1 1938, La Vie protestante, articles (1938–1978). Le temps des fanatiques (25 novembre 1938)
1 mps des fanatiques (25 novembre 1938)a b Ce ne sont plus des signes dans le ciel, mais des réalités terrestres et brutale
2 aractère religieux de notre Histoire. Le fascisme est une religion, le communisme une antireligion. Croix gammée, faisceaux
3 rre que vous ferez contre elle, au nom du Christ, sera vraiment une guerre sainte. Trois fois déjà, depuis vingt ans, on nou
4 » — moralement, cela va sans dire… Dès lors, nous sommes en règle avec notre conscience. Il n’y a plus à discuter. Le temps de
5 e. Il n’y a plus à discuter. Le temps des nuances est passé. L’état de siège est proclamé. Et celui qui demande à voir, cel
6 . Le temps des nuances est passé. L’état de siège est proclamé. Et celui qui demande à voir, celui qui estime encore que to
7 emande à voir, celui qui estime encore que tout n’ est pas si clair, ni si simple, ni si tranché, se voit aussitôt suspecté
8 avant de donner mon adhésion. Que voulez-vous, je suis calviniste, et quand on me dit : Ceux-ci sont des méchants, je veux b
9 je suis calviniste, et quand on me dit : Ceux-ci sont des méchants, je veux bien le croire, mais je demande : Parmi ceux-là
10 s chrétiens ? Quand on me dit que les communistes sont des sans-Dieu, je ne dis pas non, je ne suis pas illettré ; mais je m
11 stes sont des sans-Dieu, je ne dis pas non, je ne suis pas illettré ; mais je me demande si le trust des pétroles, qui mène
12 s je me demande si les soutiens de M. Franco, qui sont le Duce et le Führer, ne le soutiennent vraiment qu’au nom du Christ 
13 côté cette fois : Vous voyez bien, les dictateurs sont les ennemis du christianisme ! — je ne dis pas non, je les ai vus de
14 n de l’empire anglais et de l’hégémonie française est une part indiscutable et révélée du plan de Dieu pour notre époque ?
15 s que pour sauver l’Église ? Et même dans ce cas, est -ce une raison pour renoncer à toute clairvoyance ? À toute honnête in
16 ve, et laisser le pauvre monde se débrouiller. Je suis tout prêt, en ce qui me concerne, à prendre énergiquement parti après
17 ue nous adoptons. Car je vois que tous les partis sont , dans le fait, au service de grandes religions adversaires de la foi
18 t notre dernier mot, comme chrétiens, ne peut pas être « la guerre sainte » ni davantage « la paix à tout prix ». Il doit êt
19 e » ni davantage « la paix à tout prix ». Il doit être et rester : vigilance. Dans cette nuit universelle où la Colère de Di
20 n ? Non pas. Réalisme. La force réelle des tyrans est religieuse. Et la foi seule peut vaincre une religion païenne. a.
21 nte, Genève, 25 novembre 1938, p. 1. b. Le texte est précédé de la note suivante de la rédaction : « Nous sommes heureux d
22 cédé de la note suivante de la rédaction : « Nous sommes heureux de compter, parmi les amis et collaborateurs de la Vie protes
23 mont, le jeune auteur romand dont la réputation n’ est plus à faire. Nous lui laissons volontiers la parole, convaincus que
24 a parole, convaincus que nos lecteurs, même s’ils sont étonnés de certaines de ses expressions, sauront comprendre le point
2 1939, La Vie protestante, articles (1938–1978). Nicolas de Flue et la tradition réformée (1er septembre 1939)
25 doxale, si l’on songe qu’au xvie siècle, Nicolas fut revendiqué par tous les réformés de Suisse comme l’un de leurs plus g
26 eurs. Il m’a paru que la question méritait bien d’ être reprise, du point de vue d’un réformé du xxe siècle. D’où la premièr
27 viennent de publier Les Cahiers protestants . Je suis heureux de l’occasion qui m’est offerte de préciser ici les résultats
28 protestants . Je suis heureux de l’occasion qui m’ est offerte de préciser ici les résultats de mon enquête. Une solitude
29 ècle d’une famille paysanne de l’Obwald, il avait été capitaine, puis juge de paix, puis simple agriculteur, marié et père
30 acte et obtenu le consentement des siens. Nous ne sommes pas en présence d’un pauvre illuminé, mais d’un solide confédéré qui
31 pour calmer les passions déchaînées. Le Solitaire est donc devenu la principale force morale et politique de toute la Confé
32 ible. 2° Dans son ermitage du Ranft, Nicolas ne s’ est pas abandonné aux « saintes délices » de la contemplation. Il ne s’es
33 « saintes délices » de la contemplation. Il ne s’ est libéré de certaines servitudes que pour mieux servir le Seigneur dans
34 on action pratique sur le monde. Ce dernier point est capital. Car, après tout, si Nicolas est l’un des Pères de notre Conf
35 er point est capital. Car, après tout, si Nicolas est l’un des Pères de notre Confédération, c’est à son action qu’il le do
36 n, c’est à son action qu’il le doit. S’il n’avait été qu’un ascète, nous ne saurions plus rien de lui. C’est pourquoi les r
37 us constatons que, dans l’ensemble, les positions furent très vite prises, et très nettement. « Tandis qu’à la manière traditi
38 si les premières biographies sérieuses de Nicolas sont dues à la plume de disciples ou d’amis des réformateurs : Myconius, d
39 ants devraient suivre ! Ce dernier argument ayant été repris par le catholique Faber, Zwingli réplique en 1526 : Pieux conf
40 st par la seule force de Dieu que nos ancêtres se sont libérés des maîtres que Faber sert aujourd’hui… Si nous suivions les
41 i nous suivions les conseils du frère Claus, nous serions délivrés de ces valets qui, sous prétexte de foi, trafiquent et jette
42 icatif : « Catalogue des témoins de la foi qui se sont dressés, avant Martin Luther, contre le pape et ses erreurs ». Enfin,
43 her, contre le pape et ses erreurs ». Enfin, s’il était besoin d’une attestation plus décisive encore, voici celle de Luther
44 entions nettement polémiques. Beaucoup plus vaste est la portée d’un mystère intitulé Le Miroir du Monde, qui fut joué à Bâ
45 tée d’un mystère intitulé Le Miroir du Monde, qui fut joué à Bâle en 1550. Ce premier drame sur Nicolas de Flue est l’œuvre
46 âle en 1550. Ce premier drame sur Nicolas de Flue est l’œuvre d’un protestant, l’Alsacien Valentin Boltz. Il ne comptait pa
47 gliennes et le mystère de Valentin Boltz devaient être à l’origine d’une riche tradition dramatique. Mais à partir de la fin
48 première en date, celle du jésuite Jacob Gretser, fut jouée à Lucerne en 1586. Le rôle politique de Nicolas n’y est même pa
49 Lucerne en 1586. Le rôle politique de Nicolas n’y est même pas mentionné !) N’y a-t-il pas là une grande anomalie ? Car, en
50 , en septembre dernier, la légende dramatique qui sera joué — Dieu voulant ! — à l’Exposition de Zurich. J’ai tenté de réint
51 actualité la plus brûlante de notre siècle : il n’ était que de mettre en relief les traits de cette figure qui frappèrent par
52 culièrement nos ancêtres réformés. Toute ma pièce est donc centrée sur la vocation exceptionnelle de l’ermite, c’est-à-dire
53 héodore de Bèze. Nicolas de Flue, me dira-t-on, n’ est pas un « sujet protestant » ? Eh quoi ! Abraham non plus n’était pas
54 sujet protestant » ? Eh quoi ! Abraham non plus n’ était pas calviniste. Ce qui caractérise un drame protestant, c’est bien mo
55 tion biblique, au premier chef. Ces quelques mots sont bien rapides, je le sens. Je les termine dans l’angoisse d’une crise
56 colas de Flue nous faire comprendre que le paix n’ est jamais le résultat de nos calculs, mais le miracle de Dieu seul, et l
3 1940, La Vie protestante, articles (1938–1978). De Luther à Hitler (15 mars 1940)
57 ur les choses allemandes. Toute erreur, si minime soit -elle, toute appréciation erronée des origines, des fins et de la prat
58 lacer Luther au début d’une évolution dont Hitler serait le terme, ce n’est pas une erreur minime. Elle résulte tantôt d’une m
59 d’une évolution dont Hitler serait le terme, ce n’ est pas une erreur minime. Elle résulte tantôt d’une mauvaise foi conscie
60 dentale. J’estime qu’elle a suffisamment duré. Je suis prêt à la dénoncer dans toutes les revues et dans tous les journaux q
61 es journaux qui veulent bien publier ma prose. Il est bien clair que les milieux où cette erreur est professée y voient une
62 Il est bien clair que les milieux où cette erreur est professée y voient une arme non pas contre l’Allemagne, mais d’abord
63 e : l’assimilation grossière de Luther à Hitler n’ est évidemment pas destinée à diminuer le prestige du second, mais bien à
