1 1938, La Vie protestante, articles (1938–1978). Le temps des fanatiques (25 novembre 1938)
1 us avertissent aujourd’hui du caractère religieux de notre Histoire. Le fascisme est une religion, le communisme une antir
2 munisme une antireligion. Croix gammée, faisceaux de licteur, faucille et marteau : trois-cents-millions de nos contempora
3 cteur, faucille et marteau : trois-cents-millions de nos contemporains, s’ils ne portent pas sur eux cette Marque, se voie
4 rtent pas sur eux cette Marque, se voient rejetés de la cité. Alors les amateurs de clés de l’Apocalypse disent aux chréti
5 se voient rejetés de la cité. Alors les amateurs de clés de l’Apocalypse disent aux chrétiens : Voici la Bête ! Et la gue
6 nt rejetés de la cité. Alors les amateurs de clés de l’Apocalypse disent aux chrétiens : Voici la Bête ! Et la guerre que
7 ois fois déjà, depuis vingt ans, on nous a sommés de choisir entre le Mal et le Bien incarnés. « Au nom du Christ ; nous d
8 en avant contre les Soviets ! Haro sur les rouges d’ Espagne ! Déclarez la guerre à Hitler ! Ils persécutent les Églises ch
9 simple, ni si tranché, se voit aussitôt suspecté de connivence avec les « méchants ». Il fait leur jeu, dit-on, même s’il
10 om du Christ, mon seul salut, j’ai même le devoir d’ y regarder à deux fois avant de donner mon adhésion. Que voulez-vous,
11 t sur l’Évangile ? Quand on me dit que les rouges d’ Espagne brûlent les églises, je ne dis pas non : ils s’en vantent eux-
12 ent eux-mêmes. Mais je me demande si les soutiens de M. Franco, qui sont le Duce et le Führer, ne le soutiennent vraiment
13 hristianisme ! — je ne dis pas non, je les ai vus de près. Mais je me demande si le maintien de l’empire anglais et de l’h
14 ai vus de près. Mais je me demande si le maintien de l’empire anglais et de l’hégémonie française est une part indiscutabl
15 me demande si le maintien de l’empire anglais et de l’hégémonie française est une part indiscutable et révélée du plan de
16 aise est une part indiscutable et révélée du plan de Dieu pour notre époque ? Je me demande si la campagne en faveur du « 
17 eur du « réarmement » résulte vraiment et d’abord d’ un sursaut de la conscience chrétienne ? Où peut aller cette « croisad
18 mement » résulte vraiment et d’abord d’un sursaut de la conscience chrétienne ? Où peut aller cette « croisade » qui réjou
19 n me dit : Vous parlez politique, quand il s’agit de sauver l’Église. À quoi je réponds : Croyez-vous, chers amis, que vou
20 simplisme, voilà ce que le diable juge assez bon, de nos jours, pour attraper les enfants de la Lumière ! J’aimerais beauc
21 ssez bon, de nos jours, pour attraper les enfants de la Lumière ! J’aimerais beaucoup qu’on ne déduise pas de ces propos q
22 umière ! J’aimerais beaucoup qu’on ne déduise pas de ces propos qu’à mon avis les chrétiens doivent se taire, se retirer d
23 nergiquement parti après une enquête loyale. Mais de grâce, qu’on ne mêle pas tout sous prétexte de christianisme ! Qu’on
24 rre sainte » des entreprises qui, du point de vue de l’Évangile, resteront toujours profondément impures. Surtout, que l’o
25 chrétiens, le privilège de plus en plus dangereux de reconnaître les péchés du parti que nous adoptons. Car je vois que to
26 ue tous les partis sont, dans le fait, au service de grandes religions adversaires de la foi chrétienne : Prolétariat, Emp
27 fait, au service de grandes religions adversaires de la foi chrétienne : Prolétariat, Empire, Race, Droits de l’homme, Arg
28 ace, Droits de l’homme, Argent. Donc il n’y a pas de causes justes, même s’il y en a de moins injustes, relativement. Donc
29 c il n’y a pas de causes justes, même s’il y en a de moins injustes, relativement. Donc il ne peut y avoir de guerres sain
30 s injustes, relativement. Donc il ne peut y avoir de guerres saintes. Et notre dernier mot, comme chrétiens, ne peut pas ê
31 gilance. Dans cette nuit universelle où la Colère de Dieu sévit par les mains de quelques tyrans, on demande au chrétien c
32 verselle où la Colère de Dieu sévit par les mains de quelques tyrans, on demande au chrétien comme jadis au Prophète : « S
33 omme jadis au Prophète : « Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? — La sentinelle a répondu : le matin vient et la nuit aussi
34 incre une religion païenne. a. Rougemont Denis de , « Le temps des fanatiques », La Vie protestante, Genève, 25 novembre
35 25 novembre 1938, p. 1. b. Le texte est précédé de la note suivante de la rédaction : « Nous sommes heureux de compter,
36 . 1. b. Le texte est précédé de la note suivante de la rédaction : « Nous sommes heureux de compter, parmi les amis et co
37 suivante de la rédaction : « Nous sommes heureux de compter, parmi les amis et collaborateurs de la Vie protestante, M. D
38 reux de compter, parmi les amis et collaborateurs de la Vie protestante, M. Denis de Rougemont, le jeune auteur romand don
39 vaincus que nos lecteurs, même s’ils sont étonnés de certaines de ses expressions, sauront comprendre le point de vue chré
40 os lecteurs, même s’ils sont étonnés de certaines de ses expressions, sauront comprendre le point de vue chrétien auquel i
2 1939, La Vie protestante, articles (1938–1978). Nicolas de Flue et la tradition réformée (1er septembre 1939)
41 9)c Tout ce que le Suisse romand moyen connaît de Nicolas de Flue, c’est que ce pieux ermite vint à la Diète de Stans p
42 e Flue, c’est que ce pieux ermite vint à la Diète de Stans pour apaiser les deux partis confédérés, à la veille d’une guer
43 r apaiser les deux partis confédérés, à la veille d’ une guerre civile. Quant au reste de la vie de Nicolas, on l’ignore tr
44 , à la veille d’une guerre civile. Quant au reste de la vie de Nicolas, on l’ignore très généralement. Il n’en va pas de m
45 lle d’une guerre civile. Quant au reste de la vie de Nicolas, on l’ignore très généralement. Il n’en va pas de même chez n
46 s. Et c’est pourquoi les catholiques n’ont pas eu de peine à s’annexer le « frère Claus », cependant que les protestants l
47 cle, Nicolas fut revendiqué par tous les réformés de Suisse comme l’un de leurs plus grands précurseurs. Il m’a paru que l
48 ndiqué par tous les réformés de Suisse comme l’un de leurs plus grands précurseurs. Il m’a paru que la question méritait b
49 rseurs. Il m’a paru que la question méritait bien d’ être reprise, du point de vue d’un réformé du xxe siècle. D’où la pre
50 ion méritait bien d’être reprise, du point de vue d’ un réformé du xxe siècle. D’où la première étude d’ensemble que vienn
51 ise, du point de vue d’un réformé du xxe siècle. D’ où la première étude d’ensemble que viennent de publier Les Cahiers pr
52 un réformé du xxe siècle. D’où la première étude d’ ensemble que viennent de publier Les Cahiers protestants . Je suis heu
53 publier Les Cahiers protestants . Je suis heureux de l’occasion qui m’est offerte de préciser ici les résultats de mon enq
54 . Je suis heureux de l’occasion qui m’est offerte de préciser ici les résultats de mon enquête. Une solitude active R
55 n qui m’est offerte de préciser ici les résultats de mon enquête. Une solitude active Rappelons d’abord quelques fait
56 sa cinquantième année. Né au début du xve siècle d’ une famille paysanne de l’Obwald, il avait été capitaine, puis juge de
57 Né au début du xve siècle d’une famille paysanne de l’Obwald, il avait été capitaine, puis juge de paix, puis simple agri
58 e de paix, puis simple agriculteur, marié et père de dix enfants, lorsqu’il crut devoir obéir à l’appel de la solitude. C’
59 ix enfants, lorsqu’il crut devoir obéir à l’appel de la solitude. C’est donc au terme d’une féconde carrière qu’il parvint
60 éir à l’appel de la solitude. C’est donc au terme d’ une féconde carrière qu’il parvint à cette décision, non sans avoir mû
61 sommes pas en présence d’un pauvre illuminé, mais d’ un solide confédéré qui a fait ses preuves dans la vie quotidienne. No
62 rme, au Ranft. Il y mènera jusqu’à sa mort la vie d’ un pieux laïque et non d’un moine, parfois même suspecté par l’Église
63 a jusqu’à sa mort la vie d’un pieux laïque et non d’ un moine, parfois même suspecté par l’Église qui se méfie de cet « irr
64 , parfois même suspecté par l’Église qui se méfie de cet « irrégulier ». Ne dit-on pas que, durant les vingt ans de sa ret
65 gulier ». Ne dit-on pas que, durant les vingt ans de sa retraite, il n’a pris d’autre nourriture que l’hostie, une fois pa
66 durant les vingt ans de sa retraite, il n’a pris d’ autre nourriture que l’hostie, une fois par semaine ? L’évêque et les
67 emaine ? L’évêque et les autorités ont bien tenté de l’espionner : jamais on ne l’a trouvé en faute. Entouré du respect de
68 ais on ne l’a trouvé en faute. Entouré du respect de ses concitoyens, il reçoit chaque jour des visites, donne des conseil
69 eçoit chaque jour des visites, donne des conseils d’ une grande sagesse pratique et participe si bien à la vie de son peupl
70 de sagesse pratique et participe si bien à la vie de son peuple que le simple message qu’il transmettra aux députés, lors
71 transmettra aux députés, lors de la fameuse Diète de Stans, sauvera la situation in extremis. Il n’aura pas besoin de para
72 ra la situation in extremis. Il n’aura pas besoin de paraître en personne ; son conseil suffira, et son autorité, pour cal
73 nc devenu la principale force morale et politique de toute la Confédération. Deux faits surtout méritent de nous retenir,
74 ute la Confédération. Deux faits surtout méritent de nous retenir, dans ce bref memento biographique. 1° Malgré l’extrême
75 memento biographique. 1° Malgré l’extrême rigueur de ses « pratiques », Nicolas n’a pas pu trouver la paix de son âme dans
76 « pratiques », Nicolas n’a pas pu trouver la paix de son âme dans le monde. Il a dû se retirer et vivre en marge des condi
77 retirer et vivre en marge des conditions normales de l’existence. Signe du désarroi intime où la piété de l’Église non réf
78 l’existence. Signe du désarroi intime où la piété de l’Église non réformée laissait les âmes, les plus exigeantes, privées
79 e laissait les âmes, les plus exigeantes, privées de tout contact direct avec la Bible. 2° Dans son ermitage du Ranft, Nic
80 as ne s’est pas abandonné aux « saintes délices » de la contemplation. Il ne s’est libéré de certaines servitudes que pour
81 délices » de la contemplation. Il ne s’est libéré de certaines servitudes que pour mieux servir le Seigneur dans la person
82 ue pour mieux servir le Seigneur dans la personne de son prochain. Il n’a renoncé à ses travaux de paysan que pour mieux t
83 nne de son prochain. Il n’a renoncé à ses travaux de paysan que pour mieux travailler au bien de tous. En fin de compte, s
84 avaux de paysan que pour mieux travailler au bien de tous. En fin de compte, sa retraite hors du monde n’a pas anéanti, ma
85 l. Car, après tout, si Nicolas est l’un des Pères de notre Confédération, c’est à son action qu’il le doit. S’il n’avait é
86 vait été qu’un ascète, nous ne saurions plus rien de lui. C’est pourquoi les réformateurs insistèrent à bon droit sur son
87 les catholiques préféraient s’en tenir à l’éloge de son jeûne et de ses visions. Nicolas et les réformés Mort en 14
88 préféraient s’en tenir à l’éloge de son jeûne et de ses visions. Nicolas et les réformés Mort en 1487, c’est-à-dire
89 protestants suisses. Mais dès les premiers jours de la Réforme, la question se posa de savoir auquel des deux camps en pr
90 premiers jours de la Réforme, la question se posa de savoir auquel des deux camps en présence son souvenir servirait de pa
91 des deux camps en présence son souvenir servirait de patronage. Si nous lisons les recueils de sources sur Bruder Klaus pu
92 rvirait de patronage. Si nous lisons les recueils de sources sur Bruder Klaus publiés par Dürrer en 1921, nous constatons
93 éformés gardaient avec reconnaissance le souvenir de l’action politique de Nicolas, Pacificateur des cantons et adversaire
94 reconnaissance le souvenir de l’action politique de Nicolas, Pacificateur des cantons et adversaire du régime des pension
95 religieux du frère Claus, considéré comme témoin de l’ancienne foi, héraut de l’Eucharistie et prophète des malheurs dus
96 considéré comme témoin de l’ancienne foi, héraut de l’Eucharistie et prophète des malheurs dus à la Réforme. Pour des fin
97 stes jésuites, pour la plupart étrangers, tentent d’ éluder l’action politique du frère Claus. Ils ne signalent pas l’événe
98 du frère Claus. Ils ne signalent pas l’événement de la Diète de Stans, ni le patriotisme confédéral de Nicolas, qui incom
99 aus. Ils ne signalent pas l’événement de la Diète de Stans, ni le patriotisme confédéral de Nicolas, qui incommodaient au
100 e la Diète de Stans, ni le patriotisme confédéral de Nicolas, qui incommodaient au suprême degré ces hommes d’État enrichi
101 . (R. Dürrer : Bruder Klaus, t. II, p. 851.) Rien d’ étonnant, dès lors, si les premières biographies sérieuses de Nicolas
102 dès lors, si les premières biographies sérieuses de Nicolas sont dues à la plume de disciples ou d’amis des réformateurs 
103 raphies sérieuses de Nicolas sont dues à la plume de disciples ou d’amis des réformateurs : Myconius, de Zurich ; Ritter,
104 s de Nicolas sont dues à la plume de disciples ou d’ amis des réformateurs : Myconius, de Zurich ; Ritter, de Saint-Gall ;
105 disciples ou d’amis des réformateurs : Myconius, de Zurich ; Ritter, de Saint-Gall ; Valerius Anshelm, de Berne (dès 1529
106 des réformateurs : Myconius, de Zurich ; Ritter, de Saint-Gall ; Valerius Anshelm, de Berne (dès 1529) ; Stumpf, pasteur
107 urich ; Ritter, de Saint-Gall ; Valerius Anshelm, de Berne (dès 1529) ; Stumpf, pasteur à Stein, et, finalement, Bullinger
108 lement, Bullinger lui-même, le célèbre successeur de Zwingli. Tous ces auteurs admettent et louent le miracle du jeûne pro
109 admettent et louent le miracle du jeûne prolongé de Nicolas. Seul le mystique luthérien Sébastien Franck dit à la fin de
110 mystique luthérien Sébastien Franck dit à la fin de sa chronique : « Qu’il n’ait rien mangé, je ne puis le croire : les S
111  », il se bornait à dire : « Dieu le sait… » Rien d’ étonnant non plus si, en 1522, un pamphlet catholique anonyme se plain
112 en 1522, un pamphlet catholique anonyme se plaint de ce que les réformés invoquent sans cesse les conseils de l’ermite dès
113 ue les réformés invoquent sans cesse les conseils de l’ermite dès qu’il s’agit des affaires publiques. Après tout, dit l’a
114 e en 1526 : Pieux confédérés, Faber adjure Zurich de conserver l’ancienne foi des cantons : mais vous savez très bien que
115 s savez très bien que Zurich seule garde le souci de la vieille foi, celle des saints apôtres et de nos ancêtres ! Car c’e
116 ci de la vieille foi, celle des saints apôtres et de nos ancêtres ! Car c’est par la seule force de Dieu que nos ancêtres
117 et de nos ancêtres ! Car c’est par la seule force de Dieu que nos ancêtres se sont libérés des maîtres que Faber sert aujo
118 es conseils du frère Claus, nous serions délivrés de ces valets qui, sous prétexte de foi, trafiquent et jettent la discor
119 Claus von Unterwalden ». Les autres réformateurs de la Suisse allemande en font autant. Joachim von Watt, ou Vadian, le s
120 on Watt, ou Vadian, le savant humaniste fondateur de l’Église de Saint-Gall, décrit la vie de Nicolas dans un ouvrage sur
121 Vadian, le savant humaniste fondateur de l’Église de Saint-Gall, décrit la vie de Nicolas dans un ouvrage sur la Vie monac
122 ondateur de l’Église de Saint-Gall, décrit la vie de Nicolas dans un ouvrage sur la Vie monacale. Il insiste sur le fait q
123 s avec sa paroisse, mais, au contraire, n’a cessé de visiter les malades et de venir en aide aux affligés ; « de plus, ajo
124 au contraire, n’a cessé de visiter les malades et de venir en aide aux affligés ; « de plus, ajoute-t-il, il n’a pas établ
125 du monde, mais au contraire près des habitations de sa famille et de sa parenté. » En 1556, Matthias Flacius l’Illyrique,
126 u contraire près des habitations de sa famille et de sa parenté. » En 1556, Matthias Flacius l’Illyrique, le père de l’his
127  » En 1556, Matthias Flacius l’Illyrique, le père de l’histoire de l’Église chez les protestants, fait l’éloge de Nicolas
128 tthias Flacius l’Illyrique, le père de l’histoire de l’Église chez les protestants, fait l’éloge de Nicolas dans un ouvrag
129 re de l’Église chez les protestants, fait l’éloge de Nicolas dans un ouvrage au titre significatif : « Catalogue des témoi
130 e au titre significatif : « Catalogue des témoins de la foi qui se sont dressés, avant Martin Luther, contre le pape et se
131 e pape et ses erreurs ». Enfin, s’il était besoin d’ une attestation plus décisive encore, voici celle de Luther en personn
132 une attestation plus décisive encore, voici celle de Luther en personne. Il écrit dans une lettre à Speratus : « Joignez l
133 héâtre protestant L’une des meilleures preuves de l’adoption spontanée de Nicolas non seulement par les docteurs réform
