1 1938, La Vie protestante, articles (1938–1978). Le temps des fanatiques (25 novembre 1938)
1 sent aux chrétiens : Voici la Bête ! Et la guerre que vous ferez contre elle, au nom du Christ, sera vraiment une guerre sa
2 celui qui demande à voir, celui qui estime encore que tout n’est pas si clair, ni si simple, ni si tranché, se voit aussitô
3 egarder à deux fois avant de donner mon adhésion. Que voulez-vous, je suis calviniste, et quand on me dit : Ceux-ci sont de
4 ux-là qui les attaquent, n’y aurait-il par hasard que des chrétiens ? Quand on me dit que les communistes sont des sans-Die
5 il par hasard que des chrétiens ? Quand on me dit que les communistes sont des sans-Dieu, je ne dis pas non, je ne suis pas
6 lutte contre la Russie rouge dans toute la presse qu’ il possède en Europe, le fait vraiment au nom de l’Évangile ? Et je me
7 l’Évangile ? Et je me demande si cet ordre établi que l’on nous invite à défendre, et qui comporte entre autres éléments le
8 e fonde vraiment sur l’Évangile ? Quand on me dit que les rouges d’Espagne brûlent les églises, je ne dis pas non : ils s’e
9 le Duce et le Führer, ne le soutiennent vraiment qu’ au nom du Christ ? Pourquoi donc ces dictateurs iraient-ils protéger e
10 ateurs iraient-ils protéger en Espagne une Église qu’ ils attaquent chez eux ? Et quand on me dit, d’un autre côté cette foi
11 ise. À quoi je réponds : Croyez-vous, chers amis, que vous n’en parlez pas vous-mêmes ? Les chrétiens qui se lancent dans u
12 s qui se lancent dans une croisade ne le font-ils que pour sauver l’Église ? Et même dans ce cas, est-ce une raison pour re
13 ormation ? Le fanatisme et le simplisme, voilà ce que le diable juge assez bon, de nos jours, pour attraper les enfants de
14 r les enfants de la Lumière ! J’aimerais beaucoup qu’ on ne déduise pas de ces propos qu’à mon avis les chrétiens doivent se
15 erais beaucoup qu’on ne déduise pas de ces propos qu’ à mon avis les chrétiens doivent se taire, se retirer dans une neutral
16 nt parti après une enquête loyale. Mais de grâce, qu’ on ne mêle pas tout sous prétexte de christianisme ! Qu’on n’appelle p
17 ne mêle pas tout sous prétexte de christianisme ! Qu’ on n’appelle pas « croisade » ou « guerre sainte » des entreprises qui
18 resteront toujours profondément impures. Surtout, que l’on nous laisse, à nous chrétiens, le privilège de plus en plus dang
19 plus dangereux de reconnaître les péchés du parti que nous adoptons. Car je vois que tous les partis sont, dans le fait, au
20 es péchés du parti que nous adoptons. Car je vois que tous les partis sont, dans le fait, au service de grandes religions a
21 chrétien comme jadis au Prophète : « Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? — La sentinelle a répondu : le matin vient et la
22 ous lui laissons volontiers la parole, convaincus que nos lecteurs, même s’ils sont étonnés de certaines de ses expressions
2 1939, La Vie protestante, articles (1938–1978). Nicolas de Flue et la tradition réformée (1er septembre 1939)
23 adition réformée (1er septembre 1939)c Tout ce que le Suisse romand moyen connaît de Nicolas de Flue, c’est que ce pieux
24 se romand moyen connaît de Nicolas de Flue, c’est que ce pieux ermite vint à la Diète de Stans pour apaiser les deux partis
25 chagrin. Situation très paradoxale, si l’on songe qu’ au xvie siècle, Nicolas fut revendiqué par tous les réformés de Suiss
26 ’un de leurs plus grands précurseurs. Il m’a paru que la question méritait bien d’être reprise, du point de vue d’un réform
27 du xxe siècle. D’où la première étude d’ensemble que viennent de publier Les Cahiers protestants . Je suis heureux de l’oc
28 aits importants. Nicolas de Flue ne devint ermite qu’ après avoir atteint sa cinquantième année. Né au début du xve siècle
29 itude. C’est donc au terme d’une féconde carrière qu’ il parvint à cette décision, non sans avoir mûrement pesé son acte et
30 s preuves dans la vie quotidienne. Notons ensuite qu’ au lieu d’entrer dans un couvent, Nicolas se retire dans une cabane co
31 qui se méfie de cet « irrégulier ». Ne dit-on pas que , durant les vingt ans de sa retraite, il n’a pris d’autre nourriture
32 ns de sa retraite, il n’a pris d’autre nourriture que l’hostie, une fois par semaine ? L’évêque et les autorités ont bien t
33 tique et participe si bien à la vie de son peuple que le simple message qu’il transmettra aux députés, lors de la fameuse D
34 bien à la vie de son peuple que le simple message qu’ il transmettra aux députés, lors de la fameuse Diète de Stans, sauvera
35 ation. Il ne s’est libéré de certaines servitudes que pour mieux servir le Seigneur dans la personne de son prochain. Il n’
36 prochain. Il n’a renoncé à ses travaux de paysan que pour mieux travailler au bien de tous. En fin de compte, sa retraite
37 Pères de notre Confédération, c’est à son action qu’ il le doit. S’il n’avait été qu’un ascète, nous ne saurions plus rien
38 ’est à son action qu’il le doit. S’il n’avait été qu’ un ascète, nous ne saurions plus rien de lui. C’est pourquoi les réfor
39 Klaus publiés par Dürrer en 1921, nous constatons que , dans l’ensemble, les positions furent très vite prises, et très nett
40 Sébastien Franck dit à la fin de sa chronique : «  Qu’ il n’ait rien mangé, je ne puis le croire : les Suisses eux-mêmes ne l
41 ne l’affirment et ne le croient pas. » Rappelons que lorsqu’on demandait à Nicolas comment il pouvait vivre « sans nourrit
42 2, un pamphlet catholique anonyme se plaint de ce que les réformés invoquent sans cesse les conseils de l’ermite dès qu’il
43 eur, à quoi se résument ces conseils ? À ceci : «  que chacun doit rester sur son fumier » ! Mais Nicolas n’a-t-il pas dit a
44 on fumier » ! Mais Nicolas n’a-t-il pas dit aussi qu’ il fallait garder l’« ancienne foi » ! Voilà le conseil que les protes
45 lait garder l’« ancienne foi » ! Voilà le conseil que les protestants devraient suivre ! Ce dernier argument ayant été repr
46 s ancêtres ! Car c’est par la seule force de Dieu que nos ancêtres se sont libérés des maîtres que Faber sert aujourd’hui…
47 Dieu que nos ancêtres se sont libérés des maîtres que Faber sert aujourd’hui… Si nous suivions les conseils du frère Claus,
48 vrage sur la Vie monacale. Il insiste sur le fait que l’ermite n’a nullement rompu ses liens avec sa paroisse, mais, au con
49 rère Claus. Les cantons catholiques reconnaissent qu’ il avait eu raison de les mettre en garde contre les vaines richesses,
50 res, les « vêtements étrangers » et les doctrines qu’ on ne met pas en pratique. Les cantons protestants, pour leur part, se
51 nel et la vigilance. Puis il salue l’ange de Dieu qu’ il voit venir à sa rencontre. Les satires zwingliennes et le mystère d
52 rvention politique. Or c’est précisément ce trait que les premiers réformés ont souligné. Ne conviendrait-il pas que les pr
53 ers réformés ont souligné. Ne conviendrait-il pas que les protestants, de nos jours, s’avisent de renouer leur tradition de
54 et précisément au théâtre ? C’est dans cette idée que j’ai conçu, en septembre dernier, la légende dramatique qui sera joué
55 ité la plus brûlante de notre siècle : il n’était que de mettre en relief les traits de cette figure qui frappèrent particu
56 lle de l’ermite, c’est-à-dire sur le rôle civique que sa retraite lui permit de jouer. Nicolas ne pouvait pas lire la Bible
57 e la Bible, mais il aimait à en citer les versets qu’ on lui avait enseignés. Je l’ai fait parler le plus possible en style
58 s la vraie tradition du théâtre protestant, telle que l’illustre, par exemple, l’Abraham sacrifiant de Théodore de Bèze. Ni
59 se un drame protestant, c’est bien moins le sujet que le style, l’inspiration biblique, au premier chef. Ces quelques mots
60 souvenir de Nicolas de Flue nous faire comprendre que le paix n’est jamais le résultat de nos calculs, mais le miracle de D
3 1940, La Vie protestante, articles (1938–1978). De Luther à Hitler (15 mars 1940)
