1
passées, ou du moins celles dont on a pu toucher,
fût
-ce même sans les franchir, les limites. Quant aux livres intermédiair
2
age. ⁂ L’agrément de parler des choses de l’amour
est
un prétexte assez peu convaincant, lorsqu’il s’agit d’un volume aussi
3
e partager avec tant d’auteurs à succès. Aussi me
suis
-je donné quelques difficultés. Je n’ai pas voulu flatter ni déprécier
4
et même ils ne s’en lassent jamais, si commun que
soit
le discours ; mais ils redoutent que l’on définisse la passion, pour
5
ère me vaudra bien des reproches. Les amoureux me
tiendront
pour cynique, et ceux qui n’ont jamais connu la vraie passion s’étonn
6
atant et « banal » — comme on dit d’un four qu’il
est
banal, donc unique — si nous voulons comprendre dans nos vies le sens
7
dans nos vies le sens et la fin de la passion. Il
est
donc entendu que j’ai simplifié. Pourquoi perdre son temps et son sty
8
t son style à expliquer sans cesse que la réalité
est
plus complexe que tout ce qu’on peut en dire ? Que la vie soit confus
9
plexe que tout ce qu’on peut en dire ? Que la vie
soit
confuse ne saurait signifier qu’une œuvre écrite doit l’imiter. Si j’
10
e n’en ai cité qu’un nombre assez restreint, ce n’
est
pas toujours par ignorance, mais par souci de m’en tenir à l’essentie
11
as toujours par ignorance, mais par souci de m’en
tenir
à l’essentiel. Les spécialistes me pardonneront-ils d’avoir tenté un
12
’il faudrait plusieurs vies pour maîtriser, je me
suis
borné à rechercher ici et là des confirmations opportunes à certaines
13
ntuitives. J’en ai trouvé d’ailleurs plus qu’il n’
était
besoin, et n’ai livré qu’un résumé de mes recherches. Ce compromis m’
14
ces si je n’avais pas donné des preuves. Et je me
serais
acquis l’estime des spécialistes si je n’avais pas tiré de leurs trav
15
dans nos cœurs ? Que l’accord d’amour et de mort
soit
celui qui émeuve en nous les résonances les plus profondes, c’est un
16
à première vue le succès prodigieux du roman. Il
est
d’autres raisons, plus secrètes, d’y voir comme une définition de la
17
ccidentale… Amour et mort, amour mortel : si ce n’
est
pas toute la poésie, c’est du moins tout ce qu’il y a de populaire, t
18
hansons. L’amour heureux n’a pas d’histoire. Il n’
est
de roman que de l’amour mortel, c’est-à-dire de l’amour menacé et con
19
e même. Ce qui exalte le lyrisme occidental, ce n’
est
pas le plaisir des sens, ni la paix féconde du couple. C’est moins l’
20
nous glorifie à tel point la passion que nous en
sommes
venus à voir en elle une promesse de vie plus vivante, une puissance
21
une puissance qui transfigure, quelque chose qui
serait
au-delà du bonheur et de la souffrance, une béatitude ardente. Dans «
22
ne sentons plus « ce qui souffre » mais « ce qui
est
passionnant ». Et pourtant, la passion d’amour signifie, de fait, un
23
ont tous les cas d’exception, mais la statistique
est
cruelle : elle réfute notre poésie. Vivons-nous dans une telle illusi
24
se confondent le plus souvent dans la société qui
est
la nôtre, n’est-ce pas une première preuve de ce fait paradoxal : que
25
plus souvent dans la société qui est la nôtre, n’
est
-ce pas une première preuve de ce fait paradoxal : que nous voulons la
26
un devoir et une commodité. Sans l’adultère, que
seraient
toutes nos littératures ? Elles vivent de la « crise du mariage ». Il
27
res ? Elles vivent de la « crise du mariage ». Il
est
probable aussi qu’elles l’entretiennent, soit qu’elles « chantent » e
28
. Il est probable aussi qu’elles l’entretiennent,
soit
qu’elles « chantent » en prose et en vers ce que la religion tient po
29
chantent » en prose et en vers ce que la religion
tient
pour un crime, et la Loi pour une contravention, soit au contraire qu
30
pour un crime, et la Loi pour une contravention,
soit
au contraire qu’elles s’en amusent, et qu’elles en tirent un répertoi
31
psychologie mondaine, succès du trio au théâtre —
soit
qu’on idéalise, ou subtilise, ou ironise, que fait-on si ce n’est tra
32
se, ou subtilise, ou ironise, que fait-on si ce n’
est
trahir le tourment innombrable et obsédant de l’amour en rupture de l
33
ble et obsédant de l’amour en rupture de loi ? Ne
serait
-ce pas qu’on cherche à s’évader de son affreuse réalité ? Tourner la
34
stique ou en farce, c’est toujours avouer qu’elle
est
insupportable… Mal-mariés, déçus, révoltés, exaltés ou cyniques, infi
35
xaltés ou cyniques, infidèles ou trompés : que ce
soit
en fait ou en rêve, dans le remords ou dans la crainte, dans le plais
36
ir de la révolte ou l’anxiété de la tentation, il
est
peu d’hommes qui ne se reconnaissent dans l’une au moins de ces catég
37
s questions des plus naïves, en ce domaine, aient
été
plus souvent résolues que posées… Par exemple, le mal constaté, faut-
38
se » qui la ruine au cœur même de nos ambitions ?
