1
umée et qui se cachent dans les journaux du soir,
soit
lentement doublé par le rapide de Bretagne. Ce long passage lumineux
2
» à 100 kilomètres à l’heure. ⁂ L’Europe centrale
est
une de ces réalités qu’on reconnaît d’abord par leur frisson particul
3
lles naissent lentement dans ces campagnes qui ne
sont
nulle part la « province ». Elles condensent la vie de leur contrée,
4
r dans un express. Pour guérir de Descartes, il n’
est
que d’aimer en voyage : l’on découvre bientôt que rien n’est comparab
5
imer en voyage : l’on découvre bientôt que rien n’
est
comparable. Quel était ce besoin de fixer, de cerner, de localiser da
6
découvre bientôt que rien n’est comparable. Quel
était
ce besoin de fixer, de cerner, de localiser dans l’espace des sentime
7
dans un humour inénarrable et dans les pleurs… J’
étais
jeune. Le titanisme et la métamorphose « Métamorphose » et « pa
8
orphose « Métamorphose » et « paradoxe », tels
sont
peut-être les mots-clés de l’Europe sentimentale. Pourquoi faut-il qu
9
gue les traduise, en vertu d’une convention qu’il
serait
temps de réviser, par « démesure » et « confusion » ? Car il est trop
10
viser, par « démesure » et « confusion » ? Car il
est
trop certain que le mot démesure désigne dans l’esprit d’un bourgeois
11
apparaît aux yeux de ceux pour qui la religion n’
est
qu’assurance, comme une dérision désespérée. Malentendus sans cesse r
12
peut se traduire en arguments sanglants. Et s’il
est
des domaines où de nos jours, l’on peut réclamer à bon droit l’économ
13
les plans, celui de la guerre y compris. Mais il
est
bon de préciser, fût-ce à l’aide d’un seul exemple. L’Allemand, dit-o
14
la guerre y compris. Mais il est bon de préciser,
fût
-ce à l’aide d’un seul exemple. L’Allemand, dit-on, est brutal ; le Fr
15
e à l’aide d’un seul exemple. L’Allemand, dit-on,
est
brutal ; le Français malin. Deux traits de caractère dont les manifes
16
le domaine du sentiment et des rapports sociaux,
sont
agaçants à l’extrême pour l’autre. Agacement que l’on traduit en s’ac
17
. Mais à l’Allemand, cette sorte-là de mensonge n’
est
guère sensible : la vérité pour lui étant ce qui s’impose, il la conf
18
ensonge n’est guère sensible : la vérité pour lui
étant
ce qui s’impose, il la confond assez naturellement avec ce qu’il impo
19
e comme d’une arme normale. La brutalité du moins
est
loyale jusque dans ses excès. L’habileté, elle, masque et renie ses m
20
ous-entendu et bien entendu, qu’en soi, la vérité
est
immuable, qu’elle n’est nullement atteinte par un mensonge occasionne
21
ndu, qu’en soi, la vérité est immuable, qu’elle n’
est
nullement atteinte par un mensonge occasionnel ; que ce mensonge, en
22
rien. En d’autres termes, le mensonge français n’
est
pas mythique. Il ne crée ni ne fausse rien d’essentiel à la réalité.
23
se rien d’essentiel à la réalité. Le système D n’
est
pas un système philosophique. Ainsi se dessineraient, si nous étendio
24
« natures » fondamentalement divergentes, dont il
serait
facile de suivre les manifestations dans les domaines les plus variés
25
festations dans les domaines les plus variés de l’
être
. Qu’on ne voie pas ici quelque facile généralisation, mais bien plutô
26
nction que l’on vient d’établir ne vaut rien : il
est
même probable qu’ils forment la majorité, car peu de gens sont typiqu
27
bable qu’ils forment la majorité, car peu de gens
sont
typiques de quoi que ce soit. Il reste que certains tours de pensée n
28
ité, car peu de gens sont typiques de quoi que ce
soit
. Il reste que certains tours de pensée ne sont véritablement réalisab
29
ce soit. Il reste que certains tours de pensée ne
sont
véritablement réalisables qu’au sein d’un ensemble organique de mœurs
30
Empédocle, qu’un Zarathoustra, génies titaniques,
sont
devenus des mythes germains par excellence, — et que c’est un Françai
31
e premier, conçut, pour s’en vanter, l’idée qu’il
était
né malin. Paradoxe du sentiment Une rumeur lointaine et continu
32
te, ou nous surprend, ou bien encore au fond de l’
être
nous déchire et nous ressuscite. À la naissance du sentiment, nous tr
33
chose qui vient combler ce vide. Une angoisse qui
est
un appel, et qui crée sa réponse — en vain. Le sentiment mesure une
34
n vain. Le sentiment mesure une défaillance de l’
être
. Mais ici, deux interprétations deviennent possibles. Selon l’une, ce
35
viennent possibles. Selon l’une, cette déficience
est
inhérente à toute réalité humaine ; elle est la marque même de sa val
36
ence est inhérente à toute réalité humaine ; elle
est
la marque même de sa validité, la preuve d’humanité pourrait-on dire.
37
humanité pourrait-on dire. (On appelle inhumain l’
être
qui ne sent rien.) Selon l’autre, elle indique seulement un défaut qu
38
une politique ou par une morale. D’une part l’on
tient
la déficience pour essentielle ; de l’autre elle apparaît un accident
39
l’« impossible », — qui dans ce sens, vraiment, n’
est
pas un mot français. En ceci, le monde de l’Europe centrale est plus
40
français. En ceci, le monde de l’Europe centrale
est
plus chrétien que le monde latin — si l’on considère ses manières de
41
idère ses manières de sentir et de penser — qu’il
est
essentiellement antithétique, déchiré (« déchirant ») et fondé sur ce
42
é sur cette vision de la réalité humaine : la vie
est
manque et compensation de ce manque ; contradictions et dépassement d
43
ntradictions2. Le monde latin, en tant que latin,
étant
un monde de l’unité (en vérité de l’unification à tout prix) est un m
44
l’unité (en vérité de l’unification à tout prix)
est
un monde « sécularisé » jusque dans ses modes les plus intimes de sou
45
de la sorte, il s’imagine que réalité spirituelle
sera
plus vive, son âme plus fortement engagée dans le tragique essentiel.
46
aux, comme tous les calculs de l’âme : le péché n’
est
réel que pour celui qui veut s’en arracher. Toute délectation détruit
47
en quoi le monde latin, monde de la spontanéité,
est
à son tour plus audacieux, et pour tout dire, plus chrétien que le mo
48
le monde de l’Europe centrale. L’intelligence
est
sentimentale Le sentiment : un retard, un regret. Mais c’est aussi
49
gement abstrait, qui la tue. Le sentimentalisme n’
est
pas du tout le contraire du rationalisme (mais nous vivons sur des di
50
nous vivons sur des distinctions de manuels). Il
est
même étonnant de constater combien exactement ces deux attitudes de l
51
combien exactement ces deux attitudes de l’esprit
sont
parallèles. Toutes deux ont leur origine dans un perpétuel et anxieux
52
euse et synthétique de l’esprit hindou. Et cela n’
est
point trop théorique. Que l’on considère en effet le devenir dialecti
53
, c’est la réaction goethéenne. Goethe en ce sens
est
bien l’antiallemand, ou encore comme le disait Curtius, le premier cl
54
’acte. Il en résulte que la sensualité germanique
est
plus consciente (c’est-à-dire à la fois plus morose et plus débauchée
55
l’amour et en tire une métaphysique4. Le plaisir
est
pour lui rareté, friandise, et devient tout de suite une chose éthéré
56
découvrir. Et l’impuissance qui déjà la frappe n’
est
pas même compensée par une réelle prise de conscience. Car voici bien
57
réalité que la sensation5. Le désir et le regret
sont
plus certains que le plaisir. Seuls ils supportent dans leur sein la
58
té adore la bêtise. Mais l’intelligence véritable
est
toujours sentimentale. ⁂ Europe du sentiment, patrie de la lenteur, —
59
rice et bafouée. (Chevreuse, 1932) 1. Un seul
être
vous manque et tout est dépeuplé ! Définition même du sentimentalisme
60
se, 1932) 1. Un seul être vous manque et tout
est
dépeuplé ! Définition même du sentimentalisme subjectif qui rend impo
61
d’un poète français, non d’un Français. 2. Hegel
serait
le philosophe par excellence de l’Europe Centrale. Ce qu’il a tenté d
62
l’âme allemande. Mais il a voulu que ses moments
fussent
successifs : c’était un moyen de la résoudre. Et c’est justement cett
63
s. Autre exemple : tous les romantiques allemands
sont
nourris des théorèmes de Spinoza. 4. Je n’entends point par là que l
64
ntends point par là que la métaphysique allemande
est
fille de la timidité sexuelle : il est clair que, s’il y avait une fi
65
allemande est fille de la timidité sexuelle : il
est
clair que, s’il y avait une filiation à établir de l’une à l’autre, j
66
encore une fois, d’un même état d’âme. Le nommer
serait
nommer l’une des raisons d’être profonde du monde germanique. 5. Seu
67
’âme. Le nommer serait nommer l’une des raisons d’
être
profonde du monde germanique. 5. Seule réalité vivante prise en cons
68
sayer de se prendre encore au rêve de valse qu’on
était
venu chercher parce que cela vaudrait bien d’autres stupéfiants. Mais
69
d’une révolution. Sept heures du soir : le moment
était
venu d’arrêter le plan de la soirée, et cette promenade où il y avait
70
ine idée que j’avais d’un romantisme viennois, je
fus
