1 1932, Le Paysan du Danube. Le sentiment de l’Europe centrale
1 umée et qui se cachent dans les journaux du soir, soit lentement doublé par le rapide de Bretagne. Ce long passage lumineux
2 » à 100 kilomètres à l’heure. ⁂ L’Europe centrale est une de ces réalités qu’on reconnaît d’abord par leur frisson particul
3 lles naissent lentement dans ces campagnes qui ne sont nulle part la « province ». Elles condensent la vie de leur contrée,
4 r dans un express. Pour guérir de Descartes, il n’ est que d’aimer en voyage : l’on découvre bientôt que rien n’est comparab
5 imer en voyage : l’on découvre bientôt que rien n’ est comparable. Quel était ce besoin de fixer, de cerner, de localiser da
6 découvre bientôt que rien n’est comparable. Quel était ce besoin de fixer, de cerner, de localiser dans l’espace des sentime
7 dans un humour inénarrable et dans les pleurs… J’ étais jeune. Le titanisme et la métamorphose « Métamorphose » et « pa
8 orphose « Métamorphose » et « paradoxe », tels sont peut-être les mots-clés de l’Europe sentimentale. Pourquoi faut-il qu
9 gue les traduise, en vertu d’une convention qu’il serait temps de réviser, par « démesure » et « confusion » ? Car il est trop
10 viser, par « démesure » et « confusion » ? Car il est trop certain que le mot démesure désigne dans l’esprit d’un bourgeois
11 apparaît aux yeux de ceux pour qui la religion n’ est qu’assurance, comme une dérision désespérée. Malentendus sans cesse r
12 peut se traduire en arguments sanglants. Et s’il est des domaines où de nos jours, l’on peut réclamer à bon droit l’économ
13 les plans, celui de la guerre y compris. Mais il est bon de préciser, fût-ce à l’aide d’un seul exemple. L’Allemand, dit-o
14 la guerre y compris. Mais il est bon de préciser, fût -ce à l’aide d’un seul exemple. L’Allemand, dit-on, est brutal ; le Fr
15 e à l’aide d’un seul exemple. L’Allemand, dit-on, est brutal ; le Français malin. Deux traits de caractère dont les manifes
16 le domaine du sentiment et des rapports sociaux, sont agaçants à l’extrême pour l’autre. Agacement que l’on traduit en s’ac
17 . Mais à l’Allemand, cette sorte-là de mensonge n’ est guère sensible : la vérité pour lui étant ce qui s’impose, il la conf
18 ensonge n’est guère sensible : la vérité pour lui étant ce qui s’impose, il la confond assez naturellement avec ce qu’il impo
19 e comme d’une arme normale. La brutalité du moins est loyale jusque dans ses excès. L’habileté, elle, masque et renie ses m
20 ous-entendu et bien entendu, qu’en soi, la vérité est immuable, qu’elle n’est nullement atteinte par un mensonge occasionne
21 ndu, qu’en soi, la vérité est immuable, qu’elle n’ est nullement atteinte par un mensonge occasionnel ; que ce mensonge, en
22 rien. En d’autres termes, le mensonge français n’ est pas mythique. Il ne crée ni ne fausse rien d’essentiel à la réalité.
23 se rien d’essentiel à la réalité. Le système D n’ est pas un système philosophique. Ainsi se dessineraient, si nous étendio
24 « natures » fondamentalement divergentes, dont il serait facile de suivre les manifestations dans les domaines les plus variés
25 festations dans les domaines les plus variés de l’ être . Qu’on ne voie pas ici quelque facile généralisation, mais bien plutô
26 nction que l’on vient d’établir ne vaut rien : il est même probable qu’ils forment la majorité, car peu de gens sont typiqu
27 bable qu’ils forment la majorité, car peu de gens sont typiques de quoi que ce soit. Il reste que certains tours de pensée n
28 ité, car peu de gens sont typiques de quoi que ce soit . Il reste que certains tours de pensée ne sont véritablement réalisab
29 ce soit. Il reste que certains tours de pensée ne sont véritablement réalisables qu’au sein d’un ensemble organique de mœurs
30 Empédocle, qu’un Zarathoustra, génies titaniques, sont devenus des mythes germains par excellence, — et que c’est un Françai
31 e premier, conçut, pour s’en vanter, l’idée qu’il était né malin. Paradoxe du sentiment Une rumeur lointaine et continu
32 te, ou nous surprend, ou bien encore au fond de l’ être nous déchire et nous ressuscite. À la naissance du sentiment, nous tr
33 chose qui vient combler ce vide. Une angoisse qui est un appel, et qui crée sa réponse — en vain. Le sentiment mesure une
34 n vain. Le sentiment mesure une défaillance de l’ être . Mais ici, deux interprétations deviennent possibles. Selon l’une, ce
35 viennent possibles. Selon l’une, cette déficience est inhérente à toute réalité humaine ; elle est la marque même de sa val
36 ence est inhérente à toute réalité humaine ; elle est la marque même de sa validité, la preuve d’humanité pourrait-on dire.
37 humanité pourrait-on dire. (On appelle inhumain l’ être qui ne sent rien.) Selon l’autre, elle indique seulement un défaut qu
38 une politique ou par une morale. D’une part l’on tient la déficience pour essentielle ; de l’autre elle apparaît un accident
39 l’« impossible », — qui dans ce sens, vraiment, n’ est pas un mot français. En ceci, le monde de l’Europe centrale est plus
40 français. En ceci, le monde de l’Europe centrale est plus chrétien que le monde latin — si l’on considère ses manières de
41 idère ses manières de sentir et de penser — qu’il est essentiellement antithétique, déchiré (« déchirant ») et fondé sur ce
42 é sur cette vision de la réalité humaine : la vie est manque et compensation de ce manque ; contradictions et dépassement d
43 ntradictions2. Le monde latin, en tant que latin, étant un monde de l’unité (en vérité de l’unification à tout prix) est un m
44 l’unité (en vérité de l’unification à tout prix) est un monde « sécularisé » jusque dans ses modes les plus intimes de sou
45 de la sorte, il s’imagine que réalité spirituelle sera plus vive, son âme plus fortement engagée dans le tragique essentiel.
46 aux, comme tous les calculs de l’âme : le péché n’ est réel que pour celui qui veut s’en arracher. Toute délectation détruit
47 en quoi le monde latin, monde de la spontanéité, est à son tour plus audacieux, et pour tout dire, plus chrétien que le mo
48 le monde de l’Europe centrale. L’intelligence est sentimentale Le sentiment : un retard, un regret. Mais c’est aussi
49 gement abstrait, qui la tue. Le sentimentalisme n’ est pas du tout le contraire du rationalisme (mais nous vivons sur des di
50 nous vivons sur des distinctions de manuels). Il est même étonnant de constater combien exactement ces deux attitudes de l
51 combien exactement ces deux attitudes de l’esprit sont parallèles. Toutes deux ont leur origine dans un perpétuel et anxieux
52 euse et synthétique de l’esprit hindou. Et cela n’ est point trop théorique. Que l’on considère en effet le devenir dialecti
53 , c’est la réaction goethéenne. Goethe en ce sens est bien l’antiallemand, ou encore comme le disait Curtius, le premier cl
54 ’acte. Il en résulte que la sensualité germanique est plus consciente (c’est-à-dire à la fois plus morose et plus débauchée
55 l’amour et en tire une métaphysique4. Le plaisir est pour lui rareté, friandise, et devient tout de suite une chose éthéré
56 découvrir. Et l’impuissance qui déjà la frappe n’ est pas même compensée par une réelle prise de conscience. Car voici bien
57 réalité que la sensation5. Le désir et le regret sont plus certains que le plaisir. Seuls ils supportent dans leur sein la
58 té adore la bêtise. Mais l’intelligence véritable est toujours sentimentale. ⁂ Europe du sentiment, patrie de la lenteur, —
59 rice et bafouée. (Chevreuse, 1932) 1. Un seul être vous manque et tout est dépeuplé ! Définition même du sentimentalisme
60 se, 1932) 1. Un seul être vous manque et tout est dépeuplé ! Définition même du sentimentalisme subjectif qui rend impo
61 d’un poète français, non d’un Français. 2. Hegel serait le philosophe par excellence de l’Europe Centrale. Ce qu’il a tenté d
62 l’âme allemande. Mais il a voulu que ses moments fussent successifs : c’était un moyen de la résoudre. Et c’est justement cett
63 s. Autre exemple : tous les romantiques allemands sont nourris des théorèmes de Spinoza. 4. Je n’entends point par là que l
64 ntends point par là que la métaphysique allemande est fille de la timidité sexuelle : il est clair que, s’il y avait une fi
65 allemande est fille de la timidité sexuelle : il est clair que, s’il y avait une filiation à établir de l’une à l’autre, j
66 encore une fois, d’un même état d’âme. Le nommer serait nommer l’une des raisons d’être profonde du monde germanique. 5. Seu
67 ’âme. Le nommer serait nommer l’une des raisons d’ être profonde du monde germanique. 5. Seule réalité vivante prise en cons
2 1932, Le Paysan du Danube. Première partie. Le Paysan du Danube — Un soir à Vienne avec Gérard
68 sayer de se prendre encore au rêve de valse qu’on était venu chercher parce que cela vaudrait bien d’autres stupéfiants. Mais
69 d’une révolution. Sept heures du soir : le moment était venu d’arrêter le plan de la soirée, et cette promenade où il y avait
