1 1933, Le Semeur, articles (1933–1949). Humanisme et christianisme (mars 1933)
1 sme et christianisme (mars 1933)a b Je ne suis pas venu pour vous apporter un exposé systématique ou historique, mais bi
2 à désigner la culture gréco-latine. Nous n’avons pas , bien entendu, à discuter ici la question des humanités. Nous prendro
3 es plus insolubles, par exemple : il ne sait même pas pourquoi il est au monde, ni pour quoi ; il se demande parfois ce qu’
4 l’antagonisme de deux volontés qui ne s’opposent pas front à front sur le même plan, mais qui se coupent perpendiculaireme
5 e ?) Prier pour qu’il fasse beau demain, ce n’est pas prier, c’est exprimer un vœu, un vœu d’humaniste. Si je vous donne ce
6 à l’existence des chrétiens eux-mêmes. Ce n’est pas à dire que l’humanisme n’ait pas ses doctrines, et même une expressio
7 mêmes. Ce n’est pas à dire que l’humanisme n’ait pas ses doctrines, et même une expression politique cohérente. On a cité
8 leurs avec une certaine « culture », il ne semble pas que ces deux auteurs aient eu le courage d’aller jusqu’aux dernières
9 ce triomphe humaniste, le chrétien ne pourrait-il pas relever maintenant la vraie défense de l’homme, lieu naturel du néces
2 1934, Le Semeur, articles (1933–1949). Sur la méthode de M. Goguel (novembre 1934)
10 Jésus, et les questions qu’il pose n’apparaissent pas moins passionnantes. Quelle fut la genèse psychologique et historique
11 quelles les femmes, venues au sépulcre, n’avaient pas trouvé le corps de Jésus. Cette création s’est faite sans qu’il soit
12 ine une fraude qui, pour être pieuse, n’en serait pas moins une fraude. En face d’affirmations aussi déconcertantes et aus
13 igence critique. À vrai dire, M. Goguel ne paraît pas s’être beaucoup préoccupé de justifier sa méthode. Il n’est pas trop
14 ucoup préoccupé de justifier sa méthode. Il n’est pas trop aisé de la définir. Elle recourt avant tout à la critique intern
15 é probable d’un professeur.) M. Goguel ne fait-il pas comme les premiers croyants — et avec la même bonne foi — de la rétro
16 aveuglés sur leurs contradictions ? N’étaient-ils pas , bien plus que nous, capables de voir dans les contradictions mêmes d
17 détriment de la foi. Car l’office de la foi n’est pas de nous fournir une explication probante du miracle ; elle se trahit
3 1935, Le Semeur, articles (1933–1949). La cité (avril-mai 1935)
18 é, il n’y a plus aucune proportion. Mais ce n’est pas la cité seule qui a changé. En même temps qu’elle cessait d’être prop
19 r l’exception. C’est tout juste, déjà, s’il n’est pas un scandale. Quand il se tient tranquille, on le tolère en souriant.
20 mpuissante sur les conseils de la cité ? N’est-il pas ridicule de poser la question ? N’est-il pas évident, à première vue,
21 t-il pas ridicule de poser la question ? N’est-il pas évident, à première vue, que le chrétien ne peut plus rien, que perso
22 ction ou de conclure des traités ? Et si ce n’est pas le cas, ne ferait-il pas mieux de se limiter à son domaine, d’ailleur
23 traités ? Et si ce n’est pas le cas, ne ferait-il pas mieux de se limiter à son domaine, d’ailleurs de plus en plus restrei
24 estion de sa vocation dans la cité, ne devra-t-on pas opposer une question préalable, brutale : cette vocation a-t-elle un
25 ’il est un fait patent, c’est que nous ne pouvons pas grand-chose… Mais il existe un autre fait que je poserai en face de
26 n ordre, que nous avons reçu, et que nous n’avons pas le droit ni le pouvoir de discuter. Elle nous adresse une vocation. E
27 « Que Ton règne vienne ! » et si nous ne faisons pas l’impossible — justement : l’impossible — pour hâter la venue de ce r
28 que cet ordre vient de Dieu. « Ne vous conformez pas à ce siècle présent, mais soyez transformés », dit saint Paul. Tout l
29 nserais avoir atteint mon but. Ne vous conformez pas , — mais soyez transformés. Nous n’appartenons pas à la forme du monde
30 pas, — mais soyez transformés. Nous n’appartenons pas à la forme du monde mais bien à sa transformation. Forme et transform
31 ne de justice qu’il appelle. « Nous n’appartenons pas à la forme du monde. » — Est-ce à dire que notre foi nous en libère m
32 chrétiens nous échappons aux lois communes ? Non pas  ! Et gardons-nous ici de toute illusion optimiste ! Chrétiens, nous r
