1
Humanisme et christianisme (mars 1933)a b Je
ne
suis pas venu pour vous apporter un exposé systématique ou historique
2
arbitrairement définies, sur des oppositions qui
n’
existent, en réalité, que dans la mesure où l’on est décidé à refuser
3
France, à désigner la culture gréco-latine. Nous
n’
avons pas, bien entendu, à discuter ici la question des humanités. Nou
4
imerait-il lui-même mieux que Dieu, son créateur,
ne
l’aime ? Car Dieu seul connaît l’homme dans son origine et dans sa fi
5
siste le péché « originel » — il en résulte qu’il
ne
peut plus se connaître entièrement lui-même. Il ne peut plus connaîtr
6
e peut plus se connaître entièrement lui-même. Il
ne
peut plus connaître son bien. Il pose les questions les plus absurdes
7
absurdes et les plus insolubles, par exemple : il
ne
sait même pas pourquoi il est au monde, ni pour quoi ; il se demande
8
la chevelure. 3. Humanisme contre christianisme,
n’
est-ce donc qu’un conflit d’amour, assez touchant ? Est-ce à celui qui
9
se, il devient l’antagonisme de deux volontés qui
ne
s’opposent pas front à front sur le même plan, mais qui se coupent pe
10
opposé à l’homme des assurances. Car l’humanisme
n’
est, aux yeux de la foi, qu’une vaste entreprise d’assurance-vie. L’hu
11
e pourra répondre qu’à ses yeux, le christianisme
n’
est qu’une assurance-paradis. Mais le reproche est aussi misérable qu’
12
n chrétien qui contracte une assurance sur la vie
n’
est plus un chrétien à cet instant et dans cet acte ; il agit en human
13
aîtrait-il ? Comment pourrait-il les nommer, s’il
n’
a d’abord cherché la volonté de Dieu, si souvent contraire à la sienne
14
sienne ?) Prier pour qu’il fasse beau demain, ce
n’
est pas prier, c’est exprimer un vœu, un vœu d’humaniste. Si je vous d
15
amment à l’existence des chrétiens eux-mêmes. Ce
n’
est pas à dire que l’humanisme n’ait pas ses doctrines, et même une ex
16
s eux-mêmes. Ce n’est pas à dire que l’humanisme
n’
ait pas ses doctrines, et même une expression politique cohérente. On
17
ondu d’ailleurs avec une certaine « culture », il
ne
semble pas que ces deux auteurs aient eu le courage d’aller jusqu’aux
18
ais en face de ce triomphe humaniste, le chrétien
ne
pourrait-il pas relever maintenant la vraie défense de l’homme, lieu
19
aux conflits naturels. Il vit dans un monde où il
n’
y aura bientôt plus — se dit-on — ni luttes sociales, ni lutte contre
20
e cette Vie de Jésus, et les questions qu’il pose
n’
apparaissent pas moins passionnantes. Quelle fut la genèse psychologiq
21
nt sur le fait que la description qu’il va donner
ne
saurait être prise pour une explication. Je crains bien que cette mod
22
ne explication. Je crains bien que cette modestie
ne
soit un peu trop ambitieuse. Car l’hypothèse de travail que M. Goguel
23
s dans lesquelles les femmes, venues au sépulcre,
n’
avaient pas trouvé le corps de Jésus. Cette création s’est faite sans
24
r à son origine une fraude qui, pour être pieuse,
n’
en serait pas moins une fraude. En face d’affirmations aussi déconcer
25
grande exigence critique. À vrai dire, M. Goguel
ne
paraît pas s’être beaucoup préoccupé de justifier sa méthode. Il n’es
26
re beaucoup préoccupé de justifier sa méthode. Il
n’
est pas trop aisé de la définir. Elle recourt avant tout à la critique
27
authenticité probable d’un professeur.) M. Goguel
ne
fait-il pas comme les premiers croyants — et avec la même bonne foi —
28
atteindre, si aveuglés sur leurs contradictions ?
