1
ILe problème de la culture Qu’
est
-ce qu’un problème ? Je me propose d’envisager dans cet ouvrage le
2
un livre qui traite d’un « problème » précis, il
est
prudent de se demander d’abord si vraiment ce problème se pose — ou s
3
oblème se pose — ou si l’auteur tout simplement s’
est
amusé à le poser. Il ne serait pas mauvais non plus de savoir si l’on
4
eur tout simplement s’est amusé à le poser. Il ne
serait
pas mauvais non plus de savoir si l’on cherche, en lisant, un passe-t
5
é les problèmes dans une telle proportion qu’il n’
est
pas raisonnable d’espérer qu’un lecteur d’aujourd’hui soit bien au cl
6
raisonnable d’espérer qu’un lecteur d’aujourd’hui
soit
bien au clair sur ses besoins quand il entre chez son libraire pour a
7
nous pose un problème réel ! Mais après tout, qu’
est
-ce qu’un problème ? Est-il sûr que tout le monde le sache bien, et qu
8
éel ! Mais après tout, qu’est-ce qu’un problème ?
Est
-il sûr que tout le monde le sache bien, et qu’il soit superflu de com
9
-il sûr que tout le monde le sache bien, et qu’il
soit
superflu de commencer par définir ce premier mot ? Allons tout de sui
10
ite à un exemple extrême. Pour le croyant, Dieu n’
est
pas un problème, ni la solution d’un problème, mais il est la présenc
11
n problème, ni la solution d’un problème, mais il
est
la présence réelle qu’on connaît avec assurance dès l’instant qu’on l
12
u se pose — éternellement insoluble. Ou bien Dieu
est
présent, et c’est un ordre souverain ; ou bien il se retire, et devie
13
s’étonner de la multitude des problèmes que nous
sommes
en état de poser, sinon de résoudre du tout. (Mais la vie ne s’arrête
14
qu’elle nous commande vraiment. Mais autre chose
est
de poser des questions au sein d’un ordre solidement bâti, autre chos
15
s au sein d’un ordre solidement bâti, autre chose
est
de découvrir que soudain des problèmes se posent, qui débordent l’ord
16
es hommes ont éprouvé ce phénomène : soudain ce n’
est
plus eux qui posent des questions en vertu de la pétulance naturelle
17
nt « impensable ».) Ce renversement d’équilibre n’
est
pas facile à définir, ni surtout à localiser. Il me semble qu’il est
18
finir, ni surtout à localiser. Il me semble qu’il
est
d’abord éprouvé par le sentiment, comme une espèce de tragique dont o
19
eur, je me borne à constater ceci : la révolution
est
ouverte quand se pose soudain la question du uhlan de la guerre de Bo
20
se révèle soudain plus pesante que les forces qui
sont
encore vives dans l’ordre social par exemple, les chances et la néces
21
le fait qu’un problème se pose, et qu’on l’avoue,
est
souvent beaucoup plus important que les solutions qu’on lui propose.
22
’un demande : à quoi sert-elle ? et déjà la crise
est
ouverte.) Critiquer pour construire Il faut insister tout d’abo
23
tement, il faut dire que cette inquiétude ne peut
être
avouée aujourd’hui qu’en vertu d’une vision nouvelle, d’une confiance
24
usieurs. Si j’entreprends d’écrire ce livre, ce n’
est
pas pour la joie mauvaise d’inventorier les vices d’une culture : tan
25
distraire mes contemporains. Mais je crois qu’il
est
encore temps de dévisager le péril : il ne prendra la force d’un dest
26
un problème, c’est donc, et tout d’abord, qu’elle
est
en décadence. Or, on n’arrête pas une décadence en essayant de résoud
27
Il faut le sauver de la banalité. Repartir, ce n’
est
pas réformer, ni redresser, ni accélérer le cours des choses ; c’est
28
uveau une force intacte, endormie jusqu’ici. Ce n’
est
pas renouveler de vieux combats qui traînent, mais déclarer une guerr
29
constatation d’un mal actuel, mais ce mal n’a pu
être
révélé que par la connaissance d’un bien nouveau, d’un bien qui, lui,
30
rôle que d’attiser notre mauvaise conscience. Ce
sont
les hommes les plus intelligents du siècle, mais aussi les moins créa
31
s nos romanciers à la mode, bourgeois confus de l’
être
encore, habiles dans l’analyse du désordre, fascinés par les subversi
32
un abus de langage. Préparer la révolution, ce n’
est
pas simplement « refuser » ce qui subsiste encore tant bien que mal d
33
celui qui se survit. La critique révolutionnaire
est
liée d’une façon immédiate à l’affirmation créatrice : elle n’est en
34
açon immédiate à l’affirmation créatrice : elle n’
est
en somme que l’aspect accidentellement négateur de cette affirmation
35
Mais la critique des auteurs que j’ai dit ne veut
être
qu’une pure critique1 ; elle veut être valable en soi, elle prétend n
36
it ne veut être qu’une pure critique1 ; elle veut
être
valable en soi, elle prétend ne rien préjuger de cet avenir qu’il fau
37
vit encore, adressons ce rappel élémentaire : il
est
dangereux de confondre goût du désordre avec révolution ; goût du sui
38
essaire pour situer la critique qui va suivre. Il
est
nécessaire de marquer que cette critique ne se fonde pas dans l’humeu
39
ns la nostalgie d’un amateur de paradis perdu. Il
est
nécessaire de marquer qu’elle procède au contraire d’un parti pris de
40
« je vous parle en toute sincérité » : l’homme n’
est
pas un point de vue abstrait, mais un animal créateur ; et ce n’est p
41
e vue abstrait, mais un animal créateur ; et ce n’
est
pas ce qu’il pense de sa sincérité qui m’intéresse, mais ce qu’il veu
42
de l’homme dispose ; c’est montrer que l’esprit n’
est
réel et ne mérite que l’on s’inquiète à son sujet que lorsqu’il s’aba
43
eux qui œuvrent ; et ceux qui ouvrent. L’esprit n’
est
vrai que lorsqu’il manifeste sa présence, et dans le mot manifester i
44
et dans le mot manifester il y a main. L’esprit n’
est
vrai que dans son acte, que nos clercs qualifient d’abaissement. C’es
45
la portée des hommes, mais c’est là qu’il cesse d’
être
un mensonge. L’amour est le comble de l’esprit, et l’amour du prochai
46
c’est là qu’il cesse d’être un mensonge. L’amour
est
le comble de l’esprit, et l’amour du prochain est un acte, c’est-à-di
47
est le comble de l’esprit, et l’amour du prochain
est
un acte, c’est-à-dire une main tendue, non pas un sentiment drapé, no
48
lecteur. C’est une occupation pénible à laquelle
sont
soumis ceux qui écrivent au xxe siècle que de faire la chasse aux gr
49
la jungle du vocabulaire. J’ai dit que la culture
est
en pleine décadence. Et maintenant je demande qu’elle s’abaisse ! Gué
50
» m’apparaissent responsables pour une part qui n’
est
pas la moindre : j’essaierai de la mesurer. La faute que je leur impu
51
rai de la mesurer. La faute que je leur impute, n’
est
pas d’avoir mal conduit l’opinion, mais d’avoir refusé de la conduire
52
nous apprend-elle pas que les lois de l’histoire
sont
des lois, et que l’esprit ne peut rien y changer ? Que l’esprit plane
53
e dire tout simplement que la culture, faute de s’
être
montrée « à la hauteur » d’une tâche humaine a voulu se hisser au sub
54
sser au sublime, où le siècle bien trop heureux d’
être
débarrassé de son contrôle, la laisse poliment dépérir, en attendant
55
leurs affaires sous prétexte que le vrai tragique
est
de l’ordre du spirituel. Qu’un intellectuel refuse absolument de s’in
56
it de la fantaisie.) Et je ne dis pas que cela ne
soit
dans l’ordre. Mais je remarque d’autre part que les clercs admettent
57
avec la fumée de son cigare. Et c’est cela qui n’
est
pas dans l’ordre. Cette tolérance serait-elle d’aventure une sorte d’
58
cela qui n’est pas dans l’ordre. Cette tolérance
serait
-elle d’aventure une sorte d’ironie philosophique ? « Parle toujours,
59
ironie dans la politesse de ces clercs. Preuve en
soit
la manière dont ils usent entre eux, sans éveiller la méfiance de leu
60
de ses résistances, on sabote ses instruments qui
sont
les mots, on réduit la mission de l’écrivain à celle du propagandiste
61
d’une aussi quotidienne observation acceptent, ne
fût
-ce qu’un instant, de se demander si leur doute ne fournit pas une pre
62
de cette décadence. Mais avec lui la catastrophe
est
déjà virtuellement consommée. Car si l’on doute de l’importance des m
63
précis ? Que sert de parler à des sourds ? Et ne
sont
-ils pas sourds, ces hommes qui ne savent plus entendre exactement le
64
s dont on parle ? Ces hommes pour qui les mots ne
sont
plus que des à-peu-près, — conventions à la mode ou étiquettes vagues
65
qu’ils impriment, sans remarquer que leur langage
est
la négation du langage, la négation de la culture, la négation de sa
66
que je voudrais comparer à des vestales ? Mais où
sont
encore ces vestales, gardiennes du sens et de l’usage du discours ? M
67
, etc.) s’éloigne ou s’affaiblit, ou même cesse d’
être
présent et actif. Ensuite, que l’aveu même de l’existence d’un problè
68
ite, que l’aveu même de l’existence d’un problème
est
déjà un essai de le résoudre, et la preuve qu’on pressent sa solution
69
e et en Allemagne. 1. Mais Proust, ou Joyce, n’
est
-ce pas de la création ? Ce style nouveau, ces abîmes entrouverts, et
70
ces abîmes entrouverts, et ce maelstrom verbal qu’
est
l’Ulysses ? D’intéressantes inventions de style décorant une vaste en
71
t à son programme de discussion : “la gymnastique
est
de la culture”, voilà où nous en sommes. La majeure partie de ce que
72
gymnastique est de la culture”, voilà où nous en
sommes
. La majeure partie de ce que l’on dit aujourd’hui sur la culture est
73
tie de ce que l’on dit aujourd’hui sur la culture
est
du même niveau. » La situation est-elle plus réjouissante en France ?
74
sur la culture est du même niveau. » La situation
est
-elle plus réjouissante en France ? Et ne faut-il pas craindre que cer
75
ation culturelle qui s’amorcent ici depuis peu ne
soient
rapidement déprimées par la difficulté qu’il y a à définir simplement
76
nt il s’agit de prendre connaissance si l’on veut
être
un « homme cultivé ». C’est aussi un ensemble de disciplines scolaire
77
ur reprendre les termes de Sorel, disons qu’on en
est
arrivé à considérer la culture comme un produit de consommation, et n
78
re inadaptation de la culture, telle qu’elle nous
est
transmise, aux besoins que l’époque nous crée. Surproduction ou sous-
79
lan de la quantité. Sur le plan de la qualité qui
est
celui de la culture, surproduction signifiera : production de valeurs
80
s masses à vivre des valeurs qu’on leur transmet,
soit
par la presse, soit par l’école, ou plus rarement, par le livre. En d
81
valeurs qu’on leur transmet, soit par la presse,
soit
par l’école, ou plus rarement, par le livre. En d’autres termes, la c
82
utres termes, la culture ne « rend » plus. Elle n’
est
plus à notre mesure, elle nous offre des nourritures de luxe, et nous
83
ue étrangère, algébrique, aristocratique. Il s’en
tient
à ses préjugés, tout en souffrant vaguement de se sentir exclu de mys
84
u le secret : c’était le secret d’une culture qui
est
morte. ⁂ Séparation du peuple et des « gens cultivés », séparation de
85
évolution, ou mieux d’une décomposition dont nous
sommes
les victimes, par surcroît de malheur, inconscientes. On peut résumer
86
e prise de mauvaise conscience. C’est aussi qu’il
est
le premier à définir une conscience nouvelle de la culture créatrice
87
out humain que l’on donne couramment à ce terme —
est
le seul historien clairvoyant. Séparer prophétie et histoire comme le
88
uvoir et un sens. Toute connaissance des origines
est
incluse dans celle des fins, et c’est pourquoi la vigueur de nos pris
89
r de nos prises sur les documents de l’histoire n’
est
qu’un aspect de notre puissance personnelle d’anticipation. L’histoir
90
uissance personnelle d’anticipation. L’histoire n’
est
qu’une prophétie qui se retourne. De Man part donc du conflit qui opp
91
e ou mythique, mais qui agit déjà comme telle, ne
fût
-ce qu’en précisant les traits réels de la culture qu’elle prétend rem
92
emplacer. Dans la mesure où la culture bourgeoise
est
liée aujourd’hui aux conditions économiques qui définissent la classe
93
nomiques qui définissent la classe bourgeoise, on
est
en droit de supposer que cette culture procède dès l’origine de la pu
94
ux charges gouvernementales. Dès le xiiie siècle
était
apparue une conception du travail et de la culture qui va caractérise
95
universel, fait sienne cette exigence. Ainsi il n’
est
plus seulement dit : “Celui qui travaille doit être honoré” mais il e
96
st plus seulement dit : “Celui qui travaille doit
être
honoré” mais il est encore dit : “Chacun doit travailler pour être ho
97
: “Celui qui travaille doit être honoré” mais il
est
encore dit : “Chacun doit travailler pour être honoré en ce monde et
98
il est encore dit : “Chacun doit travailler pour
être
honoré en ce monde et être sauvé dans l’autre” » (page 137). Ce princ
99
n doit travailler pour être honoré en ce monde et
être
sauvé dans l’autre” » (page 137). Ce principe nous est devenu familie
100
auvé dans l’autre” » (page 137). Ce principe nous
est
devenu familier. Mais au déclin du Moyen Âge il apparaît comme une ré
101
radicale. Alors que le travail du paysan asservi
était
pour lui « un destin qu’il subissait », le travail du bourgeois devie
102
permettra de construire. À ce moment, la culture
est
travail, revendication constructive ; elle mesure à la fois la pensée
103
elle mesure à la fois la pensée et l’action. Elle
est
comme la mesure vivante de la société rénovée. Mais la situation se r
104
hante, dans le domaine conquis. La charnière doit
être
située aux confins du xiiie et du xive siècle, pendant la brève sup
105
ut la peine : Tant que cette classe (bourgeoise)
fut
au pouvoir, elle fit de la séparation entre la propriété et le travai
106
nction productive (tout aussi capitaliste qu’elle
fût
), leur pouvoir resta inébranlable ; dès qu’ils passèrent de l’ascétis
107
ysique et productif comme un motif suffisant pour
être
exclus de la participation au pouvoir politique. Tant qu’ils furent a
108
a participation au pouvoir politique. Tant qu’ils
furent
au pouvoir, le droit de vote et l’accès aux fonctions administratives
109
les restèrent réservés à ceux « dont les ongles n’
étaient
pas bleus ». C’est à leurs ongles bleus que l’on reconnaissait les tr
110
onnaissait les travailleurs de la laine, celle-ci
étant
toujours teinte d’abord au pastel. Or la différence entre la main ouv
111
uvrière et la main non ouvrière a depuis toujours
été
un des symboles les plus usités de la distinction entre les classes 7
112
ocialistes comme un manque de goût démagogique, n’
est
vraiment pas une invention socialiste. Ce n’est que la réplique prolé
113
n’est vraiment pas une invention socialiste. Ce n’
est
que la réplique prolétarienne à une thèse qui date des premiers effor
114
e vis-à-vis de la culture. Elle transforme ce qui
était
ses outils en propriété assurée. La culture n’est plus un combat, ell
115
ait ses outils en propriété assurée. La culture n’
est
plus un combat, elle devient une distinction ; c’est-à-dire une fin e
116
oi, non plus un instrument de lutte. Elle cesse d’
être
une production pour devenir une consommation réservée aux bourgeois «
117
qu’il n’ait pas vu que si la puissance bourgeoise
était
promise à la dissociation dès l’instant même de sa victoire, c’était
118
le vieux conflit des exploiteurs et exploités. Il
est
vrai que de Man pousse « au-delà du marxisme ». Il refuse de s’en ten
119
pousse « au-delà du marxisme ». Il refuse de s’en
tenir
à la simple constatation d’antagonismes économiques. Il accorde autan
120
ci qu’une question plus profonde me paraît devoir
être
posée : l’éthique des maîtres oisifs est-elle vraiment la négation de
121
devoir être posée : l’éthique des maîtres oisifs
est
-elle vraiment la négation de l’éthique des travailleurs, qui les a en
122
l’éthique des travailleurs, qui les a enrichis ?
Serait
-il absurde de soutenir que c’est au fond la même éthique qui fait la
123
n pas en déduire que l’erreur d’une telle éthique
est
commune aux uns et aux autres, aux patrons et aux ouvriers ? L’examen
124
ait pas une conscience assurée, positive. 6. Il
est
curieux de noter qu’à la page 36 de son livre, de Man soutient un poi
125
ordre existant pour pouvoir se représenter ce qui
serait
bien. » Cette phrase serait la négation de ce qu’il y a de plus effic
126
se représenter ce qui serait bien. » Cette phrase
serait
la négation de ce qu’il y a de plus efficace dans l’effort de l’auteu
127
rationalisme bourgeois Si l’on se demande quel
est
le principe central de notre société bourgeoise, son lieu commun fond
128
vertu décisive et première de la société féodale
fut
l’honneur, vérité de la force et de la confiance jurée, de même le fo
129
ales et morales, scientifiques et religieuses, ce
fut
toujours la raison raisonnante, méfiante et organisatrice. Et non pas
130
obscurantisme. La « philosophie des lumières » en
est
l’illustration fameuse. Or c’est elle qui est à l’origine de la Révol
131
en est l’illustration fameuse. Or c’est elle qui
est
à l’origine de la Révolution française, qui devait par ailleurs rendr
132
ou cosmique), cette raison du rationalisme, qui n’
est
pas celle de Platon, ni d’Aristote, ni de Thomas d’Aquin, et encore m
133
dans cette guerre d’usure, millénaire, qu’elle s’
est
formée et clarifiée, qu’elle s’est organisée elle-même et qu’elle a p
134
ire, qu’elle s’est formée et clarifiée, qu’elle s’
est
organisée elle-même et qu’elle a pris ses habitudes, son allure géomé
135
même, elle ne croit pourtant qu’à leurs lois : ce
sont
les seules qui la provoquent à des combats où elle puisse vaincre, où
136
ste. Cet aspect à la fois rebutant et rassurant n’
est
pas visible à l’origine : la raison lorsqu’elle entre en action prend
137
çons de s’offrir à la violence des affranchis, ce
sont
des signes qui n’ont jamais trompé. Les dames romaines aux combats de
138
Les plus vibrants panégyriques de « l’Ursse », ce
sont
des femmes du monde émancipées qui vous les prêchent aujourd’hui. Si
139
i. Si vous risquez une critique du marxisme, vous
serez
traité de cornichon : le communisme des bourgeois, c’est une mystique
140
nné que la raison peut duper notre foi. Mais il n’
est
pas dans sa nature de composer longtemps avec les illusions qu’elle s
141
ot amuse, on ne veut voir que sa verve, mais ce n’
est
pas elle, c’est sa plate raison qui prépare les lendemains de la révo
142
, de pouvoir poétique8 et de tendresse virile qui
est
la rançon de son orgueil rationaliste. Certaine élite française entho
143
enthousiasmée par l’idéal d’exportation de l’URSS
est
en train de commettre une erreur toute semblable sur la raison finale
144
homme à des mesures chiffrées. Mais la raison n’
est
pas seulement cet instrument de notre domination sur les choses. Elle
145
strument de notre domination sur les choses. Elle
est
aussi une défense nécessaire contre la tyrannie des mythes. C’est peu
146
invention. Raison contre superstition : le schéma
est
peut-être primaire, il n’en traduit pas moins dans ses grandes lignes
147
us d’une féodalité qui se survit. Là encore, elle
est
légitime dans la mesure où elle s’ordonne à un idéal plus « humain »,
148
hommes contre certains mystères despotiques peut
être
un moment héroïque de notre lutte contre la mort. Imposer l’ordre et
149
penchant pernicieux dont les effets commencent d’
être
visibles dès que l’ordre nouveau s’établit. Si la fatalité de la rais
150
u s’établit. Si la fatalité de la raison pratique
est
cette lourdeur matérialiste qui finit par soumettre l’homme lui-même
151
oumettre l’homme lui-même aux lois du nombre, qui
sont
les lois des choses, la fatalité parallèle d’une raison ennemie des m
152
manie de tout unifier, l’esprit de géométrie, qui
est
l’esprit de la dictature et qui conduit à l’étatisme. Dès que l’idéal
153
retourne soudain contre l’homme. La raison, qui n’
est
plus soutenue par un enthousiasme vital pour des fins qui lui soient
154
e par un enthousiasme vital pour des fins qui lui
soient
transcendantes, usurpe les pouvoirs des royautés obscures qu’elle nou
155
sa tyrannie se révèle plus inhumaine encore que n’
étaient
leurs caprices. Le savant et le technicien tuent mieux que le mage et
156
rchie n’en menaçait. L’histoire de cette fatalité
est
celle du monde contemporain. Son mécanisme est simple, et son rythme
157
té est celle du monde contemporain. Son mécanisme
est
simple, et son rythme constant. La raison joue le rôle d’une force d’
158
s du monde antique par le Moyen Âge. La vraie foi
est
pour la magie un adversaire d’une autre taille que la raison. 10. Ic
159
stade de l’émeute. Le virus révolutionnaire, il n’
est
pas dans le bon sens calculateur des bourgeois, mais bien dans l’auda
160
lturelle. Dès le début du xixe siècle, cet idéal
est
installé dans la conscience européenne. Quels que soient les régimes
161
installé dans la conscience européenne. Quels que
soient
les régimes ou les coutumes que l’on prolonge, c’est désormais à la «
162
iments et la raison de la France ». La Révolution
est
achevée : son principe est passé au rang de lieu commun. Alors parais
163
rance ». La Révolution est achevée : son principe
est
passé au rang de lieu commun. Alors paraissent les grands docteurs, H
164
raissent les grands docteurs, Hegel et Comte. Ils
sont
réactionnaires, c’était fatal. Non qu’ils renient le Progrès rationne
165
on peut prévoir les intentions… La raison cesse d’
être
l’outil manié par des mains ouvrières au service d’une passion aventu
166
artes ou chez les encyclopédistes. La bourgeoisie
étant
devenue propriétaire, ce qu’il lui faut, c’est une théologie qui légi
167
nouveau, mais du nouveau qui ne menace pas ce qui
est
acquis. Du nouveau, mais qui soit au fond exactement semblable à de l
168
enace pas ce qui est acquis. Du nouveau, mais qui
soit
au fond exactement semblable à de l’ancien (comme le dit, à peu près,
169
rès, un personnage de Claudel). Du nouveau qui ne
soit
pas création absolue et imprévisible, mais développement rationnel de
170
ement rationnel de l’acquis : enrichissement. Tel
est
le paradoxe que les systèmes de Hegel et de Comte vont résoudre magis
171
nt résoudre magistralement. Hegel : « Tout ce qui
est
réel est rationnel » — voilà qui justifie l’acquis. Tout ce que l’ant
172
re magistralement. Hegel : « Tout ce qui est réel
est
rationnel » — voilà qui justifie l’acquis. Tout ce que l’antithèse ni
173
rdre pour base, le Progrès pour but. — Le progrès
est
le développement de l’ordre. — Les vivants seront toujours et de plus
174
ès est le développement de l’ordre. — Les vivants
seront
toujours et de plus en plus gouvernés nécessairement par les morts. »
175
erne de la raison, dont nous avons montré quelles
étaient
les fatalités ; et une série économique, traduisant le passage du tra
176
es idéologies les plus diverses du nouveau siècle
sont
contenus en germe dans ces formules de Comte et de Hegel. Les morts g
177
us régi par les fatalités de la raison. Son œuvre
est
véritablement le microcosme de l’univers rationaliste. Contre une bou
178
tre une bourgeoisie trop vite satisfaite et qui s’
est
arrêtée à mi-chemin de ses ambitions, Marx a repris les armes de l’En
179
e : son rappel vigoureux aux réalités économiques
est
tout d’abord une attitude polémique. S’il affirme au nom de la raison
180
matériels, c’est pour ramener la bourgeoisie, qui
est
en train de s’égarer dans les voies de l’idéalisme, au réalisme qui a
181
se ce point de vue polémique, oublie son but, qui
était
la destruction de l’État, et d’une thèse purement critique tire une d
182
les principaux articles de foi des deux religions
sont
bien souvent les mêmes : elles honorent l’une et l’autre un seul dieu
183
elles croient l’une et l’autre à la Science, qui
est
le triomphe des lois sur la mythologie, en même temps que la garantie
184
cation personnelle. L’évolution fatale des choses
est
substituée au gouvernement de l’homme par lui-même. Triomphe du légal
185
objective » du monde. Le temporel et le spirituel
sont
devenus dans notre langage : la police et la propagande. Et la raison
186
fidèlement « ce qui se fait ». Elle cesse donc d’
être
« ce qui fait ». Elle se réduit à décrire sans juger. À moins qu’elle
187
ouvelle société. En effet, cette nouvelle société
est
celle des bourgeois établis dans une richesse acquise par leurs ancêt
188
ans ses loisirs. L’inactualité de la culture, qui
était
pour Marx une vérité de fait — fait qu’il avait tout d’abord dénoncé,
189
ent, eux aussi, que la « force des choses » et ne
sont
guère retenus dans leur élan vers le profit par la vision des fins de
190
pêchera le scandale d’éclater : il libérera, s’il
est
besoin, de tout scrupule la conscience du capitaliste — auquel person
191
justifier l’inactualité de l’esprit : et ce dogme
est
le seul lieu commun sur lequel s’accordent aujourd’hui les clercs de
192
efforts théoriques et pratiques cesse aussitôt d’
être
perçue. Elle cesse d’être connue de tous, présente à tout instant, ju
193
tiques cesse aussitôt d’être perçue. Elle cesse d’
être
connue de tous, présente à tout instant, justifiant ou jugeant les mo
194
our cessent de valoir, puisque leur principe même
est
contesté, qui veut que l’esprit soit toujours responsable de l’action
195
principe même est contesté, qui veut que l’esprit
soit
toujours responsable de l’action ; ou sinon tous deux se corrompent.