64 mier dans la réprobation que provoque le racisme. Est -ce une tactique adroite et justifiable, au moment où toutes les Églis
65 e et justifiable, au moment où toutes les Églises sont appelées, par ailleurs, à faire un « front commun » contre la religio
66 llemagne écrit que la nation éduquée par Luther «  était prête à se donner à n’importe quel despote, pourvu qu’il fût Allemand
67 se donner à n’importe quel despote, pourvu qu’il fût Allemand et protestant ». Or le despote est venu, cher M. de Reynold 
68 qu’il fût Allemand et protestant ». Or le despote est venu, cher M. de Reynold : il était Autrichien et catholique. Un bill
69 . Or le despote est venu, cher M. de Reynold : il était Autrichien et catholique. Un billet, s’il vous plaît, au Suisse inqui
70 u Suisse inquiet, au protestant scandalisé que je suis , pour expliquer cette affligeante contradiction. D’autre part, où pre
71 Raison » et de la « claire latinité » que veulent être M. de Reynold, M. Massis, M. Maurras. J’y vois tout au plus un moyen
72 s il faut répondre d’abord. Oui ou non, Niemöller est -il bon luthérien ? Oui ou non, le Führer est-il né catholique ? Oui o
73 ller est-il bon luthérien ? Oui ou non, le Führer est -il né catholique ? Oui ou non, le second a-t-il fait emprisonner le p
74 premier ? Oui ou non, l’Allemagne préhitlérienne fut -elle gouvernée par Brüning, chef du parti du centre catholique ? Oui
75 catholique ? Oui ou non, l’intronisation d’Hitler est -elle le fait de von Papen, catholique ? Oui ou non, l’Allemagne compt
76 istance, et bien plus totalement qu’en Allemagne, soient aujourd’hui les parangons de la liberté démocratique ? Je veux parler
77 franchement, je m’engage à reconnaître que Luther est coupable de n’avoir pas su, dans l’espace d’une vingtaine d’années, d
4 1940, La Vie protestante, articles (1938–1978). « Dieu premier servi » (26 avril 1940)
78 up dit que le secret de la résistance finlandaise était la foi profonde de ce peuple. En défendant leur terre, les soldats fi
79 sus, quelques remarques à propos de la Suisse. Je suis de ceux qui pensent que la foi n’est pas « une affaire privée », ains
80 Suisse. Je suis de ceux qui pensent que la foi n’ est pas « une affaire privée », ainsi que le prétendait Marx. Le chrétien
81 ans le monde et pour le monde, dans la cité où il est né et pour son bien. Il n’a pas le droit de s’en désintéresser et de
82 urellement s’insérer dans les données de fait qui sont celles du pays, et qui se trouvent être communes à tous les citoyens,
83 fait qui sont celles du pays, et qui se trouvent être communes à tous les citoyens, chrétiens ou non. La mission spéciale d
84 non. La mission spéciale du citoyen chrétien, ce sera de dégager de ces données communes un sens spirituel, une vocation po
85 spirituel, une vocation positive. Car le chrétien est , si j’ose dire, un spécialiste de la vocation. Cette action particuli
86 on. Cette action particulière du citoyen chrétien sera dans l’intérêt de la Suisse, certes. Mais elle sera d’abord obéissanc
87 ra dans l’intérêt de la Suisse, certes. Mais elle sera d’abord obéissance à la foi. J’insiste sur ce point, qui est capital.
88 obéissance à la foi. J’insiste sur ce point, qui est capital. Nous ne devons pas être chrétiens parce que nous sommes Suis
89 sur ce point, qui est capital. Nous ne devons pas être chrétiens parce que nous sommes Suisses et que la Suisse est officiel
90 Nous ne devons pas être chrétiens parce que nous sommes Suisses et que la Suisse est officiellement un pays chrétien. Mais no
91 ns parce que nous sommes Suisses et que la Suisse est officiellement un pays chrétien. Mais nous devons être de bons Suisse
92 officiellement un pays chrétien. Mais nous devons être de bons Suisses parce que nous sommes chrétiens d’abord. Or, je const
93 s nous devons être de bons Suisses parce que nous sommes chrétiens d’abord. Or, je constate qu’on entretient chez nous d’assez
94 entendre, qu’un bon citoyen suisse a le devoir d’ être chrétien, comme si ce devoir était la conséquence obligatoire d’un tr
95 e a le devoir d’être chrétien, comme si ce devoir était la conséquence obligatoire d’un très ardent patriotisme. Si certains
96  le Dieu de nos pères », il semble parfois que ce soit moins parce qu’ils croient le christianisme vrai, que parce qu’ils le
97 actement le contraire, je le répète : nous devons être de bons Suisses parce que nous sommes chrétiens d’abord. Gardons-nous
98 : nous devons être de bons Suisses parce que nous sommes chrétiens d’abord. Gardons-nous du Schweizer Christentum ! À ces Schw
5 1940, La Vie protestante, articles (1938–1978). Neutralité (3 mai 1940)
99 lligérants qui viennent nous dire : « Ceux qui ne sont ni froids ni bouillants seront vomis ». Qu’est-ce que cela signifie,
100 dire : « Ceux qui ne sont ni froids ni bouillants seront vomis ». Qu’est-ce que cela signifie, pratiquement ? Que ceux qui so
101 e sont ni froids ni bouillants seront vomis ». Qu’ est -ce que cela signifie, pratiquement ? Que ceux qui sont froids ou bou
102 e que cela signifie, pratiquement ? Que ceux qui sont froids ou bouillants seront mangés ! Je demande à voir ce qui vaut le
103 quement ? Que ceux qui sont froids ou bouillants seront mangés ! Je demande à voir ce qui vaut le mieux. Il ne faut pas parle
104 ut dépend de ceci : vis-à-vis de quoi, ou de Qui, est -on tiède, est-on neutre ? Si c’est vis-à-vis du Christ, la parole éva
105 eci : vis-à-vis de quoi, ou de Qui, est-on tiède, est -on neutre ? Si c’est vis-à-vis du Christ, la parole évangélique nous
106 ole évangélique nous apprend que cette neutralité est suprêmement désavantageuse : elle entraîne notre expulsion violente h
107 utres que l’on reste tiède, cette neutralité peut être avantageuse dans certains cas, dans la mesure où elle nous exclut, pr
108 eons mauvais. Reste à savoir si le conflit actuel est « mauvais ». Puis, si notre tiédeur suffira pour que le monstre de la
109 e le monstre de la guerre nous vomisse… Mais ceci est une autre histoire que je n’ai pas à conter maintenant. Et nous avons
110 n Royaume, à son Éternité. Répéter que les tièdes seront vomis, en détournant ce verset de son sens spirituel, c’est toujours
6 1942, La Vie protestante, articles (1938–1978). Perspectives d’avenir du protestantisme (2 janvier 1942)
111 e (2 janvier 1942)g Le texte que nous publions est la conclusion d’une conférence que M. Denis de Rougemont a donnée en
112 Réforme, et spécialement sa tendance calviniste, est appelée à figurer dans notre siècle le type même de la sûre doctrine
113 totalitaire n’admet pas que « les choses vieilles sont passées », selon la parole de l’apôtre. Elle n’admet pas la conversio
114 tu ? Qu’espères-tu ? », mais elle demande « Quels sont tes morts ? ». Religion du sang, de la terre et des morts, religion s
115 déraliste du monde de demain. Si les totalitaires sont vaincus, ce seront les nations protestantes et fédéralistes d’esprit
116 e de demain. Si les totalitaires sont vaincus, ce seront les nations protestantes et fédéralistes d’esprit qui auront obtenu l
117 qui tend à réunir toutes les Églises chrétiennes, fut un luthérien, l’archevêque Nathan Soederblom. Il groupe aujourd’hui l
118 dmise des formes de culte et d’organisation. Ce n’ est point par hasard que les calvinistes, bien qu’ils soient une minorité
119 point par hasard que les calvinistes, bien qu’ils soient une minorité, jouent un rôle de premier plan dans les travaux du Cons
120 esse, de « nationalisme protestant », auquel nous sommes tentés de céder parfois, sous l’effet de la polémique ou par un attac
121 s traditions secondaires. Le but de nos Églises n’ est pas d’imposer le protestantisme au monde, mais d’annoncer l’Évangile,
122 ucune autre, je dirai ceci : L’Église protestante est justement celle qui ne se donne pas pour la seule forme d’Église poss
123 pas pour la seule forme d’Église possible ; elle est l’Église qui accepte d’être constamment réformée et jugée par la Véri
124 Église possible ; elle est l’Église qui accepte d’ être constamment réformée et jugée par la Vérité même qu’elle annonce et d
7 1943, La Vie protestante, articles (1938–1978). Les tours du diable I : « Je ne suis personne » (15 octobre 1943)
125 Les tours du diable I : « Je ne suis personne » (15 octobre 1943)h i C’est dans les Petits poèmes en pr