conduit, par une sorte de compromis sentimental, à l’Opéra où l’on do
71
ème de la Barcarolle s’empare bientôt de tout mon
être
— ainsi d’autres deviennent patriotes au son d’une fanfare militaire,
72
des parois, noir et blanc, la ravissante héroïne
est
à son piano, c’est un duo des ténèbres et de la pureté où vibrent par
73
s forces inconnues et menaçantes. Mais la musique
est
si légère, la voix de la jeune fille si transparente : la mort même e
74
le rôde ici comme une tristesse amoureuse. Elle n’
est
plus que l’approche d’une grandeur où se perdraient nos amours terres
75
e que le pouvoir de cette musique. Voici que vous
êtes
tout près de comprendre… Mon voisin avait parlé tout haut ; personne
76
nne pourtant ne se détournait. Comment pouvais-je
être
le seul à l’avoir entendu ? — C’est, me répondit-il, que seul vous v
77
-il, que seul vous venez d’atteindre au monde des
êtres
véritables. Nous nous rencontrons. Vous me voyez parce que vous compr
78
é ; je n’eus même pas le sentiment de quoi que ce
fût
d’immatériel. D’ailleurs le trouble où m’avait jeté la première recon
79
es de l’Opéra, Gérard de Nerval et moi, sans nous
être
rien dit d’autre, comme des amis qui se connaissent depuis si longtem
80
x petites décisions de la vie quotidienne. Gérard
tenait
en laisse le fameux homard enrubanné. « Cela vexe les Viennois, me di
81
me moquer de leurs petits chiens muselés… Je n’en
suis
pas fâché. » Il y avait peu de monde dans les rues. Des jeunes gens
82
rd, malgré les apparences, cette vie sentimentale
est
une des seules réalités qui correspondent encore à l’image classique
83
acité définitive à se passionner pour quoi que ce
soit
. Cette ville, qui est toute caresses, a peur de l’étreinte… C’est d’a
84
assionner pour quoi que ce soit. Cette ville, qui
est
toute caresses, a peur de l’étreinte… C’est d’ailleurs une chose que
85
manque de caractère aussi. La fidélité véritable
est
une œuvre d’art qui demande un long effort, et les Viennois sont, par
86
d’art qui demande un long effort, et les Viennois
sont
, par nature et par attitude, des gens fatigués. — Pour moi, dit Gérar
87
lus deux, en y réfléchissant bien, mais peut-être
était
-ce la même sous deux attributs différents. Toutes les femmes qui m’on
88
s rien, dès qu’on aime… Oh ! cette femme ! elle n’
était
qu’un regard, un certain regard, mais j’ai su retrouver la sensation
89
ourrure brune, inévitablement. Et ce qui se passa
fut
, hélas, non moins inévitable : la jeune femme refusa d’abord les fleu
90
nous avec un sourire d’opérette : « Les Messieurs
sont
vraiment gentils ! » Il n’y avait plus qu’à lui prendre chacun un bra
91
hacun un bras, une femme pour deux hommes — et ce
fut
bien dans cette anecdote dont Gérard attendait évidemment quelque imp
92
a seule atteinte à la coutume viennoise. L’enfant
était
charmante, comme elles le sont presque toutes dans cette ville, — du
93
ennoise. L’enfant était charmante, comme elles le
sont
presque toutes dans cette ville, — du type que Gérard et Théo nommaie
94
. Du moins, moi. Pour vous, c’est différent, vous
êtes
moderne, vous vous contentez peut-être de cette pêche miraculeuse — c
95
que j’ai vécu d’illusions, avouez que les miennes
étaient
de meilleure qualité : car c’est une pauvre illusion que le plaisir q
96
plaisir qu’on vient chercher ici avec le premier
être
venu. — Certes, poursuivit-il, je comprends que l’Europe est en décad
97
Certes, poursuivit-il, je comprends que l’Europe
est
en décadence quand je la regarde s’amuser. Je vois se perdre ce sens
98
ure exacte de leur générosité. Vos boîtes de nuit
sont
des sortes de distributeurs automatiques de plaisir. Autant dire que
99
Ils prennent au hasard des liqueurs qui n’ont pas
été
préparées pour leur soif. Ils ne savent plus les signes ni les ressem
100
, ou luisants de concupiscences élémentaires : Ce
sont
vos contemporains livrés à la démocratie des plaisirs dans une foire
101
comme c’est odieux qu’une créature aussi parfaite
soit
touchée par les mains outrageusement baguées de ces courtiers alourdi
102
igieux de la beauté. Mais je crois que l’Occident
est
devenu fou. Il ne comprend plus rien. » Des bugles agonisaient, aux d
103
einte aux lois du genre le plus conventionnel qui
soit
. Gérard la regarda avec une certaine pitié : « Chère enfant, dit-il d
104
oir délivré le homard qui, laissé au vestiaire, y
était
l’objet de vexations diverses et de curiosités grossières de la part
105
malicieux. Mais l’ombre de cette ville illusoire
est
la plus douce à mes vagabondages sans but. Vous savez, je lance mes f
106
temps, très longtemps… Et pas de Lune ce soir, il
serait
dangereux de s’endormir. » Se penchant vers moi il prononça : « La nu
107
r. » Se penchant vers moi il prononça : « La nuit
sera
noire et blanche. » Je ressentis quelque émotion à l’ouïe de cette ph
108
s parlèrent, bientôt dissous dans le vent. Tout n’
était
que reflet, passages, allusions. Plus tard, dans un petit bar laqué
109
ée ; un piano dissimulé joue très doucement. Nous
sommes
assis autour d’une petite table lumineuse, verdâtre, et Gérard, pench
110
y découvre. Il y a les ailes du Moulin-Rouge, qui
sont
les bras de Clarissa dans sa danse, et Clarissa c’est aussi l’Anglais
111
utôt, par on ne sait quelle erreur d’images, — ce
serait
la gravité énigmatique d’Adrienne ; mais dans le lointain, Aurélia lu
112
minute toutes les incarnations d’un amour dont l’
être
éternel peu à peu transparaît au travers de ses manifestations. Gérar
113
e visage terrestre des choses dont l’autre moitié
sera
toujours cachée, ainsi la Lune et sa moitié d’ombre. Et parce que tou
114
lque chose d’éternel. Tous les drames du monde ne
sont
que des décors mouvants dans la lueur bariolée des sentiments, ils ne
115
nts dans la lueur bariolée des sentiments, ils ne
sont
que reflets, épisodes, symboles : le vrai drame de son destin est ail
116
épisodes, symboles : le vrai drame de son destin
est
ailleurs. Il se met alors à m’expliquer des signes, des généalogies é
117
de moi. Il me raconte de ces superstitions qui ne
sont
enfantines que pour nos savants retombés en pleine barbarie spirituel
118
urriez écrire une Vie simultanée de Gérard : elle
tiendrait
toute en une heure, en un lieu, en une vision. » Nous sortîmes. Seu
119
le homard se réveilla. Gérard m’expliqua qu’il en
était
ainsi chaque nuit, que l’animal devenait nerveux et que depuis quelqu
120
ne, la place s’éteignit. Mais Gérard ? Ses yeux s’
étaient
fixés intensément, à la sortie des invités, sur une femme qui s’en al
121
l avait murmuré : Marie Pleyel. Quand la place se
fut
apaisée, je m’aperçus que j’étais seul. Une dernière auto, extraordin
122
Quand la place se fut apaisée, je m’aperçus que j’
étais
seul. Une dernière auto, extraordinairement silencieuse, absolument s
123
de la femme aux bandeaux noirs. Mais les rideaux
étaient
baissés. Déjà on criait les journaux du matin, des triporteurs pas
124
ère rose où nagent des phoques à ventre blanc qui
sont
des ministres, des sirènes en lamé qui sont presque des dames, et aus
125
c qui sont des ministres, des sirènes en lamé qui
sont
presque des dames, et aussi de vrais messieurs et de vraies dames : i
126
? Ils improvisent tous un rôle, mais le ton seul
est
convenu ; et l’on en reste indéfiniment à la présentation des acteurs
127
lle tenue. Ici l’on sait encore qu’un Américain n’
est
qu’un nouveau riche ; ailleurs on les imite. Il est vrai que voici en
128
t qu’un nouveau riche ; ailleurs on les imite. Il
est
vrai que voici enfin des Autrichiens pur sang ; moi qui prétendais l’
129
oblesse germanique fait encore des enfants et ils
sont
grands5 beaux et nombreux, racés et fades. Cette société n’a peut-êtr
130
l’individu. Ici, plus qu’ailleurs, l’originalité
est
signe de sang mêlé. Ici comme ailleurs, il faut être conforme, au moi
131
t signe de sang mêlé. Ici comme ailleurs, il faut
être
conforme, au moins en apparence. Mais ce n’est pas à une routine que
132
t être conforme, au moins en apparence. Mais ce n’
est
pas à une routine que l’on sacrifie, à une morale, à je ne sais quel
133
personne n’a l’idée d’y croire. Le pire mensonge
est
dans la vie réputée pratique, parce qu’il n’y est pas avoué. — Ce que
134
est dans la vie réputée pratique, parce qu’il n’y
est
pas avoué. — Ce que je me dis là, c’est un truisme. Truisme a l’air d
135
je me dis là, c’est un truisme. Truisme a l’air d’
être
le nom d’une de ces sirènes un peu volumineuses qui déambulent en sou
136
quelqu’un qui ressemble à Richard Strauss, et qui
est
Richard Strauss. Il touche quelques accords, l’acteur Moissi tourne l
137
lit des vers sur le vent de printemps : la poésie
est
dans toutes les anthologies, l’habit classique, l’accent profond et n
138
s. Comme tout ce qui n’a pas de raison, voilà qui
est
plein de significations troublantes. Cela donne à penser, prête à rir
139
nte ans, qu’il résout par l’acte d’écrire… Moi je
