1 1938, Journal d’Allemagne. I. Journal (1935-1936)
1 pris contact avec le Séminaire de langues romanes je vais enseigner. (Le semestre s’ouvrira au début de novembre.) Dans
2  va pour les armements », c’est-à-dire on ne sait . Quoi qu’il en soit, j’ai déjà pu constater que l’État retient 7 % de
3 n considérable des hommes dans l’assemblée. (Mais sont les jeunes gens ?) Et le recueillement profond. Il m’a semblé au
4 ouveau a pris à tâche d’éduquer tout ce monde : d’ le didactisme pesant des innombrables discours politiques et des lead
5 t privé. Voilà la grande révolution, dans un pays la vie intérieure d’une part, et la séparation des classes de l’autre
6 conception du monde fondée sur la force du fait, sa pensée ne trouve plus de repères. Il est d’ailleurs injuste, ou in
7 fants ne sont jamais les premiers dans une classe se trouvent des juifs… Ou bien le ressentiment n’est pas le seul fai
8 e et pédagogie) avant d’entrer à l’Université : d’ plusieurs années creuses, au cours desquelles on compte sans doute qu
9 quelques passages : Il fut un temps en Allemagne l’on se croyait tout permis, et nous pensons avec un doux ricanement
10 un doux ricanement à cette époque wilhelminienne un « Akademiker » (étudiant de l’Université) planait à une hauteur in
11 auteur infinie au-dessus de l’ouvrier d’usine, et n’importe quelle ridicule tête vide toisait avec mépris ceux qui n’ap
12 sté9.   Un communiste. — Dans sa petite cuisine, nous sommes attablés, depuis deux heures il me raconte ses bagarres a
13 Français ! » Mais il n’a pas l’air de comprendre. est la gaffe ?   Parents et enfants. — Déjeuner chez un avocat. Mada
14 out cela doit entraîner de gros frais généraux, d’ les prix de détail fort élevés. Les étalages des boutiques d’alimenta
15 causes. Pourquoi se fait-on tuer ? Dans la mesure on l’accepte, c’est par une sorte d’acte de foi. Mais alors tout dépe
16 « O Heil’ge Nacht ! », ô sainte nuit d’intimité, de nouveau j’entends battre le cœur de mon ancienne « Germanie aimée 
17 connaît plus de contrat. Difficulté de prononcer est la plus grande injustice. Et au surplus, dans l’un et l’autre cas
18 ombattre votre conception du monde dans la mesure elle se veut héroïque, comme celle des jeunes Russes d’ailleurs. Je v
19 deviennent des luttes spirituelles, dans le sens Rimbaud a dit : « Le combat spirituel est aussi brutal que la bataill
20 ous au moins réserver un terrain concret, un pays ceux qui en auront envie pourront… comment dites-vous en français « s
21 sporter leur violence naturelle dans des domaines elle devienne féconde. Lui. — Je vous souhaite bonne chance ! 25
22 C’était au terme d’un court séjour en cette ville je reviens aujourd’hui, après trois ans, constater sans plaisir que j
23 de bourgeois une tyrannie prétendue provisoire, d’ naîtra peut-être un homme neuf, un bonheur neuf, un orgueil mieux fon
24 tre vie dans une durée biographique et historique l’instant se relativise. Ainsi les décisions dernières perdent leur u
25 tent sont en fait ceux qui communient dans la foi vivait le Danois. Mais moi qui ne suis pas de ce pays, moi qui ne vis
26 oix est pour nous d’une valeur exemplaire : jusqu’ peut-on céder à ce César sans rien céder de ce qui est à Dieu ? Tragi
27 voici reportés au temps des Francs et Wisigoths, la dignité d’homme libre était attestée par le droit de porter une ar
28 raissaient, vues d’ici, décrire un monde factice, nul Allemand ne pouvait reconnaître ni ses souffrances secrètes ni so
29 t cet homme-là, comme l’autre, ne compte pas, car serait sinon sa puissance ?)   À force de vouloir « expliquer » le ré
30 est l’instinct sublimé de la masse, le bain tiède se dissout le moi jadis pécheur et responsable. Liquidons Dieu et gar
31 nois. Et maintenant, je le vois sortir de l’ombre il était assis au fond de la chaire, poser les deux mains sur l’appui
32 se universelle. Rien n’empêchera que dans ce lieu le néant de l’homme est déclaré, Dieu n’ait retrouvé des humains.
33 té. — Dans la nuit noire, sur une plaine inégale, le pied bute, nous suivons des foules silencieuses et hâtives, vers c
34 e bûcher, illuminant des faces rouges, immobiles. est la joie des feux de la Saint-Jean sautés avec des cris aigus ? (C
35 , pour le reconnaître ailleurs à sa naissance, là il peut nous concerner ; là où si peu que ce soit dépend de notre eff
36 à sa naissance, là où il peut nous concerner ; là si peu que ce soit dépend de notre effort, et de notre lucidité. Que
2 1938, Journal d’Allemagne. II. Conclusion 1938
37 ar des siècles d’individualisme. Dans une société tous les liens originels sont dissous ; où les religions n’apparaisse
38 ociété où tous les liens originels sont dissous ; les religions n’apparaissent plus au peuple et aux élites que sous l’
39 lites que sous l’aspect de survivances sociales ; les classes nées du développement économique définissent abstraitemen
40 nt en commun que l’argent ou le défaut d’argent ; les partis se multiplient et s’entredéchirent au hasard d’un jeu poli
41 chirent au hasard d’un jeu politique de surface ; les élites parlent un langage que les masses sont en mesure d’entendr
42 on pas de comprendre (et c’est souvent heureux) ; l’État devient le seul représentant du bien commun, mais ne se manife
43 par les feuilles d’impôt, l’armée et la police ; tout principe d’union sociale et spirituelle, toute commune mesure a
44 alle au cœur de chaque individu une angoisse, — d’ naît un appel. C’est à ce formidable appel des peuples vers un princi
3 1938, Journal d’Allemagne. Appendice i. Instruction spirituelle donnée aux étudiants hitlériens, (Extrait de lettre d’un étudiant allemand)
45 h arrive au camp. Il déclare que « le temps vient beaucoup de camarades du Parti seront désillusionnés, qui avaient cru
4 1938, Journal d’Allemagne. Appendice ii Plébiscite et démocratie. (À propos des « élections » au Reichstag, 29 mars 1936)
46 ourquoi la vraie démocratie n’est possible que là l’opinion a été formée et disciplinée par un seul parti dirigé par un
47 éduite : celle de certains petits cantons suisses les affaires publiques sont discutées par l’assemblée plénière des él
48 de citoyens, d’une loi ou d’un projet de loi. Là le référendum n’existe pas, comme en France, on ne saurait parler san
49 happent à tout contrôle, ils sont perdus. Mais là le référendum ne peut être provoqué que par le gouvernement, comme en
50 sse, il n’est « démocratique » que dans la mesure le fédéralisme suisse subsiste, et où l’État centralisé n’a que des p
51 s la mesure où le fédéralisme suisse subsiste, et l’État centralisé n’a que des pouvoirs limités, ne « fait » pas l’opi
5 1938, Journal d’Allemagne. Appendice iii. Les jacobins en chemise brune
52 as de la taille d’un Röhm ou d’un Strasser.) Mais le parallèle hitlérisme-jacobinisme reprend toute sa signification, c
53 de la radio, n’aboutit qu’à de demi-réussites, là triomphe sans conteste Goebbels. ⁂ Hitler peut expliquer cette « jaco