N’
étaient-ils pas, bien plus que nous, capables de voir dans les contrad
29
cet ange leur parle ! Les réactions de ces femmes
n’
auront probablement rien d’homogène et seront même plus contradictoire
30
t seront même plus contradictoires qu’aucun récit
ne
peut le faire sentir. Ces réserves faites sur la méthode, il reste qu
31
si ruineuses pour la foi que beaucoup de croyants
ne
le craignent. Pour deux raisons. La première, qu’il indique lui-même,
32
foi vivante, les postulats critiques de l’auteur
n’
ont aucune force de contrainte. C’est l’Écriture et le dogme qui les j
33
c’est que M. Goguel, loin d’attaquer les dogmes,
ne
démolit que les preuves matérielles dont l’esprit humain voudrait tou
34
l’Histoire. Que l’on réforme cette histoire, cela
ne
saurait être au détriment de la foi. Car l’office de la foi n’est pas
35
re au détriment de la foi. Car l’office de la foi
n’
est pas de nous fournir une explication probante du miracle ; elle se
36
c’est énoncer une vérité qu’aucune preuve humaine
ne
peut réellement appuyer ; car l’œuvre de la chair, c’est de refuser D
37
ser Dieu, même alors qu’il se rend visible. Et ce
n’
est point parmi les morts qu’il nous faut chercher le Vivant (Luc 24 :
38
t la cité, et les hommes qui habitent la cité, il
n’
y a plus aucune proportion. Mais ce n’est pas la cité seule qui a chan
39
la cité, il n’y a plus aucune proportion. Mais ce
n’
est pas la cité seule qui a changé. En même temps qu’elle cessait d’êt
40
l’homme cessait d’obéir à la mesure de la foi. Je
n’
étonnerai personne si je constate que dans l’humanité contemporaine, l
41
te que dans l’humanité contemporaine, le chrétien
n’
est plus le type normal. Il tend à devenir l’exception. C’est tout jus
42
devenir l’exception. C’est tout juste, déjà, s’il
n’
est pas un scandale. Quand il se tient tranquille, on le tolère en sou
43
llement impuissante sur les conseils de la cité ?
N’
est-il pas ridicule de poser la question ? N’est-il pas évident, à pre
44
té ? N’est-il pas ridicule de poser la question ?
N’
est-il pas évident, à première vue, que le chrétien ne peut plus rien,
45
t-il pas évident, à première vue, que le chrétien
ne
peut plus rien, que personne ne l’écoute plus, qu’on le laisse parler
46
, que le chrétien ne peut plus rien, que personne
ne
l’écoute plus, qu’on le laisse parler dans ses temples justement parc
47
sse parler dans ses temples justement parce qu’on
ne
le craint plus ? Et dès lors, à quoi servirait de méditer sur la mani
48
production ou de conclure des traités ? Et si ce
n’
est pas le cas, ne ferait-il pas mieux de se limiter à son domaine, d’
49
conclure des traités ? Et si ce n’est pas le cas,
ne
ferait-il pas mieux de se limiter à son domaine, d’ailleurs de plus e
50
eint ? À la question de sa vocation dans la cité,
ne
devra-t-on pas opposer une question préalable, brutale : cette vocati
51
telles que l’action du chrétien, comme chrétien,
ne
vaut guère la peine qu’on en parle. J’irai même plus loin : l’action
52
ace, de la classe ou des nationalismes exaspérés,
n’
ont cure de nos avis, de nos révoltes. Que nous soyons chrétiens ou no
53
ite du vent. » Je plaindrais l’homme d’action qui
n’
aurait jamais eu ce cri, qui n’aurait jamais éprouvé cette détresse !
