1 1938, La Vie protestante, articles (1938–1978). Le temps des fanatiques (25 novembre 1938)
1 signes dans le ciel, mais des réalités terrestres et brutales qui nous avertissent aujourd’hui du caractère religieux de n
2 ion. Croix gammée, faisceaux de licteur, faucille et marteau : trois-cents-millions de nos contemporains, s’ils ne portent
3 Apocalypse disent aux chrétiens : Voici la Bête ! Et la guerre que vous ferez contre elle, au nom du Christ, sera vraiment
4 ngt ans, on nous a sommés de choisir entre le Mal et le Bien incarnés. « Au nom du Christ ; nous disait-on, en avant contr
5 r contre eux, c’est embrasser le parti du Bien. » Et nous voici embrigadés dans la « Croisade » — moralement, cela va sans
6 nuances est passé. L’état de siège est proclamé. Et celui qui demande à voir, celui qui estime encore que tout n’est pas
7 on adhésion. Que voulez-vous, je suis calviniste, et quand on me dit : Ceux-ci sont des méchants, je veux bien le croire,
8 n Europe, le fait vraiment au nom de l’Évangile ? Et je me demande si cet ordre établi que l’on nous invite à défendre, et
9 cet ordre établi que l’on nous invite à défendre, et qui comporte entre autres éléments le chômage et la prostitution, se
10 et qui comporte entre autres éléments le chômage et la prostitution, se fonde vraiment sur l’Évangile ? Quand on me dit q
11 de si les soutiens de M. Franco, qui sont le Duce et le Führer, ne le soutiennent vraiment qu’au nom du Christ ? Pourquoi
12 en Espagne une Église qu’ils attaquent chez eux ? Et quand on me dit, d’un autre côté cette fois : Vous voyez bien, les di
13 je me demande si le maintien de l’empire anglais et de l’hégémonie française est une part indiscutable et révélée du plan
14 e l’hégémonie française est une part indiscutable et révélée du plan de Dieu pour notre époque ? Je me demande si la campa
15 agne en faveur du « réarmement » résulte vraiment et d’abord d’un sursaut de la conscience chrétienne ? Où peut aller cett
16 roisade ne le font-ils que pour sauver l’Église ? Et même dans ce cas, est-ce une raison pour renoncer à toute clairvoyanc
17 ance ? À toute honnête information ? Le fanatisme et le simplisme, voilà ce que le diable juge assez bon, de nos jours, po
18 taire, se retirer dans une neutralité plaintive, et laisser le pauvre monde se débrouiller. Je suis tout prêt, en ce qui
19 ment. Donc il ne peut y avoir de guerres saintes. Et notre dernier mot, comme chrétiens, ne peut pas être « la guerre sain
20 i davantage « la paix à tout prix ». Il doit être et rester : vigilance. Dans cette nuit universelle où la Colère de Dieu
21 nuit ? — La sentinelle a répondu : le matin vient et la nuit aussi ! Si vous voulez interroger, interrogez ! Convertissez-
22 voulez interroger, interrogez ! Convertissez-vous et revenez ! » Évasion ? Non pas. Réalisme. La force réelle des tyrans e
23 lisme. La force réelle des tyrans est religieuse. Et la foi seule peut vaincre une religion païenne. a. Rougemont Denis
24 « Nous sommes heureux de compter, parmi les amis et collaborateurs de la Vie protestante, M. Denis de Rougemont, le jeune
2 1939, La Vie protestante, articles (1938–1978). Nicolas de Flue et la tradition réformée (1er septembre 1939)
25 Nicolas de Flue et la tradition réformée (1er septembre 1939)c Tout ce que le Suisse
26 s de même chez nos confédérés des petits cantons. Et c’est pourquoi les catholiques n’ont pas eu de peine à s’annexer le «
27 puis juge de paix, puis simple agriculteur, marié et père de dix enfants, lorsqu’il crut devoir obéir à l’appel de la soli
28 e décision, non sans avoir mûrement pesé son acte et obtenu le consentement des siens. Nous ne sommes pas en présence d’un
29 y mènera jusqu’à sa mort la vie d’un pieux laïque et non d’un moine, parfois même suspecté par l’Église qui se méfie de ce
30 ure que l’hostie, une fois par semaine ? L’évêque et les autorités ont bien tenté de l’espionner : jamais on ne l’a trouvé
31 donne des conseils d’une grande sagesse pratique et participe si bien à la vie de son peuple que le simple message qu’il
32 in de paraître en personne ; son conseil suffira, et son autorité, pour calmer les passions déchaînées. Le Solitaire est d
33 itaire est donc devenu la principale force morale et politique de toute la Confédération. Deux faits surtout méritent de n
34 paix de son âme dans le monde. Il a dû se retirer et vivre en marge des conditions normales de l’existence. Signe du désar
35 ues préféraient s’en tenir à l’éloge de son jeûne et de ses visions. Nicolas et les réformés Mort en 1487, c’est-à-d
36 ’éloge de son jeûne et de ses visions. Nicolas et les réformés Mort en 1487, c’est-à-dire trente ans avant la Réform
37 as appartient à l’héritage commun des catholiques et des protestants suisses. Mais dès les premiers jours de la Réforme, l
38 ’ensemble, les positions furent très vite prises, et très nettement. « Tandis qu’à la manière traditionnelle — écrit le ca
39 on politique de Nicolas, Pacificateur des cantons et adversaire du régime des pensions, la Contre-Réformation insistait ex
40 témoin de l’ancienne foi, héraut de l’Eucharistie et prophète des malheurs dus à la Réforme. Pour des fins partisanes non
41 herchent leur salut dans des soutiens extérieurs, et les publicistes jésuites, pour la plupart étrangers, tentent d’éluder
42 degré ces hommes d’État enrichis par les pensions et le service étranger. (R. Dürrer : Bruder Klaus, t. II, p. 851.) Rien
43 m, de Berne (dès 1529) ; Stumpf, pasteur à Stein, et , finalement, Bullinger lui-même, le célèbre successeur de Zwingli. To
44 successeur de Zwingli. Tous ces auteurs admettent et louent le miracle du jeûne prolongé de Nicolas. Seul le mystique luth
45 le croire : les Suisses eux-mêmes ne l’affirment et ne le croient pas. » Rappelons que lorsqu’on demandait à Nicolas comm
46 souci de la vieille foi, celle des saints apôtres et de nos ancêtres ! Car c’est par la seule force de Dieu que nos ancêtr
47 ces valets qui, sous prétexte de foi, trafiquent et jettent la discorde parmi nous. Plusieurs fois déjà, dans ses sermons
48 s, au contraire, n’a cessé de visiter les malades et de venir en aide aux affligés ; « de plus, ajoute-t-il, il n’a pas ét
49 s au contraire près des habitations de sa famille et de sa parenté. » En 1556, Matthias Flacius l’Illyrique, le père de l’
50 sont dressés, avant Martin Luther, contre le pape et ses erreurs ». Enfin, s’il était besoin d’une attestation plus décisi
51 pour le Christ contre l’Antéchrist. » Nicolas et le théâtre protestant L’une des meilleures preuves de l’adoption s
52 t d’abord deux satires dialoguées, datées de 1526 et de 1538 ; elles font intervenir l’ermite du côté des réformés, ennemi
53 tz. Il ne comptait pas moins de 149 rôles parlés, et sa représentation demanda deux jours pleins, nous dit Dürrer. Nicolas
54  : les treize cantons, des apôtres, des prophètes et des représentants de la hiérarchie catholique. Au premier acte, on vo
55 catholique. Au premier acte, on voit les évêques et les moines chassés de la scène à coups de fouet par le prophète Elie.