134 ne des meilleures preuves de l’adoption spontanée de Nicolas non seulement par les docteurs réformés, mais par les populat
135 ations protestantes, je la trouve dans le théâtre de l’époque. Voici tout d’abord deux satires dialoguées, datées de 1526
136 oici tout d’abord deux satires dialoguées, datées de 1526 et de 1538 ; elles font intervenir l’ermite du côté des réformés
137 ’abord deux satires dialoguées, datées de 1526 et de 1538 ; elles font intervenir l’ermite du côté des réformés, ennemis d
138 més, ennemis du régime des pensions. Il s’agit là de pièces d’actualité, d’intentions nettement polémiques. Beaucoup plus
139 is du régime des pensions. Il s’agit là de pièces d’ actualité, d’intentions nettement polémiques. Beaucoup plus vaste est
140 des pensions. Il s’agit là de pièces d’actualité, d’ intentions nettement polémiques. Beaucoup plus vaste est la portée d’u
141 ent polémiques. Beaucoup plus vaste est la portée d’ un mystère intitulé Le Miroir du Monde, qui fut joué à Bâle en 1550. C
142 Ce premier drame sur Nicolas de Flue est l’œuvre d’ un protestant, l’Alsacien Valentin Boltz. Il ne comptait pas moins de
143 Alsacien Valentin Boltz. Il ne comptait pas moins de 149 rôles parlés, et sa représentation demanda deux jours pleins, nou
144 colas y personnifie l’idée confédérale, créatrice de la Suisse. Autour de lui, gravitent des figures symboliques ou histor
145 , des apôtres, des prophètes et des représentants de la hiérarchie catholique. Au premier acte, on voit les évêques et les
146 r acte, on voit les évêques et les moines chassés de la scène à coups de fouet par le prophète Elie. Puis les cantons pers
147 évêques et les moines chassés de la scène à coups de fouet par le prophète Elie. Puis les cantons personnifiés viennent di
148 personnifiés viennent discuter le renouvellement de l’ancienne alliance confédérale. Nicolas invoque Moïse, qui lui répon
149 lui répond longuement en décrivant la corruption d’ Israël et la nécessité d’une piété purifiée et « sérieuse ». Au dernie
150 décrivant la corruption d’Israël et la nécessité d’ une piété purifiée et « sérieuse ». Au dernier acte, après que la Mort
151 s catholiques reconnaissent qu’il avait eu raison de les mettre en garde contre les vaines richesses, les prières des lèvr
152 cantons protestants, pour leur part, se repentent de leur orgueil. Et Nicolas, une dernière fois, les adjure de garder le
153 rgueil. Et Nicolas, une dernière fois, les adjure de garder le Pacte dans l’amour fraternel et la vigilance. Puis il salue
154 r fraternel et la vigilance. Puis il salue l’ange de Dieu qu’il voit venir à sa rencontre. Les satires zwingliennes et le
155 rencontre. Les satires zwingliennes et le mystère de Valentin Boltz devaient être à l’origine d’une riche tradition dramat
156 stère de Valentin Boltz devaient être à l’origine d’ une riche tradition dramatique. Mais à partir de la fin du xvie siècl
157 is à partir de la fin du xvie siècle, les pièces d’ inspiration catholique deviendront de beaucoup les plus nombreuses. (L
158 , les pièces d’inspiration catholique deviendront de beaucoup les plus nombreuses. (La première en date, celle du jésuite
159 r, fut jouée à Lucerne en 1586. Le rôle politique de Nicolas n’y est même pas mentionné !) N’y a-t-il pas là une grande an
160 lie ? Car, enfin, l’élément le plus spectaculaire de la vie de Nicolas réside dans son intervention politique. Or c’est pr
161 enfin, l’élément le plus spectaculaire de la vie de Nicolas réside dans son intervention politique. Or c’est précisément
162 igné. Ne conviendrait-il pas que les protestants, de nos jours, s’avisent de renouer leur tradition de Nicolas, et précisé
163 pas que les protestants, de nos jours, s’avisent de renouer leur tradition de Nicolas, et précisément au théâtre ? C’est
164 de nos jours, s’avisent de renouer leur tradition de Nicolas, et précisément au théâtre ? C’est dans cette idée que j’ai c
165 e qui sera joué — Dieu voulant ! — à l’Exposition de Zurich. J’ai tenté de réintégrer Nicolas dans l’actualité la plus brû
166 voulant ! — à l’Exposition de Zurich. J’ai tenté de réintégrer Nicolas dans l’actualité la plus brûlante de notre siècle 
167 ntégrer Nicolas dans l’actualité la plus brûlante de notre siècle : il n’était que de mettre en relief les traits de cette
168 la plus brûlante de notre siècle : il n’était que de mettre en relief les traits de cette figure qui frappèrent particuliè
169 e : il n’était que de mettre en relief les traits de cette figure qui frappèrent particulièrement nos ancêtres réformés. T
170 e est donc centrée sur la vocation exceptionnelle de l’ermite, c’est-à-dire sur le rôle civique que sa retraite lui permit
171 re sur le rôle civique que sa retraite lui permit de jouer. Nicolas ne pouvait pas lire la Bible, mais il aimait à en cite
172 ler le plus possible en style biblique, conscient de me ranger ainsi dans la vraie tradition du théâtre protestant, telle
173 que l’illustre, par exemple, l’Abraham sacrifiant de Théodore de Bèze. Nicolas de Flue, me dira-t-on, n’est pas un « sujet
174 pides, je le sens. Je les termine dans l’angoisse d’ une crise qui recrée, à l’échelle mondiale, le drame de la Diète de St
175 crise qui recrée, à l’échelle mondiale, le drame de la Diète de Stans. Notre Europe trouvera-t-elle son pacificateur ? Le
176 ecrée, à l’échelle mondiale, le drame de la Diète de Stans. Notre Europe trouvera-t-elle son pacificateur ? Le mérite-t-el
177 ra-t-elle l’écouter ? Puisse du moins le souvenir de Nicolas de Flue nous faire comprendre que le paix n’est jamais le rés
178 e comprendre que le paix n’est jamais le résultat de nos calculs, mais le miracle de Dieu seul, et la victoire de Sa misér
179 amais le résultat de nos calculs, mais le miracle de Dieu seul, et la victoire de Sa miséricorde. c. Rougemont Denis d
180 uls, mais le miracle de Dieu seul, et la victoire de Sa miséricorde. c. Rougemont Denis de, « Nicolas de Flue et la tr
181 ictoire de Sa miséricorde. c. Rougemont Denis de , « Nicolas de Flue et la tradition réformée », La Vie protestante, Ge
3 1940, La Vie protestante, articles (1938–1978). De Luther à Hitler (15 mars 1940)
182 De Luther à Hitler (15 mars 1940)d Nous n’avons plus le droit de nous
183 ler (15 mars 1940)d Nous n’avons plus le droit de nous tromper dans nos jugements sur les choses allemandes. Toute erre
184 te appréciation erronée des origines, des fins et de la pratique hitlériennes, non seulement affaiblissent la résistance a
185 ines totalitaires, mais compromettent les chances d’ une solution prochaine, équitable pour tous, et englobant les pays ger
186 Or l’erreur qui consiste à placer Luther au début d’ une évolution dont Hitler serait le terme, ce n’est pas une erreur min
187 n’est pas une erreur minime. Elle résulte tantôt d’ une mauvaise foi consciente, et qui se voudrait « machiavélique », tan
188 nte, et qui se voudrait « machiavélique », tantôt d’ une ignorance inqualifiable des faits les plus notoires et les plus im
189 es faits les plus notoires et les plus importants de notre histoire occidentale. J’estime qu’elle a suffisamment duré. Je
190 bord contre la Réforme : l’assimilation grossière de Luther à Hitler n’est évidemment pas destinée à diminuer le prestige
191 ommun » contre la religion totalitaire ? L’auteur d’ un livre récent sur l’Allemagne écrit que la nation éduquée par Luther
192 ’Allemagne moderne ? Comment sa doctrine centrale de la justification par la foi pourrait-elle avoir engendré la doctrine
193 e avoir engendré la doctrine hitlérienne centrale de l’action pure, du mouvement pur, privé de toutes fins transcendantes,
194 entrale de l’action pure, du mouvement pur, privé de toutes fins transcendantes, telle que j’ai pu la voir à l’œuvre et te
195 ir à l’œuvre et telle que je l’ai décrite en plus d’ un livre ? Certes, on pourra toujours faire jouer la balançoire dialec
196 lanc conduit au noir, le bien au mal, la foi pure de Luther à l’action pure d’Hitler. Mais c’est une douteuse méthode entr
197 ien au mal, la foi pure de Luther à l’action pure d’ Hitler. Mais c’est une douteuse méthode entre les mains des défenseurs
198 e douteuse méthode entre les mains des défenseurs de la « Raison » et de la « claire latinité » que veulent être M. de Rey
199 ntre les mains des défenseurs de la « Raison » et de la « claire latinité » que veulent être M. de Reynold, M. Massis, M.
200 assis, M. Maurras. J’y vois tout au plus un moyen d’ esquiver des questions plus directes. Ces questions, je les repose ici
201 questions, je les repose ici. On pourra différer d’ avis sur les conséquences des réponses. Mais il faut répondre d’abord.
202 u centre catholique ? Oui ou non, l’intronisation d’ Hitler est-elle le fait de von Papen, catholique ? Oui ou non, l’Allem
203 ou non, l’intronisation d’Hitler est-elle le fait de von Papen, catholique ? Oui ou non, l’Allemagne comptait-elle, depuis
204 Allemagne comptait-elle, depuis des siècles, 38 % de catholiques (aujourd’hui, 50 %) ? Oui ou non, le « germanisme éternel
205 héranisme porte en soi les germes indestructibles de la tyrannie politique (malgré la « résistance » qu’auraient représent
206 qu’en Allemagne, soient aujourd’hui les parangons de la liberté démocratique ? Je veux parler des États scandinaves, et du
207 entre eux, la Finlande. Si l’on me fait l’honneur de répondre franchement, je m’engage à reconnaître que Luther est coupab
208 je m’engage à reconnaître que Luther est coupable de n’avoir pas su, dans l’espace d’une vingtaine d’années, dominer les f
209 her est coupable de n’avoir pas su, dans l’espace d’ une vingtaine d’années, dominer les fatalités germaniques que six sièc
210 de n’avoir pas su, dans l’espace d’une vingtaine d’ années, dominer les fatalités germaniques que six siècles de catholici
211 dominer les fatalités germaniques que six siècles de catholicisme lui léguaient parfaitement intactes. d. Rougemont Den
212 ient parfaitement intactes. d. Rougemont Denis de , « De Luther à Hitler », La Vie protestante, Genève, 15 mars 1940, p.
213 arfaitement intactes. d. Rougemont Denis de, «  De Luther à Hitler », La Vie protestante, Genève, 15 mars 1940, p. 1.
4 1940, La Vie protestante, articles (1938–1978). « Dieu premier servi » (26 avril 1940)
214 6 avril 1940)e On a beaucoup dit que le secret de la résistance finlandaise était la foi profonde de ce peuple. En défe
215 e la résistance finlandaise était la foi profonde de ce peuple. En défendant leur terre, les soldats finnois avaient consc
216 eur terre, les soldats finnois avaient conscience de défendre aussi leur Église. Mais il existe d’autres pays où la foi d’
217 ur Église. Mais il existe d’autres pays où la foi d’ un soldat chrétien pourrait avoir des effets exactement contraires. El
218 traires. Elle pourrait amener ce soldat à refuser de défendre l’État qui persécute son Église. Dis-moi pour qui tu accepte
219 ersécute son Église. Dis-moi pour qui tu acceptes de mourir, je te dirai en qui tu crois vraiment… Ces deux exemples contr
220 ntradictoires posent la question la plus brûlante de l’époque : celle de l’attitude du chrétien en face de ses devoirs civ
221 la question la plus brûlante de l’époque : celle de l’attitude du chrétien en face de ses devoirs civiques et militaires.
222 quelques remarques à propos de la Suisse. Je suis de ceux qui pensent que la foi n’est pas « une affaire privée », ainsi q
223 i que le prétendait Marx. Le chrétien a le devoir d’ agir au nom de sa foi, d’agir dans le monde et pour le monde, dans la
224 Le chrétien a le devoir d’agir au nom de sa foi, d’ agir dans le monde et pour le monde, dans la cité où il est né et pour
225 ù il est né et pour son bien. Il n’a pas le droit de s’en désintéresser et de laisser les autres s’égarer, quitte à les dé
226 ien. Il n’a pas le droit de s’en désintéresser et de laisser les autres s’égarer, quitte à les dénoncer ensuite pathétique
227 tte à les dénoncer ensuite pathétiquement du haut de la chaire ! Or l’action d’un chrétien placé par sa naissance dans la
228 pathétiquement du haut de la chaire ! Or l’action d’ un chrétien placé par sa naissance dans la communauté des Suisses doit
229 ses doit naturellement s’insérer dans les données de fait qui sont celles du pays, et qui se trouvent être communes à tous
230 La mission spéciale du citoyen chrétien, ce sera de dégager de ces données communes un sens spirituel, une vocation posit
231 spéciale du citoyen chrétien, ce sera de dégager de ces données communes un sens spirituel, une vocation positive. Car le
232 ar le chrétien est, si j’ose dire, un spécialiste de la vocation. Cette action particulière du citoyen chrétien sera dans
233 ticulière du citoyen chrétien sera dans l’intérêt de la Suisse, certes. Mais elle sera d’abord obéissance à la foi. J’insi
234 iellement un pays chrétien. Mais nous devons être de bons Suisses parce que nous sommes chrétiens d’abord. Or, je constate
235 abord. Or, je constate qu’on entretient chez nous d’ assez graves équivoques sur ce point. Il ne manque pas de gens pour di
236 graves équivoques sur ce point. Il ne manque pas de gens pour dire, écrire, ou simplement laisser entendre, qu’un bon cit
237 er entendre, qu’un bon citoyen suisse a le devoir d’ être chrétien, comme si ce devoir était la conséquence obligatoire d’u
238 mme si ce devoir était la conséquence obligatoire d’ un très ardent patriotisme. Si certains n’hésitent pas, dans leurs dis
239 nt pas, dans leurs discours, à invoquer « le Dieu de nos pères », il semble parfois que ce soit moins parce qu’ils croient
240 i, que parce qu’ils le croient utile au bon moral de la nation, voire à la discipline des troupes. Ces personnes-là, vous
241 à ces quelques traits : elles ont une conception de la « religion » plutôt déiste qu’évangélique ; elles prônent un moral
242 ôt bourgeois que charitable ; elles ont une façon d’ exalter la croix blanche de notre drapeau qui rappelle davantage le Go
243  ; elles ont une façon d’exalter la croix blanche de notre drapeau qui rappelle davantage le Gott mit uns de Guillaume II
244 re drapeau qui rappelle davantage le Gott mit uns de Guillaume II que le Dieu premier servi de Jeanne d’Arc. Bref, l’intér
245 mit uns de Guillaume II que le Dieu premier servi de Jeanne d’Arc. Bref, l’intérêt qu’elles portent à la religion paraît s
246 rdonné à celui qu’elles portent à la conservation de notre État. Or nous devons croire exactement le contraire, je le répè
247 ent le contraire, je le répète : nous devons être de bons Suisses parce que nous sommes chrétiens d’abord. Gardons-nous du
248 parler, j’opposerai cette déclaration prophétique d’ un homme dont la pensée me paraît plus actuelle que jamais, Alexandre
249 eulement pour tout le monde, faites-nous la grâce de n’en point vouloir », car « la société qui veut m’ôter ma religion m’
250 résisté, qu’ils résistent. e. Rougemont Denis de , « “Dieu premier servi” », La Vie protestante, Genève, 26 avril 1940,
5 1940, La Vie protestante, articles (1938–1978). Neutralité (3 mai 1940)
251 )f M. Denis de Rougemont a eu l’aimable pensée de nous communiquer le « billet » ci-dessous qui paraîtra prochainement
252 t dans un volume intitulé : Mission ou démission de la Suisse . Pendant tout l’hiver, nous avons pu lire dans les journau
253 érature maximum : 18° ». Il s’agissait sans doute d’ inciter le public à des économies de charbon. On nous recommandait la
254 it sans doute d’inciter le public à des économies de charbon. On nous recommandait la tiédeur… Mais voici nos voisins bell
255 voir ce qui vaut le mieux. Il ne faut pas parler de neutralité en général, dans l’absolu et dans l’abstrait. Car tout dép
256 dans l’absolu et dans l’abstrait. Car tout dépend de ceci : vis-à-vis de quoi, ou de Qui, est-on tiède, est-on neutre ? Si
257 . Car tout dépend de ceci : vis-à-vis de quoi, ou de Qui, est-on tiède, est-on neutre ? Si c’est vis-à-vis du Christ, la p
258 entraîne notre expulsion violente hors du Royaume de Dieu. « Je vous vomirai », dit le Christ. Si c’est vis-à-vis de la gu
259 dans la mesure où elle nous exclut, précisément, d’ un conflit que nous jugeons mauvais. Reste à savoir si le conflit actu
260 uis, si notre tiédeur suffira pour que le monstre de la guerre nous vomisse… Mais ceci est une autre histoire que je n’ai
261 us avons d’ailleurs, à mon avis, d’autres raisons de rester neutres que celles qu’on peut tirer de considérations opportun
262 ons de rester neutres que celles qu’on peut tirer de considérations opportunistes. Je voulais simplement rappeler ceci : c
263 implement rappeler ceci : c’est qu’on ferait bien de ne pas utiliser comme des proverbes généraux certaines paroles du Chr
264 es généraux certaines paroles du Christ qui n’ont de sens que par rapport à sa Personne, à son Royaume, à son Éternité. Ré
265 les tièdes seront vomis, en détournant ce verset de son sens spirituel, c’est toujours un blasphème, et c’est souvent une
266 souvent une grosse sottise. f. Rougemont Denis de , « Neutralité », La Vie protestante, Genève, 3 mai 1940, p. 1.
