1 1936, Penser avec les mains. Première partie. La commune mesure — I. Le problème de la culture
1 ILe problème de la culture Qu’ est -ce qu’un problème ? Je me propose d’envisager dans cet ouvrage le
2 un livre qui traite d’un « problème » précis, il est prudent de se demander d’abord si vraiment ce problème se pose — ou s
3 oblème se pose — ou si l’auteur tout simplement s’ est amusé à le poser. Il ne serait pas mauvais non plus de savoir si l’on
4 eur tout simplement s’est amusé à le poser. Il ne serait pas mauvais non plus de savoir si l’on cherche, en lisant, un passe-t
5 é les problèmes dans une telle proportion qu’il n’ est pas raisonnable d’espérer qu’un lecteur d’aujourd’hui soit bien au cl
6 raisonnable d’espérer qu’un lecteur d’aujourd’hui soit bien au clair sur ses besoins quand il entre chez son libraire pour a
7 nous pose un problème réel ! Mais après tout, qu’ est -ce qu’un problème ? Est-il sûr que tout le monde le sache bien, et qu
8 éel ! Mais après tout, qu’est-ce qu’un problème ? Est -il sûr que tout le monde le sache bien, et qu’il soit superflu de com
9 -il sûr que tout le monde le sache bien, et qu’il soit superflu de commencer par définir ce premier mot ? Allons tout de sui
10 ite à un exemple extrême. Pour le croyant, Dieu n’ est pas un problème, ni la solution d’un problème, mais il est la présenc
11 n problème, ni la solution d’un problème, mais il est la présence réelle qu’on connaît avec assurance dès l’instant qu’on l
12 u se pose — éternellement insoluble. Ou bien Dieu est présent, et c’est un ordre souverain ; ou bien il se retire, et devie
13 s’étonner de la multitude des problèmes que nous sommes en état de poser, sinon de résoudre du tout. (Mais la vie ne s’arrête
14 qu’elle nous commande vraiment. Mais autre chose est de poser des questions au sein d’un ordre solidement bâti, autre chos
15 s au sein d’un ordre solidement bâti, autre chose est de découvrir que soudain des problèmes se posent, qui débordent l’ord
16 es hommes ont éprouvé ce phénomène : soudain ce n’ est plus eux qui posent des questions en vertu de la pétulance naturelle
17 nt « impensable ».) Ce renversement d’équilibre n’ est pas facile à définir, ni surtout à localiser. Il me semble qu’il est
18 finir, ni surtout à localiser. Il me semble qu’il est d’abord éprouvé par le sentiment, comme une espèce de tragique dont o
19 eur, je me borne à constater ceci : la révolution est ouverte quand se pose soudain la question du uhlan de la guerre de Bo
20 se révèle soudain plus pesante que les forces qui sont encore vives dans l’ordre social par exemple, les chances et la néces
21 le fait qu’un problème se pose, et qu’on l’avoue, est souvent beaucoup plus important que les solutions qu’on lui propose.
22 ’un demande : à quoi sert-elle ? et déjà la crise est ouverte.) Critiquer pour construire Il faut insister tout d’abo
23 tement, il faut dire que cette inquiétude ne peut être avouée aujourd’hui qu’en vertu d’une vision nouvelle, d’une confiance
24 usieurs. Si j’entreprends d’écrire ce livre, ce n’ est pas pour la joie mauvaise d’inventorier les vices d’une culture : tan
25 distraire mes contemporains. Mais je crois qu’il est encore temps de dévisager le péril : il ne prendra la force d’un dest
26 un problème, c’est donc, et tout d’abord, qu’elle est en décadence. Or, on n’arrête pas une décadence en essayant de résoud
27 Il faut le sauver de la banalité. Repartir, ce n’ est pas réformer, ni redresser, ni accélérer le cours des choses ; c’est
28 uveau une force intacte, endormie jusqu’ici. Ce n’ est pas renouveler de vieux combats qui traînent, mais déclarer une guerr
29 constatation d’un mal actuel, mais ce mal n’a pu être révélé que par la connaissance d’un bien nouveau, d’un bien qui, lui,
30 rôle que d’attiser notre mauvaise conscience. Ce sont les hommes les plus intelligents du siècle, mais aussi les moins créa
31 s nos romanciers à la mode, bourgeois confus de l’ être encore, habiles dans l’analyse du désordre, fascinés par les subversi
32 un abus de langage. Préparer la révolution, ce n’ est pas simplement « refuser » ce qui subsiste encore tant bien que mal d
33 celui qui se survit. La critique révolutionnaire est liée d’une façon immédiate à l’affirmation créatrice : elle n’est en
34 açon immédiate à l’affirmation créatrice : elle n’ est en somme que l’aspect accidentellement négateur de cette affirmation
35 Mais la critique des auteurs que j’ai dit ne veut être qu’une pure critique1 ; elle veut être valable en soi, elle prétend n
36 it ne veut être qu’une pure critique1 ; elle veut être valable en soi, elle prétend ne rien préjuger de cet avenir qu’il fau
37 vit encore, adressons ce rappel élémentaire : il est dangereux de confondre goût du désordre avec révolution ; goût du sui
38 essaire pour situer la critique qui va suivre. Il est nécessaire de marquer que cette critique ne se fonde pas dans l’humeu
39 ns la nostalgie d’un amateur de paradis perdu. Il est nécessaire de marquer qu’elle procède au contraire d’un parti pris de
40 « je vous parle en toute sincérité » : l’homme n’ est pas un point de vue abstrait, mais un animal créateur ; et ce n’est p
41 e vue abstrait, mais un animal créateur ; et ce n’ est pas ce qu’il pense de sa sincérité qui m’intéresse, mais ce qu’il veu
42 de l’homme dispose ; c’est montrer que l’esprit n’ est réel et ne mérite que l’on s’inquiète à son sujet que lorsqu’il s’aba
43 eux qui œuvrent ; et ceux qui ouvrent. L’esprit n’ est vrai que lorsqu’il manifeste sa présence, et dans le mot manifester i
44 et dans le mot manifester il y a main. L’esprit n’ est vrai que dans son acte, que nos clercs qualifient d’abaissement. C’es
45 la portée des hommes, mais c’est là qu’il cesse d’ être un mensonge. L’amour est le comble de l’esprit, et l’amour du prochai
46 c’est là qu’il cesse d’être un mensonge. L’amour est le comble de l’esprit, et l’amour du prochain est un acte, c’est-à-di
47 est le comble de l’esprit, et l’amour du prochain est un acte, c’est-à-dire une main tendue, non pas un sentiment drapé, no
48 lecteur. C’est une occupation pénible à laquelle sont soumis ceux qui écrivent au xxe siècle que de faire la chasse aux gr
49 la jungle du vocabulaire. J’ai dit que la culture est en pleine décadence. Et maintenant je demande qu’elle s’abaisse ! Gué
50 » m’apparaissent responsables pour une part qui n’ est pas la moindre : j’essaierai de la mesurer. La faute que je leur impu
51 rai de la mesurer. La faute que je leur impute, n’ est pas d’avoir mal conduit l’opinion, mais d’avoir refusé de la conduire
52 nous apprend-elle pas que les lois de l’histoire sont des lois, et que l’esprit ne peut rien y changer ? Que l’esprit plane
53 e dire tout simplement que la culture, faute de s’ être montrée « à la hauteur » d’une tâche humaine a voulu se hisser au sub
54 sser au sublime, où le siècle bien trop heureux d’ être débarrassé de son contrôle, la laisse poliment dépérir, en attendant
55 leurs affaires sous prétexte que le vrai tragique est de l’ordre du spirituel. Qu’un intellectuel refuse absolument de s’in
56 it de la fantaisie.) Et je ne dis pas que cela ne soit dans l’ordre. Mais je remarque d’autre part que les clercs admettent
57 avec la fumée de son cigare. Et c’est cela qui n’ est pas dans l’ordre. Cette tolérance serait-elle d’aventure une sorte d’
58 cela qui n’est pas dans l’ordre. Cette tolérance serait -elle d’aventure une sorte d’ironie philosophique ? « Parle toujours,
59 ironie dans la politesse de ces clercs. Preuve en soit la manière dont ils usent entre eux, sans éveiller la méfiance de leu
60 de ses résistances, on sabote ses instruments qui sont les mots, on réduit la mission de l’écrivain à celle du propagandiste
61 d’une aussi quotidienne observation acceptent, ne fût -ce qu’un instant, de se demander si leur doute ne fournit pas une pre
62 de cette décadence. Mais avec lui la catastrophe est déjà virtuellement consommée. Car si l’on doute de l’importance des m
63 précis ? Que sert de parler à des sourds ? Et ne sont -ils pas sourds, ces hommes qui ne savent plus entendre exactement le
64 s dont on parle ? Ces hommes pour qui les mots ne sont plus que des à-peu-près, — conventions à la mode ou étiquettes vagues
65 qu’ils impriment, sans remarquer que leur langage est la négation du langage, la négation de la culture, la négation de sa
66 que je voudrais comparer à des vestales ? Mais où sont encore ces vestales, gardiennes du sens et de l’usage du discours ? M
67 , etc.) s’éloigne ou s’affaiblit, ou même cesse d’ être présent et actif. Ensuite, que l’aveu même de l’existence d’un problè
68 ite, que l’aveu même de l’existence d’un problème est déjà un essai de le résoudre, et la preuve qu’on pressent sa solution
69 e et en Allemagne. 1. Mais Proust, ou Joyce, n’ est -ce pas de la création ? Ce style nouveau, ces abîmes entrouverts, et
70 ces abîmes entrouverts, et ce maelstrom verbal qu’ est l’Ulysses ? D’intéressantes inventions de style décorant une vaste en
2 1936, Penser avec les mains. Première partie. La commune mesure — II. D’une culture qui parle dans le vide
71 t à son programme de discussion : “la gymnastique est de la culture”, voilà où nous en sommes. La majeure partie de ce que
72 gymnastique est de la culture”, voilà où nous en sommes . La majeure partie de ce que l’on dit aujourd’hui sur la culture est
73 tie de ce que l’on dit aujourd’hui sur la culture est du même niveau. » La situation est-elle plus réjouissante en France ?
74 sur la culture est du même niveau. » La situation est -elle plus réjouissante en France ? Et ne faut-il pas craindre que cer
75 ation culturelle qui s’amorcent ici depuis peu ne soient rapidement déprimées par la difficulté qu’il y a à définir simplement
76 nt il s’agit de prendre connaissance si l’on veut être un « homme cultivé ». C’est aussi un ensemble de disciplines scolaire
77 ur reprendre les termes de Sorel, disons qu’on en est arrivé à considérer la culture comme un produit de consommation, et n
78 re inadaptation de la culture, telle qu’elle nous est transmise, aux besoins que l’époque nous crée. Surproduction ou sous-
79 lan de la quantité. Sur le plan de la qualité qui est celui de la culture, surproduction signifiera : production de valeurs
80 s masses à vivre des valeurs qu’on leur transmet, soit par la presse, soit par l’école, ou plus rarement, par le livre. En d
81 valeurs qu’on leur transmet, soit par la presse, soit par l’école, ou plus rarement, par le livre. En d’autres termes, la c
82 utres termes, la culture ne « rend » plus. Elle n’ est plus à notre mesure, elle nous offre des nourritures de luxe, et nous
83 ue étrangère, algébrique, aristocratique. Il s’en tient à ses préjugés, tout en souffrant vaguement de se sentir exclu de mys
84 u le secret : c’était le secret d’une culture qui est morte. ⁂ Séparation du peuple et des « gens cultivés », séparation de
85 évolution, ou mieux d’une décomposition dont nous sommes les victimes, par surcroît de malheur, inconscientes. On peut résumer
86 e prise de mauvaise conscience. C’est aussi qu’il est le premier à définir une conscience nouvelle de la culture créatrice
87 out humain que l’on donne couramment à ce terme —  est le seul historien clairvoyant. Séparer prophétie et histoire comme le
88 uvoir et un sens. Toute connaissance des origines est incluse dans celle des fins, et c’est pourquoi la vigueur de nos pris
89 r de nos prises sur les documents de l’histoire n’ est qu’un aspect de notre puissance personnelle d’anticipation. L’histoir
90 uissance personnelle d’anticipation. L’histoire n’ est qu’une prophétie qui se retourne. De Man part donc du conflit qui opp
91 e ou mythique, mais qui agit déjà comme telle, ne fût -ce qu’en précisant les traits réels de la culture qu’elle prétend rem
92 emplacer. Dans la mesure où la culture bourgeoise est liée aujourd’hui aux conditions économiques qui définissent la classe
93 nomiques qui définissent la classe bourgeoise, on est en droit de supposer que cette culture procède dès l’origine de la pu
94 ux charges gouvernementales. Dès le xiiie siècle était apparue une conception du travail et de la culture qui va caractérise
95 universel, fait sienne cette exigence. Ainsi il n’ est plus seulement dit : “Celui qui travaille doit être honoré” mais il e
96 st plus seulement dit : “Celui qui travaille doit être honoré” mais il est encore dit : “Chacun doit travailler pour être ho
97  : “Celui qui travaille doit être honoré” mais il est encore dit : “Chacun doit travailler pour être honoré en ce monde et
98 il est encore dit : “Chacun doit travailler pour être honoré en ce monde et être sauvé dans l’autre” » (page 137). Ce princ
99 n doit travailler pour être honoré en ce monde et être sauvé dans l’autre” » (page 137). Ce principe nous est devenu familie
100 auvé dans l’autre” » (page 137). Ce principe nous est devenu familier. Mais au déclin du Moyen Âge il apparaît comme une ré
101 radicale. Alors que le travail du paysan asservi était pour lui « un destin qu’il subissait », le travail du bourgeois devie
102 permettra de construire. À ce moment, la culture est travail, revendication constructive ; elle mesure à la fois la pensée
103 elle mesure à la fois la pensée et l’action. Elle est comme la mesure vivante de la société rénovée. Mais la situation se r
104 hante, dans le domaine conquis. La charnière doit être située aux confins du xiiie et du xive siècle, pendant la brève sup
105 ut la peine : Tant que cette classe (bourgeoise) fut au pouvoir, elle fit de la séparation entre la propriété et le travai
106 nction productive (tout aussi capitaliste qu’elle fût ), leur pouvoir resta inébranlable ; dès qu’ils passèrent de l’ascétis
107 ysique et productif comme un motif suffisant pour être exclus de la participation au pouvoir politique. Tant qu’ils furent a
108 a participation au pouvoir politique. Tant qu’ils furent au pouvoir, le droit de vote et l’accès aux fonctions administratives
109 les restèrent réservés à ceux « dont les ongles n’ étaient pas bleus ». C’est à leurs ongles bleus que l’on reconnaissait les tr
110 onnaissait les travailleurs de la laine, celle-ci étant toujours teinte d’abord au pastel. Or la différence entre la main ouv
111 uvrière et la main non ouvrière a depuis toujours été un des symboles les plus usités de la distinction entre les classes 7
112 ocialistes comme un manque de goût démagogique, n’ est vraiment pas une invention socialiste. Ce n’est que la réplique prolé
113 n’est vraiment pas une invention socialiste. Ce n’ est que la réplique prolétarienne à une thèse qui date des premiers effor
114 e vis-à-vis de la culture. Elle transforme ce qui était ses outils en propriété assurée. La culture n’est plus un combat, ell
115 ait ses outils en propriété assurée. La culture n’ est plus un combat, elle devient une distinction ; c’est-à-dire une fin e
116 oi, non plus un instrument de lutte. Elle cesse d’ être une production pour devenir une consommation réservée aux bourgeois «
117 qu’il n’ait pas vu que si la puissance bourgeoise était promise à la dissociation dès l’instant même de sa victoire, c’était
118 le vieux conflit des exploiteurs et exploités. Il est vrai que de Man pousse « au-delà du marxisme ». Il refuse de s’en ten
119 pousse « au-delà du marxisme ». Il refuse de s’en tenir à la simple constatation d’antagonismes économiques. Il accorde autan
120 ci qu’une question plus profonde me paraît devoir être posée : l’éthique des maîtres oisifs est-elle vraiment la négation de
121 devoir être posée : l’éthique des maîtres oisifs est -elle vraiment la négation de l’éthique des travailleurs, qui les a en
122 l’éthique des travailleurs, qui les a enrichis ? Serait -il absurde de soutenir que c’est au fond la même éthique qui fait la
123 n pas en déduire que l’erreur d’une telle éthique est commune aux uns et aux autres, aux patrons et aux ouvriers ? L’examen
124 ait pas une conscience assurée, positive. 6. Il est curieux de noter qu’à la page 36 de son livre, de Man soutient un poi
125 ordre existant pour pouvoir se représenter ce qui serait bien. » Cette phrase serait la négation de ce qu’il y a de plus effic
126 se représenter ce qui serait bien. » Cette phrase serait la négation de ce qu’il y a de plus efficace dans l’effort de l’auteu
3 1936, Penser avec les mains. Première partie. La commune mesure — III. Fatalités du rationalisme bourgeois
127 rationalisme bourgeois Si l’on se demande quel est le principe central de notre société bourgeoise, son lieu commun fond
128 vertu décisive et première de la société féodale fut l’honneur, vérité de la force et de la confiance jurée, de même le fo
129 ales et morales, scientifiques et religieuses, ce fut toujours la raison raisonnante, méfiante et organisatrice. Et non pas
130 obscurantisme. La « philosophie des lumières » en est l’illustration fameuse. Or c’est elle qui est à l’origine de la Révol
131 en est l’illustration fameuse. Or c’est elle qui est à l’origine de la Révolution française, qui devait par ailleurs rendr
132 ou cosmique), cette raison du rationalisme, qui n’ est pas celle de Platon, ni d’Aristote, ni de Thomas d’Aquin, et encore m
133 dans cette guerre d’usure, millénaire, qu’elle s’ est formée et clarifiée, qu’elle s’est organisée elle-même et qu’elle a p
134 ire, qu’elle s’est formée et clarifiée, qu’elle s’ est organisée elle-même et qu’elle a pris ses habitudes, son allure géomé
135 même, elle ne croit pourtant qu’à leurs lois : ce sont les seules qui la provoquent à des combats où elle puisse vaincre, où
136 ste. Cet aspect à la fois rebutant et rassurant n’ est pas visible à l’origine : la raison lorsqu’elle entre en action prend
137 çons de s’offrir à la violence des affranchis, ce sont des signes qui n’ont jamais trompé. Les dames romaines aux combats de
138 Les plus vibrants panégyriques de « l’Ursse », ce sont des femmes du monde émancipées qui vous les prêchent aujourd’hui. Si
139 i. Si vous risquez une critique du marxisme, vous serez traité de cornichon : le communisme des bourgeois, c’est une mystique
140 nné que la raison peut duper notre foi. Mais il n’ est pas dans sa nature de composer longtemps avec les illusions qu’elle s
141 ot amuse, on ne veut voir que sa verve, mais ce n’ est pas elle, c’est sa plate raison qui prépare les lendemains de la révo
142 , de pouvoir poétique8 et de tendresse virile qui est la rançon de son orgueil rationaliste. Certaine élite française entho
143 enthousiasmée par l’idéal d’exportation de l’URSS est en train de commettre une erreur toute semblable sur la raison finale
144 homme à des mesures chiffrées.   Mais la raison n’ est pas seulement cet instrument de notre domination sur les choses. Elle
145 strument de notre domination sur les choses. Elle est aussi une défense nécessaire contre la tyrannie des mythes. C’est peu
146 invention. Raison contre superstition : le schéma est peut-être primaire, il n’en traduit pas moins dans ses grandes lignes
147 us d’une féodalité qui se survit. Là encore, elle est légitime dans la mesure où elle s’ordonne à un idéal plus « humain »,
148 hommes contre certains mystères despotiques peut être un moment héroïque de notre lutte contre la mort. Imposer l’ordre et
149 penchant pernicieux dont les effets commencent d’ être visibles dès que l’ordre nouveau s’établit. Si la fatalité de la rais
150 u s’établit. Si la fatalité de la raison pratique est cette lourdeur matérialiste qui finit par soumettre l’homme lui-même
151 oumettre l’homme lui-même aux lois du nombre, qui sont les lois des choses, la fatalité parallèle d’une raison ennemie des m
152 manie de tout unifier, l’esprit de géométrie, qui est l’esprit de la dictature et qui conduit à l’étatisme. Dès que l’idéal
153 retourne soudain contre l’homme. La raison, qui n’ est plus soutenue par un enthousiasme vital pour des fins qui lui soient
154 e par un enthousiasme vital pour des fins qui lui soient transcendantes, usurpe les pouvoirs des royautés obscures qu’elle nou
155 sa tyrannie se révèle plus inhumaine encore que n’ étaient leurs caprices. Le savant et le technicien tuent mieux que le mage et
156 rchie n’en menaçait. L’histoire de cette fatalité est celle du monde contemporain. Son mécanisme est simple, et son rythme
157 té est celle du monde contemporain. Son mécanisme est simple, et son rythme constant. La raison joue le rôle d’une force d’
158 s du monde antique par le Moyen Âge. La vraie foi est pour la magie un adversaire d’une autre taille que la raison. 10. Ic
4 1936, Penser avec les mains. Première partie. La commune mesure — IV. Hegel, Comte, Marx, ou la rationalisation
159 stade de l’émeute. Le virus révolutionnaire, il n’ est pas dans le bon sens calculateur des bourgeois, mais bien dans l’auda
160 lturelle. Dès le début du xixe siècle, cet idéal est installé dans la conscience européenne. Quels que soient les régimes
161 installé dans la conscience européenne. Quels que soient les régimes ou les coutumes que l’on prolonge, c’est désormais à la «
162 iments et la raison de la France ». La Révolution est achevée : son principe est passé au rang de lieu commun. Alors parais
163 rance ». La Révolution est achevée : son principe est passé au rang de lieu commun. Alors paraissent les grands docteurs, H
164 raissent les grands docteurs, Hegel et Comte. Ils sont réactionnaires, c’était fatal. Non qu’ils renient le Progrès rationne
165 on peut prévoir les intentions… La raison cesse d’ être l’outil manié par des mains ouvrières au service d’une passion aventu
166 artes ou chez les encyclopédistes. La bourgeoisie étant devenue propriétaire, ce qu’il lui faut, c’est une théologie qui légi
167 nouveau, mais du nouveau qui ne menace pas ce qui est acquis. Du nouveau, mais qui soit au fond exactement semblable à de l
168 enace pas ce qui est acquis. Du nouveau, mais qui soit au fond exactement semblable à de l’ancien (comme le dit, à peu près,
169 rès, un personnage de Claudel). Du nouveau qui ne soit pas création absolue et imprévisible, mais développement rationnel de
170 ement rationnel de l’acquis : enrichissement. Tel est le paradoxe que les systèmes de Hegel et de Comte vont résoudre magis
171 nt résoudre magistralement. Hegel : « Tout ce qui est réel est rationnel » — voilà qui justifie l’acquis. Tout ce que l’ant
172 re magistralement. Hegel : « Tout ce qui est réel est rationnel » — voilà qui justifie l’acquis. Tout ce que l’antithèse ni
173 rdre pour base, le Progrès pour but. — Le progrès est le développement de l’ordre. — Les vivants seront toujours et de plus
174 ès est le développement de l’ordre. — Les vivants seront toujours et de plus en plus gouvernés nécessairement par les morts. »
175 erne de la raison, dont nous avons montré quelles étaient les fatalités ; et une série économique, traduisant le passage du tra
176 es idéologies les plus diverses du nouveau siècle sont contenus en germe dans ces formules de Comte et de Hegel. Les morts g
177 us régi par les fatalités de la raison. Son œuvre est véritablement le microcosme de l’univers rationaliste. Contre une bou
178 tre une bourgeoisie trop vite satisfaite et qui s’ est arrêtée à mi-chemin de ses ambitions, Marx a repris les armes de l’En
179 e : son rappel vigoureux aux réalités économiques est tout d’abord une attitude polémique. S’il affirme au nom de la raison
180 matériels, c’est pour ramener la bourgeoisie, qui est en train de s’égarer dans les voies de l’idéalisme, au réalisme qui a
181 se ce point de vue polémique, oublie son but, qui était la destruction de l’État, et d’une thèse purement critique tire une d
182 les principaux articles de foi des deux religions sont bien souvent les mêmes : elles honorent l’une et l’autre un seul dieu
183 elles croient l’une et l’autre à la Science, qui est le triomphe des lois sur la mythologie, en même temps que la garantie
184 cation personnelle. L’évolution fatale des choses est substituée au gouvernement de l’homme par lui-même. Triomphe du légal
185 objective » du monde. Le temporel et le spirituel sont devenus dans notre langage : la police et la propagande. Et la raison
186 fidèlement « ce qui se fait ». Elle cesse donc d’ être « ce qui fait ». Elle se réduit à décrire sans juger. À moins qu’elle
187 ouvelle société. En effet, cette nouvelle société est celle des bourgeois établis dans une richesse acquise par leurs ancêt
188 ans ses loisirs. L’inactualité de la culture, qui était pour Marx une vérité de fait — fait qu’il avait tout d’abord dénoncé,
189 ent, eux aussi, que la « force des choses » et ne sont guère retenus dans leur élan vers le profit par la vision des fins de
190 pêchera le scandale d’éclater : il libérera, s’il est besoin, de tout scrupule la conscience du capitaliste — auquel person
191 justifier l’inactualité de l’esprit : et ce dogme est le seul lieu commun sur lequel s’accordent aujourd’hui les clercs de
192 efforts théoriques et pratiques cesse aussitôt d’ être perçue. Elle cesse d’être connue de tous, présente à tout instant, ju
193 tiques cesse aussitôt d’être perçue. Elle cesse d’ être connue de tous, présente à tout instant, justifiant ou jugeant les mo
194 our cessent de valoir, puisque leur principe même est contesté, qui veut que l’esprit soit toujours responsable de l’action
195 principe même est contesté, qui veut que l’esprit soit toujours responsable de l’action ; ou sinon tous deux se corrompent.