56 nd longuement en décrivant la corruption d’Israël et la nécessité d’une piété purifiée et « sérieuse ». Au dernier acte, a
57 ion d’Israël et la nécessité d’une piété purifiée et « sérieuse ». Au dernier acte, après que la Mort ait accompli son Jug
58 pli son Jugement, les treize cantons reparaissent et loue la sagesse du frère Claus. Les cantons catholiques reconnaissent
59 s prières des lèvres, les « vêtements étrangers » et les doctrines qu’on ne met pas en pratique. Les cantons protestants,
60 ts, pour leur part, se repentent de leur orgueil. Et Nicolas, une dernière fois, les adjure de garder le Pacte dans l’amou
61 adjure de garder le Pacte dans l’amour fraternel et la vigilance. Puis il salue l’ange de Dieu qu’il voit venir à sa renc
62 it venir à sa rencontre. Les satires zwingliennes et le mystère de Valentin Boltz devaient être à l’origine d’une riche tr
63 , s’avisent de renouer leur tradition de Nicolas, et précisément au théâtre ? C’est dans cette idée que j’ai conçu, en sep
64 tat de nos calculs, mais le miracle de Dieu seul, et la victoire de Sa miséricorde. c. Rougemont Denis de, « Nicolas d
65 rde. c. Rougemont Denis de, « Nicolas de Flue et la tradition réformée », La Vie protestante, Genève, 1 septembre 1939
3 1940, La Vie protestante, articles (1938–1978). De Luther à Hitler (15 mars 1940)
66 toute appréciation erronée des origines, des fins et de la pratique hitlériennes, non seulement affaiblissent la résistanc
67 es d’une solution prochaine, équitable pour tous, et englobant les pays germaniques. Or l’erreur qui consiste à placer Lut
68 lle résulte tantôt d’une mauvaise foi consciente, et qui se voudrait « machiavélique », tantôt d’une ignorance inqualifiab
69 norance inqualifiable des faits les plus notoires et les plus importants de notre histoire occidentale. J’estime qu’elle a
70 Je suis prêt à la dénoncer dans toutes les revues et dans tous les journaux qui veulent bien publier ma prose. Il est bien
71 provoque le racisme. Est-ce une tactique adroite et justifiable, au moment où toutes les Églises sont appelées, par aille
72 n’importe quel despote, pourvu qu’il fût Allemand et protestant ». Or le despote est venu, cher M. de Reynold : il était A
73 st venu, cher M. de Reynold : il était Autrichien et catholique. Un billet, s’il vous plaît, au Suisse inquiet, au protest
74 anscendantes, telle que j’ai pu la voir à l’œuvre et telle que je l’ai décrite en plus d’un livre ? Certes, on pourra touj
75 e entre les mains des défenseurs de la « Raison » et de la « claire latinité » que veulent être M. de Reynold, M. Massis,
76 ui ou non, l’axe Berlin-Rome passe-t-il par Rome, et non point par Genève ? Et si l’on persiste à prétendre que le luthéra
77 me passe-t-il par Rome, et non point par Genève ? Et si l’on persiste à prétendre que le luthéranisme porte en soi les ger
78 ys où le luthéranisme a triomphé sans résistance, et bien plus totalement qu’en Allemagne, soient aujourd’hui les parangon
79 ocratique ? Je veux parler des États scandinaves, et du plus purement luthérien d’entre eux, la Finlande. Si l’on me fait
4 1940, La Vie protestante, articles (1938–1978). « Dieu premier servi » (26 avril 1940)
80 itude du chrétien en face de ses devoirs civiques et militaires. Là-dessus, quelques remarques à propos de la Suisse. Je s
81 oir d’agir au nom de sa foi, d’agir dans le monde et pour le monde, dans la cité où il est né et pour son bien. Il n’a pas
82 monde et pour le monde, dans la cité où il est né et pour son bien. Il n’a pas le droit de s’en désintéresser et de laisse
83 n bien. Il n’a pas le droit de s’en désintéresser et de laisser les autres s’égarer, quitte à les dénoncer ensuite pathéti
84 dans les données de fait qui sont celles du pays, et qui se trouvent être communes à tous les citoyens, chrétiens ou non.
85 pas être chrétiens parce que nous sommes Suisses et que la Suisse est officiellement un pays chrétien. Mais nous devons ê
86 abord, écrivait-il, avoir une religion pour vous, et si vous n’en voulez pas pour vous, mais seulement pour tout le monde,
87 ui veut en avoir une. » C’est parce que Niemöller et ses frères savaient cela qu’ils ont résisté, qu’ils résistent. e.
5 1940, La Vie protestante, articles (1938–1978). Neutralité (3 mai 1940)
88 as parler de neutralité en général, dans l’absolu et dans l’abstrait. Car tout dépend de ceci : vis-à-vis de quoi, ou de Q
89 tre histoire que je n’ai pas à conter maintenant. Et nous avons d’ailleurs, à mon avis, d’autres raisons de rester neutres
90 son sens spirituel, c’est toujours un blasphème, et c’est souvent une grosse sottise. f. Rougemont Denis de, « Neutral
6 1942, La Vie protestante, articles (1938–1978). Perspectives d’avenir du protestantisme (2 janvier 1942)
91 de conclusion. La première, c’est que la Réforme, et spécialement sa tendance calviniste, est appelée à figurer dans notre
92 lution de l’Europe, représente en effet le centre et l’axe même de la notion chrétienne de personne, à la fois libre et en
93 la notion chrétienne de personne, à la fois libre et engagée. Par l’organisation même de ses Églises et de ses paroisses,
94 t engagée. Par l’organisation même de ses Églises et de ses paroisses, elle offre le type d’une communauté libre et pourta
95 oisses, elle offre le type d’une communauté libre et pourtant bien liée, fondée sur l’espérance de l’Esprit et non pas sur
96 ant bien liée, fondée sur l’espérance de l’Esprit et non pas sur les fatalités du passé, ouverte à la volonté d’un Dieu tr
97 assé, ouverte à la volonté d’un Dieu transcendant et non pas fermée sur les intérêts d’un groupe. Par là, elle s’oppose ra
98 arole de l’apôtre. Elle n’admet pas la conversion et le pardon, à partir desquels « il n’y a plus ni juif ni grec ». Elle
99 sont tes morts ? ». Religion du sang, de la terre et des morts, religion sanglante et mortelle, religion des choses vieill
100 ang, de la terre et des morts, religion sanglante et mortelle, religion des choses vieilles mortes et enterrées depuis des
101 et mortelle, religion des choses vieilles mortes et enterrées depuis des millénaires, jamais « passées ». Qui ne voit qu’
102 i ne voit qu’une telle religion hait mortellement et de toute sa nature la foi chrétienne, tournée vers le pardon, le futu
103 sont vaincus, ce seront les nations protestantes et fédéralistes d’esprit qui auront obtenu la victoire. Elles ne sauront
104 la rendre féconde que si elles se laissent guider et inspirer par la tradition spirituelle qui a fait leur force : la trad
105 ui a fait leur force : la tradition personnaliste et fédéraliste de la Réforme. Enfin, la troisième perspective qui s’ouvr
106 protestantes, les anglicans, les orthodoxes grecs et russes, et les vieilles Églises du Proche-Orient, c’est-à-dire toutes
107 s, les anglicans, les orthodoxes grecs et russes, et les vieilles Églises du Proche-Orient, c’est-à-dire toutes les Église
108 elle dans la diversité admise des formes de culte et d’organisation. Ce n’est point par hasard que les calvinistes, bien q
109 l’Évangile, la bonne nouvelle du « salut de grâce et bonté pure » comme on disait au xvie siècle. Et c’est notre fidélité
110 et bonté pure » comme on disait au xvie siècle. Et c’est notre fidélité même à la Réforme qui nous fait nous réjouir d’u
111 l’Église qui accepte d’être constamment réformée et jugée par la Vérité même qu’elle annonce et dont elle doit se sentir
112 ormée et jugée par la Vérité même qu’elle annonce et dont elle doit se sentir responsable devant le monde d’aujourd’hui et
113 sentir responsable devant le monde d’aujourd’hui et pour demain. g. Rougemont Denis de, « Perspectives d’avenir du pro
7 1943, La Vie protestante, articles (1938–1978). Les tours du diable I : « Je ne suis personne » (15 octobre 1943)
114 s. Car si le diable est simplement le démon rouge et cornu des mystères médiévaux, ou le faune à barbiche de chèvre et à l
115 tères médiévaux, ou le faune à barbiche de chèvre et à longue queue des légendes populaires, il est vraiment trop facile d
116 as croire au diable. Cette mascarade anachronique et bouffonne n’a pas médiocrement contribué à la réussite du premier tou