70 ine idée que j’avais d’un romantisme viennois, je fus conduit, par une sorte de compromis sentimental, à l’Opéra où l’on do
71 ème de la Barcarolle s’empare bientôt de tout mon être — ainsi d’autres deviennent patriotes au son d’une fanfare militaire,
72 des parois, noir et blanc, la ravissante héroïne est à son piano, c’est un duo des ténèbres et de la pureté où vibrent par
73 s forces inconnues et menaçantes. Mais la musique est si légère, la voix de la jeune fille si transparente : la mort même e
74 le rôde ici comme une tristesse amoureuse. Elle n’ est plus que l’approche d’une grandeur où se perdraient nos amours terres
75 e que le pouvoir de cette musique. Voici que vous êtes tout près de comprendre… Mon voisin avait parlé tout haut ; personne
76 nne pourtant ne se détournait. Comment pouvais-je être le seul à l’avoir entendu ? — C’est, me répondit-il, que seul vous v
77 -il, que seul vous venez d’atteindre au monde des êtres véritables. Nous nous rencontrons. Vous me voyez parce que vous compr
78 é ; je n’eus même pas le sentiment de quoi que ce fût d’immatériel. D’ailleurs le trouble où m’avait jeté la première recon
79 es de l’Opéra, Gérard de Nerval et moi, sans nous être rien dit d’autre, comme des amis qui se connaissent depuis si longtem
80 x petites décisions de la vie quotidienne. Gérard tenait en laisse le fameux homard enrubanné. « Cela vexe les Viennois, me di
81 me moquer de leurs petits chiens muselés… Je n’en suis pas fâché. »   Il y avait peu de monde dans les rues. Des jeunes gens
82 rd, malgré les apparences, cette vie sentimentale est une des seules réalités qui correspondent encore à l’image classique
83 acité définitive à se passionner pour quoi que ce soit . Cette ville, qui est toute caresses, a peur de l’étreinte… C’est d’a
84 assionner pour quoi que ce soit. Cette ville, qui est toute caresses, a peur de l’étreinte… C’est d’ailleurs une chose que
85 manque de caractère aussi. La fidélité véritable est une œuvre d’art qui demande un long effort, et les Viennois sont, par
86 d’art qui demande un long effort, et les Viennois sont , par nature et par attitude, des gens fatigués. — Pour moi, dit Gérar
87 lus deux, en y réfléchissant bien, mais peut-être était -ce la même sous deux attributs différents. Toutes les femmes qui m’on
88 s rien, dès qu’on aime… Oh ! cette femme ! elle n’ était qu’un regard, un certain regard, mais j’ai su retrouver la sensation
89 ourrure brune, inévitablement. Et ce qui se passa fut , hélas, non moins inévitable : la jeune femme refusa d’abord les fleu
90 nous avec un sourire d’opérette : « Les Messieurs sont vraiment gentils ! » Il n’y avait plus qu’à lui prendre chacun un bra
91 hacun un bras, une femme pour deux hommes — et ce fut bien dans cette anecdote dont Gérard attendait évidemment quelque imp
92 a seule atteinte à la coutume viennoise. L’enfant était charmante, comme elles le sont presque toutes dans cette ville, — du
93 ennoise. L’enfant était charmante, comme elles le sont presque toutes dans cette ville, — du type que Gérard et Théo nommaie
94 . Du moins, moi. Pour vous, c’est différent, vous êtes moderne, vous vous contentez peut-être de cette pêche miraculeuse — c
95 que j’ai vécu d’illusions, avouez que les miennes étaient de meilleure qualité : car c’est une pauvre illusion que le plaisir q
96 plaisir qu’on vient chercher ici avec le premier être venu. — Certes, poursuivit-il, je comprends que l’Europe est en décad
97  Certes, poursuivit-il, je comprends que l’Europe est en décadence quand je la regarde s’amuser. Je vois se perdre ce sens
98 ure exacte de leur générosité. Vos boîtes de nuit sont des sortes de distributeurs automatiques de plaisir. Autant dire que
99 Ils prennent au hasard des liqueurs qui n’ont pas été préparées pour leur soif. Ils ne savent plus les signes ni les ressem
100 , ou luisants de concupiscences élémentaires : Ce sont vos contemporains livrés à la démocratie des plaisirs dans une foire
101 comme c’est odieux qu’une créature aussi parfaite soit touchée par les mains outrageusement baguées de ces courtiers alourdi
102 igieux de la beauté. Mais je crois que l’Occident est devenu fou. Il ne comprend plus rien. » Des bugles agonisaient, aux d
103 einte aux lois du genre le plus conventionnel qui soit . Gérard la regarda avec une certaine pitié : « Chère enfant, dit-il d
104 oir délivré le homard qui, laissé au vestiaire, y était l’objet de vexations diverses et de curiosités grossières de la part
105 malicieux. Mais l’ombre de cette ville illusoire est la plus douce à mes vagabondages sans but. Vous savez, je lance mes f
106 temps, très longtemps… Et pas de Lune ce soir, il serait dangereux de s’endormir. » Se penchant vers moi il prononça : « La nu
107 r. » Se penchant vers moi il prononça : « La nuit sera noire et blanche. » Je ressentis quelque émotion à l’ouïe de cette ph
108 s parlèrent, bientôt dissous dans le vent. Tout n’ était que reflet, passages, allusions. Plus tard, dans un petit bar laqué
109 ée ; un piano dissimulé joue très doucement. Nous sommes assis autour d’une petite table lumineuse, verdâtre, et Gérard, pench
110 y découvre. Il y a les ailes du Moulin-Rouge, qui sont les bras de Clarissa dans sa danse, et Clarissa c’est aussi l’Anglais
111 utôt, par on ne sait quelle erreur d’images, — ce serait la gravité énigmatique d’Adrienne ; mais dans le lointain, Aurélia lu
112 minute toutes les incarnations d’un amour dont l’ être éternel peu à peu transparaît au travers de ses manifestations. Gérar
113 e visage terrestre des choses dont l’autre moitié sera toujours cachée, ainsi la Lune et sa moitié d’ombre. Et parce que tou
114 lque chose d’éternel. Tous les drames du monde ne sont que des décors mouvants dans la lueur bariolée des sentiments, ils ne
115 nts dans la lueur bariolée des sentiments, ils ne sont que reflets, épisodes, symboles : le vrai drame de son destin est ail
116 épisodes, symboles : le vrai drame de son destin est ailleurs. Il se met alors à m’expliquer des signes, des généalogies é
117 de moi. Il me raconte de ces superstitions qui ne sont enfantines que pour nos savants retombés en pleine barbarie spirituel
118 urriez écrire une Vie simultanée de Gérard : elle tiendrait toute en une heure, en un lieu, en une vision. »   Nous sortîmes. Seu
119 le homard se réveilla. Gérard m’expliqua qu’il en était ainsi chaque nuit, que l’animal devenait nerveux et que depuis quelqu
120 ne, la place s’éteignit. Mais Gérard ? Ses yeux s’ étaient fixés intensément, à la sortie des invités, sur une femme qui s’en al
121 l avait murmuré : Marie Pleyel. Quand la place se fut apaisée, je m’aperçus que j’étais seul. Une dernière auto, extraordin
122 Quand la place se fut apaisée, je m’aperçus que j’ étais seul. Une dernière auto, extraordinairement silencieuse, absolument s
123 de la femme aux bandeaux noirs. Mais les rideaux étaient baissés. Déjà on criait les journaux du matin, des triporteurs pas
3 1932, Le Paysan du Danube. Première partie. Le Paysan du Danube — Une « tasse de thé » au Palais C…
124 ère rose où nagent des phoques à ventre blanc qui sont des ministres, des sirènes en lamé qui sont presque des dames, et aus
125 c qui sont des ministres, des sirènes en lamé qui sont presque des dames, et aussi de vrais messieurs et de vraies dames : i
126  ? Ils improvisent tous un rôle, mais le ton seul est convenu ; et l’on en reste indéfiniment à la présentation des acteurs
127 lle tenue. Ici l’on sait encore qu’un Américain n’ est qu’un nouveau riche ; ailleurs on les imite. Il est vrai que voici en
128 t qu’un nouveau riche ; ailleurs on les imite. Il est vrai que voici enfin des Autrichiens pur sang ; moi qui prétendais l’
129 oblesse germanique fait encore des enfants et ils sont grands5 beaux et nombreux, racés et fades. Cette société n’a peut-êtr
130 l’individu. Ici, plus qu’ailleurs, l’originalité est signe de sang mêlé. Ici comme ailleurs, il faut être conforme, au moi
131 t signe de sang mêlé. Ici comme ailleurs, il faut être conforme, au moins en apparence. Mais ce n’est pas à une routine que
132 t être conforme, au moins en apparence. Mais ce n’ est pas à une routine que l’on sacrifie, à une morale, à je ne sais quel
133 personne n’a l’idée d’y croire. Le pire mensonge est dans la vie réputée pratique, parce qu’il n’y est pas avoué. — Ce que
134 est dans la vie réputée pratique, parce qu’il n’y est pas avoué. — Ce que je me dis là, c’est un truisme. Truisme a l’air d
135 je me dis là, c’est un truisme. Truisme a l’air d’ être le nom d’une de ces sirènes un peu volumineuses qui déambulent en sou
136 quelqu’un qui ressemble à Richard Strauss, et qui est Richard Strauss. Il touche quelques accords, l’acteur Moissi tourne l
137 lit des vers sur le vent de printemps : la poésie est dans toutes les anthologies, l’habit classique, l’accent profond et n
138 s. Comme tout ce qui n’a pas de raison, voilà qui est plein de significations troublantes. Cela donne à penser, prête à rir