196 oilà l’aboutissement des mesures rationnelles qui furent un temps celles du Progrès. Et nous voici revenus à cette crise dont
197 posé le fait. 11. On se rappelle que Condorcet fut l’inventeur des assurances sur la vie. 12. Le couple raison utilitai
198 . Le couple raison utilitaire — raison analytique est en réalité beaucoup plus mal assorti que le couple trône et autel. Ma
199 hérétique comme Ballanche qui estime que l’homme est né pour la société et ne devient complet que par elle. Et cela nous d
200 ni celui de Sorel dont la théorie de la violence est irrationaliste. Quant à Lénine, il fut pratiquement plus sorélien que
201 a violence est irrationaliste. Quant à Lénine, il fut pratiquement plus sorélien que marxiste : que l’œuvre étatiste de Sta
5 1936, Penser avec les mains. Première partie. La commune mesure — V. Importance de la notion de commune mesure
202 e mesure Ce raccourci d’une évolution séculaire est sans nul doute stylisé : on n’aurait pas de peine à nuancer, à corrig
203 raison à la fois utilitaire et scientifique, qui fut le principe efficace de la culture bourgeoise militante, est aussi le
204 cipe efficace de la culture bourgeoise militante, est aussi le principe corrupteur de la culture bourgeoise triomphante. En
205 En d’autres termes, la révolution bourgeoise qui était fondée sur la raison s’est résolue dès le lendemain de son succès, en
206 ution bourgeoise qui était fondée sur la raison s’ est résolue dès le lendemain de son succès, en une pratique qui est une t
207 s le lendemain de son succès, en une pratique qui est une tyrannie, tandis que la doctrine, évadée du réel, se flattait d’u
208 ente de les confronter, on s’aperçoit qu’elles ne sont plus commensurables. L’intérêt de ce fait me paraît double. Il nous f
209 t en second lieu d’apercevoir qu’une culture peut être définie par son principe régulateur, pour autant que ce principe est
210 principe régulateur, pour autant que ce principe est vraiment immanent à tout progrès normal de la culture, dont il est se
211 nent à tout progrès normal de la culture, dont il est seul à garantir la cohérence. Alors, la vérité d’une culture n’est au
212 ir la cohérence. Alors, la vérité d’une culture n’ est autre que la vérité de ce principe. Et la logique interne de celui-ci
213 incipe rationnel. Or la raison dont il s’agit ici est d’abord un agent de division. Elle veut diviser pour régner, car c’es
214 elle impose un ordre arbitraire, une unité qui n’ est pas celle de la vie, et qui est d’ordre géométrique. Tant qu’elle res
215 , une unité qui n’est pas celle de la vie, et qui est d’ordre géométrique. Tant qu’elle reste au service d’une fin qui comp
216 une unité vive, la raison remplit son office qui est l’office mineur et nécessaire d’un instrument. Mais si la vision de l
217 . Mais si la vision de la fin s’efface ou cesse d’ être clairement perçue comme il arrive quand les premiers succès comblent
218 ccès comblent nos appétits les plus violents, qui sont aussi, par malheur, les moins nobles, — aussitôt la raison s’émancipe
219 le et d’organisation abstraite. Tout ceci pouvait être prévu dès l’époque de la Renaissance ; il eût suffi de connaître un p
220 et de l’action. On voit que cette commune mesure est l’essence même de toute culture. Car si la pensée et l’action se règl
221 où règne une mesure commune. Car sans mesure il n’ est pas de grandeur, ni par conséquent de valeur. On voit enfin que la vé
222 ra l’anarchie spirituelle d’un monde où la mesure est morte. Enfin les tentatives de rénovation qui sont en cours en URSS e
223 est morte. Enfin les tentatives de rénovation qui sont en cours en URSS et en Allemagne nous montreront le négatif de notre
224 unifiée par la force, et dont la mesure actuelle est une tactique au service de la force commune, et non pas de la vérité…
6 1936, Penser avec les mains. Première partie. La commune mesure — VI. L’Arche de l’Alliance
225 VIL’Arche de l’Alliance Suis -je pour une autre fin que pour rechercher l’alliance du Seigneur ? Lo
226 .) J’ai parlé d’une mesure « vraie ». Mais quels sont les critères objectifs de la vérité que j’ai en vue ? Quelles sont le
227 objectifs de la vérité que j’ai en vue ? Quelles sont les « notes » de la mesure vraie ? Je répondrai par deux définitions
228 eu me semble propre à bien concrétiser. Encore, n’ est -il pas superflu de les formuler à l’avance, pour mieux situer ce qui
229 qui va suivre. Et d’abord, je dirai qu’une mesure est vraie lorsqu’elle consiste dans le rappel constant des fins que pours
230 aut-il savoir, me dira-t-on, si ce télos lui-même est vrai. Et certes, l’absolue vérité d’un principe téléologique n’est dé
231 es, l’absolue vérité d’un principe téléologique n’ est définie que par la vérité du télos même. Mais je ne veux parler ici q
232 e de la vérité objective. Or la vérité du télos n’ est saisie que par l’acte de foi, et cet acte n’est pas objectif. Je m’en
233 n’est saisie que par l’acte de foi, et cet acte n’ est pas objectif. Je m’en tiens donc à ce critère formel : la vraie mesur
234 e de foi, et cet acte n’est pas objectif. Je m’en tiens donc à ce critère formel : la vraie mesure réside d’abord dans la con
235 qu’une mesure vérifiée par ce critère formel doit être en même temps vérifiée par son actualité intrinsèque. On pourrait con
236 t de la mesure bourgeoise, nous le verrons, et ce fut le cas de la mesure qui domina l’Europe du Moyen Âge. ⁂ L’histoire du
237 fs sous l’Ancienne Alliance. La grandeur d’Israël est d’avoir incarné une vocation, et rien que cela, une vocation démesuré
238 on démesurée où il a pris son unique mesure. S’il est vrai qu’un prophète authentique est un homme sans biographie18 on peu
239 mesure. S’il est vrai qu’un prophète authentique est un homme sans biographie18 on peut dire pareillement du peuple prophé
240 savons-nous de ces tribus infimes ? Leurs annales sont celles d’une puissance qui ne fut jamais immanente à leurs médiocres
241 Leurs annales sont celles d’une puissance qui ne fut jamais immanente à leurs médiocres conditions. Ce que nous connaisson
242 ’histoire des gestes de Dieu, dont les Hébreux ne furent que les instruments. C’est l’histoire des victoires difficiles d’une
243 de Dieu qui le conduit. C’est pourquoi son télos est transcendant comme Dieu, unique en son essence comme Dieu, et comme D
244 ieu, et comme Dieu objet de la foi seule. Mais il est invisible aux mortels, et c’est pourquoi ils se rebellent contre lui,
245 re vocation de Dieu. Et de même que cette révolte est symbolisée au concret par les statues des idoles étrangères, cette vo
246 les statues des idoles étrangères, cette vocation sera symbolisée par la présence de l’Arche de l’Alliance, aussi nommée arc
247 Éternel et témoignage de sa volonté. Dans l’Arche sont les Tables de la Loi. La Loi est la mesure sacrée. C’est elle qui rap
248 é. Dans l’Arche sont les Tables de la Loi. La Loi est la mesure sacrée. C’est elle qui rappelle à la fois l’origine et la f
249 le : l’Éternel Dieu et son service. Parce qu’elle est la loi de Dieu, et que ce Dieu est l’Éternel, la Loi est la conscienc
250 Parce qu’elle est la loi de Dieu, et que ce Dieu est l’Éternel, la Loi est la conscience finale du peuple hébreu. Et parce
251 loi de Dieu, et que ce Dieu est l’Éternel, la Loi est la conscience finale du peuple hébreu. Et parce qu’elle est la loi de
252 science finale du peuple hébreu. Et parce qu’elle est la loi de Dieu, elle porte en elle la règle permanente de toute actio
253 e le symbole de l’unité du peuple, mais son usage est interdit pendant les guerres civiles : c’est que la mesure est indivi
254 pendant les guerres civiles : c’est que la mesure est indivisible. Dieu est au ciel, sa loi est sur la terre, et les prêtre
255 viles : c’est que la mesure est indivisible. Dieu est au ciel, sa loi est sur la terre, et les prêtres sont là pour veiller
256 mesure est indivisible. Dieu est au ciel, sa loi est sur la terre, et les prêtres sont là pour veiller sur l’Alliance. Et
257 au ciel, sa loi est sur la terre, et les prêtres sont là pour veiller sur l’Alliance. Et si ces « clercs » viennent à trahi
258 lercs » viennent à trahir — il semble bien que ce soit leur métier —, s’ils oublient que le Dieu qu’ils servent est un Dieu
259 tier —, s’ils oublient que le Dieu qu’ils servent est un Dieu qui se nomme « jaloux », les prophètes se lèvent contre eux e
260 e action ou pensée si belle ou si féconde qu’elle soit , qui ne puisse être consacrée au ministère sacerdotal du peuple. Idol
261 i belle ou si féconde qu’elle soit, qui ne puisse être consacrée au ministère sacerdotal du peuple. Idole, tout ce qui n’est
262 istère sacerdotal du peuple. Idole, tout ce qui n’ est pas ordonné à la fin que les prophètes annoncent sans relâche. Que de
263 ors la culture ? — « L’homme qui a une vocation n’ est pas bon à autre chose. Israël portait dans son sein l’avenir religieu
264 s son sein l’avenir religieux du monde. Dès qu’il était tenté de s’oublier dans les voies vulgaires des autres peuples, une s
265 la justice à l’ancienne manière ne devait jamais être sacrifiée21. » Ainsi toute tentative de culture profane se voit assim
266 évolte d’orgueil contre Dieu. La culture d’Israël sera pauvre à raison même de sa pureté. Sa pauvreté sera considérée comme
267 ra pauvre à raison même de sa pureté. Sa pauvreté sera considérée comme sa grandeur. Car ce qui est grand, c’est ce qui comb
268 eté sera considérée comme sa grandeur. Car ce qui est grand, c’est ce qui comble la mesure. Ce n’est pas la richesse mais l
269 ui est grand, c’est ce qui comble la mesure. Ce n’ est pas la richesse mais la fidélité. Ce ne sont pas les moyens en eux-mê
270 Ce n’est pas la richesse mais la fidélité. Ce ne sont pas les moyens en eux-mêmes mais les moyens mesurés par la fin. C’est
271 est que le culte qu’il faut rendre au Dieu vivant est une obéissance directe « en esprit et en vérité ». Or abstraire, c’es
272 a des prophètes, a-t-il besoin de philosophes ? —  est ainsi l’aspect négatif d’une splendeur poétique inégalée. (La poésie
273 tique inégalée. (La poésie de l’Occident chrétien sera grande dans la mesure où elle sera biblique ou grecque, sublime dans
274 ident chrétien sera grande dans la mesure où elle sera biblique ou grecque, sublime dans la mesure où la synthèse des deux t
275 dans la mesure où la synthèse des deux traditions sera dominée par l’élément biblique.) Seuls les grands discours prophétiqu
276 n, et vérifié l’étymologie grecque de poésie, qui est agir. Point d’arts figuratifs ou imaginatifs. La loi les interdit par
277 mage taillée, ni de représentation des choses qui sont en haut dans les cieux, en bas sur la terre, et dans les eaux plus ba
278 ence purement technique : la sagesse de Salomon n’ est pas une connaissance des « causes », mais bien des « signatures » nat
279 , fictions écrites, science, industrie, tout cela est sacrifié à la seule chose nécessaire : l’accomplissement d’une vocati
280 spirituelle. Et les moyens de cet accomplissement sont les moyens les plus élémentaires que les hommes ont de commercer : l’
281 étie, la guerre… On l’a dit : le royaume d’Israël fut davantage une ecclesia qu’une polis. Mais le terme parfait d’une soci
282 ’une polis. Mais le terme parfait d’une société n’ est -il pas justement dans la transformation de la polis en ecclesia ? N’e
283 ans la transformation de la polis en ecclesia ? N’ est -il pas dans la suppression de la politique au profit de l’esprit ? Si
284 res, l’on voit que la culture la plus pauvre, qui fut celle du peuple hébreu, fut aussi la plus convenable aux fins suprême
285 e la plus pauvre, qui fut celle du peuple hébreu, fut aussi la plus convenable aux fins suprêmes de l’esprit. Toutefois, no
286 esse qu’elle portait. Mais cette Promesse enfin s’ est incarnée. Et dès lors la mesure n’est plus dans l’ancienne Loi, mais
287 sse enfin s’est incarnée. Et dès lors la mesure n’ est plus dans l’ancienne Loi, mais dans la foi qui se manifeste, dans la
288 uvelle mesure, c’est-à-dire la Nouvelle Alliance, est aujourd’hui le peuple sans mesure, sans limites et sans foyer. Sans e
289 cendante. 20. La rédaction des livres mosaïques est attribuée par Wellhausen et son école à des disciples des grands prop
290 on école à des disciples des grands prophètes. Ce serait donc le prophétisme, c’est-à-dire l’élément le plus finaliste de la r
291 ue. Ainsi la fin crée ses moyens. Cette hypothèse est aujourd’hui démodée. On revient à la conception ancienne : un chef hé
292 euple juif, dès la sortie d’Égypte. Les prophètes seraient alors ceux qui rappellent le peuple au culte du vrai Dieu — contre le
293 es excès du légalisme. Car la pire des idolâtries est encore celle qui prend pour objet de son culte la vraie mesure, mais
294 imples, dans le Livre de Job, dans l’Ecclésiaste, est quelque chose de surprenant. L’image physique, qui dans les langues s
295 L’image physique, qui dans les langues sémitiques est encore à fleur de sol, obscurcit la déduction abstraite… » (Renan, op
7 1936, Penser avec les mains. Première partie. La commune mesure — VII. Sur le déclin du Moyen Âge
296 ieusement qu’aucun siècle du Moyen Âge ait jamais été dominé par une seule théologie. Les doctrines de Thomas d’Aquin, à l’
297 s de Thomas d’Aquin, à l’apogée du xiiie siècle, sont combattues par des écoles puissantes et sont bien loin d’avoir conqui
298 cle, sont combattues par des écoles puissantes et sont bien loin d’avoir conquis la majorité du clergé. Jamais l’Europe cath
299 abbayes d’où rayonna la civilisation bénédictine sont un suffisant témoignage des luttes qui déchirèrent l’Église aux plus
300 doit l’affirmer de la théologie en général. Elle fut bien le sous-entendu que les clercs et le siècle entendaient et vénér
301 lles nous entraînerait beaucoup plus loin qu’il n’ est utile pour le dessein de cet ouvrage. Bornons-nous donc à l’examen d’
302 l’examen d’un signe ou mieux d’un instrument qui fut commun à tous les ordres de la pensée cléricale ou profane, et du pou
303 , entre l’époque de Dante et celle d’Érasme. ⁂ Qu’ est -ce que le latin, au xiiie siècle, pour l’écrivain dont l’œuvre a con
304 t qu’il figure la persistance de l’esprit romain, est la « mesure » qui permet d’estimer la conduite des choses humaines, e
305 duite des choses humaines, en tant que les hommes sont porteurs d’une tradition culturelle commune. Tous les nombres, dit Da
306 culturelle commune. Tous les nombres, dit Dante, sont mesurés par l’unité et ils sont dits grands ou petits selon qu’ils so
307 mbres, dit Dante, sont mesurés par l’unité et ils sont dits grands ou petits selon qu’ils sont distants ou proches de l’unit
308 té et ils sont dits grands ou petits selon qu’ils sont distants ou proches de l’unité ; toutes les couleurs sont mesurées pa
309 tants ou proches de l’unité ; toutes les couleurs sont mesurées par leur rapport au blanc originel, et sont dites plus ou mo
310 t mesurées par leur rapport au blanc originel, et sont dites plus ou moins lumineuses selon la quantité de lumière blanche q
311 mière blanche qu’elles rayonnent — ainsi le jaune est plus clair que le vert. Dante estime qu’il en va de même pour les qua
312 en tant qu’hommes simplement, c’est la vertu qui est notre mesure ; lorsque nous agissons en citoyens : la loi ; lorsque n
313  ; lorsque nous agissons en « hommes latins », ce sont alors certains « signes très simples » communs aux mœurs et aux coutu
314 ue des Latins24. Il importe de préciser que Dante est très loin de considérer la langue latine en soi, et telle que la fixè
315 erprétation. Les « signes » latins, selon lui, ne sont vraiment la mesure commune qu’en tant qu’ils vivent dans les divers i
316 rice ». La langue latine, « locutio secundaria », est au contraire notre « grammaire ». Et des deux langues, c’est la vulga
317 ire ». Et des deux langues, c’est la vulgaire qui est la plus noble (harum quoque nobilior est vulgaris : parce qu’elle nou
318 aire qui est la plus noble (harum quoque nobilior est vulgaris : parce qu’elle nous est naturelle, et l’autre plus artifici
319 quoque nobilior est vulgaris : parce qu’elle nous est naturelle, et l’autre plus artificielle…) Mais parmi les idiomes vulg
320 ) Mais parmi les idiomes vulgaires, le plus noble sera celui qui se conformera le mieux à la grammaire originelle. Les « sim
321 mmaire originelle. Les « simplicissima signa » ne sont ainsi mesure actuelle que s’ils participent réellement à la vie de la
322 « secondaire » d’instruments de régulation. Or il est essentiel, pour Dante, que les outils que nous manions n’imposent pas
323 langage dont dépend l’action. La mesure latine n’ est valable qu’en tant qu’elle s’incarne et agit dans le langage de tous
324 tension créatrice d’une culture dont l’équilibre est déjà virtuellement menacé : c’est sans doute l’approche même de la me
325 e, le signe de la distinction des clercs. Et ce n’ est plus la vigueur des pensées qui sera la fin du langage, mais l’élégan
326 ercs. Et ce n’est plus la vigueur des pensées qui sera la fin du langage, mais l’élégance et la conformité aux meilleurs mod
327 x meilleurs modèles antiques27. La mesure cesse d’ être un outil. Elle se distingue de son action pratique. Elle devient une
328 st-à-dire qu’elle devient une idole. La décadence est commencée. ⁂ Il faut placer cette « crise » de la mesure latine aux d
329 latine aux débuts du xive siècle. La coïncidence est frappante : c’est la même date que nous donnions à la première « cris
330 mune aux chancelleries et à l’Église : la requête est écrite en français28 c’est-à-dire en idiome vulgaire, accessible à to
331 sible à tous les laïques. La portée d’un tel acte est visible : les rédacteurs de la requête ont compris que la mesure lati
332 equête ont compris que la mesure latine a cessé d’ être réellement commune. Et quand Guillaume de Nogaret, homme nouveau et f
333 scission entre la pensée et l’action — dont elle est résultée par ailleurs. Tandis que les clercs s’abandonnent à l’idolât
334 e vue de la mesure linguistique, la Renaissance n’ est qu’un essai de restauration artificielle du latin comme moyen de régl
335 l’action et la pensée du siècle. La « grammaire » est devenue rhétorique, et maintenant la rhétorique prétend dominer le se
336 es, les cardinaux Bembo et Sadolet. « L’humaniste était un personnage absolument indispensable aux républiques aussi bien qu’
337 t solennels31. » Ainsi le glissement de la mesure est accompli : ce qui était le sous-entendu indiscuté, la règle vive du l
338 le glissement de la mesure est accompli : ce qui était le sous-entendu indiscuté, la règle vive du langage vivant, devient u
339 . Dès lors, la tâche de la révolution spirituelle est définie : en face de la mesure ancienne qui se survit en tyrannie sté
340 une de toute autorité et de toute légitimité, qui est la connaissance existentielle des fins dernières. La protestation de
341 vulgaire au latin. Le vrai clerc, désormais, ce n’ est plus le rhéteur, mais le prédicateur. Ce n’est plus l’élégant, mais l
342 n’est plus le rhéteur, mais le prédicateur. Ce n’ est plus l’élégant, mais l’efficace. Ce n’est plus celui qui se sert d’un
343 r. Ce n’est plus l’élégant, mais l’efficace. Ce n’ est plus celui qui se sert d’une mesure adorée pour elle-même, mais c’est
344 faveur de la sagesse qu’il estime détenir, Érasme est le clerc qui trahit et qui déprime la vérité « pour nourrir une paix
345 vin, de cette Épître à Sadolet dont chaque phrase est tendue comme un arc par la passion de servir l’Éternel, Luther dira,
346 et des mains !33 » 23. Toute mesure vraie doit être « universelle » dans le temps de sa vérité et les limites du monde qu
347 m quodque mensurabilc fit secundum quod in genere est , illo quod simplicissimum est in ijpso genere. Quapropter in actionib
348 ndum quod in genere est, illo quod simplicissimum est in ijpso genere. Quapropter in actionibus nostris, quantumcumque divi
349 m. » (Seniles, XIII, 10.) 27. À quel point Dante est peu l’érudit et le clerc « distingué » que Pétrarque se vantera d’êtr
350 le clerc « distingué » que Pétrarque se vantera d’ être , on le verra d’un seul coup d’œil à l’énumération qu’il donne de ses
351 lanche de Bretagne au trône de Navarre. Mais ce n’ est que sous le règne de Philippe-le-Bel que la langue vulgaire devient d
352 l leur semble qu’il n’y a rien meilleur que de se tenir coi… », etc. 33. « Das hat Hand, und Fuss », se dit en allemand cour
353 urant d’une argumentation, ou d’un ouvrage qui se tiennent , qui ont un sens et une raison.
8 1936, Penser avec les mains. Première partie. La commune mesure — VIII. Décadence des lieux communs
354 s des merveilles On peut penser que notre langue est plus malade que n’était le latin à l’époque de la Renaissance. Le lat
355 eut penser que notre langue est plus malade que n’ était le latin à l’époque de la Renaissance. Le latin de Bembo et de Sadole
356 e la Renaissance. Le latin de Bembo et de Sadolet était encore une rhétorique des lieux communs. Forme vide, forme idolâtrée,
357 ngage de nos bons écrivains. Car non seulement il est mal entendu par la grande masse des lecteurs ordinaires, disons des l
358 disons des lecteurs de journaux, mais encore il s’ est divisé en une foule de dialectes ésotériques. Non seulement l’écrivai
359 pour les intellectuels et pour la masse — cela s’ est vu en d’autres siècles. Ils n’ont plus le même sens pour les divers p
360 çon, et que les autres trichent ou font défaut. N’ est -ce pas la partie de croquet dans Alice au pays des merveilles ? Les b
361 et dans Alice au pays des merveilles ? Les boules étaient des hérissons vivants, et les soldats s’arc-boutaient sur le sol pour
362 ents du jeu philosophique, ou politique, que nous sommes en train de jouer, écrivains ou lecteurs, citoyens ou hommes d’État.
363 s ou lecteurs, citoyens ou hommes d’État. Les uns tiennent le parti de l’esprit et les autres celui de l’ordre, les uns le parti
364 tion… Toutes ces combinaisons et ces permutations seraient néanmoins assez simples à débrouiller dans la pratique, et pourraient
365 rais dû croquer le hérisson de la Reine s’il ne s’ était mis à courir juste au moment où j’allais jouer. » Tout le monde ou pr
366 es les plus étranges surimpressions35. La liberté sera invoquée par la concurrence et l’oppression capitalistes, par les int
367 partant à la conquête de l’Éthiopie, etc. L’ordre sera tantôt le statu quo, si absurde soit-il, tantôt la dictature brutale
368 etc. L’ordre sera tantôt le statu quo, si absurde soit -il, tantôt la dictature brutale et arbitraire, plus rarement la reven
369 eurs œuvres capitales. Et je doute qu’un Meyerson soit sérieusement compris et discuté par beaucoup plus de personnes que De
370 ait improbable dans l’état actuel du régime. Elle est à tout le moins invérifiable. Par contre, on peut très nettement cons
371 démonétiser les mots. Le vocabulaire des journaux est vague, impropre, sans saveur et sans pouvoir d’évocation active du vr
372 milieu d’une rumeur générale, où leurs paroles ne sont plus distinguées du bavardage quotidien. Ils se retirent dans leurs a
373 tirent dans leurs appartements. Écrire dès lors n’ est pour eux que tromper un besoin d’expression qui n’a plus de mission r
374 n réelle. C’est un jeu formel et précis, dont ils sont seuls à connaître les règles. (Encore ne sont-ils guère d’accord pour
375 ils sont seuls à connaître les règles. (Encore ne sont -ils guère d’accord pour enregistrer les réussites ou les tricheries !