54
homme d’action qui n’aurait jamais eu ce cri, qui
n’
aurait jamais éprouvé cette détresse ! Quant à moi, pendant que je réf
55
ouverte. S’il est un fait patent, c’est que nous
ne
pouvons pas grand-chose… Mais il existe un autre fait que je poserai
56
’une responsabilité contre laquelle aucune raison
ne
prévaudra jamais. Elle est un ordre, que nous avons reçu, et que nous
57
le est un ordre, que nous avons reçu, et que nous
n’
avons pas le droit ni le pouvoir de discuter. Elle nous adresse une vo
58
ci placés dans une situation toute nouvelle. Nous
n’
avons plus à supputer nos chances, ni à décider librement si oui ou no
59
us prions : « Que Ton règne vienne ! » et si nous
ne
faisons pas l’impossible — justement : l’impossible — pour hâter la v
60
mpossible — pour hâter la venue de ce règne, nous
ne
sommes plus que des menteurs, et notre prière nous condamne. Le chrét
61
reçu un ordre, et que cet ordre vient de Dieu. «
Ne
vous conformez pas à ce siècle présent, mais soyez transformés », dit
62
à vous les rendre vivants et présents, et si vous
n’
emportiez d’ici que le seul souvenir de ces mots, je penserais avoir a
63
de ces mots, je penserais avoir atteint mon but.
Ne
vous conformez pas, — mais soyez transformés. Nous n’appartenons pas
64
ous conformez pas, — mais soyez transformés. Nous
n’
appartenons pas à la forme du monde mais bien à sa transformation. For
65
a venue du règne de justice qu’il appelle. « Nous
n’
appartenons pas à la forme du monde. » — Est-ce à dire que notre foi n
66
du monde que le chrétien découvre pire encore que
ne
le pensaient les socialistes par exemple, elle appelle une transforma
67
forme, révolution, utopie d’un monde meilleur ; —
ne
faisons pas les dégoûtés : nous y pensons tous plus ou moins, et beau
68
moins, et beaucoup d’entre nous y travaillent. Il
ne
sera pas dit que l’homme chrétien est moins humain que l’homme non ch
69
ien est moins humain que l’homme non chrétien. Il
ne
sera pas dit que le croyant, parce qu’il refuse toute solidarité avec
70
uement de travailler à la révolution, le chrétien
n’
a pas le droit de laisser subsister la moindre équivoque sur les motif
71
fort du terme, la transformation de ce monde, ce
n’
est pas en vertu des seuls désirs humains, qu’il a certainement lui au
72
mains, qu’il a certainement lui aussi, mais qu’il
n’
aurait aucun droit de prêcher. S’il annonce, s’il prêche cette transfo
73
rais mettre l’accent sur ce mot-là, afin que vous
ne
pensiez pas qu’il ne s’agit ici que de pathos sentimental. Action, et
74
sur ce mot-là, afin que vous ne pensiez pas qu’il
ne
s’agit ici que de pathos sentimental. Action, et non pas sentiment, n
75
une certitude combattante, — voilà pourquoi nous
ne
pouvons plus nous laisser arrêter par aucune raison, par ces raisons
76
sceptique. Si nous croyons à cette justice, nous
ne
pouvons autrement que de courir vers elle ! Nous ne pouvons autrement
77
pouvons autrement que de courir vers elle ! Nous
ne
pouvons autrement que d’espérer de toutes nos forces son retour ! Nou
78
t. Ni l’attente passive, ni l’ardeur messianique,
ne
sont plus aujourd’hui des attitudes chrétiennes ; mais voilà le motif
79
imprécis, ou au contraire tellement précis qu’on
ne
veut plus rien voir au-delà. Trop de chefs nous crient : en avant ! s
80
bout des semelles de leurs bottes. Leur en avant
ne
sait pas où il va ! N’est-ce pas ainsi que courent les fuyards ? Comm
81
eurs bottes. Leur en avant ne sait pas où il va !