Est
-ce vraiment, comme beaucoup le pensent, la conception dite « chrétien
39
e qui cause tout notre tourment, ou au contraire,
est
-ce une conception de l’amour dont on n’a peut-être pas vu qu’elle ren
40
ntradiction ? Si le secret de la crise du mariage
est
simplement l’attrait de l’interdit, d’où nous vient ce goût du malheu
41
mmédiate vérification. ⁂ Mais d’abord, dira-t-on,
est
-il exact que le roman de Tristan soit un mythe ? Et dans ce cas, n’es
42
, dira-t-on, est-il exact que le roman de Tristan
soit
un mythe ? Et dans ce cas, n’est-ce pas détruire son charme que d’ess
43
oman de Tristan soit un mythe ? Et dans ce cas, n’
est
-ce pas détruire son charme que d’essayer de l’analyser ? Nous n’en so
44
on charme que d’essayer de l’analyser ? Nous n’en
sommes
plus à croire que mythe est synonyme d’irréalité ou d’illusion. Trop
45
alyser ? Nous n’en sommes plus à croire que mythe
est
synonyme d’irréalité ou d’illusion. Trop de mythes manifestent parmi
46
pourrait dire d’une manière générale qu’un mythe
est
une histoire, une fable symbolique, simple et frappante, résumant un
47
procèdent donc de l’élément sacré autour duquel s’
est
constitué le groupe. (Récits symboliques de la vie et de la mort des
48
ent : un mythe n’a pas d’auteur. Son origine doit
être
obscure. Et son sens même l’est en partie. Il se présente comme l’exp
49
Son origine doit être obscure. Et son sens même l’
est
en partie. Il se présente comme l’expression tout anonyme de réalités
50
inte sur le public. Si belle et puissante qu’elle
soit
, on peut toujours la critiquer, ou la goûter pour des raisons individ
51
hevalerie du xiie et du xiiie siècle. Ce groupe
est
à vrai dire dissous depuis longtemps. Pourtant ses lois sont encore l
52
dire dissous depuis longtemps. Pourtant ses lois
sont
encore les nôtres d’une manière secrète et diffuse. Profanées et reni
53
ofanées et reniées par nos codes officiels, elles
sont
devenues d’autant plus contraignantes qu’elles n’ont plus de pouvoir
54
rêves. ⁂ Bien des traits de la légende de Tristan
sont
de ceux qui signalent un mythe. Et d’abord le fait que l’auteur — à s
55
— à supposer qu’il y en eût un, et un seul — nous
est
totalement inconnu. Les cinq versions « originales » qui nous restent
56
Les cinq versions « originales » qui nous restent
sont
des remaniements artistiques d’un archétype dont on n’a pu trouver la
57
r) d’un ensemble de règles et de cérémonies qui n’
est
autre que la coutume de la chevalerie médiévale. Or les « ordres » de
58
alerie médiévale. Or les « ordres » de chevalerie
furent
souvent appelés « religions ». Chastellain, chroniqueur de la Bourgog
59
e sacré, en un siècle où pourtant la chevalerie n’
était
plus guère qu’une survivance3. Enfin la nature même de l’obscurité qu
60
l ne réside pas dans sa forme d’expression4. Elle
tient
d’une part au mystère de son origine, et d’autre part à l’importance
61
des faits que le mythe symbolise. Si ces faits n’
étaient
pas obscurs, ou s’il n’y avait quelque intérêt à obscurcir leur origi
62
résumé mnémotechnique. Point de mythe tant qu’il
est
loisible de s’en tenir aux évidences et de les exprimer d’une manière
63
e. Point de mythe tant qu’il est loisible de s’en
tenir
aux évidences et de les exprimer d’une manière manifeste ou directe.
64
directe. Au contraire, le mythe paraît lorsqu’il
serait
dangereux ou impossible d’avouer clairement un certain nombre de fait
65
u religieux, ou de relations affectives, que l’on
tient
cependant à conserver, ou qu’il est impossible de détruire. Nous n’av
66
s, que l’on tient cependant à conserver, ou qu’il
est
impossible de détruire. Nous n’avons plus besoin de mythes, par exemp
67
rimer le fait obscur et inavouable que la passion
est
liée à la mort, et qu’elle entraîne la destruction pour ceux qui s’y
68
ignantes d’un vrai mythe ? Cette question ne peut
être
esquivée. Elle nous porte au cœur du problème et de son actualité. Pr
69
Il faut bien voir que ces « cérémonies » sociales
sont
des moyens de faire admettre un contenu antisocial, qui est la passio
70
yens de faire admettre un contenu antisocial, qui
est
la passion. Le mot « contenu » prend ici toute sa force : la passion
71
toute sa force : la passion de Tristan et d’Iseut
est
littéralement « contenue » par les règles de la chevalerie. C’est à c
72
olérable. Il faut donc que les groupes constitués
soient
capables de lui opposer une structure fortement charpentée, pour qu’e
73
le lien social vienne à faiblir, ou que le groupe
soit
dissocié, le mythe cessera d’être un mythe au sens strict. Mais ce qu
74
u que le groupe soit dissocié, le mythe cessera d’
être
un mythe au sens strict. Mais ce qu’il aura perdu en force contraigna
75
vre — les usages qu’il faut observer si l’on veut
être
un gentleman — perdra ses dernières vertus, la passion « contenue » d
76
es inventera au besoin… Car nous verrons que ce n’
est
pas seulement la nature de la société, mais l’ardeur même de la sombr
77
une réaction vive. Le succès du Roman de Tristan
fut
donc d’ordonner la passion dans un cadre où elle pût s’exprimer en sa
78
raît, cette passion n’en subsiste pas moins. Elle
est
toujours aussi dangereuse pour la vie de la société. Elle tend toujou
79
’il provoque. Le mythe de Tristan et Iseut, ce ne
sera
plus seulement le Roman, mais le phénomène qu’il illustre, et dont l’
80
inte qui l’exalte, charme, terreur ou idéal : tel
est
le mythe qui nous tourmente. Qu’il ait perdu sa forme primitive voilà
81
miraculeuses. Le mythe agit partout où la passion
est
rêvée comme un idéal, non point redoutée comme une fièvre maligne ; p
82
comme une fièvre maligne ; partout où sa fatalité
est
appelée, invoquée, imaginée comme une belle et désirable catastrophe,
83
it de la vie même de ceux qui croient que l’amour
est
une destinée (c’était le philtre du Roman) ; qu’il fond sur l’homme i
84
et ravi pour le consumer d’un feu pur ; et qu’il
est
plus fort et plus vrai que le bonheur, la société et la morale. Il vi
85
Il vit de la vie même du romantisme en nous ; il
est
le grand mystère de cette religion dont les poètes du siècle passé se
86
tte influence et de sa nature mythique, la preuve
