1 1932, Le Paysan du Danube. Le sentiment de l’Europe centrale
1 neux des vacances, traînée d’espoirs délivrés qui nous frôle, éveille chez ceux qui restent un sentiment confus d’exil et de
2 és de l’Europe sentimentale. Pourquoi faut-il que notre langue les traduise, en vertu d’une convention qu’il serait temps de
3 uerait la gloire de ce temps, et, accessoirement, notre salut.   Parmi les traits tout quotidiens de la mentalité germanique,
4 guments sanglants. Et s’il est des domaines où de nos jours, l’on peut réclamer à bon droit l’économie de nuances vaines et
5 système philosophique. Ainsi se dessineraient, si nous étendions l’analyse, deux « natures » fondamentalement divergentes, d
6 du sentiment Une rumeur lointaine et continue, nous l’entendons seulement lorsqu’elle cesse, ou bien lorsqu’elle grandit
7 orsqu’elle grandit soudain. Ainsi de la rumeur en nous du sang qui court ; ainsi de la respiration. Il n’y a sensation que d
8 e du discontinu. Il n’y a sentiment que de ce qui nous quitte, ou nous surprend, ou bien encore au fond de l’être nous déchi
9 Il n’y a sentiment que de ce qui nous quitte, ou nous surprend, ou bien encore au fond de l’être nous déchire et nous ressu
10 u nous surprend, ou bien encore au fond de l’être nous déchire et nous ressuscite. À la naissance du sentiment, nous trouvon
11 ou bien encore au fond de l’être nous déchire et nous ressuscite. À la naissance du sentiment, nous trouvons invariablement
12 et nous ressuscite. À la naissance du sentiment, nous trouvons invariablement une contradiction interne, une séparation, qu
13 st pas du tout le contraire du rationalisme (mais nous vivons sur des distinctions de manuels). Il est même étonnant de cons
14 quelle défense d’un Occident latin dont justement nous récusons l’idéal d’orgueilleuse et stérilisante perfection. L’intelli
15 lenteur, — encore un paradis perdu ! C’était bien notre dernier luxe, notre dernière gravité. C’était encore vivre sa vie. Ma
16 paradis perdu ! C’était bien notre dernier luxe, notre dernière gravité. C’était encore vivre sa vie. Mais ils s’achètent de
17 ressentent absurde. Rien désormais ne pourra plus nous rendre le silence et la lenteur des choses. Derniers refuges, vastes
18 llance — un mot des campagnes… Et ces prairies où notre adolescence encore « marche, s’arrête et marche, avec le col penché »
19 e des états d’âme.   L’Europe du sentiment, c’est notre Europe des adieux. Elle ne vit plus qu’en nous déjà, nous la portons
20 t notre Europe des adieux. Elle ne vit plus qu’en nous déjà, nous la portons encore comme le souvenir d’un soir d’adolescenc
21 ope des adieux. Elle ne vit plus qu’en nous déjà, nous la portons encore comme le souvenir d’un soir d’adolescence sur la pr
22 it du souvenir, brève nuit d’août et souvenirs de nos enfances. Ce soir des Signes où des renards sortirent à la lisière de
23 souvenir. Et bientôt paraîtra l’aube dure. Alors nous entrerons dans cette joie sauvage du Grand Jour, où nous irons avec c
24 trerons dans cette joie sauvage du Grand Jour, où nous irons avec ce qu’il restera de bonté dans notre cœur, plus inutile qu
25 où nous irons avec ce qu’il restera de bonté dans notre cœur, plus inutile que jamais, dominatrice et bafouée. (Chevreuse, 19
2 1932, Le Paysan du Danube. Première partie. Le Paysan du Danube — Un soir à Vienne avec Gérard
26 us que l’approche d’une grandeur où se perdraient nos amours terrestres dans d’imprévisibles transfigurations — l’heure anx
27 venez d’atteindre au monde des êtres véritables. Nous nous rencontrons. Vous me voyez parce que vous comprenez certaines ch
28 z d’atteindre au monde des êtres véritables. Nous nous rencontrons. Vous me voyez parce que vous comprenez certaines choses
29 sa carapace de principes et d’évidences opaques. Nous sortîmes de l’Opéra, Gérard de Nerval et moi, sans nous être rien dit
30 ortîmes de l’Opéra, Gérard de Nerval et moi, sans nous être rien dit d’autre, comme des amis qui se connaissent depuis si lo
31 raisons qu’eux, probablement… À ce moment, comme nous traversions une rue sillonnée de taxis rapides, le homard refusa obst
32 e homard refusa obstinément de progresser. Gérard dut le prendre sous le bras, et les paires de pinces s’accrochèrent déses
33 omme retiré du monde depuis si longtemps. Livrons- nous plutôt à une petite malice dont l’idée me vient à la vue de cette ven
34 aya quelques œillets rouges en expliquant qu’elle devait les donner au hasard, à une jolie femme qui passerait seule. Nous nou
35 au hasard, à une jolie femme qui passerait seule. Nous nous arrêtâmes non loin, auprès d’une devanture de robes de soie, nou
36 sard, à une jolie femme qui passerait seule. Nous nous arrêtâmes non loin, auprès d’une devanture de robes de soie, nous amu
37 on loin, auprès d’une devanture de robes de soie, nous amusant à imaginer les corps précieux qui les revêtiraient. Vint à pa
38 e temps de regarder autour d’elle ; l’intérêt que nous ne sûmes pas dissimuler nous trahit ; elle finit donc par accepter et
39 elle ; l’intérêt que nous ne sûmes pas dissimuler nous trahit ; elle finit donc par accepter et vint à nous avec un sourire
40 s trahit ; elle finit donc par accepter et vint à nous avec un sourire d’opérette : « Les Messieurs sont vraiment gentils ! 