33 atrie. Nous sommes au monde, c’est vrai, mais non pas comme étant du monde. C’est là le sens de nos prières, de nos angoiss
34 lution, utopie d’un monde meilleur ; — ne faisons pas les dégoûtés : nous y pensons tous plus ou moins, et beaucoup d’entre
35 t beaucoup d’entre nous y travaillent. Il ne sera pas dit que l’homme chrétien est moins humain que l’homme non chrétien. I
36 moins humain que l’homme non chrétien. Il ne sera pas dit que le croyant, parce qu’il refuse toute solidarité avec la forme
37 nt de travailler à la révolution, le chrétien n’a pas le droit de laisser subsister la moindre équivoque sur les motifs de
38 du terme, la transformation de ce monde, ce n’est pas en vertu des seuls désirs humains, qu’il a certainement lui aussi, ma
39 il annonce, s’il prêche cette transformation, non pas comme un désir mais comme une certitude, c’est qu’elle a déjà été fai
40 l’accent sur ce mot-là, afin que vous ne pensiez pas qu’il ne s’agit ici que de pathos sentimental. Action, et non pas sen
41 git ici que de pathos sentimental. Action, et non pas sentiment, ni piété, ni extase, ni cloître. Voilà pourquoi notre cert
42 s semelles de leurs bottes. Leur en avant ne sait pas où il va ! N’est-ce pas ainsi que courent les fuyards ? Comment ne vo
43 es. Leur en avant ne sait pas où il va ! N’est-ce pas ainsi que courent les fuyards ? Comment ne voient-ils pas que chacun
44 i que courent les fuyards ? Comment ne voient-ils pas que chacun de leurs gestes pose la question des fins dernières de l’h
45 , dans la cité contemporaine ? Et s’il ne le fait pas , qui d’autre est en mesure d’assumer cette charge inquiétante ? Si le
46 cette charge inquiétante ? Si le chrétien ne pose pas ces questions, n’est-ce pas alors, justement, qu’il s’évade ? Qu’il s
47 i le chrétien ne pose pas ces questions, n’est-ce pas alors, justement, qu’il s’évade ? Qu’il sort de sa réalité ? Qu’il do
48 est encore profane ou déjà sanctifié. Je ne crois pas plus à une politique chrétienne que je ne crois à une morale chrétien
49 jours unique, et parfois scandaleuse. Je ne crois pas que les chrétiens possèdent, du seul fait de leur foi, des lumières s
50 s que pose la vie de la cité moderne. Je ne crois pas qu’il soit souhaitable que se forme un parti chrétien, opposé aux aut
51 comme chrétiens, dans la cité ? Si l’Église n’est pas un parti, comment et où faut-il que nous prenions parti ? Où allons-n
52 ver ici une excellente application : « Il ne faut pas jeter l’enfant avec le bain. » Jetons le bain marxiste, mais gardons
53 avec la défense des humbles : si nous ne faisons pas mieux que lui à cet égard, gardons-nous de l’attaquer ! Le socialisme
54 us grande dans la société : si nous ne protestons pas plus fort que lui, si nous ne croyons pas mieux que lui à la justice,
55 testons pas plus fort que lui, si nous ne croyons pas mieux que lui à la justice, gardons-nous de le condamner ! C’est lui
56 tte radicale différence : le chrétien ne proteste pas seulement contre des abus politiques, mais contre le péché, à travers
57 péché, à travers ces abus. Le chrétien n’annonce pas seulement une justice humaine à venir, mais une justice divine, déjà
58 jà réalisée. Notre devoir de charité ne serait-il pas alors de déclarer ouvertement aux socialistes qu’entre leur but et no
59 une foi au Christ vivant ? Car le chrétien n’est pas idéaliste, et c’est cela qui le distingue en fin de compte du sociali
60 aliste. Le christianisme annonce une réalité, non pas un rêve. Il annonce le salut pour ceux qui se repentent et qui croien
61 ns réaliste et comme si les chrétiens ne vivaient pas aussi de pain. Le grand danger du socialisme n’est pas dans son matér
62 ussi de pain. Le grand danger du socialisme n’est pas dans son matérialisme, mais dans sa fausse spiritualité ; dans ce qu’
63 en lieu et place d’une foi. Si nous ne parvenons pas à faire comprendre aux socialistes le sérieux absolu de cette distinc
64 de la démoralisation des hommes modernes. N’ayant pas même l’excuse d’avoir réussi pratiquement, ils ne peuvent se défendre
65 celle d’un chrétien dans la cité, mais qui n’est pas cette fois une utopie. Cela se passe au Japon, de nos jours. Certains
66 le de se dire vraiment chrétien tant qu’il n’aura pas fait tout ce qui est en son pouvoir pour réduire le scandale social.
