1
ressant du commis voyageur. Mais alors, l’orgueil
de
quelques-uns, se refusant à une vanité profitable autant que vulgaire
2
té profitable autant que vulgaire, prend l’aspect
d’
une assez prétentieuse modestie. Comment, après cela, l’auteur du Pays
3
er qu’il considère ces petits écrits comme autant
de
hors-d’œuvre ? — De la composition desquels il voudrait bien qu’on ne
4
es petits écrits comme autant de hors-d’œuvre ? —
De
la composition desquels il voudrait bien qu’on ne déduise pas celle d
5
Le sentiment
de
l’Europe centrale Un accord sans résolution Il arrive qu’au so
6
ution Il arrive qu’au sortir de Paris le train
de
banlieue qui emmène son chargement de somnambules énervés de fumée et
7
is le train de banlieue qui emmène son chargement
de
somnambules énervés de fumée et qui se cachent dans les journaux du s
8
qui emmène son chargement de somnambules énervés
de
fumée et qui se cachent dans les journaux du soir, soit lentement dou
9
naux du soir, soit lentement doublé par le rapide
de
Bretagne. Ce long passage lumineux des vacances, traînée d’espoirs dé
10
e. Ce long passage lumineux des vacances, traînée
d’
espoirs délivrés qui nous frôle, éveille chez ceux qui restent un sent
11
éveille chez ceux qui restent un sentiment confus
d’
exil et de plaisir dont souvent j’ai cru distinguer la contagion dans
12
ez ceux qui restent un sentiment confus d’exil et
de
plaisir dont souvent j’ai cru distinguer la contagion dans le regard
13
t j’ai cru distinguer la contagion dans le regard
de
mes voisins. Ainsi d’autres fois j’ai vibré au passage des rapides de
14
i d’autres fois j’ai vibré au passage des rapides
de
l’Europe centrale ; non pas de cette jubilation nostalgique, mais d’u
15
assage des rapides de l’Europe centrale ; non pas
de
cette jubilation nostalgique, mais d’une fièvre brève qui révélait la
16
e ; non pas de cette jubilation nostalgique, mais
d’
une fièvre brève qui révélait la trouble densité de l’atmosphère. La r
17
’une fièvre brève qui révélait la trouble densité
de
l’atmosphère. La rumeur de l’express Mitropa dans la vallée d’Innsbru
18
ait la trouble densité de l’atmosphère. La rumeur
de
l’express Mitropa dans la vallée d’Innsbruck figure dans mes songerie
19
re. La rumeur de l’express Mitropa dans la vallée
d’
Innsbruck figure dans mes songeries le passage du « Sturm and Drang »
20
kilomètres à l’heure. ⁂ L’Europe centrale est une
de
ces réalités qu’on reconnaît d’abord par leur frisson particulier. Ma
21
nt alors des images champêtres, les toits pointus
d’
un bourg au sein d’une vallée de verdure et de vergers — c’est la Soua
22
les toits pointus d’un bourg au sein d’une vallée
de
verdure et de vergers — c’est la Souabe, la Thuringe, la vie bourgeoi
23
tus d’un bourg au sein d’une vallée de verdure et
de
vergers — c’est la Souabe, la Thuringe, la vie bourgeoise sans avaric
24
vie bourgeoise sans avarice ; — puis le contraste
d’
un massif central de sapins et de lacs secrets, cœur noir et tourmenté
25
avarice ; — puis le contraste d’un massif central
de
sapins et de lacs secrets, cœur noir et tourmenté du continent —, cet
26
uis le contraste d’un massif central de sapins et
de
lacs secrets, cœur noir et tourmenté du continent —, cette région esc
27
Prague, qui forme le décor voluptueux et lugubre
de
tant de drames nourris de solitude ; et puis des plaines qui se perde
28
r voluptueux et lugubre de tant de drames nourris
de
solitude ; et puis des plaines qui se perdent en steppes, — démesure
29
lle part la « province ». Elles condensent la vie
de
leur contrée, en donnent la visible formule, petites capitales enraci
30
certaines, selon l’égarement du temps, tentèrent
de
vivre par elles-mêmes. Elles retirent les parcs qui les alliaient à l
31
cs qui les alliaient à la campagne, se ceinturent
d’
usines, et prennent aussitôt cette fièvre caractéristique des organism
32
vre caractéristique des organismes humains isolés
de
la vie végétale. C’est ainsi que Berlin réglemente la circulation de
33
C’est ainsi que Berlin réglemente la circulation
de
ses ferments de tristesses intellectuelles, sur une petite superficie
34
Berlin réglemente la circulation de ses ferments
de
tristesses intellectuelles, sur une petite superficie minérale où la
35
librent, violence et mélancolie, paysages — états
d’
âme imposant tour à tour le cynisme ou la bonhomie, tout cela baigne d
36
la baigne dans une inguérissable nostalgie, celle
d’
un grand accord complexe qui chercherait en vain sa résolution. ⁂ M’at
37
aphie sentimentale, j’avais un temps conçu l’idée
d’
établir une Carte du Tendre de la nouvelle Europe centrale. Il semblai
38
temps conçu l’idée d’établir une Carte du Tendre
de
la nouvelle Europe centrale. Il semblait que les noms des traités de
39
pe centrale. Il semblait que les noms des traités
de
19, Versailles, Trianon, convenaient mieux au rococo des sentiments q
40
re part, flattait un certain goût du graphique et
de
l’imagerie stylisée qu’à la réflexion je trouvai trop spécifiquement
41
i trop spécifiquement français pour rendre compte
d’
une réalité qui, justement, m’attirait comme une étrangère. Néanmoins,
42
esque et défini, au goût du temps, les frontières
de
certains pays dont on venait à peine de reconnaître l’existence légal
43
férai soudain monter dans un express. Pour guérir
de
Descartes, il n’est que d’aimer en voyage : l’on découvre bientôt que
44
n express. Pour guérir de Descartes, il n’est que
d’
aimer en voyage : l’on découvre bientôt que rien n’est comparable. Que
45
t que rien n’est comparable. Quel était ce besoin
de
fixer, de cerner, de localiser dans l’espace des sentiments ou des dé
46
n’est comparable. Quel était ce besoin de fixer,
de
cerner, de localiser dans l’espace des sentiments ou des désirs sans
47
arable. Quel était ce besoin de fixer, de cerner,
de
localiser dans l’espace des sentiments ou des désirs sans fin, et qui
48
s sentiments ou des désirs sans fin, et qui n’ont
de
réalité qu’en un cœur, lorsqu’il aime1 ? Tout devenait incompréhensib
49
chemin, nulle distance mesurable, ne conduisaient
de
Tendre-sur-noblesse à Saint-Masoch-en-Démonie, mais tout se mêlait gl
50
t « paradoxe », tels sont peut-être les mots-clés
de
l’Europe sentimentale. Pourquoi faut-il que notre langue les traduise
51
ise, en vertu d’une convention qu’il serait temps
de
réviser, par « démesure » et « confusion » ? Car il est trop certain
52
certain que le mot démesure désigne dans l’esprit
d’
un bourgeois cartésien quelque chose dont il convient de se gausser sa
53
ourgeois cartésien quelque chose dont il convient
de
se gausser sans examen. Mais une exacte traduction ne servirait au fo
54
on ne servirait au fond qu’à déplacer le prétexte
d’
un malentendu plus tenace. Lorsqu’on parle de paradoxe, Tartempion se
55
exte d’un malentendu plus tenace. Lorsqu’on parle
de
paradoxe, Tartempion se souvient du café du Commerce, tandis que le p
56
e premier des Doktor phil. venu évoque le concept
d’
ironie selon Jean-Paul, la dialectique selon Hegel, et peut-être la pa
57
dialectique selon Hegel, et peut-être la passion
de
Kierkegaard. Mais alors M. Truc parle des « brumes nordiques » ! Car
58
ques » ! Car la métamorphose a pour effet certain
de
rendre tout légalisme inefficace — il n’y a jugement possible que du
59
sse renaissant au contact des éléments inférieurs
de
deux mondes dont la synthèse constituerait la gloire de ce temps, et,
60
x mondes dont la synthèse constituerait la gloire
de
ce temps, et, accessoirement, notre salut. Parmi les traits tout qu
61
, notre salut. Parmi les traits tout quotidiens
de
la mentalité germanique, les plus frappants apparaissent déterminés p
62
morale du titanisme. Or elle implique la réalité
de
la métamorphose. Les autres traits relèvent d’un sentimentalisme part
63
té de la métamorphose. Les autres traits relèvent
d’
un sentimentalisme particulier, synthèse « paradoxale » et jamais suff
64
arguments sanglants. Et s’il est des domaines où
de
nos jours, l’on peut réclamer à bon droit l’économie de nuances vaine
65
jours, l’on peut réclamer à bon droit l’économie
de
nuances vaines et la décision, même brutale, l’on ne saurait ici serr
66
écision, même brutale, l’on ne saurait ici serrer
de
trop près les origines secrètes d’un phénomène qui produit ses effets
67
ait ici serrer de trop près les origines secrètes
d’
un phénomène qui produit ses effets sur tous les plans, celui de la gu
68
qui produit ses effets sur tous les plans, celui
de
la guerre y compris. Mais il est bon de préciser, fût-ce à l’aide d’u
69
ns, celui de la guerre y compris. Mais il est bon
de
préciser, fût-ce à l’aide d’un seul exemple. L’Allemand, dit-on, est
70
ris. Mais il est bon de préciser, fût-ce à l’aide
d’
un seul exemple. L’Allemand, dit-on, est brutal ; le Français malin. D
71
t-on, est brutal ; le Français malin. Deux traits
de
caractère dont les manifestations quotidiennes, dans le domaine du se
72
ent que l’on traduit en s’accusant réciproquement
de
mensonge chronique. Et de fait, la brutalité paraît fausse, parce qu’
73
accusant réciproquement de mensonge chronique. Et
de
fait, la brutalité paraît fausse, parce qu’elle impose un ordre arbit
74
parce qu’elle impose un ordre arbitraire au prix
d’
un désordre. Mais à l’Allemand, cette sorte-là de mensonge n’est guère
75
d’un désordre. Mais à l’Allemand, cette sorte-là
de
mensonge n’est guère sensible : la vérité pour lui étant ce qui s’imp
76
pose. Confusion liée au mouvement le plus profond
de
l’âme allemande, qui la porte à la création volontaire, titanique, du
77
t fausse, parce qu’elle se sert du mensonge comme
d’
une arme normale. La brutalité du moins est loyale jusque dans ses exc
78
n’est pas mythique. Il ne crée ni ne fausse rien
d’
essentiel à la réalité. Le système D n’est pas un système philosophiq
79
ndamentalement divergentes, dont il serait facile
de
suivre les manifestations dans les domaines les plus variés de l’être
80
manifestations dans les domaines les plus variés
de
l’être. Qu’on ne voie pas ici quelque facile généralisation, mais bie
81
facile généralisation, mais bien plutôt un essai
de
spécification. Je pense, comme vous, qu’il existe quantité d’Allemand
82
tion. Je pense, comme vous, qu’il existe quantité
d’
Allemands et de Français pour lesquels la distinction que l’on vient d
83
comme vous, qu’il existe quantité d’Allemands et
de
Français pour lesquels la distinction que l’on vient d’établir ne vau
84
nçais pour lesquels la distinction que l’on vient
d’
établir ne vaut rien : il est même probable qu’ils forment la majorité
85
orment la majorité, car peu de gens sont typiques
de
quoi que ce soit. Il reste que certains tours de pensée ne sont vérit
86
de quoi que ce soit. Il reste que certains tours
de
pensée ne sont véritablement réalisables qu’au sein d’un ensemble org
87
nt réalisables qu’au sein d’un ensemble organique
de
mœurs, de climat et d’ambitions collectives, ensemble que, tout indép
88
bles qu’au sein d’un ensemble organique de mœurs,
de
climat et d’ambitions collectives, ensemble que, tout indépendamment
89
in d’un ensemble organique de mœurs, de climat et
d’
ambitions collectives, ensemble que, tout indépendamment des réalités
90
cesse, ou bien lorsqu’elle grandit soudain. Ainsi
de
la rumeur en nous du sang qui court ; ainsi de la respiration. Il n’y
91
si de la rumeur en nous du sang qui court ; ainsi
de
la respiration. Il n’y a sensation que du discontinu. Il n’y a sentim
92
nsation que du discontinu. Il n’y a sentiment que
de
ce qui nous quitte, ou nous surprend, ou bien encore au fond de l’êtr
93
quitte, ou nous surprend, ou bien encore au fond
de
l’être nous déchire et nous ressuscite. À la naissance du sentiment,
94
e — en vain. Le sentiment mesure une défaillance
de
l’être. Mais ici, deux interprétations deviennent possibles. Selon l’
95
à toute réalité humaine ; elle est la marque même
de
sa validité, la preuve d’humanité pourrait-on dire. (On appelle inhum
96
elle est la marque même de sa validité, la preuve
d’
humanité pourrait-on dire. (On appelle inhumain l’être qui ne sent rie
97
, elle indique seulement un défaut qu’il convient
de
guérir par des moyens appropriés, par une politique ou par une morale
98
part l’on tient la déficience pour essentielle ;
de
l’autre elle apparaît un accident fâcheux. Telles, peut-être, se déli
99
imitent la notion chrétienne et la notion antique
de
l’homme ; telles, dans une certaine mesure, la notion germanique et l
100
il garde pour le moraliste latin la signification
d’
un accident social réductible à l’ordre imposé. Passant à la limite du
101
la limite du sentiment, là où il prend une valeur
d’
acte ou de jugement, l’on peut symboliser l’opposition des deux vision
102
du sentiment, là où il prend une valeur d’acte ou
de
jugement, l’on peut symboliser l’opposition des deux visions du monde
103
s deux visions du monde dans celle, plus précise,
de
deux notions du tragique. Le monde latin connaît un tragique aux arêt
104
ue. Le monde latin connaît un tragique aux arêtes
de
pierre taillée : conflits d’actes, de faits ou de droits ; l’Europe c
105
tragique aux arêtes de pierre taillée : conflits
d’
actes, de faits ou de droits ; l’Europe centrale, de ces choses « déch
106
aux arêtes de pierre taillée : conflits d’actes,
de
faits ou de droits ; l’Europe centrale, de ces choses « déchirantes »
107
de pierre taillée : conflits d’actes, de faits ou
de
droits ; l’Europe centrale, de ces choses « déchirantes » et sans nom
108
actes, de faits ou de droits ; l’Europe centrale,
de
ces choses « déchirantes » et sans nom qui font dans l’âme un bruit d
109
rantes » et sans nom qui font dans l’âme un bruit
de
vent mortel et caressant ; une qualité métaphysique et passionnée de
110
aressant ; une qualité métaphysique et passionnée
de
l’« impossible », — qui dans ce sens, vraiment, n’est pas un mot fran
111
nt, n’est pas un mot français. En ceci, le monde
de
l’Europe centrale est plus chrétien que le monde latin — si l’on cons
112
e le monde latin — si l’on considère ses manières
de
sentir et de penser — qu’il est essentiellement antithétique, déchiré
113
tin — si l’on considère ses manières de sentir et
de
penser — qu’il est essentiellement antithétique, déchiré (« déchirant
114
déchiré (« déchirant ») et fondé sur cette vision
de
la réalité humaine : la vie est manque et compensation de ce manque ;
115
alité humaine : la vie est manque et compensation
de
ce manque ; contradictions et dépassement de ces contradictions2. Le
116
tion de ce manque ; contradictions et dépassement
de
ces contradictions2. Le monde latin, en tant que latin, étant un mond
117
Le monde latin, en tant que latin, étant un monde
de
l’unité (en vérité de l’unification à tout prix) est un monde « sécul
118
t que latin, étant un monde de l’unité (en vérité
de
l’unification à tout prix) est un monde « sécularisé » jusque dans se
119
cularisé » jusque dans ses modes les plus intimes
de
souffrir. Car il n’accepte pas la souffrance comme une condition de l
120
l n’accepte pas la souffrance comme une condition
de
la conscience du réel, mais la repousse comme le signe d’un manque à
121
nscience du réel, mais la repousse comme le signe
d’
un manque à la loi. Il y a une contrepartie. Celui que hante le sens d
122
. Celui que hante le sens du péché — c’est-à-dire
de
la réalité humaine — celui-là résiste rarement à la tentation de cult
123
umaine — celui-là résiste rarement à la tentation
de
cultiver le péché. Car de la sorte, il s’imagine que réalité spiritue
124
rarement à la tentation de cultiver le péché. Car
de
la sorte, il s’imagine que réalité spirituelle sera plus vive, son âm
125
ue essentiel. Calcul faux, comme tous les calculs
de
l’âme : le péché n’est réel que pour celui qui veut s’en arracher. To
126
ssance à une lâcheté singulière devant la vie. Né
d’
un retard dans l’actualisation, il peut tourner alors en un refus chro
127
chronique. Et c’est en quoi le monde latin, monde
de
la spontanéité, est à son tour plus audacieux, et pour tout dire, plu
128
ux, et pour tout dire, plus chrétien que le monde
de
l’Europe centrale. L’intelligence est sentimentale Le sentiment
129
voici naître la conscience, c’est-à-dire, un état
d’
intensité mortelle de la vie. Car la conscience de vivre implique une
130
ience, c’est-à-dire, un état d’intensité mortelle
de
la vie. Car la conscience de vivre implique une réflexion concrète qu
131
d’intensité mortelle de la vie. Car la conscience
de
vivre implique une réflexion concrète qui exalte la vie ; et dans le
132
tionalisme (mais nous vivons sur des distinctions
de
manuels). Il est même étonnant de constater combien exactement ces de
133
es distinctions de manuels). Il est même étonnant
de
constater combien exactement ces deux attitudes de l’esprit sont para
134
e constater combien exactement ces deux attitudes
de
l’esprit sont parallèles. Toutes deux ont leur origine dans un perpét
135
leur origine dans un perpétuel et anxieux besoin
de
dire les choses, comme pour s’en assurer à la fois et s’en délecter3.
136
t que la taciturne réflexion romaine, la tournure
d’
esprit sentencieuse et synthétique de l’esprit hindou. Et cela n’est p
137
la tournure d’esprit sentencieuse et synthétique
de
l’esprit hindou. Et cela n’est point trop théorique. Que l’on considè
138
ue l’on considère en effet le devenir dialectique
de
la pensée allemande depuis Goethe : c’est à l’Orient, d’instinct, que
139
ensée allemande depuis Goethe : c’est à l’Orient,
d’
instinct, que cette pensée va demander non point seulement sa revanche
140
venir. Ne pourrait-on pas voir une autre preuve
de
cette identité formelle dans l’observation suivante : au sortir de l’
141
r, et borne son désir à l’immédiat. — À la limite
de
la puissance, c’est la réaction goethéenne. Goethe en ce sens est bie
142
acte ; le sentiment à la mélancolie, par le refus
de
l’acte. Il en résulte que la sensualité germanique est plus conscient
143
ourne en sentiments dans la mesure où elle refuse
de
s’accomplir pleinement. L’Italien fait l’amour et n’épilogue pas. L’A
144
déchirante et délicieuse comme les secondes voix
de
Schumann. Mais la crainte me prend qu’on aille chercher en ces remarq
145
ercher en ces remarques je ne sais quelle défense
d’
un Occident latin dont justement nous récusons l’idéal d’orgueilleuse
146
cident latin dont justement nous récusons l’idéal
d’
orgueilleuse et stérilisante perfection. L’intelligence latine aurait
147
dées, trop soumises par leur nature et dépourvues
de
coquetteries. À force de se craindre dupe, elle a perdu le goût de se
148
À force de se craindre dupe, elle a perdu le goût
de
se risquer, de découvrir. Et l’impuissance qui déjà la frappe n’est p
149
raindre dupe, elle a perdu le goût de se risquer,
de
découvrir. Et l’impuissance qui déjà la frappe n’est pas même compens
150
entiment : c’est qu’en définitive il détient plus
de
réalité que la sensation5. Le désir et le regret sont plus certains q
151
jours sentimentale. ⁂ Europe du sentiment, patrie
de
la lenteur, — encore un paradis perdu ! C’était bien notre dernier lu
152
ils s’achètent des Bugatti pour brûler les étapes
d’
un destin qu’ils pressentent absurde. Rien désormais ne pourra plus no
153
eur des choses. Derniers refuges, vastes auberges
de
la Souabe où l’on chantait les chœurs de Schubert après boire — et le
154
auberges de la Souabe où l’on chantait les chœurs
de
Schubert après boire — et les hommes parlaient lentement, parlaient p
155
aient lentement, parlaient peu —, c’est le secret
de
votre bienveillance que je voudrais rechercher maintenant. Bienveilla
156
penché »… Contribution à l’archéologie des états
d’
âme. L’Europe du sentiment, c’est notre Europe des adieux. Elle ne v
157
us déjà, nous la portons encore comme le souvenir
d’
un soir d’adolescence sur la prairie où des filles s’éloignent en chan
158
ous la portons encore comme le souvenir d’un soir
d’
adolescence sur la prairie où des filles s’éloignent en chantant. Voic
159
n chantant. Voici la nuit du souvenir, brève nuit
d’
août et souvenirs de nos enfances. Ce soir des Signes où des renards s
160
nuit du souvenir, brève nuit d’août et souvenirs
de
nos enfances. Ce soir des Signes où des renards sortirent à la lisièr
161
des Signes où des renards sortirent à la lisière
de
la forêt, des renards qu’on n’avait jamais vus, l’orage s’amassait. M
162
« Il va y avoir une averse. Cours à la rencontre
de
ton père et donne-lui cette pèlerine. » Et quand je le rejoignis dans
163
mes dans ses yeux, c’était la guerre. Brève nuit
d’
août, le temps d’un peu se souvenir. Et bientôt paraîtra l’aube dure.
164
, c’était la guerre. Brève nuit d’août, le temps
d’
un peu se souvenir. Et bientôt paraîtra l’aube dure. Alors nous entrer
165
u Grand Jour, où nous irons avec ce qu’il restera
de
bonté dans notre cœur, plus inutile que jamais, dominatrice et bafoué
166
tine, spatiale et statique, qui présida au dessin
de
la Carte du Tendre. C’est le cri d’un poète français, non d’un França
167
ida au dessin de la Carte du Tendre. C’est le cri
d’
un poète français, non d’un Français. 2. Hegel serait le philosophe p
168
du Tendre. C’est le cri d’un poète français, non
d’
un Français. 2. Hegel serait le philosophe par excellence de l’Europe
169
is. 2. Hegel serait le philosophe par excellence
de
l’Europe Centrale. Ce qu’il a tenté d’étaler dans l’Histoire, c’est l
170
excellence de l’Europe Centrale. Ce qu’il a tenté
d’
étaler dans l’Histoire, c’est l’équation d’existence de l’âme allemand
171
tenté d’étaler dans l’Histoire, c’est l’équation
d’
existence de l’âme allemande. Mais il a voulu que ses moments fussent
172
ler dans l’Histoire, c’est l’équation d’existence
de
l’âme allemande. Mais il a voulu que ses moments fussent successifs :
173
ses moments fussent successifs : c’était un moyen
de
la résoudre. Et c’est justement cette « résolution » que combattra Ki
174
ante… 3. Que l’on pense aux expansions verbeuses
de
Jean-Paul ou du Hölderlin d’Hypérion ; et d’autre part, à la manie d’
175
ölderlin d’Hypérion ; et d’autre part, à la manie
d’
exposition systématique et statistique des professeurs allemands. Autr
176
romantiques allemands sont nourris des théorèmes
de
Spinoza. 4. Je n’entends point par là que la métaphysique allemande
177
nt par là que la métaphysique allemande est fille
de
la timidité sexuelle : il est clair que, s’il y avait une filiation à
178
t clair que, s’il y avait une filiation à établir
de
l’une à l’autre, j’opterais pour l’inverse. En réalité, les deux phén
179
é, les deux phénomènes relèvent, encore une fois,
d’
un même état d’âme. Le nommer serait nommer l’une des raisons d’être p
180
d’âme. Le nommer serait nommer l’une des raisons
d’
être profonde du monde germanique. 5. Seule réalité vivante prise en
181
Mais les Viennois avaient fui dans les opérettes
de
Strauss, qu’on ne trouve plus nulle part. Dans les dancings, un peupl
182
uve plus nulle part. Dans les dancings, un peuple
de
fêtards modérés, Juifs et ressortissants de la Petite-Entente, applau
183
euple de fêtards modérés, Juifs et ressortissants
de
la Petite-Entente, applaudissait chaque soir entre deux airs anglais
184
glais Le Beau Danube bleu, en commémoration polie
d’
un passé imaginaire, ou peut-être pour essayer de se prendre encore au
185
d’un passé imaginaire, ou peut-être pour essayer
de
se prendre encore au rêve de valse qu’on était venu chercher parce qu
186
ut-être pour essayer de se prendre encore au rêve
de
valse qu’on était venu chercher parce que cela vaudrait bien d’autres
187
vaudrait bien d’autres stupéfiants. Mais un tour
de
tambour anéantissait cette Vienne tout occupée à ressembler à l’idée
188
ge, ouvert au vent glacial, crée autour du centre
de
la ville une insécurité qui fait songer à la Russie et au sifflement
189
r à la Russie et au sifflement des balles perdues
d’
une révolution. Sept heures du soir : le moment était venu d’arrêter l
190
ution. Sept heures du soir : le moment était venu
d’
arrêter le plan de la soirée, et cette promenade où il y avait juste a
191
du soir : le moment était venu d’arrêter le plan
de
la soirée, et cette promenade où il y avait juste assez de passants p
192
rée, et cette promenade où il y avait juste assez
de
passants pour qu’on la sentît déserte ne me proposait qu’une frileuse
193
e frileuse nostalgie. Mais qui fallait-il accuser
de
cette duperie, qui rendre responsable de ma déception, sinon moi-même
194
accuser de cette duperie, qui rendre responsable
de
ma déception, sinon moi-même, me dis-je bientôt. Car je professe qu’u
195
son objet, de même qu’atteignant un certain degré
d’
intensité, un état d’âme crée une situation qui l’exprime — bien qu’on
196
, n’ayant pas renoncé à certaine idée que j’avais
d’
un romantisme viennois, je fus conduit, par une sorte de compromis sen
197
omantisme viennois, je fus conduit, par une sorte
de
compromis sentimental, à l’Opéra où l’on donnait les Contes d’Hoffman
198
sentimental, à l’Opéra où l’on donnait les Contes
d’
Hoffmann. Je comprends aujourd’hui le lien qui unissait dans mon espri
199
n esprit Vienne et Hoffmann : c’était le souvenir
de
Gérard de Nerval. Mais je pense que je n’avais même pas prononcé ment
200
dans l’ombre du théâtre, en retard, un peu ennuyé
de
me trouver à côté d’une place vide : la jolie femme qu’on attend dans
201
re, en retard, un peu ennuyé de me trouver à côté
d’
une place vide : la jolie femme qu’on attend dans ces circonstances, u
202
uait le rendez-vous que j’avais demandé au hasard
d’
arranger. Mais le thème de la Barcarolle s’empare bientôt de tout mon
203
avais demandé au hasard d’arranger. Mais le thème
de
la Barcarolle s’empare bientôt de tout mon être — ainsi d’autres devi
204
. Mais le thème de la Barcarolle s’empare bientôt
de
tout mon être — ainsi d’autres deviennent patriotes au son d’une fanf
205
être — ainsi d’autres deviennent patriotes au son
d’
une fanfare militaire, ainsi je m’abandonne au rêve d’un monde que sus
206
e fanfare militaire, ainsi je m’abandonne au rêve
d’
un monde que suscite en moi seul peut-être cette plainte heureuse des
207
ïne est à son piano, c’est un duo des ténèbres et
de
la pureté où vibrent par instants les accords d’une harmonie surnatur
208
de la pureté où vibrent par instants les accords
d’
une harmonie surnaturelle. Et tout cela chanté dans une langue que je
209
oi, il n’entend pas ma question. L’envie me prend
d’
aller le rejoindre. Me voici tout abandonné à l’évocation d’un amour t
210
rejoindre. Me voici tout abandonné à l’évocation
d’
un amour tragiquement mêlé à des forces inconnues et menaçantes. Mais
211
enaçantes. Mais la musique est si légère, la voix
de
la jeune fille si transparente : la mort même en devient moins brutal
212
istesse amoureuse. Elle n’est plus que l’approche
d’
une grandeur où se perdraient nos amours terrestres dans d’imprévisibl
213
ndeur où se perdraient nos amours terrestres dans
d’
imprévisibles transfigurations — l’heure anxieuse et mélancolique où l
214
ci que la forme blanche, sous un brusque faisceau
de
lumière m’apparaît avec le visage même de mon amour. Je me sens volup
215
aisceau de lumière m’apparaît avec le visage même
de
mon amour. Je me sens voluptueusement perdre pied. Vertige de te revo
216
. Je me sens voluptueusement perdre pied. Vertige
de
te revoir, vertige de te perdre vraiment, parce que c’est toi, parce
217
sement perdre pied. Vertige de te revoir, vertige
de
te perdre vraiment, parce que c’est toi, parce que c’est bien toi de
218
de moi, c’est une chose singulière que le pouvoir
de
cette musique. Voici que vous êtes tout près de comprendre… Mon voisi
219
u ? — C’est, me répondit-il, que seul vous venez
d’
atteindre au monde des êtres véritables. Nous nous rencontrons. Vous m
220
ais le temps approche où vous n’aurez plus besoin
de
souffrir pour comprendre. Le faisceau de lumière quitta la scène, un
221
s besoin de souffrir pour comprendre. Le faisceau
de
lumière quitta la scène, un reflet balaya le parterre, le visage de m
222
la scène, un reflet balaya le parterre, le visage
de
mon voisin m’apparut, pâle dans son collier de barbe noire. Je sentis
223
ge de mon voisin m’apparut, pâle dans son collier
de
barbe noire. Je sentis que je l’avais déjà reconnu. Il portait une ca
224
connu. Il portait une cape bleu-sombre, à la mode
de
1830, qui, à la rigueur, pouvait passer pour une élégance très modern
225
moderne. Il n’y avait dans toute sa personne rien
de
positivement démodé ; je n’eus même pas le sentiment de quoi que ce f
226
itivement démodé ; je n’eus même pas le sentiment
de
quoi que ce fût d’immatériel. D’ailleurs le trouble où m’avait jeté l
227
je n’eus même pas le sentiment de quoi que ce fût
d’
immatériel. D’ailleurs le trouble où m’avait jeté la première reconnai
228
jeté la première reconnaissance empêcha ma raison
d’
intervenir entre la réalité de ma vision et mon cerveau pris au défaut
229
e empêcha ma raison d’intervenir entre la réalité
de
ma vision et mon cerveau pris au défaut de sa carapace de principes e
230
éalité de ma vision et mon cerveau pris au défaut
de
sa carapace de principes et d’évidences opaques. Nous sortîmes de l’O
231
sion et mon cerveau pris au défaut de sa carapace
de
principes et d’évidences opaques. Nous sortîmes de l’Opéra, Gérard de
232
eau pris au défaut de sa carapace de principes et
d’
évidences opaques. Nous sortîmes de l’Opéra, Gérard de Nerval et moi,
233
e principes et d’évidences opaques. Nous sortîmes
de
l’Opéra, Gérard de Nerval et moi, sans nous être rien dit d’autre, co
234
Gérard de Nerval et moi, sans nous être rien dit
d’
autre, comme des amis qui se connaissent depuis si longtemps qu’un éch
235
qu’un échange tacite suffit aux petites décisions
de
la vie quotidienne. Gérard tenait en laisse le fameux homard enrubann
236
nnois, me dit-il, parce qu’ils y voient une façon
de
me moquer de leurs petits chiens muselés… Je n’en suis pas fâché. »
237
-il, parce qu’ils y voient une façon de me moquer
de
leurs petits chiens muselés… Je n’en suis pas fâché. » Il y avait p
238
s jeunes gens avec une femme à chaque bras, l’air
de
ne pas trop s’amuser. Ceci du moins n’a guère changé, dis-je, songean
239
ins n’a guère changé, dis-je, songeant aux Amours
de
Vienne. Certes, répondit Gérard, malgré les apparences, cette vie sen
240
ités qui correspondent encore à l’image classique
de
Vienne. Sentimentalisme capricieux d’ailleurs, dépourvu d’ironie mais
241
. Sentimentalisme capricieux d’ailleurs, dépourvu
d’
ironie mais non pas de légèreté. C’est une sorte d’inconstance folâtre
242
icieux d’ailleurs, dépourvu d’ironie mais non pas
de
légèreté. C’est une sorte d’inconstance folâtre qui cache une incapac
243
’ironie mais non pas de légèreté. C’est une sorte
d’
inconstance folâtre qui cache une incapacité définitive à se passionne
244
soit. Cette ville, qui est toute caresses, a peur
de
l’étreinte… C’est d’ailleurs une chose que je comprends assez bien, a
245
moment, comme nous traversions une rue sillonnée
de
taxis rapides, le homard refusa obstinément de progresser. Gérard dut
246
ée de taxis rapides, le homard refusa obstinément
de
progresser. Gérard dut le prendre sous le bras, et les paires de pinc
247
Gérard dut le prendre sous le bras, et les paires
de
pinces s’accrochèrent désespérément à ses manches. De terreur, le hom
248
inces s’accrochèrent désespérément à ses manches.
