1 1938, La Vie protestante, articles (1938–1978). Le temps des fanatiques (25 novembre 1938)
1 Le temps des fanatiques (25 novembre 1938)a b Ce ne sont plus des sig
2 embre 1938)a b Ce ne sont plus des signes dans le ciel, mais des réalités terrestres et brutales qui nous avertissent a
3 urd’hui du caractère religieux de notre Histoire. Le fascisme est une religion, le communisme une antireligion. Croix gamm
4 de notre Histoire. Le fascisme est une religion, le communisme une antireligion. Croix gammée, faisceaux de licteur, fauc
5 nt pas sur eux cette Marque, se voient rejetés de la cité. Alors les amateurs de clés de l’Apocalypse disent aux chrétiens
6 cette Marque, se voient rejetés de la cité. Alors les amateurs de clés de l’Apocalypse disent aux chrétiens : Voici la Bête
7 rejetés de la cité. Alors les amateurs de clés de l’ Apocalypse disent aux chrétiens : Voici la Bête ! Et la guerre que vou
8 clés de l’Apocalypse disent aux chrétiens : Voici la Bête ! Et la guerre que vous ferez contre elle, au nom du Christ, ser
9 calypse disent aux chrétiens : Voici la Bête ! Et la guerre que vous ferez contre elle, au nom du Christ, sera vraiment un
10 puis vingt ans, on nous a sommés de choisir entre le Mal et le Bien incarnés. « Au nom du Christ ; nous disait-on, en avan
11 ans, on nous a sommés de choisir entre le Mal et le Bien incarnés. « Au nom du Christ ; nous disait-on, en avant contre l
12 u nom du Christ ; nous disait-on, en avant contre les Soviets ! Haro sur les rouges d’Espagne ! Déclarez la guerre à Hitler
13 disait-on, en avant contre les Soviets ! Haro sur les rouges d’Espagne ! Déclarez la guerre à Hitler ! Ils persécutent les
14 oviets ! Haro sur les rouges d’Espagne ! Déclarez la guerre à Hitler ! Ils persécutent les Églises chrétiennes. Lutter con
15 e ! Déclarez la guerre à Hitler ! Ils persécutent les Églises chrétiennes. Lutter contre eux, c’est embrasser le parti du B
16 s chrétiennes. Lutter contre eux, c’est embrasser le parti du Bien. » Et nous voici embrigadés dans la « Croisade » — mora
17 le parti du Bien. » Et nous voici embrigadés dans la « Croisade » — moralement, cela va sans dire… Dès lors, nous sommes e
18 avec notre conscience. Il n’y a plus à discuter. Le temps des nuances est passé. L’état de siège est proclamé. Et celui q
19 plus à discuter. Le temps des nuances est passé. L’ état de siège est proclamé. Et celui qui demande à voir, celui qui est
20 ché, se voit aussitôt suspecté de connivence avec les « méchants ». Il fait leur jeu, dit-on, même s’il se croit sincère. C
21 h bien, tant pis pour moi ! Je demande à voir. Si l’ on veut m’engager au nom du Christ, mon seul salut, j’ai même le devoi
22 gager au nom du Christ, mon seul salut, j’ai même le devoir d’y regarder à deux fois avant de donner mon adhésion. Que vou
23 me dit : Ceux-ci sont des méchants, je veux bien le croire, mais je demande : Parmi ceux-là qui les attaquent, n’y aurait
24 en le croire, mais je demande : Parmi ceux-là qui les attaquent, n’y aurait-il par hasard que des chrétiens ? Quand on me d
25 ar hasard que des chrétiens ? Quand on me dit que les communistes sont des sans-Dieu, je ne dis pas non, je ne suis pas ill
26 , je ne suis pas illettré ; mais je me demande si le trust des pétroles, qui mène la lutte contre la Russie rouge dans tou
27 je me demande si le trust des pétroles, qui mène la lutte contre la Russie rouge dans toute la presse qu’il possède en Eu
28 i le trust des pétroles, qui mène la lutte contre la Russie rouge dans toute la presse qu’il possède en Europe, le fait vr
29 i mène la lutte contre la Russie rouge dans toute la presse qu’il possède en Europe, le fait vraiment au nom de l’Évangile
30 uge dans toute la presse qu’il possède en Europe, le fait vraiment au nom de l’Évangile ? Et je me demande si cet ordre ét
31 ’il possède en Europe, le fait vraiment au nom de l’ Évangile ? Et je me demande si cet ordre établi que l’on nous invite à
32 angile ? Et je me demande si cet ordre établi que l’ on nous invite à défendre, et qui comporte entre autres éléments le ch
33 à défendre, et qui comporte entre autres éléments le chômage et la prostitution, se fonde vraiment sur l’Évangile ? Quand
34 qui comporte entre autres éléments le chômage et la prostitution, se fonde vraiment sur l’Évangile ? Quand on me dit que
35 chômage et la prostitution, se fonde vraiment sur l’ Évangile ? Quand on me dit que les rouges d’Espagne brûlent les église
36 nde vraiment sur l’Évangile ? Quand on me dit que les rouges d’Espagne brûlent les églises, je ne dis pas non : ils s’en va
37 Quand on me dit que les rouges d’Espagne brûlent les églises, je ne dis pas non : ils s’en vantent eux-mêmes. Mais je me d
38 ils s’en vantent eux-mêmes. Mais je me demande si les soutiens de M. Franco, qui sont le Duce et le Führer, ne le soutienne
39 me demande si les soutiens de M. Franco, qui sont le Duce et le Führer, ne le soutiennent vraiment qu’au nom du Christ ? P
40 si les soutiens de M. Franco, qui sont le Duce et le Führer, ne le soutiennent vraiment qu’au nom du Christ ? Pourquoi don
41 s de M. Franco, qui sont le Duce et le Führer, ne le soutiennent vraiment qu’au nom du Christ ? Pourquoi donc ces dictateu
42 it, d’un autre côté cette fois : Vous voyez bien, les dictateurs sont les ennemis du christianisme ! — je ne dis pas non, j
43 cette fois : Vous voyez bien, les dictateurs sont les ennemis du christianisme ! — je ne dis pas non, je les ai vus de près
44 nnemis du christianisme ! — je ne dis pas non, je les ai vus de près. Mais je me demande si le maintien de l’empire anglais
45 non, je les ai vus de près. Mais je me demande si le maintien de l’empire anglais et de l’hégémonie française est une part
46 vus de près. Mais je me demande si le maintien de l’ empire anglais et de l’hégémonie française est une part indiscutable e
47 demande si le maintien de l’empire anglais et de l’ hégémonie française est une part indiscutable et révélée du plan de Di
48 plan de Dieu pour notre époque ? Je me demande si la campagne en faveur du « réarmement » résulte vraiment et d’abord d’un
49 ent » résulte vraiment et d’abord d’un sursaut de la conscience chrétienne ? Où peut aller cette « croisade » qui réjouit
50 Vous parlez politique, quand il s’agit de sauver l’ Église. À quoi je réponds : Croyez-vous, chers amis, que vous n’en par
51 chers amis, que vous n’en parlez pas vous-mêmes ? Les chrétiens qui se lancent dans une croisade ne le font-ils que pour sa
52 Les chrétiens qui se lancent dans une croisade ne le font-ils que pour sauver l’Église ? Et même dans ce cas, est-ce une r
53 dans une croisade ne le font-ils que pour sauver l’ Église ? Et même dans ce cas, est-ce une raison pour renoncer à toute
54 oute clairvoyance ? À toute honnête information ? Le fanatisme et le simplisme, voilà ce que le diable juge assez bon, de
55 e ? À toute honnête information ? Le fanatisme et le simplisme, voilà ce que le diable juge assez bon, de nos jours, pour
56 tion ? Le fanatisme et le simplisme, voilà ce que le diable juge assez bon, de nos jours, pour attraper les enfants de la
57 iable juge assez bon, de nos jours, pour attraper les enfants de la Lumière ! J’aimerais beaucoup qu’on ne déduise pas de c
58 z bon, de nos jours, pour attraper les enfants de la Lumière ! J’aimerais beaucoup qu’on ne déduise pas de ces propos qu’à
59 qu’on ne déduise pas de ces propos qu’à mon avis les chrétiens doivent se taire, se retirer dans une neutralité plaintive,
60 retirer dans une neutralité plaintive, et laisser le pauvre monde se débrouiller. Je suis tout prêt, en ce qui me concerne
61 sainte » des entreprises qui, du point de vue de l’ Évangile, resteront toujours profondément impures. Surtout, que l’on n
62 eront toujours profondément impures. Surtout, que l’ on nous laisse, à nous chrétiens, le privilège de plus en plus dangere
63 Surtout, que l’on nous laisse, à nous chrétiens, le privilège de plus en plus dangereux de reconnaître les péchés du part
64 rivilège de plus en plus dangereux de reconnaître les péchés du parti que nous adoptons. Car je vois que tous les partis so
65 du parti que nous adoptons. Car je vois que tous les partis sont, dans le fait, au service de grandes religions adversaire
66 ptons. Car je vois que tous les partis sont, dans le fait, au service de grandes religions adversaires de la foi chrétienn
67 t, au service de grandes religions adversaires de la foi chrétienne : Prolétariat, Empire, Race, Droits de l’homme, Argent
68 dernier mot, comme chrétiens, ne peut pas être «  la guerre sainte » ni davantage « la paix à tout prix ». Il doit être et
69 peut pas être « la guerre sainte » ni davantage «  la paix à tout prix ». Il doit être et rester : vigilance. Dans cette nu
70 ester : vigilance. Dans cette nuit universelle où la Colère de Dieu sévit par les mains de quelques tyrans, on demande au
71 e nuit universelle où la Colère de Dieu sévit par les mains de quelques tyrans, on demande au chrétien comme jadis au Proph
72 e jadis au Prophète : « Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? — La sentinelle a répondu : le matin vient et la nuit aussi !
73 rophète : « Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? —  La sentinelle a répondu : le matin vient et la nuit aussi ! Si vous voul
74 e dis-tu de la nuit ? — La sentinelle a répondu : le matin vient et la nuit aussi ! Si vous voulez interroger, interrogez 
75 t ? — La sentinelle a répondu : le matin vient et la nuit aussi ! Si vous voulez interroger, interrogez ! Convertissez-vou
76 -vous et revenez ! » Évasion ? Non pas. Réalisme. La force réelle des tyrans est religieuse. Et la foi seule peut vaincre
77 me. La force réelle des tyrans est religieuse. Et la foi seule peut vaincre une religion païenne. a. Rougemont Denis de
78 une religion païenne. a. Rougemont Denis de, «  Le temps des fanatiques », La Vie protestante, Genève, 25 novembre 1938,
79 Rougemont Denis de, « Le temps des fanatiques », La Vie protestante, Genève, 25 novembre 1938, p. 1. b. Le texte est pré
80 protestante, Genève, 25 novembre 1938, p. 1. b. Le texte est précédé de la note suivante de la rédaction : « Nous sommes
81 novembre 1938, p. 1. b. Le texte est précédé de la note suivante de la rédaction : « Nous sommes heureux de compter, par
82 . b. Le texte est précédé de la note suivante de la rédaction : « Nous sommes heureux de compter, parmi les amis et colla
83 daction : « Nous sommes heureux de compter, parmi les amis et collaborateurs de la Vie protestante, M. Denis de Rougemont,
84 x de compter, parmi les amis et collaborateurs de la Vie protestante, M. Denis de Rougemont, le jeune auteur romand dont l
85 urs de la Vie protestante, M. Denis de Rougemont, le jeune auteur romand dont la réputation n’est plus à faire. Nous lui l
86 . Denis de Rougemont, le jeune auteur romand dont la réputation n’est plus à faire. Nous lui laissons volontiers la parole
87 n’est plus à faire. Nous lui laissons volontiers la parole, convaincus que nos lecteurs, même s’ils sont étonnés de certa
88 certaines de ses expressions, sauront comprendre le point de vue chrétien auquel il se place. »
2 1939, La Vie protestante, articles (1938–1978). Nicolas de Flue et la tradition réformée (1er septembre 1939)
89 Nicolas de Flue et la tradition réformée (1er septembre 1939)c Tout ce que le Suisse rom
90 ion réformée (1er septembre 1939)c Tout ce que le Suisse romand moyen connaît de Nicolas de Flue, c’est que ce pieux er
91 Nicolas de Flue, c’est que ce pieux ermite vint à la Diète de Stans pour apaiser les deux partis confédérés, à la veille d
92 ieux ermite vint à la Diète de Stans pour apaiser les deux partis confédérés, à la veille d’une guerre civile. Quant au res
93 Stans pour apaiser les deux partis confédérés, à la veille d’une guerre civile. Quant au reste de la vie de Nicolas, on l
94 la veille d’une guerre civile. Quant au reste de la vie de Nicolas, on l’ignore très généralement. Il n’en va pas de même
95 e civile. Quant au reste de la vie de Nicolas, on l’ ignore très généralement. Il n’en va pas de même chez nos confédérés d
96 confédérés des petits cantons. Et c’est pourquoi les catholiques n’ont pas eu de peine à s’annexer le « frère Claus », cep
97 les catholiques n’ont pas eu de peine à s’annexer le « frère Claus », cependant que les protestants l’abandonnaient sans g
98 ine à s’annexer le « frère Claus », cependant que les protestants l’abandonnaient sans grand chagrin. Situation très parado
99 le « frère Claus », cependant que les protestants l’ abandonnaient sans grand chagrin. Situation très paradoxale, si l’on s
100 sans grand chagrin. Situation très paradoxale, si l’ on songe qu’au xvie siècle, Nicolas fut revendiqué par tous les réfor
101 ’au xvie siècle, Nicolas fut revendiqué par tous les réformés de Suisse comme l’un de leurs plus grands précurseurs. Il m’
102 de leurs plus grands précurseurs. Il m’a paru que la question méritait bien d’être reprise, du point de vue d’un réformé d
103 première étude d’ensemble que viennent de publier Les Cahiers protestants . Je suis heureux de l’occasion qui m’est offerte
104 lier Les Cahiers protestants . Je suis heureux de l’ occasion qui m’est offerte de préciser ici les résultats de mon enquêt
105 x de l’occasion qui m’est offerte de préciser ici les résultats de mon enquête. Une solitude active Rappelons d’abord
106 au début du xve siècle d’une famille paysanne de l’ Obwald, il avait été capitaine, puis juge de paix, puis simple agricul
107 ère de dix enfants, lorsqu’il crut devoir obéir à l’ appel de la solitude. C’est donc au terme d’une féconde carrière qu’il
108 enfants, lorsqu’il crut devoir obéir à l’appel de la solitude. C’est donc au terme d’une féconde carrière qu’il parvint à
109 , non sans avoir mûrement pesé son acte et obtenu le consentement des siens. Nous ne sommes pas en présence d’un pauvre il
110 d’un solide confédéré qui a fait ses preuves dans la vie quotidienne. Notons ensuite qu’au lieu d’entrer dans un couvent,
111 e sa ferme, au Ranft. Il y mènera jusqu’à sa mort la vie d’un pieux laïque et non d’un moine, parfois même suspecté par l’
112 ïque et non d’un moine, parfois même suspecté par l’ Église qui se méfie de cet « irrégulier ». Ne dit-on pas que, durant l
113 de cet « irrégulier ». Ne dit-on pas que, durant les vingt ans de sa retraite, il n’a pris d’autre nourriture que l’hostie
114 e sa retraite, il n’a pris d’autre nourriture que l’ hostie, une fois par semaine ? L’évêque et les autorités ont bien tent
115 e nourriture que l’hostie, une fois par semaine ? L’ évêque et les autorités ont bien tenté de l’espionner : jamais on ne l
116 que l’hostie, une fois par semaine ? L’évêque et les autorités ont bien tenté de l’espionner : jamais on ne l’a trouvé en
117 ine ? L’évêque et les autorités ont bien tenté de l’ espionner : jamais on ne l’a trouvé en faute. Entouré du respect de se
118 ités ont bien tenté de l’espionner : jamais on ne l’ a trouvé en faute. Entouré du respect de ses concitoyens, il reçoit ch
119 ne grande sagesse pratique et participe si bien à la vie de son peuple que le simple message qu’il transmettra aux députés
120 e et participe si bien à la vie de son peuple que le simple message qu’il transmettra aux députés, lors de la fameuse Dièt
121 le message qu’il transmettra aux députés, lors de la fameuse Diète de Stans, sauvera la situation in extremis. Il n’aura p
122 putés, lors de la fameuse Diète de Stans, sauvera la situation in extremis. Il n’aura pas besoin de paraître en personne ;
123 son conseil suffira, et son autorité, pour calmer les passions déchaînées. Le Solitaire est donc devenu la principale force
124 on autorité, pour calmer les passions déchaînées. Le Solitaire est donc devenu la principale force morale et politique de
125 passions déchaînées. Le Solitaire est donc devenu la principale force morale et politique de toute la Confédération. Deux
126 la principale force morale et politique de toute la Confédération. Deux faits surtout méritent de nous retenir, dans ce b
127 nir, dans ce bref memento biographique. 1° Malgré l’ extrême rigueur de ses « pratiques », Nicolas n’a pas pu trouver la pa
128 de ses « pratiques », Nicolas n’a pas pu trouver la paix de son âme dans le monde. Il a dû se retirer et vivre en marge d
129 icolas n’a pas pu trouver la paix de son âme dans le monde. Il a dû se retirer et vivre en marge des conditions normales d
130 irer et vivre en marge des conditions normales de l’ existence. Signe du désarroi intime où la piété de l’Église non réform
131 males de l’existence. Signe du désarroi intime où la piété de l’Église non réformée laissait les âmes, les plus exigeantes
132 xistence. Signe du désarroi intime où la piété de l’ Église non réformée laissait les âmes, les plus exigeantes, privées de
133 ime où la piété de l’Église non réformée laissait les âmes, les plus exigeantes, privées de tout contact direct avec la Bib
134 piété de l’Église non réformée laissait les âmes, les plus exigeantes, privées de tout contact direct avec la Bible. 2° Dan
135 s exigeantes, privées de tout contact direct avec la Bible. 2° Dans son ermitage du Ranft, Nicolas ne s’est pas abandonné
136 ne s’est pas abandonné aux « saintes délices » de la contemplation. Il ne s’est libéré de certaines servitudes que pour mi
137 éré de certaines servitudes que pour mieux servir le Seigneur dans la personne de son prochain. Il n’a renoncé à ses trava
138 servitudes que pour mieux servir le Seigneur dans la personne de son prochain. Il n’a renoncé à ses travaux de paysan que
139 pas anéanti, mais décuplé son action pratique sur le monde. Ce dernier point est capital. Car, après tout, si Nicolas est
140 de notre Confédération, c’est à son action qu’il le doit. S’il n’avait été qu’un ascète, nous ne saurions plus rien de lu
141 nous ne saurions plus rien de lui. C’est pourquoi les réformateurs insistèrent à bon droit sur son rôle politique, tandis q
142 nt à bon droit sur son rôle politique, tandis que les catholiques préféraient s’en tenir à l’éloge de son jeûne et de ses v
143 ndis que les catholiques préféraient s’en tenir à l’ éloge de son jeûne et de ses visions. Nicolas et les réformés Mo
144 oge de son jeûne et de ses visions. Nicolas et les réformés Mort en 1487, c’est-à-dire trente ans avant la Réforme, N
145 és Mort en 1487, c’est-à-dire trente ans avant la Réforme, Nicolas appartient à l’héritage commun des catholiques et de
146 trente ans avant la Réforme, Nicolas appartient à l’ héritage commun des catholiques et des protestants suisses. Mais dès l
147 otestants suisses. Mais dès les premiers jours de la Réforme, la question se posa de savoir auquel des deux camps en prése
148 isses. Mais dès les premiers jours de la Réforme, la question se posa de savoir auquel des deux camps en présence son souv
149 n souvenir servirait de patronage. Si nous lisons les recueils de sources sur Bruder Klaus publiés par Dürrer en 1921, nous
150 iés par Dürrer en 1921, nous constatons que, dans l’ ensemble, les positions furent très vite prises, et très nettement. « 
151 er en 1921, nous constatons que, dans l’ensemble, les positions furent très vite prises, et très nettement. « Tandis qu’à l
152 rès vite prises, et très nettement. « Tandis qu’à la manière traditionnelle — écrit le catholique Dürrer — les réformés ga
153 . « Tandis qu’à la manière traditionnelle — écrit le catholique Dürrer — les réformés gardaient avec reconnaissance le sou
154 ère traditionnelle — écrit le catholique Dürrer — les réformés gardaient avec reconnaissance le souvenir de l’action politi
155 rrer — les réformés gardaient avec reconnaissance le souvenir de l’action politique de Nicolas, Pacificateur des cantons e
156 rmés gardaient avec reconnaissance le souvenir de l’ action politique de Nicolas, Pacificateur des cantons et adversaire du
157 des cantons et adversaire du régime des pensions, la Contre-Réformation insistait exclusivement sur l’aspect religieux du
158 la Contre-Réformation insistait exclusivement sur l’ aspect religieux du frère Claus, considéré comme témoin de l’ancienne
159 ligieux du frère Claus, considéré comme témoin de l’ ancienne foi, héraut de l’Eucharistie et prophète des malheurs dus à l
160 nsidéré comme témoin de l’ancienne foi, héraut de l’ Eucharistie et prophète des malheurs dus à la Réforme. Pour des fins p
161 t de l’Eucharistie et prophète des malheurs dus à la Réforme. Pour des fins partisanes non dissimulées, les politiciens de
162 éforme. Pour des fins partisanes non dissimulées, les politiciens des cinq cantons catholiques cherchent leur salut dans de
163 chent leur salut dans des soutiens extérieurs, et les publicistes jésuites, pour la plupart étrangers, tentent d’éluder l’a
164 ites, pour la plupart étrangers, tentent d’éluder l’ action politique du frère Claus. Ils ne signalent pas l’événement de l
165 on politique du frère Claus. Ils ne signalent pas l’ événement de la Diète de Stans, ni le patriotisme confédéral de Nicola
166 frère Claus. Ils ne signalent pas l’événement de la Diète de Stans, ni le patriotisme confédéral de Nicolas, qui incommod
167 ignalent pas l’événement de la Diète de Stans, ni le patriotisme confédéral de Nicolas, qui incommodaient au suprême degré
168 t au suprême degré ces hommes d’État enrichis par les pensions et le service étranger. (R. Dürrer : Bruder Klaus, t. II, p.
169 ré ces hommes d’État enrichis par les pensions et le service étranger. (R. Dürrer : Bruder Klaus, t. II, p. 851.) Rien d’é
170 ères biographies sérieuses de Nicolas sont dues à la plume de disciples ou d’amis des réformateurs : Myconius, de Zurich ;
171 teur à Stein, et, finalement, Bullinger lui-même, le célèbre successeur de Zwingli. Tous ces auteurs admettent et louent l
172 de Zwingli. Tous ces auteurs admettent et louent le miracle du jeûne prolongé de Nicolas. Seul le mystique luthérien Séba
173 ent le miracle du jeûne prolongé de Nicolas. Seul le mystique luthérien Sébastien Franck dit à la fin de sa chronique : « 
174 Seul le mystique luthérien Sébastien Franck dit à la fin de sa chronique : « Qu’il n’ait rien mangé, je ne puis le croire 
175 chronique : « Qu’il n’ait rien mangé, je ne puis le croire : les Suisses eux-mêmes ne l’affirment et ne le croient pas. »
176 « Qu’il n’ait rien mangé, je ne puis le croire : les Suisses eux-mêmes ne l’affirment et ne le croient pas. » Rappelons qu
177 , je ne puis le croire : les Suisses eux-mêmes ne l’ affirment et ne le croient pas. » Rappelons que lorsqu’on demandait à
178 oire : les Suisses eux-mêmes ne l’affirment et ne le croient pas. » Rappelons que lorsqu’on demandait à Nicolas comment il
179 iture corporelle », il se bornait à dire : « Dieu le sait… » Rien d’étonnant non plus si, en 1522, un pamphlet catholique
180 n pamphlet catholique anonyme se plaint de ce que les réformés invoquent sans cesse les conseils de l’ermite dès qu’il s’ag
181 laint de ce que les réformés invoquent sans cesse les conseils de l’ermite dès qu’il s’agit des affaires publiques. Après t
182 les réformés invoquent sans cesse les conseils de l’ ermite dès qu’il s’agit des affaires publiques. Après tout, dit l’aute
183 il s’agit des affaires publiques. Après tout, dit l’ auteur, à quoi se résument ces conseils ? À ceci : « que chacun doit r
184 colas n’a-t-il pas dit aussi qu’il fallait garder l’ « ancienne foi » ! Voilà le conseil que les protestants devraient suiv
185 i qu’il fallait garder l’« ancienne foi » ! Voilà le conseil que les protestants devraient suivre ! Ce dernier argument ay
186 garder l’« ancienne foi » ! Voilà le conseil que les protestants devraient suivre ! Ce dernier argument ayant été repris p
187 suivre ! Ce dernier argument ayant été repris par le catholique Faber, Zwingli réplique en 1526 : Pieux confédérés, Faber
188 ieux confédérés, Faber adjure Zurich de conserver l’ ancienne foi des cantons : mais vous savez très bien que Zurich seule
189 mais vous savez très bien que Zurich seule garde le souci de la vieille foi, celle des saints apôtres et de nos ancêtres 
190 avez très bien que Zurich seule garde le souci de la vieille foi, celle des saints apôtres et de nos ancêtres ! Car c’est
191 saints apôtres et de nos ancêtres ! Car c’est par la seule force de Dieu que nos ancêtres se sont libérés des maîtres que
192 tres que Faber sert aujourd’hui… Si nous suivions les conseils du frère Claus, nous serions délivrés de ces valets qui, sou
193 qui, sous prétexte de foi, trafiquent et jettent la discorde parmi nous. Plusieurs fois déjà, dans ses sermons, Zwingli a
194 dans ses sermons, Zwingli avait cité avec éloges le « pieux frère Claus von Unterwalden ». Les autres réformateurs de la
195 éloges le « pieux frère Claus von Unterwalden ». Les autres réformateurs de la Suisse allemande en font autant. Joachim vo
196 aus von Unterwalden ». Les autres réformateurs de la Suisse allemande en font autant. Joachim von Watt, ou Vadian, le sava
197 ande en font autant. Joachim von Watt, ou Vadian, le savant humaniste fondateur de l’Église de Saint-Gall, décrit la vie d
198 Watt, ou Vadian, le savant humaniste fondateur de l’ Église de Saint-Gall, décrit la vie de Nicolas dans un ouvrage sur la
199 niste fondateur de l’Église de Saint-Gall, décrit la vie de Nicolas dans un ouvrage sur la Vie monacale. Il insiste sur le
200 all, décrit la vie de Nicolas dans un ouvrage sur la Vie monacale. Il insiste sur le fait que l’ermite n’a nullement rompu
201 ns un ouvrage sur la Vie monacale. Il insiste sur le fait que l’ermite n’a nullement rompu ses liens avec sa paroisse, mai
202 e sur la Vie monacale. Il insiste sur le fait que l’ ermite n’a nullement rompu ses liens avec sa paroisse, mais, au contra
203 aroisse, mais, au contraire, n’a cessé de visiter les malades et de venir en aide aux affligés ; « de plus, ajoute-t-il, il
204 -t-il, il n’a pas établi sa demeure tout à fait à l’ écart du monde, mais au contraire près des habitations de sa famille e
205 parenté. » En 1556, Matthias Flacius l’Illyrique, le père de l’histoire de l’Église chez les protestants, fait l’éloge de
206 En 1556, Matthias Flacius l’Illyrique, le père de l’ histoire de l’Église chez les protestants, fait l’éloge de Nicolas dan
207 ias Flacius l’Illyrique, le père de l’histoire de l’ Église chez les protestants, fait l’éloge de Nicolas dans un ouvrage a
208 Illyrique, le père de l’histoire de l’Église chez les protestants, fait l’éloge de Nicolas dans un ouvrage au titre signifi
209 l’histoire de l’Église chez les protestants, fait l’ éloge de Nicolas dans un ouvrage au titre significatif : « Catalogue d
210 u titre significatif : « Catalogue des témoins de la foi qui se sont dressés, avant Martin Luther, contre le pape et ses e
211 qui se sont dressés, avant Martin Luther, contre le pape et ses erreurs ». Enfin, s’il était besoin d’une attestation plu
212 . Il écrit dans une lettre à Speratus : « Joignez le frère Claus à tous ceux qui ont témoigné pour le Christ contre l’Anté
213 le frère Claus à tous ceux qui ont témoigné pour le Christ contre l’Antéchrist. » Nicolas et le théâtre protestant
214 tous ceux qui ont témoigné pour le Christ contre l’ Antéchrist. » Nicolas et le théâtre protestant L’une des meilleu
215 ur le Christ contre l’Antéchrist. » Nicolas et le théâtre protestant L’une des meilleures preuves de l’adoption spon
216 tre protestant L’une des meilleures preuves de l’ adoption spontanée de Nicolas non seulement par les docteurs réformés,
217 l’adoption spontanée de Nicolas non seulement par les docteurs réformés, mais par les populations protestantes, je la trouv
218 non seulement par les docteurs réformés, mais par les populations protestantes, je la trouve dans le théâtre de l’époque. V
219 formés, mais par les populations protestantes, je la trouve dans le théâtre de l’époque. Voici tout d’abord deux satires d
220 r les populations protestantes, je la trouve dans le théâtre de l’époque. Voici tout d’abord deux satires dialoguées, daté
221 ons protestantes, je la trouve dans le théâtre de l’ époque. Voici tout d’abord deux satires dialoguées, datées de 1526 et
222 datées de 1526 et de 1538 ; elles font intervenir l’ ermite du côté des réformés, ennemis du régime des pensions. Il s’agit
223 ons nettement polémiques. Beaucoup plus vaste est la portée d’un mystère intitulé Le Miroir du Monde, qui fut joué à Bâle
224 up plus vaste est la portée d’un mystère intitulé Le Miroir du Monde, qui fut joué à Bâle en 1550. Ce premier drame sur Ni
225 en 1550. Ce premier drame sur Nicolas de Flue est l’ œuvre d’un protestant, l’Alsacien Valentin Boltz. Il ne comptait pas m
226 sur Nicolas de Flue est l’œuvre d’un protestant, l’ Alsacien Valentin Boltz. Il ne comptait pas moins de 149 rôles parlés,
227 rs pleins, nous dit Dürrer. Nicolas y personnifie l’ idée confédérale, créatrice de la Suisse. Autour de lui, gravitent des
228 as y personnifie l’idée confédérale, créatrice de la Suisse. Autour de lui, gravitent des figures symboliques ou historiqu
229 ravitent des figures symboliques ou historiques : les treize cantons, des apôtres, des prophètes et des représentants de la
230 es apôtres, des prophètes et des représentants de la hiérarchie catholique. Au premier acte, on voit les évêques et les mo
231 a hiérarchie catholique. Au premier acte, on voit les évêques et les moines chassés de la scène à coups de fouet par le pro
232 tholique. Au premier acte, on voit les évêques et les moines chassés de la scène à coups de fouet par le prophète Elie. Pui
233 cte, on voit les évêques et les moines chassés de la scène à coups de fouet par le prophète Elie. Puis les cantons personn
234 s moines chassés de la scène à coups de fouet par le prophète Elie. Puis les cantons personnifiés viennent discuter le ren
235 scène à coups de fouet par le prophète Elie. Puis les cantons personnifiés viennent discuter le renouvellement de l’ancienn
236 . Puis les cantons personnifiés viennent discuter le renouvellement de l’ancienne alliance confédérale. Nicolas invoque Mo
237 rsonnifiés viennent discuter le renouvellement de l’ ancienne alliance confédérale. Nicolas invoque Moïse, qui lui répond l
238 que Moïse, qui lui répond longuement en décrivant la corruption d’Israël et la nécessité d’une piété purifiée et « sérieus
239 longuement en décrivant la corruption d’Israël et la nécessité d’une piété purifiée et « sérieuse ». Au dernier acte, aprè
240 ifiée et « sérieuse ». Au dernier acte, après que la Mort ait accompli son Jugement, les treize cantons reparaissent et lo
241 cte, après que la Mort ait accompli son Jugement, les treize cantons reparaissent et loue la sagesse du frère Claus. Les ca
242 Jugement, les treize cantons reparaissent et loue la sagesse du frère Claus. Les cantons catholiques reconnaissent qu’il a
243 s reparaissent et loue la sagesse du frère Claus. Les cantons catholiques reconnaissent qu’il avait eu raison de les mettre
244 atholiques reconnaissent qu’il avait eu raison de les mettre en garde contre les vaines richesses, les prières des lèvres,
245 ’il avait eu raison de les mettre en garde contre les vaines richesses, les prières des lèvres, les « vêtements étrangers »
246 les mettre en garde contre les vaines richesses, les prières des lèvres, les « vêtements étrangers » et les doctrines qu’o
247 tre les vaines richesses, les prières des lèvres, les « vêtements étrangers » et les doctrines qu’on ne met pas en pratique
248 rières des lèvres, les « vêtements étrangers » et les doctrines qu’on ne met pas en pratique. Les cantons protestants, pour
249  » et les doctrines qu’on ne met pas en pratique. Les cantons protestants, pour leur part, se repentent de leur orgueil. Et
250 t de leur orgueil. Et Nicolas, une dernière fois, les adjure de garder le Pacte dans l’amour fraternel et la vigilance. Pui
251 Nicolas, une dernière fois, les adjure de garder le Pacte dans l’amour fraternel et la vigilance. Puis il salue l’ange de
252 dernière fois, les adjure de garder le Pacte dans l’ amour fraternel et la vigilance. Puis il salue l’ange de Dieu qu’il vo
253 jure de garder le Pacte dans l’amour fraternel et la vigilance. Puis il salue l’ange de Dieu qu’il voit venir à sa rencont
254 l’amour fraternel et la vigilance. Puis il salue l’ ange de Dieu qu’il voit venir à sa rencontre. Les satires zwingliennes
255 e l’ange de Dieu qu’il voit venir à sa rencontre. Les satires zwingliennes et le mystère de Valentin Boltz devaient être à
256 venir à sa rencontre. Les satires zwingliennes et le mystère de Valentin Boltz devaient être à l’origine d’une riche tradi
257 s et le mystère de Valentin Boltz devaient être à l’ origine d’une riche tradition dramatique. Mais à partir de la fin du x
258 ’une riche tradition dramatique. Mais à partir de la fin du xvie siècle, les pièces d’inspiration catholique deviendront
259 matique. Mais à partir de la fin du xvie siècle, les pièces d’inspiration catholique deviendront de beaucoup les plus nomb
260 d’inspiration catholique deviendront de beaucoup les plus nombreuses. (La première en date, celle du jésuite Jacob Gretser
261 suite Jacob Gretser, fut jouée à Lucerne en 1586. Le rôle politique de Nicolas n’y est même pas mentionné !) N’y a-t-il pa
262 y a-t-il pas là une grande anomalie ? Car, enfin, l’ élément le plus spectaculaire de la vie de Nicolas réside dans son int
263 as là une grande anomalie ? Car, enfin, l’élément le plus spectaculaire de la vie de Nicolas réside dans son intervention
264  ? Car, enfin, l’élément le plus spectaculaire de la vie de Nicolas réside dans son intervention politique. Or c’est préci
265 réformés ont souligné. Ne conviendrait-il pas que les protestants, de nos jours, s’avisent de renouer leur tradition de Nic
266 cette idée que j’ai conçu, en septembre dernier, la légende dramatique qui sera joué — Dieu voulant ! — à l’Exposition de
267 nde dramatique qui sera joué — Dieu voulant ! — à l’ Exposition de Zurich. J’ai tenté de réintégrer Nicolas dans l’actualit
268 de Zurich. J’ai tenté de réintégrer Nicolas dans l’ actualité la plus brûlante de notre siècle : il n’était que de mettre
269 J’ai tenté de réintégrer Nicolas dans l’actualité la plus brûlante de notre siècle : il n’était que de mettre en relief le
270 notre siècle : il n’était que de mettre en relief les traits de cette figure qui frappèrent particulièrement nos ancêtres r
271 res réformés. Toute ma pièce est donc centrée sur la vocation exceptionnelle de l’ermite, c’est-à-dire sur le rôle civique
272 st donc centrée sur la vocation exceptionnelle de l’ ermite, c’est-à-dire sur le rôle civique que sa retraite lui permit de
273 tion exceptionnelle de l’ermite, c’est-à-dire sur le rôle civique que sa retraite lui permit de jouer. Nicolas ne pouvait
274 lui permit de jouer. Nicolas ne pouvait pas lire la Bible, mais il aimait à en citer les versets qu’on lui avait enseigné
275 vait pas lire la Bible, mais il aimait à en citer les versets qu’on lui avait enseignés. Je l’ai fait parler le plus possib
276 n citer les versets qu’on lui avait enseignés. Je l’ ai fait parler le plus possible en style biblique, conscient de me ran
277 ts qu’on lui avait enseignés. Je l’ai fait parler le plus possible en style biblique, conscient de me ranger ainsi dans la
278 style biblique, conscient de me ranger ainsi dans la vraie tradition du théâtre protestant, telle que l’illustre, par exem
279 vraie tradition du théâtre protestant, telle que l’ illustre, par exemple, l’Abraham sacrifiant de Théodore de Bèze. Nicol
280 re protestant, telle que l’illustre, par exemple, l’ Abraham sacrifiant de Théodore de Bèze. Nicolas de Flue, me dira-t-on,
281 caractérise un drame protestant, c’est bien moins le sujet que le style, l’inspiration biblique, au premier chef. Ces quel
282 n drame protestant, c’est bien moins le sujet que le style, l’inspiration biblique, au premier chef. Ces quelques mots son
283 otestant, c’est bien moins le sujet que le style, l’ inspiration biblique, au premier chef. Ces quelques mots sont bien rap
284 ier chef. Ces quelques mots sont bien rapides, je le sens. Je les termine dans l’angoisse d’une crise qui recrée, à l’éche
285 s quelques mots sont bien rapides, je le sens. Je les termine dans l’angoisse d’une crise qui recrée, à l’échelle mondiale,
286 ont bien rapides, je le sens. Je les termine dans l’ angoisse d’une crise qui recrée, à l’échelle mondiale, le drame de la
287 termine dans l’angoisse d’une crise qui recrée, à l’ échelle mondiale, le drame de la Diète de Stans. Notre Europe trouvera
288 sse d’une crise qui recrée, à l’échelle mondiale, le drame de la Diète de Stans. Notre Europe trouvera-t-elle son pacifica
289 ise qui recrée, à l’échelle mondiale, le drame de la Diète de Stans. Notre Europe trouvera-t-elle son pacificateur ? Le mé
290 . Notre Europe trouvera-t-elle son pacificateur ? Le mérite-t-elle encore ? Saura-t-elle l’écouter ? Puisse du moins le so
291 ficateur ? Le mérite-t-elle encore ? Saura-t-elle l’ écouter ? Puisse du moins le souvenir de Nicolas de Flue nous faire co
292 encore ? Saura-t-elle l’écouter ? Puisse du moins le souvenir de Nicolas de Flue nous faire comprendre que le paix n’est j
293 enir de Nicolas de Flue nous faire comprendre que le paix n’est jamais le résultat de nos calculs, mais le miracle de Dieu
294 ue nous faire comprendre que le paix n’est jamais le résultat de nos calculs, mais le miracle de Dieu seul, et la victoire
295 aix n’est jamais le résultat de nos calculs, mais le miracle de Dieu seul, et la victoire de Sa miséricorde. c. Rougem
296 de nos calculs, mais le miracle de Dieu seul, et la victoire de Sa miséricorde. c. Rougemont Denis de, « Nicolas de F
297 . c. Rougemont Denis de, « Nicolas de Flue et la tradition réformée », La Vie protestante, Genève, 1 septembre 1939, p
298 de, « Nicolas de Flue et la tradition réformée », La Vie protestante, Genève, 1 septembre 1939, p. 8.