61 mportants de notre histoire occidentale. J’estime qu’ elle a suffisamment duré. Je suis prêt à la dénoncer dans toutes les r
62 veulent bien publier ma prose. Il est bien clair que les milieux où cette erreur est professée y voient une arme non pas c
63 is bien à englober le premier dans la réprobation que provoque le racisme. Est-ce une tactique adroite et justifiable, au m
64 L’auteur d’un livre récent sur l’Allemagne écrit que la nation éduquée par Luther « était prête à se donner à n’importe qu
65 rête à se donner à n’importe quel despote, pourvu qu’ il fût Allemand et protestant ». Or le despote est venu, cher M. de Re
66 laît, au Suisse inquiet, au protestant scandalisé que je suis, pour expliquer cette affligeante contradiction. D’autre part
67 ligeante contradiction. D’autre part, où prend-on que Luther ait formé l’Allemagne moderne ? Comment sa doctrine centrale d
68 t pur, privé de toutes fins transcendantes, telle que j’ai pu la voir à l’œuvre et telle que je l’ai décrite en plus d’un l
69 tes, telle que j’ai pu la voir à l’œuvre et telle que je l’ai décrite en plus d’un livre ? Certes, on pourra toujours faire
70 urs de la « Raison » et de la « claire latinité » que veulent être M. de Reynold, M. Massis, M. Maurras. J’y vois tout au p
71 oint par Genève ? Et si l’on persiste à prétendre que le luthéranisme porte en soi les germes indestructibles de la tyranni
72 e la tyrannie politique (malgré la « résistance » qu’ auraient représentée tous ces catholiques allemands), je poserai un pr
73 e poserai un problème délicat : Comment expliquer que les quatre pays où le luthéranisme a triomphé sans résistance, et bie
74 triomphé sans résistance, et bien plus totalement qu’ en Allemagne, soient aujourd’hui les parangons de la liberté démocrati
75 e répondre franchement, je m’engage à reconnaître que Luther est coupable de n’avoir pas su, dans l’espace d’une vingtaine
76 taine d’années, dominer les fatalités germaniques que six siècles de catholicisme lui léguaient parfaitement intactes. d.
4 1940, La Vie protestante, articles (1938–1978). « Dieu premier servi » (26 avril 1940)
77 ier servi » (26 avril 1940)e On a beaucoup dit que le secret de la résistance finlandaise était la foi profonde de ce pe
78 propos de la Suisse. Je suis de ceux qui pensent que la foi n’est pas « une affaire privée », ainsi que le prétendait Marx
79 ue la foi n’est pas « une affaire privée », ainsi que le prétendait Marx. Le chrétien a le devoir d’agir au nom de sa foi,
80 s être chrétiens parce que nous sommes Suisses et que la Suisse est officiellement un pays chrétien. Mais nous devons être
81 ue nous sommes chrétiens d’abord. Or, je constate qu’ on entretient chez nous d’assez graves équivoques sur ce point. Il ne
82 our dire, écrire, ou simplement laisser entendre, qu’ un bon citoyen suisse a le devoir d’être chrétien, comme si ce devoir
83 oquer « le Dieu de nos pères », il semble parfois que ce soit moins parce qu’ils croient le christianisme vrai, que parce q
84 moins parce qu’ils croient le christianisme vrai, que parce qu’ils le croient utile au bon moral de la nation, voire à la d
85 t une conception de la « religion » plutôt déiste qu’ évangélique ; elles prônent un moralisme plutôt bourgeois que charitab
86 que ; elles prônent un moralisme plutôt bourgeois que charitable ; elles ont une façon d’exalter la croix blanche de notre
87 appelle davantage le Gott mit uns de Guillaume II que le Dieu premier servi de Jeanne d’Arc. Bref, l’intérêt qu’elles porte
88 eu premier servi de Jeanne d’Arc. Bref, l’intérêt qu’ elles portent à la religion paraît subordonné à celui qu’elles portent
89 s portent à la religion paraît subordonné à celui qu’ elles portent à la conservation de notre État. Or nous devons croire e
90 d’un homme dont la pensée me paraît plus actuelle que jamais, Alexandre Vinet : « Veuillez d’abord, écrivait-il, avoir une
91 qui veut m’ôter ma religion m’effraie bien moins que celle qui veut en avoir une. » C’est parce que Niemöller et ses frère
92 t parce que Niemöller et ses frères savaient cela qu’ ils ont résisté, qu’ils résistent. e. Rougemont Denis de, « “Dieu p
93 r et ses frères savaient cela qu’ils ont résisté, qu’ ils résistent. e. Rougemont Denis de, « “Dieu premier servi” », La
5 1940, La Vie protestante, articles (1938–1978). Neutralité (3 mai 1940)
94 i ne sont ni froids ni bouillants seront vomis ». Qu’ est-ce que cela signifie, pratiquement ? Que ceux qui sont froids ou
95 ni froids ni bouillants seront vomis ». Qu’est-ce que cela signifie, pratiquement ? Que ceux qui sont froids ou bouillants
96 s ». Qu’est-ce que cela signifie, pratiquement ? Que ceux qui sont froids ou bouillants seront mangés ! Je demande à voir
97 vis du Christ, la parole évangélique nous apprend que cette neutralité est suprêmement désavantageuse : elle entraîne notre
98 hrist. Si c’est vis-à-vis de la guerre des autres que l’on reste tiède, cette neutralité peut être avantageuse dans certain
99 re où elle nous exclut, précisément, d’un conflit que nous jugeons mauvais. Reste à savoir si le conflit actuel est « mauva
100 re nous vomisse… Mais ceci est une autre histoire que je n’ai pas à conter maintenant. Et nous avons d’ailleurs, à mon avis
101 s, à mon avis, d’autres raisons de rester neutres que celles qu’on peut tirer de considérations opportunistes. Je voulais s
102 is, d’autres raisons de rester neutres que celles qu’ on peut tirer de considérations opportunistes. Je voulais simplement r
103 stes. Je voulais simplement rappeler ceci : c’est qu’ on ferait bien de ne pas utiliser comme des proverbes généraux certain
104 aux certaines paroles du Christ qui n’ont de sens que par rapport à sa Personne, à son Royaume, à son Éternité. Répéter que
105 Personne, à son Royaume, à son Éternité. Répéter que les tièdes seront vomis, en détournant ce verset de son sens spiritue
6 1942, La Vie protestante, articles (1938–1978). Perspectives d’avenir du protestantisme (2 janvier 1942)
106 r du protestantisme (2 janvier 1942)g Le texte que nous publions est la conclusion d’une conférence que M. Denis de Roug
107 nous publions est la conclusion d’une conférence que M. Denis de Rougemont a donnée en septembre à Rio de la Plata, sous l
108 trois en guise de conclusion. La première, c’est que la Réforme, et spécialement sa tendance calviniste, est appelée à fig
109 aganisme totalitaire. La foi de la Réforme, telle que j’ai tenté de la situer dans l’évolution de l’Europe, représente en e
110 n, les morts. La religion totalitaire n’admet pas que « les choses vieilles sont passées », selon la parole de l’apôtre. El
111 y a plus ni juif ni grec ». Elle ne demande pas «  Que crois-tu ? Qu’espères-tu ? », mais elle demande « Quels sont tes mort
112 f ni grec ». Elle ne demande pas « Que crois-tu ? Qu’ espères-tu ? », mais elle demande « Quels sont tes morts ? ». Religion
113 des millénaires, jamais « passées ». Qui ne voit qu’ une telle religion hait mortellement et de toute sa nature la foi chré
114 u la victoire. Elles ne sauront la rendre féconde que si elles se laissent guider et inspirer par la tradition spirituelle
115 , c’est celle du mouvement œcuménique. Vous savez que l’initiateur de ce vaste effort, qui tend à réunir toutes les Églises
116 ulte et d’organisation. Ce n’est point par hasard que les calvinistes, bien qu’ils soient une minorité, jouent un rôle de p
117 e fondre dans une Église plus vaste. S’il fallait que je dise en une phrase ce qui m’attache à l’Église protestante, plutôt
118 e ce qui m’attache à l’Église protestante, plutôt qu’ à aucune autre, je dirai ceci : L’Église protestante est justement cel
119 constamment réformée et jugée par la Vérité même qu’ elle annonce et dont elle doit se sentir responsable devant le monde d
7 1943, La Vie protestante, articles (1938–1978). Les tours du diable I : « Je ne suis personne » (15 octobre 1943)