suis
dans les buis, près des basses du petit orchestre, avec des écharpes
140
nt. (Vu de près, le sourire éperdu des ballerines
est
émouvant, masque plus vrai que leurs visages.) On éteint. Et c’est al
141
es baronnes ont froid, veulent rentrer, car elles
sont
sages. Dans les salons désertés du rez-de-chaussée, elles me désignen
142
ressembler vraiment à son image. Je m’éloigne, je
suis
seul, comme ceux qui se souviennent. Tout est lumière dans cet espace
143
je suis seul, comme ceux qui se souviennent. Tout
est
lumière dans cet espace, jeu silencieux de lustres, de glaces et d’ac
144
ans la fête invisible qui m’environne, ah ! que n’
êtes
-vous celles des désirs de l’amour ! La traîne d’une robe tournoie, éc
145
ondes, et ceux qu’elle baigne d’une grâce furtive
sont
pris du désir d’adorer. Du sein de tant de contraintes polies et dans
146
lever vers moi un regard d’ardente confiance qui
était
tout ce qu’on ne pouvait dire, — qui était, dans un suprême délice de
147
ce qui était tout ce qu’on ne pouvait dire, — qui
était
, dans un suprême délice de libération, une prière pour que l’amour so
148
délice de libération, une prière pour que l’amour
soit
bien-aimé… Oh ! qu’il y ait eu cette joie par un regard de jeune fill
149
e par un regard de jeune fille ! Tout peut encore
être
sauvé… Un accord brusque de rumeurs à travers une porte qui s’ouvre r
150
resses déchirantes, — mais ici l’on aime que tout
soit
exprimé en symboles gantés de blanc. Nous sommes fous, mais il y a la
151
ut soit exprimé en symboles gantés de blanc. Nous
sommes
fous, mais il y a la manière. J’ai l’ennui de mon ami Gérard de Nerva
152
une menthe à son souvenir. Si je buvais assez il
serait
là. En attendant, les autres s’en vont ou disparaissent on ne sait co
153
on ne sait comment. Presque tous les truismes se
sont
évanouis ; restent les paradoxes : peut-être vont-ils se mettre à rêv
154
avec un reproche… Moi aussi, j’ai perdu pied. Ils
sont
toujours plus ivres. Rosette Anday levant sa coupe de champagne rit e
155
mpagne rit et déchaîne des opéras. — « Comme elle
est
laide, mais une voix à faire mal de bonheur, mais laide !… ah ! magni
156
ux qui ramènent Iseut dans le silence d’un midi d’
été
nordique, à l’heure de mourir dans une légèreté éperdue… Mais une mai
157
bord du sommeil saisie me ramène aux regards. Que
sont
tous ces gestes rythmés ? Anday chante. Ils me voient dans la nudité
158
nudité du rêve, oh ! je les hais de me voir ! Je
tiens
la main d’une femme qui tremble… Comtesse Adélaïde en soie d’aurore,
159
urne se refusent… Quelle tendresse, auprès de cet
être
secret, inaccessible et pourtant complice d’une angoisse plus bouleve
160
lence immobile de son âme… Mais les jeunes filles
sont
parfois trop émouvantes pour qu’on ose les embrasser. — Je tenais sa
161
rop émouvantes pour qu’on ose les embrasser. — Je
tenais
sa main, — ho ! qui l’a retirée des miennes ? … Sans se retourner, av
162
dormeur au fil de l’eau Où s’asseoir ? Le pont
est
encombré de jambes de dormeuses ; il faudrait réveiller tant de beaut
163
me demandent où je n’ai pas dormi. Le seul refuge
est
à l’avant, parmi des cordages, des chaînes, sur un banc humide, — jus
164
fin contre soi l’eau de ce beau Danube jaune qui
est
le plus inodore des fleuves. Dormir. Sans avoir pu retrouver cette mé
165
s adressée en cette vie : « Bonsoir, Monsieur, je
suis
fatigué, je vais au lit… » C’était au vestiaire, il enfilait une manc
166
pardessus, me donnait l’autre à serrer, la main n’
étant
pas encore sortie… Dormir au fil de l’eau, entre l’étrange nuit du ba
167
es, qu’on appelle, je crois bien, jeunesse… Je me
suis
endormi dans une grande maison calme aux voûtes sombres, qui est un C
168
s une grande maison calme aux voûtes sombres, qui
est
un Collège célèbre. ii La Recherche de l’objet inconnu Personn
169
roise en ce premier réveil — délivré. Chez moi je
suis
la proie de l’angoisse du courrier. J’attends la lettre, j’attends je
170
emps cette angoisse. J’irai chercher moi-même, me
suis
-je dit, je ferai toutes les avances, les plus exténuantes, et qui sai
171
ion terrible, tout de suite : « Mais qui, mais qu’
êtes
-vous venu chercher jusque chez nous ? » (En Hongrie, à 30 heures d’ex
172
ssè-je les inventer… Ah ! l’embarras de voyager n’
est
rien auprès de celui d’expliquer pourquoi l’on est parti. Cependant,
173
Peter Schlemihl, et vous, A. O. Barnabooth, vous
êtes
, m’écrié-je, mes frères ! Nous traînons tous notre sabot, qui, loin d
174
eignirent sur les traits de mes auditeurs. — Vous
êtes
, me dit-on, un amateur de troubles distingués. Peu de sens du réel. M
175
nous avons repassé un grand pont vibrant et nous
sommes
rentrés en Europe. Mais le lendemain, m’échappant d’un programme admi
176
nt ne pas voir qu’un lieu qui porte un nom pareil
est
par là même extraordinaire. Celui qui ne croit pas à la vertu des nom
177
noms reste prisonnier de ses sens ; mais celui-là
est
véritablement voyageur qui n’a pas renoncé à convaincre le réel de my
178
sychologues appellent une conduite magique. Or il
est
délicieux de réaliser une idée fixe injustifiable : c’est le plaisir
179
surchauffée entre des murs assez hauts dont l’un
est
peut-être la façade d’une chapelle ; mais la porte est fermée. Par un
180
eut-être la façade d’une chapelle ; mais la porte
est
fermée. Par une ouverture étroite on passe ensuite à une seconde terr
181
ctères turcs brodés en or. L’histoire de Gül Baba
est
racontée sur un papier jauni encadré et fixé au mur. Gül Baba est le
182
un papier jauni encadré et fixé au mur. Gül Baba
est
le dernier héros musulman qui ait fait parler de lui en Hongrie. Il s
183
as levés, dirige la circulation de Pest. Gül Baba
est
moins théâtral). D’ailleurs le tombeau est vide. Et les babouches ? P
184
l Baba est moins théâtral). D’ailleurs le tombeau
est
vide. Et les babouches ? Pas de babouches. Je sais bien que ce n’est
185
bouches ? Pas de babouches. Je sais bien que ce n’
est
pas l’heure de visiter : le Père des roses est peut-être allé se prom
186
n’est pas l’heure de visiter : le Père des roses
est
peut-être allé se promener. Dehors, les roses Crimson sentent le souf
187
. Trente degrés à l’ombre. Ce sanctuaire indigent
est
plutôt inexplicable que mystérieux. Aussi, la confusion des noms ne c
188
s le quotidien. Car, en somme, le Prophète Chauve
est
devenu le jardinier du Rozsadomb… Mais qu’eussè-je pu contempler de p
189
u’en tout autre, un non-conformisme intransigeant
serait
la seule conduite féconde. Il me semble que la servitude de l’homme m
190
ose une livrée. — « Je comprends, me dit-on. Vous
êtes
pour la fantaisie, c’est bien joli ! » — Non, Monsieur, ce n’est pas
191
taisie, c’est bien joli ! » — Non, Monsieur, ce n’
est
pas joli, ce n’est pas fantaisie. Je parle simplement de vérité et de
192
joli ! » — Non, Monsieur, ce n’est pas joli, ce n’
est
pas fantaisie. Je parle simplement de vérité et de mensonge, opposant
193
une simple question de sentiment… C’est que vous
êtes
déjà bien malade. Il perd le sentiment, disait-on, du temps que l’on
194
emps à perdre ! » s’écrie le lecteur, et comme il
est
, lui, de l’autre école, il referme ces pages et vaque à ses devoirs.
195
er une crise, bref, sans le payer cher. Tout cela
est
langage de bourse. Pour moi, je poursuivrai mon discours en faveur de
196
former de cette irrécusable vérité : les affaires
sont
les affaires, axiome qui constitue à leurs yeux ma condamnation et ce
197
à ces moutons. v Café amer En Hongrie l’on
est
assailli par le pittoresque, mais il s’agit de le déjouer au moyen de
198
— elle n’a rien d’étrange, si l’on songe que nous
sommes
en Hongrie. Et ce n’est pas que je trouve ce raisonnement fin, encore
199
si l’on songe que nous sommes en Hongrie. Et ce n’
est
pas que je trouve ce raisonnement fin, encore que juste, mais si je m
200
juste, mais si je me défends du pittoresque, ce n’
est
qu’amour jaloux du merveilleux, avec quoi l’on est trop souvent tenté
201
st qu’amour jaloux du merveilleux, avec quoi l’on
est
trop souvent tenté de confondre l’excès de bizarrerie. C’est le faux
202
faux merveilleux qui a discrédité le vrai, lequel
est
quotidien, circonspect, souvent microscopique, moralement microscopiq
203
oscopique. (Il a tellement l’air de rien que nous
sommes
presque excusables de ne le point apercevoir.) Je vais cependant dire
204
r un long corridor hanté d’ombres drapées, qui ne
sont
pas des nonnes, bien que les voûtes soient celles d’un ancien couvent
205
, qui ne sont pas des nonnes, bien que les voûtes
soient
celles d’un ancien couvent. Nous pénétrons dans une grande salle vive
206
ne banquette longe trois des parois, la quatrième
est
occupée en partie par le comptoir (un écriteau porte simplement ce ta
207
eux ou trois tables avec des verres et bouteilles
sont
placées au hasard dans l’espace vide où tourne la fumée des cigares.