3 1940, La Vie protestante, articles (1938–1978). De Luther à Hitler (15 mars 1940)
299 her à Hitler (15 mars 1940)d Nous n’avons plus le droit de nous tromper dans nos jugements sur les choses allemandes. T
300 s le droit de nous tromper dans nos jugements sur les choses allemandes. Toute erreur, si minime soit-elle, toute appréciat
301 appréciation erronée des origines, des fins et de la pratique hitlériennes, non seulement affaiblissent la résistance actu
302 ratique hitlériennes, non seulement affaiblissent la résistance actuelle aux doctrines totalitaires, mais compromettent le
303 le aux doctrines totalitaires, mais compromettent les chances d’une solution prochaine, équitable pour tous, et englobant l
304 tion prochaine, équitable pour tous, et englobant les pays germaniques. Or l’erreur qui consiste à placer Luther au début d
305 pour tous, et englobant les pays germaniques. Or l’ erreur qui consiste à placer Luther au début d’une évolution dont Hitl
306 uther au début d’une évolution dont Hitler serait le terme, ce n’est pas une erreur minime. Elle résulte tantôt d’une mauv
307 », tantôt d’une ignorance inqualifiable des faits les plus notoires et les plus importants de notre histoire occidentale. J
308 ance inqualifiable des faits les plus notoires et les plus importants de notre histoire occidentale. J’estime qu’elle a suf
309 stime qu’elle a suffisamment duré. Je suis prêt à la dénoncer dans toutes les revues et dans tous les journaux qui veulent
310 ment duré. Je suis prêt à la dénoncer dans toutes les revues et dans tous les journaux qui veulent bien publier ma prose. I
311 à la dénoncer dans toutes les revues et dans tous les journaux qui veulent bien publier ma prose. Il est bien clair que les
312 lent bien publier ma prose. Il est bien clair que les milieux où cette erreur est professée y voient une arme non pas contr
313 ur est professée y voient une arme non pas contre l’ Allemagne, mais d’abord contre la Réforme : l’assimilation grossière d
314 e non pas contre l’Allemagne, mais d’abord contre la Réforme : l’assimilation grossière de Luther à Hitler n’est évidemmen
315 tre l’Allemagne, mais d’abord contre la Réforme : l’ assimilation grossière de Luther à Hitler n’est évidemment pas destiné
316 à Hitler n’est évidemment pas destinée à diminuer le prestige du second, mais bien à englober le premier dans la réprobati
317 e du second, mais bien à englober le premier dans la réprobation que provoque le racisme. Est-ce une tactique adroite et j
318 lober le premier dans la réprobation que provoque le racisme. Est-ce une tactique adroite et justifiable, au moment où tou
319 tique adroite et justifiable, au moment où toutes les Églises sont appelées, par ailleurs, à faire un « front commun » cont
320 par ailleurs, à faire un « front commun » contre la religion totalitaire ? L’auteur d’un livre récent sur l’Allemagne écr
321 « front commun » contre la religion totalitaire ? L’ auteur d’un livre récent sur l’Allemagne écrit que la nation éduquée p
322 gion totalitaire ? L’auteur d’un livre récent sur l’ Allemagne écrit que la nation éduquée par Luther « était prête à se do
323 uteur d’un livre récent sur l’Allemagne écrit que la nation éduquée par Luther « était prête à se donner à n’importe quel
324 te, pourvu qu’il fût Allemand et protestant ». Or le despote est venu, cher M. de Reynold : il était Autrichien et catholi
325 n. D’autre part, où prend-on que Luther ait formé l’ Allemagne moderne ? Comment sa doctrine centrale de la justification p
326 lemagne moderne ? Comment sa doctrine centrale de la justification par la foi pourrait-elle avoir engendré la doctrine hit
327 ment sa doctrine centrale de la justification par la foi pourrait-elle avoir engendré la doctrine hitlérienne centrale de
328 ification par la foi pourrait-elle avoir engendré la doctrine hitlérienne centrale de l’action pure, du mouvement pur, pri
329 voir engendré la doctrine hitlérienne centrale de l’ action pure, du mouvement pur, privé de toutes fins transcendantes, te
330 de toutes fins transcendantes, telle que j’ai pu la voir à l’œuvre et telle que je l’ai décrite en plus d’un livre ? Cert
331 fins transcendantes, telle que j’ai pu la voir à l’ œuvre et telle que je l’ai décrite en plus d’un livre ? Certes, on pou
332 lle que j’ai pu la voir à l’œuvre et telle que je l’ ai décrite en plus d’un livre ? Certes, on pourra toujours faire jouer
333 un livre ? Certes, on pourra toujours faire jouer la balançoire dialectique : le blanc conduit au noir, le bien au mal, la
334 toujours faire jouer la balançoire dialectique : le blanc conduit au noir, le bien au mal, la foi pure de Luther à l’acti
335 alançoire dialectique : le blanc conduit au noir, le bien au mal, la foi pure de Luther à l’action pure d’Hitler. Mais c’e
336 tique : le blanc conduit au noir, le bien au mal, la foi pure de Luther à l’action pure d’Hitler. Mais c’est une douteuse
337 au noir, le bien au mal, la foi pure de Luther à l’ action pure d’Hitler. Mais c’est une douteuse méthode entre les mains
338 e d’Hitler. Mais c’est une douteuse méthode entre les mains des défenseurs de la « Raison » et de la « claire latinité » qu
339 outeuse méthode entre les mains des défenseurs de la « Raison » et de la « claire latinité » que veulent être M. de Reynol
340 e les mains des défenseurs de la « Raison » et de la « claire latinité » que veulent être M. de Reynold, M. Massis, M. Mau
341 er des questions plus directes. Ces questions, je les repose ici. On pourra différer d’avis sur les conséquences des répons
342 je les repose ici. On pourra différer d’avis sur les conséquences des réponses. Mais il faut répondre d’abord. Oui ou non,
343 non, Niemöller est-il bon luthérien ? Oui ou non, le Führer est-il né catholique ? Oui ou non, le second a-t-il fait empri
344 a-t-il fait emprisonner le premier ? Oui ou non, l’ Allemagne préhitlérienne fut-elle gouvernée par Brüning, chef du parti
345 chef du parti du centre catholique ? Oui ou non, l’ intronisation d’Hitler est-elle le fait de von Papen, catholique ? Oui
346 e ? Oui ou non, l’intronisation d’Hitler est-elle le fait de von Papen, catholique ? Oui ou non, l’Allemagne comptait-elle
347 le le fait de von Papen, catholique ? Oui ou non, l’ Allemagne comptait-elle, depuis des siècles, 38 % de catholiques (aujo
348 de catholiques (aujourd’hui, 50 %) ? Oui ou non, le « germanisme éternel » existait-il avant Luther ? Oui ou non, l’axe B
349 éternel » existait-il avant Luther ? Oui ou non, l’ axe Berlin-Rome passe-t-il par Rome, et non point par Genève ? Et si l
350 se-t-il par Rome, et non point par Genève ? Et si l’ on persiste à prétendre que le luthéranisme porte en soi les germes in
351 par Genève ? Et si l’on persiste à prétendre que le luthéranisme porte en soi les germes indestructibles de la tyrannie p
352 iste à prétendre que le luthéranisme porte en soi les germes indestructibles de la tyrannie politique (malgré la « résistan
353 anisme porte en soi les germes indestructibles de la tyrannie politique (malgré la « résistance » qu’auraient représentée
354 indestructibles de la tyrannie politique (malgré la « résistance » qu’auraient représentée tous ces catholiques allemands
355 serai un problème délicat : Comment expliquer que les quatre pays où le luthéranisme a triomphé sans résistance, et bien pl
356 élicat : Comment expliquer que les quatre pays où le luthéranisme a triomphé sans résistance, et bien plus totalement qu’e
357 us totalement qu’en Allemagne, soient aujourd’hui les parangons de la liberté démocratique ? Je veux parler des États scand
358 en Allemagne, soient aujourd’hui les parangons de la liberté démocratique ? Je veux parler des États scandinaves, et du pl
359 naves, et du plus purement luthérien d’entre eux, la Finlande. Si l’on me fait l’honneur de répondre franchement, je m’eng
360 s purement luthérien d’entre eux, la Finlande. Si l’ on me fait l’honneur de répondre franchement, je m’engage à reconnaîtr
361 thérien d’entre eux, la Finlande. Si l’on me fait l’ honneur de répondre franchement, je m’engage à reconnaître que Luther
362 e que Luther est coupable de n’avoir pas su, dans l’ espace d’une vingtaine d’années, dominer les fatalités germaniques que
363 , dans l’espace d’une vingtaine d’années, dominer les fatalités germaniques que six siècles de catholicisme lui léguaient p
364 d. Rougemont Denis de, « De Luther à Hitler », La Vie protestante, Genève, 15 mars 1940, p. 1.
4 1940, La Vie protestante, articles (1938–1978). « Dieu premier servi » (26 avril 1940)
365 servi » (26 avril 1940)e On a beaucoup dit que le secret de la résistance finlandaise était la foi profonde de ce peupl
366 vril 1940)e On a beaucoup dit que le secret de la résistance finlandaise était la foi profonde de ce peuple. En défenda
367 que le secret de la résistance finlandaise était la foi profonde de ce peuple. En défendant leur terre, les soldats finno
368 i profonde de ce peuple. En défendant leur terre, les soldats finnois avaient conscience de défendre aussi leur Église. Mai
369 ussi leur Église. Mais il existe d’autres pays où la foi d’un soldat chrétien pourrait avoir des effets exactement contrai
370 e pourrait amener ce soldat à refuser de défendre l’ État qui persécute son Église. Dis-moi pour qui tu acceptes de mourir,
371 deux exemples contradictoires posent la question la plus brûlante de l’époque : celle de l’attitude du chrétien en face d
372 adictoires posent la question la plus brûlante de l’ époque : celle de l’attitude du chrétien en face de ses devoirs civiqu
373 question la plus brûlante de l’époque : celle de l’ attitude du chrétien en face de ses devoirs civiques et militaires. Là
374 taires. Là-dessus, quelques remarques à propos de la Suisse. Je suis de ceux qui pensent que la foi n’est pas « une affair
375 pos de la Suisse. Je suis de ceux qui pensent que la foi n’est pas « une affaire privée », ainsi que le prétendait Marx. L
376 a foi n’est pas « une affaire privée », ainsi que le prétendait Marx. Le chrétien a le devoir d’agir au nom de sa foi, d’a
377 e affaire privée », ainsi que le prétendait Marx. Le chrétien a le devoir d’agir au nom de sa foi, d’agir dans le monde et
378 ée », ainsi que le prétendait Marx. Le chrétien a le devoir d’agir au nom de sa foi, d’agir dans le monde et pour le monde
379 a le devoir d’agir au nom de sa foi, d’agir dans le monde et pour le monde, dans la cité où il est né et pour son bien. I
380 ir au nom de sa foi, d’agir dans le monde et pour le monde, dans la cité où il est né et pour son bien. Il n’a pas le droi
381 foi, d’agir dans le monde et pour le monde, dans la cité où il est né et pour son bien. Il n’a pas le droit de s’en désin
382 la cité où il est né et pour son bien. Il n’a pas le droit de s’en désintéresser et de laisser les autres s’égarer, quitte
383 pas le droit de s’en désintéresser et de laisser les autres s’égarer, quitte à les dénoncer ensuite pathétiquement du haut
384 esser et de laisser les autres s’égarer, quitte à les dénoncer ensuite pathétiquement du haut de la chaire ! Or l’action d’
385 à les dénoncer ensuite pathétiquement du haut de la chaire ! Or l’action d’un chrétien placé par sa naissance dans la com
386 ensuite pathétiquement du haut de la chaire ! Or l’ action d’un chrétien placé par sa naissance dans la communauté des Sui
387 ’action d’un chrétien placé par sa naissance dans la communauté des Suisses doit naturellement s’insérer dans les données
388 uté des Suisses doit naturellement s’insérer dans les données de fait qui sont celles du pays, et qui se trouvent être comm
389 du pays, et qui se trouvent être communes à tous les citoyens, chrétiens ou non. La mission spéciale du citoyen chrétien,
390 e communes à tous les citoyens, chrétiens ou non. La mission spéciale du citoyen chrétien, ce sera de dégager de ces donné
391 nes un sens spirituel, une vocation positive. Car le chrétien est, si j’ose dire, un spécialiste de la vocation. Cette act
392 le chrétien est, si j’ose dire, un spécialiste de la vocation. Cette action particulière du citoyen chrétien sera dans l’i
393 action particulière du citoyen chrétien sera dans l’ intérêt de la Suisse, certes. Mais elle sera d’abord obéissance à la f
394 ulière du citoyen chrétien sera dans l’intérêt de la Suisse, certes. Mais elle sera d’abord obéissance à la foi. J’insiste
395 isse, certes. Mais elle sera d’abord obéissance à la foi. J’insiste sur ce point, qui est capital. Nous ne devons pas être
396 re chrétiens parce que nous sommes Suisses et que la Suisse est officiellement un pays chrétien. Mais nous devons être de
397 ment laisser entendre, qu’un bon citoyen suisse a le devoir d’être chrétien, comme si ce devoir était la conséquence oblig
398 devoir d’être chrétien, comme si ce devoir était la conséquence obligatoire d’un très ardent patriotisme. Si certains n’h
399 n’hésitent pas, dans leurs discours, à invoquer «  le Dieu de nos pères », il semble parfois que ce soit moins parce qu’ils
400 le parfois que ce soit moins parce qu’ils croient le christianisme vrai, que parce qu’ils le croient utile au bon moral de
401 s croient le christianisme vrai, que parce qu’ils le croient utile au bon moral de la nation, voire à la discipline des tr
402 que parce qu’ils le croient utile au bon moral de la nation, voire à la discipline des troupes. Ces personnes-là, vous les
403 croient utile au bon moral de la nation, voire à la discipline des troupes. Ces personnes-là, vous les reconnaîtrez infai
404 la discipline des troupes. Ces personnes-là, vous les reconnaîtrez infailliblement à ces quelques traits : elles ont une co
405 ces quelques traits : elles ont une conception de la « religion » plutôt déiste qu’évangélique ; elles prônent un moralism
406 is que charitable ; elles ont une façon d’exalter la croix blanche de notre drapeau qui rappelle davantage le Gott mit uns
407 x blanche de notre drapeau qui rappelle davantage le Gott mit uns de Guillaume II que le Dieu premier servi de Jeanne d’Ar
408 lle davantage le Gott mit uns de Guillaume II que le Dieu premier servi de Jeanne d’Arc. Bref, l’intérêt qu’elles portent
409 que le Dieu premier servi de Jeanne d’Arc. Bref, l’ intérêt qu’elles portent à la religion paraît subordonné à celui qu’el
410 Jeanne d’Arc. Bref, l’intérêt qu’elles portent à la religion paraît subordonné à celui qu’elles portent à la conservation
411 gion paraît subordonné à celui qu’elles portent à la conservation de notre État. Or nous devons croire exactement le contr
412 n de notre État. Or nous devons croire exactement le contraire, je le répète : nous devons être de bons Suisses parce que
413 Or nous devons croire exactement le contraire, je le répète : nous devons être de bons Suisses parce que nous sommes chrét
414 rai cette déclaration prophétique d’un homme dont la pensée me paraît plus actuelle que jamais, Alexandre Vinet : « Veuill
415 en voulez pas pour vous, mais seulement pour tout le monde, faites-nous la grâce de n’en point vouloir », car « la société
416 s, mais seulement pour tout le monde, faites-nous la grâce de n’en point vouloir », car « la société qui veut m’ôter ma re
417 ites-nous la grâce de n’en point vouloir », car «  la société qui veut m’ôter ma religion m’effraie bien moins que celle qu
418 e. Rougemont Denis de, « “Dieu premier servi” », La Vie protestante, Genève, 26 avril 1940, p. 1.
5 1940, La Vie protestante, articles (1938–1978). Neutralité (3 mai 1940)
419 alité (3 mai 1940)f M. Denis de Rougemont a eu l’ aimable pensée de nous communiquer le « billet » ci-dessous qui paraît
420 ugemont a eu l’aimable pensée de nous communiquer le « billet » ci-dessous qui paraîtra prochainement dans un volume intit
421 ans un volume intitulé : Mission ou démission de la Suisse . Pendant tout l’hiver, nous avons pu lire dans les journaux c
422 Mission ou démission de la Suisse . Pendant tout l’ hiver, nous avons pu lire dans les journaux cet avertissement sybillin
423 e . Pendant tout l’hiver, nous avons pu lire dans les journaux cet avertissement sybillin : « Température maximum : 18° ».
424 ximum : 18° ». Il s’agissait sans doute d’inciter le public à des économies de charbon. On nous recommandait la tiédeur… M
425 à des économies de charbon. On nous recommandait la tiédeur… Mais voici nos voisins belligérants qui viennent nous dire :
426 nts seront mangés ! Je demande à voir ce qui vaut le mieux. Il ne faut pas parler de neutralité en général, dans l’absolu
427 ne faut pas parler de neutralité en général, dans l’ absolu et dans l’abstrait. Car tout dépend de ceci : vis-à-vis de quoi
428 r de neutralité en général, dans l’absolu et dans l’ abstrait. Car tout dépend de ceci : vis-à-vis de quoi, ou de Qui, est-
429 de, est-on neutre ? Si c’est vis-à-vis du Christ, la parole évangélique nous apprend que cette neutralité est suprêmement
430 hors du Royaume de Dieu. « Je vous vomirai », dit le Christ. Si c’est vis-à-vis de la guerre des autres que l’on reste tiè
431 s vomirai », dit le Christ. Si c’est vis-à-vis de la guerre des autres que l’on reste tiède, cette neutralité peut être av
432 t. Si c’est vis-à-vis de la guerre des autres que l’ on reste tiède, cette neutralité peut être avantageuse dans certains c
433 ité peut être avantageuse dans certains cas, dans la mesure où elle nous exclut, précisément, d’un conflit que nous jugeon
434 nflit que nous jugeons mauvais. Reste à savoir si le conflit actuel est « mauvais ». Puis, si notre tiédeur suffira pour q
435 auvais ». Puis, si notre tiédeur suffira pour que le monstre de la guerre nous vomisse… Mais ceci est une autre histoire q
436 , si notre tiédeur suffira pour que le monstre de la guerre nous vomisse… Mais ceci est une autre histoire que je n’ai pas
437 sonne, à son Royaume, à son Éternité. Répéter que les tièdes seront vomis, en détournant ce verset de son sens spirituel, c
438 ottise. f. Rougemont Denis de, « Neutralité », La Vie protestante, Genève, 3 mai 1940, p. 1.
6 1942, La Vie protestante, articles (1938–1978). Perspectives d’avenir du protestantisme (2 janvier 1942)
439 s d’avenir du protestantisme (2 janvier 1942)g Le texte que nous publions est la conclusion d’une conférence que M. Den
440 janvier 1942)g Le texte que nous publions est la conclusion d’une conférence que M. Denis de Rougemont a donnée en sep
441 ont a donnée en septembre à Rio de la Plata, sous les auspices de l’Église évangélique de langue française. Je vois de gran
442 septembre à Rio de la Plata, sous les auspices de l’ Église évangélique de langue française. Je vois de grandes perspective
443 . Je vois de grandes perspectives d’avenir devant le protestantisme. J’en désignerai trois en guise de conclusion. La prem
444 is en guise de conclusion. La première, c’est que la Réforme, et spécialement sa tendance calviniste, est appelée à figure
445 lviniste, est appelée à figurer dans notre siècle le type même de la sûre doctrine de résistance au paganisme totalitaire.