196
oilà l’aboutissement des mesures rationnelles qui
furent
un temps celles du Progrès. Et nous voici revenus à cette crise dont
197
posé le fait. 11. On se rappelle que Condorcet
fut
l’inventeur des assurances sur la vie. 12. Le couple raison utilitai
198
. Le couple raison utilitaire — raison analytique
est
en réalité beaucoup plus mal assorti que le couple trône et autel. Ma
199
hérétique comme Ballanche qui estime que l’homme
est
né pour la société et ne devient complet que par elle. Et cela nous d
200
ni celui de Sorel dont la théorie de la violence
est
irrationaliste. Quant à Lénine, il fut pratiquement plus sorélien que
201
a violence est irrationaliste. Quant à Lénine, il
fut
pratiquement plus sorélien que marxiste : que l’œuvre étatiste de Sta
202
e mesure Ce raccourci d’une évolution séculaire
est
sans nul doute stylisé : on n’aurait pas de peine à nuancer, à corrig
203
raison à la fois utilitaire et scientifique, qui
fut
le principe efficace de la culture bourgeoise militante, est aussi le
204
cipe efficace de la culture bourgeoise militante,
est
aussi le principe corrupteur de la culture bourgeoise triomphante. En
205
En d’autres termes, la révolution bourgeoise qui
était
fondée sur la raison s’est résolue dès le lendemain de son succès, en
206
ution bourgeoise qui était fondée sur la raison s’
est
résolue dès le lendemain de son succès, en une pratique qui est une t
207
s le lendemain de son succès, en une pratique qui
est
une tyrannie, tandis que la doctrine, évadée du réel, se flattait d’u
208
ente de les confronter, on s’aperçoit qu’elles ne
sont
plus commensurables. L’intérêt de ce fait me paraît double. Il nous f
209
t en second lieu d’apercevoir qu’une culture peut
être
définie par son principe régulateur, pour autant que ce principe est
210
principe régulateur, pour autant que ce principe
est
vraiment immanent à tout progrès normal de la culture, dont il est se
211
nent à tout progrès normal de la culture, dont il
est
seul à garantir la cohérence. Alors, la vérité d’une culture n’est au
212
ir la cohérence. Alors, la vérité d’une culture n’
est
autre que la vérité de ce principe. Et la logique interne de celui-ci
213
incipe rationnel. Or la raison dont il s’agit ici
est
d’abord un agent de division. Elle veut diviser pour régner, car c’es
214
elle impose un ordre arbitraire, une unité qui n’
est
pas celle de la vie, et qui est d’ordre géométrique. Tant qu’elle res
215
, une unité qui n’est pas celle de la vie, et qui
est
d’ordre géométrique. Tant qu’elle reste au service d’une fin qui comp
216
une unité vive, la raison remplit son office qui
est
l’office mineur et nécessaire d’un instrument. Mais si la vision de l
217
. Mais si la vision de la fin s’efface ou cesse d’
être
clairement perçue comme il arrive quand les premiers succès comblent
218
ccès comblent nos appétits les plus violents, qui
sont
aussi, par malheur, les moins nobles, — aussitôt la raison s’émancipe
219
le et d’organisation abstraite. Tout ceci pouvait
être
prévu dès l’époque de la Renaissance ; il eût suffi de connaître un p
220
et de l’action. On voit que cette commune mesure
est
l’essence même de toute culture. Car si la pensée et l’action se règl
221
où règne une mesure commune. Car sans mesure il n’
est
pas de grandeur, ni par conséquent de valeur. On voit enfin que la vé
222
ra l’anarchie spirituelle d’un monde où la mesure
est
morte. Enfin les tentatives de rénovation qui sont en cours en URSS e
223
est morte. Enfin les tentatives de rénovation qui
sont
en cours en URSS et en Allemagne nous montreront le négatif de notre
224
unifiée par la force, et dont la mesure actuelle
est
une tactique au service de la force commune, et non pas de la vérité…
225
VIL’Arche de l’Alliance
Suis
-je pour une autre fin que pour rechercher l’alliance du Seigneur ? Lo
226
.) J’ai parlé d’une mesure « vraie ». Mais quels
sont
les critères objectifs de la vérité que j’ai en vue ? Quelles sont le
227
objectifs de la vérité que j’ai en vue ? Quelles
sont
les « notes » de la mesure vraie ? Je répondrai par deux définitions
228
eu me semble propre à bien concrétiser. Encore, n’
est
-il pas superflu de les formuler à l’avance, pour mieux situer ce qui
229
qui va suivre. Et d’abord, je dirai qu’une mesure
est
vraie lorsqu’elle consiste dans le rappel constant des fins que pours
230
aut-il savoir, me dira-t-on, si ce télos lui-même
est
vrai. Et certes, l’absolue vérité d’un principe téléologique n’est dé
231
es, l’absolue vérité d’un principe téléologique n’
est
définie que par la vérité du télos même. Mais je ne veux parler ici q
232
e de la vérité objective. Or la vérité du télos n’
est
saisie que par l’acte de foi, et cet acte n’est pas objectif. Je m’en
233
n’est saisie que par l’acte de foi, et cet acte n’
est
pas objectif. Je m’en tiens donc à ce critère formel : la vraie mesur
234
e de foi, et cet acte n’est pas objectif. Je m’en
tiens
donc à ce critère formel : la vraie mesure réside d’abord dans la con
235
qu’une mesure vérifiée par ce critère formel doit
être
en même temps vérifiée par son actualité intrinsèque. On pourrait con
236
t de la mesure bourgeoise, nous le verrons, et ce
fut
le cas de la mesure qui domina l’Europe du Moyen Âge. ⁂ L’histoire du
237
fs sous l’Ancienne Alliance. La grandeur d’Israël
est
d’avoir incarné une vocation, et rien que cela, une vocation démesuré
238
on démesurée où il a pris son unique mesure. S’il
est
vrai qu’un prophète authentique est un homme sans biographie18 on peu
239
mesure. S’il est vrai qu’un prophète authentique
est
un homme sans biographie18 on peut dire pareillement du peuple prophé
240
savons-nous de ces tribus infimes ? Leurs annales
sont
celles d’une puissance qui ne fut jamais immanente à leurs médiocres
241
Leurs annales sont celles d’une puissance qui ne
fut
jamais immanente à leurs médiocres conditions. Ce que nous connaisson
242
’histoire des gestes de Dieu, dont les Hébreux ne
furent
que les instruments. C’est l’histoire des victoires difficiles d’une
243
de Dieu qui le conduit. C’est pourquoi son télos
est
transcendant comme Dieu, unique en son essence comme Dieu, et comme D
244
ieu, et comme Dieu objet de la foi seule. Mais il
est
invisible aux mortels, et c’est pourquoi ils se rebellent contre lui,
245
re vocation de Dieu. Et de même que cette révolte
est
symbolisée au concret par les statues des idoles étrangères, cette vo
246
les statues des idoles étrangères, cette vocation
sera
symbolisée par la présence de l’Arche de l’Alliance, aussi nommée arc
247
Éternel et témoignage de sa volonté. Dans l’Arche
sont
les Tables de la Loi. La Loi est la mesure sacrée. C’est elle qui rap
248
é. Dans l’Arche sont les Tables de la Loi. La Loi
est
la mesure sacrée. C’est elle qui rappelle à la fois l’origine et la f
249
le : l’Éternel Dieu et son service. Parce qu’elle
est
la loi de Dieu, et que ce Dieu est l’Éternel, la Loi est la conscienc
250
Parce qu’elle est la loi de Dieu, et que ce Dieu
est
l’Éternel, la Loi est la conscience finale du peuple hébreu. Et parce
251
loi de Dieu, et que ce Dieu est l’Éternel, la Loi
est
la conscience finale du peuple hébreu. Et parce qu’elle est la loi de
252
science finale du peuple hébreu. Et parce qu’elle
est
la loi de Dieu, elle porte en elle la règle permanente de toute actio
253
e le symbole de l’unité du peuple, mais son usage
est
interdit pendant les guerres civiles : c’est que la mesure est indivi
254
pendant les guerres civiles : c’est que la mesure
est
indivisible. Dieu est au ciel, sa loi est sur la terre, et les prêtre
255
viles : c’est que la mesure est indivisible. Dieu
est
au ciel, sa loi est sur la terre, et les prêtres sont là pour veiller
256
mesure est indivisible. Dieu est au ciel, sa loi
est
sur la terre, et les prêtres sont là pour veiller sur l’Alliance. Et
257
au ciel, sa loi est sur la terre, et les prêtres
sont
là pour veiller sur l’Alliance. Et si ces « clercs » viennent à trahi
258
lercs » viennent à trahir — il semble bien que ce
soit
leur métier —, s’ils oublient que le Dieu qu’ils servent est un Dieu
259
tier —, s’ils oublient que le Dieu qu’ils servent
est
un Dieu qui se nomme « jaloux », les prophètes se lèvent contre eux e
260
e action ou pensée si belle ou si féconde qu’elle
soit
, qui ne puisse être consacrée au ministère sacerdotal du peuple. Idol
261
i belle ou si féconde qu’elle soit, qui ne puisse
être
consacrée au ministère sacerdotal du peuple. Idole, tout ce qui n’est
262
istère sacerdotal du peuple. Idole, tout ce qui n’
est
pas ordonné à la fin que les prophètes annoncent sans relâche. Que de
263
ors la culture ? — « L’homme qui a une vocation n’
est
pas bon à autre chose. Israël portait dans son sein l’avenir religieu
264
s son sein l’avenir religieux du monde. Dès qu’il
était
tenté de s’oublier dans les voies vulgaires des autres peuples, une s
265
la justice à l’ancienne manière ne devait jamais
être
sacrifiée21. » Ainsi toute tentative de culture profane se voit assim
266
évolte d’orgueil contre Dieu. La culture d’Israël
sera
pauvre à raison même de sa pureté. Sa pauvreté sera considérée comme
267
ra pauvre à raison même de sa pureté. Sa pauvreté
sera
considérée comme sa grandeur. Car ce qui est grand, c’est ce qui comb
268
eté sera considérée comme sa grandeur. Car ce qui
est
grand, c’est ce qui comble la mesure. Ce n’est pas la richesse mais l
269
ui est grand, c’est ce qui comble la mesure. Ce n’
est
pas la richesse mais la fidélité. Ce ne sont pas les moyens en eux-mê
270
Ce n’est pas la richesse mais la fidélité. Ce ne
sont
pas les moyens en eux-mêmes mais les moyens mesurés par la fin. C’est
271
est que le culte qu’il faut rendre au Dieu vivant
est
une obéissance directe « en esprit et en vérité ». Or abstraire, c’es
272
a des prophètes, a-t-il besoin de philosophes ? —
est
ainsi l’aspect négatif d’une splendeur poétique inégalée. (La poésie
273
tique inégalée. (La poésie de l’Occident chrétien
sera
grande dans la mesure où elle sera biblique ou grecque, sublime dans
274
ident chrétien sera grande dans la mesure où elle
sera
biblique ou grecque, sublime dans la mesure où la synthèse des deux t
275
dans la mesure où la synthèse des deux traditions
sera
dominée par l’élément biblique.) Seuls les grands discours prophétiqu
276
n, et vérifié l’étymologie grecque de poésie, qui
est
agir. Point d’arts figuratifs ou imaginatifs. La loi les interdit par
277
mage taillée, ni de représentation des choses qui
sont
en haut dans les cieux, en bas sur la terre, et dans les eaux plus ba
278
ence purement technique : la sagesse de Salomon n’
est
pas une connaissance des « causes », mais bien des « signatures » nat
279
, fictions écrites, science, industrie, tout cela
est
sacrifié à la seule chose nécessaire : l’accomplissement d’une vocati
280
spirituelle. Et les moyens de cet accomplissement
sont
les moyens les plus élémentaires que les hommes ont de commercer : l’
281
étie, la guerre… On l’a dit : le royaume d’Israël
fut
davantage une ecclesia qu’une polis. Mais le terme parfait d’une soci
282
’une polis. Mais le terme parfait d’une société n’
est
-il pas justement dans la transformation de la polis en ecclesia ? N’e
283
ans la transformation de la polis en ecclesia ? N’
est
-il pas dans la suppression de la politique au profit de l’esprit ? Si
284
res, l’on voit que la culture la plus pauvre, qui
fut
celle du peuple hébreu, fut aussi la plus convenable aux fins suprême
285
e la plus pauvre, qui fut celle du peuple hébreu,
fut
aussi la plus convenable aux fins suprêmes de l’esprit. Toutefois, no
286
esse qu’elle portait. Mais cette Promesse enfin s’
est
incarnée. Et dès lors la mesure n’est plus dans l’ancienne Loi, mais
287
sse enfin s’est incarnée. Et dès lors la mesure n’
est
plus dans l’ancienne Loi, mais dans la foi qui se manifeste, dans la
288
uvelle mesure, c’est-à-dire la Nouvelle Alliance,
est
aujourd’hui le peuple sans mesure, sans limites et sans foyer. Sans e
289
cendante. 20. La rédaction des livres mosaïques
est
attribuée par Wellhausen et son école à des disciples des grands prop
290
on école à des disciples des grands prophètes. Ce
serait
donc le prophétisme, c’est-à-dire l’élément le plus finaliste de la r
291
ue. Ainsi la fin crée ses moyens. Cette hypothèse
est
aujourd’hui démodée. On revient à la conception ancienne : un chef hé
292
euple juif, dès la sortie d’Égypte. Les prophètes
seraient
alors ceux qui rappellent le peuple au culte du vrai Dieu — contre le
293
es excès du légalisme. Car la pire des idolâtries
est
encore celle qui prend pour objet de son culte la vraie mesure, mais
294
imples, dans le Livre de Job, dans l’Ecclésiaste,
est
quelque chose de surprenant. L’image physique, qui dans les langues s
295
L’image physique, qui dans les langues sémitiques
est
encore à fleur de sol, obscurcit la déduction abstraite… » (Renan, op
296
ieusement qu’aucun siècle du Moyen Âge ait jamais
été
dominé par une seule théologie. Les doctrines de Thomas d’Aquin, à l’
297
s de Thomas d’Aquin, à l’apogée du xiiie siècle,
sont
combattues par des écoles puissantes et sont bien loin d’avoir conqui
298
cle, sont combattues par des écoles puissantes et
sont
bien loin d’avoir conquis la majorité du clergé. Jamais l’Europe cath
299
abbayes d’où rayonna la civilisation bénédictine
sont
un suffisant témoignage des luttes qui déchirèrent l’Église aux plus
300
doit l’affirmer de la théologie en général. Elle
fut
bien le sous-entendu que les clercs et le siècle entendaient et vénér
301
lles nous entraînerait beaucoup plus loin qu’il n’
est
utile pour le dessein de cet ouvrage. Bornons-nous donc à l’examen d’
302
l’examen d’un signe ou mieux d’un instrument qui
fut
commun à tous les ordres de la pensée cléricale ou profane, et du pou
303
, entre l’époque de Dante et celle d’Érasme. ⁂ Qu’
est
-ce que le latin, au xiiie siècle, pour l’écrivain dont l’œuvre a con
304
t qu’il figure la persistance de l’esprit romain,
est
la « mesure » qui permet d’estimer la conduite des choses humaines, e
305
duite des choses humaines, en tant que les hommes
sont
porteurs d’une tradition culturelle commune. Tous les nombres, dit Da
306
culturelle commune. Tous les nombres, dit Dante,
sont
mesurés par l’unité et ils sont dits grands ou petits selon qu’ils so
307
mbres, dit Dante, sont mesurés par l’unité et ils
sont
dits grands ou petits selon qu’ils sont distants ou proches de l’unit
308
té et ils sont dits grands ou petits selon qu’ils
sont
distants ou proches de l’unité ; toutes les couleurs sont mesurées pa
309
tants ou proches de l’unité ; toutes les couleurs
sont
mesurées par leur rapport au blanc originel, et sont dites plus ou mo
310
t mesurées par leur rapport au blanc originel, et
sont
dites plus ou moins lumineuses selon la quantité de lumière blanche q
311
mière blanche qu’elles rayonnent — ainsi le jaune
est
plus clair que le vert. Dante estime qu’il en va de même pour les qua
312
en tant qu’hommes simplement, c’est la vertu qui
est
notre mesure ; lorsque nous agissons en citoyens : la loi ; lorsque n
313
; lorsque nous agissons en « hommes latins », ce
sont
alors certains « signes très simples » communs aux mœurs et aux coutu
314
ue des Latins24. Il importe de préciser que Dante
est
très loin de considérer la langue latine en soi, et telle que la fixè
315
erprétation. Les « signes » latins, selon lui, ne
sont
vraiment la mesure commune qu’en tant qu’ils vivent dans les divers i
316
rice ». La langue latine, « locutio secundaria »,
est
au contraire notre « grammaire ». Et des deux langues, c’est la vulga
317
ire ». Et des deux langues, c’est la vulgaire qui
est
la plus noble (harum quoque nobilior est vulgaris : parce qu’elle nou
318
aire qui est la plus noble (harum quoque nobilior
est
vulgaris : parce qu’elle nous est naturelle, et l’autre plus artifici
319
quoque nobilior est vulgaris : parce qu’elle nous
est
naturelle, et l’autre plus artificielle…) Mais parmi les idiomes vulg
320
) Mais parmi les idiomes vulgaires, le plus noble
sera
celui qui se conformera le mieux à la grammaire originelle. Les « sim
321
mmaire originelle. Les « simplicissima signa » ne
sont
ainsi mesure actuelle que s’ils participent réellement à la vie de la
322
« secondaire » d’instruments de régulation. Or il
est
essentiel, pour Dante, que les outils que nous manions n’imposent pas
323
langage dont dépend l’action. La mesure latine n’
est
valable qu’en tant qu’elle s’incarne et agit dans le langage de tous
324
tension créatrice d’une culture dont l’équilibre
est
déjà virtuellement menacé : c’est sans doute l’approche même de la me
325
e, le signe de la distinction des clercs. Et ce n’
est
plus la vigueur des pensées qui sera la fin du langage, mais l’élégan
326
ercs. Et ce n’est plus la vigueur des pensées qui
sera
la fin du langage, mais l’élégance et la conformité aux meilleurs mod
327
x meilleurs modèles antiques27. La mesure cesse d’
être
un outil. Elle se distingue de son action pratique. Elle devient une
328
st-à-dire qu’elle devient une idole. La décadence
est
commencée. ⁂ Il faut placer cette « crise » de la mesure latine aux d
329
latine aux débuts du xive siècle. La coïncidence
est
frappante : c’est la même date que nous donnions à la première « cris
330
mune aux chancelleries et à l’Église : la requête
est
écrite en français28 c’est-à-dire en idiome vulgaire, accessible à to
331
sible à tous les laïques. La portée d’un tel acte
est
visible : les rédacteurs de la requête ont compris que la mesure lati
332
equête ont compris que la mesure latine a cessé d’
être
réellement commune. Et quand Guillaume de Nogaret, homme nouveau et f
333
scission entre la pensée et l’action — dont elle
est
résultée par ailleurs. Tandis que les clercs s’abandonnent à l’idolât
334
e vue de la mesure linguistique, la Renaissance n’
est
qu’un essai de restauration artificielle du latin comme moyen de régl
335
l’action et la pensée du siècle. La « grammaire »
est
devenue rhétorique, et maintenant la rhétorique prétend dominer le se
336
es, les cardinaux Bembo et Sadolet. « L’humaniste
était
un personnage absolument indispensable aux républiques aussi bien qu’
337
t solennels31. » Ainsi le glissement de la mesure
est
accompli : ce qui était le sous-entendu indiscuté, la règle vive du l
338
le glissement de la mesure est accompli : ce qui
était
le sous-entendu indiscuté, la règle vive du langage vivant, devient u
339
. Dès lors, la tâche de la révolution spirituelle
est
définie : en face de la mesure ancienne qui se survit en tyrannie sté
340
une de toute autorité et de toute légitimité, qui
est
la connaissance existentielle des fins dernières. La protestation de
341
vulgaire au latin. Le vrai clerc, désormais, ce n’
est
plus le rhéteur, mais le prédicateur. Ce n’est plus l’élégant, mais l
342
n’est plus le rhéteur, mais le prédicateur. Ce n’
est
plus l’élégant, mais l’efficace. Ce n’est plus celui qui se sert d’un
343
r. Ce n’est plus l’élégant, mais l’efficace. Ce n’
est
plus celui qui se sert d’une mesure adorée pour elle-même, mais c’est
344
faveur de la sagesse qu’il estime détenir, Érasme
est
le clerc qui trahit et qui déprime la vérité « pour nourrir une paix
345
vin, de cette Épître à Sadolet dont chaque phrase
est
tendue comme un arc par la passion de servir l’Éternel, Luther dira,
346
et des mains !33 » 23. Toute mesure vraie doit
être
« universelle » dans le temps de sa vérité et les limites du monde qu
347
m quodque mensurabilc fit secundum quod in genere
est
, illo quod simplicissimum est in ijpso genere. Quapropter in actionib
348
ndum quod in genere est, illo quod simplicissimum
est
in ijpso genere. Quapropter in actionibus nostris, quantumcumque divi
349
m. » (Seniles, XIII, 10.) 27. À quel point Dante
est
peu l’érudit et le clerc « distingué » que Pétrarque se vantera d’êtr
350
le clerc « distingué » que Pétrarque se vantera d’
être
, on le verra d’un seul coup d’œil à l’énumération qu’il donne de ses
351
lanche de Bretagne au trône de Navarre. Mais ce n’
est
que sous le règne de Philippe-le-Bel que la langue vulgaire devient d
352
l leur semble qu’il n’y a rien meilleur que de se
tenir
coi… », etc. 33. « Das hat Hand, und Fuss », se dit en allemand cour
353
urant d’une argumentation, ou d’un ouvrage qui se
tiennent
, qui ont un sens et une raison.
354
s des merveilles On peut penser que notre langue
est
plus malade que n’était le latin à l’époque de la Renaissance. Le lat
355
eut penser que notre langue est plus malade que n’
était
le latin à l’époque de la Renaissance. Le latin de Bembo et de Sadole
356
e la Renaissance. Le latin de Bembo et de Sadolet
était
encore une rhétorique des lieux communs. Forme vide, forme idolâtrée,
357
ngage de nos bons écrivains. Car non seulement il
est
mal entendu par la grande masse des lecteurs ordinaires, disons des l
358
disons des lecteurs de journaux, mais encore il s’
est
divisé en une foule de dialectes ésotériques. Non seulement l’écrivai
359
pour les intellectuels et pour la masse — cela s’
est
vu en d’autres siècles. Ils n’ont plus le même sens pour les divers p
360
çon, et que les autres trichent ou font défaut. N’
est
-ce pas la partie de croquet dans Alice au pays des merveilles ? Les b
361
et dans Alice au pays des merveilles ? Les boules
étaient
des hérissons vivants, et les soldats s’arc-boutaient sur le sol pour
362
ents du jeu philosophique, ou politique, que nous
sommes
en train de jouer, écrivains ou lecteurs, citoyens ou hommes d’État.
363
s ou lecteurs, citoyens ou hommes d’État. Les uns
tiennent
le parti de l’esprit et les autres celui de l’ordre, les uns le parti
364
tion… Toutes ces combinaisons et ces permutations
seraient
néanmoins assez simples à débrouiller dans la pratique, et pourraient
365
rais dû croquer le hérisson de la Reine s’il ne s’
était
mis à courir juste au moment où j’allais jouer. » Tout le monde ou pr
366
es les plus étranges surimpressions35. La liberté
sera
invoquée par la concurrence et l’oppression capitalistes, par les int
367
partant à la conquête de l’Éthiopie, etc. L’ordre
sera
tantôt le statu quo, si absurde soit-il, tantôt la dictature brutale
368
etc. L’ordre sera tantôt le statu quo, si absurde
soit
-il, tantôt la dictature brutale et arbitraire, plus rarement la reven
369
eurs œuvres capitales. Et je doute qu’un Meyerson
soit
sérieusement compris et discuté par beaucoup plus de personnes que De
370
ait improbable dans l’état actuel du régime. Elle
est
à tout le moins invérifiable. Par contre, on peut très nettement cons
371
démonétiser les mots. Le vocabulaire des journaux
est
vague, impropre, sans saveur et sans pouvoir d’évocation active du vr
372
milieu d’une rumeur générale, où leurs paroles ne
sont
plus distinguées du bavardage quotidien. Ils se retirent dans leurs a
373
tirent dans leurs appartements. Écrire dès lors n’
est
pour eux que tromper un besoin d’expression qui n’a plus de mission r
374
n réelle. C’est un jeu formel et précis, dont ils
sont
seuls à connaître les règles. (Encore ne sont-ils guère d’accord pour
375
ils sont seuls à connaître les règles. (Encore ne
sont
-ils guère d’accord pour enregistrer les réussites ou les tricheries !