6 1942, La Vie protestante, articles (1938–1978). Perspectives d’avenir du protestantisme (2 janvier 1942)
267 Perspectives d’ avenir du protestantisme (2 janvier 1942)g Le texte que nous publio
268 g Le texte que nous publions est la conclusion d’ une conférence que M. Denis de Rougemont a donnée en septembre à Rio d
269 en septembre à Rio de la Plata, sous les auspices de l’Église évangélique de langue française. Je vois de grandes perspect
270 Plata, sous les auspices de l’Église évangélique de langue française. Je vois de grandes perspectives d’avenir devant le
271 l’Église évangélique de langue française. Je vois de grandes perspectives d’avenir devant le protestantisme. J’en désigner
272 langue française. Je vois de grandes perspectives d’ avenir devant le protestantisme. J’en désignerai trois en guise de con
273 appelée à figurer dans notre siècle le type même de la sûre doctrine de résistance au paganisme totalitaire. La foi de la
274 ans notre siècle le type même de la sûre doctrine de résistance au paganisme totalitaire. La foi de la Réforme, telle que
275 ne de résistance au paganisme totalitaire. La foi de la Réforme, telle que j’ai tenté de la situer dans l’évolution de l’E
276 taire. La foi de la Réforme, telle que j’ai tenté de la situer dans l’évolution de l’Europe, représente en effet le centre
277 elle que j’ai tenté de la situer dans l’évolution de l’Europe, représente en effet le centre et l’axe même de la notion ch
278 rope, représente en effet le centre et l’axe même de la notion chrétienne de personne, à la fois libre et engagée. Par l’o
279 t le centre et l’axe même de la notion chrétienne de personne, à la fois libre et engagée. Par l’organisation même de ses
280 la fois libre et engagée. Par l’organisation même de ses Églises et de ses paroisses, elle offre le type d’une communauté
281 ngagée. Par l’organisation même de ses Églises et de ses paroisses, elle offre le type d’une communauté libre et pourtant
282 s Églises et de ses paroisses, elle offre le type d’ une communauté libre et pourtant bien liée, fondée sur l’espérance de
283 bre et pourtant bien liée, fondée sur l’espérance de l’Esprit et non pas sur les fatalités du passé, ouverte à la volonté
284 sur les fatalités du passé, ouverte à la volonté d’ un Dieu transcendant et non pas fermée sur les intérêts d’un groupe. P
285 u transcendant et non pas fermée sur les intérêts d’ un groupe. Par là, elle s’oppose radicalement à toute religion totalit
286 s choses vieilles sont passées », selon la parole de l’apôtre. Elle n’admet pas la conversion et le pardon, à partir desqu
287 nde « Quels sont tes morts ? ». Religion du sang, de la terre et des morts, religion sanglante et mortelle, religion des c
288 e voit qu’une telle religion hait mortellement et de toute sa nature la foi chrétienne, tournée vers le pardon, le futur é
289 s le pardon, le futur éternel, le rachat du péché d’ origine ?… Mais résister ne suffit pas, on ne se défend bien qu’en att
290 ctive qui s’offre aux Églises protestantes, c’est de préparer le terrain pour la reconstruction fédéraliste du monde de de
291 rrain pour la reconstruction fédéraliste du monde de demain. Si les totalitaires sont vaincus, ce seront les nations prote
292 e seront les nations protestantes et fédéralistes d’ esprit qui auront obtenu la victoire. Elles ne sauront la rendre fécon
293 force : la tradition personnaliste et fédéraliste de la Réforme. Enfin, la troisième perspective qui s’ouvre au protestant
294 mouvement œcuménique. Vous savez que l’initiateur de ce vaste effort, qui tend à réunir toutes les Églises chrétiennes, fu
295 -à-dire toutes les Églises chrétiennes sauf celle de Rome qui se tient, par malheur, à l’écart. Or, dans cette œuvre à laq
296 tiens du monde entier, nous voyons la réalisation d’ un des grands idéaux calvinistes : la fédération organique des Églises
297 n spirituelle dans la diversité admise des formes de culte et d’organisation. Ce n’est point par hasard que les calviniste
298 e dans la diversité admise des formes de culte et d’ organisation. Ce n’est point par hasard que les calvinistes, bien qu’i
299 , bien qu’ils soient une minorité, jouent un rôle de premier plan dans les travaux du Conseil œcuménique. Toute leur tradi
300 nique. Toute leur tradition les prépare à ce rôle de fédérateurs religieux, comme elle les prépare au rôle de fédérateurs
301 rateurs religieux, comme elle les prépare au rôle de fédérateurs politiques. J’aime évoquer, en terminant, cette espérance
302 es. J’aime évoquer, en terminant, cette espérance d’ une réunion de toutes les confessions chrétiennes. Car en nous faisant
303 quer, en terminant, cette espérance d’une réunion de toutes les confessions chrétiennes. Car en nous faisant entrevoir la
304 nes. Car en nous faisant entrevoir la possibilité d’ une catholicité nouvelle, elle nous délivre de l’espèce d’étroitesse,
305 ité d’une catholicité nouvelle, elle nous délivre de l’espèce d’étroitesse, de « nationalisme protestant », auquel nous so
306 tholicité nouvelle, elle nous délivre de l’espèce d’ étroitesse, de « nationalisme protestant », auquel nous sommes tentés
307 elle, elle nous délivre de l’espèce d’étroitesse, de « nationalisme protestant », auquel nous sommes tentés de céder parfo
308 ionalisme protestant », auquel nous sommes tentés de céder parfois, sous l’effet de la polémique ou par un attachement exc
309 nous sommes tentés de céder parfois, sous l’effet de la polémique ou par un attachement excessif à certaines de nos tradit
310 émique ou par un attachement excessif à certaines de nos traditions secondaires. Le but de nos Églises n’est pas d’imposer
311 à certaines de nos traditions secondaires. Le but de nos Églises n’est pas d’imposer le protestantisme au monde, mais d’an
312 ions secondaires. Le but de nos Églises n’est pas d’ imposer le protestantisme au monde, mais d’annoncer l’Évangile, la bon
313 st pas d’imposer le protestantisme au monde, mais d’ annoncer l’Évangile, la bonne nouvelle du « salut de grâce et bonté pu
314 annoncer l’Évangile, la bonne nouvelle du « salut de grâce et bonté pure » comme on disait au xvie siècle. Et c’est notre
315 lité même à la Réforme qui nous fait nous réjouir d’ une perspective où nos « ismes » disparaîtraient pour se fondre dans u
316 ent celle qui ne se donne pas pour la seule forme d’ Église possible ; elle est l’Église qui accepte d’être constamment réf
317 d’Église possible ; elle est l’Église qui accepte d’ être constamment réformée et jugée par la Vérité même qu’elle annonce
318 t elle doit se sentir responsable devant le monde d’ aujourd’hui et pour demain. g. Rougemont Denis de, « Perspectives d
319 aujourd’hui et pour demain. g. Rougemont Denis de , « Perspectives d’avenir du protestantisme », La Vie protestante, Gen
320 demain. g. Rougemont Denis de, « Perspectives d’ avenir du protestantisme », La Vie protestante, Genève, 2 janvier 1942
7 1943, La Vie protestante, articles (1938–1978). Les tours du diable I : « Je ne suis personne » (15 octobre 1943)
321 1943)h i C’est dans les Petits poèmes en prose de Baudelaire que l’on peut lire la phrase la plus profonde écrite par u
322 ne sur Satan : « La plus belle ruse du diable est de nous persuader qu’il n’existe pas. » Reconnaissons que ce tour n’a ja
323 si peu au diable que l’on m’accusera certainement d’ obscurantisme, ou simplement de manque de sérieux, si je persiste en m
324 usera certainement d’obscurantisme, ou simplement de manque de sérieux, si je persiste en mon projet de lui consacrer de n
325 ainement d’obscurantisme, ou simplement de manque de sérieux, si je persiste en mon projet de lui consacrer de nombreuses
326 e manque de sérieux, si je persiste en mon projet de lui consacrer de nombreuses pages. Le premier tour du diable est son
327 ux, si je persiste en mon projet de lui consacrer de nombreuses pages. Le premier tour du diable est son incognito. Dieu d
328 is celui qui suis. Mais le diable, qui a la manie de vouloir imiter la vérité en la retournant, le diable nous dit comme U
329 it comme Ulysse au Cyclope : Je ne suis personne. De quoi aurais-tu peur ? Vas-tu trembler devant l’inexistant ? Une remar
330 arque en passant, mais nécessaire. C’est au sujet d’ un camouflage très élémentaire, mais fort bien adapté à la myopie spir
331 depuis deux ou trois siècles, il a plu au diable de revêtir une apparence moyenâgeuse qui le rend inoffensif aux yeux de
332 nu des mystères médiévaux, ou le faune à barbiche de chèvre et à longue queue des légendes populaires, il est vraiment tro
333 légendes populaires, il est vraiment trop facile d’ y croire : qui s’en donnerait encore la peine ? De fait, j’ai connu be
334 d’y croire : qui s’en donnerait encore la peine ? De fait, j’ai connu beaucoup d’hommes qui voulaient bien admettre en sou
335 it encore la peine ? De fait, j’ai connu beaucoup d’ hommes qui voulaient bien admettre en souriant un diable de ce genre,
336 qui voulaient bien admettre en souriant un diable de ce genre, mais non pas croire en Dieu ; ce qui revient à ne pas croir
337 Comment peut-on perdre son temps à ces balivernes d’ un autre âge ? », disent-ils. Or ce sont eux qui s’y laissent prendre 
338 s les anges, mais bien la candeur et la crédulité de ces « sceptiques », et l’impardonnable sophisme dont ils se montrent
339 u’il demandait. Et ceux qui en restent aux contes de bonnes femmes, ce sont ceux qui refusent de croire au diable à cause
340 ontes de bonnes femmes, ce sont ceux qui refusent de croire au diable à cause de l’image qu’ils s’en font, et qui est tiré
341 age qu’ils s’en font, et qui est tirée des contes de bonnes femmes. Cependant la Bible dénonce l’existence du diable à cha
342 ible dénonce l’existence du diable à chaque page, de la première où il apparaît sous la forme du serpent, jusqu’à l’avant-
343 oyé par le feu du ciel et précipité dans un étang de flammes et de souffre avec ses faux prophètes, pour y être tourmenté
344 du ciel et précipité dans un étang de flammes et de souffre avec ses faux prophètes, pour y être tourmenté nuit et jour,
345 les textes originaux). Si l’on croit à la vérité de la Bible, il est impossible de douter un seul instant de la réalité o
346 croit à la vérité de la Bible, il est impossible de douter un seul instant de la réalité objective du diable. h. Rouge
347 ible, il est impossible de douter un seul instant de la réalité objective du diable. h. Rougemont Denis de, « Les tours
348 éalité objective du diable. h. Rougemont Denis de , « Les tours du diable I : “Je ne suis personne” », La Vie protestant
349 , 15 octobre 1943, p. 1. i. Le texte est précédé de la note suivante de la rédaction : « Nous avons eu l’occasion de lire
350 . 1. i. Le texte est précédé de la note suivante de la rédaction : « Nous avons eu l’occasion de lire les réflexions d’un
351 ante de la rédaction : « Nous avons eu l’occasion de lire les réflexions d’une perspicacité peu ordinaire sur l’existence
352 « Nous avons eu l’occasion de lire les réflexions d’ une perspicacité peu ordinaire sur l’existence personnelle du diable,
353 l’existence personnelle du diable, due à la plume de Denis de Rougemont. Nous n’avons pas à présenter l’écrivain neuchâtel
354 à présenter l’écrivain neuchâtelois aux lecteurs de la Vie protestante. La qualité de sa pensée et l’autorité de son juge
355 is aux lecteurs de la Vie protestante. La qualité de sa pensée et l’autorité de son jugement sont reconnues bien au-delà d
356 rotestante. La qualité de sa pensée et l’autorité de son jugement sont reconnues bien au-delà de nos frontières. Nous diri
357 orité de son jugement sont reconnues bien au-delà de nos frontières. Nous dirions volontiers qu’il est aujourd’hui un des
358 aujourd’hui un des meilleurs interprètes laïques d’ une théologie protestante constructive. Sous le titre “Les tours du di
359 titre “Les tours du diable”, nous sommes heureux de pouvoir donner ici une première étude de l’auteur. Nous nous proposon
360 heureux de pouvoir donner ici une première étude de l’auteur. Nous nous proposons d’apporter encore, dans nos prochains n
361 e première étude de l’auteur. Nous nous proposons d’ apporter encore, dans nos prochains numéros, quelques-unes des pages r
8 1943, La Vie protestante, articles (1938–1978). Les tours du diable II : Le menteur (22 octobre 1943)
362 ixa la graine, les animaux muets sont prisonniers de l’ordre intarissablement prodigue et infaillible de l’instinct. Mais
363 l’ordre intarissablement prodigue et infaillible de l’instinct. Mais l’homme a reçu le pouvoir de parler, de créer et de
364 ble de l’instinct. Mais l’homme a reçu le pouvoir de parler, de créer et de dénaturer. Par la grâce du langage, il peut di
365 stinct. Mais l’homme a reçu le pouvoir de parler, de créer et de dénaturer. Par la grâce du langage, il peut dire vrai ; p
366 l’homme a reçu le pouvoir de parler, de créer et de dénaturer. Par la grâce du langage, il peut dire vrai ; par la faute
367 peut créer dans le prolongement des perspectives de la Création, il peut aussi créer à tort et à travers. Il peut être un
368 t et à travers. Il peut être un agent responsable de la nature naturante, mais il peut aussi faire la grève, se révolter,
369 riquer l’anti-nature ou dénature. Cette duplicité de nos pouvoirs constitue notre liberté. Elle en est à la fois le signe
370 e gloire équivoque. C’est par la liberté, à cause d’ elle, et dans elle, que nous avons le pouvoir de pécher. Car pécher c’
371 e d’elle, et dans elle, que nous avons le pouvoir de pécher. Car pécher c’est tricher avec l’ordre, opposer à la loi divin
372 à la loi divine nos dérogations égoïstes, fautes de calcul et courtes vues intéressées. Pécher c’est fausser quelque chos
373 agit dans le monde, et c’est en provoquant l’abus de notre liberté qu’il agit en nous et nous lie. Si Ève n’avait pas été
374 en nous et nous lie. Si Ève n’avait pas été libre de manger cette pomme interdite, Ève n’aurait pu pécher, ni Adam après e
375 it pu pécher, ni Adam après elle. Ainsi la gloire de l’homme étant sa liberté, il est clair que c’est en ce point que le M
376 lair que la grande ambition satanique devait être de s’emparer de la parole dans notre bouche, pour altérer le témoignage
377 rande ambition satanique devait être de s’emparer de la parole dans notre bouche, pour altérer le témoignage dans sa sourc
378 ue dans notre langue ». Mais il est deux manières de mentir, comme il est deux manières de tromper un client. Si la balanc
379 ux manières de mentir, comme il est deux manières de tromper un client. Si la balance marque 980 grammes, vous pouvez dire
380 ntrôle, il peut voir qu’on le vole, et vous savez de combien vous le volez : une vérité reste juge entre vous. Mais le dém
381 e critère du vrai qui est dénaturé, il n’y a plus de contrôle possible. Et peu à peu vous oublierez que vous trichez. Pari
382 es pincées « pour le bon poids », pour le sourire de l’acheteur et la satisfaction de votre vertu. C’est là le mensonge pu
383 pour le sourire de l’acheteur et la satisfaction de votre vertu. C’est là le mensonge pur, l’œuvre propre du diable. À pa
384 artir de l’instant où vous faussez la mesure même de la vérité, toutes vos « vertus » sont au service du mal et sont compl
385 vertus » sont au service du mal et sont complices de l’œuvre du Malin. « Le diable est menteur et le Père du mensonge », d
386 e du mensonge », dit l’Évangile tel qu’on le cite d’ ordinaire. Ceci concerne le premier mensonge, celui qui se borne à tai
387 ui se borne à taire la vérité (tout en ne cessant de la connaître) ou à la nier (tout en sachant que, pour si peu, elle ne
388 ut en sachant que, pour si peu, elle ne cesse pas d’ exister). Mais le texte original de ce passage est infiniment plus étr
389 e ne cesse pas d’exister). Mais le texte original de ce passage est infiniment plus étrange. « Le diable est menteur, nous
390 iable est menteur, nous dit-il, et il est le père de son propre mensonge. » Par ici nous entrons au mystère du mal. Le pèr
391 » Par ici nous entrons au mystère du mal. Le père de son mensonge est celui qui l’engendre, le conçoit par ses propres œuv
392 re, le conçoit par ses propres œuvres, en abusant d’ une vérité qu’il rejette aussitôt qu’avilie et qui mourra du monstre m
393 nsonge, par essence, n’est pas ! C’est une espèce de décréation. C’est le trompe-l’œil et le sonne-creux de l’invention bâ
394 création. C’est le trompe-l’œil et le sonne-creux de l’invention bâtarde et de l’art inauthentique. Le diable est le père
395 l’œil et le sonne-creux de l’invention bâtarde et de l’art inauthentique. Le diable est le père du faux art, de toutes ces
396 inauthentique. Le diable est le père du faux art, de toutes ces œuvres qui ne sont « ni bien ni mal », parce que l’acte do
397 supprime les mesures mêmes du beau. Il n’y a plus de fautes de goût possible là où n’existe plus de goût comme il n’y a pl
398 es mesures mêmes du beau. Il n’y a plus de fautes de goût possible là où n’existe plus de goût comme il n’y a plus de crim
399 us de fautes de goût possible là où n’existe plus de goût comme il n’y a plus de crime possible la où n’existe plus de Loi
400 e là où n’existe plus de goût comme il n’y a plus de crime possible la où n’existe plus de Loi. Peut-être ici découvrons-n
401 n’y a plus de crime possible la où n’existe plus de Loi. Peut-être ici découvrons-nous la raison dernière du mensonge : c
402 on dernière du mensonge : c’est toujours le désir d’ innocence utopique. Le mensonge ordinaire n’était que l’omission ou la
403 inaire n’était que l’omission ou la contradiction d’ une vérité, qui subsistait ailleurs et nous jugeait encore. Mais le me
404 e mensonge diabolique tue le juge. Il ne part que de soi, et ne prolifère qu’en autarcie, comme une monade cancéreuse, int
405 ncéreuse, introduisant dans l’univers ce sophisme de pure angoisse : le mensonge d’aucune vérité. j. Rougemont Denis de
406 nivers ce sophisme de pure angoisse : le mensonge d’ aucune vérité. j. Rougemont Denis de, « Les tours du diable II : Le
407 e mensonge d’aucune vérité. j. Rougemont Denis de , « Les tours du diable II : Le menteur », La Vie protestante, Genève,
9 1943, La Vie protestante, articles (1938–1978). Les tours du diable III : diable et sexe (29 octobre 1943)
408 e réside dans la sexualité. L’illusion s’aperçoit d’ une manière assez simple : la sexualité est le domaine des tentations
409 es plus sensibles et les plus communes. Assez peu d’ hommes sont réellement tentés de voler le portefeuille du voisin, mais
410 mmunes. Assez peu d’hommes sont réellement tentés de voler le portefeuille du voisin, mais presque tout homme s’est vu ten
411 u voisin, mais presque tout homme s’est vu tenter de prendre la femme du voisin, soit en recourant aux raisons pathétiques
412 tal ! » —, soit en se persuadant que « ça n’a pas d’ importance » ; ou les deux ensemble. En vérité, la sexualité en soi n’
413 originel fut l’acte sexuel, dont la consommation de la pomme serait le symbole, c’est parce qu’ils assimilent le péché en
414 e que l’on croit, notez que ce n’est pas le geste de manger une pomme qui était mauvais aux yeux de l’Éternel, ni la pomme
415 en soi (au contraire), mais seulement la révolte d’ Ève et son désir de se diviniser à sa façon. Si la sexualité pouvait r
416 re), mais seulement la révolte d’Ève et son désir de se diviniser à sa façon. Si la sexualité pouvait rester pure, c’est-à
417 elle va se pervertir et devenir à son tour source de perversion. La paillardise joyeuse est certainement l’une des formes
418 s diaboliques du péché. Je n’en dirais pas autant de certaines amours pseudo-mystiques, nœuds de sophismes spirituels où l
419 utant de certaines amours pseudo-mystiques, nœuds de sophismes spirituels où le serpent se love avec délices. La sexualité
420 autres fonctions naturelles par un certain manque de nécessité. Il est nécessaire de manger et de respirer, et il est néce
421 un certain manque de nécessité. Il est nécessaire de manger et de respirer, et il est nécessaire que le sang circule, mais
422 nque de nécessité. Il est nécessaire de manger et de respirer, et il est nécessaire que le sang circule, mais on peut vivr
423 nscient. D’autre part, il est lié à la créativité de l’homme, il en est l’aspect corporel, le symbole ou le signe physique
424 est libre, c’est-à-dire parce qu’il peut choisir de créer selon l’ordre divin, ou au contraire selon ses propres utopies.