126 oderne sur Satan : « La plus belle ruse du diable est de nous persuader qu’il n’existe pas. » Reconnaissons que ce tour n’a
127 er de nombreuses pages. Le premier tour du diable est son incognito. Dieu dit : Je suis celui qui suis. Mais le diable, qui
128 r tour du diable est son incognito. Dieu dit : Je suis celui qui suis. Mais le diable, qui a la manie de vouloir imiter la v
129 e est son incognito. Dieu dit : Je suis celui qui suis . Mais le diable, qui a la manie de vouloir imiter la vérité en la ret
130 e diable nous dit comme Ulysse au Cyclope : Je ne suis personne. De quoi aurais-tu peur ? Vas-tu trembler devant l’inexistan
131 yeux de la plupart d’entre nous. Car si le diable est simplement le démon rouge et cornu des mystères médiévaux, ou le faun
132 vre et à longue queue des légendes populaires, il est vraiment trop facile d’y croire : qui s’en donnerait encore la peine 
133 balivernes d’un autre âge ? », disent-ils. Or ce sont eux qui s’y laissent prendre ! Fascinés par l’image traditionnelle et
134 ains peut-être… Ce qui me paraît incroyable, ce n’ est pas le diable, et ce ne sont pas les anges, mais bien la candeur et l
135 raît incroyable, ce n’est pas le diable, et ce ne sont pas les anges, mais bien la candeur et la crédulité de ces « sceptiqu
136 e dont ils se montrent les victimes : « Le diable est un bonhomme à cornes rouges et à longue queue ; or je ne puis croire
137 ux qui en restent aux contes de bonnes femmes, ce sont ceux qui refusent de croire au diable à cause de l’image qu’ils s’en
138 iable à cause de l’image qu’ils s’en font, et qui est tirée des contes de bonnes femmes. Cependant la Bible dénonce l’exist
139 mes et de souffre avec ses faux prophètes, pour y être tourmenté nuit et jour, au siècle des siècles. La Bible, notez-le, pa
140 inaux). Si l’on croit à la vérité de la Bible, il est impossible de douter un seul instant de la réalité objective du diabl
141 gemont Denis de, « Les tours du diable I : “Je ne suis personne” », La Vie protestante, Genève, 15 octobre 1943, p. 1. i. L
142 ante, Genève, 15 octobre 1943, p. 1. i. Le texte est précédé de la note suivante de la rédaction : « Nous avons eu l’occas
143 ualité de sa pensée et l’autorité de son jugement sont reconnues bien au-delà de nos frontières. Nous dirions volontiers qu’
144 de nos frontières. Nous dirions volontiers qu’il est aujourd’hui un des meilleurs interprètes laïques d’une théologie prot
145 uctive. Sous le titre “Les tours du diable”, nous sommes heureux de pouvoir donner ici une première étude de l’auteur. Nous no
8 1943, La Vie protestante, articles (1938–1978). Les tours du diable II : Le menteur (22 octobre 1943)
146 seul, dans toute la Création, peut dire ce qui n’ est pas et mentir par ses actes. Le minéral repose où il fut composé, la
147 et mentir par ses actes. Le minéral repose où il fut composé, la plante pousse où se fixa la graine, les animaux muets son
148 te pousse où se fixa la graine, les animaux muets sont prisonniers de l’ordre intarissablement prodigue et infaillible de l’
149 il peut aussi créer à tort et à travers. Il peut être un agent responsable de la nature naturante, mais il peut aussi faire
150 de nos pouvoirs constitue notre liberté. Elle en est à la fois le signe et la condition nécessaire. Elle est notre gloire
151 la fois le signe et la condition nécessaire. Elle est notre gloire équivoque. C’est par la liberté, à cause d’elle, et dans
152 e un mensonge ou l’opérer. Par le langage l’homme est libre. Par le langage il peut mentir. Par sa liberté seule il peut pé
153 ar sa liberté seule il peut pécher. Et le péché n’ est qu’un mensonge. Mais le mensonge proféré nous lie… Comprenons mainten
154 u’il agit en nous et nous lie. Si Ève n’avait pas été libre de manger cette pomme interdite, Ève n’aurait pu pécher, ni Ada
155 r, ni Adam après elle. Ainsi la gloire de l’homme étant sa liberté, il est clair que c’est en ce point que le Malin devait at
156 . Ainsi la gloire de l’homme étant sa liberté, il est clair que c’est en ce point que le Malin devait atteindre notre orgue
157 ns nos défenses les plus secrètes. La parole nous étant donnée pour répondre à la vérité, et pour l’étendre et confirmer par
158 endre et confirmer par la vertu du témoignage, il est clair que la grande ambition satanique devait être de s’emparer de la
159 est clair que la grande ambition satanique devait être de s’emparer de la parole dans notre bouche, pour altérer le témoigna
160 qui « tire sa langue dans notre langue ». Mais il est deux manières de mentir, comme il est deux manières de tromper un cli
161  ». Mais il est deux manières de mentir, comme il est deux manières de tromper un client. Si la balance marque 980 grammes,
162 a balance elle-même, c’est le critère du vrai qui est dénaturé, il n’y a plus de contrôle possible. Et peu à peu vous oubli
163 a mesure même de la vérité, toutes vos « vertus » sont au service du mal et sont complices de l’œuvre du Malin. « Le diable
164 , toutes vos « vertus » sont au service du mal et sont complices de l’œuvre du Malin. « Le diable est menteur et le Père du
165 t sont complices de l’œuvre du Malin. « Le diable est menteur et le Père du mensonge », dit l’Évangile tel qu’on le cite d’
166 d’exister). Mais le texte original de ce passage est infiniment plus étrange. « Le diable est menteur, nous dit-il, et il
167 passage est infiniment plus étrange. « Le diable est menteur, nous dit-il, et il est le père de son propre mensonge. » Par
168 ange. « Le diable est menteur, nous dit-il, et il est le père de son propre mensonge. » Par ici nous entrons au mystère du
169 ntrons au mystère du mal. Le père de son mensonge est celui qui l’engendre, le conçoit par ses propres œuvres, en abusant d
170 tion du mensonge, car le mensonge, par essence, n’ est pas ! C’est une espèce de décréation. C’est le trompe-l’œil et le son
171 tion bâtarde et de l’art inauthentique. Le diable est le père du faux art, de toutes ces œuvres qui ne sont « ni bien ni ma
172 le père du faux art, de toutes ces œuvres qui ne sont « ni bien ni mal », parce que l’acte dont elles naquirent supprime le
173 sir d’innocence utopique. Le mensonge ordinaire n’ était que l’omission ou la contradiction d’une vérité, qui subsistait aille
9 1943, La Vie protestante, articles (1938–1978). Les tours du diable III : diable et sexe (29 octobre 1943)
174 sujet… Quel dommage ! Sa curiosité pourrait bien être déçue. Voyons. Tout le monde s’imagine que le péché par excellence ré
175 perçoit d’une manière assez simple : la sexualité est le domaine des tentations à la fois les plus sensibles et les plus co
176 ensibles et les plus communes. Assez peu d’hommes sont réellement tentés de voler le portefeuille du voisin, mais presque to
177 portefeuille du voisin, mais presque tout homme s’ est vu tenter de prendre la femme du voisin, soit en recourant aux raison
178 me s’est vu tenter de prendre la femme du voisin, soit en recourant aux raisons pathétiques — « c’est vital ! » —, soit en s
179 nt aux raisons pathétiques — « c’est vital ! » —, soit en se persuadant que « ça n’a pas d’importance » ; ou les deux ensemb
180 s deux ensemble. En vérité, la sexualité en soi n’ est pas plus diabolique que la digestion ou la respiration. Si la majorit
181 des Occidentaux se figurent que le péché originel fut l’acte sexuel, dont la consommation de la pomme serait le symbole, c’
182 t l’acte sexuel, dont la consommation de la pomme serait le symbole, c’est parce qu’ils assimilent le péché en général à la te
183 éral à la tentation par excellence, qui se trouve être à leurs yeux la sexualité. C’est une vue bien bornée du péché ! Car m
184 ve signifierait ce que l’on croit, notez que ce n’ est pas le geste de manger une pomme qui était mauvais aux yeux de l’Éter
185 que ce n’est pas le geste de manger une pomme qui était mauvais aux yeux de l’Éternel, ni la pomme en soi (au contraire), mai
186 tour source de perversion. La paillardise joyeuse est certainement l’une des formes les moins diaboliques du péché. Je n’en
187 naturelles par un certain manque de nécessité. Il est nécessaire de manger et de respirer, et il est nécessaire que le sang
188 Il est nécessaire de manger et de respirer, et il est nécessaire que le sang circule, mais on peut vivre en restant chaste.