376 ée. Quand les clercs de la Cour de Rome cessent d’ être les dociles instruments de la vocation catholique, pour devenir de ra
377 vienne à faiblir et que la mesure commune cesse d’ être effectivement perçue et observée, l’on assiste à la même dégradation
378 us à un but unanime. Si bien que les écrivains ne sont plus compris du peuple, et que la langue vulgaire s’encombre d’équivo
379 ce, souffrent obscurément de leur séparation. Ils sont ensemble et ils sont seuls. Ils sont pressés les uns contre les autre
380 ment de leur séparation. Ils sont ensemble et ils sont seuls. Ils sont pressés les uns contre les autres et étrangers. Ils é
381 aration. Ils sont ensemble et ils sont seuls. Ils sont pressés les uns contre les autres et étrangers. Ils échangent des par
382  ! » Or, quand la parole se détruit, quand elle n’ est plus le don qu’un homme fait à un homme, et qui engage quelque chose
383 it à un homme, et qui engage quelque chose de son être , c’est l’amitié humaine qui se détruit. ⁂ Telle est l’inquiétude des
384 e, c’est l’amitié humaine qui se détruit. ⁂ Telle est l’inquiétude des masses. Elle n’est pas d’abord matérielle, elle est
385 ruit. ⁂ Telle est l’inquiétude des masses. Elle n’ est pas d’abord matérielle, elle est d’abord cette inquiétude du cœur et
386 s masses. Elle n’est pas d’abord matérielle, elle est d’abord cette inquiétude du cœur et de l’esprit qui naît de la mort d
387 es, à notre insu, trahissent. Mais quelqu’un s’en est aperçu. Quelqu’un a formé le projet de tromper cette faim et cette so
388 es mystiques et des dictateurs. Les lieux communs sont morts et embaumés : déjà, on leur fait des musées. Ou pire : ils n’on
389 leur fait des musées. Ou pire : ils n’ont jamais été vivants pour cette génération sans but. On nous en donnera donc de no
390 ns » publicitaires, mots d’ordre politiques, tels sont les ersatz pitoyables que nous proposent l’Argent et l’État. Giovinez
391 commune aux grandes masses européennes, quel que soit leur régime politique. Ainsi la mesure n’est plus cette loi qui vit e
392 que soit leur régime politique. Ainsi la mesure n’ est plus cette loi qui vit en l’homme réel et personnel, cette alliance d
393 isait la grandeur des cultures authentiques. Elle est devenue la loi inexorable et mécanique qui plie l’individu à des calc
394 e des clichés bourgeois. Mais si les mots d’ordre sont faux ? Si l’ordre qu’ils imposent est arbitraire, ou s’il ne mise que
395 ts d’ordre sont faux ? Si l’ordre qu’ils imposent est arbitraire, ou s’il ne mise que sur l’indignité humaine ? Et si la pr
396 cette communauté de réflexes et d’obsessions ? N’ est -elle pas une somme de nos défaites intimes, de nos dénis d’humanité,
397  le contraire absolu de la culture, si la culture est justement la part active que prend l’homme à tout ce qui est création
398 nt la part active que prend l’homme à tout ce qui est création dans la nature, dans l’histoire, dans la vie de l’esprit ?
399 les mots « portaient » réellement, les écrivains seraient moins excités, moins excessifs. La Terreur qui règne en permanence da
400 règne en permanence dans les revues d’avant-garde est le signe d’une rupture de contact, d’un impuissant dépit, d’un profon
401 mmes. Cas de Nietzsche, des surréalistes, etc. Ce sont des êtres isolés, qui crient très fort parce qu’ils se sentent très l
402 de Nietzsche, des surréalistes, etc. Ce sont des êtres isolés, qui crient très fort parce qu’ils se sentent très loin de ceu
403 iste à additionner les casseroles et les haricots est à la base de l’éloquence démagogique.
9 1936, Penser avec les mains. Première partie. La commune mesure — IX. Tentatives de restauration d’une commune mesure
404 temps que la mesure qui les anime. Car la mesure est le constant rappel des fins communes à la pensée et à l’action. Et la
405 ensée et à l’action. Et la conscience de ces fins est la vraie force animatrice d’une société. Les génies sont ceux qui l’i
406 vraie force animatrice d’une société. Les génies sont ceux qui l’incarnent, soit qu’ils la créent contre une ancienne mesur
407 ne société. Les génies sont ceux qui l’incarnent, soit qu’ils la créent contre une ancienne mesure défaillante (prophètes et
408 esure défaillante (prophètes et révolutionnaires) soit qu’ils la maintiennent vivante et renouvelant ses grands symboles de
409 vski, Rimbaud et Nietzsche… Si nous disons qu’ils furent les plus grands de ce siècle, quelle est la mesure qui nous permet de
410 u’ils furent les plus grands de ce siècle, quelle est la mesure qui nous permet de porter un tel jugement ? Si nous disons
411 re supposons-nous ? Le triomphe de la bourgeoisie était complet. Rationalisme, productivisme, capitalisme, foi au progrès, sc
412 se, et la richesse n’avait plus d’idéal. L’argent était devenu la mesure effective et pourtant il n’unifiait rien, et ne rapp
413 rappelait aucune fin supérieure. Le mal du siècle fut d’abord le mal des riches qui n’avaient plus de foi. Et la révolution
414 i n’avaient plus de foi. Et la révolution sociale fut le mal du siècle des pauvres. Tout cela se passait sur fond d’angoiss
415 génies d’un siècle aussi profondément malade, ce fut l’angoisse. De Kierkegaard à Nietzsche, toutes ces angoisses individu
416 toutes ses caricatures. L’idéal positif du siècle était en vérité une caricature d’idéal, aussi ne trouva-t-il à s’incarner q
417 t et la culture en présence du triomphe bourgeois furent rejetés dans une opposition irréductible, ne parurent plus que sous l
418 excellence, le méconnu et l’angoissé. Sa grandeur étant mesurée par la tension qui l’opposait à son époque. Telle est l’origi
419 par la tension qui l’opposait à son époque. Telle est l’origine spirituelle, ou culturelle si l’on veut, de la situation in
420 résident tout entières dans ce seul fait : que ce sont là deux tentatives colossales pour restaurer une mesure commune. Le s
421 lutions, suffirait à prouver ma thèse. Quelle que soit la haine violente qui oppose un Staline et un Hitler, ils se ressembl
422 Hitler, ils se ressemblent au moins en ceci, qui est décisif : c’est qu’ils veulent l’un et l’autre imposer à leur peuple
423 e à l’action et à la pensée. Et dans ce sens, ils sont les vrais génies du siècle, dès lors qu’il s’agit de construire. Mais
424 re. Mais que valent ces mesures imposées ? Quelle est la vérité des fins qu’elles servent ? Et si ces fins se réalisent, éc
425 meilleurs et des plus humains des hommes, qui s’y seront d’abord sacrifiés, de gré ou de force ? Les sauveront-elles vraiment
10 1936, Penser avec les mains. Première partie. La commune mesure — X. La mesure soviétique
426 dont l’apparition dans le développement de l’URSS est le fait des seules circonstances, là où elles sont plus fortes que le
427 est le fait des seules circonstances, là où elles sont plus fortes que les hommes. Tantôt on lui attribue des succès colossa
428 antôt on lui attribue des succès colossaux qui ne furent rendus possibles que par la nature du pays, ou de ses habitants. Mais
429 du pays, ou de ses habitants. Mais d’autre part, soit qu’on l’attaque ou qu’on la loue, on est souvent tenté de méconnaître
430 e part, soit qu’on l’attaque ou qu’on la loue, on est souvent tenté de méconnaître dans la construction soviétique le rôle
431 ’on se bornait à décrire les faits. Le Plan, ce n’ est pas seulement des tracteurs, des barrages, des kolkhozes et des manue
432 aux, et par l’euphorie juvénile qui paraît bien s’ être emparée d’une partie au moins du peuple russe ; assez ignorants au su
433 rx et de Lénine, ces intellectuels estiment qu’il est injuste et ridicule de reprocher au régime des soviets certaines erre
434 olides vertus de la bourgeoisie conquérante. Ce n’ est point par hasard que ces amis de l’URSS citent souvent Diderot, Volta
435 t, Voltaire, à l’appui de leur foi nouvelle. Ce n’ est pas sans raison qu’ils se remettent à glorifier les mythes du Progrès
436 rendre à certains clercs bourgeois, honteux de l’ être , l’orgueil de leurs origines culturelles, la bonne conscience « bourg
437 onscience « bourgeoise » au sens originel, qu’ils étaient justement en train de perdre. Et pourtant Marx avait été un peu plus
438 tement en train de perdre. Et pourtant Marx avait été un peu plus loin ! Et l’on s’interdirait de rien comprendre à l’évolu
439 se refusait à l’examen critique des doctrines qui sont à sa base. Je ne dis pas qu’elles n’aient été souvent trahies. Ni qu’
440 ui sont à sa base. Je ne dis pas qu’elles n’aient été souvent trahies. Ni qu’elles soient actuellement plus importantes et
441 qu’elles n’aient été souvent trahies. Ni qu’elles soient actuellement plus importantes et plus dignes de nous retenir que l’él
442 que la critique d’un clerc y perd ses droits et n’ est plus à l’échelle du phénomène… Raison de plus, chance de plus, dirai-
443 ritualiste37, Marx avait affirmé que la culture n’ était rien qu’un « reflet » du processus économique, et de la lutte des cla
444 héorie, étroitement respectée aux débuts. Trotski fut le premier à s’en apercevoir : on l’exila, quitte à suivre bientôt le
445 e ; on reconnut alors peu à peu que la révolution est au fond l’œuvre d’une minorité, que le gouvernement du prolétariat es
446 ’une minorité, que le gouvernement du prolétariat est au fond un gouvernement pour le prolétariat… Dans la théorie de la cu
447 ant prolétarienne se révéla finalement ce qu’elle était dès le début : culture socialiste, configuration d’une Idée par des h
448 ne élite guidant les masses. Et cette évolution s’ est trouvée confirmée par les récents congrès d’écrivains soviétiques ou
449 obéit pas à la loi de cause à effet. Leur unité n’ est pas quelque chose de donné, mais quelque chose qu’il faut créer, quel
450 r, quelque chose qu’il faut vouloir. Elle ne peut être réalisée que si l’on ordonne les deux tâches, lutte des classes et co
451 e commune en vue de réaliser cette fin commune qu’ est l’univers socialisé. ⁂ On connaît le nom de cette mesure, son incarna
452 ve à quoi s’ordonne toute la construction russe n’ est plus la doctrine orthodoxe, dont les marxistes d’Occident se sont fai
453 trine orthodoxe, dont les marxistes d’Occident se sont faits les conservateurs. C’est un plan beaucoup plus opportuniste que
454 alité soviétique actuelle. Comment, alors, ne pas être frappé par leur exacte coïncidence avec les éléments formels, tout au
455 l’ordre des erreurs possibles : c’est que le Plan est l’instrument forgé par la dictature communiste pour unifier la pensée
456 ion de la culture (et donc de sa mesure) au Plan, est même si radicale, ou si naïve, que les Soviets en sont venus à confon
457 même si radicale, ou si naïve, que les Soviets en sont venus à confondre, sans l’ombre d’un doute, culture et production en
458 déclarations de ce genre : « Le niveau culturel a été élevé par le Torgsin (magasin de produits étrangers). Le Torgsin en e
459 ité crasse. Or, le danger de cette assimilation n’ est pas niable. Il est clair que les masses soviétiques sont toujours plu
460 danger de cette assimilation n’est pas niable. Il est clair que les masses soviétiques sont toujours plus tentées de l’opér
461 s niable. Il est clair que les masses soviétiques sont toujours plus tentées de l’opérer, avec une bonne humeur et une bonne
462 ttent d’affirmer que, de gré ou de force, le Plan est bien ce rappel permanent des fins dernières conçues par le Parti : l’
463 d’héroïsme, éclate à tous les yeux. Si les Russes sont de bonne humeur et si nous sommes de mauvaise humeur, c’est qu’ils sa
464 ux. Si les Russes sont de bonne humeur et si nous sommes de mauvaise humeur, c’est qu’ils savent pourquoi ils travaillent et q
465 intrinsèque, cette puissance animatrice qui doit être , en tous les domaines, le caractère d’une mesure vivante ? L’idéal du
466 mesure vivante ? L’idéal du Plan soviétique, qui est le monde intégralement socialisé, embrasse-t-il réellement le tout de
467 nes imposées par le Plan à la création artistique sont -elles vraiment des disciplines fécondes, ou au contraire, des conform
468 ommunistes, que la littérature conforme au Plan n’ est pas un art, mais une forme assez basse de propagande politique et de
469 digne du nom qu’ait produite la nouvelle Russie s’ est développée en marge du Plan, par anticipation ou régression sur les «
470 e conscience du danger. La littérature soviétique est née de la révolution. Elle s’est constituée en même temps que son pub
471 ature soviétique est née de la révolution. Elle s’ est constituée en même temps que son public. Autrement dit, les « écrivai
472 ient parlaient naturellement le même langage, qui était le langage du Plan. Mais cet accord était en somme très limité, et ce
473 ge, qui était le langage du Plan. Mais cet accord était en somme très limité, et ce langage essentiellement technique. Car le
474 ce langage essentiellement technique. Car le Plan était avant tout, conformément à la doctrine marxiste, un schéma de la prod
475 e les passions, et la nature, et la diversité des êtres . Il fallait désormais recourir à une mesure qualitative que le Plan n
476 en tant que tel, dans le domaine littéraire, n’en est pas moins en évidence. ⁂ Les écrivains soviétiques l’ont compris. Aus
477 ole soviétique, l’unité du peuple et des clercs n’ est pas « quelque chose de donné », mais « quelque chose qu’il faut voulo
478 niste devrait dorénavant s’organiser (le paradoxe est soutenable) se substitue dans les esprits les plus vivants à l’idée d
479 isque créateur qui reviennent tenter l’esprit. Il serait vain de le nier : la mesure imposée par le Plan et qui régit encore l
480 i régit encore l’action pratique des communistes, est d’ores et déjà combattue par une mesure spirituelle toute différente,
481 t les succès aveuglent la grande masse. Mais elle est réfutée dans son principe par la création culturelle, dès lors que ce
482 n à tous, et le reste viendra par-dessus. » Telle fut la grande maxime du Plan. Car, disait-on, il faut parer au plus press
483 il aura sans doute la vie dure, comme tout ce qui est irrationnel, et c’est la faute de la raison. Car cette raison, simple
484 Car cette raison, simple servante de l’action, s’ est voulue maîtresse de tout l’homme. Mais l’homme résiste à son emprise
485 n totalitaire. Il ne veut pas se laisser mutiler, fût -ce au prix de salaires merveilleux44. Il découvre que la mesure qu’on
486 e la mesure qu’on voulait imposer à son orgueil n’ est encore qu’une immense caricature ; et que les fins qu’elle lui propos
487 homme nouveau au faîte de l’édifice matérialiste. Est -ce que tout le progrès acquis par une si dure révolution n’aura été q
488 progrès acquis par une si dure révolution n’aura été que de donner aux hommes, avec quelques milliers de tracteurs, d’avio
489 de parachutes, cette illusion philosophique ? Il est vrai que le monde bourgeois n’a même plus l’énergie de concevoir une
490 e tout cela une conclusion concrète qui peut nous être utile pour une future construction : la mesure pseudo-marxiste que le
491 o-marxiste que les Soviets proposent en exemple s’ est avérée, après quelques années, incapable de maintenir l’unité vraie d
492 r l’unité vraie de la pensée et de l’action. Elle est déjà divisée contre elle-même. Elle n’est plus réellement commune, en
493 n. Elle est déjà divisée contre elle-même. Elle n’ est plus réellement commune, encore qu’elle soit réellement imposée. Et j
494 lle n’est plus réellement commune, encore qu’elle soit réellement imposée. Et je ne préjuge rien de l’avenir d’un peuple qui
495 ressources mystiques aussi puissantes. Peut-être était -ce inévitable. Peut-être les bienfaits concrets du Plan surpassent-il
496 r les semelles-crêpe et le métro. Notre espérance est au-delà de ces réussites utiles. Vis-à-vis de la jeune Russie, notre
497 les. Vis-à-vis de la jeune Russie, notre devoir n’ est pas de railler des naïvetés plus sympathiques que nos astuces, mais i
498 etés plus sympathiques que nos astuces, mais il n’ est pas non plus de les admirer ; il n’est pas de dire non à tout, ni oui
499 mais il n’est pas non plus de les admirer ; il n’ est pas de dire non à tout, ni oui à tout ; c’est un devoir de critique l
500 temps nos problèmes spirituels. Toute la question est alors de savoir si nous les aurons résolus, dans nos catégories occid
501 olus, dans nos catégories occidentales. Sinon, il sera toujours temps d’aller demander là-bas ce qui nous manque. 36. Pas
502 . 39. Ibid. p. 29 et 33. 40. Le troisième Plan sera consacré plus spécialement à l’édification de la culture. 41. Cf. ch
11 1936, Penser avec les mains. Première partie. La commune mesure — XI. La mesure nationale-socialiste
503 mesure nationale-socialiste L’élite française s’ est fait depuis quelques années une géographie de l’esprit dont le caract
504 géographie de l’esprit dont le caractère frappant est d’être en complet désaccord avec la géographie physique. À lire nos r
505 phie de l’esprit dont le caractère frappant est d’ être en complet désaccord avec la géographie physique. À lire nos revues,
506 vre culturelle des Russes. Beaucoup de ces Russes sont venus à Paris vanter leur dictature, sa production industrielle, son
507 uments aux partis de gauche ou de droite. Or s’il est vrai que les Soviets avaient en 1920 l’âge de l’hitlérisme en 1936, l
508 pourtant tout intérêt à suivre d’aussi près qu’il est possible le développement d’une révolution à tant d’égards plus proch
509 ards plus proche que la russe. L’expérience russe est dominée par deux grands faits qui la distinguent radicalement de tout
510 n et du sens civique au départ. Les léninistes se sont trouvés devant un continent qu’ils n’avaient guère qu’à coloniser. Il
511 schématique. La situation de l’Allemagne en 1933 était exactement inverse. Elle ressemblait beaucoup à celle qu’une seconde
512 t en France à toute révolution de masses (qu’elle soit fasciste ou bolchéviste)46. Toutefois, le facteur décisif de la révol
513 indre scrupule national et nationaliste, quand il est question de l’Allemagne. C’est que la nation française existe depuis
514 n affirme en général, à côté d’elle, la volonté d’ être une nation. Un Français qui proclame aujourd’hui, à grand éclat, qu’i
515 i proclame aujourd’hui, à grand éclat, qu’il veut être « Français d’abord », c’est un monsieur qui exagère, c’est un chauvin
516 ecteurs communistes. Il a compris que la mystique était plus forte que les intérêts, d’autant plus forte que la misère était
517 e les intérêts, d’autant plus forte que la misère était plus grande. Qu’on ne dise pas que cela est impensable en France, san
518 ère était plus grande. Qu’on ne dise pas que cela est impensable en France, sans se rappeler que ce fut un jour mieux que p
519 est impensable en France, sans se rappeler que ce fut un jour mieux que pensable : les soldats de Kellermann s’appelaient,
520 que la mystique la plus puissante sur le peuple, serait celle qui lui offrirait la promesse d’une communauté. Le « Nationalso
521 se d’une communauté. Le « Nationalsozialismus » n’ est pas le composé hybride de nationalisme et de socialisme que la traduc
522 e crois, au nom d’une vérité plus haute, et qui n’ est pas une opinion de partisan, de politique. Mais cela n’empêche pas qu
523 ue. Mais cela n’empêche pas que le génie d’Hitler est un fait. (J’appelle génie la faculté de distinguer la véritable sourc
524 vie communautaire ; jamais cette passion n’avait été davantage frustrée qu’au cours des quinze années de luttes civiles qu
525 ’au cours des quinze années de luttes civiles que fut le régime de Weimar. Partis, régions, classes, générations, ville et
526 lle et campagne, Université et peuple : la guerre était partout et la mesure commune nulle part. Hitler parut et dit : Je sui
527 sure commune nulle part. Hitler parut et dit : Je suis le Parti, je suis le Pays, je suis le Peuple, je suis à la fois le po
528 part. Hitler parut et dit : Je suis le Parti, je suis le Pays, je suis le Peuple, je suis à la fois le porteur des idées de
529 ut et dit : Je suis le Parti, je suis le Pays, je suis le Peuple, je suis à la fois le porteur des idées de la jeunesse et d
530 le Parti, je suis le Pays, je suis le Peuple, je suis à la fois le porteur des idées de la jeunesse et de celles des ancien
531 jeunesse et de celles des anciens combattants, je suis enfin l’annonciateur de la nation allemande à venir. C’était l’incarn
532 le destin futur de son libre peuple. Ses paroles sont le programme de notre lutte. Elles sont les sources du nouveau droit
533 s paroles sont le programme de notre lutte. Elles sont les sources du nouveau droit qui s’établit. Ses pensées dominent les
534 rdre social et politique nouveau. » — « Le Führer est le Parti, le Parti est le Führer. » — « Parti et État sont une seule
535 e nouveau. » — « Le Führer est le Parti, le Parti est le Führer. » — « Parti et État sont une seule et même chose. » — « Hi
536 arti, le Parti est le Führer. » — « Parti et État sont une seule et même chose. » — « Hitler est l’Allemagne, l’Allemagne c’
537 t État sont une seule et même chose. » — « Hitler est l’Allemagne, l’Allemagne c’est Hitler. » — Voilà la mesure, et son in
538 e, et son incarnation visible à tous. « La nation est le contenu et la substance de l’empire. Elle est le but de tout ordre
539 est le contenu et la substance de l’empire. Elle est le but de tout ordre. Le peuple… est le seul but de toute activité hu
540 empire. Elle est le but de tout ordre. Le peuple… est le seul but de toute activité humaine et de toute institution publiqu
541 et de toute institution publique. » — « L’empire est un État socialiste-racial — populaire — unifié — comprenant un seul p
542 rti ». En outre « le parti, le peuple et l’empire sont gouvernés et administrés selon le principe du chef (Führergrundsatz).
543 il s’agit ici de régimes entre lesquels la guerre est déclarée, au nom de doctrines et de buts dont certains nous paraissen
544 du « spirituel » pour justifier le mépris où l’on était forcé de tenir la culture. On fit appel à la doctrine marxiste, ou à
545 » pour justifier le mépris où l’on était forcé de tenir la culture. On fit appel à la doctrine marxiste, ou à l’honneur natio
546 ù l’on voit que la fameuse primauté du matériel n’ est nullement un problème philosophique ; car de ce point de vue là, préc
547 ue ; car de ce point de vue là, précisément, elle est d’une évidente absurdité ; mais un certain excès de misère suffit trè
548 er qu’on y ait eu recours en pleine action50. Ce fut la première phase, négative par nécessité. Elle dura plus longtemps e
549 ute que « la révolution (nationale-socialiste) ne serait guère qu’un épisode, non une époque, si elle restait purement politiq
550 époque, si elle restait purement politique ». Il est incontestable que ces trois activités, commandées par la seule volont
551 du régime avec le domaine culturel. Le problème s’ est donc posé dans tous les cas sous la forme très simple d’une mise au p
552 e culture nouvelle et populaire. En réalité, ce n’ est pas le contenu de la culture proprement dite que l’on répand, mais on
553 re dans lequel les productions futures, désirées, seront contraintes de s’ordonner. Règne des films de propagande, des chœurs
554 la mesure prétendue universelle. Or cette mesure étant en fait celle qui a réglé d’abord l’action, et l’action de masse, ne
555 ’abord l’action, et l’action de masse, ne saurait être , pour des raisons techniques, qu’un schéma. Toute propagande est par
556 aisons techniques, qu’un schéma. Toute propagande est par définition schématique ; mais les moyens qu’elle met en œuvre pou
557 nt pas le temps d’entreprendre. (Ou qui ne pourra être entreprise sérieusement qu’après un certain nombre de rénovations mat
558 ue l’on donnera pour bon argent alors qu’elles ne sont guère qu’une sorte de spéculation sur les créations futures. L’intére
559 de voir à quel point la technique de cette phase est pareille dans des régimes qui ont à répandre les doctrines les plus d
560 en commun passe avant le bien particulier. Ce qui est utile à la communauté populaire est légal ; ce qui peut lui nuire est
561 ulier. Ce qui est utile à la communauté populaire est légal ; ce qui peut lui nuire est illégal. » Ce principe fondamental
562 nauté populaire est légal ; ce qui peut lui nuire est illégal. » Ce principe fondamental de la constitution hitlérienne a s
563 u service du Parti, qui selon la parole du Führer est « la volonté organisée de la nation ». Dans les deux régimes, on s’ef
564 réatrices : classe prolétarienne ou race aryenne. Seront tenus pour suspects ou saboteurs tous les écrivains issus d’une autre
565 es : classe prolétarienne ou race aryenne. Seront tenus pour suspects ou saboteurs tous les écrivains issus d’une autre class
566 me « scientifique ».   Valeur du travail. — Elle est exaltée en termes à peu près identiques des deux côtés. Le travail do
567 la guerre. (« La lutte contre le froid et la faim est notre guerre ! » peut-on lire sur les panneaux de propagande du Secou
568 partie de cet ouvrage.)   Moralisme. — La morale est identiquement soumise dans les deux cas à l’édification (Aufbau) soci
569 le. Les conditions pratiques de cette édification étant définies de la manière la plus simple par la propagande, les vertus e
570 simple par la propagande, les vertus et les vices sont simples et facilement reconnus par tous. Toute œuvre se voit donc exp
571 Rôle de l’écrivain et de l’artiste. — « L’artiste est le porte-parole du peuple, l’interprète de sa volonté et du sens de s
572 ntendu ni du peuple ni du prolétariat tels qu’ils sont , mais tels que le Parti les définit.   Attitude philosophique et rel
573 .   Attitude philosophique et religieuse. — Il n’ est plus nécessaire d’insister sur la direction générale de l’humanisme s
574 us exactement : Diesseitigkeit, qualité de ce qui est terrestre, de ce qui concerne l’ici-bas, par opposition à tout au-del
575 s-Dieu, on ne saurait nier que le Dieu qu’il sert est immanent aux intérêts du Volkstum, et doit se confondre avec ces inté
576 La Diesseitigkeit de la philosophie hitlérienne a été fort bien exprimée par Rosenberg dans un discours où il s’élève avec
577 prolétariat et à territoire surpeuplé (la France est plus grande que l’Allemagne, et compte un tiers d’habitants en moins)
578 contre l’esprit de la Révolution. Si les Français sont nationaux, c’est parce qu’ils sont les descendants des jacobins. Et t
579 i les Français sont nationaux, c’est parce qu’ils sont les descendants des jacobins. Et tout le reste est nationalisme. C’es
580 nt les descendants des jacobins. Et tout le reste est nationalisme. C’est le parti radical qui est national. Il l’est si bi
581 este est nationalisme. C’est le parti radical qui est national. Il l’est si bien qu’il n’a plus même l’idée de le dire. 48
582 me. C’est le parti radical qui est national. Il l’ est si bien qu’il n’a plus même l’idée de le dire. 48. La plupart de ces
583 idée de le dire. 48. La plupart de ces citations sont empruntées au numéro spécial du Voelkischer Beobachter, 30 janvier 19
584 la notion de primauté du matériel. Tout le reste est littérature, sophisme, et confusion de la tactique avec la vérité.
