à revend
3 er, c’est exprimer un vœu, un vœu d’humaniste. Si je vous donne ces exemples, c’est dans l’espoir de provoquer quelques ré
2 1934, Le Semeur, articles (1933–1949). Sur la méthode de M. Goguel (novembre 1934)
4 onner ne saurait être prise pour une explication. Je crains bien que cette modestie ne soit un peu trop ambitieuse. Car l’
5 e la rétrohistoire, de l’imagerie psychologique ? Je sens bien la gravité de ce reproche. Mais M. Goguel semble d’avance l
6 ologique, telle que la conçoivent les historiens, me paraît particulièrement improbable. Tout en admirant à chaque page l’
3 1935, Le Semeur, articles (1933–1949). La cité (avril-mai 1935)
7 La cité (avril-mai 1935)f Quand on m’ a proposé ce titre, j’ai tout d’abord été frappé par le léger anachron
8 vril-mai 1935)f Quand on m’a proposé ce titre, j’ ai tout d’abord été frappé par le léger anachronisme de ce petit mot d
9 cité. Une image s’est immédiatement formée devant mes yeux : l’image d’un clerc en vêtements moyenâgeux circulant dans les
10 e italien. La somme de saint Thomas sous le bras, mon chrétien arpentait les portiques d’une de ces villes du Quattrocento,
11 ites où le pouvoir d’une vocation peut s’exercer. Je voyais cette ville, où tout portait les marques des pensées qu’agitai
12 que l’homme s’ordonne à son Dieu. Tel était donc mon rêve, mon imagination de l’homme chrétien dans la cité chrétienne. Q
13 me s’ordonne à son Dieu. Tel était donc mon rêve, mon imagination de l’homme chrétien dans la cité chrétienne. Quelques jo
14 ns la cité chrétienne. Quelques jours plus tard, je me vis obligé de traverser à pied la banlieue parisienne. C’était du
15 la cité chrétienne. Quelques jours plus tard, je me vis obligé de traverser à pied la banlieue parisienne. C’était du côt
16 qui portent ce nom étrange du Kremlin-Bicêtre… Et je pus constater que les données du problème avaient un peu changé, — si
17 nées du problème avaient un peu changé, — si vous me permettez cet euphémisme académique. Les termes de chrétien et de cit
18 hrétien et de cité, qui, dans l’image moyenâgeuse me paraissaient se correspondre et s’ordonner si simplement, me semblère
19 ient se correspondre et s’ordonner si simplement, me semblèrent soudain, dans la réalité des villes modernes, privés de to
20 e, l’homme cessait d’obéir à la mesure de la foi. Je n’étonnerai personne si je constate que dans l’humanité contemporaine
21 à la mesure de la foi. Je n’étonnerai personne si je constate que dans l’humanité contemporaine, le chrétien n’est plus le
22 mieux le sens concret de la question, à laquelle je vais limiter mes réflexions, ce soir : — quelle peut être la vocation
23 oncret de la question, à laquelle je vais limiter mes réflexions, ce soir : — quelle peut être la vocation de ce chrétien d
24 chrétien, ne vaut guère la peine qu’on en parle. J’ irai même plus loin : l’action d’un intellectuel laïque quelconque app
25 ut au scepticisme, et au pessimisme intégral. — «  J’ ai appliqué mon cœur — dit l’Ecclésiaste — à rechercher et à sonder pa
26 sme, et au pessimisme intégral. — « J’ai appliqué mon cœur — dit l’Ecclésiaste — à rechercher et à sonder par la sagesse to
27 nible à laquelle Dieu soumet les fils de l’homme. J’ ai vu tout ce qui se fait sous les cieux, et voici, tout est vanité et
28 et voici, tout est vanité et poursuite du vent. » Je plaindrais l’homme d’action qui n’aurait jamais eu ce cri, qui n’aura
29 n’aurait jamais éprouvé cette détresse ! Quant à moi , pendant que je réfléchissais à ce que je devais vous dire ce soir, j
30 éprouvé cette détresse ! Quant à moi, pendant que je réfléchissais à ce que je devais vous dire ce soir, j’ai éprouvé plus
31 uant à moi, pendant que je réfléchissais à ce que je devais vous dire ce soir, j’ai éprouvé plus que jamais le sentiment d
32 fléchissais à ce que je devais vous dire ce soir, j’ ai éprouvé plus que jamais le sentiment d’une grande absurdité. Sommes
33 Don Quichotte s’excitant à une lutte impossible ? Je laisserai cette question ouverte. S’il est un fait patent, c’est que