376
ée. Quand les clercs de la Cour de Rome cessent d’
être
les dociles instruments de la vocation catholique, pour devenir de ra
377
vienne à faiblir et que la mesure commune cesse d’
être
effectivement perçue et observée, l’on assiste à la même dégradation
378
us à un but unanime. Si bien que les écrivains ne
sont
plus compris du peuple, et que la langue vulgaire s’encombre d’équivo
379
ce, souffrent obscurément de leur séparation. Ils
sont
ensemble et ils sont seuls. Ils sont pressés les uns contre les autre
380
ment de leur séparation. Ils sont ensemble et ils
sont
seuls. Ils sont pressés les uns contre les autres et étrangers. Ils é
381
aration. Ils sont ensemble et ils sont seuls. Ils
sont
pressés les uns contre les autres et étrangers. Ils échangent des par
382
! » Or, quand la parole se détruit, quand elle n’
est
plus le don qu’un homme fait à un homme, et qui engage quelque chose
383
it à un homme, et qui engage quelque chose de son
être
, c’est l’amitié humaine qui se détruit. ⁂ Telle est l’inquiétude des
384
e, c’est l’amitié humaine qui se détruit. ⁂ Telle
est
l’inquiétude des masses. Elle n’est pas d’abord matérielle, elle est
385
ruit. ⁂ Telle est l’inquiétude des masses. Elle n’
est
pas d’abord matérielle, elle est d’abord cette inquiétude du cœur et
386
s masses. Elle n’est pas d’abord matérielle, elle
est
d’abord cette inquiétude du cœur et de l’esprit qui naît de la mort d
387
es, à notre insu, trahissent. Mais quelqu’un s’en
est
aperçu. Quelqu’un a formé le projet de tromper cette faim et cette so
388
es mystiques et des dictateurs. Les lieux communs
sont
morts et embaumés : déjà, on leur fait des musées. Ou pire : ils n’on
389
leur fait des musées. Ou pire : ils n’ont jamais
été
vivants pour cette génération sans but. On nous en donnera donc de no
390
ns » publicitaires, mots d’ordre politiques, tels
sont
les ersatz pitoyables que nous proposent l’Argent et l’État. Giovinez
391
commune aux grandes masses européennes, quel que
soit
leur régime politique. Ainsi la mesure n’est plus cette loi qui vit e
392
que soit leur régime politique. Ainsi la mesure n’
est
plus cette loi qui vit en l’homme réel et personnel, cette alliance d
393
isait la grandeur des cultures authentiques. Elle
est
devenue la loi inexorable et mécanique qui plie l’individu à des calc
394
e des clichés bourgeois. Mais si les mots d’ordre
sont
faux ? Si l’ordre qu’ils imposent est arbitraire, ou s’il ne mise que
395
ts d’ordre sont faux ? Si l’ordre qu’ils imposent
est
arbitraire, ou s’il ne mise que sur l’indignité humaine ? Et si la pr
396
cette communauté de réflexes et d’obsessions ? N’
est
-elle pas une somme de nos défaites intimes, de nos dénis d’humanité,
397
le contraire absolu de la culture, si la culture
est
justement la part active que prend l’homme à tout ce qui est création
398
nt la part active que prend l’homme à tout ce qui
est
création dans la nature, dans l’histoire, dans la vie de l’esprit ?
399
les mots « portaient » réellement, les écrivains
seraient
moins excités, moins excessifs. La Terreur qui règne en permanence da
400
règne en permanence dans les revues d’avant-garde
est
le signe d’une rupture de contact, d’un impuissant dépit, d’un profon
401
mmes. Cas de Nietzsche, des surréalistes, etc. Ce
sont
des êtres isolés, qui crient très fort parce qu’ils se sentent très l
402
de Nietzsche, des surréalistes, etc. Ce sont des
êtres
isolés, qui crient très fort parce qu’ils se sentent très loin de ceu
403
iste à additionner les casseroles et les haricots
est
à la base de l’éloquence démagogique.
404
temps que la mesure qui les anime. Car la mesure
est
le constant rappel des fins communes à la pensée et à l’action. Et la
405
ensée et à l’action. Et la conscience de ces fins
est
la vraie force animatrice d’une société. Les génies sont ceux qui l’i
406
vraie force animatrice d’une société. Les génies
sont
ceux qui l’incarnent, soit qu’ils la créent contre une ancienne mesur
407
ne société. Les génies sont ceux qui l’incarnent,
soit
qu’ils la créent contre une ancienne mesure défaillante (prophètes et
408
esure défaillante (prophètes et révolutionnaires)
soit
qu’ils la maintiennent vivante et renouvelant ses grands symboles de
409
vski, Rimbaud et Nietzsche… Si nous disons qu’ils
furent
les plus grands de ce siècle, quelle est la mesure qui nous permet de
410
u’ils furent les plus grands de ce siècle, quelle
est
la mesure qui nous permet de porter un tel jugement ? Si nous disons
411
re supposons-nous ? Le triomphe de la bourgeoisie
était
complet. Rationalisme, productivisme, capitalisme, foi au progrès, sc
412
se, et la richesse n’avait plus d’idéal. L’argent
était
devenu la mesure effective et pourtant il n’unifiait rien, et ne rapp
413
rappelait aucune fin supérieure. Le mal du siècle
fut
d’abord le mal des riches qui n’avaient plus de foi. Et la révolution
414
i n’avaient plus de foi. Et la révolution sociale
fut
le mal du siècle des pauvres. Tout cela se passait sur fond d’angoiss
415
génies d’un siècle aussi profondément malade, ce
fut
l’angoisse. De Kierkegaard à Nietzsche, toutes ces angoisses individu
416
toutes ses caricatures. L’idéal positif du siècle
était
en vérité une caricature d’idéal, aussi ne trouva-t-il à s’incarner q
417
t et la culture en présence du triomphe bourgeois
furent
rejetés dans une opposition irréductible, ne parurent plus que sous l
418
excellence, le méconnu et l’angoissé. Sa grandeur
étant
mesurée par la tension qui l’opposait à son époque. Telle est l’origi
419
par la tension qui l’opposait à son époque. Telle
est
l’origine spirituelle, ou culturelle si l’on veut, de la situation in
420
résident tout entières dans ce seul fait : que ce
sont
là deux tentatives colossales pour restaurer une mesure commune. Le s
421
lutions, suffirait à prouver ma thèse. Quelle que
soit
la haine violente qui oppose un Staline et un Hitler, ils se ressembl
422
Hitler, ils se ressemblent au moins en ceci, qui
est
décisif : c’est qu’ils veulent l’un et l’autre imposer à leur peuple
423
e à l’action et à la pensée. Et dans ce sens, ils
sont
les vrais génies du siècle, dès lors qu’il s’agit de construire. Mais
424
re. Mais que valent ces mesures imposées ? Quelle
est
la vérité des fins qu’elles servent ? Et si ces fins se réalisent, éc
425
meilleurs et des plus humains des hommes, qui s’y
seront
d’abord sacrifiés, de gré ou de force ? Les sauveront-elles vraiment
426
dont l’apparition dans le développement de l’URSS
est
le fait des seules circonstances, là où elles sont plus fortes que le
427
est le fait des seules circonstances, là où elles
sont
plus fortes que les hommes. Tantôt on lui attribue des succès colossa
428
antôt on lui attribue des succès colossaux qui ne
furent
rendus possibles que par la nature du pays, ou de ses habitants. Mais
429
du pays, ou de ses habitants. Mais d’autre part,
soit
qu’on l’attaque ou qu’on la loue, on est souvent tenté de méconnaître
430
e part, soit qu’on l’attaque ou qu’on la loue, on
est
souvent tenté de méconnaître dans la construction soviétique le rôle
431
’on se bornait à décrire les faits. Le Plan, ce n’
est
pas seulement des tracteurs, des barrages, des kolkhozes et des manue
432
aux, et par l’euphorie juvénile qui paraît bien s’
être
emparée d’une partie au moins du peuple russe ; assez ignorants au su
433
rx et de Lénine, ces intellectuels estiment qu’il
est
injuste et ridicule de reprocher au régime des soviets certaines erre
434
olides vertus de la bourgeoisie conquérante. Ce n’
est
point par hasard que ces amis de l’URSS citent souvent Diderot, Volta
435
t, Voltaire, à l’appui de leur foi nouvelle. Ce n’
est
pas sans raison qu’ils se remettent à glorifier les mythes du Progrès
436
rendre à certains clercs bourgeois, honteux de l’
être
, l’orgueil de leurs origines culturelles, la bonne conscience « bourg
437
onscience « bourgeoise » au sens originel, qu’ils
étaient
justement en train de perdre. Et pourtant Marx avait été un peu plus
438
tement en train de perdre. Et pourtant Marx avait
été
un peu plus loin ! Et l’on s’interdirait de rien comprendre à l’évolu
439
se refusait à l’examen critique des doctrines qui
sont
à sa base. Je ne dis pas qu’elles n’aient été souvent trahies. Ni qu’
440
ui sont à sa base. Je ne dis pas qu’elles n’aient
été
souvent trahies. Ni qu’elles soient actuellement plus importantes et
441
qu’elles n’aient été souvent trahies. Ni qu’elles
soient
actuellement plus importantes et plus dignes de nous retenir que l’él
442
que la critique d’un clerc y perd ses droits et n’
est
plus à l’échelle du phénomène… Raison de plus, chance de plus, dirai-
443
ritualiste37, Marx avait affirmé que la culture n’
était
rien qu’un « reflet » du processus économique, et de la lutte des cla
444
héorie, étroitement respectée aux débuts. Trotski
fut
le premier à s’en apercevoir : on l’exila, quitte à suivre bientôt le
445
e ; on reconnut alors peu à peu que la révolution
est
au fond l’œuvre d’une minorité, que le gouvernement du prolétariat es
446
’une minorité, que le gouvernement du prolétariat
est
au fond un gouvernement pour le prolétariat… Dans la théorie de la cu
447
ant prolétarienne se révéla finalement ce qu’elle
était
dès le début : culture socialiste, configuration d’une Idée par des h
448
ne élite guidant les masses. Et cette évolution s’
est
trouvée confirmée par les récents congrès d’écrivains soviétiques ou
449
obéit pas à la loi de cause à effet. Leur unité n’
est
pas quelque chose de donné, mais quelque chose qu’il faut créer, quel
450
r, quelque chose qu’il faut vouloir. Elle ne peut
être
réalisée que si l’on ordonne les deux tâches, lutte des classes et co
451
e commune en vue de réaliser cette fin commune qu’
est
l’univers socialisé. ⁂ On connaît le nom de cette mesure, son incarna
452
ve à quoi s’ordonne toute la construction russe n’
est
plus la doctrine orthodoxe, dont les marxistes d’Occident se sont fai
453
trine orthodoxe, dont les marxistes d’Occident se
sont
faits les conservateurs. C’est un plan beaucoup plus opportuniste que
454
alité soviétique actuelle. Comment, alors, ne pas
être
frappé par leur exacte coïncidence avec les éléments formels, tout au
455
l’ordre des erreurs possibles : c’est que le Plan
est
l’instrument forgé par la dictature communiste pour unifier la pensée
456
ion de la culture (et donc de sa mesure) au Plan,
est
même si radicale, ou si naïve, que les Soviets en sont venus à confon
457
même si radicale, ou si naïve, que les Soviets en
sont
venus à confondre, sans l’ombre d’un doute, culture et production en
458
déclarations de ce genre : « Le niveau culturel a
été
élevé par le Torgsin (magasin de produits étrangers). Le Torgsin en e
459
ité crasse. Or, le danger de cette assimilation n’
est
pas niable. Il est clair que les masses soviétiques sont toujours plu
460
danger de cette assimilation n’est pas niable. Il
est
clair que les masses soviétiques sont toujours plus tentées de l’opér
461
s niable. Il est clair que les masses soviétiques
sont
toujours plus tentées de l’opérer, avec une bonne humeur et une bonne
462
ttent d’affirmer que, de gré ou de force, le Plan
est
bien ce rappel permanent des fins dernières conçues par le Parti : l’
463
d’héroïsme, éclate à tous les yeux. Si les Russes
sont
de bonne humeur et si nous sommes de mauvaise humeur, c’est qu’ils sa
464
ux. Si les Russes sont de bonne humeur et si nous
sommes
de mauvaise humeur, c’est qu’ils savent pourquoi ils travaillent et q
465
intrinsèque, cette puissance animatrice qui doit
être
, en tous les domaines, le caractère d’une mesure vivante ? L’idéal du
466
mesure vivante ? L’idéal du Plan soviétique, qui
est
le monde intégralement socialisé, embrasse-t-il réellement le tout de
467
nes imposées par le Plan à la création artistique
sont
-elles vraiment des disciplines fécondes, ou au contraire, des conform
468
ommunistes, que la littérature conforme au Plan n’
est
pas un art, mais une forme assez basse de propagande politique et de
469
digne du nom qu’ait produite la nouvelle Russie s’
est
développée en marge du Plan, par anticipation ou régression sur les «
470
e conscience du danger. La littérature soviétique
est
née de la révolution. Elle s’est constituée en même temps que son pub
471
ature soviétique est née de la révolution. Elle s’
est
constituée en même temps que son public. Autrement dit, les « écrivai
472
ient parlaient naturellement le même langage, qui
était
le langage du Plan. Mais cet accord était en somme très limité, et ce
473
ge, qui était le langage du Plan. Mais cet accord
était
en somme très limité, et ce langage essentiellement technique. Car le
474
ce langage essentiellement technique. Car le Plan
était
avant tout, conformément à la doctrine marxiste, un schéma de la prod
475
e les passions, et la nature, et la diversité des
êtres
. Il fallait désormais recourir à une mesure qualitative que le Plan n
476
en tant que tel, dans le domaine littéraire, n’en
est
pas moins en évidence. ⁂ Les écrivains soviétiques l’ont compris. Aus
477
ole soviétique, l’unité du peuple et des clercs n’
est
pas « quelque chose de donné », mais « quelque chose qu’il faut voulo
478
niste devrait dorénavant s’organiser (le paradoxe
est
soutenable) se substitue dans les esprits les plus vivants à l’idée d
479
isque créateur qui reviennent tenter l’esprit. Il
serait
vain de le nier : la mesure imposée par le Plan et qui régit encore l
480
i régit encore l’action pratique des communistes,
est
d’ores et déjà combattue par une mesure spirituelle toute différente,
481
t les succès aveuglent la grande masse. Mais elle
est
réfutée dans son principe par la création culturelle, dès lors que ce
482
n à tous, et le reste viendra par-dessus. » Telle
fut
la grande maxime du Plan. Car, disait-on, il faut parer au plus press
483
il aura sans doute la vie dure, comme tout ce qui
est
irrationnel, et c’est la faute de la raison. Car cette raison, simple
484
Car cette raison, simple servante de l’action, s’
est
voulue maîtresse de tout l’homme. Mais l’homme résiste à son emprise
485
n totalitaire. Il ne veut pas se laisser mutiler,
fût
-ce au prix de salaires merveilleux44. Il découvre que la mesure qu’on
486
e la mesure qu’on voulait imposer à son orgueil n’
est
encore qu’une immense caricature ; et que les fins qu’elle lui propos
487
homme nouveau au faîte de l’édifice matérialiste.
Est
-ce que tout le progrès acquis par une si dure révolution n’aura été q
488
progrès acquis par une si dure révolution n’aura
été
que de donner aux hommes, avec quelques milliers de tracteurs, d’avio
489
de parachutes, cette illusion philosophique ? Il
est
vrai que le monde bourgeois n’a même plus l’énergie de concevoir une
490
e tout cela une conclusion concrète qui peut nous
être
utile pour une future construction : la mesure pseudo-marxiste que le
491
o-marxiste que les Soviets proposent en exemple s’
est
avérée, après quelques années, incapable de maintenir l’unité vraie d
492
r l’unité vraie de la pensée et de l’action. Elle
est
déjà divisée contre elle-même. Elle n’est plus réellement commune, en
493
n. Elle est déjà divisée contre elle-même. Elle n’
est
plus réellement commune, encore qu’elle soit réellement imposée. Et j
494
lle n’est plus réellement commune, encore qu’elle
soit
réellement imposée. Et je ne préjuge rien de l’avenir d’un peuple qui
495
ressources mystiques aussi puissantes. Peut-être
était
-ce inévitable. Peut-être les bienfaits concrets du Plan surpassent-il
496
r les semelles-crêpe et le métro. Notre espérance
est
au-delà de ces réussites utiles. Vis-à-vis de la jeune Russie, notre
497
les. Vis-à-vis de la jeune Russie, notre devoir n’
est
pas de railler des naïvetés plus sympathiques que nos astuces, mais i
498
etés plus sympathiques que nos astuces, mais il n’
est
pas non plus de les admirer ; il n’est pas de dire non à tout, ni oui
499
mais il n’est pas non plus de les admirer ; il n’
est
pas de dire non à tout, ni oui à tout ; c’est un devoir de critique l
500
temps nos problèmes spirituels. Toute la question
est
alors de savoir si nous les aurons résolus, dans nos catégories occid
501
olus, dans nos catégories occidentales. Sinon, il
sera
toujours temps d’aller demander là-bas ce qui nous manque. 36. Pas
502
. 39. Ibid. p. 29 et 33. 40. Le troisième Plan
sera
consacré plus spécialement à l’édification de la culture. 41. Cf. ch
503
mesure nationale-socialiste L’élite française s’
est
fait depuis quelques années une géographie de l’esprit dont le caract
504
géographie de l’esprit dont le caractère frappant
est
d’être en complet désaccord avec la géographie physique. À lire nos r
505
phie de l’esprit dont le caractère frappant est d’
être
en complet désaccord avec la géographie physique. À lire nos revues,
506
vre culturelle des Russes. Beaucoup de ces Russes
sont
venus à Paris vanter leur dictature, sa production industrielle, son
507
uments aux partis de gauche ou de droite. Or s’il
est
vrai que les Soviets avaient en 1920 l’âge de l’hitlérisme en 1936, l
508
pourtant tout intérêt à suivre d’aussi près qu’il
est
possible le développement d’une révolution à tant d’égards plus proch
509
ards plus proche que la russe. L’expérience russe
est
dominée par deux grands faits qui la distinguent radicalement de tout
510
n et du sens civique au départ. Les léninistes se
sont
trouvés devant un continent qu’ils n’avaient guère qu’à coloniser. Il
511
schématique. La situation de l’Allemagne en 1933
était
exactement inverse. Elle ressemblait beaucoup à celle qu’une seconde
512
t en France à toute révolution de masses (qu’elle
soit
fasciste ou bolchéviste)46. Toutefois, le facteur décisif de la révol
513
indre scrupule national et nationaliste, quand il
est
question de l’Allemagne. C’est que la nation française existe depuis
514
n affirme en général, à côté d’elle, la volonté d’
être
une nation. Un Français qui proclame aujourd’hui, à grand éclat, qu’i
515
i proclame aujourd’hui, à grand éclat, qu’il veut
être
« Français d’abord », c’est un monsieur qui exagère, c’est un chauvin
516
ecteurs communistes. Il a compris que la mystique
était
plus forte que les intérêts, d’autant plus forte que la misère était
517
e les intérêts, d’autant plus forte que la misère
était
plus grande. Qu’on ne dise pas que cela est impensable en France, san
518
ère était plus grande. Qu’on ne dise pas que cela
est
impensable en France, sans se rappeler que ce fut un jour mieux que p
519
est impensable en France, sans se rappeler que ce
fut
un jour mieux que pensable : les soldats de Kellermann s’appelaient,
520
que la mystique la plus puissante sur le peuple,
serait
celle qui lui offrirait la promesse d’une communauté. Le « Nationalso
521
se d’une communauté. Le « Nationalsozialismus » n’
est
pas le composé hybride de nationalisme et de socialisme que la traduc
522
e crois, au nom d’une vérité plus haute, et qui n’
est
pas une opinion de partisan, de politique. Mais cela n’empêche pas qu
523
ue. Mais cela n’empêche pas que le génie d’Hitler
est
un fait. (J’appelle génie la faculté de distinguer la véritable sourc
524
vie communautaire ; jamais cette passion n’avait
été
davantage frustrée qu’au cours des quinze années de luttes civiles qu
525
’au cours des quinze années de luttes civiles que
fut
le régime de Weimar. Partis, régions, classes, générations, ville et
526
lle et campagne, Université et peuple : la guerre
était
partout et la mesure commune nulle part. Hitler parut et dit : Je sui
527
sure commune nulle part. Hitler parut et dit : Je
suis
le Parti, je suis le Pays, je suis le Peuple, je suis à la fois le po
528
part. Hitler parut et dit : Je suis le Parti, je
suis
le Pays, je suis le Peuple, je suis à la fois le porteur des idées de
529
ut et dit : Je suis le Parti, je suis le Pays, je
suis
le Peuple, je suis à la fois le porteur des idées de la jeunesse et d
530
le Parti, je suis le Pays, je suis le Peuple, je
suis
à la fois le porteur des idées de la jeunesse et de celles des ancien
531
jeunesse et de celles des anciens combattants, je
suis
enfin l’annonciateur de la nation allemande à venir. C’était l’incarn
532
le destin futur de son libre peuple. Ses paroles
sont
le programme de notre lutte. Elles sont les sources du nouveau droit
533
s paroles sont le programme de notre lutte. Elles
sont
les sources du nouveau droit qui s’établit. Ses pensées dominent les
534
rdre social et politique nouveau. » — « Le Führer
est
le Parti, le Parti est le Führer. » — « Parti et État sont une seule
535
e nouveau. » — « Le Führer est le Parti, le Parti
est
le Führer. » — « Parti et État sont une seule et même chose. » — « Hi
536
arti, le Parti est le Führer. » — « Parti et État
sont
une seule et même chose. » — « Hitler est l’Allemagne, l’Allemagne c’
537
t État sont une seule et même chose. » — « Hitler
est
l’Allemagne, l’Allemagne c’est Hitler. » — Voilà la mesure, et son in
538
e, et son incarnation visible à tous. « La nation
est
le contenu et la substance de l’empire. Elle est le but de tout ordre
539
est le contenu et la substance de l’empire. Elle
est
le but de tout ordre. Le peuple… est le seul but de toute activité hu
540
empire. Elle est le but de tout ordre. Le peuple…
est
le seul but de toute activité humaine et de toute institution publiqu
541
et de toute institution publique. » — « L’empire
est
un État socialiste-racial — populaire — unifié — comprenant un seul p
542
rti ». En outre « le parti, le peuple et l’empire
sont
gouvernés et administrés selon le principe du chef (Führergrundsatz).
543
il s’agit ici de régimes entre lesquels la guerre
est
déclarée, au nom de doctrines et de buts dont certains nous paraissen
544
du « spirituel » pour justifier le mépris où l’on
était
forcé de tenir la culture. On fit appel à la doctrine marxiste, ou à
545
» pour justifier le mépris où l’on était forcé de
tenir
la culture. On fit appel à la doctrine marxiste, ou à l’honneur natio
546
ù l’on voit que la fameuse primauté du matériel n’
est
nullement un problème philosophique ; car de ce point de vue là, préc
547
ue ; car de ce point de vue là, précisément, elle
est
d’une évidente absurdité ; mais un certain excès de misère suffit trè
548
er qu’on y ait eu recours en pleine action50. Ce
fut
la première phase, négative par nécessité. Elle dura plus longtemps e
549
ute que « la révolution (nationale-socialiste) ne
serait
guère qu’un épisode, non une époque, si elle restait purement politiq
550
époque, si elle restait purement politique ». Il
est
incontestable que ces trois activités, commandées par la seule volont
551
du régime avec le domaine culturel. Le problème s’
est
donc posé dans tous les cas sous la forme très simple d’une mise au p
552
e culture nouvelle et populaire. En réalité, ce n’
est
pas le contenu de la culture proprement dite que l’on répand, mais on
553
re dans lequel les productions futures, désirées,
seront
contraintes de s’ordonner. Règne des films de propagande, des chœurs
554
la mesure prétendue universelle. Or cette mesure
étant
en fait celle qui a réglé d’abord l’action, et l’action de masse, ne
555
’abord l’action, et l’action de masse, ne saurait
être
, pour des raisons techniques, qu’un schéma. Toute propagande est par
556
aisons techniques, qu’un schéma. Toute propagande
est
par définition schématique ; mais les moyens qu’elle met en œuvre pou
557
nt pas le temps d’entreprendre. (Ou qui ne pourra
être
entreprise sérieusement qu’après un certain nombre de rénovations mat
558
ue l’on donnera pour bon argent alors qu’elles ne
sont
guère qu’une sorte de spéculation sur les créations futures. L’intére
559
de voir à quel point la technique de cette phase
est
pareille dans des régimes qui ont à répandre les doctrines les plus d
560
en commun passe avant le bien particulier. Ce qui
est
utile à la communauté populaire est légal ; ce qui peut lui nuire est
561
ulier. Ce qui est utile à la communauté populaire
est
légal ; ce qui peut lui nuire est illégal. » Ce principe fondamental
562
nauté populaire est légal ; ce qui peut lui nuire
est
illégal. » Ce principe fondamental de la constitution hitlérienne a s
563
u service du Parti, qui selon la parole du Führer
est
« la volonté organisée de la nation ». Dans les deux régimes, on s’ef
564
réatrices : classe prolétarienne ou race aryenne.