41 aient « biondo e grassotto », et qu’avec mes amis nous devions baptiser en style viennois « Mehlspeis-Schlagobers6 ». Heureu
42 « biondo e grassotto », et qu’avec mes amis nous devions baptiser en style viennois « Mehlspeis-Schlagobers6 ». Heureusement q
43 ». Heureusement qu’au Moulin-Rouge, souterrain où nous nous engouffrâmes dans un grand bruit de saxophones et de cors anglai
44 ureusement qu’au Moulin-Rouge, souterrain où nous nous engouffrâmes dans un grand bruit de saxophones et de cors anglais jou
45 de Tannhäuser en tango, un Balkanique très lisse nous délivra de notre conquête pour la durée des danses. Gérard bâillait :
46 n tango, un Balkanique très lisse nous délivra de notre conquête pour la durée des danses. Gérard bâillait : « Voilà ce que c
47 emmes au hasard, disait-il. Je sens très bien que nous allons nous ennuyer terriblement. Du moins, moi. Pour vous, c’est dif
48 ard, disait-il. Je sens très bien que nous allons nous ennuyer terriblement. Du moins, moi. Pour vous, c’est différent, vous
49 ’elles le rattachaient aux buts les plus hauts de notre vie. Ces citadins blasés s’amusent plus grossièrement que des barbare
50 es agonisaient, aux dernières mesures d’un tango. Notre encombrante conquête revint s’asseoir auprès de nous. Gérard songeait
51 e encombrante conquête revint s’asseoir auprès de nous . Gérard songeait, muet, et n’en buvait pas moins. « Pourquoi vous ne
52 rard embrassa paternellement la belle effarée, et nous sortîmes, non sans avoir délivré le homard qui, laissé au vestiaire,
53 ocktails du Moulin-Rouge avaient peu à peu envahi notre sang. Nos pensées devenaient légères comme des ballons. La rumeur de
54 Moulin-Rouge avaient peu à peu envahi notre sang. Nos pensées devenaient légères comme des ballons. La rumeur de Vienne bai
55 s comme des ballons. La rumeur de Vienne baignait nos corps fatigués jusqu’à l’insensibilité et l’illusion étendait sur tou
56 flatteuse aux caprices redoutables. Cette nuit-là nous rencontrâmes des anges au coin des ruelles, des oiseaux nous parlèren
57 trâmes des anges au coin des ruelles, des oiseaux nous parlèrent, bientôt dissous dans le vent. Tout n’était que reflet, pas
58 définiment — c’est un ciel suspendu assez bas sur nos têtes. Lumière orangée, tamisée ; un piano dissimulé joue très doucem
59 tamisée ; un piano dissimulé joue très doucement. Nous sommes assis autour d’une petite table lumineuse, verdâtre, et Gérard
60 avec leurs illusions, — ces formes passagères que nous croyons seules réelles, ces reflets qui nous illuminent le visage ter
61 que nous croyons seules réelles, ces reflets qui nous illuminent le visage terrestre des choses dont l’autre moitié sera to
62 assion seule, par la souffrance qu’elle entraîne, nous révèle le sens réel de nos vies, et peu à peu, de leurs moindres renc
63 nce qu’elle entraîne, nous révèle le sens réel de nos vies, et peu à peu, de leurs moindres rencontres. La fatigue calme so
64 ces superstitions qui ne sont enfantines que pour nos savants retombés en pleine barbarie spirituelle. Il plaisante. Il dit
65 oute en une heure, en un lieu, en une vision. »   Nous sortîmes. Seules des trompes d’autos s’appelaient dans la nuit froide
66 it d’ailleurs endormi. En passant par la Freyung, nous vîmes un palais aux fenêtres illuminées. Des autos attendaient devant
67 ient à la banquette d’un kiosque à « Würstel » où nous nous arrêtâmes. Au léger sifflement du bec de gaz sans manchon qui éc