117 ent prendre ! Fascinés par l’image traditionnelle et trop évidemment puérile, ils ne se doutent pas que le diable agit ail
118 qui me paraît incroyable, ce n’est pas le diable, et ce ne sont pas les anges, mais bien la candeur et la crédulité de ces
119 et ce ne sont pas les anges, mais bien la candeur et la crédulité de ces « sceptiques », et l’impardonnable sophisme dont
120 la candeur et la crédulité de ces « sceptiques », et l’impardonnable sophisme dont ils se montrent les victimes : « Le dia
121 mes : « Le diable est un bonhomme à cornes rouges et à longue queue ; or je ne puis croire à un bonhomme à cornes rouges e
122 r je ne puis croire à un bonhomme à cornes rouges et à longue queue ; donc je ne crois pas au diable. » C’est tout ce qu’i
123 s pas au diable. » C’est tout ce qu’il demandait. Et ceux qui en restent aux contes de bonnes femmes, ce sont ceux qui ref
124 re au diable à cause de l’image qu’ils s’en font, et qui est tirée des contes de bonnes femmes. Cependant la Bible dénonce
125 nous voyons Satan lié pour mille ans, puis délié et déchaîné sur les quatre parties du monde pour les tromper et pour les
126 sur les quatre parties du monde pour les tromper et pour les faire se battre sans raison alléguée, et finalement flamboyé
127 et pour les faire se battre sans raison alléguée, et finalement flamboyé par le feu du ciel et précipité dans un étang de
128 léguée, et finalement flamboyé par le feu du ciel et précipité dans un étang de flammes et de souffre avec ses faux prophè
129 feu du ciel et précipité dans un étang de flammes et de souffre avec ses faux prophètes, pour y être tourmenté nuit et jou
130 ec ses faux prophètes, pour y être tourmenté nuit et jour, au siècle des siècles. La Bible, notez-le, parle beaucoup moins
131 rs de la Vie protestante. La qualité de sa pensée et l’autorité de son jugement sont reconnues bien au-delà de nos frontiè
8 1943, La Vie protestante, articles (1938–1978). Les tours du diable II : Le menteur (22 octobre 1943)
132 ans toute la Création, peut dire ce qui n’est pas et mentir par ses actes. Le minéral repose où il fut composé, la plante
133 prisonniers de l’ordre intarissablement prodigue et infaillible de l’instinct. Mais l’homme a reçu le pouvoir de parler,
134 ais l’homme a reçu le pouvoir de parler, de créer et de dénaturer. Par la grâce du langage, il peut dire vrai ; par la fau
135 ctives de la Création, il peut aussi créer à tort et à travers. Il peut être un agent responsable de la nature naturante,
136 , mais il peut aussi faire la grève, se révolter, et fabriquer l’anti-nature ou dénature. Cette duplicité de nos pouvoirs
137 tue notre liberté. Elle en est à la fois le signe et la condition nécessaire. Elle est notre gloire équivoque. C’est par l
138 équivoque. C’est par la liberté, à cause d’elle, et dans elle, que nous avons le pouvoir de pécher. Car pécher c’est tric
139 divine nos dérogations égoïstes, fautes de calcul et courtes vues intéressées. Pécher c’est fausser quelque chose dans l’o
140 peut mentir. Par sa liberté seule il peut pécher. Et le péché n’est qu’un mensonge. Mais le mensonge proféré nous lie… Com
141 ’est par nous seulement qu’il agit dans le monde, et c’est en provoquant l’abus de notre liberté qu’il agit en nous et nou
142 oquant l’abus de notre liberté qu’il agit en nous et nous lie. Si Ève n’avait pas été libre de manger cette pomme interdit
143 point que le Malin devait atteindre notre orgueil et s’insérer dans nos défenses les plus secrètes. La parole nous étant d
144 role nous étant donnée pour répondre à la vérité, et pour l’étendre et confirmer par la vertu du témoignage, il est clair
145 nnée pour répondre à la vérité, et pour l’étendre et confirmer par la vertu du témoignage, il est clair que la grande ambi
146 ouche, pour altérer le témoignage dans sa source. Et c’est pourquoi la Bible dit, énergiquement, que lorsque nous mentons,
147 i le client contrôle, il peut voir qu’on le vole, et vous savez de combien vous le volez : une vérité reste juge entre vou
148 est dénaturé, il n’y a plus de contrôle possible. Et peu à peu vous oublierez que vous trichez. Parions même que vous mett
149 our le bon poids », pour le sourire de l’acheteur et la satisfaction de votre vertu. C’est là le mensonge pur, l’œuvre pro
150 ité, toutes vos « vertus » sont au service du mal et sont complices de l’œuvre du Malin. « Le diable est menteur et le Pèr
151 ices de l’œuvre du Malin. « Le diable est menteur et le Père du mensonge », dit l’Évangile tel qu’on le cite d’ordinaire.
152 us étrange. « Le diable est menteur, nous dit-il, et il est le père de son propre mensonge. » Par ici nous entrons au myst
153 ant d’une vérité qu’il rejette aussitôt qu’avilie et qui mourra du monstre mis au monde. Monstrueuse création du mensonge,
154 t une espèce de décréation. C’est le trompe-l’œil et le sonne-creux de l’invention bâtarde et de l’art inauthentique. Le d
155 pe-l’œil et le sonne-creux de l’invention bâtarde et de l’art inauthentique. Le diable est le père du faux art, de toutes
156 ntradiction d’une vérité, qui subsistait ailleurs et nous jugeait encore. Mais le mensonge diabolique tue le juge. Il ne p
157 ge diabolique tue le juge. Il ne part que de soi, et ne prolifère qu’en autarcie, comme une monade cancéreuse, introduisan
9 1943, La Vie protestante, articles (1938–1978). Les tours du diable III : diable et sexe (29 octobre 1943)
158 Les tours du diable III : diable et sexe (29 octobre 1943)k Le jeune lecteur — et peut-être aussi le m
159 et sexe (29 octobre 1943)k Le jeune lecteur — et peut-être aussi le moins jeune — se dira : Tiens, voilà un sujet… Que
160 maine des tentations à la fois les plus sensibles et les plus communes. Assez peu d’hommes sont réellement tentés de voler
161 i (au contraire), mais seulement la révolte d’Ève et son désir de se diviniser à sa façon. Si la sexualité pouvait rester
162 mêlerait pas. Mais en fait elle se lie à l’amour, et à l’esprit, et c’est par là qu’elle va se pervertir et devenir à son
163 ais en fait elle se lie à l’amour, et à l’esprit, et c’est par là qu’elle va se pervertir et devenir à son tour source de
164 l’esprit, et c’est par là qu’elle va se pervertir et devenir à son tour source de perversion. La paillardise joyeuse est c
165 manque de nécessité. Il est nécessaire de manger et de respirer, et il est nécessaire que le sang circule, mais on peut v
166 sité. Il est nécessaire de manger et de respirer, et il est nécessaire que le sang circule, mais on peut vivre en restant
167 . L’usage du sexe est donc en grande partie libre et conscient. D’autre part, il est lié à la créativité de l’homme, il en
168 icipe de notre libre créativité, comme le langage et les activités de l’esprit, que la sexualité donne prise au diable. Et
169 l’esprit, que la sexualité donne prise au diable. Et certes il ne s’y intrigue pas davantage que dans nos créations les pl
170 raites. Il est même plus aisément reconnaissable, et dans cette mesure moins dangereux. La sexualité ne devient proprement
171 derne, entraînant une pruderie morbide du langage et des bonnes mœurs, est certes pour beaucoup dans la crise sexuelle don
172 a cru pouvoir « tout expliquer » par les censures et refoulements de la morale en vigueur dans son milieu, et de son temps
173 ulements de la morale en vigueur dans son milieu, et de son temps. D’où l’on devrait déduire que le meilleur moyen de prév
174 yen de prévenir les états de possession satanique et les névroses nées de troubles sexuels, serait simplement la franchise
175 raintes choisies rend la sexualité insignifiante, et déprime secrètement l’humanité de l’homme. Le sexe n’est pas plus div
176 ques ou moraux, à tout ce qui qualifie l’individu et lui permet de se posséder en tant que personne responsable. L’indiffé
177 sse américaine par exemple, à l’égard des pudeurs et interdits qui prêtaient à l’acte sexuel la gravité d’un engagement, c
178 mont Denis de, « Les tours du diable III : diable et sexe », La Vie protestante, Genève, 29 octobre 1943, p. 2.