189 on peut vivre en restant chaste. L’usage du sexe est donc en grande partie libre et conscient. D’autre part, il est lié à
190 rande partie libre et conscient. D’autre part, il est lié à la créativité de l’homme, il en est l’aspect corporel, le symbo
191 art, il est lié à la créativité de l’homme, il en est l’aspect corporel, le symbole ou le signe physique. Or nous savons qu
192 l’homme peut pécher, c’est uniquement parce qu’il est libre, c’est-à-dire parce qu’il peut choisir de créer selon l’ordre d
193 ge que dans nos créations les plus abstraites. Il est même plus aisément reconnaissable, et dans cette mesure moins dangere
194 pruderie morbide du langage et des bonnes mœurs, est certes pour beaucoup dans la crise sexuelle dont souffre toute la bou
195 tanique et les névroses nées de troubles sexuels, serait simplement la franchise, non pas « scientifique » mais gaillarde. Mai
196 rime secrètement l’humanité de l’homme. Le sexe n’ est pas plus divin qu’il n’est honteux, mais il est lié intimement aux fo
197 de l’homme. Le sexe n’est pas plus divin qu’il n’ est honteux, mais il est lié intimement aux fonctions les plus humaines d
198 n’est pas plus divin qu’il n’est honteux, mais il est lié intimement aux fonctions les plus humaines de l’homme, à ses pouv
199 damentaux. En présence de cet affadissement, l’on serait tenté de regretter le temps où Satan proposait des combats plus fécon
10 1943, La Vie protestante, articles (1938–1978). Les tours du diable IV : L’accusateur (5 novembre 1943)
200 able IV : L’accusateur (5 novembre 1943)l Il n’ est peut-être au monde qu’une seule chose pire que de douter du bien et d
201 n’en connaîtra jamais toute l’étendue. Le diable est cet Accusateur qui veut nous faire douter de notre pardon pour nous f
202 prendre à ses pièges, sitôt qu’il nous a pris il est le premier à nous dénoncer devant Dieu de la manière la plus impitoya
203 ’on condamne sans pitié son prochain ou soi-même, soyez sûrs que c’est le diable qui parle, l’Accusateur qui tient le pardon
11 1943, La Vie protestante, articles (1938–1978). Les tours du diable V : Le tentateur (12 novembre 1943)
204 Le tentateur (12 novembre 1943)m « Le serpent était le plus rusé de tous les animaux des champs que l’Éternel Dieu avait
205 res du jardin. Mais quant au fruit de l’arbre qui est au milieu du jardin, Dieu a dit : vous n’en mangerez point et vous n’
206 us en mangerez, vos yeux s’ouvriront, et que vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal. » (Gen. 3:1 à 5) Voye
207 l réellement dit ?… » Sitôt que cette incertitude est insinuée dans un esprit, la possibilité d’une tentation s’entrouvre.
208 . On dit bien : l’occasion fait le larron. Vous n’ êtes pas tenté d’aller dans la lune, parce que vous savez que c’est absolu
209 savez que c’est absolument impossible. Mais vous seriez probablement tenté d’y aller, si l’on vous suggérait quelque moyen de
210 mps de la tentation : « La femme vit que l’arbre était bon à manger et agréable à la vue, et qu’il était précieux pour ouvri
211 était bon à manger et agréable à la vue, et qu’il était précieux pour ouvrir l’intelligence : elle prit de son fruit et en ma
212 son fruit et en mangea. » (Gen. 3:6) Voyez : ce n’ est pas le mal en soi qui tente, mais c’est toujours un bien qu’on imagin
213 ue l’on se figure « mieux fait pour soi ». Ève ne fut pas tentée par une chose mauvaise, mais par une fort belle et bonne p
214 able à la vue et précieuse pour l’esprit. Elle ne fut pas tentée par le désir de nuire, mais l’idée de se diviniser, ce qui
215 x yeux de Dieu c’était un mal… Ainsi la tentation est toujours utopie — si l’utopie est l’imagination, puis le désir d’un b
216 si la tentation est toujours utopie — si l’utopie est l’imagination, puis le désir d’un bien que le réel condamne et que le
217 entier de Golgotha. À l’origine, le « méchant » n’ est pas celui qui agit par méchanceté (à ses propres yeux tout au moins).
218 ité méprisée se vengera automatiquement. Le péché est une faute, mais faute signifie tout à la fois erreur et chute. C’est
219 dans la certitude de faire le mal. » Mais ici se sont déclenchés les mécanismes compliqués de la perversion, de l’autopunit
12 1943, La Vie protestante, articles (1938–1978). Les tours du diable VI : Le mal du siècle : la dépersonnalisation (19 novembre 1943)
220 et l’homme qui réussit, cette galerie de victimes est classique au point d’en être presque démodée. Car Satan marche avec s
221 e galerie de victimes est classique au point d’en être presque démodée. Car Satan marche avec son temps, et paraît se soucie
222 prétation des phénomènes collectifs d’aujourd’hui fut donnée vers 1848 par l’écrivain danois Kierkegaard, le penseur capita
223 més et hors d’eux-mêmes. Les scènes du Blocksberg sont le pendant exact de ces plaisirs démoniaques, qui consistent à se per
224 ayant perdu son moi, on ne sait plus ce que l’on est en train de faire ou de dire, on ne sait plus ce qui parle à travers
225 créateur de la masse : fuir sa propre personne, n’ être plus responsable, donc plus coupable, et devenir du même coup partici
226 e de l’Anonyme. Or l’Anonyme a bien des chances d’ être celui qui aime à dire : Je ne suis Personne… La foule, c’est le lieu
227 des chances d’être celui qui aime à dire : Je ne suis Personne… La foule, c’est le lieu de rendez-vous des hommes qui se fu
228 ommes qui se fuient, eux et leur vocation. Elle n’ est personne et tire de là son assurance dans le crime. « Il ne s’est pas
229 tire de là son assurance dans le crime. « Il ne s’ est pas trouvé un seul soldat pour porter la main sur Caius Marius, telle
230 oldat pour porter la main sur Caius Marius, telle est la vérité. Mais trois ou quatre femmes, dans l’illusion d’être une fo
231 é. Mais trois ou quatre femmes, dans l’illusion d’ être une foule, et que personne peut-être ne saurait dire qui l’avait fait
232 aient eu ce courage ! Ô mensonge !… Car une foule est une abstraction qui n’a pas de mains, mais chaque homme isolé a, dans
233 et lorsqu’il porte ces deux mains sur Marius, ce sont ses mains, non celles du voisin, et non celles de la foule qui n’a pa
234 unique artifice : faire croire à l’homme qu’il n’ est pas responsable, qu’il n’y a pas de Juge, que la Loi est douteuse, qu
235 responsable, qu’il n’y a pas de Juge, que la Loi est douteuse, qu’on ne saura pas, et que d’ailleurs, une fois le coup réu
236 s, et que d’ailleurs, une fois le coup réussi, on sera Dieu soi-même, donc maître de fixer le bien et le mal à sa guise. « 
237 ais l’Éternel Dieu appela l’homme et lui dit : Où es -tu ? Il répondit : J’ai entendu ta voix dans le jardin, et j’ai eu pe
238 oix dans le jardin, et j’ai eu peur, parce que je suis nu, et je me suis caché. Et l’Éternel Dieu dit : Qui t’a appris que t
239 , et j’ai eu peur, parce que je suis nu, et je me suis caché. Et l’Éternel Dieu dit : Qui t’a appris que tu es nu ? Est-ce q
240 hé. Et l’Éternel Dieu dit : Qui t’a appris que tu es nu ? Est-ce que tu as mangé de l’arbre dont je t’avais défendu de man
241 ’Éternel Dieu dit : Qui t’a appris que tu es nu ? Est -ce que tu as mangé de l’arbre dont je t’avais défendu de manger ? L’h
242 (Gen. 3:8-13) Voyez : ils vont se cacher, ils n’y sont plus. Et quand on les attrape, ils disent que c’était l’autre. Ainsi
243 dire : c’était l’autre ! Et dans le lieu où l’on est , à coup sûr, le plus « loin de la face de l’Éternel ». Pour qu’il n’y
244 réponse, je dis qu’il n’y a personne. La personne est en nous ce qui répond de nos actes, ce qui est « capable de réponse »
245 ne est en nous ce qui répond de nos actes, ce qui est « capable de réponse » ou responsable ; dans une foule, il n’y a plus
246 e cadre de nos vies, à nous priver du sentiment d’ être une personne responsable. Nous vivons tous, de plus en plus, dans un
247 ce dans un au-delà. D’une part l’individu moderne est incité à juger sa vie mesquine, et à la fuir ; d’autre part il est as