120 est dans les Petits poèmes en prose de Baudelaire que l’on peut lire la phrase la plus profonde écrite par un moderne sur S
121 a plus belle ruse du diable est de nous persuader qu’ il n’existe pas. » Reconnaissons que ce tour n’a jamais mieux réussi q
122 ous persuader qu’il n’existe pas. » Reconnaissons que ce tour n’a jamais mieux réussi que dans l’époque contemporaine. Même
123 Reconnaissons que ce tour n’a jamais mieux réussi que dans l’époque contemporaine. Même quand nous croyons « encore » en Di
124 « encore » en Dieu, nous croyons si peu au diable que l’on m’accusera certainement d’obscurantisme, ou simplement de manque
125 iocrement contribué à la réussite du premier tour que dénonce Baudelaire. Beaucoup s’y arrêtent : « Comment peut-on perdre
126 et trop évidemment puérile, ils ne se doutent pas que le diable agit ailleurs, sans queue ni barbe, par leurs mains peut-êt
127 ; donc je ne crois pas au diable. » C’est tout ce qu’ il demandait. Et ceux qui en restent aux contes de bonnes femmes, ce s
128 i refusent de croire au diable à cause de l’image qu’ ils s’en font, et qui est tirée des contes de bonnes femmes. Cependant
129 ez-le, parle beaucoup moins du « mal » en général que du Malin personnifié (tout au moins dans les textes originaux). Si l’
130 u-delà de nos frontières. Nous dirions volontiers qu’ il est aujourd’hui un des meilleurs interprètes laïques d’une théologi
131 ins numéros, quelques-unes des pages remarquables qu’ on a bien voulu mettre à notre disposition. »
8 1943, La Vie protestante, articles (1938–1978). Les tours du diable II : Le menteur (22 octobre 1943)
132 est par la liberté, à cause d’elle, et dans elle, que nous avons le pouvoir de pécher. Car pécher c’est tricher avec l’ordr
133 a liberté seule il peut pécher. Et le péché n’est qu’ un mensonge. Mais le mensonge proféré nous lie… Comprenons maintenant
134 mensonge proféré nous lie… Comprenons maintenant que le diable ne pourrait rien sans notre liberté. Car c’est par nous seu
135 sans notre liberté. Car c’est par nous seulement qu’ il agit dans le monde, et c’est en provoquant l’abus de notre liberté
136 e, et c’est en provoquant l’abus de notre liberté qu’ il agit en nous et nous lie. Si Ève n’avait pas été libre de manger ce
137 gloire de l’homme étant sa liberté, il est clair que c’est en ce point que le Malin devait atteindre notre orgueil et s’in
138 nt sa liberté, il est clair que c’est en ce point que le Malin devait atteindre notre orgueil et s’insérer dans nos défense
139 onfirmer par la vertu du témoignage, il est clair que la grande ambition satanique devait être de s’emparer de la parole da
140 e. Et c’est pourquoi la Bible dit, énergiquement, que lorsque nous mentons, c’est le diable lui-même qui « tire sa langue d
141 able du vrai. Si le client contrôle, il peut voir qu’ on le vole, et vous savez de combien vous le volez : une vérité reste
142 de contrôle possible. Et peu à peu vous oublierez que vous trichez. Parions même que vous mettrez vos scrupules à faire des
143 peu vous oublierez que vous trichez. Parions même que vous mettrez vos scrupules à faire des pesées rigoureuses, peut-être
144 teur et le Père du mensonge », dit l’Évangile tel qu’ on le cite d’ordinaire. Ceci concerne le premier mensonge, celui qui s
145 nt de la connaître) ou à la nier (tout en sachant que , pour si peu, elle ne cesse pas d’exister). Mais le texte original de
146 t par ses propres œuvres, en abusant d’une vérité qu’ il rejette aussitôt qu’avilie et qui mourra du monstre mis au monde. M
147 s, en abusant d’une vérité qu’il rejette aussitôt qu’ avilie et qui mourra du monstre mis au monde. Monstrueuse création du
148 innocence utopique. Le mensonge ordinaire n’était que l’omission ou la contradiction d’une vérité, qui subsistait ailleurs
149 is le mensonge diabolique tue le juge. Il ne part que de soi, et ne prolifère qu’en autarcie, comme une monade cancéreuse,
150 e le juge. Il ne part que de soi, et ne prolifère qu’ en autarcie, comme une monade cancéreuse, introduisant dans l’univers
9 1943, La Vie protestante, articles (1938–1978). Les tours du diable III : diable et sexe (29 octobre 1943)
151 bien être déçue. Voyons. Tout le monde s’imagine que le péché par excellence réside dans la sexualité. L’illusion s’aperço
152 ques — « c’est vital ! » —, soit en se persuadant que « ça n’a pas d’importance » ; ou les deux ensemble. En vérité, la sex
153 té, la sexualité en soi n’est pas plus diabolique que la digestion ou la respiration. Si la majorité des Occidentaux se fig
154 ation. Si la majorité des Occidentaux se figurent que le péché originel fut l’acte sexuel, dont la consommation de la pomme
155 le cas où le fruit mangé par Ève signifierait ce que l’on croit, notez que ce n’est pas le geste de manger une pomme qui é
156 ngé par Ève signifierait ce que l’on croit, notez que ce n’est pas le geste de manger une pomme qui était mauvais aux yeux
157 se lie à l’amour, et à l’esprit, et c’est par là qu’ elle va se pervertir et devenir à son tour source de perversion. La pa
158 re de manger et de respirer, et il est nécessaire que le sang circule, mais on peut vivre en restant chaste. L’usage du sex
159 , le symbole ou le signe physique. Or nous savons que si l’homme peut pécher, c’est uniquement parce qu’il est libre, c’est
160 é, comme le langage et les activités de l’esprit, que la sexualité donne prise au diable. Et certes il ne s’y intrigue pas
161 iable. Et certes il ne s’y intrigue pas davantage que dans nos créations les plus abstraites. Il est même plus aisément rec
162 ux. La sexualité ne devient proprement démoniaque que lorsque l’esprit s’en empare, la contamine, la dénature, ou lui rend
163 uelle dont souffre toute la bourgeoisie. Au point qu’ un Freud a cru pouvoir « tout expliquer » par les censures et refoulem
164 ilieu, et de son temps. D’où l’on devrait déduire que le meilleur moyen de prévenir les états de possession satanique et le
165 humanité de l’homme. Le sexe n’est pas plus divin qu’ il n’est honteux, mais il est lié intimement aux fonctions les plus hu
166 e personne responsable. L’indifférence croissante que l’on observe, dans la jeunesse américaine par exemple, à l’égard des
167 ciance morale se traduit moins par une libération que par une flagrante indigence dans les rapports fondamentaux. En présen
10 1943, La Vie protestante, articles (1938–1978). Les tours du diable IV : L’accusateur (5 novembre 1943)
168 (5 novembre 1943)l Il n’est peut-être au monde qu’ une seule chose pire que de douter du bien et du réel, et c’est de dou
169 n’est peut-être au monde qu’une seule chose pire que de douter du bien et du réel, et c’est de douter du pardon, une fois
170 faut croire au pardon pour oser confesser le mal qu’ on a commis ; pour oser qualifier de faute sa propre faute ; et pour q
171 . Non content de nous prendre à ses pièges, sitôt qu’ il nous a pris il est le premier à nous dénoncer devant Dieu de la man
172 e sans pitié son prochain ou soi-même, soyez sûrs que c’est le diable qui parle, l’Accusateur qui tient le pardon pour une
173 a duplicité infernale, c’est de nous faire croire qu’ il n’y a pas de juge, ni d’ordre divin du réel, et aussitôt que nous l
174 as de juge, ni d’ordre divin du réel, et aussitôt que nous l’avons cru, de nous accuser de contravention devant le Juge. Ai
175 ne. Elle ne laisse aux meilleures de ses victimes que l’héroïsme autosadique de la révolte. l. Rougemont Denis de, « Les
11 1943, La Vie protestante, articles (1938–1978). Les tours du diable V : Le tentateur (12 novembre 1943)
176 était le plus rusé de tous les animaux des champs que l’Éternel Dieu avait faits. Il dit à la femme : Dieu a-t-il réellemen
177 ngerez point et vous n’y toucherez point, de peur que vous n’en mouriez. Alors le serpent dit à la femme : vous ne mourrez
178 la femme : vous ne mourrez point. Mais Dieu sait que le jour où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront, et que vous serez