68 à la banquette d’un kiosque à « Würstel » où nous nous arrêtâmes. Au léger sifflement du bec de gaz sans manchon qui éclaira
69 nerveux et que depuis quelques semaines, il avait le mettre au caviar. Il en demanda donc une petite portion et la fit
3 1932, Le Paysan du Danube. Première partie. Le Paysan du Danube — Une « tasse de thé » au Palais C…
70 e figuration pour une satire à grand spectacle de notre civilisation finissante ! (Vous souriez ? Vous mourrez avec elle.) Ce
71 ue tout soit exprimé en symboles gantés de blanc. Nous sommes fous, mais il y a la manière. J’ai l’ennui de mon ami Gérard d
72 esse Adélaïde en soie d’aurore, voici l’heure que nous attendions. Les escaliers s’abaissent dans le silence nouveau, nous e
73 es escaliers s’abaissent dans le silence nouveau, nous entendons nos pas jusqu’aux jardins tendus en tapisserie entre les ar
74 abaissent dans le silence nouveau, nous entendons nos pas jusqu’aux jardins tendus en tapisserie entre les arcades d’un pér
75 ans fin dans le frisson désespéré de l’aube, — et nous , au bord du péristyle arrêtés, au bord de la nuit qui nous possède en
76 bord du péristyle arrêtés, au bord de la nuit qui nous possède encore, nous assistons au miracle hostile. Elle se tait. Alor
77 êtés, au bord de la nuit qui nous possède encore, nous assistons au miracle hostile. Elle se tait. Alors je me tourne vers c
78 e encore vacillante, le vide absurde où s’en vont nos plaisirs et d’où remonte notre peine. Ah ! surprendre sur un visage d
79 absurde où s’en vont nos plaisirs et d’où remonte notre peine. Ah ! surprendre sur un visage décontenancé, et jusque dans le
80 que moi. Le jour qui déjà me saisit va-t-il ainsi nous séparer ? Ce corps de femme défend encore sa nuit, si nu pourtant dan
81 ds : par une certaine qualité de déception, qu’il nous propose. La joie du jour, hélas, la plus forte… (Vienne, 1928)
4 1932, Le Paysan du Danube. Première partie. Le Paysan du Danube — Voyage en Hongrie
82 et ses façades exubérantes de reflets, — et déjà nous passons sous de hauts ponts sonores, au long d’un quai tout fleuri de
83 , au long d’un quai tout fleuri de terrasses ; on nous déverse dans cette foule et ces musiques, deux visages amis me sourie
84 saient de décrire sans l’avoir jamais vu, et dont nous savons seulement que tout y a son écho le plus pur. Le voyage trompe
85 qui, mais qu’êtes-vous venu chercher jusque chez nous  ? » (En Hongrie, à 30 heures d’express, on dit « jusque chez nous »,
86 grie, à 30 heures d’express, on dit « jusque chez nous  », ce qu’on ne dit pas en Amérique.) Grands dieux ! je le vois bien,
87 . Barnabooth, vous êtes, m’écrié-je, mes frères ! Nous traînons tous notre sabot, qui, loin de s’user, ne tarde pas à deveni
88 êtes, m’écrié-je, mes frères ! Nous traînons tous notre sabot, qui, loin de s’user, ne tarde pas à devenir notre raison de vi
89 abot, qui, loin de s’user, ne tarde pas à devenir notre raison de vivre. Mais combien votre sort, ô grands empêtrés ! me para
90 de troubles distingués. Peu de sens du réel. Mais nous vous montrerons notre Hongrie, ou tout au moins ce qu’il en reste. Su
91 s. Peu de sens du réel. Mais nous vous montrerons notre Hongrie, ou tout au moins ce qu’il en reste. Sur quoi l’on m’entraîna
92 es ruelles qui sentent encore le Turc. Tandis que nous y rôdions, un soir étouffant, vous m’avez montré en passant des murs
93 hète Gül Baba. Puis, comme le soleil se couchait, nous avons repassé un grand pont vibrant et nous sommes rentrés en Europe.