446 pelée à figurer dans notre siècle le type même de la sûre doctrine de résistance au paganisme totalitaire. La foi de la Ré
447 doctrine de résistance au paganisme totalitaire. La foi de la Réforme, telle que j’ai tenté de la situer dans l’évolution
448 de résistance au paganisme totalitaire. La foi de la Réforme, telle que j’ai tenté de la situer dans l’évolution de l’Euro
449 re. La foi de la Réforme, telle que j’ai tenté de la situer dans l’évolution de l’Europe, représente en effet le centre et
450 a Réforme, telle que j’ai tenté de la situer dans l’ évolution de l’Europe, représente en effet le centre et l’axe même de
451 e que j’ai tenté de la situer dans l’évolution de l’ Europe, représente en effet le centre et l’axe même de la notion chrét
452 dans l’évolution de l’Europe, représente en effet le centre et l’axe même de la notion chrétienne de personne, à la fois l
453 ion de l’Europe, représente en effet le centre et l’ axe même de la notion chrétienne de personne, à la fois libre et engag
454 e, représente en effet le centre et l’axe même de la notion chrétienne de personne, à la fois libre et engagée. Par l’orga
455 enne de personne, à la fois libre et engagée. Par l’ organisation même de ses Églises et de ses paroisses, elle offre le ty
456 me de ses Églises et de ses paroisses, elle offre le type d’une communauté libre et pourtant bien liée, fondée sur l’espér
457 ommunauté libre et pourtant bien liée, fondée sur l’ espérance de l’Esprit et non pas sur les fatalités du passé, ouverte à
458 et pourtant bien liée, fondée sur l’espérance de l’ Esprit et non pas sur les fatalités du passé, ouverte à la volonté d’u
459 fondée sur l’espérance de l’Esprit et non pas sur les fatalités du passé, ouverte à la volonté d’un Dieu transcendant et no
460 et non pas sur les fatalités du passé, ouverte à la volonté d’un Dieu transcendant et non pas fermée sur les intérêts d’u
461 onté d’un Dieu transcendant et non pas fermée sur les intérêts d’un groupe. Par là, elle s’oppose radicalement à toute reli
462 calement à toute religion totalitaire, fondée sur le sang, la race, la tradition, les morts. La religion totalitaire n’adm
463 à toute religion totalitaire, fondée sur le sang, la race, la tradition, les morts. La religion totalitaire n’admet pas qu
464 eligion totalitaire, fondée sur le sang, la race, la tradition, les morts. La religion totalitaire n’admet pas que « les c
465 taire, fondée sur le sang, la race, la tradition, les morts. La religion totalitaire n’admet pas que « les choses vieilles
466 ée sur le sang, la race, la tradition, les morts. La religion totalitaire n’admet pas que « les choses vieilles sont passé
467 morts. La religion totalitaire n’admet pas que «  les choses vieilles sont passées », selon la parole de l’apôtre. Elle n’a
468 s que « les choses vieilles sont passées », selon la parole de l’apôtre. Elle n’admet pas la conversion et le pardon, à pa
469 hoses vieilles sont passées », selon la parole de l’ apôtre. Elle n’admet pas la conversion et le pardon, à partir desquels
470  », selon la parole de l’apôtre. Elle n’admet pas la conversion et le pardon, à partir desquels « il n’y a plus ni juif ni
471 le de l’apôtre. Elle n’admet pas la conversion et le pardon, à partir desquels « il n’y a plus ni juif ni grec ». Elle ne
472 « Quels sont tes morts ? ». Religion du sang, de la terre et des morts, religion sanglante et mortelle, religion des chos
473 religion hait mortellement et de toute sa nature la foi chrétienne, tournée vers le pardon, le futur éternel, le rachat d
474 e toute sa nature la foi chrétienne, tournée vers le pardon, le futur éternel, le rachat du péché d’origine ?… Mais résist
475 nature la foi chrétienne, tournée vers le pardon, le futur éternel, le rachat du péché d’origine ?… Mais résister ne suffi
476 tienne, tournée vers le pardon, le futur éternel, le rachat du péché d’origine ?… Mais résister ne suffit pas, on ne se dé
477 end bien qu’en attaquant, c’est-à-dire en prenant l’ initiative. Ici, la perspective qui s’offre aux Églises protestantes,
478 quant, c’est-à-dire en prenant l’initiative. Ici, la perspective qui s’offre aux Églises protestantes, c’est de préparer l
479 offre aux Églises protestantes, c’est de préparer le terrain pour la reconstruction fédéraliste du monde de demain. Si les
480 s protestantes, c’est de préparer le terrain pour la reconstruction fédéraliste du monde de demain. Si les totalitaires so
481 reconstruction fédéraliste du monde de demain. Si les totalitaires sont vaincus, ce seront les nations protestantes et fédé
482 main. Si les totalitaires sont vaincus, ce seront les nations protestantes et fédéralistes d’esprit qui auront obtenu la vi
483 tantes et fédéralistes d’esprit qui auront obtenu la victoire. Elles ne sauront la rendre féconde que si elles se laissent
484 t qui auront obtenu la victoire. Elles ne sauront la rendre féconde que si elles se laissent guider et inspirer par la tra
485 e que si elles se laissent guider et inspirer par la tradition spirituelle qui a fait leur force : la tradition personnali
486 la tradition spirituelle qui a fait leur force : la tradition personnaliste et fédéraliste de la Réforme. Enfin, la trois
487 ce : la tradition personnaliste et fédéraliste de la Réforme. Enfin, la troisième perspective qui s’ouvre au protestantism
488 est celle du mouvement œcuménique. Vous savez que l’ initiateur de ce vaste effort, qui tend à réunir toutes les Églises ch
489 teur de ce vaste effort, qui tend à réunir toutes les Églises chrétiennes, fut un luthérien, l’archevêque Nathan Soederblom
490 toutes les Églises chrétiennes, fut un luthérien, l’ archevêque Nathan Soederblom. Il groupe aujourd’hui les diverses dénom
491 chevêque Nathan Soederblom. Il groupe aujourd’hui les diverses dénominations protestantes, les anglicans, les orthodoxes gr
492 ourd’hui les diverses dénominations protestantes, les anglicans, les orthodoxes grecs et russes, et les vieilles Églises du
493 verses dénominations protestantes, les anglicans, les orthodoxes grecs et russes, et les vieilles Églises du Proche-Orient,
494 les anglicans, les orthodoxes grecs et russes, et les vieilles Églises du Proche-Orient, c’est-à-dire toutes les Églises ch
495 les Églises du Proche-Orient, c’est-à-dire toutes les Églises chrétiennes sauf celle de Rome qui se tient, par malheur, à l
496 s sauf celle de Rome qui se tient, par malheur, à l’ écart. Or, dans cette œuvre à laquelle collaborent la majorité des chr
497 cart. Or, dans cette œuvre à laquelle collaborent la majorité des chrétiens du monde entier, nous voyons la réalisation d’
498 jorité des chrétiens du monde entier, nous voyons la réalisation d’un des grands idéaux calvinistes : la fédération organi
499 réalisation d’un des grands idéaux calvinistes : la fédération organique des Églises, leur union spirituelle dans la dive
500 rganique des Églises, leur union spirituelle dans la diversité admise des formes de culte et d’organisation. Ce n’est poin
501 et d’organisation. Ce n’est point par hasard que les calvinistes, bien qu’ils soient une minorité, jouent un rôle de premi
502 une minorité, jouent un rôle de premier plan dans les travaux du Conseil œcuménique. Toute leur tradition les prépare à ce
503 avaux du Conseil œcuménique. Toute leur tradition les prépare à ce rôle de fédérateurs religieux, comme elle les prépare au
504 re à ce rôle de fédérateurs religieux, comme elle les prépare au rôle de fédérateurs politiques. J’aime évoquer, en termina
505 erminant, cette espérance d’une réunion de toutes les confessions chrétiennes. Car en nous faisant entrevoir la possibilité
506 ssions chrétiennes. Car en nous faisant entrevoir la possibilité d’une catholicité nouvelle, elle nous délivre de l’espèce
507 d’une catholicité nouvelle, elle nous délivre de l’ espèce d’étroitesse, de « nationalisme protestant », auquel nous somme
508 auquel nous sommes tentés de céder parfois, sous l’ effet de la polémique ou par un attachement excessif à certaines de no
509 s sommes tentés de céder parfois, sous l’effet de la polémique ou par un attachement excessif à certaines de nos tradition
510 cessif à certaines de nos traditions secondaires. Le but de nos Églises n’est pas d’imposer le protestantisme au monde, ma
511 daires. Le but de nos Églises n’est pas d’imposer le protestantisme au monde, mais d’annoncer l’Évangile, la bonne nouvell
512 poser le protestantisme au monde, mais d’annoncer l’ Évangile, la bonne nouvelle du « salut de grâce et bonté pure » comme
513 testantisme au monde, mais d’annoncer l’Évangile, la bonne nouvelle du « salut de grâce et bonté pure » comme on disait au
514 t au xvie siècle. Et c’est notre fidélité même à la Réforme qui nous fait nous réjouir d’une perspective où nos « ismes »
515 lait que je dise en une phrase ce qui m’attache à l’ Église protestante, plutôt qu’à aucune autre, je dirai ceci : L’Église
516 stante, plutôt qu’à aucune autre, je dirai ceci : L’ Église protestante est justement celle qui ne se donne pas pour la seu
517 ante est justement celle qui ne se donne pas pour la seule forme d’Église possible ; elle est l’Église qui accepte d’être
518 pour la seule forme d’Église possible ; elle est l’ Église qui accepte d’être constamment réformée et jugée par la Vérité
519 accepte d’être constamment réformée et jugée par la Vérité même qu’elle annonce et dont elle doit se sentir responsable d
520 ce et dont elle doit se sentir responsable devant le monde d’aujourd’hui et pour demain. g. Rougemont Denis de, « Persp
521 de, « Perspectives d’avenir du protestantisme », La Vie protestante, Genève, 2 janvier 1942, p. 4.
7 1943, La Vie protestante, articles (1938–1978). Les tours du diable I : « Je ne suis personne » (15 octobre 1943)
522 Les tours du diable I : « Je ne suis personne » (15 octobre 1943)h i C
523 uis personne » (15 octobre 1943)h i C’est dans les Petits poèmes en prose de Baudelaire que l’on peut lire la phrase la
524 dans les Petits poèmes en prose de Baudelaire que l’ on peut lire la phrase la plus profonde écrite par un moderne sur Sata
525 poèmes en prose de Baudelaire que l’on peut lire la phrase la plus profonde écrite par un moderne sur Satan : « La plus b
526 prose de Baudelaire que l’on peut lire la phrase la plus profonde écrite par un moderne sur Satan : « La plus belle ruse
527 plus profonde écrite par un moderne sur Satan : «  La plus belle ruse du diable est de nous persuader qu’il n’existe pas. »
528 sons que ce tour n’a jamais mieux réussi que dans l’ époque contemporaine. Même quand nous croyons « encore » en Dieu, nous
529 core » en Dieu, nous croyons si peu au diable que l’ on m’accusera certainement d’obscurantisme, ou simplement de manque de
530 ncognito. Dieu dit : Je suis celui qui suis. Mais le diable, qui a la manie de vouloir imiter la vérité en la retournant,
531 t : Je suis celui qui suis. Mais le diable, qui a la manie de vouloir imiter la vérité en la retournant, le diable nous di
532 Mais le diable, qui a la manie de vouloir imiter la vérité en la retournant, le diable nous dit comme Ulysse au Cyclope :
533 le, qui a la manie de vouloir imiter la vérité en la retournant, le diable nous dit comme Ulysse au Cyclope : Je ne suis p
534 nie de vouloir imiter la vérité en la retournant, le diable nous dit comme Ulysse au Cyclope : Je ne suis personne. De quo
535 . De quoi aurais-tu peur ? Vas-tu trembler devant l’ inexistant ? Une remarque en passant, mais nécessaire. C’est au sujet
536 ouflage très élémentaire, mais fort bien adapté à la myopie spirituelle des temps modernes. Voici : depuis deux ou trois s
537 u diable de revêtir une apparence moyenâgeuse qui le rend inoffensif aux yeux de la plupart d’entre nous. Car si le diable
538 ensif aux yeux de la plupart d’entre nous. Car si le diable est simplement le démon rouge et cornu des mystères médiévaux,
539 art d’entre nous. Car si le diable est simplement le démon rouge et cornu des mystères médiévaux, ou le faune à barbiche d
540 e démon rouge et cornu des mystères médiévaux, ou le faune à barbiche de chèvre et à longue queue des légendes populaires,
541 rop facile d’y croire : qui s’en donnerait encore la peine ? De fait, j’ai connu beaucoup d’hommes qui voulaient bien adme
542 que et bouffonne n’a pas médiocrement contribué à la réussite du premier tour que dénonce Baudelaire. Beaucoup s’y arrêten
543 sont eux qui s’y laissent prendre ! Fascinés par l’ image traditionnelle et trop évidemment puérile, ils ne se doutent pas
544 rop évidemment puérile, ils ne se doutent pas que le diable agit ailleurs, sans queue ni barbe, par leurs mains peut-être…
545 t-être… Ce qui me paraît incroyable, ce n’est pas le diable, et ce ne sont pas les anges, mais bien la candeur et la crédu
546 oyable, ce n’est pas le diable, et ce ne sont pas les anges, mais bien la candeur et la crédulité de ces « sceptiques », et
547 le diable, et ce ne sont pas les anges, mais bien la candeur et la crédulité de ces « sceptiques », et l’impardonnable sop
548 ce ne sont pas les anges, mais bien la candeur et la crédulité de ces « sceptiques », et l’impardonnable sophisme dont ils
549 candeur et la crédulité de ces « sceptiques », et l’ impardonnable sophisme dont ils se montrent les victimes : « Le diable
550 et l’impardonnable sophisme dont ils se montrent les victimes : « Le diable est un bonhomme à cornes rouges et à longue qu
551 le sophisme dont ils se montrent les victimes : «  Le diable est un bonhomme à cornes rouges et à longue queue ; or je ne p
552 ceux qui refusent de croire au diable à cause de l’ image qu’ils s’en font, et qui est tirée des contes de bonnes femmes.
553 est tirée des contes de bonnes femmes. Cependant la Bible dénonce l’existence du diable à chaque page, de la première où
554 ntes de bonnes femmes. Cependant la Bible dénonce l’ existence du diable à chaque page, de la première où il apparaît sous
555 à chaque page, de la première où il apparaît sous la forme du serpent, jusqu’à l’avant-dernière où nous voyons Satan lié p
556 où il apparaît sous la forme du serpent, jusqu’à l’ avant-dernière où nous voyons Satan lié pour mille ans, puis délié et
557 an lié pour mille ans, puis délié et déchaîné sur les quatre parties du monde pour les tromper et pour les faire se battre
558 et déchaîné sur les quatre parties du monde pour les tromper et pour les faire se battre sans raison alléguée, et finaleme
559 quatre parties du monde pour les tromper et pour les faire se battre sans raison alléguée, et finalement flamboyé par le f
560 sans raison alléguée, et finalement flamboyé par le feu du ciel et précipité dans un étang de flammes et de souffre avec
561 re tourmenté nuit et jour, au siècle des siècles. La Bible, notez-le, parle beaucoup moins du « mal » en général que du Ma
562 t et jour, au siècle des siècles. La Bible, notez- le , parle beaucoup moins du « mal » en général que du Malin personnifié
563 éral que du Malin personnifié (tout au moins dans les textes originaux). Si l’on croit à la vérité de la Bible, il est impo
564 fié (tout au moins dans les textes originaux). Si l’ on croit à la vérité de la Bible, il est impossible de douter un seul
565 moins dans les textes originaux). Si l’on croit à la vérité de la Bible, il est impossible de douter un seul instant de la
566 s textes originaux). Si l’on croit à la vérité de la Bible, il est impossible de douter un seul instant de la réalité obje
567 e, il est impossible de douter un seul instant de la réalité objective du diable. h. Rougemont Denis de, « Les tours du
568 objective du diable. h. Rougemont Denis de, «  Les tours du diable I : “Je ne suis personne” », La Vie protestante, Genè
569  Les tours du diable I : “Je ne suis personne” », La Vie protestante, Genève, 15 octobre 1943, p. 1. i. Le texte est préc
570 e protestante, Genève, 15 octobre 1943, p. 1. i. Le texte est précédé de la note suivante de la rédaction : « Nous avons
571 5 octobre 1943, p. 1. i. Le texte est précédé de la note suivante de la rédaction : « Nous avons eu l’occasion de lire le
572 . i. Le texte est précédé de la note suivante de la rédaction : « Nous avons eu l’occasion de lire les réflexions d’une p
573 a note suivante de la rédaction : « Nous avons eu l’ occasion de lire les réflexions d’une perspicacité peu ordinaire sur l
574 la rédaction : « Nous avons eu l’occasion de lire les réflexions d’une perspicacité peu ordinaire sur l’existence personnel
575 s réflexions d’une perspicacité peu ordinaire sur l’ existence personnelle du diable, due à la plume de Denis de Rougemont.
576 aire sur l’existence personnelle du diable, due à la plume de Denis de Rougemont. Nous n’avons pas à présenter l’écrivain
577 Denis de Rougemont. Nous n’avons pas à présenter l’ écrivain neuchâtelois aux lecteurs de la Vie protestante. La qualité d
578 présenter l’écrivain neuchâtelois aux lecteurs de la Vie protestante. La qualité de sa pensée et l’autorité de son jugemen
579 neuchâtelois aux lecteurs de la Vie protestante. La qualité de sa pensée et l’autorité de son jugement sont reconnues bie
580 de la Vie protestante. La qualité de sa pensée et l’ autorité de son jugement sont reconnues bien au-delà de nos frontières
581 es d’une théologie protestante constructive. Sous le titre “Les tours du diable”, nous sommes heureux de pouvoir donner ic
582 héologie protestante constructive. Sous le titre “ Les tours du diable”, nous sommes heureux de pouvoir donner ici une premi
583 ureux de pouvoir donner ici une première étude de l’ auteur. Nous nous proposons d’apporter encore, dans nos prochains numé
8 1943, La Vie protestante, articles (1938–1978). Les tours du diable II : Le menteur (22 octobre 1943)
584 Les tours du diable II : Le menteur (22 octobre 1943)j L’homme seul, d
585 Les tours du diable II : Le menteur (22 octobre 1943)j L’homme seul, dans toute la Création, p
586 s du diable II : Le menteur (22 octobre 1943)j L’ homme seul, dans toute la Création, peut dire ce qui n’est pas et ment
587 ur (22 octobre 1943)j L’homme seul, dans toute la Création, peut dire ce qui n’est pas et mentir par ses actes. Le miné
588 ut dire ce qui n’est pas et mentir par ses actes. Le minéral repose où il fut composé, la plante pousse où se fixa la grai
589 r ses actes. Le minéral repose où il fut composé, la plante pousse où se fixa la graine, les animaux muets sont prisonnier
590 se où il fut composé, la plante pousse où se fixa la graine, les animaux muets sont prisonniers de l’ordre intarissablemen
591 t composé, la plante pousse où se fixa la graine, les animaux muets sont prisonniers de l’ordre intarissablement prodigue e
592 la graine, les animaux muets sont prisonniers de l’ ordre intarissablement prodigue et infaillible de l’instinct. Mais l’h
593 ordre intarissablement prodigue et infaillible de l’ instinct. Mais l’homme a reçu le pouvoir de parler, de créer et de dén
594 ement prodigue et infaillible de l’instinct. Mais l’ homme a reçu le pouvoir de parler, de créer et de dénaturer. Par la gr
595 et infaillible de l’instinct. Mais l’homme a reçu le pouvoir de parler, de créer et de dénaturer. Par la grâce du langage,
596 pouvoir de parler, de créer et de dénaturer. Par la grâce du langage, il peut dire vrai ; par la faute du langage, il peu
597 Par la grâce du langage, il peut dire vrai ; par la faute du langage, il peut le contredire. Il peut créer dans le prolon
598 peut dire vrai ; par la faute du langage, il peut le contredire. Il peut créer dans le prolongement des perspectives de la
599 angage, il peut le contredire. Il peut créer dans le prolongement des perspectives de la Création, il peut aussi créer à t
600 ut créer dans le prolongement des perspectives de la Création, il peut aussi créer à tort et à travers. Il peut être un ag
601 t à travers. Il peut être un agent responsable de la nature naturante, mais il peut aussi faire la grève, se révolter, et
602 de la nature naturante, mais il peut aussi faire la grève, se révolter, et fabriquer l’anti-nature ou dénature. Cette dup
603 t aussi faire la grève, se révolter, et fabriquer l’ anti-nature ou dénature. Cette duplicité de nos pouvoirs constitue not
604 rs constitue notre liberté. Elle en est à la fois le signe et la condition nécessaire. Elle est notre gloire équivoque. C’
605 notre liberté. Elle en est à la fois le signe et la condition nécessaire. Elle est notre gloire équivoque. C’est par la l
606 saire. Elle est notre gloire équivoque. C’est par la liberté, à cause d’elle, et dans elle, que nous avons le pouvoir de p
607 rté, à cause d’elle, et dans elle, que nous avons le pouvoir de pécher. Car pécher c’est tricher avec l’ordre, opposer à l
608 pouvoir de pécher. Car pécher c’est tricher avec l’ ordre, opposer à la loi divine nos dérogations égoïstes, fautes de cal
609 Car pécher c’est tricher avec l’ordre, opposer à la loi divine nos dérogations égoïstes, fautes de calcul et courtes vues
610 éressées. Pécher c’est fausser quelque chose dans l’ ordonnance du cosmos. C’est toujours en quelque manière dire un menson
611 t toujours en quelque manière dire un mensonge ou l’ opérer. Par le langage l’homme est libre. Par le langage il peut menti
612 quelque manière dire un mensonge ou l’opérer. Par le langage l’homme est libre. Par le langage il peut mentir. Par sa libe
613 ière dire un mensonge ou l’opérer. Par le langage l’ homme est libre. Par le langage il peut mentir. Par sa liberté seule i
614 u l’opérer. Par le langage l’homme est libre. Par le langage il peut mentir. Par sa liberté seule il peut pécher. Et le pé
615 t mentir. Par sa liberté seule il peut pécher. Et le péché n’est qu’un mensonge. Mais le mensonge proféré nous lie… Compre
616 ut pécher. Et le péché n’est qu’un mensonge. Mais le mensonge proféré nous lie… Comprenons maintenant que le diable ne pou
617 songe proféré nous lie… Comprenons maintenant que le diable ne pourrait rien sans notre liberté. Car c’est par nous seulem
618 rté. Car c’est par nous seulement qu’il agit dans le monde, et c’est en provoquant l’abus de notre liberté qu’il agit en n
619 qu’il agit dans le monde, et c’est en provoquant l’ abus de notre liberté qu’il agit en nous et nous lie. Si Ève n’avait p
620 Ève n’aurait pu pécher, ni Adam après elle. Ainsi la gloire de l’homme étant sa liberté, il est clair que c’est en ce poin
621 pu pécher, ni Adam après elle. Ainsi la gloire de l’ homme étant sa liberté, il est clair que c’est en ce point que le Mali
622 a liberté, il est clair que c’est en ce point que le Malin devait atteindre notre orgueil et s’insérer dans nos défenses l
623 ndre notre orgueil et s’insérer dans nos défenses les plus secrètes. La parole nous étant donnée pour répondre à la vérité,
624 et s’insérer dans nos défenses les plus secrètes. La parole nous étant donnée pour répondre à la vérité, et pour l’étendre
625 ètes. La parole nous étant donnée pour répondre à la vérité, et pour l’étendre et confirmer par la vertu du témoignage, il
626 s étant donnée pour répondre à la vérité, et pour l’ étendre et confirmer par la vertu du témoignage, il est clair que la g
627 e à la vérité, et pour l’étendre et confirmer par la vertu du témoignage, il est clair que la grande ambition satanique de
628 rmer par la vertu du témoignage, il est clair que la grande ambition satanique devait être de s’emparer de la parole dans
629 de ambition satanique devait être de s’emparer de la parole dans notre bouche, pour altérer le témoignage dans sa source.
630 arer de la parole dans notre bouche, pour altérer le témoignage dans sa source. Et c’est pourquoi la Bible dit, énergiquem
631 r le témoignage dans sa source. Et c’est pourquoi la Bible dit, énergiquement, que lorsque nous mentons, c’est le diable l
632 t, énergiquement, que lorsque nous mentons, c’est le diable lui-même qui « tire sa langue dans notre langue ». Mais il est
633 mme il est deux manières de tromper un client. Si la balance marque 980 grammes, vous pouvez dire : c’est un kilo. Votre m
634 : c’est un kilo. Votre mensonge restera relatif à la mesure invariable du vrai. Si le client contrôle, il peut voir qu’on
635 estera relatif à la mesure invariable du vrai. Si le client contrôle, il peut voir qu’on le vole, et vous savez de combien
636 u vrai. Si le client contrôle, il peut voir qu’on le vole, et vous savez de combien vous le volez : une vérité reste juge
637 voir qu’on le vole, et vous savez de combien vous le volez : une vérité reste juge entre vous. Mais le démon vous induit à
638 le volez : une vérité reste juge entre vous. Mais le démon vous induit à fausser la balance elle-même, c’est le critère du
639 e entre vous. Mais le démon vous induit à fausser la balance elle-même, c’est le critère du vrai qui est dénaturé, il n’y
640 vous induit à fausser la balance elle-même, c’est le critère du vrai qui est dénaturé, il n’y a plus de contrôle possible.
641 ses, peut-être à rajouter quelques pincées « pour le bon poids », pour le sourire de l’acheteur et la satisfaction de votr
642 uter quelques pincées « pour le bon poids », pour le sourire de l’acheteur et la satisfaction de votre vertu. C’est là le
643 pincées « pour le bon poids », pour le sourire de l’ acheteur et la satisfaction de votre vertu. C’est là le mensonge pur,
644 le bon poids », pour le sourire de l’acheteur et la satisfaction de votre vertu. C’est là le mensonge pur, l’œuvre propre
645 eteur et la satisfaction de votre vertu. C’est là le mensonge pur, l’œuvre propre du diable. À partir de l’instant où vous
646 faction de votre vertu. C’est là le mensonge pur, l’ œuvre propre du diable. À partir de l’instant où vous faussez la mesur
647 nsonge pur, l’œuvre propre du diable. À partir de l’ instant où vous faussez la mesure même de la vérité, toutes vos « vert
648 du diable. À partir de l’instant où vous faussez la mesure même de la vérité, toutes vos « vertus » sont au service du ma
649 ir de l’instant où vous faussez la mesure même de la vérité, toutes vos « vertus » sont au service du mal et sont complice
650 tus » sont au service du mal et sont complices de l’ œuvre du Malin. « Le diable est menteur et le Père du mensonge », dit
651 e du mal et sont complices de l’œuvre du Malin. «  Le diable est menteur et le Père du mensonge », dit l’Évangile tel qu’on
652 s de l’œuvre du Malin. « Le diable est menteur et le Père du mensonge », dit l’Évangile tel qu’on le cite d’ordinaire. Cec
653 diable est menteur et le Père du mensonge », dit l’ Évangile tel qu’on le cite d’ordinaire. Ceci concerne le premier menso
654 t le Père du mensonge », dit l’Évangile tel qu’on le cite d’ordinaire. Ceci concerne le premier mensonge, celui qui se bor
655 e le premier mensonge, celui qui se borne à taire la vérité (tout en ne cessant de la connaître) ou à la nier (tout en sac
656 se borne à taire la vérité (tout en ne cessant de la connaître) ou à la nier (tout en sachant que, pour si peu, elle ne ce
657 vérité (tout en ne cessant de la connaître) ou à la nier (tout en sachant que, pour si peu, elle ne cesse pas d’exister).
658 , pour si peu, elle ne cesse pas d’exister). Mais le texte original de ce passage est infiniment plus étrange. « Le diable
659 inal de ce passage est infiniment plus étrange. «  Le diable est menteur, nous dit-il, et il est le père de son propre mens
660 . « Le diable est menteur, nous dit-il, et il est le père de son propre mensonge. » Par ici nous entrons au mystère du mal
661 nsonge. » Par ici nous entrons au mystère du mal. Le père de son mensonge est celui qui l’engendre, le conçoit par ses pro
662 ère du mal. Le père de son mensonge est celui qui l’ engendre, le conçoit par ses propres œuvres, en abusant d’une vérité q
663 Le père de son mensonge est celui qui l’engendre, le conçoit par ses propres œuvres, en abusant d’une vérité qu’il rejette
664 s au monde. Monstrueuse création du mensonge, car le mensonge, par essence, n’est pas ! C’est une espèce de décréation. C’
665 n’est pas ! C’est une espèce de décréation. C’est le trompe-l’œil et le sonne-creux de l’invention bâtarde et de l’art ina
666 ne espèce de décréation. C’est le trompe-l’œil et le sonne-creux de l’invention bâtarde et de l’art inauthentique. Le diab
667 ation. C’est le trompe-l’œil et le sonne-creux de l’ invention bâtarde et de l’art inauthentique. Le diable est le père du
668 il et le sonne-creux de l’invention bâtarde et de l’ art inauthentique. Le diable est le père du faux art, de toutes ces œu
669 de l’invention bâtarde et de l’art inauthentique. Le diable est le père du faux art, de toutes ces œuvres qui ne sont « ni
670 bâtarde et de l’art inauthentique. Le diable est le père du faux art, de toutes ces œuvres qui ne sont « ni bien ni mal »
671 œuvres qui ne sont « ni bien ni mal », parce que l’ acte dont elles naquirent supprime les mesures mêmes du beau. Il n’y a
672 », parce que l’acte dont elles naquirent supprime les mesures mêmes du beau. Il n’y a plus de fautes de goût possible là où
673 lus de goût comme il n’y a plus de crime possible la où n’existe plus de Loi. Peut-être ici découvrons-nous la raison dern
674 existe plus de Loi. Peut-être ici découvrons-nous la raison dernière du mensonge : c’est toujours le désir d’innocence uto
675 s la raison dernière du mensonge : c’est toujours le désir d’innocence utopique. Le mensonge ordinaire n’était que l’omiss
676 e : c’est toujours le désir d’innocence utopique. Le mensonge ordinaire n’était que l’omission ou la contradiction d’une v
677 cence utopique. Le mensonge ordinaire n’était que l’ omission ou la contradiction d’une vérité, qui subsistait ailleurs et
678 . Le mensonge ordinaire n’était que l’omission ou la contradiction d’une vérité, qui subsistait ailleurs et nous jugeait e
679 subsistait ailleurs et nous jugeait encore. Mais le mensonge diabolique tue le juge. Il ne part que de soi, et ne prolifè
680 s jugeait encore. Mais le mensonge diabolique tue le juge. Il ne part que de soi, et ne prolifère qu’en autarcie, comme un
681 e, comme une monade cancéreuse, introduisant dans l’ univers ce sophisme de pure angoisse : le mensonge d’aucune vérité.
682 ant dans l’univers ce sophisme de pure angoisse : le mensonge d’aucune vérité. j. Rougemont Denis de, « Les tours du di
683 onge d’aucune vérité. j. Rougemont Denis de, «  Les tours du diable II : Le menteur », La Vie protestante, Genève, 22 oct
684 . Rougemont Denis de, « Les tours du diable II : Le menteur », La Vie protestante, Genève, 22 octobre 1943, p. 2.
685 enis de, « Les tours du diable II : Le menteur », La Vie protestante, Genève, 22 octobre 1943, p. 2.