248 r sa vie mesquine, et à la fuir ; d’autre part il est aspiré par les grandes émotions collectives. Cette répulsion et cette
249 les poussent l’homme à rechercher les occasions d’ être dépossédé de soi. Elles font de chacun de nous un sujet prédisposé à
250 tout fait : l’homme les a faits d’abord, et ce n’ est point par hasard qu’il a fait ceux-là et non d’autres. Les véritables
251 causes et racines du phénomène moderne des masses sont dans notre attitude spirituelle. La foule n’est pas dans la rue seule
252 sont dans notre attitude spirituelle. La foule n’ est pas dans la rue seulement. Elle est dans la pensée des hommes de ce t
253 e. La foule n’est pas dans la rue seulement. Elle est dans la pensée des hommes de ce temps, elle a ses sources au plus int
13 1943, La Vie protestante, articles (1938–1978). Les tours du diable VII : La cinquième colonne (26 novembre 1943)
254 de nous, et donc de moi aussi. Mais si le diable est partout, sa figure se brouille. Et les définitions que j’en ai donnée
255 e neutraliser. Vos descriptions, me dira-t-on, ne sont pas bien claires. Pourquoi ne pas nous donner une image nette et faci
256 ble de la personne de Satan ? C’est que le diable est justement celui qui n’est jamais clairement et honnêtement définissab
257 n ? C’est que le diable est justement celui qui n’ est jamais clairement et honnêtement définissable. Il est celui qui s’arr
258 jamais clairement et honnêtement définissable. Il est celui qui s’arrange toujours pour être à la fois juge et partie dans
259 issable. Il est celui qui s’arrange toujours pour être à la fois juge et partie dans le procès de sa définition. Un être par
260 uge et partie dans le procès de sa définition. Un être paradoxal pas essence. Il est, oui, mais il est dans tout être ce qui
261 sa définition. Un être paradoxal pas essence. Il est , oui, mais il est dans tout être ce qui n’est pas, ce qui tend au néa
262 être paradoxal pas essence. Il est, oui, mais il est dans tout être ce qui n’est pas, ce qui tend au néant, ce qui souhait
263 l pas essence. Il est, oui, mais il est dans tout être ce qui n’est pas, ce qui tend au néant, ce qui souhaite secrètement l
264 Il est, oui, mais il est dans tout être ce qui n’ est pas, ce qui tend au néant, ce qui souhaite secrètement la destruction
265 e des autres ou la sienne propre. Sa qualité de n’ être pas ceci ou cela de positif lui donne une liberté indéfinie d’action,
266 la fois, repoussant mais non moins fascinant, il est sans doute la créature la plus poétique du monde, au sens romantique
267 ique du monde, au sens romantique de ce terme. Il est beau aux yeux des naïfs qui croient que le mal doit être laid ; et il
268 au aux yeux des naïfs qui croient que le mal doit être laid ; et il est d’une laideur irrésistiblement attirante aux yeux de
269 ïfs qui croient que le mal doit être laid ; et il est d’une laideur irrésistiblement attirante aux yeux des désabusés et de
270 yeux des désabusés et des raffinés. En bref, il n’ est jamais où vous pensiez le trouver. Il imite, en la caricaturant, l’ac
271 les. Voilà le diable à l’œuvre dans nos vies ! Il est l’essence même de la Cinquième Colonne au siècle des siècles. Enfin —
272 t me rendre prudent, personnellement —, le diable est l’être qui, lorsqu’une dénonciation le fait déguerpir de sa cachette,
273 endre prudent, personnellement —, le diable est l’ être qui, lorsqu’une dénonciation le fait déguerpir de sa cachette, va se
274 z un autre et lui régler son compte — voici qu’il est devenu vous-même ! Mais alors ?… Eh bien ! si vous voulez déjouer les
275 verez le plus sûrement : dans le fauteuil où vous êtes assis. o. Rougemont Denis de, « Les tours du diable VII : La cinqu
14 1943, La Vie protestante, articles (1938–1978). Les tours du diable VIII : Le diable démocrate (3 décembre 1943)
276 uasi universelle dans les masses et l’élite, l’on est induit à reconnaître que le Progrès automatique n’était qu’un déguise
277 induit à reconnaître que le Progrès automatique n’ était qu’un déguisement du diable. Non pas qu’aucun progrès réel soit diabo
278 uisement du diable. Non pas qu’aucun progrès réel soit diabolique en soi ! Mais si l’on s’abandonne au rêve du Progrès, lais
279 libre pour nous duper. Nous avons cru que le mal était relatif dans le monde, qu’il provenait d’une mauvaise répartition des
280 ou de refoulements et d’injustices qui pouvaient être éliminés par des mesures adroites. Toutes ces croyances, en grande pa
281 dans la définition même de l’homme en tant qu’il est humain. Nous avons été optimistes par principe, et presque par savoir
282 e de l’homme en tant qu’il est humain. Nous avons été optimistes par principe, et presque par savoir-vivre, dirait-on, malg
283 tous les démentis de la réalité. Cet optimisme n’ est pas la confiance naïve de l’enfant, mais une espèce de mensonge. Exac
284 e celui qui dénonce le mal comme fondamental doit être lui-même très méchant. Nous croyons qu’en avouant le mal, nous le cré
285 en présence d’un miracle du bien : trop beau pour être vrai ! nous disions en présence de certaines descriptions du mal : tr
286 certaines descriptions du mal : trop affreux pour être vrai ! Cependant c’était vrai, mais cela nous gênait. Nous l’écartion
287 nt de nos pensées… Car si ce « trop affreux » eût été vraiment vrai, il eût fallu agir d’urgence et sans réserve ; et si no
288 agir d’urgence et sans réserve ; et si nous nous étions mis à agir sans réserve, nous aurions vu très vite que ce mal avait d
289 le mal, qu’ils ne le désiraient nullement, qu’ils étaient bons et les autres méchants, et que c’était tellement simple… Comme j
290 tait tellement simple… Comme je voudrais que cela soit aussi simple ! Ne fût-ce que pour le moral militaire. Car, ainsi qu’a
291 Comme je voudrais que cela soit aussi simple ! Ne fût -ce que pour le moral militaire. Car, ainsi qu’aimait à le répéter un
292 trichien, Conrad von Hötzendorf : « Tout ce qui n’ est pas aussi simple qu’une gifle ne vaut rien pour la guerre. » C’est sa
293 C’est une espèce de guerre civile mondiale. Elle sera perdue si nous perdons d’abord le sens de la réalité morale. ⁂ L’une
294 qui se dégagent des événements actuels me paraît être celle-ci : la haine purement sentimentale du mal qui est chez autrui
295 le-ci : la haine purement sentimentale du mal qui est chez autrui peut aveugler sur le mal que l’on porte en soi, et sur le
296 néral. La condamnation trop facile du méchant qui est en face peut recouvrir et favoriser beaucoup de complaisance intime à
297 aux braves démocrates : — Regardez le diable qui est parmi nous ! Cessez de croire qu’il ne peut ressembler qu’à vos ennem
298 le prendrez sur le fait. Et alors seulement, vous serez en état de la dépister chez autrui, et de l’y combattre avec succès.
299 combattre avec succès. Car alors seulement, vous serez guéris de votre naïveté invraisemblable devant le danger totalitaire.
15 1943, La Vie protestante, articles (1938–1978). Les tours du diable IX : « Nous sommes tous coupables » (10 décembre 1943)
300 Les tours du diable IX : « Nous sommes tous coupables » (10 décembre 1943)q Chacun sait que les « primiti
301 accidents, de la stérilité ou de la mort. Que ce soit un sorcier, un profanateur du sacré, un animal, un nuage, un bout de
302 jours la cause du mal dont souffrent ces sauvages est indépendante d’eux-mêmes. À l’inverse, le christianisme s’est efforcé
303 ante d’eux-mêmes. À l’inverse, le christianisme s’ est efforcé depuis des siècles de nous faire comprendre que le Royaume de
304 s de nous faire comprendre que le Royaume de Dieu est en nous, que le Mal aussi est en nous, et que le champ de leur batail
305 le Royaume de Dieu est en nous, que le Mal aussi est en nous, et que le champ de leur bataille n’est pas ailleurs que dans
306 i est en nous, et que le champ de leur bataille n’ est pas ailleurs que dans nos cœurs. Cette éducation a largement échoué.