139 nte ans, qu’il résout par l’acte d’écrire… Moi je suis dans les buis, près des basses du petit orchestre, avec des écharpes
140 nt. (Vu de près, le sourire éperdu des ballerines est émouvant, masque plus vrai que leurs visages.) On éteint. Et c’est al
141 es baronnes ont froid, veulent rentrer, car elles sont sages. Dans les salons désertés du rez-de-chaussée, elles me désignen
142 ressembler vraiment à son image. Je m’éloigne, je suis seul, comme ceux qui se souviennent. Tout est lumière dans cet espace
143 je suis seul, comme ceux qui se souviennent. Tout est lumière dans cet espace, jeu silencieux de lustres, de glaces et d’ac
144 ans la fête invisible qui m’environne, ah ! que n’ êtes -vous celles des désirs de l’amour ! La traîne d’une robe tournoie, éc
145 ondes, et ceux qu’elle baigne d’une grâce furtive sont pris du désir d’adorer. Du sein de tant de contraintes polies et dans
146 lever vers moi un regard d’ardente confiance qui était tout ce qu’on ne pouvait dire, — qui était, dans un suprême délice de
147 ce qui était tout ce qu’on ne pouvait dire, — qui était , dans un suprême délice de libération, une prière pour que l’amour so
148 délice de libération, une prière pour que l’amour soit bien-aimé… Oh ! qu’il y ait eu cette joie par un regard de jeune fill
149 e par un regard de jeune fille ! Tout peut encore être sauvé… Un accord brusque de rumeurs à travers une porte qui s’ouvre r
150 resses déchirantes, — mais ici l’on aime que tout soit exprimé en symboles gantés de blanc. Nous sommes fous, mais il y a la
151 ut soit exprimé en symboles gantés de blanc. Nous sommes fous, mais il y a la manière. J’ai l’ennui de mon ami Gérard de Nerva
152 une menthe à son souvenir. Si je buvais assez il serait là. En attendant, les autres s’en vont ou disparaissent on ne sait co
153 on ne sait comment. Presque tous les truismes se sont évanouis ; restent les paradoxes : peut-être vont-ils se mettre à rêv
154 avec un reproche… Moi aussi, j’ai perdu pied. Ils sont toujours plus ivres. Rosette Anday levant sa coupe de champagne rit e
155 mpagne rit et déchaîne des opéras. — « Comme elle est laide, mais une voix à faire mal de bonheur, mais laide !… ah ! magni
156 ux qui ramènent Iseut dans le silence d’un midi d’ été nordique, à l’heure de mourir dans une légèreté éperdue… Mais une mai
157 bord du sommeil saisie me ramène aux regards. Que sont tous ces gestes rythmés ? Anday chante. Ils me voient dans la nudité
158 nudité du rêve, oh ! je les hais de me voir ! Je tiens la main d’une femme qui tremble… Comtesse Adélaïde en soie d’aurore,
159 urne se refusent… Quelle tendresse, auprès de cet être secret, inaccessible et pourtant complice d’une angoisse plus bouleve
160 lence immobile de son âme… Mais les jeunes filles sont parfois trop émouvantes pour qu’on ose les embrasser. — Je tenais sa
161 rop émouvantes pour qu’on ose les embrasser. — Je tenais sa main, — ho ! qui l’a retirée des miennes ? … Sans se retourner, av
4 1932, Le Paysan du Danube. Première partie. Le Paysan du Danube — Voyage en Hongrie
162 dormeur au fil de l’eau Où s’asseoir ? Le pont est encombré de jambes de dormeuses ; il faudrait réveiller tant de beaut
163 me demandent où je n’ai pas dormi. Le seul refuge est à l’avant, parmi des cordages, des chaînes, sur un banc humide, — jus
164 fin contre soi l’eau de ce beau Danube jaune qui est le plus inodore des fleuves. Dormir. Sans avoir pu retrouver cette mé
165 s adressée en cette vie : « Bonsoir, Monsieur, je suis fatigué, je vais au lit… » C’était au vestiaire, il enfilait une manc
166 pardessus, me donnait l’autre à serrer, la main n’ étant pas encore sortie… Dormir au fil de l’eau, entre l’étrange nuit du ba
167 es, qu’on appelle, je crois bien, jeunesse… Je me suis endormi dans une grande maison calme aux voûtes sombres, qui est un C
168 s une grande maison calme aux voûtes sombres, qui est un Collège célèbre. ii La Recherche de l’objet inconnu Personn
169 roise en ce premier réveil — délivré. Chez moi je suis la proie de l’angoisse du courrier. J’attends la lettre, j’attends je
170 emps cette angoisse. J’irai chercher moi-même, me suis -je dit, je ferai toutes les avances, les plus exténuantes, et qui sai
171 ion terrible, tout de suite : « Mais qui, mais qu’ êtes -vous venu chercher jusque chez nous ? » (En Hongrie, à 30 heures d’ex
172 ssè-je les inventer… Ah ! l’embarras de voyager n’ est rien auprès de celui d’expliquer pourquoi l’on est parti. Cependant,
173  Peter Schlemihl, et vous, A. O. Barnabooth, vous êtes , m’écrié-je, mes frères ! Nous traînons tous notre sabot, qui, loin d
174 eignirent sur les traits de mes auditeurs. — Vous êtes , me dit-on, un amateur de troubles distingués. Peu de sens du réel. M
175 nous avons repassé un grand pont vibrant et nous sommes rentrés en Europe. Mais le lendemain, m’échappant d’un programme admi
176 nt ne pas voir qu’un lieu qui porte un nom pareil est par là même extraordinaire. Celui qui ne croit pas à la vertu des nom
177 noms reste prisonnier de ses sens ; mais celui-là est véritablement voyageur qui n’a pas renoncé à convaincre le réel de my
178 sychologues appellent une conduite magique. Or il est délicieux de réaliser une idée fixe injustifiable : c’est le plaisir
179 surchauffée entre des murs assez hauts dont l’un est peut-être la façade d’une chapelle ; mais la porte est fermée. Par un
180 eut-être la façade d’une chapelle ; mais la porte est fermée. Par une ouverture étroite on passe ensuite à une seconde terr
181 ctères turcs brodés en or. L’histoire de Gül Baba est racontée sur un papier jauni encadré et fixé au mur. Gül Baba est le
182 un papier jauni encadré et fixé au mur. Gül Baba est le dernier héros musulman qui ait fait parler de lui en Hongrie. Il s
183 as levés, dirige la circulation de Pest. Gül Baba est moins théâtral). D’ailleurs le tombeau est vide. Et les babouches ? P
184 l Baba est moins théâtral). D’ailleurs le tombeau est vide. Et les babouches ? Pas de babouches. Je sais bien que ce n’est
185 bouches ? Pas de babouches. Je sais bien que ce n’ est pas l’heure de visiter : le Père des roses est peut-être allé se prom
186 n’est pas l’heure de visiter : le Père des roses est peut-être allé se promener. Dehors, les roses Crimson sentent le souf
187 . Trente degrés à l’ombre. Ce sanctuaire indigent est plutôt inexplicable que mystérieux. Aussi, la confusion des noms ne c
188 s le quotidien. Car, en somme, le Prophète Chauve est devenu le jardinier du Rozsadomb… Mais qu’eussè-je pu contempler de p
189 u’en tout autre, un non-conformisme intransigeant serait la seule conduite féconde. Il me semble que la servitude de l’homme m
190 ose une livrée. — « Je comprends, me dit-on. Vous êtes pour la fantaisie, c’est bien joli ! » — Non, Monsieur, ce n’est pas
191 taisie, c’est bien joli ! » — Non, Monsieur, ce n’ est pas joli, ce n’est pas fantaisie. Je parle simplement de vérité et de
192 joli ! » — Non, Monsieur, ce n’est pas joli, ce n’ est pas fantaisie. Je parle simplement de vérité et de mensonge, opposant
193 une simple question de sentiment… C’est que vous êtes déjà bien malade. Il perd le sentiment, disait-on, du temps que l’on
194 emps à perdre ! » s’écrie le lecteur, et comme il est , lui, de l’autre école, il referme ces pages et vaque à ses devoirs.
195 er une crise, bref, sans le payer cher. Tout cela est langage de bourse. Pour moi, je poursuivrai mon discours en faveur de
196 former de cette irrécusable vérité : les affaires sont les affaires, axiome qui constitue à leurs yeux ma condamnation et ce
197 à ces moutons. v Café amer En Hongrie l’on est assailli par le pittoresque, mais il s’agit de le déjouer au moyen de
198 — elle n’a rien d’étrange, si l’on songe que nous sommes en Hongrie. Et ce n’est pas que je trouve ce raisonnement fin, encore
199 si l’on songe que nous sommes en Hongrie. Et ce n’ est pas que je trouve ce raisonnement fin, encore que juste, mais si je m
200 juste, mais si je me défends du pittoresque, ce n’ est qu’amour jaloux du merveilleux, avec quoi l’on est trop souvent tenté
201 st qu’amour jaloux du merveilleux, avec quoi l’on est trop souvent tenté de confondre l’excès de bizarrerie. C’est le faux
202 faux merveilleux qui a discrédité le vrai, lequel est quotidien, circonspect, souvent microscopique, moralement microscopiq
203 oscopique. (Il a tellement l’air de rien que nous sommes presque excusables de ne le point apercevoir.) Je vais cependant dire
204 r un long corridor hanté d’ombres drapées, qui ne sont pas des nonnes, bien que les voûtes soient celles d’un ancien couvent
205 , qui ne sont pas des nonnes, bien que les voûtes soient celles d’un ancien couvent. Nous pénétrons dans une grande salle vive
206 ne banquette longe trois des parois, la quatrième est occupée en partie par le comptoir (un écriteau porte simplement ce ta
207 eux ou trois tables avec des verres et bouteilles sont placées au hasard dans l’espace vide où tourne la fumée des cigares.