est
d’ailleurs immédiate. Elle nous sera donnée ici même par une certaine
87
ue, la preuve est d’ailleurs immédiate. Elle nous
sera
donnée ici même par une certaine répugnance du lecteur à envisager mo
88
à envisager mon projet. Le Roman de Tristan nous
est
« sacré » dans la mesure exacte où l’on estimera que je commets un «
89
mort du coupable. Le sacré qui entre ici en jeu n’
est
plus qu’une survivance obscure et déprimée. Je ne courrai donc guère
90
(Et certes, le sens inconscient d’un tel geste n’
est
rien de moins que la mise à mort de l’auteur. Pourtant il demeure san
91
faut-il croire que cela signifie que la passion n’
est
point sacrée pour toi ? Ou simplement que les hommes d’aujourd’hui ne
92
i ? Ou simplement que les hommes d’aujourd’hui ne
sont
pas moins débiles dans leurs passions que dans leurs gestes de réprob
93
de réprobation ? À défaut d’ennemis déclarés, où
sera
le courage que l’on réclame des écrivains ? Faudra-t-il qu’ils l’exer
94
définir « une épopée de l’adultère ». La formule
est
sans doute exacte, si l’on se borne à considérer la donnée sèche du R
95
restrictive. Peut-on soutenir que la faute morale
est
le vrai sujet de la légende ? Le Tristan de Wagner par exemple, ne se
96
la légende ? Le Tristan de Wagner par exemple, ne
serait
-il qu’un opéra de l’adultère ? Et l’adultère, enfin, n’est-ce que cel
97
’un opéra de l’adultère ? Et l’adultère, enfin, n’
est
-ce que cela ? Un vilain mot ? Une rupture de contrat ? C’est cela aus
98
? Une rupture de contrat ? C’est cela aussi, ce n’
est
que cela dans trop de cas ; mais c’est souvent bien davantage : une a
99
es raisons de persévérer, et l’on jugera si elles
sont
diaboliques. La première est que nous sommes parvenus au point de dés
100
’on jugera si elles sont diaboliques. La première
est
que nous sommes parvenus au point de désordre social où l’immoralisme
101
elles sont diaboliques. La première est que nous
sommes
parvenus au point de désordre social où l’immoralisme se révèle plus
102
morales anciennes. Le culte de l’amour-passion s’
est
tellement démocratisé qu’il perd ses vertus esthétiques et sa valeur
103
t, cette « vogue » d’allure commerciale de ce qui
fut
un secret religieux… Il faut s’attaquer à tout cela, fût-ce même pour
104
secret religieux… Il faut s’attaquer à tout cela,
fût
-ce même pour sauver le mythe des abus de son extrême vulgarisation. E
105
La poésie a d’autres chances. Ma seconde raison n’
est
pas d’un défenseur de la beauté, même maudite, mais d’un homme qui a
106
hâtive, notre culture et le ronron de nos morales
sont
en passe de nous faire oublier la sévère réalité. Dresser le mythe de
107
ampirique crescendo du second acte de Wagner, tel
est
le premier objet de cet ouvrage ; et le succès qu’il ambitionne, c’es
108
ela ! » ou bien : « Que Dieu m’en garde ! » Je ne
suis
pas sûr que la conscience claire soit utile d’une manière générale, e
109
e ! » Je ne suis pas sûr que la conscience claire
soit
utile d’une manière générale, et en soi. Ni que les vérités utiles so
110
re générale, et en soi. Ni que les vérités utiles
soient
avouables sur la place. Mais quelle que soit « l’utilité » de mon ent
111
es soient avouables sur la place. Mais quelle que
soit
« l’utilité » de mon entreprise, notre sort n’en demeure pas moins, à
112
phe, du moraliste, du créateur de formes idéales,
est
simplement d’accroître la conscience, donc la mauvaise conscience des
113
Qui sait où cela peut nous mener ? Là-dessus, il
est
temps de passer à l’opération annoncée. La condition de sa réussite e
114
l’opération annoncée. La condition de sa réussite
est
sans doute une certaine froideur avec laquelle nous la mènerons. Sour
115
mission de le combattre, au moment où il pourrait
être
armé chevalier, donc peu après sa puberté. Il le tue, mais il en a re
116
remède qui peut le sauver. Mais le géant Morholt
était
le frère de cette reine, aussi Tristan se garde-t-il d’avouer son nom
117
un jeune paladin.) Blessé par le monstre, Tristan
est
soigné de nouveau par Iseut. Un jour, cette princesse découvre que le
118
Un jour, cette princesse découvre que le blessé n’
est
autre que le meurtrier de son oncle. Elle saisit l’épée de Tristan et
119
’a chargé. Et Iseut lui fait grâce, car elle veut
être
reine. (Selon certains auteurs, c’est aussi qu’elle admire la beauté
120
de Marc. En haute mer, le vent tombe, la chaleur
est
pesante. Ils ont soif. La servante Brangien leur donne à boire. Mais
121
e ces variantes, comme nous le verrons.) La faute
est
donc consommée. Mais Tristan reste lié par la mission qu’il a reçue d
122
ent au roi l’amour de Tristan et d’Iseut. Tristan
est
banni. Mais à la faveur d’une nouvelle ruse (scène du verger), il con
123
sang sur la fleur de blé. La preuve de l’adultère
est
ainsi faite. Iseut sera livrée à une troupe de lépreux et Tristan con
124
é. La preuve de l’adultère est ainsi faite. Iseut
sera
livrée à une troupe de lépreux et Tristan condamné à mort. Il s’évade
125
Tristan de demeurer dans le pays jusqu’à ce qu’il
soit
certain que Marc la traite bien. Puis, par une dernière ruse féminine
126
in de qui n’a pas menti, elle jure n’avoir jamais
été
dans les bras d’aucun homme, hors ceux du roi son maître et du manant
127
ent au lit de Tristan et lui annonce que la voile
est
noire. Tristan meurt. Iseut la blonde débarque à cet instant, monte a
128
es, on s’aperçoit que sa donnée ni son progrès ne
sont
dépourvus d’équivoque. J’ai passé quantité d’épisodes accessoires, ma
129
choses : Tristan conduit Iseut au roi parce qu’il
est
lié par la fidélité du chevalier ; — les amants se séparent, au terme
130
e que par une ruse improvisée in extremis, et qui
est
donnée comme trompant Dieu lui-même, puisque le miracle s’opère9 ! En
131
puisque le miracle s’opère9 ! Enfin, ce jugement
étant
acquis, la reine passe pour innocente. Tristan l’est donc aussi, et l
132
acquis, la reine passe pour innocente. Tristan l’
est
donc aussi, et l’on ne voit plus du tout ce qui s’opposerait à son re
133
près du roi, donc auprès d’Iseut… D’autre part, n’
est
-il pas fort étrange que les poètes du xiiie siècle, si exigeants dès