425 res utopies. C’est donc en tant qu’elle participe de notre libre créativité, comme le langage et les activités de l’esprit
426 bre créativité, comme le langage et les activités de l’esprit, que la sexualité donne prise au diable. Et certes il ne s’y
427 i rend un culte obsédé. L’idéalisation romantique de l’amour dans l’époque moderne, entraînant une pruderie morbide du lan
428 tout expliquer » par les censures et refoulements de la morale en vigueur dans son milieu, et de son temps. D’où l’on devr
429 ments de la morale en vigueur dans son milieu, et de son temps. D’où l’on devrait déduire que le meilleur moyen de préveni
430 rale en vigueur dans son milieu, et de son temps. D’ où l’on devrait déduire que le meilleur moyen de prévenir les états de
431 . D’où l’on devrait déduire que le meilleur moyen de prévenir les états de possession satanique et les névroses nées de tr
432 duire que le meilleur moyen de prévenir les états de possession satanique et les névroses nées de troubles sexuels, serait
433 tats de possession satanique et les névroses nées de troubles sexuels, serait simplement la franchise, non pas « scientifi
434 e en proposant une licence absolue. Or, l’absence de contraintes choisies rend la sexualité insignifiante, et déprime secr
435 insignifiante, et déprime secrètement l’humanité de l’homme. Le sexe n’est pas plus divin qu’il n’est honteux, mais il es
436 st lié intimement aux fonctions les plus humaines de l’homme, à ses pouvoirs de création dans tous les ordres, à ses jugem
437 ions les plus humaines de l’homme, à ses pouvoirs de création dans tous les ordres, à ses jugements esthétiques ou moraux,
438 , à tout ce qui qualifie l’individu et lui permet de se posséder en tant que personne responsable. L’indifférence croissan
439 nterdits qui prêtaient à l’acte sexuel la gravité d’ un engagement, cette espèce d’insouciance morale se traduit moins par
440 e sexuel la gravité d’un engagement, cette espèce d’ insouciance morale se traduit moins par une libération que par une fla
441 présence de cet affadissement, l’on serait tenté de regretter le temps où Satan proposait des combats plus féconds… k.
442 t des combats plus féconds… k. Rougemont Denis de , « Les tours du diable III : diable et sexe », La Vie protestante, Ge
10 1943, La Vie protestante, articles (1938–1978). Les tours du diable IV : L’accusateur (5 novembre 1943)
443 st peut-être au monde qu’une seule chose pire que de douter du bien et du réel, et c’est de douter du pardon, une fois qu’
444 e pire que de douter du bien et du réel, et c’est de douter du pardon, une fois qu’on a trahi le bien et le réel. Car dout
445 esser le mal qu’on a commis ; pour oser qualifier de faute sa propre faute ; et pour que puisse renaître la confiance qui
446 enaître la confiance qui donnera seule le courage de rebâtir. Celui qui doute du pardon ne peut pas confesser son crime, e
447 ble est cet Accusateur qui veut nous faire douter de notre pardon pour nous forcer à fuir dans les remèdes du pire. L’Apoc
448 ire. L’Apocalypse le désigne comme « l’Accusateur de nos frères, celui qui les accuse devant Dieu jour et nuit ». C’est lu
449 u jour et nuit ». C’est lui qui demandait la tête de Job devant le tribunal céleste. Non content de nous prendre à ses piè
450 ris il est le premier à nous dénoncer devant Dieu de la manière la plus impitoyable. Non par amour de la justice, mais par
451 de la manière la plus impitoyable. Non par amour de la justice, mais par amour de notre châtiment, par haine froide. Pour
452 able. Non par amour de la justice, mais par amour de notre châtiment, par haine froide. Pour le stérile plaisir d’avoir ra
453 timent, par haine froide. Pour le stérile plaisir d’ avoir raison. Aussi, partout où l’on condamne sans pitié son prochain
454 simple faute de logique, la grâce pour une erreur de calcul statistique. La duplicité infernale, c’est de nous faire croir
455 calcul statistique. La duplicité infernale, c’est de nous faire croire qu’il n’y a pas de juge, ni d’ordre divin du réel,
456 rnale, c’est de nous faire croire qu’il n’y a pas de juge, ni d’ordre divin du réel, et aussitôt que nous l’avons cru, de
457 de nous faire croire qu’il n’y a pas de juge, ni d’ ordre divin du réel, et aussitôt que nous l’avons cru, de nous accuser
458 divin du réel, et aussitôt que nous l’avons cru, de nous accuser de contravention devant le Juge. Ainsi la morale laïque,
459 et aussitôt que nous l’avons cru, de nous accuser de contravention devant le Juge. Ainsi la morale laïque, morale du devoi
460 ersonnel, nous accuse et nous prive en même temps de tout recours à Celui qui pardonne. Elle ne laisse aux meilleures de s
461 Celui qui pardonne. Elle ne laisse aux meilleures de ses victimes que l’héroïsme autosadique de la révolte. l. Rougemon
462 leures de ses victimes que l’héroïsme autosadique de la révolte. l. Rougemont Denis de, « Les tours du diable IV : L’ac
463 autosadique de la révolte. l. Rougemont Denis de , « Les tours du diable IV : L’accusateur », La Vie protestante, Genèv
11 1943, La Vie protestante, articles (1938–1978). Les tours du diable V : Le tentateur (12 novembre 1943)
464 vembre 1943)m « Le serpent était le plus rusé de tous les animaux des champs que l’Éternel Dieu avait faits. Il dit à
465 Dieu a-t-il réellement dit : vous ne mangerez pas de tous les arbres du jardin ? La femme répondit au serpent : nous mange
466 u fruit des arbres du jardin. Mais quant au fruit de l’arbre qui est au milieu du jardin, Dieu a dit : vous n’en mangerez
467 n’en mangerez point et vous n’y toucherez point, de peur que vous n’en mouriez. Alors le serpent dit à la femme : vous ne
468 y a le doute ! Le premier procédé du démon, c’est de jeter un doute sur la réalité de la loi divine, et donc sur la réalit
469 du démon, c’est de jeter un doute sur la réalité de la loi divine, et donc sur la réalité elle-même et ses structures. « 
470 itude est insinuée dans un esprit, la possibilité d’ une tentation s’entrouvre. Car il n’y a pas de tentation là où n’exist
471 ité d’une tentation s’entrouvre. Car il n’y a pas de tentation là où n’existe aucune possibilité d’imaginer quelque autre
472 as de tentation là où n’existe aucune possibilité d’ imaginer quelque autre chose que l’état de fait. On dit bien : l’occas
473 ibilité d’imaginer quelque autre chose que l’état de fait. On dit bien : l’occasion fait le larron. Vous n’êtes pas tenté
474 l’occasion fait le larron. Vous n’êtes pas tenté d’ aller dans la lune, parce que vous savez que c’est absolument impossib
475 t impossible. Mais vous seriez probablement tenté d’ y aller, si l’on vous suggérait quelque moyen de le faire. Ève ne pens
476 é d’y aller, si l’on vous suggérait quelque moyen de le faire. Ève ne pensait même pas à manger cette pomme avant que le s
477 vant que le serpent n’ait mis en doute la réalité de l’ordonnance de Dieu. À l’origine de toute tentation, il y a l’occasi
478 ent n’ait mis en doute la réalité de l’ordonnance de Dieu. À l’origine de toute tentation, il y a l’occasion entrevue d’al
479 e la réalité de l’ordonnance de Dieu. À l’origine de toute tentation, il y a l’occasion entrevue d’aller à la divinité par
480 ne de toute tentation, il y a l’occasion entrevue d’ aller à la divinité par un plus court chemin que celui du réel ; par u
481 e, en dépit des interdictions que posent les lois de la Création, l’ordre divin et la nature de l’homme. Et voici le deuxi
482 s lois de la Création, l’ordre divin et la nature de l’homme. Et voici le deuxième temps de la tentation : « La femme vit
483 la nature de l’homme. Et voici le deuxième temps de la tentation : « La femme vit que l’arbre était bon à manger et agré
484 t précieux pour ouvrir l’intelligence : elle prit de son fruit et en mangea. » (Gen. 3:6) Voyez : ce n’est pas le mal en s
485 our l’esprit. Elle ne fut pas tentée par le désir de nuire, mais l’idée de se diviniser, ce qui paraît en somme une excell
486 fut pas tentée par le désir de nuire, mais l’idée de se diviniser, ce qui paraît en somme une excellente idée. Par malheur
487 le, Dieu n’aimait pas cette idée-là et l’excluait de sa réalité. Manger cette pomme et se diviniser de cette manière convo
488 de sa réalité. Manger cette pomme et se diviniser de cette manière convoiteuse, il se trouvait qu’aux yeux de Dieu c’était
489 ie — si l’utopie est l’imagination, puis le désir d’ un bien que le réel condamne et que le plan divin ne prévoit pas. Sata
490 e Christ, lui propose trois utopies, trois moyens de gagner le monde par un plus court chemin que le sentier de Golgotha.
491 le monde par un plus court chemin que le sentier de Golgotha. À l’origine, le « méchant » n’est pas celui qui agit par mé
492 ’est plus tard, c’est après plusieurs générations de pécheurs dans l’histoire, ou de péchés dans une vie, que le mal finir
493 ieurs générations de pécheurs dans l’histoire, ou de péchés dans une vie, que le mal finira par exister en soi, apparence
494 elaire peut écrire : « L’homme et la femme savent de naissance que dans le mal se trouve la volupté… La volupté unique et
495 a volupté unique et suprême gît dans la certitude de faire le mal. » Mais ici se sont déclenchés les mécanismes compliqués
496 ici se sont déclenchés les mécanismes compliqués de la perversion, de l’autopunition d’une conscience déchirée, et du dés
497 nchés les mécanismes compliqués de la perversion, de l’autopunition d’une conscience déchirée, et du désir enfin de se dét
498 es compliqués de la perversion, de l’autopunition d’ une conscience déchirée, et du désir enfin de se détruire. Se détruire
499 tion d’une conscience déchirée, et du désir enfin de se détruire. Se détruire pour s’innocenter ! Pour échapper, à sa mani
500 éparer. C’est le mystère du suicide et la logique de Judas, la suprême utopie. m. Rougemont Denis de, « Les tours du di
501 e Judas, la suprême utopie. m. Rougemont Denis de , « Les tours du diable V : Le tentateur », La Vie protestante, Genève
12 1943, La Vie protestante, articles (1938–1978). Les tours du diable VI : Le mal du siècle : la dépersonnalisation (19 novembre 1943)
502 , l’auteur, et l’homme qui réussit, cette galerie de victimes est classique au point d’en être presque démodée. Car Satan
503 cette galerie de victimes est classique au point d’ en être presque démodée. Car Satan marche avec son temps, et paraît se
504 Satan marche avec son temps, et paraît se soucier de moins en moins de persuader l’individu, dans une époque où celui-ci n
505 son temps, et paraît se soucier de moins en moins de persuader l’individu, dans une époque où celui-ci n’existe guère. Son
506 eilleure interprétation des phénomènes collectifs d’ aujourd’hui fut donnée vers 1848 par l’écrivain danois Kierkegaard, le
507 l’écrivain danois Kierkegaard, le penseur capital de notre ère. Voici ce que l’on peut lire dans son journal intime : En o
508 e et des époques qui discutaient sans fin les cas de possession, c’est-à-dire d’individus particuliers se livrant au mal,
509 ient sans fin les cas de possession, c’est-à-dire d’ individus particuliers se livrant au mal, je voudrais écrire un livre
510 ontrer comment l’humanité qui se donne au diable, de nos jours, le fait en masse. C’est pour cela que les gens se rassembl
511 pour que l’hystérie naturelle et animale s’empare d’ eux, pour qu’ils se sentent stimulés, enflammés et hors d’eux-mêmes. L
512 our qu’ils se sentent stimulés, enflammés et hors d’ eux-mêmes. Les scènes du Blocksberg sont le pendant exact de ces plais
513 s. Les scènes du Blocksberg sont le pendant exact de ces plaisirs démoniaques, qui consistent à se perdre soi-même, à se l
514 ne sait plus ce que l’on est en train de faire ou de dire, on ne sait plus ce qui parle à travers vous, tandis que le sang
515 ue et avant tous, le principe diabolique créateur de la masse : fuir sa propre personne, n’être plus responsable, donc plu
516 lus coupable, et devenir du même coup participant de la puissance divinisée de l’Anonyme. Or l’Anonyme a bien des chances
517 u même coup participant de la puissance divinisée de l’Anonyme. Or l’Anonyme a bien des chances d’être celui qui aime à di
518 sée de l’Anonyme. Or l’Anonyme a bien des chances d’ être celui qui aime à dire : Je ne suis Personne… La foule, c’est le l
519 re : Je ne suis Personne… La foule, c’est le lieu de rendez-vous des hommes qui se fuient, eux et leur vocation. Elle n’es
520 eux et leur vocation. Elle n’est personne et tire de là son assurance dans le crime. « Il ne s’est pas trouvé un seul sold
521 ité. Mais trois ou quatre femmes, dans l’illusion d’ être une foule, et que personne peut-être ne saurait dire qui l’avait
522  !… Car une foule est une abstraction qui n’a pas de mains, mais chaque homme isolé a, dans la règle, deux mains, et lorsq
523 nt ses mains, non celles du voisin, et non celles de la foule qui n’a pas de mains » (Kierkegaard). Reconnaissons ici la v
524 du voisin, et non celles de la foule qui n’a pas de mains » (Kierkegaard). Reconnaissons ici la vieille tactique, la semp
525 ci la vieille tactique, la sempiternelle tactique de Satan. Dès la première tentation en Eden, il a recours au même et uni
526 omme qu’il n’est pas responsable, qu’il n’y a pas de Juge, que la Loi est douteuse, qu’on ne saura pas, et que d’ailleurs,
527 e coup réussi, on sera Dieu soi-même, donc maître de fixer le bien et le mal à sa guise. « Alors ils entendirent la voix
528 mal à sa guise. « Alors ils entendirent la voix de l’Éternel Dieu, qui parcourait le jardin vers le soir, et l’homme et
529 l’homme et sa femme se cachèrent loin de la face de l’Éternel Dieu, au milieu des arbres du jardin. Mais l’Éternel Dieu a
530 t’a appris que tu es nu ? Est-ce que tu as mangé de l’arbre dont je t’avais défendu de manger ? L’homme répondit : La fem
531 ue tu as mangé de l’arbre dont je t’avais défendu de manger ? L’homme répondit : La femme que tu as mise auprès de moi m’a
532 : La femme que tu as mise auprès de moi m’a donné de l’arbre, et j’en ai mangé. Et l’Éternel Dieu dit à la femme : Pourquo
533 ils disent que c’était l’autre. Ainsi les hommes de notre temps, poussés par leurs « complexes de culpabilité » et fuyant
534 mes de notre temps, poussés par leurs « complexes de culpabilité » et fuyant devant l’aveu de leurs fautes, vont se cacher
535 omplexes de culpabilité » et fuyant devant l’aveu de leurs fautes, vont se cacher dans les arbres, dans la foule. C’est-à-
536 ù l’on est, à coup sûr, le plus « loin de la face de l’Éternel ». Pour qu’il n’y ait plus de responsabilité, il faut qu’il
537 e la face de l’Éternel ». Pour qu’il n’y ait plus de responsabilité, il faut qu’il n’y ait plus personne. Or si j’appelle
538 plus personne. Or si j’appelle et qu’il n’y a pas de réponse, je dis qu’il n’y a personne. La personne est en nous ce qui
539 a personne. La personne est en nous ce qui répond de nos actes, ce qui est « capable de réponse » ou responsable ; dans un
540 ce qui répond de nos actes, ce qui est « capable de réponse » ou responsable ; dans une foule, il n’y a plus de réponse i
541  » ou responsable ; dans une foule, il n’y a plus de réponse individuelle ; pour qu’il n’y ait plus de responsable, il suf
542 de réponse individuelle ; pour qu’il n’y ait plus de responsable, il suffit qu’il y ait une masse. Satan va donc créer les
543 donc créer les masses. Nous tenons ici le secret de sa grande stratégie : produire le péché en série et rationaliser la c
544 l’évolution générale du temps, favorisent ce plan de mille manières. Tout concourt, dans le cadre de nos vies, à nous priv
545 n de mille manières. Tout concourt, dans le cadre de nos vies, à nous priver du sentiment d’être une personne responsable.