94 hait, nous avons repassé un grand pont vibrant et nous sommes rentrés en Europe. Mais le lendemain, m’échappant d’un program
95 brûlant, je savais bien que j’obéissais à ce que nos psychologues appellent une conduite magique. Or il est délicieux de r
96 iv De midi à quatorze heures On voyage de nos jours d’une façon « rationnelle », c’est-à-dire que les Cook’s ticket
97 ’autre école, il referme ces pages et vaque à ses devoirs . Nous voici plus à l’aise. Eh bien oui : je me ferai un mérite de per
98 ole, il referme ces pages et vaque à ses devoirs. Nous voici plus à l’aise. Eh bien oui : je me ferai un mérite de perdre to
99 rées — elle n’a rien d’étrange, si l’on songe que nous sommes en Hongrie. Et ce n’est pas que je trouve ce raisonnement fin,
100 microscopique. (Il a tellement l’air de rien que nous sommes presque excusables de ne le point apercevoir.) Je vais cependa
101 que les voûtes soient celles d’un ancien couvent. Nous pénétrons dans une grande salle vivement éclairée. Murs chaulés, et d
102 ce cette fumée, les yeux à terre, dans l’attente. Nous sommes assis autour d’une table et nous voyons, au milieu de la salle
103 ’attente. Nous sommes assis autour d’une table et nous voyons, au milieu de la salle, un arbre de Noël aux amples branches r
104 de ce café trop amer qui pince la gorge. Dehors, nous ne parlons pas : le froid paralyse la mâchoire. vi Doutes sur la
105 r des raisons « techniques ». (Est-ce que cela ne devrait pas, au contraire, aggraver le cas ?) Or l’intérêt d’un récit de voya
106 — en passant par la Hongrie. — Mais puisqu’enfin nous y voici… (Le tombeau de Gül Baba est symboliquement vide. Quant à l’a
107 mboliquement vide. Quant à l’arbre de Noël, il ne devait à nulle pendeloque insolite l’étrangeté de son éclat. Alors je m’en v
108 s, ô pathétique dissonance, tangible absurdité de notre époque, beaucoup ont dû louer des taxis démodés, au tarif inférieur.
109 tangible absurdité de notre époque, beaucoup ont louer des taxis démodés, au tarif inférieur. Des chauffeurs vautrés,
110 réfute pas cette haine. Ici, la sympathie est un devoir de politesse. Comment la mesurer sans mauvaise grâce à qui vous a reç
111 s de « la Hongrie mutilée ». — « Savez-vous qu’on nous a volé les deux tiers de notre patrie ? » — Ah ! ce n’est pas vous, m
112  « Savez-vous qu’on nous a volé les deux tiers de notre patrie ? » — Ah ! ce n’est pas vous, maintenant, qui allez demander r
113 Dans l’inextricable confusion d’injustices à quoi devait mener le wilsonisme schématique qui traça les frontières actuelles, d
114 re violacée à l’horizon — chez les Tchèques déjà. Nous allons aux bains, car c’est dans la piscine que nous devons rencontre
115 s allons aux bains, car c’est dans la piscine que nous devons rencontrer le poète. Cheveux noirs d’aigle collés sur son larg
116 ons aux bains, car c’est dans la piscine que nous devons rencontrer le poète. Cheveux noirs d’aigle collés sur son large front
117 ur son large front, belle carrure ruisselante, il nous sourit, dans l’eau jusqu’à mi-corps, mythologique. Nous sortons ensem
118 ourit, dans l’eau jusqu’à mi-corps, mythologique. Nous sortons ensemble de la petite ville aux rues de terre brûlante, aux m
119 jaunes basses, ville sans ombre, sans arbres, et nous montons vers la maison du poète, sur un coteau de vignes. Trois chamb
120 de la plaine, pas tout à fait dans le ciel, là où doivent vivre ceux qui « chantent ». L’après-midi est immense. Nous buvons de
121 ceux qui « chantent ». L’après-midi est immense. Nous buvons des vins dorés et doux que nous verse Ilonka Babits (elle est
122 t immense. Nous buvons des vins dorés et doux que nous verse Ilonka Babits (elle est aussi poète, et très belle), nous inscr