67 ire, sinon payer de sa personne ? Kagawa n’hésite pas . Il va vivre dans les bas-fonds. Avec un peu d’argent que lui donne u
68 prêcher l’Évangile. Mais son activité ne se borne pas là : prêcher, certes, c’est son premier devoir, mais ce devoir en app
69 en effet dans ce seul mot de vocation. Il n’agit pas au bénéfice d’un parti. Il prêche et il proteste au nom d’une foi san
70 . C’est ainsi qu’on transforme le monde. Ce n’est pas au nom d’un parti que Jérémie accusait publiquement son roi et l’obli
71 oi et l’obligeait à réparer ses crimes ; ce n’est pas au nom d’un parti que Paul ébranle l’Empire romain, ce n’est pas au n
72 parti que Paul ébranle l’Empire romain, ce n’est pas au nom d’un parti que Luther et Calvin déclenchent la plus grande rév
73 — c’est au nom de leur seule vocation. Eux n’ont pas dit que la vocation ne suffisait pas, que c’était vague et peu pratiq
74 n. Eux n’ont pas dit que la vocation ne suffisait pas , que c’était vague et peu pratique ! Toute l’histoire du monde chréti
75 ns la prière, avec crainte et tremblement, et non pas revendiquées par le désir des hommes, à l’appui d’un parti politique.
76 du monde. Mais, direz-vous encore, nous ne sommes pas tous des Jérémie, des Paul, des Luther, des Calvin, ni même des Kagaw
77 tuels. Notre premier devoir dans la cité n’est-il pas de travailler en tant qu’intellectuels, — de même que le premier devo
78 r reste de faire des plans et des calculs, et non pas de gâcher du ciment ? Si nous nous mettions tous à faire de l’action
79 à vivre dans les quartiers miséreux, ne serait-ce pas aussi faillir à notre vocation tout humblement humaine, professionnel
80 humblement humaine, professionnelle ? Je n’aurai pas le cynisme de vous répondre que ce serait là peut-être un remède tout
81 des bases culturelles, la critique qui ne jaillit pas de la métaphysique et d’une véritable compréhension des expériences r
82 apparaissent vouées à l’échec, tant qu’on n’aura pas reconstruit ces bases, et retrouvé la commune mesure. Donner de la so
83 ux chômeurs, c’est très bien, mais cela n’atteint pas les racines du mal. Oui, la tâche la plus pratique, la plus sociale q
84 rgent ; combattre la misère, car un homme qui n’a pas son pain ne peut pas être une personne ni exercer sa vocation ; comba
85 misère, car un homme qui n’a pas son pain ne peut pas être une personne ni exercer sa vocation ; combattre aussi l’État tot
86 Elles appellent une morale créatrice, prenant le pas sur nos morales trop idéalistes, ou cyniques. Et le triomphe d’une te
87 it . Le jeune mouvement personnaliste ne se donne pas pour un mouvement chrétien ; vous y trouverez des hommes de toutes cr
88 incipe, aux exigences de notre vocation. Ce n’est pas une politique chrétienne, ce n’est pas un parti politique. C’est un o
89 . Ce n’est pas une politique chrétienne, ce n’est pas un parti politique. C’est un ordre, une chevalerie ! Et le principe d
90 mouvement personnaliste est encore jeune, et n’a pas remué les masses jusqu’ici. Mais je ferai deux remarques : 1° il faut
91 e la vie. Et si, comme chrétiens, vous ne trouvez pas dans le mouvement personnaliste tout ce qu’exige votre foi, eh bien,
92 on de plus pour l’apporter ! Le chrétien n’est-il pas , en quelque sorte, un spécialiste de la vocation ? Des incertains, de
93 tifs, ou des sceptiques congénitaux ne manqueront pas de me faire remarquer que certains… compromis, par exemple, sont plus
94 valu la crise actuelle viendront dire : ça n’est pas pratique. Mais ce n’est pas d’eux, n’est-ce pas, qu’il faut attendre
95 dront dire : ça n’est pas pratique. Mais ce n’est pas d’eux, n’est-ce pas, qu’il faut attendre beaucoup mieux que ce qu’ils
96 t pas pratique. Mais ce n’est pas d’eux, n’est-ce pas , qu’il faut attendre beaucoup mieux que ce qu’ils ont fait depuis cen
97 e. Qui aura ce courage, si les chrétiens ne l’ont pas  ? Où voulez-vous aller si vous refusez cette chance ? Et comment un c
98 érité trop désintéressée, — tous les autres, mais pas les chrétiens. Tous les autres auraient le droit de m’opposer la sage
99 e trop sur nous-mêmes. Mais le chrétien ne compte pas sur lui seul, il compte sur Celui qui peut faire, et bien faire, ce q