De
terreur, le homard avait rougi : il conserva toute la nuit une magnif
249
eur orangée. Gérard semblait habitué à ces sortes
de
scènes. On reparla de l’inconstance viennoise. Gérard l’attribuait à
250
mblait habitué à ces sortes de scènes. On reparla
de
l’inconstance viennoise. Gérard l’attribuait à une certaine anémie de
251
à une certaine anémie des sentiments, à un manque
de
caractère aussi. La fidélité véritable est une œuvre d’art qui demand
252
t amour, c’était parce que je découvrais en elles
de
secrètes ressemblances, qui pour les autres paraissaient purement mys
253
rtain regard, mais j’ai su retrouver la sensation
de
ce regard jusque dans des objets — et c’est cela seul qui donne un se
254
e dont l’idée me vient à la vue de cette vendeuse
de
fleurs. C’était la petite bossue qui vend des roses et des œillets ru
255
erait seule. Nous nous arrêtâmes non loin, auprès
d’
une devanture de robes de soie, nous amusant à imaginer les corps préc
256
s nous arrêtâmes non loin, auprès d’une devanture
de
robes de soie, nous amusant à imaginer les corps précieux qui les rev
257
rêtâmes non loin, auprès d’une devanture de robes
de
soie, nous amusant à imaginer les corps précieux qui les revêtiraient
258
pressés une jeune femme, chapeau rouge et manteau
de
fourrure brune, inévitablement. Et ce qui se passa fut, hélas, non mo
259
refusa d’abord les fleurs pour se donner le temps
de
regarder autour d’elle ; l’intérêt que nous ne sûmes pas dissimuler n
260
fleurs pour se donner le temps de regarder autour
d’
elle ; l’intérêt que nous ne sûmes pas dissimuler nous trahit ; elle f
261
donc par accepter et vint à nous avec un sourire
d’
opérette : « Les Messieurs sont vraiment gentils ! » Il n’y avait plus
262
ain où nous nous engouffrâmes dans un grand bruit
de
saxophones et de cors anglais jouant la Marche de Tannhäuser en tango
263
engouffrâmes dans un grand bruit de saxophones et
de
cors anglais jouant la Marche de Tannhäuser en tango, un Balkanique t
264
r en tango, un Balkanique très lisse nous délivra
de
notre conquête pour la durée des danses. Gérard bâillait : « Voilà ce
265
anses. Gérard bâillait : « Voilà ce que c’est que
de
prendre des femmes au hasard, disait-il. Je sens très bien que nous a
266
vous êtes moderne, vous vous contentez peut-être
de
cette pêche miraculeuse — c’est une façon de parler — à laquelle on s
267
être de cette pêche miraculeuse — c’est une façon
de
parler — à laquelle on se livre dans ces lieux de plaisir — autre faç
268
de parler — à laquelle on se livre dans ces lieux
de
plaisir — autre façon de parler. On dit que j’ai vécu d’illusions, av
269
se livre dans ces lieux de plaisir — autre façon
de
parler. On dit que j’ai vécu d’illusions, avouez que les miennes étai
270
sir — autre façon de parler. On dit que j’ai vécu
d’
illusions, avouez que les miennes étaient de meilleure qualité : car c
271
vécu d’illusions, avouez que les miennes étaient
de
meilleure qualité : car c’est une pauvre illusion que le plaisir qu’o
272
qu’elles le rattachaient aux buts les plus hauts
de
notre vie. Ces citadins blasés s’amusent plus grossièrement que des b
273
s qui élargissent des sourires à la mesure exacte
de
leur générosité. Vos boîtes de nuit sont des sortes de distributeurs
274
à la mesure exacte de leur générosité. Vos boîtes
de
nuit sont des sortes de distributeurs automatiques de plaisir. Autant
275
ur générosité. Vos boîtes de nuit sont des sortes
de
distributeurs automatiques de plaisir. Autant dire que ceux qui les f
276
uit sont des sortes de distributeurs automatiques
de
plaisir. Autant dire que ceux qui les fréquentent ne savent plus ce q
277
t épaissis. Regardez ces yeux mornes, ou luisants
de
concupiscences élémentaires : Ce sont vos contemporains livrés à la d
278
démocratie des plaisirs dans une foire éclatante
de
faux luxe. La misère, c’est de voir ici des femmes aussi ravissantes
279
ne foire éclatante de faux luxe. La misère, c’est
de
voir ici des femmes aussi ravissantes que celle-là qui danse en robe
280
qui danse en robe mauve, avec tant de gravité et
de
détachement. Je viens souvent la regarder, à cause de la noblesse de
281
viens souvent la regarder, à cause de la noblesse
de
sa danse. Je la nomme Clarissa, parce que cela lui va. Mais comme c’e
282
soit touchée par les mains outrageusement baguées
de
ces courtiers alourdis de « Knödl ». En Orient on en ferait une chose
283
outrageusement baguées de ces courtiers alourdis
de
« Knödl ». En Orient on en ferait une chose extrêmement précieuse, qu
284
’on n’approcherait qu’avec un sentiment religieux
de
la beauté. Mais je crois que l’Occident est devenu fou. Il ne compren
285
. » Des bugles agonisaient, aux dernières mesures
d’
un tango. Notre encombrante conquête revint s’asseoir auprès de nous.
286
moins. « Pourquoi vous ne dites rien ? » fit-elle
d’
un ton de reproche, évidemment scandalisée par cette atteinte aux lois
287
Pourquoi vous ne dites rien ? » fit-elle d’un ton
de
reproche, évidemment scandalisée par cette atteinte aux lois du genre
288
ment, pauvre colombe dépareillée, vous n’avez pas
de
ressemblance, et c’est bien ce qui vous perdra. » La pauvre fille ne
289
un moment pénible, comme il arrive lorsqu’un peu
d’
humanité vient interrompre une comédie aux attitudes convenues, et don
290
homard qui, laissé au vestiaire, y était l’objet
de
vexations diverses et de curiosités grossières de la part des garçons
291
stiaire, y était l’objet de vexations diverses et
de
curiosités grossières de la part des garçons. « Encore une proie inut
292
une proie inutile lâchée pour l’ombre, dit Gérard
d’
un ton rêveur et malicieux. Mais l’ombre de cette ville illusoire est
293
Gérard d’un ton rêveur et malicieux. Mais l’ombre
de
cette ville illusoire est la plus douce à mes vagabondages sans but.
294
efs il y a très longtemps, très longtemps… Et pas
de
Lune ce soir, il serait dangereux de s’endormir. » Se penchant vers m
295
emps… Et pas de Lune ce soir, il serait dangereux
de
s’endormir. » Se penchant vers moi il prononça : « La nuit sera noire
296
blanche. » Je ressentis quelque émotion à l’ouïe
de
cette phrase célèbre. Les cocktails du Moulin-Rouge avaient peu à peu
297
s devenaient légères comme des ballons. La rumeur
de
Vienne baignait nos corps fatigués jusqu’à l’insensibilité et l’illus
298
et l’illusion étendait sur toutes choses une aile
d’
ombre flatteuse aux caprices redoutables. Cette nuit-là nous rencontrâ
299
s, allusions. Plus tard, dans un petit bar laqué
de
noir jusqu’à mi-hauteur, puis couvert de glaces qui, reflétant le pla
300
ar laqué de noir jusqu’à mi-hauteur, puis couvert
de
glaces qui, reflétant le plafond à caissons dorés, l’étendent indéfin
301
ulé joue très doucement. Nous sommes assis autour
d’
une petite table lumineuse, verdâtre, et Gérard, penché sur cet aquari
302
use, verdâtre, et Gérard, penché sur cet aquarium
de
rêves, discourt et décrit les images qu’il y découvre. Il y a les ail
303
y a les ailes du Moulin-Rouge, qui sont les bras
de
Clarissa dans sa danse, et Clarissa c’est aussi l’Anglaise aux citron
304
e, et Clarissa c’est aussi l’Anglaise aux citrons
de
Pompéi, l’Octavie du golfe de Marseille, ou bien plutôt, par on ne sa
305
nglaise aux citrons de Pompéi, l’Octavie du golfe
de
Marseille, ou bien plutôt, par on ne sait quelle erreur d’images, — c
306
lle, ou bien plutôt, par on ne sait quelle erreur
d’
images, — ce serait la gravité énigmatique d’Adrienne ; mais dans le l
307
reur d’images, — ce serait la gravité énigmatique
d’
Adrienne ; mais dans le lointain, Aurélia lui répond d’un regard parei
308
ienne ; mais dans le lointain, Aurélia lui répond
d’
un regard pareil. Des visages naissent comme des étoiles dans un halo,
309
antes dans la même minute toutes les incarnations
d’
un amour dont l’être éternel peu à peu transparaît au travers de ses m
310
tous les visages aimés revivent dans cette coupe
de
songes, avec leurs illusions, — ces formes passagères que nous croyon
311
sera toujours cachée, ainsi la Lune et sa moitié
d’
ombre. Et parce que tout revit en un instant dans cette vision, il con
312
ette vision, il connaît enfin la substance unique
de
ses amours, il communie avec quelque chose d’éternel. Tous les drames
313
que de ses amours, il communie avec quelque chose
d’
éternel. Tous les drames du monde ne sont que des décors mouvants dans
314
t que reflets, épisodes, symboles : le vrai drame
de
son destin est ailleurs. Il se met alors à m’expliquer des signes, de
315
france qu’elle entraîne, nous révèle le sens réel
de
nos vies, et peu à peu, de leurs moindres rencontres. La fatigue calm
316
us révèle le sens réel de nos vies, et peu à peu,
de
leurs moindres rencontres. La fatigue calme son lyrisme et son exalta
317
yrisme et son exaltation. Il semble se rapprocher
de
moi. Il me raconte de ces superstitions qui ne sont enfantines que po
318
on. Il semble se rapprocher de moi. Il me raconte
de
ces superstitions qui ne sont enfantines que pour nos savants retombé
319
les correspondances, chaque geste, chaque minute
d’
une vie résume cette vie entière, et fait allusion à tout ce qu’il y a
320
oyez-moi, vous pourriez écrire une Vie simultanée
de
Gérard : elle tiendrait toute en une heure, en un lieu, en une vision
321
une vision. » Nous sortîmes. Seules des trompes
d’
autos s’appelaient dans la nuit froide. Gérard ne disait presque plus
322
la neige fraîche ou s’accoudaient à la banquette
d’
un kiosque à « Würstel » où nous nous arrêtâmes. Au léger sifflement d
323
outique, et que le vent menaçait à chaque instant
d’
éteindre, le homard se réveilla. Gérard m’expliqua qu’il en était ains
324
on et la fit prendre au homard avec toutes sortes
de
soins. Les chauffeurs regardaient d’un œil las, trop las pour s’étonn
325
outes sortes de soins. Les chauffeurs regardaient
d’
un œil las, trop las pour s’étonner. Transi, je me balançais d’un pied
326
trop las pour s’étonner. Transi, je me balançais
d’
un pied sur l’autre dans la neige fondante, tout en croquant une de ce
327
utre dans la neige fondante, tout en croquant une
de
ces saucisses à la moutarde qu’on appelle ici « Frankfurter » et aill
328
mirent à ronfler. Par le grand escalier, au fond
de
la cour du palais, descendaient les invités du bal. Des femmes sans c
329
ux faces maigres qui ressemblaient terriblement à
d’
anciens Habsbourg, des comtes athlétiques et la silhouette échassière
330
es comtes athlétiques et la silhouette échassière
de
la jeune duchesse de Clam-Clammansfeld en manteau de velours rose, do
331
la jeune duchesse de Clam-Clammansfeld en manteau
de
velours rose, dont la tête frisée jetait des insolences sur les chape
332
isée jetait des insolences sur les chapeaux noirs
de
ses cavaliers. Tout cela s’empila dans les autos ; en un quart d’heur
333
x cheveux noirs en bandeaux, au teint pâle, l’air
d’
autrefois. Il avait murmuré : Marie Pleyel. Quand la place se fut apai
334
encieuse fila devant moi ; je reconnus la voiture
de
la femme aux bandeaux noirs. Mais les rideaux étaient baissés. Déj
335
orteurs passèrent à toute vitesse, m’éclaboussant
de
neige et de titres dépourvus de sens. Je dormais debout. (Vienne, 192
336
èrent à toute vitesse, m’éclaboussant de neige et
de
titres dépourvus de sens. Je dormais debout. (Vienne, 1928) 6. Quel
337
e, m’éclaboussant de neige et de titres dépourvus
de
sens. Je dormais debout. (Vienne, 1928) 6. Quelque chose comme « pâ
338
Une « tasse
de
thé » au Palais C… Il fait fausse route, celui qui considère la ch
339
que comme symbolique. Hofmannsthal Un aquarium
de
lumière rose où nagent des phoques à ventre blanc qui sont des minist
340
ènes en lamé qui sont presque des dames, et aussi
de
vrais messieurs et de vraies dames : ils montent et descendent de tou
341
presque des dames, et aussi de vrais messieurs et
de
vraies dames : ils montent et descendent de toutes parts, du haut des
342
iers que décorent trois opulents Tiepolo, du fond
d’
un hall périlleux, pressés, poliment bousculés de salon en salon ; et,
343
d’un hall périlleux, pressés, poliment bousculés
de
salon en salon ; et, plus loin que la rumeur des voix, orchestre du g
344
parfois dans un silence qui s’approfondit au long
de
corridors capitonnés d’amarante, du côté des collections de vieux Ven
345
qui s’approfondit au long de corridors capitonnés
d’
amarante, du côté des collections de vieux Venise, jusqu’au petit salo
346
rs capitonnés d’amarante, du côté des collections
de
vieux Venise, jusqu’au petit salon où il y a deux Bellini. Et que dir
347
dissimulées derrière des cardinaux du xviiie , —
de
cet air mystérieux qu’on prend ici à rester seul. Il faudrait se cach
348
rester seul. Il faudrait se cacher dans les plis
de
ces hauts rideaux dorés, pour écouter Mozart et attendre, qui sait ?
349
iqueurs transfigurantes, — il faudrait un miracle
d’
amour qui fasse pousser un grand cri à un homme qu’on verrait alors s’
350
et rester longtemps, les yeux agrandis, aux pieds
d’
une femme qui ne le regarderait pas, qui aurait l’air seulement d’écou
351
ne le regarderait pas, qui aurait l’air seulement
d’
écouter autre chose… En vérité le monde propose à l’imagination de
352
se… En vérité le monde propose à l’imagination
de
bien étranges spectacles ; pourquoi veut-il qu’on les ignore ou qu’on
353
uoi veut-il qu’on les ignore ou qu’on le feigne ?
D’
un balcon, entre deux hautes colonnes, je vois des jardins florentins
354
rés par dedans. Côté jardin, côté « cour »… Mais
de
quoi s’agit-il dans cette intrigue monotone et serrée, et dont se per
355
elle figuration pour une satire à grand spectacle
de
notre civilisation finissante ! (Vous souriez ? Vous mourrez avec ell
356
souriez ? Vous mourrez avec elle.) Cependant, que
de
belles personnes — en vain ! Et quelle tenue. Ici l’on sait encore qu
357
s avaient tous tués au Morgarten ! — et mes Juifs
de
grogner d’aise. La noblesse germanique fait encore des enfants et ils
358
ous tués au Morgarten ! — et mes Juifs de grogner
d’
aise. La noblesse germanique fait encore des enfants et ils sont grand
359
u. Ici, plus qu’ailleurs, l’originalité est signe
de
sang mêlé. Ici comme ailleurs, il faut être conforme, au moins en app
360
mensonge dans le grand monde : plutôt des règles
de
jeu, et personne n’a l’idée d’y croire. Le pire mensonge est dans la
361
plutôt des règles de jeu, et personne n’a l’idée
d’
y croire. Le pire mensonge est dans la vie réputée pratique, parce qu’
362
e je me dis là, c’est un truisme. Truisme a l’air
d’
être le nom d’une de ces sirènes un peu volumineuses qui déambulent en
363
, c’est un truisme. Truisme a l’air d’être le nom
d’
une de ces sirènes un peu volumineuses qui déambulent en souriant de f
364
t un truisme. Truisme a l’air d’être le nom d’une
de
ces sirènes un peu volumineuses qui déambulent en souriant de fauteui
365
es un peu volumineuses qui déambulent en souriant
de
fauteuil en divan, portant de petits animaux au museau pointu sur leu
366
mbulent en souriant de fauteuil en divan, portant
de
petits animaux au museau pointu sur leurs épaules naguère divines. Je
367
x, regardent quelque chose qui se passe au centre
de
la pièce. Il y a là dans un espace vide un piano à l’aile levée, et d
368
vant le piano, assis sur un tabouret bas — le pan
de
l’habit repose sur le parquet — quelqu’un qui ressemble à Richard Str
369
apparaît comme ses œuvres naissent : au carrefour
de
la célébrité, de l’élégance et d’une musique de Strauss. Il lit des v
370
s œuvres naissent : au carrefour de la célébrité,
de
l’élégance et d’une musique de Strauss. Il lit des vers sur le vent d
371
: au carrefour de la célébrité, de l’élégance et
d’
une musique de Strauss. Il lit des vers sur le vent de printemps : la
372
r de la célébrité, de l’élégance et d’une musique
de
Strauss. Il lit des vers sur le vent de printemps : la poésie est dan
373
e musique de Strauss. Il lit des vers sur le vent
de
printemps : la poésie est dans toutes les anthologies, l’habit classi
374
l’habit classique, l’accent profond et nasillard
d’
origine juive ; une main pend sur l’ébène, succombant à ses bagues. On
375
ferme son livre, plie ses lunettes, baise la main
de
la maîtresse de maison qui lui offre son bras et l’entraîne dans le b
376
t intéressant ! Le xxe siècle européen offre ici
de
lui-même l’image la plus flattée : son plus grand musicien, des écriv
377
paraît son étrange impuissance : tous ces accords
de
gloire et de génie ne font qu’une rumeur informe, insignifiante. Tout
378
range impuissance : tous ces accords de gloire et
de
génie ne font qu’une rumeur informe, insignifiante. Tout se dégrade e
379
N’oublions pas que l’on a réuni tant de richesses
de
tous les ordres — pour rien. Exactement. Ni plaisir ni profits. Voilà
380
profits. Voilà bien à quels jeux aboutissent tant
d’
ambition et le sérieux dans les affaires : une civilisation qui se don
381
e civilisation qui se donne à elle-même un défilé
de
mannequins. Comme tout ce qui n’a pas de raison, voilà qui est plein
382
n défilé de mannequins. Comme tout ce qui n’a pas
de
raison, voilà qui est plein de significations troublantes. Cela donne
383
out ce qui n’a pas de raison, voilà qui est plein
de
significations troublantes. Cela donne à penser, prête à rire, mais j
384
rire, mais je réserve pour demain les conclusions
de
philosophe, on m’entraîne par le bras vers les jardins. Des ballerine
385
aîne par le bras vers les jardins. Des ballerines
de
l’opéra dansent autour d’une vasque, dans un théâtre de grands buis t
386
jardins. Des ballerines de l’opéra dansent autour
d’
une vasque, dans un théâtre de grands buis taillés à l’italienne. Un p
387
péra dansent autour d’une vasque, dans un théâtre
de
grands buis taillés à l’italienne. Un projecteur balaie les gazons, l
388
ur balaie les gazons, les terrasses, des amateurs
de
baisers dans l’ombre et des fumeurs isolés qui ont fait le tour de bi
389
’ombre et des fumeurs isolés qui ont fait le tour
de
bien des choses, Hofmannsthal enfin, serré dans un petit manteau, vis
390
rtant, depuis trente ans, qu’il résout par l’acte
d’
écrire… Moi je suis dans les buis, près des basses du petit orchestre,
391
orchestre, avec des écharpes et du sentiment. (Vu
de
près, le sourire éperdu des ballerines est émouvant, masque plus vrai
392
ai que leurs visages.) On éteint. Et c’est alors,
d’
un balcon qui domine les groupes, une voix qui descend avec un tremble
393
groupes, une voix qui descend avec un tremblement
d’
étoile. Richard Strauss a levé la tête, il reçoit sur son bon visage o
394
osée divine fait perler une larme, la bénédiction
de
sa musique. Les petites baronnes ont froid, veulent rentrer, car elle
395
rez-de-chaussée, elles me désignent un des rêves
de
mon adolescence : sur un canapé d’angle, drapée dans une robe longue,
396
t un des rêves de mon adolescence : sur un canapé
d’
angle, drapée dans une robe longue, grise et argent, Henny Porten immo
397
, grise et argent, Henny Porten immobile présente
de
profil son visage un peu plus grand que nature. À 17 ans, du fond d’u
398
e un peu plus grand que nature. À 17 ans, du fond
d’
un cinéma, l’ai-je aimée ? — Je lui sais gré de rester là muette, asse
399
nd d’un cinéma, l’ai-je aimée ? — Je lui sais gré
de
rester là muette, assez absente encore pour ressembler vraiment à son
400
Tout est lumière dans cet espace, jeu silencieux
de
lustres, de glaces et d’acajous polis. On entend le rythme assourdi,
401
mière dans cet espace, jeu silencieux de lustres,
de
glaces et d’acajous polis. On entend le rythme assourdi, mais non la
402
t espace, jeu silencieux de lustres, de glaces et
d’
acajous polis. On entend le rythme assourdi, mais non la mélodie d’une
403
On entend le rythme assourdi, mais non la mélodie
d’
une danse, au-dessus, et des voix qui passent. Allées et venues dans l
404
environne, ah ! que n’êtes-vous celles des désirs
de
l’amour ! La traîne d’une robe tournoie, éclair de roses sur un seuil
405
tes-vous celles des désirs de l’amour ! La traîne
d’
une robe tournoie, éclair de roses sur un seuil. C’était la voix de la
406
e l’amour ! La traîne d’une robe tournoie, éclair
de
roses sur un seuil. C’était la voix de la comtesse Adélaïde, — je la
407
ie, éclair de roses sur un seuil. C’était la voix
de
la comtesse Adélaïde, — je la connais à cet écho de joie dans mes pen
408
la comtesse Adélaïde, — je la connais à cet écho
de
joie dans mes pensées. Mais quelle approche me saisit ? Parfois, au c
409
? Parfois, au cœur des grandes fêtes, une sphère
de
silence descend, s’arrête quelques secondes, et ceux qu’elle baigne d
410
’arrête quelques secondes, et ceux qu’elle baigne
d’
une grâce furtive sont pris du désir d’adorer. Du sein de tant de cont
411
lle baigne d’une grâce furtive sont pris du désir
d’
adorer. Du sein de tant de contraintes polies et dans la pose la plus
412
râce furtive sont pris du désir d’adorer. Du sein
de
tant de contraintes polies et dans la pose la plus naturellement élég
413
égante, j’ai vu des yeux lever vers moi un regard
d’
ardente confiance qui était tout ce qu’on ne pouvait dire, — qui était
414
pouvait dire, — qui était, dans un suprême délice
de
libération, une prière pour que l’amour soit bien-aimé… Oh ! qu’il y
415
imé… Oh ! qu’il y ait eu cette joie par un regard
de
jeune fille ! Tout peut encore être sauvé… Un accord brusque de rumeu
416
! Tout peut encore être sauvé… Un accord brusque
de
rumeurs à travers une porte qui s’ouvre ramène le bal dans mes désert
417
es déserts. (Elle est partie. — Des rires en cape
de
velours s’enfuient vers les jardins.) Qu’il y ait eu ce regard, et qu
418
que l’amour seul eût mérité ces fastes ; l’usage
de
leurs politesses imite dérisoirement la gravité sacrée et l’ascèse ad
419
e seule invente la passion. Ils reviennent. Tombé
de
mon silence parmi les bavardages, où irai-je avec peut-être un air de
420
les bavardages, où irai-je avec peut-être un air
de
dégoût, par mégarde… On se presse au bar assourdissant et les visages
421
sages se prennent à vivre, dangereusement. Ô fête
d’
une époque où tout ce qui vaut qu’on l’aime oscille entre l’ivresse et
422
’on aime que tout soit exprimé en symboles gantés
de
blanc. Nous sommes fous, mais il y a la manière. J’ai l’ennui de mon
423
sommes fous, mais il y a la manière. J’ai l’ennui
de
mon ami Gérard de Nerval, je bois une menthe à son souvenir. Si je bu
424
rêver à voix haute ? Ébranle un peu ces lambris
d’
or, tu vois bien que tout cède aux regards de l’ivresse. Un coude nu s
425
bris d’or, tu vois bien que tout cède aux regards
de
l’ivresse. Un coude nu s’appuie à mon épaule, je brise des pailles su
426
le verte, l’orchestre russe emmêle des arabesques
de
danseurs et déjà quelques-uns de ces hôtes diaphanes du petit jour. J
427
e des arabesques de danseurs et déjà quelques-uns
de
ces hôtes diaphanes du petit jour. J’en ai vu deux, chaussés d’escarp
428
iaphanes du petit jour. J’en ai vu deux, chaussés
d’
escarpins fins courant comme des reflets sur le parquet, venir par une
429
e des lèvres pour me dire une phrase à l’oreille,
de
leur voix trop naturelle, voix de jour. Paroles aussitôt oubliées, ma
430
se à l’oreille, de leur voix trop naturelle, voix
de
jour. Paroles aussitôt oubliées, mais je sais que la nuit va s’éteind
431
oujours plus ivres. Rosette Anday levant sa coupe
de
champagne rit et déchaîne des opéras. — « Comme elle est laide, mais
432
« Comme elle est laide, mais une voix à faire mal
de
bonheur, mais laide !… ah ! magnifique ! », dit quelqu’un près de moi
433
des vaisseaux qui ramènent Iseut dans le silence
d’
un midi d’été nordique, à l’heure de mourir dans une légèreté éperdue…
434
eaux qui ramènent Iseut dans le silence d’un midi
d’
été nordique, à l’heure de mourir dans une légèreté éperdue… Mais une
435
ns le silence d’un midi d’été nordique, à l’heure
de
mourir dans une légèreté éperdue… Mais une main de femme au bord du s
436
e mourir dans une légèreté éperdue… Mais une main
de
femme au bord du sommeil saisie me ramène aux regards. Que sont tous
437
e voient dans la nudité du rêve, oh ! je les hais
de