134
t, ils n’ont du moins ni menti ni trompé, et ce n’
est
pas le cas de Tristan… Enfin l’on en vient à douter de la valeur même
135
on ne peut s’empêcher de penser que ces scrupules
sont
bien tardifs et peu sincères, puisque Tristan n’a de cesse qu’il ne r
136
auprès d’Iseut… Et ce philtre qui cesse d’agir, n’
était
-il pas destiné aux époux ? Alors, pourquoi limiter sa durée ? Trois a
137
lors, pourquoi limiter sa durée ? Trois ans, ce n’
est
guère pour le bonheur d’un couple. Et quand Tristan épouse l’autre Is
138
ur sa beauté » mais cependant la laisse vierge, n’
est
-il pas évident que rien ne l’oblige à ce mariage et à cette chasteté
139
ur et le devoir ». Cette interprétation classique
est
d’un aimable anachronisme. Outre qu’elle abuse de Corneille, elle par
140
s romans bretons la reflètent et la cultivent. Il
est
probable que la chevalerie courtoise ne fut guère qu’un idéal. Les pr
141
t. Il est probable que la chevalerie courtoise ne
fut
guère qu’un idéal. Les premiers auteurs qui en parlent ont l’habitude
142
elle vient à peine de naître dans leurs rêves. N’
est
-il pas de l’essence d’un idéal que l’on déplore sa décadence à l’inst
143
se réaliser ? D’autre part, la chance du roman n’
est
-elle pas d’opposer la fiction d’un certain idéal de vie aux réalités
144
ns « félons ». Selon la morale féodale, le vassal
est
tenu de dénoncer au seigneur tout ce qui lèse son droit ou son honneu
145
félons ». Selon la morale féodale, le vassal est
tenu
de dénoncer au seigneur tout ce qui lèse son droit ou son honneur : i
146
ur tout ce qui lèse son droit ou son honneur : il
est
« félon » s’il ne le fait pas. Or, dans Tristan, les barons dénoncent
147
en vertu d’un autre code évidemment, qui ne peut
être
que celui de la chevalerie du Midi. La décision des cours d’amour de
148
idi. La décision des cours d’amour de la Gascogne
est
bien connue : félon sera celui qui révèle les secrets de l’amour cour
149
rs d’amour de la Gascogne est bien connue : félon
sera
celui qui révèle les secrets de l’amour courtois. Ce seul exemple suf
150
a fidélité et du mariage, selon l’amour courtois,
est
seule capable d’expliquer certaines contradictions frappantes du réci
151
la thèse officiellement admise, l’amour courtois
est
né d’une réaction à l’anarchie brutale des mœurs féodales. On sait qu
152
éodales. On sait que le mariage, au xiie siècle,
était
devenu pour les seigneurs une pure et simple occasion de s’enrichir,
153
ient même à déclarer que l’amour et le mariage ne
sont
pas compatibles : c’est le fameux jugement d’une cour d’amour tenue c
154
e telle manière de voir, la félonie et l’adultère
sont
excusés, et plus qu’excusés, magnifiés comme exprimant une intrépide
155
ui désire l’entière possession de sa dame. Cela n’
est
plus amour, qui tourne à la réalité 11. » Voilà qui nous met sur la v
156
toute liberté, car nous avons marqué plus haut qu’
étant
plus fort que le Roi et les barons, il pourrait, dans le plan féodal
157
? Répondre : ainsi le veut l’amour courtois, ce n’
est
pas encore répondre sur le fond, car il s’agit de savoir pourquoi l’o
158
notre résumé de la légende, on ne peut manquer d’
être
frappé de ce fait : les deux lois qui entrent en jeu, chevalerie et m
159
entrent en jeu, chevalerie et morale féodale, ne
sont
observées par l’auteur que dans les seules situations où elles permet
160
e une explication. À chacune de nos questions, il
serait
évidemment facile de répondre : les choses se passent ainsi parce qu’
161
nsciente sagesse : c’est qu’on pressent qu’elle n’
est
pas sans danger. Elle nous met en effet au cœur de tout le problème —
162
te volonté, il n’y aura plus de vraisemblance qui
tienne
: c’est ce qui se passe dans le cas de l’Histoire scientifique. (Le l
163
cientifique. (Le lecteur d’un ouvrage « sérieux »
sera
d’autant plus exigeant qu’il sait que le déroulement des faits ne doi
164
’est le cas du conte. Entre ces deux extrêmes, il
est
autant de niveaux de vraisemblance que de sujets. Ou si l’on veut : l
165
désire éprouver. Ainsi, le vrai sujet d’une œuvre
est
révélé par la nature des « trucs » que l’auteur fait intervenir, et q
166
es extérieurs qui s’opposent à l’amour de Tristan
sont
dans un certain sens gratuits, c’est-à-dire qu’ils ne sont, à tout pr
167
un certain sens gratuits, c’est-à-dire qu’ils ne
sont
, à tout prendre, que des artifices romanesques. Or il résulte de nos
168
on qu’elle met en jeu. Il faut sentir qu’ici tout
est
symbole, tout se tient, tout se compose à la manière d’un rêve, et no
169
. Il faut sentir qu’ici tout est symbole, tout se
tient
, tout se compose à la manière d’un rêve, et non point à celle de nos
170
qu’il suppose chez son lecteur. Les « faits » ne
sont
que les images ou les projections d’un désir, de ce qui s’y oppose, d
171
tent comme à plaisir, — bien qu’ils en souffrent.
Serait
-ce alors pour le plaisir du romancier et du lecteur ? Mais c’est tout
172
e du roman tel que l’aiment les Occidentaux. Quel
est
alors le vrai sujet de la légende ? La séparation des amants ? Oui, m
173
cette passion qui ressemble au vertige… Mais ce n’
est
plus l’heure de se détourner. Nous sommes atteints, nous subissons le
174
Mais ce n’est plus l’heure de se détourner. Nous
sommes
atteints, nous subissons le charme, nous co-naissons au « tourment dé
175
ons au « tourment délicieux ». Toute condamnation
serait
vaine : on ne condamne pas le vertige. Mais la passion du philosophe
176
e pas le vertige. Mais la passion du philosophe n’
est
-elle point de méditer dans le vertige ? Il se peut que la connaissanc
177
ns le vertige ? Il se peut que la connaissance ne
soit
rien d’autre que l’effort d’un esprit qui résiste à la chute, et qui
178
re ; il me plaît ; je me réjouis de lui ; mon mal
est
ce que je veux et ma douleur est ma santé. Je ne vois donc pas de quo
179
de lui ; mon mal est ce que je veux et ma douleur
est
ma santé. Je ne vois donc pas de quoi je me plains, car mon mal me vi
180
éablement, et tant de joie dans ma douleur que je
suis
malade avec délices. Chrétien de Troyes. Il faut avoir l’audace de
181
de poser la question : Tristan aime-t-il Iseut ?
