1
mps des fanatiques (25 novembre 1938)a b Ce ne
sont
plus des signes dans le ciel, mais des réalités terrestres et brutale
2
aractère religieux de notre Histoire. Le fascisme
est
une religion, le communisme une antireligion. Croix gammée, faisceaux
3
rre que vous ferez contre elle, au nom du Christ,
sera
vraiment une guerre sainte. Trois fois déjà, depuis vingt ans, on nou
4
» — moralement, cela va sans dire… Dès lors, nous
sommes
en règle avec notre conscience. Il n’y a plus à discuter. Le temps de
5
e. Il n’y a plus à discuter. Le temps des nuances
est
passé. L’état de siège est proclamé. Et celui qui demande à voir, cel
6
. Le temps des nuances est passé. L’état de siège
est
proclamé. Et celui qui demande à voir, celui qui estime encore que to
7
emande à voir, celui qui estime encore que tout n’
est
pas si clair, ni si simple, ni si tranché, se voit aussitôt suspecté
8
avant de donner mon adhésion. Que voulez-vous, je
suis
calviniste, et quand on me dit : Ceux-ci sont des méchants, je veux b
9
je suis calviniste, et quand on me dit : Ceux-ci
sont
des méchants, je veux bien le croire, mais je demande : Parmi ceux-là
10
s chrétiens ? Quand on me dit que les communistes
sont
des sans-Dieu, je ne dis pas non, je ne suis pas illettré ; mais je m
11
stes sont des sans-Dieu, je ne dis pas non, je ne
suis
pas illettré ; mais je me demande si le trust des pétroles, qui mène
12
s je me demande si les soutiens de M. Franco, qui
sont
le Duce et le Führer, ne le soutiennent vraiment qu’au nom du Christ
13
côté cette fois : Vous voyez bien, les dictateurs
sont
les ennemis du christianisme ! — je ne dis pas non, je les ai vus de
14
n de l’empire anglais et de l’hégémonie française
est
une part indiscutable et révélée du plan de Dieu pour notre époque ?
15
s que pour sauver l’Église ? Et même dans ce cas,
est
-ce une raison pour renoncer à toute clairvoyance ? À toute honnête in
16
ve, et laisser le pauvre monde se débrouiller. Je
suis
tout prêt, en ce qui me concerne, à prendre énergiquement parti après
17
ue nous adoptons. Car je vois que tous les partis
sont
, dans le fait, au service de grandes religions adversaires de la foi
18
t notre dernier mot, comme chrétiens, ne peut pas
être
« la guerre sainte » ni davantage « la paix à tout prix ». Il doit êt
19
e » ni davantage « la paix à tout prix ». Il doit
être
et rester : vigilance. Dans cette nuit universelle où la Colère de Di
20
n ? Non pas. Réalisme. La force réelle des tyrans
est
religieuse. Et la foi seule peut vaincre une religion païenne. a.
21
nte, Genève, 25 novembre 1938, p. 1. b. Le texte
est
précédé de la note suivante de la rédaction : « Nous sommes heureux d
22
cédé de la note suivante de la rédaction : « Nous
sommes
heureux de compter, parmi les amis et collaborateurs de la Vie protes
23
mont, le jeune auteur romand dont la réputation n’
est
plus à faire. Nous lui laissons volontiers la parole, convaincus que
24
a parole, convaincus que nos lecteurs, même s’ils
sont
étonnés de certaines de ses expressions, sauront comprendre le point
25
doxale, si l’on songe qu’au xvie siècle, Nicolas
fut
revendiqué par tous les réformés de Suisse comme l’un de leurs plus g
26
eurs. Il m’a paru que la question méritait bien d’
être
reprise, du point de vue d’un réformé du xxe siècle. D’où la premièr
27
viennent de publier Les Cahiers protestants . Je
suis
heureux de l’occasion qui m’est offerte de préciser ici les résultats
28
protestants . Je suis heureux de l’occasion qui m’
est
offerte de préciser ici les résultats de mon enquête. Une solitude
29
ècle d’une famille paysanne de l’Obwald, il avait
été
capitaine, puis juge de paix, puis simple agriculteur, marié et père
30
acte et obtenu le consentement des siens. Nous ne
sommes
pas en présence d’un pauvre illuminé, mais d’un solide confédéré qui
31
pour calmer les passions déchaînées. Le Solitaire
est
donc devenu la principale force morale et politique de toute la Confé
32
ible. 2° Dans son ermitage du Ranft, Nicolas ne s’
est
pas abandonné aux « saintes délices » de la contemplation. Il ne s’es
33
« saintes délices » de la contemplation. Il ne s’
est
libéré de certaines servitudes que pour mieux servir le Seigneur dans
34
on action pratique sur le monde. Ce dernier point
est
capital. Car, après tout, si Nicolas est l’un des Pères de notre Conf
35
er point est capital. Car, après tout, si Nicolas
est
l’un des Pères de notre Confédération, c’est à son action qu’il le do
36
n, c’est à son action qu’il le doit. S’il n’avait
été
qu’un ascète, nous ne saurions plus rien de lui. C’est pourquoi les r
37
us constatons que, dans l’ensemble, les positions
furent
très vite prises, et très nettement. « Tandis qu’à la manière traditi
38
si les premières biographies sérieuses de Nicolas
sont
dues à la plume de disciples ou d’amis des réformateurs : Myconius, d
39
ants devraient suivre ! Ce dernier argument ayant
été
repris par le catholique Faber, Zwingli réplique en 1526 : Pieux conf
40
st par la seule force de Dieu que nos ancêtres se
sont
libérés des maîtres que Faber sert aujourd’hui… Si nous suivions les
41
i nous suivions les conseils du frère Claus, nous
serions
délivrés de ces valets qui, sous prétexte de foi, trafiquent et jette
42
icatif : « Catalogue des témoins de la foi qui se
sont
dressés, avant Martin Luther, contre le pape et ses erreurs ». Enfin,
43
her, contre le pape et ses erreurs ». Enfin, s’il
était
besoin d’une attestation plus décisive encore, voici celle de Luther
44
entions nettement polémiques. Beaucoup plus vaste
est
la portée d’un mystère intitulé Le Miroir du Monde, qui fut joué à Bâ
45
tée d’un mystère intitulé Le Miroir du Monde, qui
fut
joué à Bâle en 1550. Ce premier drame sur Nicolas de Flue est l’œuvre
46
âle en 1550. Ce premier drame sur Nicolas de Flue
est
l’œuvre d’un protestant, l’Alsacien Valentin Boltz. Il ne comptait pa
47
gliennes et le mystère de Valentin Boltz devaient
être
à l’origine d’une riche tradition dramatique. Mais à partir de la fin
48
première en date, celle du jésuite Jacob Gretser,
fut
jouée à Lucerne en 1586. Le rôle politique de Nicolas n’y est même pa
49
Lucerne en 1586. Le rôle politique de Nicolas n’y
est
même pas mentionné !) N’y a-t-il pas là une grande anomalie ? Car, en
50
, en septembre dernier, la légende dramatique qui
sera
joué — Dieu voulant ! — à l’Exposition de Zurich. J’ai tenté de réint
51
actualité la plus brûlante de notre siècle : il n’
était
que de mettre en relief les traits de cette figure qui frappèrent par
52
culièrement nos ancêtres réformés. Toute ma pièce
est
donc centrée sur la vocation exceptionnelle de l’ermite, c’est-à-dire
53
héodore de Bèze. Nicolas de Flue, me dira-t-on, n’
est
pas un « sujet protestant » ? Eh quoi ! Abraham non plus n’était pas
54
sujet protestant » ? Eh quoi ! Abraham non plus n’
était
pas calviniste. Ce qui caractérise un drame protestant, c’est bien mo
55
tion biblique, au premier chef. Ces quelques mots
sont
bien rapides, je le sens. Je les termine dans l’angoisse d’une crise
56
colas de Flue nous faire comprendre que le paix n’
est
jamais le résultat de nos calculs, mais le miracle de Dieu seul, et l
57
ur les choses allemandes. Toute erreur, si minime
soit
-elle, toute appréciation erronée des origines, des fins et de la prat
58
lacer Luther au début d’une évolution dont Hitler
serait
le terme, ce n’est pas une erreur minime. Elle résulte tantôt d’une m
59
d’une évolution dont Hitler serait le terme, ce n’
est
pas une erreur minime. Elle résulte tantôt d’une mauvaise foi conscie
60
dentale. J’estime qu’elle a suffisamment duré. Je
suis
prêt à la dénoncer dans toutes les revues et dans tous les journaux q
61
es journaux qui veulent bien publier ma prose. Il
est
bien clair que les milieux où cette erreur est professée y voient une
62
Il est bien clair que les milieux où cette erreur
est
professée y voient une arme non pas contre l’Allemagne, mais d’abord
63
e : l’assimilation grossière de Luther à Hitler n’
est
évidemment pas destinée à diminuer le prestige du second, mais bien à
64
mier dans la réprobation que provoque le racisme.