208 tte fumée, les yeux à terre, dans l’attente. Nous sommes assis autour d’une table et nous voyons, au milieu de la salle, un ar
209 rès coup des transitions, et c’est alors que l’on est tenté de mentir, si fort tenté que l’on cède à coup sûr, en se persua
210 adant que c’est pour des raisons « techniques ». ( Est -ce que cela ne devrait pas, au contraire, aggraver le cas ?) Or l’int
211 vrai cadeau. Si le conteur ment — pendant qu’il y est , il ferait mieux de choisir un autre pays que la Hongrie archi-connue
212 e, et seulement à condition de lui ressembler, ne fût -ce que de loin, — c’est alors ce qu’on appelait un paradoxe, du temps
213 s sentimentales plus que documentaires, peut-être serait -il bon que je parsème ce texte de quelques noms impossibles et de bea
214 lecteur superficiel aurait-il l’impression que je suis zur Sache, que je parle de mon sujet, — étant admis que mon sujet soi
215 e je suis zur Sache, que je parle de mon sujet, —  étant admis que mon sujet soit la Hongrie, ce qui me paraît infiniment baro
216 e parle de mon sujet, — étant admis que mon sujet soit la Hongrie, ce qui me paraît infiniment baroque, à peine compréhensib
217 mpréhensible, car on ne choisit pas un sujet : on est sujet. Et tout ceci n’est rien que le voyage du Sujet à la recherche
218 oisit pas un sujet : on est sujet. Et tout ceci n’ est rien que le voyage du Sujet à la recherche de son Objet, — en passant
219 uisqu’enfin nous y voici… (Le tombeau de Gül Baba est symboliquement vide. Quant à l’arbre de Noël, il ne devait à nulle pe
220 je m’en vais oublier le But de mon voyage, — qui est sa cause. Je vais feindre de prendre au sérieux ce que je vois. Ruse
221 gnats en taxis La place Saint-Georges, à Bude, est une place vraiment royale. Vide, elle prend toute sa hauteur. Silenci
222 saint Étienne. Auprès du porche du Palais, ils n’ étaient guère qu’une centaine de curieux, et quelques gardes. Traversant dans
223 voisin qui a la tête de François-Joseph, dont il fut peut-être valet, nomme à leur passage les Karolyi, les Festetics, les
224 et fils, revêtus des couleurs familiales. Ils se tiennent très droits, appuyés sur leurs sabres d’or recourbés dont les poignée
225 , ses intérêts. Mais, en Hongrie, le nationalisme est une passion toute nue, qui exprime l’être profond de la race. On ne d
226 onalisme est une passion toute nue, qui exprime l’ être profond de la race. On ne discute pas cet amour, on ne réfute pas cet
227 , on ne réfute pas cette haine. Ici, la sympathie est un devoir de politesse. Comment la mesurer sans mauvaise grâce à qui
228 lé les deux tiers de notre patrie ? » — Ah ! ce n’ est pas vous, maintenant, qui allez demander raison à vos hôtes de la faç
229 eurs ; que si les populations des régions perdues étaient parfois en majorité roumaines ou slovaques, la minorité hongroise y c
230 é hongroise y comptait cependant pour plus ; elle était seule active et créatrice. Le reste : des porteurs d’eau… Dans l’inex
231 i emporte la sympathie : car l’orgueil hongrois n’ est point de ce que l’on gagne sur autrui, mais de ce que l’on est ; non
232 ce que l’on gagne sur autrui, mais de ce que l’on est  ; non point d’un parvenu, mais d’un aristocrate. Tous dangers égaux d
233 les Hongrois n’ont pas perdu le sentiment qu’ils sont en scandale au monde moderne. Voilà ce qu’on ne dit pas dans les dépê
234 s de plus, passent à côté de l’essentiel8. Rien n’ est grave, que le sentiment, — en politique comme ailleurs. Songez à ce q
235 ples ressemble à celle des individus, pour ce qui est du moins, de mentir à soi-même. Mais les Hongrois ne renient pas leur
236 imaginations absurdes et de souffrances vraies, n’ est -ce point le climat de la passion ? — C’est celui de la Hongrie9.
237 te chimérique, mais qu’on peut croire bien près d’ être comblé dans ce pays où les courtiers ne donnent pas encore le ton. L
238 nt pas encore le ton. La littérature hongroise n’ est guère connue à l’étranger que par quelques pièces légères de Molnar,
239 hongrois » dans un style académique qui me paraît être le contraire du style hongrois. Il y a aussi une extrême gauche, et s
240 auvage, social ou futuriste, et dont la « furia » serait assez hongroise… Mais l’expression la plus libre et la plus vivante d
241 nie littéraire de cette race me paraît bien avoir été donnée par le groupe important du Nyugât (l’Occident), revue fondée p
242 y et Michel Babits. Ady, le sombre et pathétique, est mort à 35 ans, mais sa ferveur anime encore ces écrivains profondémen
243 de goûts et de curiosités, et dont Michel Babits est aujourd’hui le chef de file. Des amis m’emmènent le voir à Esztergom,
244 voir à Esztergom, où il passe ses étés. Esztergom est la plus vieille capitale de la Hongrie. Attila, me dit-on, y régna. A
245 doivent vivre ceux qui « chantent ». L’après-midi est immense. Nous buvons des vins dorés et doux que nous verse Ilonka Bab
246 dorés et doux que nous verse Ilonka Babits (elle est aussi poète, et très belle), nous inscrivons nos noms au charbon sur
247 fouille la plaine à la longue-vue et rêve qu’il y est , je grimpe au cerisier sauvage, derrière la maison, un peintre tout e
248 les vignes, ah ! qu’il fait beau temps, l’horizon est aussi lointain qu’on l’imagine, tout a de belles couleurs, le poète s
249 ’orgueil errant, de conquêtes vagues… Tout ce qui est de la terre renonce à s’affirmer en détail précis, se masse dans une
250 erpente dans un de ces paysages de nulle part qui sont les plus émouvants, entre des collines basses grattées par les vents,
251 imes qu’à cette heure on sent bien que poursuivre est une sorte d’enivrant péché. — Nous aurions une maison dans ce désert
252 de tout amour pour quelque bien particulier où je serais tenté de me complaire. Oh ! je sais ! — Je ne sais plus. — Le train s
253 des beaux-arts Ils n’ont plus de noms, ils ne sont qu’une ivresse aux cent visages, lorsque j’entre dans l’atelier du pe
254 lier du peintre. Je ne tarde pas à oublier ce qui est lent ou fixe ou pas à pas. Tout s’épanouit dans un monde rythmé, fusa
255 . J’observe que les paroles autant que les gestes sont gouvernées par la seule logique d’un rythme constamment imprévu. Il s
256 etit caillou. Ici, le sens des mots et des choses est celui d’un courant musical qui domine l’ensemble et le compose selon
257 la sciure ou dans le gâtisme. On trouve que ça n’ est pas distingué, et en effet, que serait un lyrisme distingué ? Il faut
258 ouve que ça n’est pas distingué, et en effet, que serait un lyrisme distingué ? Il faut choisir entre les bonnes manières et l
259 t… Le vertige (la peur et l’amour du vertige). Qu’ est -ce qu’il y aurait de l’autre côté ? Se laisser choir dans le Gris ? R
260 e ! Mais vous, derrière ma tête, Sans Noms, ça ne sera pas encore pour cette fois. xiii Chansons hongroises Les Suiss
261 des lieder de l’Oberland : ici la mélancolie même est passionnée. Elles chantent avec le corps entier — non pas avec les br
262 un désir de perdition illimitée… Les Hongrois se sont arrêtés dans cette plaine. Mais c’est le soir au camp, perpétuel. Une
263 s, et toute la frénésie d’un grand souffle qui se serait mis à tourbillonner sur place. xiv L’amour en Hongrie (généralité
264 t les saucisses ou les catastrophes, selon qu’ils sont techniciens ou intellectuels. Les Français aiment par goût du bavarda
265 nscience. À Vienne on voit des couples qui savent être à la fois cocasses et fades. En Italie… Mais l’amour hongrois t’empor
266 Symphonie-Dichtung borodinesque, mais l’erreur n’ est imputable qu’à mon instabilité rythmique. (Trop souvent ce que je voi
267 traverse ce que j’entends.) La plaine hongroise n’ est pas monotone, parce qu’elle est d’un seul tenant. Rien qui fasse répé
268 laine hongroise n’est pas monotone, parce qu’elle est d’un seul tenant. Rien qui fasse répétition. C’est ici le premier pay
269 ande grouillante de questions sociales. La Puszta est une terre vierge, je veux dire que la bourgeoisie ne s’y est pas enco
270 re vierge, je veux dire que la bourgeoisie ne s’y est pas encore répandue. Il y a peu de bourgeois en Hongrie. Il y a de pe
271 moyens » — c’est-à-dire au-dessus du Moyen — qui est caractéristique du Hongrois. — « Comment peux-tu vivre si largement ?
272 ndre à toutes les terrasses de Debrecen. Debrecen est une sorte de grande ville indescriptible, à demi mêlée aux sables de
273 n me l’a dit, c’est vrai : cette ville historique est aussi l’autre « Rome protestante ». Mais d’avoir vu ses profondes bib
274 compris la Grande Plaine, et que par sa musique j’ étais aux marches de l’Asie. En sortant du concert, j’ai erré aux terrasses
275 els, dans le grandiose bavardage des Tziganes. Qu’ est -ce qu’ils regardent en jouant ? Qu’est-ce qu’ils écoutent au-delà de
276 iganes. Qu’est-ce qu’ils regardent en jouant ? Qu’ est -ce qu’ils écoutent au-delà de leur musique — car aussitôt donnée la p
277 vague toujours un peu plus haute que profonde ne fut l’attente, et lâche tout. C’est l’âme qui joue aux montagnes russes,
278 ous a paru beau, en faire le tour, mais voilà qui est affaire de pur caprice, tandis que s’y baigner est une règle de savoi
279 st affaire de pur caprice, tandis que s’y baigner est une règle de savoir-vivre avec la Nature. Lac doré, horizon de collin
280 hôte, on irait ensemble à Tihany — elle a l’air d’ être en Italie sur sa presqu’île — par cet instable bateau-mouche qui nagu
281 argne, et les petites gens plus de bonté… Déjà je suis repris par le malaise que m’infligent les lieux faciles. Ô tristesse
282 ne aux collines basses, d’apparence rocheuse — ce sont des restes de volcans — blanches sous la Lune et toutes lustrées de r
283 maïs, épiant la venue d’une joie inconnue. Joie d’ être n’importe où… évadé ? Mais soudain, c’est au silence que je me heu
284 e je me heurte, comme réveillé dans l’absurdité d’ être n’importe où. Une panique balaye la nuit déserte jusqu’à l’horizon. O
285 t’appelle là-bas, maintenant, maintenant, où tu n’ es pas — et tant d’amour perdu… Un train dormait devant la gare campagna
286 n train dormait devant la gare campagnarde. Je me suis étendu dans un compartiment obscur, stores baissés, à l’abri de la lu
287 i dû voir l’Objet pour la première fois — ou bien était -ce un être ? xvii Insomnie J’éteignais la lampe et la veilleus
288 Objet pour la première fois — ou bien était-ce un être  ? xvii Insomnie J’éteignais la lampe et la veilleuse me rendai
289 obstiné de cette hurlante bousculade sur place qu’ est un voyage en express. Mais je ne trouvais pas la pente de mon esprit,
290 e composais un traité des voyages : les titres en étaient de Sénèque ou de Swift, et je voyais très bien ce qu’en eussent tiré
291 t de suite à la débauche. Notre liberté de penser est absurde au regard des contraintes que subissent nos gestes. Imaginer
292 isie s’en tire avec une volte-face.) Quelle heure est -il ? La Lune se tient assez bien depuis un moment, c’est que la ligne
293 une volte-face.) Quelle heure est-il ? La Lune se tient assez bien depuis un moment, c’est que la ligne est droite. Je ne sai
294 t assez bien depuis un moment, c’est que la ligne est droite. Je ne sais plus dans quel sens je roule. J’aime ces heures dé
295 entées ; le sentiment du « non-sens » de la vie n’ est -il pas comparable à ce que les mystiques appellent leur désert, — cet
296 . « Il revient de loin » signifie : qu’il vient d’ être très malade. Si dans ta chambre, en plein jour, tu t’endors, et que,
297 hant plus en quel endroit du temps tu vis, — c’en est fait, toutes choses ont revêtu cet air inaccoutumé qui signale que tu
298 naccoutumé qui signale que tu es parti. Voyager —  serait -ce brouiller les horaires ? Le voyage est un état d’âme et non pas un
299 er — serait-ce brouiller les horaires ? Le voyage est un état d’âme et non pas une question de transport. Un vrai voyage, o
300 r pour découvrir ce sens ! — Qu’as-tu vu que tu n’ étais prêt à voir ? — Mais il fallait aller le voir ! — La vie est presque
301 voir ? — Mais il fallait aller le voir ! — La vie est presque partout la même… — Mais en voyage on la regarde mieux. — La v
302 seulement que ma vie a un but. M’approcher de mon être véritable. Seul au milieu des miens, j’oubliais ma race, j’avais l’il
303 iens, j’oubliais ma race, j’avais l’illusion de n’ être rien que… moi-même. Identique à mon centre. Ici, comparé à tant d’aut
304 écouvre localisé dans un type humain. Immobile, j’ étais presque infiniment variable, indéterminé. Et c’est le voyage qui me f
305 rmettrait de combler l’écart entre moi et Moi qui est la seule réalité absolument tragique… Une chose ? Un être ? L’Objet ?