Est
-il aimé par elle ? (Seules les questions « stupides » peuvent nous in
182
i passe pour évident cache quelque chose qui ne l’
est
point, comme l’a dit à peu près Valéry.) Rien d’humain ne paraît rap
183
lité. Tout porte à croire que librement ils ne se
fussent
jamais choisis. Mais ils ont bu le philtre, et voici la passion. Une
184
dolor. Dira-t-on que les poètes de cette époque
furent
moins sentimentaux que nous ne le sommes devenus, et qu’ils n’éprouva
185
e époque furent moins sentimentaux que nous ne le
sommes
devenus, et qu’ils n’éprouvaient pas le besoin d’insister sur ce qui
186
ns la forêt. Ses deux scènes les plus belles, qui
sont
peut-être aussi les plus profondes de la légende, ce sont les deux vi
187
t-être aussi les plus profondes de la légende, ce
sont
les deux visites que les amants font à l’ermite Ogrin. La première fo
188
iez. La situation dans laquelle ils se trouvent
est
donc passionnément contradictoire : ils aiment, mais ils ne s’aiment
189
mais ils ne peuvent s’en repentir, puisqu’ils ne
sont
pas responsables ; ils se confessent, mais ne veulent pas guérir, ni
190
gue, et où les contraires s’excluent. L’aveu n’en
est
pas moins formel : « Il ne m’aime pas, ne je lui. » Tout se passe com
191
de leurs désirs, au moins conscients, et de leur
être
tel qu’ils le connaissent. Les traits physiques et psychologiques de
192
et psychologiques de cet homme et de cette femme
sont
parfaitement conventionnels et rhétoriques. Lui, c’est « le plus fort
193
pes à ce point simplifiés ? L’« amistié » dont il
est
question à propos de la durée du philtre est le contraire d’une amiti
194
t il est question à propos de la durée du philtre
est
le contraire d’une amitié réelle. Bien plus, si l’amitié morale se fa
195
Bien plus, si l’amitié morale se fait jour, ce n’
est
qu’au moment où la passion faiblit. Et le premier effet de cette amit
196
. Et le premier effet de cette amitié naissante n’
est
pas : du tout d’unir davantage les amants, mais au contraire de leur
197
plus près. L’endemain de la saint Jehan Aconpli
furent
li troi an. Tristan chassait dans la forêt. Soudain, il se souvient
198
! Il songe que dans cette aventure, elle pourrait
être
« en beles chambres… portendües de dras de soie ». Iseut de son côté,
199
uson notre jovente… ». La décision de se séparer
est
bientôt prise. Tristan propose de « gerpir » en Bretagne. Auparavant,
200
Iseut : Dex ! dist Tristan, quel departie ! Mot
est
dolenz qui pert s’amie… C’est sur sa propre peine qu’il s’apitoie. I
201
et bien que le philtre n’agisse plus, les amants
seront
repris par la passion, jusqu’au point qu’ils en perdront la vie, « lu
202
l’infini dans l’instant de l’obstacle absolu, qui
est
la mort. Tristan aime se sentir aimer, bien plus qu’il n’aime Iseut l
203
’autre pour brûler, mais non de l’autre tel qu’il
est
; et non de la présence de l’autre, mais bien plutôt de son absence !
204
pothéose. Dualité irrémédiable et désirée ! « Mot
est
dolenz qui pert s’amie » soupire Tristan. Pourtant il sent déjà, au f
205
aut pousser plus loin : l’amabam amare d’Augustin
est
une émouvante formule dont lui-même ne s’est pas satisfait. L’obstacl
206
stin est une émouvante formule dont lui-même ne s’
est
pas satisfait. L’obstacle dont nous avons souvent parlé, et la créati
207
sque et de l’attente du lecteur) — cet obstacle n’
est
-il qu’un prétexte, nécessaire au progrès de la passion, ou n’est-il p
208
étexte, nécessaire au progrès de la passion, ou n’
est
-il pas lié à la passion d’une manière beaucoup plus profonde ? N’est-
209
passion d’une manière beaucoup plus profonde ? N’
est
-il pas l’objet même de la passion, — si l’on descend au fond du mythe
210
cessifs des amants13. Or les causes de séparation
sont
de deux sortes ; circonstances extérieures adverses, entraves inventé
211
pas de la même manière dans les deux cas. Et il n’
est
pas sans intérêt de dégager cette dialectique de l’obstacle dans le R
212
alectique de l’obstacle dans le Roman. Lorsque ce
sont
les circonstances sociales qui menacent les amants (présence de Marc,
213
-dessus l’obstacle (le saut d’un lit à l’autre en
est
le symbole). Quitte à souffrir (sa blessure se rouvre) et à risquer s
214
risquer sa vie (il se sait épié). Mais la passion
est
alors si violente, si animale pourrait-on dire, qu’il oublie la doule
215
du péril pour lui-même. Mais tant que le péril n’
est
qu’une menace tout extérieure, la prouesse par laquelle Tristan le su
216
ure, la prouesse par laquelle Tristan le surmonte
est
une affirmation de la vie. En tout cela ; Tristan n’obéit qu’à la cou
217
s’agit de faire preuve de « valeur », il s’agit d’
être
le plus fort, ou le plus rusé. Nous avons vu que cela le conduirait à
218
ever la reine à son roi. Et que le droit établi n’
est
soudain respecté, à ce moment, que parce qu’il fournit un prétexte à
219
n prétexte à faire rebondir le roman. Toute autre
est
l’attitude du chevalier lorsque rien d’extérieur à eux-mêmes ne sépar
220
is-ci contre lui-même, à ses dépens. Puisqu’il en
est
lui-même le fauteur, c’est un obstacle qu’il ne peut plus vaincre ! N
221
tive plus forte que la passion même. La mort, qui
est
le but de la passion, la tue. Mais l’épée nue n’est pas encore l’expr
222
t le but de la passion, la tue. Mais l’épée nue n’
est
pas encore l’expression décisive du désir sombre, de la fin même de l
223
ns symbolique : l’action empêche la « passion » d’
être
totale, car la passion, c’est « ce que l’on subit » — à la limite, c’
224
, c’est la mort. En d’autres termes, cette action
est
un nouveau délai de la passion, c’est-à-dire un retard de la Mort. ⁂
225
es mains avec Tristan. Le premier de ces mariages
est
l’obstacle de fait. Il est symbolisé par l’existence concrète du mari
226
remier de ces mariages est l’obstacle de fait. Il
est
symbolisé par l’existence concrète du mari, méprisé par l’amour court
227
pas que Tristan puisse jamais épouser Iseut. Elle
est
le type de la femme qu’on n’épouse point, car alors on cesserait de l
228
on cesserait de l’aimer, puisqu’elle cesserait d’
être
ce qu’elle est. Imaginez cela : Madame Tristan ! C’est la négation de
229
l’aimer, puisqu’elle cesserait d’être ce qu’elle
est
. Imaginez cela : Madame Tristan ! C’est la négation de la passion, au
230
amoureuse spontanée, couronnée et non combattue,
est
par essence peu durable. C’est une flambée qui ne peut pas survivre à
231
x qu’ils vont défier. Mais la valeur du chevalier
est
telle qu’il les aura bientôt tous surmontés. C’est alors qu’il s’éloi
232
e erreur — provoquée par le nom des deux femmes —
est
la seule « raison » du mariage de Tristan. L’on voit qu’il lui serait
233
ison » du mariage de Tristan. L’on voit qu’il lui
serait
aisé de s’expliquer. Mais une fois de plus, l’honneur interviendra, e
234
il ruine ainsi par l’intérieur). Prouesse dont il
est
la victime ! La chasteté du chevalier marié répond à la déposition de
235
es dont Tristan sorte purifié ; vers une mort qui
soit
une transfiguration, et non pas un hasard brutal. Il s’agit donc touj
236
de la dialectique passion-obstacle. Vraiment ce n’
est
plus l’obstacle qui est au service de la passion fatale, mais au cont
237
n-obstacle. Vraiment ce n’est plus l’obstacle qui
est
au service de la passion fatale, mais au contraire il est devenu le b
238
ervice de la passion fatale, mais au contraire il
est
devenu le but, la fin désirée pour elle-même. Et la passion n’a donc
239
ité même qui l’a créé. Le sens réel de la passion
est
tellement effrayant et inavouable, que non seulement ceux qui la vive
240
e savoir si les auteurs des cinq poèmes primitifs
étaient