Est
-ce une tactique adroite et justifiable, au moment où toutes les Églis
65
e et justifiable, au moment où toutes les Églises
sont
appelées, par ailleurs, à faire un « front commun » contre la religio
66
llemagne écrit que la nation éduquée par Luther «
était
prête à se donner à n’importe quel despote, pourvu qu’il fût Allemand
67
se donner à n’importe quel despote, pourvu qu’il
fût
Allemand et protestant ». Or le despote est venu, cher M. de Reynold
68
qu’il fût Allemand et protestant ». Or le despote
est
venu, cher M. de Reynold : il était Autrichien et catholique. Un bill
69
. Or le despote est venu, cher M. de Reynold : il
était
Autrichien et catholique. Un billet, s’il vous plaît, au Suisse inqui
70
u Suisse inquiet, au protestant scandalisé que je
suis
, pour expliquer cette affligeante contradiction. D’autre part, où pre
71
Raison » et de la « claire latinité » que veulent
être
M. de Reynold, M. Massis, M. Maurras. J’y vois tout au plus un moyen
72
s il faut répondre d’abord. Oui ou non, Niemöller
est
-il bon luthérien ? Oui ou non, le Führer est-il né catholique ? Oui o
73
ller est-il bon luthérien ? Oui ou non, le Führer
est
-il né catholique ? Oui ou non, le second a-t-il fait emprisonner le p
74
premier ? Oui ou non, l’Allemagne préhitlérienne
fut
-elle gouvernée par Brüning, chef du parti du centre catholique ? Oui
75
catholique ? Oui ou non, l’intronisation d’Hitler
est
-elle le fait de von Papen, catholique ? Oui ou non, l’Allemagne compt
76
istance, et bien plus totalement qu’en Allemagne,
soient
aujourd’hui les parangons de la liberté démocratique ? Je veux parler
77
franchement, je m’engage à reconnaître que Luther
est
coupable de n’avoir pas su, dans l’espace d’une vingtaine d’années, d
78
up dit que le secret de la résistance finlandaise
était
la foi profonde de ce peuple. En défendant leur terre, les soldats fi
79
sus, quelques remarques à propos de la Suisse. Je
suis
de ceux qui pensent que la foi n’est pas « une affaire privée », ains
80
Suisse. Je suis de ceux qui pensent que la foi n’
est
pas « une affaire privée », ainsi que le prétendait Marx. Le chrétien
81
ans le monde et pour le monde, dans la cité où il
est
né et pour son bien. Il n’a pas le droit de s’en désintéresser et de
82
urellement s’insérer dans les données de fait qui
sont
celles du pays, et qui se trouvent être communes à tous les citoyens,
83
fait qui sont celles du pays, et qui se trouvent
être
communes à tous les citoyens, chrétiens ou non. La mission spéciale d
84
non. La mission spéciale du citoyen chrétien, ce
sera
de dégager de ces données communes un sens spirituel, une vocation po
85
spirituel, une vocation positive. Car le chrétien
est
, si j’ose dire, un spécialiste de la vocation. Cette action particuli
86
on. Cette action particulière du citoyen chrétien
sera
dans l’intérêt de la Suisse, certes. Mais elle sera d’abord obéissanc
87
ra dans l’intérêt de la Suisse, certes. Mais elle
sera
d’abord obéissance à la foi. J’insiste sur ce point, qui est capital.
88
obéissance à la foi. J’insiste sur ce point, qui
est
capital. Nous ne devons pas être chrétiens parce que nous sommes Suis
89
sur ce point, qui est capital. Nous ne devons pas
être
chrétiens parce que nous sommes Suisses et que la Suisse est officiel
90
Nous ne devons pas être chrétiens parce que nous
sommes
Suisses et que la Suisse est officiellement un pays chrétien. Mais no
91
ns parce que nous sommes Suisses et que la Suisse
est
officiellement un pays chrétien. Mais nous devons être de bons Suisse
92
officiellement un pays chrétien. Mais nous devons
être
de bons Suisses parce que nous sommes chrétiens d’abord. Or, je const
93
s nous devons être de bons Suisses parce que nous
sommes
chrétiens d’abord. Or, je constate qu’on entretient chez nous d’assez
94
entendre, qu’un bon citoyen suisse a le devoir d’
être
chrétien, comme si ce devoir était la conséquence obligatoire d’un tr
95
e a le devoir d’être chrétien, comme si ce devoir
était
la conséquence obligatoire d’un très ardent patriotisme. Si certains
96
le Dieu de nos pères », il semble parfois que ce
soit
moins parce qu’ils croient le christianisme vrai, que parce qu’ils le
97
actement le contraire, je le répète : nous devons
être
de bons Suisses parce que nous sommes chrétiens d’abord. Gardons-nous
98
: nous devons être de bons Suisses parce que nous
sommes
chrétiens d’abord. Gardons-nous du Schweizer Christentum ! À ces Schw
99
lligérants qui viennent nous dire : « Ceux qui ne
sont
ni froids ni bouillants seront vomis ». Qu’est-ce que cela signifie,
100
dire : « Ceux qui ne sont ni froids ni bouillants
seront
vomis ». Qu’est-ce que cela signifie, pratiquement ? Que ceux qui so
101
e sont ni froids ni bouillants seront vomis ». Qu’
est
-ce que cela signifie, pratiquement ? Que ceux qui sont froids ou bou
102
e que cela signifie, pratiquement ? Que ceux qui
sont
froids ou bouillants seront mangés ! Je demande à voir ce qui vaut le
103
quement ? Que ceux qui sont froids ou bouillants
seront
mangés ! Je demande à voir ce qui vaut le mieux. Il ne faut pas parle
104
ut dépend de ceci : vis-à-vis de quoi, ou de Qui,
est
-on tiède, est-on neutre ? Si c’est vis-à-vis du Christ, la parole éva
105
eci : vis-à-vis de quoi, ou de Qui, est-on tiède,
est
-on neutre ? Si c’est vis-à-vis du Christ, la parole évangélique nous
106
ole évangélique nous apprend que cette neutralité
est
suprêmement désavantageuse : elle entraîne notre expulsion violente h
107
utres que l’on reste tiède, cette neutralité peut
être
avantageuse dans certains cas, dans la mesure où elle nous exclut, pr
108
eons mauvais. Reste à savoir si le conflit actuel
est
« mauvais ». Puis, si notre tiédeur suffira pour que le monstre de la
109
e le monstre de la guerre nous vomisse… Mais ceci
est
une autre histoire que je n’ai pas à conter maintenant. Et nous avons
110
n Royaume, à son Éternité. Répéter que les tièdes
seront
vomis, en détournant ce verset de son sens spirituel, c’est toujours
111
e (2 janvier 1942)g Le texte que nous publions
est
la conclusion d’une conférence que M. Denis de Rougemont a donnée en
112
Réforme, et spécialement sa tendance calviniste,
est
appelée à figurer dans notre siècle le type même de la sûre doctrine
113
totalitaire n’admet pas que « les choses vieilles
sont
passées », selon la parole de l’apôtre. Elle n’admet pas la conversio
114
tu ? Qu’espères-tu ? », mais elle demande « Quels
sont
tes morts ? ». Religion du sang, de la terre et des morts, religion s
115
déraliste du monde de demain. Si les totalitaires
sont
vaincus, ce seront les nations protestantes et fédéralistes d’esprit
116
e de demain. Si les totalitaires sont vaincus, ce
seront
les nations protestantes et fédéralistes d’esprit qui auront obtenu l
117
qui tend à réunir toutes les Églises chrétiennes,
fut
un luthérien, l’archevêque Nathan Soederblom. Il groupe aujourd’hui l
118
dmise des formes de culte et d’organisation. Ce n’
est
point par hasard que les calvinistes, bien qu’ils soient une minorité
119
point par hasard que les calvinistes, bien qu’ils
soient
une minorité, jouent un rôle de premier plan dans les travaux du Cons
120
esse, de « nationalisme protestant », auquel nous
sommes
tentés de céder parfois, sous l’effet de la polémique ou par un attac
121
s traditions secondaires. Le but de nos Églises n’
est
pas d’imposer le protestantisme au monde, mais d’annoncer l’Évangile,
122
ucune autre, je dirai ceci : L’Église protestante
est
justement celle qui ne se donne pas pour la seule forme d’Église poss
123
pas pour la seule forme d’Église possible ; elle
est
l’Église qui accepte d’être constamment réformée et jugée par la Véri
124
Église possible ; elle est l’Église qui accepte d’
être
constamment réformée et jugée par la Vérité même qu’elle annonce et d
125
Les tours du diable I : « Je ne
suis
personne » (15 octobre 1943)h i C’est dans les Petits poèmes en pr
126
oderne sur Satan : « La plus belle ruse du diable
est
de nous persuader qu’il n’existe pas. » Reconnaissons que ce tour n’a