me voir ! Je tiens la main d’une femme qui tremble… Comtesse Adélaïde
438
e, oh ! je les hais de me voir ! Je tiens la main
d’
une femme qui tremble… Comtesse Adélaïde en soie d’aurore, voici l’heu
439
’une femme qui tremble… Comtesse Adélaïde en soie
d’
aurore, voici l’heure que nous attendions. Les escaliers s’abaissent d
440
ux jardins tendus en tapisserie entre les arcades
d’
un péristyle sombre. Le bleu glacé du petit jour noie les buis qui s’é
441
e jardin monte sans fin dans le frisson désespéré
de
l’aube, — et nous, au bord du péristyle arrêtés, au bord de la nuit q
442
e me tourne vers ce visage très blanc où les yeux
d’
un bleu nocturne se refusent… Quelle tendresse, auprès de cet être sec
443
et être secret, inaccessible et pourtant complice
d’
une angoisse plus bouleversante que l’amour, à la minute où l’on voit
444
uleversante que l’amour, à la minute où l’on voit
de
très près, entre la nuit qui s’évapore et l’aube encore vacillante, l
445
nte, le vide absurde où s’en vont nos plaisirs et
d’
où remonte notre peine. Ah ! surprendre sur un visage décontenancé, et
446
un visage décontenancé, et jusque dans le rythme
d’
une respiration, l’envahissement de cette dure connaissance ! Elle se
447
dans le rythme d’une respiration, l’envahissement
de
cette dure connaissance ! Elle se tait, plus seule que moi. Le jour q
448
à me saisit va-t-il ainsi nous séparer ? Ce corps
de
femme défend encore sa nuit, si nu pourtant dans la soie et le velour
449
fatigue qui le fléchit un peu. Toucher, — guérir
de
l’écœurement de revivre — toucher un corps livré à la violence immobi
450
fléchit un peu. Toucher, — guérir de l’écœurement
de
revivre — toucher un corps livré à la violence immobile de son âme… M
451
e — toucher un corps livré à la violence immobile
de
son âme… Mais les jeunes filles sont parfois trop émouvantes pour qu’
452
arette entre mes lèvres sèches. Le hall s’éclaire
d’
un jour de balayage, il reste deux chapeaux melons au vestiaire, et qu
453
re mes lèvres sèches. Le hall s’éclaire d’un jour
de
balayage, il reste deux chapeaux melons au vestiaire, et quelques val
454
au vestiaire, et quelques valets gris. Une corde
de
violon saute dans sa boîte. Je crois que dans ma tête aussi, des chos
455
paraît, mène parfois bien près de la réalité — et
d’
un mouvement non dépourvu d’élégance, j’entends : par une certaine qua
456
ès de la réalité — et d’un mouvement non dépourvu
d’
élégance, j’entends : par une certaine qualité de déception, qu’il nou
457
d’élégance, j’entends : par une certaine qualité
de
déception, qu’il nous propose. La joie du jour, hélas, la plus forte…
458
grie À Albert Gyergyai i Le dormeur au fil
de
l’eau Où s’asseoir ? Le pont est encombré de jambes de dormeuses ;
459
l de l’eau Où s’asseoir ? Le pont est encombré
de
jambes de dormeuses ; il faudrait réveiller tant de beautés redoutabl
460
Où s’asseoir ? Le pont est encombré de jambes
de
dormeuses ; il faudrait réveiller tant de beautés redoutables pour at
461
ernière chaise libre. En bas, il y a juste autant
de
vieilles dames et de ministres en retraite que de fauteuils. Et on me
462
En bas, il y a juste autant de vieilles dames et
de
ministres en retraite que de fauteuils. Et on me regarde. J’ai beau f
463
de vieilles dames et de ministres en retraite que
de
fauteuils. Et on me regarde. J’ai beau feindre l’intérêt le plus sing
464
en ont tant vu ! Ils aiment mieux me faire honte
de
mon visage gris ; leurs yeux stupides me demandent où je n’ai pas dor
465
ordages, des chaînes, sur un banc humide, — juste
de
quoi s’étendre, et regarder jaillir sans fin contre soi l’eau de ce b
466
re, et regarder jaillir sans fin contre soi l’eau
de
ce beau Danube jaune qui est le plus inodore des fleuves. Dormir. San
467
. Sans avoir pu retrouver cette mélodie descendue
d’
un balcon où chantait la Schumann ; sans avoir pu retrouver le nom de
468
tait la Schumann ; sans avoir pu retrouver le nom
de
qui l’on a reconduit à sa villa, vers cinq heures à travers ces quart
469
à travers ces quartiers si clairs, arbres et jets
d’
eau ; sans avoir pu retrouver, des conversations de ce bal, autre chos
470
’eau ; sans avoir pu retrouver, des conversations
de
ce bal, autre chose que la phrase, l’unique phrase que Richard Straus
471
t… » C’était au vestiaire, il enfilait une manche
de
pardessus, me donnait l’autre à serrer, la main n’étant pas encore so
472
la main n’étant pas encore sortie… Dormir au fil
de
l’eau, entre l’étrange nuit du bal et cette perspective invraisemblab
473
nuit du bal et cette perspective invraisemblable
d’
un voyage au hasard commencé dans l’insomnie — vrai voyage à dormir de
474
il reconnaît son rêve. Huit heures aux clochers
de
la capitale qui s’avance dans la lumière fauve d’un soir chaud sur la
475
de la capitale qui s’avance dans la lumière fauve
d’
un soir chaud sur la plaine, avec ses dômes et ses façades exubérantes
476
plaine, avec ses dômes et ses façades exubérantes
de
reflets, — et déjà nous passons sous de hauts ponts sonores, au long
477
ubérantes de reflets, — et déjà nous passons sous
de
hauts ponts sonores, au long d’un quai tout fleuri de terrasses ; on
478
nous passons sous de hauts ponts sonores, au long
d’
un quai tout fleuri de terrasses ; on nous déverse dans cette foule et
479
auts ponts sonores, au long d’un quai tout fleuri
de
terrasses ; on nous déverse dans cette foule et ces musiques, deux vi
480
es qui font des signes pour demain, présentations
de
mes Espoirs aux jeunes Promesses nationales (on n’a pas bien compris
481
ée, des coups d’œil, dans le léger étourdissement
de
l’amitié prochaine). Et la générosité des lumières d’avant le soir, —
482
’amitié prochaine). Et la générosité des lumières
d’
avant le soir, — et cette espèce de tendresse pour tous les possibles,
483
é des lumières d’avant le soir, — et cette espèce
de
tendresse pour tous les possibles, qu’on appelle, je crois bien, jeun
484
, qui est un Collège célèbre. ii La Recherche
de
l’objet inconnu Personne n’a mon adresse, je n’attends rien d’aill
485
emier réveil — délivré. Chez moi je suis la proie
de
l’angoisse du courrier. J’attends la lettre, j’attends je ne sais quo
486
r. J’attends la lettre, j’attends je ne sais quoi
de
très important… Trois déceptions par jour ne peuvent qu’énerver le dé
487
a m’apporter ce Paquet inouï, cadeau annonciateur
d’
une miraculeuse et royale Venue. Dans le silence de l’adoration comblé
488
’une miraculeuse et royale Venue. Dans le silence
de
l’adoration comblée, j’en sortirais de ces objets sans nom, inutilisa
489
le silence de l’adoration comblée, j’en sortirais
de
ces objets sans nom, inutilisables, bouleversants de perfection, gage
490
ces objets sans nom, inutilisables, bouleversants
de
perfection, gages d’un monde que les poètes essaient de décrire sans
491
inutilisables, bouleversants de perfection, gages
d’
un monde que les poètes essaient de décrire sans l’avoir jamais vu, et
492
fection, gages d’un monde que les poètes essaient
de
décrire sans l’avoir jamais vu, et dont nous savons seulement que tou
493
vances, les plus exténuantes, et qui sait si tant
d’
erreurs ne composeront pas un jour une sorte d’incantation capable d’i
494
nt d’erreurs ne composeront pas un jour une sorte
d’
incantation capable d’incliner le Hasard ? Ô décevantes chasses dans l
495
eront pas un jour une sorte d’incantation capable
d’
incliner le Hasard ? Ô décevantes chasses dans les bazars, aux étalage
496
lages des fêtes populaires, au fond des boutiques
de
vieux en province, dans les combles d’un château prussien où tissaien
497
boutiques de vieux en province, dans les combles
d’
un château prussien où tissaient d’incroyables araignées, partout où l
498
ns les combles d’un château prussien où tissaient
d’
incroyables araignées, partout où le désordre naturel des choses pouva
499
her jusque chez nous ? » (En Hongrie, à 30 heures
d’
express, on dit « jusque chez nous », ce qu’on ne dit pas en Amérique.
500
sseports ? Dussè-je les inventer… Ah ! l’embarras
de
voyager n’est rien auprès de celui d’expliquer pourquoi l’on est part
501
l’embarras de voyager n’est rien auprès de celui
d’
expliquer pourquoi l’on est parti. Cependant, mes regards errant sur u
502
in de s’user, ne tarde pas à devenir notre raison
de
vivre. Mais combien votre sort, ô grands empêtrés ! me paraît enviabl
503
Les désirs les plus incompréhensibles s’emparent
de
moi comme des superstitions. Tout mon avoir se fond dans une loterie
504
ir se fond dans une loterie qui peut-être n’a pas
de
gros lot, et jamais, je crains bien, jamais je ne parviendrai à le re
505
é à peine jalouse que l’on réserve aux égarements
d’
une jeunesse démodée se peignirent sur les traits de mes auditeurs. —
506
une jeunesse démodée se peignirent sur les traits
de
mes auditeurs. — Vous êtes, me dit-on, un amateur de troubles disting
507
mes auditeurs. — Vous êtes, me dit-on, un amateur
de
troubles distingués. Peu de sens du réel. Mais nous vous montrerons n
508
n m’entraîna dans un musée sans sièges. Le Musée
de
Budapest enferme quelques paysages romantiques aux ciels pleins de dé
509
me quelques paysages romantiques aux ciels pleins
de
démesure. Et, de Giorgione, ce « Portrait d’un homme » devant lequel
510
ges romantiques aux ciels pleins de démesure. Et,
de
Giorgione, ce « Portrait d’un homme » devant lequel il faut se taire
511
eins de démesure. Et, de Giorgione, ce « Portrait
d’
un homme » devant lequel il faut se taire pour écouter ce qu’il entend
512
pour écouter ce qu’il entend. iii Au tombeau
de
Gül Baba Dans Bude il y a des ruelles qui sentent encore le Turc.
513
rentrés en Europe. Mais le lendemain, m’échappant
d’
un programme admirable, nourrissant et officiel, il a bien fallu que j
514
. « Vous n’y verrez, m’avait-on dit, qu’une paire
de
babouches dans une mosquée vide que personne n’a plus l’idée de visit
515
ans une mosquée vide que personne n’a plus l’idée
de
visiter. » Mais comment ne pas voir qu’un lieu qui porte un nom parei
516
ne croit pas à la vertu des noms reste prisonnier
de
ses sens ; mais celui-là est véritablement voyageur qui n’a pas renon
517
voyageur qui n’a pas renoncé à convaincre le réel
de
mystère. Montant au Rozsadomb par ce matin brûlant, je savais bien qu
518
pellent une conduite magique. Or il est délicieux
de
réaliser une idée fixe injustifiable : c’est le plaisir même de l’enf
519
e idée fixe injustifiable : c’est le plaisir même
de
l’enfance. Je portais donc ma vision d’Orient et je grimpais gravemen
520
isir même de l’enfance. Je portais donc ma vision
d’
Orient et je grimpais gravement comme je ferai, je pense, au jour de m
521
mpais gravement comme je ferai, je pense, au jour
de
mon pèlerinage au Temple de l’Objet inconnu. Voici que ce j’ai vu. On
522
ai, je pense, au jour de mon pèlerinage au Temple
de
l’Objet inconnu. Voici que ce j’ai vu. On passe une barrière, une cou
523
ardins dont les arbustes sèchent, vers une espèce
de
grande villa ou palais baroque assez décrépit, un décor en pierre bru
524
répit, un décor en pierre brune peu solide, rongé
de
roses Crimson. On longe une galerie couverte, on tourne dans un escal
525
n tourne dans un escalier compliqué : c’est plein
de
colonnettes et de statues dégradées et charmantes. (Vue sur des maiso
526
scalier compliqué : c’est plein de colonnettes et
de
statues dégradées et charmantes. (Vue sur des maisons pauvres un peu
527
urs assez hauts dont l’un est peut-être la façade
d’
une chapelle ; mais la porte est fermée. Par une ouverture étroite on
528
vaste, où il y a quelques arbres devant une sorte
de
tour peu élevée, à demi recouverte de rosiers, et qu’il paraît imposs
529
t une sorte de tour peu élevée, à demi recouverte
de
rosiers, et qu’il paraît impossible de situer dans l’ensemble des con
530
recouverte de rosiers, et qu’il paraît impossible
de
situer dans l’ensemble des constructions. C’est là qu’on entre. Murs
531
ns. C’est là qu’on entre. Murs nus. Un catafalque
de
bois, au milieu, recouvert d’un très beau tapis mince, ou bannière, a
532
nus. Un catafalque de bois, au milieu, recouvert
d’
un très beau tapis mince, ou bannière, avec des caractères turcs brodé
533
vec des caractères turcs brodés en or. L’histoire
de
Gül Baba est racontée sur un papier jauni encadré et fixé au mur. Gül
534
est le dernier héros musulman qui ait fait parler
de
lui en Hongrie. Il s’appelait en vérité KehlBaba, ce qui signifie le
535
roses. Moyennant cette naturalisation il continue
de
protéger la ville (en collaboration avec saint Gellert, dont la statu
536
un rocher, les bras levés, dirige la circulation
de
Pest. Gül Baba est moins théâtral). D’ailleurs le tombeau est vide. E
537
leurs le tombeau est vide. Et les babouches ? Pas
de
babouches. Je sais bien que ce n’est pas l’heure de visiter : le Père
538
babouches. Je sais bien que ce n’est pas l’heure
de
visiter : le Père des roses est peut-être allé se promener. Dehors, l
539
ent » étrange que ce lieu — inquiétant à la façon
de
certains regards lucides qu’il arrive qu’on porte sur la vie, tout d’
540
lucides qu’il arrive qu’on porte sur la vie, tout
d’
un coup, à trois heures de l’après-midi par exemple —, non sans angois
541
porte sur la vie, tout d’un coup, à trois heures
de
l’après-midi par exemple —, non sans angoisse. iv De midi à quato
542
rès-midi par exemple —, non sans angoisse. iv
De
midi à quatorze heures On voyage de nos jours d’une façon « ration
543
se. iv De midi à quatorze heures On voyage
de
nos jours d’une façon « rationnelle », c’est-à-dire que les Cook’s ti
544
midi à quatorze heures On voyage de nos jours
d’
une façon « rationnelle », c’est-à-dire que les Cook’s tickets remplac
545
e conduite féconde. Il me semble que la servitude
de
l’homme moderne apparaît ici sous un aspect bien inquiétant : c’est à
546
joli, ce n’est pas fantaisie. Je parle simplement
de
vérité et de mensonge, opposant une réalité vivante à une duperie com
547
t pas fantaisie. Je parle simplement de vérité et
de
mensonge, opposant une réalité vivante à une duperie commerciale. Mai
548
pensez que tant de mots pour une simple question
de
sentiment… C’est que vous êtes déjà bien malade. Il perd le sentimen
549
dre ! » s’écrie le lecteur, et comme il est, lui,
de
l’autre école, il referme ces pages et vaque à ses devoirs. Nous voic
550
lus à l’aise. Eh bien oui : je me ferai un mérite
de
perdre tout mon temps, si toutefois perdre conserve ici le sens qu’il
551
urs « problèmes du plus haut intérêt », le « prix
de
l’action » et leur morale qui ne parle que d’ obligations dont on ne
552
rix de l’action » et leur morale qui ne parle que
d’
obligations dont on ne saurait à la légère se débarrasser sans courir
553
, bref, sans le payer cher. Tout cela est langage
de
bourse. Pour moi, je poursuivrai mon discours en faveur de l’inutile,
554
ns leurs vastes poches insulaires pour m’informer
de
cette irrécusable vérité : les affaires sont les affaires, axiome qui
555
oir trépigner, je continuerai à chercher mon bien
de
midi à quatorze heures, temps qu’ils réservent à la mastication, entr
556
ils réservent à la mastication, entre deux séries
d’
heures de travail consacrées, si l’on ose dire, à assurer cette mastic
557
vent à la mastication, entre deux séries d’heures
de
travail consacrées, si l’on ose dire, à assurer cette mastication. Ma
558
n est assailli par le pittoresque, mais il s’agit
de
le déjouer au moyen de toutes sortes de ruses et de scepticismes, don
559
il s’agit de le déjouer au moyen de toutes sortes
de
ruses et de scepticismes, dont le plus simple consiste à traduire ce
560
le déjouer au moyen de toutes sortes de ruses et
de
scepticismes, dont le plus simple consiste à traduire ce que l’on voi
561
s lignes verticales peinturlurées — elle n’a rien
d’
étrange, si l’on songe que nous sommes en Hongrie. Et ce n’est pas que
562
erveilleux, avec quoi l’on est trop souvent tenté
de
confondre l’excès de bizarrerie. C’est le faux merveilleux qui a disc
563
l’on est trop souvent tenté de confondre l’excès
de
bizarrerie. C’est le faux merveilleux qui a discrédité le vrai, leque
564
, moralement microscopique. (Il a tellement l’air
de
rien que nous sommes presque excusables de ne le point apercevoir.) J
565
l’air de rien que nous sommes presque excusables
de
ne le point apercevoir.) Je vais cependant dire quelque chose d’une s
566
apercevoir.) Je vais cependant dire quelque chose
d’
une scène pittoresque. Mais c’est une autre fois que je l’ai vue, à Pe
567
’est une autre fois que je l’ai vue, à Pest, lors
d’
un autre séjour, dans la semaine qui suit Noël, — la plus sombre de l’
568
, dans la semaine qui suit Noël, — la plus sombre
de
l’année par les rues vides sous la pluie étrangère. Une porte basse s
569
ne porte basse s’ouvre sur un long corridor hanté
d’
ombres drapées, qui ne sont pas des nonnes, bien que les voûtes soient
570
pas des nonnes, bien que les voûtes soient celles
d’
un ancien couvent. Nous pénétrons dans une grande salle vivement éclai
571
le vivement éclairée. Murs chaulés, et de nouveau
de
hautes voûtes. Une banquette longe trois des parois, la quatrième est
572
à terre, dans l’attente. Nous sommes assis autour
d’
une table et nous voyons, au milieu de la salle, un arbre de Noël aux
573
e et nous voyons, au milieu de la salle, un arbre
de
Noël aux amples branches rayonnantes, dans une gloire de dorures, — e
574
aux amples branches rayonnantes, dans une gloire
de
dorures, — et massées tout autour, frileuses dans leurs dessous roses
575
ignoir noir et blanc… Je ne puis avaler mon verre
de
ce café trop amer qui pince la gorge. Dehors, nous ne parlons pas : l
576
es transitions, et c’est alors que l’on est tenté
de
mentir, si fort tenté que l’on cède à coup sûr, en se persuadant que
577
as, au contraire, aggraver le cas ?) Or l’intérêt
d’
un récit de voyage ne réside pas dans sa vérité générale, mais bien se
578
raire, aggraver le cas ?) Or l’intérêt d’un récit
de
voyage ne réside pas dans sa vérité générale, mais bien se réfugie da
579
qui ne ressemble à rien, gênante comme un cadeau
de
pauvre, comme un vrai cadeau. Si le conteur ment — pendant qu’il y es
580
nteur ment — pendant qu’il y est, il ferait mieux
de
choisir un autre pays que la Hongrie archi-connue —, le lecteur le se
581
ar le plus beau mensonge atteint à peine le degré
d’
intérêt d’une vérité banale, et seulement à condition de lui ressemble
582
beau mensonge atteint à peine le degré d’intérêt
d’
une vérité banale, et seulement à condition de lui ressembler, ne fût-
583
ment à condition de lui ressembler, ne fût-ce que
de
loin, — c’est alors ce qu’on appelait un paradoxe, du temps des petit
584
temps des petites manières. Cependant, la réalité
d’
un pays apparaissant en général au voyageur de ma sorte sous ses modal
585
ité d’un pays apparaissant en général au voyageur
de
ma sorte sous ses modalités sentimentales plus que documentaires, peu
586
, peut-être serait-il bon que je parsème ce texte
de
quelques noms impossibles et de beaucoup de chiffres vraisemblables ?
587
parsème ce texte de quelques noms impossibles et
de
beaucoup de chiffres vraisemblables ? Ainsi le lecteur superficiel au
588
l’impression que je suis zur Sache, que je parle
de
mon sujet, — étant admis que mon sujet soit la Hongrie, ce qui me par
589
n’est rien que le voyage du Sujet à la recherche
de
son Objet, — en passant par la Hongrie. — Mais puisqu’enfin nous y vo
590
ie. — Mais puisqu’enfin nous y voici… (Le tombeau
de
Gül Baba est symboliquement vide. Quant à l’arbre de Noël, il ne deva
591
Gül Baba est symboliquement vide. Quant à l’arbre
de
Noël, il ne devait à nulle pendeloque insolite l’étrangeté de son écl
592
ne devait à nulle pendeloque insolite l’étrangeté
de
son éclat. Alors je m’en vais oublier le But de mon voyage, — qui est
593
é de son éclat. Alors je m’en vais oublier le But
de
mon voyage, — qui est sa cause. Je vais feindre de prendre au sérieux
594
e mon voyage, — qui est sa cause. Je vais feindre
de
prendre au sérieux ce que je vois. Ruse connue : c’est l’histoire du
595
que vous avez sous la langue ; je vous conseille
de
n’y plus penser quelque temps… Car on ne trouve vraiment que ce qu’on
596
Car on ne trouve vraiment que ce qu’on a consenti
de
ne pas trouver sur l’heure. En petit et intéressé, ce geste s’appelle
597
e prend toute sa hauteur. Silencieuse, solennelle
de
nudité, entre le Palais du Régent et celui d’un des archiducs, quel d
598
lle de nudité, entre le Palais du Régent et celui
d’
un des archiducs, quel décor à rêver le cortège d’un sacre ! J’y ai vu
599
d’un des archiducs, quel décor à rêver le cortège
d’
un sacre ! J’y ai vu défiler la Chambre des Magnats, le jour de l’élec
600
J’y ai vu défiler la Chambre des Magnats, le jour
de
l’élection d’un des quatre gardiens de la Couronne de saint Étienne.
601
ler la Chambre des Magnats, le jour de l’élection
d’
un des quatre gardiens de la Couronne de saint Étienne. Auprès du porc
602
s, le jour de l’élection d’un des quatre gardiens
de
la Couronne de saint Étienne. Auprès du porche du Palais, ils n’étaie
603
’élection d’un des quatre gardiens de la Couronne
de
saint Étienne. Auprès du porche du Palais, ils n’étaient guère qu’une
604
he du Palais, ils n’étaient guère qu’une centaine
de
curieux, et quelques gardes. Traversant dans sa longueur toute l’imme
605
dent que du bout des doigts, crainte, sans doute,
de
troubler l’équilibre toujours instable des huit reflets de leur digni
606
er l’équilibre toujours instable des huit reflets
de
leur dignité. Mais je n’oublierai pas le sourire de ce vieux prince :
607
leur dignité. Mais je n’oublierai pas le sourire
de
ce vieux prince : un vrai sourire, adressé personnellement à l’homme,
608
reprend ici sa noblesse. Mon voisin qui a la tête
de
François-Joseph, dont il fut peut-être valet, nomme à leur passage le
609
remier pont sur le Danube, auteurs ainsi du trait
d’
union de Buda-Pest. Il y a trois semaines, à Freudenau, lors du Derby
610
ont sur le Danube, auteurs ainsi du trait d’union
de
Buda-Pest. Il y a trois semaines, à Freudenau, lors du Derby viennois
611
se tiennent très droits, appuyés sur leurs sabres
d’
or recourbés dont les poignées entre leurs doigts gantés étincellent.
612
urs doigts gantés étincellent. Parfois un collier
de
la Toison d’Or, sur la fourrure du dolman rouge ou jaune, laisse pend
613
ntés étincellent. Parfois un collier de la Toison
d’
Or, sur la fourrure du dolman rouge ou jaune, laisse pendre son petit
614
Mais, ô pathétique dissonance, tangible absurdité
de
notre époque, beaucoup ont dû louer des taxis démodés, au tarif infér
615
f inférieur. Des chauffeurs vautrés, la casquette
de
travers sur leurs idées sociales, pareils aux chauffeurs de toutes le
616
sur leurs idées sociales, pareils aux chauffeurs
de
toutes les villes, conduisent dans la cour d’honneur ces reliques inc
617
urs de toutes les villes, conduisent dans la cour
d’
honneur ces reliques incroyables et les encensent à la benzine industr
618
doigts levés. On se signe. Et voici venir à pied
de
son palais proche, tout seul, un archiduc. On salue profondément, en
619
e profondément, en silence (cliquetis des rangées
de
décorations sur l’uniforme kaki, et du sabre balancé). Une auto encor
620
or. Si le comte Bethlen venait à la SDN en tenue
de
magnat, beaucoup de gens comprendraient mieux sa politique. viii
621
viii Les coussins Rothermere Le nationalisme
de
la plupart des États de l’Europe se formule en revendications d’homme
622
es États de l’Europe se formule en revendications
d’
hommes d’affaires. Ce qu’on prétend défendre, c’est son droit, ses int
623
de l’Europe se formule en revendications d’hommes
d’
affaires. Ce qu’on prétend défendre, c’est son droit, ses intérêts. Ma
624
une passion toute nue, qui exprime l’être profond
de
la race. On ne discute pas cet amour, on ne réfute pas cette haine. I
625
pas cette haine. Ici, la sympathie est un devoir
de
politesse. Comment la mesurer sans mauvaise grâce à qui vous a reçu c
626
mauvaise grâce à qui vous a reçu comme un cadeau
de
Dieu. (« C’est Dieu qui vous envoie », dit la formule traditionnelle.