ou non conscients de la portée de leur œuvre. En tout état de cause,
241
et l’objet reste inavoué, mais tout de même il y
est
fait allusion, et par là, dans une certaine mesure, des exigences inc
242
n », « qu’il n’y attache pas d’importance ». S’il
est
poète, il parlera d’inspiration, ou au contraire de rhétorique. Il ne
243
inspiration, ou au contraire de rhétorique. Il ne
sera
jamais à court de bonnes raisons pour démontrer qu’il n’est responsab
244
à court de bonnes raisons pour démontrer qu’il n’
est
responsable de rien… Imaginons maintenant le problème qui se posait à
245
chevaleresque, comme d’ailleurs toute rhétorique,
est
le moyen de faire passer pour « naturelles » les plus obscures propos
246
ctions qu’elle impose. Pour la magie, voici quel
sera
son rôle. Il s’agit de dépeindre une passion dont la violence fascina
247
e une passion dont la violence fascinante ne peut
être
acceptée sans scrupules. Elle apparaît barbare dans ses effets. Elle
248
ules. Elle apparaît barbare dans ses effets. Elle
est
proscrite par l’Église comme un péché ; par la raison comme un excès
249
par erreur, se révèle désormais nécessaire14. Qu’
est
-ce alors que le philtre ? C’est l’alibi de la passion. C’est ce qui p
250
lheureux amants de dire : « Vous voyez que je n’y
suis
pour rien, vous voyez que c’est plus fort que moi. » Et cependant, no
251
eur de cette fatalité trompeuse, tous leurs actes
sont
orientés vers le destin mortel qu’ils aiment, avec une sorte d’astuci
252
abri du jugement. Nos actions les moins calculées
sont
parfois les plus efficaces. La pierre qu’on lance « sans viser » va d
253
Et c’est pourquoi les plus belles scènes du Roman
sont
celles que les auteurs n’ont pas su commenter, et qu’ils décrivent co
254
roman, si Tristan et Iseut pouvaient dire quelle
est
la fin qu’ils se préparent de toute leur volonté profonde, et plus qu
255
Jour qui l’offusque ? et qu’il attend de tout son
être
l’anéantissement de son être ? Certains poètes, beaucoup plus tard, o
256
l attend de tout son être l’anéantissement de son
être
? Certains poètes, beaucoup plus tard, ont osé cet aveu suprême. Mais
257
ont osé cet aveu suprême. Mais la foule dit : ce
sont
des fous. Et la passion que le romancier désire flatter chez l’audite
258
inaire, plus débile. Il y a peu de chance qu’elle
soit
jamais poussée à s’avouer par son excès indubitable, par une mort qui
259
tiques ont fait plus qu’avouer : ils ont su et se
sont
expliqués. Mais s’ils ont affronté « la Nuit obscure » avec la plus s
260
et « lumineuse » se substituerait à la leur. Ce n’
était
pas le dieu sans nom du philtre, une force aveugle ou le Néant, qui s
261
dont il rejette avec horreur la connaissance. Il
tient
son excuse toute prête, et elle le trompe mieux que quiconque : c’est
262
r exemplaire de sa vie. Les raisons de la Nuit ne
sont
pas celles du Jour, elles ne sont pas communicables au Jour15. Elles
263
s de la Nuit ne sont pas celles du Jour, elles ne
sont
pas communicables au Jour15. Elles le méprisent. Tristan s’est fait p
264
nicables au Jour15. Elles le méprisent. Tristan s’
est
fait prisonnier d’un délire auprès duquel pâlissent toute sagesse, to
265
ute sagesse, toute « vérité », et la vie même. Il
est
au-delà de nos bonheurs, de nos souffrances. Il s’élance vers l’insta
266
ce vers l’instant suprême où la totale jouissance
est
de sombrer. ⁂ Les mots du Jour ne peuvent décrire la Nuit, mais la «
267
soir, lorsqu’en un temps lointain la mort du père
fut
annoncée au fils. Dans l’aube sinistre, tu me cherchais, de plus en p
268
t voici qu’elle me parle encore. Pour quel destin
suis
-je né ? Pour quel destin ? La vieille mélodie me répète : — Pour dési
269
maudire ses astres, sa naissance, mais la musique
est
savante, vraiment, et elle nous chante immensément le beau secret : c
270
n’a pas cessé de refouler, — de préserver ! Il en
est
peu de plus tragiques, et sa persistance nous invite à porter sur l’a
271
? Pourquoi veut-il cet amour dont l’éclat ne peut
être
que son suicide ? C’est qu’il se connaît et s’éprouve sous le coup de
272
a limite, ce goût de la collision révélatrice qui
est
sans doute la plus inarrachable des racines de l’instinct de la guerr
273
eur. Que ce malheur, selon la force de notre âme,
soit
la « délicieuse tristesse » et le spleen de la décadence, ou la souff
274
nnonce pas le Jour, mais la Nuit ! La « vraie vie
est
ailleurs », dit Rimbaud. Elle n’est qu’un des noms de la Mort, le seu
275
a « vraie vie est ailleurs », dit Rimbaud. Elle n’
est
qu’un des noms de la Mort, le seul nom par lequel nous osions l’appel
276
la douleur, et spécialement la douleur amoureuse,
est
un moyen privilégié de connaissance. Certes, cela vaut pour les meill
277
vient retarder l’heureux accomplissement. Ainsi,
soit
qu’on désire l’amour le plus conscient, ou simplement l’amour le plus
278
t non pas la présence, nous émeuvent. La présence
est
inexprimable, elle ne possède aucune durée sensible, elle ne peut êtr
279
le ne possède aucune durée sensible, elle ne peut
être
qu’un instant de grâce — le duo de Don Juan et Zerline. Ou bien l’on
280
dans la littérature occidentale. Et l’amour qui n’
est
pas réciproque ne passe point pour un amour vrai. La grande trouvaill
281
t Iseut « s’entr’aiment », ou du moins, qu’ils en
sont
persuadés. Et il est vrai qu’ils sont, l’un envers l’autre, d’une fid
282
t », ou du moins, qu’ils en sont persuadés. Et il
est
vrai qu’ils sont, l’un envers l’autre, d’une fidélité exemplaire. Mai
283
, qu’ils en sont persuadés. Et il est vrai qu’ils
sont
, l’un envers l’autre, d’une fidélité exemplaire. Mais le malheur, c’e
284
malheur, c’est que l’amour qui les « demeine » n’
est
pas l’amour de l’autre tel qu’il est dans sa réalité concrète. Ils s’
285
demeine » n’est pas l’amour de l’autre tel qu’il
est
dans sa réalité concrète. Ils s’entr’aiment, mais chacun n’aime l’aut
286
lande, où t’attardes-tu ? Ce qui gonfle ma voile,
sont
-ce tes soupirs ? Souffle, souffle ô vent ! Malheur, ah ! malheur, fil
287
it, — la jouissance de la vie. Mais cette perte n’
est
pas sentie comme un appauvrissement, bien au contraire. On s’imagine
288
s magnifiquement. C’est que l’approche de la mort
est
l’aiguillon de la sensualité. Elle aggrave, au plein sens du terme, l
289
rète de l’obstacle favorable à l’amour. Mais ce n’
est
encore là que le masque d’un amour de l’obstacle en soi. Et l’obstacl
290
ébut de la passion, la revanche sur le destin qui
fut
subi et qui est enfin racheté. Cette analyse du mythe primitif livre
291
on, la revanche sur le destin qui fut subi et qui
est
enfin racheté. Cette analyse du mythe primitif livre quelques secrets
292
primitif livre quelques secrets dont l’importance
est
appréciable, — mais dont la conscience commune doit renier l’intime é
293
je le sens bien, et m’en console si les résultats
sont
exacts ; que certaines conjectures soient discutables, je l’admettrai
294
résultats sont exacts ; que certaines conjectures
soient
discutables, je l’admettrai sans peine devant les preuves ; mais quoi
295
Nous savons, par la fin du mythe, que la passion
est
une ascèse. Elle s’oppose à la vie terrestre d’une manière d’autant p
296
Incidemment, nous avons indiqué qu’un tel amour n’
est
pas sans lien profond avec notre goût de la guerre. Enfin, s’il est v
297
profond avec notre goût de la guerre. Enfin, s’il
est
vrai que la passion, et le besoin de la passion, sont des aspects de
298
vrai que la passion, et le besoin de la passion,
sont
des aspects de notre mode occidental de connaissance, il faut en veni
299
e de toutes. Connaître à travers la souffrance, n’
est
-ce pas l’acte même, et l’audace, de nos mystiques les plus lucides ?