N’
est-ce pas ainsi que courent les fuyards ? Comment ne voient-ils pas q
82
st-ce pas ainsi que courent les fuyards ? Comment
ne
voient-ils pas que chacun de leurs gestes pose la question des fins d
83
sera poser ces grandes questions dernières, si ce
n’
est le chrétien, dans la cité contemporaine ? Et s’il ne le fait pas,
84
le chrétien, dans la cité contemporaine ? Et s’il
ne
le fait pas, qui d’autre est en mesure d’assumer cette charge inquiét
85
assumer cette charge inquiétante ? Si le chrétien
ne
pose pas ces questions, n’est-ce pas alors, justement, qu’il s’évade
86
tante ? Si le chrétien ne pose pas ces questions,
n’
est-ce pas alors, justement, qu’il s’évade ? Qu’il sort de sa réalité
87
écoutons ses leçons, il me paraît qu’aucun doute
n’
est permis. De Constantin, premier empereur chrétien commandant aux ch
88
e histoire : une politique chrétienne qui réussit
n’
a plus rien de chrétien que le prétexte. Les Églises se livrent au jug
89
siteur qui vient bénir ce monde moralisé, dont on
ne
sait plus exactement s’il est encore profane ou déjà sanctifié. Je ne
90
ent s’il est encore profane ou déjà sanctifié. Je
ne
crois pas plus à une politique chrétienne que je ne crois à une moral
91
crois pas plus à une politique chrétienne que je
ne
crois à une morale chrétienne codifiée, rationalisée, dispensant chaq
92
ation toujours unique, et parfois scandaleuse. Je
ne
crois pas que les chrétiens possèdent, du seul fait de leur foi, des
93
techniques que pose la vie de la cité moderne. Je
ne
crois pas qu’il soit souhaitable que se forme un parti chrétien, oppo
94
pposé aux autres partis. Je crois que les églises
ne
peuvent accomplir tout leur devoir, toute leur mission dans la cité,
95
aire, comme chrétiens, dans la cité ? Si l’Église
n’
est pas un parti, comment et où faut-il que nous prenions parti ? Où a
96
des partis politiques existants. Bien entendu, je
ne
puis songer à passer en revue les principaux partis qui constituent d
97
ur ma part, je confesse volontiers qu’aucun parti
ne
m’attire davantage, et qu’aucun ne saurait m’apparaître, à première v
98
qu’aucun parti ne m’attire davantage, et qu’aucun
ne
saurait m’apparaître, à première vue, plus conforme à notre espérance
99
aît trouver ici une excellente application : « Il
ne
faut pas jeter l’enfant avec le bain. » Jetons le bain marxiste, mais
100
t identifié avec la défense des humbles : si nous
ne
faisons pas mieux que lui à cet égard, gardons-nous de l’attaquer ! L
101
une justice plus grande dans la société : si nous
ne
protestons pas plus fort que lui, si nous ne croyons pas mieux que lu
102
nous ne protestons pas plus fort que lui, si nous
ne
croyons pas mieux que lui à la justice, gardons-nous de le condamner
103
s silence cette radicale différence : le chrétien
ne
proteste pas seulement contre des abus politiques, mais contre le péc
104
contre le péché, à travers ces abus. Le chrétien
n’
annonce pas seulement une justice humaine à venir, mais une justice di
105
ce divine, déjà réalisée. Notre devoir de charité
ne
serait-il pas alors de déclarer ouvertement aux socialistes qu’entre
106
ral d’une foi au Christ vivant ? Car le chrétien
n’
est pas idéaliste, et c’est cela qui le distingue en fin de compte du
107
me était moins réaliste et comme si les chrétiens
ne
vivaient pas aussi de pain. Le grand danger du socialisme n’est pas d
108
pas aussi de pain. Le grand danger du socialisme
n’
est pas dans son matérialisme, mais dans sa fausse spiritualité ; dans
109
l humanitaire en lieu et place d’une foi. Si nous
ne
parvenons pas à faire comprendre aux socialistes le sérieux absolu de
110
critique dans une seule phrase : un tel compromis
n’
est possible, comme un douloureux pis-aller, que s’il est par ailleurs
111
actifs de la démoralisation des hommes modernes.