627
oie », dit la formule traditionnelle.) La liqueur
de
pêche rend démonstratif, dont on vide trois verres d’un trait en guis
628
êche rend démonstratif, dont on vide trois verres
d’
un trait en guise de salut. C’est alors que se déplient les cartes de
629
de salut. C’est alors que se déplient les cartes
de
« la Hongrie mutilée ». — « Savez-vous qu’on nous a volé les deux tie
630
. — « Savez-vous qu’on nous a volé les deux tiers
de
notre patrie ? » — Ah ! ce n’est pas vous, maintenant, qui allez dema
631
maintenant, qui allez demander raison à vos hôtes
de
la façon dont ils traitaient, au temps de leur puissance, les allogèn
632
que les nombres ont tort au regard de l’antiquité
d’
une civilisation ; qu’il s’agit ici de valeurs ; que si les population
633
l’antiquité d’une civilisation ; qu’il s’agit ici
de
valeurs ; que si les populations des régions perdues étaient parfois
634
eule active et créatrice. Le reste : des porteurs
d’
eau… Dans l’inextricable confusion d’injustices à quoi devait mener le
635
des porteurs d’eau… Dans l’inextricable confusion
d’
injustices à quoi devait mener le wilsonisme schématique qui traça les
636
eur devenant l’opprimé sans y perdre le sentiment
de
sa supériorité de race — sa véritable légitimité — on comprend que le
637
rimé sans y perdre le sentiment de sa supériorité
de
race — sa véritable légitimité — on comprend que le Hongrois n’ait po
638
nt conservé une extrême sensibilité aux arguments
de
« droit » qui autorisèrent ce chaos. Il lui reste sa foi en la grande
639
aos. Il lui reste sa foi en la grandeur éternelle
de
la Hongrie — intemporelle, n’ayant cure des statistiques — et sa doul
640
e des statistiques — et sa douleur aussi, douleur
d’
orgueil blessé, mais qui emporte la sympathie : car l’orgueil hongrois
641
la sympathie : car l’orgueil hongrois n’est point
de
ce que l’on gagne sur autrui, mais de ce que l’on est ; non point d’u
642
n’est point de ce que l’on gagne sur autrui, mais
de
ce que l’on est ; non point d’un parvenu, mais d’un aristocrate. Tous
643
e sur autrui, mais de ce que l’on est ; non point
d’
un parvenu, mais d’un aristocrate. Tous dangers égaux d’ailleurs, préf
644
de ce que l’on est ; non point d’un parvenu, mais
d’
un aristocrate. Tous dangers égaux d’ailleurs, préférons cet impériali
645
gers égaux d’ailleurs, préférons cet impérialisme
de
l’âme à l’impérialisme de la surproduction des machines et des enfant
646
férons cet impérialisme de l’âme à l’impérialisme
de
la surproduction des machines et des enfants. C’est parce que les Hon
647
erne. Voilà ce qu’on ne dit pas dans les dépêches
d’
agence : les journalistes, une fois de plus, passent à côté de l’essen
648
rs. Songez à ce qui forme l’opinion, cet ensemble
de
mythes sentimentaux qui gouverne les arguments. Songez combien souven
649
à celle des individus, pour ce qui est du moins,
de
mentir à soi-même. Mais les Hongrois ne renient pas leur romantisme.
650
ongrie, sur une Carte du Tendre d’après le traité
de
Trianon ! Ces choses, je les ai rêvées sur un divan, à cause d’un cou
651
es choses, je les ai rêvées sur un divan, à cause
d’
un coussin où s’étalait le sourire optimiste de Lord Rothermere, en so
652
se d’un coussin où s’étalait le sourire optimiste
de
Lord Rothermere, en soie blanche sur fond noir. Quelques articles fa
653
r ce peuple turbulent et déchu, suffirent à faire
d’
un affairiste anglais l’idole du nationalisme magyar. Son portrait aff
654
universitaires, brodé aux devantures des magasins
de
mode, et son nom en lettres géantes sur une montagne chauve, voisine
655
lettres géantes sur une montagne chauve, voisine
de
Budapest, témoignent des espérances démesurées qu’il sut entretenir a
656
espérances démesurées qu’il sut entretenir autour
d’
une action certes méritoire, mais plus symbolique qu’efficace. Et sans
657
Et sans lendemain. Ce mélange, en toutes choses,
d’
enfantillage et de grandeur, d’imaginations absurdes et de souffrances
658
. Ce mélange, en toutes choses, d’enfantillage et
de
grandeur, d’imaginations absurdes et de souffrances vraies, n’est-ce
659
en toutes choses, d’enfantillage et de grandeur,
d’
imaginations absurdes et de souffrances vraies, n’est-ce point le clim
660
illage et de grandeur, d’imaginations absurdes et
de
souffrances vraies, n’est-ce point le climat de la passion ? — C’est
661
t de souffrances vraies, n’est-ce point le climat
de
la passion ? — C’est celui de la Hongrie9. ix Une lettre de Matth
662
-ce point le climat de la passion ? — C’est celui
de
la Hongrie9. ix Une lettre de Matthias Corvin « Matthias, par
663
? — C’est celui de la Hongrie9. ix Une lettre
de
Matthias Corvin « Matthias, par la grâce de Dieu roi de Hongrie. B
664
re de Matthias Corvin « Matthias, par la grâce
de
Dieu roi de Hongrie. Bonjour, citoyens ! Si vous ne venez pas tous vo
665
as Corvin « Matthias, par la grâce de Dieu roi
de
Hongrie. Bonjour, citoyens ! Si vous ne venez pas tous vous présenter
666
bits Personne, à ma connaissance, ne se plaint
de
ce qu’il y ait peu de poètes par le monde. C’est dans l’ordre des cho
667
ans l’ordre des choses, et l’on sait qu’il suffit
de
très peu de sel pour rendre mangeables beaucoup de nouilles. Mais voi
668
ais voici, par exemple, ce qu’il faudrait essayer
d’
obtenir : que la grande majorité des gens ne deviennent pas enragés dè
669
s ne deviennent pas enragés dès qu’ils perçoivent
de
la poésie dans l’air. Espoir sans doute chimérique, mais qu’on peut c
670
oute chimérique, mais qu’on peut croire bien près
d’
être comblé dans ce pays où les courtiers ne donnent pas encore le ton
671
nnue à l’étranger que par quelques pièces légères
de
Molnar, qui n’ont de hongrois que l’auteur, d’ailleurs israélite. Il
672
par quelques pièces légères de Molnar, qui n’ont
de
hongrois que l’auteur, d’ailleurs israélite. Il y a, bien entendu, un
673
à remplir les revues bien pensantes. Elle traite
de
sujets « bien hongrois » dans un style académique qui me paraît être
674
extrême gauche, et sa revue Documentum (une sorte
d’
Esprit nouveau troublé de surréalisme), groupée autour de Louis Kassak
675
ue Documentum (une sorte d’Esprit nouveau troublé
de
surréalisme), groupée autour de Louis Kassak, nettement international
676
tour de Louis Kassak, nettement internationaliste
de
doctrine, au lyrisme neuf et parfois sauvage, social ou futuriste, et
677
plus libre et la plus vivante du génie littéraire
de
cette race me paraît bien avoir été donnée par le groupe important du
678
r anime encore ces écrivains profondément magyars
de
sensibilité, bien que souvent européens de goûts et de curiosités, et
679
agyars de sensibilité, bien que souvent européens
de
goûts et de curiosités, et dont Michel Babits est aujourd’hui le chef
680
nsibilité, bien que souvent européens de goûts et
de
curiosités, et dont Michel Babits est aujourd’hui le chef de file. De
681
és, et dont Michel Babits est aujourd’hui le chef
de
file. Des amis m’emmènent le voir à Esztergom, où il passe ses étés.
682
ses étés. Esztergom est la plus vieille capitale
de
la Hongrie. Attila, me dit-on, y régna. Aujourd’hui c’est la résidenc
683
a résidence du Prince Primat. Au-dessus du palais
de
l’archevêché, sur une colline que le Danube contourne, la Basilique é
684
Danube contourne, la Basilique élève une coupole
d’
ocre éclatante, immense et froide, dominant cette plaine onduleuse don
685
ue nous devons rencontrer le poète. Cheveux noirs
d’
aigle collés sur son large front, belle carrure ruisselante, il nous s
686
u’à mi-corps, mythologique. Nous sortons ensemble
de
la petite ville aux rues de terre brûlante, aux maisons jaunes basses
687
Nous sortons ensemble de la petite ville aux rues
de
terre brûlante, aux maisons jaunes basses, ville sans ombre, sans arb
688
us montons vers la maison du poète, sur un coteau
de
vignes. Trois chambres boisées entourées d’une large galerie d’où l’o
689
oteau de vignes. Trois chambres boisées entourées
d’
une large galerie d’où l’on voit le Danube gris-jaune, brillant, sans
690
is chambres boisées entourées d’une large galerie
d’
où l’on voit le Danube gris-jaune, brillant, sans rides, la petite vil
691
bourdonnante, — trois petites chambres et un pan
de
toit par-dessus, cela fait une baraque à peine visible dans les vigne
692
isible dans les vignes, à peine détachée du flanc
de
la colline (pour que les vents ne l’emportent pas), un beau nid de po
693
ur que les vents ne l’emportent pas), un beau nid
de
poète : car demeurer ici, c’est demeurer vraiment « en pleine nature
694
r vraiment « en pleine nature », un peu au-dessus
de
la plaine, pas tout à fait dans le ciel, là où doivent vivre ceux qui
695
orizon est aussi lointain qu’on l’imagine, tout a
de
belles couleurs, le poète sourit en lui-même, il y a une enfance dans
696
, il y a une enfance dans l’air… xi Le retour
d’
Esztergom Il faut se pencher aux portières et laisser l’air furieux
697
e et appuyer au front comme une caresse indéfinie
de
la puissance. Soir de voyage, tout enfiévré d’orgueil errant, de conq
698
comme une caresse indéfinie de la puissance. Soir
de
voyage, tout enfiévré d’orgueil errant, de conquêtes vagues… Tout ce
699
ie de la puissance. Soir de voyage, tout enfiévré
d’
orgueil errant, de conquêtes vagues… Tout ce qui est de la terre renon
700
. Soir de voyage, tout enfiévré d’orgueil errant,
de
conquêtes vagues… Tout ce qui est de la terre renonce à s’affirmer en
701
ueil errant, de conquêtes vagues… Tout ce qui est
de
la terre renonce à s’affirmer en détail précis, se masse dans une con
702
mer en détail précis, se masse dans une confusion
de
violet sombre, et par la seule ligne dure de l’horizon s’oppose au ci
703
sion de violet sombre, et par la seule ligne dure
de
l’horizon s’oppose au ciel qui retire ses lueurs. Ciel blanc, où très
704
el qui retire ses lueurs. Ciel blanc, où très peu
d’
or rose s’évanouit… Le train serpente dans un de ces paysages de nulle
705
u d’or rose s’évanouit… Le train serpente dans un
de
ces paysages de nulle part qui sont les plus émouvants, entre des col
706
anouit… Le train serpente dans un de ces paysages
de
nulle part qui sont les plus émouvants, entre des collines basses gra
707
e heure on sent bien que poursuivre est une sorte
d’
enivrant péché. — Nous aurions une maison dans ce désert aux formes te
708
cause de l’éloignement en nous-mêmes. À l’entrée
d’
un tunnel tu vois que la veilleuse brûle toujours — et moi, parmi les
709
rûle toujours — et moi, parmi les reflets fuyants
de
toutes sortes de faces et de paysages soudainement invisibles, je dis
710
t moi, parmi les reflets fuyants de toutes sortes
de
faces et de paysages soudainement invisibles, je distingue le doux fe
711
les reflets fuyants de toutes sortes de faces et
de
paysages soudainement invisibles, je distingue le doux feu bleu de mo
712
inement invisibles, je distingue le doux feu bleu
de
mon obsession. L’Objet inconnu, — quand je pense à ce qu’en imaginera
713
autres, si je leur en parlais… Il leur suffirait
de
l’image d’un bibelot d’une sorte bizarre. Alors que c’est plutôt un c
714
je leur en parlais… Il leur suffirait de l’image
d’
un bibelot d’une sorte bizarre. Alors que c’est plutôt un certain arra
715
arlais… Il leur suffirait de l’image d’un bibelot
d’
une sorte bizarre. Alors que c’est plutôt un certain arrangement des c
716
oses qui rende un certain son spirituel… Un objet
de
musique et de couleurs, mais aussi une forme symbolique de tout… Enfi
717
un certain son spirituel… Un objet de musique et
de
couleurs, mais aussi une forme symbolique de tout… Enfin, tellement i
718
e et de couleurs, mais aussi une forme symbolique
de
tout… Enfin, tellement inconnu et tellement fascinant à la fois, qu’i
719
tellement fascinant à la fois, qu’il me préserve
de
tout amour pour quelque bien particulier où je serais tenté de me com
720
pour quelque bien particulier où je serais tenté
de
me complaire. Oh ! je sais ! — Je ne sais plus. — Le train s’attarde
721
lors tout s’allume et voici la nuit des faubourgs
de
Pest, au-dessous de nous. xii Un bal, ou de l’ivresse considérée
722
s de Pest, au-dessous de nous. xii Un bal, ou
de
l’ivresse considérée comme un des beaux-arts Ils n’ont plus de nom
723
sidérée comme un des beaux-arts Ils n’ont plus
de
noms, ils ne sont qu’une ivresse aux cent visages, lorsque j’entre da
724
vant un bras, la main à la nuque ; frapper le sol
de
l’autre talon en changeant de main ; saisir la danseuse sous les bras
725
ue ; frapper le sol de l’autre talon en changeant
de
main ; saisir la danseuse sous les bras (elle pose alors ses mains su
726
ules du cavalier) et la faire pirouetter un quart
de
tour à droite, un quart de tour à gauche ; pirouetter seuls sur place
727
re pirouetter un quart de tour à droite, un quart
de
tour à gauche ; pirouetter seuls sur place ; de nouveau frapper le so
728
ment ; saisir la danseuse, tourbillonner, pousser
de
grands cris ; tourbillonner en sens inverse ; frapper des talons touj
729
aux yeux de plaine, comme les autres ont des yeux
de
mer. Des grâces d’amazones avec un coup de talon qui les secoue jusqu
730
comme les autres ont des yeux de mer. Des grâces
d’
amazones avec un coup de talon qui les secoue jusqu’à la chevelure. Gr
731
s yeux de mer. Des grâces d’amazones avec un coup
de
talon qui les secoue jusqu’à la chevelure. Graves entre leurs éclats
732
s chantent, les moires et l’ondulation des rubans
de
vents chauds sur la plaine, avec des éloignements et des retours, des
733
e les gestes sont gouvernées par la seule logique
d’
un rythme constamment imprévu. Il s’agit moins de comprendre que de s’
734
d’un rythme constamment imprévu. Il s’agit moins
de
comprendre que de s’abandonner d’une certaine manière. En France, cha
735
amment imprévu. Il s’agit moins de comprendre que
de
s’abandonner d’une certaine manière. En France, chacun parle pour son
736
Il s’agit moins de comprendre que de s’abandonner
d’
une certaine manière. En France, chacun parle pour son compte, paraphe
737
ou. Ici, le sens des mots et des choses est celui
d’
un courant musical qui domine l’ensemble et le compose selon les lois
738
ui domine l’ensemble et le compose selon les lois
d’
une plastique exubérante. Quand je dis que j’observe, je n’observe rie
739
anières. Et quant à ceux qui n’ont pas le pouvoir
de
s’enivrer, ils auront toujours raison, mais n’auront que cela, car c’
740
c’est l’ivresse10 seulement qui permet à l’esprit
de
passer d’une forme dans d’autres, — et c’est même en ce passage qu’el
741
resse10 seulement qui permet à l’esprit de passer
d’
une forme dans d’autres, — et c’est même en ce passage qu’elle consist
742
e passage qu’elle consiste — ô Danses ! avènement
de
l’âme aux gestes ! Vous voici, longs coups d’ailes en silence au-dess
743
ent de l’âme aux gestes ! Vous voici, longs coups
d’
ailes en silence au-dessus du gouffre. Je vole sur place, mais tout se
744
et l’amour du vertige). Qu’est-ce qu’il y aurait
de
l’autre côté ? Se laisser choir dans le Gris ? Rejoindre ?… Derrière
745
ise ne rappelle la nostalgie traînante des lieder
de
l’Oberland : ici la mélancolie même est passionnée. Elles chantent av
746
es mouvements vifs du buste, et des mains pleines
de
drôleries ou de supplication. Je ne sais ce que disent les paroles. J
747
fs du buste, et des mains pleines de drôleries ou
de
supplication. Je ne sais ce que disent les paroles. Je vois des cheva
748
uvenir des pays désertés enfièvre encore un désir
de
perdition illimitée… Les Hongrois se sont arrêtés dans cette plaine.
749
s c’est le soir au camp, perpétuel. Une lassitude
de
steppe brûlante, des ondulations longues… Mais un cheval se cabre ; e
750
ambours et des cris modulés, et toute la frénésie
d’
un grand souffle qui se serait mis à tourbillonner sur place. xiv
751
ngrois t’emportera dans une inénarrable confusion
de
sentimentalisme et de passion, et c’est là son miracle. Si tu n’as pa
752
s une inénarrable confusion de sentimentalisme et
de
passion, et c’est là son miracle. Si tu n’as pas le sens de la musiqu
753
, et c’est là son miracle. Si tu n’as pas le sens
de
la musique, conserve quelque espoir de t’en tirer. Sinon… je t’envier
754
as le sens de la musique, conserve quelque espoir
de
t’en tirer. Sinon… je t’envierais presque. Celui qui part pour la Hon
755
us. xv La plaine et la musique L’ouverture
de
Stravinsky exécutée par l’express de Transylvanie au sortir de la gar
756
L’ouverture de Stravinsky exécutée par l’express
de
Transylvanie au sortir de la gare de Budapest, devient avec la plaine
757
ar l’express de Transylvanie au sortir de la gare
de
Budapest, devient avec la plaine une Symphonie-Dichtung borodinesque,
758
e hongroise n’est pas monotone, parce qu’elle est
d’
un seul tenant. Rien qui fasse répétition. C’est ici le premier pays q
759
. C’est ici le premier pays que je n’ai pas envie
d’
élaguer ; dont je ne me compose pas de morceaux choisis11. Il y a une
760
i pas envie d’élaguer ; dont je ne me compose pas
de
morceaux choisis11. Il y a une grande ville, un grand lac, une plaine
761
ille, un grand lac, une plaine et une seule vigne
de
véritable Tokay. Et point de ces endroits déprimants, à plusieurs mil
762
e et une seule vigne de véritable Tokay. Et point
de
ces endroits déprimants, à plusieurs milliers d’exemplaires, tels que
763
de ces endroits déprimants, à plusieurs milliers
d’
exemplaires, tels que : banlieue française, village suisse, gare allem
764
çaise, village suisse, gare allemande grouillante
de
questions sociales. La Puszta est une terre vierge, je veux dire que
765
andue. Il y a peu de bourgeois en Hongrie. Il y a
de
petits nobles déclassés, des juifs, des paysans, des communistes, de
766
classés, des juifs, des paysans, des communistes,
de
grands nobles, et des Tziganes. D’ailleurs, le bourgeois supporterait
767
mpleur qu’ont ici toutes choses, cette atmosphère
de
nomadisme, et ces vents vastes ; et cette passion de vivre « au-dessu
768
nomadisme, et ces vents vastes ; et cette passion
de
vivre « au-dessus de ses moyens » — c’est-à-dire au-dessus du Moyen —
769
ts vastes ; et cette passion de vivre « au-dessus
de
ses moyens » — c’est-à-dire au-dessus du Moyen — qui est caractéristi
770
rgement ? » demande certaine hargne à cet artiste
de
la prodigalité. — « Ah ! répond-il, j’aimerais bien pouvoir vivre com
771
yptien, « car c’est la langue qu’elles apprennent
de
leurs mères ». Combien j’aime ces sœurs des Tziganes ! Les Tziganes v
772
t le bridge et la bohème, c’est-à-dire un symbole
de
la servitude et un symbole de la liberté. Si la Hongrie tout de même
773
t-à-dire un symbole de la servitude et un symbole
de
la liberté. Si la Hongrie tout de même a quelque chose de « moderne »
774
berté. Si la Hongrie tout de même a quelque chose
de
« moderne », dans un sens vaste et mystique, elle le doit au charme é
775
ns une ère égyptienne. Mais que dire des pouvoirs
de
la plaine qui s’agrandit pendant des heures ? — Ce qu’en raconte la m
776
usique — tu vas l’entendre à toutes les terrasses
de
Debrecen. Debrecen est une sorte de grande ville indescriptible, à de
777
les terrasses de Debrecen. Debrecen est une sorte
de
grande ville indescriptible, à demi mêlée aux sables de la plaine du
778
nde ville indescriptible, à demi mêlée aux sables
de
la plaine du Hortobágy, aux longues maisons jaunes immensément aligné
779
ngues maisons jaunes immensément alignées, autour
d’
une place rectangulaire qui ressemble à un jardin public, flanquée d’u
780
ulaire qui ressemble à un jardin public, flanquée
d’
un temple blanc à deux clochers baroques, d’hôtels modernes, de statue
781
nquée d’un temple blanc à deux clochers baroques,
d’
hôtels modernes, de statues, de pylônes plantés dans un grand désordre
782
lanc à deux clochers baroques, d’hôtels modernes,
de
statues, de pylônes plantés dans un grand désordre de piétons et de c
783
clochers baroques, d’hôtels modernes, de statues,
de
pylônes plantés dans un grand désordre de piétons et de chars à bœufs
784
tatues, de pylônes plantés dans un grand désordre
de
piétons et de chars à bœufs parmi les trams. Les habitants de Debrece
785
ônes plantés dans un grand désordre de piétons et
de
chars à bœufs parmi les trams. Les habitants de Debrecen se plaignent
786
t de chars à bœufs parmi les trams. Les habitants
de
Debrecen se plaignent de n’avoir pas ce faux confort que nous n’avons
787
les trams. Les habitants de Debrecen se plaignent
de
n’avoir pas ce faux confort que nous n’avons qu’au prix de tout ce qu
788
les Hongrois comme on aime l’enfance : or le rêve
de
l’enfant, c’est de devenir une grande personne. On me l’a dit, c’est
789
on aime l’enfance : or le rêve de l’enfant, c’est
de
devenir une grande personne. On me l’a dit, c’est vrai : cette ville
790
ique est aussi l’autre « Rome protestante ». Mais
d’
avoir vu ses profondes bibliothèques et son quartier universitaire tou
791
euni dans des jardins luisants ne m’empêchera pas
de
m’y sentir au bout d’un monde, au bord extrême de l’Europe. Je ne sai
792
de m’y sentir au bout d’un monde, au bord extrême
de
l’Europe. Je ne sais quel hasard a voulu que j’y entende, un soir, un
793
rd a voulu que j’y entende, un soir, une audition
de
musiques hongroises, turques et chinoises, commentées et comparées pa
794
Plaine, et que par sa musique j’étais aux marches
de
l’Asie. En sortant du concert, j’ai erré aux terrasses des hôtels, da
795
ent en jouant ? Qu’est-ce qu’ils écoutent au-delà
de
leur musique — car aussitôt donnée la phrase, voici qu’une autre vien
796
nt sonore qui l’étire et l’égare, et l’enroule et
d’
un coup la subtilise, ne laissant plus qu’un long silence soutenu, com
797
rne avec une vertigineuse docilité dans les voies
d’
un amour ineffable et se perd avec lui vers le désert et ses mirages.
798
vec lui vers le désert et ses mirages. On ne sait
d’
où tu viens, tu ne sais où tu vas, peuple de perdition, Peuple inconnu
799
sait d’où tu viens, tu ne sais où tu vas, peuple
de
perdition, Peuple inconnu, — mais c’est toi, c’est toi qui l’as caché
800
eur aux femmes, cet Objet dont parfois, au comble
de
la turbulence de tes jeux, un violon décrit vite quelque chose, d’une
801
et Objet dont parfois, au comble de la turbulence
de
tes jeux, un violon décrit vite quelque chose, d’une ligne nette, ins
802
de tes jeux, un violon décrit vite quelque chose,
d’
une ligne nette, insaisissable, déjà perdue (comme le rêve pendant que
803
(comme le rêve pendant que bat la paupière lourde
de
celui qui succombe à l’excès du sommeil) — et me voici plus seul, ave
804
ici plus seul, avec une nostalgie qui ne veut pas
de
la romance à mon oreille d’un violoneux qui me croit triste. Ils l
805
algie qui ne veut pas de la romance à mon oreille
d’
un violoneux qui me croit triste. Ils l’ont amené du fond d’une Ind
806
x qui me croit triste. Ils l’ont amené du fond
d’
une Inde. Ils l’ont égaré, comme ils égarent tout d’un monde où si peu
807
une Inde. Ils l’ont égaré, comme ils égarent tout
d’
un monde où si peu vaut qu’on le conserve, au long d’un chemin effacé
808
n monde où si peu vaut qu’on le conserve, au long
d’
un chemin effacé par le vent sur la plaine… Ils l’ont perdu comme un r
809
sans vider ton verre — il n’y a pure ivresse que
de
l’abandon —, car voici qu’à son tour il s’égare au bras d’une erreur
810
don —, car voici qu’à son tour il s’égare au bras
d’
une erreur inconnue, ton fantôme éternel, ton « Désir désiré ». xv
811
rudentes avec aux jambes l’imperceptible angoisse
de
rencontrer une onde trop légère. Mais pour connaître un lac, il faut
812
eau, en faire le tour, mais voilà qui est affaire
de
pur caprice, tandis que s’y baigner est une règle de savoir-vivre ave
813
pur caprice, tandis que s’y baigner est une règle
de
savoir-vivre avec la Nature. Lac doré, horizon de collines pointues,
814
de savoir-vivre avec la Nature. Lac doré, horizon
de
collines pointues, rives basses, verdoyantes, toutes fraîches de musi
815
ntues, rives basses, verdoyantes, toutes fraîches
de
musiquettes et de baigneuses ; quais de Balaton-Füred aux élégances b
816
s, verdoyantes, toutes fraîches de musiquettes et
de
baigneuses ; quais de Balaton-Füred aux élégances bourgeoises et mili
817
fraîches de musiquettes et de baigneuses ; quais
de
Balaton-Füred aux élégances bourgeoises et militaires, idylles de jar
818
aux élégances bourgeoises et militaires, idylles
de
jardins publics à l’écart d’un concert du samedi soir, petits profess
819
militaires, idylles de jardins publics à l’écart
d’
un concert du samedi soir, petits professeurs entourés de leur famille
820
ncert du samedi soir, petits professeurs entourés
de
leur famille, et toutes ces Magda, toutes ces Maritza rieuses et déjà
821
r quelques jours ? On ferait connaissance à table
d’
hôte, on irait ensemble à Tihany — elle a l’air d’être en Italie sur s
822
d’hôte, on irait ensemble à Tihany — elle a l’air
d’
être en Italie sur sa presqu’île — par cet instable bateau-mouche qui
823
plutôt emmener ce désir, comme un tendre souvenir
de
voyage, et partir en croyant qu’ici la vie a parfois moins de hargne,
824
t partir en croyant qu’ici la vie a parfois moins
de
hargne, et les petites gens plus de bonté… Déjà je suis repris par le
825
parfois moins de hargne, et les petites gens plus
de
bonté… Déjà je suis repris par le malaise que m’infligent les lieux f
826
! C’est devant une glace panachée qu’il m’arrive
de
douter de la vie, comme d’autres aux approches du mal de mer. À la nu
827
evant une glace panachée qu’il m’arrive de douter
de
la vie, comme d’autres aux approches du mal de mer. À la nuit, j’ai r
828
er de la vie, comme d’autres aux approches du mal
de
mer. À la nuit, j’ai rôdé dans la campagne aux collines basses, d’app
829
, j’ai rôdé dans la campagne aux collines basses,
d’
apparence rocheuse — ce sont des restes de volcans — blanches sous la
830
basses, d’apparence rocheuse — ce sont des restes
de
volcans — blanches sous la Lune et toutes lustrées de rêches végétati
831
olcans — blanches sous la Lune et toutes lustrées
de
rêches végétations. J’ai traversé l’angoisse lunaire des villages vid
832
vides aux portes aveugles (j’avais peur du bruit
de
mes pas). Au hasard, j’ai suivi des sentiers dans les champs de maïs,
833
u hasard, j’ai suivi des sentiers dans les champs
de
maïs, épiant la venue d’une joie inconnue. Joie d’être n’importe où…
834
sentiers dans les champs de maïs, épiant la venue
d’
une joie inconnue. Joie d’être n’importe où… évadé ? Mais soudain,
835
e maïs, épiant la venue d’une joie inconnue. Joie
d’
être n’importe où… évadé ? Mais soudain, c’est au silence que je me
836
que je me heurte, comme réveillé dans l’absurdité
d’
être n’importe où. Une panique balaye la nuit déserte jusqu’à l’horizo
837
maintenant, maintenant, où tu n’es pas — et tant
d’
amour perdu… Un train dormait devant la gare campagnarde. Je me suis é
838
un compartiment obscur, stores baissés, à l’abri
de
la lune. Le contrôleur a dû jouer un rôle dans mes cauchemars. L’aube
839
s cauchemars. L’aube m’éveille dans les faubourgs
de
Budapest, cheveux en désordre, pantalon plissé, et cet abruti de cont
840
eveux en désordre, pantalon plissé, et cet abruti
de
contrôleur qui rit et me dit je ne sais quoi, — alors que justement j
841
rs que justement j’allais rattraper, comme un pan
de
la nuit fuyante, un songe où j’ai dû voir l’Objet pour la première fo
842
ais la lampe et la veilleuse me rendait compagnon
d’
une momie bleuâtre, mais peut-on se reposer vraiment à 100 km à l’heur
843
Lune faire des bonds courts sur la plaine inondée
de
nuit. J’essayais de penser par-dessous le rythme obstiné de cette hur
844
courts sur la plaine inondée de nuit. J’essayais
de
penser par-dessous le rythme obstiné de cette hurlante bousculade sur
845
’essayais de penser par-dessous le rythme obstiné
de
cette hurlante bousculade sur place qu’est un voyage en express. Mais
846
yage en express. Mais je ne trouvais pas la pente
de
mon esprit, et tout en le parcourant avec une soif qui annonçait le d
847
oif qui annonçait le désert, je traçais des plans
d’
œuvres sablonneuses. Je composais un traité des voyages : les titres e
848
ais un traité des voyages : les titres en étaient
de
Sénèque ou de Swift, et je voyais très bien ce qu’en eussent tiré Ste
849
des voyages : les titres en étaient de Sénèque ou
de
Swift, et je voyais très bien ce qu’en eussent tiré Sterne ou Goethe,
850
e à Gérard de Nerval, je sentais qu’il s’agissait
d’
autre chose. — Il s’agit toujours d’autre chose que de ce qu’on dit.