Seront
tenus pour suspects ou saboteurs tous les écrivains issus d’une autre
565
es : classe prolétarienne ou race aryenne. Seront
tenus
pour suspects ou saboteurs tous les écrivains issus d’une autre class
566
me « scientifique ». Valeur du travail. — Elle
est
exaltée en termes à peu près identiques des deux côtés. Le travail do
567
la guerre. (« La lutte contre le froid et la faim
est
notre guerre ! » peut-on lire sur les panneaux de propagande du Secou
568
partie de cet ouvrage.) Moralisme. — La morale
est
identiquement soumise dans les deux cas à l’édification (Aufbau) soci
569
le. Les conditions pratiques de cette édification
étant
définies de la manière la plus simple par la propagande, les vertus e
570
simple par la propagande, les vertus et les vices
sont
simples et facilement reconnus par tous. Toute œuvre se voit donc exp
571
Rôle de l’écrivain et de l’artiste. — « L’artiste
est
le porte-parole du peuple, l’interprète de sa volonté et du sens de s
572
ntendu ni du peuple ni du prolétariat tels qu’ils
sont
, mais tels que le Parti les définit. Attitude philosophique et rel
573
. Attitude philosophique et religieuse. — Il n’
est
plus nécessaire d’insister sur la direction générale de l’humanisme s
574
us exactement : Diesseitigkeit, qualité de ce qui
est
terrestre, de ce qui concerne l’ici-bas, par opposition à tout au-del
575
s-Dieu, on ne saurait nier que le Dieu qu’il sert
est
immanent aux intérêts du Volkstum, et doit se confondre avec ces inté
576
La Diesseitigkeit de la philosophie hitlérienne a
été
fort bien exprimée par Rosenberg dans un discours où il s’élève avec
577
prolétariat et à territoire surpeuplé (la France
est
plus grande que l’Allemagne, et compte un tiers d’habitants en moins)
578
contre l’esprit de la Révolution. Si les Français
sont
nationaux, c’est parce qu’ils sont les descendants des jacobins. Et t
579
i les Français sont nationaux, c’est parce qu’ils
sont
les descendants des jacobins. Et tout le reste est nationalisme. C’es
580
nt les descendants des jacobins. Et tout le reste
est
nationalisme. C’est le parti radical qui est national. Il l’est si bi
581
este est nationalisme. C’est le parti radical qui
est
national. Il l’est si bien qu’il n’a plus même l’idée de le dire. 48
582
me. C’est le parti radical qui est national. Il l’
est
si bien qu’il n’a plus même l’idée de le dire. 48. La plupart de ces
583
idée de le dire. 48. La plupart de ces citations
sont
empruntées au numéro spécial du Voelkischer Beobachter, 30 janvier 19
584
la notion de primauté du matériel. Tout le reste
est
littérature, sophisme, et confusion de la tactique avec la vérité.
585
Leçon des dictatures De tout ce qui précède, il
serait
ridicule et vain de tirer une « condamnation » des conceptions cultur
586
s entreprises, d’une envergure sans précédent, ne
sont
pas justiciables des critiques qu’on leur adresse d’ordinaire en Fran
587
n’a le droit de critiquer l’ordre que lorsqu’elle
est
consciemment anarchique, en vertu d’une volonté et d’un idéal déclaré
588
plus féconde que la contrainte. Les surréalistes
sont
fondés à parler du « vent de crétinisation qui souffle de l’URSS », m
589
l’URSS », mais les magnats de l’industrie lourde
sont
hypocrites quand ils payent des auteurs pour dénoncer le « sans-dieui
590
ine facilité sénile, dont la jeunesse française n’
est
pas toujours indemne, facilité qui consiste à assimiler dictature et
591
ilosophique égale l’hypocrisie pratique. Enfin il
serait
sage de se garder de tout pronostic global quant à l’avenir culturel
592
de front opéré par le stalinisme prouve que tout
est
possible aux dictateurs opportunistes. Le vague même des dernières dé
593
ul qui tombe sous le coup d’une critique générale
est
aussi le seul qui intéresse directement l’objet de cet ouvrage : les
594
œuvre par les deux régimes, alors que leurs fins
sont
hostiles et leurs situations de départ différentes, prouve que la mes
595
que la mesure réelle, dans l’un et l’autre cas, n’
est
pas la doctrine, mais la technique de l’action sur les masses. C’est
596
pour la seule action au cours de laquelle elle s’
est
constituée, mais que l’on veut imposer au tout, y compris la culture
597
er au tout, y compris la culture et la morale. Ce
sont
les nécessités de la propagande, identiques dans les deux cas, bien q
598
de, identiques dans les deux cas, bien que le but
soit
ici la société prolétarienne, et là la nation allemande, qui sont cen
599
été prolétarienne, et là la nation allemande, qui
sont
censées configurer la culture. 2° Or cette mesure partielle ne peut p
600
n’y réussit pas. Le schématisme de la propagande
est
par nature contraire à toute culture imaginable. Il peut au plus favo
601
ser l’instruction élémentaire des masses. Mais il
est
totalement impuissant à provoquer la création, et à la régler, étant
602
puissant à provoquer la création, et à la régler,
étant
de par son origine coupé des sources mêmes de toute création culturel
603
ose non seulement à l’observateur étranger que je
suis
, mais aux chefs des partis dictatoriaux eux-mêmes. De là toute la pas
604
magne aussi bien qu’en URSS. Cet appel au miracle
est
le signe certain, sinon d’une mauvaise conscience, en tout cas d’un s
605
t cas d’un sentiment d’impuissance culturelle. Il
est
apparu plus tard en URSS qu’en Allemagne — relativement à l’âge de la
606
ison très simple qu’en Russie, le niveau culturel
étant
nul au départ, on a pu se contenter pendant longtemps d’appeler cultu
607
nter pendant longtemps d’appeler culture ce qui n’
était
que de l’instruction. En Allemagne, où la culture a de très fortes ra
608
a de très fortes racines populaires et où l’élite
était
bien plus artiste et bien moins « politique » qu’en France, l’opposit
609
moins « politique » qu’en France, l’opposition s’
est
fait sentir dès le début. La résistance des universités est caractéri
610
entir dès le début. La résistance des universités
est
caractéristique à cet égard. Chaque progrès de la culture officielle
611
e les injonctions du Parti avec une passivité qui
est
la forme d’opposition la plus aiguë que tolèrent les dictatures… Le
612
ité, puis toute vertu spirituelle. Les dictatures
sont
fondées au contraire sur le primat, en fait et en droit, de l’action
613
e. Dès lors, l’alternative qui se pose à l’esprit
est
la suivante : ou bien il se soumet à la mesure faite pour régler l’ac
614
ition, détruisant la commune mesure. Ce processus
est
déjà commencé dans les deux dictatures rivales, et rien ne permet enc
615
ose. Nos circonstances économiques et historiques
étaient
telles qu’il fallait une dictature pour y mettre un minimum d’ordre e
616
um d’ordre et permettre à la vie de continuer. Il
est
incontestable que nous avons établi cet ordre : on ne se mitraille pl
617
rs luttes épuisantes et stériles. Le corps social
était
malade, il fallait l’opérer d’urgence, à chaud, et nous y avons porté
618
craties libérales et parlementaires, des maux qui
étaient
devenus aigus chez nous : luttes sociales, injustices économiques, dé
619
us ne faites rien, que de nous critiquer, vous en
serez
bientôt au point où nous étions quand la révolution a éclaté. Si au c
620
critiquer, vous en serez bientôt au point où nous
étions
quand la révolution a éclaté. Si au contraire vous essayez de surmont
621
re vous essayez de surmonter votre anarchie, vous
serez
bien forcés de commencer par rétablir l’ordre extérieur. Et vous fere
622
ces deux objections : a) Oui, vos circonstances
étaient
telles que je serais incapable de vous dire ce que vous auriez pu fai
623
a) Oui, vos circonstances étaient telles que je
serais
incapable de vous dire ce que vous auriez pu faire d’autre. Vous en é
624
dire ce que vous auriez pu faire d’autre. Vous en
étiez
au point où l’homme ayant démissionné, il fallait enregistrer cette d
625
de l’état, de la classe ou de la race. Vous vous
êtes
refait un corps. Mais les problèmes spirituels n’ont pas été résolus
626
un corps. Mais les problèmes spirituels n’ont pas
été
résolus pour autant. Vous avez reculé la question, de dix ans ou d’un
627
es expériences nous enseignent. Toute la question
est
alors de savoir si nous saurons utiliser ces avantages, et le temps d
628
er et préparer spirituellement une révolution qui
soit
nôtre, sans brutalités extérieures, sans destructions aveugles, sans
629
n nouveau type de révolution, dont l’exemple vous
sera
certainement plus utile que les critiques de nos vieillards. Dans cet
630
ndement d’une nouvelle culture européenne… b) Il
est
faux que nous soyons obligés de commencer par l’extérieur, si nous vo
631
elle culture européenne… b) Il est faux que nous
soyons
obligés de commencer par l’extérieur, si nous voulons rétablir une me
632
la pensée et à l’action. Car un ordre extérieur n’
est
solide et fécond que s’il résulte d’un ordre intérieur. Et cet ordre
633
spirituel. C’est encore là une évidence, et qui n’
est
pas moins actuelle. 51. Nous voulons passer, dit Rosenberg, « de la
634
evaient l’exercer ont failli à leur vocation. Tel
fut
le cas de la mesure des Juifs, et de la mesure médiévale. C’est la vr
635
l’idolâtrie, la simonie ou la sécularisation. Il
est
d’autres mesures qui se détruisent d’elles-mêmes, malgré toute la fid
636
de leur succès qui dénonce leur insuffisance. Tel
fut
le cas de la mesure rationaliste qui conduisit la bourgeoisie à son t
637
rgeoisie à son triomphe, puis à sa négation ; tel
est
le cas des mesures politiques que s’imposent les dictatures. Du court
638
te, c’est que la fin qu’elle prépare et symbolise
est
elle-même une fin partielle, et donc une fin avant-dernière, une fin
639
ien cette fin, mais il pressent parfois qu’elle n’
est
pas la fin absolue. Il veut bien sacrifier sa liberté pour hâter la c
640
d’une impuissance à accepter la vie telle qu’elle
est
, dégradée, mystérieuse, pleine d’appels. (L’anarchie libérale avait d
641
chie libérale avait du moins cet avantage qu’elle
était
bien visible, et qu’on avait le droit de la dénoncer…) Mais alors, où
642
ver la vérité totale, la seule qui ait le droit d’
être
totalitaire ? La fin des fins, le terme universel en quoi l’homme pui
643
attribuons à nos actions, si minuscules qu’elles
soient
au regard de l’histoire, la passion même dont nous les chargeons, tou
644
système soviétique, ou la mesure soviétique, ce n’
est
pas discuter telle ou telle modalité de son application ; ce n’est pa
645
telle ou telle modalité de son application ; ce n’
est
pas prophétiser (à la manière des journalistes) son échec ou sa réuss
646
des journalistes) son échec ou sa réussite ; ce n’
est
pas protester contre les conditions accidentelles qu’impose sa réalis
647
et qui lèsent beaucoup d’intérêts, dont certains
sont
honnêtes, et d’autres moins. Car, quand bien même l’avenir montrerait
648
ême l’avenir montrerait que le système communiste
est
nécessaire, qu’il est satisfaisant pour le grand nombre, qu’il a « ré
649
t que le système communiste est nécessaire, qu’il
est
satisfaisant pour le grand nombre, qu’il a « réussi » en Russie, et q
650
ère historique, je poserais encore ma question :
est
-ce un système dont le télos est vrai ? Est-ce qu’il rêve, et prépare,
651
ore ma question : est-ce un système dont le télos
est
vrai ? Est-ce qu’il rêve, et prépare, et veut, un succès tel que sa p
652
tion : est-ce un système dont le télos est vrai ?
Est
-ce qu’il rêve, et prépare, et veut, un succès tel que sa plénitude pu
653
nitude puisse combler l’homme en tant que l’homme
est
le porteur d’une vocation de vérité ? Et mon jugement sur le système
654
e revient à dire oui ou non à cette question, qui
est
celle des fins dernières. Voilà, dit-on, qui introduit une exigence m
655
ysique. Et le jugement que vous voulez porter ici
est
de l’ordre du choix « subjectif ». Relevant d’un acte de foi, il tran
656
és jusqu’à présent, et auxquels vous pensiez vous
tenir
. — Certes ! Et l’on voit qu’il fallait bien aboutir là. Car si l’on p
657
au moyen de critères formels — c’est à quoi je me
suis
employé au cours des précédents chapitres —, l’on peut aussi, et l’on
658
vérifie ces mêmes critères. Or, à ce doute, il n’
est
pas de réponse qui ne soit un acte de foi. Juger le système ou la mes
659
s. Or, à ce doute, il n’est pas de réponse qui ne
soit
un acte de foi. Juger le système ou la mesure soviétique, c’est uniqu
660
ne enfin à mes critiques leur vraie portée : ce n’
est
pas pour l’amour des hommes de là-bas que je m’attache à distinguer d
661
je m’attache à distinguer dans leur régime ce qui
est
bon et ce qui est mauvais. Je n’ai pas le goût de me poser en conseil
662
tinguer dans leur régime ce qui est bon et ce qui
est
mauvais. Je n’ai pas le goût de me poser en conseiller d’un peuple qu
663
er d’un peuple qui ne peut pas m’écouter. Mais je
suis
fortement curieux de tirer d’un exemple aussi considérable une leçon
664
dra ! Nous avons bien assez de notre sort pour en
être
aujourd’hui responsables. À la question que je posais tout à l’heure
665
final de toute communauté réelle et actuelle ? je
suis
donc amené à répondre premièrement : c’est par un acte de foi que nou
666
ouveau. D’abord pour la simple raison qu’un idéal
est
toujours dans l’avenir, et notre action toujours dans le présent. Ens
667
ce dans les désirs de nos cœurs actuels. Or, ce n’
est
pas une image flatteuse conçue comme un négatif du désordre, qui pour
668
ou bien elle nous reste extérieure, ou bien elle
est
complice de nos faiblesses. Elle n’est pas vraie en soi. Elle n’est p
669
bien elle est complice de nos faiblesses. Elle n’
est
pas vraie en soi. Elle n’est pas plus vraie que nous, tels que nous s
670
s faiblesses. Elle n’est pas vraie en soi. Elle n’
est
pas plus vraie que nous, tels que nous sommes, dans le désordre actue
671
Elle n’est pas plus vraie que nous, tels que nous
sommes
, dans le désordre actuel. Par acte de foi, j’entends précisément l’ac
672
vérité certaine, affirmée par cet acte même. Il n’
est
de fin vraiment unique — et par conséquent unifiante — que dans la vé
673
t précis où je lui obéis en fait. L’acte de foi n’
est
donc pas un désir, une nostalgie confiante, un leurre consolant, un s
674
d’un idéal rêvé ou désirable. Ainsi l’acte de foi
est
par définition l’instant et le lieu où pensée et action se confondent
675
ction se confondent en un seul élan, où la vérité
est
attestée par un geste, et le geste sanctionné par la vérité. Voilà l’
676
la commune mesure se ramène alors à ceci : quelle
est
cette vérité dernière assez certaine, et en même temps assez totale p
677
ur mériter notre acte de foi ? ⁂ Le lecteur qui n’
est
pas philosophe ne manquera pas de dire que j’entraîne le problème à u
678
éponses simples et faciles, ou bien la vérité qui
est
souvent difficile. Si nous refusons de descendre au cœur de ce problè
679
refusons de descendre au cœur de ce problème, qui
est
un problème métaphysique et religieux, nous nous condamnons en même t
680
étique ou à la mesure hitlérienne, c’est qu’elles
sont
extérieures à la personne. Elles soumettent le tout de l’homme à une
681
tout de l’homme à une partie de son activité, qui
est
l’activité sociale ou politique. Elles imposent des disciplines qui v
682
s définit, mais non pas pour l’homme total. Elles
sont
des mesures de propagande, non pas d’éducation réelle. Elles poursuiv
683
dès maintenant des buts partiels, des fins qui ne
sont
ordonnées qu’à une tactique, non à la vérité. Ou encore elles prétend
684
e à une tactique. Enfin, et du seul fait qu’elles
sont
des mesures de propagande, elles sont précisément trop simples. Elles
685
it qu’elles sont des mesures de propagande, elles
sont
précisément trop simples. Elles se définissent d’un seul mot : le Pla
686
tout le monde sent et sait très bien que ce mot n’
est
pas le dernier mot de notre vocation humaine. Ce qui est d’un parti e
687
le dernier mot de notre vocation humaine. Ce qui
est
d’un parti est partiel. Ce qui est partiel n’a pas le droit de se vou
688
de notre vocation humaine. Ce qui est d’un parti
est
partiel. Ce qui est partiel n’a pas le droit de se vouloir totalitair
689
umaine. Ce qui est d’un parti est partiel. Ce qui
est
partiel n’a pas le droit de se vouloir totalitaire. (Même si c’est qu
690
le droit de se vouloir totalitaire la vérité qui
est
totale, qui rend compte du tout de l’homme et de ses fins les plus lo
691
si cette vérité a le pouvoir d’unifier tout notre
être
lorsqu’il tend activement vers elle. La mesure que nous cherchons ne
692
s elle. La mesure que nous cherchons ne peut donc
être
définie qu’en relation avec la vérité dernière de l’homme ; elle est
693
elation avec la vérité dernière de l’homme ; elle
est
l’attitude de pensée et d’action, indistinctement, qui nous rapproche
694
l’inverse, on pourrait dire que cette vérité même
est
indiquée par une attitude de notre être, telle que la pensée et l’act
695
érité même est indiquée par une attitude de notre
être
, telle que la pensée et l’action s’y confondent indistinctement. Autr
696
ent indistinctement. Autrement dit : notre chemin
est
éclairé par la seule vérité du but. Mais à l’inverse, le but ne nous
697
est donc ce chemin qu’il va falloir décrire. Ce n’
est
pas une route nationale, où l’on puisse marcher en colonne, quatre pa
698
ar trois, le fusil ou la pelle sur l’épaule. Il n’
est
pas tout tracé par l’État. Nous avons à le construire nous-mêmes au p
699
d’obéir au seul appel du but final. Cette méthode
sera
la mesure que nous cherchons : à la fois intime et active, réglant la
700
il fallait des symboles visibles et dont le sens
fût
reconnu de tous, prince et sujets, clercs, soldats et marchands, légi
701
histoire ou l’action des « grands desseins » peut
être
déchiffrée précisément dans l’histoire ou l’action des signes visible
702
se, le concept de Führer. Cependant, une mesure n’
est
rien, et ses symboles ne signifient rien, si l’on oublie les fins der
703
qui la créent et qui meurent avec elle. L’Arche n’
est
rien s’il n’y a pas le messianisme ; le latin s’il n’y a pas une cath
704
ommune à tous les ordres et qui les harmonise. Il
était
nécessaire de le rappeler et de décrire aussi les mécanismes ou les f
705
rvir. La question de la mesure d’une civilisation
est
sans nul doute la question-mère de toute problématique culturelle. Ma
706
e ne comporte pas de réponse en soi. Une mesure n’
est
en soi ni vraie ni fausse ; elle n’est que plus ou moins fidèle à la
707
e mesure n’est en soi ni vraie ni fausse ; elle n’
est
que plus ou moins fidèle à la fin qu’elle prépare et représente. Seul
708
ns signes créés par d’autres pour des fins qui ne
sont
pas les nôtres. On ne refait une mesure qu’en retrouvant une foi. Mai
709
scernant sa vocation concrète. Or, toute vocation
est
située en un lieu circonscrit de la terre en un temps limité de l’His
710
eux où nous vivons, la situation précise qui nous
est
faite, et l’appel concret qui en résulte ; et après cela jugeons , c’
711
e de possibilités dont les nations plus jeunes se
sont
volontairement privées. Elles s’honorent d’avoir une presse d’opposit
712
t des vieillards puissants. Leur opinion publique
est
incertaine, facilement énervée, puis indolente, pleine de contradicti
713
rre, en Suisse, en Belgique, en Scandinavie, il n’
est
question que du « désarroi général ». Liberté d’opinion, c’est pratiq
714
de se plaindre sans passion profonde. La misère n’
est
encore qu’à la porte, mais on dirait qu’il n’y a plus rien à faire qu
715
r lieu commun vivant. Les nations dites rajeunies
sont
celles qui ont fait ou subi depuis la guerre une révolution de masses
716
es en jugeaient l’usage actuel néfaste, lorsqu’il
était
encore réel. Elles s’honorent de n’avoir plus ni presse d’opposition,
717
comme on dit en Allemagne.) Leur opinion publique
est
dictée par l’État ; et l’opinion privée, bon gré mal gré, se rapporte
718
n moins. En Russie, en Allemagne, en Italie, il n’
est
question que de renaissance et de construction. « Dictature », « tyra
719
rutal », tout cela, qui épouvante les libéraux, n’
est
en fait que l’ensemble des conditions pratiquement nécessaires pour a
720
: mais j’en tiens compte, et ils me déterminent,
fût
-ce même contre eux. 2° Situation qui nous est faite. — Au terme du li
721
nt, fût-ce même contre eux. 2° Situation qui nous
est
faite. — Au terme du libéralisme, à l’origine des dictatures, une seu
722
dernier fondement de la communauté moderne. Elle
est
la toile de fond de tous nos drames, de nos pensées, de nos actions e
723
sées, de nos actions et même de nos utopies. Il n’
est
pas difficile, après coup, de distinguer les très puissantes raisons
724
tés, et de la société bourgeoise notamment. Or il
est
clair qu’aucune économie ne peut survivre bien longtemps à la ruine d
725
Dès lors, si je constate que la crise matérielle
est
devenue, par une horrible dérision, la dernière obsession commune aux
726
ssible, et à elle seule, que toute commune mesure
est
morte parmi nous, et que nulle mesure vraie n’est encore restaurée. L
727
est morte parmi nous, et que nulle mesure vraie n’
est
encore restaurée. Le régime libéral n’a plus la force de concevoir un
728
p de la désespérance. Et les régimes dictatoriaux
sont
nés dans une crise si profonde qu’ils n’ont pas encore pu s’en affran
729
ite de la Sarre. Prenons-y garde ! Ces deux faits
sont
spirituels. Ils révèlent l’existence d’un appel que la culture ne peu
730
pays les plus atteints matériellement. La misère
est
douée d’une mystérieuse propriété : elle agit comme une sorte de révé
731
alie de l’après-guerre. Si l’Europe d’aujourd’hui
est
divisée en nations « rajeunies » et nations vieilles, cela s’explique
732
’abord par l’histoire : les nations « rajeunies »
sont
tout simplement celles qui n’avaient pas encore d’existence nationale
733
que ensuite par la misère : car ces nations ne se
sont
découvertes qu’à la faveur d’une crise totale. Ainsi l’opposition des
734
, vers une communauté nouvelle. Là où cette crise
était
la plus aiguë, la réponse a été totale, ou tout au moins totalitaire.
735
où cette crise était la plus aiguë, la réponse a
été
totale, ou tout au moins totalitaire. Là où depuis cent ans ou plus l
736
ent ans ou plus la nation existait déjà, la crise
est
bien moins virulente, et la réponse a plus de peine à se dégager. Pou
737
ne à se dégager. Pourtant, il faudra bien qu’elle
soit
donnée partout. Derrière la ruine matérielle, une autre ruine plus gr
738
e la ruine matérielle, une autre ruine plus grave
est
apparue : celle d’une image du monde, d’une conception du monde fondé
739
tésienne. Nous savons aujourd’hui que la raison n’
est
pas un idéal, mais un outil ; que l’individu n’est rien que la libert
740
st pas un idéal, mais un outil ; que l’individu n’
est
rien que la liberté du désespoir, et qu’il meurt de son isolement, ou
741
entir à la mesure des temps nouveaux. Sinon, il n’
est
qu’angoisse et arbitraire, isolement, irréalité… Cette situation cosm
742
ent, irréalité… Cette situation cosmique nouvelle
est
la vraie cause de la révolution mondiale, de l’appel qui surgit de l’
743
mmunautaire. La puissance de cet appel ne saurait
être
comparée qu’au soulèvement de la Renaissance, à la montée de la consc
744
s la philosophie : la ruine des grands idéalismes
est
consommée par le triomphe des philosophes « existentiels » qui cherch
745
ent à saisir l’homme dans son actualité (dans son
être
de relation) et la pensée dans ses effets. Elle agit dans la théologi
746
de vacances ou de service civil. Mais tout cela n’
est
encore que prodromes. Les premières grandes apparitions de cette puis
747
apparitions de cette puissance communautaire ont
été
les révolutions communistes et nationalistes. 4° Les premières répons
748
s libérales à l’adresse des grandes dictatures ne
sont
dangereuses que pour ceux qui s’y livrent. Ils n’arrêteront pas la te
749
’aide de leurs filets à papillons. Par contre, il
est
aisé de prévoir à coup sûr qu’une certaine dépression atmosphérique a
750
s ne sauraient combler l’attente réelle. Elles ne
sont
pas une réponse nécessaire. Elles ne sont qu’une tentation superficie
751
lles ne sont pas une réponse nécessaire. Elles ne
sont
qu’une tentation superficielle et passagère, elles se réduisent à des
752
chance de salut, à nous autres nations libérales,
est
dans la création d’une communauté libre. Notre chance est dans l’inve
753
la création d’une communauté libre. Notre chance
est
dans l’invention, et non dans la défense, ou dans l’imitation. À la f
754
de destins communs : forces, crise et destins qui
sont
tout à la fois politiques et culturels. L’Europe des religions nouvel
755
û faire ; et alors, d’ici vingt ou cent ans, nous
serons
réduits à l’état de colonies économiques et culturelles par l’expansi
756
à créer, et que nous seuls pouvons créer. Nous ne
sommes
pas en retard sur les Soviets ou sur l’Allemagne, tout au contraire.