307 n face, toujours, ou la force des choses. Si nous sommes révolutionnaires, nous croyons qu’en changeant la disposition de cert
308 pprimerons les causes des maux du siècle. Si nous sommes des capitalistes, nous croyons qu’en déplaçant vers nous ces mêmes ob
309 us ces mêmes objets, nous sauverons tout. Si nous sommes de braves démocrates, inquiets ou optimistes, nous croyons qu’en rôti
310 , nous rétablirons la paix et la prospérité. Nous sommes encore en pleine mentalité magique. Comme de petits enfants en colère
311 olère, nous battons la table à laquelle nous nous sommes heurtés. Ou comme Xerxès, nous flagellons les eaux de l’Hellespont, à
312 s. Anéantir les signes extérieurs de la menace ne serait nullement suffisant pour nous en délivrer. Ces signes personnifient d
313 de quelque déséquilibre temporaire. L’adversaire est toujours en nous. Et c’est pourquoi je pense que le chrétien véritabl
314 c’est pourquoi je pense que le chrétien véritable serait cet homme qui n’aurait d’autre ennemi à craindre que celui qu’il loge
315 rétendu qu’il agissait par mauvaise volonté. Nous sommes tous des « hommes de bonne volonté ». Pourtant voyez ce qui se passe
316 des inégalités dans la responsabilité. Mais nous sommes tous dans le mal, nous sommes tous les complices des plus grandes res
317 sabilité. Mais nous sommes tous dans le mal, nous sommes tous les complices des plus grandes responsables du monde. Cependant,
318 menaçant. L’intention des remarques précédentes n’ est nullement de justifier « les autres », que l’on avait d’abord accusés
319 sac, sans distinctions… Je veux dire ceci : nous sommes tous coupables dans la mesure où nous ne reconnaissons pas et ne cond
320 et qui juge nos intérêts « vitaux » (comme ils le sont toujours…). Mais, si je ressemble à un criminel, cela ne justifie pas
321 r empêcher le criminel de poursuivre ses méfaits, sont une seule et même lutte. Que servirait de gagner cette lutte en moi s
322 et hors de moi. C’est le même diable ! Et ceci n’ est qu’un post-scriptum à l’adresse des pacifistes : « Nous sommes tous c
323 post-scriptum à l’adresse des pacifistes : « Nous sommes tous coupables, me disent-ils, donc nous n’avons pas le droit moral d
324 celui que nous tenons pour un coupable. » — Nous sommes tous coupables, certes, mais si nous en sommes persuadés, il ne nous
325 us sommes tous coupables, certes, mais si nous en sommes persuadés, il ne nous reste plus qu’à combattre le mal, en nous et ho
326 ous des saints. Cela n’implique même pas que nous soyons « meilleurs que les autres ». Mais nous serons sûrement pires si nous
327 us soyons « meilleurs que les autres ». Mais nous serons sûrement pires si nous ne faisons pas notre métier. q. Rougemont D
328 gemont Denis de, « Les tours du diable IX : “Nous sommes tous coupables” », La Vie protestante, Genève, 10 décembre 1943, p. 2
16 1943, La Vie protestante, articles (1938–1978). Les tours du diable X : Le diable homme du monde (17 décembre 1943)
329 décembre 1943)r Qui donc disait que le diable est un monsieur très bien ? Entre les gens du monde et le Prince de ce mo
330 t monoclé. Le diable, dit un proverbe espagnol, n’ est pas à craindre parce qu’il est si méchant, mais parce qu’il est si vi
331 overbe espagnol, n’est pas à craindre parce qu’il est si méchant, mais parce qu’il est si vieux. C’est ce que l’on peut pen
332 ndre parce qu’il est si méchant, mais parce qu’il est si vieux. C’est ce que l’on peut penser aussi des gens du monde, et d
333 ral. Elle a son charme et son utilité ; mais elle est vieille, elle est trop avertie, elle offre trop de recettes éprouvées
334 arme et son utilité ; mais elle est vieille, elle est trop avertie, elle offre trop de recettes éprouvées : elle finit par
335 compris ». La fonction normale de la vie mondaine serait de maintenir et d’illustrer un certain nombre de devises d’élégance m
336 abolique, tout au contraire. Le jeu mondain, s’il est bien joué, ménage autant de liberté qu’il ne suppose, dit-on, d’hypoc
337 reposant des formes fixes. Mais le mondain qui n’ est que cela inspire une sorte d’effroi furtif, révélateur d’une présence
338 nces ; sa capacité d’éliminer froidement ce qui n’ est pas conforme aux goûts appris ; sa propension presque maniaque à n’at
339 er de l’importance qu’à un détail fortuit dans un être ou une œuvre ; tous ces traits qui pourraient dénoter l’exigence d’un
340 s stérilisants qu’entraîne sa fréquentation. Ce n’ est pas le goût ni même le pédantisme de la forme qui est satanique, c’es
341 pas le goût ni même le pédantisme de la forme qui est satanique, c’est le goût de la forme imitée. Le milieu mondain le plu
342 le plus suavement correct et moral peut fort bien être préféré par le diable à ces milieux bohèmes et de mœurs relâchées qui
17 1943, La Vie protestante, articles (1938–1978). Les tours du diable XI : Le diable dans nos dieux (24 décembre 1943)
343 de village. Mais l’incognito et l’alibi du diable sont exactement inverses : c’est dans l’image de nos dieux qu’il va se dis
344 ient pas ont renié la Révélation. Dès lors ils en étaient réduits à inventer Dieu. Mais on n’invente que ce que l’on est sans l
345 inventer Dieu. Mais on n’invente que ce que l’on est sans le savoir. Ils ont donc inventé un « Dieu » qui était le moi con
346 s le savoir. Ils ont donc inventé un « Dieu » qui était le moi conscient ou inconscient de ses croyants. Une image de leur im
347 ou une compensation rêvée de leurs défauts. Et ce fut le Dieu de la raison pour les tempéraments rationalistes, le Dieu de
348 asse. Dans ces trois entités divinisées, le moi n’ est plus déguisé qu’en un nous. Et ces trois entités ont ceci de commun :
349 t ces trois entités ont ceci de commun : elles ne sont responsables de rien devant personne, s’étant faites elles-mêmes les
350 s ne sont responsables de rien devant personne, s’ étant faites elles-mêmes les critères de toute vérité purement humaine, et
351 ute vérité purement humaine, et décrétant qu’il n’ est plus d’autre vérité. Or, aux yeux de ceux qui les servent, l’homme n’
352 s. Dans la mesure où nous leur obéissons, nous ne sommes donc plus responsables de nos actes, mais elles le sont à notre place
353 onc plus responsables de nos actes, mais elles le sont à notre place. Et comme elles-mêmes n’ont à répondre devant aucune in
354 dons pas avec l’entité divinisée — parce que nous sommes d’une autre race, d’une autre classe, ou d’une autre génération physi
355 ale que celle qui détient le pouvoir — alors nous sommes des « vipères lubriques » et nous devons le confesser publiquement. A
356 us recevons une balle dans la nuque, ou bien nous sommes décapités à la hache, selon qu’il s’agit respectivement du dieu Class
357 dieu Classe ou du dieu Race. Les dieux des hommes sont sans pardon. Ce sont des diables. Toutefois le diable est sans doute
358 u Race. Les dieux des hommes sont sans pardon. Ce sont des diables. Toutefois le diable est sans doute moins dangereux lorsq
359 pardon. Ce sont des diables. Toutefois le diable est sans doute moins dangereux lorsqu’il nous tue, que lorsqu’il prétend
360 s tue, que lorsqu’il prétend nous faire vivre. Il est moins dangereux dans nos vices que dans nos vertus satisfaites… Voyez
361 e dont la fumée montait comme un encens et devait être en bonne odeur à l’Éternel, car cet homme avait le cœur pur. À quelqu
362 ble. Il m’a l’air terriblement bon ! Et ses plans sont irréprochables, paraît-il : intelligents et généreux, idéalistes, réa
363 aissé tomber en donnant une pièce au mendiant. Il est parfait, ce plan, comme tu le craignais. Mais moi, je vais l’organise
18 1949, La Vie protestante, articles (1938–1978). Printemps de l’Europe (29 avril 1949)
364 ntendre que les statuts de l’Assemblée européenne seraient terminés ces jours-ci, à Londres. Il eût été bien beau de faire coïnc
365 seraient terminés ces jours-ci, à Londres. Il eût été bien beau de faire coïncider cette annonce du renouveau européen avec
366 péen avec la fête de la Résurrection. Mais rien n’ est venu jusqu’ici. Eh ! bien, si ce n’est pas pour Pâques, ce sera donc
367 ais rien n’est venu jusqu’ici. Eh ! bien, si ce n’ est pas pour Pâques, ce sera donc pour la Trinité ! — et cela ne veut pas
368 u’ici. Eh ! bien, si ce n’est pas pour Pâques, ce sera donc pour la Trinité ! — et cela ne veut pas dire, comme dans la chan
369 ue nous ne verrons jamais rien venir : car l’élan est donné, le mouvement est en marche, et plus rien ne peut l’arrêter. No
370 s rien venir : car l’élan est donné, le mouvement est en marche, et plus rien ne peut l’arrêter. Nous aurons certainement l
371 c’est de savoir comment elle se fera. Peut-être n’ est -il pas mauvais que la conférence des Dix ambassadeurs, à Londres1, pr
372 i de nos pays, tout dépend d’une seule chose, qui est celle-ci : les hommes d’État chargés de faire l’Europe auront-ils la
373 is trois. Il y a celle du jeune Garry Davis. Elle est très vaste, mais aussi très vague. Il se promène ces jours-ci dans le
374 oms célèbres, mais sans rien déchirer du tout. Il est sympathique et très pur. Il rêve d’une Assemblée mondiale et d’un gou
375 l’épuration permanente, — et ceci tue cela, ce n’ est pas notre faute, ni la faute de Garry Davis… Il y a enfin une troisiè
376 troisième vision, celle de l’Europe fédérée. Elle est moins vaste, en vérité, que celle du jeune Américain, mais à cause de
377 jeune Américain, mais à cause de cela même, elle est plus claire et proche. Je voudrais l’appeler aujourd’hui la vision du
378 re promise Paix, liberté, prospérité, tels ont été les grands motifs de toutes les confédérations qui ont vu le jour au
379 pour la paix du monde entier, alors le principal est fait. Et si les Dix ambassadeurs à Londres ont bien vu cela, ils ne s
380 rts. Tout dépend de la vision qu’ils auront. Il n’ est point d’ordre politique qui serve l’homme, s’il n’est orienté dès le
381 point d’ordre politique qui serve l’homme, s’il n’ est orienté dès le départ par une vision libératrice et fascinante. L’Eur
382 au allons-nous aborder demain ? Se peut-il que ce soit tout simplement l’Europe, redécouverte à la faveur de son union ? Une
383 i doit se tenir en septembre, et dont les députés seront nommés par les parlements. 2. (Réd. — Nous devons à l’obligeance de
19 1961, La Vie protestante, articles (1938–1978). Bilan simple (29 décembre 1961)
384 ctaculaire. Aux États-Unis, d’où je reviens, il n’ est question que du « miracle européen ». C’est un fait : la montée vers
385  : la montée vers une prospérité sans précédent s’ est opérée dans le temps même où l’Europe achevait de libérer ses colonie
386 santé : elle veut se fédérer. Et bien sûr, tout n’ est pas encore gagné. Mais en demandant son accession à ce Marché commun
387 , la Grande-Bretagne a démontré que l’Europe unie était d’ores et déjà bien autre chose qu’une rêverie d’intellectuels. Tel e
388 n autre chose qu’une rêverie d’intellectuels. Tel est sans doute le fait majeur qui marquera l’année 1961 aux yeux de l’his
389 on irrésistible. Et le Grand Occident reconstitué serait garant de la paix mondiale. N’est-il pas admirable que l’année de l’E
390 reconstitué serait garant de la paix mondiale. N’ est -il pas admirable que l’année de l’Europe ait coïncidé par hasard avec
391 se de Rome jouera sa part l’année prochaine. Nous sommes au seuil de l’ère des convergences, au-delà des nations souveraines e
392 es sur elles-mêmes. Une nouvelle Renaissance, qui est le fédéralisme, et une nouvelle Réforme, qui est l’œcuménisme, attend
393 est le fédéralisme, et une nouvelle Réforme, qui est l’œcuménisme, attendent notre foi et nos œuvres. Beau programme pour
394 et pour la suite ! Presque tout reste à faire, il est vrai. Sachons du moins à quels grands buts lointains nous pouvons adr
20 1965, La Vie protestante, articles (1938–1978). « Que signifie pour vous la formule célèbre ‟Ecclesia reformata semper reformanda” ? » (29 octobre 1965)
395 ovisoire : La Réforme permanente. La Réforme ne s’ est pas faite une fois pour toutes. Luther et Calvin n’ont pas été les pr
396 une fois pour toutes. Luther et Calvin n’ont pas été les premiers réformateurs de l’Église, et ne seront pas les derniers.