208
tte fumée, les yeux à terre, dans l’attente. Nous
sommes
assis autour d’une table et nous voyons, au milieu de la salle, un ar
209
rès coup des transitions, et c’est alors que l’on
est
tenté de mentir, si fort tenté que l’on cède à coup sûr, en se persua
210
adant que c’est pour des raisons « techniques ». (
Est
-ce que cela ne devrait pas, au contraire, aggraver le cas ?) Or l’int
211
vrai cadeau. Si le conteur ment — pendant qu’il y
est
, il ferait mieux de choisir un autre pays que la Hongrie archi-connue
212
e, et seulement à condition de lui ressembler, ne
fût
-ce que de loin, — c’est alors ce qu’on appelait un paradoxe, du temps
213
s sentimentales plus que documentaires, peut-être
serait
-il bon que je parsème ce texte de quelques noms impossibles et de bea
214
lecteur superficiel aurait-il l’impression que je
suis
zur Sache, que je parle de mon sujet, — étant admis que mon sujet soi
215
e je suis zur Sache, que je parle de mon sujet, —
étant
admis que mon sujet soit la Hongrie, ce qui me paraît infiniment baro
216
e parle de mon sujet, — étant admis que mon sujet
soit
la Hongrie, ce qui me paraît infiniment baroque, à peine compréhensib
217
mpréhensible, car on ne choisit pas un sujet : on
est
sujet. Et tout ceci n’est rien que le voyage du Sujet à la recherche
218
oisit pas un sujet : on est sujet. Et tout ceci n’
est
rien que le voyage du Sujet à la recherche de son Objet, — en passant
219
uisqu’enfin nous y voici… (Le tombeau de Gül Baba
est
symboliquement vide. Quant à l’arbre de Noël, il ne devait à nulle pe
220
je m’en vais oublier le But de mon voyage, — qui
est
sa cause. Je vais feindre de prendre au sérieux ce que je vois. Ruse
221
gnats en taxis La place Saint-Georges, à Bude,
est
une place vraiment royale. Vide, elle prend toute sa hauteur. Silenci
222
saint Étienne. Auprès du porche du Palais, ils n’
étaient
guère qu’une centaine de curieux, et quelques gardes. Traversant dans
223
voisin qui a la tête de François-Joseph, dont il
fut
peut-être valet, nomme à leur passage les Karolyi, les Festetics, les
224
et fils, revêtus des couleurs familiales. Ils se
tiennent
très droits, appuyés sur leurs sabres d’or recourbés dont les poignée
225
, ses intérêts. Mais, en Hongrie, le nationalisme
est
une passion toute nue, qui exprime l’être profond de la race. On ne d
226
onalisme est une passion toute nue, qui exprime l’
être
profond de la race. On ne discute pas cet amour, on ne réfute pas cet
227
, on ne réfute pas cette haine. Ici, la sympathie
est
un devoir de politesse. Comment la mesurer sans mauvaise grâce à qui
228
lé les deux tiers de notre patrie ? » — Ah ! ce n’
est
pas vous, maintenant, qui allez demander raison à vos hôtes de la faç
229
eurs ; que si les populations des régions perdues
étaient
parfois en majorité roumaines ou slovaques, la minorité hongroise y c
230
é hongroise y comptait cependant pour plus ; elle
était
seule active et créatrice. Le reste : des porteurs d’eau… Dans l’inex
231
i emporte la sympathie : car l’orgueil hongrois n’
est
point de ce que l’on gagne sur autrui, mais de ce que l’on est ; non
232
ce que l’on gagne sur autrui, mais de ce que l’on
est
; non point d’un parvenu, mais d’un aristocrate. Tous dangers égaux d
233
les Hongrois n’ont pas perdu le sentiment qu’ils
sont
en scandale au monde moderne. Voilà ce qu’on ne dit pas dans les dépê
234
s de plus, passent à côté de l’essentiel8. Rien n’
est
grave, que le sentiment, — en politique comme ailleurs. Songez à ce q
235
ples ressemble à celle des individus, pour ce qui
est
du moins, de mentir à soi-même. Mais les Hongrois ne renient pas leur
236
imaginations absurdes et de souffrances vraies, n’
est
-ce point le climat de la passion ? — C’est celui de la Hongrie9.
237
te chimérique, mais qu’on peut croire bien près d’
être
comblé dans ce pays où les courtiers ne donnent pas encore le ton. L
238
nt pas encore le ton. La littérature hongroise n’
est
guère connue à l’étranger que par quelques pièces légères de Molnar,
239
hongrois » dans un style académique qui me paraît
être
le contraire du style hongrois. Il y a aussi une extrême gauche, et s
240
auvage, social ou futuriste, et dont la « furia »
serait
assez hongroise… Mais l’expression la plus libre et la plus vivante d
241
nie littéraire de cette race me paraît bien avoir
été
donnée par le groupe important du Nyugât (l’Occident), revue fondée p
242
y et Michel Babits. Ady, le sombre et pathétique,
est
mort à 35 ans, mais sa ferveur anime encore ces écrivains profondémen
243
de goûts et de curiosités, et dont Michel Babits
est
aujourd’hui le chef de file. Des amis m’emmènent le voir à Esztergom,
244
voir à Esztergom, où il passe ses étés. Esztergom
est
la plus vieille capitale de la Hongrie. Attila, me dit-on, y régna. A
245
doivent vivre ceux qui « chantent ». L’après-midi
est
immense. Nous buvons des vins dorés et doux que nous verse Ilonka Bab
246
dorés et doux que nous verse Ilonka Babits (elle
est
aussi poète, et très belle), nous inscrivons nos noms au charbon sur
247
fouille la plaine à la longue-vue et rêve qu’il y
est
, je grimpe au cerisier sauvage, derrière la maison, un peintre tout e
248
les vignes, ah ! qu’il fait beau temps, l’horizon
est
aussi lointain qu’on l’imagine, tout a de belles couleurs, le poète s
249
’orgueil errant, de conquêtes vagues… Tout ce qui
est
de la terre renonce à s’affirmer en détail précis, se masse dans une
250
erpente dans un de ces paysages de nulle part qui
sont
les plus émouvants, entre des collines basses grattées par les vents,
251
imes qu’à cette heure on sent bien que poursuivre
est
une sorte d’enivrant péché. — Nous aurions une maison dans ce désert
252
de tout amour pour quelque bien particulier où je
serais
tenté de me complaire. Oh ! je sais ! — Je ne sais plus. — Le train s
253
des beaux-arts Ils n’ont plus de noms, ils ne
sont
qu’une ivresse aux cent visages, lorsque j’entre dans l’atelier du pe
254
lier du peintre. Je ne tarde pas à oublier ce qui
est
lent ou fixe ou pas à pas. Tout s’épanouit dans un monde rythmé, fusa
255
. J’observe que les paroles autant que les gestes
sont
gouvernées par la seule logique d’un rythme constamment imprévu. Il s
256
etit caillou. Ici, le sens des mots et des choses
est
celui d’un courant musical qui domine l’ensemble et le compose selon
257
la sciure ou dans le gâtisme. On trouve que ça n’
est
pas distingué, et en effet, que serait un lyrisme distingué ? Il faut
258
ouve que ça n’est pas distingué, et en effet, que
serait
un lyrisme distingué ? Il faut choisir entre les bonnes manières et l
259
t… Le vertige (la peur et l’amour du vertige). Qu’
est
-ce qu’il y aurait de l’autre côté ? Se laisser choir dans le Gris ? R
260
e ! Mais vous, derrière ma tête, Sans Noms, ça ne
sera
pas encore pour cette fois. xiii Chansons hongroises Les Suiss
261
des lieder de l’Oberland : ici la mélancolie même
est
passionnée. Elles chantent avec le corps entier — non pas avec les br
262
un désir de perdition illimitée… Les Hongrois se
sont
arrêtés dans cette plaine. Mais c’est le soir au camp, perpétuel. Une
263
s, et toute la frénésie d’un grand souffle qui se
serait
mis à tourbillonner sur place. xiv L’amour en Hongrie (généralité
264
t les saucisses ou les catastrophes, selon qu’ils
sont
techniciens ou intellectuels. Les Français aiment par goût du bavarda
265
nscience. À Vienne on voit des couples qui savent
être
à la fois cocasses et fades. En Italie… Mais l’amour hongrois t’empor
266
Symphonie-Dichtung borodinesque, mais l’erreur n’
est
imputable qu’à mon instabilité rythmique. (Trop souvent ce que je voi
267
traverse ce que j’entends.) La plaine hongroise n’
est
pas monotone, parce qu’elle est d’un seul tenant. Rien qui fasse répé
268
laine hongroise n’est pas monotone, parce qu’elle
est
d’un seul tenant. Rien qui fasse répétition. C’est ici le premier pay
269
ande grouillante de questions sociales. La Puszta
est
une terre vierge, je veux dire que la bourgeoisie ne s’y est pas enco
270
re vierge, je veux dire que la bourgeoisie ne s’y
est
pas encore répandue. Il y a peu de bourgeois en Hongrie. Il y a de pe
271
moyens » — c’est-à-dire au-dessus du Moyen — qui
est
caractéristique du Hongrois. — « Comment peux-tu vivre si largement ?
272
ndre à toutes les terrasses de Debrecen. Debrecen
est
une sorte de grande ville indescriptible, à demi mêlée aux sables de
273
n me l’a dit, c’est vrai : cette ville historique
est
aussi l’autre « Rome protestante ». Mais d’avoir vu ses profondes bib
274
compris la Grande Plaine, et que par sa musique j’
étais
aux marches de l’Asie. En sortant du concert, j’ai erré aux terrasses
275
els, dans le grandiose bavardage des Tziganes. Qu’
est
-ce qu’ils regardent en jouant ? Qu’est-ce qu’ils écoutent au-delà de
276
iganes. Qu’est-ce qu’ils regardent en jouant ? Qu’
est
-ce qu’ils écoutent au-delà de leur musique — car aussitôt donnée la p
277
vague toujours un peu plus haute que profonde ne
fut
l’attente, et lâche tout. C’est l’âme qui joue aux montagnes russes,
278
ous a paru beau, en faire le tour, mais voilà qui
est
affaire de pur caprice, tandis que s’y baigner est une règle de savoi
279
st affaire de pur caprice, tandis que s’y baigner
est
une règle de savoir-vivre avec la Nature. Lac doré, horizon de collin
280
hôte, on irait ensemble à Tihany — elle a l’air d’
être
en Italie sur sa presqu’île — par cet instable bateau-mouche qui nagu
281
argne, et les petites gens plus de bonté… Déjà je
suis
repris par le malaise que m’infligent les lieux faciles. Ô tristesse
282
ne aux collines basses, d’apparence rocheuse — ce
sont
des restes de volcans — blanches sous la Lune et toutes lustrées de r
283
maïs, épiant la venue d’une joie inconnue. Joie d’
être
n’importe où… évadé ? Mais soudain, c’est au silence que je me heu
284
e je me heurte, comme réveillé dans l’absurdité d’
être
n’importe où. Une panique balaye la nuit déserte jusqu’à l’horizon. O
285
t’appelle là-bas, maintenant, maintenant, où tu n’
es
pas — et tant d’amour perdu… Un train dormait devant la gare campagna
286
n train dormait devant la gare campagnarde. Je me
suis
étendu dans un compartiment obscur, stores baissés, à l’abri de la lu
287
i dû voir l’Objet pour la première fois — ou bien
était
-ce un être ? xvii Insomnie J’éteignais la lampe et la veilleus
288
Objet pour la première fois — ou bien était-ce un
être
? xvii Insomnie J’éteignais la lampe et la veilleuse me rendai
289
obstiné de cette hurlante bousculade sur place qu’
est
un voyage en express. Mais je ne trouvais pas la pente de mon esprit,
290
e composais un traité des voyages : les titres en
étaient
de Sénèque ou de Swift, et je voyais très bien ce qu’en eussent tiré
291
t de suite à la débauche. Notre liberté de penser
est
absurde au regard des contraintes que subissent nos gestes. Imaginer
292
isie s’en tire avec une volte-face.) Quelle heure
est
-il ? La Lune se tient assez bien depuis un moment, c’est que la ligne
293
une volte-face.) Quelle heure est-il ? La Lune se
tient
assez bien depuis un moment, c’est que la ligne est droite. Je ne sai
294
t assez bien depuis un moment, c’est que la ligne
est
droite. Je ne sais plus dans quel sens je roule. J’aime ces heures dé
295
entées ; le sentiment du « non-sens » de la vie n’
est
-il pas comparable à ce que les mystiques appellent leur désert, — cet
296
. « Il revient de loin » signifie : qu’il vient d’
être
très malade. Si dans ta chambre, en plein jour, tu t’endors, et que,
297
hant plus en quel endroit du temps tu vis, — c’en
est
fait, toutes choses ont revêtu cet air inaccoutumé qui signale que tu
298
naccoutumé qui signale que tu es parti. Voyager —
serait
-ce brouiller les horaires ? Le voyage est un état d’âme et non pas un
299
er — serait-ce brouiller les horaires ? Le voyage
est
un état d’âme et non pas une question de transport. Un vrai voyage, o
300
r pour découvrir ce sens ! — Qu’as-tu vu que tu n’
étais
prêt à voir ? — Mais il fallait aller le voir ! — La vie est presque
301
voir ? — Mais il fallait aller le voir ! — La vie
est
presque partout la même… — Mais en voyage on la regarde mieux. — La v
302
seulement que ma vie a un but. M’approcher de mon
être
véritable. Seul au milieu des miens, j’oubliais ma race, j’avais l’il
303
iens, j’oubliais ma race, j’avais l’illusion de n’
être
rien que… moi-même. Identique à mon centre. Ici, comparé à tant d’aut
304
écouvre localisé dans un type humain. Immobile, j’
étais
presque infiniment variable, indéterminé. Et c’est le voyage qui me f
305
rmettrait de combler l’écart entre moi et Moi qui
est
la seule réalité absolument tragique… Une chose ? Un être ? L’Objet ?