757
i fortes que celles qui nous défient là-bas, nous
serons
colonisés, comme la Grèce par Rome. Cessons de loucher avec méfiance
758
onnaître. Ils ont fondé des religions dont le but
est
la force commune. Ils ont su se créer des symboles grandioses. Ces sy
759
es symboles nous paraissent « barbares », et cela
est
juste. Nous pouvons éprouver la puissance de ces nouvelles religions,
760
monde étrange, ici règne une nation dont nous ne
sommes
pas, et qui nous est hostile, non point par volonté méchante, ni par
761
e une nation dont nous ne sommes pas, et qui nous
est
hostile, non point par volonté méchante, ni par avidité ou jalousie,
762
is par nature, par le seul fait que sa religion n’
est
pas la nôtre. Étudions les doctrines provisoires ou les tactiques de
763
amais faire davantage, nous ne pourrons jamais en
être
, nous sommes nés sous d’autres astres, et notre vocation est différen
764
davantage, nous ne pourrons jamais en être, nous
sommes
nés sous d’autres astres, et notre vocation est différente. Nous ne s
765
ommes nés sous d’autres astres, et notre vocation
est
différente. Nous ne sommes pas de ces religions. Leur lieu saint nous
766
astres, et notre vocation est différente. Nous ne
sommes
pas de ces religions. Leur lieu saint nous demeure impénétrable54. No
767
lieu saint nous demeure impénétrable54. Nos fins
sont
d’autres fins, et la mesure qui doit les incarner ne sera inventée qu
768
utres fins, et la mesure qui doit les incarner ne
sera
inventée que par nous. Non seulement nos meilleures traditions, mais
769
elle que donne la vérité. Notre mesure commune ne
sera
pas collective, extérieure à notre personne : cela n’a pas de sens po
770
ersonne : cela n’a pas de sens pour nous. Elle ne
sera
pas non plus individuelle : on ne peut pas ressusciter des mesures mo
771
as ressusciter des mesures mortes. Je dis qu’elle
sera
personnelle, qu’elle sera la mesure de l’homme en tant qu’il se possè
772
mortes. Je dis qu’elle sera personnelle, qu’elle
sera
la mesure de l’homme en tant qu’il se possède dans ses relations acti
773
sse. 6° La violence nécessaire. — Car notre force
est
personnelle, non collective. Elle réside dans les petits groupes, non
774
l, et non le gigantisme national. La société doit
être
un corps, non pas une construction mécanisée. Et la santé et la force
775
tre action dans la culture européenne. Sinon nous
serons
colonisés, je n’ai pas fini de le répéter. Est-ce à dire qu’affirmer
776
serons colonisés, je n’ai pas fini de le répéter.
Est
-ce à dire qu’affirmer notre force, en face d’impérialismes conquérant
777
e connaissent plus, seule la violence de l’esprit
est
pacifiante. Notre seule chance de collaboration féconde avec les peup
778
collaboration féconde avec les peuples impériaux,
est
là. L’avenir dira si la révolution des libéraux peut influencer, à fo
779
ligieuses qui dressent leurs monuments sacrés à l’
Est
. Pour le présent, notre devoir européen est d’exercer la vocation de
780
s à l’Est. Pour le présent, notre devoir européen
est
d’exercer la vocation de vérité qui est la nôtre, avec un maximum de
781
européen est d’exercer la vocation de vérité qui
est
la nôtre, avec un maximum de violence créatrice. 53. Les Russes ajo
782
lemands : du déshonneur. 54. Ceci explique, s’il
est
besoin de l’expliquer, que je puisse tenir balance égale entre les So
783
ue, s’il est besoin de l’expliquer, que je puisse
tenir
balance égale entre les Soviets et Hitler, et que je sois davantage f
784
ance égale entre les Soviets et Hitler, et que je
sois
davantage frappé par ce qu’ils ont de commun malgré eux, que par la h
785
par la haine qui les oppose. De toute façon, leur
étant
étranger, je leur paraîtrais blasphémateur sitôt que je parlerais de
786
de la seconde partie de cet ouvrage risquerait d’
être
mal compris, si je n’écartais dès l’abord deux malentendus très coura
787
he pas à bâtir un système dans l’absolu : je veux
être
utile. Mais je ne cherche pas non plus à servir un régime politique a
788
ou une classe, ou un groupe d’intérêts : je veux
être
vrai. Je ne puis donc me contenter ni de la simple cohérence d’une do
789
hes nécessaires. L’esprit pur et l’esprit asservi
sont
deux complices dont les disputes bruyantes n’ont eu jusqu’ici d’autre
790
effet que de nous détourner de notre rôle, lequel
est
d’incarner l’esprit au service de la vérité. Je définirai donc mon at
791
us diverses de la nation ; je m’appuie sur ce qui
est
, mais c’est pour prendre élan vers ce que je crois qui doit être, ver
792
t pour prendre élan vers ce que je crois qui doit
être
, vers ce que je pressens, vers cette nouvelle mesure que l’élan seul
793
, et par les refaire dans l’esprit. Or ce travail
est
amorcé de tous côtés, j’en ai rappelé déjà quelques exemples55. Il m’
794
culture, dans la communauté qu’il faut créer. Il
serait
au-dessus de mes forces et de celles de n’importe quel homme d’envisa
795
éfinir le seul aspect moral de mon sujet : quelle
est
l’attitude de pensée, le parti pris fondamental qui peut nous oriente
796
sure nouvelle. Essai d’éthique de la pensée — qui
est
peut-être une science nouvelle, et qu’en tout cas il serait bon de me
797
t-être une science nouvelle, et qu’en tout cas il
serait
bon de mettre au point avant que l’État ne s’en mêle… ⁂ Il faut pens
798
e… ⁂ Il faut penser avec les mains. — La formule
est
brutale et je pense qu’elle doit l’être. Nos circonstances sont plus
799
La formule est brutale et je pense qu’elle doit l’
être
. Nos circonstances sont plus brutales encore, et nous invitent à parl
800
t je pense qu’elle doit l’être. Nos circonstances
sont
plus brutales encore, et nous invitent à parler net. Il ne s’agit plu
801
er d’abord sur l’essentiel. (Je pèse chaque mot.)
Étant
bien clairement entendu que l’essentiel n’est pas ce qu’un dictateur
802
) Étant bien clairement entendu que l’essentiel n’
est
pas ce qu’un dictateur pense, n’est pas l’urgence matérielle, mais la
803
l’essentiel n’est pas ce qu’un dictateur pense, n’
est
pas l’urgence matérielle, mais la plus haute vérité. Qui est la vérit
804
rgence matérielle, mais la plus haute vérité. Qui
est
la vérité à hauteur d’homme. Et j’ajouterai : à portée de la main.
805
n dehors de la question. Et de même, toute pensée
est
vaine, qui n’a pas mis d’abord son auteur à la question, en sorte que
806
positif, de rétablir une situation désespérée qui
fut
notre douceur de vivre, mais qui sera la honte de notre mort si nous
807
sespérée qui fut notre douceur de vivre, mais qui
sera
la honte de notre mort si nous n’y portons des mains fortes. Il est t
808
tre mort si nous n’y portons des mains fortes. Il
est
temps de proclamer vaine toute œuvre qui laisse son auteur intact, et
809
distinguée. Inoffensifs, tous ceux dont l’œuvre n’
est
pas ce lieu de combat sans merci où quelque chose qu’il ne peut plus
810
t ce qu’il reflète d’une ambiance domestiquée. Il
est
grand temps que la pensée redevienne ce qu’elle est en réalité : dang
811
t grand temps que la pensée redevienne ce qu’elle
est
en réalité : dangereuse pour le penseur, et transformatrice du réel.
812
t transformatrice du réel. « Là où je crée, là je
suis
vrai », écrivait Rilke. Et c’est pourquoi nous prendrons au sérieux c
813
sérieux cette distinction : il y a des hommes qui
sont
l’orgueil de notre esprit, — et d’autres qui s’enorgueillissent de no
814
esprits, les professeurs, pour lesquels la pensée
est
un art d’agrément, un héritage, une carrière libérale, ou un capital
815
e monde, peinant peut-être en pure perte, si ce n’
est
pour notre perte à tous. Or, ces gens forment l’opinion, sans aucun d
816
te, et ils le savent. Toute l’opinion du monde en
est
à peu près là, que la pensée ne peut venir qu’à la remorque d’événeme
817
me, c’est de penser avec ses mains. L’esprit s’
est
« distingué » Remarquons qu’une formule telle que « penser avec le
818
abord une valeur polémique, et qu’en ce sens elle
est
exacte dans la mesure où elle provoque. Tournons sa pointe vers un ad
819
ons pas pour plaisanter avec les bons esprits. Qu’
est
-ce en effet qu’un esprit distingué ? Et de quoi peut-il bien s’être a
820
u’un esprit distingué ? Et de quoi peut-il bien s’
être
ainsi distingué ? Mais de ses mains, tout simplement ! Et si la droit
821
vérité si importante56, — car elle a le malheur d’
être
évidente, et il n’en faut pas davantage pour qu’on la néglige aujourd
822
ge aujourd’hui. Toute l’ambition de cet ouvrage n’
est
-elle pas justement de confondre, ou tout au moins de marquer une volo
823
t l’acte qui l’atteste. Le moteur ni les roues ne
sont
faits pour eux-mêmes : ils n’ont de raison d’être que par l’acte qui
824
sont faits pour eux-mêmes : ils n’ont de raison d’
être
que par l’acte qui les unit. Il est temps d’embrayer, disons-nous. Il
825
de raison d’être que par l’acte qui les unit. Il
est
temps d’embrayer, disons-nous. Il est grand temps que l’on s’avise de
826
es unit. Il est temps d’embrayer, disons-nous. Il
est
grand temps que l’on s’avise de penser avec les mains. Les mains
827
ns Quelles mains ? Notre siècle « à mains » ne
serait
-il pas assez maniaque comme cela ? Oui, tout à fait assez. Mais l’ess
828
s l’essentielle vanité de l’activisme, de l’agio,
est
trop vite jugée par celle des distingués aux mains prudentes, et qui
829
ains machinales et qu’aucun charme ne soumet : ce
sont
les mains des agités, et non point de ceux qui agissent. Non pas ces
830
s qu’au bien d’autrui. Ce qu’il a pris ne saurait
être
à lui : il est hors de pouvoir de se l’approprier. L’érudit et le cit
831
utrui. Ce qu’il a pris ne saurait être à lui : il
est
hors de pouvoir de se l’approprier. L’érudit et le citateur57 profite
832
te. D’où vient l’initiative ? Cependant, ne
soyons
pas dupe de notre image. N’allons pas lui permettre de se préciser à
833
, au détriment d’une vérité plus générale qu’elle
est
simplement destinée à illustrer. Penser avec les mains ne veut pas di
834
aison ne s’engage pas dans son travail. La main n’
est
ici qu’un symbole de l’action proprement humaine, qui est celle qu’in
835
qu’un symbole de l’action proprement humaine, qui
est
celle qu’initie le cerveau lorsqu’il a su en concevoir la fin. La mai
836
eau lorsqu’il a su en concevoir la fin. La main n’
est
rien que l’instrument qui réalise une vision. Penser avec les mains,
837
de choisir, de transformer les conditions qui lui
sont
faites, — qu’il refuse. Penser avec les mains, c’est concevoir en act
838
pose à la notion rationaliste d’une pensée qui ne
serait
rien qu’un commentaire tardif aux actions faites par les autres. Enfi
839
es par les autres. Enfin, penser avec les mains n’
est
pas non plus l’exact équivalent d’agir par sa pensée. Car ce n’est pa
840
l’exact équivalent d’agir par sa pensée. Car ce n’
est
pas l’action d’abord qui importe — et la pensée serait son adjuvant —
841
t pas l’action d’abord qui importe — et la pensée
serait
son adjuvant — mais au contraire, si je veux penser en actes, c’est q
842
l’acte l’atteste et la convainc de gravité. Il n’
est
d’acte réel que celui que l’on pense, et ma formule implique la prima
843
mots » au sens futile, accoutumé, parce que tout
est
d’abord question de mots, au sens précis et décisif de l’expression.
844
ne définition concrète des mots en jeu, la partie
est
perdue d’avance ou plutôt elle va se jouer dans un domaine où ne subs
845
prétendre avoir gagné ; où la victoire de l’un n’
est
pour l’autre que tricherie. J’appelle sanction le simple jugement de
846
dans un domaine où quelques vérités fondamentales
sont
reconnues. Je doute qu’il en existe de cette sorte parmi nous. Mais a
847
un arbitre qui rende à notre jeu quelque sérieux,
fût
-il tout provisoire ? Peut-être l’étymologie peut-elle nous secourir.
848
ifficulté se porte alors sur le mot pensée, et il
est
clair qu’elle doit reposer là, si la pensée est bien l’agent initiate
849
l est clair qu’elle doit reposer là, si la pensée
est
bien l’agent initiateur qui qualifie la main elle-même et son action.
850
: il faut entendre qu’il pèse 59 et que la pensée
est
un poids que nous jetons dans la balance. Poids, de pensum, chose pes
851
ds, de pensum, chose pesée. Mais la chose pesée n’
est
-elle pas d’abord chose qui pèse au sens actif ? Dès lors, penser, est
852
chose qui pèse au sens actif ? Dès lors, penser,
est
-ce peser quelque chose, ou au contraire, peser sur quelque chose ? Si
853
contraire, peser sur quelque chose ? Si la pensée
est
« ce qui pèse », faut-il l’assimiler à la balance, ou bien au poids ?
854
’assimiler à la balance, ou bien au poids ? Telle
est
l’équivoque du mot. Elle nous jette aussitôt dans un choix. Pour les
855
ce existe sans mesures, mais le choix qui importe
est
celui-ci : préfère-t-on lire la mesure à l’aiguille, au terme d’une o
856
poids ? Les conséquences de l’un et l’autre choix
sont
infinies. Elles sont infiniment contradictoires. Rien n’est plus impo
857
ces de l’un et l’autre choix sont infinies. Elles
sont
infiniment contradictoires. Rien n’est plus important pour le dessein
858
es. Elles sont infiniment contradictoires. Rien n’
est
plus important pour le dessein de ce livre que d’en suivre le déroule
859
suivrons d’une part la logique de la pensée qui n’
est
que descriptive — pensée balance. Et d’autre part, nous essaierons d’
860
. Définition d’un esprit « moderne » « Je m’
étais
fait un mode d’existence qu’on pourrait appeler potentiel. Mon humeur
861
pensée. (De même que pour Kant, le sérieux moral
est
purement formel.) D’où l’excessive technicité de leur langage. Avec m
862
éalité des fins dernières et de la cause première
étant
nettement subordonnée à l’intensité même de l’expérience. D’où l’imma
863
caractérise cette théologie. Le cas de la science
est
évident : il n’est de science « moderne » que des moyens. Et c’est pr
864
héologie. Le cas de la science est évident : il n’
est
de science « moderne » que des moyens. Et c’est précisément à ce modè
865
communauté que cette pensée devait régir, qu’il n’
est
pas vain de l’envisager. Mais il faudra, pour la mieux voir, en reche
866
ieux voir, en rechercher les origines. Car elle n’
est
guère que le dernier aboutissement d’erreurs pour le moins centenaire
867
tout à l’heure, l’élite bourgeoise a choisi. Elle
est
pour la pondération, et elle n’appelle « sérieuse » qu’une pensée pon
868
qu’une pensée pondérée. Le comble du sérieux, ce
sera
donc pour elle le comble de la pondération, c’est-à-dire, à la limite
869
manqué de qualifier cette vertu de scientifique.
Soyons
donc rigoureux dans l’examen d’une maxime dont l’apparence inoffensiv
870
les actifs — ou peut-être les agités ? Oh ! ce n’
est
point qu’on les méprise, ils font sans doute ce qu’ils ont à faire. M
871
te ce qu’ils ont à faire. Mais le métier du clerc
est
différent. Le clerc est là pour dire le vrai, pour « réciter ». Peut-
872
. Mais le métier du clerc est différent. Le clerc
est
là pour dire le vrai, pour « réciter ». Peut-être aussi pour critique
873
ouvrages. Le voici portant sa balance : la pensée
est
pondération ; à la rigueur, commentaire. Que la science vienne à s’en
874
ire. Que la science vienne à s’en mêler, la tâche
sera
plus simple encore : réciter l’homme ne comportera plus aucun jugemen
875
Ainsi le veut la saine méthode, et tout le reste
est
bavardage, illusion romantique ou pire encore : dogmatisme ! Le clerc
876
’église n’avait pas bien vu l’homme : c’est qu’il
était
pressé de le juger, de le modifier… Il s’agit maintenant de le décrir
877
décrire et non plus de le conduire au salut. Nous
tenons
ici la première supposition impliquée par la maxime bourgeoise de Mon
878
ur indépendant. Cette impartialité, je le répète,
est
la vertu de l’intellectuel bourgeois. On se tromperait du tout en y v
879
nt une malice concertée dès l’origine. Le cynisme
est
plus rare qu’on ne suppose, et très peu d’hommes s’engagent volontair
880
connaissantes de cette doctrine ; et parce qu’ils
sont
sincères, ils pensent qu’on les attaque injustement. Si l’on veut êtr
881
nsent qu’on les attaque injustement. Si l’on veut
être
utile et convaincre, et j’entends par là convertir et non point triom
882
nyme d’une certaine lâcheté, d’un certain refus d’
être
humain, d’une certaine révolte inconsciente contre la condition qui n
883
révolte inconsciente contre la condition qui nous
est
faite, voilà ce qu’il faudrait expliquer maintenant. L’appareil in
884
) qu’on ne saurait définir clairement parce qu’il
est
fait d’une foule d’éléments précis, pour la plupart très valables en
885
s, mais vaguement, de culture. Nous avons vu quel
est
alors le sens du mot : c’est héritage, patrimoine, chose faite et sub
886
utorité auprès du public « cultivé », de ce qu’il
est
toujours sous-entendu et par essence insaisissable. C’est une espèce
887
blasphèmes jusqu’ici. Le scepticisme à son égard
est
encore loin d’être de mode65. Et l’on peut se demander parfois s’il f
888
ici. Le scepticisme à son égard est encore loin d’
être
de mode65. Et l’on peut se demander parfois s’il faut vraiment souhai
889
s concours, les postes à briguer… Cette pensée-là
est
scientifique, mais dans un sens assez particulier : entendez qu’elle
890
, et qu’elle s’en voudrait d’embellir quoi que ce
soit
de ce qu’elle touche. « Le beau est la splendeur du vrai », récitera-
891
quoi que ce soit de ce qu’elle touche. « Le beau
est
la splendeur du vrai », récitera-t-elle parfois, mais en haine du bea
892
et pas un poids nouveau dans la balance, car elle
est
elle-même balance, pondération et non pesée, calibrage et non point m
893
non point matière. La question qui se pose alors
est
celle-ci : cet appareil, ce beau jeu de balances, est-il encore une a
894
celle-ci : cet appareil, ce beau jeu de balances,
est
-il encore une aide, ou devient-il une gêne pour l’acte créateur, pour
895
ne pour l’acte créateur, pour la pensée pesante ?
Est
-ce la subtilité de l’appareil qui est néfaste ? Faut-il en revenir à
896
e pesante ? Est-ce la subtilité de l’appareil qui
est
néfaste ? Faut-il en revenir à plus de grossièreté ? Mais le peut-on
897
ais faire observer un fait dont la reconnaissance
est
nécessaire avant toute tentative de réforme : le fait que la délicate
898
orme : le fait que la délicatesse de nos balances
est
excessive dans l’état où nous sommes. Je veux dire ceci : notre horlo
899
de nos balances est excessive dans l’état où nous
sommes
. Je veux dire ceci : notre horlogerie intellectuelle, tous ces rouage
900
nent le sérieux technique de la pensée, tout cela
est
devenu si délicat, si minutieux, si difficile à manier rapidement, qu
901
ils ont laissés dans leur tiroir, parce qu’ils ne
sont
pas portatifs, ou trop sensibles, ou trop vite affolés pour être prat
902
ifs, ou trop sensibles, ou trop vite affolés pour
être
pratiquement utilisables sur-le-champ… Posez à ces penseurs une quest
903
orcément à dénaturer le problème, pour peu que ce
soit
un problème vivant —, il arrive que les données changent, et que l’ur
904
t rendre justice aux balances, et pendant qu’on y
est
, aux poids et aux mesures. Certes, car eux aussi naquirent d’un acte
905
naquirent d’un acte autorisé. Si des penseurs se
sont
fait de leurs mains ces appareils de quelque utilité, nous saurons bi
906
vitesse de choc. La main qui connaît son outil n’
est
pas vulgaire si l’outil ne la mène. Encyclopédies et fichiers, répert
907
oindre mépris pour les balances, surtout si elles
sont
justes. Mais je demande qu’on prenne tous ces outils pour ce qu’ils s
908
mande qu’on prenne tous ces outils pour ce qu’ils
sont
, et non plus pour des règles et pour des normes de pensée. Or je cons
909
nition de cette pensée par elle-même, l’opération
est
parfaitement logique. Imaginez la révolte de la balance contre son cr
910
esées. La balance exigerait désormais que rien ne
soit
créé trop lourd ou trop léger pour elle. La raison d’être de tout ce
911
é trop lourd ou trop léger pour elle. La raison d’
être
de tout ce qui pèse, c’est maintenant, dirait-elle, d’être pesé. Cett
912
out ce qui pèse, c’est maintenant, dirait-elle, d’
être
pesé. Cette balance se croirait impartiale. Elle ne ferait qu’indique
913
sément s’expliquer : dans un monde où la vérité n’
est
plus justiciable d’aucune hiérarchie spirituelle reconnue, il n’est p
914
le d’aucune hiérarchie spirituelle reconnue, il n’
est
plus de critère objectif que dans les seules méthodes qui garantissen
915
science qui se croit une ascèse laïque, et qui n’
est
trop souvent qu’une impure abstraction. Cette Histoire qui prétend dé
916
te Histoire qui repousse un Rimbaud parce qu’il n’
est
le fils de personne, et le père de mauvais garçons68. Cette Histoire
917
ertie qui remonte le temps, toute déduite qu’elle
est
des politiques présentes ; cette Histoire qui n’en est pas une69 mais
918
es politiques présentes ; cette Histoire qui n’en
est
pas une69 mais qui figure la tyrannie scolastique la plus sournoise q
919
: elle ne s’en porte pas plus mal. Songez qu’elle
est
l’excuse de tout un régime ! Plus encore : d’une doctrine générale, d
920
ique populaire de l’inactualité. Pourtant, elle n’
est
guère qu’un des signes — certaine tolérance en est un autre — d’une p
921
st guère qu’un des signes — certaine tolérance en
est
un autre — d’une paralysie dont le germe circule dans le sang même de
922
c’est simplement le pédantisme. La scolastique n’
est
pas une invention récente ; ni les humeurs peccantes, ni la logomachi
923
ntité, après tant d’autres, pour ridicules qu’ils
soient
, ne sauraient constituer une atteinte bien grave à l’intégrité de l’e
924
Je l’ai dit, et je le répète : c’est parce qu’il
est
en apparence insaisissable, inoffensif, médiocre même, que le vertuis
925
des esclaves, encore que ces esclaves se trouvent
être
les maîtres, que l’État les décore, et que leurs mains s’étiolent d’i
926
nsée prolétarisée Un très petit fait spirituel
est
plus grand que la ruine des banques, s’il détient le secret de cette
927
une origine commune. De même que la crise sociale
est
suspendue à une certaine confusion du travailleur réel et responsable
928
s radicale, cette crise d’impuissance et de honte
est
suspendue à l’abdication de nos « maîtres » devant les normes et deva
929
mains, mains privées de pensées, si leur confort
fut
à ce prix, l’échéance s’annonce tragique. La loi de l’inertie peut ga
930
, elle accouche à la fin de sa crise. Et la crise
est
un jugement, comme l’indique l’étymologie. Elle est l’arrêt d’une imm
931
t un jugement, comme l’indique l’étymologie. Elle
est
l’arrêt d’une immanente loi. Nous y voici justement parvenus. Déjà l’
932
ont cru pouvoir s’en remettre à une fatalité qui
serait
dans les choses, ou dans les conditions de la pensée scientifique, da
933
re à une Fatalité qu’ils croyaient objective — il
est
vrai qu’elle les dispensait d’être sujets de leur pensée ! — à une Né
934
objective — il est vrai qu’elle les dispensait d’
être
sujets de leur pensée ! — à une Nécessité qu’ils croyaient déceler et
935
rogrès. — La technique a ses exigences. — Nous ne
sommes
pas le gouvernement. — Sauvegardons l’impartialité de l’intelligence.