123 nka Babits (elle est aussi poète, et très belle), nous inscrivons nos noms au charbon sur le mur chaulé, Gachot prend des ph
124 est aussi poète, et très belle), nous inscrivons nos noms au charbon sur le mur chaulé, Gachot prend des photos, Gyergyai
125 que poursuivre est une sorte d’enivrant péché. —  Nous aurions une maison dans ce désert aux formes tendres et déjà familièr
126 familières, et le passage des trains chaque soir nous redirait un adieu bref, — chaque soir plus infime, à cause de l’éloig
127 oici la nuit des faubourgs de Pest, au-dessous de nous . xii Un bal, ou de l’ivresse considérée comme un des beaux-arts
128 cène, qu’on sauvegarde sa qualité. Ailleurs, chez nous , on la laisse traîner dans la sciure ou dans le gâtisme. On trouve qu
129 D’ailleurs ces Égyptiens venaient des Indes, qui nous apportèrent le tarot et la roulotte, dont descendent le bridge et la
130 oderne », dans un sens vaste et mystique, elle le doit au charme égyptien du peuple errant qui lui donna sa musique national
131 ionale12. Les signes parlent, et certains sages : nous entrons dans une ère égyptienne. Mais que dire des pouvoirs de la pla
132 n se plaignent de n’avoir pas ce faux confort que nous n’avons qu’au prix de tout ce qu’à Debrecen je viens admirer. On aime
133 sique seule s’en souvient. Trésor si pur qu’on ne doit même pas savoir qu’on le possède… Tout près d’ici, peut-être, mais in
134 res baissés, à l’abri de la lune. Le contrôleur a jouer un rôle dans mes cauchemars. L’aube m’éveille dans les faubourg
135 comme un pan de la nuit fuyante, un songe où j’ai voir l’Objet pour la première fois — ou bien était-ce un être ? x
136 somnie ! Cela tourne tout de suite à la débauche. Notre liberté de penser est absurde au regard des contraintes que subissent
137 t absurde au regard des contraintes que subissent nos gestes. Imaginer ce qui se produirait, si par quelque Décret l’on éle
138  pas encore »… Bon point de vue pour déconsidérer nos raisons de vivre. La maladie aussi. Rien ne ressemble au voyage comme
139 nes de voyage ? Cela va paraître improbable. On a voir sur moi que je le cherche, c’est pourquoi l’œil est implacable…
140 pari dont tu n’as vu l’enjeu qu’un seul instant —  nos rêves sont instantanés — que tu es parti ; et maintenant tu joues ce
141 qu’il trouve. (1929 et 1930) 7. Rappelons que notre société est fondée sur la peur du risque. Je vis plutôt mal. 8. Il f
142 ilation des passions sont disciples d’Origène. Il doit y avoir d’autres solutions… 10. Toute l’échelle des ivresses : ivres
5 1932, Le Paysan du Danube. Deuxième partie. La lenteur des choses — La tour de Hölderlin
143 ccupant assez longuement d’un des poètes auxquels notre temps doit vouer l’attention la plus grave — car il vécut dans ces ma
144 z longuement d’un des poètes auxquels notre temps doit vouer l’attention la plus grave — car il vécut dans ces marches de l’
145 à l’Esprit et dont certains des plus purs d’entre nous ont voulu tenter le climat, — j’avais rêvé sur ce passage de l’émouva
146 de. L’amour s’éloigne le premier, quand Hölderlin doit quitter la maison de Mme Gontard15, déchirement à peine sensible dans
147 s, ils ne savent pas trop qui c’était… Alors vous devez connaître ces portraits ? — (et comme je considère un ravissant médai
148 d’eux… Cela s’oublie. Et l’amour, tout justement, nous fait comprendre, dans le temps même qu’il nous entrouvre le ciel, qu’
149 t, nous fait comprendre, dans le temps même qu’il nous entrouvre le ciel, qu’il est bon qu’il y ait la terre… Mais que cette
6 1932, Le Paysan du Danube. Deuxième partie. La lenteur des choses — Petit journal de Souabe
150 C’est une jolie fille potelée, qui rit, — et qui doit savoir se défendre à l’occasion, mais comme elles font, pas trop tôt.