10 1943, La Vie protestante, articles (1938–1978). Les tours du diable IV : L’accusateur (5 novembre 1943)
179 nde qu’une seule chose pire que de douter du bien et du réel, et c’est de douter du pardon, une fois qu’on a trahi le bien
180 eule chose pire que de douter du bien et du réel, et c’est de douter du pardon, une fois qu’on a trahi le bien et le réel.
181 douter du pardon, une fois qu’on a trahi le bien et le réel. Car douter du pardon nous replonge dans le mal, avec la somb
182 jouissance masochiste des « après moi le déluge » et des « tant pis pour moi ». Il faut croire au pardon pour oser confess
183  ; pour oser qualifier de faute sa propre faute ; et pour que puisse renaître la confiance qui donnera seule le courage de
184 doute du pardon ne peut pas confesser son crime, et celui qui ne le confesse pas n’en connaîtra jamais toute l’étendue. L
185 nos frères, celui qui les accuse devant Dieu jour et nuit ». C’est lui qui demandait la tête de Job devant le tribunal cél
186 u’il n’y a pas de juge, ni d’ordre divin du réel, et aussitôt que nous l’avons cru, de nous accuser de contravention devan
187 Ainsi la morale laïque, morale du devoir kantien et des routines bourgeoises, excluant le Dieu personnel, nous accuse et
188 rgeoises, excluant le Dieu personnel, nous accuse et nous prive en même temps de tout recours à Celui qui pardonne. Elle n
11 1943, La Vie protestante, articles (1938–1978). Les tours du diable V : Le tentateur (12 novembre 1943)
189 du jardin, Dieu a dit : vous n’en mangerez point et vous n’y toucherez point, de peur que vous n’en mouriez. Alors le ser
190 e jour où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront, et que vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal. » (Gen
191 e vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal. » (Gen. 3:1 à 5) Voyez : avant la tentation proprement dite,
192 e jeter un doute sur la réalité de la loi divine, et donc sur la réalité elle-même et ses structures. « Dieu a-t-il réelle
193 e la loi divine, et donc sur la réalité elle-même et ses structures. « Dieu a-t-il réellement dit ?… » Sitôt que cette inc
194 que posent les lois de la Création, l’ordre divin et la nature de l’homme. Et voici le deuxième temps de la tentation : «
195 Création, l’ordre divin et la nature de l’homme. Et voici le deuxième temps de la tentation : « La femme vit que l’arbre
196  : « La femme vit que l’arbre était bon à manger et agréable à la vue, et qu’il était précieux pour ouvrir l’intelligence
197 l’arbre était bon à manger et agréable à la vue, et qu’il était précieux pour ouvrir l’intelligence : elle prit de son fr
198 ur ouvrir l’intelligence : elle prit de son fruit et en mangea. » (Gen. 3:6) Voyez : ce n’est pas le mal en soi qui tente,
199 tente, mais c’est toujours un bien qu’on imagine, et même un meilleur bien que celui que Dieu offre, un bien que l’on se f
200 e par une chose mauvaise, mais par une fort belle et bonne pomme, agréable à la vue et précieuse pour l’esprit. Elle ne fu
201 une fort belle et bonne pomme, agréable à la vue et précieuse pour l’esprit. Elle ne fut pas tentée par le désir de nuire
202 ent fondamentale, Dieu n’aimait pas cette idée-là et l’excluait de sa réalité. Manger cette pomme et se diviniser de cette
203 à et l’excluait de sa réalité. Manger cette pomme et se diviniser de cette manière convoiteuse, il se trouvait qu’aux yeux
204 ion, puis le désir d’un bien que le réel condamne et que le plan divin ne prévoit pas. Satan, lorsqu’il tente le Christ, l
205 faute, mais faute signifie tout à la fois erreur et chute. C’est plus tard, c’est après plusieurs générations de pécheurs
206 ais active, contre nature devenue seconde nature. Et c’est à ce moment-là que Baudelaire peut écrire : « L’homme et la fem
207 moment-là que Baudelaire peut écrire : « L’homme et la femme savent de naissance que dans le mal se trouve la volupté… La
208 ns le mal se trouve la volupté… La volupté unique et suprême gît dans la certitude de faire le mal. » Mais ici se sont déc
209 ion, de l’autopunition d’une conscience déchirée, et du désir enfin de se détruire. Se détruire pour s’innocenter ! Pour é
210 oi-même sans réparer. C’est le mystère du suicide et la logique de Judas, la suprême utopie. m. Rougemont Denis de, « L
12 1943, La Vie protestante, articles (1938–1978). Les tours du diable VI : Le mal du siècle : la dépersonnalisation (19 novembre 1943)
211 philanthrope ou le mondain, l’artiste, l’auteur, et l’homme qui réussit, cette galerie de victimes est classique au point
212 presque démodée. Car Satan marche avec son temps, et paraît se soucier de moins en moins de persuader l’individu, dans une
213 ime : En opposition aux distinctions du Moyen Âge et des époques qui discutaient sans fin les cas de possession, c’est-à-d
214 la possession diabolique dans les temps modernes, et montrer comment l’humanité qui se donne au diable, de nos jours, le f
215 blent en troupeaux, pour que l’hystérie naturelle et animale s’empare d’eux, pour qu’ils se sentent stimulés, enflammés et
216 d’eux, pour qu’ils se sentent stimulés, enflammés et hors d’eux-mêmes. Les scènes du Blocksberg sont le pendant exact de c
217 ue le sang court plus vite, que les yeux brillent et deviennent fixes, et que les passions bouillonnent. À quoi pouvait pe
218 vite, que les yeux brillent et deviennent fixes, et que les passions bouillonnent. À quoi pouvait penser Kierkegaard lors
219 lorsque, dans son petit Danemark bourgeois, pieux et confortable, il écrivait ces lignes prophétiques ? Il assistait aux t
220 Europe l’irruption du libéralisme, du capitalisme et du nationalisme. Lui seul avait vu le diable à l’œuvre dans ces œuvre
221 tiques. Kierkegaard a compris mieux que quiconque et avant tous, le principe diabolique créateur de la masse : fuir sa pro
222 nne, n’être plus responsable, donc plus coupable, et devenir du même coup participant de la puissance divinisée de l’Anony
223 lieu de rendez-vous des hommes qui se fuient, eux et leur vocation. Elle n’est personne et tire de là son assurance dans l
224 fuient, eux et leur vocation. Elle n’est personne et tire de là son assurance dans le crime. « Il ne s’est pas trouvé un s
225 quatre femmes, dans l’illusion d’être une foule, et que personne peut-être ne saurait dire qui l’avait fait ou qui avait
226 chaque homme isolé a, dans la règle, deux mains, et lorsqu’il porte ces deux mains sur Marius, ce sont ses mains, non cel
227 Marius, ce sont ses mains, non celles du voisin, et non celles de la foule qui n’a pas de mains » (Kierkegaard). Reconnai
228 première tentation en Eden, il a recours au même et unique artifice : faire croire à l’homme qu’il n’est pas responsable,
229 uge, que la Loi est douteuse, qu’on ne saura pas, et que d’ailleurs, une fois le coup réussi, on sera Dieu soi-même, donc
230 sera Dieu soi-même, donc maître de fixer le bien et le mal à sa guise. « Alors ils entendirent la voix de l’Éternel Dieu
231 rnel Dieu, qui parcourait le jardin vers le soir, et l’homme et sa femme se cachèrent loin de la face de l’Éternel Dieu, a
232 qui parcourait le jardin vers le soir, et l’homme et sa femme se cachèrent loin de la face de l’Éternel Dieu, au milieu de
233 res du jardin. Mais l’Éternel Dieu appela l’homme et lui dit : Où es-tu ? Il répondit : J’ai entendu ta voix dans le jardi
234 l répondit : J’ai entendu ta voix dans le jardin, et j’ai eu peur, parce que je suis nu, et je me suis caché. Et l’Éternel
235 le jardin, et j’ai eu peur, parce que je suis nu, et je me suis caché. Et l’Éternel Dieu dit : Qui t’a appris que tu es nu
236 peur, parce que je suis nu, et je me suis caché. Et l’Éternel Dieu dit : Qui t’a appris que tu es nu ? Est-ce que tu as m