936
egardons l’impartialité de l’intelligence. — Nous
sommes
des psychologues, non pas des moralistes. » Ces incroyants nous ont p
937
plus en plus pesants, cette pitoyable mythologie
est
à l’origine du désordre proclamé aujourd’hui dans toute l’économie de
938
Progrès nécessaire ? On oubliait que nécessaire n’
est
pas toujours suffisant. L’état présent du monde économique le fait bi
939
e labeur automatique, cette dichotomie qui devait
être
à la base de notre régime du travail, nul n’aurait pu la prendre en c
940
orce à se croire révolutionnaire, alors qu’elle n’
est
que la victime d’une erreur qu’elle partage en mille manières avec se
941
avec ses maîtres : elle aussi croit que l’argent
est
une fin, et le travail un moyen de « gagner », et le loisir un défici
942
auté nécessaire, et prolétarise l’élite. Car s’il
est
vrai que seule une douteuse délicatesse dénonce le danger présent dan
943
magnifique de nos instruments de pensée, et s’il
est
vrai en général que le danger n’est pas dans nos outils, mais bien da
944
nsée, et s’il est vrai en général que le danger n’
est
pas dans nos outils, mais bien dans la faiblesse de nos mains, il n’e
945
s, mais bien dans la faiblesse de nos mains, il n’
est
pas moins urgent de préciser qu’une pensée qui s’abandonne au rythme
946
nt tyran, le jour où celui qui l’a fait renonce à
tenir
les commandes. « Les autres forment l’homme, je le récite. » Les autr
947
es autres jouent, moi je marque les points. Je ne
suis
après tout que le gardien d’un appareil enregistreur dont je n’ai pas
948
ma pitié. On les décore comme devant, les chaires
sont
là, et les fauteuils sont là ; et la Coupole ignore tout ce qu’elle c
949
mme devant, les chaires sont là, et les fauteuils
sont
là ; et la Coupole ignore tout ce qu’elle couvre. Dirait-on pas que l
950
re. Dirait-on pas que la dignité de ces maîtres s’
est
même accrue depuis qu’ils portent la livrée ? Cela se sent, à de peti
951
t fissent de la politique ? — Certes, ils ne s’en
sont
pas privés. Mais c’est aussi leur plus mauvaise excuse. Ils ont fait
952
. Mais l’esprit n’a pas de pouvoir, s’il refuse d’
être
initiateur. L’esprit est impuissant sur les choses telles qu’elles vo
953
pouvoir, s’il refuse d’être initiateur. L’esprit
est
impuissant sur les choses telles qu’elles vont. Son unique puissance
954
choses telles qu’elles vont. Son unique puissance
est
d’impulsion originelle. Pourquoi ont-ils perdu ce pouvoir, perdu ce s
955
, d’une décision proprement religieuse. Mais il n’
est
pas encore temps d’en parler. Je voudrais faire ici, tout simplement
956
u’invente une science inhumaine par système. Il s’
est
formé en eux un complexe antipoétique, dont les explosions périodique
957
rais poètes, mais davantage parmi les lettrés qui
seraient
tentés de lire de la poésie. C’est bien une sorte de ressentiment — a
958
intempestives de l’esprit créateur. Au reste, il
est
extrêmement curieux de noter que cette attitude démissionnaire se tro
959
sérieux, distinguée de l’action et du risque qui
sont
peut-être les liens les plus concrets avec l’inconscient collectif, c
960
ue celui-ci fait verbalement. Or ces déclarations
sont
tout à fait inadéquates à la réalité populaire. Leurs termes sont emp
961
inadéquates à la réalité populaire. Leurs termes
sont
empruntés au vocabulaire des journaux, qui dérive de celui du parleme
962
aux qui firent la Sorbonne d’avant-guerre, et qui
étaient
ce qu’on peut imaginer de plus abstrait, de plus séparé des réalités
963
ment positiviste, de plus bourgeois. Leur langage
est
devenu celui des instituteurs et des comitards. Faute d’avoir vécu da
964
r jeu, par anxiété de faible ou par métier : tels
sont
les traits fondamentaux de la psychologie du clerc prolétarisé. C’est
965
stie pédante, dont le vrai but, même inconscient,
est
de rendre suspecte toute conclusion hardie ou simplement actuelle. (L
966
actuelle. (La virtuosité des philosophes français
est
la plus remarquable dans cet ordre. Ce sont de véritables Prêtres de
967
ançais est la plus remarquable dans cet ordre. Ce
sont
de véritables Prêtres de l’insoluble.) Séparé d’une certaine réalité
968
dont la vitalité le déconcerte, le clerc moderne
est
surtout séparé de lui-même et de son tragique. Sa probité intellectue
969
écitent correctement ! Mais dans leur style, tout
est
prudence, tout est refus, et mes affirmations ou mes questions seraie
970
t ! Mais dans leur style, tout est prudence, tout
est
refus, et mes affirmations ou mes questions seraient, à les en croire
971
t est refus, et mes affirmations ou mes questions
seraient
, à les en croire, naïves, prématurées, grossières, insuffisamment éta
972
osseries chuchotées. Que l’on pose des questions,
soit
, c’est là leur métier, mais pas de ces questions grossières qui contr
973
ié, de bonhomie ni de violence — ces trois vertus
seront
toujours liées — que doit s’adresser la pitié. La pensée sans doul
974
e et cette absence de pétulance intellectuelle ne
sont
encore qu’apparences psychologiques, et peut-être trompeuses. Ces pru
975
ogiques, et peut-être trompeuses. Ces prudents ne
sont
pas toujours sages, en effet. Vous les voyez parfois, perdant toute m
976
reste purement figurée, purement verbale. Car il
est
entendu que le verbe est la chose du monde qui s’incarne le moins ; l
977
purement verbale. Car il est entendu que le verbe
est
la chose du monde qui s’incarne le moins ; les plus primaires savent
978
, admet ainsi d’une part, que notre conduite peut
être
aliénée au premier automatisme venu, même moral, cependant que d’autr
979
punément à travers les systèmes. La philosophie n’
est
pas seule responsable d’un divorce que la nature humaine désire en pe
980
de toute sa lâcheté. Mais l’exemple de Descartes
est
l’un des plus mauvais qui aient été donnés au monde moderne. « Depuis
981
de Descartes est l’un des plus mauvais qui aient
été
donnés au monde moderne. « Depuis Descartes, ils ont tous cru, dit Ki
982
gtemps qu’ils pussent douter, si longtemps qu’ils
fussent
privés du droit d’affirmer rien de certain dans l’ordre de la connais
983
in dans l’ordre de la connaissance, cependant ils
seraient
en droit d’agir, car on s’y peut contenter de vraisemblances. La mons
984
nces. La monstrueuse contradiction ! Comme s’il n’
était
pas bien pire de commettre un acte qui vous laisse dans le doute (et
985
faire passer pour le bon sens même. L’industriel
est
-il en droit d’affirmer rien de certain touchant les fins dernières du
986
les fins dernières du progrès mécanique ? Il ne s’
est
même pas posé la question. Qu’il soit en théorie philanthrope ou même
987
ue ? Il ne s’est même pas posé la question. Qu’il
soit
en théorie philanthrope ou même chrétien, la coutume du temps veut qu
988
d’un Tolstoï ! mais la durée du monde, sa survie,
est
faite de telles compensations — cultivèrent ce défaut d’exigence éthi
989
e nos idéaux généreux et nos petites activités, s’
étant
manifesté avec quelque insistance depuis 1914, il apparaît que la que
990
nce depuis 1914, il apparaît que la question peut
être
reprise, sans trop de mauvais goût cette fois, par une génération que
991
ativement aisé. La pensée sans douleur, en effet,
est
d’abord une pensée systématique. Cet adjectif évoque dans nos esprits
992
ndent souffrir ceux qui réclament un État fort, n’
était
pas justement le fait de la pensée systématique, de la pensée qui dél
993
ensée systématique et cette délégation du choix n’
étaient
pas, d’autre part, l’origine réelle du concept de dictature que nos b
994
e et de ses plus profonds instincts ? Le problème
est
nouveau. Il est mieux qu’amusant. Les disciplines de la pensée pro
995
profonds instincts ? Le problème est nouveau. Il
est
mieux qu’amusant. Les disciplines de la pensée prolétarisée Le
996
rique se ramène à celle du primitif… » « La foi n’
est
pas autre chose que… », etc. Posez au clerc une question politique, i
997
ceci de commun qu’elles n’engagent à rien : elles
sont
purement descriptives. Mais n’allez pas les croire faciles pour autan
998
ossibilités affectives de l’homme moyen. Comme il
est
entendu que de telles qualités ne seront pas, de longtemps, réunies d
999
n. Comme il est entendu que de telles qualités ne
seront
pas, de longtemps, réunies dans un seul individu, le savant s’en voud
1000
xcès de la pensée distinguée.) Cependant, l’homme
est
ainsi fait qu’il ne décrit ou ne récite jamais une chose sans se décr
1001
e sans se décrire ou se réciter en même temps, ne
fût
-ce dans le meilleur cas, que par le style de sa description. Tout por
1002
modèles des yeux écarquillés parce que les siens
sont
tels. Ainsi les portraits peints par un Rembrandt sont bien davantage
1003
tels. Ainsi les portraits peints par un Rembrandt
sont
bien davantage pour nous une description du regard de Rembrandt, et p
1004
articularité de la nature humaine me paraît avoir
été
négligée par les penseurs du xixe siècle au cours de leur vaste entr
1005
de l’homme, et des moyens de décrire l’homme. On
est
alors en droit de se poser cette question : est-ce que le simple fait
1006
n est alors en droit de se poser cette question :
est
-ce que le simple fait d’avoir réduit l’activité intellectuelle à des
1007
rtaine carence de style et de pouvoir formateur ?
Est
-ce que toute leur histoire — je l’ai déjà noté — n’est pas une invers
1008
e que toute leur histoire — je l’ai déjà noté — n’
est
pas une inversion de la durée, une extension de notre propre absence
1009
absence de style, à des époques de grand style ?
Est
-ce que leur psychologie réductive, perfectionnée par Freud, n’est pas
1010
psychologie réductive, perfectionnée par Freud, n’
est
pas une manifestation de ressentiment religieux ? Et leur épistémolog
1011
connaître, c’est-à-dire de souffrir et d’aimer ?
Est
-ce que toute cette pensée distinguée ne suppose pas, en fin de compte
1012
réduire l’humanité à une image bien homogène, qui
serait
celle de la démission spirituelle de la pensée bourgeoise ? Nous touc
1013
de son activité qui va nous révéler que le cercle
est
vicieux. L’histoire, la psychologie, la philosophie telles qu’ils les
1014
rs ses présuppositions dès l’instant qu’elle doit
être
enseignée. En se vulgarisant, pour se vulgariser, elle se voit contra
1015
paralysantes. « Les autres forment l’homme… » Qui
sont
ces autres ? Nous le savons maintenant : ce sont ces lois nées du des
1016
sont ces autres ? Nous le savons maintenant : ce
sont
ces lois nées du dessaisissement de la pensée. On ne récite pas l’hom
1017
yse de la logique interne du désordre régnant, il
sera
bon d’insister quelque peu sur les suites politiques qu’elle implique
1018
ns, ou ne provoque certains refus dont les motifs
seraient
bien étrangers à la thèse que je soutiens. Si je passe outre à ce scr
1019
r exemple, les idées d’un lecteur sympathique, je
tiens
à marquer toutefois que le complexe auquel je touche ici n’est pour m
1020
toutefois que le complexe auquel je touche ici n’
est
pour moi qu’une conséquence accessoire des erreurs que je viens de dé
1021
qu’elle déclare indépendants de ses pouvoirs. Ce
sont
les lois de nos savants, correspondant au « ils » du peuple (d’où cet
1022
es primaires). L’élite bourgeoise ou prolétarisée
est
à la fois déterministe et libérale. Déterministe à cause des lois ; l
1023
é au jeu des lois. Le confort de cette position n’
est
pas niable, tant qu’il ne s’agit de rien d’autre que d’édifier, en ma
1024
e de l’homme idéal et du progrès. Mais nous avons
été
menés plus loin que le constat tout théorique — ou provisoire selon D
1025
. J’entends que les effets de cette séparation se
sont
manifestés et prolongés selon leur mécanique propre. Et nous voici pl
1026
ainsi rattraper le temps perdu à peu de frais. Ce
sont
des gants qui se retournent — sans devenir pour si peu des mains ! Se
1027
u’il me suffise ici de mentionner deux traits qui
sont
communs à la pensée bourgeoise et aux divers collectivismes. Le premi
1028
de la pensée devant les faits, abdication dont il
est
né et qu’il sanctionne. Doctrine apparemment contradictoire, en ceci
1029
trine apparemment contradictoire, en ceci qu’elle
est
la doctrine d’un mouvement décrit comme à la fois créateur et détermi
1030
miné. Mais ce paradoxe a cessé depuis longtemps d’
être
essentiel. Lorsqu’un marxiste, aujourd’hui, parle de dialectique, il
1031
es fascistes devant les lois biologiques, nous ne
sommes
pas rentrés pour si peu dans le concret, j’entends dans le conflit et
1032
onie triste de cette tristesse des moyennes qui n’
est
jamais mêlée de joie secrète, ni jamais secouée de sursauts de douleu
1033
ore de Marx et du concept hégélien de l’Histoire,
sera
probablement dépossédé et comme vidé par la petite bourgeoisie montan
1034
iste classée au rang de matière universitaire. Ce
serait
une erreur insondable que de croire le « danger matérialiste » écarté
1035
atérialiste » écarté pour autant. Car le danger n’
est
nullement là où le dénonce la frousse des propriétaires ; il est dans
1036
à où le dénonce la frousse des propriétaires ; il
est
dans l’esprit même de ces propriétaires, grands ou petits, dans leur
1037
maintient la nervosité partisane ? En vérité, il
est
grand temps d’au moins reconnaître une situation que nous pâtirions t
1038
rolétarisée en fait par ses abandons, se flatte d’
être
un jour reconnue en droit par ses répondants politiques. Car si la di
1039
la dictature que la démocratie des clercs mérite
est
exercée un jour par le prolétariat, selon leurs prévisions79 ; si, d’
1040
si la dictature, comme il faut bien le craindre,
est
exercée plutôt par la petite bourgeoisie, l’affaire est bonne encore,
1041
ercée plutôt par la petite bourgeoisie, l’affaire
est
bonne encore, et même à moins de frais. Laisser le monde aller son tr
1042
yeux fixés sur le déroulement de l’Histoire, ce n’
est
plus une erreur désormais, c’est une espèce de lâcheté. Qu’est-ce que
1043
erreur désormais, c’est une espèce de lâcheté. Qu’
est
-ce que ces façons de se présenter de dos à la lutte ? C’est une pauvr
1044
son train selon nos « lois » ; la loi du monde n’
est
pas la loi que nous tirons de notre défection au monde. La loi du mon
1045
rons de notre défection au monde. La loi du monde
est
que l’homme lutte contre le monde, en assumant le risque de sa propre
1046
umant le risque de sa propre perte. Oui, quel que
soit
le monde, et moi-même dans ce monde, je me dresserai contre lui et co
1047
s gagné ma mort. J’aurai vécu. Le sort du monde n’
est
pas dans les fatalités. Il est aux mains des seuls penseurs qui refus
1048
Le sort du monde n’est pas dans les fatalités. Il
est
aux mains des seuls penseurs qui refusent pesamment le monde — pour l
1049
mment le monde — pour le faire. Car ce refus nous
tient
debout et rassemblés. Et c’est là notre vocation d’hommes qui pensent
1050
ucoup de la force des choses. Elle oublie qu’il n’
est
d’action que par l’acte de l’homme, que par les mains de l’homme ; et
1051
éficience morale, dans tel refus précis dont nous
sommes
responsables aujourd’hui ? L’implication éthique de la serve pensée e
1052
rd’hui ? L’implication éthique de la serve pensée
est
seule passible d’une mise en question réelle, irritante et peut-être
1053
estion réelle, irritante et peut-être féconde. Où
sont
les responsables ? Ce ne sont pas des partis, ce ne sont pas des clas
1054
ut-être féconde. Où sont les responsables ? Ce ne
sont
pas des partis, ce ne sont pas des classes, ni des gouvernements et a
1055
s responsables ? Ce ne sont pas des partis, ce ne
sont
pas des classes, ni des gouvernements et autres mythes collectifs. Ce
1056
des gouvernements et autres mythes collectifs. Ce
sont
des hommes, un à un. Ramassons-les tous maintenant dans une imprécati
1057
sme, au conformisme, dans l’ignorance où on les a
tenus
de l’incommensurable, éternelle beauté de l’acte qui soudain, tendres
1058
une Providence insondée mais qui parle ! Oui, je
suis
de ceux-là jusque dans ma colère, déchiré par l’insurmontable ironie
1059
Et sinon je ne crierais point. Mais le silence n’
est
pas donné à l’homme par son effort. Le silence et l’intelligence pito
1060
on effort. Le silence et l’intelligence pitoyable
sont
l’œuvre seule du Pardon. J’assume l’anathème prononcé sur ceux que j’
1061
nguée, de sa révolte contre la condition qui nous
est
assignée, — créatrice ; tous ceux-là fondent, ici et maintenant, et d
1062
er soviétique ou fasciste, peu importe — ces noms
sont
insensés pour nous — l’État qui sanctionnera la lâcheté sociale par d
1063
. « Je dis cela peut-être trop souvent, mais ce n’
est
pas une raison pour que ce soit un mensonge », écrivait Nietzsche dan
1064
souvent, mais ce n’est pas une raison pour que ce
soit
un mensonge », écrivait Nietzsche dans Aurore. 57. Je ne vise ici qu
1065
littérature, mais qui se donnent pour ce qu’elles
sont
. 58. Théorie soutenue par certains intellectuels nationaux-socialist
1066
hode des historiens et philologues universitaires
furent
faussées dès le début par un parti pris politique, qui leur ôte tout
1067
ntroduction du bridge en Argentine (cet ouvrage a
été
fait) si l’on sait utiliser la méthode définie par l’école historique
1068
e siècle. Par contre l’Art poétique de Claudel n’
est
pas sérieux. Ainsi l’on met en doute à l’Université le sérieux d’un c
1069
ment a pour objectif réel, le diplôme. Le diplôme
est
l’ennemi mortel de la culture. » 68. Lanson accorde trois lignes à R
1070
dire, on appelle histoire, aujourd’hui, ce qui n’
est
guère qu’une théorie politique de l’évolution, fondée, c’est là son v
1071
rsitaire, positiviste et surtout hégélo-marxiste,
est
en réalité une création antihistorique (corrigée chez Marx par son em
1072
sent leurs déterminations pour des fins qu’ils se
sont
créées. Ainsi l’histoire véritable est-elle d’abord l’histoire des ac
1073
qu’ils se sont créées. Ainsi l’histoire véritable
est
-elle d’abord l’histoire des actes personnels, la geste, la suite des
1074
inus des vraies personnes. L’histoire humaine, ce
sont
les annales de l’homme. Mais l’histoire sérieuse d’aujourd’hui, c’est
1075
à son gré. C’est l’homme dont la vie matérielle n’
est
assurée — d’ailleurs médiocrement — qu’en échange de l’abandon de tou
1076
te, ne reste pas à l’abri de ce reproche. Si elle
est
tolérante à l’endroit de beaucoup d’hérésies, c’est qu’elle a cessé d
1077
i se cache sous son doute moral. Et que Descartes
est
avant tout un penseur dangereux. Un Maritain lui rend bien mieux just
1078
dans Alice au Pays des Merveilles.) 77. Mais qu’
est
-ce que le bourgeois comme tel ? C’est l’homme sans problèmes réels. E
1079
e tel ? C’est l’homme sans problèmes réels. Et qu’
est
-ce qu’un problème réel ? C’est une situation qui n’a pas d’autre issu
1080
st-à-dire des extrêmes. Quant aux moyennes, elles
sont
constituées, précisément, par tous nos refus des extrêmes : vérités d
1081
les par définition. Voilà pourquoi la bourgeoisie
est
d’autant plus parfaite, s’approche d’autant plus de son type idéal, q
1082
on type idéal, que la problématique des bourgeois
est
moins profonde. C’est la rançon d’un certain confort général. Et voil
1083
le doit faire sienne. Mais cette revendication ne
sera
justement humaine que si on la fonde sur les besoins concrets de la p
1084
ques de production. La notion de minimum de vie n’
est
d’ailleurs qu’une caricature du « Donne-nous chaque jour notre pain q
1085
tant par toute l’expérience humaine. La justice n’
est
pas si facile. Elle ne sort pas d’une mécanique. Elle ne peut qu’être
1086
Elle ne sort pas d’une mécanique. Elle ne peut qu’
être
créée. 80. Des réalistes nous diront : oui, mais les États totalita
1087
maladie de l’esprit et du cœur des citoyens, qui
est
mortelle. Mais certains hommes, enlevez-leur l’âme, non seulement ils
1088
evé l’âme, c’est un fait, je cours mieux, le cœur
est
plus solide, etc. »
1089
tu me dises ta pensée maîtresse, et non que tu t’
es
échappé d’un joug. Nietzsche. De même que toute conscience réelle d
1090
elconque possède un sens, il faut d’abord qu’elle
soit
en mouvement, ensuite qu’il y ait un but à ce mouvement. Tout mouveme
1091
un élan vers. C’est-à-dire qu’on peut le décrire
soit
comme résultant d’une tension donnée, soit comme obéissant à l’appel
1092
écrire soit comme résultant d’une tension donnée,
soit
comme obéissant à l’appel d’une fin. Soit par ses causes, soit par so
1093
donnée, soit comme obéissant à l’appel d’une fin.
Soit
par ses causes, soit par son but. Et lorsqu’on veut décrire un mouvem
1094
éissant à l’appel d’une fin. Soit par ses causes,
soit
par son but. Et lorsqu’on veut décrire un mouvement, ou quelque réali
1095
nd on parle de la situation. Sinon la description
est
insensée. J’ai décrit ce que je refuse, au nom d’une attitude finale.
1096
ème global de la culture : d’où vient-elle ? — qu’
est
-elle ? — où va-t-elle ? Si nous persévérons dans notre état, certaine
1097
eur ont dicté leurs réactions. Et cette crainte n’
est
pas théorique. Car si notre culture libérale se révèle impuissante à
1098
de sa mission, les jeunes empires qui la défient
sont
prêts à enregistrer cette carence historique. Tout dépend aujourd’hui
1099
ions nouvelles et en amorcer l’expérience. Ils se
sont
bornés jusqu’ici à proclamer la liberté de la pensée. Il serait temps
1100
jusqu’ici à proclamer la liberté de la pensée. Il
serait
temps qu’ils usent de cette liberté. Il serait temps, en particulier,
1101
Il serait temps qu’ils usent de cette liberté. Il
serait
temps, en particulier, que la France renoue sa vraie tradition, qui e
1102
ier, que la France renoue sa vraie tradition, qui
est
une tradition d’initiatives et de synthèses, et non pas de conservati
1103
rté de penser ne doit pas signifier que la pensée
est
libre au sens idéaliste, qu’on lui donne vacance, ou qu’elle n’a plus
1104
plus de condition concrète. La pensée qui agit n’
est
pas libre , mais au contraire libératrice. Et c’est une tâche révolut
1105
stes, pour que l’histoire dure, — après tout ce n’
est
pas cela qui nous importe — mais pour le salut de la pensée et pour q
1106
rière efficace et méconnue d’un siècle collectif.
Est
-ce à dire qu’une telle pensée n’ait d’autre fin que de conservation,
1107
plus chères. Je dis que la mission de la culture
est
de conduire une révolution qui, sinon, se fera contre elle. Faire la
1108
ès maintenant une mesure nouvelle, une mesure qui
soit
commune à la pensée et à l’action, à l’élite et au peuple que cette é
1109
on de la culture Si la démission de la culture
tient
, comme je l’ai démontré, à son refus d’agir et de se risquer dans les
1110
la pensée crée, la mission d’une culture nouvelle
sera
d’accepter le combat, d’assumer les conflits vitaux, et de les résoud
1111
prolétarisée nous a donc menés à ce point — il n’
est
question ni de s’en réjouir ni d’en gémir, mais de le bien voir — où
1112
émir, mais de le bien voir — où le choix qui nous
est
imposé n’est plus qu’entre vérités statistiques, et vérités personnif
1113
le bien voir — où le choix qui nous est imposé n’
est
plus qu’entre vérités statistiques, et vérités personnifiées. Ou enco
1114
i, et la réalisation héroïque d’une doctrine de l’
être
en acte. La vieille culture et ses succédanés récents s’en remettent
1115
remettent à l’état pour agir. La nouvelle culture
sera
celle qui exigera l’engagement du penseur en tant que penseur. Évolut
1116
t s’incarner dans notre génération. (Et déjà ce n’
est
plus qu’à notre situation géographique que nous devons de pouvoir tra
1117
ace pas encore à bout portant.) Søren Kierkegaard
est
probablement le penseur capital de notre ère. Je veux dire l’objectio
1118
la plus absolue, la plus fondamentale qui lui ait
été
faite. Si le caractère distinctif de la serve pensée — de la pensée s
1119
mique par exemple, ou bien à la sécurité morale —
est
d’être une pensée non éthique, ou supposant une éthique a posteriori,
1120
par exemple, ou bien à la sécurité morale — est d’
être
une pensée non éthique, ou supposant une éthique a posteriori, le car
1121
caractère décisif de sa pensée « existentielle »
est
au contraire l’a priori éthique. Kierkegaard est pour notre temps une
1122
est au contraire l’a priori éthique. Kierkegaard
est
pour notre temps une figure littéralement gênante, un appel presque i
1123
oins que le doute ne pourrait atteindre » Mais qu’
est
-ce que l’éthique ? Question non éthique, et qui manifeste seulement l
1124
n’y a de réalité qu’immédiate. Mais aussi rien n’
est
immédiat que dans l’acte qui joint la pesée à la résistance, la pensé
1125
e et objet témoignent de leur existence concrète,
sont
le concret. (Ou bien y aurait-il au monde une pesée sans résistance,
1126
r », la résistance devient « la matière », tout n’
est
que schème et abstraction. Hors de cet acte, règne l’absence. Et cett
1127
rs de cet acte, règne l’absence. Et cette absence
est
infinie. Car elle est le temps même, le mauvais temps qui me sépare d
1128
l’absence. Et cette absence est infinie. Car elle
est
le temps même, le mauvais temps qui me sépare du monde et confond tou
1129
ise ? Ainsi l’éthique récitative des distingués n’
était
qu’absence et remise à demain83. Quand un homme se dressait dans l’ex
1130
combattre, et qui vicie toute leur révolte… Qu’
est
-ce que l’acte ? À la pensée-balance, et au jugement à la remorque
1131
s mains désigne ainsi un acte dont j’ai dit qu’il
est
le concret. Nous sommes ici au cœur de la difficulté de notre entrepr
1132
un acte dont j’ai dit qu’il est le concret. Nous
sommes
ici au cœur de la difficulté de notre entreprise. Quel est cet acte ?