306
seule réalité absolument tragique… Une chose ? Un
être
? L’Objet ? — Est-ce que je dors dans mes pensées ? La veilleuse fleu
307
ument tragique… Une chose ? Un être ? L’Objet ? —
Est
-ce que je dors dans mes pensées ? La veilleuse fleurit soudain d’un é
308
faudrait sortir à l’air frais, mais chaque porte
est
obstruée par un douanier, tant qu’à la fin on me refoule dans mon com
309
qu’à la fin on me refoule dans mon compartiment.
Est
-ce encore un rêve ? Je comprends bien qu’il faudrait ouvrir ces valis
310
es aveux complets. J’ai le feu à la tête, mais je
suis
innocent : puisque enfin il n’est pas dans ma valise, ce n’est que tr
311
tête, mais je suis innocent : puisque enfin il n’
est
pas dans ma valise, ce n’est que trop certain. Cependant, « rien à dé
312
: puisque enfin il n’est pas dans ma valise, ce n’
est
que trop certain. Cependant, « rien à déclarer » après des semaines d
313
r sur moi que je le cherche, c’est pourquoi l’œil
est
implacable… Pas de clefs dans mes onze poches. Seulement ce papier ti
314
en pourquoi l’Objet n’a pas de nom. Parfois je me
suis
demandé s’il n’était pas une sorte de pierre philosophale. Peut-être
315
n’a pas de nom. Parfois je me suis demandé s’il n’
était
pas une sorte de pierre philosophale. Peut-être ces deux mots suffira
316
désespèrent pas encore du Grand Œuvre ? Cela seul
est
certain : qu’il existe des signes. Peut-être faut-il d’abord les déco
317
prendre par la main. Ainsi je quitte la Hongrie.
Serait
-ce là tout ce qu’elle m’a donné ? Cette notion plus vive d’un univers
318
Hongrie de mes rêves, ma Hongrie intérieure ? Il
est
vrai que l’on connaît depuis toujours ce qu’une fois l’on aimera. Et
319
ours : au point de perfection, aimer et connaître
sont
un seul et même acte. Peut-être l’ai-je aimée d’un amour égoïste, com
320
t-être l’ai-je aimée d’un amour égoïste, comme un
être
dont on a besoin et de qui l’on chérit surtout ce dont on manque : to
321
e et dont personne ne vit. Et certes un tel amour
est
un amour mineur. Mais qui saura jamais la vérité sur aucun être ? Et
322
mineur. Mais qui saura jamais la vérité sur aucun
être
? Et s’il fallait attendre pour aimer ! Je me souviens de ces terrain
323
e Plaine encore rougeâtre de soleil couchant. J’y
suis
venu par hasard, en flânant ; je me suis sans doute perdu et pourtant
324
ant. J’y suis venu par hasard, en flânant ; je me
suis
sans doute perdu et pourtant je n’éprouve qu’une étrange sécurité. Pr
325
dresse, quelque similitude… Oh ! si peu ! Mais qu’
est
-ce que ce voyage, si tu songes à tous les espaces à parcourir encore
326
But dont tu ne sais rien d’autre que sa fuite : n’
est
-il pas cet objet qui n’ait rien de commun avec ce que tu sais de toi-
327
sais de toi-même en cette vie ? Mais le voir, ce
serait
mourir dans la totalité du monde, effacer ta dernière différence, — c
328
dernière différence, — car on ne voit que ce qui
est
de soi-même, et conscient. Et c’est à cause d’un pari peut-être fou,
329
tu n’as vu l’enjeu qu’un seul instant — nos rêves
sont
instantanés — que tu es parti ; et maintenant tu joues ce rôle, tu t’
330
— lit-on dans les upanishads. — Or si un homme n’
est
pas satisfait dans la lune, celle-ci le libère (le laisse aller chez
331
le laisse aller chez Brahma) ; mais si un homme y
est
satisfait, la Lune le renvoie sur terre en forme de pluie. » Si je tr
332
uire. (Aussitôt je commence à comprendre ce qu’il
est
: cela qui me rendrait acceptable ce monde.) Malheur à celui qui ne c
333
(1929 et 1930) 7. Rappelons que notre société
est
fondée sur la peur du risque. Je vis plutôt mal. 8. Il faut ajouter
334
se qu’ils ne peuvent pas déjouer, car le Hongrois
est
ingénument rusé, à la façon des passionnés, non point à celle des arr
335
eul clerc qui n’ait pas trahi — qui me paraissent
être
la grandeur de la Hongrie, on m’expliquera que je suis pour la guerre
336
la grandeur de la Hongrie, on m’expliquera que je
suis
pour la guerre, puisque enfin cet état d’esprit que j’admire est, ent
337
rre, puisque enfin cet état d’esprit que j’admire
est
, entre autres, belliqueux. Or je suis pacifiste. Comment ne pas l’êtr
338
que j’admire est, entre autres, belliqueux. Or je
suis
pacifiste. Comment ne pas l’être ! Mais je crois que les pacifistes q
339
elliqueux. Or je suis pacifiste. Comment ne pas l’
être
! Mais je crois que les pacifistes qui veulent assurer la paix par la
340
nt assurer la paix par la mutilation des passions
sont
disciples d’Origène. Il doit y avoir d’autres solutions… 10. Toute l
341
té des érudits. 12. La fameuse marche de Rakoczy
est
l’œuvre d’une Tzigane. 13. L’or n’était qu’un prétexte. Encore une b
342
de Rakoczy est l’œuvre d’une Tzigane. 13. L’or n’
était
qu’un prétexte. Encore une blague de passeport.
343
attirer là-dessus l’attention du médecin, mais il
est
plus difficile de se faire comprendre par un sot que par un fou. » L’
344
u’aujourd’hui le hasard qui m’amène à Tubingue ne
soit
pas seulement un hasard… Hier, c’était la Pentecôte. La fête de la pl
345
s ce siècle, où tant de voix l’appellent, combien
sont
dignes de s’attendre au don du langage sacré ? Cette langue de feu qu
346
don du langage sacré ? Cette langue de feu qui s’
est
posée sur Hölderlin et qui l’a consumé… Digne ? — Un adolescent au vi
347
e Grand Jeu. Dix années où le génie tourmente cet
être
faible, humilié par le monde. L’amour s’éloigne le premier, quand Höl
348
t à peine sensible dans son œuvre. Car ce poète n’
est
peut-être que le lieu de sa poésie, — d’une poésie, l’on dirait, qui
349
loin d’elle (dans la région de Bordeaux croit-on)
est
frappé d’insolation ; sa folie d’un coup l’envahit. C’est une sorte d
350
sson ardent quitté par le feu se dessèche. Ce qui
fut
Hölderlin signe maintenant Scardanelli des quatrains qu’il donne aux
351
le. — C’était l’époque des amateurs de ruines. Je
suis
descendu au bord de l’eau, un peu au-dessous de la maison, en attenda
352
e penchent vers l’eau lente. Sur l’autre rive qui
est
celle d’une longue île, des étudiants au crâne rasé se promènent un r
353
uts et sombres, qui paraîtraient immenses s’ils n’
étaient
à demi encombrés d’armoires. Un couloir, la chambre. L’homme qui me c
354
s. Un couloir, la chambre. L’homme qui me conduit
est
le propriétaire actuel. « Monsieur connaît Hölderlin ? questionne-t-i
355
nt — bon, bon, parce qu’il y en a qui viennent, n’
est
-ce pas, ils ne savent pas trop qui c’était… Alors vous devez connaîtr
356
son banc et ses lilas fleuris qui trempent. Tout
est
familier, paisible au soleil. Il passait des heures devant cette fenê
357
longtemps qu’elles ont fui. Avril et mai et juin
sont
lointains, Je ne suis plus rien, je n’aime plus vivre. Il y avait en
358
t fui. Avril et mai et juin sont lointains, Je ne
suis
plus rien, je n’aime plus vivre. Il y avait encore plus de paix que
359
es, de l’autre côté de l’eau jaune et verte… Quel
est
donc ce sommeil « dans la nuit de la vie » — et cet aveu mystérieux :
360
e lieu soudain m’angoisse. Mais le gardien : il y
est
comme chez lui. — Dormez-vous dans ce lit ? — Oh ! répond-il, je pour
361
s les marronniers. À quatre heures, l’orchestre s’
est
mis à jouer des ringues charmantes, jazz et clarinette, chansons de m
362
ie normale. Il y a pourtant cette petite chambre…
Est
-ce que tout cela existe dans le même monde ? (Il est bon de poser par
363
-ce que tout cela existe dans le même monde ? (Il
est
bon de poser parfois de ces grandes questions naïves.) Lui aussi a vé
364
rts, qui se promènent tout seuls… Et puis, il lui
est
arrivé quelque chose de terrible, où il a perdu son âme. Et puis il n
365
de terrible, où il a perdu son âme. Et puis il n’
est
revenu qu’un vieux corps radotant. — Qu’en pensez-vous, bonnes gens ?