851
il s’agissait d’autre chose. — Il s’agit toujours
d’
autre chose que de ce qu’on dit. (L’imprudence que de penser dans l’i
852
tre chose. — Il s’agit toujours d’autre chose que
de
ce qu’on dit. (L’imprudence que de penser dans l’insomnie ! Cela tou
853
tre chose que de ce qu’on dit. (L’imprudence que
de
penser dans l’insomnie ! Cela tourne tout de suite à la débauche. Not
854
tourne tout de suite à la débauche. Notre liberté
de
penser est absurde au regard des contraintes que subissent nos gestes
855
élevait la Morale du domaine des actions à celui
de
la pensée, de l’Apparence à l’Essence. D’un coup, tous les refoulés q
856
rale du domaine des actions à celui de la pensée,
de
l’Apparence à l’Essence. D’un coup, tous les refoulés qui explosent,
857
à celui de la pensée, de l’Apparence à l’Essence.
D’
un coup, tous les refoulés qui explosent, le chômage dans la gendarmer
858
eures désorientées ; le sentiment du « non-sens »
de
la vie n’est-il pas comparable à ce que les mystiques appellent leur
859
Entre « déjà plus » et « pas encore »… Bon point
de
vue pour déconsidérer nos raisons de vivre. La maladie aussi. Rien ne
860
»… Bon point de vue pour déconsidérer nos raisons
de
vivre. La maladie aussi. Rien ne ressemble au voyage comme la maladie
861
part, le même dépaysement au retour. « Il revient
de
loin » signifie : qu’il vient d’être très malade. Si dans ta chambre,
862
ur. « Il revient de loin » signifie : qu’il vient
d’
être très malade. Si dans ta chambre, en plein jour, tu t’endors, et q
863
voyage est un état d’âme et non pas une question
de
transport. Un vrai voyage, on ne sait jamais où cela mène, c’est une
864
amais où cela mène, c’est une aventure qui relève
de
la métaphysique plus que de la psychologie. — Une vaste licence poéti
865
e aventure qui relève de la métaphysique plus que
de
la psychologie. — Une vaste licence poétique… (Voici bien la fatigue
866
ien la fatigue avec son jeu des définitions)… pas
de
but. — C’est vous qui le dites ! — Vous, naturellement… (Encore un qu
867
voyage on la regarde mieux. — La vie… (une sorte
de
cauchemar de la pensée, qui ne peut plus s’arrêter de penser). Se peu
868
regarde mieux. — La vie… (une sorte de cauchemar
de
la pensée, qui ne peut plus s’arrêter de penser). Se peut-il qu’on ch
869
auchemar de la pensée, qui ne peut plus s’arrêter
de
penser). Se peut-il qu’on cherche le sens de la vie ! Je sais seuleme
870
êter de penser). Se peut-il qu’on cherche le sens
de
la vie ! Je sais seulement que ma vie a un but. M’approcher de mon êt
871
e sais seulement que ma vie a un but. M’approcher
de
mon être véritable. Seul au milieu des miens, j’oubliais ma race, j’a
872
des miens, j’oubliais ma race, j’avais l’illusion
de
n’être rien que… moi-même. Identique à mon centre. Ici, comparé à tan
873
Mais en même temps, j’ai découvert mes puissances
d’
évasion intérieure. Et souvent je pressens qu’il existe une clef : dél
874
uvent je pressens qu’il existe une clef : délivré
de
moi-même j’entrerais en plein Moi… Une clef ? Plutôt « cela » qui me
875
oi… Une clef ? Plutôt « cela » qui me permettrait
de
combler l’écart entre moi et Moi qui est la seule réalité absolument
876
s dans mes pensées ? La veilleuse fleurit soudain
d’
un éclat bleu douloureux, le train ralentit. Hegyeshalom, petite gare
877
Cependant, « rien à déclarer » après des semaines
de
voyage ? Cela va paraître improbable. On a dû voir sur moi que je le
878
cherche, c’est pourquoi l’œil est implacable… Pas
de
clefs dans mes onze poches. Seulement ce papier timbré d’un ministère
879
dans mes onze poches. Seulement ce papier timbré
d’
un ministère… mais déjà l’œil s’éteint, le corps se plie, fait demi-to
880
tristesse. Mais qu’a-t-on jamais pu « déclarer »
d’
important ? Je ne sais pas parler en vers et la prose n’indique que le
881
us évidentes. C’est bien pourquoi l’Objet n’a pas
de
nom. Parfois je me suis demandé s’il n’était pas une sorte de pierre
882
ois je me suis demandé s’il n’était pas une sorte
de
pierre philosophale. Peut-être ces deux mots suffiraient-ils à l’indi
883
e m’en parle ? Tout en donnant le change à celles
de
mes pensées qui exigent des apparences positives. Ainsi donc, j’ai ch
884
aiment elle n’existe plus, l’Hermétique Société13
de
ceux qui ne désespèrent pas encore du Grand Œuvre ? Cela seul est cer
885
seulement qu’aux yeux de ceux qui surent désirer
de
la voir, apparaît la « Loge invisible ». J’attends, j’appelle quelqu’
886
out ce qu’elle m’a donné ? Cette notion plus vive
d’
un univers où la présence de l’Objet deviendrait plus probable ? Ou bi
887
ette notion plus vive d’un univers où la présence
de
l’Objet deviendrait plus probable ? Ou bien n’ai-je su voir autre cho
888
u bien n’ai-je su voir autre chose que la Hongrie
de
mes rêves, ma Hongrie intérieure ? Il est vrai que l’on connaît depui
889
sout dans une synthèse, comme toujours : au point
de
perfection, aimer et connaître sont un seul et même acte. Peut-être l
890
ont un seul et même acte. Peut-être l’ai-je aimée
d’
un amour égoïste, comme un être dont on a besoin et de qui l’on chérit
891
amour égoïste, comme un être dont on a besoin et
de
qui l’on chérit surtout ce dont on manque : touchantes annexions, pie
892
s’il fallait attendre pour aimer ! Je me souviens
de
ces terrains de sable noir, piqués de petits arbres et d’un désordre
893
endre pour aimer ! Je me souviens de ces terrains
de
sable noir, piqués de petits arbres et d’un désordre de maisons basse
894
me souviens de ces terrains de sable noir, piqués
de
petits arbres et d’un désordre de maisons basses, les dernières de la
895
errains de sable noir, piqués de petits arbres et
d’
un désordre de maisons basses, les dernières de la ville de Debrecen,
896
le noir, piqués de petits arbres et d’un désordre
de
maisons basses, les dernières de la ville de Debrecen, au bord de la
897
et d’un désordre de maisons basses, les dernières
de
la ville de Debrecen, au bord de la Grande Plaine encore rougeâtre de
898
rdre de maisons basses, les dernières de la ville
de
Debrecen, au bord de la Grande Plaine encore rougeâtre de soleil couc
899
cen, au bord de la Grande Plaine encore rougeâtre
de
soleil couchant. J’y suis venu par hasard, en flânant ; je me suis sa
900
autres semblables, en voyage, je me dis que c’est
de
là que j’ai tiré le sentiment d’absurdité foncière qu’il m’arrive d’é
901
me dis que c’est de là que j’ai tiré le sentiment
d’
absurdité foncière qu’il m’arrive d’éprouver en face d’une action pure
902
le sentiment d’absurdité foncière qu’il m’arrive
d’
éprouver en face d’une action purement raisonnable. Ah ! quelle raison
903
ison ici t’attirait donc, sinon l’espoir bien fou
d’
y retrouver l’émotion d’un miracle imminent. Ou moins encore : l’image
904
, sinon l’espoir bien fou d’y retrouver l’émotion
d’
un miracle imminent. Ou moins encore : l’image, née en rêve, d’une pla
905
imminent. Ou moins encore : l’image, née en rêve,
d’
une plaine, d’un couchant plus grandiose au ciel et sur la terre plus
906
oins encore : l’image, née en rêve, d’une plaine,
d’
un couchant plus grandiose au ciel et sur la terre plus secret que dan
907
ton pays. Tu attendais une révélation, non point
de
cet endroit, ni même par lui, — mais à cet endroit, en ce temps. Qui
908
s cette vie et dans d’autres vies, pour approcher
de
tous côtés un But dont tu ne sais rien d’autre que sa fuite : n’est-i
909
procher de tous côtés un But dont tu ne sais rien
d’
autre que sa fuite : n’est-il pas cet objet qui n’ait rien de commun a
910
sa fuite : n’est-il pas cet objet qui n’ait rien
de
commun avec ce que tu sais de toi-même en cette vie ? Mais le voir, c
911
bjet qui n’ait rien de commun avec ce que tu sais
de
toi-même en cette vie ? Mais le voir, ce serait mourir dans la totali
912
nière différence, — car on ne voit que ce qui est
de
soi-même, et conscient. Et c’est à cause d’un pari peut-être fou, et
913
i est de soi-même, et conscient. Et c’est à cause
d’
un pari peut-être fou, et qui porte sur des sentiments indéfinis, à ca
914
resses, tu serres des mains, — tu perds les clefs
de
tes valises… (Cela encore : m’arrêter à Vienne à cause des serrures.
915
eut-être y passer une nuit — rôder à la recherche
de
Gérard par les rues noires aux palais vides mais hantés, et dans les
916
plutôt mal. 8. Il faut ajouter aux autres causes
de
l’incompréhension des journalistes la ruse hongroise qu’ils ne peuven
917
arrivistes. 9. Parce que j’« exalte les valeurs
de
passion » — pour parler comme le seul clerc qui n’ait pas trahi — qui
918
it pas trahi — qui me paraissent être la grandeur
de
la Hongrie, on m’expliquera que je suis pour la guerre, puisque enfin
919
aix par la mutilation des passions sont disciples
d’
Origène. Il doit y avoir d’autres solutions… 10. Toute l’échelle des
920
ons… 10. Toute l’échelle des ivresses : ivresses
de
la faim, de l’alcool, de la foule, de la solitude, de l’extase. 11.
921
ute l’échelle des ivresses : ivresses de la faim,
de
l’alcool, de la foule, de la solitude, de l’extase. 11. Expression o
922
des ivresses : ivresses de la faim, de l’alcool,
de
la foule, de la solitude, de l’extase. 11. Expression où va se réfug
923
: ivresses de la faim, de l’alcool, de la foule,
de
la solitude, de l’extase. 11. Expression où va se réfugier le dernie
924
a faim, de l’alcool, de la foule, de la solitude,
de
l’extase. 11. Expression où va se réfugier le dernier vestige de la
925
. Expression où va se réfugier le dernier vestige
de
la sensualité des érudits. 12. La fameuse marche de Rakoczy est l’œu
926
la sensualité des érudits. 12. La fameuse marche
de
Rakoczy est l’œuvre d’une Tzigane. 13. L’or n’était qu’un prétexte.
927
ts. 12. La fameuse marche de Rakoczy est l’œuvre
d’
une Tzigane. 13. L’or n’était qu’un prétexte. Encore une blague de pa
928
3. L’or n’était qu’un prétexte. Encore une blague
de
passeport.
929
La tour
de
Hölderlin « Je lui ai raconté qu’il habite une chaumière au bord d’
930
nt des heures récite des odes grecques au murmure
de
l’eau ; la princesse de Homburg lui a fait cadeau d’un piano dont il
931
l’eau ; la princesse de Homburg lui a fait cadeau
d’
un piano dont il a coupé les cordes, mais pas toutes, en sorte que plu
932
ont il a cassé les cordes, c’est vraiment l’image
de
son âme ; j’ai voulu attirer là-dessus l’attention du médecin, mais i
933
’attention du médecin, mais il est plus difficile
de
se faire comprendre par un sot que par un fou. » L’hiver dernier, m’o
934
u. » L’hiver dernier, m’occupant assez longuement
d’
un des poètes auxquels notre temps doit vouer l’attention la plus grav
935
ion la plus grave — car il vécut dans ces marches
de
l’esprit humain qui confinent peut-être à l’Esprit et dont certains d
936
u tenter le climat, — j’avais rêvé sur ce passage
de
l’émouvante Bettina, rêvé sans doute assez profondément pour qu’aujou
937
nt un hasard… Hier, c’était la Pentecôte. La fête
de
la plus haute poésie. Mais dans ce siècle, où tant de voix l’appellen
938
où tant de voix l’appellent, combien sont dignes
de
s’attendre au don du langage sacré ? Cette langue de feu qui s’est po
939
s’attendre au don du langage sacré ? Cette langue
de
feu qui s’est posée sur Hölderlin et qui l’a consumé… Digne ? — Un ad
940
ui l’a consumé… Digne ? — Un adolescent au visage
de
jeune fille qui rimait sagement des odes à la liberté… Et voici dans
941
e premier, quand Hölderlin doit quitter la maison
de
Mme Gontard15, déchirement à peine sensible dans son œuvre. Car ce po
942
n œuvre. Car ce poète n’est peut-être que le lieu
de
sa poésie, — d’une poésie, l’on dirait, qui ne connaît pas son auteur
943
poète n’est peut-être que le lieu de sa poésie, —
d’
une poésie, l’on dirait, qui ne connaît pas son auteur. Qui parle par
944
ité presque effrayante. Vient le temps où le sens
de
son monologue entre terre et ciel lui échappe. Il jette encore quelqu
945
au moment où meurt Diotima, Hölderlin errant loin
d’
elle (dans la région de Bordeaux croit-on) est frappé d’insolation ; s
946
ima, Hölderlin errant loin d’elle (dans la région
de
Bordeaux croit-on) est frappé d’insolation ; sa folie d’un coup l’env
947
(dans la région de Bordeaux croit-on) est frappé
d’
insolation ; sa folie d’un coup l’envahit. C’est une sorte de vieillar
948
eaux croit-on) est frappé d’insolation ; sa folie
d’
un coup l’envahit. C’est une sorte de vieillard qui reparaît en Allema
949
n ; sa folie d’un coup l’envahit. C’est une sorte
de
vieillard qui reparaît en Allemagne. Et durant trente années, ce pauv
950
pauvre corps abandonné vivra dans la petite tour
de
Tubingue, chez un charpentier — vivra très doucement, inexplicablemen
951
rès doucement, inexplicablement, une vie monotone
de
vieux maniaque. Le buisson ardent quitté par le feu se dessèche. Ce q
952
ne aux visiteurs venus pour contempler la victime
d’
un miracle. — C’était l’époque des amateurs de ruines. Je suis descend
953
ime d’un miracle. — C’était l’époque des amateurs
de
ruines. Je suis descendu au bord de l’eau, un peu au-dessous de la ma
954
peu au-dessous de la maison, en attendant l’heure
d’
ouverture. Il y a là une station de canots de louage où j’ai vite déco
955
endant l’heure d’ouverture. Il y a là une station
de
canots de louage où j’ai vite découvert un « Friedrich Hölderlin » à
956
eure d’ouverture. Il y a là une station de canots
de
louage où j’ai vite découvert un « Friedrich Hölderlin » à côté d’un
957
vite découvert un « Friedrich Hölderlin » à côté
d’
un « Hypérion ». En cherchant, je trouverais bien aussi un « Nietzsche
958
vers l’eau lente. Sur l’autre rive qui est celle
d’
une longue île, des étudiants au crâne rasé se promènent un roman jaun
959
à la main. L’un après l’autre, dans cette paresse
de
jour férié, les clochers de la ville sonnent deux heures. Allons. Un
960
e, dans cette paresse de jour férié, les clochers
de
la ville sonnent deux heures. Allons. Un de ces corridors de vieille
961
chers de la ville sonnent deux heures. Allons. Un
de
ces corridors de vieille maison souabe, hauts et sombres, qui paraîtr
962
sonnent deux heures. Allons. Un de ces corridors
de
vieille maison souabe, hauts et sombres, qui paraîtraient immenses s’
963
traient immenses s’ils n’étaient à demi encombrés
d’
armoires. Un couloir, la chambre. L’homme qui me conduit est le propri
964
? — (et comme je considère un ravissant médaillon
de
marbre) — Ça, c’est Diotima. » On rougirait à moins. — « Je ne puis p
965
» On rougirait à moins. — « Je ne puis pas parler
de
lui, ici à Francfort, écrivait Bettina, car aussitôt l’on se met à ra
966
menade, et le guide désigne familièrement l’image
d’
une femme par le nom qu’elle portait au mystère de l’amour. Trois peti
967
d’une femme par le nom qu’elle portait au mystère
de
l’amour. Trois petites fenêtres ornées de cactus miséreux, une pipe q
968
mystère de l’amour. Trois petites fenêtres ornées
de
cactus miséreux, une pipe qui traîne sur l’appui ; le jardinet avec s
969
Trente-sept ans dans cette chambre, avec le bruit
de
l’eau et cette complainte de malade épuisé après un grand accès de fi
970
ambre, avec le bruit de l’eau et cette complainte
de
malade épuisé après un grand accès de fièvre… L’agrément de ce mo
971
complainte de malade épuisé après un grand accès
de
fièvre… L’agrément de ce monde, je l’ai vécu. Les joies de la jeu
972
sé après un grand accès de fièvre… L’agrément
de
ce monde, je l’ai vécu. Les joies de la jeunesse, voilà si longtemps,
973
L’agrément de ce monde, je l’ai vécu. Les joies
de
la jeunesse, voilà si longtemps, si longtemps qu’elles ont fui. Avril
974
en, je n’aime plus vivre. Il y avait encore plus
de
paix que maintenant. La grande allée sur l’île n’existait pas, en fac
975
s. Il voyait des prairies et des collines basses,
de
l’autre côté de l’eau jaune et verte… Quel est donc ce sommeil « dans
976
prairies et des collines basses, de l’autre côté
de
l’eau jaune et verte… Quel est donc ce sommeil « dans la nuit de la v
977
et verte… Quel est donc ce sommeil « dans la nuit
de
la vie » — et cet aveu mystérieux : « La perfection n’a pas de plaint
978
et cet aveu mystérieux : « La perfection n’a pas
de
plainte… » Vivait-il encore ? Ce lieu soudain m’angoisse. Mais le gar
979
. Il ne vient pas tant de visiteurs, et seulement
de
2 à 4. Une rue étouffée entre des maisons pointues et les contreforts
980
fée entre des maisons pointues et les contreforts
de
l’Église du Chapitre : je vois s’y engager chaque jour le fou au prof
981
je vois s’y engager chaque jour le fou au profil
de
vieille femme qui promène doucement dans cette calme Tubingue le secr
982
ène doucement dans cette calme Tubingue le secret
d’
une épouvantable mélancolie. Les étudiants le rencontrent, qui montent
983
ui montent au Séminaire protestant : il leur fait
de
profondes révérences… La rumeur et le cliquetis d’une grande terras
984
profondes révérences… La rumeur et le cliquetis
d’
une grande terrasse de café au bord du Neckar, sous les marronniers. À
985
La rumeur et le cliquetis d’une grande terrasse
de
café au bord du Neckar, sous les marronniers. À quatre heures, l’orch
986
ringues charmantes, jazz et clarinette, chansons
de
mai. Les bateaux qui dérivent dans le voisinage se rapprochent, tourn
987
ime pas les jeunes Doktors à lunettes, en costume
de
bain, qui pagayent vigoureusement, les dents serrées. « Weg zur Kraft
988
pas bien ramer et qui lisent des magazines au fil
de
l’onde, au comble des vacances. À la table voisine, des adolescents b
989
lafrés font des signes énergiques à une compagnie
de
cavaliers qui passe sur le pont devant la statue d’Eberhard-en-Barbe.
990
cavaliers qui passe sur le pont devant la statue
d’
Eberhard-en-Barbe. Des bourgeois se rient contre par-dessus leurs chop
991
tout cela existe dans le même monde ? (Il est bon
de
poser parfois de ces grandes questions naïves.) Lui aussi a vécu dans
992
dans le même monde ? (Il est bon de poser parfois
de
ces grandes questions naïves.) Lui aussi a vécu dans cette ville, tou
993
t seuls… Et puis, il lui est arrivé quelque chose
de
terrible, où il a perdu son âme. Et puis il n’est revenu qu’un vieux
994
out le monde s’accorde à trouver malsain ce genre
de
tentatives : cela ne peut que mal finir. Ceux du bon sens hochent la
995
a tête et citent la phrase la plus malencontreuse
de
Pascal : le « Qui veut faire l’ange… » a autorisé des générations de
996
i veut faire l’ange… » a autorisé des générations
de
bourgeois cultivés à faire la bête dès qu’il s’agit de l’âme. Dans la
997
urgeois cultivés à faire la bête dès qu’il s’agit
de
l’âme. Dans la bouche de certains, cela prend l’air de je ne sais que
998
la bête dès qu’il s’agit de l’âme. Dans la bouche
de
certains, cela prend l’air de je ne sais quelle revanche du médiocre
999
âme. Dans la bouche de certains, cela prend l’air
de
je ne sais quelle revanche du médiocre dont ils se sentent bénéficiai
1000
mme cela on est mieux pour donner le coup de pied
de
l’âne… Écoutons plutôt Bettina — la vérité est plus humaine, est plus
1001
» Ô cette chambre, où pénètre la facilité atroce
de
la fin d’un après-midi, ces musiquettes et ces parfums de fleurs et d
1002
chambre, où pénètre la facilité atroce de la fin
d’
un après-midi, ces musiquettes et ces parfums de fleurs et d’eau… elle
1003
n d’un après-midi, ces musiquettes et ces parfums
de
fleurs et d’eau… elle est tellement d’ailleurs… Faut-il donc que l’un
1004
midi, ces musiquettes et ces parfums de fleurs et
d’
eau… elle est tellement d’ailleurs… Faut-il donc que l’un des deux soi
1005
urs… Faut-il donc que l’un des deux soit absurde,
de
ces mondes à mes yeux soudain simultanés ?… Le tragique de la facil
1006
es à mes yeux soudain simultanés ?… Le tragique
de
la facilité, c’est qu’elle n’est qu’un oubli. Et pourtant, comme elle
1007
à beau fixe. Pourquoi troubler le miroir innocent
de
ces eaux, ces âmes indulgentes à leur banalité ? Est-ce qu’ils ne sou
1008
our leur donne une petite fièvre, — cette semaine
de
leur jeunesse où ils ont cru pressentir de grandes choses généreuses
1009
emaine de leur jeunesse où ils ont cru pressentir
de
grandes choses généreuses autour d’eux… Cela s’oublie. Et l’amour, to
1010
ru pressentir de grandes choses généreuses autour
d’
eux… Cela s’oublie. Et l’amour, tout justement, nous fait comprendre,
1011
e : déjà je leur échappe — je t’échappe ô douceur
de
vivre ! Tout redevient autour de moi insuffisant, transitoire, allusi
1012
Petit journal
de
Souabe À la tombée d’une nuit froide, en avril, le voyageur descend
1013
Petit journal de Souabe À la tombée
d’
une nuit froide, en avril, le voyageur descend dans un vieux bourg de
1014
en avril, le voyageur descend dans un vieux bourg
de
Souabe, — quelques lumières au milieu d’une étroite vallée où le trai
1015
re, des forêts. Les rues sont vides jusqu’au cœur
de
la ville, où l’attend une ample demeure. Et maintenant le chien s’est
1016
le chien s’est tu ; des pas s’éloignent. Un trait
de
lumière sous la porte disparaît. Il aime sentir autour de lui vivre l
1017
i vivre la grande maisonnée, cet espace cloisonné
de
murailles respectables, plein de présences et d’absences — la chambre
1018
espace cloisonné de murailles respectables, plein
de
présences et d’absences — la chambre principale où une lampe arrose l
1019
de murailles respectables, plein de présences et
d’
absences — la chambre principale où une lampe arrose la pesante nappe
1020
ssins brodés, des verres, des coudes et des pipes
de
méditation —, des pièces vides où la Lune avance comme un chat sur le
1021
vers l’ombre il distingue les masses confortables
de
meubles volumineux, le poêle blanc à chapiteau rococo et ce lit énorm
1022
nfouit comme s’il était le sommeil même. Le bruit
de
la rivière et de l’écluse proche, — ce sera sa première habitude. 2
1023
était le sommeil même. Le bruit de la rivière et
de
l’écluse proche, — ce sera sa première habitude. 22 avril 1929 M
1024
argie en cet endroit, avant l’écluse qui la prend
de
biais sur la droite. Un nageur passe à travers les reflets jaunes, ro
1025
ts, des maisons à façades triangulaires. Couleurs
d’
un crépuscule de pluie. Plus près, des reflets d’arbres ; plus près en
1026
à façades triangulaires. Couleurs d’un crépuscule
de
pluie. Plus près, des reflets d’arbres ; plus près encore, des nuages
1027
d’un crépuscule de pluie. Plus près, des reflets
d’
arbres ; plus près encore, des nuages troués de petits poissons. À gau
1028
ts d’arbres ; plus près encore, des nuages troués
de
petits poissons. À gauche je domine un pesant pont de pierre rougeâtr
1029
etits poissons. À gauche je domine un pesant pont
de
pierre rougeâtre, trois arches dont les piles s’avancent en éperons.