1133
u cœur de la difficulté de notre entreprise. Quel
est
cet acte ? Comment le définir ? Pourquoi l’appeler concret ? Ne serai
1134
ment le définir ? Pourquoi l’appeler concret ? Ne
serait
-il pas tout au contraire un mythe abstrait ? Ou simplement un acte de
1135
implement un acte de l’esprit, un jugement, et ne
serait
-ce pas alors un calembour que de l’assimiler à l’acte matériel qui co
1136
oux ? Je pourrais me borner à répondre que l’acte
est
quelque chose d’irrationnel ; que l’on ne peut pas le définir par des
1137
ve qu’en se produisant ; et surtout qu’il ne peut
être
décrit en général, puisqu’il n’existe jamais que hic et nunc et dans
1138
signifier une culture qui considère que l’action
est
indépendante de la pensée, et qu’elle subit des lois que la pensée do
1139
ner à décrire. Je répondrais qu’une telle culture
est
ou bien un mensonge intéressé, ou bien une de ces illusions qui se pa
1140
mé ce livre. Cependant la question demeure : quel
est
l’acte que désigne ma formule, et dont je dis qu’il est la mesure, le
1141
acte que désigne ma formule, et dont je dis qu’il
est
la mesure, le fondement de la culture apte à régir une communauté nou
1142
culture apte à régir une communauté nouvelle ? Il
est
bien vrai que l’acte est ce quid que l’on ne peut définir autrement q
1143
communauté nouvelle ? Il est bien vrai que l’acte
est
ce quid que l’on ne peut définir autrement qu’en le faisant. Il est b
1144
on ne peut définir autrement qu’en le faisant. Il
est
bien vrai que c’est à partir de l’acte qu’il faut définir toute chose
1145
rien d’actif. Mais la raison pourtant ne saurait
être
exclue de l’activité : elle ne suffit à rien, mais elle est nécessair
1146
de l’activité : elle ne suffit à rien, mais elle
est
nécessaire à presque tout. Surtout à l’écrivain qui parle de la cultu
1147
qui nous permettra seul de le décrire. Un acte n’
est
rien s’il ne comporte des effets. La somme de ses effets ne le défini
1148
ns que pose la maxime : penser avec les mains, ce
sera
la description des attitudes morales qui favorisent l’actualité de la
1149
ici à formuler quelques critères de la pensée qui
est
pensée avec les mains. Ce seront, si l’on veut, les « vertus » — ou «
1150
es de la pensée qui est pensée avec les mains. Ce
seront
, si l’on veut, les « vertus » — ou « valeurs » au sens nietzschéen —
1151
re cas non créatrices et non humaines. Car ce qui
est
proprement humain résulte d’un choix, d’un acte de foi à quoi ne peuv
1152
blèmes, les problèmes insolubles, ceux qu’il faut
être
un homme pour trancher. Tout le malheur de l’homme vient de ce qu’il
1153
s absolues. La première vertu d’une pensée active
sera
donc de s’attacher aux problèmes qui se posent et non pas à ceux que
1154
mmes qui se trompent ou qui nous trompent, ou qui
sont
faibles, — ou contre moi. Je le dis surtout contre certain esprit mod
1155
erot et Rousseau), toujours par le mépris où l’on
tient
les conditions de possibilité de la pensée. Dans ce complexe typiquem
1156
ils la prennent au tragique et crient comme s’ils
étaient
saisis d’une crampe. Je constate que les gens du peuple sont très peu
1157
d’une crampe. Je constate que les gens du peuple
sont
très peu différents des bourgeois, et que les régimes « populaires »
1158
’enthousiasme ou la haine pour un régime étranger
est
toujours le meilleur prétexte à ne pas bien regarder ce qui se passe
1159
du désir et de son acte. C’est pour cela que nous
sommes
si fiévreux et excessifs, pessimistes ou optimistes, cyniques ou démo
1160
aient pas à ces deux questions importantes : Cela
est
-il possible à l’homme dans ses limites charnelles ? Cela exige-t-il d
1161
mais par exemple dans la poésie. Que la poésie ne
soit
plus uniquement cet angélisme « démoniaque », cette nostalgie de l’in
1162
mune, nous toucherons enfin le vrai tragique, qui
est
celui du péché et de la foi. L’extrémisme théâtral et non sérieux qui
1163
sérieux qui excite aujourd’hui tant d’esprits, n’
est
encore qu’une affreuse mystification, dont le plus sûr effet est de n
1164
ne affreuse mystification, dont le plus sûr effet
est
de nous empêcher d’envisager les problèmes derniers. Je ne dis pas qu
1165
condition. Mais il nous faut apprendre que ce qui
est
exagéré est le contraire de ce qui est extrême. Les extrêmes nous tou
1166
ais il nous faut apprendre que ce qui est exagéré
est
le contraire de ce qui est extrême. Les extrêmes nous touchent, et c’
1167
que ce qui est exagéré est le contraire de ce qui
est
extrême. Les extrêmes nous touchent, et c’était pour les fuir que nou
1168
s. Deuxième vertu : la violence La violence
est
considérée par l’élite libérale d’aujourd’hui comme une brutalité, un
1169
s raisons, une espèce de mensonge insolent. Et il
est
vrai que la violence devient cela, dans un monde que la pensée abando
1170
fensifs. Et pourtant la violence véritable, qui n’
est
pas la brutalité, est proprement le fait de l’esprit, j’entends de l’
1171
a violence véritable, qui n’est pas la brutalité,
est
proprement le fait de l’esprit, j’entends de l’esprit créateur. Tout
1172
terre ou d’écrire un ouvrage dont la nécessité n’
est
sentie tout d’abord que par l’auteur qui l’imposera. Tout acte créate
1173
mme occidental, dont la tension particulière peut
être
définie ainsi : violence initiale et créatrice, contre-battue et ordo
1174
seule détruirait ses produits. La réalité vivante
est
dans le conflit.) Une pensée tendue vers l’action saura seule donner
1175
Passons sur l’impudeur de ces curiosités. Ce qui
est
plus grave, c’est qu’elle oublie — nécessairement — une « loi » humai
1176
tion courante du « théorique » et du « pratique »
est
en même temps l’origine et l’effet d’une pensée prolétarisée, non éth
1177
hique. Sa permanence au cours de toute l’histoire
serait
propre à me faire douter de l’entreprise que je poursuis ici, si je p
1178
nt, notre pensée se mit à mentir, à dire ce qui n’
est
pas et qu’on ne veut pas faire. Mais s’il est au pouvoir de la foi se
1179
i n’est pas et qu’on ne veut pas faire. Mais s’il
est
au pouvoir de la foi seule de supprimer radicalement l’hiatus entre l
1180
. Ils se figurent que l’exercice de cette liberté
est
gratuit, c’est-à-dire que la pensée n’a pas à se préoccuper de ses ef
1181
pensée n’a pas à se préoccuper de ses effets. Ils
seraient
au reste tout prêts à croire que les solutions par l’ingéniosité de l
1182
èce de lyrisme. Ils aiment à répéter que l’esprit
est
hors de pouvoir sur les choses ; ils le déplorent modérément, c’est l
1183
d bien. L’ignorance volontaire de cette situation
est
la seule garantie de ce qu’on nomme, par antiphrase, l’ordre bourgeoi
1184
u mieux : ils croient que les causes spirituelles
sont
sans effet dans le domaine de l’action, qui serait soumis à des déter
1185
sont sans effet dans le domaine de l’action, qui
serait
soumis à des déterminismes matériels dont ils ont cependant la faible
1186
hose curieuse, la vraie nature de l’autorité, qui
est
proprement spirituelle. Les uns et les autres ignorent qu’il ne peut
1187
mécanisme ; et qu’un système dont l’acte initial
est
une démission de ma pensée ou de mes mains ne produira jamais rien de
1188
Mens agitat molem dit le proverbe. Mais ce mens n’
est
pas l’esprit pur ! Il est l’acte d’un créateur dont toute pensée se f
1189
roverbe. Mais ce mens n’est pas l’esprit pur ! Il
est
l’acte d’un créateur dont toute pensée se forme en acte. Précisons en
1190
x soldats. Que cette force disparaisse, l’armée n’
est
plus une arme, entre les mains de l’État ou du chef, car les insignes
1191
l’État ou du chef, car les insignes du pouvoir ne
sont
plus rien, là où l’autorité défaille, comme le prouve la moindre expé
1192
s anarchiques de la nature. La vraie révolution n’
est
pas la prise du pouvoir, elle est d’abord l’affirmation d’une nouvell
1193
ie révolution n’est pas la prise du pouvoir, elle
est
d’abord l’affirmation d’une nouvelle autorité. Il est trop clair qu’u
1194
d’abord l’affirmation d’une nouvelle autorité. Il
est
trop clair qu’une telle autorité, une telle violence, ne sont pas l’a
1195
air qu’une telle autorité, une telle violence, ne
sont
pas l’apanage des élites modernes. Il faut rappeler pourtant que la s
1196
. Il faut rappeler pourtant que la seule raison d’
être
de ces élites était d’assurer la critique, l’exercice et la qualité d
1197
pourtant que la seule raison d’être de ces élites
était
d’assurer la critique, l’exercice et la qualité de l’autorité spiritu
1198
tsia devant les actes d’un Staline ou d’un Hitler
sont
plus honteuses encore qu’impuissantes. Ces deux hommes font peut-être
1199
tentent de penser avec leurs mains : si ces mains
sont
brutales, et la pensée qui les exerce encore abstraite, c’est que le
1200
nt. Résumons-nous : pour la pensée active, rien n’
est
pratique ou théorique, tout est concret au sens précis où j’entends c
1201
ée active, rien n’est pratique ou théorique, tout
est
concret au sens précis où j’entends ce mot. Le concret, c’est l’indiv
1202
de la pensée et de son geste. L’autorité de même
sera
l’indivision de la pensée et de ses risques. Et ce qui révélera dans
1203
Et ce qui révélera dans un auteur l’autorité, ce
sera
le sens de l’immédiate prise de l’esprit. Cependant nous sommes dans
1204
de l’immédiate prise de l’esprit. Cependant nous
sommes
dans le temps, et le temps nous sépare sans cesse de l’immédiat, de l
1205
du risque Pédagogie du risque : tout ce qui n’
est
pas dangereux est inutile ; tout ce qui est inutile se décompose et e
1206
gogie du risque : tout ce qui n’est pas dangereux
est
inutile ; tout ce qui est inutile se décompose et empoisonne ! Quand
1207
qui n’est pas dangereux est inutile ; tout ce qui
est
inutile se décompose et empoisonne ! Quand tu écris, il faut que ce s
1208
se et empoisonne ! Quand tu écris, il faut que ce
soit
à chaque instant comme si tu allais mourir, comme si tu allais vivre
1209
r cette limite, il faut y tendre sans relâche. Ne
fût
-ce que pour nous prémunir contre les tentations du réformisme. Et par
1210
es atteignent jamais l’axe du concret ? Elles lui
sont
parallèles à l’infini. Elles restent séparées de l’être en chacun de
1211
arallèles à l’infini. Elles restent séparées de l’
être
en chacun de leurs points, à chaque instant, parce qu’elles n’ont pas
1212
ant, parce qu’elles n’ont pas leur origine dans l’
être
. Parce qu’elles ne sont pas radicales. Parce que mes mains et ma pens
1213
t pas leur origine dans l’être. Parce qu’elles ne
sont
pas radicales. Parce que mes mains et ma pensée ne sont pas unies par
1214
as radicales. Parce que mes mains et ma pensée ne
sont
pas unies par ma vue, mais par mon acte ! Maximes infiniment inactuel
1215
ments contradictoires de l’être88. Parce qu’elles
sont
, dès leur origine et à jamais, sans nul pouvoir d’incarnation. Seule,
1216
nd à ma pensée sa gravité, son poids, sa raison d’
être
. Il me rappelle que la pensée en tant que telle n’est jamais séparabl
1217
Il me rappelle que la pensée en tant que telle n’
est
jamais séparable de sa création, qui la sanctionne au double sens du
1218
ent et définissent une liberté de la pensée qui n’
est
au vrai qu’une assurance contre toute espèce de sanction. Il est clai
1219
une assurance contre toute espèce de sanction. Il
est
clair que cette liberté-là, garantie par les lois de l’État, ne sera
1220
e liberté-là, garantie par les lois de l’État, ne
sera
jamais que servitude pour le penseur, s’il sait que la violence de sa
1221
la seule autorité valable. La liberté de penser n’
est
réelle que chez un homme qui a reconnu et qui accepte le danger de pe
1222
a reconnu et qui accepte le danger de penser. On
serait
parfois tenté de souhaiter qu’en France l’activité de l’esprit redevi
1223
urtout la « mise au pas » des dictatures. Mais ce
sont
là brimades extérieures, dont l’injustice ou la sottise ne confèrent
1224
e que je veux dire, c’est que le danger de penser
est
immédiat à l’acte de penser, qui se forge ses fatalités et qui se cré
1225
ropres risques et périls, si libéral que prétende
être
le régime. « La supériorité véritable produit elle-même la provision
1226
», dit Kierkegaard. Penser avec les mains ne peut
être
en tous temps qu’une activité subversive, non moins qu’ordonnatrice.
1227
vertu : l’originalité Incarnation et risque ne
sont
pas séparables. L’origine même de l’homme est dans un risque. Et le p
1228
ne sont pas séparables. L’origine même de l’homme
est
dans un risque. Et le progrès de l’homme n’est rien d’autre que l’app
1229
me est dans un risque. Et le progrès de l’homme n’
est
rien d’autre que l’approfondissement de son risque originel. Ce n’est
1230
l’approfondissement de son risque originel. Ce n’
est
point par la culture de l’« esprit » que l’individu se développe, mai
1231
és. C’est en ce sens que la pensée avec les mains
est
nécessairement une pensée originale, une pensée qui reproduit et qui
1232
térature moderne. Le principe de cette altération
est
d’ailleurs symbolique du relâchement que nous avons décrit. On établi
1233
origine. Partant de ce donné, et oubliant qu’il n’
est
rien d’autre qu’un abandonné, on appelle original tout ce qui manifes
1234
croit la révolution « fatale ». Et la question n’
est
plus que de l’accommoder. On l’assimile par exemple au désir de nouve
1235
ais vu. C’est un exotisme de plus. Ou sinon, ce n’
est
pas la peine ! Tel écrivain refuse de s’engager dans l’action politiq
1236
u’ils savent ! (Et je pense qu’à ceux-là seuls il
est
donné ce qu’ils ne cherchaient pas d’abord, une connaissance plus rée
1237
qui résulte pratiquement de confusions pareilles
est
, hélas ! la plus vulgaire et la plus déprimante résistance que rencon
1238
jà beaucoup pensent que la révolution ne pourrait
être
faite qu’avec des mains brutales, et non du bout des doigts. (Et pour
1239
omme toute réaction à ce qui la provoque…) Ce qui
est
véritablement créé et créateur, ce qui possède une véritable nouveaut
1240
r, ce qui possède une véritable nouveauté90, ce n’
est
pas ce qu’on dit, ou ce qu’on pense, ni même ce qu’on gesticule pour
1241
e fois ; mais bien ce qui, pour la première fois,
est
acte dans une vie. Cela peut être quelque chose de très ancien91 : c’
1242
a première fois, est acte dans une vie. Cela peut
être
quelque chose de très ancien91 : c’est toujours quelque chose qui rem
1243
ssion en général. Le souci de savoir ce qu’on dit
est
un des moindres de l’époque. Il paraît même décroître dans la mesure
1244
croît la quantité des discours, des journaux. Ce
serait
donc le premier office d’une pensée modestement technique, mais serva
1245
origines de nos mots. L’étymologie pourrait bien
être
une des sciences les plus subversives de l’âge du papier imprimé ! Ma
1246
ubversives de l’âge du papier imprimé ! Mais ce n’
est
là qu’un aspect d’un problème plus vaste. Penser avec les mains suppo
1247
, et non seulement dans le domaine de la culture,
est
d’abord une question de mots. On demande des mots d’ordre ? Encore fa
1248
s vocables. Mais pourquoi donc ont-ils cessé de l’
être
? On dit : le mot est le corps de l’idée. Acceptons provisoirement ce
1249
oi donc ont-ils cessé de l’être ? On dit : le mot
est
le corps de l’idée. Acceptons provisoirement cette expression douteus
1250
ur le rapport de vie ou de mort qui unit l’homme,
être
pensant, à son langage. Le mot, corps d’une idée qui serait l’âme de
1251
sant, à son langage. Le mot, corps d’une idée qui
serait
l’âme de cette combinaison ? De fait, vit-on jamais âme sans corps, o
1252
et corps, c’est à la suite d’un relâchement de l’
être
, d’une faute originelle. La distinction entre mot et idée est sa cons
1253
aute originelle. La distinction entre mot et idée
est
sa conséquence immédiate. Partons de cette distinction comme d’un fai
1254
l l’acte de les réunir peut, dans l’instant qu’il
est
donné, combattre ce péché qui, sitôt après, reparaît. C’est à de tels
1255
ui nous dissout ; de durer malgré la durée. Notre
être
véritable est donc discontinu : nous ne sommes que par instant vraime
1256
; de durer malgré la durée. Notre être véritable
est
donc discontinu : nous ne sommes que par instant vraiment humains. Et
1257
otre être véritable est donc discontinu : nous ne
sommes
que par instant vraiment humains. Et nous avons à conquérir sans cess
1258
muette et qui témoigne de notre humanité. Rien n’
est
, que ce qui s’exprime. Cette définition, absolue à l’origine, ne peut
1259
e. Cette définition, absolue à l’origine, ne peut
être
, dans l’état présent, que d’un usage dialectique. Elle réunit, en une
1260
phrase, en un seul geste, deux aspects du réel, l’
être
et l’expression, entre lesquels le temps, l’espace et toutes les limi
1261
ndition recréent sans cesse une différence. Que l’
être
et l’expression ne soient point séparables, c’est une des exigences c
1262
sse une différence. Que l’être et l’expression ne
soient
point séparables, c’est une des exigences constitutives de l’humain.
1263
, dans la mesure où il voudrait l’humaniser. Tout
être
vivant porte le nom qu’Adam lui a donné avant sa chute. Et c’est ains
1264
lui a donné avant sa chute. Et c’est ainsi qu’il
est
pour l’homme une aide vivante, un être avec lequel l’homme peut entre
1265
ainsi qu’il est pour l’homme une aide vivante, un
être
avec lequel l’homme peut entretenir des rapports conformes à sa natur
1266
orts conformes à sa nature originelle. Mais que l’
être
et l’expression, en fait, aient été et soient de plus en plus séparés
1267
. Mais que l’être et l’expression, en fait, aient
été
et soient de plus en plus séparés, que le langage puisse dire ce qui
1268
que l’être et l’expression, en fait, aient été et
soient
de plus en plus séparés, que le langage puisse dire ce qui n’est pas,
1269
plus séparés, que le langage puisse dire ce qui n’
est
pas, et ne puisse pas toujours dire ce qui est, cela ne signifie pas
1270
n’est pas, et ne puisse pas toujours dire ce qui
est
, cela ne signifie pas que nous ayons le droit de spéculer impunément9
1271
se résout en acte, et tout acte, nous l’avons vu,
est
à contre-courant, à contretemps, à contre-espace. Ainsi l’homme reste
1272
qu’il s’offre au jugement dans son intégrité. Je
tiens
cette ascèse à la fois pour humaine et pour conforme à l’ordre chréti
1273
onforme à l’ordre chrétien tel que cet ordre nous
est
adressé ; l’autre ascèse, antihumaine et spiritualiste — celle qu’att
1274
’attaque Nietzsche dans Généalogie de la Morale —
étant
plutôt conforme à l’ordre religieux tel que, pécheurs, nous prétendon
1275
l’organiser pour notre usage. L’ascèse chrétienne
est
une lutte contre le péché même, en son principe, lutte qui se sait sa
1276
sait sans fin dans cette vie, et dont la mesure n’
est
jamais dans aucun résultat en soi, mais seulement dans l’acte rédempt
1277
ute lutte contre certains effets du péché, qui ne
serait
pas une lutte contre son principe même. Par exemple, tout ce qui voud
1278
l’âme, ou l’inverse, alors que la racine du mal n’
est
ni dans l’un ni dans l’autre, mais dans leur séparation. Une telle as
1279
s que la durée, et c’est sans doute pourquoi elle
est
capable d’un progrès visible dans ses résultats ! Mais au terme de ce
1280
résents de la séparation qu’il faut combattre, ce
sont
d’une part les idées, et de l’autre les mots. Bornons-nous à cela qui
1281
de l’autre les mots. Bornons-nous à cela qui nous
est
immédiat, tandis que j’écris et tandis que vous lisez. Comment réduir
1282
administration, même révolutionnaire, il faudrait
être
sûr qu’à l’origine de l’entreprise prévale un parti pris de style, un
1283
gage, on l’a tellement décontenancé ! L’idéal, ce
serait
de rendre les mots dangereux, je dirai même insupportables, joyeuseme
1284
ise uniquement à désigner l’acte d’incarnation qu’
est
penser avec les mains. Or cet acte en définitive est un mystère, le m
1285
penser avec les mains. Or cet acte en définitive
est
un mystère, le mystère même de la Communion. On peut le désigner par
1286
tion, c’est-à-dire de transformation du monde. Ce
sont
le conformisme et l’évasion. Il est probable que la plupart des homme
1287
du monde. Ce sont le conformisme et l’évasion. Il
est
probable que la plupart des hommes n’ont même jamais conçu clairement
1288
jamais conçu clairement qu’une troisième attitude
est
possible, vis-à-vis de la réalité. Et cela se comprend : il y a si pe
1289
de tons purs dans le détail de l’existence, tout
est
tellement mêlé, et qui peut se flatter d’obéir en tout temps à une se
1290
une vie, c’est son parti pris dominant.) On peut
être
conformiste par faiblesse, parce que l’on est vaincu, jusque dans ses
1291
ut être conformiste par faiblesse, parce que l’on
est
vaincu, jusque dans ses désirs, par le milieu. On peut être conformis
1292
u, jusque dans ses désirs, par le milieu. On peut
être
conformiste pour se tenir à l’abri du concret, s’il est vrai que le c
1293
, par le milieu. On peut être conformiste pour se
tenir
à l’abri du concret, s’il est vrai que le concret est ce qui appelle
1294
nformiste pour se tenir à l’abri du concret, s’il
est
vrai que le concret est ce qui appelle une décision, dont l’abandon à
1295
à l’abri du concret, s’il est vrai que le concret
est
ce qui appelle une décision, dont l’abandon à l’habitude dispense. C’
1296
asion. Il y a aussi un conformisme cynique, qui n’
est
qu’une évasion par l’intérieur, une ironie perpétuelle et désabusée.
1297
le et désabusée. Il y a enfin la manière banale d’
être
non conformiste, qui est l’évasion proprement dite, et la révolte nég
1298
fin la manière banale d’être non conformiste, qui
est
l’évasion proprement dite, et la révolte négatrice. On voit que le co
1299
se joue dans nos limites charnelles. Mais ce qui
est
sûr, c’est que le conformisme et l’évasion s’opposent absolument à l’
1300
’acte d’incarnation d’une pensée ; car celui-ci n’
est
pas une évasion puisqu’il cherche toujours son point d’appui dans le
1301
d’appui dans le concret d’une situation ; et il n’
est
pas non plus un conformisme, puisqu’il n’assume cette situation que p
1302
s appellerons dès lors incarnation un acte qui ne
sera
réductible ni à un conformisme, ni à une évasion, et qui de plus, c’e
1303
véracité. Toutefois, la véracité d’un créateur n’
est
pas une simple récitation. Il ne s’agit pas seulement de décrire ce q
1304
ion. Il ne s’agit pas seulement de décrire ce qui
est
, il faut décrire ce qui doit être, ce que l’on veut qui soit, mais qu
1305
e décrire ce qui est, il faut décrire ce qui doit
être
, ce que l’on veut qui soit, mais qui n’est pas encore, ce que l’on fa
1306
ut décrire ce qui doit être, ce que l’on veut qui
soit
, mais qui n’est pas encore, ce que l’on fait vrai. La probité techniq
1307
doit être, ce que l’on veut qui soit, mais qui n’
est
pas encore, ce que l’on fait vrai. La probité technique ne saurait do
1308
robité technique ne saurait donc suffire, si elle
est
nécessaire. C’est l’imagination qui forme le langage en puissance d’a
1309
nous indiquera au moins ce qu’ils ne doivent pas
être
. Il existe une espèce d’imagination que l’on peut qualifier de confor
1310
uider par des formes, des usages, des lois qui ne
sont
en réalité que les résidus de créations anciennes. L’esprit s’y engag
1311
. Disons pour fixer les idées : cette imagination
est
celle de l’homme d’affaires moyen, ou encore du journaliste à la rech
1312
humiliantes que lui imposerait le réel tel qu’il
est
, il s’échappe dans l’imagination d’actions impossibles et flatteuses.