151 s, à cette heure qui serait celle de rentrer chez nous s’asseoir auprès d’un feu… — Mais non. 7 mai 1929 « J’ai mes br
152 ts, ces symétries minérales qu’on instruisit dans nos esprits et qui nous laissent comme perclus au milieu des métamorphose
153 inérales qu’on instruisit dans nos esprits et qui nous laissent comme perclus au milieu des métamorphoses. Il s’agit que l’e
154 que ce médecin parle avec mystère des objets que nous touchons, — ce mystique avec naturel de ce qui nous est invisible. To
155 us touchons, — ce mystique avec naturel de ce qui nous est invisible. Tous deux orientent la réflexion vers le sens et vers
156 concret. N’est-ce point ce genre de démarche que notre « culture » a le plus méprisé ? N’est-ce point à cause de ce mépris q
157 ecret de l’humain ? Car voici bien le monde qu’on nous a fait. Tout encombré d’idées sans corps, de corps stupides — de nihi
158 bstraites ont au contraire le pouvoir de rendre à nos sens leur efficacité et leur étonnement. Je regarde les feuilles de m
159 gnification. (L’état de l’âme et du corps où tout nous apparaît en relations concrètes.) 31 mai 1929 Personne n’a fabr
160 n traduis cette page Sur la mort. Mes funérailles devront se dérouler dans le cadre de Jésus-Sirach, 38, versets 16-24. Qu’on m
161 ris soin de moi au moment de ma mort et tôt après devront être largement dédommagés. Nul ne sait si je ne flotterai pas encore
162 pas », dis-je, mentant. Une grosse averse d’orage nous a fait fuir sous la tonnelle du vestiaire. « N’est-ce pas, les França
163 ême temps. — « Ne regardez donc pas mes mains, je dois faire le ménage ces jours, la peau devient toute sèche et je n’ai mêm
164 t. Presque les mêmes mots !). Doux malentendu qui nous rapproche sous la forme, respectivement, d’une carte postale et d’une
165 raire. Ses deux sœurs sont venues la chercher, et nous sommes rentrés sous le même parapluie, jusqu’à leur petite maison cou
166 nitié », ne saurait laisser aucun doute, fussions- nous même privés de certains témoignages oraux ou de quelques textes irréf
167 re à cette « Germanie aimée18 » ? Ah ! les livres nous avaient bien trompés. Pas trace ici de « merveilleux ». Tout ce qui,
168 ainte. — Des Werthers aux yeux secs, voilà ce que nous sommes. 14 juin 1929 Je suis assis en face du magazine que lit
169 e soir. Je ne sais pas ce qu’il y a, sinon que je dois retenir violemment une espèce de joie qui attrape la fièvre dans mon
170 dit-il (et l’on sent qu’il pense : maintenant que nous avons clos cette journée par une récréation bien méritée), nous voulo
171 s cette journée par une récréation bien méritée), nous voulons aller dormir. Ainsi, dormez bien, faites de doux rêves, — il
172 doux, hein !… » Tout cela est très juste ; la vie doit être ainsi : parfaitement compréhensible et d’une vulgarité toute nat
173 s yeux clos. L’arbre, en sa nuit vivante, rêve de nous . Plus tard, nous nous sommes regardés sans fin. (Ah ! comment dire !
174 bre, en sa nuit vivante, rêve de nous. Plus tard, nous nous sommes regardés sans fin. (Ah ! comment dire ! Vraiment ce fut c
175 en sa nuit vivante, rêve de nous. Plus tard, nous nous sommes regardés sans fin. (Ah ! comment dire ! Vraiment ce fut cette
176 t une branche et la Lune éclairait à longs traits nos visages. Je reconnus la jeune fille tzigane, ma Rose noire de Tannenb
177 it doucement, au sein du silence et du regard. Et nous sommes demeurés des heures au-delà de ce que l’on ignore d’un être, d
178 aient sans mesure tout ce que l’anxiété de la vie nous dérobe : la nudité, la plénitude et la violence infiniment comblée. O
179 musical. Ainsi coula cette nuit sans partage, et nos mains ne s’étaient point touchées, lorsque au point du jour je vis pâ
180 i à leur manière, et très éloignés, qui composent notre imagerie quotidienne du vaste monde. J’étais seul et tranquille, à ma
181 e, résultat selon lui de l’excellente cuisine que nous sert la Gnädige. Je n’aurais plus l’air citadin. Allons bon, félicito
182 point de cela que l’homme des villes a besoin de nos jours ? On parle toujours de son appétit du plaisir. C’est un cliché
183 sang, amplifie le rythme des marées qui baignent nos membres. J’ai connu peu de joies plus hautes que celle-ci : se promen
184 ns le mouvement. Et c’est par là qu’ils parlent à notre âme et la retiennent, la captivent. Fin juillet 1929 Vraiment l
185 encore jusqu’à Stuttgart, où je crois bien qu’on doit arriver vers 8 heures, J’ai d’abord essayé de me confiner dans cette
186 des populations qu’il traverse. À chaque station nous débarquons un peu moins de paysans et de paniers ventrus, embarquons
187 encore en regardant devant moi. J’ai honte. Comme nous sommes incapables de nous libérer de barrières sociales ou de pudeurs