9 1943, La Vie protestante, articles (1938–1978). Les tours du diable III : diable et sexe (29 octobre 1943)
686 Les tours du diable III : diable et sexe (29 octobre 1943)k Le jeune l
687 diable III : diable et sexe (29 octobre 1943)k Le jeune lecteur — et peut-être aussi le moins jeune — se dira : Tiens,
688 e 1943)k Le jeune lecteur — et peut-être aussi le moins jeune — se dira : Tiens, voilà un sujet… Quel dommage ! Sa curi
689 n être déçue. Voyons. Tout le monde s’imagine que le péché par excellence réside dans la sexualité. L’illusion s’aperçoit
690 s’imagine que le péché par excellence réside dans la sexualité. L’illusion s’aperçoit d’une manière assez simple : la sexu
691 le péché par excellence réside dans la sexualité. L’ illusion s’aperçoit d’une manière assez simple : la sexualité est le d
692 ’illusion s’aperçoit d’une manière assez simple : la sexualité est le domaine des tentations à la fois les plus sensibles
693 oit d’une manière assez simple : la sexualité est le domaine des tentations à la fois les plus sensibles et les plus commu
694 sexualité est le domaine des tentations à la fois les plus sensibles et les plus communes. Assez peu d’hommes sont réelleme
695 ne des tentations à la fois les plus sensibles et les plus communes. Assez peu d’hommes sont réellement tentés de voler le
696 ssez peu d’hommes sont réellement tentés de voler le portefeuille du voisin, mais presque tout homme s’est vu tenter de pr
697 ais presque tout homme s’est vu tenter de prendre la femme du voisin, soit en recourant aux raisons pathétiques — « c’est
698 e persuadant que « ça n’a pas d’importance » ; ou les deux ensemble. En vérité, la sexualité en soi n’est pas plus diaboliq
699 d’importance » ; ou les deux ensemble. En vérité, la sexualité en soi n’est pas plus diabolique que la digestion ou la res
700 la sexualité en soi n’est pas plus diabolique que la digestion ou la respiration. Si la majorité des Occidentaux se figure
701 soi n’est pas plus diabolique que la digestion ou la respiration. Si la majorité des Occidentaux se figurent que le péché
702 diabolique que la digestion ou la respiration. Si la majorité des Occidentaux se figurent que le péché originel fut l’acte
703 n. Si la majorité des Occidentaux se figurent que le péché originel fut l’acte sexuel, dont la consommation de la pomme se
704 Occidentaux se figurent que le péché originel fut l’ acte sexuel, dont la consommation de la pomme serait le symbole, c’est
705 ent que le péché originel fut l’acte sexuel, dont la consommation de la pomme serait le symbole, c’est parce qu’ils assimi
706 iginel fut l’acte sexuel, dont la consommation de la pomme serait le symbole, c’est parce qu’ils assimilent le péché en gé
707 e sexuel, dont la consommation de la pomme serait le symbole, c’est parce qu’ils assimilent le péché en général à la tenta
708 serait le symbole, c’est parce qu’ils assimilent le péché en général à la tentation par excellence, qui se trouve être à
709 est parce qu’ils assimilent le péché en général à la tentation par excellence, qui se trouve être à leurs yeux la sexualit
710 n par excellence, qui se trouve être à leurs yeux la sexualité. C’est une vue bien bornée du péché ! Car même dans le cas
711 ’est une vue bien bornée du péché ! Car même dans le cas où le fruit mangé par Ève signifierait ce que l’on croit, notez q
712 ue bien bornée du péché ! Car même dans le cas où le fruit mangé par Ève signifierait ce que l’on croit, notez que ce n’es
713 cas où le fruit mangé par Ève signifierait ce que l’ on croit, notez que ce n’est pas le geste de manger une pomme qui étai
714 fierait ce que l’on croit, notez que ce n’est pas le geste de manger une pomme qui était mauvais aux yeux de l’Éternel, ni
715 de manger une pomme qui était mauvais aux yeux de l’ Éternel, ni la pomme en soi (au contraire), mais seulement la révolte
716 pomme qui était mauvais aux yeux de l’Éternel, ni la pomme en soi (au contraire), mais seulement la révolte d’Ève et son d
717 ni la pomme en soi (au contraire), mais seulement la révolte d’Ève et son désir de se diviniser à sa façon. Si la sexualit
718 d’Ève et son désir de se diviniser à sa façon. Si la sexualité pouvait rester pure, c’est-à-dire purement animale, comme l
719 rester pure, c’est-à-dire purement animale, comme les autres fonctions du corps, le diable ne s’y mêlerait pas. Mais en fai
720 ent animale, comme les autres fonctions du corps, le diable ne s’y mêlerait pas. Mais en fait elle se lie à l’amour, et à
721 e ne s’y mêlerait pas. Mais en fait elle se lie à l’ amour, et à l’esprit, et c’est par là qu’elle va se pervertir et deven
722 ait pas. Mais en fait elle se lie à l’amour, et à l’ esprit, et c’est par là qu’elle va se pervertir et devenir à son tour
723 ertir et devenir à son tour source de perversion. La paillardise joyeuse est certainement l’une des formes les moins diabo
724 lardise joyeuse est certainement l’une des formes les moins diaboliques du péché. Je n’en dirais pas autant de certaines am
725 seudo-mystiques, nœuds de sophismes spirituels où le serpent se love avec délices. La sexualité se distingue des autres fo
726 es spirituels où le serpent se love avec délices. La sexualité se distingue des autres fonctions naturelles par un certain
727 e manger et de respirer, et il est nécessaire que le sang circule, mais on peut vivre en restant chaste. L’usage du sexe e
728 ng circule, mais on peut vivre en restant chaste. L’ usage du sexe est donc en grande partie libre et conscient. D’autre pa
729 ie libre et conscient. D’autre part, il est lié à la créativité de l’homme, il en est l’aspect corporel, le symbole ou le
730 ient. D’autre part, il est lié à la créativité de l’ homme, il en est l’aspect corporel, le symbole ou le signe physique. O
731 il est lié à la créativité de l’homme, il en est l’ aspect corporel, le symbole ou le signe physique. Or nous savons que s
732 éativité de l’homme, il en est l’aspect corporel, le symbole ou le signe physique. Or nous savons que si l’homme peut péch
733 homme, il en est l’aspect corporel, le symbole ou le signe physique. Or nous savons que si l’homme peut pécher, c’est uniq
734 mbole ou le signe physique. Or nous savons que si l’ homme peut pécher, c’est uniquement parce qu’il est libre, c’est-à-dir
735 st-à-dire parce qu’il peut choisir de créer selon l’ ordre divin, ou au contraire selon ses propres utopies. C’est donc en
736 u’elle participe de notre libre créativité, comme le langage et les activités de l’esprit, que la sexualité donne prise au
737 pe de notre libre créativité, comme le langage et les activités de l’esprit, que la sexualité donne prise au diable. Et cer
738 créativité, comme le langage et les activités de l’ esprit, que la sexualité donne prise au diable. Et certes il ne s’y in
739 omme le langage et les activités de l’esprit, que la sexualité donne prise au diable. Et certes il ne s’y intrigue pas dav
740 s’y intrigue pas davantage que dans nos créations les plus abstraites. Il est même plus aisément reconnaissable, et dans ce
741 nnaissable, et dans cette mesure moins dangereux. La sexualité ne devient proprement démoniaque que lorsque l’esprit s’en
742 lité ne devient proprement démoniaque que lorsque l’ esprit s’en empare, la contamine, la dénature, ou lui rend un culte ob
743 ment démoniaque que lorsque l’esprit s’en empare, la contamine, la dénature, ou lui rend un culte obsédé. L’idéalisation r
744 e que lorsque l’esprit s’en empare, la contamine, la dénature, ou lui rend un culte obsédé. L’idéalisation romantique de l
745 tamine, la dénature, ou lui rend un culte obsédé. L’ idéalisation romantique de l’amour dans l’époque moderne, entraînant u
746 end un culte obsédé. L’idéalisation romantique de l’ amour dans l’époque moderne, entraînant une pruderie morbide du langag
747 obsédé. L’idéalisation romantique de l’amour dans l’ époque moderne, entraînant une pruderie morbide du langage et des bonn
748 t des bonnes mœurs, est certes pour beaucoup dans la crise sexuelle dont souffre toute la bourgeoisie. Au point qu’un Freu
749 eaucoup dans la crise sexuelle dont souffre toute la bourgeoisie. Au point qu’un Freud a cru pouvoir « tout expliquer » pa
750 qu’un Freud a cru pouvoir « tout expliquer » par les censures et refoulements de la morale en vigueur dans son milieu, et
751 t expliquer » par les censures et refoulements de la morale en vigueur dans son milieu, et de son temps. D’où l’on devrait
752 en vigueur dans son milieu, et de son temps. D’où l’ on devrait déduire que le meilleur moyen de prévenir les états de poss
753 u, et de son temps. D’où l’on devrait déduire que le meilleur moyen de prévenir les états de possession satanique et les n
754 devrait déduire que le meilleur moyen de prévenir les états de possession satanique et les névroses nées de troubles sexuel
755 de prévenir les états de possession satanique et les névroses nées de troubles sexuels, serait simplement la franchise, no
756 roses nées de troubles sexuels, serait simplement la franchise, non pas « scientifique » mais gaillarde. Mais aussitôt le
757 as « scientifique » mais gaillarde. Mais aussitôt le Malin se rattrape en proposant une licence absolue. Or, l’absence de
758 se rattrape en proposant une licence absolue. Or, l’ absence de contraintes choisies rend la sexualité insignifiante, et dé
759 solue. Or, l’absence de contraintes choisies rend la sexualité insignifiante, et déprime secrètement l’humanité de l’homme
760 a sexualité insignifiante, et déprime secrètement l’ humanité de l’homme. Le sexe n’est pas plus divin qu’il n’est honteux,
761 signifiante, et déprime secrètement l’humanité de l’ homme. Le sexe n’est pas plus divin qu’il n’est honteux, mais il est l
762 te, et déprime secrètement l’humanité de l’homme. Le sexe n’est pas plus divin qu’il n’est honteux, mais il est lié intime
763 honteux, mais il est lié intimement aux fonctions les plus humaines de l’homme, à ses pouvoirs de création dans tous les or
764 lié intimement aux fonctions les plus humaines de l’ homme, à ses pouvoirs de création dans tous les ordres, à ses jugement
765 de l’homme, à ses pouvoirs de création dans tous les ordres, à ses jugements esthétiques ou moraux, à tout ce qui qualifie
766 nts esthétiques ou moraux, à tout ce qui qualifie l’ individu et lui permet de se posséder en tant que personne responsable
767 de se posséder en tant que personne responsable. L’ indifférence croissante que l’on observe, dans la jeunesse américaine
768 rsonne responsable. L’indifférence croissante que l’ on observe, dans la jeunesse américaine par exemple, à l’égard des pud
769 L’indifférence croissante que l’on observe, dans la jeunesse américaine par exemple, à l’égard des pudeurs et interdits q
770 l’égard des pudeurs et interdits qui prêtaient à l’ acte sexuel la gravité d’un engagement, cette espèce d’insouciance mor
771 udeurs et interdits qui prêtaient à l’acte sexuel la gravité d’un engagement, cette espèce d’insouciance morale se traduit
772 e libération que par une flagrante indigence dans les rapports fondamentaux. En présence de cet affadissement, l’on serait
773 s fondamentaux. En présence de cet affadissement, l’ on serait tenté de regretter le temps où Satan proposait des combats p
774 cet affadissement, l’on serait tenté de regretter le temps où Satan proposait des combats plus féconds… k. Rougemont De
775 combats plus féconds… k. Rougemont Denis de, «  Les tours du diable III : diable et sexe », La Vie protestante, Genève, 2
776 de, « Les tours du diable III : diable et sexe », La Vie protestante, Genève, 29 octobre 1943, p. 2.
10 1943, La Vie protestante, articles (1938–1978). Les tours du diable IV : L’accusateur (5 novembre 1943)
777 Les tours du diable IV : L’accusateur (5 novembre 1943)l Il n’est peut
778 Les tours du diable IV : L’ accusateur (5 novembre 1943)l Il n’est peut-être au monde qu’une se
779 c’est de douter du pardon, une fois qu’on a trahi le bien et le réel. Car douter du pardon nous replonge dans le mal, avec
780 uter du pardon, une fois qu’on a trahi le bien et le réel. Car douter du pardon nous replonge dans le mal, avec la sombre
781 le réel. Car douter du pardon nous replonge dans le mal, avec la sombre jouissance masochiste des « après moi le déluge »
782 douter du pardon nous replonge dans le mal, avec la sombre jouissance masochiste des « après moi le déluge » et des « tan
783 c la sombre jouissance masochiste des « après moi le déluge » et des « tant pis pour moi ». Il faut croire au pardon pour
784 i ». Il faut croire au pardon pour oser confesser le mal qu’on a commis ; pour oser qualifier de faute sa propre faute ; e
785 ute sa propre faute ; et pour que puisse renaître la confiance qui donnera seule le courage de rebâtir. Celui qui doute du
786 ue puisse renaître la confiance qui donnera seule le courage de rebâtir. Celui qui doute du pardon ne peut pas confesser s
787 ne peut pas confesser son crime, et celui qui ne le confesse pas n’en connaîtra jamais toute l’étendue. Le diable est cet
788 ui ne le confesse pas n’en connaîtra jamais toute l’ étendue. Le diable est cet Accusateur qui veut nous faire douter de no
789 nfesse pas n’en connaîtra jamais toute l’étendue. Le diable est cet Accusateur qui veut nous faire douter de notre pardon
790 uter de notre pardon pour nous forcer à fuir dans les remèdes du pire. L’Apocalypse le désigne comme « l’Accusateur de nos
791 pour nous forcer à fuir dans les remèdes du pire. L’ Apocalypse le désigne comme « l’Accusateur de nos frères, celui qui le
792 cer à fuir dans les remèdes du pire. L’Apocalypse le désigne comme « l’Accusateur de nos frères, celui qui les accuse deva
793 remèdes du pire. L’Apocalypse le désigne comme «  l’ Accusateur de nos frères, celui qui les accuse devant Dieu jour et nui
794 gne comme « l’Accusateur de nos frères, celui qui les accuse devant Dieu jour et nuit ». C’est lui qui demandait la tête de
795 vant Dieu jour et nuit ». C’est lui qui demandait la tête de Job devant le tribunal céleste. Non content de nous prendre à
796  ». C’est lui qui demandait la tête de Job devant le tribunal céleste. Non content de nous prendre à ses pièges, sitôt qu’
797 il est le premier à nous dénoncer devant Dieu de la manière la plus impitoyable. Non par amour de la justice, mais par am
798 premier à nous dénoncer devant Dieu de la manière la plus impitoyable. Non par amour de la justice, mais par amour de notr
799 la manière la plus impitoyable. Non par amour de la justice, mais par amour de notre châtiment, par haine froide. Pour le
800 amour de notre châtiment, par haine froide. Pour le stérile plaisir d’avoir raison. Aussi, partout où l’on condamne sans
801 stérile plaisir d’avoir raison. Aussi, partout où l’ on condamne sans pitié son prochain ou soi-même, soyez sûrs que c’est
802 ié son prochain ou soi-même, soyez sûrs que c’est le diable qui parle, l’Accusateur qui tient le pardon pour une simple fa
803 i-même, soyez sûrs que c’est le diable qui parle, l’ Accusateur qui tient le pardon pour une simple faute de logique, la gr
804 c’est le diable qui parle, l’Accusateur qui tient le pardon pour une simple faute de logique, la grâce pour une erreur de
805 tient le pardon pour une simple faute de logique, la grâce pour une erreur de calcul statistique. La duplicité infernale,
806 , la grâce pour une erreur de calcul statistique. La duplicité infernale, c’est de nous faire croire qu’il n’y a pas de ju
807 e, ni d’ordre divin du réel, et aussitôt que nous l’ avons cru, de nous accuser de contravention devant le Juge. Ainsi la m
808 vons cru, de nous accuser de contravention devant le Juge. Ainsi la morale laïque, morale du devoir kantien et des routine
809 us accuser de contravention devant le Juge. Ainsi la morale laïque, morale du devoir kantien et des routines bourgeoises,
810 oir kantien et des routines bourgeoises, excluant le Dieu personnel, nous accuse et nous prive en même temps de tout recou
811 Elle ne laisse aux meilleures de ses victimes que l’ héroïsme autosadique de la révolte. l. Rougemont Denis de, « Les to
812 res de ses victimes que l’héroïsme autosadique de la révolte. l. Rougemont Denis de, « Les tours du diable IV : L’accus
813 adique de la révolte. l. Rougemont Denis de, «  Les tours du diable IV : L’accusateur », La Vie protestante, Genève, 5 no
814 . Rougemont Denis de, « Les tours du diable IV : L’ accusateur », La Vie protestante, Genève, 5 novembre 1943, p. 2.
815 is de, « Les tours du diable IV : L’accusateur », La Vie protestante, Genève, 5 novembre 1943, p. 2.
11 1943, La Vie protestante, articles (1938–1978). Les tours du diable V : Le tentateur (12 novembre 1943)
816 Les tours du diable V : Le tentateur (12 novembre 1943)m « Le serpent
817 Les tours du diable V : Le tentateur (12 novembre 1943)m « Le serpent était le plus rusé de
818 diable V : Le tentateur (12 novembre 1943)m «  Le serpent était le plus rusé de tous les animaux des champs que l’Étern
819 tateur (12 novembre 1943)m « Le serpent était le plus rusé de tous les animaux des champs que l’Éternel Dieu avait fai
820 943)m « Le serpent était le plus rusé de tous les animaux des champs que l’Éternel Dieu avait faits. Il dit à la femme 
821 t le plus rusé de tous les animaux des champs que l’ Éternel Dieu avait faits. Il dit à la femme : Dieu a-t-il réellement d
822 s champs que l’Éternel Dieu avait faits. Il dit à la femme : Dieu a-t-il réellement dit : vous ne mangerez pas de tous les
823 -il réellement dit : vous ne mangerez pas de tous les arbres du jardin ? La femme répondit au serpent : nous mangeons du fr
824 us ne mangerez pas de tous les arbres du jardin ? La femme répondit au serpent : nous mangeons du fruit des arbres du jard
825 ruit des arbres du jardin. Mais quant au fruit de l’ arbre qui est au milieu du jardin, Dieu a dit : vous n’en mangerez poi
826 herez point, de peur que vous n’en mouriez. Alors le serpent dit à la femme : vous ne mourrez point. Mais Dieu sait que le
827 eur que vous n’en mouriez. Alors le serpent dit à la femme : vous ne mourrez point. Mais Dieu sait que le jour où vous en
828 femme : vous ne mourrez point. Mais Dieu sait que le jour où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront, et que vous serez com
829 t, et que vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal. » (Gen. 3:1 à 5) Voyez : avant la tentation propremen
830 ous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal. » (Gen. 3:1 à 5) Voyez : avant la tentation proprement dite, il
831 le bien et le mal. » (Gen. 3:1 à 5) Voyez : avant la tentation proprement dite, il y a le doute ! Le premier procédé du dé
832 oyez : avant la tentation proprement dite, il y a le doute ! Le premier procédé du démon, c’est de jeter un doute sur la r
833 ier procédé du démon, c’est de jeter un doute sur la réalité de la loi divine, et donc sur la réalité elle-même et ses str
834 démon, c’est de jeter un doute sur la réalité de la loi divine, et donc sur la réalité elle-même et ses structures. « Die
835 oute sur la réalité de la loi divine, et donc sur la réalité elle-même et ses structures. « Dieu a-t-il réellement dit ?… 
836 ue cette incertitude est insinuée dans un esprit, la possibilité d’une tentation s’entrouvre. Car il n’y a pas de tentatio
837 ne possibilité d’imaginer quelque autre chose que l’ état de fait. On dit bien : l’occasion fait le larron. Vous n’êtes pas
838 que autre chose que l’état de fait. On dit bien : l’ occasion fait le larron. Vous n’êtes pas tenté d’aller dans la lune, p
839 que l’état de fait. On dit bien : l’occasion fait le larron. Vous n’êtes pas tenté d’aller dans la lune, parce que vous sa
840 ait le larron. Vous n’êtes pas tenté d’aller dans la lune, parce que vous savez que c’est absolument impossible. Mais vous
841 Mais vous seriez probablement tenté d’y aller, si l’ on vous suggérait quelque moyen de le faire. Ève ne pensait même pas à
842 ’y aller, si l’on vous suggérait quelque moyen de le faire. Ève ne pensait même pas à manger cette pomme avant que le serp
843 e pensait même pas à manger cette pomme avant que le serpent n’ait mis en doute la réalité de l’ordonnance de Dieu. À l’or
844 tte pomme avant que le serpent n’ait mis en doute la réalité de l’ordonnance de Dieu. À l’origine de toute tentation, il y
845 t que le serpent n’ait mis en doute la réalité de l’ ordonnance de Dieu. À l’origine de toute tentation, il y a l’occasion
846 is en doute la réalité de l’ordonnance de Dieu. À l’ origine de toute tentation, il y a l’occasion entrevue d’aller à la di
847 e de Dieu. À l’origine de toute tentation, il y a l’ occasion entrevue d’aller à la divinité par un plus court chemin que c
848 e tentation, il y a l’occasion entrevue d’aller à la divinité par un plus court chemin que celui du réel ; par un chemin q
849 ourt chemin que celui du réel ; par un chemin que l’ on inventerait soi-même, en dépit des interdictions que posent les loi
850 t soi-même, en dépit des interdictions que posent les lois de la Création, l’ordre divin et la nature de l’homme. Et voici
851 en dépit des interdictions que posent les lois de la Création, l’ordre divin et la nature de l’homme. Et voici le deuxième
852 interdictions que posent les lois de la Création, l’ ordre divin et la nature de l’homme. Et voici le deuxième temps de la
853 posent les lois de la Création, l’ordre divin et la nature de l’homme. Et voici le deuxième temps de la tentation : « La
854 ois de la Création, l’ordre divin et la nature de l’ homme. Et voici le deuxième temps de la tentation : « La femme vit qu
855 nature de l’homme. Et voici le deuxième temps de la tentation : « La femme vit que l’arbre était bon à manger et agréabl
856 . Et voici le deuxième temps de la tentation : «  La femme vit que l’arbre était bon à manger et agréable à la vue, et qu’
857 xième temps de la tentation : « La femme vit que l’ arbre était bon à manger et agréable à la vue, et qu’il était précieux
858 vit que l’arbre était bon à manger et agréable à la vue, et qu’il était précieux pour ouvrir l’intelligence : elle prit d
859 ble à la vue, et qu’il était précieux pour ouvrir l’ intelligence : elle prit de son fruit et en mangea. » (Gen. 3:6) Voyez
860 t et en mangea. » (Gen. 3:6) Voyez : ce n’est pas le mal en soi qui tente, mais c’est toujours un bien qu’on imagine, et m
861 illeur bien que celui que Dieu offre, un bien que l’ on se figure « mieux fait pour soi ». Ève ne fut pas tentée par une ch
862 ais par une fort belle et bonne pomme, agréable à la vue et précieuse pour l’esprit. Elle ne fut pas tentée par le désir d
863 bonne pomme, agréable à la vue et précieuse pour l’ esprit. Elle ne fut pas tentée par le désir de nuire, mais l’idée de s
864 écieuse pour l’esprit. Elle ne fut pas tentée par le désir de nuire, mais l’idée de se diviniser, ce qui paraît en somme u
865 lle ne fut pas tentée par le désir de nuire, mais l’ idée de se diviniser, ce qui paraît en somme une excellente idée. Par
866 fondamentale, Dieu n’aimait pas cette idée-là et l’ excluait de sa réalité. Manger cette pomme et se diviniser de cette ma
867 rouvait qu’aux yeux de Dieu c’était un mal… Ainsi la tentation est toujours utopie — si l’utopie est l’imagination, puis l
868 mal… Ainsi la tentation est toujours utopie — si l’ utopie est l’imagination, puis le désir d’un bien que le réel condamne
869 a tentation est toujours utopie — si l’utopie est l’ imagination, puis le désir d’un bien que le réel condamne et que le pl
870 ours utopie — si l’utopie est l’imagination, puis le désir d’un bien que le réel condamne et que le plan divin ne prévoit
871 ie est l’imagination, puis le désir d’un bien que le réel condamne et que le plan divin ne prévoit pas. Satan, lorsqu’il t
872 is le désir d’un bien que le réel condamne et que le plan divin ne prévoit pas. Satan, lorsqu’il tente le Christ, lui prop
873 plan divin ne prévoit pas. Satan, lorsqu’il tente le Christ, lui propose trois utopies, trois moyens de gagner le monde pa
874 lui propose trois utopies, trois moyens de gagner le monde par un plus court chemin que le sentier de Golgotha. À l’origin
875 s de gagner le monde par un plus court chemin que le sentier de Golgotha. À l’origine, le « méchant » n’est pas celui qui
876 n plus court chemin que le sentier de Golgotha. À l’ origine, le « méchant » n’est pas celui qui agit par méchanceté (à ses
877 t chemin que le sentier de Golgotha. À l’origine, le « méchant » n’est pas celui qui agit par méchanceté (à ses propres ye
878 t au moins). Mais c’est celui qui se persuade que le bien qu’il a conçu vaut mieux que le vrai bien. « Le méchant fait une
879 persuade que le bien qu’il a conçu vaut mieux que le vrai bien. « Le méchant fait une œuvre qui le trompe. » Or, c’est par
880 bien qu’il a conçu vaut mieux que le vrai bien. «  Le méchant fait une œuvre qui le trompe. » Or, c’est parce qu’il se trom
881 que le vrai bien. « Le méchant fait une œuvre qui le trompe. » Or, c’est parce qu’il se trompe d’abord que son œuvre va le
882 st parce qu’il se trompe d’abord que son œuvre va le tromper. La réalité méprisée se vengera automatiquement. Le péché est
883 il se trompe d’abord que son œuvre va le tromper. La réalité méprisée se vengera automatiquement. Le péché est une faute,
884 . La réalité méprisée se vengera automatiquement. Le péché est une faute, mais faute signifie tout à la fois erreur et chu
885 ’est après plusieurs générations de pécheurs dans l’ histoire, ou de péchés dans une vie, que le mal finira par exister en
886 s dans l’histoire, ou de péchés dans une vie, que le mal finira par exister en soi, apparence encore, mais active, contre
887 est à ce moment-là que Baudelaire peut écrire : «  L’ homme et la femme savent de naissance que dans le mal se trouve la vol
888 ment-là que Baudelaire peut écrire : « L’homme et la femme savent de naissance que dans le mal se trouve la volupté… La vo
889  L’homme et la femme savent de naissance que dans le mal se trouve la volupté… La volupté unique et suprême gît dans la ce
890 mme savent de naissance que dans le mal se trouve la volupté… La volupté unique et suprême gît dans la certitude de faire
891 e naissance que dans le mal se trouve la volupté… La volupté unique et suprême gît dans la certitude de faire le mal. » Ma
892 la volupté… La volupté unique et suprême gît dans la certitude de faire le mal. » Mais ici se sont déclenchés les mécanism
893 unique et suprême gît dans la certitude de faire le mal. » Mais ici se sont déclenchés les mécanismes compliqués de la pe
894 de de faire le mal. » Mais ici se sont déclenchés les mécanismes compliqués de la perversion, de l’autopunition d’une consc
895 i se sont déclenchés les mécanismes compliqués de la perversion, de l’autopunition d’une conscience déchirée, et du désir
896 és les mécanismes compliqués de la perversion, de l’ autopunition d’une conscience déchirée, et du désir enfin de se détrui
897 à sa manière encore, aux conséquences du mal que l’ on a fait ; pour se châtier soi-même sans réparer. C’est le mystère du
898 it ; pour se châtier soi-même sans réparer. C’est le mystère du suicide et la logique de Judas, la suprême utopie. m. R
899 même sans réparer. C’est le mystère du suicide et la logique de Judas, la suprême utopie. m. Rougemont Denis de, « Les
900 est le mystère du suicide et la logique de Judas, la suprême utopie. m. Rougemont Denis de, « Les tours du diable V : L
901 s, la suprême utopie. m. Rougemont Denis de, «  Les tours du diable V : Le tentateur », La Vie protestante, Genève, 12 no
902 m. Rougemont Denis de, « Les tours du diable V : Le tentateur », La Vie protestante, Genève, 12 novembre 1943, p. 2.
903 nis de, « Les tours du diable V : Le tentateur », La Vie protestante, Genève, 12 novembre 1943, p. 2.
12 1943, La Vie protestante, articles (1938–1978). Les tours du diable VI : Le mal du siècle : la dépersonnalisation (19 novembre 1943)
904 Les tours du diable VI : Le mal du siècle : la dépersonnalisation (19 nov
905 Les tours du diable VI : Le mal du siècle : la dépersonnalisation (19 novembre 1943)n Le phila
906 Les tours du diable VI : Le mal du siècle : la dépersonnalisation (19 novembre 1943)n Le philanthrope ou le monda
907 le : la dépersonnalisation (19 novembre 1943)n Le philanthrope ou le mondain, l’artiste, l’auteur, et l’homme qui réuss
908 isation (19 novembre 1943)n Le philanthrope ou le mondain, l’artiste, l’auteur, et l’homme qui réussit, cette galerie d
909 novembre 1943)n Le philanthrope ou le mondain, l’ artiste, l’auteur, et l’homme qui réussit, cette galerie de victimes e
910 43)n Le philanthrope ou le mondain, l’artiste, l’ auteur, et l’homme qui réussit, cette galerie de victimes est classiqu
911 ilanthrope ou le mondain, l’artiste, l’auteur, et l’ homme qui réussit, cette galerie de victimes est classique au point d’
912 paraît se soucier de moins en moins de persuader l’ individu, dans une époque où celui-ci n’existe guère. Son ambition se
913 ui-ci n’existe guère. Son ambition se tourne vers les masses. Ici nous abordons enfin la grande stratégie du diable dans ce
914 e tourne vers les masses. Ici nous abordons enfin la grande stratégie du diable dans ce siècle. La meilleure interprétatio
915 fin la grande stratégie du diable dans ce siècle. La meilleure interprétation des phénomènes collectifs d’aujourd’hui fut
916 collectifs d’aujourd’hui fut donnée vers 1848 par l’ écrivain danois Kierkegaard, le penseur capital de notre ère. Voici ce
917 nnée vers 1848 par l’écrivain danois Kierkegaard, le penseur capital de notre ère. Voici ce que l’on peut lire dans son jo
918 rd, le penseur capital de notre ère. Voici ce que l’ on peut lire dans son journal intime : En opposition aux distinctions
919 Moyen Âge et des époques qui discutaient sans fin les cas de possession, c’est-à-dire d’individus particuliers se livrant a
920 e livrant au mal, je voudrais écrire un livre sur la possession diabolique dans les temps modernes, et montrer comment l’h
921 écrire un livre sur la possession diabolique dans les temps modernes, et montrer comment l’humanité qui se donne au diable,
922 lique dans les temps modernes, et montrer comment l’ humanité qui se donne au diable, de nos jours, le fait en masse. C’est
923 l’humanité qui se donne au diable, de nos jours, le fait en masse. C’est pour cela que les gens se rassemblent en troupea
924 nos jours, le fait en masse. C’est pour cela que les gens se rassemblent en troupeaux, pour que l’hystérie naturelle et an
925 ue les gens se rassemblent en troupeaux, pour que l’ hystérie naturelle et animale s’empare d’eux, pour qu’ils se sentent s
926 sentent stimulés, enflammés et hors d’eux-mêmes. Les scènes du Blocksberg sont le pendant exact de ces plaisirs démoniaque
927 t hors d’eux-mêmes. Les scènes du Blocksberg sont le pendant exact de ces plaisirs démoniaques, qui consistent à se perdre
928 elle, ayant perdu son moi, on ne sait plus ce que l’ on est en train de faire ou de dire, on ne sait plus ce qui parle à tr
929 sait plus ce qui parle à travers vous, tandis que le sang court plus vite, que les yeux brillent et deviennent fixes, et q
930 ers vous, tandis que le sang court plus vite, que les yeux brillent et deviennent fixes, et que les passions bouillonnent.
931 que les yeux brillent et deviennent fixes, et que les passions bouillonnent. À quoi pouvait penser Kierkegaard lorsque, dan
932 roubles révolutionnaires qui marquaient en Europe l’ irruption du libéralisme, du capitalisme et du nationalisme. Lui seul
933 capitalisme et du nationalisme. Lui seul avait vu le diable à l’œuvre dans ces œuvres — les nôtres à nous, nations démocra
934 et du nationalisme. Lui seul avait vu le diable à l’ œuvre dans ces œuvres — les nôtres à nous, nations démocratiques. Kier
935 aard a compris mieux que quiconque et avant tous, le principe diabolique créateur de la masse : fuir sa propre personne, n
936 et avant tous, le principe diabolique créateur de la masse : fuir sa propre personne, n’être plus responsable, donc plus c
937 coupable, et devenir du même coup participant de la puissance divinisée de l’Anonyme. Or l’Anonyme a bien des chances d’ê
938 ême coup participant de la puissance divinisée de l’ Anonyme. Or l’Anonyme a bien des chances d’être celui qui aime à dire 
939 cipant de la puissance divinisée de l’Anonyme. Or l’ Anonyme a bien des chances d’être celui qui aime à dire : Je ne suis P
940 être celui qui aime à dire : Je ne suis Personne… La foule, c’est le lieu de rendez-vous des hommes qui se fuient, eux et
941 ime à dire : Je ne suis Personne… La foule, c’est le lieu de rendez-vous des hommes qui se fuient, eux et leur vocation. E
942 e n’est personne et tire de là son assurance dans le crime. « Il ne s’est pas trouvé un seul soldat pour porter la main su
943 Il ne s’est pas trouvé un seul soldat pour porter la main sur Caius Marius, telle est la vérité. Mais trois ou quatre femm
944 t pour porter la main sur Caius Marius, telle est la vérité. Mais trois ou quatre femmes, dans l’illusion d’être une foule
945 est la vérité. Mais trois ou quatre femmes, dans l’ illusion d’être une foule, et que personne peut-être ne saurait dire q
946 le, et que personne peut-être ne saurait dire qui l’ avait fait ou qui avait commencé, celles-là l’auraient eu ce courage !