127
er de nombreuses pages. Le premier tour du diable
est
son incognito. Dieu dit : Je suis celui qui suis. Mais le diable, qui
128
r tour du diable est son incognito. Dieu dit : Je
suis
celui qui suis. Mais le diable, qui a la manie de vouloir imiter la v
129
e est son incognito. Dieu dit : Je suis celui qui
suis
. Mais le diable, qui a la manie de vouloir imiter la vérité en la ret
130
e diable nous dit comme Ulysse au Cyclope : Je ne
suis
personne. De quoi aurais-tu peur ? Vas-tu trembler devant l’inexistan
131
yeux de la plupart d’entre nous. Car si le diable
est
simplement le démon rouge et cornu des mystères médiévaux, ou le faun
132
vre et à longue queue des légendes populaires, il
est
vraiment trop facile d’y croire : qui s’en donnerait encore la peine
133
balivernes d’un autre âge ? », disent-ils. Or ce
sont
eux qui s’y laissent prendre ! Fascinés par l’image traditionnelle et
134
ains peut-être… Ce qui me paraît incroyable, ce n’
est
pas le diable, et ce ne sont pas les anges, mais bien la candeur et l
135
raît incroyable, ce n’est pas le diable, et ce ne
sont
pas les anges, mais bien la candeur et la crédulité de ces « sceptiqu
136
e dont ils se montrent les victimes : « Le diable
est
un bonhomme à cornes rouges et à longue queue ; or je ne puis croire
137
ux qui en restent aux contes de bonnes femmes, ce
sont
ceux qui refusent de croire au diable à cause de l’image qu’ils s’en
138
iable à cause de l’image qu’ils s’en font, et qui
est
tirée des contes de bonnes femmes. Cependant la Bible dénonce l’exist
139
mes et de souffre avec ses faux prophètes, pour y
être
tourmenté nuit et jour, au siècle des siècles. La Bible, notez-le, pa
140
inaux). Si l’on croit à la vérité de la Bible, il
est
impossible de douter un seul instant de la réalité objective du diabl
141
gemont Denis de, « Les tours du diable I : “Je ne
suis
personne” », La Vie protestante, Genève, 15 octobre 1943, p. 1. i. L
142
ante, Genève, 15 octobre 1943, p. 1. i. Le texte
est
précédé de la note suivante de la rédaction : « Nous avons eu l’occas
143
ualité de sa pensée et l’autorité de son jugement
sont
reconnues bien au-delà de nos frontières. Nous dirions volontiers qu’
144
de nos frontières. Nous dirions volontiers qu’il
est
aujourd’hui un des meilleurs interprètes laïques d’une théologie prot
145
uctive. Sous le titre “Les tours du diable”, nous
sommes
heureux de pouvoir donner ici une première étude de l’auteur. Nous no
146
seul, dans toute la Création, peut dire ce qui n’
est
pas et mentir par ses actes. Le minéral repose où il fut composé, la
147
et mentir par ses actes. Le minéral repose où il
fut
composé, la plante pousse où se fixa la graine, les animaux muets son
148
te pousse où se fixa la graine, les animaux muets
sont
prisonniers de l’ordre intarissablement prodigue et infaillible de l’
149
il peut aussi créer à tort et à travers. Il peut
être
un agent responsable de la nature naturante, mais il peut aussi faire
150
de nos pouvoirs constitue notre liberté. Elle en
est
à la fois le signe et la condition nécessaire. Elle est notre gloire
151
la fois le signe et la condition nécessaire. Elle
est
notre gloire équivoque. C’est par la liberté, à cause d’elle, et dans
152
e un mensonge ou l’opérer. Par le langage l’homme
est
libre. Par le langage il peut mentir. Par sa liberté seule il peut pé
153
ar sa liberté seule il peut pécher. Et le péché n’
est
qu’un mensonge. Mais le mensonge proféré nous lie… Comprenons mainten
154
u’il agit en nous et nous lie. Si Ève n’avait pas
été
libre de manger cette pomme interdite, Ève n’aurait pu pécher, ni Ada
155
r, ni Adam après elle. Ainsi la gloire de l’homme
étant
sa liberté, il est clair que c’est en ce point que le Malin devait at
156
. Ainsi la gloire de l’homme étant sa liberté, il
est
clair que c’est en ce point que le Malin devait atteindre notre orgue
157
ns nos défenses les plus secrètes. La parole nous
étant
donnée pour répondre à la vérité, et pour l’étendre et confirmer par
158
endre et confirmer par la vertu du témoignage, il
est
clair que la grande ambition satanique devait être de s’emparer de la
159
est clair que la grande ambition satanique devait
être
de s’emparer de la parole dans notre bouche, pour altérer le témoigna
160
qui « tire sa langue dans notre langue ». Mais il
est
deux manières de mentir, comme il est deux manières de tromper un cli
161
». Mais il est deux manières de mentir, comme il
est
deux manières de tromper un client. Si la balance marque 980 grammes,
162
a balance elle-même, c’est le critère du vrai qui
est
dénaturé, il n’y a plus de contrôle possible. Et peu à peu vous oubli
163
a mesure même de la vérité, toutes vos « vertus »
sont
au service du mal et sont complices de l’œuvre du Malin. « Le diable
164
, toutes vos « vertus » sont au service du mal et
sont
complices de l’œuvre du Malin. « Le diable est menteur et le Père du
165
t sont complices de l’œuvre du Malin. « Le diable
est
menteur et le Père du mensonge », dit l’Évangile tel qu’on le cite d’
166
d’exister). Mais le texte original de ce passage
est
infiniment plus étrange. « Le diable est menteur, nous dit-il, et il
167
passage est infiniment plus étrange. « Le diable
est
menteur, nous dit-il, et il est le père de son propre mensonge. » Par
168
ange. « Le diable est menteur, nous dit-il, et il
est
le père de son propre mensonge. » Par ici nous entrons au mystère du
169
ntrons au mystère du mal. Le père de son mensonge
est
celui qui l’engendre, le conçoit par ses propres œuvres, en abusant d
170
tion du mensonge, car le mensonge, par essence, n’
est
pas ! C’est une espèce de décréation. C’est le trompe-l’œil et le son
171
tion bâtarde et de l’art inauthentique. Le diable
est
le père du faux art, de toutes ces œuvres qui ne sont « ni bien ni ma
172
le père du faux art, de toutes ces œuvres qui ne
sont
« ni bien ni mal », parce que l’acte dont elles naquirent supprime le
173
sir d’innocence utopique. Le mensonge ordinaire n’
était
que l’omission ou la contradiction d’une vérité, qui subsistait aille
174
sujet… Quel dommage ! Sa curiosité pourrait bien
être
déçue. Voyons. Tout le monde s’imagine que le péché par excellence ré
175
perçoit d’une manière assez simple : la sexualité
est
le domaine des tentations à la fois les plus sensibles et les plus co
176
ensibles et les plus communes. Assez peu d’hommes
sont
réellement tentés de voler le portefeuille du voisin, mais presque to
177
portefeuille du voisin, mais presque tout homme s’
est
vu tenter de prendre la femme du voisin, soit en recourant aux raison
178
me s’est vu tenter de prendre la femme du voisin,
soit
en recourant aux raisons pathétiques — « c’est vital ! » —, soit en s
179
nt aux raisons pathétiques — « c’est vital ! » —,
soit
en se persuadant que « ça n’a pas d’importance » ; ou les deux ensemb
180
s deux ensemble. En vérité, la sexualité en soi n’
est
pas plus diabolique que la digestion ou la respiration. Si la majorit
181
des Occidentaux se figurent que le péché originel
fut
l’acte sexuel, dont la consommation de la pomme serait le symbole, c’
182
t l’acte sexuel, dont la consommation de la pomme
serait
le symbole, c’est parce qu’ils assimilent le péché en général à la te
183
éral à la tentation par excellence, qui se trouve
être
à leurs yeux la sexualité. C’est une vue bien bornée du péché ! Car m
184
ve signifierait ce que l’on croit, notez que ce n’
est
pas le geste de manger une pomme qui était mauvais aux yeux de l’Éter
185
que ce n’est pas le geste de manger une pomme qui
était
mauvais aux yeux de l’Éternel, ni la pomme en soi (au contraire), mai
186
tour source de perversion. La paillardise joyeuse
est
certainement l’une des formes les moins diaboliques du péché. Je n’en
187
naturelles par un certain manque de nécessité. Il
est
nécessaire de manger et de respirer, et il est nécessaire que le sang
188
Il est nécessaire de manger et de respirer, et il
est
nécessaire que le sang circule, mais on peut vivre en restant chaste.