546 le cadre de nos vies, à nous priver du sentiment d’ être une personne responsable. Nous vivons tous, de plus en plus, dans
547 Nous vivons tous, de plus en plus, dans un monde de transe collective. Nous participons tous, de plus en plus, à des form
548 s participons tous, de plus en plus, à des formes de vie étrangères à notre sort particulier et à nos aptitudes normales.
549 par leurs chefs. Tout cela contribue à l’arracher de sa vie propre, où il ne se passerait jamais rien de semblable. Quant
550 sa vie propre, où il ne se passerait jamais rien de semblable. Quant aux inconvénients et à l’ennui de cette vie propre,
551 e semblable. Quant aux inconvénients et à l’ennui de cette vie propre, autrefois jugés normaux, ils apparaissent de plus e
552 acceptables à mesure que se répandent les notions de progrès indéfini, de confort à tout prix, de succès rapide, et à mesu
553 que se répandent les notions de progrès indéfini, de confort à tout prix, de succès rapide, et à mesure que s’efface la cr
554 ions de progrès indéfini, de confort à tout prix, de succès rapide, et à mesure que s’efface la croyance dans un au-delà.
555 Elles poussent l’homme à rechercher les occasions d’ être dépossédé de soi. Elles font de chacun de nous un sujet prédispos
556 homme à rechercher les occasions d’être dépossédé de soi. Elles font de chacun de nous un sujet prédisposé à l’hypnose col
557 les occasions d’être dépossédé de soi. Elles font de chacun de nous un sujet prédisposé à l’hypnose collective, une victim
558 ons d’être dépossédé de soi. Elles font de chacun de nous un sujet prédisposé à l’hypnose collective, une victime virtuell
559 se collective, une victime virtuelle des passions de masse. Certes, il n’y aurait pas de masses possibles, au sens précis
560 des passions de masse. Certes, il n’y aurait pas de masses possibles, au sens précis de concentration d’hommes, sans la r
561 ’y aurait pas de masses possibles, au sens précis de concentration d’hommes, sans la radio, les haut-parleurs, la presse e
562 masses possibles, au sens précis de concentration d’ hommes, sans la radio, les haut-parleurs, la presse et les transports
563 rue seulement. Elle est dans la pensée des hommes de ce temps, elle a ses sources au plus intime des existences individuel
564 ent qu’on peut la dénoncer. n. Rougemont Denis de , « Les tours du diable VI : Le mal du siècle : la dépersonnalisation 
13 1943, La Vie protestante, articles (1938–1978). Les tours du diable VII : La cinquième colonne (26 novembre 1943)
565 me colonne (26 novembre 1943)o J’ai dit du mal de tout le monde — des autres, de nous, et donc de moi aussi. Mais si le
566 J’ai dit du mal de tout le monde — des autres, de nous, et donc de moi aussi. Mais si le diable est partout, sa figure
567 l de tout le monde — des autres, de nous, et donc de moi aussi. Mais si le diable est partout, sa figure se brouille. Et l
568 nner une image nette et facilement reconnaissable de la personne de Satan ? C’est que le diable est justement celui qui n’
569 nette et facilement reconnaissable de la personne de Satan ? C’est que le diable est justement celui qui n’est jamais clai
570 pour être à la fois juge et partie dans le procès de sa définition. Un être paradoxal pas essence. Il est, oui, mais il es
571 néant, ce qui souhaite secrètement la destruction de l’existence, — celle des autres ou la sienne propre. Sa qualité de n’
572  celle des autres ou la sienne propre. Sa qualité de n’être pas ceci ou cela de positif lui donne une liberté indéfinie d’
573 nne propre. Sa qualité de n’être pas ceci ou cela de positif lui donne une liberté indéfinie d’action, d’incognito et d’al
574 u cela de positif lui donne une liberté indéfinie d’ action, d’incognito et d’alibis à perte de vue. Vulgaire et séduisant,
575 positif lui donne une liberté indéfinie d’action, d’ incognito et d’alibis à perte de vue. Vulgaire et séduisant, pharisien
576 ne une liberté indéfinie d’action, d’incognito et d’ alibis à perte de vue. Vulgaire et séduisant, pharisien et voyou, hypo
577 ure la plus poétique du monde, au sens romantique de ce terme. Il est beau aux yeux des naïfs qui croient que le mal doit
578 qui croient que le mal doit être laid ; et il est d’ une laideur irrésistiblement attirante aux yeux des désabusés et des r
579 notre raison. On sait assez que le procédé favori de la Cinquième Colonne consiste à semer la confusion dans le camp de l’
580 olonne consiste à semer la confusion dans le camp de l’adversaire en y répandant alternativement de vraies et de fausses n
581 mp de l’adversaire en y répandant alternativement de vraies et de fausses nouvelles. Voilà le diable à l’œuvre dans nos vi
582 saire en y répandant alternativement de vraies et de fausses nouvelles. Voilà le diable à l’œuvre dans nos vies ! Il est l
583 e à l’œuvre dans nos vies ! Il est l’essence même de la Cinquième Colonne au siècle des siècles. Enfin — et ceci doit me r
584 re qui, lorsqu’une dénonciation le fait déguerpir de sa cachette, va se loger de préférence chez celui qui l’a dénoncé, et
585 ion le fait déguerpir de sa cachette, va se loger de préférence chez celui qui l’a dénoncé, et qui se tient pour assuré da
586 auteuil où vous êtes assis. o. Rougemont Denis de , « Les tours du diable VII : La cinquième colonne », La Vie protestan
14 1943, La Vie protestante, articles (1938–1978). Les tours du diable VIII : Le diable démocrate (3 décembre 1943)
587 rogrès automatique. Devant les résultats présents de cette croyance quasi universelle dans les masses et l’élite, l’on est
588 e fataliste et réconfortante que tout s’arrangera de soi-même, dans l’ensemble et à la longue, alors le Progrès devient le
589 soporifiques, une véritable drogue du démon, l’un de ses nouveaux noms. Nous avons cru à la bonté foncière de l’homme. Par
590 nouveaux noms. Nous avons cru à la bonté foncière de l’homme. Par gentillesse pour les autres, évidemment… Mais c’est touj
591 tres, évidemment… Mais c’est toujours une manière de croire aussi à sa propre bonté. Et donc de s’aveugler sur le mal que
592 anière de croire aussi à sa propre bonté. Et donc de s’aveugler sur le mal que l’on porte en soi. Et donc de ne pas se sou
593 veugler sur le mal que l’on porte en soi. Et donc de ne pas se soucier de la présence active du démon. Et donc enfin de lu
594 e l’on porte en soi. Et donc de ne pas se soucier de la présence active du démon. Et donc enfin de lui laisser le champ li
595 ier de la présence active du démon. Et donc enfin de lui laisser le champ libre pour nous duper. Nous avons cru que le mal
596 mal était relatif dans le monde, qu’il provenait d’ une mauvaise répartition des biens, d’une éducation mal comprise, de l
597 l provenait d’une mauvaise répartition des biens, d’ une éducation mal comprise, de lois inadéquates, ou de refoulements et
598 artition des biens, d’une éducation mal comprise, de lois inadéquates, ou de refoulements et d’injustices qui pouvaient êt
599 e éducation mal comprise, de lois inadéquates, ou de refoulements et d’injustices qui pouvaient être éliminés par des mesu
600 prise, de lois inadéquates, ou de refoulements et d’ injustices qui pouvaient être éliminés par des mesures adroites. Toute
601 rtie superstitieuses, ont eu pour principal effet de nous aveugler sur la réalité de l’homme, c’est-à-dire sur la réalité
602 r principal effet de nous aveugler sur la réalité de l’homme, c’est-à-dire sur la réalité essentielle du mal enraciné dans
603 mières, dans la nature et dans la définition même de l’homme en tant qu’il est humain. Nous avons été optimistes par princ
604 savoir-vivre, dirait-on, malgré tous les démentis de la réalité. Cet optimisme n’est pas la confiance naïve de l’enfant, m
605 alité. Cet optimisme n’est pas la confiance naïve de l’enfant, mais une espèce de mensonge. Exactement : une fuite devant
606 s la confiance naïve de l’enfant, mais une espèce de mensonge. Exactement : une fuite devant le réel. Car dans le réel, no
607 s scandalise et nous effraye. Alors nous essayons de conjurer le mal en le niant : c’est encore la mentalité magique. Nous
608 Nous croyons qu’en avouant le mal, nous le créons d’ une certaine manière. Nous préférons ne pas insister. Nous « refoulons
609 ce mensonge inconscients, nous rendent incapables de comprendre ce qui se passe dans le monde, et nous livrent aux ruses l
610 ses les plus simples du Malin. Nous avons éliminé de notre existence bourgeoise le sens du tragique, pour nous tourner exc
611 la nous gênait. Nous l’écartions irrésistiblement de nos pensées… Car si ce « trop affreux » eût été vraiment vrai, il eût
612 ffreux » eût été vraiment vrai, il eût fallu agir d’ urgence et sans réserve ; et si nous nous étions mis à agir sans réser
613 mal avait des racines dans nos vies aussi, et que d’ une certaine manière, nous l’aimions ! Voilà le grand secret. Le diabl
614 plus que des armées. Elle oppose des conceptions de la vie. C’est une espèce de guerre civile mondiale. Elle sera perdue
615 ppose des conceptions de la vie. C’est une espèce de guerre civile mondiale. Elle sera perdue si nous perdons d’abord le s
616 Elle sera perdue si nous perdons d’abord le sens de la réalité morale. ⁂ L’une des leçons claires qui se dégagent des évé
617 itain tenté et qui se fait une caricature du vice d’ autrui pour éviter de le reconnaître en lui-même. … C’est pourquoi nou
618 fait une caricature du vice d’autrui pour éviter de le reconnaître en lui-même. … C’est pourquoi nous dirons aujourd’hui
619 — Regardez le diable qui est parmi nous ! Cessez de croire qu’il ne peut ressembler qu’à vos ennemis, car c’est à vous-mê
620 r le fait. Et alors seulement, vous serez en état de la dépister chez autrui, et de l’y combattre avec succès. Car alors s
621 vous serez en état de la dépister chez autrui, et de l’y combattre avec succès. Car alors seulement, vous serez guéris de
622 ec succès. Car alors seulement, vous serez guéris de votre naïveté invraisemblable devant le danger totalitaire. Vous pour
623 urrez échapper à l’hypnose. p. Rougemont Denis de , « Les tours du diable VIII : Le diable démocrate », La Vie protestan
15 1943, La Vie protestante, articles (1938–1978). Les tours du diable IX : « Nous sommes tous coupables » (10 décembre 1943)
624 embre 1943)q Chacun sait que les « primitifs » de la Mélanésie, victimes des plus célèbres études sociologiques du sièc
625 èbres études sociologiques du siècle, ont coutume de personnifier les forces mauvaises qui les menacent, les causes des cr
626 s menacent, les causes des crimes, des accidents, de la stérilité ou de la mort. Que ce soit un sorcier, un profanateur du
627 ses des crimes, des accidents, de la stérilité ou de la mort. Que ce soit un sorcier, un profanateur du sacré, un animal,
628 rofanateur du sacré, un animal, un nuage, un bout de bois colorié, toujours la cause du mal dont souffrent ces sauvages es
629 mal dont souffrent ces sauvages est indépendante d’ eux-mêmes. À l’inverse, le christianisme s’est efforcé depuis des sièc
630 le christianisme s’est efforcé depuis des siècles de nous faire comprendre que le Royaume de Dieu est en nous, que le Mal
631 s siècles de nous faire comprendre que le Royaume de Dieu est en nous, que le Mal aussi est en nous, et que le champ de le
632 us, que le Mal aussi est en nous, et que le champ de leur bataille n’est pas ailleurs que dans nos cœurs. Cette éducation
633 ans notre primitivisme. Nous rendons responsables de nos maux les gens d’en face, toujours, ou la force des choses. Si nou
634 e. Nous rendons responsables de nos maux les gens d’ en face, toujours, ou la force des choses. Si nous sommes révolutionna
635 ires, nous croyons qu’en changeant la disposition de certains objets — en déplaçant les richesses, par exemple — nous supp
636 mêmes objets, nous sauverons tout. Si nous sommes de braves démocrates, inquiets ou optimistes, nous croyons qu’en rôtissa
637 sommes encore en pleine mentalité magique. Comme de petits enfants en colère, nous battons la table à laquelle nous nous
638 eurtés. Ou comme Xerxès, nous flagellons les eaux de l’Hellespont, à grands coups de discours sur les ondes courtes. Nous
639 agellons les eaux de l’Hellespont, à grands coups de discours sur les ondes courtes. Nous oublions ce fait fondamental : c
640 nos adversaires ne diffèrent pas essentiellement de nous. Car tout homme porte dans son corps (et dans son âme) les micro
641 rte dans son corps (et dans son âme) les microbes de toutes les maladies connues, et de bien d’autres. Anéantir les signes
642 ) les microbes de toutes les maladies connues, et de bien d’autres. Anéantir les signes extérieurs de la menace ne serait
643 de bien d’autres. Anéantir les signes extérieurs de la menace ne serait nullement suffisant pour nous en délivrer. Ces si
644 ourraient bien se développer un jour, à la faveur de la misère ou de la fatigue, ou de quelque déséquilibre temporaire. L’
645 e développer un jour, à la faveur de la misère ou de la fatigue, ou de quelque déséquilibre temporaire. L’adversaire est t
646 ur, à la faveur de la misère ou de la fatigue, ou de quelque déséquilibre temporaire. L’adversaire est toujours en nous. E
647 chrétien véritable serait cet homme qui n’aurait d’ autre ennemi à craindre que celui qu’il loge en lui-même. Mais voici u
648 r mauvaise volonté. Nous sommes tous des « hommes de bonne volonté ». Pourtant voyez ce qui se passe dans le monde, et dit
649 par nos mains et nos pensées. C’est ici le moment de nous rappeler notre slogan démocratique : Tous les hommes se valent !