12 1936, Penser avec les mains. Première partie. La commune mesure — XII. Leçon des dictatures
585 Leçon des dictatures De tout ce qui précède, il serait ridicule et vain de tirer une « condamnation » des conceptions cultur
586 s entreprises, d’une envergure sans précédent, ne sont pas justiciables des critiques qu’on leur adresse d’ordinaire en Fran
587 n’a le droit de critiquer l’ordre que lorsqu’elle est consciemment anarchique, en vertu d’une volonté et d’un idéal déclaré
588 plus féconde que la contrainte. Les surréalistes sont fondés à parler du « vent de crétinisation qui souffle de l’URSS », m
589 l’URSS », mais les magnats de l’industrie lourde sont hypocrites quand ils payent des auteurs pour dénoncer le « sans-dieui
590 ine facilité sénile, dont la jeunesse française n’ est pas toujours indemne, facilité qui consiste à assimiler dictature et
591 ilosophique égale l’hypocrisie pratique. Enfin il serait sage de se garder de tout pronostic global quant à l’avenir culturel
592 de front opéré par le stalinisme prouve que tout est possible aux dictateurs opportunistes. Le vague même des dernières dé
593 ul qui tombe sous le coup d’une critique générale est aussi le seul qui intéresse directement l’objet de cet ouvrage : les
594 œuvre par les deux régimes, alors que leurs fins sont hostiles et leurs situations de départ différentes, prouve que la mes
595 que la mesure réelle, dans l’un et l’autre cas, n’ est pas la doctrine, mais la technique de l’action sur les masses. C’est
596 pour la seule action au cours de laquelle elle s’ est constituée, mais que l’on veut imposer au tout, y compris la culture
597 er au tout, y compris la culture et la morale. Ce sont les nécessités de la propagande, identiques dans les deux cas, bien q
598 de, identiques dans les deux cas, bien que le but soit ici la société prolétarienne, et là la nation allemande, qui sont cen
599 été prolétarienne, et là la nation allemande, qui sont censées configurer la culture. 2° Or cette mesure partielle ne peut p
600 n’y réussit pas. Le schématisme de la propagande est par nature contraire à toute culture imaginable. Il peut au plus favo
601 ser l’instruction élémentaire des masses. Mais il est totalement impuissant à provoquer la création, et à la régler, étant
602 puissant à provoquer la création, et à la régler, étant de par son origine coupé des sources mêmes de toute création culturel
603 ose non seulement à l’observateur étranger que je suis , mais aux chefs des partis dictatoriaux eux-mêmes. De là toute la pas
604 magne aussi bien qu’en URSS. Cet appel au miracle est le signe certain, sinon d’une mauvaise conscience, en tout cas d’un s
605 t cas d’un sentiment d’impuissance culturelle. Il est apparu plus tard en URSS qu’en Allemagne — relativement à l’âge de la
606 ison très simple qu’en Russie, le niveau culturel étant nul au départ, on a pu se contenter pendant longtemps d’appeler cultu
607 nter pendant longtemps d’appeler culture ce qui n’ était que de l’instruction. En Allemagne, où la culture a de très fortes ra
608 a de très fortes racines populaires et où l’élite était bien plus artiste et bien moins « politique » qu’en France, l’opposit
609 moins « politique » qu’en France, l’opposition s’ est fait sentir dès le début. La résistance des universités est caractéri
610 entir dès le début. La résistance des universités est caractéristique à cet égard. Chaque progrès de la culture officielle
611 e les injonctions du Parti avec une passivité qui est la forme d’opposition la plus aiguë que tolèrent les dictatures…   Le
612 ité, puis toute vertu spirituelle. Les dictatures sont fondées au contraire sur le primat, en fait et en droit, de l’action
613 e. Dès lors, l’alternative qui se pose à l’esprit est la suivante : ou bien il se soumet à la mesure faite pour régler l’ac
614 ition, détruisant la commune mesure. Ce processus est déjà commencé dans les deux dictatures rivales, et rien ne permet enc
615 ose. Nos circonstances économiques et historiques étaient telles qu’il fallait une dictature pour y mettre un minimum d’ordre e
616 um d’ordre et permettre à la vie de continuer. Il est incontestable que nous avons établi cet ordre : on ne se mitraille pl
617 rs luttes épuisantes et stériles. Le corps social était malade, il fallait l’opérer d’urgence, à chaud, et nous y avons porté
618 craties libérales et parlementaires, des maux qui étaient devenus aigus chez nous : luttes sociales, injustices économiques, dé
619 us ne faites rien, que de nous critiquer, vous en serez bientôt au point où nous étions quand la révolution a éclaté. Si au c
620 critiquer, vous en serez bientôt au point où nous étions quand la révolution a éclaté. Si au contraire vous essayez de surmont
621 re vous essayez de surmonter votre anarchie, vous serez bien forcés de commencer par rétablir l’ordre extérieur. Et vous fere
622 ces deux objections : a) Oui, vos circonstances étaient telles que je serais incapable de vous dire ce que vous auriez pu fai
623 a) Oui, vos circonstances étaient telles que je serais incapable de vous dire ce que vous auriez pu faire d’autre. Vous en é
624 dire ce que vous auriez pu faire d’autre. Vous en étiez au point où l’homme ayant démissionné, il fallait enregistrer cette d
625 de l’état, de la classe ou de la race. Vous vous êtes refait un corps. Mais les problèmes spirituels n’ont pas été résolus
626 un corps. Mais les problèmes spirituels n’ont pas été résolus pour autant. Vous avez reculé la question, de dix ans ou d’un
627 es expériences nous enseignent. Toute la question est alors de savoir si nous saurons utiliser ces avantages, et le temps d
628 er et préparer spirituellement une révolution qui soit nôtre, sans brutalités extérieures, sans destructions aveugles, sans
629 n nouveau type de révolution, dont l’exemple vous sera certainement plus utile que les critiques de nos vieillards. Dans cet
630 ndement d’une nouvelle culture européenne… b) Il est faux que nous soyons obligés de commencer par l’extérieur, si nous vo
631 elle culture européenne… b) Il est faux que nous soyons obligés de commencer par l’extérieur, si nous voulons rétablir une me
632 la pensée et à l’action. Car un ordre extérieur n’ est solide et fécond que s’il résulte d’un ordre intérieur. Et cet ordre
633 spirituel. C’est encore là une évidence, et qui n’ est pas moins actuelle. 51. Nous voulons passer, dit Rosenberg, « de la
13 1936, Penser avec les mains. Première partie. La commune mesure — XIII. commune mesure et acte de foi
634 evaient l’exercer ont failli à leur vocation. Tel fut le cas de la mesure des Juifs, et de la mesure médiévale. C’est la vr
635 l’idolâtrie, la simonie ou la sécularisation. Il est d’autres mesures qui se détruisent d’elles-mêmes, malgré toute la fid
636 de leur succès qui dénonce leur insuffisance. Tel fut le cas de la mesure rationaliste qui conduisit la bourgeoisie à son t
637 rgeoisie à son triomphe, puis à sa négation ; tel est le cas des mesures politiques que s’imposent les dictatures. Du court
638 te, c’est que la fin qu’elle prépare et symbolise est elle-même une fin partielle, et donc une fin avant-dernière, une fin
639 ien cette fin, mais il pressent parfois qu’elle n’ est pas la fin absolue. Il veut bien sacrifier sa liberté pour hâter la c
640 d’une impuissance à accepter la vie telle qu’elle est , dégradée, mystérieuse, pleine d’appels. (L’anarchie libérale avait d
641 chie libérale avait du moins cet avantage qu’elle était bien visible, et qu’on avait le droit de la dénoncer…) Mais alors, où
642 ver la vérité totale, la seule qui ait le droit d’ être totalitaire ? La fin des fins, le terme universel en quoi l’homme pui
643 attribuons à nos actions, si minuscules qu’elles soient au regard de l’histoire, la passion même dont nous les chargeons, tou
644 système soviétique, ou la mesure soviétique, ce n’ est pas discuter telle ou telle modalité de son application ; ce n’est pa
645 telle ou telle modalité de son application ; ce n’ est pas prophétiser (à la manière des journalistes) son échec ou sa réuss
646 des journalistes) son échec ou sa réussite ; ce n’ est pas protester contre les conditions accidentelles qu’impose sa réalis
647 et qui lèsent beaucoup d’intérêts, dont certains sont honnêtes, et d’autres moins. Car, quand bien même l’avenir montrerait
648 ême l’avenir montrerait que le système communiste est nécessaire, qu’il est satisfaisant pour le grand nombre, qu’il a « ré
649 t que le système communiste est nécessaire, qu’il est satisfaisant pour le grand nombre, qu’il a « réussi » en Russie, et q
650 ère historique, je poserais encore ma question : est -ce un système dont le télos est vrai ? Est-ce qu’il rêve, et prépare,
651 ore ma question : est-ce un système dont le télos est vrai ? Est-ce qu’il rêve, et prépare, et veut, un succès tel que sa p
652 tion : est-ce un système dont le télos est vrai ? Est -ce qu’il rêve, et prépare, et veut, un succès tel que sa plénitude pu
653 nitude puisse combler l’homme en tant que l’homme est le porteur d’une vocation de vérité ? Et mon jugement sur le système
654 e revient à dire oui ou non à cette question, qui est celle des fins dernières. Voilà, dit-on, qui introduit une exigence m
655 ysique. Et le jugement que vous voulez porter ici est de l’ordre du choix « subjectif ». Relevant d’un acte de foi, il tran
656 és jusqu’à présent, et auxquels vous pensiez vous tenir . — Certes ! Et l’on voit qu’il fallait bien aboutir là. Car si l’on p
657 au moyen de critères formels — c’est à quoi je me suis employé au cours des précédents chapitres —, l’on peut aussi, et l’on
658 vérifie ces mêmes critères. Or, à ce doute, il n’ est pas de réponse qui ne soit un acte de foi. Juger le système ou la mes
659 s. Or, à ce doute, il n’est pas de réponse qui ne soit un acte de foi. Juger le système ou la mesure soviétique, c’est uniqu
660 ne enfin à mes critiques leur vraie portée : ce n’ est pas pour l’amour des hommes de là-bas que je m’attache à distinguer d
661 je m’attache à distinguer dans leur régime ce qui est bon et ce qui est mauvais. Je n’ai pas le goût de me poser en conseil
662 tinguer dans leur régime ce qui est bon et ce qui est mauvais. Je n’ai pas le goût de me poser en conseiller d’un peuple qu
663 er d’un peuple qui ne peut pas m’écouter. Mais je suis fortement curieux de tirer d’un exemple aussi considérable une leçon
664 dra ! Nous avons bien assez de notre sort pour en être aujourd’hui responsables. À la question que je posais tout à l’heure 
665 final de toute communauté réelle et actuelle ? je suis donc amené à répondre premièrement : c’est par un acte de foi que nou
666 ouveau. D’abord pour la simple raison qu’un idéal est toujours dans l’avenir, et notre action toujours dans le présent. Ens
667 ce dans les désirs de nos cœurs actuels. Or, ce n’ est pas une image flatteuse conçue comme un négatif du désordre, qui pour
668 ou bien elle nous reste extérieure, ou bien elle est complice de nos faiblesses. Elle n’est pas vraie en soi. Elle n’est p
669 bien elle est complice de nos faiblesses. Elle n’ est pas vraie en soi. Elle n’est pas plus vraie que nous, tels que nous s
670 s faiblesses. Elle n’est pas vraie en soi. Elle n’ est pas plus vraie que nous, tels que nous sommes, dans le désordre actue
671 Elle n’est pas plus vraie que nous, tels que nous sommes , dans le désordre actuel. Par acte de foi, j’entends précisément l’ac
672 vérité certaine, affirmée par cet acte même. Il n’ est de fin vraiment unique — et par conséquent unifiante — que dans la vé
673 t précis où je lui obéis en fait. L’acte de foi n’ est donc pas un désir, une nostalgie confiante, un leurre consolant, un s
674 d’un idéal rêvé ou désirable. Ainsi l’acte de foi est par définition l’instant et le lieu où pensée et action se confondent
675 ction se confondent en un seul élan, où la vérité est attestée par un geste, et le geste sanctionné par la vérité. Voilà l’
676 la commune mesure se ramène alors à ceci : quelle est cette vérité dernière assez certaine, et en même temps assez totale p
677 ur mériter notre acte de foi ? ⁂ Le lecteur qui n’ est pas philosophe ne manquera pas de dire que j’entraîne le problème à u
678 éponses simples et faciles, ou bien la vérité qui est souvent difficile. Si nous refusons de descendre au cœur de ce problè
679 refusons de descendre au cœur de ce problème, qui est un problème métaphysique et religieux, nous nous condamnons en même t
680 étique ou à la mesure hitlérienne, c’est qu’elles sont extérieures à la personne. Elles soumettent le tout de l’homme à une
681 tout de l’homme à une partie de son activité, qui est l’activité sociale ou politique. Elles imposent des disciplines qui v
682 s définit, mais non pas pour l’homme total. Elles sont des mesures de propagande, non pas d’éducation réelle. Elles poursuiv
683 dès maintenant des buts partiels, des fins qui ne sont ordonnées qu’à une tactique, non à la vérité. Ou encore elles prétend
684 e à une tactique. Enfin, et du seul fait qu’elles sont des mesures de propagande, elles sont précisément trop simples. Elles
685 it qu’elles sont des mesures de propagande, elles sont précisément trop simples. Elles se définissent d’un seul mot : le Pla
686 tout le monde sent et sait très bien que ce mot n’ est pas le dernier mot de notre vocation humaine. Ce qui est d’un parti e
687 le dernier mot de notre vocation humaine. Ce qui est d’un parti est partiel. Ce qui est partiel n’a pas le droit de se vou
688 de notre vocation humaine. Ce qui est d’un parti est partiel. Ce qui est partiel n’a pas le droit de se vouloir totalitair
689 umaine. Ce qui est d’un parti est partiel. Ce qui est partiel n’a pas le droit de se vouloir totalitaire. (Même si c’est qu
690 le droit de se vouloir totalitaire la vérité qui est totale, qui rend compte du tout de l’homme et de ses fins les plus lo
691 si cette vérité a le pouvoir d’unifier tout notre être lorsqu’il tend activement vers elle. La mesure que nous cherchons ne
692 s elle. La mesure que nous cherchons ne peut donc être définie qu’en relation avec la vérité dernière de l’homme ; elle est
693 elation avec la vérité dernière de l’homme ; elle est l’attitude de pensée et d’action, indistinctement, qui nous rapproche
694 l’inverse, on pourrait dire que cette vérité même est indiquée par une attitude de notre être, telle que la pensée et l’act
695 érité même est indiquée par une attitude de notre être , telle que la pensée et l’action s’y confondent indistinctement. Autr
696 ent indistinctement. Autrement dit : notre chemin est éclairé par la seule vérité du but. Mais à l’inverse, le but ne nous
697 est donc ce chemin qu’il va falloir décrire. Ce n’ est pas une route nationale, où l’on puisse marcher en colonne, quatre pa
698 ar trois, le fusil ou la pelle sur l’épaule. Il n’ est pas tout tracé par l’État. Nous avons à le construire nous-mêmes au p
699 d’obéir au seul appel du but final. Cette méthode sera la mesure que nous cherchons : à la fois intime et active, réglant la
14 1936, Penser avec les mains. Première partie. La commune mesure — XIV. L’appel à la commune mesure, ou l’Europe du xxe siècle
700 il fallait des symboles visibles et dont le sens fût reconnu de tous, prince et sujets, clercs, soldats et marchands, légi
701 histoire ou l’action des « grands desseins » peut être déchiffrée précisément dans l’histoire ou l’action des signes visible
702 se, le concept de Führer. Cependant, une mesure n’ est rien, et ses symboles ne signifient rien, si l’on oublie les fins der
703 qui la créent et qui meurent avec elle. L’Arche n’ est rien s’il n’y a pas le messianisme ; le latin s’il n’y a pas une cath
704 ommune à tous les ordres et qui les harmonise. Il était nécessaire de le rappeler et de décrire aussi les mécanismes ou les f
705 rvir. La question de la mesure d’une civilisation est sans nul doute la question-mère de toute problématique culturelle. Ma
706 e ne comporte pas de réponse en soi. Une mesure n’ est en soi ni vraie ni fausse ; elle n’est que plus ou moins fidèle à la
707 e mesure n’est en soi ni vraie ni fausse ; elle n’ est que plus ou moins fidèle à la fin qu’elle prépare et représente. Seul
708 ns signes créés par d’autres pour des fins qui ne sont pas les nôtres. On ne refait une mesure qu’en retrouvant une foi. Mai
709 scernant sa vocation concrète. Or, toute vocation est située en un lieu circonscrit de la terre en un temps limité de l’His
710 eux où nous vivons, la situation précise qui nous est faite, et l’appel concret qui en résulte ; et après cela jugeons , c’
711 e de possibilités dont les nations plus jeunes se sont volontairement privées. Elles s’honorent d’avoir une presse d’opposit
712 t des vieillards puissants. Leur opinion publique est incertaine, facilement énervée, puis indolente, pleine de contradicti
713 rre, en Suisse, en Belgique, en Scandinavie, il n’ est question que du « désarroi général ». Liberté d’opinion, c’est pratiq
714 de se plaindre sans passion profonde. La misère n’ est encore qu’à la porte, mais on dirait qu’il n’y a plus rien à faire qu
715 r lieu commun vivant. Les nations dites rajeunies sont celles qui ont fait ou subi depuis la guerre une révolution de masses
716 es en jugeaient l’usage actuel néfaste, lorsqu’il était encore réel. Elles s’honorent de n’avoir plus ni presse d’opposition,
717 comme on dit en Allemagne.) Leur opinion publique est dictée par l’État ; et l’opinion privée, bon gré mal gré, se rapporte
718 n moins. En Russie, en Allemagne, en Italie, il n’ est question que de renaissance et de construction. « Dictature », « tyra
719 rutal », tout cela, qui épouvante les libéraux, n’ est en fait que l’ensemble des conditions pratiquement nécessaires pour a
720  : mais j’en tiens compte, et ils me déterminent, fût -ce même contre eux. 2° Situation qui nous est faite. — Au terme du li
721 nt, fût-ce même contre eux. 2° Situation qui nous est faite. — Au terme du libéralisme, à l’origine des dictatures, une seu
722 dernier fondement de la communauté moderne. Elle est la toile de fond de tous nos drames, de nos pensées, de nos actions e
723 sées, de nos actions et même de nos utopies. Il n’ est pas difficile, après coup, de distinguer les très puissantes raisons
724 tés, et de la société bourgeoise notamment. Or il est clair qu’aucune économie ne peut survivre bien longtemps à la ruine d
725 Dès lors, si je constate que la crise matérielle est devenue, par une horrible dérision, la dernière obsession commune aux
726 ssible, et à elle seule, que toute commune mesure est morte parmi nous, et que nulle mesure vraie n’est encore restaurée. L
727 est morte parmi nous, et que nulle mesure vraie n’ est encore restaurée. Le régime libéral n’a plus la force de concevoir un
728 p de la désespérance. Et les régimes dictatoriaux sont nés dans une crise si profonde qu’ils n’ont pas encore pu s’en affran
729 ite de la Sarre. Prenons-y garde ! Ces deux faits sont spirituels. Ils révèlent l’existence d’un appel que la culture ne peu
730 pays les plus atteints matériellement. La misère est douée d’une mystérieuse propriété : elle agit comme une sorte de révé
731 alie de l’après-guerre. Si l’Europe d’aujourd’hui est divisée en nations « rajeunies » et nations vieilles, cela s’explique
732 ’abord par l’histoire : les nations « rajeunies » sont tout simplement celles qui n’avaient pas encore d’existence nationale
733 que ensuite par la misère : car ces nations ne se sont découvertes qu’à la faveur d’une crise totale. Ainsi l’opposition des
734 , vers une communauté nouvelle. Là où cette crise était la plus aiguë, la réponse a été totale, ou tout au moins totalitaire.
735 où cette crise était la plus aiguë, la réponse a été totale, ou tout au moins totalitaire. Là où depuis cent ans ou plus l
736 ent ans ou plus la nation existait déjà, la crise est bien moins virulente, et la réponse a plus de peine à se dégager. Pou
737 ne à se dégager. Pourtant, il faudra bien qu’elle soit donnée partout. Derrière la ruine matérielle, une autre ruine plus gr
738 e la ruine matérielle, une autre ruine plus grave est apparue : celle d’une image du monde, d’une conception du monde fondé
739 tésienne. Nous savons aujourd’hui que la raison n’ est pas un idéal, mais un outil ; que l’individu n’est rien que la libert
740 st pas un idéal, mais un outil ; que l’individu n’ est rien que la liberté du désespoir, et qu’il meurt de son isolement, ou
741 entir à la mesure des temps nouveaux. Sinon, il n’ est qu’angoisse et arbitraire, isolement, irréalité… Cette situation cosm
742 ent, irréalité… Cette situation cosmique nouvelle est la vraie cause de la révolution mondiale, de l’appel qui surgit de l’
743 mmunautaire. La puissance de cet appel ne saurait être comparée qu’au soulèvement de la Renaissance, à la montée de la consc
744 s la philosophie : la ruine des grands idéalismes est consommée par le triomphe des philosophes « existentiels » qui cherch
745 ent à saisir l’homme dans son actualité (dans son être de relation) et la pensée dans ses effets. Elle agit dans la théologi
746 de vacances ou de service civil. Mais tout cela n’ est encore que prodromes. Les premières grandes apparitions de cette puis
747 apparitions de cette puissance communautaire ont été les révolutions communistes et nationalistes. 4° Les premières répons
748 s libérales à l’adresse des grandes dictatures ne sont dangereuses que pour ceux qui s’y livrent. Ils n’arrêteront pas la te
749 ’aide de leurs filets à papillons. Par contre, il est aisé de prévoir à coup sûr qu’une certaine dépression atmosphérique a
750 s ne sauraient combler l’attente réelle. Elles ne sont pas une réponse nécessaire. Elles ne sont qu’une tentation superficie
751 lles ne sont pas une réponse nécessaire. Elles ne sont qu’une tentation superficielle et passagère, elles se réduisent à des
752 chance de salut, à nous autres nations libérales, est dans la création d’une communauté libre. Notre chance est dans l’inve
753 la création d’une communauté libre. Notre chance est dans l’invention, et non dans la défense, ou dans l’imitation. À la f
754 de destins communs : forces, crise et destins qui sont tout à la fois politiques et culturels. L’Europe des religions nouvel
755 û faire ; et alors, d’ici vingt ou cent ans, nous serons réduits à l’état de colonies économiques et culturelles par l’expansi
756 à créer, et que nous seuls pouvons créer. Nous ne sommes pas en retard sur les Soviets ou sur l’Allemagne, tout au contraire.