947 qui l’avait fait ou qui avait commencé, celles-là l’ auraient eu ce courage ! Ô mensonge !… Car une foule est une abstracti
948 n’a pas de mains, mais chaque homme isolé a, dans la règle, deux mains, et lorsqu’il porte ces deux mains sur Marius, ce s
949 ses mains, non celles du voisin, et non celles de la foule qui n’a pas de mains » (Kierkegaard). Reconnaissons ici la viei
950 a pas de mains » (Kierkegaard). Reconnaissons ici la vieille tactique, la sempiternelle tactique de Satan. Dès la première
951 rkegaard). Reconnaissons ici la vieille tactique, la sempiternelle tactique de Satan. Dès la première tentation en Eden, i
952 cours au même et unique artifice : faire croire à l’ homme qu’il n’est pas responsable, qu’il n’y a pas de Juge, que la Loi
953 est pas responsable, qu’il n’y a pas de Juge, que la Loi est douteuse, qu’on ne saura pas, et que d’ailleurs, une fois le
954 , qu’on ne saura pas, et que d’ailleurs, une fois le coup réussi, on sera Dieu soi-même, donc maître de fixer le bien et l
955 ussi, on sera Dieu soi-même, donc maître de fixer le bien et le mal à sa guise. « Alors ils entendirent la voix de l’Éter
956 ra Dieu soi-même, donc maître de fixer le bien et le mal à sa guise. « Alors ils entendirent la voix de l’Éternel Dieu, q
957 en et le mal à sa guise. « Alors ils entendirent la voix de l’Éternel Dieu, qui parcourait le jardin vers le soir, et l’h
958 l à sa guise. « Alors ils entendirent la voix de l’ Éternel Dieu, qui parcourait le jardin vers le soir, et l’homme et sa
959 ndirent la voix de l’Éternel Dieu, qui parcourait le jardin vers le soir, et l’homme et sa femme se cachèrent loin de la f
960 de l’Éternel Dieu, qui parcourait le jardin vers le soir, et l’homme et sa femme se cachèrent loin de la face de l’Éterne
961 l Dieu, qui parcourait le jardin vers le soir, et l’ homme et sa femme se cachèrent loin de la face de l’Éternel Dieu, au m
962 soir, et l’homme et sa femme se cachèrent loin de la face de l’Éternel Dieu, au milieu des arbres du jardin. Mais l’Éterne
963 homme et sa femme se cachèrent loin de la face de l’ Éternel Dieu, au milieu des arbres du jardin. Mais l’Éternel Dieu appe
964 ternel Dieu, au milieu des arbres du jardin. Mais l’ Éternel Dieu appela l’homme et lui dit : Où es-tu ? Il répondit : J’ai
965 des arbres du jardin. Mais l’Éternel Dieu appela l’ homme et lui dit : Où es-tu ? Il répondit : J’ai entendu ta voix dans
966 ù es-tu ? Il répondit : J’ai entendu ta voix dans le jardin, et j’ai eu peur, parce que je suis nu, et je me suis caché. E
967 ur, parce que je suis nu, et je me suis caché. Et l’ Éternel Dieu dit : Qui t’a appris que tu es nu ? Est-ce que tu as mang
968 a appris que tu es nu ? Est-ce que tu as mangé de l’ arbre dont je t’avais défendu de manger ? L’homme répondit : La femme
969 gé de l’arbre dont je t’avais défendu de manger ? L’ homme répondit : La femme que tu as mise auprès de moi m’a donné de l’
970 je t’avais défendu de manger ? L’homme répondit : La femme que tu as mise auprès de moi m’a donné de l’arbre, et j’en ai m
971 a femme que tu as mise auprès de moi m’a donné de l’ arbre, et j’en ai mangé. Et l’Éternel Dieu dit à la femme : Pourquoi a
972 de moi m’a donné de l’arbre, et j’en ai mangé. Et l’ Éternel Dieu dit à la femme : Pourquoi as-tu fait cela ? La femme répo
973 ’arbre, et j’en ai mangé. Et l’Éternel Dieu dit à la femme : Pourquoi as-tu fait cela ? La femme répondit : Le serpent m’a
974 Dieu dit à la femme : Pourquoi as-tu fait cela ? La femme répondit : Le serpent m’a séduite, et j’en ai mangé. » (Gen. 3:
975  : Pourquoi as-tu fait cela ? La femme répondit : Le serpent m’a séduite, et j’en ai mangé. » (Gen. 3:8-13) Voyez : ils vo
976 ls vont se cacher, ils n’y sont plus. Et quand on les attrape, ils disent que c’était l’autre. Ainsi les hommes de notre te
977 es attrape, ils disent que c’était l’autre. Ainsi les hommes de notre temps, poussés par leurs « complexes de culpabilité »
978 urs « complexes de culpabilité » et fuyant devant l’ aveu de leurs fautes, vont se cacher dans les arbres, dans la foule. C
979 evant l’aveu de leurs fautes, vont se cacher dans les arbres, dans la foule. C’est-à-dire dans le lieu par excellence où l’
980 eurs fautes, vont se cacher dans les arbres, dans la foule. C’est-à-dire dans le lieu par excellence où l’on peut toujours
981 dans les arbres, dans la foule. C’est-à-dire dans le lieu par excellence où l’on peut toujours dire : c’était l’autre ! Et
982 oule. C’est-à-dire dans le lieu par excellence où l’ on peut toujours dire : c’était l’autre ! Et dans le lieu où l’on est,
983 on peut toujours dire : c’était l’autre ! Et dans le lieu où l’on est, à coup sûr, le plus « loin de la face de l’Éternel 
984 jours dire : c’était l’autre ! Et dans le lieu où l’ on est, à coup sûr, le plus « loin de la face de l’Éternel ». Pour qu’
985 ’autre ! Et dans le lieu où l’on est, à coup sûr, le plus « loin de la face de l’Éternel ». Pour qu’il n’y ait plus de res
986 e lieu où l’on est, à coup sûr, le plus « loin de la face de l’Éternel ». Pour qu’il n’y ait plus de responsabilité, il fa
987 ’on est, à coup sûr, le plus « loin de la face de l’ Éternel ». Pour qu’il n’y ait plus de responsabilité, il faut qu’il n’
988 ’y a pas de réponse, je dis qu’il n’y a personne. La personne est en nous ce qui répond de nos actes, ce qui est « capable
989 suffit qu’il y ait une masse. Satan va donc créer les masses. Nous tenons ici le secret de sa grande stratégie : produire l
990 . Satan va donc créer les masses. Nous tenons ici le secret de sa grande stratégie : produire le péché en série et rationa
991 s ici le secret de sa grande stratégie : produire le péché en série et rationaliser la chasse aux âmes. Il faut avouer que
992 égie : produire le péché en série et rationaliser la chasse aux âmes. Il faut avouer que presque toutes nos inventions tec
993 tions techniques, la plupart de nos idéaux, enfin l’ évolution générale du temps, favorisent ce plan de mille manières. Tou
994 nt ce plan de mille manières. Tout concourt, dans le cadre de nos vies, à nous priver du sentiment d’être une personne res
995 rticulier et à nos aptitudes normales. Au cinéma, l’ individu moderne s’habitue à courir par délégation les aventures qui n
996 ndividu moderne s’habitue à courir par délégation les aventures qui ne lui arrivent pas. La radio, la presse, les meetings
997 délégation les aventures qui ne lui arrivent pas. La radio, la presse, les meetings monstres, l’invitent à prendre une par
998 les aventures qui ne lui arrivent pas. La radio, la presse, les meetings monstres, l’invitent à prendre une part sensible
999 res qui ne lui arrivent pas. La radio, la presse, les meetings monstres, l’invitent à prendre une part sensible — en imagin
1000 pas. La radio, la presse, les meetings monstres, l’ invitent à prendre une part sensible — en imagination — aux grands évé
1001 imagination — aux grands événements qui opposent les Nations, ces abstractions personnifiées ; et les Révolutions incarnée
1002 les Nations, ces abstractions personnifiées ; et les Révolutions incarnées par leurs chefs. Tout cela contribue à l’arrach
1003 incarnées par leurs chefs. Tout cela contribue à l’ arracher de sa vie propre, où il ne se passerait jamais rien de sembla
1004 s rien de semblable. Quant aux inconvénients et à l’ ennui de cette vie propre, autrefois jugés normaux, ils apparaissent d
1005 s en plus inacceptables à mesure que se répandent les notions de progrès indéfini, de confort à tout prix, de succès rapide
1006 prix, de succès rapide, et à mesure que s’efface la croyance dans un au-delà. D’une part l’individu moderne est incité à
1007 s’efface la croyance dans un au-delà. D’une part l’ individu moderne est incité à juger sa vie mesquine, et à la fuir ; d’
1008 moderne est incité à juger sa vie mesquine, et à la fuir ; d’autre part il est aspiré par les grandes émotions collective
1009 ne, et à la fuir ; d’autre part il est aspiré par les grandes émotions collectives. Cette répulsion et cette attraction jou
1010 . Cette répulsion et cette attraction jouent dans le même sens. Elles poussent l’homme à rechercher les occasions d’être d
1011 traction jouent dans le même sens. Elles poussent l’ homme à rechercher les occasions d’être dépossédé de soi. Elles font d
1012 le même sens. Elles poussent l’homme à rechercher les occasions d’être dépossédé de soi. Elles font de chacun de nous un su
1013 lles font de chacun de nous un sujet prédisposé à l’ hypnose collective, une victime virtuelle des passions de masse. Certe
1014 s, au sens précis de concentration d’hommes, sans la radio, les haut-parleurs, la presse et les transports rapides. Mais c
1015 précis de concentration d’hommes, sans la radio, les haut-parleurs, la presse et les transports rapides. Mais ces moyens t
1016 ation d’hommes, sans la radio, les haut-parleurs, la presse et les transports rapides. Mais ces moyens techniques n’ont pa
1017 s, sans la radio, les haut-parleurs, la presse et les transports rapides. Mais ces moyens techniques n’ont pas tout fait :
1018 Mais ces moyens techniques n’ont pas tout fait : l’ homme les a faits d’abord, et ce n’est point par hasard qu’il a fait c
1019 s moyens techniques n’ont pas tout fait : l’homme les a faits d’abord, et ce n’est point par hasard qu’il a fait ceux-là et
1020 par hasard qu’il a fait ceux-là et non d’autres. Les véritables causes et racines du phénomène moderne des masses sont dan
1021 des masses sont dans notre attitude spirituelle. La foule n’est pas dans la rue seulement. Elle est dans la pensée des ho
1022 tre attitude spirituelle. La foule n’est pas dans la rue seulement. Elle est dans la pensée des hommes de ce temps, elle a
1023 le n’est pas dans la rue seulement. Elle est dans la pensée des hommes de ce temps, elle a ses sources au plus intime des
1024 s individuelles. Et c’est là seulement qu’on peut la dénoncer. n. Rougemont Denis de, « Les tours du diable VI : Le mal
1025 ’on peut la dénoncer. n. Rougemont Denis de, «  Les tours du diable VI : Le mal du siècle : la dépersonnalisation », La V
1026 . Rougemont Denis de, « Les tours du diable VI : Le mal du siècle : la dépersonnalisation », La Vie protestante, Genève,
1027 de, « Les tours du diable VI : Le mal du siècle : la dépersonnalisation », La Vie protestante, Genève, 19 novembre 1943, p
1028 VI : Le mal du siècle : la dépersonnalisation », La Vie protestante, Genève, 19 novembre 1943, p. 2.
13 1943, La Vie protestante, articles (1938–1978). Les tours du diable VII : La cinquième colonne (26 novembre 1943)
1029 Les tours du diable VII : La cinquième colonne (26 novembre 1943)o J’a
1030 es autres, de nous, et donc de moi aussi. Mais si le diable est partout, sa figure se brouille. Et les définitions que j’e
1031 le diable est partout, sa figure se brouille. Et les définitions que j’en ai données successivement, à force de se compens
1032 r une image nette et facilement reconnaissable de la personne de Satan ? C’est que le diable est justement celui qui n’est
1033 econnaissable de la personne de Satan ? C’est que le diable est justement celui qui n’est jamais clairement et honnêtement
1034 toujours pour être à la fois juge et partie dans le procès de sa définition. Un être paradoxal pas essence. Il est, oui,
1035 ce qui tend au néant, ce qui souhaite secrètement la destruction de l’existence, — celle des autres ou la sienne propre. S
1036 nt, ce qui souhaite secrètement la destruction de l’ existence, — celle des autres ou la sienne propre. Sa qualité de n’êtr
1037 ssant mais non moins fascinant, il est sans doute la créature la plus poétique du monde, au sens romantique de ce terme. I
1038 on moins fascinant, il est sans doute la créature la plus poétique du monde, au sens romantique de ce terme. Il est beau a
1039 e. Il est beau aux yeux des naïfs qui croient que le mal doit être laid ; et il est d’une laideur irrésistiblement attiran
1040 affinés. En bref, il n’est jamais où vous pensiez le trouver. Il imite, en la caricaturant, l’action même du Saint-Esprit,
1041 t jamais où vous pensiez le trouver. Il imite, en la caricaturant, l’action même du Saint-Esprit, toujours ambiguë pour no
1042 pensiez le trouver. Il imite, en la caricaturant, l’ action même du Saint-Esprit, toujours ambiguë pour notre doute et déco
1043 éconcertante pour notre raison. On sait assez que le procédé favori de la Cinquième Colonne consiste à semer la confusion
1044 é favori de la Cinquième Colonne consiste à semer la confusion dans le camp de l’adversaire en y répandant alternativement
1045 quième Colonne consiste à semer la confusion dans le camp de l’adversaire en y répandant alternativement de vraies et de f
1046 nne consiste à semer la confusion dans le camp de l’ adversaire en y répandant alternativement de vraies et de fausses nouv
1047 tivement de vraies et de fausses nouvelles. Voilà le diable à l’œuvre dans nos vies ! Il est l’essence même de la Cinquièm
1048 vraies et de fausses nouvelles. Voilà le diable à l’ œuvre dans nos vies ! Il est l’essence même de la Cinquième Colonne au
1049 Voilà le diable à l’œuvre dans nos vies ! Il est l’ essence même de la Cinquième Colonne au siècle des siècles. Enfin — et
1050 t ceci doit me rendre prudent, personnellement —, le diable est l’être qui, lorsqu’une dénonciation le fait déguerpir de s
1051 rendre prudent, personnellement —, le diable est l’ être qui, lorsqu’une dénonciation le fait déguerpir de sa cachette, va
1052 le diable est l’être qui, lorsqu’une dénonciation le fait déguerpir de sa cachette, va se loger de préférence chez celui q
1053 achette, va se loger de préférence chez celui qui l’ a dénoncé, et qui se tient pour assuré dans sa bonne conscience. Au mo
1054 ans sa bonne conscience. Au moment où vous croyez l’ attraper chez un autre et lui régler son compte — voici qu’il est deve
1055  ! Mais alors ?… Eh bien ! si vous voulez déjouer les tours du diable, si vous tenez sérieusement à l’attraper, je vais vou
1056 les tours du diable, si vous tenez sérieusement à l’ attraper, je vais vous dire où vous le trouverez le plus sûrement : da
1057 ieusement à l’attraper, je vais vous dire où vous le trouverez le plus sûrement : dans le fauteuil où vous êtes assis. o
1058 ’attraper, je vais vous dire où vous le trouverez le plus sûrement : dans le fauteuil où vous êtes assis. o. Rougemont
1059 dire où vous le trouverez le plus sûrement : dans le fauteuil où vous êtes assis. o. Rougemont Denis de, « Les tours du
1060 l où vous êtes assis. o. Rougemont Denis de, «  Les tours du diable VII : La cinquième colonne », La Vie protestante, Gen
1061 Les tours du diable VII : La cinquième colonne », La Vie protestante, Genève, 26 novembre 1943, p. 2.
14 1943, La Vie protestante, articles (1938–1978). Les tours du diable VIII : Le diable démocrate (3 décembre 1943)
1062 Les tours du diable VIII : Le diable démocrate (3 décembre 1943)p Le x
1063 Les tours du diable VIII : Le diable démocrate (3 décembre 1943)p Le xixe siècle, sans s’en dou
1064 VIII : Le diable démocrate (3 décembre 1943)p Le xixe siècle, sans s’en douter, a remplacé la Providence par le progr
1065 Le xixe siècle, sans s’en douter, a remplacé la Providence par le progrès automatique. Devant les résultats présents
1066 e, sans s’en douter, a remplacé la Providence par le progrès automatique. Devant les résultats présents de cette croyance
1067 la Providence par le progrès automatique. Devant les résultats présents de cette croyance quasi universelle dans les masse
1068 présents de cette croyance quasi universelle dans les masses et l’élite, l’on est induit à reconnaître que le Progrès autom
1069 tte croyance quasi universelle dans les masses et l’ élite, l’on est induit à reconnaître que le Progrès automatique n’étai
1070 nce quasi universelle dans les masses et l’élite, l’ on est induit à reconnaître que le Progrès automatique n’était qu’un d
1071 ses et l’élite, l’on est induit à reconnaître que le Progrès automatique n’était qu’un déguisement du diable. Non pas qu’a
1072 cun progrès réel soit diabolique en soi ! Mais si l’ on s’abandonne au rêve du Progrès, laissant aller les choses avec l’ar
1073 on s’abandonne au rêve du Progrès, laissant aller les choses avec l’arrière-pensée fataliste et réconfortante que tout s’ar
1074 u rêve du Progrès, laissant aller les choses avec l’ arrière-pensée fataliste et réconfortante que tout s’arrangera de soi-
1075 onfortante que tout s’arrangera de soi-même, dans l’ ensemble et à la longue, alors le Progrès devient le plus dangereux de
1076 e soi-même, dans l’ensemble et à la longue, alors le Progrès devient le plus dangereux des soporifiques, une véritable dro
1077 ensemble et à la longue, alors le Progrès devient le plus dangereux des soporifiques, une véritable drogue du démon, l’un
1078 émon, l’un de ses nouveaux noms. Nous avons cru à la bonté foncière de l’homme. Par gentillesse pour les autres, évidemmen
1079 veaux noms. Nous avons cru à la bonté foncière de l’ homme. Par gentillesse pour les autres, évidemment… Mais c’est toujour
1080 a bonté foncière de l’homme. Par gentillesse pour les autres, évidemment… Mais c’est toujours une manière de croire aussi à
1081 ussi à sa propre bonté. Et donc de s’aveugler sur le mal que l’on porte en soi. Et donc de ne pas se soucier de la présenc
1082 ropre bonté. Et donc de s’aveugler sur le mal que l’ on porte en soi. Et donc de ne pas se soucier de la présence active du
1083 ’on porte en soi. Et donc de ne pas se soucier de la présence active du démon. Et donc enfin de lui laisser le champ libre
1084 nce active du démon. Et donc enfin de lui laisser le champ libre pour nous duper. Nous avons cru que le mal était relatif
1085 e champ libre pour nous duper. Nous avons cru que le mal était relatif dans le monde, qu’il provenait d’une mauvaise répar
1086 per. Nous avons cru que le mal était relatif dans le monde, qu’il provenait d’une mauvaise répartition des biens, d’une éd
1087 ont eu pour principal effet de nous aveugler sur la réalité de l’homme, c’est-à-dire sur la réalité essentielle du mal en
1088 rincipal effet de nous aveugler sur la réalité de l’ homme, c’est-à-dire sur la réalité essentielle du mal enraciné dans no
1089 ugler sur la réalité de l’homme, c’est-à-dire sur la réalité essentielle du mal enraciné dans notre liberté, dans nos donn
1090 s notre liberté, dans nos données premières, dans la nature et dans la définition même de l’homme en tant qu’il est humain
1091 ans nos données premières, dans la nature et dans la définition même de l’homme en tant qu’il est humain. Nous avons été o
1092 res, dans la nature et dans la définition même de l’ homme en tant qu’il est humain. Nous avons été optimistes par principe
1093 presque par savoir-vivre, dirait-on, malgré tous les démentis de la réalité. Cet optimisme n’est pas la confiance naïve de
1094 oir-vivre, dirait-on, malgré tous les démentis de la réalité. Cet optimisme n’est pas la confiance naïve de l’enfant, mais
1095 s démentis de la réalité. Cet optimisme n’est pas la confiance naïve de l’enfant, mais une espèce de mensonge. Exactement 
1096 té. Cet optimisme n’est pas la confiance naïve de l’ enfant, mais une espèce de mensonge. Exactement : une fuite devant le
1097 espèce de mensonge. Exactement : une fuite devant le réel. Car dans le réel, nous savons bien qu’il y a du mal, qu’il y a
1098 . Exactement : une fuite devant le réel. Car dans le réel, nous savons bien qu’il y a du mal, qu’il y a l’action du diable
1099 éel, nous savons bien qu’il y a du mal, qu’il y a l’ action du diable. Mais cela nous scandalise et nous effraye. Alors nou
1100 et nous effraye. Alors nous essayons de conjurer le mal en le niant : c’est encore la mentalité magique. Nous pensons que
1101 ffraye. Alors nous essayons de conjurer le mal en le niant : c’est encore la mentalité magique. Nous pensons que celui qui
1102 ons de conjurer le mal en le niant : c’est encore la mentalité magique. Nous pensons que celui qui dénonce le mal comme fo
1103 alité magique. Nous pensons que celui qui dénonce le mal comme fondamental doit être lui-même très méchant. Nous croyons q
1104 lui-même très méchant. Nous croyons qu’en avouant le mal, nous le créons d’une certaine manière. Nous préférons ne pas ins
1105 méchant. Nous croyons qu’en avouant le mal, nous le créons d’une certaine manière. Nous préférons ne pas insister. Nous «
1106 ent incapables de comprendre ce qui se passe dans le monde, et nous livrent aux ruses les plus simples du Malin. Nous avon
1107 se passe dans le monde, et nous livrent aux ruses les plus simples du Malin. Nous avons éliminé de notre existence bourgeoi
1108 Nous avons éliminé de notre existence bourgeoise le sens du tragique, pour nous tourner exclusivement vers la recherche d
1109 du tragique, pour nous tourner exclusivement vers la recherche du confort et des vertus moyennes. ⁂ De même que nous disio
1110 pendant c’était vrai, mais cela nous gênait. Nous l’ écartions irrésistiblement de nos pensées… Car si ce « trop affreux »
1111 s vies aussi, et que d’une certaine manière, nous l’ aimions ! Voilà le grand secret. Le diable a réussi à faire croire aux
1112 ue d’une certaine manière, nous l’aimions ! Voilà le grand secret. Le diable a réussi à faire croire aux démocrates qu’ils
1113 manière, nous l’aimions ! Voilà le grand secret. Le diable a réussi à faire croire aux démocrates qu’ils n’aimaient pas d
1114 oire aux démocrates qu’ils n’aimaient pas du tout le mal, qu’ils ne le désiraient nullement, qu’ils étaient bons et les au
1115 s qu’ils n’aimaient pas du tout le mal, qu’ils ne le désiraient nullement, qu’ils étaient bons et les autres méchants, et
1116 e le désiraient nullement, qu’ils étaient bons et les autres méchants, et que c’était tellement simple… Comme je voudrais q
1117 s que cela soit aussi simple ! Ne fût-ce que pour le moral militaire. Car, ainsi qu’aimait à le répéter un fameux général
1118 e pour le moral militaire. Car, ainsi qu’aimait à le répéter un fameux général autrichien, Conrad von Hötzendorf : « Tout
1119 t pas aussi simple qu’une gifle ne vaut rien pour la guerre. » C’est sans doute vrai pour une armée. Mais cette guerre-ci
1120 us que des armées. Elle oppose des conceptions de la vie. C’est une espèce de guerre civile mondiale. Elle sera perdue si
1121 ondiale. Elle sera perdue si nous perdons d’abord le sens de la réalité morale. ⁂ L’une des leçons claires qui se dégagent
1122 le sera perdue si nous perdons d’abord le sens de la réalité morale. ⁂ L’une des leçons claires qui se dégagent des événem
1123 des événements actuels me paraît être celle-ci : la haine purement sentimentale du mal qui est chez autrui peut aveugler
1124 tale du mal qui est chez autrui peut aveugler sur le mal que l’on porte en soi, et sur le sérieux du mal en général. La co
1125 qui est chez autrui peut aveugler sur le mal que l’ on porte en soi, et sur le sérieux du mal en général. La condamnation
1126 aveugler sur le mal que l’on porte en soi, et sur le sérieux du mal en général. La condamnation trop facile du méchant qui
1127 orte en soi, et sur le sérieux du mal en général. La condamnation trop facile du méchant qui est en face peut recouvrir et
1128 it une caricature du vice d’autrui pour éviter de le reconnaître en lui-même. … C’est pourquoi nous dirons aujourd’hui aux
1129 ns aujourd’hui aux braves démocrates : — Regardez le diable qui est parmi nous ! Cessez de croire qu’il ne peut ressembler
1130 -mêmes qu’il s’arrangera toujours pour ressembler le plus ! C’est en vous seulement que vous le prendrez sur le fait. Et a
1131 embler le plus ! C’est en vous seulement que vous le prendrez sur le fait. Et alors seulement, vous serez en état de la dé
1132 C’est en vous seulement que vous le prendrez sur le fait. Et alors seulement, vous serez en état de la dépister chez autr
1133 e fait. Et alors seulement, vous serez en état de la dépister chez autrui, et de l’y combattre avec succès. Car alors seul
1134 s serez en état de la dépister chez autrui, et de l’ y combattre avec succès. Car alors seulement, vous serez guéris de vot
1135 ez guéris de votre naïveté invraisemblable devant le danger totalitaire. Vous pourrez échapper à l’hypnose. p. Rougemon
1136 nt le danger totalitaire. Vous pourrez échapper à l’ hypnose. p. Rougemont Denis de, « Les tours du diable VIII : Le dia
1137 échapper à l’hypnose. p. Rougemont Denis de, «  Les tours du diable VIII : Le diable démocrate », La Vie protestante, Gen
1138 Rougemont Denis de, « Les tours du diable VIII : Le diable démocrate », La Vie protestante, Genève, 3 décembre 1943, p. 2
1139 Les tours du diable VIII : Le diable démocrate », La Vie protestante, Genève, 3 décembre 1943, p. 2.
15 1943, La Vie protestante, articles (1938–1978). Les tours du diable IX : « Nous sommes tous coupables » (10 décembre 1943)
1140 Les tours du diable IX : « Nous sommes tous coupables » (10 décembre 1943
1141 oupables » (10 décembre 1943)q Chacun sait que les « primitifs » de la Mélanésie, victimes des plus célèbres études soci
1142 re 1943)q Chacun sait que les « primitifs » de la Mélanésie, victimes des plus célèbres études sociologiques du siècle,
1143 iologiques du siècle, ont coutume de personnifier les forces mauvaises qui les menacent, les causes des crimes, des acciden
1144 coutume de personnifier les forces mauvaises qui les menacent, les causes des crimes, des accidents, de la stérilité ou de
1145 rsonnifier les forces mauvaises qui les menacent, les causes des crimes, des accidents, de la stérilité ou de la mort. Que
1146 enacent, les causes des crimes, des accidents, de la stérilité ou de la mort. Que ce soit un sorcier, un profanateur du sa
1147 des crimes, des accidents, de la stérilité ou de la mort. Que ce soit un sorcier, un profanateur du sacré, un animal, un
1148 imal, un nuage, un bout de bois colorié, toujours la cause du mal dont souffrent ces sauvages est indépendante d’eux-mêmes
1149 rent ces sauvages est indépendante d’eux-mêmes. À l’ inverse, le christianisme s’est efforcé depuis des siècles de nous fai
1150 uvages est indépendante d’eux-mêmes. À l’inverse, le christianisme s’est efforcé depuis des siècles de nous faire comprend
1151 é depuis des siècles de nous faire comprendre que le Royaume de Dieu est en nous, que le Mal aussi est en nous, et que le
1152 omprendre que le Royaume de Dieu est en nous, que le Mal aussi est en nous, et que le champ de leur bataille n’est pas ail
1153 est en nous, que le Mal aussi est en nous, et que le champ de leur bataille n’est pas ailleurs que dans nos cœurs. Cette é
1154 imitivisme. Nous rendons responsables de nos maux les gens d’en face, toujours, ou la force des choses. Si nous sommes révo
1155 bles de nos maux les gens d’en face, toujours, ou la force des choses. Si nous sommes révolutionnaires, nous croyons qu’en
1156 es révolutionnaires, nous croyons qu’en changeant la disposition de certains objets — en déplaçant les richesses, par exem
1157 la disposition de certains objets — en déplaçant les richesses, par exemple — nous supprimerons les causes des maux du siè
1158 nt les richesses, par exemple — nous supprimerons les causes des maux du siècle. Si nous sommes des capitalistes, nous croy
1159 teurs du droit, ou « sorciers », nous rétablirons la paix et la prospérité. Nous sommes encore en pleine mentalité magique
1160 oit, ou « sorciers », nous rétablirons la paix et la prospérité. Nous sommes encore en pleine mentalité magique. Comme de
1161 . Comme de petits enfants en colère, nous battons la table à laquelle nous nous sommes heurtés. Ou comme Xerxès, nous flag
1162 sommes heurtés. Ou comme Xerxès, nous flagellons les eaux de l’Hellespont, à grands coups de discours sur les ondes courte
1163 tés. Ou comme Xerxès, nous flagellons les eaux de l’ Hellespont, à grands coups de discours sur les ondes courtes. Nous oub
1164 x de l’Hellespont, à grands coups de discours sur les ondes courtes. Nous oublions ce fait fondamental : c’est qu’en réalit
1165 tout homme porte dans son corps (et dans son âme) les microbes de toutes les maladies connues, et de bien d’autres. Anéanti
1166 on corps (et dans son âme) les microbes de toutes les maladies connues, et de bien d’autres. Anéantir les signes extérieurs
1167 s maladies connues, et de bien d’autres. Anéantir les signes extérieurs de la menace ne serait nullement suffisant pour nou
1168 bien d’autres. Anéantir les signes extérieurs de la menace ne serait nullement suffisant pour nous en délivrer. Ces signe
1169 ntes qui pourraient bien se développer un jour, à la faveur de la misère ou de la fatigue, ou de quelque déséquilibre temp
1170 raient bien se développer un jour, à la faveur de la misère ou de la fatigue, ou de quelque déséquilibre temporaire. L’adv
1171 évelopper un jour, à la faveur de la misère ou de la fatigue, ou de quelque déséquilibre temporaire. L’adversaire est touj
1172 a fatigue, ou de quelque déséquilibre temporaire. L’ adversaire est toujours en nous. Et c’est pourquoi je pense que le chr
1173 toujours en nous. Et c’est pourquoi je pense que le chrétien véritable serait cet homme qui n’aurait d’autre ennemi à cra
1174 ne volonté ». Pourtant voyez ce qui se passe dans le monde, et dites qui l’a fait. Le diable ? Oui, mais par nos mains et
1175 voyez ce qui se passe dans le monde, et dites qui l’ a fait. Le diable ? Oui, mais par nos mains et nos pensées. C’est ici
1176 ui se passe dans le monde, et dites qui l’a fait. Le diable ? Oui, mais par nos mains et nos pensées. C’est ici le moment
1177 Oui, mais par nos mains et nos pensées. C’est ici le moment de nous rappeler notre slogan démocratique : Tous les hommes s
1178 de nous rappeler notre slogan démocratique : Tous les hommes se valent ! Certes, il y a des degrés dans le mal, il y a des
1179 hommes se valent ! Certes, il y a des degrés dans le mal, il y a des inégalités dans la responsabilité. Mais nous sommes t
1180 es degrés dans le mal, il y a des inégalités dans la responsabilité. Mais nous sommes tous dans le mal, nous sommes tous l
1181 ans la responsabilité. Mais nous sommes tous dans le mal, nous sommes tous les complices des plus grandes responsables du
1182 is nous sommes tous dans le mal, nous sommes tous les complices des plus grandes responsables du monde. Cependant, évitons
1183 dant, évitons à tout prix un malentendu menaçant. L’ intention des remarques précédentes n’est nullement de justifier « les
1184 arques précédentes n’est nullement de justifier «  les autres », que l’on avait d’abord accusés de tout le mal ; ni de nous
1185 n’est nullement de justifier « les autres », que l’ on avait d’abord accusés de tout le mal ; ni de nous fourrer tous dans
1186 autres », que l’on avait d’abord accusés de tout le mal ; ni de nous fourrer tous dans le même sac, sans distinctions… Je
1187 sés de tout le mal ; ni de nous fourrer tous dans le même sac, sans distinctions… Je veux dire ceci : nous sommes tous cou
1188 veux dire ceci : nous sommes tous coupables dans la mesure où nous ne reconnaissons pas et ne condamnons pas en nous auss
1189 onnaissons pas et ne condamnons pas en nous aussi la mentalité totalitaire, c’est-à-dire la présence active et personnelle
1190 nous aussi la mentalité totalitaire, c’est-à-dire la présence active et personnelle du démon dans nos passions, dans notre
1191 de et qui juge nos intérêts « vitaux » (comme ils le sont toujours…). Mais, si je ressemble à un criminel, cela ne justifi
1192 je ressemble à un criminel, cela ne justifie pas le criminel, cela me condamne. Et puisqu’il faut combattre le crime, je
1193 el, cela me condamne. Et puisqu’il faut combattre le crime, je ne dirai pas que je vais laisser courir le criminel d’en fa
1194 crime, je ne dirai pas que je vais laisser courir le criminel d’en face, pour mieux me livrer d’abord à ma réforme intérie
1195 ma réforme intérieure ! Je dirai au contraire que la lutte pour me réformer et la lutte pour empêcher le criminel de pours
1196 rai au contraire que la lutte pour me réformer et la lutte pour empêcher le criminel de poursuivre ses méfaits, sont une s
1197 lutte pour me réformer et la lutte pour empêcher le criminel de poursuivre ses méfaits, sont une seule et même lutte. Que
1198 t de gagner cette lutte en moi seulement, puisque le criminel risquerait de me supprimer ? Que servirait de la gagner hors
1199 nel risquerait de me supprimer ? Que servirait de la gagner hors de moi seulement, puisque je risquerais de devenir à mon
1200 l n’y a qu’un crime, en moi et hors de moi. C’est le même diable ! Et ceci n’est qu’un post-scriptum à l’adresse des pacif
1201 même diable ! Et ceci n’est qu’un post-scriptum à l’ adresse des pacifistes : « Nous sommes tous coupables, me disent-ils,
1202 s coupables, me disent-ils, donc nous n’avons pas le droit moral de nous battre contre celui que nous tenons pour un coupa
1203 s persuadés, il ne nous reste plus qu’à combattre le mal, en nous et hors de nous ; c’est le même mal ! En nous par des mo
1204 combattre le mal, en nous et hors de nous ; c’est le même mal ! En nous par des moyens spirituels et moraux, hors de nous
1205 es moyens matériels et militaires, conformément à la nature du péril. Si quelqu’un met le feu à une maison, il faut des po
1206 nformément à la nature du péril. Si quelqu’un met le feu à une maison, il faut des pompiers, coupables ou non, pour éteind
1207 aut des pompiers, coupables ou non, pour éteindre l’ incendie ; et des policiers, coupables ou non, pour arrêter l’incendia
1208 et des policiers, coupables ou non, pour arrêter l’ incendiaire. Or l’histoire nous a mis, bon gré mal gré, dans le rôle t
1209 coupables ou non, pour arrêter l’incendiaire. Or l’ histoire nous a mis, bon gré mal gré, dans le rôle technique des pompi
1210 . Or l’histoire nous a mis, bon gré mal gré, dans le rôle technique des pompiers et des gendarmes. Cela ne fait pas de nou
1211 implique même pas que nous soyons « meilleurs que les autres ». Mais nous serons sûrement pires si nous ne faisons pas notr
1212 ons pas notre métier. q. Rougemont Denis de, «  Les tours du diable IX : “Nous sommes tous coupables” », La Vie protestan
1213 rs du diable IX : “Nous sommes tous coupables” », La Vie protestante, Genève, 10 décembre 1943, p. 2.