650 tention des remarques précédentes n’est nullement de justifier « les autres », que l’on avait d’abord accusés de tout le m
651 er « les autres », que l’on avait d’abord accusés de tout le mal ; ni de nous fourrer tous dans le même sac, sans distinct
652 ue l’on avait d’abord accusés de tout le mal ; ni de nous fourrer tous dans le même sac, sans distinctions… Je veux dire c
653 lle du démon dans nos passions, dans notre besoin de sensation, dans notre crainte des responsabilités, dans notre inertie
654 ue, dans notre lâcheté vis-à-vis du grand nombre, de ses modes et de ses slogans, dans notre ignorance du prochain, dans n
655 âcheté vis-à-vis du grand nombre, de ses modes et de ses slogans, dans notre ignorance du prochain, dans notre refus enfin
656 tre ignorance du prochain, dans notre refus enfin de tout Absolu qui transcende et qui juge nos intérêts « vitaux » (comme
657 dirai pas que je vais laisser courir le criminel d’ en face, pour mieux me livrer d’abord à ma réforme intérieure ! Je dir
658 me réformer et la lutte pour empêcher le criminel de poursuivre ses méfaits, sont une seule et même lutte. Que servirait d
659 aits, sont une seule et même lutte. Que servirait de gagner cette lutte en moi seulement, puisque le criminel risquerait d
660 en moi seulement, puisque le criminel risquerait de me supprimer ? Que servirait de la gagner hors de moi seulement, puis
661 iminel risquerait de me supprimer ? Que servirait de la gagner hors de moi seulement, puisque je risquerais de devenir à m
662 gner hors de moi seulement, puisque je risquerais de devenir à mon tour un autre criminel ? Il n’y a qu’un crime, en moi e
663 disent-ils, donc nous n’avons pas le droit moral de nous battre contre celui que nous tenons pour un coupable. » — Nous s
664 e des pompiers et des gendarmes. Cela ne fait pas de nous des saints. Cela n’implique même pas que nous soyons « meilleurs
665 e faisons pas notre métier. q. Rougemont Denis de , « Les tours du diable IX : “Nous sommes tous coupables” », La Vie pr
16 1943, La Vie protestante, articles (1938–1978). Les tours du diable X : Le diable homme du monde (17 décembre 1943)
666 très bien ? Entre les gens du monde et le Prince de ce monde, les mots suggèrent, dans presque toutes les langues, certai
667 ré peut-être par les traditionnels avertissements de la chaire chrétienne, a toujours vu dans la « mondanité » quelque cho
668 a toujours vu dans la « mondanité » quelque chose de vaguement satanique. Il imaginerait volontiers un diable en cravate b
669 que l’on peut penser aussi des gens du monde, et de la sagesse mondaine en général. Elle a son charme et son utilité ; ma
670 t vieille, elle est trop avertie, elle offre trop de recettes éprouvées : elle finit par ne plus croire au bien, ni au sér
671 te insondable ruse des cœurs purs qui leur permet de passer au travers des cercles vicieux de la raison et de l’égoïsme « 
672 r permet de passer au travers des cercles vicieux de la raison et de l’égoïsme « bien compris ». La fonction normale de la
673 er au travers des cercles vicieux de la raison et de l’égoïsme « bien compris ». La fonction normale de la vie mondaine se
674 e l’égoïsme « bien compris ». La fonction normale de la vie mondaine serait de maintenir et d’illustrer un certain nombre
675  ». La fonction normale de la vie mondaine serait de maintenir et d’illustrer un certain nombre de devises d’élégance mora
676 normale de la vie mondaine serait de maintenir et d’ illustrer un certain nombre de devises d’élégance morale et de sagesse
677 ait de maintenir et d’illustrer un certain nombre de devises d’élégance morale et de sagesse pratique. Il n’y a rien là de
678 tenir et d’illustrer un certain nombre de devises d’ élégance morale et de sagesse pratique. Il n’y a rien là de diabolique
679 un certain nombre de devises d’élégance morale et de sagesse pratique. Il n’y a rien là de diabolique, tout au contraire.
680 e morale et de sagesse pratique. Il n’y a rien là de diabolique, tout au contraire. Le jeu mondain, s’il est bien joué, mé
681 Le jeu mondain, s’il est bien joué, ménage autant de liberté qu’il ne suppose, dit-on, d’hypocrisie. Il a le charme reposa
682 énage autant de liberté qu’il ne suppose, dit-on, d’ hypocrisie. Il a le charme reposant des formes fixes. Mais le mondain
683 s le mondain qui n’est que cela inspire une sorte d’ effroi furtif, révélateur d’une présence perverse au sein même de l’in
684 ela inspire une sorte d’effroi furtif, révélateur d’ une présence perverse au sein même de l’insignifiance. L’exactitude im
685 , révélateur d’une présence perverse au sein même de l’insignifiance. L’exactitude impitoyable de ses jugements, qui ne po
686 même de l’insignifiance. L’exactitude impitoyable de ses jugements, qui ne portent d’ailleurs que sur des apparences ; sa
687 t d’ailleurs que sur des apparences ; sa capacité d’ éliminer froidement ce qui n’est pas conforme aux goûts appris ; sa pr
688 ris ; sa propension presque maniaque à n’attacher de l’importance qu’à un détail fortuit dans un être ou une œuvre ; tous
689 tous ces traits qui pourraient dénoter l’exigence d’ un artiste véritable, prennent soudain quelque chose de satanique lors
690 artiste véritable, prennent soudain quelque chose de satanique lorsque l’on s’aperçoit de la stérilité du personnage, et d
691 uelque chose de satanique lorsque l’on s’aperçoit de la stérilité du personnage, et des effets stérilisants qu’entraîne sa
692 ation. Ce n’est pas le goût ni même le pédantisme de la forme qui est satanique, c’est le goût de la forme imitée. Le mili
693 isme de la forme qui est satanique, c’est le goût de la forme imitée. Le milieu mondain le plus suavement correct et moral
694 re préféré par le diable à ces milieux bohèmes et de mœurs relâchées qui se croiraient volontiers damnés. C’est, je crois,
695 lus qu’ailleurs improbable. r. Rougemont Denis de , « Les tours du diable X : Le diable homme du monde », La Vie protest
17 1943, La Vie protestante, articles (1938–1978). Les tours du diable XI : Le diable dans nos dieux (24 décembre 1943)
696 nos dieux (24 décembre 1943)s Nous avons parlé de l’incognito du diable. Mais il existe aussi un incognito divin, et c’
697 ulement surent reconnaître le Christ dans le fils de Joseph, charpentier de village. Mais l’incognito et l’alibi du diable
698 tre le Christ dans le fils de Joseph, charpentier de village. Mais l’incognito et l’alibi du diable sont exactement invers
699 ble sont exactement inverses : c’est dans l’image de nos dieux qu’il va se dissimuler, au cœur même de nos idéaux et de no
700 de nos dieux qu’il va se dissimuler, au cœur même de nos idéaux et de nos vérités trop humaines, dans les religions que no
701 l va se dissimuler, au cœur même de nos idéaux et de nos vérités trop humaines, dans les religions que nous confabulons en
702 dehors de la foi révélée. Le diable nous empêche de reconnaître Dieu dans Jésus-Christ, mais à l’inverse, il nous empêche
703 s-Christ, mais à l’inverse, il nous empêche aussi de nous reconnaître dans nos idoles. Voici comment les hommes s’enchaîne
704  Dieu » qui était le moi conscient ou inconscient de ses croyants. Une image de leur impérialisme, ou une compensation rêv
705 nscient ou inconscient de ses croyants. Une image de leur impérialisme, ou une compensation rêvée de leurs défauts. Et ce
706 e de leur impérialisme, ou une compensation rêvée de leurs défauts. Et ce fut le Dieu de la raison pour les tempéraments r
707 nsation rêvée de leurs défauts. Et ce fut le Dieu de la raison pour les tempéraments rationalistes, le Dieu de l’instinct
708 ison pour les tempéraments rationalistes, le Dieu de l’instinct et de la passion pour les hypercivilisés, le Dieu du succè
709 péraments rationalistes, le Dieu de l’instinct et de la passion pour les hypercivilisés, le Dieu du succès pour les robust
710 pocrites que leurs prédécesseurs, n’ont pas parlé de « Dieu ». Mais ils ont dit Nation, ou Race, ou Classe. Dans ces trois
711 uisé qu’en un nous. Et ces trois entités ont ceci de commun : elles ne sont responsables de rien devant personne, s’étant
712 s ont ceci de commun : elles ne sont responsables de rien devant personne, s’étant faites elles-mêmes les critères de tout
713 personne, s’étant faites elles-mêmes les critères de toute vérité purement humaine, et décrétant qu’il n’est plus d’autre
714 é purement humaine, et décrétant qu’il n’est plus d’ autre vérité. Or, aux yeux de ceux qui les servent, l’homme n’existe q
715 obéissons, nous ne sommes donc plus responsables de nos actes, mais elles le sont à notre place. Et comme elles-mêmes n’o
716 devant aucune instance supérieure, il n’y a plus de responsabilité nulle part. Mais s’il apparaît, à l’inverse, que nous
717 s avec l’entité divinisée — parce que nous sommes d’ une autre race, d’une autre classe, ou d’une autre génération physique
718 vinisée — parce que nous sommes d’une autre race, d’ une autre classe, ou d’une autre génération physique et mentale que ce
719 s sommes d’une autre race, d’une autre classe, ou d’ une autre génération physique et mentale que celle qui détient le pouv
720 de la rue. Il avait la tête et les poches pleines de projets philanthropiques, propres à réformer l’humanité au-delà de to
721 thropiques, propres à réformer l’humanité au-delà de tout ce que je désirerais même imaginer. Il venait d’allumer un bon c
722 out ce que je désirerais même imaginer. Il venait d’ allumer un bon cigare dont la fumée montait comme un encens et devait
723 s mètres derrière lui suivaient le diable et l’un de ses compères. Ils observaient le Philanthrope, d’un œil critique. Un
724 de ses compères. Ils observaient le Philanthrope, d’ un œil critique. Un pauvre homme l’arrêta pour lui demander une cigare
725 pour lui demander une cigarette, dans une langue de réfugié. Le Philanthrope sans hésiter lui remit une pièce, et poursui
726 plendissait comme un sou neuf. « Tu n’as pas peur de lui ? dit le compère au diable. Il m’a l’air terriblement bon ! Et se
727 pondit rien ; il souriait, tout en lisant un bout de papier qu’il venait de ramasser sur le trottoir. Après quelques insta
728 oi, je vais l’organiser ! » s. Rougemont Denis de , « Les tours du diable XI : Le diable dans nos dieux », La Vie protes
18 1949, La Vie protestante, articles (1938–1978). Printemps de l’Europe (29 avril 1949)
729 Printemps de l’Europe (29 avril 1949)t On nous avait promis un très bel œuf de
730 il 1949)t On nous avait promis un très bel œuf de Pâques pour cette année. On nous avait laissés entendre que les statu
731 e. On nous avait laissés entendre que les statuts de l’Assemblée européenne seraient terminés ces jours-ci, à Londres. Il
732 nés ces jours-ci, à Londres. Il eût été bien beau de faire coïncider cette annonce du renouveau européen avec la fête de l
733 cette annonce du renouveau européen avec la fête de la Résurrection. Mais rien n’est venu jusqu’ici. Eh ! bien, si ce n’e
734 aire. La seule question qui se pose encore, c’est de savoir comment elle se fera. Peut-être n’est-il pas mauvais que la co
735 ueil aux propositions détaillées que les délégués de notre Mouvement européen lui soumettaient. Nous savons qu’elle les ét
736 e. Puisse-t-elle se laisser inspirer par ce temps de Pâques et les vacances, et puisse-t-elle prendre non seulement son te
737 hier, dans mon jardin, tout en cherchant des œufs de Pâques avec mes enfants, et je me disais : tout dépend d’une seule ch
738 s avec mes enfants, et je me disais : tout dépend d’ une seule chose, l’avenir de ces enfants et celui de nos pays, tout dé
739 disais : tout dépend d’une seule chose, l’avenir de ces enfants et celui de nos pays, tout dépend d’une seule chose, qui
740 une seule chose, l’avenir de ces enfants et celui de nos pays, tout dépend d’une seule chose, qui est celle-ci : les homme
741 de ces enfants et celui de nos pays, tout dépend d’ une seule chose, qui est celle-ci : les hommes d’État chargés de faire
742 ose, qui est celle-ci : les hommes d’État chargés de faire l’Europe auront-ils la vision nécessaire ? Les grandes vision
743 e souci des intérêts immédiats et surtout la peur de la guerre nous empêchent trop souvent de voir loin, de voir grand, d’
744 la peur de la guerre nous empêchent trop souvent de voir loin, de voir grand, d’imaginer vraiment la paix, la paix vivant
745 guerre nous empêchent trop souvent de voir loin, de voir grand, d’imaginer vraiment la paix, la paix vivante et passionna
746 pêchent trop souvent de voir loin, de voir grand, d’ imaginer vraiment la paix, la paix vivante et passionnante qui reste e
747 ionnante qui reste encore possible, et qui dépend de nous. Il y a très peu de grandes visions. J’en connais trois. Il y a
748 Il se promène ces jours-ci dans les rues et cafés de Paris, avec un gros livre sous le bras, quêtant la signature des amis
749 livre sous le bras, quêtant la signature des amis de la paix. Il a déchiré son passeport, et quelques écrivains lui ont do
750 port, et quelques écrivains lui ont donné l’appui de leurs noms célèbres, mais sans rien déchirer du tout. Il est sympathi
751 du tout. Il est sympathique et très pur. Il rêve d’ une Assemblée mondiale et d’un gouvernement unique pour toute la terre
752 et très pur. Il rêve d’une Assemblée mondiale et d’ un gouvernement unique pour toute la terre. Mais les Russes ont aussi
753 Mais les Russes ont aussi leur vision, leur idée de l’unité du monde sous les auspices du Kominform et de l’épuration per
754 ’unité du monde sous les auspices du Kominform et de l’épuration permanente, — et ceci tue cela, ce n’est pas notre faute,
755 y Davis… Il y a enfin une troisième vision, celle de l’Europe fédérée. Elle est moins vaste, en vérité, que celle du jeune
756 d’hui la vision du beau temps européen, la vision d’ un printemps de l’Europe où les frontières et les barrières entre nos
757 du beau temps européen, la vision d’un printemps de l’Europe où les frontières et les barrières entre nos peuples fondrai
758 nos peuples fondraient comme neige sous le soleil d’ avril. Imaginez ce grand jardin de l’Europe où vous pourriez circuler
759 sous le soleil d’avril. Imaginez ce grand jardin de l’Europe où vous pourriez circuler librement, sans passeports ni visa
760 ment, sans passeports ni visas, sans restrictions de devises, sans anxiétés mesquines, avec seulement votre curiosité pour
761 et si proches, — comme vous circulez aujourd’hui d’ un canton à l’autre de la Suisse. Imaginez cette Europe grande ouverte
762 à ne faire la guerre à personne, mais à défendre d’ un seul cœur son indépendance reconquise. Cette Europe inventant la pa
763 aix, l’imposant au besoin par la force tranquille de sa masse, de ses 300 millions d’habitants rassemblés, rendus par leur
764 nt au besoin par la force tranquille de sa masse, de ses 300 millions d’habitants rassemblés, rendus par leur union à une
765 force tranquille de sa masse, de ses 300 millions d’ habitants rassemblés, rendus par leur union à une prospérité qui, selo
766 stes, pourrait multiplier par trois les standards de la vie matérielle. Terre promise Paix, liberté, prospérité, tel
767 berté, prospérité, tels ont été les grands motifs de toutes les confédérations qui ont vu le jour au cours des siècles, et
768 ans. Si l’on a bien vu cet enjeu, la possibilité de le gagner, et la nécessité de le gagner d’urgence, non seulement pour
769 jeu, la possibilité de le gagner, et la nécessité de le gagner d’urgence, non seulement pour nous en Europe, mais pour la
770 bilité de le gagner, et la nécessité de le gagner d’ urgence, non seulement pour nous en Europe, mais pour la paix du monde
771 s chicanes techniques et les experts. Tout dépend de la vision qu’ils auront. Il n’est point d’ordre politique qui serve l
772 dépend de la vision qu’ils auront. Il n’est point d’ ordre politique qui serve l’homme, s’il n’est orienté dès le départ pa
773 fascinante. L’Europe se fera, parce qu’une équipe de véritables résistants — ceux qui résistent à la fatalité — l’auront v
774 . Contre vents et marées, contre tous les experts de son époque, il se mit en route pour la joindre, et c’est ainsi qu’il
775 out simplement l’Europe, redécouverte à la faveur de son union ? Une Europe rajeunie, qui deviendrait soudain, pour nos ye
776 ise !2 1. On sait que les dix pays fondateurs de l’union européenne préparent une Assemblée consultative de l’Europe,
777 n européenne préparent une Assemblée consultative de l’Europe, qui doit se tenir en septembre, et dont les députés seront
778 arlements. 2. (Réd. — Nous devons à l’obligeance de M. Denis de Rougemont de pouvoir publier ce texte radiodiffusé.) t.
779 us devons à l’obligeance de M. Denis de Rougemont de pouvoir publier ce texte radiodiffusé.) t. Rougemont Denis de, « Pr
780 lier ce texte radiodiffusé.) t. Rougemont Denis de , « Printemps de l’Europe », La Vie protestante, Genève, 29 avril 1949
781 diodiffusé.) t. Rougemont Denis de, « Printemps de l’Europe », La Vie protestante, Genève, 29 avril 1949, p. 1.