179 our où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront, et que vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal. » (Gen. 3:
180 ructures. « Dieu a-t-il réellement dit ?… » Sitôt que cette incertitude est insinuée dans un esprit, la possibilité d’une t
181 aucune possibilité d’imaginer quelque autre chose que l’état de fait. On dit bien : l’occasion fait le larron. Vous n’êtes
182 tenté d’aller dans la lune, parce que vous savez que c’est absolument impossible. Mais vous seriez probablement tenté d’y
183 ue d’aller à la divinité par un plus court chemin que celui du réel ; par un chemin que l’on inventerait soi-même, en dépit
184 us court chemin que celui du réel ; par un chemin que l’on inventerait soi-même, en dépit des interdictions que posent les
185 inventerait soi-même, en dépit des interdictions que posent les lois de la Création, l’ordre divin et la nature de l’homme
186 deuxième temps de la tentation : « La femme vit que l’arbre était bon à manger et agréable à la vue, et qu’il était préci
187 arbre était bon à manger et agréable à la vue, et qu’ il était précieux pour ouvrir l’intelligence : elle prit de son fruit
188 qu’on imagine, et même un meilleur bien que celui que Dieu offre, un bien que l’on se figure « mieux fait pour soi ». Ève n
189 iser de cette manière convoiteuse, il se trouvait qu’ aux yeux de Dieu c’était un mal… Ainsi la tentation est toujours utopi
190 , puis le désir d’un bien que le réel condamne et que le plan divin ne prévoit pas. Satan, lorsqu’il tente le Christ, lui p
191 oyens de gagner le monde par un plus court chemin que le sentier de Golgotha. À l’origine, le « méchant » n’est pas celui q
192 tout au moins). Mais c’est celui qui se persuade que le bien qu’il a conçu vaut mieux que le vrai bien. « Le méchant fait
193 se persuade que le bien qu’il a conçu vaut mieux que le vrai bien. « Le méchant fait une œuvre qui le trompe. » Or, c’est
194 trompe. » Or, c’est parce qu’il se trompe d’abord que son œuvre va le tromper. La réalité méprisée se vengera automatiqueme
195 heurs dans l’histoire, ou de péchés dans une vie, que le mal finira par exister en soi, apparence encore, mais active, cont
196 e devenue seconde nature. Et c’est à ce moment-là que Baudelaire peut écrire : « L’homme et la femme savent de naissance qu
197 crire : « L’homme et la femme savent de naissance que dans le mal se trouve la volupté… La volupté unique et suprême gît da
198 per, à sa manière encore, aux conséquences du mal que l’on a fait ; pour se châtier soi-même sans réparer. C’est le mystère
12 1943, La Vie protestante, articles (1938–1978). Les tours du diable VI : Le mal du siècle : la dépersonnalisation (19 novembre 1943)
199 egaard, le penseur capital de notre ère. Voici ce que l’on peut lire dans son journal intime : En opposition aux distinctio
200 , de nos jours, le fait en masse. C’est pour cela que les gens se rassemblent en troupeaux, pour que l’hystérie naturelle e
201 laquelle, ayant perdu son moi, on ne sait plus ce que l’on est en train de faire ou de dire, on ne sait plus ce qui parle à
202 travers vous, tandis que le sang court plus vite, que les yeux brillent et deviennent fixes, et que les passions bouillonne
203 te, que les yeux brillent et deviennent fixes, et que les passions bouillonnent. À quoi pouvait penser Kierkegaard lorsque,
204 ations démocratiques. Kierkegaard a compris mieux que quiconque et avant tous, le principe diabolique créateur de la masse 
205 atre femmes, dans l’illusion d’être une foule, et que personne peut-être ne saurait dire qui l’avait fait ou qui avait comm
206 même et unique artifice : faire croire à l’homme qu’ il n’est pas responsable, qu’il n’y a pas de Juge, que la Loi est dout
207 ire croire à l’homme qu’il n’est pas responsable, qu’ il n’y a pas de Juge, que la Loi est douteuse, qu’on ne saura pas, et
208 l n’est pas responsable, qu’il n’y a pas de Juge, que la Loi est douteuse, qu’on ne saura pas, et que d’ailleurs, une fois
209 qu’il n’y a pas de Juge, que la Loi est douteuse, qu’ on ne saura pas, et que d’ailleurs, une fois le coup réussi, on sera D
210 , que la Loi est douteuse, qu’on ne saura pas, et que d’ailleurs, une fois le coup réussi, on sera Dieu soi-même, donc maît
211 uis caché. Et l’Éternel Dieu dit : Qui t’a appris que tu es nu ? Est-ce que tu as mangé de l’arbre dont je t’avais défendu
212 l Dieu dit : Qui t’a appris que tu es nu ? Est-ce que tu as mangé de l’arbre dont je t’avais défendu de manger ? L’homme ré
213 s défendu de manger ? L’homme répondit : La femme que tu as mise auprès de moi m’a donné de l’arbre, et j’en ai mangé. Et l
214 ’y sont plus. Et quand on les attrape, ils disent que c’était l’autre. Ainsi les hommes de notre temps, poussés par leurs «
215 our qu’il n’y ait plus de responsabilité, il faut qu’ il n’y ait plus personne. Or si j’appelle et qu’il n’y a pas de répons
216 t qu’il n’y ait plus personne. Or si j’appelle et qu’ il n’y a pas de réponse, je dis qu’il n’y a personne. La personne est
217 i j’appelle et qu’il n’y a pas de réponse, je dis qu’ il n’y a personne. La personne est en nous ce qui répond de nos actes,
218 pour qu’il n’y ait plus de responsable, il suffit qu’ il y ait une masse. Satan va donc créer les masses. Nous tenons ici le
219 t rationaliser la chasse aux âmes. Il faut avouer que presque toutes nos inventions techniques, la plupart de nos idéaux, e
220 paraissent de plus en plus inacceptables à mesure que se répandent les notions de progrès indéfini, de confort à tout prix,
221 onfort à tout prix, de succès rapide, et à mesure que s’efface la croyance dans un au-delà. D’une part l’individu moderne e
222 les a faits d’abord, et ce n’est point par hasard qu’ il a fait ceux-là et non d’autres. Les véritables causes et racines du
223 s existences individuelles. Et c’est là seulement qu’ on peut la dénoncer. n. Rougemont Denis de, « Les tours du diable V
13 1943, La Vie protestante, articles (1938–1978). Les tours du diable VII : La cinquième colonne (26 novembre 1943)
224 artout, sa figure se brouille. Et les définitions que j’en ai données successivement, à force de se compenser, finissent pa
225 nt reconnaissable de la personne de Satan ? C’est que le diable est justement celui qui n’est jamais clairement et honnêtem
226 terme. Il est beau aux yeux des naïfs qui croient que le mal doit être laid ; et il est d’une laideur irrésistiblement atti
227 et déconcertante pour notre raison. On sait assez que le procédé favori de la Cinquième Colonne consiste à semer la confusi
228 er chez un autre et lui régler son compte — voici qu’ il est devenu vous-même ! Mais alors ?… Eh bien ! si vous voulez déjou
14 1943, La Vie protestante, articles (1938–1978). Les tours du diable VIII : Le diable démocrate (3 décembre 1943)
229 masses et l’élite, l’on est induit à reconnaître que le Progrès automatique n’était qu’un déguisement du diable. Non pas q
230 à reconnaître que le Progrès automatique n’était qu’ un déguisement du diable. Non pas qu’aucun progrès réel soit diaboliqu
231 ique n’était qu’un déguisement du diable. Non pas qu’ aucun progrès réel soit diabolique en soi ! Mais si l’on s’abandonne a
232 avec l’arrière-pensée fataliste et réconfortante que tout s’arrangera de soi-même, dans l’ensemble et à la longue, alors l
233 sa propre bonté. Et donc de s’aveugler sur le mal que l’on porte en soi. Et donc de ne pas se soucier de la présence active
234 er le champ libre pour nous duper. Nous avons cru que le mal était relatif dans le monde, qu’il provenait d’une mauvaise ré
235 avons cru que le mal était relatif dans le monde, qu’ il provenait d’une mauvaise répartition des biens, d’une éducation mal
236 evant le réel. Car dans le réel, nous savons bien qu’ il y a du mal, qu’il y a l’action du diable. Mais cela nous scandalise
237 dans le réel, nous savons bien qu’il y a du mal, qu’ il y a l’action du diable. Mais cela nous scandalise et nous effraye.