237 ue tu as mise auprès de moi m’a donné de l’arbre, et j’en ai mangé. Et l’Éternel Dieu dit à la femme : Pourquoi as-tu fait
238 ès de moi m’a donné de l’arbre, et j’en ai mangé. Et l’Éternel Dieu dit à la femme : Pourquoi as-tu fait cela ? La femme r
239 ela ? La femme répondit : Le serpent m’a séduite, et j’en ai mangé. » (Gen. 3:8-13) Voyez : ils vont se cacher, ils n’y so
240 3) Voyez : ils vont se cacher, ils n’y sont plus. Et quand on les attrape, ils disent que c’était l’autre. Ainsi les homme
241 s, poussés par leurs « complexes de culpabilité » et fuyant devant l’aveu de leurs fautes, vont se cacher dans les arbres,
242 ce où l’on peut toujours dire : c’était l’autre ! Et dans le lieu où l’on est, à coup sûr, le plus « loin de la face de l’
243 faut qu’il n’y ait plus personne. Or si j’appelle et qu’il n’y a pas de réponse, je dis qu’il n’y a personne. La personne
244 sa grande stratégie : produire le péché en série et rationaliser la chasse aux âmes. Il faut avouer que presque toutes no
245 formes de vie étrangères à notre sort particulier et à nos aptitudes normales. Au cinéma, l’individu moderne s’habitue à c
246 ent les Nations, ces abstractions personnifiées ; et les Révolutions incarnées par leurs chefs. Tout cela contribue à l’ar
247 jamais rien de semblable. Quant aux inconvénients et à l’ennui de cette vie propre, autrefois jugés normaux, ils apparaiss
248 défini, de confort à tout prix, de succès rapide, et à mesure que s’efface la croyance dans un au-delà. D’une part l’indiv
249 ividu moderne est incité à juger sa vie mesquine, et à la fuir ; d’autre part il est aspiré par les grandes émotions colle
250 les grandes émotions collectives. Cette répulsion et cette attraction jouent dans le même sens. Elles poussent l’homme à r
251 mmes, sans la radio, les haut-parleurs, la presse et les transports rapides. Mais ces moyens techniques n’ont pas tout fai
252 ’ont pas tout fait : l’homme les a faits d’abord, et ce n’est point par hasard qu’il a fait ceux-là et non d’autres. Les v
253 et ce n’est point par hasard qu’il a fait ceux-là et non d’autres. Les véritables causes et racines du phénomène moderne d
254 it ceux-là et non d’autres. Les véritables causes et racines du phénomène moderne des masses sont dans notre attitude spir
255 rces au plus intime des existences individuelles. Et c’est là seulement qu’on peut la dénoncer. n. Rougemont Denis de,
13 1943, La Vie protestante, articles (1938–1978). Les tours du diable VII : La cinquième colonne (26 novembre 1943)
256 it du mal de tout le monde — des autres, de nous, et donc de moi aussi. Mais si le diable est partout, sa figure se brouil
257 si le diable est partout, sa figure se brouille. Et les définitions que j’en ai données successivement, à force de se com
258 ires. Pourquoi ne pas nous donner une image nette et facilement reconnaissable de la personne de Satan ? C’est que le diab
259 e est justement celui qui n’est jamais clairement et honnêtement définissable. Il est celui qui s’arrange toujours pour êt
260 i qui s’arrange toujours pour être à la fois juge et partie dans le procès de sa définition. Un être paradoxal pas essence
261 donne une liberté indéfinie d’action, d’incognito et d’alibis à perte de vue. Vulgaire et séduisant, pharisien et voyou, h
262 d’incognito et d’alibis à perte de vue. Vulgaire et séduisant, pharisien et voyou, hypocrite et cynique à la fois, repous
263 à perte de vue. Vulgaire et séduisant, pharisien et voyou, hypocrite et cynique à la fois, repoussant mais non moins fasc
264 gaire et séduisant, pharisien et voyou, hypocrite et cynique à la fois, repoussant mais non moins fascinant, il est sans d
265 des naïfs qui croient que le mal doit être laid ; et il est d’une laideur irrésistiblement attirante aux yeux des désabusé
266 irrésistiblement attirante aux yeux des désabusés et des raffinés. En bref, il n’est jamais où vous pensiez le trouver. Il
267 u Saint-Esprit, toujours ambiguë pour notre doute et déconcertante pour notre raison. On sait assez que le procédé favori
268 versaire en y répandant alternativement de vraies et de fausses nouvelles. Voilà le diable à l’œuvre dans nos vies ! Il es
269 Cinquième Colonne au siècle des siècles. Enfin —  et ceci doit me rendre prudent, personnellement —, le diable est l’être
270 e loger de préférence chez celui qui l’a dénoncé, et qui se tient pour assuré dans sa bonne conscience. Au moment où vous
271 Au moment où vous croyez l’attraper chez un autre et lui régler son compte — voici qu’il est devenu vous-même ! Mais alors
14 1943, La Vie protestante, articles (1938–1978). Les tours du diable VIII : Le diable démocrate (3 décembre 1943)
272 cette croyance quasi universelle dans les masses et l’élite, l’on est induit à reconnaître que le Progrès automatique n’é
273 aller les choses avec l’arrière-pensée fataliste et réconfortante que tout s’arrangera de soi-même, dans l’ensemble et à
274 que tout s’arrangera de soi-même, dans l’ensemble et à la longue, alors le Progrès devient le plus dangereux des soporifiq
275 rs une manière de croire aussi à sa propre bonté. Et donc de s’aveugler sur le mal que l’on porte en soi. Et donc de ne pa
276 c de s’aveugler sur le mal que l’on porte en soi. Et donc de ne pas se soucier de la présence active du démon. Et donc enf
277 ne pas se soucier de la présence active du démon. Et donc enfin de lui laisser le champ libre pour nous duper. Nous avons
278 comprise, de lois inadéquates, ou de refoulements et d’injustices qui pouvaient être éliminés par des mesures adroites. To
279 berté, dans nos données premières, dans la nature et dans la définition même de l’homme en tant qu’il est humain. Nous avo
280 t humain. Nous avons été optimistes par principe, et presque par savoir-vivre, dirait-on, malgré tous les démentis de la r
281 y a l’action du diable. Mais cela nous scandalise et nous effraye. Alors nous essayons de conjurer le mal en le niant : c’
282 er. Nous « refoulons », dirait Freud. Cette fuite et ce mensonge inconscients, nous rendent incapables de comprendre ce qu
283 bles de comprendre ce qui se passe dans le monde, et nous livrent aux ruses les plus simples du Malin. Nous avons éliminé
284 ourner exclusivement vers la recherche du confort et des vertus moyennes. ⁂ De même que nous disions, en présence d’un mir
285 ût été vraiment vrai, il eût fallu agir d’urgence et sans réserve ; et si nous nous étions mis à agir sans réserve, nous a
286 ai, il eût fallu agir d’urgence et sans réserve ; et si nous nous étions mis à agir sans réserve, nous aurions vu très vit
287 que ce mal avait des racines dans nos vies aussi, et que d’une certaine manière, nous l’aimions ! Voilà le grand secret. L
288 s ne le désiraient nullement, qu’ils étaient bons et les autres méchants, et que c’était tellement simple… Comme je voudra
289 ment, qu’ils étaient bons et les autres méchants, et que c’était tellement simple… Comme je voudrais que cela soit aussi s
290 i peut aveugler sur le mal que l’on porte en soi, et sur le sérieux du mal en général. La condamnation trop facile du méch
291 facile du méchant qui est en face peut recouvrir et favoriser beaucoup de complaisance intime à cette même méchanceté. Je
292 nse aux vertueuses indignations du puritain tenté et qui se fait une caricature du vice d’autrui pour éviter de le reconna
293 vous seulement que vous le prendrez sur le fait. Et alors seulement, vous serez en état de la dépister chez autrui, et de
294 t, vous serez en état de la dépister chez autrui, et de l’y combattre avec succès. Car alors seulement, vous serez guéris
15 1943, La Vie protestante, articles (1938–1978). Les tours du diable IX : « Nous sommes tous coupables » (10 décembre 1943)
295 e Dieu est en nous, que le Mal aussi est en nous, et que le champ de leur bataille n’est pas ailleurs que dans nos cœurs.