189
on peut vivre en restant chaste. L’usage du sexe
est
donc en grande partie libre et conscient. D’autre part, il est lié à
190
rande partie libre et conscient. D’autre part, il
est
lié à la créativité de l’homme, il en est l’aspect corporel, le symbo
191
art, il est lié à la créativité de l’homme, il en
est
l’aspect corporel, le symbole ou le signe physique. Or nous savons qu
192
l’homme peut pécher, c’est uniquement parce qu’il
est
libre, c’est-à-dire parce qu’il peut choisir de créer selon l’ordre d
193
ge que dans nos créations les plus abstraites. Il
est
même plus aisément reconnaissable, et dans cette mesure moins dangere
194
pruderie morbide du langage et des bonnes mœurs,
est
certes pour beaucoup dans la crise sexuelle dont souffre toute la bou
195
tanique et les névroses nées de troubles sexuels,
serait
simplement la franchise, non pas « scientifique » mais gaillarde. Mai
196
rime secrètement l’humanité de l’homme. Le sexe n’
est
pas plus divin qu’il n’est honteux, mais il est lié intimement aux fo
197
de l’homme. Le sexe n’est pas plus divin qu’il n’
est
honteux, mais il est lié intimement aux fonctions les plus humaines d
198
n’est pas plus divin qu’il n’est honteux, mais il
est
lié intimement aux fonctions les plus humaines de l’homme, à ses pouv
199
damentaux. En présence de cet affadissement, l’on
serait
tenté de regretter le temps où Satan proposait des combats plus fécon
200
able IV : L’accusateur (5 novembre 1943)l Il n’
est
peut-être au monde qu’une seule chose pire que de douter du bien et d
201
n’en connaîtra jamais toute l’étendue. Le diable
est
cet Accusateur qui veut nous faire douter de notre pardon pour nous f
202
prendre à ses pièges, sitôt qu’il nous a pris il
est
le premier à nous dénoncer devant Dieu de la manière la plus impitoya
203
’on condamne sans pitié son prochain ou soi-même,
soyez
sûrs que c’est le diable qui parle, l’Accusateur qui tient le pardon
204
Le tentateur (12 novembre 1943)m « Le serpent
était
le plus rusé de tous les animaux des champs que l’Éternel Dieu avait
205
res du jardin. Mais quant au fruit de l’arbre qui
est
au milieu du jardin, Dieu a dit : vous n’en mangerez point et vous n’
206
us en mangerez, vos yeux s’ouvriront, et que vous
serez
comme des dieux, connaissant le bien et le mal. » (Gen. 3:1 à 5) Voye
207
l réellement dit ?… » Sitôt que cette incertitude
est
insinuée dans un esprit, la possibilité d’une tentation s’entrouvre.
208
. On dit bien : l’occasion fait le larron. Vous n’
êtes
pas tenté d’aller dans la lune, parce que vous savez que c’est absolu
209
savez que c’est absolument impossible. Mais vous
seriez
probablement tenté d’y aller, si l’on vous suggérait quelque moyen de
210
mps de la tentation : « La femme vit que l’arbre
était
bon à manger et agréable à la vue, et qu’il était précieux pour ouvri
211
était bon à manger et agréable à la vue, et qu’il
était
précieux pour ouvrir l’intelligence : elle prit de son fruit et en ma
212
son fruit et en mangea. » (Gen. 3:6) Voyez : ce n’
est
pas le mal en soi qui tente, mais c’est toujours un bien qu’on imagin
213
ue l’on se figure « mieux fait pour soi ». Ève ne
fut
pas tentée par une chose mauvaise, mais par une fort belle et bonne p
214
able à la vue et précieuse pour l’esprit. Elle ne
fut
pas tentée par le désir de nuire, mais l’idée de se diviniser, ce qui
215
x yeux de Dieu c’était un mal… Ainsi la tentation
est
toujours utopie — si l’utopie est l’imagination, puis le désir d’un b
216
si la tentation est toujours utopie — si l’utopie
est
l’imagination, puis le désir d’un bien que le réel condamne et que le
217
entier de Golgotha. À l’origine, le « méchant » n’
est
pas celui qui agit par méchanceté (à ses propres yeux tout au moins).
218
ité méprisée se vengera automatiquement. Le péché
est
une faute, mais faute signifie tout à la fois erreur et chute. C’est
219
dans la certitude de faire le mal. » Mais ici se
sont
déclenchés les mécanismes compliqués de la perversion, de l’autopunit
220
et l’homme qui réussit, cette galerie de victimes
est
classique au point d’en être presque démodée. Car Satan marche avec s
221
e galerie de victimes est classique au point d’en
être
presque démodée. Car Satan marche avec son temps, et paraît se soucie
222
prétation des phénomènes collectifs d’aujourd’hui
fut
donnée vers 1848 par l’écrivain danois Kierkegaard, le penseur capita
223
més et hors d’eux-mêmes. Les scènes du Blocksberg
sont
le pendant exact de ces plaisirs démoniaques, qui consistent à se per
224
ayant perdu son moi, on ne sait plus ce que l’on
est
en train de faire ou de dire, on ne sait plus ce qui parle à travers
225
créateur de la masse : fuir sa propre personne, n’
être
plus responsable, donc plus coupable, et devenir du même coup partici
226
e de l’Anonyme. Or l’Anonyme a bien des chances d’
être
celui qui aime à dire : Je ne suis Personne… La foule, c’est le lieu
227
des chances d’être celui qui aime à dire : Je ne
suis
Personne… La foule, c’est le lieu de rendez-vous des hommes qui se fu
228
ommes qui se fuient, eux et leur vocation. Elle n’
est
personne et tire de là son assurance dans le crime. « Il ne s’est pas
229
tire de là son assurance dans le crime. « Il ne s’
est
pas trouvé un seul soldat pour porter la main sur Caius Marius, telle
230
oldat pour porter la main sur Caius Marius, telle
est
la vérité. Mais trois ou quatre femmes, dans l’illusion d’être une fo
231
é. Mais trois ou quatre femmes, dans l’illusion d’
être
une foule, et que personne peut-être ne saurait dire qui l’avait fait
232
aient eu ce courage ! Ô mensonge !… Car une foule
est
une abstraction qui n’a pas de mains, mais chaque homme isolé a, dans
233
et lorsqu’il porte ces deux mains sur Marius, ce
sont
ses mains, non celles du voisin, et non celles de la foule qui n’a pa
234
unique artifice : faire croire à l’homme qu’il n’
est
pas responsable, qu’il n’y a pas de Juge, que la Loi est douteuse, qu
235
responsable, qu’il n’y a pas de Juge, que la Loi
est
douteuse, qu’on ne saura pas, et que d’ailleurs, une fois le coup réu
236
s, et que d’ailleurs, une fois le coup réussi, on
sera
Dieu soi-même, donc maître de fixer le bien et le mal à sa guise. «
237
ais l’Éternel Dieu appela l’homme et lui dit : Où
es
-tu ? Il répondit : J’ai entendu ta voix dans le jardin, et j’ai eu pe
238
oix dans le jardin, et j’ai eu peur, parce que je
suis
nu, et je me suis caché. Et l’Éternel Dieu dit : Qui t’a appris que t
239
, et j’ai eu peur, parce que je suis nu, et je me
suis
caché. Et l’Éternel Dieu dit : Qui t’a appris que tu es nu ? Est-ce q
240
hé. Et l’Éternel Dieu dit : Qui t’a appris que tu
es
nu ? Est-ce que tu as mangé de l’arbre dont je t’avais défendu de man
241
’Éternel Dieu dit : Qui t’a appris que tu es nu ?