238 : c’est encore la mentalité magique. Nous pensons que celui qui dénonce le mal comme fondamental doit être lui-même très mé
239 tal doit être lui-même très méchant. Nous croyons qu’ en avouant le mal, nous le créons d’une certaine manière. Nous préféro
240 is à agir sans réserve, nous aurions vu très vite que ce mal avait des racines dans nos vies aussi, et que d’une certaine m
241 ce mal avait des racines dans nos vies aussi, et que d’une certaine manière, nous l’aimions ! Voilà le grand secret. Le di
242 Le diable a réussi à faire croire aux démocrates qu’ ils n’aimaient pas du tout le mal, qu’ils ne le désiraient nullement,
243 démocrates qu’ils n’aimaient pas du tout le mal, qu’ ils ne le désiraient nullement, qu’ils étaient bons et les autres méch
244 u tout le mal, qu’ils ne le désiraient nullement, qu’ ils étaient bons et les autres méchants, et que c’était tellement simp
245 t, qu’ils étaient bons et les autres méchants, et que c’était tellement simple… Comme je voudrais que cela soit aussi simpl
246 t que c’était tellement simple… Comme je voudrais que cela soit aussi simple ! Ne fût-ce que pour le moral militaire. Car,
247 e voudrais que cela soit aussi simple ! Ne fût-ce que pour le moral militaire. Car, ainsi qu’aimait à le répéter un fameux
248 Ne fût-ce que pour le moral militaire. Car, ainsi qu’ aimait à le répéter un fameux général autrichien, Conrad von Hötzendor
249 Hötzendorf : « Tout ce qui n’est pas aussi simple qu’ une gifle ne vaut rien pour la guerre. » C’est sans doute vrai pour un
250 une armée. Mais cette guerre-ci oppose bien plus que des armées. Elle oppose des conceptions de la vie. C’est une espèce d
251 mal qui est chez autrui peut aveugler sur le mal que l’on porte en soi, et sur le sérieux du mal en général. La condamnati
252 z le diable qui est parmi nous ! Cessez de croire qu’ il ne peut ressembler qu’à vos ennemis, car c’est à vous-mêmes qu’il s
253 nous ! Cessez de croire qu’il ne peut ressembler qu’ à vos ennemis, car c’est à vous-mêmes qu’il s’arrangera toujours pour
254 ssembler qu’à vos ennemis, car c’est à vous-mêmes qu’ il s’arrangera toujours pour ressembler le plus ! C’est en vous seulem
255 pour ressembler le plus ! C’est en vous seulement que vous le prendrez sur le fait. Et alors seulement, vous serez en état
15 1943, La Vie protestante, articles (1938–1978). Les tours du diable IX : « Nous sommes tous coupables » (10 décembre 1943)
256 us coupables » (10 décembre 1943)q Chacun sait que les « primitifs » de la Mélanésie, victimes des plus célèbres études
257 es, des accidents, de la stérilité ou de la mort. Que ce soit un sorcier, un profanateur du sacré, un animal, un nuage, un
258 forcé depuis des siècles de nous faire comprendre que le Royaume de Dieu est en nous, que le Mal aussi est en nous, et que
259 re comprendre que le Royaume de Dieu est en nous, que le Mal aussi est en nous, et que le champ de leur bataille n’est pas
260 ieu est en nous, que le Mal aussi est en nous, et que le champ de leur bataille n’est pas ailleurs que dans nos cœurs. Cett
261 que le champ de leur bataille n’est pas ailleurs que dans nos cœurs. Cette éducation a largement échoué. Nous persistons d
262 es. Si nous sommes révolutionnaires, nous croyons qu’ en changeant la disposition de certains objets — en déplaçant les rich
263 le. Si nous sommes des capitalistes, nous croyons qu’ en déplaçant vers nous ces mêmes objets, nous sauverons tout. Si nous
264 démocrates, inquiets ou optimistes, nous croyons qu’ en rôtissant quelques dictateurs, profanateurs du droit, ou « sorciers
265 ourtes. Nous oublions ce fait fondamental : c’est qu’ en réalité nos adversaires ne diffèrent pas essentiellement de nous. C
266 est toujours en nous. Et c’est pourquoi je pense que le chrétien véritable serait cet homme qui n’aurait d’autre ennemi à
267 cet homme qui n’aurait d’autre ennemi à craindre que celui qu’il loge en lui-même. Mais voici une remarque des plus simple
268 qui n’aurait d’autre ennemi à craindre que celui qu’ il loge en lui-même. Mais voici une remarque des plus simples : person
269 e des plus simples : personne n’a jamais prétendu qu’ il agissait par mauvaise volonté. Nous sommes tous des « hommes de bon
270 ntes n’est nullement de justifier « les autres », que l’on avait d’abord accusés de tout le mal ; ni de nous fourrer tous d
271 uisqu’il faut combattre le crime, je ne dirai pas que je vais laisser courir le criminel d’en face, pour mieux me livrer d’
272 d à ma réforme intérieure ! Je dirai au contraire que la lutte pour me réformer et la lutte pour empêcher le criminel de po
273 suivre ses méfaits, sont une seule et même lutte. Que servirait de gagner cette lutte en moi seulement, puisque le criminel
274 puisque le criminel risquerait de me supprimer ? Que servirait de la gagner hors de moi seulement, puisque je risquerais d
275 e devenir à mon tour un autre criminel ? Il n’y a qu’ un crime, en moi et hors de moi. C’est le même diable ! Et ceci n’est
276 hors de moi. C’est le même diable ! Et ceci n’est qu’ un post-scriptum à l’adresse des pacifistes : « Nous sommes tous coupa
277 ns pas le droit moral de nous battre contre celui que nous tenons pour un coupable. » — Nous sommes tous coupables, certes,
278 i nous en sommes persuadés, il ne nous reste plus qu’ à combattre le mal, en nous et hors de nous ; c’est le même mal ! En n
279 pas de nous des saints. Cela n’implique même pas que nous soyons « meilleurs que les autres ». Mais nous serons sûrement p
280 a n’implique même pas que nous soyons « meilleurs que les autres ». Mais nous serons sûrement pires si nous ne faisons pas
16 1943, La Vie protestante, articles (1938–1978). Les tours du diable X : Le diable homme du monde (17 décembre 1943)
281 e du monde (17 décembre 1943)r Qui donc disait que le diable est un monsieur très bien ? Entre les gens du monde et le P
282 méchant, mais parce qu’il est si vieux. C’est ce que l’on peut penser aussi des gens du monde, et de la sagesse mondaine e
283 ain, s’il est bien joué, ménage autant de liberté qu’ il ne suppose, dit-on, d’hypocrisie. Il a le charme reposant des forme
284 osant des formes fixes. Mais le mondain qui n’est que cela inspire une sorte d’effroi furtif, révélateur d’une présence per
285 yable de ses jugements, qui ne portent d’ailleurs que sur des apparences ; sa capacité d’éliminer froidement ce qui n’est p
286 ion presque maniaque à n’attacher de l’importance qu’ à un détail fortuit dans un être ou une œuvre ; tous ces traits qui po
287 érilité du personnage, et des effets stérilisants qu’ entraîne sa fréquentation. Ce n’est pas le goût ni même le pédantisme
288 parce que, dans le monde, un miracle paraît plus qu’ ailleurs improbable. r. Rougemont Denis de, « Les tours du diable X
17 1943, La Vie protestante, articles (1938–1978). Les tours du diable XI : Le diable dans nos dieux (24 décembre 1943)
289 est l’Incarnation, c’est-à-dire Dieu caché autant que révélé dans l’homme Jésus. Quelques-uns seulement surent reconnaître
290 tement inverses : c’est dans l’image de nos dieux qu’ il va se dissimuler, au cœur même de nos idéaux et de nos vérités trop
291 de nos vérités trop humaines, dans les religions que nous confabulons en dehors de la foi révélée. Le diable nous empêche
292 . Voici comment les hommes s’enchaînent aux dieux qu’ ils créent. Ceux qui ne l’ignoraient pas ont renié la Révélation. Dès
293 taient réduits à inventer Dieu. Mais on n’invente que ce que l’on est sans le savoir. Ils ont donc inventé un « Dieu » qui
294 réduits à inventer Dieu. Mais on n’invente que ce que l’on est sans le savoir. Ils ont donc inventé un « Dieu » qui était l
295 Les suivants, nos contemporains, moins hypocrites que leurs prédécesseurs, n’ont pas parlé de « Dieu ». Mais ils ont dit Na