100 ion, dans l’annonce d’un monde nouveau. ⁂ Je n’ai pas cherché ce soir à vous décrire impartialement la situation : il eût f
101 tains reçoivent l’ordre d’aller là où je crois ne pas devoir aller. Qu’ils le fassent, si c’est là leur mission, et la form
102 ecte, une possibilité magnifique. Je n’en connais pas d’autres pour mon compte. Discerner sa vocation, ce n’est pas toujour
103 pour mon compte. Discerner sa vocation, ce n’est pas toujours entendre une voix intérieure. Il y a aussi des voix qui nous
104 Ce qui est impossible, c’est qu’un chrétien n’ait pas la vocation d’agir, de faire acte de présence à la misère du siècle,
105 ion promise de toutes choses. « Ne vous conformez pas à ce siècle présent », dit saint Paul. Et je vous laisserai sur cette
106 i sur cette mise en demeure : « Ne vous conformez pas à ce siècle présent, mais soyez transformés par le renouvellement de
4 1936, Le Semeur, articles (1933–1949). Notre foi, par Emil Brunner (janvier 1936)
107 Ces études se succèdent selon un plan qu’il n’est pas toujours facile d’apercevoir. Les divisions générales paraissent être
108 le plus marquant est leur « biblisme ». Bien que pas un verset de l’Écriture ne soit cité, on sent la pensée et la foi de
109 des un constant effort de fidélité humble pour ne pas trahir la Révélation de Dieu en taisant — ou en résolvant par quelque
110 t si fort notre humaine raison. Mais la foi n’est pas une adhésion intellectuelle qui ne nous engagerait pas ; la foi au Di
111 ne adhésion intellectuelle qui ne nous engagerait pas  ; la foi au Dieu de majesté, de sainteté et d’amour, qui s’est révélé
5 1945, Le Semeur, articles (1933–1949). La responsabilité culturelle de l’Église (mars 1945)
112 u ; un désir puissant de repartir à neuf et de ne pas retomber dans les erreurs traditionnelles ou revenir aux disciplines
113 ux noms. Les générations d’après-guerre ne seront pas nécessairement plus positives ou plus cyniques — tout en prétendant l
114 Églises Si les Églises chrétiennes ne donnent pas cette direction ferme et vraiment catholique (embrassant tous les asp
115 ument comme la Charte de l’Atlantique qui n’émane pas d’une théologie, ni même directement du christianisme. Elle peut se r
116 de la critique théologique sur tous les plans et pas seulement d’une façon négative et restrictive. Que peuvent alors fair
117 de l’armée : les règlements militaires ne fixent pas les droits d’un capitaine mais seulement ses devoirs et ses fonctions
118 mplir son devoir : c’est là sa liberté, il n’en a pas d’autres. Or l’Ecclesia militans ressemble à une armée beaucoup plus
119 et avec une grande précision. Elles ne le feront pas au nom de conceptions purement humanistes ou religieusement neutres c
120 (Être libre à l’abri de la nécessité, ne signifie pas que l’on prend pour but la prospérité, mais que l’on demande la possi
121 res, avec des motifs et pour des buts qui ne sont pas nécessairement chrétiens. Les conséquences culturelles Deux dan
122 confessions (spécialement les protestantes) n’ont pas les moyens de mettre en contact organique les créateurs de culture et
6 1946, Le Semeur, articles (1933–1949). Chances d’action du christianisme (juin-juillet 1946)
123 onfondent aujourd’hui la vertu, quand ils ne vont pas jusqu’au point de l’identifier avec la « vie chrétienne », et qu’elle
124 elque chose qui entraîne en avant et au-delà, non pas ce qui retient en arrière et en deçà des risques de la vie. 4. Que l’
125 ira qu’ils exagèrent, qu’ils rêvent, qu’ils n’ont pas le sens commun, qu’ils voient trop grand… Peut-être même par des peti
7 1949, Le Semeur, articles (1933–1949). « Les protestants et l’esthétisme » (février-mars 1949)
126 Espagne et l’Italie, profondément romaines, n’ont pas produit de nos jours de grands écrivains catholiques, et, même, plusi
127 xamen, conduit dans un climat rationaliste, n’est pas une attitude de créateur. L’art suppose une orthodoxie, un parti pris
128 oi les premières générations du xxe siècle n’ont pas produit d’écrivains protestants au sens où Claudel est un écrivain ca
129 an, de peinture ou de musique ? Je veux dire, non pas la question banale, doit-il ou non écrire, peindre, lire, voir, etc.,