757 i fortes que celles qui nous défient là-bas, nous serons colonisés, comme la Grèce par Rome. Cessons de loucher avec méfiance
758 onnaître. Ils ont fondé des religions dont le but est la force commune. Ils ont su se créer des symboles grandioses. Ces sy
759 es symboles nous paraissent « barbares », et cela est juste. Nous pouvons éprouver la puissance de ces nouvelles religions,
760 monde étrange, ici règne une nation dont nous ne sommes pas, et qui nous est hostile, non point par volonté méchante, ni par
761 e une nation dont nous ne sommes pas, et qui nous est hostile, non point par volonté méchante, ni par avidité ou jalousie,
762 is par nature, par le seul fait que sa religion n’ est pas la nôtre. Étudions les doctrines provisoires ou les tactiques de
763 amais faire davantage, nous ne pourrons jamais en être , nous sommes nés sous d’autres astres, et notre vocation est différen
764 davantage, nous ne pourrons jamais en être, nous sommes nés sous d’autres astres, et notre vocation est différente. Nous ne s
765 ommes nés sous d’autres astres, et notre vocation est différente. Nous ne sommes pas de ces religions. Leur lieu saint nous
766 astres, et notre vocation est différente. Nous ne sommes pas de ces religions. Leur lieu saint nous demeure impénétrable54. No
767 lieu saint nous demeure impénétrable54. Nos fins sont d’autres fins, et la mesure qui doit les incarner ne sera inventée qu
768 utres fins, et la mesure qui doit les incarner ne sera inventée que par nous. Non seulement nos meilleures traditions, mais
769 elle que donne la vérité. Notre mesure commune ne sera pas collective, extérieure à notre personne : cela n’a pas de sens po
770 ersonne : cela n’a pas de sens pour nous. Elle ne sera pas non plus individuelle : on ne peut pas ressusciter des mesures mo
771 as ressusciter des mesures mortes. Je dis qu’elle sera personnelle, qu’elle sera la mesure de l’homme en tant qu’il se possè
772 mortes. Je dis qu’elle sera personnelle, qu’elle sera la mesure de l’homme en tant qu’il se possède dans ses relations acti
773 sse. 6° La violence nécessaire. — Car notre force est personnelle, non collective. Elle réside dans les petits groupes, non
774 l, et non le gigantisme national. La société doit être un corps, non pas une construction mécanisée. Et la santé et la force
775 tre action dans la culture européenne. Sinon nous serons colonisés, je n’ai pas fini de le répéter. Est-ce à dire qu’affirmer
776 serons colonisés, je n’ai pas fini de le répéter. Est -ce à dire qu’affirmer notre force, en face d’impérialismes conquérant
777 e connaissent plus, seule la violence de l’esprit est pacifiante. Notre seule chance de collaboration féconde avec les peup
778 collaboration féconde avec les peuples impériaux, est là. L’avenir dira si la révolution des libéraux peut influencer, à fo
779 ligieuses qui dressent leurs monuments sacrés à l’ Est . Pour le présent, notre devoir européen est d’exercer la vocation de
780 s à l’Est. Pour le présent, notre devoir européen est d’exercer la vocation de vérité qui est la nôtre, avec un maximum de
781 européen est d’exercer la vocation de vérité qui est la nôtre, avec un maximum de violence créatrice. 53. Les Russes ajo
782 lemands : du déshonneur. 54. Ceci explique, s’il est besoin de l’expliquer, que je puisse tenir balance égale entre les So
783 ue, s’il est besoin de l’expliquer, que je puisse tenir balance égale entre les Soviets et Hitler, et que je sois davantage f
784 ance égale entre les Soviets et Hitler, et que je sois davantage frappé par ce qu’ils ont de commun malgré eux, que par la h
785 par la haine qui les oppose. De toute façon, leur étant étranger, je leur paraîtrais blasphémateur sitôt que je parlerais de
15 1936, Penser avec les mains. Deuxième partie. Penser avec les mains — Préambule
786 de la seconde partie de cet ouvrage risquerait d’ être mal compris, si je n’écartais dès l’abord deux malentendus très coura
787 he pas à bâtir un système dans l’absolu : je veux être utile. Mais je ne cherche pas non plus à servir un régime politique a
788 ou une classe, ou un groupe d’intérêts : je veux être vrai. Je ne puis donc me contenter ni de la simple cohérence d’une do
789 hes nécessaires. L’esprit pur et l’esprit asservi sont deux complices dont les disputes bruyantes n’ont eu jusqu’ici d’autre
790 effet que de nous détourner de notre rôle, lequel est d’incarner l’esprit au service de la vérité. Je définirai donc mon at
791 us diverses de la nation ; je m’appuie sur ce qui est , mais c’est pour prendre élan vers ce que je crois qui doit être, ver
792 t pour prendre élan vers ce que je crois qui doit être , vers ce que je pressens, vers cette nouvelle mesure que l’élan seul
793 , et par les refaire dans l’esprit. Or ce travail est amorcé de tous côtés, j’en ai rappelé déjà quelques exemples55. Il m’
794 culture, dans la communauté qu’il faut créer. Il serait au-dessus de mes forces et de celles de n’importe quel homme d’envisa
795 éfinir le seul aspect moral de mon sujet : quelle est l’attitude de pensée, le parti pris fondamental qui peut nous oriente
796 sure nouvelle. Essai d’éthique de la pensée — qui est peut-être une science nouvelle, et qu’en tout cas il serait bon de me
797 t-être une science nouvelle, et qu’en tout cas il serait bon de mettre au point avant que l’État ne s’en mêle… ⁂ Il faut pens
798 e… ⁂ Il faut penser avec les mains. — La formule est brutale et je pense qu’elle doit l’être. Nos circonstances sont plus
799 La formule est brutale et je pense qu’elle doit l’ être . Nos circonstances sont plus brutales encore, et nous invitent à parl
800 t je pense qu’elle doit l’être. Nos circonstances sont plus brutales encore, et nous invitent à parler net. Il ne s’agit plu
801 er d’abord sur l’essentiel. (Je pèse chaque mot.) Étant bien clairement entendu que l’essentiel n’est pas ce qu’un dictateur
802 ) Étant bien clairement entendu que l’essentiel n’ est pas ce qu’un dictateur pense, n’est pas l’urgence matérielle, mais la
803 l’essentiel n’est pas ce qu’un dictateur pense, n’ est pas l’urgence matérielle, mais la plus haute vérité. Qui est la vérit
804 rgence matérielle, mais la plus haute vérité. Qui est la vérité à hauteur d’homme. Et j’ajouterai : à portée de la main.
16 1936, Penser avec les mains. Deuxième partie. Penser avec les mains — I. La pensée prolétarisée
805 n dehors de la question. Et de même, toute pensée est vaine, qui n’a pas mis d’abord son auteur à la question, en sorte que
806 positif, de rétablir une situation désespérée qui fut notre douceur de vivre, mais qui sera la honte de notre mort si nous
807 sespérée qui fut notre douceur de vivre, mais qui sera la honte de notre mort si nous n’y portons des mains fortes. Il est t
808 tre mort si nous n’y portons des mains fortes. Il est temps de proclamer vaine toute œuvre qui laisse son auteur intact, et
809 distinguée. Inoffensifs, tous ceux dont l’œuvre n’ est pas ce lieu de combat sans merci où quelque chose qu’il ne peut plus
810 t ce qu’il reflète d’une ambiance domestiquée. Il est grand temps que la pensée redevienne ce qu’elle est en réalité : dang
811 t grand temps que la pensée redevienne ce qu’elle est en réalité : dangereuse pour le penseur, et transformatrice du réel.
812 t transformatrice du réel. « Là où je crée, là je suis vrai », écrivait Rilke. Et c’est pourquoi nous prendrons au sérieux c
813 sérieux cette distinction : il y a des hommes qui sont l’orgueil de notre esprit, — et d’autres qui s’enorgueillissent de no
814 esprits, les professeurs, pour lesquels la pensée est un art d’agrément, un héritage, une carrière libérale, ou un capital
815 e monde, peinant peut-être en pure perte, si ce n’ est pour notre perte à tous. Or, ces gens forment l’opinion, sans aucun d
816 te, et ils le savent. Toute l’opinion du monde en est à peu près là, que la pensée ne peut venir qu’à la remorque d’événeme
817 me, c’est de penser avec ses mains. L’esprit s’ est « distingué » Remarquons qu’une formule telle que « penser avec le
818 abord une valeur polémique, et qu’en ce sens elle est exacte dans la mesure où elle provoque. Tournons sa pointe vers un ad
819 ons pas pour plaisanter avec les bons esprits. Qu’ est -ce en effet qu’un esprit distingué ? Et de quoi peut-il bien s’être a
820 u’un esprit distingué ? Et de quoi peut-il bien s’ être ainsi distingué ? Mais de ses mains, tout simplement ! Et si la droit
821 vérité si importante56, — car elle a le malheur d’ être évidente, et il n’en faut pas davantage pour qu’on la néglige aujourd
822 ge aujourd’hui. Toute l’ambition de cet ouvrage n’ est -elle pas justement de confondre, ou tout au moins de marquer une volo
823 t l’acte qui l’atteste. Le moteur ni les roues ne sont faits pour eux-mêmes : ils n’ont de raison d’être que par l’acte qui
824 sont faits pour eux-mêmes : ils n’ont de raison d’ être que par l’acte qui les unit. Il est temps d’embrayer, disons-nous. Il
825 de raison d’être que par l’acte qui les unit. Il est temps d’embrayer, disons-nous. Il est grand temps que l’on s’avise de
826 es unit. Il est temps d’embrayer, disons-nous. Il est grand temps que l’on s’avise de penser avec les mains. Les mains
827 ns Quelles mains ? Notre siècle « à mains » ne serait -il pas assez maniaque comme cela ? Oui, tout à fait assez. Mais l’ess
828 s l’essentielle vanité de l’activisme, de l’agio, est trop vite jugée par celle des distingués aux mains prudentes, et qui
829 ains machinales et qu’aucun charme ne soumet : ce sont les mains des agités, et non point de ceux qui agissent. Non pas ces
830 s qu’au bien d’autrui. Ce qu’il a pris ne saurait être à lui : il est hors de pouvoir de se l’approprier. L’érudit et le cit
831 utrui. Ce qu’il a pris ne saurait être à lui : il est hors de pouvoir de se l’approprier. L’érudit et le citateur57 profite
832 te. D’où vient l’initiative ? Cependant, ne soyons pas dupe de notre image. N’allons pas lui permettre de se préciser à
833 , au détriment d’une vérité plus générale qu’elle est simplement destinée à illustrer. Penser avec les mains ne veut pas di
834 aison ne s’engage pas dans son travail. La main n’ est ici qu’un symbole de l’action proprement humaine, qui est celle qu’in
835 qu’un symbole de l’action proprement humaine, qui est celle qu’initie le cerveau lorsqu’il a su en concevoir la fin. La mai
836 eau lorsqu’il a su en concevoir la fin. La main n’ est rien que l’instrument qui réalise une vision. Penser avec les mains,
837 de choisir, de transformer les conditions qui lui sont faites, — qu’il refuse. Penser avec les mains, c’est concevoir en act
838 pose à la notion rationaliste d’une pensée qui ne serait rien qu’un commentaire tardif aux actions faites par les autres. Enfi
839 es par les autres. Enfin, penser avec les mains n’ est pas non plus l’exact équivalent d’agir par sa pensée. Car ce n’est pa
840 l’exact équivalent d’agir par sa pensée. Car ce n’ est pas l’action d’abord qui importe — et la pensée serait son adjuvant —
841 t pas l’action d’abord qui importe — et la pensée serait son adjuvant — mais au contraire, si je veux penser en actes, c’est q
842 l’acte l’atteste et la convainc de gravité. Il n’ est d’acte réel que celui que l’on pense, et ma formule implique la prima
843 mots » au sens futile, accoutumé, parce que tout est d’abord question de mots, au sens précis et décisif de l’expression.
844 ne définition concrète des mots en jeu, la partie est perdue d’avance ou plutôt elle va se jouer dans un domaine où ne subs
845 prétendre avoir gagné ; où la victoire de l’un n’ est pour l’autre que tricherie. J’appelle sanction le simple jugement de
846 dans un domaine où quelques vérités fondamentales sont reconnues. Je doute qu’il en existe de cette sorte parmi nous. Mais a
847 un arbitre qui rende à notre jeu quelque sérieux, fût -il tout provisoire ? Peut-être l’étymologie peut-elle nous secourir.
848 ifficulté se porte alors sur le mot pensée, et il est clair qu’elle doit reposer là, si la pensée est bien l’agent initiate
849 l est clair qu’elle doit reposer là, si la pensée est bien l’agent initiateur qui qualifie la main elle-même et son action.
850 : il faut entendre qu’il pèse 59 et que la pensée est un poids que nous jetons dans la balance. Poids, de pensum, chose pes
851 ds, de pensum, chose pesée. Mais la chose pesée n’ est -elle pas d’abord chose qui pèse au sens actif ? Dès lors, penser, est
852 chose qui pèse au sens actif ? Dès lors, penser, est -ce peser quelque chose, ou au contraire, peser sur quelque chose ? Si
853 contraire, peser sur quelque chose ? Si la pensée est « ce qui pèse », faut-il l’assimiler à la balance, ou bien au poids ?
854 ’assimiler à la balance, ou bien au poids ? Telle est l’équivoque du mot. Elle nous jette aussitôt dans un choix. Pour les
855 ce existe sans mesures, mais le choix qui importe est celui-ci : préfère-t-on lire la mesure à l’aiguille, au terme d’une o
856 poids ? Les conséquences de l’un et l’autre choix sont infinies. Elles sont infiniment contradictoires. Rien n’est plus impo
857 ces de l’un et l’autre choix sont infinies. Elles sont infiniment contradictoires. Rien n’est plus important pour le dessein
858 es. Elles sont infiniment contradictoires. Rien n’ est plus important pour le dessein de ce livre que d’en suivre le déroule
859 suivrons d’une part la logique de la pensée qui n’ est que descriptive — pensée balance. Et d’autre part, nous essaierons d’
860 . Définition d’un esprit « moderne » « Je m’ étais fait un mode d’existence qu’on pourrait appeler potentiel. Mon humeur
861 pensée. (De même que pour Kant, le sérieux moral est purement formel.) D’où l’excessive technicité de leur langage. Avec m
862 éalité des fins dernières et de la cause première étant nettement subordonnée à l’intensité même de l’expérience. D’où l’imma
863 caractérise cette théologie. Le cas de la science est évident : il n’est de science « moderne » que des moyens. Et c’est pr
864 héologie. Le cas de la science est évident : il n’ est de science « moderne » que des moyens. Et c’est précisément à ce modè
865 communauté que cette pensée devait régir, qu’il n’ est pas vain de l’envisager. Mais il faudra, pour la mieux voir, en reche
866 ieux voir, en rechercher les origines. Car elle n’ est guère que le dernier aboutissement d’erreurs pour le moins centenaire
867 tout à l’heure, l’élite bourgeoise a choisi. Elle est pour la pondération, et elle n’appelle « sérieuse » qu’une pensée pon
868 qu’une pensée pondérée. Le comble du sérieux, ce sera donc pour elle le comble de la pondération, c’est-à-dire, à la limite
869 manqué de qualifier cette vertu de scientifique. Soyons donc rigoureux dans l’examen d’une maxime dont l’apparence inoffensiv
870 les actifs — ou peut-être les agités ? Oh ! ce n’ est point qu’on les méprise, ils font sans doute ce qu’ils ont à faire. M
871 te ce qu’ils ont à faire. Mais le métier du clerc est différent. Le clerc est là pour dire le vrai, pour « réciter ». Peut-
872 . Mais le métier du clerc est différent. Le clerc est là pour dire le vrai, pour « réciter ». Peut-être aussi pour critique
873 ouvrages. Le voici portant sa balance : la pensée est pondération ; à la rigueur, commentaire. Que la science vienne à s’en
874 ire. Que la science vienne à s’en mêler, la tâche sera plus simple encore : réciter l’homme ne comportera plus aucun jugemen
875 Ainsi le veut la saine méthode, et tout le reste est bavardage, illusion romantique ou pire encore : dogmatisme ! Le clerc
876 ’église n’avait pas bien vu l’homme : c’est qu’il était pressé de le juger, de le modifier… Il s’agit maintenant de le décrir
877 décrire et non plus de le conduire au salut. Nous tenons ici la première supposition impliquée par la maxime bourgeoise de Mon
878 ur indépendant. Cette impartialité, je le répète, est la vertu de l’intellectuel bourgeois. On se tromperait du tout en y v
879 nt une malice concertée dès l’origine. Le cynisme est plus rare qu’on ne suppose, et très peu d’hommes s’engagent volontair
880 connaissantes de cette doctrine ; et parce qu’ils sont sincères, ils pensent qu’on les attaque injustement. Si l’on veut êtr
881 nsent qu’on les attaque injustement. Si l’on veut être utile et convaincre, et j’entends par là convertir et non point triom
882 nyme d’une certaine lâcheté, d’un certain refus d’ être humain, d’une certaine révolte inconsciente contre la condition qui n
883 révolte inconsciente contre la condition qui nous est faite, voilà ce qu’il faudrait expliquer maintenant. L’appareil in
884 ) qu’on ne saurait définir clairement parce qu’il est fait d’une foule d’éléments précis, pour la plupart très valables en
885 s, mais vaguement, de culture. Nous avons vu quel est alors le sens du mot : c’est héritage, patrimoine, chose faite et sub
886 utorité auprès du public « cultivé », de ce qu’il est toujours sous-entendu et par essence insaisissable. C’est une espèce
887 blasphèmes jusqu’ici. Le scepticisme à son égard est encore loin d’être de mode65. Et l’on peut se demander parfois s’il f
888 ici. Le scepticisme à son égard est encore loin d’ être de mode65. Et l’on peut se demander parfois s’il faut vraiment souhai
889 s concours, les postes à briguer… Cette pensée-là est scientifique, mais dans un sens assez particulier : entendez qu’elle
890 , et qu’elle s’en voudrait d’embellir quoi que ce soit de ce qu’elle touche. « Le beau est la splendeur du vrai », récitera-
891 quoi que ce soit de ce qu’elle touche. « Le beau est la splendeur du vrai », récitera-t-elle parfois, mais en haine du bea
892 et pas un poids nouveau dans la balance, car elle est elle-même balance, pondération et non pesée, calibrage et non point m
893 non point matière. La question qui se pose alors est celle-ci : cet appareil, ce beau jeu de balances, est-il encore une a
894 celle-ci : cet appareil, ce beau jeu de balances, est -il encore une aide, ou devient-il une gêne pour l’acte créateur, pour
895 ne pour l’acte créateur, pour la pensée pesante ? Est -ce la subtilité de l’appareil qui est néfaste ? Faut-il en revenir à
896 e pesante ? Est-ce la subtilité de l’appareil qui est néfaste ? Faut-il en revenir à plus de grossièreté ? Mais le peut-on
897 ais faire observer un fait dont la reconnaissance est nécessaire avant toute tentative de réforme : le fait que la délicate
898 orme : le fait que la délicatesse de nos balances est excessive dans l’état où nous sommes. Je veux dire ceci : notre horlo
899 de nos balances est excessive dans l’état où nous sommes . Je veux dire ceci : notre horlogerie intellectuelle, tous ces rouage
900 nent le sérieux technique de la pensée, tout cela est devenu si délicat, si minutieux, si difficile à manier rapidement, qu
901 ils ont laissés dans leur tiroir, parce qu’ils ne sont pas portatifs, ou trop sensibles, ou trop vite affolés pour être prat
902 ifs, ou trop sensibles, ou trop vite affolés pour être pratiquement utilisables sur-le-champ… Posez à ces penseurs une quest
903 orcément à dénaturer le problème, pour peu que ce soit un problème vivant —, il arrive que les données changent, et que l’ur
904 t rendre justice aux balances, et pendant qu’on y est , aux poids et aux mesures. Certes, car eux aussi naquirent d’un acte
905 naquirent d’un acte autorisé. Si des penseurs se sont fait de leurs mains ces appareils de quelque utilité, nous saurons bi
906 vitesse de choc. La main qui connaît son outil n’ est pas vulgaire si l’outil ne la mène. Encyclopédies et fichiers, répert
907 oindre mépris pour les balances, surtout si elles sont justes. Mais je demande qu’on prenne tous ces outils pour ce qu’ils s
908 mande qu’on prenne tous ces outils pour ce qu’ils sont , et non plus pour des règles et pour des normes de pensée. Or je cons
909 nition de cette pensée par elle-même, l’opération est parfaitement logique. Imaginez la révolte de la balance contre son cr
910 esées. La balance exigerait désormais que rien ne soit créé trop lourd ou trop léger pour elle. La raison d’être de tout ce
911 é trop lourd ou trop léger pour elle. La raison d’ être de tout ce qui pèse, c’est maintenant, dirait-elle, d’être pesé. Cett
912 out ce qui pèse, c’est maintenant, dirait-elle, d’ être pesé. Cette balance se croirait impartiale. Elle ne ferait qu’indique
913 sément s’expliquer : dans un monde où la vérité n’ est plus justiciable d’aucune hiérarchie spirituelle reconnue, il n’est p
914 le d’aucune hiérarchie spirituelle reconnue, il n’ est plus de critère objectif que dans les seules méthodes qui garantissen
915 science qui se croit une ascèse laïque, et qui n’ est trop souvent qu’une impure abstraction. Cette Histoire qui prétend dé
916 te Histoire qui repousse un Rimbaud parce qu’il n’ est le fils de personne, et le père de mauvais garçons68. Cette Histoire
917 ertie qui remonte le temps, toute déduite qu’elle est des politiques présentes ; cette Histoire qui n’en est pas une69 mais
918 es politiques présentes ; cette Histoire qui n’en est pas une69 mais qui figure la tyrannie scolastique la plus sournoise q
919 : elle ne s’en porte pas plus mal. Songez qu’elle est l’excuse de tout un régime ! Plus encore : d’une doctrine générale, d
920 ique populaire de l’inactualité. Pourtant, elle n’ est guère qu’un des signes — certaine tolérance en est un autre — d’une p
921 st guère qu’un des signes — certaine tolérance en est un autre — d’une paralysie dont le germe circule dans le sang même de
922 c’est simplement le pédantisme. La scolastique n’ est pas une invention récente ; ni les humeurs peccantes, ni la logomachi
923 ntité, après tant d’autres, pour ridicules qu’ils soient , ne sauraient constituer une atteinte bien grave à l’intégrité de l’e
924 Je l’ai dit, et je le répète : c’est parce qu’il est en apparence insaisissable, inoffensif, médiocre même, que le vertuis
925 des esclaves, encore que ces esclaves se trouvent être les maîtres, que l’État les décore, et que leurs mains s’étiolent d’i
926 nsée prolétarisée Un très petit fait spirituel est plus grand que la ruine des banques, s’il détient le secret de cette
927 une origine commune. De même que la crise sociale est suspendue à une certaine confusion du travailleur réel et responsable
928 s radicale, cette crise d’impuissance et de honte est suspendue à l’abdication de nos « maîtres » devant les normes et deva
929 mains, mains privées de pensées, si leur confort fut à ce prix, l’échéance s’annonce tragique. La loi de l’inertie peut ga
930 , elle accouche à la fin de sa crise. Et la crise est un jugement, comme l’indique l’étymologie. Elle est l’arrêt d’une imm
931 t un jugement, comme l’indique l’étymologie. Elle est l’arrêt d’une immanente loi. Nous y voici justement parvenus. Déjà l’
932 ont cru pouvoir s’en remettre à une fatalité qui serait dans les choses, ou dans les conditions de la pensée scientifique, da
933 re à une Fatalité qu’ils croyaient objective — il est vrai qu’elle les dispensait d’être sujets de leur pensée ! — à une Né
934 objective — il est vrai qu’elle les dispensait d’ être sujets de leur pensée ! — à une Nécessité qu’ils croyaient déceler et
935 rogrès. — La technique a ses exigences. — Nous ne sommes pas le gouvernement. — Sauvegardons l’impartialité de l’intelligence.