296 ois entités divinisées, le moi n’est plus déguisé qu’ en un nous. Et ces trois entités ont ceci de commun : elles ne sont re
297 es de toute vérité purement humaine, et décrétant qu’ il n’est plus d’autre vérité. Or, aux yeux de ceux qui les servent, l’
298 ux yeux de ceux qui les servent, l’homme n’existe qu’ en elles et par elles. Dans la mesure où nous leur obéissons, nous ne
299 lité nulle part. Mais s’il apparaît, à l’inverse, que nous ne coïncidons pas avec l’entité divinisée — parce que nous somme
300 se, ou d’une autre génération physique et mentale que celle qui détient le pouvoir — alors nous sommes des « vipères lubriq
301 , ou bien nous sommes décapités à la hache, selon qu’ il s’agit respectivement du dieu Classe ou du dieu Race. Les dieux des
302 st sans doute moins dangereux lorsqu’il nous tue, que lorsqu’il prétend nous faire vivre. Il est moins dangereux dans nos v
303 aire vivre. Il est moins dangereux dans nos vices que dans nos vertus satisfaites… Voyez plutôt. Un jour, un Philanthrope s
304 propres à réformer l’humanité au-delà de tout ce que je désirerais même imaginer. Il venait d’allumer un bon cigare dont l
305 n ; il souriait, tout en lisant un bout de papier qu’ il venait de ramasser sur le trottoir. Après quelques instants, poussa
306 bonhomme ! dit-il entre ses dents. Voici son plan qu’ il a laissé tomber en donnant une pièce au mendiant. Il est parfait, c
18 1949, La Vie protestante, articles (1938–1978). Printemps de l’Europe (29 avril 1949)
307 pour cette année. On nous avait laissés entendre que les statuts de l’Assemblée européenne seraient terminés ces jours-ci,
308  et cela ne veut pas dire, comme dans la chanson, que nous ne verrons jamais rien venir : car l’élan est donné, le mouvemen
309 ment elle se fera. Peut-être n’est-il pas mauvais que la conférence des Dix ambassadeurs, à Londres1, prenne son temps. Il
310 e faisait bon accueil aux propositions détaillées que les délégués de notre Mouvement européen lui soumettaient. Nous savon
311 Mouvement européen lui soumettaient. Nous savons qu’ elle les étudie. Puisse-t-elle se laisser inspirer par ce temps de Pâq
312 ’Europe fédérée. Elle est moins vaste, en vérité, que celle du jeune Américain, mais à cause de cela même, elle est plus cl
313 , où les nations ne disparaîtraient pas davantage que les cantons n’ont disparu en se fédérant, mais où les guerres entre n
314 res entre nations deviendraient aussi impossibles que la guerre entre nos cantons. Imaginez ensuite cette grande Europe aus
315 maginez ensuite cette grande Europe aussi décidée que la Suisse à ne faire la guerre à personne, mais à défendre d’un seul
316 chniques et les experts. Tout dépend de la vision qu’ ils auront. Il n’est point d’ordre politique qui serve l’homme, s’il n
317 — l’auront vue et marchent vers elle. Il se peut que la vision qui les guide cache une réalité finale qui les surprenne. C
318 l se mit en route pour la joindre, et c’est ainsi qu’ il trouva l’Amérique. Mais nous, quel continent nouveau allons-nous ab
319 t nouveau allons-nous aborder demain ? Se peut-il que ce soit tout simplement l’Europe, redécouverte à la faveur de son uni
320 yeux étonnés, la Terre promise !2 1. On sait que les dix pays fondateurs de l’union européenne préparent une Assemblée
19 1961, La Vie protestante, articles (1938–1978). Bilan simple (29 décembre 1961)
321 l’Est, c’est à la cause du communisme tout entier qu’ elle a fait perdre la face, en bâtissant le mur de Berlin non pour se
322 ux États-Unis, d’où je reviens, il n’est question que du « miracle européen ». C’est un fait : la montée vers une prospérit
323 vait de libérer ses colonies — dont on prétendait qu’ elle vivait ! A-t-on remarqué le parallélisme, si frappant, entre la f
324 , l’Europe surmonte enfin les divisions mortelles qu’ entretenait dans son sein cette même passion. Elle choisit la santé :
325 ais en demandant son accession à ce Marché commun qu’ elle affecta longtemps de traiter d’utopie, la Grande-Bretagne a démon
326 e traiter d’utopie, la Grande-Bretagne a démontré que l’Europe unie était d’ores et déjà bien autre chose qu’une rêverie d’
327 Europe unie était d’ores et déjà bien autre chose qu’ une rêverie d’intellectuels. Tel est sans doute le fait majeur qui mar
328 t au monde l’exemple d’une fédération pacifique — que la Suisse a toutes les raisons de ne plus bouder — les Européens repr
329 arant de la paix mondiale. N’est-il pas admirable que l’année de l’Europe ait coïncidé par hasard avec l’année d’une grande
20 1965, La Vie protestante, articles (1938–1978). « Que signifie pour vous la formule célèbre ‟Ecclesia reformata semper reformanda” ? » (29 octobre 1965)
330 «  Que signifie pour vous la formule célèbre ‟Ecclesia reformata semper refo
331 ritage de la Réformation, ce n’est pas répéter ce que disaient ses auteurs, mais continuer à réformer. Seuls peuvent être f
332 ec tous les risques d’hérésie (hardiment assumés) que cela comporte, et en même temps reliés sans relâche à l’espérance de
333 doxe, à la Pentecôte œcuménique. Vous avouerai-je qu’ en tant que protestant, je me sens jaloux des possibilités réformatric
334 ’entendre, quoi qu’en décide finalement son chef. Qu’ avons-nous de pareil ? Et je ne dis pas seulement : quelle autorité ef
335 mais tout simplement quelle tribune ? Je constate que l’Église romaine a de meilleurs instruments d’autocritique, de remise
336 tique, de remise en question et de renouvellement que les Églises issues de la Réformation… Se pourrait-il qu’elle ait bien
337 Églises issues de la Réformation… Se pourrait-il qu’ elle ait bientôt plus de réformateurs vivants et d’avenir que nous n’e
338 bientôt plus de réformateurs vivants et d’avenir que nous n’en vénérons dans notre histoire ? Bon sujet de réflexion, en c
339 u. Rougemont Denis de, « [Réponse à une enquête] Que signifie pour vous la formule célèbre “Ecclesia reformata semper refo
340 . Le texte est introduit par la note suivante : «  Que signifie pour vous, avons-nous demandé à quelques personnalités, la f
21 1969, La Vie protestante, articles (1938–1978). La lune, ce n’est pas le paradis (1er août 1969)
341 1969)x y Ce mois-ci, ce n’est pas sur la Terre que nous allons chercher l’actualité qui sera notre sujet de réflexion, m
342 ougemont, et j’ai envie de la poser au philosophe que vous êtes : est-ce que nous savons pourquoi nous y allons ? Ce qui me
343 de la poser au philosophe que vous êtes : est-ce que nous savons pourquoi nous y allons ? Ce qui me frappe dans l’aventure
344 qui me frappe dans l’aventure d’« Apollo », c’est qu’ elle est l’entreprise qui a coûté le plus cher dans toute l’histoire d
345 du monde, est aussi la moins motivée. Les motifs que l’on a allégués en public sont puérils : le président Kennedy avait a
346 apparente ? Oui, on aurait pu consacrer ne fût-ce qu’ une partie de ces 100 milliards de francs suisses à augmenter la beaut
347 té ou pour une meilleure hygiène. Pourquoi est-ce qu’ on a choisi l’espace, concrétisé par la Lune, dans le cas qui nous occ
348 r la Lune, dans le cas qui nous occupe ? Je pense qu’ il y a là une espèce de fuite devant les problèmes du monde, un phénom
349 re, ayant une peur mortelle les uns et les autres que cela saute, ont été amenés — peut-être inconsciemment — à transposer
350 sur la Terre. Au fond, c’est dans ce domaine seul qu’ ils ont réussi à trouver les moyens d’une espèce non pas de coopératio
351 « Apollo », je vous ferai remarquer ceci : on dit que c’est une aventure scientifique, mais qu’est-ce qu’on met dans les mo
352 on dit que c’est une aventure scientifique, mais qu’ est-ce qu’on met dans les modules spatiaux ? Pas des savants, mais des
353 e c’est une aventure scientifique, mais qu’est-ce qu’ on met dans les modules spatiaux ? Pas des savants, mais des colonels.