300
au sens noble, et mystique : que l’une de l’autre
soit
cause ou effet, ou qu’elles aient une commune origine — ces deux « pa
301
t voici qu’elle me parle encore. Pour quel destin
suis
-je né ? Pour quel destin ? La vieille mélodie me répète : — Pour dési
302
es relations que nous venons de dégager. 1. Il
est
assez facile d’éliminer, par une comparaison critique, les fantaisies
303
gende qu’on trouvera au chapitre 5, ces variantes
seront
négligées pour autant qu’elles s’expliquent trop aisément par des cir
304
r. 2. Voir Appendice 1. 3. Appendice 2. 4. Ce
serait
ici le langage du poème : or on sait qu’il est des plus simples. 5.
305
serait ici le langage du poème : or on sait qu’il
est
des plus simples. 5. La raison dont je parle ici étant l’activité pr
306
des plus simples. 5. La raison dont je parle ici
étant
l’activité profanatrice qui s’exerce aux dépens du sacré collectif et
307
et qui en libère l’individu. Que le rationalisme
soit
passé au rang de doctrine officielle ne doit pas nous faire oublier s
308
de l’autre côté de la grotte, Isolt. Les amants s’
étaient
couchés pour se reposer à cause de la forte chaleur, et dormaient ain
309
séparés l’un de l’autre parce que… » Ici le texte
est
interrompu ! Et Bédier dit en note : « Passage inintelligible. » Quel
310
sage inintelligible. » Quelle puissance maléfique
est
donc intervenue pour brouiller le seul texte qui pût éclaircir le mys
311
tfried de Strasbourg insiste avec cynisme : « Ce
fut
ainsi chose manifeste — Et avérée devant tous — Que le très glorieux
312
dont on s’habille — Il se prête au gré de tous —
Soit
à la sincérité soit à la tromperie — Il est toujours ce qu’on veut qu
313
Il se prête au gré de tous — Soit à la sincérité
soit
à la tromperie — Il est toujours ce qu’on veut qu’il soit… » 10. E
314
us — Soit à la sincérité soit à la tromperie — Il
est
toujours ce qu’on veut qu’il soit… » 10. Et qu’il avait conquise d
315
a tromperie — Il est toujours ce qu’on veut qu’il
soit
… » 10. Et qu’il avait conquise de plein droit pour lui-même en la
316
vençale, I, p. 512. 12. Précisons que : 1° elles
sont
observées tour à tour, en vertu d’un calcul secret ; car si l’on choi
317
a situation se dénouerait trop vite ; 2° elles ne
sont
pas toujours observées : ainsi le péché consommé dès que les amants o
318
ché consommé dès que les amants ont bu le philtre
est
un péché aux yeux de l’amour courtois non moins qu’aux yeux de la mor
319
tan revient à la cour. Le « flagrant délit ». Ils
sont
séparés. — Ils se retrouvent et passent trois ans dans la forêt, puis
320
yeux du moraliste. Inférieur en ceci à Béroul il
sera
le premier responsable de la dégradation du mythe. 15. Dans le drame
321
emandes. » Et plus tard, quand il meurt : « Je ne
suis
pas resté au lieu de mon réveil. Mais où ai-je fait séjour ? Je ne sa
322
séjour ? Je ne saurais le dire… C’était là où je
fus
toujours, et là où j’irai pour toujours : le vaste empire de l’éterne
323
l’éternelle nuit. Là-bas, une science unique nous
est
donnée : le divin, l’éternel, l’originel oubli… Oh ! si je pouvais le
324
the 1.L’« obstacle » naturel et sacré Nous
sommes
tous plus ou moins matérialistes, nous autres héritiers du xixe . Qu’
325
es de faits « spirituels », aussitôt nous croyons
tenir
une explication de ces faits. Le plus bas nous paraît le plus vrai. C
326
a vu le jeu au cours de notre analyse du mythe, n’
est
-il pas d’origine toute naturelle ? Retarder le plaisir, n’est-ce pas
327
’origine toute naturelle ? Retarder le plaisir, n’
est
-ce pas la ruse la plus élémentaire du désir ? Et l’homme n’est-il pas
328
ruse la plus élémentaire du désir ? Et l’homme n’
est
-il pas « ainsi fait » qu’il s’impose parfois une certaine continence,
329
. « C’est afin — lui fait dire Plutarque — qu’ils
soient
toujours plus forts et dispos de leur corps, et qu’en ne jouissant pa
330
lus valeureux. Or la vertu d’une telle discipline
est
relative à la vie même, non à l’esprit. Elle cède au succès obtenu. E
331
cherche rien au-delà. L’eugénisme d’un Lycurgue n’
est
nullement ascétique, puisqu’il vise au contraire à la meilleure propa
332
les tribus exogamiques. La morale de la prouesse
est
une sublimation non déguisée de coutumes beaucoup plus anciennes trad
333
la nécessité d’une sélection biologique. Et il n’
est
pas jusqu’au désir de la mort que l’on ne puisse « ramener » à l’inst
334
assez que pour les Grecs et les Romains, l’amour
est
une maladie (Ménandre) dans la mesure où il transcende la volupté qui
335
e) dans la mesure où il transcende la volupté qui
est
sa fin naturelle. C’est une « frénésie », dit Plutarque. « Aucuns ont
336
ont pensé que c’était une rage… Ainsi à ceux qui
sont
amoureux, il leur faut pardonner comme étant malades… » D’où vient al
337
x qui sont amoureux, il leur faut pardonner comme
étant
malades… » D’où vient alors cette glorification de la passion, qui es
338
ient alors cette glorification de la passion, qui
est
justement ce qui nous touche dans le Roman ? Parler de déviation de l
339
ire puisqu’il s’agit de savoir, précisément, quel
est
le facteur qui a pu causer cette déviation. 2.Éros, ou le Désir sa
340
l’âme, pour la troubler d’humeurs malignes. Ce n’
est
pas l’amour tel qu’il le loue. Mais il est une autre espèce de fureur
341
. Ce n’est pas l’amour tel qu’il le loue. Mais il