306 seule réalité absolument tragique… Une chose ? Un être  ? L’Objet ? — Est-ce que je dors dans mes pensées ? La veilleuse fleu
307 ument tragique… Une chose ? Un être ? L’Objet ? —  Est -ce que je dors dans mes pensées ? La veilleuse fleurit soudain d’un é
308 faudrait sortir à l’air frais, mais chaque porte est obstruée par un douanier, tant qu’à la fin on me refoule dans mon com
309 qu’à la fin on me refoule dans mon compartiment. Est -ce encore un rêve ? Je comprends bien qu’il faudrait ouvrir ces valis
310 es aveux complets. J’ai le feu à la tête, mais je suis innocent : puisque enfin il n’est pas dans ma valise, ce n’est que tr
311 tête, mais je suis innocent : puisque enfin il n’ est pas dans ma valise, ce n’est que trop certain. Cependant, « rien à dé
312 : puisque enfin il n’est pas dans ma valise, ce n’ est que trop certain. Cependant, « rien à déclarer » après des semaines d
313 r sur moi que je le cherche, c’est pourquoi l’œil est implacable… Pas de clefs dans mes onze poches. Seulement ce papier ti
314 en pourquoi l’Objet n’a pas de nom. Parfois je me suis demandé s’il n’était pas une sorte de pierre philosophale. Peut-être
315 n’a pas de nom. Parfois je me suis demandé s’il n’ était pas une sorte de pierre philosophale. Peut-être ces deux mots suffira
316 désespèrent pas encore du Grand Œuvre ? Cela seul est certain : qu’il existe des signes. Peut-être faut-il d’abord les déco
317 prendre par la main. Ainsi je quitte la Hongrie. Serait -ce là tout ce qu’elle m’a donné ? Cette notion plus vive d’un univers
318 Hongrie de mes rêves, ma Hongrie intérieure ? Il est vrai que l’on connaît depuis toujours ce qu’une fois l’on aimera. Et
319 ours : au point de perfection, aimer et connaître sont un seul et même acte. Peut-être l’ai-je aimée d’un amour égoïste, com
320 t-être l’ai-je aimée d’un amour égoïste, comme un être dont on a besoin et de qui l’on chérit surtout ce dont on manque : to
321 e et dont personne ne vit. Et certes un tel amour est un amour mineur. Mais qui saura jamais la vérité sur aucun être ? Et
322 mineur. Mais qui saura jamais la vérité sur aucun être  ? Et s’il fallait attendre pour aimer ! Je me souviens de ces terrain
323 e Plaine encore rougeâtre de soleil couchant. J’y suis venu par hasard, en flânant ; je me suis sans doute perdu et pourtant
324 ant. J’y suis venu par hasard, en flânant ; je me suis sans doute perdu et pourtant je n’éprouve qu’une étrange sécurité. Pr
325 dresse, quelque similitude… Oh ! si peu ! Mais qu’ est -ce que ce voyage, si tu songes à tous les espaces à parcourir encore
326 But dont tu ne sais rien d’autre que sa fuite : n’ est -il pas cet objet qui n’ait rien de commun avec ce que tu sais de toi-
327 sais de toi-même en cette vie ? Mais le voir, ce serait mourir dans la totalité du monde, effacer ta dernière différence, — c
328 dernière différence, — car on ne voit que ce qui est de soi-même, et conscient. Et c’est à cause d’un pari peut-être fou,
329 tu n’as vu l’enjeu qu’un seul instant — nos rêves sont instantanés — que tu es parti ; et maintenant tu joues ce rôle, tu t’
330 — lit-on dans les upanishads. — Or si un homme n’ est pas satisfait dans la lune, celle-ci le libère (le laisse aller chez
331 le laisse aller chez Brahma) ; mais si un homme y est satisfait, la Lune le renvoie sur terre en forme de pluie. » Si je tr
332 uire. (Aussitôt je commence à comprendre ce qu’il est  : cela qui me rendrait acceptable ce monde.) Malheur à celui qui ne c
333 (1929 et 1930) 7. Rappelons que notre société est fondée sur la peur du risque. Je vis plutôt mal. 8. Il faut ajouter
334 se qu’ils ne peuvent pas déjouer, car le Hongrois est ingénument rusé, à la façon des passionnés, non point à celle des arr
335 eul clerc qui n’ait pas trahi — qui me paraissent être la grandeur de la Hongrie, on m’expliquera que je suis pour la guerre
336 la grandeur de la Hongrie, on m’expliquera que je suis pour la guerre, puisque enfin cet état d’esprit que j’admire est, ent
337 rre, puisque enfin cet état d’esprit que j’admire est , entre autres, belliqueux. Or je suis pacifiste. Comment ne pas l’êtr
338 que j’admire est, entre autres, belliqueux. Or je suis pacifiste. Comment ne pas l’être ! Mais je crois que les pacifistes q
339 elliqueux. Or je suis pacifiste. Comment ne pas l’ être  ! Mais je crois que les pacifistes qui veulent assurer la paix par la
340 nt assurer la paix par la mutilation des passions sont disciples d’Origène. Il doit y avoir d’autres solutions… 10. Toute l
341 té des érudits. 12. La fameuse marche de Rakoczy est l’œuvre d’une Tzigane. 13. L’or n’était qu’un prétexte. Encore une b
342 de Rakoczy est l’œuvre d’une Tzigane. 13. L’or n’ était qu’un prétexte. Encore une blague de passeport.
5 1932, Le Paysan du Danube. Deuxième partie. La lenteur des choses — La tour de Hölderlin
343 attirer là-dessus l’attention du médecin, mais il est plus difficile de se faire comprendre par un sot que par un fou. » L’
344 u’aujourd’hui le hasard qui m’amène à Tubingue ne soit pas seulement un hasard… Hier, c’était la Pentecôte. La fête de la pl
345 s ce siècle, où tant de voix l’appellent, combien sont dignes de s’attendre au don du langage sacré ? Cette langue de feu qu
346 don du langage sacré ? Cette langue de feu qui s’ est posée sur Hölderlin et qui l’a consumé… Digne ? — Un adolescent au vi
347 e Grand Jeu. Dix années où le génie tourmente cet être faible, humilié par le monde. L’amour s’éloigne le premier, quand Höl
348 t à peine sensible dans son œuvre. Car ce poète n’ est peut-être que le lieu de sa poésie, — d’une poésie, l’on dirait, qui
349 loin d’elle (dans la région de Bordeaux croit-on) est frappé d’insolation ; sa folie d’un coup l’envahit. C’est une sorte d
350 sson ardent quitté par le feu se dessèche. Ce qui fut Hölderlin signe maintenant Scardanelli des quatrains qu’il donne aux
351 le. — C’était l’époque des amateurs de ruines. Je suis descendu au bord de l’eau, un peu au-dessous de la maison, en attenda
352 e penchent vers l’eau lente. Sur l’autre rive qui est celle d’une longue île, des étudiants au crâne rasé se promènent un r
353 uts et sombres, qui paraîtraient immenses s’ils n’ étaient à demi encombrés d’armoires. Un couloir, la chambre. L’homme qui me c
354 s. Un couloir, la chambre. L’homme qui me conduit est le propriétaire actuel. « Monsieur connaît Hölderlin ? questionne-t-i
355 nt — bon, bon, parce qu’il y en a qui viennent, n’ est -ce pas, ils ne savent pas trop qui c’était… Alors vous devez connaîtr
356 son banc et ses lilas fleuris qui trempent. Tout est familier, paisible au soleil. Il passait des heures devant cette fenê
357 longtemps qu’elles ont fui. Avril et mai et juin sont lointains, Je ne suis plus rien, je n’aime plus vivre. Il y avait en
358 t fui. Avril et mai et juin sont lointains, Je ne suis plus rien, je n’aime plus vivre. Il y avait encore plus de paix que
359 es, de l’autre côté de l’eau jaune et verte… Quel est donc ce sommeil « dans la nuit de la vie » — et cet aveu mystérieux :
360 e lieu soudain m’angoisse. Mais le gardien : il y est comme chez lui. — Dormez-vous dans ce lit ? — Oh ! répond-il, je pour
361 s les marronniers. À quatre heures, l’orchestre s’ est mis à jouer des ringues charmantes, jazz et clarinette, chansons de m
362 ie normale. Il y a pourtant cette petite chambre… Est -ce que tout cela existe dans le même monde ? (Il est bon de poser par
363 -ce que tout cela existe dans le même monde ? (Il est bon de poser parfois de ces grandes questions naïves.) Lui aussi a vé
364 rts, qui se promènent tout seuls… Et puis, il lui est arrivé quelque chose de terrible, où il a perdu son âme. Et puis il n
365 de terrible, où il a perdu son âme. Et puis il n’ est revenu qu’un vieux corps radotant. — Qu’en pensez-vous, bonnes gens ?