366
éféré faire tout de suite la bête : comme cela on
est
mieux pour donner le coup de pied de l’âne… Écoutons plutôt Bettina —
367
ied de l’âne… Écoutons plutôt Bettina — la vérité
est
plus humaine, est plus divine, quand c’est une telle femme qui la con
368
tons plutôt Bettina — la vérité est plus humaine,
est
plus divine, quand c’est une telle femme qui la confesse : « Celui qu
369
siquettes et ces parfums de fleurs et d’eau… elle
est
tellement d’ailleurs… Faut-il donc que l’un des deux soit absurde, de
370
lement d’ailleurs… Faut-il donc que l’un des deux
soit
absurde, de ces mondes à mes yeux soudain simultanés ?… Le tragique
371
?… Le tragique de la facilité, c’est qu’elle n’
est
qu’un oubli. Et pourtant, comme elle paraît ici bien établie, triomph
372
ces eaux, ces âmes indulgentes à leur banalité ?
Est
-ce qu’ils ne soupçonnent jamais rien ? Ou bien, peut-être, seulement,
373
le temps même qu’il nous entrouvre le ciel, qu’il
est
bon qu’il y ait la terre… Mais que cette musique vulgaire, par quel h
374
na von Arnim-Brentano : Die Günderode. 15. Où il
était
précepteur. Mme Gontard est la Diotima de l’Hypérion et des poèmes.
375
nderode. 15. Où il était précepteur. Mme Gontard
est
la Diotima de l’Hypérion et des poèmes.
376
ongtemps côtoya une rivière, des forêts. Les rues
sont
vides jusqu’au cœur de la ville, où l’attend une ample demeure. Et ma
377
ttend une ample demeure. Et maintenant le chien s’
est
tu ; des pas s’éloignent. Un trait de lumière sous la porte disparaît
378
moires monumentales. Dans une chambre froide il s’
est
couché en grelottant. Mais à travers l’ombre il distingue les masses
379
ux édredons rebondis où l’on s’enfouit comme s’il
était
le sommeil même. Le bruit de la rivière et de l’écluse proche, — ce s
380
e bruit de la rivière et de l’écluse proche, — ce
sera
sa première habitude. 22 avril 1929 Mes fenêtres donnent sur la
381
ntir que je les regarde ? Vraiment la plus petite
est
jolie, très brune, avec un gros collier de verre bleu… Elle lève les
382
et séparé », ces deux mots que rythmait le train,
est
-ce qu’ils font encore vraiment mal ? 24 avril 1929 Les habitant
383
i domine la médiocrité du monde. Le père Reinecke
est
un esprit « caustique » — il aime à me le répéter en français, —et je
384
n son petit talent dans la famille. Le gros Fritz
est
un blond géant de 25 ans, qui rit avec bonté et se distingue dans les
385
re, et quelque bienveillance lorsqu’il a compris.
Est
-ce tout ? Il y a encore l’absence de la fille, élément considérable d
386
ns avoir l’air de rien sur le pont Saint-Nikolaus
sont
bien capons de voir à sa fenêtre la silhouette de l’Étranger. On a la
387
9 Ils ont de la peine à comprendre pourquoi je
suis
venu vivre dans ce bourg, chez eux justement… Comment leur confesser
388
u quelconque et paisiblement habité ? Cette ville
est
pour eux la moins quelconque du monde. Je prétexte des écritures — qu
389
ées où je ne l’amènerai jamais, à cette heure qui
serait
celle de rentrer chez nous s’asseoir auprès d’un feu… — Mais non.
390
nfonçant au hasard dans la forêt. Vers le soir, j’
étais
bien perdu. La lumière montait vers la cime des arbres, aux lisières
391
à travers une nature de divagation. Les lisières
sont
des lieux de l’esprit où circulent des bêtes nées du rêve. Et l’Arche
392
baigné encore de cette fièvre amoureuse ; et tout
est
mythe de nouveau. Mythes de l’ombre et des frontières, sortis de la f
393
nstant merveilleux que je veux noter ici. Le ciel
est
encore plus blanc, et la prairie s’embrume. Soudain, à dix pas devant
394
au ras des herbes, se lève, saute sur place, — n’
est
plus là. — J’ai poursuivi longtemps le reflet rouge de ses yeux parmi
395
hes enfouies sous les branches folles : le jardin
est
abandonné depuis des années, sur ses terrasses étroites, déjà brûlant
396
table de pierre et son banc en demi-cercle. L’air
est
encore humide dans cette grotte d’ombre. Sur le banc froid j’étale ma
397
rampants ou volants, ces formes et ces voies qui
sont
celles mêmes par où la pensée entre en contact avec tout le mobile et
398
ivant, de nouveau se répondent, se conviennent et
soient
signes l’un de l’autre. Dans le bonheur de cette matinée, la pensée s
399
des hautes branches. L’architecture, dit Goethe,
est
une musique glacée. Mais l’arborescence est une musique vivante, une
400
ethe, est une musique glacée. Mais l’arborescence
est
une musique vivante, une musique infiniment lente. Elle fraie des pis
401
nsée à la plus insistante vénération du réel. Tel
serait
le fondement d’une morale des idées « par-delà le logique et l’absurd
402
que et l’absurde ». Ah bien ! je connais quelques
êtres
entièrement en substance grise qui n’eussent pas mieux dit cela, — ma
403
ne humaine. L’autre enseigne que chacun des anges
est
un miroir du ciel entier. C’est parce qu’ils savent les correspondanc
404
uchons, — ce mystique avec naturel de ce qui nous
est
invisible. Tous deux orientent la réflexion vers le sens et vers le s
405
exion vers le sens et vers le symbole concret. N’
est
-ce point ce genre de démarche que notre « culture » a le plus méprisé
406
arche que notre « culture » a le plus méprisé ? N’
est
-ce point à cause de ce mépris qu’elle a perdu le secret de l’humain ?
407
en ni dans le ciel ni sur la terre. Car enfin, qu’
est
-ce que l’homme ? qu’est-ce donc que ce paradoxal mélange de chair et
408
r la terre. Car enfin, qu’est-ce que l’homme ? qu’
est
-ce donc que ce paradoxal mélange de chair et d’âme ? — Paracelse et S
409
ccorderaient, je le crois, pour répondre. L’homme
est
un point de vue central et médiateur entre les corps et les esprits.
410
irremplaçable et divine originalité16. Or, pour l’
être
situé en un tel lieu — le lieu humain par excellence —, il devient au
411
le a sa correspondance dans la matière, ou bien n’
est
qu’une duperie. Correspondances à vrai dire tellement invisibles et
412
peries tellement respectables pour la plupart des
êtres
qui peuplent ces villes, là-bas, que le nom d’homme ne saurait plus l
413
l’amour des anges et des humains, — l’amour, qui
est
le lieu des correspondances, qui est le degré suprême de la significa
414
l’amour, qui est le lieu des correspondances, qui
est
le degré suprême de la signification. (L’état de l’âme et du corps où
415
ntradiction, la mentalité du bourgeois de ce pays
est
puissamment réaliste. J’en trouve des marques bien curieuses dans les
416
onsidérations sur ma vie » du père Reinecke. Il y
est
beaucoup question de la vie éternelle, et d’expériences vécues avec l
417
e et qu’on boive ferme après ma mort, tant que je
serai
encore dans la maison, et qu’on ne lésine pas. Il restera toujours as
418
ipants s’en retourne avec cette conviction : « Ce
fut
un bel enterrement ! » Et de même, ceux qui auront pris soin de moi a
419
de moi au moment de ma mort et tôt après devront
être
largement dédommagés. Nul ne sait si je ne flotterai pas encore au-de
420
l’amertume à voir que mes derniers désirs même ne
sont
pas accomplis. Tant que je serai étendu dans la maison, je veux que l
421
rs désirs même ne sont pas accomplis. Tant que je
serai
étendu dans la maison, je veux que la lumière brille dans ma chambre
422
’on n’y regarde pas à quelques kilowatts. Je veux
être
mis en bière dans mes habits de tous les jours, et peu importe si les
423
de mon pantalon brillent. En aucun cas je ne veux
être
emballé dans une serviette de papier. Je renonce aux couronnes mortua
424
lier de perles bleues. Après la partie, où l’on s’
est
renvoyé autant de regards que de balles : — « Je vous ai bien vu, un
425
i bien vu, un jour à la fenêtre de mon amie, vous
étiez
si melancholisch ! » — « À ma fenêtre ? Je ne m’en souviens pas », di
426
us a fait fuir sous la tonnelle du vestiaire. « N’
est
-ce pas, les Français sont terribles avec les filles ? » (Je pense : c
427
nnelle du vestiaire. « N’est-ce pas, les Français
sont
terribles avec les filles ? » (Je pense : comme elles sont tout de su
428
ibles avec les filles ? » (Je pense : comme elles
sont
tout de suite en fuite, de tout leur maintien, quand elles ne sont pa
429
e en fuite, de tout leur maintien, quand elles ne
sont
pas provocantes.) Elle baisse les yeux, rougit, respire. Elle a l’air
430
et d’une réminiscence littéraire. Ses deux sœurs
sont
venues la chercher, et nous sommes rentrés sous le même parapluie, ju
431
. Ses deux sœurs sont venues la chercher, et nous
sommes
rentrés sous le même parapluie, jusqu’à leur petite maison couverte d
432
petite maison couverte de roses Crimson. Le père
est
un colonel en retraite qui déteste les Franzosen. On ne me permet pas
433
ssiques français, livrés à l’Enseignement, Goethe
est
profondément « populaire ». Non seulement l’aubergiste d’en face cite
434
a vie bourgeoise, qui fait un peu sourire, et qui
est
si réconfortante. juin 1929 Paracelse et Swedenborg : Goethe m’
435
tout, ici, conspire à m’inculquer. Que Goethe ait
été
« initié », ne saurait laisser aucun doute, fussions-nous même privés
436
t été « initié », ne saurait laisser aucun doute,
fussions
-nous même privés de certains témoignages oraux ou de quelques textes
437
ur symbolisme concret, de leur incarnation, qu’il
est
possible de lire les Affinités « sans y rien voir », comme on dit17.