296 droit, ou « sorciers », nous rétablirons la paix et la prospérité. Nous sommes encore en pleine mentalité magique. Comme
297 ent de nous. Car tout homme porte dans son corps ( et dans son âme) les microbes de toutes les maladies connues, et de bien
298 âme) les microbes de toutes les maladies connues, et de bien d’autres. Anéantir les signes extérieurs de la menace ne sera
299 re temporaire. L’adversaire est toujours en nous. Et c’est pourquoi je pense que le chrétien véritable serait cet homme qu
300  ». Pourtant voyez ce qui se passe dans le monde, et dites qui l’a fait. Le diable ? Oui, mais par nos mains et nos pensée
301 qui l’a fait. Le diable ? Oui, mais par nos mains et nos pensées. C’est ici le moment de nous rappeler notre slogan démocr
302 ables dans la mesure où nous ne reconnaissons pas et ne condamnons pas en nous aussi la mentalité totalitaire, c’est-à-dir
303 lité totalitaire, c’est-à-dire la présence active et personnelle du démon dans nos passions, dans notre besoin de sensatio
304 e lâcheté vis-à-vis du grand nombre, de ses modes et de ses slogans, dans notre ignorance du prochain, dans notre refus en
305 s notre refus enfin de tout Absolu qui transcende et qui juge nos intérêts « vitaux » (comme ils le sont toujours…). Mais,
306 la ne justifie pas le criminel, cela me condamne. Et puisqu’il faut combattre le crime, je ne dirai pas que je vais laisse
307 dirai au contraire que la lutte pour me réformer et la lutte pour empêcher le criminel de poursuivre ses méfaits, sont un
308 riminel de poursuivre ses méfaits, sont une seule et même lutte. Que servirait de gagner cette lutte en moi seulement, pui
309 un autre criminel ? Il n’y a qu’un crime, en moi et hors de moi. C’est le même diable ! Et ceci n’est qu’un post-scriptum
310 me, en moi et hors de moi. C’est le même diable ! Et ceci n’est qu’un post-scriptum à l’adresse des pacifistes : « Nous so
311 ne nous reste plus qu’à combattre le mal, en nous et hors de nous ; c’est le même mal ! En nous par des moyens spirituels
312 t le même mal ! En nous par des moyens spirituels et moraux, hors de nous par des moyens matériels et militaires, conformé
313 et moraux, hors de nous par des moyens matériels et militaires, conformément à la nature du péril. Si quelqu’un met le fe
314 ers, coupables ou non, pour éteindre l’incendie ; et des policiers, coupables ou non, pour arrêter l’incendiaire. Or l’his
315 gré mal gré, dans le rôle technique des pompiers et des gendarmes. Cela ne fait pas de nous des saints. Cela n’implique m
16 1943, La Vie protestante, articles (1938–1978). Les tours du diable X : Le diable homme du monde (17 décembre 1943)
316 t un monsieur très bien ? Entre les gens du monde et le Prince de ce monde, les mots suggèrent, dans presque toutes les la
317 les langues, certaines complicités particulières. Et le peuple, inspiré peut-être par les traditionnels avertissements de
318 aginerait volontiers un diable en cravate blanche et monoclé. Le diable, dit un proverbe espagnol, n’est pas à craindre pa
319 ce que l’on peut penser aussi des gens du monde, et de la sagesse mondaine en général. Elle a son charme et son utilité ;
320 la sagesse mondaine en général. Elle a son charme et son utilité ; mais elle est vieille, elle est trop avertie, elle offr
321 asser au travers des cercles vicieux de la raison et de l’égoïsme « bien compris ». La fonction normale de la vie mondaine
322 on normale de la vie mondaine serait de maintenir et d’illustrer un certain nombre de devises d’élégance morale et de sage
323 er un certain nombre de devises d’élégance morale et de sagesse pratique. Il n’y a rien là de diabolique, tout au contrair
324 ue l’on s’aperçoit de la stérilité du personnage, et des effets stérilisants qu’entraîne sa fréquentation. Ce n’est pas le
325 itée. Le milieu mondain le plus suavement correct et moral peut fort bien être préféré par le diable à ces milieux bohèmes
326 être préféré par le diable à ces milieux bohèmes et de mœurs relâchées qui se croiraient volontiers damnés. C’est, je cro
17 1943, La Vie protestante, articles (1938–1978). Les tours du diable XI : Le diable dans nos dieux (24 décembre 1943)
327 diable. Mais il existe aussi un incognito divin, et c’est l’Incarnation, c’est-à-dire Dieu caché autant que révélé dans l
328 Joseph, charpentier de village. Mais l’incognito et l’alibi du diable sont exactement inverses : c’est dans l’image de no
329 u’il va se dissimuler, au cœur même de nos idéaux et de nos vérités trop humaines, dans les religions que nous confabulons
330 isme, ou une compensation rêvée de leurs défauts. Et ce fut le Dieu de la raison pour les tempéraments rationalistes, le D
331 tempéraments rationalistes, le Dieu de l’instinct et de la passion pour les hypercivilisés, le Dieu du succès pour les rob
332 s puritains, le Dieu philanthrope pour les avares et les timides, etc. Tout ceci pour la bourgeoisie et le siècle individu
333 t les timides, etc. Tout ceci pour la bourgeoisie et le siècle individualiste. Les suivants, nos contemporains, moins hypo
334 inisées, le moi n’est plus déguisé qu’en un nous. Et ces trois entités ont ceci de commun : elles ne sont responsables de
335 es les critères de toute vérité purement humaine, et décrétant qu’il n’est plus d’autre vérité. Or, aux yeux de ceux qui l
336 eux qui les servent, l’homme n’existe qu’en elles et par elles. Dans la mesure où nous leur obéissons, nous ne sommes donc
337 s de nos actes, mais elles le sont à notre place. Et comme elles-mêmes n’ont à répondre devant aucune instance supérieure,
338 autre classe, ou d’une autre génération physique et mentale que celle qui détient le pouvoir — alors nous sommes des « vi
339 oir — alors nous sommes des « vipères lubriques » et nous devons le confesser publiquement. Après quoi nous recevons une b
340 e s’en allait le long de la rue. Il avait la tête et les poches pleines de projets philanthropiques, propres à réformer l’
341 bon cigare dont la fumée montait comme un encens et devait être en bonne odeur à l’Éternel, car cet homme avait le cœur p
342 quelques mètres derrière lui suivaient le diable et l’un de ses compères. Ils observaient le Philanthrope, d’un œil criti
343 Le Philanthrope sans hésiter lui remit une pièce, et poursuivit son chemin. Il marchait dans la gloire, et sa conscience r
344 oursuivit son chemin. Il marchait dans la gloire, et sa conscience resplendissait comme un sou neuf. « Tu n’as pas peur de
345 ompère au diable. Il m’a l’air terriblement bon ! Et ses plans sont irréprochables, paraît-il : intelligents et généreux,
346 ans sont irréprochables, paraît-il : intelligents et généreux, idéalistes, réalistes… » Le diable ne répondit rien ; il so
18 1949, La Vie protestante, articles (1938–1978). Printemps de l’Europe (29 avril 1949)
347 pas pour Pâques, ce sera donc pour la Trinité ! —  et cela ne veut pas dire, comme dans la chanson, que nous ne verrons jam
348 car l’élan est donné, le mouvement est en marche, et plus rien ne peut l’arrêter. Nous aurons certainement le Conseil de l
349 Nous aurons certainement le Conseil de l’Europe, et l’Assemblée consultative. Certainement, l’Europe va se faire. La seul
350 t-elle se laisser inspirer par ce temps de Pâques et les vacances, et puisse-t-elle prendre non seulement son temps, mais
351 inspirer par ce temps de Pâques et les vacances, et puisse-t-elle prendre non seulement son temps, mais aussi les distanc
352 r le problème dans son ensemble, loin des détails et des difficultés techniques, pour méditer dans la campagne anglaise… J
353 en cherchant des œufs de Pâques avec mes enfants, et je me disais : tout dépend d’une seule chose, l’avenir de ces enfants