354 nels et ils deviennent généraux. On pourrait dire que tout ce qu’ils ont été chercher là-haut, c’est une étoile — une petit
355 deviennent généraux. On pourrait dire que tout ce qu’ ils ont été chercher là-haut, c’est une étoile — une petite étoile en
356 t, c’est une étoile — une petite étoile en cuivre qu’ ils se mettent sur l’épaulette. Néanmoins, ce sont les savants qui le
357 ts, dans cette affaire ? Les savants peuvent dire que ce sont eux qui transforment ces colonels en projectiles à têtes cher
358 s pourraient dire — et ils le pensent peut-être — que ce sont eux qui utilisent le prétexte militaire en faveur d’une conna
359 eur d’une connaissance scientifique. Probablement que les militaires font le même raisonnement en sens inverse. Qui faut-il
360 l croire ? Les véritables motifs, on ne les saura que beaucoup plus tard, et ce ne seront pas les « bons » (les vrais) que
361 ard, et ce ne seront pas les « bons » (les vrais) que l’on décidera d’adopter officiellement, dans les livres d’histoire pa
362 dans les livres d’histoire par exemple. Je pense que si on découvre un jour dans l’espace, grâce à des stations mises sur
363 ladies — je ne sais quoi d’inattendu aujourd’hui, qu’ on ne cherche donc pas consciemment, on dira : c’est pour cela qu’on é
364 donc pas consciemment, on dira : c’est pour cela qu’ on était parti et qu’on avait fait tout ce programme si coûteux ! Il s
365 t, on dira : c’est pour cela qu’on était parti et qu’ on avait fait tout ce programme si coûteux ! Il s’est produit exacteme
366 istoire d’aujourd’hui, vous lisez très couramment que si Christophe Colomb est parti avec ses petites caravelles, c’est par
367 lait trouver les Indes, parce qu’on lui avait dit qu’ aux Indes les cités étaient pavées d’or et les palais recouverts de tu
368 s d’or. Or Christophe Colomb a trouvé l’Amérique, qu’ il ne cherchait pas. Et bien après lui, on y a trouvé de l’or. Et un p
369 tre question, toujours sur le même sujet : est-ce que vous êtes déçu, finalement, ou est-ce que vous avez envie d’aller dan
370 est-ce que vous êtes déçu, finalement, ou est-ce que vous avez envie d’aller dans la Lune ? Je suis profondément déçu. Je
371 n sentiment de désenchantement. J’ai l’impression que les rêves de l’humanité depuis des siècles — les rêves de poètes, les
372 rêves de Jules Verne — dépassaient de beaucoup ce que nous sommes en train de faire. Le rêve dévalorise l’actualisation de
373 se merveilleusement. Eh bien ! au fur et à mesure qu’ on avance vers la substance de la chose, quand on est prêt à la touche
374 se, quand on est prêt à la toucher, on s’aperçoit que la Lune est une malheureuse, vilaine chose, couverte de tuf volcaniqu
375 race d’hommes supérieurs, intelligents, meilleurs que nous, qui habitaient la Lune. Eh bien ! on s’aperçoit qu’il n’y a per
376 , qui habitaient la Lune. Eh bien ! on s’aperçoit qu’ il n’y a personne. Il y a un texte qui m’a frappé, que vous avez cité
377 l n’y a personne. Il y a un texte qui m’a frappé, que vous avez cité dans un article il y a sept ou huit ans — à l’époque o
378 it le paradis qui nous attend là-bas. Il nous dit que nous aurons là-bas des hôtels de grand luxe, avec des paysages extrao
379 lors on arrive à se demander aujourd’hui : est-ce que l’on a dépensé 100 milliards — 100 milliards n’étant qu’une partie de
380 n a dépensé 100 milliards — 100 milliards n’étant qu’ une partie de la dépense totale — pour avoir un Moon-Hilton ? … devant
381 es désolés, absolument désertiques ! Je dois dire que quand je pense à l’éventualité d’un exil sur la Lune, il me prend un
382 es, de l’herbe… Ce sont des réactions subjectives que nous exprimons. Mais on peut imaginer des réactions objectives. Alors
383 l’interviewer. « Je dis à Lénine, raconte Wells, que le développement de la technique humaine pourrait un jour changer la
384 c’est une prophétie assez extraordinaire : est-ce qu’ elle est complètement fausse ? Sûrement pas, car la recherche spatiale
385 trine des rapports de productions, il est évident qu’ elle ne vaut plus rien si on va sur la Lune — où les rapports de produ
386 s de productions ne sont en rien comparables à ce qu’ ils étaient au xixe siècle, quand Marx a écrit sa théorie. Il n’y a p
387 Justement, et on ne va pas en créer un, j’espère que non… Où Lénine se trompe à mon sens complètement, c’est quand il dit
388 rompe à mon sens complètement, c’est quand il dit que toutes les doctrines philosophiques et morales devront être révisées
389 problèmes de s’aimer activement, de s’entraider, qu’ ils auraient sur la Terre ou sur Mars. D’ailleurs, cette question de d
390 t pas seulement la Terre et le petit coin de ciel que nous voyons, permet de tirer des conclusions très ambiguës. Moi, j’ai
391 t pas aussi beau, ce n’est pas aussi paradisiaque qu’ on le pensait. Au fur et à mesure que l’homme va plus loin dans l’espa
392 paradisiaque qu’on le pensait. Au fur et à mesure que l’homme va plus loin dans l’espace, je me sens plus enfermé sur la Te
393 e me sens plus enfermé sur la Terre. C’est-à-dire que je suis frustré par les dimensions physiques augmentées dans l’espace
394 a Terre. Plus encore, cela me ramène à cette idée que la véritable aventure humaine est à l’intérieur de chacun de nous, no
395 ieur, dans l’espace, le cosmos physique. Je crois que même du point de vue de la technique, les plus grands achèvements hum
396 ne demande ni crédit, ni gadget. En quoi je pense qu’ elle est vraiment le sommet de l’aventure humaine. Relisant au lendem
397 tretien télévisé, je ne vois rien à modifier à ce que je disais un mois avant le départ d’Apollo 11. Il y avait là comme un
398 lo 11. Il y avait là comme un écho anticipé de ce que tant d’autres ont dit depuis, parmi lesquels, une bonne moitié des ci
399 xploit technique ! Mais si l’on découvrait demain que cela ne sert à rien ? » Ce qui importe, c’est qu’un profond mouvement
400 que cela ne sert à rien ? » Ce qui importe, c’est qu’ un profond mouvement se dessine déjà, jusque dans l’administration Nix
401 erre une part ou moins des centaines de milliards qu’ on destinait à se perdre au ciel vide. Quant à ma conclusion, elle m’a
402 et Denis de Rougemont dit, en quelques lignes, ce qu’ il pense aujourd’hui de l’événement qu’il avait commenté à l’avance. »
403 lignes, ce qu’il pense aujourd’hui de l’événement qu’ il avait commenté à l’avance. »
22 1978, La Vie protestante, articles (1938–1978). « Bof ! disent les jeunes, pourquoi ? » (1er décembre 1978)