188 moi. J’ai honte. Comme nous sommes incapables de nous libérer de barrières sociales ou de pudeurs qu’en pensée nous tenions
189 de barrières sociales ou de pudeurs qu’en pensée nous tenions pour nulles. Si j’étais vraiment libre, j’aurais fait place a
190 faire des courses en ville, probablement ; elle a prendre le train des ouvriers, — et c’est à elle que va ma sympathie 
191 re interrogation des visages devant l’atrocité de notre vie sociale ! Je baisse les yeux sur mon livre. Et la foule menaçante
192 humain, c’est de donner sans mesure un amour dont notre vie, peut-être, n’a que faire. ⁂ Le reste de la vie, c’est toujours e
7 1932, Le Paysan du Danube. Deuxième partie. La lenteur des choses — Châteaux en Prusse
193 é écumer sous la masse du soleil. Une lisière qui nous accompagnait vira largement, nous fit front, et il n’y eut plus qu’un
194 Une lisière qui nous accompagnait vira largement, nous fit front, et il n’y eut plus qu’une piste de terre entre les sapins
195 noirs, la rumeur du rivage et du soleil derrière nous décroissant, tumulte d’un matin d’été. Maintenant une odeur fine de b
196 une allée fait son bruit luxueux, tout s’éclaire, nous y sommes : cent fenêtres, sur la gauche, dans une façade de grès Loui
197 sur la gauche, dans une façade de grès Louis XV. Nous la longeons, nous montons une rampe pavée qui s’engage sous un porche
198 ns une façade de grès Louis XV. Nous la longeons, nous montons une rampe pavée qui s’engage sous un porche couvert aux colon
199 rophes de Novalis, des mélodies de Bach. Après le Notre Père, chacun s’en va, sérieux, de son côté. Le reste de la matinée se
200 pourpres. Les chevaux ruisselants s’échappent de nos bras, et nous les poursuivons, le long des grèves, dans les blés. Mid
201 s chevaux ruisselants s’échappent de nos bras, et nous les poursuivons, le long des grèves, dans les blés. Midi. Au haut de
202 t consacré à l’inspection des terres. Chaque jour nous partons en break à deux chevaux, pour l’un des onze villages du burgr
203 et parfois hors des pistes, à travers la forêt —, nous gagnons la maison de l’inspecteur. On la distingue de loin, seule bât
204 r les « bocks » mal encornés. Le fusil déposé sur nos genoux, par habitude, ce sera pour tirer un chat qui rôde autour de l
205 e forêts maigres et de pâturages, à perte de vue. Nous sommes pour trois jours, les hôtes d’une immense demeure en briques r
206 de « ceux de W. qui ne boivent que du lait ». Et nous servent du thé bouillant où nagent des morceaux de glace. À ces détai
207 ement des bœufs ne s’apaise pas sous le soleil et nous entoure d’une rumeur animale tenace comme toutes ces odeurs de la ter
208 ouffle le vent marin ; et des cigognes filent sur nos têtes, tirant leurs pattes roses. À l’horizon toujours passent des vo
209 ue l’on exige des jeunes Prussiens, ferait hurler nos pédagogues. Mais elle s’unit à un régime de responsabilités concrètes
210 de de se trouver devant une bête en liberté qu’on doit saisir d’abord, puis seller et dompter. Ou bien ce sont des tâches pr
211 ommes, des animaux et des éléments naturels. Pour nous , nous développons un sens plutôt fictif de la responsabilité. Nous dé
212 des animaux et des éléments naturels. Pour nous, nous développons un sens plutôt fictif de la responsabilité. Nous développ
213 ppons un sens plutôt fictif de la responsabilité. Nous développons au vrai un hamlétisme. Notre préparation à l’autonomie de
214 sabilité. Nous développons au vrai un hamlétisme. Notre préparation à l’autonomie de l’individu demeure théorique, et son app
215 retardée, contrecarrée, découragée sournoisement. Nous créons par nos préceptes, et par toute notre ambiance éducatrice, un
216 carrée, découragée sournoisement. Nous créons par nos préceptes, et par toute notre ambiance éducatrice, un organe de l’aut
217 ment. Nous créons par nos préceptes, et par toute notre ambiance éducatrice, un organe de l’autonomie qui ne trouve nulle par
218 ercer : d’où les conflits purement « moraux » qui nous empêtrent, jusqu’au-delà de nos adolescences. Jeux des enfants prussi
219 t « moraux » qui nous empêtrent, jusqu’au-delà de nos adolescences. Jeux des enfants prussiens : s’asseoir à six ou sept su
220 ticulations, en sorte qu’il ne peut se coucher et doit dormir appuyé aux arbres. Pour le capturer, les indigènes scient à mo
221 donne aux plaisirs mondains l’aspect absurde que nous leur connaissons, cette superstition ne leur est nullement nécessaire
222 unkers… J’entends les gens de villes : « Ça ne doit pas être bien drôle à la longue ! » Avec cela que vos plaisirs vous a