N’
ayant pas même l’excuse d’avoir réussi pratiquement, ils ne peuvent se
112
as même l’excuse d’avoir réussi pratiquement, ils
ne
peuvent se défendre contre le jugement qui les renvoie au magasin des
113
au ? J’aurais renoncé à vous parler ce soir si je
n’
avais eu à vous offrir que ces négations nécessaires. Car on ne peut r
114
vous offrir que ces négations nécessaires. Car on
ne
peut refuser ce qui existe qu’au nom d’une volonté de création. Je vo
115
aussi celle d’un chrétien dans la cité, mais qui
n’
est pas cette fois une utopie. Cela se passe au Japon, de nos jours. C
116
mpossible de se dire vraiment chrétien tant qu’il
n’
aura pas fait tout ce qui est en son pouvoir pour réduire le scandale
117
voir pour réduire le scandale social. Aucun parti
n’
existe encore dans son pays, qui se consacre à la défense des intérêts
118
e. Que faire, sinon payer de sa personne ? Kagawa
n’
hésite pas. Il va vivre dans les bas-fonds. Avec un peu d’argent que l
119
et se met à prêcher l’Évangile. Mais son activité
ne
se borne pas là : prêcher, certes, c’est son premier devoir, mais ce
120
le rebut d’humanité dont les bas-fonds eux-mêmes
ne
savent que faire. Il faut lire l’effarante description de sa vie tell
121
résume en effet dans ce seul mot de vocation. Il
n’
agit pas au bénéfice d’un parti. Il prêche et il proteste au nom d’une
122
clamée. C’est ainsi qu’on transforme le monde. Ce
n’
est pas au nom d’un parti que Jérémie accusait publiquement son roi et
123
son roi et l’obligeait à réparer ses crimes ; ce
n’
est pas au nom d’un parti que Paul ébranle l’Empire romain, ce n’est p
124
m d’un parti que Paul ébranle l’Empire romain, ce
n’
est pas au nom d’un parti que Luther et Calvin déclenchent la plus gra
125
ntale, — c’est au nom de leur seule vocation. Eux
n’
ont pas dit que la vocation ne suffisait pas, que c’était vague et peu
126
seule vocation. Eux n’ont pas dit que la vocation
ne
suffisait pas, que c’était vague et peu pratique ! Toute l’histoire d
127
la forme du monde. Mais, direz-vous encore, nous
ne
sommes pas tous des Jérémie, des Paul, des Luther, des Calvin, ni mêm
128
i même des Kagawa, ni même des salutistes, — pour
ne
rien dire de ces deux amis auxquels nous pensons tous ce soir et qui,
129
intellectuels. Notre premier devoir dans la cité
n’
est-il pas de travailler en tant qu’intellectuels, — de même que le pr
130
s Kagawa, et à vivre dans les quartiers miséreux,
ne
serait-ce pas aussi faillir à notre vocation tout humblement humaine,
131
ion tout humblement humaine, professionnelle ? Je
n’
aurai pas le cynisme de vous répondre que ce serait là peut-être un re
132
transition des bases culturelles, la critique qui
ne
jaillit pas de la métaphysique et d’une véritable compréhension des e
133
La cité moderne est en crise, parce que personne
n’
a su ou n’a osé prévoir l’aboutissement matériel et moral de la révolu
134
oderne est en crise, parce que personne n’a su ou
n’
a osé prévoir l’aboutissement matériel et moral de la révolution indus
135
s notions de justice et de respect de l’homme qui
n’
ont aucun rapport avec la morale pratique du monde économique et finan
136
e de la morale, et que les nécessités économiques
ne
tiennent pas compte de nos beaux idéaux. Il résulte de ce divorce une
137
terme. Les buts de l’intellectuel et son langage
ne
sont plus ceux de l’ouvrier ni du petit-bourgeois provincial et encor
138
italisme. Chacun tire à hue et à dia, et personne
ne
sait où il va. Il n’y a plus de commune mesure entre la pensée et l’a
139
à hue et à dia, et personne ne sait où il va. Il
n’
y a plus de commune mesure entre la pensée et l’action. La cité n’est
140
mmune mesure entre la pensée et l’action. La cité
n’
est plus dominée par une norme et un but commun. Ce sont les bases cul
141
rtielle apparaissent vouées à l’échec, tant qu’on
n’
aura pas reconstruit ces bases, et retrouvé la commune mesure. Donner
142
la soupe aux chômeurs, c’est très bien, mais cela
n’
atteint pas les racines du mal. Oui, la tâche la plus pratique, la plu
143
action, de la culture et de l’économie ; or, elle
ne