438
. — Des Werthers aux yeux secs, voilà ce que nous
sommes
. 14 juin 1929 Je suis assis en face du magazine que lit le père
439
, voilà ce que nous sommes. 14 juin 1929 Je
suis
assis en face du magazine que lit le père Reinecke. Ses grosses patte
440
nuit qu’il eût fallu vivre tout entière et qui n’
est
plus bonne qu’à dormir… Alors j’ai eu ce regard étrangement oblique,
441
son magazine — pas trop doux, hein !… » Tout cela
est
très juste ; la vie doit être ainsi : parfaitement compréhensible et
442
hein !… » Tout cela est très juste ; la vie doit
être
ainsi : parfaitement compréhensible et d’une vulgarité toute naturell
443
une barbe en crin de cheval du diable. L’héroïne
est
belle comme une ballade de Bürger, tandis qu’elle arrose de ses larme
444
ériennes, des chansons du Grand Duché de Bade qui
sont
ce que je connais de plus indiciblement nostalgique. Und solltest du
445
udrait la mélodie.) La fanfare s’éloigne. La nuit
est
chaude sur les collines. Un grand verre de bière à l’auberge déserte,
446
r des rosiers sauvages. Laquelle des trois filles
est
donc la plus jolie ? Sans doute celle qui dort dans la mansarde, et q
447
e d’elle ». Son sérieux enfantin devant la vie. «
Es
ist doch Schicksal, es ist alles Schicksal ! » Avec un soupir c’est i
448
enfantin devant la vie. « Es ist doch Schicksal,
es
ist alles Schicksal ! » Avec un soupir c’est irrésistible, et cela si
449
ve ? ou comme quelque chose de bien vrai et qui s’
est
passé cette nuit ? Plusieurs choses sont douces au désir de celui qui
450
et qui s’est passé cette nuit ? Plusieurs choses
sont
douces au désir de celui qui marche dans une campagne nocturne. Mais
451
pagne nocturne. Mais plus douce que toutes choses
est
la rencontre sous un arbre noir d’une femme abandonnée dans sa triste
452
nuit vivante, rêve de nous. Plus tard, nous nous
sommes
regardés sans fin. (Ah ! comment dire ! Vraiment ce fut cette nuit.)
453
gardés sans fin. (Ah ! comment dire ! Vraiment ce
fut
cette nuit.) Un vent léger écartait une branche et la Lune éclairait
454
ucement, au sein du silence et du regard. Et nous
sommes
demeurés des heures au-delà de ce que l’on ignore d’un être, dans le
455
rés des heures au-delà de ce que l’on ignore d’un
être
, dans le domaine sans frontières où l’on connaît profondément. Par le
456
omblée. Oui, je sus que l’échange de deux regards
est
infini, est indéfiniment grandiose et musical. Ainsi coula cette nuit
457
je sus que l’échange de deux regards est infini,
est
indéfiniment grandiose et musical. Ainsi coula cette nuit sans partag
458
coula cette nuit sans partage, et nos mains ne s’
étaient
point touchées, lorsque au point du jour je vis pâlir la jeune femme.
459
’accueillis dans mes bras. Elle rêvait, ses mains
étaient
très douces, et lorsque mes paupières cédaient au sommeil, je croyais
460
paupières cédaient au sommeil, je croyais qu’elle
était
un arbre, ou bien une prairie. (Je suis rentré sans éveiller le chien
461
qu’elle était un arbre, ou bien une prairie. (Je
suis
rentré sans éveiller le chien. Un chaud soleil pénétrait dans la gran
462
i vous avez connu ce contentement large de tout l’
être
devant un verre de vin allemand que l’on boit à petites gorgées, entr
463
ement plein de force et de dignité. Alors si l’on
est
quelques-uns, on se met à chanter des choses déchirantes qui peuvent
464
ensualités et de gourmandises qui s’éveillent, en
sont
comme sanctifiées. Mais c’est le moment d’entamer le jambon et les co
465
mmes, et peut-être aussi de leurs familiarités. J’
étais
attablé ce soir-là dans l’Auberge du Cerf, au premier, les pieds cont
466
sent notre imagerie quotidienne du vaste monde. J’
étais
seul et tranquille, à manger et à soupeser des idées qui venaient se
467
décor de leur « vie ». J’ai vu clairement qu’ils
sont
en péril d’inanition spirituelle. Ils ne dorment plus assez pour se r
468
t l’amour qu’ils essaient encore le samedi soir n’
est
plus cet infini repos dans la puissance et l’être, mais seulement une
469
’est plus cet infini repos dans la puissance et l’
être
, mais seulement une usure des nerfs. Lampe vide, la mèche se consume.
470
collés au corps dans l’onde apaisée du souvenir.
Sois
riche d’avoir ce que tu es, comme ils sont pauvres de n’avoir que ce
471
apaisée du souvenir. Sois riche d’avoir ce que tu
es
, comme ils sont pauvres de n’avoir que ce qu’ils ont. 19 juillet 1
472
venir. Sois riche d’avoir ce que tu es, comme ils
sont
pauvres de n’avoir que ce qu’ils ont. 19 juillet 1929 Ces mois
473
t de plus en plus comme une retraite sensuelle. N’
est
-ce point de cela que l’homme des villes a besoin de nos jours ? On pa
474
liché d’un autre âge, et trompeur. Car l’argent n’
est
pas le plaisir et ne s’obtient pas dans le plaisir. Les affaires mode
475
agnes amies en conversant avec les pensées et les
êtres
nés de la marche et du bonheur de respirer. Combien j’aime ces ciels
476
’aime ces ciels bas et traînants. Le beau temps n’
est
pas toujours le bon, si l’expression veut qu’il figure le contraire d
477
tre et les posséder dans sa force. Car la lenteur
est
chose souveraine, — elle seule domine l’amour. Les plus grands specta
478
mine l’amour. Les plus grands spectacles naturels
sont
des spectacles de lenteur ou d’immobilité dans le mouvement. Et c’est
479
n juillet 1929 Vraiment la rapidité ne saurait
être
le fait d’un esprit incarné, mais seulement de son imagination perver
480
son imagination pervertie. Les effets de vitesse
sont
du domaine de la matière abandonnée à sa manie de tomber. Dès que l’e
481
assent le but. Et de la sorte, une ère de vitesse
est
une ère où la matière l’emporte. Provisoirement ; car il se produit c
482
e moi, mais je n’ai pas retiré ma valise et ne me
suis
pas serré contre la fenêtre. Elles ont senti cette sourde résistance
483
re. Elles ont senti cette sourde résistance et se
sont
assises plus loin en maugréant. La misère de tous ces regards me para
484
e en regardant devant moi. J’ai honte. Comme nous
sommes
incapables de nous libérer de barrières sociales ou de pudeurs qu’en
485
arrières sociales ou de pudeurs qu’en pensée nous
tenions
pour nulles. Si j’étais vraiment libre, j’aurais fait place aux deux
486
deurs qu’en pensée nous tenions pour nulles. Si j’
étais
vraiment libre, j’aurais fait place aux deux ouvrières laides, sans m
487
ou bien à la jeune fille, sans fausse honte. Si j’
étais
vraiment libre, je lui parlerais très doucement… La fumée des cigares
488
crache sa fumée dans des gares de banlieue qui ne
sont
plus fleuries. Il règne dans ce wagon un malaise âcre et oppressant ;
489
issait de ses mains, et voici onze princes qui se
tiennent
autour d’elle. « Elle est innocente ! » s’écrient-ils, et le peuple s
490
nze princes qui se tiennent autour d’elle. « Elle
est
innocente ! » s’écrient-ils, et le peuple s’agenouille comme devant u
491
ndant que l’aîné des frères racontait tout ce qui
était
arrivé, un parfum de millions de roses se répandit dans les airs, tan
492
etenir des larmes ? Un soudain excès de l’amour s’
est
libéré dans tout mon être et s’élance vers ces vies proches. Oh ! s’i
493
udain excès de l’amour s’est libéré dans tout mon
être
et s’élance vers ces vies proches. Oh ! s’ils savaient, s’ils pouvaie
494
algie, c’est de revêtir un corps humain. 17. Tel
fut
bien, d’ailleurs, son dessein, qu’il avoue dans les entretiens (recue
495
l derrière nous décroissant, tumulte d’un matin d’
été
. Maintenant une odeur fine de benzine traverse les odeurs de la forêt
496
ée fait son bruit luxueux, tout s’éclaire, nous y
sommes
: cent fenêtres, sur la gauche, dans une façade de grès Louis XV. Nou
497
pé ; les hôtes dans leurs fauteuils ; la comtesse
est
à l’harmonium ; le comte en face d’elle lit l’Écriture. Puis on chant
498
face d’elle lit l’Écriture. Puis on chante et ce
sont
parfois des strophes de Novalis, des mélodies de Bach. Après le Notre
499
ci récite une courte prière, durant laquelle il n’
est
plus question de bouger. La table immense est chargée des produits du
500
l n’est plus question de bouger. La table immense
est
chargée des produits du domaine. On boit un peu de bière, mais surtou
501
urtout du lait froid dans de grands verres : il n’
est
pas de boisson plus rafraîchissante, ni qui se marie mieux avec le go
502
, dont on mange presque chaque jour. L’après-midi
est
consacré à l’inspection des terres. Chaque jour nous partons en break
503
Le fusil déposé sur nos genoux, par habitude, ce
sera
pour tirer un chat qui rôde autour de la faisanderie. Les couchers de
504
êts maigres et de pâturages, à perte de vue. Nous
sommes
pour trois jours, les hôtes d’une immense demeure en briques roses et
505
ffre les commodités du plus luxueux home anglais,
est
monstrueuse jusqu’à l’impudeur. Apparemment, l’on est ici plus à la p
506
monstrueuse jusqu’à l’impudeur. Apparemment, l’on
est
ici plus à la page que chez mes burgraves. Les maîtres de lieu sourie
507
moires, en français, d’un des burgraves zu D. qui
fut
gouverneur d’Orange, et eut pour précepteur Pierre Bayle en personne,
508
date, il n’y a plus que les Gothas. Les modernes
sont
fous et ridicules. Ils ont mis un sellier à la tête du Reich, et seul
509
d on leur confie des poulains à dresser — et ce n’
est
pas commode de se trouver devant une bête en liberté qu’on doit saisi
510
aisir d’abord, puis seller et dompter. Ou bien ce
sont
des tâches précises, dans l’organisation des domaines ou des chasses
511
l’individu demeure théorique, et son application
est
indéfiniment retardée, contrecarrée, découragée sournoisement. Nous c
512
ntera interminablement à table. — Cruauté franche
est
signe de santé. Tacite prétend que l’élan est un animal aux jambes
513
e est signe de santé. Tacite prétend que l’élan
est
un animal aux jambes dépourvues d’articulations, en sorte qu’il ne pe
514
comme des arbres qui se mettraient en marche, et
sont
tellement articulés qu’on craint à chaque pas que leurs membres ne se
515
nous leur connaissons, cette superstition ne leur
est
nullement nécessaire. Leurs plaisirs ne contredisent pas leurs travau
516
J’entends les gens de villes : « Ça ne doit pas
être
bien drôle à la longue ! » Avec cela que vos plaisirs vous amusent ta
517
os plaisirs vous amusent tant ! La neurasthénie n’
est
-elle pas une de vos inventions ? Et toute votre littérature est occup
518
ne de vos inventions ? Et toute votre littérature
est
occupée à décrire vos satiétés, quand elle ne se met pas au service d
519
nts que ceux-là justement qui donnent sa raison d’
être
au labeur des journées. Nous voici délivrés de la grande bourgeoisie,
520
n méprisable de gêne et de morgue. Et dire que ce
sont
ces gens-là — cette tourbe — qui se permettent de juger la noblesse t
521
ttent de juger la noblesse terrienne. Dire que ce
sont
ces bourgeois-là, bassement incapables de brutalité ou d’orgueil phys
522
ous dire, entre deux bridges, que les « terreux »
sont
démodés. Bien joli quand ils ne leur reprochent pas d’ignorer Proust.