404 publier un livre : L’Avenir est notre affaire . Qu’ entendez-vous par ce titre ? Je pense que nous sommes responsables, no
405 ffaire . Qu’entendez-vous par ce titre ? Je pense que nous sommes responsables, nous les hommes, de toutes les crises de l’
406 cience, car c’est probablement la dernière chance que nous avons de sortir de la crise dans laquelle nous nous sommes plong
407 ir. Ce n’est donc pas dans une visée prométhéenne qu’ il faut comprendre votre titre ? Pas du tout, ce n’est pas un défi. Si
408 de nous cacher, même derrière Dieu. Quand on voit que les choses tournent mal, il est trop tard pour dire : Ce n’est pas ma
409 i me disaient : « Pourquoi voulez-vous absolument que ça continue, l’humanité ? », j’ai répondu : C’est quelque chose qui e
410 i répondu : C’est quelque chose qui est plus fort que moi, et qui est l’espérance. C’est une volonté, un désir éperdu que l
411 t l’espérance. C’est une volonté, un désir éperdu que la vie continue. Je ne sais pas si c’est une espérance chrétienne, c’
412 parle saint Paul. Ou tout simplement l’espérance que , par notre action, nous pouvons faire du bien, pas seulement du mal ;
413 ous pouvons faire du bien, pas seulement du mal ; que nous pourrions encore sauver l’humanité — je ne dis pas dans un sens
414 dans un sens simplement physiologique, de manière que l’histoire dure encore. Je sais bien, si on s’en rapporte à l’Apocaly
415 Je sais bien, si on s’en rapporte à l’Apocalypse, que l’histoire temporelle finira mal, mais, qu’après cela, ça finira très
416 ypse, que l’histoire temporelle finira mal, mais, qu’ après cela, ça finira très bien. « Apocalypse » veut dire « révélation
417 ! Si j’étais totalement pessimiste, si je pensais qu’ il n’y a plus rien à faire, je n’écrirais pas — ou je raconterais des
418 rais des histoires. Si j’ai écrit ce livre, c’est que je prends tout à fait au sérieux l’avertissement d’Isaïe (ch. 21, v.
419 tissement d’Isaïe (ch. 21, v. 12) : « Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? — Le matin vient, et la nuit aussi ». Il y a donc
420 aussi ». Il y a donc toujours deux possibilités. Qu’ avez-vous à dire à une jeunesse aujourd’hui assez partagée entre une c
421 pas suffisamment impliqués pour dire autre chose que « Foutez-moi la paix ! je m’occupe de mes petites affaires, celles de
422 s, celles de mon âge, mettons ! » Mais les jeunes que je connais ne partagent pas du tout cette attitude : quand on leur pa
423 n’importe quand, ils ne disent pas « bof ». Ceux que je connais. Je pense qu’il est faux de dire que la génération actuell
424 disent pas « bof ». Ceux que je connais. Je pense qu’ il est faux de dire que la génération actuelle est la « bof-génération
425 x que je connais. Je pense qu’il est faux de dire que la génération actuelle est la « bof-génération » : ce sont des choses
426 le est la « bof-génération » : ce sont des choses que les hebdomadaires inventent de temps en temps pour faire monter le ti
427 ester à ce moment-là. L’auto industrielle n’avait que 29 ans, déjà Ford était milliardaire. Et j’ai eu une réaction viscéra
428 viscérale. Je me suis dit : c’est épouvantable ce que cet homme-là est en train de faire ! J’ai publié mon article dans une
429 mon article dans une petite revue qui ne comptait que quelques milliers de lecteurs ( Foi et Vie ), cela n’a eu aucun effet
430 ela n’a eu aucun effet, sauf sur moi. Le fait est que dès ce moment-là, je dénonçais la croissance illimitée dans un monde
431 s anticroissance avec les premiers personnalistes que j’ai rencontrés à Paris, la première année où je suis allé y travaill
432 s tard, après la guerre, l’évidence s’est imposée qu’ il fallait faire l’Europe tout de suite, sinon on recommencerait une a
433 lle l’a faussée. On a fait croire au monde entier que ce qu’il fallait copier de nous, c’étaient nos machines, nos armes, e
434 faussée. On a fait croire au monde entier que ce qu’ il fallait copier de nous, c’étaient nos machines, nos armes, et jamai
435 os recherches des années 1930. La guerre n’a fait qu’ interrompre… Elle a interrompu, mais en nous donnant raison ! hélas, n
436 pouvoir répondre de manière très nette. L’exemple que nous avions sous les yeux en 1931-1932 était l’État centralisé frança
437 poser l’État fédératif, le modèle suisse. J’avoue qu’ à ce moment-là je connaissais assez mal ce modèle, je ne m’étais pas b
438 -je… !) C’est plus tard, pendant la mobilisation, que j’ai découvert les trésors du fédéralisme. Nous parlions déjà de fédé
439 rands affrontements : c’était la tactique suisse, que l’on m’avait enseignée à l’école d’officiers en 1928 ! Une défense av
440 iciers en 1928 ! Une défense avec l’esprit autant qu’ avec les armes ? Une défense par tous les moyens, sur place, défense d
441 ent défensive. C’est en Amérique (de 1940 à 1946) que j’ai découvert l’Europe ! et la Suisse notamment ! Il faut s’éloigner
442 l faut s’éloigner de quelque chose pour savoir ce que c’est. En Amérique, il n’y avait rien sur la Suisse, alors j’ai écrit
443 er l’indépendance énergétique d’un pays, à preuve qu’ en France le nucléaire est appliqué d’après une licence américaine, so
444 respondent à leurs dimensions respectives, disons que le nucléaire est trop grand pour un seul pays, et qu’il y constitue u
445 le nucléaire est trop grand pour un seul pays, et qu’ il y constitue une menace pour la démocratie. Vous êtes membre du Grou
446 cratie. Vous êtes membre du Groupe de Bellerive : que fait-il ? C’est un groupe de personnalités internationales habitant G
447 ix, et contre les atteintes aux droits de l’homme qu’ entraîne fatalement une construction de cette dimension. Le nucléaire,
448 e de l’État-nation, qui résume à peu près tout ce que je dénonce : la dépersonnalisation, la perte de responsabilité (donc
449 stiblement vers la guerre. On nous a beaucoup dit que le nucléaire civil n’avait rien à voir avec la guerre nucléaire ; ce
450 glises dans un monde pareil ? Les chrétiens n’ont qu’ une tâche devant toutes les solutions qu’on leur propose, c’est de s’e
451 ns n’ont qu’une tâche devant toutes les solutions qu’ on leur propose, c’est de s’efforcer d’être chrétiens. Cela veut dire
452 e folle puissance. La puissance, c’est le pouvoir qu’ on prend sur autrui. La liberté c’est le pouvoir que l’on prend sur so
453 ’on prend sur autrui. La liberté c’est le pouvoir que l’on prend sur soi-même. Les seules condamnations absolues prononcées
454 uté, ni responsabilité, ni liberté. Il n’y a plus que la promiscuité des solitudes. z. Rougemont Denis de, « [Entretien]