Est
-ce que tu as mangé de l’arbre dont je t’avais défendu de manger ? L’h
242
(Gen. 3:8-13) Voyez : ils vont se cacher, ils n’y
sont
plus. Et quand on les attrape, ils disent que c’était l’autre. Ainsi
243
dire : c’était l’autre ! Et dans le lieu où l’on
est
, à coup sûr, le plus « loin de la face de l’Éternel ». Pour qu’il n’y
244
réponse, je dis qu’il n’y a personne. La personne
est
en nous ce qui répond de nos actes, ce qui est « capable de réponse »
245
ne est en nous ce qui répond de nos actes, ce qui
est
« capable de réponse » ou responsable ; dans une foule, il n’y a plus
246
e cadre de nos vies, à nous priver du sentiment d’
être
une personne responsable. Nous vivons tous, de plus en plus, dans un
247
ce dans un au-delà. D’une part l’individu moderne
est
incité à juger sa vie mesquine, et à la fuir ; d’autre part il est as
248
r sa vie mesquine, et à la fuir ; d’autre part il
est
aspiré par les grandes émotions collectives. Cette répulsion et cette
249
les poussent l’homme à rechercher les occasions d’
être
dépossédé de soi. Elles font de chacun de nous un sujet prédisposé à
250
tout fait : l’homme les a faits d’abord, et ce n’
est
point par hasard qu’il a fait ceux-là et non d’autres. Les véritables
251
causes et racines du phénomène moderne des masses
sont
dans notre attitude spirituelle. La foule n’est pas dans la rue seule
252
sont dans notre attitude spirituelle. La foule n’
est
pas dans la rue seulement. Elle est dans la pensée des hommes de ce t
253
e. La foule n’est pas dans la rue seulement. Elle
est
dans la pensée des hommes de ce temps, elle a ses sources au plus int
254
de nous, et donc de moi aussi. Mais si le diable
est
partout, sa figure se brouille. Et les définitions que j’en ai donnée
255
e neutraliser. Vos descriptions, me dira-t-on, ne
sont
pas bien claires. Pourquoi ne pas nous donner une image nette et faci
256
ble de la personne de Satan ? C’est que le diable
est
justement celui qui n’est jamais clairement et honnêtement définissab
257
n ? C’est que le diable est justement celui qui n’
est
jamais clairement et honnêtement définissable. Il est celui qui s’arr
258
jamais clairement et honnêtement définissable. Il
est
celui qui s’arrange toujours pour être à la fois juge et partie dans
259
issable. Il est celui qui s’arrange toujours pour
être
à la fois juge et partie dans le procès de sa définition. Un être par
260
uge et partie dans le procès de sa définition. Un
être
paradoxal pas essence. Il est, oui, mais il est dans tout être ce qui
261
sa définition. Un être paradoxal pas essence. Il
est
, oui, mais il est dans tout être ce qui n’est pas, ce qui tend au néa
262
être paradoxal pas essence. Il est, oui, mais il
est
dans tout être ce qui n’est pas, ce qui tend au néant, ce qui souhait
263
l pas essence. Il est, oui, mais il est dans tout
être
ce qui n’est pas, ce qui tend au néant, ce qui souhaite secrètement l
264
Il est, oui, mais il est dans tout être ce qui n’
est
pas, ce qui tend au néant, ce qui souhaite secrètement la destruction
265
e des autres ou la sienne propre. Sa qualité de n’
être
pas ceci ou cela de positif lui donne une liberté indéfinie d’action,
266
la fois, repoussant mais non moins fascinant, il
est
sans doute la créature la plus poétique du monde, au sens romantique
267
ique du monde, au sens romantique de ce terme. Il
est
beau aux yeux des naïfs qui croient que le mal doit être laid ; et il
268
au aux yeux des naïfs qui croient que le mal doit
être
laid ; et il est d’une laideur irrésistiblement attirante aux yeux de
269
ïfs qui croient que le mal doit être laid ; et il
est
d’une laideur irrésistiblement attirante aux yeux des désabusés et de
270
yeux des désabusés et des raffinés. En bref, il n’
est
jamais où vous pensiez le trouver. Il imite, en la caricaturant, l’ac
271
les. Voilà le diable à l’œuvre dans nos vies ! Il
est
l’essence même de la Cinquième Colonne au siècle des siècles. Enfin —
272
t me rendre prudent, personnellement —, le diable
est
l’être qui, lorsqu’une dénonciation le fait déguerpir de sa cachette,
273
endre prudent, personnellement —, le diable est l’
être
qui, lorsqu’une dénonciation le fait déguerpir de sa cachette, va se
274
z un autre et lui régler son compte — voici qu’il
est
devenu vous-même ! Mais alors ?… Eh bien ! si vous voulez déjouer les
275
verez le plus sûrement : dans le fauteuil où vous
êtes
assis. o. Rougemont Denis de, « Les tours du diable VII : La cinqu
276
uasi universelle dans les masses et l’élite, l’on
est
induit à reconnaître que le Progrès automatique n’était qu’un déguise
277
induit à reconnaître que le Progrès automatique n’
était
qu’un déguisement du diable. Non pas qu’aucun progrès réel soit diabo
278
uisement du diable. Non pas qu’aucun progrès réel
soit
diabolique en soi ! Mais si l’on s’abandonne au rêve du Progrès, lais
279
libre pour nous duper. Nous avons cru que le mal
était
relatif dans le monde, qu’il provenait d’une mauvaise répartition des
280
ou de refoulements et d’injustices qui pouvaient
être
éliminés par des mesures adroites. Toutes ces croyances, en grande pa
281
dans la définition même de l’homme en tant qu’il
est
humain. Nous avons été optimistes par principe, et presque par savoir
282
e de l’homme en tant qu’il est humain. Nous avons
été
optimistes par principe, et presque par savoir-vivre, dirait-on, malg
283
tous les démentis de la réalité. Cet optimisme n’
est
pas la confiance naïve de l’enfant, mais une espèce de mensonge. Exac
284
e celui qui dénonce le mal comme fondamental doit
être
lui-même très méchant. Nous croyons qu’en avouant le mal, nous le cré
285
en présence d’un miracle du bien : trop beau pour
être
vrai ! nous disions en présence de certaines descriptions du mal : tr
286
certaines descriptions du mal : trop affreux pour
être
vrai ! Cependant c’était vrai, mais cela nous gênait. Nous l’écartion
287
nt de nos pensées… Car si ce « trop affreux » eût
été
vraiment vrai, il eût fallu agir d’urgence et sans réserve ; et si no
288
agir d’urgence et sans réserve ; et si nous nous
étions
mis à agir sans réserve, nous aurions vu très vite que ce mal avait d
289
le mal, qu’ils ne le désiraient nullement, qu’ils
étaient
bons et les autres méchants, et que c’était tellement simple… Comme j
290
tait tellement simple… Comme je voudrais que cela
soit
aussi simple ! Ne fût-ce que pour le moral militaire. Car, ainsi qu’a
291
Comme je voudrais que cela soit aussi simple ! Ne
fût
-ce que pour le moral militaire. Car, ainsi qu’aimait à le répéter un
292
trichien, Conrad von Hötzendorf : « Tout ce qui n’
est
pas aussi simple qu’une gifle ne vaut rien pour la guerre. » C’est sa
293
C’est une espèce de guerre civile mondiale. Elle
sera
perdue si nous perdons d’abord le sens de la réalité morale. ⁂ L’une
294
qui se dégagent des événements actuels me paraît
être
celle-ci : la haine purement sentimentale du mal qui est chez autrui
295
le-ci : la haine purement sentimentale du mal qui
est
chez autrui peut aveugler sur le mal que l’on porte en soi, et sur le
296
néral. La condamnation trop facile du méchant qui
est
en face peut recouvrir et favoriser beaucoup de complaisance intime à
297
aux braves démocrates : — Regardez le diable qui
est
parmi nous ! Cessez de croire qu’il ne peut ressembler qu’à vos ennem
298
le prendrez sur le fait. Et alors seulement, vous
serez
en état de la dépister chez autrui, et de l’y combattre avec succès.
299
combattre avec succès. Car alors seulement, vous
serez
guéris de votre naïveté invraisemblable devant le danger totalitaire.
300
Les tours du diable IX : « Nous
sommes
tous coupables » (10 décembre 1943)q Chacun sait que les « primiti
301
accidents, de la stérilité ou de la mort. Que ce
soit
un sorcier, un profanateur du sacré, un animal, un nuage, un bout de
302
jours la cause du mal dont souffrent ces sauvages
est
indépendante d’eux-mêmes. À l’inverse, le christianisme s’est efforcé
303
ante d’eux-mêmes. À l’inverse, le christianisme s’
est
efforcé depuis des siècles de nous faire comprendre que le Royaume de
304
s de nous faire comprendre que le Royaume de Dieu
est
en nous, que le Mal aussi est en nous, et que le champ de leur batail
305
le Royaume de Dieu est en nous, que le Mal aussi
est
en nous, et que le champ de leur bataille n’est pas ailleurs que dans
306
i est en nous, et que le champ de leur bataille n’
est
pas ailleurs que dans nos cœurs. Cette éducation a largement échoué.