523
ne défendrai pas les junkers, — dont le nom seul
est
une injure dans tant de bouches, une injure dans le vide, d’ailleurs,
524
urs inquiets, toujours doutant de leurs raisons d’
êtres
et de leur actualité, de quêter chez autrui des confirmations, des fl
525
s telles que Dieu les a créées. Aristocratie de l’
être
et de la fonction, non de la considération. Et tout le reste de l’Eur
526
en voir dans la « féodalité » de ces junkers, qui
soit
plus répugnant pour notre humanité que tant de systèmes prônés par le
527
s, végétales, domestiquées ou catastrophiques. Je
suis
scandalisé quand je vois se croiser dans la rue sans se connaître un
528
colère et de gêne guère moins ignoble. Mais je ne
suis
pas scandalisé quand le burgrave salue cordialement et franchement de
529
ment des paysans qui s’inclinent sans contrainte.
Est
-ce là dire que le « retour » à tel état soit souhaitable ? La questio
530
inte. Est-ce là dire que le « retour » à tel état
soit
souhaitable ? La question me paraît, au concret, dépourvue de sens. M
531
signée à laisser ce monde aux Juifs, puisque tout
est
perdu, mais héroïquement attachées à leur terre, à leur grandeur — ce
532
le durablement. Les landes de la Prusse-Orientale
sont
très irrégulièrement fertiles ; seules les grandes entreprises « tien
533
ement fertiles ; seules les grandes entreprises «
tiennent
le coup » lors d’une inondation ou d’une sécheresse partielle. J’ai v
534
e morcellement des terres, le stade démocratique,
est
ici plus visiblement qu’ailleurs une utopie. Impossible de passer du
535
te étrangère au capital. Comme les autres ils ont
été
ruinés par la guerre, c’est-à-dire qu’ils n’ont plus de monnaie : cel
536
ne vainc pas souvent leurs méfiances. Certains se
sont
faits communistes, par goût de l’énergie peut-être. J’ai vu des membr
537
membres d’un parti national-marxiste dont le rêve
est
de restaurer la Prusse du grand Frédéric par les méthodes de Lénine…
538
sistent par leur pauvreté. Les magnats de Hongrie
sont
déjà des pachas, et l’Occident ne peut rien en attendre, qu’un corps
539
Le balcon sur l’eau Tu
es
appuyée debout contre moi, et nous regardons à nos pieds l’eau vivant
540
ous regardons à nos pieds l’eau vivante. La brume
est
proche. Une haute muraille derrière nous ferme le monde. Tu ne trembl
541
t… Et l’air chargé d’attente. Nos têtes immobiles
sont
près de se toucher, nos regards s’en vont à la rencontre de ce qui es
542
r, nos regards s’en vont à la rencontre de ce qui
est
voilé. Retiens ton souffle, retiens ton envie de fermer les yeux cont
543
se, écoute, attends… Peut-être que déjà la parole
fut
dite et reçue quelque part en nous-mêmes, dans la brume où nous somme
544
quelque part en nous-mêmes, dans la brume où nous
sommes
perdus avec ce clapotis d’une eau étrangement vivante et qui rêve ; e
545
ur Albert Béguin. Paris la nuit oublie parfois d’
être
spirituelle, devient tragique ou tout simplement germanique. « L’Alle
546
et pourquoi ? Regardez : à côté de vous, si vous
êtes
seul, un fantôme, d’office, a pris place. On lie bien vite connaissan
547
promener seul la nuit dans une ville étrangère, n’
est
-ce point la définition même de la luxure ? Quand je vais à pied, j’ou
548
tiède comme l’adolescence, un désespoir de nuit d’
été
sous le tilleul où elle n’est pas venue… (C’est ici le lieu de l’avou
549
désespoir de nuit d’été sous le tilleul où elle n’
est
pas venue… (C’est ici le lieu de l’avouer : je ne saurais entretenir
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e distante avec les personnes qui ont pu dire, ne
fut
-ce qu’une fois en leur vie : « J’ai horreur de la sentimentalité ».)
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loin parce que je me réjouis. La Maison des Ogres
est
au 53, rue de Rennes ; je ne vous le confie pas sans un secret trembl
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tablissements place de la Concorde. Notre conteur
est
vêtu de la gloire d’un pourpoint « plus rouge que rouge ». On assure
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une harpe et un piano près des étoiles, et qu’il
est
« pittoresque », cas déplorable, s’agissant d’un poète authentique. L
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pittoresque. D’abord je crains que la notion n’en
soit
toute relative aux modes de « vie » bourgeois ; et puis, la comédie n
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odes de « vie » bourgeois ; et puis, la comédie n’
est
pas mon fort, même la triste. Je n’aime plus que les choses lentement
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suppose, une certaine misanthropie en germe : les
êtres
changent trop vite, je n’ai pas le temps de me laisser envoûter ou de
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e des choses ou de l’esprit, comprend enfin qu’il
est
perdu, il découvre la liberté. Le goût de se perdre est un des plus p
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rdu, il découvre la liberté. Le goût de se perdre
est
un des plus profonds mystères de notre condition, et je ne crois pas
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s les moins préméditées, c’est sans doute celui d’
être
trouvé. J’ai toujours méprisé le geste de l’homme qui, le soir dans s
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r de mon sommeil, on me vole à moi-même ! Que des
êtres
rêvés m’emportent ! — Ils me conduiraient là où je ne sais pas que j’
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ù je ne sais pas que j’ai si grand désir d’aller…
Est
-ce ici ? Je regarde autour de moi : des murs sans yeux dominent des b
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mière basse, rougeoyante, campagnarde. ⁂ La sauce
est
au rôti comme le style à la pensée. Il arrive qu’on parle, en art cul
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. Mais qui donc, parmi nos penseurs, mériterait d’
être
servi en sauce Marthaler ? Mais ne parlons pas de mangeaille : c’est
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: c’est tout de suite écœurant et prétentieux. Je
suis
de ceux qui mangent sans faire d’histoires. Je remarque simplement qu
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faire d’histoires. Je remarque simplement qu’on n’
est
jamais mieux pour parler qu’en face d’une assiette pleine : l’occupat
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llait déjà René Descartes — la portion que l’on s’
est
administrée, accapare nos facultés les plus vulgaires, libérant par l
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re. Edmond Jaloux préside à cette agape dont il m’
est
impossible de nommer tous les officiants visibles ou virtuels, et cel
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s, la plupart suffisantes. Francis de Miomandre n’
est
pas là. Il a téléphoné au début de l’après-midi qu’il commençait un r
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l apporte quelque préciosité à le parfaire ? — il
est
bientôt minuit20. Mon fantôme est là. Un chien, Dick, est là. Pierre
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parfaire ? — il est bientôt minuit20. Mon fantôme
est
là. Un chien, Dick, est là. Pierre Girard n’est pas là, ni Othon ; ma
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tôt minuit20. Mon fantôme est là. Un chien, Dick,
est
là. Pierre Girard n’est pas là, ni Othon ; mais bien quelques sirènes
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e est là. Un chien, Dick, est là. Pierre Girard n’
est
pas là, ni Othon ; mais bien quelques sirènes. Albert Béguin, André W
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ndré Würmser, Théobaldus Bombaste et Mlle Monnier
sont
là. Jacques Chenevière pourrait très bien être là, puisqu’en ma voisi
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er sont là. Jacques Chenevière pourrait très bien
être
là, puisqu’en ma voisine, je reconnais la Jeune fille de neige. On la
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e d’adorables roseurs boréales. E. T. A. Hoffmann
est
là, sous un nom d’emprunt. Une femme fatale et un grand incompris son
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d’emprunt. Une femme fatale et un grand incompris
sont
là. Enfin Jean Cassou, représentant Mgr le marquis de Carabas, absent
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ntant Mgr le marquis de Carabas, absent de Paris,
est
là. Peut-être aussi Jean de Boschère, en dépit de certaines apparence
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nfin, un Étranger raconte l’histoire suivante qui
est
une des plus belles du monde : Un prince italien ayant commandé à Pe
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oque — et dont le titre explique tout ce qui peut
être
expliqué. 21. Club d’étudiants de la Suisse romande qui représente e