19 1961, La Vie protestante, articles (1938–1978). Bilan simple (29 décembre 1961)
782 Bilan simple (29 décembre 1961)w Le bilan de l’année qui s’écoule me paraît simple à établir dans ses grandes lign
783 à établir dans ses grandes lignes et à l’échelle de la planète : l’une après l’autre, toutes les puissances ont perdu la
784 rope. L’URSS a perdu la face en tant que champion de la paix et du désarmement, en faisant éclater trente bombes atomiques
785 Goa, l’Inde a perdu la face, en tant que champion de la non-violence. À Cuba, les États-Unis ont perdu la face en tant que
786 tats-Unis ont perdu la face en tant que champions de la non-intervention. Au Katanga, l’ONU a perdu la face en tant que ch
787 tanga, l’ONU a perdu la face en tant que champion de l’arbitrage pacifique et du droit des petits États. Quant à l’Allemag
788 u’elle a fait perdre la face, en bâtissant le mur de Berlin non pour se protéger contre une attaque, mais pour empêcher to
789 re une attaque, mais pour empêcher tout un peuple de fuir en masse le régime « populaire » ! Et tandis que les grands Mora
790 it un redressement spectaculaire. Aux États-Unis, d’ où je reviens, il n’est question que du « miracle européen ». C’est un
791 st opérée dans le temps même où l’Europe achevait de libérer ses colonies — dont on prétendait qu’elle vivait ! A-t-on rem
792 marqué le parallélisme, si frappant, entre la fin de la domination mondiale par nos nations, et les débuts de leur union ?
793 omination mondiale par nos nations, et les débuts de leur union ? Tandis que le tiers-monde, copiant ses anciens maîtres,
794 sion à ce Marché commun qu’elle affecta longtemps de traiter d’utopie, la Grande-Bretagne a démontré que l’Europe unie éta
795 arché commun qu’elle affecta longtemps de traiter d’ utopie, la Grande-Bretagne a démontré que l’Europe unie était d’ores e
796 it d’ores et déjà bien autre chose qu’une rêverie d’ intellectuels. Tel est sans doute le fait majeur qui marquera l’année
797 yeux de l’histoire. En offrant au monde l’exemple d’ une fédération pacifique — que la Suisse a toutes les raisons de ne pl
798 on pacifique — que la Suisse a toutes les raisons de ne plus bouder — les Européens reprendront la tête du progrès humain.
799 rielle, mais ils indiqueront aux peuples nouveaux de l’Afrique et de l’Asie les voies de leur propre avenir. Une fois unie
800 indiqueront aux peuples nouveaux de l’Afrique et de l’Asie les voies de leur propre avenir. Une fois unie politiquement,
801 ples nouveaux de l’Afrique et de l’Asie les voies de leur propre avenir. Une fois unie politiquement, l’Europe exercerait
802 e. Et le Grand Occident reconstitué serait garant de la paix mondiale. N’est-il pas admirable que l’année de l’Europe ait
803 paix mondiale. N’est-il pas admirable que l’année de l’Europe ait coïncidé par hasard avec l’année d’une grande étape œcum
804 de l’Europe ait coïncidé par hasard avec l’année d’ une grande étape œcuménique, la Nouvelle Delhi ? L’Église de Rome joue
805 de étape œcuménique, la Nouvelle Delhi ? L’Église de Rome jouera sa part l’année prochaine. Nous sommes au seuil de l’ère
806 a sa part l’année prochaine. Nous sommes au seuil de l’ère des convergences, au-delà des nations souveraines et des église
807 pouvons adresser nos vœux. w. Rougemont Denis de , « Bilan simple », La Vie protestante, Genève, 29 décembre 1961, p. 1
20 1965, La Vie protestante, articles (1938–1978). « Que signifie pour vous la formule célèbre ‟Ecclesia reformata semper reformanda” ? » (29 octobre 1965)
808 Votre question m’atteint tandis que je m’efforce d’ ordonner un chaos de notes d’âges très divers en vue d’un livre sur le
809 teint tandis que je m’efforce d’ordonner un chaos de notes d’âges très divers en vue d’un livre sur le protestantisme, pro
810 dis que je m’efforce d’ordonner un chaos de notes d’ âges très divers en vue d’un livre sur le protestantisme, promis depui
811 onner un chaos de notes d’âges très divers en vue d’ un livre sur le protestantisme, promis depuis longtemps à l’éditeur, e
812 et Calvin n’ont pas été les premiers réformateurs de l’Église, et ne seront pas les derniers. Défendre l’héritage de la Ré
813 t ne seront pas les derniers. Défendre l’héritage de la Réformation, ce n’est pas répéter ce que disaient ses auteurs, mai
814 à réformer. Seuls peuvent être fidèles à l’esprit de Luther et de Calvin un luthéranisme et un calvinisme continuellement
815 euls peuvent être fidèles à l’esprit de Luther et de Calvin un luthéranisme et un calvinisme continuellement repris à leur
816 on usage réel et quotidien, avec tous les risques d’ hérésie (hardiment assumés) que cela comporte, et en même temps reliés
817 t en même temps reliés sans relâche à l’espérance de l’Église universelle, à l’avenir catholique, et orthodoxe, à la Pente
818 i qu’en décide finalement son chef. Qu’avons-nous de pareil ? Et je ne dis pas seulement : quelle autorité efficace dont l
819 ité efficace dont les décrets traduisent les vœux d’ une imposante majorité, mais tout simplement quelle tribune ? Je const
820 elle tribune ? Je constate que l’Église romaine a de meilleurs instruments d’autocritique, de remise en question et de ren
821 e que l’Église romaine a de meilleurs instruments d’ autocritique, de remise en question et de renouvellement que les Églis
822 omaine a de meilleurs instruments d’autocritique, de remise en question et de renouvellement que les Églises issues de la
823 truments d’autocritique, de remise en question et de renouvellement que les Églises issues de la Réformation… Se pourrait-
824 stion et de renouvellement que les Églises issues de la Réformation… Se pourrait-il qu’elle ait bientôt plus de réformateu
825 ormation… Se pourrait-il qu’elle ait bientôt plus de réformateurs vivants et d’avenir que nous n’en vénérons dans notre hi
826 ’elle ait bientôt plus de réformateurs vivants et d’ avenir que nous n’en vénérons dans notre histoire ? Bon sujet de réfle
827 ous n’en vénérons dans notre histoire ? Bon sujet de réflexion, en cet anniversaire. u. Rougemont Denis de, « [Réponse
828 exion, en cet anniversaire. u. Rougemont Denis de , « [Réponse à une enquête] Que signifie pour vous la formule célèbre
21 1969, La Vie protestante, articles (1938–1978). La lune, ce n’est pas le paradis (1er août 1969)
829 allons chercher l’actualité qui sera notre sujet de réflexion, mais sur la Lune. Il m’est venu une question, Denis de Rou
830 u une question, Denis de Rougemont, et j’ai envie de la poser au philosophe que vous êtes : est-ce que nous savons pourquo
831 nous y allons ? Ce qui me frappe dans l’aventure d’ « Apollo », c’est qu’elle est l’entreprise qui a coûté le plus cher da
832 se qui a coûté le plus cher dans toute l’histoire de l’humanité — on la chiffre à peu près à 100 milliards de francs — mai
833 manité — on la chiffre à peu près à 100 milliards de francs — mais cette opération, la plus chère du monde, est aussi la m
834 ’autres motivations, tout de même. Une motivation de curiosité, naturellement, et de record technique — battre les Russes
835 e. Une motivation de curiosité, naturellement, et de record technique — battre les Russes sur ce plan — et finalement, en
836 e plan — et finalement, en dernier lieu, un motif de connaissance pure, scientifique. Tout cela ramène toujours au même mo
837 i, on aurait pu consacrer ne fût-ce qu’une partie de ces 100 milliards de francs suisses à augmenter la beauté de notre Te
838 crer ne fût-ce qu’une partie de ces 100 milliards de francs suisses à augmenter la beauté de notre Terre, à diminuer la fa
839 milliards de francs suisses à augmenter la beauté de notre Terre, à diminuer la famine, à lutter contre la pauvreté ou pou
840 ui nous occupe ? Je pense qu’il y a là une espèce de fuite devant les problèmes du monde, un phénomène psychologique assez
841 au ciel, à effectuer un transfert dans les nuées de cet affrontement trop dangereux sur la Terre. Au fond, c’est dans ce
842 maine seul qu’ils ont réussi à trouver les moyens d’ une espèce non pas de coopération — c’est encore trop tôt — mais de co
843 réussi à trouver les moyens d’une espèce non pas de coopération — c’est encore trop tôt — mais de coexistence. C’était au
844 pas de coopération — c’est encore trop tôt — mais de coexistence. C’était aussi l’opinion. Si vous voulez le fond de ma pe
845 . C’était aussi l’opinion. Si vous voulez le fond de ma pensée sur l’aventure d’« Apollo », je vous ferai remarquer ceci :
846 i vous voulez le fond de ma pensée sur l’aventure d’ « Apollo », je vous ferai remarquer ceci : on dit que c’est une aventu
847 Et ils font cela en service commandé : au service de l’armée américaine. Et généralement, quand ils reviennent après une e
848 nt pas les « bons » (les vrais) que l’on décidera d’ adopter officiellement, dans les livres d’histoire par exemple. Je pen
849 écidera d’adopter officiellement, dans les livres d’ histoire par exemple. Je pense que si on découvre un jour dans l’espac
850 ajet des nuages ou des maladies — je ne sais quoi d’ inattendu aujourd’hui, qu’on ne cherche donc pas consciemment, on dira
851 he Colomb, mais en sens inverse : dans les livres d’ histoire d’aujourd’hui, vous lisez très couramment que si Christophe C
852 mais en sens inverse : dans les livres d’histoire d’ aujourd’hui, vous lisez très couramment que si Christophe Colomb est p
853 es caravelles, c’est parce qu’il était au service d’ un roi d’Espagne rapace, cupide, qui voulait de l’or et des esclaves,
854 ce d’un roi d’Espagne rapace, cupide, qui voulait de l’or et des esclaves, et qui l’a envoyé découvrir l’Amérique pour cel
855 l’Amérique pour cela. Or les motivations réelles de Christophe Colomb étaient d’un tout autre ordre — on peut le vérifier
856 motivations réelles de Christophe Colomb étaient d’ un tout autre ordre — on peut le vérifier dans son journal : c’était d
857 — on peut le vérifier dans son journal : c’était de financer une dernière croisade pour délivrer Jérusalem — motif mystiq
858 i avait dit qu’aux Indes les cités étaient pavées d’ or et les palais recouverts de tuiles d’or. Or Christophe Colomb a tro
859 ités étaient pavées d’or et les palais recouverts de tuiles d’or. Or Christophe Colomb a trouvé l’Amérique, qu’il ne cherc
860 nt pavées d’or et les palais recouverts de tuiles d’ or. Or Christophe Colomb a trouvé l’Amérique, qu’il ne cherchait pas.
861 e cherchait pas. Et bien après lui, on y a trouvé de l’or. Et un peu après lui, on y a recruté des esclaves. Mais la motiv
862 a recruté des esclaves. Mais la motivation était d’ un ordre complètement différent. Je voudrais vous poser une autre ques
863 s déçu, finalement, ou est-ce que vous avez envie d’ aller dans la Lune ? Je suis profondément déçu. Je suis dans un sentim
864 suis profondément déçu. Je suis dans un sentiment de désenchantement. J’ai l’impression que les rêves de l’humanité depuis
865 désenchantement. J’ai l’impression que les rêves de l’humanité depuis des siècles — les rêves de poètes, les rêves de fan
866 êves de l’humanité depuis des siècles — les rêves de poètes, les rêves de fantaisistes comme Cyrano de Bergerac, les rêves
867 puis des siècles — les rêves de poètes, les rêves de fantaisistes comme Cyrano de Bergerac, les rêves de Jules Verne — dép
868 fantaisistes comme Cyrano de Bergerac, les rêves de Jules Verne — dépassaient de beaucoup ce que nous sommes en train de
869 Bergerac, les rêves de Jules Verne — dépassaient de beaucoup ce que nous sommes en train de faire. Le rêve dévalorise l’a
870 rain de faire. Le rêve dévalorise l’actualisation de la découverte de la Lune. Cyrano de Bergerac, par exemple, dans le fa
871 rêve dévalorise l’actualisation de la découverte de la Lune. Cyrano de Bergerac, par exemple, dans le fameux récit de son
872 no de Bergerac, par exemple, dans le fameux récit de son Voyage dans les empires de la Lune et du Soleil, décrit la Lune c
873 ns le fameux récit de son Voyage dans les empires de la Lune et du Soleil, décrit la Lune comme quelque chose d’absolument
874 et du Soleil, décrit la Lune comme quelque chose d’ absolument idyllique, c’est le paradis terrestre transporté, il y renc
875 tre des hommes très bien, il y rencontre le génie de Socrate, tout se passe merveilleusement. Eh bien ! au fur et à mesure
876 au fur et à mesure qu’on avance vers la substance de la chose, quand on est prêt à la toucher, on s’aperçoit que la Lune e
877 Lune est une malheureuse, vilaine chose, couverte de tuf volcanique, de lave pulvérulente. En somme, c’est une sorte de ba
878 reuse, vilaine chose, couverte de tuf volcanique, de lave pulvérulente. En somme, c’est une sorte de banlieue poussiéreuse
879 , de lave pulvérulente. En somme, c’est une sorte de banlieue poussiéreuse de la Terre. … et inhabitée ! Car l’essentiel d
880 n somme, c’est une sorte de banlieue poussiéreuse de la Terre. … et inhabitée ! Car l’essentiel des rêves des poètes ou de
881 habitée ! Car l’essentiel des rêves des poètes ou de Cyrano de Bergerac, c’était d’imaginer une race d’hommes supérieurs,
882 êves des poètes ou de Cyrano de Bergerac, c’était d’ imaginer une race d’hommes supérieurs, intelligents, meilleurs que nou
883 e Cyrano de Bergerac, c’était d’imaginer une race d’ hommes supérieurs, intelligents, meilleurs que nous, qui habitaient la
884 yait le premier obus sur la Lune : c’est un texte de Werner von Braun, qui est un des pères du voyage dans la Lune, et qui
885 as. Il nous dit que nous aurons là-bas des hôtels de grand luxe, avec des paysages extraordinaires. Alors on arrive à se d
886 0 milliards — 100 milliards n’étant qu’une partie de la dépense totale — pour avoir un Moon-Hilton ? … devant des paysages
887 ! Je dois dire que quand je pense à l’éventualité d’ un exil sur la Lune, il me prend un amour passionné de la Terre, de la
888 exil sur la Lune, il me prend un amour passionné de la Terre, de la surface terrestre, des arbres, de l’herbe… Ce sont de
889 Lune, il me prend un amour passionné de la Terre, de la surface terrestre, des arbres, de l’herbe… Ce sont des réactions s
890 de la Terre, de la surface terrestre, des arbres, de l’herbe… Ce sont des réactions subjectives que nous exprimons. Mais o
891 je voulais vous rappeler une déclaration célèbre de Lénine. H. G. Wells, le célèbre romancier anglais, qui est l’un des p
892 célèbre romancier anglais, qui est l’un des pères de l’anticipation, était allé l’interviewer. « Je dis à Lénine, raconte
893 dis à Lénine, raconte Wells, que le développement de la technique humaine pourrait un jour changer la situation mondiale :
894  : la conception marxiste elle-même n’aurait plus de sens. » Et à la grande stupéfaction de Wells, « Lénine, dit-il, me re
895 urait plus de sens. » Et à la grande stupéfaction de Wells, « Lénine, dit-il, me regarda et me répondit : Vous avez raison
896 iel technique, devenu illimité, imposerait la fin de la violence comme moyen et comme méthode de progrès ». Dans la bouche
897 a fin de la violence comme moyen et comme méthode de progrès ». Dans la bouche de Lénine, c’est une prophétie assez extrao
898 yen et comme méthode de progrès ». Dans la bouche de Lénine, c’est une prophétie assez extraordinaire : est-ce qu’elle est
899 , mais d’autre part elle suppose certaines formes de coopération discrète et en tout cas de coexistence. Lénine dit aussi 
900 nes formes de coopération discrète et en tout cas de coexistence. Lénine dit aussi : « Il faudra changer nos conceptions p
901 st le marxisme, qui est une doctrine des rapports de productions, il est évident qu’elle ne vaut plus rien si on va sur la
902 plus rien si on va sur la Lune — où les rapports de productions ne sont en rien comparables à ce qu’ils étaient au xixe
903 ècle, quand Marx a écrit sa théorie. Il n’y a pas de prolétariat sur la Lune, pour l’instant. Justement, et on ne va pas e
904 vront être révisées dans ces nouvelles dimensions de l’espace. Car si vous prenez une doctrine comme le christianisme, don
905 ivent sur la Lune. Ils auront les mêmes problèmes de s’aimer activement, de s’entraider, qu’ils auraient sur la Terre ou s
906 auront les mêmes problèmes de s’aimer activement, de s’entraider, qu’ils auraient sur la Terre ou sur Mars. D’ailleurs, ce
907 la Terre ou sur Mars. D’ailleurs, cette question de dimensions, qui va changer quand nous aurons l’espace et pas seulemen
908 espace et pas seulement la Terre et le petit coin de ciel que nous voyons, permet de tirer des conclusions très ambiguës.