366 éféré faire tout de suite la bête : comme cela on est mieux pour donner le coup de pied de l’âne… Écoutons plutôt Bettina —
367 ied de l’âne… Écoutons plutôt Bettina — la vérité est plus humaine, est plus divine, quand c’est une telle femme qui la con
368 tons plutôt Bettina — la vérité est plus humaine, est plus divine, quand c’est une telle femme qui la confesse : « Celui qu
369 siquettes et ces parfums de fleurs et d’eau… elle est tellement d’ailleurs… Faut-il donc que l’un des deux soit absurde, de
370 lement d’ailleurs… Faut-il donc que l’un des deux soit absurde, de ces mondes à mes yeux soudain simultanés ?…   Le tragique
371  ?…   Le tragique de la facilité, c’est qu’elle n’ est qu’un oubli. Et pourtant, comme elle paraît ici bien établie, triomph
372 ces eaux, ces âmes indulgentes à leur banalité ? Est -ce qu’ils ne soupçonnent jamais rien ? Ou bien, peut-être, seulement,
373 le temps même qu’il nous entrouvre le ciel, qu’il est bon qu’il y ait la terre… Mais que cette musique vulgaire, par quel h
374 na von Arnim-Brentano : Die Günderode. 15. Où il était précepteur. Mme Gontard est la Diotima de l’Hypérion et des poèmes.
375 nderode. 15. Où il était précepteur. Mme Gontard est la Diotima de l’Hypérion et des poèmes.
6 1932, Le Paysan du Danube. Deuxième partie. La lenteur des choses — Petit journal de Souabe
376 ongtemps côtoya une rivière, des forêts. Les rues sont vides jusqu’au cœur de la ville, où l’attend une ample demeure. Et ma
377 ttend une ample demeure. Et maintenant le chien s’ est tu ; des pas s’éloignent. Un trait de lumière sous la porte disparaît
378 moires monumentales. Dans une chambre froide il s’ est couché en grelottant. Mais à travers l’ombre il distingue les masses
379 ux édredons rebondis où l’on s’enfouit comme s’il était le sommeil même. Le bruit de la rivière et de l’écluse proche, — ce s
380 e bruit de la rivière et de l’écluse proche, — ce sera sa première habitude. 22 avril 1929 Mes fenêtres donnent sur la
381 ntir que je les regarde ? Vraiment la plus petite est jolie, très brune, avec un gros collier de verre bleu… Elle lève les
382 et séparé », ces deux mots que rythmait le train, est -ce qu’ils font encore vraiment mal ? 24 avril 1929 Les habitant
383 i domine la médiocrité du monde. Le père Reinecke est un esprit « caustique » — il aime à me le répéter en français, —et je
384 n son petit talent dans la famille. Le gros Fritz est un blond géant de 25 ans, qui rit avec bonté et se distingue dans les
385 re, et quelque bienveillance lorsqu’il a compris. Est -ce tout ? Il y a encore l’absence de la fille, élément considérable d
386 ns avoir l’air de rien sur le pont Saint-Nikolaus sont bien capons de voir à sa fenêtre la silhouette de l’Étranger. On a la
387 9 Ils ont de la peine à comprendre pourquoi je suis venu vivre dans ce bourg, chez eux justement… Comment leur confesser
388 u quelconque et paisiblement habité ? Cette ville est pour eux la moins quelconque du monde. Je prétexte des écritures — qu
389 ées où je ne l’amènerai jamais, à cette heure qui serait celle de rentrer chez nous s’asseoir auprès d’un feu… — Mais non.
390 nfonçant au hasard dans la forêt. Vers le soir, j’ étais bien perdu. La lumière montait vers la cime des arbres, aux lisières
391 à travers une nature de divagation. Les lisières sont des lieux de l’esprit où circulent des bêtes nées du rêve. Et l’Arche
392 baigné encore de cette fièvre amoureuse ; et tout est mythe de nouveau. Mythes de l’ombre et des frontières, sortis de la f
393 nstant merveilleux que je veux noter ici. Le ciel est encore plus blanc, et la prairie s’embrume. Soudain, à dix pas devant
394 au ras des herbes, se lève, saute sur place, — n’ est plus là. — J’ai poursuivi longtemps le reflet rouge de ses yeux parmi
395 hes enfouies sous les branches folles : le jardin est abandonné depuis des années, sur ses terrasses étroites, déjà brûlant
396 table de pierre et son banc en demi-cercle. L’air est encore humide dans cette grotte d’ombre. Sur le banc froid j’étale ma
397 rampants ou volants, ces formes et ces voies qui sont celles mêmes par où la pensée entre en contact avec tout le mobile et
398 ivant, de nouveau se répondent, se conviennent et soient signes l’un de l’autre. Dans le bonheur de cette matinée, la pensée s
399 des hautes branches. L’architecture, dit Goethe, est une musique glacée. Mais l’arborescence est une musique vivante, une
400 ethe, est une musique glacée. Mais l’arborescence est une musique vivante, une musique infiniment lente. Elle fraie des pis
401 nsée à la plus insistante vénération du réel. Tel serait le fondement d’une morale des idées « par-delà le logique et l’absurd
402 que et l’absurde ». Ah bien ! je connais quelques êtres entièrement en substance grise qui n’eussent pas mieux dit cela, — ma
403 ne humaine. L’autre enseigne que chacun des anges est un miroir du ciel entier. C’est parce qu’ils savent les correspondanc
404 uchons, — ce mystique avec naturel de ce qui nous est invisible. Tous deux orientent la réflexion vers le sens et vers le s
405 exion vers le sens et vers le symbole concret. N’ est -ce point ce genre de démarche que notre « culture » a le plus méprisé
406 arche que notre « culture » a le plus méprisé ? N’ est -ce point à cause de ce mépris qu’elle a perdu le secret de l’humain ?
407 en ni dans le ciel ni sur la terre. Car enfin, qu’ est -ce que l’homme ? qu’est-ce donc que ce paradoxal mélange de chair et
408 r la terre. Car enfin, qu’est-ce que l’homme ? qu’ est -ce donc que ce paradoxal mélange de chair et d’âme ? — Paracelse et S
409 ccorderaient, je le crois, pour répondre. L’homme est un point de vue central et médiateur entre les corps et les esprits.
410 irremplaçable et divine originalité16. Or, pour l’ être situé en un tel lieu — le lieu humain par excellence —, il devient au
411 le a sa correspondance dans la matière, ou bien n’ est qu’une duperie. Correspondances à vrai dire tellement invisibles et
412 peries tellement respectables pour la plupart des êtres qui peuplent ces villes, là-bas, que le nom d’homme ne saurait plus l
413 l’amour des anges et des humains, — l’amour, qui est le lieu des correspondances, qui est le degré suprême de la significa
414 l’amour, qui est le lieu des correspondances, qui est le degré suprême de la signification. (L’état de l’âme et du corps où
415 ntradiction, la mentalité du bourgeois de ce pays est puissamment réaliste. J’en trouve des marques bien curieuses dans les
416 onsidérations sur ma vie » du père Reinecke. Il y est beaucoup question de la vie éternelle, et d’expériences vécues avec l
417 e et qu’on boive ferme après ma mort, tant que je serai encore dans la maison, et qu’on ne lésine pas. Il restera toujours as
418 ipants s’en retourne avec cette conviction : « Ce fut un bel enterrement ! » Et de même, ceux qui auront pris soin de moi a
419 de moi au moment de ma mort et tôt après devront être largement dédommagés. Nul ne sait si je ne flotterai pas encore au-de
420 l’amertume à voir que mes derniers désirs même ne sont pas accomplis. Tant que je serai étendu dans la maison, je veux que l
421 rs désirs même ne sont pas accomplis. Tant que je serai étendu dans la maison, je veux que la lumière brille dans ma chambre
422 ’on n’y regarde pas à quelques kilowatts. Je veux être mis en bière dans mes habits de tous les jours, et peu importe si les
423 de mon pantalon brillent. En aucun cas je ne veux être emballé dans une serviette de papier. Je renonce aux couronnes mortua
424 lier de perles bleues. Après la partie, où l’on s’ est renvoyé autant de regards que de balles : — « Je vous ai bien vu, un
425 i bien vu, un jour à la fenêtre de mon amie, vous étiez si melancholisch ! » — « À ma fenêtre ? Je ne m’en souviens pas », di
426 us a fait fuir sous la tonnelle du vestiaire. « N’ est -ce pas, les Français sont terribles avec les filles ? » (Je pense : c
427 nnelle du vestiaire. « N’est-ce pas, les Français sont terribles avec les filles ? » (Je pense : comme elles sont tout de su
428 ibles avec les filles ? » (Je pense : comme elles sont tout de suite en fuite, de tout leur maintien, quand elles ne sont pa
429 e en fuite, de tout leur maintien, quand elles ne sont pas provocantes.) Elle baisse les yeux, rougit, respire. Elle a l’air
430 et d’une réminiscence littéraire. Ses deux sœurs sont venues la chercher, et nous sommes rentrés sous le même parapluie, ju
431 . Ses deux sœurs sont venues la chercher, et nous sommes rentrés sous le même parapluie, jusqu’à leur petite maison couverte d
432 petite maison couverte de roses Crimson. Le père est un colonel en retraite qui déteste les Franzosen. On ne me permet pas
433 ssiques français, livrés à l’Enseignement, Goethe est profondément « populaire ». Non seulement l’aubergiste d’en face cite
434 a vie bourgeoise, qui fait un peu sourire, et qui est si réconfortante. juin 1929 Paracelse et Swedenborg : Goethe m’
435 tout, ici, conspire à m’inculquer. Que Goethe ait été « initié », ne saurait laisser aucun doute, fussions-nous même privés
436 t été « initié », ne saurait laisser aucun doute, fussions -nous même privés de certains témoignages oraux ou de quelques textes
437 ur symbolisme concret, de leur incarnation, qu’il est possible de lire les Affinités « sans y rien voir », comme on dit17.