936 egardons l’impartialité de l’intelligence. — Nous sommes des psychologues, non pas des moralistes. » Ces incroyants nous ont p
937 plus en plus pesants, cette pitoyable mythologie est à l’origine du désordre proclamé aujourd’hui dans toute l’économie de
938 Progrès nécessaire ? On oubliait que nécessaire n’ est pas toujours suffisant. L’état présent du monde économique le fait bi
939 e labeur automatique, cette dichotomie qui devait être à la base de notre régime du travail, nul n’aurait pu la prendre en c
940 orce à se croire révolutionnaire, alors qu’elle n’ est que la victime d’une erreur qu’elle partage en mille manières avec se
941 avec ses maîtres : elle aussi croit que l’argent est une fin, et le travail un moyen de « gagner », et le loisir un défici
942 auté nécessaire, et prolétarise l’élite. Car s’il est vrai que seule une douteuse délicatesse dénonce le danger présent dan
943 magnifique de nos instruments de pensée, et s’il est vrai en général que le danger n’est pas dans nos outils, mais bien da
944 nsée, et s’il est vrai en général que le danger n’ est pas dans nos outils, mais bien dans la faiblesse de nos mains, il n’e
945 s, mais bien dans la faiblesse de nos mains, il n’ est pas moins urgent de préciser qu’une pensée qui s’abandonne au rythme
946 nt tyran, le jour où celui qui l’a fait renonce à tenir les commandes. « Les autres forment l’homme, je le récite. » Les autr
947 es autres jouent, moi je marque les points. Je ne suis après tout que le gardien d’un appareil enregistreur dont je n’ai pas
948 ma pitié. On les décore comme devant, les chaires sont là, et les fauteuils sont là ; et la Coupole ignore tout ce qu’elle c
949 mme devant, les chaires sont là, et les fauteuils sont là ; et la Coupole ignore tout ce qu’elle couvre. Dirait-on pas que l
950 re. Dirait-on pas que la dignité de ces maîtres s’ est même accrue depuis qu’ils portent la livrée ? Cela se sent, à de peti
951 t fissent de la politique ? — Certes, ils ne s’en sont pas privés. Mais c’est aussi leur plus mauvaise excuse. Ils ont fait
952 . Mais l’esprit n’a pas de pouvoir, s’il refuse d’ être initiateur. L’esprit est impuissant sur les choses telles qu’elles vo
953 pouvoir, s’il refuse d’être initiateur. L’esprit est impuissant sur les choses telles qu’elles vont. Son unique puissance
954 choses telles qu’elles vont. Son unique puissance est d’impulsion originelle. Pourquoi ont-ils perdu ce pouvoir, perdu ce s
955 , d’une décision proprement religieuse. Mais il n’ est pas encore temps d’en parler. Je voudrais faire ici, tout simplement
956 u’invente une science inhumaine par système. Il s’ est formé en eux un complexe antipoétique, dont les explosions périodique
957 rais poètes, mais davantage parmi les lettrés qui seraient tentés de lire de la poésie. C’est bien une sorte de ressentiment — a
958 intempestives de l’esprit créateur. Au reste, il est extrêmement curieux de noter que cette attitude démissionnaire se tro
959 sérieux, distinguée de l’action et du risque qui sont peut-être les liens les plus concrets avec l’inconscient collectif, c
960 ue celui-ci fait verbalement. Or ces déclarations sont tout à fait inadéquates à la réalité populaire. Leurs termes sont emp
961 inadéquates à la réalité populaire. Leurs termes sont empruntés au vocabulaire des journaux, qui dérive de celui du parleme
962 aux qui firent la Sorbonne d’avant-guerre, et qui étaient ce qu’on peut imaginer de plus abstrait, de plus séparé des réalités
963 ment positiviste, de plus bourgeois. Leur langage est devenu celui des instituteurs et des comitards. Faute d’avoir vécu da
964 r jeu, par anxiété de faible ou par métier : tels sont les traits fondamentaux de la psychologie du clerc prolétarisé. C’est
965 stie pédante, dont le vrai but, même inconscient, est de rendre suspecte toute conclusion hardie ou simplement actuelle. (L
966 actuelle. (La virtuosité des philosophes français est la plus remarquable dans cet ordre. Ce sont de véritables Prêtres de
967 ançais est la plus remarquable dans cet ordre. Ce sont de véritables Prêtres de l’insoluble.) Séparé d’une certaine réalité
968 dont la vitalité le déconcerte, le clerc moderne est surtout séparé de lui-même et de son tragique. Sa probité intellectue
969 écitent correctement ! Mais dans leur style, tout est prudence, tout est refus, et mes affirmations ou mes questions seraie
970 t ! Mais dans leur style, tout est prudence, tout est refus, et mes affirmations ou mes questions seraient, à les en croire
971 t est refus, et mes affirmations ou mes questions seraient , à les en croire, naïves, prématurées, grossières, insuffisamment éta
972 osseries chuchotées. Que l’on pose des questions, soit , c’est là leur métier, mais pas de ces questions grossières qui contr
973 ié, de bonhomie ni de violence — ces trois vertus seront toujours liées — que doit s’adresser la pitié. La pensée sans doul
974 e et cette absence de pétulance intellectuelle ne sont encore qu’apparences psychologiques, et peut-être trompeuses. Ces pru
975 ogiques, et peut-être trompeuses. Ces prudents ne sont pas toujours sages, en effet. Vous les voyez parfois, perdant toute m
976 reste purement figurée, purement verbale. Car il est entendu que le verbe est la chose du monde qui s’incarne le moins ; l
977 purement verbale. Car il est entendu que le verbe est la chose du monde qui s’incarne le moins ; les plus primaires savent
978 , admet ainsi d’une part, que notre conduite peut être aliénée au premier automatisme venu, même moral, cependant que d’autr
979 punément à travers les systèmes. La philosophie n’ est pas seule responsable d’un divorce que la nature humaine désire en pe
980 de toute sa lâcheté. Mais l’exemple de Descartes est l’un des plus mauvais qui aient été donnés au monde moderne. « Depuis
981 de Descartes est l’un des plus mauvais qui aient été donnés au monde moderne. « Depuis Descartes, ils ont tous cru, dit Ki
982 gtemps qu’ils pussent douter, si longtemps qu’ils fussent privés du droit d’affirmer rien de certain dans l’ordre de la connais
983 in dans l’ordre de la connaissance, cependant ils seraient en droit d’agir, car on s’y peut contenter de vraisemblances. La mons
984 nces. La monstrueuse contradiction ! Comme s’il n’ était pas bien pire de commettre un acte qui vous laisse dans le doute (et
985 faire passer pour le bon sens même. L’industriel est -il en droit d’affirmer rien de certain touchant les fins dernières du
986 les fins dernières du progrès mécanique ? Il ne s’ est même pas posé la question. Qu’il soit en théorie philanthrope ou même
987 ue ? Il ne s’est même pas posé la question. Qu’il soit en théorie philanthrope ou même chrétien, la coutume du temps veut qu
988 d’un Tolstoï ! mais la durée du monde, sa survie, est faite de telles compensations — cultivèrent ce défaut d’exigence éthi
989 e nos idéaux généreux et nos petites activités, s’ étant manifesté avec quelque insistance depuis 1914, il apparaît que la que
990 nce depuis 1914, il apparaît que la question peut être reprise, sans trop de mauvais goût cette fois, par une génération que
991 ativement aisé. La pensée sans douleur, en effet, est d’abord une pensée systématique. Cet adjectif évoque dans nos esprits
992 ndent souffrir ceux qui réclament un État fort, n’ était pas justement le fait de la pensée systématique, de la pensée qui dél
993 ensée systématique et cette délégation du choix n’ étaient pas, d’autre part, l’origine réelle du concept de dictature que nos b
994 e et de ses plus profonds instincts ? Le problème est nouveau. Il est mieux qu’amusant. Les disciplines de la pensée pro
995 profonds instincts ? Le problème est nouveau. Il est mieux qu’amusant. Les disciplines de la pensée prolétarisée Le
996 rique se ramène à celle du primitif… » « La foi n’ est pas autre chose que… », etc. Posez au clerc une question politique, i
997 ceci de commun qu’elles n’engagent à rien : elles sont purement descriptives. Mais n’allez pas les croire faciles pour autan
998 ossibilités affectives de l’homme moyen. Comme il est entendu que de telles qualités ne seront pas, de longtemps, réunies d
999 n. Comme il est entendu que de telles qualités ne seront pas, de longtemps, réunies dans un seul individu, le savant s’en voud
1000 xcès de la pensée distinguée.) Cependant, l’homme est ainsi fait qu’il ne décrit ou ne récite jamais une chose sans se décr
1001 e sans se décrire ou se réciter en même temps, ne fût -ce dans le meilleur cas, que par le style de sa description. Tout por
1002 modèles des yeux écarquillés parce que les siens sont tels. Ainsi les portraits peints par un Rembrandt sont bien davantage
1003 tels. Ainsi les portraits peints par un Rembrandt sont bien davantage pour nous une description du regard de Rembrandt, et p
1004 articularité de la nature humaine me paraît avoir été négligée par les penseurs du xixe siècle au cours de leur vaste entr
1005 de l’homme, et des moyens de décrire l’homme. On est alors en droit de se poser cette question : est-ce que le simple fait
1006 n est alors en droit de se poser cette question : est -ce que le simple fait d’avoir réduit l’activité intellectuelle à des
1007 rtaine carence de style et de pouvoir formateur ? Est -ce que toute leur histoire — je l’ai déjà noté — n’est pas une invers
1008 e que toute leur histoire — je l’ai déjà noté — n’ est pas une inversion de la durée, une extension de notre propre absence
1009 absence de style, à des époques de grand style ? Est -ce que leur psychologie réductive, perfectionnée par Freud, n’est pas
1010 psychologie réductive, perfectionnée par Freud, n’ est pas une manifestation de ressentiment religieux ? Et leur épistémolog
1011 connaître, c’est-à-dire de souffrir et d’aimer ? Est -ce que toute cette pensée distinguée ne suppose pas, en fin de compte
1012 réduire l’humanité à une image bien homogène, qui serait celle de la démission spirituelle de la pensée bourgeoise ? Nous touc
1013 de son activité qui va nous révéler que le cercle est vicieux. L’histoire, la psychologie, la philosophie telles qu’ils les
1014 rs ses présuppositions dès l’instant qu’elle doit être enseignée. En se vulgarisant, pour se vulgariser, elle se voit contra
1015 paralysantes. « Les autres forment l’homme… » Qui sont ces autres ? Nous le savons maintenant : ce sont ces lois nées du des
1016 sont ces autres ? Nous le savons maintenant : ce sont ces lois nées du dessaisissement de la pensée. On ne récite pas l’hom
1017 yse de la logique interne du désordre régnant, il sera bon d’insister quelque peu sur les suites politiques qu’elle implique
1018 ns, ou ne provoque certains refus dont les motifs seraient bien étrangers à la thèse que je soutiens. Si je passe outre à ce scr
1019 r exemple, les idées d’un lecteur sympathique, je tiens à marquer toutefois que le complexe auquel je touche ici n’est pour m
1020 toutefois que le complexe auquel je touche ici n’ est pour moi qu’une conséquence accessoire des erreurs que je viens de dé
1021 qu’elle déclare indépendants de ses pouvoirs. Ce sont les lois de nos savants, correspondant au « ils » du peuple (d’où cet
1022 es primaires). L’élite bourgeoise ou prolétarisée est à la fois déterministe et libérale. Déterministe à cause des lois ; l
1023 é au jeu des lois. Le confort de cette position n’ est pas niable, tant qu’il ne s’agit de rien d’autre que d’édifier, en ma
1024 e de l’homme idéal et du progrès. Mais nous avons été menés plus loin que le constat tout théorique — ou provisoire selon D
1025 . J’entends que les effets de cette séparation se sont manifestés et prolongés selon leur mécanique propre. Et nous voici pl
1026 ainsi rattraper le temps perdu à peu de frais. Ce sont des gants qui se retournent — sans devenir pour si peu des mains ! Se
1027 u’il me suffise ici de mentionner deux traits qui sont communs à la pensée bourgeoise et aux divers collectivismes. Le premi
1028 de la pensée devant les faits, abdication dont il est né et qu’il sanctionne. Doctrine apparemment contradictoire, en ceci
1029 trine apparemment contradictoire, en ceci qu’elle est la doctrine d’un mouvement décrit comme à la fois créateur et détermi
1030 miné. Mais ce paradoxe a cessé depuis longtemps d’ être essentiel. Lorsqu’un marxiste, aujourd’hui, parle de dialectique, il
1031 es fascistes devant les lois biologiques, nous ne sommes pas rentrés pour si peu dans le concret, j’entends dans le conflit et
1032 onie triste de cette tristesse des moyennes qui n’ est jamais mêlée de joie secrète, ni jamais secouée de sursauts de douleu
1033 ore de Marx et du concept hégélien de l’Histoire, sera probablement dépossédé et comme vidé par la petite bourgeoisie montan
1034 iste classée au rang de matière universitaire. Ce serait une erreur insondable que de croire le « danger matérialiste » écarté
1035 atérialiste » écarté pour autant. Car le danger n’ est nullement là où le dénonce la frousse des propriétaires ; il est dans
1036 à où le dénonce la frousse des propriétaires ; il est dans l’esprit même de ces propriétaires, grands ou petits, dans leur
1037 maintient la nervosité partisane ? En vérité, il est grand temps d’au moins reconnaître une situation que nous pâtirions t
1038 rolétarisée en fait par ses abandons, se flatte d’ être un jour reconnue en droit par ses répondants politiques. Car si la di
1039 la dictature que la démocratie des clercs mérite est exercée un jour par le prolétariat, selon leurs prévisions79 ; si, d’
1040 si la dictature, comme il faut bien le craindre, est exercée plutôt par la petite bourgeoisie, l’affaire est bonne encore,
1041 ercée plutôt par la petite bourgeoisie, l’affaire est bonne encore, et même à moins de frais. Laisser le monde aller son tr
1042 yeux fixés sur le déroulement de l’Histoire, ce n’ est plus une erreur désormais, c’est une espèce de lâcheté. Qu’est-ce que
1043 erreur désormais, c’est une espèce de lâcheté. Qu’ est -ce que ces façons de se présenter de dos à la lutte ? C’est une pauvr
1044 son train selon nos « lois » ; la loi du monde n’ est pas la loi que nous tirons de notre défection au monde. La loi du mon
1045 rons de notre défection au monde. La loi du monde est que l’homme lutte contre le monde, en assumant le risque de sa propre
1046 umant le risque de sa propre perte. Oui, quel que soit le monde, et moi-même dans ce monde, je me dresserai contre lui et co
1047 s gagné ma mort. J’aurai vécu. Le sort du monde n’ est pas dans les fatalités. Il est aux mains des seuls penseurs qui refus
1048 Le sort du monde n’est pas dans les fatalités. Il est aux mains des seuls penseurs qui refusent pesamment le monde — pour l
1049 mment le monde — pour le faire. Car ce refus nous tient debout et rassemblés. Et c’est là notre vocation d’hommes qui pensent
1050 ucoup de la force des choses. Elle oublie qu’il n’ est d’action que par l’acte de l’homme, que par les mains de l’homme ; et
1051 éficience morale, dans tel refus précis dont nous sommes responsables aujourd’hui ? L’implication éthique de la serve pensée e
1052 rd’hui ? L’implication éthique de la serve pensée est seule passible d’une mise en question réelle, irritante et peut-être
1053 estion réelle, irritante et peut-être féconde. Où sont les responsables ? Ce ne sont pas des partis, ce ne sont pas des clas
1054 ut-être féconde. Où sont les responsables ? Ce ne sont pas des partis, ce ne sont pas des classes, ni des gouvernements et a
1055 s responsables ? Ce ne sont pas des partis, ce ne sont pas des classes, ni des gouvernements et autres mythes collectifs. Ce
1056 des gouvernements et autres mythes collectifs. Ce sont des hommes, un à un. Ramassons-les tous maintenant dans une imprécati
1057 sme, au conformisme, dans l’ignorance où on les a tenus de l’incommensurable, éternelle beauté de l’acte qui soudain, tendres
1058 une Providence insondée mais qui parle ! Oui, je suis de ceux-là jusque dans ma colère, déchiré par l’insurmontable ironie 
1059 Et sinon je ne crierais point. Mais le silence n’ est pas donné à l’homme par son effort. Le silence et l’intelligence pito
1060 on effort. Le silence et l’intelligence pitoyable sont l’œuvre seule du Pardon. J’assume l’anathème prononcé sur ceux que j’
1061 nguée, de sa révolte contre la condition qui nous est assignée, — créatrice ; tous ceux-là fondent, ici et maintenant, et d
1062 er soviétique ou fasciste, peu importe — ces noms sont insensés pour nous — l’État qui sanctionnera la lâcheté sociale par d
1063 . « Je dis cela peut-être trop souvent, mais ce n’ est pas une raison pour que ce soit un mensonge », écrivait Nietzsche dan
1064 souvent, mais ce n’est pas une raison pour que ce soit un mensonge », écrivait Nietzsche dans Aurore. 57. Je ne vise ici qu
1065 littérature, mais qui se donnent pour ce qu’elles sont . 58. Théorie soutenue par certains intellectuels nationaux-socialist
1066 hode des historiens et philologues universitaires furent faussées dès le début par un parti pris politique, qui leur ôte tout
1067 ntroduction du bridge en Argentine (cet ouvrage a été fait) si l’on sait utiliser la méthode définie par l’école historique
1068 e siècle. Par contre l’Art poétique de Claudel n’ est pas sérieux. Ainsi l’on met en doute à l’Université le sérieux d’un c
1069 ment a pour objectif réel, le diplôme. Le diplôme est l’ennemi mortel de la culture. » 68. Lanson accorde trois lignes à R
1070 dire, on appelle histoire, aujourd’hui, ce qui n’ est guère qu’une théorie politique de l’évolution, fondée, c’est là son v
1071 rsitaire, positiviste et surtout hégélo-marxiste, est en réalité une création antihistorique (corrigée chez Marx par son em
1072 sent leurs déterminations pour des fins qu’ils se sont créées. Ainsi l’histoire véritable est-elle d’abord l’histoire des ac
1073 qu’ils se sont créées. Ainsi l’histoire véritable est -elle d’abord l’histoire des actes personnels, la geste, la suite des
1074 inus des vraies personnes. L’histoire humaine, ce sont les annales de l’homme. Mais l’histoire sérieuse d’aujourd’hui, c’est
1075 à son gré. C’est l’homme dont la vie matérielle n’ est assurée — d’ailleurs médiocrement — qu’en échange de l’abandon de tou
1076 te, ne reste pas à l’abri de ce reproche. Si elle est tolérante à l’endroit de beaucoup d’hérésies, c’est qu’elle a cessé d
1077 i se cache sous son doute moral. Et que Descartes est avant tout un penseur dangereux. Un Maritain lui rend bien mieux just
1078 dans Alice au Pays des Merveilles.) 77. Mais qu’ est -ce que le bourgeois comme tel ? C’est l’homme sans problèmes réels. E
1079 e tel ? C’est l’homme sans problèmes réels. Et qu’ est -ce qu’un problème réel ? C’est une situation qui n’a pas d’autre issu
1080 st-à-dire des extrêmes. Quant aux moyennes, elles sont constituées, précisément, par tous nos refus des extrêmes : vérités d
1081 les par définition. Voilà pourquoi la bourgeoisie est d’autant plus parfaite, s’approche d’autant plus de son type idéal, q
1082 on type idéal, que la problématique des bourgeois est moins profonde. C’est la rançon d’un certain confort général. Et voil
1083 le doit faire sienne. Mais cette revendication ne sera justement humaine que si on la fonde sur les besoins concrets de la p
1084 ques de production. La notion de minimum de vie n’ est d’ailleurs qu’une caricature du « Donne-nous chaque jour notre pain q
1085 tant par toute l’expérience humaine. La justice n’ est pas si facile. Elle ne sort pas d’une mécanique. Elle ne peut qu’être
1086 Elle ne sort pas d’une mécanique. Elle ne peut qu’ être créée. 80. Des réalistes nous diront : oui, mais les États totalita
1087 maladie de l’esprit et du cœur des citoyens, qui est mortelle. Mais certains hommes, enlevez-leur l’âme, non seulement ils
1088 evé l’âme, c’est un fait, je cours mieux, le cœur est plus solide, etc. »
17 1936, Penser avec les mains. Deuxième partie. Penser avec les mains — II. Éléments d’une morale de la pensée
1089 tu me dises ta pensée maîtresse, et non que tu t’ es échappé d’un joug. Nietzsche. De même que toute conscience réelle d
1090 elconque possède un sens, il faut d’abord qu’elle soit en mouvement, ensuite qu’il y ait un but à ce mouvement. Tout mouveme
1091 un élan vers. C’est-à-dire qu’on peut le décrire soit comme résultant d’une tension donnée, soit comme obéissant à l’appel
1092 écrire soit comme résultant d’une tension donnée, soit comme obéissant à l’appel d’une fin. Soit par ses causes, soit par so
1093 donnée, soit comme obéissant à l’appel d’une fin. Soit par ses causes, soit par son but. Et lorsqu’on veut décrire un mouvem
1094 éissant à l’appel d’une fin. Soit par ses causes, soit par son but. Et lorsqu’on veut décrire un mouvement, ou quelque réali
1095 nd on parle de la situation. Sinon la description est insensée. J’ai décrit ce que je refuse, au nom d’une attitude finale.
1096 ème global de la culture : d’où vient-elle ? — qu’ est -elle ? — où va-t-elle ? Si nous persévérons dans notre état, certaine
1097 eur ont dicté leurs réactions. Et cette crainte n’ est pas théorique. Car si notre culture libérale se révèle impuissante à
1098 de sa mission, les jeunes empires qui la défient sont prêts à enregistrer cette carence historique. Tout dépend aujourd’hui
1099 ions nouvelles et en amorcer l’expérience. Ils se sont bornés jusqu’ici à proclamer la liberté de la pensée. Il serait temps
1100 jusqu’ici à proclamer la liberté de la pensée. Il serait temps qu’ils usent de cette liberté. Il serait temps, en particulier,
1101 Il serait temps qu’ils usent de cette liberté. Il serait temps, en particulier, que la France renoue sa vraie tradition, qui e
1102 ier, que la France renoue sa vraie tradition, qui est une tradition d’initiatives et de synthèses, et non pas de conservati
1103 rté de penser ne doit pas signifier que la pensée est libre au sens idéaliste, qu’on lui donne vacance, ou qu’elle n’a plus
1104 plus de condition concrète. La pensée qui agit n’ est pas libre , mais au contraire libératrice. Et c’est une tâche révolut
1105 stes, pour que l’histoire dure, — après tout ce n’ est pas cela qui nous importe — mais pour le salut de la pensée et pour q
1106 rière efficace et méconnue d’un siècle collectif. Est -ce à dire qu’une telle pensée n’ait d’autre fin que de conservation,
1107 plus chères. Je dis que la mission de la culture est de conduire une révolution qui, sinon, se fera contre elle. Faire la
1108 ès maintenant une mesure nouvelle, une mesure qui soit commune à la pensée et à l’action, à l’élite et au peuple que cette é
1109 on de la culture Si la démission de la culture tient , comme je l’ai démontré, à son refus d’agir et de se risquer dans les
1110 la pensée crée, la mission d’une culture nouvelle sera d’accepter le combat, d’assumer les conflits vitaux, et de les résoud
1111 prolétarisée nous a donc menés à ce point — il n’ est question ni de s’en réjouir ni d’en gémir, mais de le bien voir — où
1112 émir, mais de le bien voir — où le choix qui nous est imposé n’est plus qu’entre vérités statistiques, et vérités personnif
1113 le bien voir — où le choix qui nous est imposé n’ est plus qu’entre vérités statistiques, et vérités personnifiées. Ou enco
1114 i, et la réalisation héroïque d’une doctrine de l’ être en acte. La vieille culture et ses succédanés récents s’en remettent
1115 remettent à l’état pour agir. La nouvelle culture sera celle qui exigera l’engagement du penseur en tant que penseur. Évolut
1116 t s’incarner dans notre génération. (Et déjà ce n’ est plus qu’à notre situation géographique que nous devons de pouvoir tra
1117 ace pas encore à bout portant.) Søren Kierkegaard est probablement le penseur capital de notre ère. Je veux dire l’objectio
1118 la plus absolue, la plus fondamentale qui lui ait été faite. Si le caractère distinctif de la serve pensée — de la pensée s
1119 mique par exemple, ou bien à la sécurité morale — est d’être une pensée non éthique, ou supposant une éthique a posteriori,
1120 par exemple, ou bien à la sécurité morale — est d’ être une pensée non éthique, ou supposant une éthique a posteriori, le car
1121 caractère décisif de sa pensée « existentielle » est au contraire l’a priori éthique. Kierkegaard est pour notre temps une
1122 est au contraire l’a priori éthique. Kierkegaard est pour notre temps une figure littéralement gênante, un appel presque i
1123 oins que le doute ne pourrait atteindre » Mais qu’ est -ce que l’éthique ? Question non éthique, et qui manifeste seulement l
1124 n’y a de réalité qu’immédiate. Mais aussi rien n’ est immédiat que dans l’acte qui joint la pesée à la résistance, la pensé
1125 e et objet témoignent de leur existence concrète, sont le concret. (Ou bien y aurait-il au monde une pesée sans résistance,
1126 r », la résistance devient « la matière », tout n’ est que schème et abstraction. Hors de cet acte, règne l’absence. Et cett
1127 rs de cet acte, règne l’absence. Et cette absence est infinie. Car elle est le temps même, le mauvais temps qui me sépare d
1128 l’absence. Et cette absence est infinie. Car elle est le temps même, le mauvais temps qui me sépare du monde et confond tou
1129 ise ? Ainsi l’éthique récitative des distingués n’ était qu’absence et remise à demain83. Quand un homme se dressait dans l’ex
1130 combattre, et qui vicie toute leur révolte… Qu’ est -ce que l’acte ? À la pensée-balance, et au jugement à la remorque
1131 s mains désigne ainsi un acte dont j’ai dit qu’il est le concret. Nous sommes ici au cœur de la difficulté de notre entrepr
1132 un acte dont j’ai dit qu’il est le concret. Nous sommes ici au cœur de la difficulté de notre entreprise. Quel est cet acte ?