307
n face, toujours, ou la force des choses. Si nous
sommes
révolutionnaires, nous croyons qu’en changeant la disposition de cert
308
pprimerons les causes des maux du siècle. Si nous
sommes
des capitalistes, nous croyons qu’en déplaçant vers nous ces mêmes ob
309
us ces mêmes objets, nous sauverons tout. Si nous
sommes
de braves démocrates, inquiets ou optimistes, nous croyons qu’en rôti
310
, nous rétablirons la paix et la prospérité. Nous
sommes
encore en pleine mentalité magique. Comme de petits enfants en colère
311
olère, nous battons la table à laquelle nous nous
sommes
heurtés. Ou comme Xerxès, nous flagellons les eaux de l’Hellespont, à
312
s. Anéantir les signes extérieurs de la menace ne
serait
nullement suffisant pour nous en délivrer. Ces signes personnifient d
313
de quelque déséquilibre temporaire. L’adversaire
est
toujours en nous. Et c’est pourquoi je pense que le chrétien véritabl
314
c’est pourquoi je pense que le chrétien véritable
serait
cet homme qui n’aurait d’autre ennemi à craindre que celui qu’il loge
315
rétendu qu’il agissait par mauvaise volonté. Nous
sommes
tous des « hommes de bonne volonté ». Pourtant voyez ce qui se passe
316
des inégalités dans la responsabilité. Mais nous
sommes
tous dans le mal, nous sommes tous les complices des plus grandes res
317
sabilité. Mais nous sommes tous dans le mal, nous
sommes
tous les complices des plus grandes responsables du monde. Cependant,
318
menaçant. L’intention des remarques précédentes n’
est
nullement de justifier « les autres », que l’on avait d’abord accusés
319
sac, sans distinctions… Je veux dire ceci : nous
sommes
tous coupables dans la mesure où nous ne reconnaissons pas et ne cond
320
et qui juge nos intérêts « vitaux » (comme ils le
sont
toujours…). Mais, si je ressemble à un criminel, cela ne justifie pas
321
r empêcher le criminel de poursuivre ses méfaits,
sont
une seule et même lutte. Que servirait de gagner cette lutte en moi s
322
et hors de moi. C’est le même diable ! Et ceci n’
est
qu’un post-scriptum à l’adresse des pacifistes : « Nous sommes tous c
323
post-scriptum à l’adresse des pacifistes : « Nous
sommes
tous coupables, me disent-ils, donc nous n’avons pas le droit moral d
324
celui que nous tenons pour un coupable. » — Nous
sommes
tous coupables, certes, mais si nous en sommes persuadés, il ne nous
325
us sommes tous coupables, certes, mais si nous en
sommes
persuadés, il ne nous reste plus qu’à combattre le mal, en nous et ho
326
ous des saints. Cela n’implique même pas que nous
soyons
« meilleurs que les autres ». Mais nous serons sûrement pires si nous
327
us soyons « meilleurs que les autres ». Mais nous
serons
sûrement pires si nous ne faisons pas notre métier. q. Rougemont D
328
gemont Denis de, « Les tours du diable IX : “Nous
sommes
tous coupables” », La Vie protestante, Genève, 10 décembre 1943, p. 2
329
décembre 1943)r Qui donc disait que le diable
est
un monsieur très bien ? Entre les gens du monde et le Prince de ce mo
330
t monoclé. Le diable, dit un proverbe espagnol, n’
est
pas à craindre parce qu’il est si méchant, mais parce qu’il est si vi
331
overbe espagnol, n’est pas à craindre parce qu’il
est
si méchant, mais parce qu’il est si vieux. C’est ce que l’on peut pen
332
ndre parce qu’il est si méchant, mais parce qu’il
est
si vieux. C’est ce que l’on peut penser aussi des gens du monde, et d
333
ral. Elle a son charme et son utilité ; mais elle
est
vieille, elle est trop avertie, elle offre trop de recettes éprouvées
334
arme et son utilité ; mais elle est vieille, elle
est
trop avertie, elle offre trop de recettes éprouvées : elle finit par
335
compris ». La fonction normale de la vie mondaine
serait
de maintenir et d’illustrer un certain nombre de devises d’élégance m
336
abolique, tout au contraire. Le jeu mondain, s’il
est
bien joué, ménage autant de liberté qu’il ne suppose, dit-on, d’hypoc
337
reposant des formes fixes. Mais le mondain qui n’
est
que cela inspire une sorte d’effroi furtif, révélateur d’une présence
338
nces ; sa capacité d’éliminer froidement ce qui n’
est
pas conforme aux goûts appris ; sa propension presque maniaque à n’at
339
er de l’importance qu’à un détail fortuit dans un
être
ou une œuvre ; tous ces traits qui pourraient dénoter l’exigence d’un
340
s stérilisants qu’entraîne sa fréquentation. Ce n’
est
pas le goût ni même le pédantisme de la forme qui est satanique, c’es
341
pas le goût ni même le pédantisme de la forme qui
est
satanique, c’est le goût de la forme imitée. Le milieu mondain le plu
342
le plus suavement correct et moral peut fort bien
être
préféré par le diable à ces milieux bohèmes et de mœurs relâchées qui
343
de village. Mais l’incognito et l’alibi du diable
sont
exactement inverses : c’est dans l’image de nos dieux qu’il va se dis
344
ient pas ont renié la Révélation. Dès lors ils en
étaient
réduits à inventer Dieu. Mais on n’invente que ce que l’on est sans l
345
inventer Dieu. Mais on n’invente que ce que l’on
est
sans le savoir. Ils ont donc inventé un « Dieu » qui était le moi con
346
s le savoir. Ils ont donc inventé un « Dieu » qui
était
le moi conscient ou inconscient de ses croyants. Une image de leur im
347
ou une compensation rêvée de leurs défauts. Et ce
fut
le Dieu de la raison pour les tempéraments rationalistes, le Dieu de
348
asse. Dans ces trois entités divinisées, le moi n’
est
plus déguisé qu’en un nous. Et ces trois entités ont ceci de commun :
349
t ces trois entités ont ceci de commun : elles ne
sont
responsables de rien devant personne, s’étant faites elles-mêmes les
350
s ne sont responsables de rien devant personne, s’
étant
faites elles-mêmes les critères de toute vérité purement humaine, et
351
ute vérité purement humaine, et décrétant qu’il n’
est
plus d’autre vérité. Or, aux yeux de ceux qui les servent, l’homme n’
352
s. Dans la mesure où nous leur obéissons, nous ne
sommes
donc plus responsables de nos actes, mais elles le sont à notre place
353
onc plus responsables de nos actes, mais elles le
sont
à notre place. Et comme elles-mêmes n’ont à répondre devant aucune in
354
dons pas avec l’entité divinisée — parce que nous
sommes
d’une autre race, d’une autre classe, ou d’une autre génération physi
355
ale que celle qui détient le pouvoir — alors nous
sommes
des « vipères lubriques » et nous devons le confesser publiquement. A
356
us recevons une balle dans la nuque, ou bien nous
sommes
décapités à la hache, selon qu’il s’agit respectivement du dieu Class
357
dieu Classe ou du dieu Race. Les dieux des hommes
sont
sans pardon. Ce sont des diables. Toutefois le diable est sans doute
358
u Race. Les dieux des hommes sont sans pardon. Ce
sont
des diables. Toutefois le diable est sans doute moins dangereux lorsq
359
pardon. Ce sont des diables. Toutefois le diable
est
sans doute moins dangereux lorsqu’il nous tue, que lorsqu’il prétend
360
s tue, que lorsqu’il prétend nous faire vivre. Il
est
moins dangereux dans nos vices que dans nos vertus satisfaites… Voyez
361
e dont la fumée montait comme un encens et devait
être
en bonne odeur à l’Éternel, car cet homme avait le cœur pur. À quelqu
362
ble. Il m’a l’air terriblement bon ! Et ses plans
sont
irréprochables, paraît-il : intelligents et généreux, idéalistes, réa
363
aissé tomber en donnant une pièce au mendiant. Il
est
parfait, ce plan, comme tu le craignais. Mais moi, je vais l’organise
364
ntendre que les statuts de l’Assemblée européenne
seraient
terminés ces jours-ci, à Londres. Il eût été bien beau de faire coïnc
365
seraient terminés ces jours-ci, à Londres. Il eût
été
bien beau de faire coïncider cette annonce du renouveau européen avec
366
péen avec la fête de la Résurrection. Mais rien n’
est
venu jusqu’ici. Eh ! bien, si ce n’est pas pour Pâques, ce sera donc
367
ais rien n’est venu jusqu’ici. Eh ! bien, si ce n’
est
pas pour Pâques, ce sera donc pour la Trinité ! — et cela ne veut pas
368
u’ici. Eh ! bien, si ce n’est pas pour Pâques, ce
sera
donc pour la Trinité ! — et cela ne veut pas dire, comme dans la chan
369
ue nous ne verrons jamais rien venir : car l’élan
est
donné, le mouvement est en marche, et plus rien ne peut l’arrêter. No
370
s rien venir : car l’élan est donné, le mouvement
est
en marche, et plus rien ne peut l’arrêter. Nous aurons certainement l
371
c’est de savoir comment elle se fera. Peut-être n’
est
-il pas mauvais que la conférence des Dix ambassadeurs, à Londres1, pr
372
i de nos pays, tout dépend d’une seule chose, qui
est
celle-ci : les hommes d’État chargés de faire l’Europe auront-ils la
373
is trois. Il y a celle du jeune Garry Davis. Elle
est
très vaste, mais aussi très vague. Il se promène ces jours-ci dans le
374
oms célèbres, mais sans rien déchirer du tout. Il
est
sympathique et très pur. Il rêve d’une Assemblée mondiale et d’un gou
375
l’épuration permanente, — et ceci tue cela, ce n’
est
pas notre faute, ni la faute de Garry Davis… Il y a enfin une troisiè
376
troisième vision, celle de l’Europe fédérée. Elle
est
moins vaste, en vérité, que celle du jeune Américain, mais à cause de
377
jeune Américain, mais à cause de cela même, elle
est
plus claire et proche. Je voudrais l’appeler aujourd’hui la vision du
378
re promise Paix, liberté, prospérité, tels ont
été
les grands motifs de toutes les confédérations qui ont vu le jour au
379
pour la paix du monde entier, alors le principal
est
fait. Et si les Dix ambassadeurs à Londres ont bien vu cela, ils ne s
380
rts. Tout dépend de la vision qu’ils auront. Il n’
est
point d’ordre politique qui serve l’homme, s’il n’est orienté dès le
381
point d’ordre politique qui serve l’homme, s’il n’
est
orienté dès le départ par une vision libératrice et fascinante. L’Eur
382
au allons-nous aborder demain ? Se peut-il que ce
soit
tout simplement l’Europe, redécouverte à la faveur de son union ? Une
383
i doit se tenir en septembre, et dont les députés
seront
nommés par les parlements. 2. (Réd. — Nous devons à l’obligeance de
384
ctaculaire. Aux États-Unis, d’où je reviens, il n’
est
question que du « miracle européen ». C’est un fait : la montée vers
385
: la montée vers une prospérité sans précédent s’
est
opérée dans le temps même où l’Europe achevait de libérer ses colonie
386
santé : elle veut se fédérer. Et bien sûr, tout n’
est
pas encore gagné. Mais en demandant son accession à ce Marché commun
387
, la Grande-Bretagne a démontré que l’Europe unie
était
d’ores et déjà bien autre chose qu’une rêverie d’intellectuels. Tel e
388
n autre chose qu’une rêverie d’intellectuels. Tel
est
sans doute le fait majeur qui marquera l’année 1961 aux yeux de l’his
389
on irrésistible. Et le Grand Occident reconstitué
serait
garant de la paix mondiale. N’est-il pas admirable que l’année de l’E
390
reconstitué serait garant de la paix mondiale. N’
est
-il pas admirable que l’année de l’Europe ait coïncidé par hasard avec
391
se de Rome jouera sa part l’année prochaine. Nous
sommes
au seuil de l’ère des convergences, au-delà des nations souveraines e
392
es sur elles-mêmes. Une nouvelle Renaissance, qui
est
le fédéralisme, et une nouvelle Réforme, qui est l’œcuménisme, attend
393
est le fédéralisme, et une nouvelle Réforme, qui
est
l’œcuménisme, attendent notre foi et nos œuvres. Beau programme pour
394
et pour la suite ! Presque tout reste à faire, il
est
vrai. Sachons du moins à quels grands buts lointains nous pouvons adr
395
ovisoire : La Réforme permanente. La Réforme ne s’
est
pas faite une fois pour toutes. Luther et Calvin n’ont pas été les pr
396
une fois pour toutes. Luther et Calvin n’ont pas
été
les premiers réformateurs de l’Église, et ne seront pas les derniers.