397 été les premiers réformateurs de l’Église, et ne seront pas les derniers. Défendre l’héritage de la Réformation, ce n’est pas
398 iers. Défendre l’héritage de la Réformation, ce n’ est pas répéter ce que disaient ses auteurs, mais continuer à réformer. S
399 auteurs, mais continuer à réformer. Seuls peuvent être fidèles à l’esprit de Luther et de Calvin un luthéranisme et un calvi
400 ante, Genève, 29 octobre 1965, p. 1. v. Le texte est introduit par la note suivante : « Que signifie pour vous, avons-nous
401 er reformanda” (l’Église, réformée, doit toujours être à nouveau réformée) ? »
21 1969, La Vie protestante, articles (1938–1978). La lune, ce n’est pas le paradis (1er août 1969)
402 La lune, ce n’ est pas le paradis (1er août 1969)x y Ce mois-ci, ce n’est pas sur la
403 le paradis (1er août 1969)x y Ce mois-ci, ce n’ est pas sur la Terre que nous allons chercher l’actualité qui sera notre
404 la Terre que nous allons chercher l’actualité qui sera notre sujet de réflexion, mais sur la Lune. Il m’est venu une questio
405 notre sujet de réflexion, mais sur la Lune. Il m’ est venu une question, Denis de Rougemont, et j’ai envie de la poser au p
406 et j’ai envie de la poser au philosophe que vous êtes  : est-ce que nous savons pourquoi nous y allons ? Ce qui me frappe da
407 i envie de la poser au philosophe que vous êtes : est -ce que nous savons pourquoi nous y allons ? Ce qui me frappe dans l’a
408 rappe dans l’aventure d’« Apollo », c’est qu’elle est l’entreprise qui a coûté le plus cher dans toute l’histoire de l’huma
409 s — mais cette opération, la plus chère du monde, est aussi la moins motivée. Les motifs que l’on a allégués en public sont
410 motivée. Les motifs que l’on a allégués en public sont puérils : le président Kennedy avait annoncé il y a huit ou neuf ans 
411 dy avait annoncé il y a huit ou neuf ans : « Nous serons sur la Lune avant 1970. » Cela voulait dire : avant les Russes, aussi
412 it dire uniquement cela. Cela voulait dire : nous serons les premiers. C’est un motif puéril, je le répète, une gaminerie. Il
413 ifique. Tout cela ramène toujours au même motif : être les premiers. Et alors, on peut se dire ceci : on aurait pu avoir les
414 les appliquer à un autre but, dont l’utilité eût été plus immédiatement apparente ? Oui, on aurait pu consacrer ne fût-ce
415 tement apparente ? Oui, on aurait pu consacrer ne fût -ce qu’une partie de ces 100 milliards de francs suisses à augmenter l
416 pauvreté ou pour une meilleure hygiène. Pourquoi est -ce qu’on a choisi l’espace, concrétisé par la Lune, dans le cas qui n
417 ortelle les uns et les autres que cela saute, ont été amenés — peut-être inconsciemment — à transposer leur conflit dans l’
418 dit que c’est une aventure scientifique, mais qu’ est -ce qu’on met dans les modules spatiaux ? Pas des savants, mais des co
419 généraux. On pourrait dire que tout ce qu’ils ont été chercher là-haut, c’est une étoile — une petite étoile en cuivre qu’i
420 qu’ils se mettent sur l’épaulette. Néanmoins, ce sont les savants qui les font aller là-bas. Alors il y a un petit jeu subt
421 s cette affaire ? Les savants peuvent dire que ce sont eux qui transforment ces colonels en projectiles à têtes chercheuses.
422 aient dire — et ils le pensent peut-être — que ce sont eux qui utilisent le prétexte militaire en faveur d’une connaissance
423 on ne les saura que beaucoup plus tard, et ce ne seront pas les « bons » (les vrais) que l’on décidera d’adopter officielleme
424 on avait fait tout ce programme si coûteux ! Il s’ est produit exactement la même histoire avec Christophe Colomb, mais en s
425 ti avec ses petites caravelles, c’est parce qu’il était au service d’un roi d’Espagne rapace, cupide, qui voulait de l’or et
426 . Or les motivations réelles de Christophe Colomb étaient d’un tout autre ordre — on peut le vérifier dans son journal : c’étai
427 parce qu’on lui avait dit qu’aux Indes les cités étaient pavées d’or et les palais recouverts de tuiles d’or. Or Christophe Co
428 , on y a recruté des esclaves. Mais la motivation était d’un ordre complètement différent. Je voudrais vous poser une autre q
429 une autre question, toujours sur le même sujet : est -ce que vous êtes déçu, finalement, ou est-ce que vous avez envie d’al
430 ion, toujours sur le même sujet : est-ce que vous êtes déçu, finalement, ou est-ce que vous avez envie d’aller dans la Lune 
431 sujet : est-ce que vous êtes déçu, finalement, ou est -ce que vous avez envie d’aller dans la Lune ? Je suis profondément dé
432 -ce que vous avez envie d’aller dans la Lune ? Je suis profondément déçu. Je suis dans un sentiment de désenchantement. J’ai
433 ller dans la Lune ? Je suis profondément déçu. Je suis dans un sentiment de désenchantement. J’ai l’impression que les rêves
434 Jules Verne — dépassaient de beaucoup ce que nous sommes en train de faire. Le rêve dévalorise l’actualisation de la découvert
435 on avance vers la substance de la chose, quand on est prêt à la toucher, on s’aperçoit que la Lune est une malheureuse, vil
436 est prêt à la toucher, on s’aperçoit que la Lune est une malheureuse, vilaine chose, couverte de tuf volcanique, de lave p
437 la Lune : c’est un texte de Werner von Braun, qui est un des pères du voyage dans la Lune, et qui nous décrit le paradis qu
438 ires. Alors on arrive à se demander aujourd’hui : est -ce que l’on a dépensé 100 milliards — 100 milliards n’étant qu’une pa
439 ue l’on a dépensé 100 milliards — 100 milliards n’ étant qu’une partie de la dépense totale — pour avoir un Moon-Hilton ? … de
440 la surface terrestre, des arbres, de l’herbe… Ce sont des réactions subjectives que nous exprimons. Mais on peut imaginer d
441 e. H. G. Wells, le célèbre romancier anglais, qui est l’un des pères de l’anticipation, était allé l’interviewer. « Je dis
442 nglais, qui est l’un des pères de l’anticipation, était allé l’interviewer. « Je dis à Lénine, raconte Wells, que le développ
443 énine, c’est une prophétie assez extraordinaire : est -ce qu’elle est complètement fausse ? Sûrement pas, car la recherche s
444 e prophétie assez extraordinaire : est-ce qu’elle est complètement fausse ? Sûrement pas, car la recherche spatiale, l’arri
445 herche spatiale, l’arrivée sur la Lune notamment, est d’une part une concurrence entre les Américains et les Russes, mais d
446 ur lui ! Si pour lui, la seule doctrine véritable est le marxisme, qui est une doctrine des rapports de productions, il est
447 la seule doctrine véritable est le marxisme, qui est une doctrine des rapports de productions, il est évident qu’elle ne v
448 est une doctrine des rapports de productions, il est évident qu’elle ne vaut plus rien si on va sur la Lune — où les rappo
449 a sur la Lune — où les rapports de productions ne sont en rien comparables à ce qu’ils étaient au xixe siècle, quand Marx a
450 oductions ne sont en rien comparables à ce qu’ils étaient au xixe siècle, quand Marx a écrit sa théorie. Il n’y a pas de prolé
451 s les doctrines philosophiques et morales devront être révisées dans ces nouvelles dimensions de l’espace. Car si vous prene
452 une doctrine comme le christianisme, dont la base est l’amour du prochain, je ne vois pas en quoi elle serait modifiée si d
453 l’amour du prochain, je ne vois pas en quoi elle serait modifiée si deux hommes arrivent sur la Lune. Ils auront les mêmes pr
454 ression de frustration, à me dire : la Lune, ce n’ est pas aussi beau, ce n’est pas aussi paradisiaque qu’on le pensait. Au
455 me dire : la Lune, ce n’est pas aussi beau, ce n’ est pas aussi paradisiaque qu’on le pensait. Au fur et à mesure que l’hom
456 ns plus enfermé sur la Terre. C’est-à-dire que je suis frustré par les dimensions physiques augmentées dans l’espace. Et cel
457 ne à cette idée que la véritable aventure humaine est à l’intérieur de chacun de nous, non pas à l’extérieur, dans l’espace
458 la technique, les plus grands achèvements humains sont les plus simples, ceux qui demandent le moins d’argent et qui finisse