peut être cherchée sérieusement nulle part ailleurs que dans la relig
144
evue Esprit ou celui de L’Ordre nouveau , pour
ne
rien dire de plusieurs autres moins notoires, — le grand principe qui
145
’il s’agit là d’une révolution profonde, car rien
n’
est plus profond qu’un changement de l’état d’esprit qui préside aux i
146
l’argent ; combattre la misère, car un homme qui
n’
a pas son pain ne peut pas être une personne ni exercer sa vocation ;
147
ttre la misère, car un homme qui n’a pas son pain
ne
peut pas être une personne ni exercer sa vocation ; combattre aussi l
148
re prendre pour l’opinion publique, alors qu’elle
n’
est en fait que l’opinion des maîtres de forges ou des parlementaires
149
la bêtise publique. Mais toutes ces destructions
ne
seront rendues possibles que par un profond changement de l’état d’es
150
s. Et le triomphe d’une telle morale, à son tour,
ne
sera possible, que si l’on peut déduire de cette morale un système co
151
revue Esprit . Le jeune mouvement personnaliste
ne
se donne pas pour un mouvement chrétien ; vous y trouverez des hommes
152
son principe, aux exigences de notre vocation. Ce
n’
est pas une politique chrétienne, ce n’est pas un parti politique. C’e
153
cation. Ce n’est pas une politique chrétienne, ce
n’
est pas un parti politique. C’est un ordre, une chevalerie ! Et le pri
154
chevalerie ! Et le principe de cet ordre nouveau
n’
est autre que celui de la vocation personnelle. Oui, le principe anima
155
, le mouvement personnaliste est encore jeune, et
n’
a pas remué les masses jusqu’ici. Mais je ferai deux remarques : 1° il
156
le détail de la vie. Et si, comme chrétiens, vous
ne
trouvez pas dans le mouvement personnaliste tout ce qu’exige votre fo
157
ien, raison de plus pour l’apporter ! Le chrétien
n’
est-il pas, en quelque sorte, un spécialiste de la vocation ? Des ince
158
urs, des craintifs, ou des sceptiques congénitaux
ne
manqueront pas de me faire remarquer que certains… compromis, par exe
159
tiques, lorsqu’il s’agit de politique, — et qu’on
n’
arrive à rien quand on vise si haut. Des malins, des parlementaires, d
160
us ont valu la crise actuelle viendront dire : ça
n’
est pas pratique. Mais ce n’est pas d’eux, n’est-ce pas, qu’il faut at
161
e viendront dire : ça n’est pas pratique. Mais ce
n’
est pas d’eux, n’est-ce pas, qu’il faut attendre beaucoup mieux que ce
162
: ça n’est pas pratique. Mais ce n’est pas d’eux,
n’
est-ce pas, qu’il faut attendre beaucoup mieux que ce qu’ils ont fait
163
religieuse. Qui aura ce courage, si les chrétiens
ne
l’ont pas ? Où voulez-vous aller si vous refusez cette chance ? Et co
164
tons encore trop sur nous-mêmes. Mais le chrétien
ne
compte pas sur lui seul, il compte sur Celui qui peut faire, et bien
165
estation, dans l’annonce d’un monde nouveau. ⁂ Je
n’
ai pas cherché ce soir à vous décrire impartialement la situation : il
166
certains reçoivent l’ordre d’aller là où je crois
ne
pas devoir aller. Qu’ils le fassent, si c’est là leur mission, et la
167
exigence directe, une possibilité magnifique. Je
n’
en connais pas d’autres pour mon compte. Discerner sa vocation, ce n’e
168
autres pour mon compte. Discerner sa vocation, ce
n’
est pas toujours entendre une voix intérieure. Il y a aussi des voix q
169
elle. Ce qui est impossible, c’est qu’un chrétien
n’
ait pas la vocation d’agir, de faire acte de présence à la misère du s
170
ans la transformation promise de toutes choses. «
Ne
vous conformez pas à ce siècle présent », dit saint Paul. Et je vous
171
t je vous laisserai sur cette mise en demeure : «
Ne
vous conformez pas à ce siècle présent, mais soyez transformés par le
172
mploi de la seconde personne est la règle ; aussi
ne
peut-on lire ces méditations sans se sentir pris à partie et directem
173
nous. Ces études se succèdent selon un plan qu’il
n’
est pas toujours facile d’apercevoir. Les divisions générales paraisse
174
biblisme ». Bien que pas un verset de l’Écriture
ne
soit cité, on sent la pensée et la foi de l’auteur informées par la B
175
lique » ; la Bible est la Parole de Dieu, et nous
ne
pouvons rien savoir de Dieu que par Sa révélation dans cette Parole.