16 1943, La Vie protestante, articles (1938–1978). Les tours du diable X : Le diable homme du monde (17 décembre 1943)
1214 Les tours du diable X : Le diable homme du monde (17 décembre 1943)r Q
1215 Les tours du diable X : Le diable homme du monde (17 décembre 1943)r Qui donc disait que le d
1216 monde (17 décembre 1943)r Qui donc disait que le diable est un monsieur très bien ? Entre les gens du monde et le Prin
1217 t que le diable est un monsieur très bien ? Entre les gens du monde et le Prince de ce monde, les mots suggèrent, dans pres
1218 n monsieur très bien ? Entre les gens du monde et le Prince de ce monde, les mots suggèrent, dans presque toutes les langu
1219 Entre les gens du monde et le Prince de ce monde, les mots suggèrent, dans presque toutes les langues, certaines complicité
1220 ce monde, les mots suggèrent, dans presque toutes les langues, certaines complicités particulières. Et le peuple, inspiré p
1221 langues, certaines complicités particulières. Et le peuple, inspiré peut-être par les traditionnels avertissements de la
1222 articulières. Et le peuple, inspiré peut-être par les traditionnels avertissements de la chaire chrétienne, a toujours vu d
1223 peut-être par les traditionnels avertissements de la chaire chrétienne, a toujours vu dans la « mondanité » quelque chose
1224 ments de la chaire chrétienne, a toujours vu dans la « mondanité » quelque chose de vaguement satanique. Il imaginerait vo
1225 lontiers un diable en cravate blanche et monoclé. Le diable, dit un proverbe espagnol, n’est pas à craindre parce qu’il es
1226 hant, mais parce qu’il est si vieux. C’est ce que l’ on peut penser aussi des gens du monde, et de la sagesse mondaine en g
1227 e l’on peut penser aussi des gens du monde, et de la sagesse mondaine en général. Elle a son charme et son utilité ; mais
1228 t par ne plus croire au bien, ni au sérieux, ni à la naïveté, cette insondable ruse des cœurs purs qui leur permet de pass
1229 ermet de passer au travers des cercles vicieux de la raison et de l’égoïsme « bien compris ». La fonction normale de la vi
1230 au travers des cercles vicieux de la raison et de l’ égoïsme « bien compris ». La fonction normale de la vie mondaine serai
1231 ux de la raison et de l’égoïsme « bien compris ». La fonction normale de la vie mondaine serait de maintenir et d’illustre
1232 ’égoïsme « bien compris ». La fonction normale de la vie mondaine serait de maintenir et d’illustrer un certain nombre de
1233 l n’y a rien là de diabolique, tout au contraire. Le jeu mondain, s’il est bien joué, ménage autant de liberté qu’il ne su
1234 erté qu’il ne suppose, dit-on, d’hypocrisie. Il a le charme reposant des formes fixes. Mais le mondain qui n’est que cela
1235 e. Il a le charme reposant des formes fixes. Mais le mondain qui n’est que cela inspire une sorte d’effroi furtif, révélat
1236 évélateur d’une présence perverse au sein même de l’ insignifiance. L’exactitude impitoyable de ses jugements, qui ne porte
1237 résence perverse au sein même de l’insignifiance. L’ exactitude impitoyable de ses jugements, qui ne portent d’ailleurs que
1238  ; sa propension presque maniaque à n’attacher de l’ importance qu’à un détail fortuit dans un être ou une œuvre ; tous ces
1239 ne œuvre ; tous ces traits qui pourraient dénoter l’ exigence d’un artiste véritable, prennent soudain quelque chose de sat
1240 ennent soudain quelque chose de satanique lorsque l’ on s’aperçoit de la stérilité du personnage, et des effets stérilisant
1241 que chose de satanique lorsque l’on s’aperçoit de la stérilité du personnage, et des effets stérilisants qu’entraîne sa fr
1242 isants qu’entraîne sa fréquentation. Ce n’est pas le goût ni même le pédantisme de la forme qui est satanique, c’est le go
1243 ne sa fréquentation. Ce n’est pas le goût ni même le pédantisme de la forme qui est satanique, c’est le goût de la forme i
1244 on. Ce n’est pas le goût ni même le pédantisme de la forme qui est satanique, c’est le goût de la forme imitée. Le milieu
1245 e pédantisme de la forme qui est satanique, c’est le goût de la forme imitée. Le milieu mondain le plus suavement correct
1246 e de la forme qui est satanique, c’est le goût de la forme imitée. Le milieu mondain le plus suavement correct et moral pe
1247 est satanique, c’est le goût de la forme imitée. Le milieu mondain le plus suavement correct et moral peut fort bien être
1248 est le goût de la forme imitée. Le milieu mondain le plus suavement correct et moral peut fort bien être préféré par le di
1249 correct et moral peut fort bien être préféré par le diable à ces milieux bohèmes et de mœurs relâchées qui se croiraient
1250 lontiers damnés. C’est, je crois, parce que, dans le monde, un miracle paraît plus qu’ailleurs improbable. r. Rougemont
1251 ’ailleurs improbable. r. Rougemont Denis de, «  Les tours du diable X : Le diable homme du monde », La Vie protestante, G
1252 r. Rougemont Denis de, « Les tours du diable X : Le diable homme du monde », La Vie protestante, Genève, 17 décembre 1943
1253 s tours du diable X : Le diable homme du monde », La Vie protestante, Genève, 17 décembre 1943, p. 2.
17 1943, La Vie protestante, articles (1938–1978). Les tours du diable XI : Le diable dans nos dieux (24 décembre 1943)
1254 Les tours du diable XI : Le diable dans nos dieux (24 décembre 1943)s
1255 Les tours du diable XI : Le diable dans nos dieux (24 décembre 1943)s Nous avons parlé de l’in
1256 dieux (24 décembre 1943)s Nous avons parlé de l’ incognito du diable. Mais il existe aussi un incognito divin, et c’est
1257 Mais il existe aussi un incognito divin, et c’est l’ Incarnation, c’est-à-dire Dieu caché autant que révélé dans l’homme Jé
1258 n, c’est-à-dire Dieu caché autant que révélé dans l’ homme Jésus. Quelques-uns seulement surent reconnaître le Christ dans
1259 Jésus. Quelques-uns seulement surent reconnaître le Christ dans le fils de Joseph, charpentier de village. Mais l’incogni
1260 s-uns seulement surent reconnaître le Christ dans le fils de Joseph, charpentier de village. Mais l’incognito et l’alibi d
1261 s le fils de Joseph, charpentier de village. Mais l’ incognito et l’alibi du diable sont exactement inverses : c’est dans l
1262 seph, charpentier de village. Mais l’incognito et l’ alibi du diable sont exactement inverses : c’est dans l’image de nos d
1263 i du diable sont exactement inverses : c’est dans l’ image de nos dieux qu’il va se dissimuler, au cœur même de nos idéaux
1264 nos idéaux et de nos vérités trop humaines, dans les religions que nous confabulons en dehors de la foi révélée. Le diable
1265 s les religions que nous confabulons en dehors de la foi révélée. Le diable nous empêche de reconnaître Dieu dans Jésus-Ch
1266 que nous confabulons en dehors de la foi révélée. Le diable nous empêche de reconnaître Dieu dans Jésus-Christ, mais à l’i
1267 che de reconnaître Dieu dans Jésus-Christ, mais à l’ inverse, il nous empêche aussi de nous reconnaître dans nos idoles. Vo
1268 e nous reconnaître dans nos idoles. Voici comment les hommes s’enchaînent aux dieux qu’ils créent. Ceux qui ne l’ignoraient
1269 s’enchaînent aux dieux qu’ils créent. Ceux qui ne l’ ignoraient pas ont renié la Révélation. Dès lors ils en étaient réduit
1270 ls créent. Ceux qui ne l’ignoraient pas ont renié la Révélation. Dès lors ils en étaient réduits à inventer Dieu. Mais on
1271 its à inventer Dieu. Mais on n’invente que ce que l’ on est sans le savoir. Ils ont donc inventé un « Dieu » qui était le m
1272 Dieu. Mais on n’invente que ce que l’on est sans le savoir. Ils ont donc inventé un « Dieu » qui était le moi conscient o
1273 avoir. Ils ont donc inventé un « Dieu » qui était le moi conscient ou inconscient de ses croyants. Une image de leur impér
1274 ne compensation rêvée de leurs défauts. Et ce fut le Dieu de la raison pour les tempéraments rationalistes, le Dieu de l’i
1275 tion rêvée de leurs défauts. Et ce fut le Dieu de la raison pour les tempéraments rationalistes, le Dieu de l’instinct et
1276 eurs défauts. Et ce fut le Dieu de la raison pour les tempéraments rationalistes, le Dieu de l’instinct et de la passion po
1277 de la raison pour les tempéraments rationalistes, le Dieu de l’instinct et de la passion pour les hypercivilisés, le Dieu
1278 n pour les tempéraments rationalistes, le Dieu de l’ instinct et de la passion pour les hypercivilisés, le Dieu du succès p
1279 aments rationalistes, le Dieu de l’instinct et de la passion pour les hypercivilisés, le Dieu du succès pour les robustes
1280 stes, le Dieu de l’instinct et de la passion pour les hypercivilisés, le Dieu du succès pour les robustes puritains, le Die
1281 nstinct et de la passion pour les hypercivilisés, le Dieu du succès pour les robustes puritains, le Dieu philanthrope pour
1282 n pour les hypercivilisés, le Dieu du succès pour les robustes puritains, le Dieu philanthrope pour les avares et les timid
1283 s, le Dieu du succès pour les robustes puritains, le Dieu philanthrope pour les avares et les timides, etc. Tout ceci pour
1284 les robustes puritains, le Dieu philanthrope pour les avares et les timides, etc. Tout ceci pour la bourgeoisie et le siècl
1285 uritains, le Dieu philanthrope pour les avares et les timides, etc. Tout ceci pour la bourgeoisie et le siècle individualis
1286 ur les avares et les timides, etc. Tout ceci pour la bourgeoisie et le siècle individualiste. Les suivants, nos contempora
1287 es timides, etc. Tout ceci pour la bourgeoisie et le siècle individualiste. Les suivants, nos contemporains, moins hypocri
1288 pour la bourgeoisie et le siècle individualiste. Les suivants, nos contemporains, moins hypocrites que leurs prédécesseurs
1289 ce, ou Classe. Dans ces trois entités divinisées, le moi n’est plus déguisé qu’en un nous. Et ces trois entités ont ceci d
1290 rien devant personne, s’étant faites elles-mêmes les critères de toute vérité purement humaine, et décrétant qu’il n’est p
1291 est plus d’autre vérité. Or, aux yeux de ceux qui les servent, l’homme n’existe qu’en elles et par elles. Dans la mesure où
1292 tre vérité. Or, aux yeux de ceux qui les servent, l’ homme n’existe qu’en elles et par elles. Dans la mesure où nous leur o
1293 , l’homme n’existe qu’en elles et par elles. Dans la mesure où nous leur obéissons, nous ne sommes donc plus responsables
1294 s donc plus responsables de nos actes, mais elles le sont à notre place. Et comme elles-mêmes n’ont à répondre devant aucu
1295 responsabilité nulle part. Mais s’il apparaît, à l’ inverse, que nous ne coïncidons pas avec l’entité divinisée — parce qu
1296 aît, à l’inverse, que nous ne coïncidons pas avec l’ entité divinisée — parce que nous sommes d’une autre race, d’une autre
1297 ération physique et mentale que celle qui détient le pouvoir — alors nous sommes des « vipères lubriques » et nous devons
1298 s sommes des « vipères lubriques » et nous devons le confesser publiquement. Après quoi nous recevons une balle dans la nu
1299 iquement. Après quoi nous recevons une balle dans la nuque, ou bien nous sommes décapités à la hache, selon qu’il s’agit r
1300 le dans la nuque, ou bien nous sommes décapités à la hache, selon qu’il s’agit respectivement du dieu Classe ou du dieu Ra
1301 it respectivement du dieu Classe ou du dieu Race. Les dieux des hommes sont sans pardon. Ce sont des diables. Toutefois le
1302 sont sans pardon. Ce sont des diables. Toutefois le diable est sans doute moins dangereux lorsqu’il nous tue, que lorsqu’
1303 . Un jour, un Philanthrope s’en allait le long de la rue. Il avait la tête et les poches pleines de projets philanthropiqu
1304 lanthrope s’en allait le long de la rue. Il avait la tête et les poches pleines de projets philanthropiques, propres à réf
1305 ’en allait le long de la rue. Il avait la tête et les poches pleines de projets philanthropiques, propres à réformer l’huma
1306 s de projets philanthropiques, propres à réformer l’ humanité au-delà de tout ce que je désirerais même imaginer. Il venait
1307 imaginer. Il venait d’allumer un bon cigare dont la fumée montait comme un encens et devait être en bonne odeur à l’Étern
1308 t comme un encens et devait être en bonne odeur à l’ Éternel, car cet homme avait le cœur pur. À quelques mètres derrière l
1309 e en bonne odeur à l’Éternel, car cet homme avait le cœur pur. À quelques mètres derrière lui suivaient le diable et l’un
1310 œur pur. À quelques mètres derrière lui suivaient le diable et l’un de ses compères. Ils observaient le Philanthrope, d’un
1311 e diable et l’un de ses compères. Ils observaient le Philanthrope, d’un œil critique. Un pauvre homme l’arrêta pour lui de
1312 Philanthrope, d’un œil critique. Un pauvre homme l’ arrêta pour lui demander une cigarette, dans une langue de réfugié. Le
1313 mander une cigarette, dans une langue de réfugié. Le Philanthrope sans hésiter lui remit une pièce, et poursuivit son chem
1314 pièce, et poursuivit son chemin. Il marchait dans la gloire, et sa conscience resplendissait comme un sou neuf. « Tu n’as
1315 omme un sou neuf. « Tu n’as pas peur de lui ? dit le compère au diable. Il m’a l’air terriblement bon ! Et ses plans sont
1316 ntelligents et généreux, idéalistes, réalistes… » Le diable ne répondit rien ; il souriait, tout en lisant un bout de papi
1317 nt un bout de papier qu’il venait de ramasser sur le trottoir. Après quelques instants, poussant du coude son compère : « 
1318 ce au mendiant. Il est parfait, ce plan, comme tu le craignais. Mais moi, je vais l’organiser ! » s. Rougemont Denis de
1319 ce plan, comme tu le craignais. Mais moi, je vais l’ organiser ! » s. Rougemont Denis de, « Les tours du diable XI : Le
1320 vais l’organiser ! » s. Rougemont Denis de, «  Les tours du diable XI : Le diable dans nos dieux », La Vie protestante,
1321 . Rougemont Denis de, « Les tours du diable XI : Le diable dans nos dieux », La Vie protestante, Genève, 24 décembre 1943
1322 tours du diable XI : Le diable dans nos dieux », La Vie protestante, Genève, 24 décembre 1943, p. 2.
18 1949, La Vie protestante, articles (1938–1978). Printemps de l’Europe (29 avril 1949)
1323 Printemps de l’ Europe (29 avril 1949)t On nous avait promis un très bel œuf de Pâq
1324 r cette année. On nous avait laissés entendre que les statuts de l’Assemblée européenne seraient terminés ces jours-ci, à L
1325 On nous avait laissés entendre que les statuts de l’ Assemblée européenne seraient terminés ces jours-ci, à Londres. Il eût
1326 oïncider cette annonce du renouveau européen avec la fête de la Résurrection. Mais rien n’est venu jusqu’ici. Eh ! bien, s
1327 tte annonce du renouveau européen avec la fête de la Résurrection. Mais rien n’est venu jusqu’ici. Eh ! bien, si ce n’est
1328 n, si ce n’est pas pour Pâques, ce sera donc pour la Trinité ! — et cela ne veut pas dire, comme dans la chanson, que nous
1329 Trinité ! — et cela ne veut pas dire, comme dans la chanson, que nous ne verrons jamais rien venir : car l’élan est donné
1330 nson, que nous ne verrons jamais rien venir : car l’ élan est donné, le mouvement est en marche, et plus rien ne peut l’arr
1331 verrons jamais rien venir : car l’élan est donné, le mouvement est en marche, et plus rien ne peut l’arrêter. Nous aurons
1332 le mouvement est en marche, et plus rien ne peut l’ arrêter. Nous aurons certainement le Conseil de l’Europe, et l’Assembl
1333 rien ne peut l’arrêter. Nous aurons certainement le Conseil de l’Europe, et l’Assemblée consultative. Certainement, l’Eur
1334 us aurons certainement le Conseil de l’Europe, et l’ Assemblée consultative. Certainement, l’Europe va se faire. La seule q
1335 urope, et l’Assemblée consultative. Certainement, l’ Europe va se faire. La seule question qui se pose encore, c’est de sav
1336 consultative. Certainement, l’Europe va se faire. La seule question qui se pose encore, c’est de savoir comment elle se fe
1337 elle se fera. Peut-être n’est-il pas mauvais que la conférence des Dix ambassadeurs, à Londres1, prenne son temps. Il y a
1338 isait bon accueil aux propositions détaillées que les délégués de notre Mouvement européen lui soumettaient. Nous savons qu
1339 nt européen lui soumettaient. Nous savons qu’elle les étudie. Puisse-t-elle se laisser inspirer par ce temps de Pâques et l
1340 lle se laisser inspirer par ce temps de Pâques et les vacances, et puisse-t-elle prendre non seulement son temps, mais auss
1341 -elle prendre non seulement son temps, mais aussi les distances nécessaires pour mieux voir le problème dans son ensemble,
1342 s aussi les distances nécessaires pour mieux voir le problème dans son ensemble, loin des détails et des difficultés techn
1343 et des difficultés techniques, pour méditer dans la campagne anglaise… J’y pensais hier, dans mon jardin, tout en chercha
1344 et je me disais : tout dépend d’une seule chose, l’ avenir de ces enfants et celui de nos pays, tout dépend d’une seule ch
1345 tout dépend d’une seule chose, qui est celle-ci : les hommes d’État chargés de faire l’Europe auront-ils la vision nécessai
1346 est celle-ci : les hommes d’État chargés de faire l’ Europe auront-ils la vision nécessaire ? Les grandes visions Il y
1347 ommes d’État chargés de faire l’Europe auront-ils la vision nécessaire ? Les grandes visions Il y a peu de grandes vi
1348 aire l’Europe auront-ils la vision nécessaire ? Les grandes visions Il y a peu de grandes visions dans notre temps. Le
1349 Il y a peu de grandes visions dans notre temps. Le souci des intérêts immédiats et surtout la peur de la guerre nous emp
1350 temps. Le souci des intérêts immédiats et surtout la peur de la guerre nous empêchent trop souvent de voir loin, de voir g
1351 ouci des intérêts immédiats et surtout la peur de la guerre nous empêchent trop souvent de voir loin, de voir grand, d’ima
1352 de voir loin, de voir grand, d’imaginer vraiment la paix, la paix vivante et passionnante qui reste encore possible, et q
1353 loin, de voir grand, d’imaginer vraiment la paix, la paix vivante et passionnante qui reste encore possible, et qui dépend
1354 aussi très vague. Il se promène ces jours-ci dans les rues et cafés de Paris, avec un gros livre sous le bras, quêtant la s
1355 s rues et cafés de Paris, avec un gros livre sous le bras, quêtant la signature des amis de la paix. Il a déchiré son pass
1356 e Paris, avec un gros livre sous le bras, quêtant la signature des amis de la paix. Il a déchiré son passeport, et quelque
1357 re sous le bras, quêtant la signature des amis de la paix. Il a déchiré son passeport, et quelques écrivains lui ont donné
1358 on passeport, et quelques écrivains lui ont donné l’ appui de leurs noms célèbres, mais sans rien déchirer du tout. Il est
1359 e mondiale et d’un gouvernement unique pour toute la terre. Mais les Russes ont aussi leur vision, leur idée de l’unité du
1360 ’un gouvernement unique pour toute la terre. Mais les Russes ont aussi leur vision, leur idée de l’unité du monde sous les
1361 is les Russes ont aussi leur vision, leur idée de l’ unité du monde sous les auspices du Kominform et de l’épuration perman
1362 i leur vision, leur idée de l’unité du monde sous les auspices du Kominform et de l’épuration permanente, — et ceci tue cel
1363 ité du monde sous les auspices du Kominform et de l’ épuration permanente, — et ceci tue cela, ce n’est pas notre faute, ni
1364 — et ceci tue cela, ce n’est pas notre faute, ni la faute de Garry Davis… Il y a enfin une troisième vision, celle de l’E
1365 avis… Il y a enfin une troisième vision, celle de l’ Europe fédérée. Elle est moins vaste, en vérité, que celle du jeune Am
1366 même, elle est plus claire et proche. Je voudrais l’ appeler aujourd’hui la vision du beau temps européen, la vision d’un p
1367 aire et proche. Je voudrais l’appeler aujourd’hui la vision du beau temps européen, la vision d’un printemps de l’Europe o
1368 ler aujourd’hui la vision du beau temps européen, la vision d’un printemps de l’Europe où les frontières et les barrières
1369 beau temps européen, la vision d’un printemps de l’ Europe où les frontières et les barrières entre nos peuples fondraient
1370 européen, la vision d’un printemps de l’Europe où les frontières et les barrières entre nos peuples fondraient comme neige
1371 n d’un printemps de l’Europe où les frontières et les barrières entre nos peuples fondraient comme neige sous le soleil d’a
1372 res entre nos peuples fondraient comme neige sous le soleil d’avril. Imaginez ce grand jardin de l’Europe où vous pourriez
1373 us le soleil d’avril. Imaginez ce grand jardin de l’ Europe où vous pourriez circuler librement, sans passeports ni visas,
1374 ous circulez aujourd’hui d’un canton à l’autre de la Suisse. Imaginez cette Europe grande ouverte, où les nations ne dispa
1375 Suisse. Imaginez cette Europe grande ouverte, où les nations ne disparaîtraient pas davantage que les cantons n’ont dispar
1376 les nations ne disparaîtraient pas davantage que les cantons n’ont disparu en se fédérant, mais où les guerres entre natio
1377 les cantons n’ont disparu en se fédérant, mais où les guerres entre nations deviendraient aussi impossibles que la guerre e
1378 entre nations deviendraient aussi impossibles que la guerre entre nos cantons. Imaginez ensuite cette grande Europe aussi
1379 nez ensuite cette grande Europe aussi décidée que la Suisse à ne faire la guerre à personne, mais à défendre d’un seul cœu
1380 nde Europe aussi décidée que la Suisse à ne faire la guerre à personne, mais à défendre d’un seul cœur son indépendance re
1381 n indépendance reconquise. Cette Europe inventant la paix, l’imposant au besoin par la force tranquille de sa masse, de se
1382 dance reconquise. Cette Europe inventant la paix, l’ imposant au besoin par la force tranquille de sa masse, de ses 300 mil
1383 urope inventant la paix, l’imposant au besoin par la force tranquille de sa masse, de ses 300 millions d’habitants rassemb
1384 rtains économistes, pourrait multiplier par trois les standards de la vie matérielle. Terre promise Paix, liberté, pr
1385 s, pourrait multiplier par trois les standards de la vie matérielle. Terre promise Paix, liberté, prospérité, tels o
1386 romise Paix, liberté, prospérité, tels ont été les grands motifs de toutes les confédérations qui ont vu le jour au cour
1387 spérité, tels ont été les grands motifs de toutes les confédérations qui ont vu le jour au cours des siècles, et vous savez
1388 ds motifs de toutes les confédérations qui ont vu le jour au cours des siècles, et vous savez comment la Suisse a su attei
1389 jour au cours des siècles, et vous savez comment la Suisse a su atteindre ces trois buts, en se fédérant il y a cent ans.
1390 es trois buts, en se fédérant il y a cent ans. Si l’ on a bien vu cet enjeu, la possibilité de le gagner, et la nécessité d
1391 ant il y a cent ans. Si l’on a bien vu cet enjeu, la possibilité de le gagner, et la nécessité de le gagner d’urgence, non
1392 s. Si l’on a bien vu cet enjeu, la possibilité de le gagner, et la nécessité de le gagner d’urgence, non seulement pour no
1393 ien vu cet enjeu, la possibilité de le gagner, et la nécessité de le gagner d’urgence, non seulement pour nous en Europe,
1394 , la possibilité de le gagner, et la nécessité de le gagner d’urgence, non seulement pour nous en Europe, mais pour la pai
1395 nce, non seulement pour nous en Europe, mais pour la paix du monde entier, alors le principal est fait. Et si les Dix amba
1396 Europe, mais pour la paix du monde entier, alors le principal est fait. Et si les Dix ambassadeurs à Londres ont bien vu
1397 monde entier, alors le principal est fait. Et si les Dix ambassadeurs à Londres ont bien vu cela, ils ne se laisseront plu
1398 en vu cela, ils ne se laisseront plus arrêter par les chicanes techniques et les experts. Tout dépend de la vision qu’ils a
1399 eront plus arrêter par les chicanes techniques et les experts. Tout dépend de la vision qu’ils auront. Il n’est point d’ord
1400 hicanes techniques et les experts. Tout dépend de la vision qu’ils auront. Il n’est point d’ordre politique qui serve l’ho
1401 uront. Il n’est point d’ordre politique qui serve l’ homme, s’il n’est orienté dès le départ par une vision libératrice et
1402 litique qui serve l’homme, s’il n’est orienté dès le départ par une vision libératrice et fascinante. L’Europe se fera, pa
1403 départ par une vision libératrice et fascinante. L’ Europe se fera, parce qu’une équipe de véritables résistants — ceux qu
1404 e de véritables résistants — ceux qui résistent à la fatalité — l’auront vue et marchent vers elle. Il se peut que la visi
1405 s résistants — ceux qui résistent à la fatalité — l’ auront vue et marchent vers elle. Il se peut que la vision qui les gui
1406 ’auront vue et marchent vers elle. Il se peut que la vision qui les guide cache une réalité finale qui les surprenne. Chri
1407 marchent vers elle. Il se peut que la vision qui les guide cache une réalité finale qui les surprenne. Christophe Colomb v
1408 vision qui les guide cache une réalité finale qui les surprenne. Christophe Colomb voyait les Indes, on nommait ainsi sa vi
1409 inale qui les surprenne. Christophe Colomb voyait les Indes, on nommait ainsi sa vision. Contre vents et marées, contre tou
1410 si sa vision. Contre vents et marées, contre tous les experts de son époque, il se mit en route pour la joindre, et c’est a
1411 es experts de son époque, il se mit en route pour la joindre, et c’est ainsi qu’il trouva l’Amérique. Mais nous, quel cont
1412 oute pour la joindre, et c’est ainsi qu’il trouva l’ Amérique. Mais nous, quel continent nouveau allons-nous aborder demain
1413 r demain ? Se peut-il que ce soit tout simplement l’ Europe, redécouverte à la faveur de son union ? Une Europe rajeunie, q
1414 ce soit tout simplement l’Europe, redécouverte à la faveur de son union ? Une Europe rajeunie, qui deviendrait soudain, p
1415 , qui deviendrait soudain, pour nos yeux étonnés, la Terre promise !2 1. On sait que les dix pays fondateurs de l’unio
1416 x étonnés, la Terre promise !2 1. On sait que les dix pays fondateurs de l’union européenne préparent une Assemblée con
1417  !2 1. On sait que les dix pays fondateurs de l’ union européenne préparent une Assemblée consultative de l’Europe, qui
1418 uropéenne préparent une Assemblée consultative de l’ Europe, qui doit se tenir en septembre, et dont les députés seront nom
1419 l’Europe, qui doit se tenir en septembre, et dont les députés seront nommés par les parlements. 2. (Réd. — Nous devons à l
1420 septembre, et dont les députés seront nommés par les parlements. 2. (Réd. — Nous devons à l’obligeance de M. Denis de Rou
1421 més par les parlements. 2. (Réd. — Nous devons à l’ obligeance de M. Denis de Rougemont de pouvoir publier ce texte radiod
1422 diffusé.) t. Rougemont Denis de, « Printemps de l’ Europe », La Vie protestante, Genève, 29 avril 1949, p. 1.
1423 . Rougemont Denis de, « Printemps de l’Europe », La Vie protestante, Genève, 29 avril 1949, p. 1.
19 1961, La Vie protestante, articles (1938–1978). Bilan simple (29 décembre 1961)
1424 Bilan simple (29 décembre 1961)w Le bilan de l’année qui s’écoule me paraît simple à établir dans ses gra
1425 Bilan simple (29 décembre 1961)w Le bilan de l’ année qui s’écoule me paraît simple à établir dans ses grandes lignes
1426 aît simple à établir dans ses grandes lignes et à l’ échelle de la planète : l’une après l’autre, toutes les puissances ont
1427 établir dans ses grandes lignes et à l’échelle de la planète : l’une après l’autre, toutes les puissances ont perdu la fac
1428 helle de la planète : l’une après l’autre, toutes les puissances ont perdu la face, — sauf l’Europe. L’URSS a perdu la face
1429 ne après l’autre, toutes les puissances ont perdu la face, — sauf l’Europe. L’URSS a perdu la face en tant que champion de
1430 , toutes les puissances ont perdu la face, — sauf l’ Europe. L’URSS a perdu la face en tant que champion de la paix et du d
1431 es puissances ont perdu la face, — sauf l’Europe. L’ URSS a perdu la face en tant que champion de la paix et du désarmement
1432 nt perdu la face, — sauf l’Europe. L’URSS a perdu la face en tant que champion de la paix et du désarmement, en faisant éc
1433 e. L’URSS a perdu la face en tant que champion de la paix et du désarmement, en faisant éclater trente bombes atomiques en
1434 ater trente bombes atomiques en deux mois. À Goa, l’ Inde a perdu la face, en tant que champion de la non-violence. À Cuba,
1435 bes atomiques en deux mois. À Goa, l’Inde a perdu la face, en tant que champion de la non-violence. À Cuba, les États-Unis
1436 , l’Inde a perdu la face, en tant que champion de la non-violence. À Cuba, les États-Unis ont perdu la face en tant que ch
1437 en tant que champion de la non-violence. À Cuba, les États-Unis ont perdu la face en tant que champions de la non-interven
1438 la non-violence. À Cuba, les États-Unis ont perdu la face en tant que champions de la non-intervention. Au Katanga, l’ONU
1439 s-Unis ont perdu la face en tant que champions de la non-intervention. Au Katanga, l’ONU a perdu la face en tant que champ
1440 que champions de la non-intervention. Au Katanga, l’ ONU a perdu la face en tant que champion de l’arbitrage pacifique et d
1441 de la non-intervention. Au Katanga, l’ONU a perdu la face en tant que champion de l’arbitrage pacifique et du droit des pe
1442 ga, l’ONU a perdu la face en tant que champion de l’ arbitrage pacifique et du droit des petits États. Quant à l’Allemagne
1443 e pacifique et du droit des petits États. Quant à l’ Allemagne de l’Est, c’est à la cause du communisme tout entier qu’elle
1444 tits États. Quant à l’Allemagne de l’Est, c’est à la cause du communisme tout entier qu’elle a fait perdre la face, en bât
1445 e du communisme tout entier qu’elle a fait perdre la face, en bâtissant le mur de Berlin non pour se protéger contre une a
1446 ntier qu’elle a fait perdre la face, en bâtissant le mur de Berlin non pour se protéger contre une attaque, mais pour empê
1447 ais pour empêcher tout un peuple de fuir en masse le régime « populaire » ! Et tandis que les grands Moralisants du Monde
1448 en masse le régime « populaire » ! Et tandis que les grands Moralisants du Monde humiliaient ainsi leurs principes, l’Euro
1449 sants du Monde humiliaient ainsi leurs principes, l’ Europe accomplissait sans bruit un redressement spectaculaire. Aux Éta
1450 tion que du « miracle européen ». C’est un fait : la montée vers une prospérité sans précédent s’est opérée dans le temps
1451 s une prospérité sans précédent s’est opérée dans le temps même où l’Europe achevait de libérer ses colonies — dont on pré
1452 sans précédent s’est opérée dans le temps même où l’ Europe achevait de libérer ses colonies — dont on prétendait qu’elle v
1453 nt on prétendait qu’elle vivait ! A-t-on remarqué le parallélisme, si frappant, entre la fin de la domination mondiale par
1454 t-on remarqué le parallélisme, si frappant, entre la fin de la domination mondiale par nos nations, et les débuts de leur
1455 qué le parallélisme, si frappant, entre la fin de la domination mondiale par nos nations, et les débuts de leur union ? Ta
1456 fin de la domination mondiale par nos nations, et les débuts de leur union ? Tandis que le tiers-monde, copiant ses anciens
1457 nations, et les débuts de leur union ? Tandis que le tiers-monde, copiant ses anciens maîtres, se livre à la passion natio
1458 rs-monde, copiant ses anciens maîtres, se livre à la passion nationaliste, qui veut la guerre, l’Europe surmonte enfin les
1459 res, se livre à la passion nationaliste, qui veut la guerre, l’Europe surmonte enfin les divisions mortelles qu’entretenai
1460 re à la passion nationaliste, qui veut la guerre, l’ Europe surmonte enfin les divisions mortelles qu’entretenait dans son
1461 iste, qui veut la guerre, l’Europe surmonte enfin les divisions mortelles qu’entretenait dans son sein cette même passion.