459 de ni crédit, ni gadget. En quoi je pense qu’elle est vraiment le sommet de l’aventure humaine. Relisant au lendemain du r
460 éjà, jusque dans l’administration Nixon, pour que soit reportée sur la Terre une part ou moins des centaines de milliards qu
461 nde ne peut répondre pour un autre — ou sinon, où serait l’aventure ? x. Rougemont Denis de, « [Entretien] La lune, ce n’es
462 Rougemont Denis de, « [Entretien] La lune, ce n’ est pas le paradis », La Vie protestante, Genève, 1 août 1969, p. 1-2. y
22 1978, La Vie protestante, articles (1938–1978). « Bof ! disent les jeunes, pourquoi ? » (1er décembre 1978)
463 8)z Vous venez de publier un livre : L’Avenir est notre affaire . Qu’entendez-vous par ce titre ? Je pense que nous som
464 Qu’entendez-vous par ce titre ? Je pense que nous sommes responsables, nous les hommes, de toutes les crises de l’humanité et
465 t. Dans le monde où nous existons, même la nature est faite par l’homme, il n’y a plus de nature sauvage. Il faut bien que
466 ons de sortir de la crise dans laquelle nous nous sommes plongés. Pour la première fois de l’histoire, l’homme se voit contrai
467 t contraint de choisir librement son avenir. Ce n’ est donc pas dans une visée prométhéenne qu’il faut comprendre votre titr
468 l faut comprendre votre titre ? Pas du tout, ce n’ est pas un défi. Simplement, nous n’avons plus le droit de nous cacher, m
469 eu. Quand on voit que les choses tournent mal, il est trop tard pour dire : Ce n’est pas ma faute ! C’était l’autre, ou la
470 s tournent mal, il est trop tard pour dire : Ce n’ est pas ma faute ! C’était l’autre, ou la fatalité… On en revient toujour
471 anité ? », j’ai répondu : C’est quelque chose qui est plus fort que moi, et qui est l’espérance. C’est une volonté, un dési
472 t quelque chose qui est plus fort que moi, et qui est l’espérance. C’est une volonté, un désir éperdu que la vie continue.
473 e espérance chrétienne, c’est quelque chose qui m’ est plutôt chevillé au corps. C’est peut-être l’envie de vivre, une curio
474 de la Nouvelle Jérusalem, d’une cité nouvelle qui sera vraiment humaine et en même temps vraiment divine (« à mesure d’homme
475 me temps vraiment divine (« à mesure d’homme, qui est mesure d’ange » : Apoc. ch. 21, v. 17). Il est question là d’un dével
476 ui est mesure d’ange » : Apoc. ch. 21, v. 17). Il est question là d’un développement de la vie de l’humanité vers la pléni­
477 t de la vie de l’humanité vers la pléni­tude, qui est une divinisation de l’homme. S’il y a dans votre livre des passages t
478 lez provoquer la peur du lecteur, le fond de tout est pourtant un courant d’optimisme et d’espérance ? Oui ! Si j’étais tot
479 n courant d’optimisme et d’espérance ? Oui ! Si j’ étais totalement pessimiste, si je pensais qu’il n’y a plus rien à faire, j
480 pas « bof ». Ceux que je connais. Je pense qu’il est faux de dire que la génération actuelle est la « bof-génération » : c
481 qu’il est faux de dire que la génération actuelle est la « bof-génération » : ce sont des choses que les hebdomadaires inve
482 énération actuelle est la « bof-génération » : ce sont des choses que les hebdomadaires inventent de temps en temps pour fai
483 irage… Par quel cheminement de votre existence en êtes -vous arrivé au thème de ce livre ? J’ai commencé assez jeune à m’occu
484 enry Ford, Ma Vie, publiés en français. L’article était intitulé « Le péril Ford » et s’élevait contre Ford et son triomphe,
485 L’auto industrielle n’avait que 29 ans, déjà Ford était milliardaire. Et j’ai eu une réaction viscérale. Je me suis dit : c’e
486 ardaire. Et j’ai eu une réaction viscérale. Je me suis dit : c’est épouvantable ce que cet homme-là est en train de faire !
487 suis dit : c’est épouvantable ce que cet homme-là est en train de faire ! J’ai publié mon article dans une petite revue qui
488 ), cela n’a eu aucun effet, sauf sur moi. Le fait est que dès ce moment-là, je dénonçais la croissance illimitée dans un mo
489 j’ai rencontrés à Paris, la première année où je suis allé y travailler comme éditeur. Nous avons créé ensemble les revues
490 es de toutes les idées de mon dernier livre. Nous étions une génération — qui ne disait pas « bof », oh ! non — qui voyait trè
491 e allait devoir faire la guerre, une guerre qui n’ était pas la sienne, une guerre entre États-nations (ce terme, c’est nous q
492 ons (ce terme, c’est nous qui l’avons forgé, nous étions les seuls à l’utiliser couramment en France). Toutes les idées fédéra
493 à rétablir entre l’homme et la nature : tout cela était déjà dans nos revues, dans nos groupuscules. Quelques années plus tar
494 s années plus tard, après la guerre, l’évidence s’ est imposée qu’il fallait faire l’Europe tout de suite, sinon on recommen
495 sur la Suisse ? C’est une question à laquelle je suis heureux de pouvoir répondre de manière très nette. L’exemple que nous
496 xemple que nous avions sous les yeux en 1931-1932 était l’État centralisé français, le modèle de tous les États-nations. Nous
497 nt-là je connaissais assez mal ce modèle, je ne m’ étais pas beaucoup occupé de politique pendant mes études en Suisse, et je
498 ndant mes études en Suisse, et je me considérais, étant à Paris, écrivant à Paris, publiant à Paris, comme Français (« nous »
499 lui-même comme un État-nation. Or, le fédéralisme est impossible dans un seul pays ! Si on veut sauver le fédéralisme suiss
500 vec d’autres fédérations continentales. La Suisse est acculée à un certain centralisme dès qu’elle s’occupe d’objets trop g
501 le s’occupe d’objets trop grands. Le nucléaire en est un excellent exemple. Le nucléaire n’est absolument pas le moyen d’as
502 éaire en est un excellent exemple. Le nucléaire n’ est absolument pas le moyen d’assurer l’indépendance énergétique d’un pay
503 que d’un pays, à preuve qu’en France le nucléaire est appliqué d’après une licence américaine, son combustible vient des US
504 s dimensions respectives, disons que le nucléaire est trop grand pour un seul pays, et qu’il y constitue une menace pour la
505 l y constitue une menace pour la démocratie. Vous êtes membre du Groupe de Bellerive : que fait-il ? C’est un groupe de pers
506 sonnalités internationales habitant Genève, qui s’ est réuni pour mettre en garde non contre le nucléaire en général, mais c
507 ucléaire, l’hitlérisme, la folie de l’auto ; quel est au fond leur lien ? Ils gouvernent tous, de manière systématique et s
508 té), la centralisation, l’avantage donné à ce qui est toujours plus cher, plus dangereux, et permet à l’État de mieux contr
509 avait rien à voir avec la guerre nucléaire ; ce n’ est pas vrai. Les usines de retraitement des déchets de centrales nucléai
510 onc fait l’unité de mon livre : mon souci dernier est d’éviter la guerre nucléaire, vers laquelle tout nous pousse aujourd’
511 tralisation démentielle ! C’est pourquoi aussi je suis pour les régions, pour les petites unités qui sont de vraies communau
512 uis pour les régions, pour les petites unités qui sont de vraies communautés. « Small is beautiful ». Quelle est la tâche de
513 raies communautés. « Small is beautiful ». Quelle est la tâche des chrétiens et des Églises dans un monde pareil ? Les chré
514 lutions qu’on leur propose, c’est de s’efforcer d’ être chrétiens. Cela veut dire d’abord : ne pas donner dans cette folle pu
515 eules condamnations absolues prononcées par Jésus sont dirigées contre la puissance. Non pas contre la sexualité, comme on v
516 s vouloir à la fois la puissance, la richesse, et être chrétien. L’idée de la croissance illimitée comme bien suprême de l’h
517 ssance illimitée comme bien suprême de l’humanité est une idée fondamentalement antichrétienne. Refuser la puissance ne veu
518 vouloir et préparer une société où chacun puisse être le prochain de l’autre, donc une société formée de petites communauté
519 communautés fédérées entre elles. Là, chacun peut être libre à sa manière, s’épanouir dans sa vocation, devenir une personne