34 as grand-chose… Mais il existe un autre fait que je poserai en face de cette constatation si pessimiste : voici ce fait :
35 otre vocation est contenu dans ces mots-là, et si je parvenais ce soir à vous les rendre vivants et présents, et si vous n
36 emportiez d’ici que le seul souvenir de ces mots, je penserais avoir atteint mon but. Ne vous conformez pas, — mais soyez
37 souvenir de ces mots, je penserais avoir atteint mon but. Ne vous conformez pas, — mais soyez transformés. Nous n’apparte
38 me de ce monde, ce sont toutes les puissances que j’ énumérais tout à l’heure et qui dominent la cité. C’est le désordre et
39 a promesse de celui qui a dit : « Prenez courage, j’ ai vaincu le monde. » — Christ est ressuscité. Il est vivant ! Par lui
40 ons de grâce — précisément par nos actions ! — et je voudrais mettre l’accent sur ce mot-là, afin que vous ne pensiez pas
41 inaires terriblement théologiques. Il se peut que ma définition de la vocation du chrétien vous ait paru, dès le principe,
42 vous ait paru, dès le principe, assez abstraite. Me voilà bien loin, pensez-vous, des problèmes concrets que pose la cité
43 er le problème de l’action politique du chrétien, je tiens à dire deux mots concernant ces scrupules, ou peut-être, cette
44 être, cette objection informulée. La question que je viens d’esquisser à grands traits, c’est celle des fins dernières de
45 allons-nous ? À la question : Où en sommes-nous ? j’ ai répondu en rappelant la situation très précaire du chrétien dans la
46 e est devenue. À la question : D’où venons-nous ? j’ ai répondu en rappelant que l’origine vivante de notre action, c’est l
47 rist ressuscité. À la question : Où allons-nous ? j’ ai répondu : le Seigneur vient ! — et nous allons à la rencontre de so
48 s la transformation radicale de toutes choses. Et je vous demande, maintenant, si l’on a le droit de se mettre en route av
49 es trois questions, avant d’y avoir répondu ? Oh, je sais bien que le monde d’aujourd’hui retentit chaque jour d’appels, d
50 avalièrement le problème dernier de l’action ? Et je demande encore : qui donc osera poser ces grandes questions dernières
51 de Dieu ? Et qu’il trahit sa vocation première ? Je pense que beaucoup d’entre vous ont, dès longtemps, résolu ces questi
52 n grand signe d’interrogation au-dessus de ce que j’ ai à vous dire maintenant. Vocation du chrétien dans la cité : nous l’
53 re, partant de cette vocation, d’aboutir à ce que j’ appellerai une politique chrétienne, un parti des chrétiens ? Telle es
54 n. Au sujet de la politique chrétienne, permettez- moi d’être aussi bref que catégorique. Si nous considérons l’histoire, si
55 érons l’histoire, si nous écoutons ses leçons, il me paraît qu’aucun doute n’est permis. De Constantin, premier empereur c
56 tement s’il est encore profane ou déjà sanctifié. Je ne crois pas plus à une politique chrétienne que je ne crois à une mo
57 ne crois pas plus à une politique chrétienne que je ne crois à une morale chrétienne codifiée, rationalisée, dispensant c
58 vocation toujours unique, et parfois scandaleuse. Je ne crois pas que les chrétiens possèdent, du seul fait de leur foi, d
59 es techniques que pose la vie de la cité moderne. Je ne crois pas qu’il soit souhaitable que se forme un parti chrétien, o
60 orme un parti chrétien, opposé aux autres partis. Je crois que les églises ne peuvent accomplir tout leur devoir, toute le
61 is repoussée la tentation théocratique à laquelle je vois succomber tant de jeunes chrétiens trop bien intentionnés, il fa
62 re des partis politiques existants. Bien entendu, je ne puis songer à passer en revue les principaux partis qui constituen
63 rdre de vue la vocation particulière du chrétien. Je me contenterai donc d’examiner un seul exemple, le plus riche à mon s
64 e de vue la vocation particulière du chrétien. Je me contenterai donc d’examiner un seul exemple, le plus riche à mon sens