176
études un constant effort de fidélité humble pour
ne
pas trahir la Révélation de Dieu en taisant — ou en résolvant par que
177
gênent si fort notre humaine raison. Mais la foi
n’
est pas une adhésion intellectuelle qui ne nous engagerait pas ; la fo
178
la foi n’est pas une adhésion intellectuelle qui
ne
nous engagerait pas ; la foi au Dieu de majesté, de sainteté et d’amo
179
t non moins remarquable qu’aucun de ces documents
ne
fasse allusion à l’ordre culturel de demain. Et il est cependant cert
180
veau ; un désir puissant de repartir à neuf et de
ne
pas retomber dans les erreurs traditionnelles ou revenir aux discipli
181
s des raisons de craindre, au contraire, qu’elles
ne
trouvent une nouvelle virulence sous de nouveaux noms. Les génération
182
de nouveaux noms. Les générations d’après-guerre
ne
seront pas nécessairement plus positives ou plus cyniques — tout en p
183
devoir des Églises Si les Églises chrétiennes
ne
donnent pas cette direction ferme et vraiment catholique (embrassant
184
l’Église. Une Église dont la théologie est vague
n’
a plus rien à dire dans le domaine de la culture. Une telle Église peu
185
r un document comme la Charte de l’Atlantique qui
n’
émane pas d’une théologie, ni même directement du christianisme. Elle
186
, il en est tout à fait autrement. Ici une Église
ne
peut adopter des idéologies créées par d’autres. Sa parole n’aura de
187
ter des idéologies créées par d’autres. Sa parole
n’
aura de poids que si elle parle au nom de sa propre théologie, et en r
188
ogies romaines et réformées s’atrophièrent, elles
n’
osèrent plus, ni ne purent davantage, intervenir comme influences insp
189
éformées s’atrophièrent, elles n’osèrent plus, ni
ne
purent davantage, intervenir comme influences inspiratrices dans le d
190
le protestantisme libéral du xixe ou xxe siècle
n’
a inspiré aucun artiste, musicien, poète ou philosophe créateur, parce
191
sicien, poète ou philosophe créateur, parce qu’il
n’
avait aucune exigence claire et ferme, parce qu’il n’offrait à l’insti
192
vait aucune exigence claire et ferme, parce qu’il
n’
offrait à l’instinct créateur aucune charpente et qu’il ne fixait aucu
193
t à l’instinct créateur aucune charpente et qu’il
ne
fixait aucune limite qui soit en même temps un stimulant et un guide.