354 dépend d’une seule chose, l’avenir de ces enfants et celui de nos pays, tout dépend d’une seule chose, qui est celle-ci :
355 dans notre temps. Le souci des intérêts immédiats et surtout la peur de la guerre nous empêchent trop souvent de voir loin
356 and, d’imaginer vraiment la paix, la paix vivante et passionnante qui reste encore possible, et qui dépend de nous. Il y a
357 ivante et passionnante qui reste encore possible, et qui dépend de nous. Il y a très peu de grandes visions. J’en connais
358 s vague. Il se promène ces jours-ci dans les rues et cafés de Paris, avec un gros livre sous le bras, quêtant la signature
359 des amis de la paix. Il a déchiré son passeport, et quelques écrivains lui ont donné l’appui de leurs noms célèbres, mais
360 is sans rien déchirer du tout. Il est sympathique et très pur. Il rêve d’une Assemblée mondiale et d’un gouvernement uniqu
361 que et très pur. Il rêve d’une Assemblée mondiale et d’un gouvernement unique pour toute la terre. Mais les Russes ont aus
362 e l’unité du monde sous les auspices du Kominform et de l’épuration permanente, — et ceci tue cela, ce n’est pas notre fau
363 ices du Kominform et de l’épuration permanente, —  et ceci tue cela, ce n’est pas notre faute, ni la faute de Garry Davis…
364 , mais à cause de cela même, elle est plus claire et proche. Je voudrais l’appeler aujourd’hui la vision du beau temps eur
365 sion d’un printemps de l’Europe où les frontières et les barrières entre nos peuples fondraient comme neige sous le soleil
366 ent votre curiosité pour tant de beautés antiques et nouvelles, votre fraternité pour tant de peuples différents et si pro
367 votre fraternité pour tant de peuples différents et si proches, — comme vous circulez aujourd’hui d’un canton à l’autre d
368 érations qui ont vu le jour au cours des siècles, et vous savez comment la Suisse a su atteindre ces trois buts, en se féd
369 a bien vu cet enjeu, la possibilité de le gagner, et la nécessité de le gagner d’urgence, non seulement pour nous en Europ
370 aix du monde entier, alors le principal est fait. Et si les Dix ambassadeurs à Londres ont bien vu cela, ils ne se laisser
371 isseront plus arrêter par les chicanes techniques et les experts. Tout dépend de la vision qu’ils auront. Il n’est point d
372 orienté dès le départ par une vision libératrice et fascinante. L’Europe se fera, parce qu’une équipe de véritables résis
373 — ceux qui résistent à la fatalité — l’auront vue et marchent vers elle. Il se peut que la vision qui les guide cache une
374 s Indes, on nommait ainsi sa vision. Contre vents et marées, contre tous les experts de son époque, il se mit en route pou
375 e son époque, il se mit en route pour la joindre, et c’est ainsi qu’il trouva l’Amérique. Mais nous, quel continent nouvea
376 tive de l’Europe, qui doit se tenir en septembre, et dont les députés seront nommés par les parlements. 2. (Réd. — Nous d
19 1961, La Vie protestante, articles (1938–1978). Bilan simple (29 décembre 1961)
377 e paraît simple à établir dans ses grandes lignes et à l’échelle de la planète : l’une après l’autre, toutes les puissance
378 S a perdu la face en tant que champion de la paix et du désarmement, en faisant éclater trente bombes atomiques en deux mo
379 ace en tant que champion de l’arbitrage pacifique et du droit des petits États. Quant à l’Allemagne de l’Est, c’est à la c
380 peuple de fuir en masse le régime « populaire » ! Et tandis que les grands Moralisants du Monde humiliaient ainsi leurs pr
381 la fin de la domination mondiale par nos nations, et les débuts de leur union ? Tandis que le tiers-monde, copiant ses anc
382 on. Elle choisit la santé : elle veut se fédérer. Et bien sûr, tout n’est pas encore gagné. Mais en demandant son accessio
383 veront pas seulement leur vraie puissance, morale et matérielle, mais ils indiqueront aux peuples nouveaux de l’Afrique et
384 ils indiqueront aux peuples nouveaux de l’Afrique et de l’Asie les voies de leur propre avenir. Une fois unie politiquemen
385 sur les États-Unis, une attraction irrésistible. Et le Grand Occident reconstitué serait garant de la paix mondiale. N’es
386 des convergences, au-delà des nations souveraines et des églises refermées sur elles-mêmes. Une nouvelle Renaissance, qui
387 Une nouvelle Renaissance, qui est le fédéralisme, et une nouvelle Réforme, qui est l’œcuménisme, attendent notre foi et no
388 éforme, qui est l’œcuménisme, attendent notre foi et nos œuvres. Beau programme pour l’année qui vient et pour la suite !
389 nos œuvres. Beau programme pour l’année qui vient et pour la suite ! Presque tout reste à faire, il est vrai. Sachons du m
20 1965, La Vie protestante, articles (1938–1978). « Que signifie pour vous la formule célèbre ‟Ecclesia reformata semper reformanda” ? » (29 octobre 1965)
390 testantisme, promis depuis longtemps à l’éditeur, et pour lequel je proposais, en guise de titre provisoire : La Réforme p
391 e ne s’est pas faite une fois pour toutes. Luther et Calvin n’ont pas été les premiers réformateurs de l’Église, et ne ser
392 nt pas été les premiers réformateurs de l’Église, et ne seront pas les derniers. Défendre l’héritage de la Réformation, ce
393 . Seuls peuvent être fidèles à l’esprit de Luther et de Calvin un luthéranisme et un calvinisme continuellement repris à l
394 à l’esprit de Luther et de Calvin un luthéranisme et un calvinisme continuellement repris à leur origine spirituelle et ra
395 continuellement repris à leur origine spirituelle et rapportés à leur fin dernière, réinventés par chaque personne pour so
396 éinventés par chaque personne pour son usage réel et quotidien, avec tous les risques d’hérésie (hardiment assumés) que ce
397 d’hérésie (hardiment assumés) que cela comporte, et en même temps reliés sans relâche à l’espérance de l’Église universel
398 e de l’Église universelle, à l’avenir catholique, et orthodoxe, à la Pentecôte œcuménique. Vous avouerai-je qu’en tant que
399 tique les missions chrétiennes : chaque mot porte et toute l’Église romaine a pu l’entendre, quoi qu’en décide finalement
400 de finalement son chef. Qu’avons-nous de pareil ? Et je ne dis pas seulement : quelle autorité efficace dont les décrets t
401 instruments d’autocritique, de remise en question et de renouvellement que les Églises issues de la Réformation… Se pourra
402 qu’elle ait bientôt plus de réformateurs vivants et d’avenir que nous n’en vénérons dans notre histoire ? Bon sujet de ré
21 1969, La Vie protestante, articles (1938–1978). La lune, ce n’est pas le paradis (1er août 1969)
403 . Il m’est venu une question, Denis de Rougemont, et j’ai envie de la poser au philosophe que vous êtes : est-ce que nous
404 même. Une motivation de curiosité, naturellement, et de record technique — battre les Russes sur ce plan — et finalement,
405 ecord technique — battre les Russes sur ce plan — et finalement, en dernier lieu, un motif de connaissance pure, scientifi
406 amène toujours au même motif : être les premiers. Et alors, on peut se dire ceci : on aurait pu avoir les mêmes motifs — p
407 : on aurait pu avoir les mêmes motifs — puérils — et les appliquer à un autre but, dont l’utilité eût été plus immédiateme
408 phénomène psychologique assez facile à expliquer et à comprendre : les Russes et les Américains, affrontés sur la Terre,
409 z facile à expliquer et à comprendre : les Russes et les Américains, affrontés sur la Terre, ayant une peur mortelle les u
410 tés sur la Terre, ayant une peur mortelle les uns et les autres que cela saute, ont été amenés — peut-être inconsciemment
411 es spatiaux ? Pas des savants, mais des colonels. Et ils font cela en service commandé : au service de l’armée américaine.