65 donc d’examiner un seul exemple, le plus riche à mon sens, et peut-être le plus typique : l’exemple du parti socialiste. P
66 ser que cela conduit au socialisme. Pour ma part, je confesse volontiers qu’aucun parti ne m’attire davantage, et qu’aucun
67 ma part, je confesse volontiers qu’aucun parti ne m’ attire davantage, et qu’aucun ne saurait m’apparaître, à première vue,
68 rti ne m’attire davantage, et qu’aucun ne saurait m’ apparaître, à première vue, plus conforme à notre espérance de justice
69 conforme à notre espérance de justice. Vous dirai- je que c’est précisément à cause de cette similitude d’espérances, à cau
70 ente, à cause de cette tentation très réelle, que je suis amené à me méfier, ou tout au moins à m’approcher avec une prude
71 cette tentation très réelle, que je suis amené à me méfier, ou tout au moins à m’approcher avec une prudence critique ext
72 que je suis amené à me méfier, ou tout au moins à m’ approcher avec une prudence critique extrême, de ce que l’on nomme l’i
73 es erreurs qu’il comporte, disent-ils, mais aussi je suppose, à cause de certaines vérités assez gênantes qu’il représente
74 ’il représente. Il existe un proverbe anglais qui me paraît trouver ici une excellente application : « Il ne faut pas jete
75 yants et les motifs des camarades. Pensant à eux, je résumerai toute ma critique dans une seule phrase : un tel compromis
76 des camarades. Pensant à eux, je résumerai toute ma critique dans une seule phrase : un tel compromis n’est possible, com
77 lleurs dénoncé, ouvertement, et au nom de la foi. J’ ajouterai cependant une remarque. Si je refuse d’adhérer pratiquement
78 de la foi. J’ajouterai cependant une remarque. Si je refuse d’adhérer pratiquement au socialisme, c’est d’abord à cause du
79 ne à toute action dans le cadre du parti. Mais si je refuse ce parti, c’est aussi parce qu’il est un parti, précisément. T
80 jours par les troupes d’assaut hitlériennes. Mais je crois qu’un chrétien peut adresser une critique encore plus grave à t
81 agasin des accessoires du stupide xixe siècle. ⁂ Je résume ces premières conclusions : ni politique chrétienne, ni parti
82 vous laisse en fin de compte le bec dans l’eau ? J’ aurais renoncé à vous parler ce soir si je n’avais eu à vous offrir qu
83 l’eau ? J’aurais renoncé à vous parler ce soir si je n’avais eu à vous offrir que ces négations nécessaires. Car on ne peu
84 e qui existe qu’au nom d’une volonté de création. Je vous proposerai donc deux exemples concrets de vocation chrétienne da
85 rétienne dans la cité. Et d’abord, à l’image que je vous donnais en débutant du clerc moyenâgeux dans la cité thomiste, j
86 butant du clerc moyenâgeux dans la cité thomiste, j’ opposerai une image moderne, qui est aussi celle d’un chrétien dans la
87 silencieuse et troublante question. Nous sommes, me direz-vous, des étudiants, c’est-à-dire des intellectuels. Notre prem
88 cation tout humblement humaine, professionnelle ? Je n’aurai pas le cynisme de vous répondre que ce serait là peut-être un
89 ibérales. L’agriculture manque de bras, — dit-on… J’ espère avoir une solution moins défaitiste à vous offrir. — Et ce sera
90 tion moins défaitiste à vous offrir. — Et ce sera mon second exemple. Un écrivain américain de ces dernières années, l’un d
91 ase qui condense très bien la substance de ce que je voudrais vous faire comprendre maintenant. La voici : « Dans des époq
92 ine, irresponsable, impuissante et antisociale. » Je crois que cette phrase exprime la plus grande vérité actuelle, c’est-
93 es groupes personnalistes, sur l’exemple desquels je vais conclure. Le grand principe qui anime ces groupes, celui de la r
94 ent et tout simplement, la personne, c’est ce que j’ appelais l’exercice de la vocation. Ce qu’on nomme à Esprit ou à L’
95 premier rang : le succès même lui est subordonné. Je demande où est le parti qui peut en dire autant. Je demande où les ch
96 demande où est le parti qui peut en dire autant. Je demande où les chrétiens trouveraient une chance plus concrète, une m