397
été les premiers réformateurs de l’Église, et ne
seront
pas les derniers. Défendre l’héritage de la Réformation, ce n’est pas
398
iers. Défendre l’héritage de la Réformation, ce n’
est
pas répéter ce que disaient ses auteurs, mais continuer à réformer. S
399
auteurs, mais continuer à réformer. Seuls peuvent
être
fidèles à l’esprit de Luther et de Calvin un luthéranisme et un calvi
400
ante, Genève, 29 octobre 1965, p. 1. v. Le texte
est
introduit par la note suivante : « Que signifie pour vous, avons-nous
401
er reformanda” (l’Église, réformée, doit toujours
être
à nouveau réformée) ? »
402
La lune, ce n’
est
pas le paradis (1er août 1969)x y Ce mois-ci, ce n’est pas sur la
403
le paradis (1er août 1969)x y Ce mois-ci, ce n’
est
pas sur la Terre que nous allons chercher l’actualité qui sera notre
404
la Terre que nous allons chercher l’actualité qui
sera
notre sujet de réflexion, mais sur la Lune. Il m’est venu une questio
405
notre sujet de réflexion, mais sur la Lune. Il m’
est
venu une question, Denis de Rougemont, et j’ai envie de la poser au p
406
et j’ai envie de la poser au philosophe que vous
êtes
: est-ce que nous savons pourquoi nous y allons ? Ce qui me frappe da
407
i envie de la poser au philosophe que vous êtes :
est
-ce que nous savons pourquoi nous y allons ? Ce qui me frappe dans l’a
408
rappe dans l’aventure d’« Apollo », c’est qu’elle
est
l’entreprise qui a coûté le plus cher dans toute l’histoire de l’huma
409
s — mais cette opération, la plus chère du monde,
est
aussi la moins motivée. Les motifs que l’on a allégués en public sont
410
motivée. Les motifs que l’on a allégués en public
sont
puérils : le président Kennedy avait annoncé il y a huit ou neuf ans
411
dy avait annoncé il y a huit ou neuf ans : « Nous
serons
sur la Lune avant 1970. » Cela voulait dire : avant les Russes, aussi
412
it dire uniquement cela. Cela voulait dire : nous
serons
les premiers. C’est un motif puéril, je le répète, une gaminerie. Il
413
ifique. Tout cela ramène toujours au même motif :
être
les premiers. Et alors, on peut se dire ceci : on aurait pu avoir les
414
les appliquer à un autre but, dont l’utilité eût
été
plus immédiatement apparente ? Oui, on aurait pu consacrer ne fût-ce
415
tement apparente ? Oui, on aurait pu consacrer ne
fût
-ce qu’une partie de ces 100 milliards de francs suisses à augmenter l
416
pauvreté ou pour une meilleure hygiène. Pourquoi
est
-ce qu’on a choisi l’espace, concrétisé par la Lune, dans le cas qui n
417
ortelle les uns et les autres que cela saute, ont
été
amenés — peut-être inconsciemment — à transposer leur conflit dans l’
418
dit que c’est une aventure scientifique, mais qu’
est
-ce qu’on met dans les modules spatiaux ? Pas des savants, mais des co
419
généraux. On pourrait dire que tout ce qu’ils ont
été
chercher là-haut, c’est une étoile — une petite étoile en cuivre qu’i
420
qu’ils se mettent sur l’épaulette. Néanmoins, ce
sont
les savants qui les font aller là-bas. Alors il y a un petit jeu subt
421
s cette affaire ? Les savants peuvent dire que ce
sont
eux qui transforment ces colonels en projectiles à têtes chercheuses.
422
aient dire — et ils le pensent peut-être — que ce
sont
eux qui utilisent le prétexte militaire en faveur d’une connaissance
423
on ne les saura que beaucoup plus tard, et ce ne
seront
pas les « bons » (les vrais) que l’on décidera d’adopter officielleme
424
on avait fait tout ce programme si coûteux ! Il s’
est
produit exactement la même histoire avec Christophe Colomb, mais en s
425
ti avec ses petites caravelles, c’est parce qu’il
était
au service d’un roi d’Espagne rapace, cupide, qui voulait de l’or et
426
. Or les motivations réelles de Christophe Colomb
étaient
d’un tout autre ordre — on peut le vérifier dans son journal : c’étai
427
parce qu’on lui avait dit qu’aux Indes les cités
étaient
pavées d’or et les palais recouverts de tuiles d’or. Or Christophe Co
428
, on y a recruté des esclaves. Mais la motivation
était
d’un ordre complètement différent. Je voudrais vous poser une autre q
429
une autre question, toujours sur le même sujet :
est
-ce que vous êtes déçu, finalement, ou est-ce que vous avez envie d’al
430
ion, toujours sur le même sujet : est-ce que vous
êtes
déçu, finalement, ou est-ce que vous avez envie d’aller dans la Lune
431
sujet : est-ce que vous êtes déçu, finalement, ou
est
-ce que vous avez envie d’aller dans la Lune ? Je suis profondément dé
432
-ce que vous avez envie d’aller dans la Lune ? Je
suis
profondément déçu. Je suis dans un sentiment de désenchantement. J’ai
433
ller dans la Lune ? Je suis profondément déçu. Je
suis
dans un sentiment de désenchantement. J’ai l’impression que les rêves
434
Jules Verne — dépassaient de beaucoup ce que nous
sommes
en train de faire. Le rêve dévalorise l’actualisation de la découvert
435
on avance vers la substance de la chose, quand on
est
prêt à la toucher, on s’aperçoit que la Lune est une malheureuse, vil
436
est prêt à la toucher, on s’aperçoit que la Lune
est
une malheureuse, vilaine chose, couverte de tuf volcanique, de lave p
437
la Lune : c’est un texte de Werner von Braun, qui
est
un des pères du voyage dans la Lune, et qui nous décrit le paradis qu
438
ires. Alors on arrive à se demander aujourd’hui :
est
-ce que l’on a dépensé 100 milliards — 100 milliards n’étant qu’une pa
439
ue l’on a dépensé 100 milliards — 100 milliards n’
étant
qu’une partie de la dépense totale — pour avoir un Moon-Hilton ? … de
440
la surface terrestre, des arbres, de l’herbe… Ce
sont
des réactions subjectives que nous exprimons. Mais on peut imaginer d
441
e. H. G. Wells, le célèbre romancier anglais, qui
est
l’un des pères de l’anticipation, était allé l’interviewer. « Je dis
442
nglais, qui est l’un des pères de l’anticipation,
était
allé l’interviewer. « Je dis à Lénine, raconte Wells, que le développ
443
énine, c’est une prophétie assez extraordinaire :
est
-ce qu’elle est complètement fausse ? Sûrement pas, car la recherche s
444
e prophétie assez extraordinaire : est-ce qu’elle
est
complètement fausse ? Sûrement pas, car la recherche spatiale, l’arri
445
herche spatiale, l’arrivée sur la Lune notamment,
est
d’une part une concurrence entre les Américains et les Russes, mais d
446
ur lui ! Si pour lui, la seule doctrine véritable
est
le marxisme, qui est une doctrine des rapports de productions, il est
447
la seule doctrine véritable est le marxisme, qui
est
une doctrine des rapports de productions, il est évident qu’elle ne v
448
est une doctrine des rapports de productions, il
est
évident qu’elle ne vaut plus rien si on va sur la Lune — où les rappo
449
a sur la Lune — où les rapports de productions ne
sont
en rien comparables à ce qu’ils étaient au xixe siècle, quand Marx a
450
oductions ne sont en rien comparables à ce qu’ils
étaient
au xixe siècle, quand Marx a écrit sa théorie. Il n’y a pas de prolé
451
s les doctrines philosophiques et morales devront
être
révisées dans ces nouvelles dimensions de l’espace. Car si vous prene
452
une doctrine comme le christianisme, dont la base
est
l’amour du prochain, je ne vois pas en quoi elle serait modifiée si d
453
l’amour du prochain, je ne vois pas en quoi elle
serait
modifiée si deux hommes arrivent sur la Lune. Ils auront les mêmes pr
454
ression de frustration, à me dire : la Lune, ce n’
est
pas aussi beau, ce n’est pas aussi paradisiaque qu’on le pensait. Au
455
me dire : la Lune, ce n’est pas aussi beau, ce n’
est
pas aussi paradisiaque qu’on le pensait. Au fur et à mesure que l’hom
456
ns plus enfermé sur la Terre. C’est-à-dire que je
suis
frustré par les dimensions physiques augmentées dans l’espace. Et cel
457
ne à cette idée que la véritable aventure humaine
est
à l’intérieur de chacun de nous, non pas à l’extérieur, dans l’espace
458
la technique, les plus grands achèvements humains
sont
les plus simples, ceux qui demandent le moins d’argent et qui finisse
459
de ni crédit, ni gadget. En quoi je pense qu’elle
est
vraiment le sommet de l’aventure humaine. Relisant au lendemain du r
460
éjà, jusque dans l’administration Nixon, pour que
soit
reportée sur la Terre une part ou moins des centaines de milliards qu
461
nde ne peut répondre pour un autre — ou sinon, où
serait
l’aventure ? x. Rougemont Denis de, « [Entretien] La lune, ce n’es
462
Rougemont Denis de, « [Entretien] La lune, ce n’
est
pas le paradis », La Vie protestante, Genève, 1 août 1969, p. 1-2. y
463
8)z Vous venez de publier un livre : L’Avenir
est
notre affaire . Qu’entendez-vous par ce titre ? Je pense que nous som
464
Qu’entendez-vous par ce titre ? Je pense que nous
sommes
responsables, nous les hommes, de toutes les crises de l’humanité et
465
t. Dans le monde où nous existons, même la nature
est
faite par l’homme, il n’y a plus de nature sauvage. Il faut bien que
466
ons de sortir de la crise dans laquelle nous nous
sommes
plongés. Pour la première fois de l’histoire, l’homme se voit contrai
467
t contraint de choisir librement son avenir. Ce n’
est
donc pas dans une visée prométhéenne qu’il faut comprendre votre titr
468
l faut comprendre votre titre ? Pas du tout, ce n’
est
pas un défi. Simplement, nous n’avons plus le droit de nous cacher, m
469
eu. Quand on voit que les choses tournent mal, il
est
trop tard pour dire : Ce n’est pas ma faute ! C’était l’autre, ou la
470
s tournent mal, il est trop tard pour dire : Ce n’
est
pas ma faute ! C’était l’autre, ou la fatalité… On en revient toujour
471
anité ? », j’ai répondu : C’est quelque chose qui
est
plus fort que moi, et qui est l’espérance. C’est une volonté, un dési
472
t quelque chose qui est plus fort que moi, et qui
est
l’espérance. C’est une volonté, un désir éperdu que la vie continue.