1030
s le parapet, une petite chapelle bossue, nourrie
de
poussière depuis le Moyen Âge, propose humblement son anachronisme de
1031
le Moyen Âge, propose humblement son anachronisme
de
plain-pied avec les passants, les voitures. (Ils l’aiment bien, — ne
1032
etite est jolie, très brune, avec un gros collier
de
verre bleu… Elle lève les yeux tout droit vers moi, une seconde, parl
1033
ent et s’en vont, et avant de disparaître au coin
d’
une maison jaune, se retournent. Ce petit monde enclos par le pont et
1034
vraiment mal ? 24 avril 1929 Les habitants
de
la maison me paraissent peu nombreux, mais sait-on bien d’où il peut
1035
son me paraissent peu nombreux, mais sait-on bien
d’
où il peut en sortir encore — sans compter les fantômes, probables ? L
1036
ation, partage sa vie entre la vente des articles
de
sport et les joies de l’esprit. Quand le négoce installé au rez-de-ch
1037
entre la vente des articles de sport et les joies
de
l’esprit. Quand le négoce installé au rez-de-chaussée de sa demeure p
1038
prit. Quand le négoce installé au rez-de-chaussée
de
sa demeure patricienne souffre par le fait des menées impérialistes d
1039
enne souffre par le fait des menées impérialistes
de
la France, il cherche une revanche sournoise et désintéressée dans l’
1040
vanche sournoise et désintéressée dans l’activité
d’
un jugement qui domine la médiocrité du monde. Le père Reinecke est un
1041
r où il me confiera quelques fragments du « livre
de
sa vie », dont il compose chaque matin deux pages à la machine. Il y
1042
ages à la machine. Il y juge du monde en général,
de
la religion, des mœurs, de l’histoire, et de ses voisins en particuli
1043
e du monde en général, de la religion, des mœurs,
de
l’histoire, et de ses voisins en particulier. La « Gnädige » fait ave
1044
ral, de la religion, des mœurs, de l’histoire, et
de
ses voisins en particulier. La « Gnädige » fait avec bonne humeur la
1045
r la meilleure cuisine possible au Wurtemberg, et
de
ces gâteaux compliqués qu’elle orne d’un quatrain de bienvenue. Elle
1046
emberg, et de ces gâteaux compliqués qu’elle orne
d’
un quatrain de bienvenue. Elle me confie qu’il lui arrive de rêver en
1047
ces gâteaux compliqués qu’elle orne d’un quatrain
de
bienvenue. Elle me confie qu’il lui arrive de rêver en vers. Chacun s
1048
ain de bienvenue. Elle me confie qu’il lui arrive
de
rêver en vers. Chacun son petit talent dans la famille. Le gros Fritz
1049
dans la famille. Le gros Fritz est un blond géant
de
25 ans, qui rit avec bonté et se distingue dans les concours de gymna
1050
rit avec bonté et se distingue dans les concours
de
gymnastes. La domestique a cet air de victime attristée que prennent
1051
es concours de gymnastes. La domestique a cet air
de
victime attristée que prennent souvent les servantes de la bourgeoisi
1052
time attristée que prennent souvent les servantes
de
la bourgeoisie. Quant au chien, de l’espèce dite « schnauzer », il mo
1053
les servantes de la bourgeoisie. Quant au chien,
de
l’espèce dite « schnauzer », il montre un poil de couleur neutre, et
1054
de l’espèce dite « schnauzer », il montre un poil
de
couleur neutre, et quelque bienveillance lorsqu’il a compris. Est-ce
1055
a compris. Est-ce tout ? Il y a encore l’absence
de
la fille, élément considérable dans l’atmosphère et dans l’économie d
1056
ière, et les galants qui passent sans avoir l’air
de
rien sur le pont Saint-Nikolaus sont bien capons de voir à sa fenêtre
1057
rien sur le pont Saint-Nikolaus sont bien capons
de
voir à sa fenêtre la silhouette de l’Étranger. On a laissé sa photo d
1058
nt bien capons de voir à sa fenêtre la silhouette
de
l’Étranger. On a laissé sa photo dans ma chambre, « pour que vous aye
1059
s font, pas trop tôt. 28 avril 1929 Ils ont
de
la peine à comprendre pourquoi je suis venu vivre dans ce bourg, chez
1060
en rond entre les collines, secrète sous un voile
de
brume bleue, dans une grande paix. Vue de la hauteur, sous un ciel pâ
1061
n voile de brume bleue, dans une grande paix. Vue
de
la hauteur, sous un ciel pâle avec des nuages blancs qui s’en vont. U
1062
ent froid, mais quelques douceurs aux abris, près
d’
une de ces maisons isolées où je ne l’amènerai jamais, à cette heure q
1063
oid, mais quelques douceurs aux abris, près d’une
de
ces maisons isolées où je ne l’amènerai jamais, à cette heure qui ser
1064
l’amènerai jamais, à cette heure qui serait celle
de
rentrer chez nous s’asseoir auprès d’un feu… — Mais non. 7 mai 192
1065
erait celle de rentrer chez nous s’asseoir auprès
d’
un feu… — Mais non. 7 mai 1929 « J’ai mes brouillards et mon bea
1066
de moi », remarque Pascal, asservi au seul climat
de
l’âme. Pour moi, c’est ma jeunesse et ma vieillesse que je porte ains
1067
lesse que je porte ainsi tour à tour. Entre l’âge
de
mes humeurs et le chiffre de mes années, « peu de liaison ». C’est à
1068
à tour. Entre l’âge de mes humeurs et le chiffre
de
mes années, « peu de liaison ». C’est à l’intimité de mon regard avec
1069
es années, « peu de liaison ». C’est à l’intimité
de
mon regard avec les choses que je mesure ma jeunesse : dans ces campa
1070
choisissant parfois pour y sommeiller une lisière
d’
où l’on voit de lointains horizons, puis de nouveau m’enfonçant au has
1071
fois pour y sommeiller une lisière d’où l’on voit
de
lointains horizons, puis de nouveau m’enfonçant au hasard dans la for
1072
ère montait vers la cime des arbres, aux lisières
d’
une forêt de Parsifal, et les plus hauts feuillages exultaient de clar
1073
vers la cime des arbres, aux lisières d’une forêt
de
Parsifal, et les plus hauts feuillages exultaient de clarté devant le
1074
Parsifal, et les plus hauts feuillages exultaient
de
clarté devant le ciel pâli. Tout vivait autour de moi dans une sorte
1075
el pâli. Tout vivait autour de moi dans une sorte
d’
ivresse lente et majestueuse, et bientôt je me pris à composer des phr
1076
attant, que poursuis-tu dans le mystère des orées
d’
ombre ? » Et l’on me répondait : « Ici, la jeune fille Aurore a surpri
1077
sous la futaie.) J’avançais à travers une nature
de
divagation. Les lisières sont des lieux de l’esprit où circulent des
1078
nature de divagation. Les lisières sont des lieux
de
l’esprit où circulent des bêtes nées du rêve. Et l’Archer vierge y co
1079
r vierge y court en vain sur la trace des figures
de
son désir. (« Oh ! qu’il garde ses flèches, il ne tuerait qu’un songe
1080
dis qu’ici j’écris, je me sens tout baigné encore
de
cette fièvre amoureuse ; et tout est mythe de nouveau. Mythes de l’om
1081
amoureuse ; et tout est mythe de nouveau. Mythes
de
l’ombre et des frontières, sortis de la forêt occidentale : je retrou
1082
veau. Mythes de l’ombre et des frontières, sortis
de
la forêt occidentale : je retrouve en eux mon enfance entourée de pré
1083
dentale : je retrouve en eux mon enfance entourée
de
présences obscures, mon enfance, cette foi anxieuse en je ne sais que
1084
us là. — J’ai poursuivi longtemps le reflet rouge
de
ses yeux parmi les troncs qui luisaient, faiblement, vers le cœur pro
1085
e croyais m’enfoncer et me perdre dans le silence
d’
une mémoire bienheureuse. 21 mai 1929 Matinées végétales, depuis
1086
e à 7 heures, rassemble quelques papiers, un tome
de
Meister, un paquet de tabac, le tout dans une couverture sous mon bra
1087
e quelques papiers, un tome de Meister, un paquet
de
tabac, le tout dans une couverture sous mon bras. La ville s’éveille
1088
brûlantes au matin, dominant la ville, ses bruits
de
chars, ses cris d’enfants. Je traverse l’odeur des groseilliers, écar
1089
dominant la ville, ses bruits de chars, ses cris
d’
enfants. Je traverse l’odeur des groseilliers, écarte des ronces, et v
1090
liers, écarte des ronces, et voici sous une voûte
de
feuillage, la table de pierre et son banc en demi-cercle. L’air est e
1091
s, et voici sous une voûte de feuillage, la table
de
pierre et son banc en demi-cercle. L’air est encore humide dans cette
1092
cercle. L’air est encore humide dans cette grotte
d’
ombre. Sur le banc froid j’étale ma couverture, et mes papiers sur la
1093
urre une pipe. Et alors je ris, je ris du plaisir
de
la matinée vide devant moi. Merveille de penser au fil du désordre le
1094
plaisir de la matinée vide devant moi. Merveille
de
penser au fil du désordre lent de la vie d’un jardin, dans l’odeur de
1095
moi. Merveille de penser au fil du désordre lent
de
la vie d’un jardin, dans l’odeur des feuilles vivantes, de la terre n
1096
eille de penser au fil du désordre lent de la vie
d’
un jardin, dans l’odeur des feuilles vivantes, de la terre noire, des
1097
d’un jardin, dans l’odeur des feuilles vivantes,
de
la terre noire, des mousses. Des fils d’araignée luisent et des brind
1098
ivantes, de la terre noire, des mousses. Des fils
d’
araignée luisent et des brindilles tombent sur mes mains, écorces, che
1099
nt sur mes mains, écorces, chenilles. Une bouffée
de
pipe enveloppe une guêpe qui rôde autour de ma tête. La volupté de te
1100
une guêpe qui rôde autour de ma tête. La volupté
de
telles heures consiste à n’écrire que quatre ou cinq phrases mais en
1101
que quatre ou cinq phrases mais en tenant compte
de
tout ce qui bouge. Il importe de s’arrêter longuement sous tous les p
1102
en tenant compte de tout ce qui bouge. Il importe
de
s’arrêter longuement sous tous les prétextes, de secouer sa pipe quan
1103
de s’arrêter longuement sous tous les prétextes,
de
secouer sa pipe quand les dernières bouffées deviennent écœurantes, d
1104
and les dernières bouffées deviennent écœurantes,
de
s’étirer alors et de considérer les flaques de soleil sur la table. J
1105
ffées deviennent écœurantes, de s’étirer alors et
de
considérer les flaques de soleil sur la table. Je somnole dans une mé
1106
s, de s’étirer alors et de considérer les flaques
de
soleil sur la table. Je somnole dans une méditation à la fois distrai
1107
es végétales, ces cheminements brisés et délicats
d’
insectes rampants ou volants, ces formes et ces voies qui sont celles
1108
avec tout le mobile et l’ineffable du monde. Cure
de
sommeil, de rêves et de feuillages — et trois heures de tennis chaque
1109
mobile et l’ineffable du monde. Cure de sommeil,
de
rêves et de feuillages — et trois heures de tennis chaque après-midi
1110
’ineffable du monde. Cure de sommeil, de rêves et
de
feuillages — et trois heures de tennis chaque après-midi —, cure vrai
1111
meil, de rêves et de feuillages — et trois heures
de
tennis chaque après-midi —, cure vraiment : il s’agit de dissoudre ce
1112
is chaque après-midi —, cure vraiment : il s’agit
de
dissoudre ces angles droits, ces symétries minérales qu’on instruisit
1113
e répondent, se conviennent et soient signes l’un
de
l’autre. Dans le bonheur de cette matinée, la pensée s’abandonne à la
1114
et soient signes l’un de l’autre. Dans le bonheur
de
cette matinée, la pensée s’abandonne à la séduction des ramures, et v
1115
tinguer dans leur dessin des formes particulières
de
son activité. En même temps elle se peuple d’arbres, de germes lents,
1116
res de son activité. En même temps elle se peuple
d’
arbres, de germes lents, de passages ailés. Le vent qui glisse à trave
1117
activité. En même temps elle se peuple d’arbres,
de
germes lents, de passages ailés. Le vent qui glisse à travers ce jard
1118
e temps elle se peuple d’arbres, de germes lents,
de
passages ailés. Le vent qui glisse à travers ce jardin éveille en ell
1119
te. Elle fraie des pistes délicates dans l’esprit
de
qui sait l’entendre, et celui-là peut-être, si plus tard il remonte j
1120
era des choses nouvelles dans l’espace. (Au poète
de
les nommer.) 22 mai 1929 (Après avoir relu ce que j’écrivais hi
1121
u ce que j’écrivais hier.) Il s’agirait, au fond,
d’
amener la pensée à la plus insistante vénération du réel. Tel serait l
1122
tante vénération du réel. Tel serait le fondement
d’
une morale des idées « par-delà le logique et l’absurde ». Ah bien ! j
1123
dans la tête et dans la peau toute cette matinée
d’
air, l’odeur de l’ombre sous les feuilles, et cette autre odeur de hau
1124
t dans la peau toute cette matinée d’air, l’odeur
de
l’ombre sous les feuilles, et cette autre odeur de hautes tiges crois
1125
e l’ombre sous les feuilles, et cette autre odeur
de
hautes tiges croissantes et de fourmis rouges. Dès 9 heures j’ai pu t
1126
cette autre odeur de hautes tiges croissantes et
de
fourmis rouges. Dès 9 heures j’ai pu travailler en costume de bain. B
1127
ouges. Dès 9 heures j’ai pu travailler en costume
de
bain. Buffon préférait les manchettes et le jabot. C’est bien l’un de
1128
l’un des auteurs les plus constamment provocants
de
son siècle, — il faudra s’y remettre. Mais ici je m’adonne aux seuls
1129
s romans modernes.) Le pasteur suédois et le mage
d’
Einsiedeln représentent assez bien à eux deux, par un hasard qui ne m’
1130
hasard qui ne m’étonne guère, ce double mouvement
de
matérialisation du spirituel et d’intellectualisation du physique qui
1131
uble mouvement de matérialisation du spirituel et
d’
intellectualisation du physique qui justement m’apparaît comme le thèm
1132
physique qui justement m’apparaît comme le thème
de
mes songeries souabes. Mettons un peu cela au net. Paracelse s’occupa
1133
Mettons un peu cela au net. Paracelse s’occupait
d’
extraire l’ens des corps, tandis que Swedenborg se complaît à décrire
1134
anges. L’un découvre l’univers dans chaque organe
de
la machine humaine. L’autre enseigne que chacun des anges est un miro
1135
ets que nous touchons, — ce mystique avec naturel
de
ce qui nous est invisible. Tous deux orientent la réflexion vers le s
1136
vers le symbole concret. N’est-ce point ce genre
de
démarche que notre « culture » a le plus méprisé ? N’est-ce point à c
1137
nt à cause de ce mépris qu’elle a perdu le secret
de
l’humain ? Car voici bien le monde qu’on nous a fait. Tout encombré d
1138
ci bien le monde qu’on nous a fait. Tout encombré
d’
idées sans corps, de corps stupides — de nihilistes et de boxeurs, si
1139
on nous a fait. Tout encombré d’idées sans corps,
de
corps stupides — de nihilistes et de boxeurs, si vous voulez —, tout
1140
encombré d’idées sans corps, de corps stupides —
de
nihilistes et de boxeurs, si vous voulez —, tout encombré de larves e
1141
sans corps, de corps stupides — de nihilistes et
de
boxeurs, si vous voulez —, tout encombré de larves et de systèmes qui
1142
es et de boxeurs, si vous voulez —, tout encombré
de
larves et de systèmes qui ne correspondent à rien ni dans le ciel ni
1143
urs, si vous voulez —, tout encombré de larves et
de
systèmes qui ne correspondent à rien ni dans le ciel ni sur la terre.
1144
l’homme ? qu’est-ce donc que ce paradoxal mélange
de
chair et d’âme ? — Paracelse et Swedenborg s’accorderaient, je le cro
1145
’est-ce donc que ce paradoxal mélange de chair et
d’
âme ? — Paracelse et Swedenborg s’accorderaient, je le crois, pour rép
1146
êtres qui peuplent ces villes, là-bas, que le nom
d’
homme ne saurait plus les désigner sans fraude. Un bel assortiment de
1147
plus les désigner sans fraude. Un bel assortiment
de
monstres ! (J’ai lu le journal après dîner.) Et tous les accessoires
1148
le journal après dîner.) Et tous les accessoires
de
leurs démences, depuis les petites ailes dans le dos jusqu’au groin a
1149
’au groin antigaz ! Ah ! Diogène, Diogène ! cesse
de
chercher un homme. Tâche plutôt d’en devenir un. — Parmi ces gens d’i
1150
iogène ! cesse de chercher un homme. Tâche plutôt
d’
en devenir un. — Parmi ces gens d’ici, qui prennent leur temps. Parmi
1151
asser pour abstraites ont au contraire le pouvoir
de
rendre à nos sens leur efficacité et leur étonnement. Je regarde les
1152
acité et leur étonnement. Je regarde les feuilles
de
ma salade d’un autre œil, depuis que je lis Paracelse, méditant avec
1153
étonnement. Je regarde les feuilles de ma salade
d’
un autre œil, depuis que je lis Paracelse, méditant avec appétit sur c
1154
ieu des correspondances, qui est le degré suprême
de
la signification. (L’état de l’âme et du corps où tout nous apparaît
1155
est le degré suprême de la signification. (L’état
de
l’âme et du corps où tout nous apparaît en relations concrètes.) 3
1156
.) 31 mai 1929 Personne n’a fabriqué autant
de
mots abstraits que les professeurs allemands, et cependant, par une a
1157
pparente contradiction, la mentalité du bourgeois
de
ce pays est puissamment réaliste. J’en trouve des marques bien curieu
1158
ie » du père Reinecke. Il y est beaucoup question
de
la vie éternelle, et d’expériences vécues avec l’Ange gardien, mais c
1159
l y est beaucoup question de la vie éternelle, et
d’
expériences vécues avec l’Ange gardien, mais c’est toujours en relatio
1160
Mes funérailles devront se dérouler dans le cadre
de
Jésus-Sirach, 38, versets 16-24. Qu’on mange et qu’on boive ferme apr
1161
lésine pas. Il restera toujours assez, à l’époque
de
ma mort, pour supporter ces frais ; à tout le moins, les mille marks
1162
tout le moins, les mille marks que paie la Caisse
de
décès y suffiront. Il faut que chacun des participants s’en retourne
1163
rrement ! » Et de même, ceux qui auront pris soin
de
moi au moment de ma mort et tôt après devront être largement dédommag
1164
l ne sait si je ne flotterai pas encore au-dessus
de
vous, et si je n’éprouverai pas de l’amertume à voir que mes derniers
1165
core au-dessus de vous, et si je n’éprouverai pas
de
l’amertume à voir que mes derniers désirs même ne sont pas accomplis.
1166
owatts. Je veux être mis en bière dans mes habits
de
tous les jours, et peu importe si les coudes ou le fond de mon pantal
1167
es jours, et peu importe si les coudes ou le fond
de
mon pantalon brillent. En aucun cas je ne veux être emballé dans une
1168
un cas je ne veux être emballé dans une serviette
de
papier. Je renonce aux couronnes mortuaires et à toute autre marque e
1169
nes mortuaires et à toute autre marque extérieure
de
deuil ; par contre je voudrais que l’on joue sur ma tombe : Schon die
1170
uin 1929 Tennis avec la jolie fille au collier
de
perles bleues. Après la partie, où l’on s’est renvoyé autant de regar
1171
es. Après la partie, où l’on s’est renvoyé autant
de
regards que de balles : — « Je vous ai bien vu, un jour à la fenêtre
1172
rtie, où l’on s’est renvoyé autant de regards que
de
balles : — « Je vous ai bien vu, un jour à la fenêtre de mon amie, vo
1173
es : — « Je vous ai bien vu, un jour à la fenêtre
de
mon amie, vous étiez si melancholisch ! » — « À ma fenêtre ? Je ne m’
1174
ouviens pas », dis-je, mentant. Une grosse averse
d’
orage nous a fait fuir sous la tonnelle du vestiaire. « N’est-ce pas,
1175
pense : comme elles sont tout de suite en fuite,
de
tout leur maintien, quand elles ne sont pas provocantes.) Elle baisse
1176
le baisse les yeux, rougit, respire. Elle a l’air
de
se moquer de moi et d’avoir subi une sorte d’affront, en même temps.
1177
yeux, rougit, respire. Elle a l’air de se moquer
de
moi et d’avoir subi une sorte d’affront, en même temps. — « Ne regard
1178
git, respire. Elle a l’air de se moquer de moi et
d’
avoir subi une sorte d’affront, en même temps. — « Ne regardez donc pa
1179
air de se moquer de moi et d’avoir subi une sorte
d’
affront, en même temps. — « Ne regardez donc pas mes mains, je dois fa
1180
les ongles… » Elle voudrait ressembler aux girls
de
son magazine, et me voit comme au cinéma. Moi, je crois entendre Gret
1181
qui nous rapproche sous la forme, respectivement,
d’
une carte postale et d’une réminiscence littéraire. Ses deux sœurs son
1182
la forme, respectivement, d’une carte postale et
d’
une réminiscence littéraire. Ses deux sœurs sont venues la chercher, e
1183
me parapluie, jusqu’à leur petite maison couverte
de
roses Crimson. Le père est un colonel en retraite qui déteste les Fra
1184
te qui déteste les Franzosen. On ne me permet pas
d’
entrer. 11 juin 1929 Au rebours des classiques français, livrés
1185
ndément « populaire ». Non seulement l’aubergiste
d’
en face cite ses vers en guise de proverbes à propos du temps ou des a
1186
emps ou des affaires locales ; mais les bourgeois
de
Meister parlent exactement comme mes hôtes, avec les mêmes tours fami
1187
sentencieux, qu’il s’agisse des choses du ciel ou
de
l’ordonnance du ménage. Une fois de plus, je m’émerveille du réalisme
1188
ge. Une fois de plus, je m’émerveille du réalisme
de
ce peuple de rêveurs. Dans les Affinités électives, au moment le plus
1189
de plus, je m’émerveille du réalisme de ce peuple
de
rêveurs. Dans les Affinités électives, au moment le plus dramatique,
1190
és électives, au moment le plus dramatique, celui
de
la noyade pendant le feu d’artifice, souvenez-vous de la comtesse. Va
1191
lus dramatique, celui de la noyade pendant le feu
d’
artifice, souvenez-vous de la comtesse. Va-t-elle apostropher le desti
1192
a noyade pendant le feu d’artifice, souvenez-vous
de
la comtesse. Va-t-elle apostropher le destin ou pousser de beaux cris
1193
tesse. Va-t-elle apostropher le destin ou pousser
de
beaux cris raciniens ? Elle envoie le capitaine au château puis songe
1194
aine au château puis songe qu’il a oublié la clef
de
l’armoire aux confitures. (Je crois qu’il y a dans cette armoire un c
1195
ndiqué en l’occurrence.) Ainsi vivait l’Allemagne
d’
hier — celle de cette province encore — dans l’intimité vivante de ses
1196
urrence.) Ainsi vivait l’Allemagne d’hier — celle
de
cette province encore — dans l’intimité vivante de ses classiques. De
1197
e cette province encore — dans l’intimité vivante
de
ses classiques. De là peut-être cette dignité conférée à la vie bourg
1198
core — dans l’intimité vivante de ses classiques.
De
là peut-être cette dignité conférée à la vie bourgeoise, qui fait un
1199
unesse. Il m’y ramène par un tour moins imprudent
de
la réflexion, avec ce même « réalisme » exemplaire, que tout, ici, co
1200
it laisser aucun doute, fussions-nous même privés
de
certains témoignages oraux ou de quelques textes irréfutables. Cepend
1201
nous même privés de certains témoignages oraux ou
de
quelques textes irréfutables. Cependant il possède à un si haut degré
1202
. Cependant il possède à un si haut degré le sens
de
l’enrobement des vérités occultes, de leur symbolisme concret, de leu
1203
gré le sens de l’enrobement des vérités occultes,
de
leur symbolisme concret, de leur incarnation, qu’il est possible de l
1204
des vérités occultes, de leur symbolisme concret,
de
leur incarnation, qu’il est possible de lire les Affinités « sans y r
1205
concret, de leur incarnation, qu’il est possible
de
lire les Affinités « sans y rien voir », comme on dit17. Mais lorsqu’
1206
ain — quelle prise ! Et combien j’aime le paysage
de
cette œuvre, son climat, jusqu’aux détails de l’intendance des domain
1207
age de cette œuvre, son climat, jusqu’aux détails
de
l’intendance des domaines. Là, toute démarche de la pensée s’accorde
1208
de l’intendance des domaines. Là, toute démarche
de
la pensée s’accorde à des pentes variées et réelles, aux collines thu
1209
nnes sous un très grand ciel doux. Une atmosphère
de
réflexion confiante et substantielle… Qu’irai-je demander d’autre à c
1210
n confiante et substantielle… Qu’irai-je demander
d’
autre à cette « Germanie aimée18 » ? Ah ! les livres nous avaient bien
1211
s livres nous avaient bien trompés. Pas trace ici
de
« merveilleux ». Tout ce qui, sous d’autres climats, fait effervescen
1212
rais-je un jour décrire ma Souabe : comme un état
de
l’âme patiente. Une pensée sensuelle et lente, et qui jouit parfois d
1213
e pensée sensuelle et lente, et qui jouit parfois
de
son objet… 13 juin 1929 Werther. J’ai mis des feuilles de buva
1214
13 juin 1929 Werther. J’ai mis des feuilles
de
buvard entre les pages, à cause de toutes ces larmes. Maintenant, par
1215
mes. Maintenant, parlez-moi du modernisme éternel
de
cette plainte. — Des Werthers aux yeux secs, voilà ce que nous sommes
1216
épassent, et parfois un œil égrillard. Impossible
de
lire Meister ce soir. Je ne sais pas ce qu’il y a, sinon que je dois
1217
, sinon que je dois retenir violemment une espèce
de
joie qui attrape la fièvre dans mon corps. Toute cette journée baigné
1218
ièvre dans mon corps. Toute cette journée baignée
de
l’air des collines, il semble que mon sang ce soir la comprenne et lu
1219
ne maison isolée, la plus secrète dans les arbres
de
son verger… pour… ? Le sais-je même ? La fille au collier bleu… Tout
1220
Le sais-je même ? La fille au collier bleu… Tout
d’
un coup le sommeil me vide les jambes. La nuit se ferme à l’imaginatio
1221
pincer le nerf Réalité avec un sourd gémissement
de
la pensée. J’ai vu la vie, c’est fini, je rentre en moi ; n’ai pas bo
1222
ai pas bougé. Le père Reinecke ferme son magazine
d’
un coup, ôte ses lunettes, me regarde avec des yeux écarquillés. « Mai
1223
voulons aller dormir. Ainsi, dormez bien, faites
de
doux rêves, — il cligne vers son magazine — pas trop doux, hein !… »
1224
doit être ainsi : parfaitement compréhensible et
d’
une vulgarité toute naturelle. Il faut aller dormir. Rose de Tannen
1225
e de Tannenbourg L’esplanade du Brühl, un soir
de
fête, en juin. Il y a dans les marronniers noirs des lampions et des
1226
les marronniers noirs des lampions et des touffes
de
gamins qui regardent avec la bouche ce qui se passe à l’intérieur d’u
1227
dent avec la bouche ce qui se passe à l’intérieur
d’
une enceinte de toiles tendues au-devant d’un petit théâtre. La rampe
1228
uche ce qui se passe à l’intérieur d’une enceinte
de
toiles tendues au-devant d’un petit théâtre. La rampe a des feux stel
1229
érieur d’une enceinte de toiles tendues au-devant
d’
un petit théâtre. La rampe a des feux stellaires, couleur d’Aldébaran.
1230
théâtre. La rampe a des feux stellaires, couleur
d’
Aldébaran. On joue Rose de Tannenbourg, drame en 15 tableaux, un prolo
1231
arton des armures sonne sourdement sous les coups
d’
un Kühnrich à la basse rugissante, plus traître que nature avec sa lar
1232
e avec sa large face mangée par une barbe en crin
de
cheval du diable. L’héroïne est belle comme une ballade de Bürger, ta
1233
du diable. L’héroïne est belle comme une ballade
de
Bürger, tandis qu’elle arrose de ses larmes le seuil de la prison pat
1234
omme une ballade de Bürger, tandis qu’elle arrose
de
ses larmes le seuil de la prison paternelle, tout en coulant un clin
1235
ger, tandis qu’elle arrose de ses larmes le seuil
de
la prison paternelle, tout en coulant un clin d’œil assassin vers le
1236
ant un clin d’œil assassin vers le parterre agité
de
passions contradictoires. Durant les entractes, une fanfare de paysan
1237
ontradictoires. Durant les entractes, une fanfare
de
paysans bleu de roi joue sur un rythme impeccable, avec toujours les
1238
Durant les entractes, une fanfare de paysans bleu
de
roi joue sur un rythme impeccable, avec toujours les mêmes notes fêlé
1239
es fêlées et l’accompagnement dans les feuillages
de
voix fausses mais aériennes, des chansons du Grand Duché de Bade qui
1240
usses mais aériennes, des chansons du Grand Duché
de
Bade qui sont ce que je connais de plus indiciblement nostalgique. U
1241
nuit est chaude sur les collines. Un grand verre
de
bière à l’auberge déserte, ma pipe et mon chien qui bougonne. La peti
1242
ué son collier à mon poignet : « pour que je rêve
d’
elle ». Son sérieux enfantin devant la vie. « Es ist doch Schicksal, e
1243
et cela signifie d’ailleurs qu’il n’y a pas lieu
de
résister. 22 juin 1929 Rencontre avec la jeune fille tzigane. L
1244
rai-je ici comme un rêve ? ou comme quelque chose
de
bien vrai et qui s’est passé cette nuit ? Plusieurs choses sont douce
1245
ette nuit ? Plusieurs choses sont douces au désir
de
celui qui marche dans une campagne nocturne. Mais plus douce que tout
1246
toutes choses est la rencontre sous un arbre noir
d’
une femme abandonnée dans sa tristesse. Par moments il y a la Lune et
1247
se. Par moments il y a la Lune et le visage blanc
de
la femme debout contre le tronc. (Pour moi je demeure dans l’ombre.)