223 donnent sa raison d’être au labeur des journées. Nous voici délivrés de la grande bourgeoisie, de ces gens qui croient devo
224 de la grande bourgeoisie, de ces gens qui croient devoir , ou se devoir. De ces gens grossièrement distingués qui ne vous ont p
225 ourgeoisie, de ces gens qui croient devoir, ou se devoir . De ces gens grossièrement distingués qui ne vous ont pas vu, qui dét
226 eau riche, en regard de cette seule classe qui ne doit rien à l’opinion.   Non, je ne peux rien voir dans la « féodalité » d
227 té » de ces junkers, qui soit plus répugnant pour notre humanité que tant de systèmes prônés par les partisans du progrès, — 
8 1932, Le Paysan du Danube. Deuxième partie. La lenteur des choses — Le balcon sur l’eau
228 n sur l’eau Tu es appuyée debout contre moi, et nous regardons à nos pieds l’eau vivante. La brume est proche. Une haute m
229 es appuyée debout contre moi, et nous regardons à nos pieds l’eau vivante. La brume est proche. Une haute muraille derrière
230 La brume est proche. Une haute muraille derrière nous ferme le monde. Tu ne trembles plus, tu t’appuies. Nos reflets ondule
231 erme le monde. Tu ne trembles plus, tu t’appuies. Nos reflets ondulent très peu, gris sur le blanc doucement luisant de la
232 dresse, et se retient… Et l’air chargé d’attente. Nos têtes immobiles sont près de se toucher, nos regards s’en vont à la r
233 nte. Nos têtes immobiles sont près de se toucher, nos regards s’en vont à la rencontre de ce qui est voilé. Retiens ton sou
234 écoute encore plus purement… Solennité autour de nous  : il y a une grande lenteur. C’est l’avenir ou l’éternité qui ouvre l
235 eçue quelque part en nous-mêmes, dans la brume où nous sommes perdus avec ce clapotis d’une eau étrangement vivante et qui r
236 eau étrangement vivante et qui rêve ; et rien que nos yeux qui brillent dans l’étendue où nos deux formes confondent leur o
237 rien que nos yeux qui brillent dans l’étendue où nos deux formes confondent leur ombre et leur songe… Odeur de l’eau, — po
9 1932, Le Paysan du Danube. Deuxième partie. La lenteur des choses — Appendice. Les Soirées du Brambilla-Club, (1930)
238 oujours le fantôme de l’Odéon qui m’accompagne et nous ne disons presque rien, nous savons les mêmes histoires et nous avons
239 qui m’accompagne et nous ne disons presque rien, nous savons les mêmes histoires et nous avons durant la journée bouquiné d
240 presque rien, nous savons les mêmes histoires et nous avons durant la journée bouquiné dans les mêmes boîtes sous les arcad
241 eur vie : « J’ai horreur de la sentimentalité ».) Nous voici donc en taxi, « nous deux le fantôme ». Ce soir-là, le fantôme
242 la sentimentalité ».) Nous voici donc en taxi, «  nous deux le fantôme ». Ce soir-là, le fantôme ayant envie de manger ferme
243 ne vous le confie pas sans un secret tremblement. Nous embarquons Jean Cassou, et le fantôme se fait aussi négligeable que p
244 ent invisible, dans cette minuscule voiture. Déjà nous traversons la nuit rose et violette de Montparnasse. Là, l’insondable
245 e Montparnasse. Là, l’insondable lubie d’un agent nous immobilise une minute aux lisières odorantes d’une terrasse où nous v
246 e minute aux lisières odorantes d’une terrasse où nous voyons Charles-Albert Cingria, transfiguré par un souffle épique, en
247 ris et leurs établissements place de la Concorde. Notre conteur est vêtu de la gloire d’un pourpoint « plus rouge que rouge »
248 ine, qui vaille l’amour. Durant cette méditation, nous avons gagné une rue pauvrement éclairée où l’on s’arrête. Le fantôme
249 nt éclairée où l’on s’arrête. Le fantôme derrière nous claque la portière. Il fait assez froid. ⁂ Lorsque l’homme, cédant à
250 de se perdre est un des plus profonds mystères de notre condition, et je ne crois pas trop absurde d’y chercher l’origine non
251 la mode, qui vient trébucher dans les méandres de notre chemin : « Il faut se perdre pour se retrouver », nous enseigne une d
252 chemin : « Il faut se perdre pour se retrouver », nous enseigne une doctrine en vérité moins généreuse que ne veut le croire
253 éparses dans une brousse où s’engage délibérément notre fantôme. Il avance sans bouger les jambes. Nous suivons à tâtons. Ce
254 notre fantôme. Il avance sans bouger les jambes. Nous suivons à tâtons. Ce que je pressentais ne tarde pas à se produire :
255 pensers mis à toutes sauces. Mais qui donc, parmi nos penseurs, mériterait d’être servi en sauce Marthaler ? Mais ne parlon
256 — la portion que l’on s’est administrée, accapare nos facultés les plus vulgaires, libérant par là cette part gratuite de n
257 après-midi qu’il commençait un roman. Son absence nous fera-t-elle croire qu’il apporte quelque préciosité à le parfaire ? —