1133 u cœur de la difficulté de notre entreprise. Quel est cet acte ? Comment le définir ? Pourquoi l’appeler concret ? Ne serai
1134 ment le définir ? Pourquoi l’appeler concret ? Ne serait -il pas tout au contraire un mythe abstrait ? Ou simplement un acte de
1135 implement un acte de l’esprit, un jugement, et ne serait -ce pas alors un calembour que de l’assimiler à l’acte matériel qui co
1136 oux ? Je pourrais me borner à répondre que l’acte est quelque chose d’irrationnel ; que l’on ne peut pas le définir par des
1137 ve qu’en se produisant ; et surtout qu’il ne peut être décrit en général, puisqu’il n’existe jamais que hic et nunc et dans
1138 signifier une culture qui considère que l’action est indépendante de la pensée, et qu’elle subit des lois que la pensée do
1139 ner à décrire. Je répondrais qu’une telle culture est ou bien un mensonge intéressé, ou bien une de ces illusions qui se pa
1140 mé ce livre. Cependant la question demeure : quel est l’acte que désigne ma formule, et dont je dis qu’il est la mesure, le
1141 acte que désigne ma formule, et dont je dis qu’il est la mesure, le fondement de la culture apte à régir une communauté nou
1142 culture apte à régir une communauté nouvelle ? Il est bien vrai que l’acte est ce quid que l’on ne peut définir autrement q
1143 communauté nouvelle ? Il est bien vrai que l’acte est ce quid que l’on ne peut définir autrement qu’en le faisant. Il est b
1144 on ne peut définir autrement qu’en le faisant. Il est bien vrai que c’est à partir de l’acte qu’il faut définir toute chose
1145 rien d’actif. Mais la raison pourtant ne saurait être exclue de l’activité : elle ne suffit à rien, mais elle est nécessair
1146 de l’activité : elle ne suffit à rien, mais elle est nécessaire à presque tout. Surtout à l’écrivain qui parle de la cultu
1147 qui nous permettra seul de le décrire. Un acte n’ est rien s’il ne comporte des effets. La somme de ses effets ne le défini
1148 ns que pose la maxime : penser avec les mains, ce sera la description des attitudes morales qui favorisent l’actualité de la
1149 ici à formuler quelques critères de la pensée qui est pensée avec les mains. Ce seront, si l’on veut, les « vertus » — ou «
1150 es de la pensée qui est pensée avec les mains. Ce seront , si l’on veut, les « vertus » — ou « valeurs » au sens nietzschéen —
1151 re cas non créatrices et non humaines. Car ce qui est proprement humain résulte d’un choix, d’un acte de foi à quoi ne peuv
1152 blèmes, les problèmes insolubles, ceux qu’il faut être un homme pour trancher. Tout le malheur de l’homme vient de ce qu’il
1153 s absolues. La première vertu d’une pensée active sera donc de s’attacher aux problèmes qui se posent et non pas à ceux que
1154 mmes qui se trompent ou qui nous trompent, ou qui sont faibles, — ou contre moi. Je le dis surtout contre certain esprit mod
1155 erot et Rousseau), toujours par le mépris où l’on tient les conditions de possibilité de la pensée. Dans ce complexe typiquem
1156 ils la prennent au tragique et crient comme s’ils étaient saisis d’une crampe. Je constate que les gens du peuple sont très peu
1157 d’une crampe. Je constate que les gens du peuple sont très peu différents des bourgeois, et que les régimes « populaires »
1158 ’enthousiasme ou la haine pour un régime étranger est toujours le meilleur prétexte à ne pas bien regarder ce qui se passe
1159 du désir et de son acte. C’est pour cela que nous sommes si fiévreux et excessifs, pessimistes ou optimistes, cyniques ou démo
1160 aient pas à ces deux questions importantes : Cela est -il possible à l’homme dans ses limites charnelles ? Cela exige-t-il d
1161 mais par exemple dans la poésie. Que la poésie ne soit plus uniquement cet angélisme « démoniaque », cette nostalgie de l’in
1162 mune, nous toucherons enfin le vrai tragique, qui est celui du péché et de la foi. L’extrémisme théâtral et non sérieux qui
1163 sérieux qui excite aujourd’hui tant d’esprits, n’ est encore qu’une affreuse mystification, dont le plus sûr effet est de n
1164 ne affreuse mystification, dont le plus sûr effet est de nous empêcher d’envisager les problèmes derniers. Je ne dis pas qu
1165 condition. Mais il nous faut apprendre que ce qui est exagéré est le contraire de ce qui est extrême. Les extrêmes nous tou
1166 ais il nous faut apprendre que ce qui est exagéré est le contraire de ce qui est extrême. Les extrêmes nous touchent, et c’
1167 que ce qui est exagéré est le contraire de ce qui est extrême. Les extrêmes nous touchent, et c’était pour les fuir que nou
1168 s. Deuxième vertu : la violence La violence est considérée par l’élite libérale d’aujourd’hui comme une brutalité, un
1169 s raisons, une espèce de mensonge insolent. Et il est vrai que la violence devient cela, dans un monde que la pensée abando
1170 fensifs. Et pourtant la violence véritable, qui n’ est pas la brutalité, est proprement le fait de l’esprit, j’entends de l’
1171 a violence véritable, qui n’est pas la brutalité, est proprement le fait de l’esprit, j’entends de l’esprit créateur. Tout
1172 terre ou d’écrire un ouvrage dont la nécessité n’ est sentie tout d’abord que par l’auteur qui l’imposera. Tout acte créate
1173 mme occidental, dont la tension particulière peut être définie ainsi : violence initiale et créatrice, contre-battue et ordo
1174 seule détruirait ses produits. La réalité vivante est dans le conflit.) Une pensée tendue vers l’action saura seule donner
1175 Passons sur l’impudeur de ces curiosités. Ce qui est plus grave, c’est qu’elle oublie — nécessairement — une « loi » humai
1176 tion courante du « théorique » et du « pratique » est en même temps l’origine et l’effet d’une pensée prolétarisée, non éth
1177 hique. Sa permanence au cours de toute l’histoire serait propre à me faire douter de l’entreprise que je poursuis ici, si je p
1178 nt, notre pensée se mit à mentir, à dire ce qui n’ est pas et qu’on ne veut pas faire. Mais s’il est au pouvoir de la foi se
1179 i n’est pas et qu’on ne veut pas faire. Mais s’il est au pouvoir de la foi seule de supprimer radicalement l’hiatus entre l
1180 . Ils se figurent que l’exercice de cette liberté est gratuit, c’est-à-dire que la pensée n’a pas à se préoccuper de ses ef
1181 pensée n’a pas à se préoccuper de ses effets. Ils seraient au reste tout prêts à croire que les solutions par l’ingéniosité de l
1182 èce de lyrisme. Ils aiment à répéter que l’esprit est hors de pouvoir sur les choses ; ils le déplorent modérément, c’est l
1183 d bien. L’ignorance volontaire de cette situation est la seule garantie de ce qu’on nomme, par antiphrase, l’ordre bourgeoi
1184 u mieux : ils croient que les causes spirituelles sont sans effet dans le domaine de l’action, qui serait soumis à des déter
1185 sont sans effet dans le domaine de l’action, qui serait soumis à des déterminismes matériels dont ils ont cependant la faible
1186 hose curieuse, la vraie nature de l’autorité, qui est proprement spirituelle. Les uns et les autres ignorent qu’il ne peut
1187 mécanisme ; et qu’un système dont l’acte initial est une démission de ma pensée ou de mes mains ne produira jamais rien de
1188 Mens agitat molem dit le proverbe. Mais ce mens n’ est pas l’esprit pur ! Il est l’acte d’un créateur dont toute pensée se f
1189 roverbe. Mais ce mens n’est pas l’esprit pur ! Il est l’acte d’un créateur dont toute pensée se forme en acte. Précisons en
1190 x soldats. Que cette force disparaisse, l’armée n’ est plus une arme, entre les mains de l’État ou du chef, car les insignes
1191 l’État ou du chef, car les insignes du pouvoir ne sont plus rien, là où l’autorité défaille, comme le prouve la moindre expé
1192 s anarchiques de la nature. La vraie révolution n’ est pas la prise du pouvoir, elle est d’abord l’affirmation d’une nouvell
1193 ie révolution n’est pas la prise du pouvoir, elle est d’abord l’affirmation d’une nouvelle autorité. Il est trop clair qu’u
1194 d’abord l’affirmation d’une nouvelle autorité. Il est trop clair qu’une telle autorité, une telle violence, ne sont pas l’a
1195 air qu’une telle autorité, une telle violence, ne sont pas l’apanage des élites modernes. Il faut rappeler pourtant que la s
1196 . Il faut rappeler pourtant que la seule raison d’ être de ces élites était d’assurer la critique, l’exercice et la qualité d
1197 pourtant que la seule raison d’être de ces élites était d’assurer la critique, l’exercice et la qualité de l’autorité spiritu
1198 tsia devant les actes d’un Staline ou d’un Hitler sont plus honteuses encore qu’impuissantes. Ces deux hommes font peut-être
1199 tentent de penser avec leurs mains : si ces mains sont brutales, et la pensée qui les exerce encore abstraite, c’est que le
1200 nt. Résumons-nous : pour la pensée active, rien n’ est pratique ou théorique, tout est concret au sens précis où j’entends c
1201 ée active, rien n’est pratique ou théorique, tout est concret au sens précis où j’entends ce mot. Le concret, c’est l’indiv
1202 de la pensée et de son geste. L’autorité de même sera l’indivision de la pensée et de ses risques. Et ce qui révélera dans
1203 Et ce qui révélera dans un auteur l’autorité, ce sera le sens de l’immédiate prise de l’esprit. Cependant nous sommes dans
1204 de l’immédiate prise de l’esprit. Cependant nous sommes dans le temps, et le temps nous sépare sans cesse de l’immédiat, de l
1205 du risque Pédagogie du risque : tout ce qui n’ est pas dangereux est inutile ; tout ce qui est inutile se décompose et e
1206 gogie du risque : tout ce qui n’est pas dangereux est inutile ; tout ce qui est inutile se décompose et empoisonne ! Quand
1207 qui n’est pas dangereux est inutile ; tout ce qui est inutile se décompose et empoisonne ! Quand tu écris, il faut que ce s
1208 se et empoisonne ! Quand tu écris, il faut que ce soit à chaque instant comme si tu allais mourir, comme si tu allais vivre 
1209 r cette limite, il faut y tendre sans relâche. Ne fût -ce que pour nous prémunir contre les tentations du réformisme. Et par
1210 es atteignent jamais l’axe du concret ? Elles lui sont parallèles à l’infini. Elles restent séparées de l’être en chacun de
1211 arallèles à l’infini. Elles restent séparées de l’ être en chacun de leurs points, à chaque instant, parce qu’elles n’ont pas
1212 ant, parce qu’elles n’ont pas leur origine dans l’ être . Parce qu’elles ne sont pas radicales. Parce que mes mains et ma pens
1213 t pas leur origine dans l’être. Parce qu’elles ne sont pas radicales. Parce que mes mains et ma pensée ne sont pas unies par
1214 as radicales. Parce que mes mains et ma pensée ne sont pas unies par ma vue, mais par mon acte ! Maximes infiniment inactuel
1215 ments contradictoires de l’être88. Parce qu’elles sont , dès leur origine et à jamais, sans nul pouvoir d’incarnation. Seule,
1216 nd à ma pensée sa gravité, son poids, sa raison d’ être . Il me rappelle que la pensée en tant que telle n’est jamais séparabl
1217 Il me rappelle que la pensée en tant que telle n’ est jamais séparable de sa création, qui la sanctionne au double sens du
1218 ent et définissent une liberté de la pensée qui n’ est au vrai qu’une assurance contre toute espèce de sanction. Il est clai
1219 une assurance contre toute espèce de sanction. Il est clair que cette liberté-là, garantie par les lois de l’État, ne sera
1220 e liberté-là, garantie par les lois de l’État, ne sera jamais que servitude pour le penseur, s’il sait que la violence de sa
1221 la seule autorité valable. La liberté de penser n’ est réelle que chez un homme qui a reconnu et qui accepte le danger de pe
1222 a reconnu et qui accepte le danger de penser. On serait parfois tenté de souhaiter qu’en France l’activité de l’esprit redevi
1223 urtout la « mise au pas » des dictatures. Mais ce sont là brimades extérieures, dont l’injustice ou la sottise ne confèrent
1224 e que je veux dire, c’est que le danger de penser est immédiat à l’acte de penser, qui se forge ses fatalités et qui se cré
1225 ropres risques et périls, si libéral que prétende être le régime. « La supériorité véritable produit elle-même la provision
1226 », dit Kierkegaard. Penser avec les mains ne peut être en tous temps qu’une activité subversive, non moins qu’ordonnatrice.
1227 vertu : l’originalité Incarnation et risque ne sont pas séparables. L’origine même de l’homme est dans un risque. Et le p
1228 ne sont pas séparables. L’origine même de l’homme est dans un risque. Et le progrès de l’homme n’est rien d’autre que l’app
1229 me est dans un risque. Et le progrès de l’homme n’ est rien d’autre que l’approfondissement de son risque originel. Ce n’est
1230 l’approfondissement de son risque originel. Ce n’ est point par la culture de l’« esprit » que l’individu se développe, mai
1231 és. C’est en ce sens que la pensée avec les mains est nécessairement une pensée originale, une pensée qui reproduit et qui
1232 térature moderne. Le principe de cette altération est d’ailleurs symbolique du relâchement que nous avons décrit. On établi
1233 origine. Partant de ce donné, et oubliant qu’il n’ est rien d’autre qu’un abandonné, on appelle original tout ce qui manifes
1234 croit la révolution « fatale ». Et la question n’ est plus que de l’accommoder. On l’assimile par exemple au désir de nouve
1235 ais vu. C’est un exotisme de plus. Ou sinon, ce n’ est pas la peine ! Tel écrivain refuse de s’engager dans l’action politiq
1236 u’ils savent ! (Et je pense qu’à ceux-là seuls il est donné ce qu’ils ne cherchaient pas d’abord, une connaissance plus rée
1237 qui résulte pratiquement de confusions pareilles est , hélas ! la plus vulgaire et la plus déprimante résistance que rencon
1238 jà beaucoup pensent que la révolution ne pourrait être faite qu’avec des mains brutales, et non du bout des doigts. (Et pour
1239 omme toute réaction à ce qui la provoque…) Ce qui est véritablement créé et créateur, ce qui possède une véritable nouveaut
1240 r, ce qui possède une véritable nouveauté90, ce n’ est pas ce qu’on dit, ou ce qu’on pense, ni même ce qu’on gesticule pour
1241 e fois ; mais bien ce qui, pour la première fois, est acte dans une vie. Cela peut être quelque chose de très ancien91 : c’
1242 a première fois, est acte dans une vie. Cela peut être quelque chose de très ancien91 : c’est toujours quelque chose qui rem
1243 ssion en général. Le souci de savoir ce qu’on dit est un des moindres de l’époque. Il paraît même décroître dans la mesure
1244 croît la quantité des discours, des journaux. Ce serait donc le premier office d’une pensée modestement technique, mais serva
1245 origines de nos mots. L’étymologie pourrait bien être une des sciences les plus subversives de l’âge du papier imprimé ! Ma
1246 ubversives de l’âge du papier imprimé ! Mais ce n’ est là qu’un aspect d’un problème plus vaste. Penser avec les mains suppo
1247 , et non seulement dans le domaine de la culture, est d’abord une question de mots. On demande des mots d’ordre ? Encore fa
1248 s vocables. Mais pourquoi donc ont-ils cessé de l’ être  ? On dit : le mot est le corps de l’idée. Acceptons provisoirement ce
1249 oi donc ont-ils cessé de l’être ? On dit : le mot est le corps de l’idée. Acceptons provisoirement cette expression douteus
1250 ur le rapport de vie ou de mort qui unit l’homme, être pensant, à son langage. Le mot, corps d’une idée qui serait l’âme de
1251 sant, à son langage. Le mot, corps d’une idée qui serait l’âme de cette combinaison ? De fait, vit-on jamais âme sans corps, o
1252 et corps, c’est à la suite d’un relâchement de l’ être , d’une faute originelle. La distinction entre mot et idée est sa cons
1253 aute originelle. La distinction entre mot et idée est sa conséquence immédiate. Partons de cette distinction comme d’un fai
1254 l l’acte de les réunir peut, dans l’instant qu’il est donné, combattre ce péché qui, sitôt après, reparaît. C’est à de tels
1255 ui nous dissout ; de durer malgré la durée. Notre être véritable est donc discontinu : nous ne sommes que par instant vraime
1256  ; de durer malgré la durée. Notre être véritable est donc discontinu : nous ne sommes que par instant vraiment humains. Et
1257 otre être véritable est donc discontinu : nous ne sommes que par instant vraiment humains. Et nous avons à conquérir sans cess
1258 muette et qui témoigne de notre humanité. Rien n’ est , que ce qui s’exprime. Cette définition, absolue à l’origine, ne peut
1259 e. Cette définition, absolue à l’origine, ne peut être , dans l’état présent, que d’un usage dialectique. Elle réunit, en une
1260 phrase, en un seul geste, deux aspects du réel, l’ être et l’expression, entre lesquels le temps, l’espace et toutes les limi
1261 ndition recréent sans cesse une différence. Que l’ être et l’expression ne soient point séparables, c’est une des exigences c
1262 sse une différence. Que l’être et l’expression ne soient point séparables, c’est une des exigences constitutives de l’humain.
1263 , dans la mesure où il voudrait l’humaniser. Tout être vivant porte le nom qu’Adam lui a donné avant sa chute. Et c’est ains
1264 lui a donné avant sa chute. Et c’est ainsi qu’il est pour l’homme une aide vivante, un être avec lequel l’homme peut entre
1265 ainsi qu’il est pour l’homme une aide vivante, un être avec lequel l’homme peut entretenir des rapports conformes à sa natur
1266 orts conformes à sa nature originelle. Mais que l’ être et l’expression, en fait, aient été et soient de plus en plus séparés
1267 . Mais que l’être et l’expression, en fait, aient été et soient de plus en plus séparés, que le langage puisse dire ce qui
1268 que l’être et l’expression, en fait, aient été et soient de plus en plus séparés, que le langage puisse dire ce qui n’est pas,
1269 plus séparés, que le langage puisse dire ce qui n’ est pas, et ne puisse pas toujours dire ce qui est, cela ne signifie pas
1270 n’est pas, et ne puisse pas toujours dire ce qui est , cela ne signifie pas que nous ayons le droit de spéculer impunément9
1271 se résout en acte, et tout acte, nous l’avons vu, est à contre-courant, à contretemps, à contre-espace. Ainsi l’homme reste
1272 qu’il s’offre au jugement dans son intégrité. Je tiens cette ascèse à la fois pour humaine et pour conforme à l’ordre chréti
1273 onforme à l’ordre chrétien tel que cet ordre nous est adressé ; l’autre ascèse, antihumaine et spiritualiste — celle qu’att
1274 ’attaque Nietzsche dans Généalogie de la Morale — étant plutôt conforme à l’ordre religieux tel que, pécheurs, nous prétendon
1275 l’organiser pour notre usage. L’ascèse chrétienne est une lutte contre le péché même, en son principe, lutte qui se sait sa
1276 sait sans fin dans cette vie, et dont la mesure n’ est jamais dans aucun résultat en soi, mais seulement dans l’acte rédempt
1277 ute lutte contre certains effets du péché, qui ne serait pas une lutte contre son principe même. Par exemple, tout ce qui voud
1278 l’âme, ou l’inverse, alors que la racine du mal n’ est ni dans l’un ni dans l’autre, mais dans leur séparation. Une telle as
1279 s que la durée, et c’est sans doute pourquoi elle est capable d’un progrès visible dans ses résultats ! Mais au terme de ce
1280 résents de la séparation qu’il faut combattre, ce sont d’une part les idées, et de l’autre les mots. Bornons-nous à cela qui
1281 de l’autre les mots. Bornons-nous à cela qui nous est immédiat, tandis que j’écris et tandis que vous lisez. Comment réduir
1282 administration, même révolutionnaire, il faudrait être sûr qu’à l’origine de l’entreprise prévale un parti pris de style, un
1283 gage, on l’a tellement décontenancé ! L’idéal, ce serait de rendre les mots dangereux, je dirai même insupportables, joyeuseme
1284 ise uniquement à désigner l’acte d’incarnation qu’ est penser avec les mains. Or cet acte en définitive est un mystère, le m
1285 penser avec les mains. Or cet acte en définitive est un mystère, le mystère même de la Communion. On peut le désigner par
1286 tion, c’est-à-dire de transformation du monde. Ce sont le conformisme et l’évasion. Il est probable que la plupart des homme
1287 du monde. Ce sont le conformisme et l’évasion. Il est probable que la plupart des hommes n’ont même jamais conçu clairement
1288 jamais conçu clairement qu’une troisième attitude est possible, vis-à-vis de la réalité. Et cela se comprend : il y a si pe
1289 de tons purs dans le détail de l’existence, tout est tellement mêlé, et qui peut se flatter d’obéir en tout temps à une se
1290 une vie, c’est son parti pris dominant.) On peut être conformiste par faiblesse, parce que l’on est vaincu, jusque dans ses
1291 ut être conformiste par faiblesse, parce que l’on est vaincu, jusque dans ses désirs, par le milieu. On peut être conformis
1292 u, jusque dans ses désirs, par le milieu. On peut être conformiste pour se tenir à l’abri du concret, s’il est vrai que le c
1293 , par le milieu. On peut être conformiste pour se tenir à l’abri du concret, s’il est vrai que le concret est ce qui appelle
1294 nformiste pour se tenir à l’abri du concret, s’il est vrai que le concret est ce qui appelle une décision, dont l’abandon à
1295 à l’abri du concret, s’il est vrai que le concret est ce qui appelle une décision, dont l’abandon à l’habitude dispense. C’
1296 asion. Il y a aussi un conformisme cynique, qui n’ est qu’une évasion par l’intérieur, une ironie perpétuelle et désabusée.
1297 le et désabusée. Il y a enfin la manière banale d’ être non conformiste, qui est l’évasion proprement dite, et la révolte nég
1298 fin la manière banale d’être non conformiste, qui est l’évasion proprement dite, et la révolte négatrice. On voit que le co
1299 se joue dans nos limites charnelles. Mais ce qui est sûr, c’est que le conformisme et l’évasion s’opposent absolument à l’
1300 ’acte d’incarnation d’une pensée ; car celui-ci n’ est pas une évasion puisqu’il cherche toujours son point d’appui dans le
1301 d’appui dans le concret d’une situation ; et il n’ est pas non plus un conformisme, puisqu’il n’assume cette situation que p
1302 s appellerons dès lors incarnation un acte qui ne sera réductible ni à un conformisme, ni à une évasion, et qui de plus, c’e
1303 véracité. Toutefois, la véracité d’un créateur n’ est pas une simple récitation. Il ne s’agit pas seulement de décrire ce q
1304 ion. Il ne s’agit pas seulement de décrire ce qui est , il faut décrire ce qui doit être, ce que l’on veut qui soit, mais qu
1305 e décrire ce qui est, il faut décrire ce qui doit être , ce que l’on veut qui soit, mais qui n’est pas encore, ce que l’on fa
1306 ut décrire ce qui doit être, ce que l’on veut qui soit , mais qui n’est pas encore, ce que l’on fait vrai. La probité techniq
1307 doit être, ce que l’on veut qui soit, mais qui n’ est pas encore, ce que l’on fait vrai. La probité technique ne saurait do
1308 robité technique ne saurait donc suffire, si elle est nécessaire. C’est l’imagination qui forme le langage en puissance d’a
1309 nous indiquera au moins ce qu’ils ne doivent pas être . Il existe une espèce d’imagination que l’on peut qualifier de confor
1310 uider par des formes, des usages, des lois qui ne sont en réalité que les résidus de créations anciennes. L’esprit s’y engag
1311 . Disons pour fixer les idées : cette imagination est celle de l’homme d’affaires moyen, ou encore du journaliste à la rech
1312 humiliantes que lui imposerait le réel tel qu’il est , il s’échappe dans l’imagination d’actions impossibles et flatteuses.