97 ce plus concrète, une meilleure raison d’espérer. Je dis bien, une chance concrète. Certes, le mouvement personnaliste est
98 eune, et n’a pas remué les masses jusqu’ici. Mais je ferai deux remarques : 1° il faut bien que quelqu’un commence. Avoir
99 u des sceptiques congénitaux ne manqueront pas de me faire remarquer que certains… compromis, par exemple, sont plus prati
100 cette chance ? Et comment un chrétien pourrait-il m’ opposer les objections d’un praticisme à courte vue, quand notre vocat
101 r la terre ? Tous les autres auraient le droit de m’ arrêter en me disant : nous préférons un mensonge applicable à votre v
102 Tous les autres auraient le droit de m’arrêter en me disant : nous préférons un mensonge applicable à votre vérité trop dé
103 s chrétiens. Tous les autres auraient le droit de m’ opposer la sagesse de ce siècle en faillite, mais nous appartenons à c
104 rotestation, dans l’annonce d’un monde nouveau. ⁂ Je n’ai pas cherché ce soir à vous décrire impartialement la situation :
105 ituation : il eût fallu beaucoup plus de nuances. J’ ai cherché au contraire à marquer quels peuvent être nos motifs de cho
106 et le lieu d’une action pratique. Il se peut que je me trompe. Il se peut que certains reçoivent l’ordre d’aller là où je
107 le lieu d’une action pratique. Il se peut que je me trompe. Il se peut que certains reçoivent l’ordre d’aller là où je cr
108 peut que certains reçoivent l’ordre d’aller là où je crois ne pas devoir aller. Qu’ils le fassent, si c’est là leur missio
109 une exigence directe, une possibilité magnifique. Je n’en connais pas d’autres pour mon compte. Discerner sa vocation, ce
110 ité magnifique. Je n’en connais pas d’autres pour mon compte. Discerner sa vocation, ce n’est pas toujours entendre une voi
111 mez pas à ce siècle présent », dit saint Paul. Et je vous laisserai sur cette mise en demeure : « Ne vous conformez pas à
4 1936, Le Semeur, articles (1933–1949). Notre foi, par Emil Brunner (janvier 1936)
112 uloir nous amener à prier la prière de la foi : «  Je crois, Seigneur, viens en aide à mon incrédulité. » h. Rougemont D
113 de la foi : « Je crois, Seigneur, viens en aide à mon incrédulité. » h. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Emil Brunne
5 1946, Le Semeur, articles (1933–1949). Chances d’action du christianisme (juin-juillet 1946)
114 d’autres Églises, et qui résume toute une époque. Je pense qu’avec la guerre, cette époque a pris fin. Et je fonde cette c
115 se qu’avec la guerre, cette époque a pris fin. Et je fonde cette croyance sur quelques faits. C’est un fait que le totalit
116 nces d’action, et la misère du temps qui appelle, j’ attends ceci : I. Que l’Église offre un type de relations humaines via
117 nt utiles, mais qui ne sont jamais règles de vie. Je voudrais une sociologie chrétienne pour le xxe siècle, et je la voud
118 une sociologie chrétienne pour le xxe siècle, et je la voudrais fondée sur la situation d’un groupe de frères prenant la
119 que les meilleurs aujourd’hui, hors des Églises, me paraissent avides d’entendre. La « folie de la Croix », non la sagess
120 e respect des diversités traditionnelles. Que dis- je , il peut ! Il le doit, et de toute urgence ! S’il y échoue, je ne voi
121 Il le doit, et de toute urgence ! S’il y échoue, je ne vois aucune raison d’attendre autre chose, pour le monde, que des
122 ultent… Un mot encore. Ce programme, qui résume à mes yeux les plus grandes chances d’action du christianisme au xxe siècl
6 1949, Le Semeur, articles (1933–1949). « Les protestants et l’esthétisme » (février-mars 1949)
123 ienne, ou la France catholique que la calviniste. J’ ai l’idée que le contraire aurait un peu plus de chances de se vérifie
124 uses de ce phénomène particulier au xxe siècle ? Je crois qu’il convient de les chercher dans un récent passé théologique
125 de poésie, de roman, de peinture ou de musique ? Je veux dire, non pas la question banale, doit-il ou non écrire, peindre