1313
ilisent à bon escient. C’est ce dernier trait qui
est
grave. En vérité, c’est cette littérature — celle du film, celle du j
1314
e du film, celle du journal, celle du roman — qui
est
l’opium des peuples incroyants. La mauvaise qualité de la langue des
1315
r nous borner à cet aspect de leur production — n’
est
de leur part qu’une habileté souvent consciente. Entre deux mots qui
1316
e cela fait plus poétique. Il croit que la poésie
est
dans ce qui ressemble à la poésie, et non pas dans ce qui tient au ré
1317
qui ressemble à la poésie, et non pas dans ce qui
tient
au réel, souvent « laid ». Et c’est ainsi que le style d’évasion rejo
1318
prises qui joint avec témérité deux idées ou deux
êtres
nés de milieux hostiles, et conclut, comme à la volée, ces mariages l
1319
es plus indissolubles et les plus féconds d’avoir
été
sacrés dans un double arrachement ! Mais le retour aux origines n’est
1320
ouble arrachement ! Mais le retour aux origines n’
est
qu’un moyen de retremper nos armes pour un combat dont l’enjeu est à
1321
e retremper nos armes pour un combat dont l’enjeu
est
à venir. Imaginer, c’est voir le but, c’est voir le tout, qu’il s’agi
1322
t humain, et que j’appelle la personne, penser ce
sera
toujours tendre concrètement vers une fin anticipée par l’imagination
1323
ion, et sa vision. Penser, exprimer sa pensée, ce
sera
toujours créer les voies qui conduisent au but dernier. Ce sera pense
1324
créer les voies qui conduisent au but dernier. Ce
sera
penser à partir de la fin. L’étymologie grecque du mot idée, c’est le
1325
ne vision. Certes, penser, c’est partir d’où l’on
est
pour aller où l’on voit qu’il faudrait être. Mais si je dis que pense
1326
ù l’on est pour aller où l’on voit qu’il faudrait
être
. Mais si je dis que penser, c’est partir de la fin, c’est que l’appel
1327
d’une vision créatrice du monde. Une telle vision
est
primordiale, comme celle de Jean à Patmos ; c’est-à-dire qu’elle écla
1328
acte. Elle apparaît au point le plus profond de l’
être
, qui est aussi la pointe extrême de sa manifestation, le point ébloui
1329
apparaît au point le plus profond de l’être, qui
est
aussi la pointe extrême de sa manifestation, le point éblouissant de
1330
celui qui le détient en vienne à s’exprimer, il n’
est
pas sûr que son style écrit traduira les catégories dans lesquelles i
1331
ns lesquelles il existe en réalité. Ou plutôt, il
est
presque certain qu’il les traduira dans les formes qui les trahissent
1332
crire sans tenir compte de nos données concrètes,
soit
que nous sacrifiions à un académisme, soit que nous oubliions les fin
1333
rètes, soit que nous sacrifiions à un académisme,
soit
que nous oubliions les fins communes de la pensée. J’entends par donn
1334
qui poussent un homme à écrire, quelles qu’elles
soient
; le public auquel il s’adresse ; le genre d’action qu’il entend exer
1335
et attester en particulier, que leur vocabulaire
est
adapté aux fins qu’ils déclarent poursuivre, que leur style est condi
1336
fins qu’ils déclarent poursuivre, que leur style
est
conditionné par leur action, par la structure même des problèmes qu’i
1337
ut, et les conduit sur un terrain qui forcément n’
est
pas le leur, n’est pas celui qu’ils avaient à défendre, et n’est plus
1338
sur un terrain qui forcément n’est pas le leur, n’
est
pas celui qu’ils avaient à défendre, et n’est plus, au sens littéral,
1339
, n’est pas celui qu’ils avaient à défendre, et n’
est
plus, au sens littéral, qu’un no man’s land. Pareillement, les armées
1340
’s land. Pareillement, les armées européennes qui
sont
toutes organisées pour l’offensive et l’agression sont au service d’É
1341
toutes organisées pour l’offensive et l’agression
sont
au service d’États qui prétendent tous n’avoir que des buts défensifs
1342
succès en des conflits non moins stériles, s’ils
sont
évidemment moins meurtriers. Comment un Gide ne voit-il pas que les m
1343
s rencontrer ni prises ni créance ? Cependant, il
est
clair que le style est justement cela qui, dans une œuvre, est contag
1344
ni créance ? Cependant, il est clair que le style
est
justement cela qui, dans une œuvre, est contagieux. Si le style est d
1345
le style est justement cela qui, dans une œuvre,
est
contagieux. Si le style est de l’homme même, on peut dire plus précis
1346
qui, dans une œuvre, est contagieux. Si le style
est
de l’homme même, on peut dire plus précisément qu’il est de l’action
1347
l’homme même, on peut dire plus précisément qu’il
est
de l’action même, de la personne en exercice. De même que la personne
1348
Le style qu’il faut à une pensée communautaire ne
sera
pas forcément un style « populaire », car le peuple qui sort des écol
1349
populaire », car le peuple qui sort des écoles n’
est
plus le peuple populaire ; Péguy l’a dit : il lit trop de journaux. (
1350
données concrètes de la révolution nécessaire ne
sont
d’ailleurs pas dans les mains du peuple en tant que classe. Elles son
1351
ans les mains du peuple en tant que classe. Elles
sont
dans les mains des hommes, d’où qu’ils sortent, qui ont compris que l
1352
ent, qui ont compris que la révolution ne saurait
être
faite que par et pour ce qu’il y a de plus humain dans l’homme, la pe
1353
ui s’engage dans leur lecture éprouve de tout son
être
la présence d’une réalité éthique immédiate à chaque progrès du disco
1354
Alors, n’acceptons-nous plus un seul maître ? Ce
serait
oublier ceux qui nous ont appris à nous méfier des maîtres. Je viens
1355
en nommer quelques autres : Pascal dont la phrase
est
brisée par cette raison qui brise la raison ; Descartes, dont la limp
1356
ilisations dont nous connaissons la chronique, il
est
frappant de voir qu’ils n’ont imaginé qu’un assez petit nombre de mes
1357
lle et les Allemands une mesure populaire, qui ne
sont
encore que des raisons d’État, perfectionnées infiniment par la techn
1358
estige de l’Église catholique, et son miracle, ce
fut
d’unir entre ses mains, durant des siècles, l’autorité spirituelle et
1359
bien produire des millions de machines, mais ils
seront
impuissants à les utiliser pour l’homme, au bénéfice de son humanité.
1360
me, au bénéfice de son humanité. Secondement, ils
seront
impuissants à restaurer le prestige de l’Europe, qui tenait à l’espri
1361
uissants à restaurer le prestige de l’Europe, qui
tenait
à l’esprit créateur de ses élites intellectuelles. Si nous voulons re
1362
qui crée et qui éduque. Les vertus qu’il suppose
sont
concevables ; leur lieu commun, définissable : c’est l’acte d’incarna
1363
l’État : voilà des signes matériels de la mesure.
Est
-il possible de leur opposer dès maintenant un signe aussi grandiose,
1364
tion parfois séculaire des pouvoirs. Et nous n’en
sommes
qu’aux premiers cris. Si nous parvenons aujourd’hui à prendre une con
1365
qu’elles nous imposent dans la situation où nous
sommes
, peut-être aurons-nous fait ce que devait faire notre génération. C’e
1366
ale qui nous obsèdent. Individu et masses, telles
sont
les déviations d’une tradition qui se fondait sur la personne. Privat
1367
e fondait sur la personne. Privation du pouvoir d’
être
une personne responsable, tel est le secret de l’angoisse individuell
1368
n du pouvoir d’être une personne responsable, tel
est
le secret de l’angoisse individuelle et de la révolte des masses. Ret
1369
la révolte des masses. Retour à la personne, tel
est
le sens de la philosophie « existentielle » sous toutes ses formes, e
1370
s communautaires du principe personnel, tel qu’il
est
défini d’une manière à peu près unanime par tous les écrivains qui s’
1371
peu près unanime par tous les écrivains qui s’en
sont
occupés97. La personne, c’est pour nos contemporains la découverte no
1372
ciété, l’État, les lois, la pensée et l’action, n’
étaient
pas le vrai centre de l’homme, qui est la personne ; et que pour cett
1373
ion, n’étaient pas le vrai centre de l’homme, qui
est
la personne ; et que pour cette seule raison, la société, l’État, les
1374
’homme même, à la personne. Mais cette révolution
est
la plus difficile de toutes. Ses premières manifestations tangibles,
1375
ne. D’où il suit que toute l’agitation du monde n’
est
rien de plus qu’une certaine question qui m’est adressée, et qui ne s
1376
n’est rien de plus qu’une certaine question qui m’
est
adressée, et qui ne se précise en moi qu’à l’instant où elle me contr
1377
nt où elle me contraint à l’acte. Peut-être qu’il
est
inutile de rien savoir du monde et de son train, des sciences, des fa
1378
des accidents, des inventions, des religions, des
êtres
, si ce savoir n’est pas pour moi, à un tel moment, un ordre ou une te
1379
entions, des religions, des êtres, si ce savoir n’
est
pas pour moi, à un tel moment, un ordre ou une tentation. Quand cesse
1380
rons-nous d’agiter des problèmes qui n’ont jamais
été
notre problème ? Car un problème n’est jamais réel que pour celui qui
1381
ont jamais été notre problème ? Car un problème n’
est
jamais réel que pour celui qui peut l’incarner dans sa vie, le résoud
1382
dire : « La solution des grands problèmes sociaux
est
une question de morale individuelle. » L’originalité d’une morale ind
1383
cécité et de mutisme. Par ailleurs, elle pourrait
être
aussi laïque ou religieuse qu’on voudrait. Mais l’individu a vécu. Ce
1384
u’on voudrait. Mais l’individu a vécu. Ce mythe n’
est
plus à craindre que sous sa forme négative : le collectif. Ramener la
1385
onstater que la question sociale, en tant qu’elle
est
concrète, c’est-à-dire en tant qu’elle exige de chacun une réponse, n
1386
rises avec son entourage humain98. Ses données me
sont
extérieures, certes. Mais je n’ai pas à les connaître autrement que p
1387
qu’elles m’adressent ; et cette question ne peut
être
concrète — et ne peut être un conflit véritable — que si c’est un aut
1388
cette question ne peut être concrète — et ne peut
être
un conflit véritable — que si c’est un autre homme, en face de moi, q
1389
utre homme, en face de moi, qui me la pose. Qu’il
soit
là, proche ou lointain, à portée de ma main, à portée de mes yeux, à
1390
te pourvu que cette prise, cette vue, cette image
soient
pour moi le tu qui questionne, dans l’instant. La personne est le fon
1391
le tu qui questionne, dans l’instant. La personne
est
le fondement de la communauté, en ceci qu’elle est l’acte par lequel
1392
st le fondement de la communauté, en ceci qu’elle
est
l’acte par lequel l’individu répond à la question que lui pose son pr
1393
prochain. Et à l’inverse, le but de la communauté
est
de permettre à tous les hommes d’assumer leurs responsabilités, c’est
1394
és, c’est-à-dire de devenir des personnes. Telles
sont
les deux idées polaires qui sous-tendent l’édifice personnaliste. Rie
1395
s des jugements historiques pour lesquels nous ne
serons
jamais assez documentés, ramenons cet examen à une grammaire de la pe
1396
œu humain paraît comblé… Et l’on croirait qu’il l’
est
à les entendre, si certains spectacles de masses ne nous rendaient un
1397
égitime… Une fois de plus, je rappellerai qu’il n’
est
pas question dans ces pages de « condamner » des « erreurs » étrangèr
1398
re vieille sagesse. Le nous national-socialiste n’
est
pas seulement un concept philosophique, il correspond à la réalité pr
1399
religions. Mais ce que nous pouvons faire, et qui
est
utile, c’est de discuter les propositions générales et théoriques que
1400
s conditions, ce nous qu’on nous propose pourrait
être
autre chose qu’une moyenne entre le je des libéraux et le ils des col
1401
ivistes ? Selon nos mœurs et notre vocabulaire, n’
est
-il pas, lui aussi, un être « abstrait », ne laisse-t-il pas le champ
1402
et notre vocabulaire, n’est-il pas, lui aussi, un
être
« abstrait », ne laisse-t-il pas le champ libre à la mécanique étatis
1403
il pas le champ libre à la mécanique étatiste qui
tient
lieu d’ordre dès que l’homme renonce à assumer personnellement son ri
1404
u « prochain » ? Pour nous « l’erreur fasciste »
est
peut-être plus grave que les erreurs qu’elle combat, parce qu’elle fi
1405
des personnes responsables. Mais la communauté n’
est
rien de plus que les personnes : elle n’est que l’expression des rapp
1406
uté n’est rien de plus que les personnes : elle n’
est
que l’expression des rapports personnels. Elle a son centre en chacun
1407
ne des personnes qui la composent, et ne peut pas
être
définie par autre chose que par ce centre (par exemple, par l’État, o
1408
(par exemple, par l’État, ou par le Parti). Elle
est
le rayonnement de l’acte qui unit deux hommes par un lien d’entraide
1409
s en tant que différents, chacun faisant ce qu’il
est
le seul à pouvoir faire pour tous les autres — et non point en tant q
1410
transformer en un « état » alors qu’elle devrait
être
un acte. C’est faire simplement abstraction de la tension, de la resp
1411
le je et le tu considérés d’un point de vue qui n’
est
plus ni celui de l’un ni celui de l’autre, c’est-à-dire considérés da
1412
isonniers de ce rapport, le nous. Le groupe ainsi
est
défini par l’extérieur, disons par sa circonférence. Et comme le veut
1413
circonférence. Et comme le veut la géométrie, il
est
plus grand que chacun des éléments qui le composent. Il s’arroge des
1414
érations. Les hommes qui constituent ce groupe ne
sont
plus des hommes totalement « humains » puisque l’un des pôles de leur
1415
lement « humains » puisque l’un des pôles de leur
être
n’est plus visible ni concret, échappe aux prises de leurs mains. Pou
1416
« humains » puisque l’un des pôles de leur être n’
est
plus visible ni concret, échappe aux prises de leurs mains. Pour chac
1417
x prises de leurs mains. Pour chacun d’eux, le tu
est
devenu le nous, c’est-à-dire a cessé d’être une question directe, il
1418
le tu est devenu le nous, c’est-à-dire a cessé d’
être
une question directe, il a cessé d’être un des pôles de la personne.
1419
a cessé d’être une question directe, il a cessé d’
être
un des pôles de la personne. Car en effet le nous n’est rien qu’un bi
1420
des pôles de la personne. Car en effet le nous n’
est
rien qu’un biais : c’est un tu sans visage qui vient se confondre ave
1421
s ont fait erreur sur la personne. Si la personne
est
au principe la mise en question d’un je par un tu, donc une rencontre
1422
r qu’ils puissent se rencontrer hors d’eux-mêmes,
fût
-ce au-dessus d’eux-mêmes, dans le nous (la Gesamtperson). Pour nous a
1423
concrète, et élémentaire de la communauté, je ne
suis
plus un isolé ; pourtant je reste un solitaire. De l’héroïsme C
1424
’opère la communion réelle de l’acte. La personne
est
un lieu d’héroïsme, et cela signifie qu’elle est le lieu, l’origine e
1425
est un lieu d’héroïsme, et cela signifie qu’elle
est
le lieu, l’origine et la fin de toute incarnation, de toute création,
1426
n, de toute création, de tout risque. La personne
est
aussi, par conséquent, l’individu moral et social par excellence ; ma
1427
el d’un je et d’un tu, ne rendent pas compte de l’
être
personnel. Penser en acte, ce n’est pas « descendre au social », ni d
1428
compte de l’être personnel. Penser en acte, ce n’
est
pas « descendre au social », ni davantage trahir l’esprit pour des fi
1429
e l’héroïsme personnel. Un siècle bourgeois comme
fut
le xixe , n’osait imaginer de réalisations que sociales : car il faut
1430
s d’héroïsme collectif. Le héros, par définition,
est
toujours seul. (C’est peut-être pourquoi le bourgeois — l’homme du bo
1431
être pourquoi le bourgeois — l’homme du bourg — n’
est
pas un héros, ou cesse d’être un bourgeois quand il devient un héros.
1432
l’homme du bourg — n’est pas un héros, ou cesse d’
être
un bourgeois quand il devient un héros.) Précisons : réaliser une pen
1433
un héros.) Précisons : réaliser une pensée, ce n’
est
pas seulement la mettre à exécution — ce qui pourrait signifier aussi
1434
ssi bien la condamner à mort et l’extirper de son
être
, fût-ce pour l’introduire dans l’Histoire. C’est avant tout devenir c
1435
en la condamner à mort et l’extirper de son être,
fût
-ce pour l’introduire dans l’Histoire. C’est avant tout devenir cette
1436
ffaire de solitude menacée. Une pensée et une vie
sont
aux prises : qu’on les laisse donc seules à ce débat silencieux et ob
1437
t avaler les idées100, et qu’une idée qui ne peut
être
mastiquée, puis avalée, n’a pas plus de valeur que les melons en cart
1438
g, les songes, tour à tour nous poussent vers les
êtres
, et guident notre main. Par eux s’incarne la pensée, et c’est là l’hé
1439
roïsme, d’une passion solitaire et féconde. Telle
est
la loi du monde, et il est admirable de l’aimer. Et la pensée même de
1440
aire et féconde. Telle est la loi du monde, et il
est
admirable de l’aimer. Et la pensée même de Dieu ne s’est point soustr
1441
irable de l’aimer. Et la pensée même de Dieu ne s’
est
point soustraite à cette loi, c’est-à-dire à ce choix souverain de Di
1442
arne dans le Fils pour agoniser sur la Croix, qui
est
le signe de la condition humaine déchirée entre le temps et l’éternit
1443
ue cet acte fonde toute existence en tant qu’elle
est
concrète ; que le concret n’a lieu que dans l’immédiat dans l’instant
1444
n’a lieu que dans l’immédiat dans l’instant. Tel
est
le sens et la nécessité de l’a priori éthique. Il ne souffre aucune d
1445
lence nécessaires. Mais aussi cette indistinction
est
l’autorité même, en tant qu’elle s’exerce, soit qu’il s’agisse du com
1446
on est l’autorité même, en tant qu’elle s’exerce,
soit
qu’il s’agisse du commandement des armées, ou de la création géniale.
1447
n risque, que l’on ne saurait affronter si l’on n’
est
pas, dans le même temps, en puissance des sources originelles de tout
1448
ialectique critique dont les deux termes négatifs
sont
évasion et conformisme. Elle nous a permis de cerner le lieu et le mo
1449
même et l’autre, toi et moi. Par ces voies, nous
sommes
parvenus au centre des problèmes du monde moderne, en même temps qu’a
1450
chain. Les contradictions du monde ne peuvent pas
être
supprimées, et toutes les doctrines qui s’y sont essayées n’ont pu en
1451
être supprimées, et toutes les doctrines qui s’y
sont
essayées n’ont pu en fin de compte engendrer que le désespoir, la tyr
1452
ale. Il n’y a de solution que personnelle (encore
est
-ce d’abord une « question »). La personne, telle est la seule valeur
1453
-ce d’abord une « question »). La personne, telle
est
la seule valeur qu’on puisse donner à l’x de l’équation du monde. Or,
1454
ner à l’x de l’équation du monde. Or, la personne
étant
un acte créateur, elle introduit à chaque fois dans l’équation un élé
1455
personne Et voici la question décisive : quel
est
le sens dernier de l’acte humain ? Pourquoi la liberté ? Et pourquoi
1456
limites d’un ouvrage profane. D’autre part, il n’
est
pas mauvais d’éprouver parfois ces limites, au besoin d’y faire quelq
1457
is bien la franchise d’avouer que ma conscience n’
est
pas encore à l’aise. J’ai peut-être parlé de l’acte en humaniste. Je
1458
idéalisme d’un Fichte. Et c’est pourquoi je ne me
tiendrai
pas quitte que je n’aie repris une dernière fois dans son ensemble ma
1459
aient, ou n’estiment nécessaire d’aller ; mais je
tiens
cet « excès » pour plus sérieux que la mesure même qu’il s’agit d’épr
1460
on ne les a pas laissés intacts. Ce relâchement n’
est
pas un apaisement, mais une espèce d’équilibre indifférent, entre deu
1461
es qui se dessèchent. Or l’origine du relâchement
est
dans la pensée même. C’est elle d’abord qui a péché. Mais de ce péché
1462
ous échappe, puisque le péché, justement, c’est d’
être
séparé de notre origine absolue. Toucherait-on ici au quiétisme, au f
1463
décrire. Ainsi, dans une certaine mesure, nous la
tenons
dans notre puissance. C’est la tentation de sortir de la condition d’
1464
lération de notre chute dans le temps et l’espace
est
entièrement déterminée par les lois mécaniques. Fatalement, elles nou
1465
elle puissance de salut. C’est l’acte. Car l’acte
est
adhésion à l’instant éternel ; un instant, il se dresse contre les mé
1466
t, de la « pensée qui pense » sur la « pensée qui
est
pensée ». Primauté décisive mais pourtant reperdue sans cesse. Car il
1467
it dans ce contact avec l’éternité, et notre acte
serait
comme un suicide, si nous osions agir, une seule fois, de toutes les
1468
it cet acte, en mourant sur la croix. Mais Christ
est
Dieu. Le caractère humain de l’acte est d’aller contre quelque chose
1469
is Christ est Dieu. Le caractère humain de l’acte
est
d’aller contre quelque chose — Dieu seul agit et crée de rien — mais
1470
rce aux résistances dans l’instant qu’il ranime l’
être
. Le sens de notre liberté est défini par cette contradiction. Aux yeu
1471
ant qu’il ranime l’être. Le sens de notre liberté
est
défini par cette contradiction. Aux yeux de Dieu, notre acte est seul
1472
cette contradiction. Aux yeux de Dieu, notre acte
est
seulement restaurateur. À la mesure de sa violence, il tente de rétab
1473
les créatures dans leur état incorruptible. Ce n’
est
pas en notre pouvoir d’étonner l’Éternel, ni d’inventer quoi que ce s
1474
ir d’étonner l’Éternel, ni d’inventer quoi que ce
soit
qu’il n’ait prévu, qu’il n’ait donné, que nous n’ayons perdu par notr
1475
chute dans le temps. Cette connaissance dernière
est
celle de la foi seule. Elle est don de l’Esprit, révélation. Elle tue
1476
aissance dernière est celle de la foi seule. Elle
est
don de l’Esprit, révélation. Elle tue en nous le faux dieu du moi pur
1477
me une création absolue. Chacune de nos victoires
est
une nouveauté absolue dans les âges, quelque chose de jamais vu, quel
1478
ue chose de jamais vu, quelque chose qui n’aurait
été
vu que par l’Adam d’avant la chute, d’avant l’histoire, d’avant cette
1479
perdit jusqu’au souvenir de l’image de Dieu qu’il
était
. L’homme créateur n’est pas le démiurge isolé d’un idéalisme orgueill
1480
e l’image de Dieu qu’il était. L’homme créateur n’
est
pas le démiurge isolé d’un idéalisme orgueilleux ; ni l’esclave des f
1481
l’esclave des fatalités de son histoire ; et il n’
est
pas non plus celui qui se souvient d’une éternité raisonnable, d’un m
1482
qu’il pourrait imiter. L’homme, en tant qu’homme
est
bien un créateur, mais c’est un créateur créé, un ordonnateur obéissa
1483
ur créé, un ordonnateur obéissant, et ses limites
sont
celles de l’incarnation personnelle. C’est là son ordre et sa réalité
1484
final ; au jugement dernier. En même temps, elle
est
le ressort de toute action recréatrice. En même temps, elle est le ga
1485
de toute action recréatrice. En même temps, elle
est
le gage du salut que Dieu a promis à ceux qui gardent son commandemen
1486
son commandement. Car c’est en espérance que nous
sommes
sauvés, mais cette espérance est certaine. Car le temps détruit l’act
1487
ance que nous sommes sauvés, mais cette espérance
est
certaine. Car le temps détruit l’acte, mais l’acte est juge du temps.
1488
ertaine. Car le temps détruit l’acte, mais l’acte
est
juge du temps. ⁂ Je suis parti d’une considération très générale de n
1489
ais prétendre une révolution humaine. Leur succès
serait
le terme absolu de la vocation occidentale. 1933-1936. 81. Voir pl
1490
2. Selon Einstein « le temps naît du moment où il
est
mesuré » (Brunschvicg). Le temps mathématique naît donc aussi d’un ac
1491
aussi d’un acte. Mais le temps dont je parle ici
est
le temps vécu, souffert, subi, qui naît de l’absence d’acte, — et que
1492
uit. 83. « Le difficile pour un philosophe, ce n’
est
pas d’arriver le plus vite possible à la conclusion, mais au contrair
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oucher les yeux. » Elle postule que le philosophe
est
dégagé de toute responsabilité immédiate, qu’il pense dans le vide, h
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omporte le maximum d’interventions de la pensée n’
est
pas précisément celle qui détermine les grands mouvements sociaux et
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la « grâce » où il baignait ne l’a pas dispensé d’
être
héroïque. 87. « Murmurer avec les loups » serait plus exact, si l’on
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d’être héroïque. 87. « Murmurer avec les loups »
serait
plus exact, si l’on songe à tels écrivains sur le podium… 88. Évidem
1497
ée ne se souciaient pas d’action réelle. 89. Qu’
est
-ce qui, dans notre langage ou notre pensée, n’est pas conformiste ? C
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est-ce qui, dans notre langage ou notre pensée, n’
est
pas conformiste ? C’est ce qui est créé, c’est-à-dire ce qui n’est co
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otre pensée, n’est pas conformiste ? C’est ce qui
est
créé, c’est-à-dire ce qui n’est compréhensible aux autres que par le
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te ? C’est ce qui est créé, c’est-à-dire ce qui n’
est
compréhensible aux autres que par le heurt produit sur les conformism
1501
it sur les conformismes régnants. Les conventions
sont
donc indispensables, tout de même qu’il n’y aurait pas d’acte possibl
1502
uvaise qualité. 90. « Cette offense en mon cœur
sera
longtemps nouvelle. » Racine. 91. Ici encore, se défier de l’histoir
1503
ore, se défier de l’histoire. L’origine vivante n’
est
pas toujours ce qu’il y a de plus ancien dans une réalité, mais ce qu
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la vie de cette réalité. 92. L’abstraction peut
être
un progrès relatif. Elle est la condition même de la science, c’est e
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L’abstraction peut être un progrès relatif. Elle
est
la condition même de la science, c’est entendu, et la science nous pe
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ulation, et à l’agir moral. Sinon l’abstraction n’
est
plus qu’une désincarnation des signes, et par là même elle tend à les
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les rendre inefficaces, alors que son but devrait
être
d’augmenter le pouvoir de la pensée. 93. Un éditeur introduit en ces
1508
e, l’entrainer loin de son train-train, etc., tel
est
le rôle que se propose de poursuivre (sic) cette collection. » 94. C
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. » 94. Claudel (Art poétique, Connaissance de l’
Est
), le Péguy des pamphlets, Ramuz (Raison d’être, Six cahiers, Passage
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e l’Est), le Péguy des pamphlets, Ramuz (Raison d’
être
, Six cahiers, Passage du poète). Je voudrais bien citer Joyce et ses
1511
e causée par la constatation de l’état présent, n’
est
pas un moteur suffisant, ou plutôt ne devient un moteur suffisant que
1512
e c’est la volonté d’incarnation de la vérité qui
est
« l’âme » de l’Europe. Ce n’est pas la science qui a fait l’Europe, m
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de la vérité qui est « l’âme » de l’Europe. Ce n’
est
pas la science qui a fait l’Europe, mais c’est l’Europe qui a fait la
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cret du problème. Le vice des dictatures modernes
est
d’avoir soumis l’aspect concret à l’abstrait, alors qu’il fallait au
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qui s’enferme dans sa particularité, qui refuse d’
être
le prochain de son frère. 100. « Et l’ange me dit : Prends le livre