1462 it dans son sein cette même passion. Elle choisit la santé : elle veut se fédérer. Et bien sûr, tout n’est pas encore gagn
1463 un qu’elle affecta longtemps de traiter d’utopie, la Grande-Bretagne a démontré que l’Europe unie était d’ores et déjà bie
1464 aiter d’utopie, la Grande-Bretagne a démontré que l’ Europe unie était d’ores et déjà bien autre chose qu’une rêverie d’int
1465 u’une rêverie d’intellectuels. Tel est sans doute le fait majeur qui marquera l’année 1961 aux yeux de l’histoire. En offr
1466 s. Tel est sans doute le fait majeur qui marquera l’ année 1961 aux yeux de l’histoire. En offrant au monde l’exemple d’une
1467 fait majeur qui marquera l’année 1961 aux yeux de l’ histoire. En offrant au monde l’exemple d’une fédération pacifique — q
1468 1961 aux yeux de l’histoire. En offrant au monde l’ exemple d’une fédération pacifique — que la Suisse a toutes les raison
1469 monde l’exemple d’une fédération pacifique — que la Suisse a toutes les raisons de ne plus bouder — les Européens reprend
1470 une fédération pacifique — que la Suisse a toutes les raisons de ne plus bouder — les Européens reprendront la tête du prog
1471 a Suisse a toutes les raisons de ne plus bouder — les Européens reprendront la tête du progrès humain. Ils ne retrouveront
1472 ons de ne plus bouder — les Européens reprendront la tête du progrès humain. Ils ne retrouveront pas seulement leur vraie
1473 lle, mais ils indiqueront aux peuples nouveaux de l’ Afrique et de l’Asie les voies de leur propre avenir. Une fois unie po
1474 diqueront aux peuples nouveaux de l’Afrique et de l’ Asie les voies de leur propre avenir. Une fois unie politiquement, l’E
1475 nt aux peuples nouveaux de l’Afrique et de l’Asie les voies de leur propre avenir. Une fois unie politiquement, l’Europe ex
1476 leur propre avenir. Une fois unie politiquement, l’ Europe exercerait sur l’URSS, comme elle le fait déjà sur les États-Un
1477 fois unie politiquement, l’Europe exercerait sur l’ URSS, comme elle le fait déjà sur les États-Unis, une attraction irrés
1478 ement, l’Europe exercerait sur l’URSS, comme elle le fait déjà sur les États-Unis, une attraction irrésistible. Et le Gran
1479 xercerait sur l’URSS, comme elle le fait déjà sur les États-Unis, une attraction irrésistible. Et le Grand Occident reconst
1480 r les États-Unis, une attraction irrésistible. Et le Grand Occident reconstitué serait garant de la paix mondiale. N’est-i
1481 Et le Grand Occident reconstitué serait garant de la paix mondiale. N’est-il pas admirable que l’année de l’Europe ait coï
1482 t de la paix mondiale. N’est-il pas admirable que l’ année de l’Europe ait coïncidé par hasard avec l’année d’une grande ét
1483 x mondiale. N’est-il pas admirable que l’année de l’ Europe ait coïncidé par hasard avec l’année d’une grande étape œcuméni
1484 l’année de l’Europe ait coïncidé par hasard avec l’ année d’une grande étape œcuménique, la Nouvelle Delhi ? L’Église de R
1485 asard avec l’année d’une grande étape œcuménique, la Nouvelle Delhi ? L’Église de Rome jouera sa part l’année prochaine. N
1486 ’une grande étape œcuménique, la Nouvelle Delhi ? L’ Église de Rome jouera sa part l’année prochaine. Nous sommes au seuil
1487 Nouvelle Delhi ? L’Église de Rome jouera sa part l’ année prochaine. Nous sommes au seuil de l’ère des convergences, au-de
1488 a part l’année prochaine. Nous sommes au seuil de l’ ère des convergences, au-delà des nations souveraines et des églises r
1489 ur elles-mêmes. Une nouvelle Renaissance, qui est le fédéralisme, et une nouvelle Réforme, qui est l’œcuménisme, attendent
1490 le fédéralisme, et une nouvelle Réforme, qui est l’ œcuménisme, attendent notre foi et nos œuvres. Beau programme pour l’a
1491 dent notre foi et nos œuvres. Beau programme pour l’ année qui vient et pour la suite ! Presque tout reste à faire, il est
1492 es. Beau programme pour l’année qui vient et pour la suite ! Presque tout reste à faire, il est vrai. Sachons du moins à q
1493 vœux. w. Rougemont Denis de, « Bilan simple », La Vie protestante, Genève, 29 décembre 1961, p. 1.
20 1965, La Vie protestante, articles (1938–1978). « Que signifie pour vous la formule célèbre ‟Ecclesia reformata semper reformanda” ? » (29 octobre 1965)
1494 « Que signifie pour vous la formule célèbre ‟Ecclesia reformata semper reformanda” ? » (29 octobr
1495 de notes d’âges très divers en vue d’un livre sur le protestantisme, promis depuis longtemps à l’éditeur, et pour lequel j
1496 sur le protestantisme, promis depuis longtemps à l’ éditeur, et pour lequel je proposais, en guise de titre provisoire : L
1497 quel je proposais, en guise de titre provisoire : La Réforme permanente. La Réforme ne s’est pas faite une fois pour toute
1498 uise de titre provisoire : La Réforme permanente. La Réforme ne s’est pas faite une fois pour toutes. Luther et Calvin n’o
1499 Calvin n’ont pas été les premiers réformateurs de l’ Église, et ne seront pas les derniers. Défendre l’héritage de la Réfor
1500 emiers réformateurs de l’Église, et ne seront pas les derniers. Défendre l’héritage de la Réformation, ce n’est pas répéter
1501 l’Église, et ne seront pas les derniers. Défendre l’ héritage de la Réformation, ce n’est pas répéter ce que disaient ses a
1502 e seront pas les derniers. Défendre l’héritage de la Réformation, ce n’est pas répéter ce que disaient ses auteurs, mais c
1503 ontinuer à réformer. Seuls peuvent être fidèles à l’ esprit de Luther et de Calvin un luthéranisme et un calvinisme continu
1504 sonne pour son usage réel et quotidien, avec tous les risques d’hérésie (hardiment assumés) que cela comporte, et en même t
1505 comporte, et en même temps reliés sans relâche à l’ espérance de l’Église universelle, à l’avenir catholique, et orthodoxe
1506 n même temps reliés sans relâche à l’espérance de l’ Église universelle, à l’avenir catholique, et orthodoxe, à la Pentecôt
1507 relâche à l’espérance de l’Église universelle, à l’ avenir catholique, et orthodoxe, à la Pentecôte œcuménique. Vous avoue
1508 iverselle, à l’avenir catholique, et orthodoxe, à la Pentecôte œcuménique. Vous avouerai-je qu’en tant que protestant, je
1509 ossibilités réformatrices qui se manifestent dans le concile actuel du Vatican ? Le supérieur général des jésuites critiqu
1510 e manifestent dans le concile actuel du Vatican ? Le supérieur général des jésuites critique les missions chrétiennes : ch
1511 ican ? Le supérieur général des jésuites critique les missions chrétiennes : chaque mot porte et toute l’Église romaine a p
1512 missions chrétiennes : chaque mot porte et toute l’ Église romaine a pu l’entendre, quoi qu’en décide finalement son chef.
1513 : chaque mot porte et toute l’Église romaine a pu l’ entendre, quoi qu’en décide finalement son chef. Qu’avons-nous de pare
1514 dis pas seulement : quelle autorité efficace dont les décrets traduisent les vœux d’une imposante majorité, mais tout simpl
1515 lle autorité efficace dont les décrets traduisent les vœux d’une imposante majorité, mais tout simplement quelle tribune ?
1516 tout simplement quelle tribune ? Je constate que l’ Église romaine a de meilleurs instruments d’autocritique, de remise en
1517 e, de remise en question et de renouvellement que les Églises issues de la Réformation… Se pourrait-il qu’elle ait bientôt
1518 on et de renouvellement que les Églises issues de la Réformation… Se pourrait-il qu’elle ait bientôt plus de réformateurs
1519 « [Réponse à une enquête] Que signifie pour vous la formule célèbre “Ecclesia reformata semper reformanda” ? », La Vie pr
1520 lèbre “Ecclesia reformata semper reformanda” ? », La Vie protestante, Genève, 29 octobre 1965, p. 1. v. Le texte est intr
1521 e protestante, Genève, 29 octobre 1965, p. 1. v. Le texte est introduit par la note suivante : « Que signifie pour vous,
1522 ctobre 1965, p. 1. v. Le texte est introduit par la note suivante : « Que signifie pour vous, avons-nous demandé à quelqu
1523 ous, avons-nous demandé à quelques personnalités, la formule célèbre ‟Ecclesia reformata semper reformanda” (l’Église, réf
1524 e célèbre ‟Ecclesia reformata semper reformanda” ( l’ Église, réformée, doit toujours être à nouveau réformée) ? »
21 1969, La Vie protestante, articles (1938–1978). La lune, ce n’est pas le paradis (1er août 1969)
1525 La lune, ce n’est pas le paradis (1er août 1969)x y Ce mois-ci, ce n’
1526 La lune, ce n’est pas le paradis (1er août 1969)x y Ce mois-ci, ce n’est pas sur la Terre q
1527 1er août 1969)x y Ce mois-ci, ce n’est pas sur la Terre que nous allons chercher l’actualité qui sera notre sujet de ré
1528 e n’est pas sur la Terre que nous allons chercher l’ actualité qui sera notre sujet de réflexion, mais sur la Lune. Il m’es
1529 alité qui sera notre sujet de réflexion, mais sur la Lune. Il m’est venu une question, Denis de Rougemont, et j’ai envie d
1530 ne question, Denis de Rougemont, et j’ai envie de la poser au philosophe que vous êtes : est-ce que nous savons pourquoi n
1531 ns pourquoi nous y allons ? Ce qui me frappe dans l’ aventure d’« Apollo », c’est qu’elle est l’entreprise qui a coûté le p
1532 e dans l’aventure d’« Apollo », c’est qu’elle est l’ entreprise qui a coûté le plus cher dans toute l’histoire de l’humanit
1533 llo », c’est qu’elle est l’entreprise qui a coûté le plus cher dans toute l’histoire de l’humanité — on la chiffre à peu p
1534 l’entreprise qui a coûté le plus cher dans toute l’ histoire de l’humanité — on la chiffre à peu près à 100 milliards de f
1535 qui a coûté le plus cher dans toute l’histoire de l’ humanité — on la chiffre à peu près à 100 milliards de francs — mais c
1536 lus cher dans toute l’histoire de l’humanité — on la chiffre à peu près à 100 milliards de francs — mais cette opération,
1537 à 100 milliards de francs — mais cette opération, la plus chère du monde, est aussi la moins motivée. Les motifs que l’on
1538 ette opération, la plus chère du monde, est aussi la moins motivée. Les motifs que l’on a allégués en public sont puérils 
1539 plus chère du monde, est aussi la moins motivée. Les motifs que l’on a allégués en public sont puérils : le président Kenn
1540 monde, est aussi la moins motivée. Les motifs que l’ on a allégués en public sont puérils : le président Kennedy avait anno
1541 tifs que l’on a allégués en public sont puérils : le président Kennedy avait annoncé il y a huit ou neuf ans : « Nous sero
1542 noncé il y a huit ou neuf ans : « Nous serons sur la Lune avant 1970. » Cela voulait dire : avant les Russes, aussi. Cela
1543 r la Lune avant 1970. » Cela voulait dire : avant les Russes, aussi. Cela voulait dire uniquement cela. Cela voulait dire :
1544 us serons les premiers. C’est un motif puéril, je le répète, une gaminerie. Il y a d’autres motivations, tout de même. Une
1545 é, naturellement, et de record technique — battre les Russes sur ce plan — et finalement, en dernier lieu, un motif de conn
1546 alors, on peut se dire ceci : on aurait pu avoir les mêmes motifs — puérils — et les appliquer à un autre but, dont l’util
1547 n aurait pu avoir les mêmes motifs — puérils — et les appliquer à un autre but, dont l’utilité eût été plus immédiatement a
1548 — puérils — et les appliquer à un autre but, dont l’ utilité eût été plus immédiatement apparente ? Oui, on aurait pu consa
1549 e ces 100 milliards de francs suisses à augmenter la beauté de notre Terre, à diminuer la famine, à lutter contre la pauvr
1550 à augmenter la beauté de notre Terre, à diminuer la famine, à lutter contre la pauvreté ou pour une meilleure hygiène. Po
1551 otre Terre, à diminuer la famine, à lutter contre la pauvreté ou pour une meilleure hygiène. Pourquoi est-ce qu’on a chois
1552 meilleure hygiène. Pourquoi est-ce qu’on a choisi l’ espace, concrétisé par la Lune, dans le cas qui nous occupe ? Je pense
1553 oi est-ce qu’on a choisi l’espace, concrétisé par la Lune, dans le cas qui nous occupe ? Je pense qu’il y a là une espèce
1554 n a choisi l’espace, concrétisé par la Lune, dans le cas qui nous occupe ? Je pense qu’il y a là une espèce de fuite devan
1555 Je pense qu’il y a là une espèce de fuite devant les problèmes du monde, un phénomène psychologique assez facile à expliqu
1556 ogique assez facile à expliquer et à comprendre : les Russes et les Américains, affrontés sur la Terre, ayant une peur mort
1557 acile à expliquer et à comprendre : les Russes et les Américains, affrontés sur la Terre, ayant une peur mortelle les uns e
1558 dre : les Russes et les Américains, affrontés sur la Terre, ayant une peur mortelle les uns et les autres que cela saute,
1559 , affrontés sur la Terre, ayant une peur mortelle les uns et les autres que cela saute, ont été amenés — peut-être inconsci
1560 sur la Terre, ayant une peur mortelle les uns et les autres que cela saute, ont été amenés — peut-être inconsciemment — à
1561 e inconsciemment — à transposer leur conflit dans l’ espace, à l’envoyer au ciel, à effectuer un transfert dans les nuées d
1562 ment — à transposer leur conflit dans l’espace, à l’ envoyer au ciel, à effectuer un transfert dans les nuées de cet affron
1563 l’envoyer au ciel, à effectuer un transfert dans les nuées de cet affrontement trop dangereux sur la Terre. Au fond, c’est
1564 les nuées de cet affrontement trop dangereux sur la Terre. Au fond, c’est dans ce domaine seul qu’ils ont réussi à trouve
1565 dans ce domaine seul qu’ils ont réussi à trouver les moyens d’une espèce non pas de coopération — c’est encore trop tôt —
1566 ore trop tôt — mais de coexistence. C’était aussi l’ opinion. Si vous voulez le fond de ma pensée sur l’aventure d’« Apollo
1567 xistence. C’était aussi l’opinion. Si vous voulez le fond de ma pensée sur l’aventure d’« Apollo », je vous ferai remarque
1568 ’opinion. Si vous voulez le fond de ma pensée sur l’ aventure d’« Apollo », je vous ferai remarquer ceci : on dit que c’est
1569 nture scientifique, mais qu’est-ce qu’on met dans les modules spatiaux ? Pas des savants, mais des colonels. Et ils font ce
1570 ils font cela en service commandé : au service de l’ armée américaine. Et généralement, quand ils reviennent après une expé
1571 une petite étoile en cuivre qu’ils se mettent sur l’ épaulette. Néanmoins, ce sont les savants qui les font aller là-bas.
1572 s se mettent sur l’épaulette. Néanmoins, ce sont les savants qui les font aller là-bas. Alors il y a un petit jeu subtil e
1573 l’épaulette. Néanmoins, ce sont les savants qui les font aller là-bas. Alors il y a un petit jeu subtil entre les militai
1574 er là-bas. Alors il y a un petit jeu subtil entre les militaires et les savants, dans cette affaire ? Les savants peuvent d
1575 l y a un petit jeu subtil entre les militaires et les savants, dans cette affaire ? Les savants peuvent dire que ce sont eu
1576 s militaires et les savants, dans cette affaire ? Les savants peuvent dire que ce sont eux qui transforment ces colonels en
1577 ces colonels en projectiles à têtes chercheuses. Les savants pourraient dire — et ils le pensent peut-être — que ce sont e
1578 chercheuses. Les savants pourraient dire — et ils le pensent peut-être — que ce sont eux qui utilisent le prétexte militai
1579 pensent peut-être — que ce sont eux qui utilisent le prétexte militaire en faveur d’une connaissance scientifique. Probabl
1580 d’une connaissance scientifique. Probablement que les militaires font le même raisonnement en sens inverse. Qui faut-il cro
1581 cientifique. Probablement que les militaires font le même raisonnement en sens inverse. Qui faut-il croire ? Les véritable
1582 aisonnement en sens inverse. Qui faut-il croire ? Les véritables motifs, on ne les saura que beaucoup plus tard, et ce ne s
1583 Qui faut-il croire ? Les véritables motifs, on ne les saura que beaucoup plus tard, et ce ne seront pas les « bons » (les v
1584 saura que beaucoup plus tard, et ce ne seront pas les « bons » (les vrais) que l’on décidera d’adopter officiellement, dans
1585 coup plus tard, et ce ne seront pas les « bons » ( les vrais) que l’on décidera d’adopter officiellement, dans les livres d’
1586 et ce ne seront pas les « bons » (les vrais) que l’ on décidera d’adopter officiellement, dans les livres d’histoire par e
1587 que l’on décidera d’adopter officiellement, dans les livres d’histoire par exemple. Je pense que si on découvre un jour da
1588 exemple. Je pense que si on découvre un jour dans l’ espace, grâce à des stations mises sur orbite autour de la Terre — qui
1589 , grâce à des stations mises sur orbite autour de la Terre — qui feront des observations sur le temps, sur le trajet des n
1590 our de la Terre — qui feront des observations sur le temps, sur le trajet des nuages ou des maladies — je ne sais quoi d’i
1591 e — qui feront des observations sur le temps, sur le trajet des nuages ou des maladies — je ne sais quoi d’inattendu aujou
1592 rogramme si coûteux ! Il s’est produit exactement la même histoire avec Christophe Colomb, mais en sens inverse : dans les
1593 ec Christophe Colomb, mais en sens inverse : dans les livres d’histoire d’aujourd’hui, vous lisez très couramment que si Ch
1594 d’un roi d’Espagne rapace, cupide, qui voulait de l’ or et des esclaves, et qui l’a envoyé découvrir l’Amérique pour cela.
1595 pide, qui voulait de l’or et des esclaves, et qui l’ a envoyé découvrir l’Amérique pour cela. Or les motivations réelles de
1596 l’or et des esclaves, et qui l’a envoyé découvrir l’ Amérique pour cela. Or les motivations réelles de Christophe Colomb ét
1597 qui l’a envoyé découvrir l’Amérique pour cela. Or les motivations réelles de Christophe Colomb étaient d’un tout autre ordr
1598 he Colomb étaient d’un tout autre ordre — on peut le vérifier dans son journal : c’était de financer une dernière croisade
1599 tif mystique. Il ne pensait pas du tout découvrir l’ Amérique. Il voulait trouver les Indes, parce qu’on lui avait dit qu’a
1600 du tout découvrir l’Amérique. Il voulait trouver les Indes, parce qu’on lui avait dit qu’aux Indes les cités étaient pavée
1601 les Indes, parce qu’on lui avait dit qu’aux Indes les cités étaient pavées d’or et les palais recouverts de tuiles d’or. Or
1602 dit qu’aux Indes les cités étaient pavées d’or et les palais recouverts de tuiles d’or. Or Christophe Colomb a trouvé l’Amé
1603 rts de tuiles d’or. Or Christophe Colomb a trouvé l’ Amérique, qu’il ne cherchait pas. Et bien après lui, on y a trouvé de
1604 herchait pas. Et bien après lui, on y a trouvé de l’ or. Et un peu après lui, on y a recruté des esclaves. Mais la motivati
1605 peu après lui, on y a recruté des esclaves. Mais la motivation était d’un ordre complètement différent. Je voudrais vous
1606 drais vous poser une autre question, toujours sur le même sujet : est-ce que vous êtes déçu, finalement, ou est-ce que vou
1607 ement, ou est-ce que vous avez envie d’aller dans la Lune ? Je suis profondément déçu. Je suis dans un sentiment de désenc
1608 e suis dans un sentiment de désenchantement. J’ai l’ impression que les rêves de l’humanité depuis des siècles — les rêves
1609 ntiment de désenchantement. J’ai l’impression que les rêves de l’humanité depuis des siècles — les rêves de poètes, les rêv
1610 senchantement. J’ai l’impression que les rêves de l’ humanité depuis des siècles — les rêves de poètes, les rêves de fantai
1611 que les rêves de l’humanité depuis des siècles — les rêves de poètes, les rêves de fantaisistes comme Cyrano de Bergerac,
1612 umanité depuis des siècles — les rêves de poètes, les rêves de fantaisistes comme Cyrano de Bergerac, les rêves de Jules Ve
1613 s rêves de fantaisistes comme Cyrano de Bergerac, les rêves de Jules Verne — dépassaient de beaucoup ce que nous sommes en
1614 de beaucoup ce que nous sommes en train de faire. Le rêve dévalorise l’actualisation de la découverte de la Lune. Cyrano d
1615 nous sommes en train de faire. Le rêve dévalorise l’ actualisation de la découverte de la Lune. Cyrano de Bergerac, par exe
1616 n de faire. Le rêve dévalorise l’actualisation de la découverte de la Lune. Cyrano de Bergerac, par exemple, dans le fameu
1617 ve dévalorise l’actualisation de la découverte de la Lune. Cyrano de Bergerac, par exemple, dans le fameux récit de son Vo
1618 de la Lune. Cyrano de Bergerac, par exemple, dans le fameux récit de son Voyage dans les empires de la Lune et du Soleil,
1619 exemple, dans le fameux récit de son Voyage dans les empires de la Lune et du Soleil, décrit la Lune comme quelque chose d
1620 le fameux récit de son Voyage dans les empires de la Lune et du Soleil, décrit la Lune comme quelque chose d’absolument id
1621 dans les empires de la Lune et du Soleil, décrit la Lune comme quelque chose d’absolument idyllique, c’est le paradis ter
1622 comme quelque chose d’absolument idyllique, c’est le paradis terrestre transporté, il y rencontre des hommes très bien, il
1623 y rencontre des hommes très bien, il y rencontre le génie de Socrate, tout se passe merveilleusement. Eh bien ! au fur et
1624 t. Eh bien ! au fur et à mesure qu’on avance vers la substance de la chose, quand on est prêt à la toucher, on s’aperçoit
1625 fur et à mesure qu’on avance vers la substance de la chose, quand on est prêt à la toucher, on s’aperçoit que la Lune est
1626 ers la substance de la chose, quand on est prêt à la toucher, on s’aperçoit que la Lune est une malheureuse, vilaine chose
1627 quand on est prêt à la toucher, on s’aperçoit que la Lune est une malheureuse, vilaine chose, couverte de tuf volcanique,
1628 omme, c’est une sorte de banlieue poussiéreuse de la Terre. … et inhabitée ! Car l’essentiel des rêves des poètes ou de Cy
1629 ue poussiéreuse de la Terre. … et inhabitée ! Car l’ essentiel des rêves des poètes ou de Cyrano de Bergerac, c’était d’ima
1630 intelligents, meilleurs que nous, qui habitaient la Lune. Eh bien ! on s’aperçoit qu’il n’y a personne. Il y a un texte q
1631 cité dans un article il y a sept ou huit ans — à l’ époque où on envoyait le premier obus sur la Lune : c’est un texte de
1632 s — à l’époque où on envoyait le premier obus sur la Lune : c’est un texte de Werner von Braun, qui est un des pères du vo
1633 er von Braun, qui est un des pères du voyage dans la Lune, et qui nous décrit le paradis qui nous attend là-bas. Il nous d
1634 pères du voyage dans la Lune, et qui nous décrit le paradis qui nous attend là-bas. Il nous dit que nous aurons là-bas de
1635 on arrive à se demander aujourd’hui : est-ce que l’ on a dépensé 100 milliards — 100 milliards n’étant qu’une partie de la
1636 illiards — 100 milliards n’étant qu’une partie de la dépense totale — pour avoir un Moon-Hilton ? … devant des paysages dé
1637 t désertiques ! Je dois dire que quand je pense à l’ éventualité d’un exil sur la Lune, il me prend un amour passionné de l
1638 que quand je pense à l’éventualité d’un exil sur la Lune, il me prend un amour passionné de la Terre, de la surface terre
1639 il sur la Lune, il me prend un amour passionné de la Terre, de la surface terrestre, des arbres, de l’herbe… Ce sont des r
1640 e, il me prend un amour passionné de la Terre, de la surface terrestre, des arbres, de l’herbe… Ce sont des réactions subj
1641 la Terre, de la surface terrestre, des arbres, de l’ herbe… Ce sont des réactions subjectives que nous exprimons. Mais on p
1642 r une déclaration célèbre de Lénine. H. G. Wells, le célèbre romancier anglais, qui est l’un des pères de l’anticipation,
1643 èbre romancier anglais, qui est l’un des pères de l’ anticipation, était allé l’interviewer. « Je dis à Lénine, raconte Wel
1644 est l’un des pères de l’anticipation, était allé l’ interviewer. « Je dis à Lénine, raconte Wells, que le développement de
1645 nterviewer. « Je dis à Lénine, raconte Wells, que le développement de la technique humaine pourrait un jour changer la sit
1646 à Lénine, raconte Wells, que le développement de la technique humaine pourrait un jour changer la situation mondiale : la
1647 de la technique humaine pourrait un jour changer la situation mondiale : la conception marxiste elle-même n’aurait plus d
1648 pourrait un jour changer la situation mondiale : la conception marxiste elle-même n’aurait plus de sens. » Et à la grande
1649 marxiste elle-même n’aurait plus de sens. » Et à la grande stupéfaction de Wells, « Lénine, dit-il, me regarda et me répo
1650 pondit : Vous avez raison ; en lisant votre roman La Machine à explorer le temps, je l’ai compris moi aussi. Si nous arriv
1651 son ; en lisant votre roman La Machine à explorer le temps, je l’ai compris moi aussi. Si nous arrivons à établir les comm
1652 nt votre roman La Machine à explorer le temps, je l’ ai compris moi aussi. Si nous arrivons à établir les communications in
1653 ’ai compris moi aussi. Si nous arrivons à établir les communications interplanétaires, il faudra réviser toutes nos concept
1654 philosophiques, sociales et morales. Dans ce cas, le potentiel technique, devenu illimité, imposerait la fin de la violenc
1655 potentiel technique, devenu illimité, imposerait la fin de la violence comme moyen et comme méthode de progrès ». Dans la
1656 technique, devenu illimité, imposerait la fin de la violence comme moyen et comme méthode de progrès ». Dans la bouche de
1657 e comme moyen et comme méthode de progrès ». Dans la bouche de Lénine, c’est une prophétie assez extraordinaire : est-ce q
1658 ’elle est complètement fausse ? Sûrement pas, car la recherche spatiale, l’arrivée sur la Lune notamment, est d’une part u
1659 fausse ? Sûrement pas, car la recherche spatiale, l’ arrivée sur la Lune notamment, est d’une part une concurrence entre le
1660 ent pas, car la recherche spatiale, l’arrivée sur la Lune notamment, est d’une part une concurrence entre les Américains e
1661 e notamment, est d’une part une concurrence entre les Américains et les Russes, mais d’autre part elle suppose certaines fo
1662 ’une part une concurrence entre les Américains et les Russes, mais d’autre part elle suppose certaines formes de coopératio
1663 s. » Alors là, il parlait pour lui ! Si pour lui, la seule doctrine véritable est le marxisme, qui est une doctrine des ra
1664 ui ! Si pour lui, la seule doctrine véritable est le marxisme, qui est une doctrine des rapports de productions, il est év
1665 st évident qu’elle ne vaut plus rien si on va sur la Lune — où les rapports de productions ne sont en rien comparables à c
1666 ’elle ne vaut plus rien si on va sur la Lune — où les rapports de productions ne sont en rien comparables à ce qu’ils étaie
1667 écrit sa théorie. Il n’y a pas de prolétariat sur la Lune, pour l’instant. Justement, et on ne va pas en créer un, j’espèr
1668 ie. Il n’y a pas de prolétariat sur la Lune, pour l’ instant. Justement, et on ne va pas en créer un, j’espère que non… Où
1669 sens complètement, c’est quand il dit que toutes les doctrines philosophiques et morales devront être révisées dans ces no
1670 nt être révisées dans ces nouvelles dimensions de l’ espace. Car si vous prenez une doctrine comme le christianisme, dont l
1671 e l’espace. Car si vous prenez une doctrine comme le christianisme, dont la base est l’amour du prochain, je ne vois pas e
1672 prenez une doctrine comme le christianisme, dont la base est l’amour du prochain, je ne vois pas en quoi elle serait modi
1673 doctrine comme le christianisme, dont la base est l’ amour du prochain, je ne vois pas en quoi elle serait modifiée si deux
1674 elle serait modifiée si deux hommes arrivent sur la Lune. Ils auront les mêmes problèmes de s’aimer activement, de s’entr
1675 e si deux hommes arrivent sur la Lune. Ils auront les mêmes problèmes de s’aimer activement, de s’entraider, qu’ils auraien
1676 r activement, de s’entraider, qu’ils auraient sur la Terre ou sur Mars. D’ailleurs, cette question de dimensions, qui va c
1677 n de dimensions, qui va changer quand nous aurons l’ espace et pas seulement la Terre et le petit coin de ciel que nous voy
1678 anger quand nous aurons l’espace et pas seulement la Terre et le petit coin de ciel que nous voyons, permet de tirer des c
1679 nous aurons l’espace et pas seulement la Terre et le petit coin de ciel que nous voyons, permet de tirer des conclusions t
1680 , j’ai une impression de frustration, à me dire : la Lune, ce n’est pas aussi beau, ce n’est pas aussi paradisiaque qu’on
1681 aussi beau, ce n’est pas aussi paradisiaque qu’on le pensait. Au fur et à mesure que l’homme va plus loin dans l’espace, j
1682 disiaque qu’on le pensait. Au fur et à mesure que l’ homme va plus loin dans l’espace, je me sens plus enfermé sur la Terre
1683 Au fur et à mesure que l’homme va plus loin dans l’ espace, je me sens plus enfermé sur la Terre. C’est-à-dire que je suis
1684 s loin dans l’espace, je me sens plus enfermé sur la Terre. C’est-à-dire que je suis frustré par les dimensions physiques
1685 ur la Terre. C’est-à-dire que je suis frustré par les dimensions physiques augmentées dans l’espace. Et cela me ramène à l’
1686 stré par les dimensions physiques augmentées dans l’ espace. Et cela me ramène à l’amour de la Terre. Plus encore, cela me
1687 ues augmentées dans l’espace. Et cela me ramène à l’ amour de la Terre. Plus encore, cela me ramène à cette idée que la vér
1688 ées dans l’espace. Et cela me ramène à l’amour de la Terre. Plus encore, cela me ramène à cette idée que la véritable aven
1689 rre. Plus encore, cela me ramène à cette idée que la véritable aventure humaine est à l’intérieur de chacun de nous, non p
1690 ne est à l’intérieur de chacun de nous, non pas à l’ extérieur, dans l’espace, le cosmos physique. Je crois que même du poi
1691 ur de chacun de nous, non pas à l’extérieur, dans l’ espace, le cosmos physique. Je crois que même du point de vue de la te
1692 un de nous, non pas à l’extérieur, dans l’espace, le cosmos physique. Je crois que même du point de vue de la technique, l
1693 os physique. Je crois que même du point de vue de la technique, les plus grands achèvements humains sont les plus simples,
1694 e crois que même du point de vue de la technique, les plus grands achèvements humains sont les plus simples, ceux qui deman
1695 chnique, les plus grands achèvements humains sont les plus simples, ceux qui demandent le moins d’argent et qui finissent p
1696 humains sont les plus simples, ceux qui demandent le moins d’argent et qui finissent par se faire en un clin d’œil, à la v
1697 et qui finissent par se faire en un clin d’œil, à la vitesse de la pensée. Eh bien ! l’aventure intérieure, elle ne demand
1698 nt par se faire en un clin d’œil, à la vitesse de la pensée. Eh bien ! l’aventure intérieure, elle ne demande rien, elle n
1699 clin d’œil, à la vitesse de la pensée. Eh bien ! l’ aventure intérieure, elle ne demande rien, elle ne demande pas de créd
1700 demande pas de crédits spéciaux. Pour entrer dans le fond de soi-même, pour y découvrir des choses complètement nouvelles,
1701 ni gadget. En quoi je pense qu’elle est vraiment le sommet de l’aventure humaine. Relisant au lendemain du retour des co
1702 n quoi je pense qu’elle est vraiment le sommet de l’ aventure humaine. Relisant au lendemain du retour des cosmonautes la
1703 Relisant au lendemain du retour des cosmonautes la transcription de cet entretien télévisé, je ne vois rien à modifier à
1704 rien à modifier à ce que je disais un mois avant le départ d’Apollo 11. Il y avait là comme un écho anticipé de ce que ta
1705  : « Quel merveilleux exploit technique ! Mais si l’ on découvrait demain que cela ne sert à rien ? » Ce qui importe, c’est
1706 un profond mouvement se dessine déjà, jusque dans l’ administration Nixon, pour que soit reportée sur la Terre une part ou
1707 ’administration Nixon, pour que soit reportée sur la Terre une part ou moins des centaines de milliards qu’on destinait à
1708 m’a valu des lettres qui disaient en substance : l’ aventure intérieure, très bien, mais cela se pratique comment ? Voilà
1709 très bien, mais cela se pratique comment ? Voilà le type même de la question qui peut ouvrir, obscurément, la voie, mais
1710 cela se pratique comment ? Voilà le type même de la question qui peut ouvrir, obscurément, la voie, mais à laquelle perso
1711 même de la question qui peut ouvrir, obscurément, la voie, mais à laquelle personne au monde ne peut répondre pour un autr
1712 peut répondre pour un autre — ou sinon, où serait l’ aventure ? x. Rougemont Denis de, « [Entretien] La lune, ce n’est p
1713 venture ? x. Rougemont Denis de, « [Entretien] La lune, ce n’est pas le paradis », La Vie protestante, Genève, 1 août 1
1714 ont Denis de, « [Entretien] La lune, ce n’est pas le paradis », La Vie protestante, Genève, 1 août 1969, p. 1-2. y. Propo
1715 « [Entretien] La lune, ce n’est pas le paradis », La Vie protestante, Genève, 1 août 1969, p. 1-2. y. Propos recueillis p
1716 ierre Desgraupes et introduits par cette note : «  Le 16 juin, à la TV romande, Denis de Rougemont répondait aux questions
1717 es et introduits par cette note : « Le 16 juin, à la TV romande, Denis de Rougemont répondait aux questions de Pierre Desg
1718 entretien avait fait impression. Nous en donnons le texte ici, et Denis de Rougemont dit, en quelques lignes, ce qu’il pe
1719 en quelques lignes, ce qu’il pense aujourd’hui de l’ événement qu’il avait commenté à l’avance. »
1720 aujourd’hui de l’événement qu’il avait commenté à l’ avance. »
22 1978, La Vie protestante, articles (1938–1978). « Bof ! disent les jeunes, pourquoi ? » (1er décembre 1978)
1721 « Bof ! disent les jeunes, pourquoi ? » (1er décembre 1978)z Vous venez de publier un
1722 embre 1978)z Vous venez de publier un livre : L’ Avenir est notre affaire . Qu’entendez-vous par ce titre ? Je pense qu
1723 tre ? Je pense que nous sommes responsables, nous les hommes, de toutes les crises de l’humanité et de leur développement.