1248
les yeux clos. L’arbre, en sa nuit vivante, rêve
de
nous. Plus tard, nous nous sommes regardés sans fin. (Ah ! comment di
1249
Je reconnus la jeune fille tzigane, ma Rose noire
de
Tannenbourg. La lumière délirait doucement, au sein du silence et du
1250
egard. Et nous sommes demeurés des heures au-delà
de
ce que l’on ignore d’un être, dans le domaine sans frontières où l’on
1251
demeurés des heures au-delà de ce que l’on ignore
d’
un être, dans le domaine sans frontières où l’on connaît profondément.
1252
tières où l’on connaît profondément. Par les yeux
d’
une femme étrangère, mes yeux possédaient sans mesure tout ce que l’an
1253
eux possédaient sans mesure tout ce que l’anxiété
de
la vie nous dérobe : la nudité, la plénitude et la violence infinimen
1254
nce infiniment comblée. Oui, je sus que l’échange
de
deux regards est infini, est indéfiniment grandiose et musical. Ainsi
1255
che. Maintenant la journée commence, avec les pas
de
la servante au corridor.) Début de juillet 1929 Écrivez donc un
1256
vec les pas de la servante au corridor.) Début
de
juillet 1929 Écrivez donc une nouvelle allemande pleine de myosoti
1257
929 Écrivez donc une nouvelle allemande pleine
de
myosotis, de Gérard de Nerval, de victoria égarée dans la forêt, de c
1258
z donc une nouvelle allemande pleine de myosotis,
de
Gérard de Nerval, de victoria égarée dans la forêt, de chasseur à la
1259
llemande pleine de myosotis, de Gérard de Nerval,
de
victoria égarée dans la forêt, de chasseur à la redingote verte, de j
1260
rard de Nerval, de victoria égarée dans la forêt,
de
chasseur à la redingote verte, de jeunes filles qui jouent du violon
1261
dans la forêt, de chasseur à la redingote verte,
de
jeunes filles qui jouent du violon dans les champs de myrtille et d’i
1262
eunes filles qui jouent du violon dans les champs
de
myrtille et d’impératrices qui prient dans des chapelles envahies par
1263
i jouent du violon dans les champs de myrtille et
d’
impératrices qui prient dans des chapelles envahies par les sapins. C’
1264
es envahies par les sapins. C’est dans une lettre
de
l’auteur de la Rose de Thuringe. J’ai répondu : Je ne sais pas si vou
1265
par les sapins. C’est dans une lettre de l’auteur
de
la Rose de Thuringe. J’ai répondu : Je ne sais pas si vous avez connu
1266
sais pas si vous avez connu ce contentement large
de
tout l’être devant un verre de vin allemand que l’on boit à petites g
1267
contentement large de tout l’être devant un verre
de
vin allemand que l’on boit à petites gorgées, entre des bouffées de p
1268
e l’on boit à petites gorgées, entre des bouffées
de
pipe, à l’auberge. Le charme se compose de voluptés du goût et de l’o
1269
uffées de pipe, à l’auberge. Le charme se compose
de
voluptés du goût et de l’odorat, de lenteur et d’une certaine puissan
1270
erge. Le charme se compose de voluptés du goût et
de
l’odorat, de lenteur et d’une certaine puissance de l’esprit qui se c
1271
me se compose de voluptés du goût et de l’odorat,
de
lenteur et d’une certaine puissance de l’esprit qui se concentre dans
1272
de voluptés du goût et de l’odorat, de lenteur et
d’
une certaine puissance de l’esprit qui se concentre dans un désir ou d
1273
l’odorat, de lenteur et d’une certaine puissance
de
l’esprit qui se concentre dans un désir ou dans un rêve. Le vin de So
1274
e concentre dans un désir ou dans un rêve. Le vin
de
Souabe grise insensiblement, c’est plutôt qu’une fièvre une jubilatio
1275
onhomique qui commence par le cœur et se contente
de
ralentir doucement les idées. C’est un attendrissement plein de force
1276
ucement les idées. C’est un attendrissement plein
de
force et de dignité. Alors si l’on est quelques-uns, on se met à chan
1277
idées. C’est un attendrissement plein de force et
de
dignité. Alors si l’on est quelques-uns, on se met à chanter des chos
1278
l y a de plus pur dans la nature et toutes sortes
de
sensualités et de gourmandises qui s’éveillent, en sont comme sanctif
1279
dans la nature et toutes sortes de sensualités et
de
gourmandises qui s’éveillent, en sont comme sanctifiées. Mais c’est l
1280
, en sont comme sanctifiées. Mais c’est le moment
d’
entamer le jambon et les cornichons que dépose sur la table une servan
1281
ueuse des plaisirs des hommes, et peut-être aussi
de
leurs familiarités. J’étais attablé ce soir-là dans l’Auberge du Cerf
1282
qu’apportent dans leurs démonstrations les chiens
de
tous les pays). Au bout d’un certain temps, et sans doute à cause de
1283
temps, et sans doute à cause de ce que je venais
d’
écrire, la faim me prit et je demandai une paire de saucisses croquant
1284
’écrire, la faim me prit et je demandai une paire
de
saucisses croquantes et de la moutarde douce. Le journal local m’avai
1285
je demandai une paire de saucisses croquantes et
de
la moutarde douce. Le journal local m’avait apporté cette ration de b
1286
ce. Le journal local m’avait apporté cette ration
de
bouleversements, locaux aussi à leur manière, et très éloignés, qui c
1287
t se poser devant moi. La servante à l’autre coin
de
la pièce brodait, bâillait, se sentait seule aussi. Ah ! pensai-je —
1288
j’écris ici, c’était alors une soudaine virulence
de
ma pensée, un élan contenu de certitude et de tendre lucidité, — je s
1289
soudaine virulence de ma pensée, un élan contenu
de
certitude et de tendre lucidité, — je sais pourquoi je puis rester da
1290
nce de ma pensée, un élan contenu de certitude et
de
tendre lucidité, — je sais pourquoi je puis rester dans cette Souabe
1291
15 juillet 1929 Le père Reinecke me félicite
de
ma bonne mine, résultat selon lui de l’excellente cuisine que nous se
1292
me félicite de ma bonne mine, résultat selon lui
de
l’excellente cuisine que nous sert la Gnädige. Je n’aurais plus l’air
1293
icitons l’hôtesse. Au reste il s’agit bel et bien
d’
une question de nourriture, — la question fondamentale, et non point s
1294
se. Au reste il s’agit bel et bien d’une question
de
nourriture, — la question fondamentale, et non point seulement pour l
1295
e corps. J’ai pensé aux gens des villes, au décor
de
leur « vie ». J’ai vu clairement qu’ils sont en péril d’inanition spi
1296
« vie ». J’ai vu clairement qu’ils sont en péril
d’
inanition spirituelle. Ils ne dorment plus assez pour se rendre compte
1297
. Ils ne dorment plus assez pour se rendre compte
de
la décadence de leurs rêves et des possessions en rêve — ce signal d’
1298
plus assez pour se rendre compte de la décadence
de
leurs rêves et des possessions en rêve — ce signal d’alarme —, et l’a
1299
eurs rêves et des possessions en rêve — ce signal
d’
alarme —, et l’amour qu’ils essaient encore le samedi soir n’est plus
1300
corps dans l’onde apaisée du souvenir. Sois riche
d’
avoir ce que tu es, comme ils sont pauvres de n’avoir que ce qu’ils on
1301
iche d’avoir ce que tu es, comme ils sont pauvres
de
n’avoir que ce qu’ils ont. 19 juillet 1929 Ces mois de Souabe m
1302
que ce qu’ils ont. 19 juillet 1929 Ces mois
de
Souabe m’apparaissent de plus en plus comme une retraite sensuelle. N
1303
plus comme une retraite sensuelle. N’est-ce point
de
cela que l’homme des villes a besoin de nos jours ? On parle toujours
1304
-ce point de cela que l’homme des villes a besoin
de
nos jours ? On parle toujours de son appétit du plaisir. C’est un cli
1305
villes a besoin de nos jours ? On parle toujours
de
son appétit du plaisir. C’est un cliché d’un autre âge, et trompeur.
1306
ujours de son appétit du plaisir. C’est un cliché
d’
un autre âge, et trompeur. Car l’argent n’est pas le plaisir et ne s’o
1307
humaine et sans but divin. C’est pourquoi l’usage
d’
une sensualité consciente redevient une conquête de la sagesse. Fin
1308
’une sensualité consciente redevient une conquête
de
la sagesse. Fin juillet 1929 Promenades sous la pluie, à la tom
1309
es désirs qu’auparavant il dédiait à quelque amie
de
haut parage spirituel. Le corps même y trouve sa part, car l’inventio
1310
s en conversant avec les pensées et les êtres nés
de
la marche et du bonheur de respirer. Combien j’aime ces ciels bas et
1311
nsées et les êtres nés de la marche et du bonheur
de
respirer. Combien j’aime ces ciels bas et traînants. Le beau temps n’
1312
’il figure le contraire du « mauvais ». Les jours
de
pluie dans les campagnes ont un charme consolant et secret qui favori
1313
e intérieure. Longues randonnées sur les plateaux
de
la Souabe, vous resterez pour moi comme une introduction à la vie len
1314
us grands spectacles naturels sont des spectacles
de
lenteur ou d’immobilité dans le mouvement. Et c’est par là qu’ils par
1315
tacles naturels sont des spectacles de lenteur ou
d’
immobilité dans le mouvement. Et c’est par là qu’ils parlent à notre â
1316
9 Vraiment la rapidité ne saurait être le fait
d’
un esprit incarné, mais seulement de son imagination pervertie. Les ef
1317
être le fait d’un esprit incarné, mais seulement
de
son imagination pervertie. Les effets de vitesse sont du domaine de l
1318
eulement de son imagination pervertie. Les effets
de
vitesse sont du domaine de la matière abandonnée à sa manie de tomber
1319
pervertie. Les effets de vitesse sont du domaine
de
la matière abandonnée à sa manie de tomber. Dès que l’esprit entre da
1320
nt du domaine de la matière abandonnée à sa manie
de
tomber. Dès que l’esprit entre dans le jeu, il provoque des lenteurs
1321
s le jeu, il provoque des lenteurs et des retards
d’
où naissent le désir et la conscience. De là des pertes de temps ; mai
1322
retards d’où naissent le désir et la conscience.
De
là des pertes de temps ; mais de là aussi les inventions destinées d’
1323
ssent le désir et la conscience. De là des pertes
de
temps ; mais de là aussi les inventions destinées d’abord à les combl
1324
t la conscience. De là des pertes de temps ; mais
de
là aussi les inventions destinées d’abord à les combler et qui toujou
1325
les combler et qui toujours dépassent le but. Et
de
la sorte, une ère de vitesse est une ère où la matière l’emporte. Pro
1326
oujours dépassent le but. Et de la sorte, une ère
de
vitesse est une ère où la matière l’emporte. Provisoirement ; car il
1327
’emporte. Provisoirement ; car il se produit ceci
d’
étrange que la matière à certaines très grandes vitesses commence de s
1328
atière à certaines très grandes vitesses commence
de
se spiritualiser. À la vitesse suprême, elle s’évanouit en lumière. C
1329
e. C’est ainsi que dans le monde spirituel, l’ère
de
la vitesse préparerait l’ère des Illuminés… L’extrême tension de l’es
1330
réparerait l’ère des Illuminés… L’extrême tension
de
l’esprit peut aboutir à des matérialisations, cependant que l’extrême
1331
matérialisations, cependant que l’extrême tension
de
la matière explose en subtilité. Double mouvement dont l’axe se nomme
1332
n doit arriver vers 8 heures, J’ai d’abord essayé
de
me confiner dans cette petite édition cartonnée d’Andersen, mais sans
1333
e me confiner dans cette petite édition cartonnée
d’
Andersen, mais sans cesse des hommes entrent, cherchent une place, ouv
1334
moment. Ce train paraît destiné à la réquisition
de
l’élément minable des populations qu’il traverse. À chaque station no
1335
se. À chaque station nous débarquons un peu moins
de
paysans et de paniers ventrus, embarquons un peu plus d’ouvriers, cas
1336
tation nous débarquons un peu moins de paysans et
de
paniers ventrus, embarquons un peu plus d’ouvriers, casquettes et bou
1337
ans et de paniers ventrus, embarquons un peu plus
d’
ouvriers, casquettes et bouts de cigares. Des ouvrières aussi, au rega
1338
quons un peu plus d’ouvriers, casquettes et bouts
de
cigares. Des ouvrières aussi, au regard irrité. Deux d’entre elles on
1339
u regard irrité. Deux d’entre elles ont fait mine
de
s’asseoir, en face et à côté de moi, mais je n’ai pas retiré ma valis
1340
se sont assises plus loin en maugréant. La misère
de
tous ces regards me paralyse. Comment répondre à leur hostilité, comm
1341
accueillir avec un cœur viril et bon le spectacle
de
ces corps amaigris, énervés ? Un cœur viril et bon comme celui d’Ande
1342
igris, énervés ? Un cœur viril et bon comme celui
d’
Andersen, un tel cœur ne se fermerait pas devant la haine qui sourd de
1343
œur ne se fermerait pas devant la haine qui sourd
de
tant d’anxiétés. J’aimerais échanger mon costume clair de voyage cont
1344
e fermerait pas devant la haine qui sourd de tant
d’
anxiétés. J’aimerais échanger mon costume clair de voyage contre leurs
1345
d’anxiétés. J’aimerais échanger mon costume clair
de
voyage contre leurs vêtements et leur casquette, me prouver que vraim
1346
asquette, me prouver que vraiment je n’aurais pas
d’
envie… Nouvel arrêt. Mais cette fois c’est une fée qui monte, une gran
1347
de jeune fille nette aux yeux bleu-vert, au teint
de
princesse d’Andersen. Oh ! qu’elle vienne s’asseoir ici ! Mais je n’o
1348
op choisir, ni surtout me choisir, — va s’asseoir
de
l’autre côté du couloir, tout au bord d’une banquette. Mais je la voi
1349
ant moi. J’ai honte. Comme nous sommes incapables
de
nous libérer de barrières sociales ou de pudeurs qu’en pensée nous te
1350
nte. Comme nous sommes incapables de nous libérer
de
barrières sociales ou de pudeurs qu’en pensée nous tenions pour nulle
1351
capables de nous libérer de barrières sociales ou
de
pudeurs qu’en pensée nous tenions pour nulles. Si j’étais vraiment li
1352
athie ?… Les hommes parlent une langue brusque et
de
mauvaise humeur, les yeux mornes ou trop brillants ; ou lisent des fe
1353
interminablement, crache sa fumée dans des gares
de
banlieue qui ne sont plus fleuries. Il règne dans ce wagon un malaise
1354
auvre interrogation des visages devant l’atrocité
de
notre vie sociale ! Je baisse les yeux sur mon livre. Et la foule men
1355
Et la foule menaçante se pressait autour du char
de
la princesse qu’on menait au bûcher. Alors vinrent d’un seul vol onze
1356
a princesse qu’on menait au bûcher. Alors vinrent
d’
un seul vol onze grands cygnes blancs. Ils se posèrent autour d’elle e
1357
onze grands cygnes blancs. Ils se posèrent autour
d’
elle et battirent de leurs grandes ailes. Et le peuple effrayé recula.
1358
lancs. Ils se posèrent autour d’elle et battirent
de
leurs grandes ailes. Et le peuple effrayé recula. » Mais la princesse
1359
ula. » Mais la princesse jette sur eux les cottes
d’
orties qu’elle tissait de ses mains, et voici onze princes qui se tien
1360
jette sur eux les cottes d’orties qu’elle tissait
de
ses mains, et voici onze princes qui se tiennent autour d’elle. « Ell
1361
ins, et voici onze princes qui se tiennent autour
d’
elle. « Elle est innocente ! » s’écrient-ils, et le peuple s’agenouill
1362
res racontait tout ce qui était arrivé, un parfum
de
millions de roses se répandit dans les airs, tandis qu’au sommet du b
1363
t tout ce qui était arrivé, un parfum de millions
de
roses se répandit dans les airs, tandis qu’au sommet du bûcher parais
1364
vitre sale, retenir des larmes ? Un soudain excès
de
l’amour s’est libéré dans tout mon être et s’élance vers ces vies pro
1365
’ai compris que la grandeur du cœur humain, c’est
de
donner sans mesure un amour dont notre vie, peut-être, n’a que faire.
1366
t notre vie, peut-être, n’a que faire. ⁂ Le reste
de
la vie, c’est toujours entre deux voyages d’Allemagne. On peut s’épre
1367
este de la vie, c’est toujours entre deux voyages
d’
Allemagne. On peut s’éprendre d’une telle absence, qui vient au lieu d
1368
ntre deux voyages d’Allemagne. On peut s’éprendre
d’
une telle absence, qui vient au lieu d’un temps étrange et plus pesant
1369
us pesant que nulle part. Me voici tout environné
de
ville. Où trouver ici la lenteur des choses ? Où le désir peut-il err
1370
reux du mystère, dans la puissante circonspection
de
l’attente ? Ô journées souabes, répandues dans la fraîcheur et l’âcre
1371
ma vie ! Encore un peu, qu’on me laisse au regret
de
vos paysages, de vos filles, qu’on me laisse au remords de vous avoir
1372
n peu, qu’on me laisse au regret de vos paysages,
de
vos filles, qu’on me laisse au remords de vous avoir quittées pour ce
1373
ysages, de vos filles, qu’on me laisse au remords
de
vous avoir quittées pour cette ville à présent sans relâche, où les o
1374
e à présent sans relâche, où les orages n’ont pas
d’
odeur, terrains morts où l’on n’a plus peur d’un arbre immense, ni des
1375
pas d’odeur, terrains morts où l’on n’a plus peur
d’
un arbre immense, ni des femmes, mais de soi-même, sourdement, dans l’
1376
plus peur d’un arbre immense, ni des femmes, mais
de
soi-même, sourdement, dans l’insomnie du petit jour populeux… (avril-
1377
rg, puisque leur tentation, leur nostalgie, c’est
de
revêtir un corps humain. 17. Tel fut bien, d’ailleurs, son dessein,
1378
ar Biedermann). 18. Comme dit l’A. O. Barnabooth
de
M. Valery-Larbaud.
1379
ciel paraissait plus grand que la terre. Des bois
de
pins s’approchaient, s’écartaient, livrant passage à la chaussée impé
1380
portées blanches sur les ondulations sablonneuses
de
la plaine. Des prairies doucement soulevées s’arrêtaient au bord du c
1381
ciel, devant la lumière maritime ; puis cédaient
de
l’épaule et l’on voyait le golfe violacé écumer sous la masse du sole
1382
, nous fit front, et il n’y eut plus qu’une piste
de
terre entre les sapins noirs, la rumeur du rivage et du soleil derriè
1383
e et du soleil derrière nous décroissant, tumulte
d’
un matin d’été. Maintenant une odeur fine de benzine traverse les odeu
1384
eil derrière nous décroissant, tumulte d’un matin
d’
été. Maintenant une odeur fine de benzine traverse les odeurs de la fo
1385
multe d’un matin d’été. Maintenant une odeur fine
de
benzine traverse les odeurs de la forêt, et le moteur halète au ralen
1386
ant une odeur fine de benzine traverse les odeurs
de
la forêt, et le moteur halète au ralenti, dans la fraîcheur sobre. L’
1387
e enfin du long voyage nocturne, les yeux cessent
de
cligner, le corps se détend. Là devant, un chauffeur immobile guette
1388
fois avec un cahot mou. Le silence grandit ; cris
de
pics, vibration basse des cylindres. On voit paraître de plus hauts a
1389
et bientôt un vaste portail, aux piles couronnées
de
grands cerfs de bronze. La piste se fait plane, la forêt s’ordonne. É
1390
ste portail, aux piles couronnées de grands cerfs
de
bronze. La piste se fait plane, la forêt s’ordonne. Échappée sur des
1391
forêt s’ordonne. Échappée sur des étangs couverts
de
mousse jaune. (Tout à fait réveillé et attentif, maintenant.) Jardin
1392
piquées au loin de massifs éclatants, le gravier
d’
une allée fait son bruit luxueux, tout s’éclaire, nous y sommes : cent
1393
s : cent fenêtres, sur la gauche, dans une façade
de
grès Louis XV. Nous la longeons, nous montons une rampe pavée qui s’e
1394
sous un porche couvert aux colonnes enguirlandées
de
roses. Toute une famille de géants, debout sur un seuil solennel, me
1395
olonnes enguirlandées de roses. Toute une famille
de
géants, debout sur un seuil solennel, me regarde piquer du nez à l’ar
1396
lus ancien, mais le dernier « burgrave et comte »
de
la Prusse-Orientale. Journées À huit heures, tout le monde se ré
1397
nce dans la grande salle du château. Une douzaine
de
domestiques, homme et femmes, pénètrent par le fond, s’alignent debou
1398
e. Puis on chante et ce sont parfois des strophes
de
Novalis, des mélodies de Bach. Après le Notre Père, chacun s’en va, s
1399
ont parfois des strophes de Novalis, des mélodies
de
Bach. Après le Notre Père, chacun s’en va, sérieux, de son côté. Le r
1400
ch. Après le Notre Père, chacun s’en va, sérieux,
de
son côté. Le reste de la matinée se passe à cheval au bord de la mer.
1401
e, chacun s’en va, sérieux, de son côté. Le reste
de
la matinée se passe à cheval au bord de la mer. Jeux du rivage : sur
1402
dunes éblouissantes, autour du « Haff »19 coloré
de
traînées d’algues pourpres. Les chevaux ruisselants s’échappent de no
1403
issantes, autour du « Haff »19 coloré de traînées
d’
algues pourpres. Les chevaux ruisselants s’échappent de nos bras, et n
1404
ues pourpres. Les chevaux ruisselants s’échappent
de
nos bras, et nous les poursuivons, le long des grèves, dans les blés.
1405
le long des grèves, dans les blés. Midi. Au haut
de
l’escalier monumental — une armature de fer forgé supportant des marc
1406
. Au haut de l’escalier monumental — une armature
de
fer forgé supportant des marches de marbre —, un cortège se forme. La
1407
une armature de fer forgé supportant des marches
de
marbre —, un cortège se forme. La porte de la salle à manger s’ouvre
1408
arches de marbre —, un cortège se forme. La porte
de
la salle à manger s’ouvre à deux battants et le comte entre le premie
1409
tre la sienne : car à peine arrivé il crie le nom
d’
un des enfants et celui-ci récite une courte prière, durant laquelle i
1410
te prière, durant laquelle il n’est plus question
de
bouger. La table immense est chargée des produits du domaine. On boit
1411
un peu de bière, mais surtout du lait froid dans
de
grands verres : il n’est pas de boisson plus rafraîchissante, ni qui
1412
u lait froid dans de grands verres : il n’est pas
de
boisson plus rafraîchissante, ni qui se marie mieux avec le goût du c
1413
tes, à travers la forêt —, nous gagnons la maison
de
l’inspecteur. On la distingue de loin, seule bâtisse de pierre parmi
1414
agnons la maison de l’inspecteur. On la distingue
de
loin, seule bâtisse de pierre parmi les fermes de brique au toit de c
1415
nspecteur. On la distingue de loin, seule bâtisse
de
pierre parmi les fermes de brique au toit de chaume. Un appel : l’ins
1416
de loin, seule bâtisse de pierre parmi les fermes
de
brique au toit de chaume. Un appel : l’inspecteur paraît sur son seui
1417
isse de pierre parmi les fermes de brique au toit
de
chaume. Un appel : l’inspecteur paraît sur son seuil au garde à vous,
1418
uipes très nombreuses, à grand renfort de chevaux
de
trait, car la nature marécageuse du sol rend les transports malaisés.
1419
t qui rôde autour de la faisanderie. Les couchers
de
soleil à cette saison se prolongent jusque vers onze heures, en des j
1420
es ondulations des terres. À l’horizon, des ailes
de
moulin tournent, ou scintille une mer dorée. Tout impose un silence h
1421
t à 40 km, plus loin vers la Russie, dans un pays
de
lacs, de forêts maigres et de pâturages, à perte de vue. Nous sommes
1422
, plus loin vers la Russie, dans un pays de lacs,
de
forêts maigres et de pâturages, à perte de vue. Nous sommes pour troi
1423
ussie, dans un pays de lacs, de forêts maigres et
de
pâturages, à perte de vue. Nous sommes pour trois jours, les hôtes d’
1424
e de vue. Nous sommes pour trois jours, les hôtes
d’
une immense demeure en briques roses et jaunes, entourée de prairies a
1425
ense demeure en briques roses et jaunes, entourée
de
prairies aux bosquets vaporeux. Des parterres de fleurs descendent ju
1426
de prairies aux bosquets vaporeux. Des parterres
de
fleurs descendent jusqu’à la rivière immobile, élargie en un lac sinu
1427
sage peint à l’aquarelle. Le château, salmigondis
de
styles, résume, si l’on peut dire, une enquête que poursuivit son con
1428
structeur parmi toutes les demeures seigneuriales
d’
Europe, aux fins de réunir les éléments les plus confortables des dive
1429
. Voilà sans doute la figuration la plus concrète
de
l’égarement des esprits au siècle dernier. Qui dit style d’abord dit
1430
er. Qui dit style d’abord dit sacrifice à une vue
de
l’esprit. Qui dit confort d’abord dit refus de tout style. Cette mais
1431
ue de l’esprit. Qui dit confort d’abord dit refus
de
tout style. Cette maison qui offre les commodités du plus luxueux hom
1432
lus à la page que chez mes burgraves. Les maîtres
de
lieu sourient un peu de « ceux de W. qui ne boivent que du lait ». Et
1433
es. Les maîtres de lieu sourient un peu de « ceux
de
W. qui ne boivent que du lait ». Et nous servent du thé bouillant où
1434
s servent du thé bouillant où nagent des morceaux
de
glace. À ces détails près, le même train de vie bottée. Les écuries r
1435
ceaux de glace. À ces détails près, le même train
de
vie bottée. Les écuries résonnent sous les coups de pied des étalons
1436
ries résonnent sous les coups de pied des étalons
de
course, géants aux longs fessiers noirs luisants. Sur la plaine éblou
1437
isants. Sur la plaine éblouissante, des troupeaux
de
chevaux pâturent en liberté. Le meuglement des bœufs ne s’apaise pas
1438
fs ne s’apaise pas sous le soleil et nous entoure
d’
une rumeur animale tenace comme toutes ces odeurs de la terre, des her
1439
une rumeur animale tenace comme toutes ces odeurs
de
la terre, des herbes et des bêtes. Parfois souffle le vent marin ; et
1440
ais on ne voit pas la mer. Dans la bibliothèque
de
Waldburg, qui sent encore le cuir, la chasse, j’ai trouvé tous les cl
1441
. Même, un petit Voltaire dépareillé, « ex-libris
de
la Malmaison ». (Une négligence sans doute, on l’aura retrouvé dans l
1442
ce sans doute, on l’aura retrouvé dans les poches
d’
un uniforme au retour de la campagne de France.) Les mémoires, en fran
1443
retrouvé dans les poches d’un uniforme au retour
de
la campagne de France.) Les mémoires, en français, d’un des burgraves
1444
les poches d’un uniforme au retour de la campagne
de
France.) Les mémoires, en français, d’un des burgraves zu D. qui fut
1445
a campagne de France.) Les mémoires, en français,
d’
un des burgraves zu D. qui fut gouverneur d’Orange, et eut pour précep
1446
çais, d’un des burgraves zu D. qui fut gouverneur
d’
Orange, et eut pour précepteur Pierre Bayle en personne, dont il se mo
1447
onvient. Ensuite, tout Schleiermacher, un protégé
de
la famille. Mais à partir de cette date, il n’y a plus que les Gothas
1448
rler nos pédagogues. Mais elle s’unit à un régime
de
responsabilités concrètes qui sauvegarde l’initiative personnelle plu
1449
isque et la violence physiques jouent dans la vie
de
chaque jour leur rôle naturel et tonique. On lâche les garçons à chev
1450
des poulains à dresser — et ce n’est pas commode
de
se trouver devant une bête en liberté qu’on doit saisir d’abord, puis
1451
ts, des décisions pratiques, tout l’apprentissage
de
la conduite des hommes, des animaux et des éléments naturels. Pour no
1452
Pour nous, nous développons un sens plutôt fictif
de
la responsabilité. Nous développons au vrai un hamlétisme. Notre prép
1453
ai un hamlétisme. Notre préparation à l’autonomie
de
l’individu demeure théorique, et son application est indéfiniment ret
1454
et par toute notre ambiance éducatrice, un organe
de
l’autonomie qui ne trouve nulle part où s’exercer : d’où les conflits
1455
autonomie qui ne trouve nulle part où s’exercer :
d’
où les conflits purement « moraux » qui nous empêtrent, jusqu’au-delà
1456
ment « moraux » qui nous empêtrent, jusqu’au-delà
de
nos adolescences. Jeux des enfants prussiens : s’asseoir à six ou sep
1457
rminablement à table. — Cruauté franche est signe
de
santé. Tacite prétend que l’élan est un animal aux jambes dépourvue
1458
nd que l’élan est un animal aux jambes dépourvues
d’
articulations, en sorte qu’il ne peut se coucher et doit dormir appuyé
1459
bête se trouve sans défense. Tacite n’a jamais vu
d’
élan. Ces animaux d’allure fantastique déambulent à la tombée de la nu
1460
défense. Tacite n’a jamais vu d’élan. Ces animaux
d’
allure fantastique déambulent à la tombée de la nuit dans les clairièr
1461
imaux d’allure fantastique déambulent à la tombée
de
la nuit dans les clairières, comme des arbres qui se mettraient en ma
1462
membres ne se déboîtent. On a vu des élans gagner
de
vitesse les automobiles le long de la chaussée de Königsberg. Combie
1463
de vitesse les automobiles le long de la chaussée
de
Königsberg. Combien j’aimais ces randonnées interminables dans les f
1464
mais ces randonnées interminables dans les forêts
de
chasse : on allait deux à deux, l’arme en ballant, durant des heures
1465
it pas effrayer le gibier sensible au moindre son
de
voix humaine. (Tout cela c’était pour préparer quelque battue prochai
1466
ils trouvent leur plaisir dans ces longs mutismes
de
guetteurs, dont on ressort ivre et comme possédé par les génies du mo
1467
par les génies du monde végétal. Il y a une sorte
de
violence aussi dans ces bains de silence forestier. Qui peut en calcu
1468
Il y a une sorte de violence aussi dans ces bains
de
silence forestier. Qui peut en calculer le bienfait d’énergie ? Les j
1469
lence forestier. Qui peut en calculer le bienfait
d’
énergie ? Les journées, même de vacances, baignent ici dans une atmosp
1470
lculer le bienfait d’énergie ? Les journées, même
de
vacances, baignent ici dans une atmosphère goethéenne d’utilité, — au
1471
nces, baignent ici dans une atmosphère goethéenne
d’
utilité, — au sens élevé et civilisateur du terme. La notion moderne d
1472
élevé et civilisateur du terme. La notion moderne
de
superflu, qui donne aux plaisirs mondains l’aspect absurde que nous l
1473
ent dans une activité qui tire son unité foncière
de
la nature même des choses. Le rythme perpétuellement syncopé du trav
1474
défendrai pas les junkers… J’entends les gens
de
villes : « Ça ne doit pas être bien drôle à la longue ! » Avec cela q
1475
amusent tant ! La neurasthénie n’est-elle pas une
de
vos inventions ? Et toute votre littérature est occupée à décrire vos
1476
vos satiétés, quand elle ne se met pas au service
d’
un régime de surenchère désespérée des sensations de luxe, dont elle c
1477
, quand elle ne se met pas au service d’un régime
de
surenchère désespérée des sensations de luxe, dont elle constitue la
1478
un régime de surenchère désespérée des sensations
de
luxe, dont elle constitue la publicité. Mais il s’agit bien de plaisi
1479
elle constitue la publicité. Mais il s’agit bien
de
plaisirs ! Il s’agirait plutôt du seul plaisir de vivre. Que demander
1480
de plaisirs ! Il s’agirait plutôt du seul plaisir
de
vivre. Que demander à un milieu social ? Qu’il vous laisse la franchi
1481
naïvement qu’ailleurs. On ne vous cache pas, pour
de
ténébreuses habiletés salonnardes, l’intérêt et la sympathie qu’on a
1482
e qu’on a pour vous, ou qu’on n’a pas. Nulle gêne
d’
aucune sorte. Le confort véritable de vivre, comment le concevoir aill
1483
. Nulle gêne d’aucune sorte. Le confort véritable
de
vivre, comment le concevoir ailleurs qu’au sein d’une nature qui, san
1484
urs qu’au sein d’une nature qui, sans cesse exige
de
l’homme la maîtrise et le déploiement de ses instincts ? Ici, pas d’a
1485
se exige de l’homme la maîtrise et le déploiement
de
ses instincts ? Ici, pas d’autres empêchements que ceux-là justement
1486
ments que ceux-là justement qui donnent sa raison
d’
être au labeur des journées. Nous voici délivrés de la grande bourgeoi
1487
’être au labeur des journées. Nous voici délivrés
de
la grande bourgeoisie, de ces gens qui croient devoir, ou se devoir.