909 et le petit coin de ciel que nous voyons, permet de tirer des conclusions très ambiguës. Moi, j’ai une impression de frus
910 nclusions très ambiguës. Moi, j’ai une impression de frustration, à me dire : la Lune, ce n’est pas aussi beau, ce n’est p
911 entées dans l’espace. Et cela me ramène à l’amour de la Terre. Plus encore, cela me ramène à cette idée que la véritable a
912 able aventure humaine est à l’intérieur de chacun de nous, non pas à l’extérieur, dans l’espace, le cosmos physique. Je cr
913 osmos physique. Je crois que même du point de vue de la technique, les plus grands achèvements humains sont les plus simpl
914 ont les plus simples, ceux qui demandent le moins d’ argent et qui finissent par se faire en un clin d’œil, à la vitesse de
915 ssent par se faire en un clin d’œil, à la vitesse de la pensée. Eh bien ! l’aventure intérieure, elle ne demande rien, ell
916 rieure, elle ne demande rien, elle ne demande pas de crédits spéciaux. Pour entrer dans le fond de soi-même, pour y découv
917 pas de crédits spéciaux. Pour entrer dans le fond de soi-même, pour y découvrir des choses complètement nouvelles, et réel
918 . En quoi je pense qu’elle est vraiment le sommet de l’aventure humaine. Relisant au lendemain du retour des cosmonautes
919 demain du retour des cosmonautes la transcription de cet entretien télévisé, je ne vois rien à modifier à ce que je disais
920 difier à ce que je disais un mois avant le départ d’ Apollo 11. Il y avait là comme un écho anticipé de ce que tant d’autre
921 d’Apollo 11. Il y avait là comme un écho anticipé de ce que tant d’autres ont dit depuis, parmi lesquels, une bonne moitié
922 e moitié des citoyens américains, et quelques-uns de nos meilleurs esprits européens : « Quel merveilleux exploit techniqu
923 rtée sur la Terre une part ou moins des centaines de milliards qu’on destinait à se perdre au ciel vide. Quant à ma conclu
924 ais cela se pratique comment ? Voilà le type même de la question qui peut ouvrir, obscurément, la voie, mais à laquelle pe
925 non, où serait l’aventure ? x. Rougemont Denis de , « [Entretien] La lune, ce n’est pas le paradis », La Vie protestante
926 mande, Denis de Rougemont répondait aux questions de Pierre Desgraupes sur Apollo 11. Cet entretien avait fait impression.
927 t, en quelques lignes, ce qu’il pense aujourd’hui de l’événement qu’il avait commenté à l’avance. »
22 1978, La Vie protestante, articles (1938–1978). « Bof ! disent les jeunes, pourquoi ? » (1er décembre 1978)
928 se que nous sommes responsables, nous les hommes, de toutes les crises de l’humanité et de leur développement. Dans le mon
929 sponsables, nous les hommes, de toutes les crises de l’humanité et de leur développement. Dans le monde où nous existons,
930 les hommes, de toutes les crises de l’humanité et de leur développement. Dans le monde où nous existons, même la nature es
931 me la nature est faite par l’homme, il n’y a plus de nature sauvage. Il faut bien que l’homme moderne en prenne conscience
932 st probablement la dernière chance que nous avons de sortir de la crise dans laquelle nous nous sommes plongés. Pour la pr
933 ement la dernière chance que nous avons de sortir de la crise dans laquelle nous nous sommes plongés. Pour la première foi
934 e nous nous sommes plongés. Pour la première fois de l’histoire, l’homme se voit contraint de choisir librement son avenir
935 ère fois de l’histoire, l’homme se voit contraint de choisir librement son avenir. Ce n’est donc pas dans une visée promét
936 s un défi. Simplement, nous n’avons plus le droit de nous cacher, même derrière Dieu. Quand on voit que les choses tournen
937 On en revient toujours à l’histoire du chapitre 3 de la Genèse. Vous en appelez à la responsabilité ; c’est bien parce que
938 plutôt chevillé au corps. C’est peut-être l’envie de vivre, une curiosité (savoir ce qui va se passer après), et c’est peu
939 pirituel — dans un sens simplement physiologique, de manière que l’histoire dure encore. Je sais bien, si on s’en rapporte
940 calypse » veut dire « révélation », et révélation de la Nouvelle Jérusalem, d’une cité nouvelle qui sera vraiment humaine
941 lation », et révélation de la Nouvelle Jérusalem, d’ une cité nouvelle qui sera vraiment humaine et en même temps vraiment
942 aine et en même temps vraiment divine (« à mesure d’ homme, qui est mesure d’ange » : Apoc. ch. 21, v. 17). Il est question
943 aiment divine (« à mesure d’homme, qui est mesure d’ ange » : Apoc. ch. 21, v. 17). Il est question là d’un développement d
944 ange » : Apoc. ch. 21, v. 17). Il est question là d’ un développement de la vie de l’humanité vers la pléni­tude, qui est u
945 21, v. 17). Il est question là d’un développement de la vie de l’humanité vers la pléni­tude, qui est une divinisation de
946 . Il est question là d’un développement de la vie de l’humanité vers la pléni­tude, qui est une divinisation de l’homme. S
947 nité vers la pléni­tude, qui est une divinisation de l’homme. S’il y a dans votre livre des passages très pessimistes où v
948 ous semblez provoquer la peur du lecteur, le fond de tout est pourtant un courant d’optimisme et d’espérance ? Oui ! Si j’
949 lecteur, le fond de tout est pourtant un courant d’ optimisme et d’espérance ? Oui ! Si j’étais totalement pessimiste, si
950 nd de tout est pourtant un courant d’optimisme et d’ espérance ? Oui ! Si j’étais totalement pessimiste, si je pensais qu’i
951 je prends tout à fait au sérieux l’avertissement d’ Isaïe (ch. 21, v. 12) : « Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? — Le mat
952 ’Isaïe (ch. 21, v. 12) : « Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? — Le matin vient, et la nuit aussi ». Il y a donc toujours
953  bof ») et une certaine révolte ? C’est un manque d’ information qui fait dire « bof » à des jeunes gens. Si on vient leur
954  bof » à des jeunes gens. Si on vient leur parler de menaces sur la vie physique de l’humanité, ça les embête, ça leur fai
955 vient leur parler de menaces sur la vie physique de l’humanité, ça les embête, ça leur fait peur — comme à tout le monde,
956 utre chose que « Foutez-moi la paix ! je m’occupe de mes petites affaires, celles de mon âge, mettons ! » Mais les jeunes
957 aix ! je m’occupe de mes petites affaires, celles de mon âge, mettons ! » Mais les jeunes que je connais ne partagent pas
958 pas du tout cette attitude : quand on leur parle de pollution de la terre, des airs, des forêts, des océans et des désert
959 cette attitude : quand on leur parle de pollution de la terre, des airs, des forêts, des océans et des déserts, du danger
960 , des océans et des déserts, du danger nucléaire, de la guerre atomique qui risque d’éclater n’importe quand, ils ne disen
961 anger nucléaire, de la guerre atomique qui risque d’ éclater n’importe quand, ils ne disent pas « bof ». Ceux que je connai
962 f ». Ceux que je connais. Je pense qu’il est faux de dire que la génération actuelle est la « bof-génération » : ce sont d
963 pour faire monter le tirage… Par quel cheminement de votre existence en êtes-vous arrivé au thème de ce livre ? J’ai comme
964 t de votre existence en êtes-vous arrivé au thème de ce livre ? J’ai commencé assez jeune à m’occuper des affaires publiqu
965 à m’occuper des affaires publiques, des affaires de la civilisation au xxe siècle. En 1928 j’ai écrit un article sur les
966 e. En 1928 j’ai écrit un article sur les mémoires de Henry Ford, Ma Vie, publiés en français. L’article était intitulé « L
967 etite revue qui ne comptait que quelques milliers de lecteurs ( Foi et Vie ), cela n’a eu aucun effet, sauf sur moi. Le fa
968 avant le club de Rome ! J’ai repris la discussion de ces idées anticroissance avec les premiers personnalistes que j’ai re
969 lesquelles vous trouverez facilement les amorces de toutes les idées de mon dernier livre. Nous étions une génération — q
970 uverez facilement les amorces de toutes les idées de mon dernier livre. Nous étions une génération — qui ne disait pas « b
971 France). Toutes les idées fédéralistes, les idées d’ autogestion, de région, de modération de la croissance, d’équilibre à
972 les idées fédéralistes, les idées d’autogestion, de région, de modération de la croissance, d’équilibre à rétablir entre
973 fédéralistes, les idées d’autogestion, de région, de modération de la croissance, d’équilibre à rétablir entre l’homme et
974 les idées d’autogestion, de région, de modération de la croissance, d’équilibre à rétablir entre l’homme et la nature : to
975 stion, de région, de modération de la croissance, d’ équilibre à rétablir entre l’homme et la nature : tout cela était déjà
976 roire au monde entier que ce qu’il fallait copier de nous, c’étaient nos machines, nos armes, et jamais nos valeurs puisqu
977 compte nous-mêmes. La cause européenne, la lutte de ces dernières années ont épanoui nos recherches des années 1930. La g
978 hélas, nous ne le cherchions pas. Les prophètes, d’ une manière générale, n’ont pas du tout envie d’avoir raison ; ils vou
979 , d’une manière générale, n’ont pas du tout envie d’ avoir raison ; ils vous adjurent de changer pour éviter les désastres,
980 du tout envie d’avoir raison ; ils vous adjurent de changer pour éviter les désastres, et de leur donner tort en changean
981 adjurent de changer pour éviter les désastres, et de leur donner tort en changeant de cap. Votre critique de l’État-nation
982 es désastres, et de leur donner tort en changeant de cap. Votre critique de l’État-nation porte-t-elle aussi sur la Suisse
983 r donner tort en changeant de cap. Votre critique de l’État-nation porte-t-elle aussi sur la Suisse ? C’est une question à
984 e ? C’est une question à laquelle je suis heureux de pouvoir répondre de manière très nette. L’exemple que nous avions sou
985 on à laquelle je suis heureux de pouvoir répondre de manière très nette. L’exemple que nous avions sous les yeux en 1931-1
986 -1932 était l’État centralisé français, le modèle de tous les États-nations. Nous entendions par État-nation la mainmise d
987 ions. Nous entendions par État-nation la mainmise d’ un appareil étatique sur l’ensemble d’une nation, l’État imposant les
988 la mainmise d’un appareil étatique sur l’ensemble d’ une nation, l’État imposant les mêmes frontières, le même territoire,
989 mais j’avais, je pense, derrière la tête, l’idée de leur opposer l’État fédératif, le modèle suisse. J’avoue qu’à ce mome
990 mal ce modèle, je ne m’étais pas beaucoup occupé de politique pendant mes études en Suisse, et je me considérais, étant à
991 rt les trésors du fédéralisme. Nous parlions déjà de fédéralisme, même d’un type de défense village par village, en hériss
992 éralisme. Nous parlions déjà de fédéralisme, même d’ un type de défense village par village, en hérisson, à appliquer à l’E
993 Nous parlions déjà de fédéralisme, même d’un type de défense village par village, en hérisson, à appliquer à l’Europe pour
994 ique suisse, que l’on m’avait enseignée à l’école d’ officiers en 1928 ! Une défense avec l’esprit autant qu’avec les armes
995 e par tous les moyens, sur place, défense d’abord de sa maison, de sa petite patrie locale, de son mode de vie : une forme
996 moyens, sur place, défense d’abord de sa maison, de sa petite patrie locale, de son mode de vie : une forme de guerre pur
997 d’abord de sa maison, de sa petite patrie locale, de son mode de vie : une forme de guerre purement défensive. C’est en Am
998 ite patrie locale, de son mode de vie : une forme de guerre purement défensive. C’est en Amérique (de 1940 à 1946) que j’a
999 de guerre purement défensive. C’est en Amérique ( de 1940 à 1946) que j’ai découvert l’Europe ! et la Suisse notamment ! I
1000 ope ! et la Suisse notamment ! Il faut s’éloigner de quelque chose pour savoir ce que c’est. En Amérique, il n’y avait rie
1001 alors j’ai écrit un petit livre intitulé Le Cœur de l’Europe et cela m’a permis de découvrir le fonctionnement du fédéra
1002 intitulé Le Cœur de l’Europe et cela m’a permis de découvrir le fonctionnement du fédéralisme. La critique de l’État-nat
1003 rir le fonctionnement du fédéralisme. La critique de l’État-nation ne s’adresse donc pas à la Suisse, elle indique simplem
1004 ation » peuvent se révéler dans certains secteurs de la vie du pays : le nucléaire ? Le nucléaire ! Il y a pour la Suisse,
1005 n danger certain : voilà un État fédéral, entouré d’ États-nations et qui, vis-à-vis d’eux, ses voisins, se présente finale
1006 édéral, entouré d’États-nations et qui, vis-à-vis d’ eux, ses voisins, se présente finalement lui-même comme un État-nation
1007 lée à un certain centralisme dès qu’elle s’occupe d’ objets trop grands. Le nucléaire en est un excellent exemple. Le nuclé
1008 emple. Le nucléaire n’est absolument pas le moyen d’ assurer l’indépendance énergétique d’un pays, à preuve qu’en France le
1009 pas le moyen d’assurer l’indépendance énergétique d’ un pays, à preuve qu’en France le nucléaire est appliqué d’après une l
1010 ence américaine, son combustible vient des USA et de Russie (remplaçant la dépendance des Arabes pour le pétrole), et les
1011 aux viennent de partout. Des Arabes, de nouveau ? De partout, de l’Iran, pour 40 % dans la société qui contrôle la constru
1012 de partout. Des Arabes, de nouveau ? De partout, de l’Iran, pour 40 % dans la société qui contrôle la construction de Sup
1013 40 % dans la société qui contrôle la construction de Superphénix (voir le rapport de la Commission des finances du Parleme
1014 e la construction de Superphénix (voir le rapport de la Commission des finances du Parlement français). Pour la Suisse, il
1015 ce pour la démocratie. Vous êtes membre du Groupe de Bellerive : que fait-il ? C’est un groupe de personnalités internatio
1016 oupe de Bellerive : que fait-il ? C’est un groupe de personnalités internationales habitant Genève, qui s’est réuni pour m
1017 ucléaire en général, mais contre le surgénérateur de Creys-Malville, Superphénix, et contre les atteintes aux droits de l’
1018 e l’homme qu’entraîne fatalement une construction de cette dimension. Le nucléaire, l’hitlérisme, la folie de l’auto ; que
1019 e dimension. Le nucléaire, l’hitlérisme, la folie de l’auto ; quel est au fond leur lien ? Ils gouvernent tous, de manière
1020 quel est au fond leur lien ? Ils gouvernent tous, de manière systématique et synthétique (chacun commandant tous les autre
1021 ndant tous les autres), vers la réalité écrasante de l’État-nation, qui résume à peu près tout ce que je dénonce : la dépe
1022 que je dénonce : la dépersonnalisation, la perte de responsabilité (donc de liberté), la centralisation, l’avantage donné
1023 ersonnalisation, la perte de responsabilité (donc de liberté), la centralisation, l’avantage donné à ce qui est toujours p
1024 urs plus cher, plus dangereux, et permet à l’État de mieux contrôler les investissements, les mouvements de fonds, et l’in
1025 eux contrôler les investissements, les mouvements de fonds, et l’intervention croissante dans la vie de tous les jours de
1026 e fonds, et l’intervention croissante dans la vie de tous les jours de la police. Finalement, toute cette évolution pointe
1027 rvention croissante dans la vie de tous les jours de la police. Finalement, toute cette évolution pointe irrésistiblement
1028 guerre nucléaire ; ce n’est pas vrai. Les usines de retraitement des déchets de centrales nucléaires fournissent le pluto
1029 pas vrai. Les usines de retraitement des déchets de centrales nucléaires fournissent le plutonium qui permet de faire des
1030 es nucléaires fournissent le plutonium qui permet de faire des bombes. Tout cela donc fait l’unité de mon livre : mon souc
1031 de faire des bombes. Tout cela donc fait l’unité de mon livre : mon souci dernier est d’éviter la guerre nucléaire, vers
1032 fait l’unité de mon livre : mon souci dernier est d’ éviter la guerre nucléaire, vers laquelle tout nous pousse aujourd’hui
1033 our les régions, pour les petites unités qui sont de vraies communautés. « Small is beautiful ». Quelle est la tâche des c
1034 nt toutes les solutions qu’on leur propose, c’est de s’efforcer d’être chrétiens. Cela veut dire d’abord : ne pas donner d
1035 solutions qu’on leur propose, c’est de s’efforcer d’ être chrétiens. Cela veut dire d’abord : ne pas donner dans cette foll
1036 puissance, la richesse, et être chrétien. L’idée de la croissance illimitée comme bien suprême de l’humanité est une idée
1037 dée de la croissance illimitée comme bien suprême de l’humanité est une idée fondamentalement antichrétienne. Refuser la p
1038 Refuser la puissance ne veut pas dire se retirer de tout, laisser aller les choses ? Les chrétiens doivent vouloir et pré
1039 rer une société où chacun puisse être le prochain de l’autre, donc une société formée de petites communautés fédérées entr
1040 e le prochain de l’autre, donc une société formée de petites communautés fédérées entre elles. Là, chacun peut être libre
1041 sa vocation, devenir une personne. Dans une ville de 13 millions d’habitants, il n’y a plus ni communauté, ni responsabili
1042 venir une personne. Dans une ville de 13 millions d’ habitants, il n’y a plus ni communauté, ni responsabilité, ni liberté.
1043 promiscuité des solitudes. z. Rougemont Denis de , « [Entretien] Bof ! disent les jeunes, pourquoi ? », La Vie protesta