1724 s sommes responsables, nous les hommes, de toutes les crises de l’humanité et de leur développement. Dans le monde où nous
1725 nsables, nous les hommes, de toutes les crises de l’ humanité et de leur développement. Dans le monde où nous existons, mêm
1726 ises de l’humanité et de leur développement. Dans le monde où nous existons, même la nature est faite par l’homme, il n’y
1727 veloppement. Dans le monde où nous existons, même la nature est faite par l’homme, il n’y a plus de nature sauvage. Il fau
1728 de où nous existons, même la nature est faite par l’ homme, il n’y a plus de nature sauvage. Il faut bien que l’homme moder
1729 il n’y a plus de nature sauvage. Il faut bien que l’ homme moderne en prenne conscience, car c’est probablement la dernière
1730 nt la dernière chance que nous avons de sortir de la crise dans laquelle nous nous sommes plongés. Pour la première fois d
1731 ous nous sommes plongés. Pour la première fois de l’ histoire, l’homme se voit contraint de choisir librement son avenir. C
1732 mes plongés. Pour la première fois de l’histoire, l’ homme se voit contraint de choisir librement son avenir. Ce n’est donc
1733 n’est pas un défi. Simplement, nous n’avons plus le droit de nous cacher, même derrière Dieu. Quand on voit que les chose
1734 ous cacher, même derrière Dieu. Quand on voit que les choses tournent mal, il est trop tard pour dire : Ce n’est pas ma fau
1735 ire : Ce n’est pas ma faute ! C’était l’autre, ou la fatalité… On en revient toujours à l’histoire du chapitre 3 de la Gen
1736 l’autre, ou la fatalité… On en revient toujours à l’ histoire du chapitre 3 de la Genèse. Vous en appelez à la responsabili
1737 en revient toujours à l’histoire du chapitre 3 de la Genèse. Vous en appelez à la responsabilité ; c’est bien parce que vo
1738 ire du chapitre 3 de la Genèse. Vous en appelez à la responsabilité ; c’est bien parce que vous avez une espérance. Laquel
1739  Pourquoi voulez-vous absolument que ça continue, l’ humanité ? », j’ai répondu : C’est quelque chose qui est plus fort que
1740 elque chose qui est plus fort que moi, et qui est l’ espérance. C’est une volonté, un désir éperdu que la vie continue. Je
1741 espérance. C’est une volonté, un désir éperdu que la vie continue. Je ne sais pas si c’est une espérance chrétienne, c’est
1742 i m’est plutôt chevillé au corps. C’est peut-être l’ envie de vivre, une curiosité (savoir ce qui va se passer après), et c
1743 qui va se passer après), et c’est peut-être aussi l’ espérance dont parle saint Paul. Ou tout simplement l’espérance que, p
1744 pérance dont parle saint Paul. Ou tout simplement l’ espérance que, par notre action, nous pouvons faire du bien, pas seule
1745 ulement du mal ; que nous pourrions encore sauver l’ humanité — je ne dis pas dans un sens spirituel — dans un sens simplem
1746 un sens simplement physiologique, de manière que l’ histoire dure encore. Je sais bien, si on s’en rapporte à l’Apocalypse
1747 dure encore. Je sais bien, si on s’en rapporte à l’ Apocalypse, que l’histoire temporelle finira mal, mais, qu’après cela,
1748 ais bien, si on s’en rapporte à l’Apocalypse, que l’ histoire temporelle finira mal, mais, qu’après cela, ça finira très bi
1749 ypse » veut dire « révélation », et révélation de la Nouvelle Jérusalem, d’une cité nouvelle qui sera vraiment humaine et
1750 v. 17). Il est question là d’un développement de la vie de l’humanité vers la pléni­tude, qui est une divinisation de l’h
1751 l est question là d’un développement de la vie de l’ humanité vers la pléni­tude, qui est une divinisation de l’homme. S’il
1752 à d’un développement de la vie de l’humanité vers la pléni­tude, qui est une divinisation de l’homme. S’il y a dans votre
1753 é vers la pléni­tude, qui est une divinisation de l’ homme. S’il y a dans votre livre des passages très pessimistes où vous
1754 ssages très pessimistes où vous semblez provoquer la peur du lecteur, le fond de tout est pourtant un courant d’optimisme
1755 tes où vous semblez provoquer la peur du lecteur, le fond de tout est pourtant un courant d’optimisme et d’espérance ? Oui
1756 livre, c’est que je prends tout à fait au sérieux l’ avertissement d’Isaïe (ch. 21, v. 12) : « Sentinelle, que dis-tu de la
1757 aïe (ch. 21, v. 12) : « Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? — Le matin vient, et la nuit aussi ». Il y a donc toujours deu
1758 v. 12) : « Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? —  Le matin vient, et la nuit aussi ». Il y a donc toujours deux possibilit
1759 lle, que dis-tu de la nuit ? — Le matin vient, et la nuit aussi ». Il y a donc toujours deux possibilités. Qu’avez-vous à
1760 ui assez partagée entre une certaine résignation ( le « bof ») et une certaine révolte ? C’est un manque d’information qui
1761 unes gens. Si on vient leur parler de menaces sur la vie physique de l’humanité, ça les embête, ça leur fait peur — comme
1762 ent leur parler de menaces sur la vie physique de l’ humanité, ça les embête, ça leur fait peur — comme à tout le monde, il
1763 de menaces sur la vie physique de l’humanité, ça les embête, ça leur fait peur — comme à tout le monde, il ne faut pas s’e
1764 impliqués pour dire autre chose que « Foutez-moi la paix ! je m’occupe de mes petites affaires, celles de mon âge, metton
1765 tes affaires, celles de mon âge, mettons ! » Mais les jeunes que je connais ne partagent pas du tout cette attitude : quand
1766 te attitude : quand on leur parle de pollution de la terre, des airs, des forêts, des océans et des déserts, du danger nuc
1767 es océans et des déserts, du danger nucléaire, de la guerre atomique qui risque d’éclater n’importe quand, ils ne disent p
1768 e je connais. Je pense qu’il est faux de dire que la génération actuelle est la « bof-génération » : ce sont des choses qu
1769 l est faux de dire que la génération actuelle est la « bof-génération » : ce sont des choses que les hebdomadaires invente
1770 st la « bof-génération » : ce sont des choses que les hebdomadaires inventent de temps en temps pour faire monter le tirage
1771 res inventent de temps en temps pour faire monter le tirage… Par quel cheminement de votre existence en êtes-vous arrivé a
1772 m’occuper des affaires publiques, des affaires de la civilisation au xxe siècle. En 1928 j’ai écrit un article sur les mé
1773 au xxe siècle. En 1928 j’ai écrit un article sur les mémoires de Henry Ford, Ma Vie, publiés en français. L’article était
1774 oires de Henry Ford, Ma Vie, publiés en français. L’ article était intitulé « Le péril Ford » et s’élevait contre Ford et s
1775 , publiés en français. L’article était intitulé «  Le péril Ford » et s’élevait contre Ford et son triomphe, qui commençait
1776 e, qui commençait à se manifester à ce moment-là. L’ auto industrielle n’avait que 29 ans, déjà Ford était milliardaire. Et
1777 et Vie ), cela n’a eu aucun effet, sauf sur moi. Le fait est que dès ce moment-là, je dénonçais la croissance illimitée d
1778 i. Le fait est que dès ce moment-là, je dénonçais la croissance illimitée dans un monde fini — 44 ans avant le club de Rom
1779 sance illimitée dans un monde fini — 44 ans avant le club de Rome ! J’ai repris la discussion de ces idées anticroissance
1780 fini — 44 ans avant le club de Rome ! J’ai repris la discussion de ces idées anticroissance avec les premiers personnalist
1781 ravailler comme éditeur. Nous avons créé ensemble les revues Esprit et L’Ordre nouveau , dans lesquelles vous trouverez
1782 uveau , dans lesquelles vous trouverez facilement les amorces de toutes les idées de mon dernier livre. Nous étions une gén
1783 s vous trouverez facilement les amorces de toutes les idées de mon dernier livre. Nous étions une génération — qui ne disai
1784 qui voyait très bien qu’elle allait devoir faire la guerre, une guerre qui n’était pas la sienne, une guerre entre États-
1785 rre entre États-nations (ce terme, c’est nous qui l’ avons forgé, nous étions les seuls à l’utiliser couramment en France).
1786 terme, c’est nous qui l’avons forgé, nous étions les seuls à l’utiliser couramment en France). Toutes les idées fédéralist
1787 t nous qui l’avons forgé, nous étions les seuls à l’ utiliser couramment en France). Toutes les idées fédéralistes, les idé
1788 seuls à l’utiliser couramment en France). Toutes les idées fédéralistes, les idées d’autogestion, de région, de modération
1789 amment en France). Toutes les idées fédéralistes, les idées d’autogestion, de région, de modération de la croissance, d’équ
1790 idées d’autogestion, de région, de modération de la croissance, d’équilibre à rétablir entre l’homme et la nature : tout
1791 on de la croissance, d’équilibre à rétablir entre l’ homme et la nature : tout cela était déjà dans nos revues, dans nos gr
1792 oissance, d’équilibre à rétablir entre l’homme et la nature : tout cela était déjà dans nos revues, dans nos groupuscules.
1793 os groupuscules. Quelques années plus tard, après la guerre, l’évidence s’est imposée qu’il fallait faire l’Europe tout de
1794 ules. Quelques années plus tard, après la guerre, l’ évidence s’est imposée qu’il fallait faire l’Europe tout de suite, sin
1795 rre, l’évidence s’est imposée qu’il fallait faire l’ Europe tout de suite, sinon on recommencerait une autre guerre. La gue
1796 suite, sinon on recommencerait une autre guerre. La guerre a largement détruit la culture européenne et son rayonnement,
1797 t une autre guerre. La guerre a largement détruit la culture européenne et son rayonnement, pire : elle l’a faussée. On a
1798 ulture européenne et son rayonnement, pire : elle l’ a faussée. On a fait croire au monde entier que ce qu’il fallait copie
1799 puisque nous n’en tenions pas compte nous-mêmes. La cause européenne, la lutte de ces dernières années ont épanoui nos re
1800 nions pas compte nous-mêmes. La cause européenne, la lutte de ces dernières années ont épanoui nos recherches des années 1
1801 nnées ont épanoui nos recherches des années 1930. La guerre n’a fait qu’interrompre… Elle a interrompu, mais en nous donna
1802 mpu, mais en nous donnant raison ! hélas, nous ne le cherchions pas. Les prophètes, d’une manière générale, n’ont pas du t
1803 onnant raison ! hélas, nous ne le cherchions pas. Les prophètes, d’une manière générale, n’ont pas du tout envie d’avoir ra
1804 raison ; ils vous adjurent de changer pour éviter les désastres, et de leur donner tort en changeant de cap. Votre critique
1805 onner tort en changeant de cap. Votre critique de l’ État-nation porte-t-elle aussi sur la Suisse ? C’est une question à la
1806 critique de l’État-nation porte-t-elle aussi sur la Suisse ? C’est une question à laquelle je suis heureux de pouvoir rép
1807 eureux de pouvoir répondre de manière très nette. L’ exemple que nous avions sous les yeux en 1931-1932 était l’État centra
1808 anière très nette. L’exemple que nous avions sous les yeux en 1931-1932 était l’État centralisé français, le modèle de tous
1809 que nous avions sous les yeux en 1931-1932 était l’ État centralisé français, le modèle de tous les États-nations. Nous en
1810 ux en 1931-1932 était l’État centralisé français, le modèle de tous les États-nations. Nous entendions par État-nation la
1811 ait l’État centralisé français, le modèle de tous les États-nations. Nous entendions par État-nation la mainmise d’un appar
1812 es États-nations. Nous entendions par État-nation la mainmise d’un appareil étatique sur l’ensemble d’une nation, l’État i
1813 tat-nation la mainmise d’un appareil étatique sur l’ ensemble d’une nation, l’État imposant les mêmes frontières, le même t
1814 un appareil étatique sur l’ensemble d’une nation, l’ État imposant les mêmes frontières, le même territoire, aux réalités l
1815 ique sur l’ensemble d’une nation, l’État imposant les mêmes frontières, le même territoire, aux réalités les plus différent
1816 une nation, l’État imposant les mêmes frontières, le même territoire, aux réalités les plus différentes ; culturelles, lin
1817 êmes frontières, le même territoire, aux réalités les plus différentes ; culturelles, linguistiques, économiques, sociales,
1818 ats centralisés, mais j’avais, je pense, derrière la tête, l’idée de leur opposer l’État fédératif, le modèle suisse. J’av
1819 alisés, mais j’avais, je pense, derrière la tête, l’ idée de leur opposer l’État fédératif, le modèle suisse. J’avoue qu’à
1820 e pense, derrière la tête, l’idée de leur opposer l’ État fédératif, le modèle suisse. J’avoue qu’à ce moment-là je connais
1821 la tête, l’idée de leur opposer l’État fédératif, le modèle suisse. J’avoue qu’à ce moment-là je connaissais assez mal ce
1822 (« nous », disais-je… !) C’est plus tard, pendant la mobilisation, que j’ai découvert les trésors du fédéralisme. Nous par
1823 tard, pendant la mobilisation, que j’ai découvert les trésors du fédéralisme. Nous parlions déjà de fédéralisme, même d’un
1824 e village par village, en hérisson, à appliquer à l’ Europe pour lui éviter les grands affrontements : c’était la tactique
1825 hérisson, à appliquer à l’Europe pour lui éviter les grands affrontements : c’était la tactique suisse, que l’on m’avait e
1826 our lui éviter les grands affrontements : c’était la tactique suisse, que l’on m’avait enseignée à l’école d’officiers en
1827 s affrontements : c’était la tactique suisse, que l’ on m’avait enseignée à l’école d’officiers en 1928 ! Une défense avec
1828 la tactique suisse, que l’on m’avait enseignée à l’ école d’officiers en 1928 ! Une défense avec l’esprit autant qu’avec l
1829 à l’école d’officiers en 1928 ! Une défense avec l’ esprit autant qu’avec les armes ? Une défense par tous les moyens, sur
1830 n 1928 ! Une défense avec l’esprit autant qu’avec les armes ? Une défense par tous les moyens, sur place, défense d’abord d
1831 t autant qu’avec les armes ? Une défense par tous les moyens, sur place, défense d’abord de sa maison, de sa petite patrie
1832 t en Amérique (de 1940 à 1946) que j’ai découvert l’ Europe ! et la Suisse notamment ! Il faut s’éloigner de quelque chose
1833 (de 1940 à 1946) que j’ai découvert l’Europe ! et la Suisse notamment ! Il faut s’éloigner de quelque chose pour savoir ce
1834 ce que c’est. En Amérique, il n’y avait rien sur la Suisse, alors j’ai écrit un petit livre intitulé Le Cœur de l’Europe
1835 Suisse, alors j’ai écrit un petit livre intitulé Le Cœur de l’Europe et cela m’a permis de découvrir le fonctionnement d
1836 rs j’ai écrit un petit livre intitulé Le Cœur de l’ Europe et cela m’a permis de découvrir le fonctionnement du fédéralis
1837 Cœur de l’Europe et cela m’a permis de découvrir le fonctionnement du fédéralisme. La critique de l’État-nation ne s’adre
1838 is de découvrir le fonctionnement du fédéralisme. La critique de l’État-nation ne s’adresse donc pas à la Suisse, elle ind
1839 le fonctionnement du fédéralisme. La critique de l’ État-nation ne s’adresse donc pas à la Suisse, elle indique simplement
1840 critique de l’État-nation ne s’adresse donc pas à la Suisse, elle indique simplement à la Suisse dans quelle direction ell
1841 e donc pas à la Suisse, elle indique simplement à la Suisse dans quelle direction elle ne devrait pas se développer. Des t
1842 on » peuvent se révéler dans certains secteurs de la vie du pays : le nucléaire ? Le nucléaire ! Il y a pour la Suisse, dè
1843 évéler dans certains secteurs de la vie du pays : le nucléaire ? Le nucléaire ! Il y a pour la Suisse, dès 1848, un danger
1844 tains secteurs de la vie du pays : le nucléaire ? Le nucléaire ! Il y a pour la Suisse, dès 1848, un danger certain : voil
1845 pays : le nucléaire ? Le nucléaire ! Il y a pour la Suisse, dès 1848, un danger certain : voilà un État fédéral, entouré
1846 nte finalement lui-même comme un État-nation. Or, le fédéralisme est impossible dans un seul pays ! Si on veut sauver le f
1847 impossible dans un seul pays ! Si on veut sauver le fédéralisme suisse, il faut l’étendre aux dimensions du continent, qu
1848 Si on veut sauver le fédéralisme suisse, il faut l’ étendre aux dimensions du continent, quitte ensuite à fédérer ce conti
1849 ontinent avec d’autres fédérations continentales. La Suisse est acculée à un certain centralisme dès qu’elle s’occupe d’ob
1850 alisme dès qu’elle s’occupe d’objets trop grands. Le nucléaire en est un excellent exemple. Le nucléaire n’est absolument
1851 grands. Le nucléaire en est un excellent exemple. Le nucléaire n’est absolument pas le moyen d’assurer l’indépendance éner
1852 ellent exemple. Le nucléaire n’est absolument pas le moyen d’assurer l’indépendance énergétique d’un pays, à preuve qu’en
1853 nucléaire n’est absolument pas le moyen d’assurer l’ indépendance énergétique d’un pays, à preuve qu’en France le nucléaire
1854 ance énergétique d’un pays, à preuve qu’en France le nucléaire est appliqué d’après une licence américaine, son combustibl
1855 ombustible vient des USA et de Russie (remplaçant la dépendance des Arabes pour le pétrole), et les capitaux viennent de p
1856 Russie (remplaçant la dépendance des Arabes pour le pétrole), et les capitaux viennent de partout. Des Arabes, de nouveau
1857 ant la dépendance des Arabes pour le pétrole), et les capitaux viennent de partout. Des Arabes, de nouveau ? De partout, de
1858 partout. Des Arabes, de nouveau ? De partout, de l’ Iran, pour 40 % dans la société qui contrôle la construction de Superp
1859 e nouveau ? De partout, de l’Iran, pour 40 % dans la société qui contrôle la construction de Superphénix (voir le rapport
1860 de l’Iran, pour 40 % dans la société qui contrôle la construction de Superphénix (voir le rapport de la Commission des fin
1861 qui contrôle la construction de Superphénix (voir le rapport de la Commission des finances du Parlement français). Pour la
1862 a construction de Superphénix (voir le rapport de la Commission des finances du Parlement français). Pour la Suisse, il en
1863 mission des finances du Parlement français). Pour la Suisse, il en va de même : nous finançons le nucléaire grâce à six ba
1864 Pour la Suisse, il en va de même : nous finançons le nucléaire grâce à six banques qui appartiennent à cinq pays (et je si
1865 tiennent à cinq pays (et je simplifie encore). Si le fédéralisme consiste à confier aux diverses communautés — municipales
1866 égionales, nationales, continentales, mondiales — les tâches qui correspondent à leurs dimensions respectives, disons que l
1867 ondent à leurs dimensions respectives, disons que le nucléaire est trop grand pour un seul pays, et qu’il y constitue une
1868 n seul pays, et qu’il y constitue une menace pour la démocratie. Vous êtes membre du Groupe de Bellerive : que fait-il ? C
1869 , qui s’est réuni pour mettre en garde non contre le nucléaire en général, mais contre le surgénérateur de Creys-Malville,
1870 e non contre le nucléaire en général, mais contre le surgénérateur de Creys-Malville, Superphénix, et contre les atteintes
1871 érateur de Creys-Malville, Superphénix, et contre les atteintes aux droits de l’homme qu’entraîne fatalement une constructi
1872 e fatalement une construction de cette dimension. Le nucléaire, l’hitlérisme, la folie de l’auto ; quel est au fond leur l
1873 ne construction de cette dimension. Le nucléaire, l’ hitlérisme, la folie de l’auto ; quel est au fond leur lien ? Ils gouv
1874 n de cette dimension. Le nucléaire, l’hitlérisme, la folie de l’auto ; quel est au fond leur lien ? Ils gouvernent tous, d
1875 imension. Le nucléaire, l’hitlérisme, la folie de l’ auto ; quel est au fond leur lien ? Ils gouvernent tous, de manière sy
1876 stématique et synthétique (chacun commandant tous les autres), vers la réalité écrasante de l’État-nation, qui résume à peu
1877 hétique (chacun commandant tous les autres), vers la réalité écrasante de l’État-nation, qui résume à peu près tout ce que
1878 nt tous les autres), vers la réalité écrasante de l’ État-nation, qui résume à peu près tout ce que je dénonce : la déperso
1879 n, qui résume à peu près tout ce que je dénonce : la dépersonnalisation, la perte de responsabilité (donc de liberté), la
1880 s tout ce que je dénonce : la dépersonnalisation, la perte de responsabilité (donc de liberté), la centralisation, l’avant
1881 on, la perte de responsabilité (donc de liberté), la centralisation, l’avantage donné à ce qui est toujours plus cher, plu
1882 ponsabilité (donc de liberté), la centralisation, l’ avantage donné à ce qui est toujours plus cher, plus dangereux, et per
1883 t toujours plus cher, plus dangereux, et permet à l’ État de mieux contrôler les investissements, les mouvements de fonds,
1884 dangereux, et permet à l’État de mieux contrôler les investissements, les mouvements de fonds, et l’intervention croissant
1885 à l’État de mieux contrôler les investissements, les mouvements de fonds, et l’intervention croissante dans la vie de tous
1886 les investissements, les mouvements de fonds, et l’ intervention croissante dans la vie de tous les jours de la police. Fi
1887 ments de fonds, et l’intervention croissante dans la vie de tous les jours de la police. Finalement, toute cette évolution
1888 et l’intervention croissante dans la vie de tous les jours de la police. Finalement, toute cette évolution pointe irrésist
1889 ntion croissante dans la vie de tous les jours de la police. Finalement, toute cette évolution pointe irrésistiblement ver
1890 oute cette évolution pointe irrésistiblement vers la guerre. On nous a beaucoup dit que le nucléaire civil n’avait rien à
1891 lement vers la guerre. On nous a beaucoup dit que le nucléaire civil n’avait rien à voir avec la guerre nucléaire ; ce n’e
1892 t que le nucléaire civil n’avait rien à voir avec la guerre nucléaire ; ce n’est pas vrai. Les usines de retraitement des
1893 oir avec la guerre nucléaire ; ce n’est pas vrai. Les usines de retraitement des déchets de centrales nucléaires fournissen
1894 t des déchets de centrales nucléaires fournissent le plutonium qui permet de faire des bombes. Tout cela donc fait l’unité
1895 i permet de faire des bombes. Tout cela donc fait l’ unité de mon livre : mon souci dernier est d’éviter la guerre nucléair
1896 ité de mon livre : mon souci dernier est d’éviter la guerre nucléaire, vers laquelle tout nous pousse aujourd’hui, à comme
1897 n démentielle ! C’est pourquoi aussi je suis pour les régions, pour les petites unités qui sont de vraies communautés. « Sm
1898 est pourquoi aussi je suis pour les régions, pour les petites unités qui sont de vraies communautés. « Small is beautiful »
1899 s communautés. « Small is beautiful ». Quelle est la tâche des chrétiens et des Églises dans un monde pareil ? Les chrétie
1900 s chrétiens et des Églises dans un monde pareil ? Les chrétiens n’ont qu’une tâche devant toutes les solutions qu’on leur p
1901  ? Les chrétiens n’ont qu’une tâche devant toutes les solutions qu’on leur propose, c’est de s’efforcer d’être chrétiens. C
1902 abord : ne pas donner dans cette folle puissance. La puissance, c’est le pouvoir qu’on prend sur autrui. La liberté c’est
1903 r dans cette folle puissance. La puissance, c’est le pouvoir qu’on prend sur autrui. La liberté c’est le pouvoir que l’on
1904 issance, c’est le pouvoir qu’on prend sur autrui. La liberté c’est le pouvoir que l’on prend sur soi-même. Les seules cond
1905 pouvoir qu’on prend sur autrui. La liberté c’est le pouvoir que l’on prend sur soi-même. Les seules condamnations absolue
1906 prend sur autrui. La liberté c’est le pouvoir que l’ on prend sur soi-même. Les seules condamnations absolues prononcées pa
1907 rté c’est le pouvoir que l’on prend sur soi-même. Les seules condamnations absolues prononcées par Jésus sont dirigées cont
1908 bsolues prononcées par Jésus sont dirigées contre la puissance. Non pas contre la sexualité, comme on voulait nous le fair
1909 sont dirigées contre la puissance. Non pas contre la sexualité, comme on voulait nous le faire croire au xixe siècle. (Vo
1910 on pas contre la sexualité, comme on voulait nous le faire croire au xixe siècle. (Voyez Matt. 4 et Luc 4.) On ne peut pa
1911 tt. 4 et Luc 4.) On ne peut pas vouloir à la fois la puissance, la richesse, et être chrétien. L’idée de la croissance ill
1912 .) On ne peut pas vouloir à la fois la puissance, la richesse, et être chrétien. L’idée de la croissance illimitée comme b
1913 fois la puissance, la richesse, et être chrétien. L’ idée de la croissance illimitée comme bien suprême de l’humanité est u
1914 issance, la richesse, et être chrétien. L’idée de la croissance illimitée comme bien suprême de l’humanité est une idée fo
1915 de la croissance illimitée comme bien suprême de l’ humanité est une idée fondamentalement antichrétienne. Refuser la puis
1916 une idée fondamentalement antichrétienne. Refuser la puissance ne veut pas dire se retirer de tout, laisser aller les chos
1917 e veut pas dire se retirer de tout, laisser aller les choses ? Les chrétiens doivent vouloir et préparer une société où cha
1918 re se retirer de tout, laisser aller les choses ? Les chrétiens doivent vouloir et préparer une société où chacun puisse êt
1919 oir et préparer une société où chacun puisse être le prochain de l’autre, donc une société formée de petites communautés f
1920 ni responsabilité, ni liberté. Il n’y a plus que la promiscuité des solitudes. z. Rougemont Denis de, « [Entretien] Bo
1921 . Rougemont Denis de, « [Entretien] Bof ! disent les jeunes, pourquoi ? », La Vie protestante, Genève, 1 décembre 1978, p.
1922 Entretien] Bof ! disent les jeunes, pourquoi ? », La Vie protestante, Genève, 1 décembre 1978, p. 1-2.