1488
es. Nous voici délivrés de la grande bourgeoisie,
de
ces gens qui croient devoir, ou se devoir. De ces gens grossièrement
1489
ie, de ces gens qui croient devoir, ou se devoir.
De
ces gens grossièrement distingués qui ne vous ont pas vu, qui détourn
1490
détournent la tête avec une expression méprisable
de
gêne et de morgue. Et dire que ce sont ces gens-là — cette tourbe — q
1491
la tête avec une expression méprisable de gêne et
de
morgue. Et dire que ce sont ces gens-là — cette tourbe — qui se perme
1492
nt ces gens-là — cette tourbe — qui se permettent
de
juger la noblesse terrienne. Dire que ce sont ces bourgeois-là, basse
1493
ue ce sont ces bourgeois-là, bassement incapables
de
brutalité ou d’orgueil physiques, en revanche hérissés de vanités mor
1494
ourgeois-là, bassement incapables de brutalité ou
d’
orgueil physiques, en revanche hérissés de vanités morales et de provo
1495
lité ou d’orgueil physiques, en revanche hérissés
de
vanités morales et de provocantes civilités, qui viennent vous dire,
1496
iques, en revanche hérissés de vanités morales et
de
provocantes civilités, qui viennent vous dire, entre deux bridges, qu
1497
modés. Bien joli quand ils ne leur reprochent pas
d’
ignorer Proust. Mais quoi, je ne défendrai pas les junkers, — dont le
1498
qu’elle désigne. Un tel milieu ne sollicite guère
de
l’étranger je ne sais quelle admiration sentimentale ou esthétique. Q
1499
tion sentimentale ou esthétique. Que feraient-ils
de
mes éloges, même sincères ? Ils n’ont jamais mis en question la néces
1500
s ? Ils n’ont jamais mis en question la nécessité
de
leur genre de vie, et verraient une sorte d’inconvenance dans l’appro
1501
jamais mis en question la nécessité de leur genre
de
vie, et verraient une sorte d’inconvenance dans l’approbation que je
1502
sité de leur genre de vie, et verraient une sorte
d’
inconvenance dans l’approbation que je pourrais leur en témoigner. Bon
1503
s des villes, toujours inquiets, toujours doutant
de
leurs raisons d’êtres et de leur actualité, de quêter chez autrui des
1504
jours inquiets, toujours doutant de leurs raisons
d’
êtres et de leur actualité, de quêter chez autrui des confirmations, d
1505
ets, toujours doutant de leurs raisons d’êtres et
de
leur actualité, de quêter chez autrui des confirmations, des flatteri
1506
nt de leurs raisons d’êtres et de leur actualité,
de
quêter chez autrui des confirmations, des flatteries, toutes choses q
1507
ries, toutes choses qui impliquent la possibilité
d’
un doute. Il n’y a d’aristocratie qu’inévitable. On pourrait dire : de
1508
ui impliquent la possibilité d’un doute. Il n’y a
d’
aristocratie qu’inévitable. On pourrait dire : de droit divin, c’est e
1509
d’aristocratie qu’inévitable. On pourrait dire :
de
droit divin, c’est encore à dire : du droit des choses telles que Die
1510
choses telles que Dieu les a créées. Aristocratie
de
l’être et de la fonction, non de la considération. Et tout le reste d
1511
que Dieu les a créées. Aristocratie de l’être et
de
la fonction, non de la considération. Et tout le reste de l’Europe bo
1512
es. Aristocratie de l’être et de la fonction, non
de
la considération. Et tout le reste de l’Europe bourgeoise fait nouvea
1513
nction, non de la considération. Et tout le reste
de
l’Europe bourgeoise fait nouveau riche, en regard de cette seule clas
1514
Non, je ne peux rien voir dans la « féodalité »
de
ces junkers, qui soit plus répugnant pour notre humanité que tant de
1515
ains » peu contestables : des rapports personnels
de
maître à serviteur, des rapports personnels de l’homme à la nature so
1516
ls de maître à serviteur, des rapports personnels
de
l’homme à la nature sous toutes ses formes, animales, végétales, dome
1517
e croiser dans la rue sans se connaître un patron
d’
usine et l’un de ses mécanos. Ou encore, quand le patron salue avec ce
1518
a rue sans se connaître un patron d’usine et l’un
de
ses mécanos. Ou encore, quand le patron salue avec ce mélange de haut
1519
Ou encore, quand le patron salue avec ce mélange
de
hauteur, de méfiance et de gêne auquel répond chez l’inférieur un mél
1520
quand le patron salue avec ce mélange de hauteur,
de
méfiance et de gêne auquel répond chez l’inférieur un mélange de crai
1521
salue avec ce mélange de hauteur, de méfiance et
de
gêne auquel répond chez l’inférieur un mélange de crainte, de colère
1522
de gêne auquel répond chez l’inférieur un mélange
de
crainte, de colère et de gêne guère moins ignoble. Mais je ne suis pa
1523
el répond chez l’inférieur un mélange de crainte,
de
colère et de gêne guère moins ignoble. Mais je ne suis pas scandalisé
1524
z l’inférieur un mélange de crainte, de colère et
de
gêne guère moins ignoble. Mais je ne suis pas scandalisé quand le bur
1525
le ? La question me paraît, au concret, dépourvue
de
sens. Mais au nom de la dignité humaine, je demande que les journalis
1526
humaine, je demande que les journalistes cessent
de
déverser sur une classe qu’ils ne peuvent connaître une haine convent
1527
nçaient récemment encore, dans un grand quotidien
de
Paris, ces junkers qui, d’après eux, constituent la fraction d’humani
1528
junkers qui, d’après eux, constituent la fraction
d’
humanité la plus dangereuse pour la paix du monde. Quoi ! cette centai
1529
euse pour la paix du monde. Quoi ! cette centaine
de
familles écartées du pouvoir dans leur propre patrie depuis la chute
1530
u pouvoir dans leur propre patrie depuis la chute
de
Bismarck, coupées de tous liens politiques avec une Europe bourgeoise
1531
ropre patrie depuis la chute de Bismarck, coupées
de
tous liens politiques avec une Europe bourgeoise, résignée à laisser
1532
te race désarmée qui ne subsiste que par la force
d’
une vertu sans égale, sans espoir —, péril pour le monde ! Fable énorm
1533
Fable énorme et qui étonne de la part d’écrivains
d’
ordinaire consciencieux. Les canons de Shanghai, qui rapportèrent tant
1534
d’écrivains d’ordinaire consciencieux. Les canons
de
Shanghai, qui rapportèrent tant d’argent aux propriétaires de la pres
1535
ux. Les canons de Shanghai, qui rapportèrent tant
d’
argent aux propriétaires de la presse qui publie ces articles, me para
1536
qui rapportèrent tant d’argent aux propriétaires
de
la presse qui publie ces articles, me paraissaient en ce temps-là plu
1537
ient en ce temps-là plus inquiétants que le fusil
de
chasse de mes hôtes prussiens. Et puis, allez donc voir un peu dans l
1538
temps-là plus inquiétants que le fusil de chasse
de
mes hôtes prussiens. Et puis, allez donc voir un peu dans les cryptes
1539
êtes qui vous entoureront. Personne, croyez-m’en,
de
la race des cavaliers. Quant à savoir si cette classe justifie sa fon
1540
llectuels, les ouvriers, les exploités ont besoin
de
tels mythes. Mais au regard de la nature, cela n’a point de sens. Ou
1541
thes. Mais au regard de la nature, cela n’a point
de
sens. Ou bien alors : cela désigne une nouvelle répartition des terre
1542
ure du sol résoudra seule durablement. Les landes
de
la Prusse-Orientale sont très irrégulièrement fertiles ; seules les g
1543
les grandes entreprises « tiennent le coup » lors
d’
une inondation ou d’une sécheresse partielle. J’ai vu sur les terres d
1544
ses « tiennent le coup » lors d’une inondation ou
d’
une sécheresse partielle. J’ai vu sur les terres de Waldburg un villag
1545
’une sécheresse partielle. J’ai vu sur les terres
de
Waldburg un village que le burgrave a de son propre chef « libéré ».
1546
s terres de Waldburg un village que le burgrave a
de
son propre chef « libéré ». C’est de tous le plus misérable. Le morce
1547
e burgrave a de son propre chef « libéré ». C’est
de
tous le plus misérable. Le morcellement des terres, le stade démocrat
1548
us visiblement qu’ailleurs une utopie. Impossible
de
passer du latifundium au pavillon de banlieue. Au « majorat » succéde
1549
. Impossible de passer du latifundium au pavillon
de
banlieue. Au « majorat » succédera sans doute un organisme du type de
1550
nés par la guerre, c’est-à-dire qu’ils n’ont plus
de
monnaie : cela n’a rien changé à l’organisme de leur vie sociale. Ils
1551
s de monnaie : cela n’a rien changé à l’organisme
de
leur vie sociale. Ils vivent en paysans, de leurs produits. Ils conso
1552
nisme de leur vie sociale. Ils vivent en paysans,
de
leurs produits. Ils consomment fort peu d’idéologies importées. Les c
1553
ysans, de leurs produits. Ils consomment fort peu
d’
idéologies importées. Les cadets de famille, ceux qu’on envoyait à l’a
1554
mment fort peu d’idéologies importées. Les cadets
de
famille, ceux qu’on envoyait à l’armée, font parfois de la politique
1555
ille, ceux qu’on envoyait à l’armée, font parfois
de
la politique : Hitler les flatte mais ne vainc pas souvent leurs méfi
1556
ces. Certains se sont faits communistes, par goût
de
l’énergie peut-être. J’ai vu des membres d’un parti national-marxiste
1557
goût de l’énergie peut-être. J’ai vu des membres
d’
un parti national-marxiste dont le rêve est de restaurer la Prusse du
1558
res d’un parti national-marxiste dont le rêve est
de
restaurer la Prusse du grand Frédéric par les méthodes de Lénine… Rac
1559
urer la Prusse du grand Frédéric par les méthodes
de
Lénine… Race de colonisateurs, dominant sur ces marches de l’Europe d
1560
u grand Frédéric par les méthodes de Lénine… Race
de
colonisateurs, dominant sur ces marches de l’Europe depuis des siècle
1561
… Race de colonisateurs, dominant sur ces marches
de
l’Europe depuis des siècles, mais séculairement menacés par l’Asie :
1562
ils lui résistent par leur pauvreté. Les magnats
de
Hongrie sont déjà des pachas, et l’Occident ne peut rien en attendre,
1563
l’Occident ne peut rien en attendre, qu’un corps
de
janissaires tout au plus. Mais ces hommes durs, silencieux, et sains
1564
e redoute encore, mais qui forge sa loi au secret
de
son désespoir… Bastions de l’Occident ? — Duquel ? Ou bien race liée
1565
forge sa loi au secret de son désespoir… Bastions
de
l’Occident ? — Duquel ? Ou bien race liée au seul goût de sa puissanc
1566
ident ? — Duquel ? Ou bien race liée au seul goût
de
sa puissance ? Il y a plus qu’un passé d’héroïsme dans ces châteaux p
1567
ul goût de sa puissance ? Il y a plus qu’un passé
d’
héroïsme dans ces châteaux perdus, dans ce Waldburg gardien de quels s
1568
ans ces châteaux perdus, dans ce Waldburg gardien
de
quels secrets longuement, lentement fortifiés… La nuit, les moustiq
1569
nt une rumeur dans l’obscurité profonde. Des cris
de
chouettes se poursuivent, s’éloignent, reprennent tout proches. Les é
1570
nt agenouillés, aussi hauts que les jeunes arbres
de
la lande. Et la mer respire fort contre les grèves, soulagée de la pe
1571
t la mer respire fort contre les grèves, soulagée
de
la pesante lumière. Mais dans cette chambre élevée du château, l’air
1572
e mêler à celle des vieilles boiseries. Enveloppé
de
gaze je sors sur mon balcon, je me penche sur le parc incertain. Palp
1573
la crête des forêts, une rougissante lueur avance
de
l’Occident vers l’Orient. 19. Bras de mer intérieur qui s’avance j
1574
r avance de l’Occident vers l’Orient. 19. Bras
de
mer intérieur qui s’avance jusqu’à Königsberg.
1575
ent très peu, gris sur le blanc doucement luisant
de
la surface ; mais le silence a des vagues profondes. L’eau clapote
1576
te avec tendresse, et se retient… Et l’air chargé
d’
attente. Nos têtes immobiles sont près de se toucher, nos regards s’en
1577
se toucher, nos regards s’en vont à la rencontre
de
ce qui est voilé. Retiens ton souffle, retiens ton envie de fermer le
1578
est voilé. Retiens ton souffle, retiens ton envie
de
fermer les yeux contre une épaule, attends encore un peu plus fort, é
1579
s la brume où nous sommes perdus avec ce clapotis
d’
une eau étrangement vivante et qui rêve ; et rien que nos yeux qui bri
1580
formes confondent leur ombre et leur songe… Odeur
de
l’eau, — pour toute la vie. (1929)
1581
Pour Albert Béguin. Paris la nuit oublie parfois
d’
être spirituelle, devient tragique ou tout simplement germanique. « L’
1582
’est la Chambre des Députés », disait un amoureux
de
la France. Quand vous prenez un taxi passé onze heures, c’est double
1583
: à côté de vous, si vous êtes seul, un fantôme,
d’
office, a pris place. On lie bien vite connaissance, pourvu qu’on sach
1584
bien vite connaissance, pourvu qu’on sache un peu
d’
allemand, — et l’allemand littéraire y suffit. Pour moi, je ne me sens
1585
comme j’habite l’Odéon, c’est toujours le fantôme
de
l’Odéon qui m’accompagne et nous ne disons presque rien, nous savons
1586
ille étrangère, n’est-ce point la définition même
de
la luxure ? Quand je vais à pied, j’oublie en chemin les meilleures p
1587
ns une sentimentalité exquise, navrante. Il reste
de
s’asseoir à quelque terrasse de café pour y boire à petits coups une
1588
avrante. Il reste de s’asseoir à quelque terrasse
de
café pour y boire à petits coups une amertume acide et tiède comme l’
1589
acide et tiède comme l’adolescence, un désespoir
de
nuit d’été sous le tilleul où elle n’est pas venue… (C’est ici le lie
1590
t tiède comme l’adolescence, un désespoir de nuit
d’
été sous le tilleul où elle n’est pas venue… (C’est ici le lieu de l’a
1591
lleul où elle n’est pas venue… (C’est ici le lieu
de
l’avouer : je ne saurais entretenir que des rapports de politesse dis
1592
vouer : je ne saurais entretenir que des rapports
de
politesse distante avec les personnes qui ont pu dire, ne fut-ce qu’u
1593
e fut-ce qu’une fois en leur vie : « J’ai horreur
de
la sentimentalité ».) Nous voici donc en taxi, « nous deux le fantôme
1594
le fantôme ». Ce soir-là, le fantôme ayant envie
de
manger ferme a donné au chauffeur l’adresse d’un ogre. C’est tout prè
1595
ie de manger ferme a donné au chauffeur l’adresse
d’
un ogre. C’est tout près parce que j’ai peur. En même temps c’est très
1596
re. Déjà nous traversons la nuit rose et violette
de
Montparnasse. Là, l’insondable lubie d’un agent nous immobilise une m
1597
violette de Montparnasse. Là, l’insondable lubie
d’
un agent nous immobilise une minute aux lisières odorantes d’une terra
1598
nous immobilise une minute aux lisières odorantes
d’
une terrasse où nous voyons Charles-Albert Cingria, transfiguré par un
1599
en train de décrire à Blaise Cendrars, son voisin
de
table, l’arrivée des Mongols dans Paris et leurs établissements place
1600
Mongols dans Paris et leurs établissements place
de
la Concorde. Notre conteur est vêtu de la gloire d’un pourpoint « plu
1601
ents place de la Concorde. Notre conteur est vêtu
de
la gloire d’un pourpoint « plus rouge que rouge ». On assure qu’il po
1602
la Concorde. Notre conteur est vêtu de la gloire
d’
un pourpoint « plus rouge que rouge ». On assure qu’il possède encore
1603
l est « pittoresque », cas déplorable, s’agissant
d’
un poète authentique. Le pittoresque. D’abord je crains que la notion
1604
que la notion n’en soit toute relative aux modes
de
« vie » bourgeois ; et puis, la comédie n’est pas mon fort, même la t
1605
u jaloux, le travail jusqu’à l’aube, la naissance
d’
un visage dans ma mémoire (d’heure en heure ces yeux plus vivants…). D
1606
l’aube, la naissance d’un visage dans ma mémoire (
d’
heure en heure ces yeux plus vivants…). De là, je le suppose, une cert
1607
émoire (d’heure en heure ces yeux plus vivants…).
De
là, je le suppose, une certaine misanthropie en germe : les êtres cha
1608
es êtres changent trop vite, je n’ai pas le temps
de
me laisser envoûter ou de les rendre esclaves, hors de quoi je ne sai
1609
e, je n’ai pas le temps de me laisser envoûter ou
de
les rendre esclaves, hors de quoi je ne sais pas de commerce humain q
1610
les rendre esclaves, hors de quoi je ne sais pas
de
commerce humain qui vaille la peine, qui vaille l’amour. Durant cette
1611
orsque l’homme, cédant à l’évidence des choses ou
de
l’esprit, comprend enfin qu’il est perdu, il découvre la liberté. Le
1612
qu’il est perdu, il découvre la liberté. Le goût
de
se perdre est un des plus profonds mystères de notre condition, et je
1613
ût de se perdre est un des plus profonds mystères
de
notre condition, et je ne crois pas trop absurde d’y chercher l’origi
1614
notre condition, et je ne crois pas trop absurde
d’
y chercher l’origine non seulement des passions amoureuses, mais de la
1615
igine non seulement des passions amoureuses, mais
de
la plupart des entreprises démesurées qu’enregistre l’Histoire, scien
1616
esurées qu’enregistre l’Histoire, science chargée
d’
illustrer à ses propres yeux l’Humanité. En passant, relevons un sophi
1617
à la mode, qui vient trébucher dans les méandres
de
notre chemin : « Il faut se perdre pour se retrouver », nous enseigne
1618
le croire M. Gide, — si pareil entre les griffes
de
son égoïsme à la souris qu’un chat subtil et ironique feint de lâcher
1619
e à la souris qu’un chat subtil et ironique feint
de
lâcher pour mieux croquer. Pourquoi ne pas se perdre sans arrière-pen
1620
urs les moins préméditées, c’est sans doute celui
d’
être trouvé. J’ai toujours méprisé le geste de l’homme qui, le soir da
1621
lui d’être trouvé. J’ai toujours méprisé le geste
de
l’homme qui, le soir dans sa chambre d’hôtel, ferme sa porte à double
1622
le geste de l’homme qui, le soir dans sa chambre
d’
hôtel, ferme sa porte à double tour. Ah ! qu’une nuit enfin, à la fave
1623
double tour. Ah ! qu’une nuit enfin, à la faveur
de
mon sommeil, on me vole à moi-même ! Que des êtres rêvés m’emportent
1624
ient là où je ne sais pas que j’ai si grand désir
d’
aller… Est-ce ici ? Je regarde autour de moi : des murs sans yeux domi
1625
se produire : des aboiements fous et une effusion
de
lumière basse, rougeoyante, campagnarde. ⁂ La sauce est au rôti comme
1626
Il arrive qu’on parle, en art culinaire, du style
d’
un rôti, et en cuisine littéraire, de pensers mis à toutes sauces. Mai
1627
re, du style d’un rôti, et en cuisine littéraire,
de
pensers mis à toutes sauces. Mais qui donc, parmi nos penseurs, mérit
1628
es. Mais qui donc, parmi nos penseurs, mériterait
d’
être servi en sauce Marthaler ? Mais ne parlons pas de mangeaille : c’
1629
re servi en sauce Marthaler ? Mais ne parlons pas
de
mangeaille : c’est tout de suite écœurant et prétentieux. Je suis de
1630
st tout de suite écœurant et prétentieux. Je suis
de
ceux qui mangent sans faire d’histoires. Je remarque simplement qu’on
1631
étentieux. Je suis de ceux qui mangent sans faire
d’
histoires. Je remarque simplement qu’on n’est jamais mieux pour parler
1632
us vulgaires, libérant par là cette part gratuite
de
nous-mêmes qui se plaît à disserter de poésie pure. Edmond Jaloux pré
1633
t gratuite de nous-mêmes qui se plaît à disserter
de
poésie pure. Edmond Jaloux préside à cette agape dont il m’est imposs
1634
ux préside à cette agape dont il m’est impossible
de
nommer tous les officiants visibles ou virtuels, et cela pour différe
1635
e Miomandre n’est pas là. Il a téléphoné au début
de
l’après-midi qu’il commençait un roman. Son absence nous fera-t-elle
1636
puisqu’en ma voisine, je reconnais la Jeune fille
de
neige. On la sent prête à fondre de tendresse au premier regard. Mais
1637
a Jeune fille de neige. On la sent prête à fondre
de
tendresse au premier regard. Mais non, trop bien élevée, elle se ress
1638
le se ressaisit, pense à Genève, reprend aussitôt
de
la consistance, et dans son trouble apparaît toute parcourue d’adorab
1639
nce, et dans son trouble apparaît toute parcourue
d’
adorables roseurs boréales. E. T. A. Hoffmann est là, sous un nom d’em
1640
s boréales. E. T. A. Hoffmann est là, sous un nom
d’
emprunt. Une femme fatale et un grand incompris sont là. Enfin Jean Ca
1641
à. Enfin Jean Cassou, représentant Mgr le marquis
de
Carabas, absent de Paris, est là. Peut-être aussi Jean de Boschère, e
1642
u, représentant Mgr le marquis de Carabas, absent
de
Paris, est là. Peut-être aussi Jean de Boschère, en dépit de certaine
1643
i vous enlevez Georges Petit égaré, en ayant soin
d’
ajouter ceux que j’oublie, vous obtiendrez le chiffre exact des partic
1644
culez l’âge du capitaine. Au dessert, chacun y va
de
son petit miracle. Edmond Jaloux et Dick conversent en danois. Quatre
1645
e, et se mit à errer dans les campagnes, en quête
de
l’inspiration qui le fuyait. Il buvait, rêvait, dormait sous les trei
1646
a plusieurs semaines, au terme desquelles, épuisé
de
corps et d’âme, et n’ayant pas écrit une seule note, il se retrouva a
1647
semaines, au terme desquelles, épuisé de corps et
d’
âme, et n’ayant pas écrit une seule note, il se retrouva aux portes de
1648
seule note, il se retrouva aux portes de Naples,
d’
où il n’eut que la force de regagner son logis. Comme il allait y péné
1649
aux portes de Naples, d’où il n’eut que la force
de
regagner son logis. Comme il allait y pénétrer, il aperçut auprès du
1650
ter, sa plus belle œuvre, sur le thème des pleurs
de
la vieille, et mourut comme il l’achevait. ⁂ Partout où il y a de la
1651
mourut comme il l’achevait. ⁂ Partout où il y a
de
la musique, de l’Italie et une certaine qualité de désespoir, je retr
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l l’achevait. ⁂ Partout où il y a de la musique,
de
l’Italie et une certaine qualité de désespoir, je retrouve les contes
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e la musique, de l’Italie et une certaine qualité
de
désespoir, je retrouve les contes d’Hoffmann. Mais il s’agit de les v
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aine qualité de désespoir, je retrouve les contes
d’
Hoffmann. Mais il s’agit de les vivre plutôt que d’en parler ; vous vo
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je retrouve les contes d’Hoffmann. Mais il s’agit
de
les vivre plutôt que d’en parler ; vous voyez bien que j’ai quitté ce
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’Hoffmann. Mais il s’agit de les vivre plutôt que
d’
en parler ; vous voyez bien que j’ai quitté cette table écroulée, dans
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uillard qui cachait le front des palais, une nuit
d’
hiver, je chantonnais la Barcarolle en descendant le Grand Canal, — c’
1658
xplique tout ce qui peut être expliqué. 21. Club
d’
étudiants de la Suisse romande qui représente en ce pays un état d’ana
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ce qui peut être expliqué. 21. Club d’étudiants
de
la Suisse romande qui représente en ce pays un état d’anarchie perman
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Suisse romande qui représente en ce pays un état
d’
anarchie permanente — sentimentale et non point politique — dont l’esp
1661
sme — encore qu’il ait préfiguré certains aspects
de
ce mouvement littéraire parisien.