438 . — Des Werthers aux yeux secs, voilà ce que nous sommes . 14 juin 1929 Je suis assis en face du magazine que lit le père
439 , voilà ce que nous sommes. 14 juin 1929 Je suis assis en face du magazine que lit le père Reinecke. Ses grosses patte
440 nuit qu’il eût fallu vivre tout entière et qui n’ est plus bonne qu’à dormir… Alors j’ai eu ce regard étrangement oblique,
441 son magazine — pas trop doux, hein !… » Tout cela est très juste ; la vie doit être ainsi : parfaitement compréhensible et
442 hein !… » Tout cela est très juste ; la vie doit être ainsi : parfaitement compréhensible et d’une vulgarité toute naturell
443 une barbe en crin de cheval du diable. L’héroïne est belle comme une ballade de Bürger, tandis qu’elle arrose de ses larme
444 ériennes, des chansons du Grand Duché de Bade qui sont ce que je connais de plus indiciblement nostalgique. Und solltest du
445 udrait la mélodie.) La fanfare s’éloigne. La nuit est chaude sur les collines. Un grand verre de bière à l’auberge déserte,
446 r des rosiers sauvages. Laquelle des trois filles est donc la plus jolie ? Sans doute celle qui dort dans la mansarde, et q
447 e d’elle ». Son sérieux enfantin devant la vie. «  Es ist doch Schicksal, es ist alles Schicksal ! » Avec un soupir c’est i
448 enfantin devant la vie. « Es ist doch Schicksal, es ist alles Schicksal ! » Avec un soupir c’est irrésistible, et cela si
449 ve ? ou comme quelque chose de bien vrai et qui s’ est passé cette nuit ? Plusieurs choses sont douces au désir de celui qui
450 et qui s’est passé cette nuit ? Plusieurs choses sont douces au désir de celui qui marche dans une campagne nocturne. Mais
451 pagne nocturne. Mais plus douce que toutes choses est la rencontre sous un arbre noir d’une femme abandonnée dans sa triste
452 nuit vivante, rêve de nous. Plus tard, nous nous sommes regardés sans fin. (Ah ! comment dire ! Vraiment ce fut cette nuit.)
453 gardés sans fin. (Ah ! comment dire ! Vraiment ce fut cette nuit.) Un vent léger écartait une branche et la Lune éclairait
454 ucement, au sein du silence et du regard. Et nous sommes demeurés des heures au-delà de ce que l’on ignore d’un être, dans le
455 rés des heures au-delà de ce que l’on ignore d’un être , dans le domaine sans frontières où l’on connaît profondément. Par le
456 omblée. Oui, je sus que l’échange de deux regards est infini, est indéfiniment grandiose et musical. Ainsi coula cette nuit
457 je sus que l’échange de deux regards est infini, est indéfiniment grandiose et musical. Ainsi coula cette nuit sans partag
458 coula cette nuit sans partage, et nos mains ne s’ étaient point touchées, lorsque au point du jour je vis pâlir la jeune femme.
459 ’accueillis dans mes bras. Elle rêvait, ses mains étaient très douces, et lorsque mes paupières cédaient au sommeil, je croyais
460 paupières cédaient au sommeil, je croyais qu’elle était un arbre, ou bien une prairie. (Je suis rentré sans éveiller le chien
461 qu’elle était un arbre, ou bien une prairie. (Je suis rentré sans éveiller le chien. Un chaud soleil pénétrait dans la gran
462 i vous avez connu ce contentement large de tout l’ être devant un verre de vin allemand que l’on boit à petites gorgées, entr
463 ement plein de force et de dignité. Alors si l’on est quelques-uns, on se met à chanter des choses déchirantes qui peuvent
464 ensualités et de gourmandises qui s’éveillent, en sont comme sanctifiées. Mais c’est le moment d’entamer le jambon et les co
465 mmes, et peut-être aussi de leurs familiarités. J’ étais attablé ce soir-là dans l’Auberge du Cerf, au premier, les pieds cont
466 sent notre imagerie quotidienne du vaste monde. J’ étais seul et tranquille, à manger et à soupeser des idées qui venaient se
467 décor de leur « vie ». J’ai vu clairement qu’ils sont en péril d’inanition spirituelle. Ils ne dorment plus assez pour se r
468 t l’amour qu’ils essaient encore le samedi soir n’ est plus cet infini repos dans la puissance et l’être, mais seulement une
469 ’est plus cet infini repos dans la puissance et l’ être , mais seulement une usure des nerfs. Lampe vide, la mèche se consume.
470 collés au corps dans l’onde apaisée du souvenir. Sois riche d’avoir ce que tu es, comme ils sont pauvres de n’avoir que ce
471 apaisée du souvenir. Sois riche d’avoir ce que tu es , comme ils sont pauvres de n’avoir que ce qu’ils ont. 19 juillet 1
472 venir. Sois riche d’avoir ce que tu es, comme ils sont pauvres de n’avoir que ce qu’ils ont. 19 juillet 1929 Ces mois
473 t de plus en plus comme une retraite sensuelle. N’ est -ce point de cela que l’homme des villes a besoin de nos jours ? On pa
474 liché d’un autre âge, et trompeur. Car l’argent n’ est pas le plaisir et ne s’obtient pas dans le plaisir. Les affaires mode
475 agnes amies en conversant avec les pensées et les êtres nés de la marche et du bonheur de respirer. Combien j’aime ces ciels
476 ’aime ces ciels bas et traînants. Le beau temps n’ est pas toujours le bon, si l’expression veut qu’il figure le contraire d
477 tre et les posséder dans sa force. Car la lenteur est chose souveraine, — elle seule domine l’amour. Les plus grands specta
478 mine l’amour. Les plus grands spectacles naturels sont des spectacles de lenteur ou d’immobilité dans le mouvement. Et c’est
479 n juillet 1929 Vraiment la rapidité ne saurait être le fait d’un esprit incarné, mais seulement de son imagination perver
480 son imagination pervertie. Les effets de vitesse sont du domaine de la matière abandonnée à sa manie de tomber. Dès que l’e
481 assent le but. Et de la sorte, une ère de vitesse est une ère où la matière l’emporte. Provisoirement ; car il se produit c
482 e moi, mais je n’ai pas retiré ma valise et ne me suis pas serré contre la fenêtre. Elles ont senti cette sourde résistance
483 re. Elles ont senti cette sourde résistance et se sont assises plus loin en maugréant. La misère de tous ces regards me para
484 e en regardant devant moi. J’ai honte. Comme nous sommes incapables de nous libérer de barrières sociales ou de pudeurs qu’en
485 arrières sociales ou de pudeurs qu’en pensée nous tenions pour nulles. Si j’étais vraiment libre, j’aurais fait place aux deux
486 deurs qu’en pensée nous tenions pour nulles. Si j’ étais vraiment libre, j’aurais fait place aux deux ouvrières laides, sans m
487 ou bien à la jeune fille, sans fausse honte. Si j’ étais vraiment libre, je lui parlerais très doucement… La fumée des cigares
488 crache sa fumée dans des gares de banlieue qui ne sont plus fleuries. Il règne dans ce wagon un malaise âcre et oppressant ;
489 issait de ses mains, et voici onze princes qui se tiennent autour d’elle. « Elle est innocente ! » s’écrient-ils, et le peuple s
490 nze princes qui se tiennent autour d’elle. « Elle est innocente ! » s’écrient-ils, et le peuple s’agenouille comme devant u
491 ndant que l’aîné des frères racontait tout ce qui était arrivé, un parfum de millions de roses se répandit dans les airs, tan
492 etenir des larmes ? Un soudain excès de l’amour s’ est libéré dans tout mon être et s’élance vers ces vies proches. Oh ! s’i
493 udain excès de l’amour s’est libéré dans tout mon être et s’élance vers ces vies proches. Oh ! s’ils savaient, s’ils pouvaie
494 algie, c’est de revêtir un corps humain. 17. Tel fut bien, d’ailleurs, son dessein, qu’il avoue dans les entretiens (recue
7 1932, Le Paysan du Danube. Deuxième partie. La lenteur des choses — Châteaux en Prusse
495 l derrière nous décroissant, tumulte d’un matin d’ été . Maintenant une odeur fine de benzine traverse les odeurs de la forêt
496 ée fait son bruit luxueux, tout s’éclaire, nous y sommes  : cent fenêtres, sur la gauche, dans une façade de grès Louis XV. Nou
497 pé ; les hôtes dans leurs fauteuils ; la comtesse est à l’harmonium ; le comte en face d’elle lit l’Écriture. Puis on chant
498 face d’elle lit l’Écriture. Puis on chante et ce sont parfois des strophes de Novalis, des mélodies de Bach. Après le Notre
499 ci récite une courte prière, durant laquelle il n’ est plus question de bouger. La table immense est chargée des produits du
500 l n’est plus question de bouger. La table immense est chargée des produits du domaine. On boit un peu de bière, mais surtou
501 urtout du lait froid dans de grands verres : il n’ est pas de boisson plus rafraîchissante, ni qui se marie mieux avec le go
502 , dont on mange presque chaque jour. L’après-midi est consacré à l’inspection des terres. Chaque jour nous partons en break
503 Le fusil déposé sur nos genoux, par habitude, ce sera pour tirer un chat qui rôde autour de la faisanderie. Les couchers de
504 êts maigres et de pâturages, à perte de vue. Nous sommes pour trois jours, les hôtes d’une immense demeure en briques roses et
505 ffre les commodités du plus luxueux home anglais, est monstrueuse jusqu’à l’impudeur. Apparemment, l’on est ici plus à la p
506 monstrueuse jusqu’à l’impudeur. Apparemment, l’on est ici plus à la page que chez mes burgraves. Les maîtres de lieu sourie
507 moires, en français, d’un des burgraves zu D. qui fut gouverneur d’Orange, et eut pour précepteur Pierre Bayle en personne,
508 date, il n’y a plus que les Gothas. Les modernes sont fous et ridicules. Ils ont mis un sellier à la tête du Reich, et seul
509 d on leur confie des poulains à dresser — et ce n’ est pas commode de se trouver devant une bête en liberté qu’on doit saisi
510 aisir d’abord, puis seller et dompter. Ou bien ce sont des tâches précises, dans l’organisation des domaines ou des chasses 
511 l’individu demeure théorique, et son application est indéfiniment retardée, contrecarrée, découragée sournoisement. Nous c
512 ntera interminablement à table. — Cruauté franche est signe de santé.   Tacite prétend que l’élan est un animal aux jambes
513 e est signe de santé.   Tacite prétend que l’élan est un animal aux jambes dépourvues d’articulations, en sorte qu’il ne pe
514 comme des arbres qui se mettraient en marche, et sont tellement articulés qu’on craint à chaque pas que leurs membres ne se
515 nous leur connaissons, cette superstition ne leur est nullement nécessaire. Leurs plaisirs ne contredisent pas leurs travau
516 J’entends les gens de villes : « Ça ne doit pas être bien drôle à la longue ! » Avec cela que vos plaisirs vous amusent ta
517 os plaisirs vous amusent tant ! La neurasthénie n’ est -elle pas une de vos inventions ? Et toute votre littérature est occup
518 ne de vos inventions ? Et toute votre littérature est occupée à décrire vos satiétés, quand elle ne se met pas au service d
519 nts que ceux-là justement qui donnent sa raison d’ être au labeur des journées. Nous voici délivrés de la grande bourgeoisie,
520 n méprisable de gêne et de morgue. Et dire que ce sont ces gens-là — cette tourbe — qui se permettent de juger la noblesse t
521 ttent de juger la noblesse terrienne. Dire que ce sont ces bourgeois-là, bassement incapables de brutalité ou d’orgueil phys
522 ous dire, entre deux bridges, que les « terreux » sont démodés. Bien joli quand ils ne leur reprochent pas d’ignorer Proust.