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lant et un guide. Premièrement, donc, si l’Église
n’
a rien à donner, si elle n’a rien à exiger de la culture, cette derniè
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ent, donc, si l’Église n’a rien à donner, si elle
n’
a rien à exiger de la culture, cette dernière s’en trouvera appauvrie
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maisons dans le Royaume de Dieu. Un ordre social
ne
peut être qualifié de chrétien à moins qu’il ne soit fondé sur le res
197
l ne peut être qualifié de chrétien à moins qu’il
ne
soit fondé sur le respect de la vocation, et qu’il n’assure à chaque
198
oit fondé sur le respect de la vocation, et qu’il
n’
assure à chaque homme (et à chaque groupe ou entité collective) la lib
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l’exemple de l’armée : les règlements militaires
ne
fixent pas les droits d’un capitaine mais seulement ses devoirs et se
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d’accomplir son devoir : c’est là sa liberté, il
n’
en a pas d’autres. Or l’Ecclesia militans ressemble à une armée beauco
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itans ressemble à une armée beaucoup plus qu’elle
ne
ressemble à une constitution abstraite fixant les droits de l’individ
202
eur doctrine, et avec une grande précision. Elles
ne
le feront pas au nom de conceptions purement humanistes ou religieuse
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a vocation. (Être libre à l’abri de la nécessité,
ne
signifie pas que l’on prend pour but la prospérité, mais que l’on dem
204
ar d’autres, avec des motifs et pour des buts qui
ne
sont pas nécessairement chrétiens. Les conséquences culturelles
205
essions soit donné : la partie œcuménique. Car ce
n’
est qu’en apprenant à connaître les autres que nous en venons à nous c
206
s en venons à nous connaître nous-mêmes, comme ce
n’
est qu’en nous comprenant nous-mêmes que nous parvenons à connaître le
207
e beaucoup plus large — le corps et ses membres ;
ne
jamais chercher l’union en neutralisant les différences et les partic
208
t des confessions (spécialement les protestantes)
n’
ont pas les moyens de mettre en contact organique les créateurs de cul
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positions trop menacées par le scepticisme. Pour
ne
donner que deux exemples : on vit le mouvement mystique s’éteindre au
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aux Églises chrétiennes un dilemme très net : il
ne
leur reste plus qu’à s’endormir, ou bien à passer à l’attaque. Ce len
211
’attaque. Ce lendemain d’une guerre de Trente Ans
ne
ressemble guère à une victoire, il faut bien le dire. Les nations qui
212
rre ont tout perdu ; mais celles qui l’ont gagnée
n’
ont rien gagné ; elles ont seulement repoussé une menace, au prix de s
213
ssairement lésée. En d’autres termes, les Églises
ne
trouvent plus dans le monde des doctrines hostiles, mais un vide doct
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t à ses réglementations, souvent utiles, mais qui
ne
sont jamais règles de vie. Je voudrais une sociologie chrétienne pour
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étiens confondent aujourd’hui la vertu, quand ils
ne
vont pas jusqu’au point de l’identifier avec la « vie chrétienne », e
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les Américains, s’instaure sur notre planète, ce
ne
sera qu’au nom de ce qui transcende nos attachements nationaux, polit
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le doit, et de toute urgence ! S’il y échoue, je
ne
vois aucune raison d’attendre autre chose, pour le monde, que des tyr
218
ur le réaliser. Les Églises comme corps organisés
ne
peuvent que soutenir et encadrer l’action chrétienne. Celle-ci se fer
219
u réunis dans une chambre ; par des mystiques qui
n’
auront l’air de rien ; par des hommes dont on dira qu’ils exagèrent, q
220
t on dira qu’ils exagèrent, qu’ils rêvent, qu’ils
n’
ont pas le sens commun, qu’ils voient trop grand… Peut-être même par d
221
, surtout au premier. Que nous reste-t-il ? 2° On
ne
peut déduire de ce fait que le catholicisme, en général, offre à la l
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ce. L’Espagne et l’Italie, profondément romaines,
n’
ont pas produit de nos jours de grands écrivains catholiques, et, même
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nt comme tels, tandis que nos auteurs protestants
ne
le sont plus guère que de naissance et non par choix. Quelles sont le
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ibre examen, conduit dans un climat rationaliste,
n’
est pas une attitude de créateur. L’art suppose une orthodoxie, un par
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pourquoi les premières générations du xxe siècle
n’
ont pas produit d’écrivains protestants au sens où Claudel est un écri
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épassement constitue même l’essence de son œuvre.
N’
est-ce point de cet exemple pur qu’il conviendrait de partir pour pose