473
e espérance chrétienne, c’est quelque chose qui m’
est
plutôt chevillé au corps. C’est peut-être l’envie de vivre, une curio
474
de la Nouvelle Jérusalem, d’une cité nouvelle qui
sera
vraiment humaine et en même temps vraiment divine (« à mesure d’homme
475
me temps vraiment divine (« à mesure d’homme, qui
est
mesure d’ange » : Apoc. ch. 21, v. 17). Il est question là d’un dével
476
ui est mesure d’ange » : Apoc. ch. 21, v. 17). Il
est
question là d’un développement de la vie de l’humanité vers la pléni
477
t de la vie de l’humanité vers la plénitude, qui
est
une divinisation de l’homme. S’il y a dans votre livre des passages t
478
lez provoquer la peur du lecteur, le fond de tout
est
pourtant un courant d’optimisme et d’espérance ? Oui ! Si j’étais tot
479
n courant d’optimisme et d’espérance ? Oui ! Si j’
étais
totalement pessimiste, si je pensais qu’il n’y a plus rien à faire, j
480
pas « bof ». Ceux que je connais. Je pense qu’il
est
faux de dire que la génération actuelle est la « bof-génération » : c
481
qu’il est faux de dire que la génération actuelle
est
la « bof-génération » : ce sont des choses que les hebdomadaires inve
482
énération actuelle est la « bof-génération » : ce
sont
des choses que les hebdomadaires inventent de temps en temps pour fai
483
irage… Par quel cheminement de votre existence en
êtes
-vous arrivé au thème de ce livre ? J’ai commencé assez jeune à m’occu
484
enry Ford, Ma Vie, publiés en français. L’article
était
intitulé « Le péril Ford » et s’élevait contre Ford et son triomphe,
485
L’auto industrielle n’avait que 29 ans, déjà Ford
était
milliardaire. Et j’ai eu une réaction viscérale. Je me suis dit : c’e
486
ardaire. Et j’ai eu une réaction viscérale. Je me
suis
dit : c’est épouvantable ce que cet homme-là est en train de faire !
487
suis dit : c’est épouvantable ce que cet homme-là
est
en train de faire ! J’ai publié mon article dans une petite revue qui
488
), cela n’a eu aucun effet, sauf sur moi. Le fait
est
que dès ce moment-là, je dénonçais la croissance illimitée dans un mo
489
j’ai rencontrés à Paris, la première année où je
suis
allé y travailler comme éditeur. Nous avons créé ensemble les revues
490
es de toutes les idées de mon dernier livre. Nous
étions
une génération — qui ne disait pas « bof », oh ! non — qui voyait trè
491
e allait devoir faire la guerre, une guerre qui n’
était
pas la sienne, une guerre entre États-nations (ce terme, c’est nous q
492
ons (ce terme, c’est nous qui l’avons forgé, nous
étions
les seuls à l’utiliser couramment en France). Toutes les idées fédéra
493
à rétablir entre l’homme et la nature : tout cela
était
déjà dans nos revues, dans nos groupuscules. Quelques années plus tar
494
s années plus tard, après la guerre, l’évidence s’
est
imposée qu’il fallait faire l’Europe tout de suite, sinon on recommen
495
sur la Suisse ? C’est une question à laquelle je
suis
heureux de pouvoir répondre de manière très nette. L’exemple que nous
496
xemple que nous avions sous les yeux en 1931-1932
était
l’État centralisé français, le modèle de tous les États-nations. Nous
497
nt-là je connaissais assez mal ce modèle, je ne m’
étais
pas beaucoup occupé de politique pendant mes études en Suisse, et je
498
ndant mes études en Suisse, et je me considérais,
étant
à Paris, écrivant à Paris, publiant à Paris, comme Français (« nous »
499
lui-même comme un État-nation. Or, le fédéralisme
est
impossible dans un seul pays ! Si on veut sauver le fédéralisme suiss
500
vec d’autres fédérations continentales. La Suisse
est
acculée à un certain centralisme dès qu’elle s’occupe d’objets trop g
501
le s’occupe d’objets trop grands. Le nucléaire en
est
un excellent exemple. Le nucléaire n’est absolument pas le moyen d’as
502
éaire en est un excellent exemple. Le nucléaire n’
est
absolument pas le moyen d’assurer l’indépendance énergétique d’un pay
503
que d’un pays, à preuve qu’en France le nucléaire
est
appliqué d’après une licence américaine, son combustible vient des US
504
s dimensions respectives, disons que le nucléaire
est
trop grand pour un seul pays, et qu’il y constitue une menace pour la
505
l y constitue une menace pour la démocratie. Vous
êtes
membre du Groupe de Bellerive : que fait-il ? C’est un groupe de pers
506
sonnalités internationales habitant Genève, qui s’
est
réuni pour mettre en garde non contre le nucléaire en général, mais c
507
ucléaire, l’hitlérisme, la folie de l’auto ; quel
est
au fond leur lien ? Ils gouvernent tous, de manière systématique et s
508
té), la centralisation, l’avantage donné à ce qui
est
toujours plus cher, plus dangereux, et permet à l’État de mieux contr
509
avait rien à voir avec la guerre nucléaire ; ce n’
est
pas vrai. Les usines de retraitement des déchets de centrales nucléai
510
onc fait l’unité de mon livre : mon souci dernier
est
d’éviter la guerre nucléaire, vers laquelle tout nous pousse aujourd’
511
tralisation démentielle ! C’est pourquoi aussi je
suis
pour les régions, pour les petites unités qui sont de vraies communau
512
uis pour les régions, pour les petites unités qui
sont
de vraies communautés. « Small is beautiful ». Quelle est la tâche de
513
raies communautés. « Small is beautiful ». Quelle
est
la tâche des chrétiens et des Églises dans un monde pareil ? Les chré
514
lutions qu’on leur propose, c’est de s’efforcer d’
être
chrétiens. Cela veut dire d’abord : ne pas donner dans cette folle pu
515
eules condamnations absolues prononcées par Jésus
sont
dirigées contre la puissance. Non pas contre la sexualité, comme on v
516
s vouloir à la fois la puissance, la richesse, et
être
chrétien. L’idée de la croissance illimitée comme bien suprême de l’h
517
ssance illimitée comme bien suprême de l’humanité
est
une idée fondamentalement antichrétienne. Refuser la puissance ne veu
518
vouloir et préparer une société où chacun puisse
être
le prochain de l’autre, donc une société formée de petites communauté
519
communautés fédérées entre elles. Là, chacun peut
être
libre à sa manière, s’épanouir dans sa vocation, devenir une personne