523 ne défendrai pas les junkers, — dont le nom seul est une injure dans tant de bouches, une injure dans le vide, d’ailleurs,
524 urs inquiets, toujours doutant de leurs raisons d’ êtres et de leur actualité, de quêter chez autrui des confirmations, des fl
525 s telles que Dieu les a créées. Aristocratie de l’ être et de la fonction, non de la considération. Et tout le reste de l’Eur
526 en voir dans la « féodalité » de ces junkers, qui soit plus répugnant pour notre humanité que tant de systèmes prônés par le
527 s, végétales, domestiquées ou catastrophiques. Je suis scandalisé quand je vois se croiser dans la rue sans se connaître un
528 colère et de gêne guère moins ignoble. Mais je ne suis pas scandalisé quand le burgrave salue cordialement et franchement de
529 ment des paysans qui s’inclinent sans contrainte. Est -ce là dire que le « retour » à tel état soit souhaitable ? La questio
530 inte. Est-ce là dire que le « retour » à tel état soit souhaitable ? La question me paraît, au concret, dépourvue de sens. M
531 signée à laisser ce monde aux Juifs, puisque tout est perdu, mais héroïquement attachées à leur terre, à leur grandeur — ce
532 le durablement. Les landes de la Prusse-Orientale sont très irrégulièrement fertiles ; seules les grandes entreprises « tien
533 ement fertiles ; seules les grandes entreprises «  tiennent le coup » lors d’une inondation ou d’une sécheresse partielle. J’ai v
534 e morcellement des terres, le stade démocratique, est ici plus visiblement qu’ailleurs une utopie. Impossible de passer du
535 te étrangère au capital. Comme les autres ils ont été ruinés par la guerre, c’est-à-dire qu’ils n’ont plus de monnaie : cel
536 ne vainc pas souvent leurs méfiances. Certains se sont faits communistes, par goût de l’énergie peut-être. J’ai vu des membr
537 membres d’un parti national-marxiste dont le rêve est de restaurer la Prusse du grand Frédéric par les méthodes de Lénine…
538 sistent par leur pauvreté. Les magnats de Hongrie sont déjà des pachas, et l’Occident ne peut rien en attendre, qu’un corps
8 1932, Le Paysan du Danube. Deuxième partie. La lenteur des choses — Le balcon sur l’eau
539 Le balcon sur l’eau Tu es appuyée debout contre moi, et nous regardons à nos pieds l’eau vivant
540 ous regardons à nos pieds l’eau vivante. La brume est proche. Une haute muraille derrière nous ferme le monde. Tu ne trembl
541 t… Et l’air chargé d’attente. Nos têtes immobiles sont près de se toucher, nos regards s’en vont à la rencontre de ce qui es
542 r, nos regards s’en vont à la rencontre de ce qui est voilé. Retiens ton souffle, retiens ton envie de fermer les yeux cont
543 se, écoute, attends… Peut-être que déjà la parole fut dite et reçue quelque part en nous-mêmes, dans la brume où nous somme
544 quelque part en nous-mêmes, dans la brume où nous sommes perdus avec ce clapotis d’une eau étrangement vivante et qui rêve ; e
9 1932, Le Paysan du Danube. Deuxième partie. La lenteur des choses — Appendice. Les Soirées du Brambilla-Club, (1930)
545 ur Albert Béguin. Paris la nuit oublie parfois d’ être spirituelle, devient tragique ou tout simplement germanique. « L’Alle
546 et pourquoi ? Regardez : à côté de vous, si vous êtes seul, un fantôme, d’office, a pris place. On lie bien vite connaissan
547 promener seul la nuit dans une ville étrangère, n’ est -ce point la définition même de la luxure ? Quand je vais à pied, j’ou
548 tiède comme l’adolescence, un désespoir de nuit d’ été sous le tilleul où elle n’est pas venue… (C’est ici le lieu de l’avou
549 désespoir de nuit d’été sous le tilleul où elle n’ est pas venue… (C’est ici le lieu de l’avouer : je ne saurais entretenir
550 e distante avec les personnes qui ont pu dire, ne fut -ce qu’une fois en leur vie : « J’ai horreur de la sentimentalité ».)
551 loin parce que je me réjouis. La Maison des Ogres est au 53, rue de Rennes ; je ne vous le confie pas sans un secret trembl
552 tablissements place de la Concorde. Notre conteur est vêtu de la gloire d’un pourpoint « plus rouge que rouge ». On assure
553 une harpe et un piano près des étoiles, et qu’il est « pittoresque », cas déplorable, s’agissant d’un poète authentique. L
554 pittoresque. D’abord je crains que la notion n’en soit toute relative aux modes de « vie » bourgeois ; et puis, la comédie n
555 odes de « vie » bourgeois ; et puis, la comédie n’ est pas mon fort, même la triste. Je n’aime plus que les choses lentement
556 suppose, une certaine misanthropie en germe : les êtres changent trop vite, je n’ai pas le temps de me laisser envoûter ou de
557 e des choses ou de l’esprit, comprend enfin qu’il est perdu, il découvre la liberté. Le goût de se perdre est un des plus p
558 rdu, il découvre la liberté. Le goût de se perdre est un des plus profonds mystères de notre condition, et je ne crois pas
559 s les moins préméditées, c’est sans doute celui d’ être trouvé. J’ai toujours méprisé le geste de l’homme qui, le soir dans s
560 r de mon sommeil, on me vole à moi-même ! Que des êtres rêvés m’emportent ! — Ils me conduiraient là où je ne sais pas que j’
561 ù je ne sais pas que j’ai si grand désir d’aller… Est -ce ici ? Je regarde autour de moi : des murs sans yeux dominent des b
562 mière basse, rougeoyante, campagnarde. ⁂ La sauce est au rôti comme le style à la pensée. Il arrive qu’on parle, en art cul
563 . Mais qui donc, parmi nos penseurs, mériterait d’ être servi en sauce Marthaler ? Mais ne parlons pas de mangeaille : c’est
564 : c’est tout de suite écœurant et prétentieux. Je suis de ceux qui mangent sans faire d’histoires. Je remarque simplement qu
565 faire d’histoires. Je remarque simplement qu’on n’ est jamais mieux pour parler qu’en face d’une assiette pleine : l’occupat
566 llait déjà René Descartes — la portion que l’on s’ est administrée, accapare nos facultés les plus vulgaires, libérant par l
567 re. Edmond Jaloux préside à cette agape dont il m’ est impossible de nommer tous les officiants visibles ou virtuels, et cel
568 s, la plupart suffisantes. Francis de Miomandre n’ est pas là. Il a téléphoné au début de l’après-midi qu’il commençait un r
569 l apporte quelque préciosité à le parfaire ? — il est bientôt minuit20. Mon fantôme est là. Un chien, Dick, est là. Pierre
570 parfaire ? — il est bientôt minuit20. Mon fantôme est là. Un chien, Dick, est là. Pierre Girard n’est pas là, ni Othon ; ma
571 tôt minuit20. Mon fantôme est là. Un chien, Dick, est là. Pierre Girard n’est pas là, ni Othon ; mais bien quelques sirènes
572 e est là. Un chien, Dick, est là. Pierre Girard n’ est pas là, ni Othon ; mais bien quelques sirènes. Albert Béguin, André W
573 ndré Würmser, Théobaldus Bombaste et Mlle Monnier sont là. Jacques Chenevière pourrait très bien être là, puisqu’en ma voisi
574 er sont là. Jacques Chenevière pourrait très bien être là, puisqu’en ma voisine, je reconnais la Jeune fille de neige. On la
575 e d’adorables roseurs boréales. E. T. A. Hoffmann est là, sous un nom d’emprunt. Une femme fatale et un grand incompris son
576 d’emprunt. Une femme fatale et un grand incompris sont là. Enfin Jean Cassou, représentant Mgr le marquis de Carabas, absent
577 ntant Mgr le marquis de Carabas, absent de Paris, est là. Peut-être aussi Jean de Boschère, en dépit de certaines apparence
578 nfin, un Étranger raconte l’histoire suivante qui est une des plus belles du monde : Un prince italien ayant commandé à Pe
579 oque — et dont le titre explique tout ce qui peut être expliqué. 21. Club d’étudiants de la Suisse romande qui représente e