412 vice commandé : au service de l’armée américaine. Et généralement, quand ils reviennent après une expédition qui a bien ré
413 on qui a bien réussi, ils étaient partis colonels et ils deviennent généraux. On pourrait dire que tout ce qu’ils ont été
414 s il y a un petit jeu subtil entre les militaires et les savants, dans cette affaire ? Les savants peuvent dire que ce son
415 têtes chercheuses. Les savants pourraient dire — et ils le pensent peut-être — que ce sont eux qui utilisent le prétexte
416 s motifs, on ne les saura que beaucoup plus tard, et ce ne seront pas les « bons » (les vrais) que l’on décidera d’adopter
417 ment, on dira : c’est pour cela qu’on était parti et qu’on avait fait tout ce programme si coûteux ! Il s’est produit exac
418 roi d’Espagne rapace, cupide, qui voulait de l’or et des esclaves, et qui l’a envoyé découvrir l’Amérique pour cela. Or le
419 ace, cupide, qui voulait de l’or et des esclaves, et qui l’a envoyé découvrir l’Amérique pour cela. Or les motivations rée
420 it dit qu’aux Indes les cités étaient pavées d’or et les palais recouverts de tuiles d’or. Or Christophe Colomb a trouvé l
421 lomb a trouvé l’Amérique, qu’il ne cherchait pas. Et bien après lui, on y a trouvé de l’or. Et un peu après lui, on y a re
422 it pas. Et bien après lui, on y a trouvé de l’or. Et un peu après lui, on y a recruté des esclaves. Mais la motivation éta
423 x récit de son Voyage dans les empires de la Lune et du Soleil, décrit la Lune comme quelque chose d’absolument idyllique,
424 une sorte de banlieue poussiéreuse de la Terre. … et inhabitée ! Car l’essentiel des rêves des poètes ou de Cyrano de Berg
425 aun, qui est un des pères du voyage dans la Lune, et qui nous décrit le paradis qui nous attend là-bas. Il nous dit que no
426 ption marxiste elle-même n’aurait plus de sens. » Et à la grande stupéfaction de Wells, « Lénine, dit-il, me regarda et me
427 upéfaction de Wells, « Lénine, dit-il, me regarda et me répondit : Vous avez raison ; en lisant votre roman La Machine à e
428 r toutes nos conceptions philosophiques, sociales et morales. Dans ce cas, le potentiel technique, devenu illimité, impose
429 ité, imposerait la fin de la violence comme moyen et comme méthode de progrès ». Dans la bouche de Lénine, c’est une proph
430 t d’une part une concurrence entre les Américains et les Russes, mais d’autre part elle suppose certaines formes de coopér
431 suppose certaines formes de coopération discrète et en tout cas de coexistence. Lénine dit aussi : « Il faudra changer no
432 changer nos conceptions philosophiques, sociales et morales. » Alors là, il parlait pour lui ! Si pour lui, la seule doct
433 olétariat sur la Lune, pour l’instant. Justement, et on ne va pas en créer un, j’espère que non… Où Lénine se trompe à mon
434 nd il dit que toutes les doctrines philosophiques et morales devront être révisées dans ces nouvelles dimensions de l’espa
435 nsions, qui va changer quand nous aurons l’espace et pas seulement la Terre et le petit coin de ciel que nous voyons, perm
436 nd nous aurons l’espace et pas seulement la Terre et le petit coin de ciel que nous voyons, permet de tirer des conclusion
437 es dimensions physiques augmentées dans l’espace. Et cela me ramène à l’amour de la Terre. Plus encore, cela me ramène à c
438 lus simples, ceux qui demandent le moins d’argent et qui finissent par se faire en un clin d’œil, à la vitesse de la pensé
439 ur y découvrir des choses complètement nouvelles, et réellement stupéfiantes souvent, elle ne demande ni crédit, ni gadget
440 squels, une bonne moitié des citoyens américains, et quelques-uns de nos meilleurs esprits européens : « Quel merveilleux
441  1-2. y. Propos recueillis par Pierre Desgraupes et introduits par cette note : « Le 16 juin, à la TV romande, Denis de R
442 it fait impression. Nous en donnons le texte ici, et Denis de Rougemont dit, en quelques lignes, ce qu’il pense aujourd’hu
22 1978, La Vie protestante, articles (1938–1978). « Bof ! disent les jeunes, pourquoi ? » (1er décembre 1978)
443 us les hommes, de toutes les crises de l’humanité et de leur développement. Dans le monde où nous existons, même la nature
444  : C’est quelque chose qui est plus fort que moi, et qui est l’espérance. C’est une volonté, un désir éperdu que la vie co
445 une curiosité (savoir ce qui va se passer après), et c’est peut-être aussi l’espérance dont parle saint Paul. Ou tout simp
446 ès bien. « Apocalypse » veut dire « révélation », et révélation de la Nouvelle Jérusalem, d’une cité nouvelle qui sera vra
447 em, d’une cité nouvelle qui sera vraiment humaine et en même temps vraiment divine (« à mesure d’homme, qui est mesure d’a
448 fond de tout est pourtant un courant d’optimisme et d’espérance ? Oui ! Si j’étais totalement pessimiste, si je pensais q
449 inelle, que dis-tu de la nuit ? — Le matin vient, et la nuit aussi ». Il y a donc toujours deux possibilités. Qu’avez-vous
450 tagée entre une certaine résignation (le « bof ») et une certaine révolte ? C’est un manque d’information qui fait dire « 
451 ion de la terre, des airs, des forêts, des océans et des déserts, du danger nucléaire, de la guerre atomique qui risque d’
452 nçais. L’article était intitulé « Le péril Ford » et s’élevait contre Ford et son triomphe, qui commençait à se manifester
453 titulé « Le péril Ford » et s’élevait contre Ford et son triomphe, qui commençait à se manifester à ce moment-là. L’auto i
454 n’avait que 29 ans, déjà Ford était milliardaire. Et j’ai eu une réaction viscérale. Je me suis dit : c’est épouvantable c
455 comptait que quelques milliers de lecteurs ( Foi et Vie ), cela n’a eu aucun effet, sauf sur moi. Le fait est que dès ce
456 eur. Nous avons créé ensemble les revues Esprit et L’Ordre nouveau , dans lesquelles vous trouverez facilement les amor
457 croissance, d’équilibre à rétablir entre l’homme et la nature : tout cela était déjà dans nos revues, dans nos groupuscul
458 guerre a largement détruit la culture européenne et son rayonnement, pire : elle l’a faussée. On a fait croire au monde e
459 opier de nous, c’étaient nos machines, nos armes, et jamais nos valeurs puisque nous n’en tenions pas compte nous-mêmes. L
460 us adjurent de changer pour éviter les désastres, et de leur donner tort en changeant de cap. Votre critique de l’État-nat
461 onomiques, sociales, religieuses ou idéologiques, et jusqu’au sous-sol ! Notre critique s’adressait à ces États centralisé
462 occupé de politique pendant mes études en Suisse, et je me considérais, étant à Paris, écrivant à Paris, publiant à Paris,
463 ue (de 1940 à 1946) que j’ai découvert l’Europe ! et la Suisse notamment ! Il faut s’éloigner de quelque chose pour savoir
464 rit un petit livre intitulé Le Cœur de l’Europe et cela m’a permis de découvrir le fonctionnement du fédéralisme. La cri
465  : voilà un État fédéral, entouré d’États-nations et qui, vis-à-vis d’eux, ses voisins, se présente finalement lui-même co
466 licence américaine, son combustible vient des USA et de Russie (remplaçant la dépendance des Arabes pour le pétrole), et l
467 laçant la dépendance des Arabes pour le pétrole), et les capitaux viennent de partout. Des Arabes, de nouveau ? De partout
468 râce à six banques qui appartiennent à cinq pays ( et je simplifie encore). Si le fédéralisme consiste à confier aux divers
469 ue le nucléaire est trop grand pour un seul pays, et qu’il y constitue une menace pour la démocratie. Vous êtes membre du
470 le surgénérateur de Creys-Malville, Superphénix, et contre les atteintes aux droits de l’homme qu’entraîne fatalement une
471 en ? Ils gouvernent tous, de manière systématique et synthétique (chacun commandant tous les autres), vers la réalité écra
472 à ce qui est toujours plus cher, plus dangereux, et permet à l’État de mieux contrôler les investissements, les mouvement
473 ler les investissements, les mouvements de fonds, et l’intervention croissante dans la vie de tous les jours de la police.
474 is beautiful ». Quelle est la tâche des chrétiens et des Églises dans un monde pareil ? Les chrétiens n’ont qu’une tâche d
475 s le faire croire au xixe siècle. (Voyez Matt. 4 et Luc 4.) On ne peut pas vouloir à la fois la puissance, la richesse, e
476 pas vouloir à la fois la puissance, la richesse, et être chrétien. L’idée de la croissance illimitée comme bien suprême d
477 aller les choses ? Les chrétiens doivent vouloir et préparer une société où chacun puisse être le prochain de l’autre, do