1313 ilisent à bon escient. C’est ce dernier trait qui est grave. En vérité, c’est cette littérature — celle du film, celle du j
1314 e du film, celle du journal, celle du roman — qui est l’opium des peuples incroyants. La mauvaise qualité de la langue des
1315 r nous borner à cet aspect de leur production — n’ est de leur part qu’une habileté souvent consciente. Entre deux mots qui
1316 e cela fait plus poétique. Il croit que la poésie est dans ce qui ressemble à la poésie, et non pas dans ce qui tient au ré
1317 qui ressemble à la poésie, et non pas dans ce qui tient au réel, souvent « laid ». Et c’est ainsi que le style d’évasion rejo
1318 prises qui joint avec témérité deux idées ou deux êtres nés de milieux hostiles, et conclut, comme à la volée, ces mariages l
1319 es plus indissolubles et les plus féconds d’avoir été sacrés dans un double arrachement ! Mais le retour aux origines n’est
1320 ouble arrachement ! Mais le retour aux origines n’ est qu’un moyen de retremper nos armes pour un combat dont l’enjeu est à
1321 e retremper nos armes pour un combat dont l’enjeu est à venir. Imaginer, c’est voir le but, c’est voir le tout, qu’il s’agi
1322 t humain, et que j’appelle la personne, penser ce sera toujours tendre concrètement vers une fin anticipée par l’imagination
1323 ion, et sa vision. Penser, exprimer sa pensée, ce sera toujours créer les voies qui conduisent au but dernier. Ce sera pense
1324 créer les voies qui conduisent au but dernier. Ce sera penser à partir de la fin. L’étymologie grecque du mot idée, c’est le
1325 ne vision. Certes, penser, c’est partir d’où l’on est pour aller où l’on voit qu’il faudrait être. Mais si je dis que pense
1326 ù l’on est pour aller où l’on voit qu’il faudrait être . Mais si je dis que penser, c’est partir de la fin, c’est que l’appel
1327 d’une vision créatrice du monde. Une telle vision est primordiale, comme celle de Jean à Patmos ; c’est-à-dire qu’elle écla
1328 acte. Elle apparaît au point le plus profond de l’ être , qui est aussi la pointe extrême de sa manifestation, le point ébloui
1329 apparaît au point le plus profond de l’être, qui est aussi la pointe extrême de sa manifestation, le point éblouissant de
1330 celui qui le détient en vienne à s’exprimer, il n’ est pas sûr que son style écrit traduira les catégories dans lesquelles i
1331 ns lesquelles il existe en réalité. Ou plutôt, il est presque certain qu’il les traduira dans les formes qui les trahissent
1332 crire sans tenir compte de nos données concrètes, soit que nous sacrifiions à un académisme, soit que nous oubliions les fin
1333 rètes, soit que nous sacrifiions à un académisme, soit que nous oubliions les fins communes de la pensée. J’entends par donn
1334 qui poussent un homme à écrire, quelles qu’elles soient  ; le public auquel il s’adresse ; le genre d’action qu’il entend exer
1335 et attester en particulier, que leur vocabulaire est adapté aux fins qu’ils déclarent poursuivre, que leur style est condi
1336 fins qu’ils déclarent poursuivre, que leur style est conditionné par leur action, par la structure même des problèmes qu’i
1337 ut, et les conduit sur un terrain qui forcément n’ est pas le leur, n’est pas celui qu’ils avaient à défendre, et n’est plus
1338 sur un terrain qui forcément n’est pas le leur, n’ est pas celui qu’ils avaient à défendre, et n’est plus, au sens littéral,
1339 , n’est pas celui qu’ils avaient à défendre, et n’ est plus, au sens littéral, qu’un no man’s land. Pareillement, les armées
1340 ’s land. Pareillement, les armées européennes qui sont toutes organisées pour l’offensive et l’agression sont au service d’É
1341 toutes organisées pour l’offensive et l’agression sont au service d’États qui prétendent tous n’avoir que des buts défensifs
1342 succès en des conflits non moins stériles, s’ils sont évidemment moins meurtriers. Comment un Gide ne voit-il pas que les m
1343 s rencontrer ni prises ni créance ? Cependant, il est clair que le style est justement cela qui, dans une œuvre, est contag
1344 ni créance ? Cependant, il est clair que le style est justement cela qui, dans une œuvre, est contagieux. Si le style est d
1345 le style est justement cela qui, dans une œuvre, est contagieux. Si le style est de l’homme même, on peut dire plus précis
1346 qui, dans une œuvre, est contagieux. Si le style est de l’homme même, on peut dire plus précisément qu’il est de l’action
1347 l’homme même, on peut dire plus précisément qu’il est de l’action même, de la personne en exercice. De même que la personne
1348 Le style qu’il faut à une pensée communautaire ne sera pas forcément un style « populaire », car le peuple qui sort des écol
1349  populaire », car le peuple qui sort des écoles n’ est plus le peuple populaire ; Péguy l’a dit : il lit trop de journaux. (
1350 données concrètes de la révolution nécessaire ne sont d’ailleurs pas dans les mains du peuple en tant que classe. Elles son
1351 ans les mains du peuple en tant que classe. Elles sont dans les mains des hommes, d’où qu’ils sortent, qui ont compris que l
1352 ent, qui ont compris que la révolution ne saurait être faite que par et pour ce qu’il y a de plus humain dans l’homme, la pe
1353 ui s’engage dans leur lecture éprouve de tout son être la présence d’une réalité éthique immédiate à chaque progrès du disco
1354 Alors, n’acceptons-nous plus un seul maître ? Ce serait oublier ceux qui nous ont appris à nous méfier des maîtres. Je viens
1355 en nommer quelques autres : Pascal dont la phrase est brisée par cette raison qui brise la raison ; Descartes, dont la limp
1356 ilisations dont nous connaissons la chronique, il est frappant de voir qu’ils n’ont imaginé qu’un assez petit nombre de mes
1357 lle et les Allemands une mesure populaire, qui ne sont encore que des raisons d’État, perfectionnées infiniment par la techn
1358 estige de l’Église catholique, et son miracle, ce fut d’unir entre ses mains, durant des siècles, l’autorité spirituelle et
1359 bien produire des millions de machines, mais ils seront impuissants à les utiliser pour l’homme, au bénéfice de son humanité.
1360 me, au bénéfice de son humanité. Secondement, ils seront impuissants à restaurer le prestige de l’Europe, qui tenait à l’espri
1361 uissants à restaurer le prestige de l’Europe, qui tenait à l’esprit créateur de ses élites intellectuelles. Si nous voulons re
1362 qui crée et qui éduque. Les vertus qu’il suppose sont concevables ; leur lieu commun, définissable : c’est l’acte d’incarna
1363 l’État : voilà des signes matériels de la mesure. Est -il possible de leur opposer dès maintenant un signe aussi grandiose,
1364 tion parfois séculaire des pouvoirs. Et nous n’en sommes qu’aux premiers cris. Si nous parvenons aujourd’hui à prendre une con
1365 qu’elles nous imposent dans la situation où nous sommes , peut-être aurons-nous fait ce que devait faire notre génération. C’e
1366 ale qui nous obsèdent. Individu et masses, telles sont les déviations d’une tradition qui se fondait sur la personne. Privat
1367 e fondait sur la personne. Privation du pouvoir d’ être une personne responsable, tel est le secret de l’angoisse individuell
1368 n du pouvoir d’être une personne responsable, tel est le secret de l’angoisse individuelle et de la révolte des masses. Ret
1369 la révolte des masses. Retour à la personne, tel est le sens de la philosophie « existentielle » sous toutes ses formes, e
1370 s communautaires du principe personnel, tel qu’il est défini d’une manière à peu près unanime par tous les écrivains qui s’
1371 peu près unanime par tous les écrivains qui s’en sont occupés97. La personne, c’est pour nos contemporains la découverte no
1372 ciété, l’État, les lois, la pensée et l’action, n’ étaient pas le vrai centre de l’homme, qui est la personne ; et que pour cett
1373 ion, n’étaient pas le vrai centre de l’homme, qui est la personne ; et que pour cette seule raison, la société, l’État, les
1374 ’homme même, à la personne. Mais cette révolution est la plus difficile de toutes. Ses premières manifestations tangibles,
1375 ne. D’où il suit que toute l’agitation du monde n’ est rien de plus qu’une certaine question qui m’est adressée, et qui ne s
1376 n’est rien de plus qu’une certaine question qui m’ est adressée, et qui ne se précise en moi qu’à l’instant où elle me contr
1377 nt où elle me contraint à l’acte. Peut-être qu’il est inutile de rien savoir du monde et de son train, des sciences, des fa
1378 des accidents, des inventions, des religions, des êtres , si ce savoir n’est pas pour moi, à un tel moment, un ordre ou une te
1379 entions, des religions, des êtres, si ce savoir n’ est pas pour moi, à un tel moment, un ordre ou une tentation. Quand cesse
1380 rons-nous d’agiter des problèmes qui n’ont jamais été notre problème ? Car un problème n’est jamais réel que pour celui qui
1381 ont jamais été notre problème ? Car un problème n’ est jamais réel que pour celui qui peut l’incarner dans sa vie, le résoud
1382 dire : « La solution des grands problèmes sociaux est une question de morale individuelle. » L’originalité d’une morale ind
1383 cécité et de mutisme. Par ailleurs, elle pourrait être aussi laïque ou religieuse qu’on voudrait. Mais l’individu a vécu. Ce
1384 u’on voudrait. Mais l’individu a vécu. Ce mythe n’ est plus à craindre que sous sa forme négative : le collectif. Ramener la
1385 onstater que la question sociale, en tant qu’elle est concrète, c’est-à-dire en tant qu’elle exige de chacun une réponse, n
1386 rises avec son entourage humain98. Ses données me sont extérieures, certes. Mais je n’ai pas à les connaître autrement que p
1387 qu’elles m’adressent ; et cette question ne peut être concrète — et ne peut être un conflit véritable — que si c’est un aut
1388 cette question ne peut être concrète — et ne peut être un conflit véritable — que si c’est un autre homme, en face de moi, q
1389 utre homme, en face de moi, qui me la pose. Qu’il soit là, proche ou lointain, à portée de ma main, à portée de mes yeux, à
1390 te pourvu que cette prise, cette vue, cette image soient pour moi le tu qui questionne, dans l’instant. La personne est le fon
1391 le tu qui questionne, dans l’instant. La personne est le fondement de la communauté, en ceci qu’elle est l’acte par lequel
1392 st le fondement de la communauté, en ceci qu’elle est l’acte par lequel l’individu répond à la question que lui pose son pr
1393 prochain. Et à l’inverse, le but de la communauté est de permettre à tous les hommes d’assumer leurs responsabilités, c’est
1394 és, c’est-à-dire de devenir des personnes. Telles sont les deux idées polaires qui sous-tendent l’édifice personnaliste. Rie
1395 s des jugements historiques pour lesquels nous ne serons jamais assez documentés, ramenons cet examen à une grammaire de la pe
1396 œu humain paraît comblé… Et l’on croirait qu’il l’ est à les entendre, si certains spectacles de masses ne nous rendaient un
1397 égitime… Une fois de plus, je rappellerai qu’il n’ est pas question dans ces pages de « condamner » des « erreurs » étrangèr
1398 re vieille sagesse. Le nous national-socialiste n’ est pas seulement un concept philosophique, il correspond à la réalité pr
1399 religions. Mais ce que nous pouvons faire, et qui est utile, c’est de discuter les propositions générales et théoriques que
1400 s conditions, ce nous qu’on nous propose pourrait être autre chose qu’une moyenne entre le je des libéraux et le ils des col
1401 ivistes ? Selon nos mœurs et notre vocabulaire, n’ est -il pas, lui aussi, un être « abstrait », ne laisse-t-il pas le champ
1402 et notre vocabulaire, n’est-il pas, lui aussi, un être « abstrait », ne laisse-t-il pas le champ libre à la mécanique étatis
1403 il pas le champ libre à la mécanique étatiste qui tient lieu d’ordre dès que l’homme renonce à assumer personnellement son ri
1404 u « prochain » ? Pour nous « l’erreur fasciste » est peut-être plus grave que les erreurs qu’elle combat, parce qu’elle fi
1405 des personnes responsables. Mais la communauté n’ est rien de plus que les personnes : elle n’est que l’expression des rapp
1406 uté n’est rien de plus que les personnes : elle n’ est que l’expression des rapports personnels. Elle a son centre en chacun
1407 ne des personnes qui la composent, et ne peut pas être définie par autre chose que par ce centre (par exemple, par l’État, o
1408 (par exemple, par l’État, ou par le Parti). Elle est le rayonnement de l’acte qui unit deux hommes par un lien d’entraide
1409 s en tant que différents, chacun faisant ce qu’il est le seul à pouvoir faire pour tous les autres — et non point en tant q
1410 transformer en un « état » alors qu’elle devrait être un acte. C’est faire simplement abstraction de la tension, de la resp
1411 le je et le tu considérés d’un point de vue qui n’ est plus ni celui de l’un ni celui de l’autre, c’est-à-dire considérés da
1412 isonniers de ce rapport, le nous. Le groupe ainsi est défini par l’extérieur, disons par sa circonférence. Et comme le veut
1413 circonférence. Et comme le veut la géométrie, il est plus grand que chacun des éléments qui le composent. Il s’arroge des
1414 érations. Les hommes qui constituent ce groupe ne sont plus des hommes totalement « humains » puisque l’un des pôles de leur
1415 lement « humains » puisque l’un des pôles de leur être n’est plus visible ni concret, échappe aux prises de leurs mains. Pou
1416 « humains » puisque l’un des pôles de leur être n’ est plus visible ni concret, échappe aux prises de leurs mains. Pour chac
1417 x prises de leurs mains. Pour chacun d’eux, le tu est devenu le nous, c’est-à-dire a cessé d’être une question directe, il
1418 le tu est devenu le nous, c’est-à-dire a cessé d’ être une question directe, il a cessé d’être un des pôles de la personne.
1419 a cessé d’être une question directe, il a cessé d’ être un des pôles de la personne. Car en effet le nous n’est rien qu’un bi
1420 des pôles de la personne. Car en effet le nous n’ est rien qu’un biais : c’est un tu sans visage qui vient se confondre ave
1421 s ont fait erreur sur la personne. Si la personne est au principe la mise en question d’un je par un tu, donc une rencontre
1422 r qu’ils puissent se rencontrer hors d’eux-mêmes, fût -ce au-dessus d’eux-mêmes, dans le nous (la Gesamtperson). Pour nous a
1423 concrète, et élémentaire de la communauté, je ne suis plus un isolé ; pourtant je reste un solitaire. De l’héroïsme C
1424 ’opère la communion réelle de l’acte. La personne est un lieu d’héroïsme, et cela signifie qu’elle est le lieu, l’origine e
1425 est un lieu d’héroïsme, et cela signifie qu’elle est le lieu, l’origine et la fin de toute incarnation, de toute création,
1426 n, de toute création, de tout risque. La personne est aussi, par conséquent, l’individu moral et social par excellence ; ma
1427 el d’un je et d’un tu, ne rendent pas compte de l’ être personnel. Penser en acte, ce n’est pas « descendre au social », ni d
1428 compte de l’être personnel. Penser en acte, ce n’ est pas « descendre au social », ni davantage trahir l’esprit pour des fi
1429 e l’héroïsme personnel. Un siècle bourgeois comme fut le xixe , n’osait imaginer de réalisations que sociales : car il faut
1430 s d’héroïsme collectif. Le héros, par définition, est toujours seul. (C’est peut-être pourquoi le bourgeois — l’homme du bo
1431 être pourquoi le bourgeois — l’homme du bourg — n’ est pas un héros, ou cesse d’être un bourgeois quand il devient un héros.
1432 l’homme du bourg — n’est pas un héros, ou cesse d’ être un bourgeois quand il devient un héros.) Précisons : réaliser une pen
1433 un héros.) Précisons : réaliser une pensée, ce n’ est pas seulement la mettre à exécution — ce qui pourrait signifier aussi
1434 ssi bien la condamner à mort et l’extirper de son être , fût-ce pour l’introduire dans l’Histoire. C’est avant tout devenir c
1435 en la condamner à mort et l’extirper de son être, fût -ce pour l’introduire dans l’Histoire. C’est avant tout devenir cette
1436 ffaire de solitude menacée. Une pensée et une vie sont aux prises : qu’on les laisse donc seules à ce débat silencieux et ob
1437 t avaler les idées100, et qu’une idée qui ne peut être mastiquée, puis avalée, n’a pas plus de valeur que les melons en cart
1438 g, les songes, tour à tour nous poussent vers les êtres , et guident notre main. Par eux s’incarne la pensée, et c’est là l’hé
1439 roïsme, d’une passion solitaire et féconde. Telle est la loi du monde, et il est admirable de l’aimer. Et la pensée même de
1440 aire et féconde. Telle est la loi du monde, et il est admirable de l’aimer. Et la pensée même de Dieu ne s’est point soustr
1441 irable de l’aimer. Et la pensée même de Dieu ne s’ est point soustraite à cette loi, c’est-à-dire à ce choix souverain de Di
1442 arne dans le Fils pour agoniser sur la Croix, qui est le signe de la condition humaine déchirée entre le temps et l’éternit
1443 ue cet acte fonde toute existence en tant qu’elle est concrète ; que le concret n’a lieu que dans l’immédiat dans l’instant
1444 n’a lieu que dans l’immédiat dans l’instant. Tel est le sens et la nécessité de l’a priori éthique. Il ne souffre aucune d
1445 lence nécessaires. Mais aussi cette indistinction est l’autorité même, en tant qu’elle s’exerce, soit qu’il s’agisse du com
1446 on est l’autorité même, en tant qu’elle s’exerce, soit qu’il s’agisse du commandement des armées, ou de la création géniale.
1447 n risque, que l’on ne saurait affronter si l’on n’ est pas, dans le même temps, en puissance des sources originelles de tout
1448 ialectique critique dont les deux termes négatifs sont évasion et conformisme. Elle nous a permis de cerner le lieu et le mo
1449 même et l’autre, toi et moi. Par ces voies, nous sommes parvenus au centre des problèmes du monde moderne, en même temps qu’a
1450 chain. Les contradictions du monde ne peuvent pas être supprimées, et toutes les doctrines qui s’y sont essayées n’ont pu en
1451 être supprimées, et toutes les doctrines qui s’y sont essayées n’ont pu en fin de compte engendrer que le désespoir, la tyr
1452 ale. Il n’y a de solution que personnelle (encore est -ce d’abord une « question »). La personne, telle est la seule valeur
1453 -ce d’abord une « question »). La personne, telle est la seule valeur qu’on puisse donner à l’x de l’équation du monde. Or,
1454 ner à l’x de l’équation du monde. Or, la personne étant un acte créateur, elle introduit à chaque fois dans l’équation un élé
1455 personne Et voici la question décisive : quel est le sens dernier de l’acte humain ? Pourquoi la liberté ? Et pourquoi
1456 limites d’un ouvrage profane. D’autre part, il n’ est pas mauvais d’éprouver parfois ces limites, au besoin d’y faire quelq
1457 is bien la franchise d’avouer que ma conscience n’ est pas encore à l’aise. J’ai peut-être parlé de l’acte en humaniste. Je
1458 idéalisme d’un Fichte. Et c’est pourquoi je ne me tiendrai pas quitte que je n’aie repris une dernière fois dans son ensemble ma
1459 aient, ou n’estiment nécessaire d’aller ; mais je tiens cet « excès » pour plus sérieux que la mesure même qu’il s’agit d’épr
1460 on ne les a pas laissés intacts. Ce relâchement n’ est pas un apaisement, mais une espèce d’équilibre indifférent, entre deu
1461 es qui se dessèchent. Or l’origine du relâchement est dans la pensée même. C’est elle d’abord qui a péché. Mais de ce péché
1462 ous échappe, puisque le péché, justement, c’est d’ être séparé de notre origine absolue. Toucherait-on ici au quiétisme, au f
1463 décrire. Ainsi, dans une certaine mesure, nous la tenons dans notre puissance. C’est la tentation de sortir de la condition d’
1464 lération de notre chute dans le temps et l’espace est entièrement déterminée par les lois mécaniques. Fatalement, elles nou
1465 elle puissance de salut. C’est l’acte. Car l’acte est adhésion à l’instant éternel ; un instant, il se dresse contre les mé
1466 t, de la « pensée qui pense » sur la « pensée qui est pensée ». Primauté décisive mais pourtant reperdue sans cesse. Car il
1467 it dans ce contact avec l’éternité, et notre acte serait comme un suicide, si nous osions agir, une seule fois, de toutes les
1468 it cet acte, en mourant sur la croix. Mais Christ est Dieu. Le caractère humain de l’acte est d’aller contre quelque chose
1469 is Christ est Dieu. Le caractère humain de l’acte est d’aller contre quelque chose — Dieu seul agit et crée de rien — mais
1470 rce aux résistances dans l’instant qu’il ranime l’ être . Le sens de notre liberté est défini par cette contradiction. Aux yeu
1471 ant qu’il ranime l’être. Le sens de notre liberté est défini par cette contradiction. Aux yeux de Dieu, notre acte est seul
1472 cette contradiction. Aux yeux de Dieu, notre acte est seulement restaurateur. À la mesure de sa violence, il tente de rétab
1473 les créatures dans leur état incorruptible. Ce n’ est pas en notre pouvoir d’étonner l’Éternel, ni d’inventer quoi que ce s
1474 ir d’étonner l’Éternel, ni d’inventer quoi que ce soit qu’il n’ait prévu, qu’il n’ait donné, que nous n’ayons perdu par notr
1475 chute dans le temps. Cette connaissance dernière est celle de la foi seule. Elle est don de l’Esprit, révélation. Elle tue
1476 aissance dernière est celle de la foi seule. Elle est don de l’Esprit, révélation. Elle tue en nous le faux dieu du moi pur
1477 me une création absolue. Chacune de nos victoires est une nouveauté absolue dans les âges, quelque chose de jamais vu, quel
1478 ue chose de jamais vu, quelque chose qui n’aurait été vu que par l’Adam d’avant la chute, d’avant l’histoire, d’avant cette
1479 perdit jusqu’au souvenir de l’image de Dieu qu’il était . L’homme créateur n’est pas le démiurge isolé d’un idéalisme orgueill
1480 e l’image de Dieu qu’il était. L’homme créateur n’ est pas le démiurge isolé d’un idéalisme orgueilleux ; ni l’esclave des f
1481 l’esclave des fatalités de son histoire ; et il n’ est pas non plus celui qui se souvient d’une éternité raisonnable, d’un m
1482 qu’il pourrait imiter. L’homme, en tant qu’homme est bien un créateur, mais c’est un créateur créé, un ordonnateur obéissa
1483 ur créé, un ordonnateur obéissant, et ses limites sont celles de l’incarnation personnelle. C’est là son ordre et sa réalité
1484 final ; au jugement dernier. En même temps, elle est le ressort de toute action recréatrice. En même temps, elle est le ga
1485 de toute action recréatrice. En même temps, elle est le gage du salut que Dieu a promis à ceux qui gardent son commandemen
1486 son commandement. Car c’est en espérance que nous sommes sauvés, mais cette espérance est certaine. Car le temps détruit l’act
1487 ance que nous sommes sauvés, mais cette espérance est certaine. Car le temps détruit l’acte, mais l’acte est juge du temps.
1488 ertaine. Car le temps détruit l’acte, mais l’acte est juge du temps. ⁂ Je suis parti d’une considération très générale de n
1489 ais prétendre une révolution humaine. Leur succès serait le terme absolu de la vocation occidentale. 1933-1936. 81. Voir pl
1490 2. Selon Einstein « le temps naît du moment où il est mesuré » (Brunschvicg). Le temps mathématique naît donc aussi d’un ac
1491 aussi d’un acte. Mais le temps dont je parle ici est le temps vécu, souffert, subi, qui naît de l’absence d’acte, — et que
1492 uit. 83. « Le difficile pour un philosophe, ce n’ est pas d’arriver le plus vite possible à la conclusion, mais au contrair
1493 oucher les yeux. » Elle postule que le philosophe est dégagé de toute responsabilité immédiate, qu’il pense dans le vide, h
1494 omporte le maximum d’interventions de la pensée n’ est pas précisément celle qui détermine les grands mouvements sociaux et
1495 la « grâce » où il baignait ne l’a pas dispensé d’ être héroïque. 87. « Murmurer avec les loups » serait plus exact, si l’on
1496 d’être héroïque. 87. « Murmurer avec les loups » serait plus exact, si l’on songe à tels écrivains sur le podium… 88. Évidem
1497 ée ne se souciaient pas d’action réelle. 89. Qu’ est -ce qui, dans notre langage ou notre pensée, n’est pas conformiste ? C
1498 est-ce qui, dans notre langage ou notre pensée, n’ est pas conformiste ? C’est ce qui est créé, c’est-à-dire ce qui n’est co
1499 otre pensée, n’est pas conformiste ? C’est ce qui est créé, c’est-à-dire ce qui n’est compréhensible aux autres que par le
1500 te ? C’est ce qui est créé, c’est-à-dire ce qui n’ est compréhensible aux autres que par le heurt produit sur les conformism
1501 it sur les conformismes régnants. Les conventions sont donc indispensables, tout de même qu’il n’y aurait pas d’acte possibl
1502 uvaise qualité. 90. « Cette offense en mon cœur sera longtemps nouvelle. » Racine. 91. Ici encore, se défier de l’histoir
1503 ore, se défier de l’histoire. L’origine vivante n’ est pas toujours ce qu’il y a de plus ancien dans une réalité, mais ce qu
1504 la vie de cette réalité. 92. L’abstraction peut être un progrès relatif. Elle est la condition même de la science, c’est e
1505 L’abstraction peut être un progrès relatif. Elle est la condition même de la science, c’est entendu, et la science nous pe
1506 ulation, et à l’agir moral. Sinon l’abstraction n’ est plus qu’une désincarnation des signes, et par là même elle tend à les
1507 les rendre inefficaces, alors que son but devrait être d’augmenter le pouvoir de la pensée. 93. Un éditeur introduit en ces
1508 e, l’entrainer loin de son train-train, etc., tel est le rôle que se propose de poursuivre (sic) cette collection. » 94. C
1509 . » 94. Claudel (Art poétique, Connaissance de l’ Est ), le Péguy des pamphlets, Ramuz (Raison d’être, Six cahiers, Passage
1510 e l’Est), le Péguy des pamphlets, Ramuz (Raison d’ être , Six cahiers, Passage du poète). Je voudrais bien citer Joyce et ses
1511 e causée par la constatation de l’état présent, n’ est pas un moteur suffisant, ou plutôt ne devient un moteur suffisant que
1512 e c’est la volonté d’incarnation de la vérité qui est « l’âme » de l’Europe. Ce n’est pas la science qui a fait l’Europe, m
1513 de la vérité qui est « l’âme » de l’Europe. Ce n’ est pas la science qui a fait l’Europe, mais c’est l’Europe qui a fait la
1514 cret du problème. Le vice des dictatures modernes est d’avoir soumis l’aspect concret à l’abstrait, alors qu’il fallait au
1515 qui s’enferme dans sa particularité, qui refuse d’ être le prochain de son frère. 100. « Et l’ange me dit : Prends le livre