est
une autre espèce de fureur, ou de délire, qui ne s’engendre pas sans
342
de la divinité et porte notre élan vers Dieu. Tel
est
l’amour platonicien : « délire divin », transport de l’âme, folie et
343
ort de l’âme, folie et suprême raison. Et l’amant
est
auprès de l’être aimé « comme dans le ciel », car l’amour est la voie
344
lie et suprême raison. Et l’amant est auprès de l’
être
aimé « comme dans le ciel », car l’amour est la voie qui monte par de
345
e l’être aimé « comme dans le ciel », car l’amour
est
la voie qui monte par degrés d’extase vers l’origine unique de tout c
346
ce qui divise et distingue, au-delà du malheur d’
être
soi et d’être deux dans l’amour même. L’Éros, c’est le Désir total, c
347
et distingue, au-delà du malheur d’être soi et d’
être
deux dans l’amour même. L’Éros, c’est le Désir total, c’est l’Aspirat
348
ute puissance, à l’extrême exigence de pureté qui
est
l’extrême exigence d’Unité. Mais l’unité dernière est négation de l’ê
349
l’extrême exigence d’Unité. Mais l’unité dernière
est
négation de l’être actuel, dans sa souffrante multiplicité. Ainsi l’é
350
d’Unité. Mais l’unité dernière est négation de l’
être
actuel, dans sa souffrante multiplicité. Ainsi l’élan suprême du dési
351
é. Ainsi l’élan suprême du désir aboutit à ce qui
est
non-désir. La dialectique d’Éros introduit dans la vie quelque chose
352
cension de l’homme vers son dieu. Et ce mouvement
est
sans retour. ⁂ Les origines iraniennes et orphiques du platonisme son
353
es origines iraniennes et orphiques du platonisme
sont
encore mal connues mais certaines. Et par Plotin et l’Aréopagite, cet
354
. Et par Plotin et l’Aréopagite, cette doctrine s’
est
transmise au monde médiéval. Ainsi l’Orient vint rêver dans nos vies,
355
ou quelque harmonie ancestrale — toutes nos races
sont
venues d’Orient — ou simplement si la nature humaine n’est point port
356
s d’Orient — ou simplement si la nature humaine n’
est
point portée en tous lieux et tous temps à diviniser son Désir dans d
357
druides sur l’immortalité. La mythologie comparée
est
la plus périlleuse des sciences, si l’on excepte l’étymologie dont el
358
merci du calembour le plus tentant… Quoi qu’il en
soit
, certaines convergences générales se dégagent des travaux récents, re
359
t l’extension de l’Empire romain. Or les Celtes n’
étaient
pas une nation. Ils n’avaient pas d’autre « unité » que celle d’une c
360
le d’une civilisation, dont le principe spirituel
était
maintenu par le collège sacerdotal des druides. Ce collège à son tour
361
e sacerdotal des druides. Ce collège à son tour n’
était
nullement l’émanation des petits peuples ou tribus, mais « une instit
362
religieuses douées de pouvoirs très étendus. Ils
étaient
à la fois devins, magiciens, médecins, prêtres, professeurs. Ils n’éc
363
rte d’ailleurs le même nom que le brahmane.18) Il
est
certain que les Celtes croyaient à une vie après la mort. Vie aventur
364
mort. C’était une compagne familière dont ils se
sont
plu à déguiser le caractère inquiétant ». De même, dans leur mytholog
365
t domine tout, et tout la découvre »19. Et cela n’
est
pas sans inciter à des rapprochements très précis avec ce que l’on a
366
Nuit, et de leur lutte mortelle dans l’homme. Il
est
un dieu de Lumière incréée, intemporelle, et un dieu de Ténèbres, aut
367
vre : la conception de la femme chez les Celtes n’
est
pas sans rappeler la dialectique platonicienne de l’Amour. La femme f
368
l’Amour. La femme figure aux yeux des druides un
être
divin et prophétique. C’est la Velléda des Martyrs, le fantôme lumine
369
perdu dans sa rêverie nocturne : « Sais-tu que je
suis
fée ? », dit-elle. Éros a revêtu les apparences de la Femme, symbole
370
stérieux », c’était l’invitation à désirer ce qui
est
au-delà des formes incarnées. Mais elle est belle et désirable en soi
371
e qui est au-delà des formes incarnées. Mais elle
est
belle et désirable en soi… Et pourtant sa nature est fuyante. « L’Éte
372
belle et désirable en soi… Et pourtant sa nature
est
fuyante. « L’Éternel féminin nous entraîne », dira Goethe. Et Novalis
373
entraîne », dira Goethe. Et Novalis : « La femme
est
le but de l’homme. » Ainsi l’aspiration vers la Lumière prend pour sy
374
es. Le grand Jour incréé, aux yeux de la chair, n’
est
que la Nuit. Mais notre jour, aux yeux du dieu qui réside par-delà le
375
il souffre volupté, même quand il croit aimer un
être
… On parle trop de nirvana et de bouddhisme à propos de l’opéra wagnér
376
les éléments les plus actifs de son philtre ! Il
est
frappant de constater d’ailleurs à quel point le celtisme originel de
377
et aux invasions germaniques. « Les Gallo-Romains
sont
restés pour la plupart des Celtes déguisés. Si bien qu’après les inva
378
aître en Gaule des modes et des goûts qui avaient
été
ceux des Celtes.20 » L’art roman et les langues romanes attestent l’i
379
’importance de l’héritage celtique. Plus tard, ce
furent
des moines d’Irlande et de Bretagne — derniers refuges des légendes b
380
la Bretagne, nous constatons qu’une religion s’y
est
répandue, d’une manière à vrai dire souterraine, dès le iiie siècle
381
le des mythes du Jour et de la Nuit tels qu’ils s’
étaient
élaborés en Perse d’abord, puis dans les sectes gnostiques et orphiqu
382
éprouve de nos jours à définir cette religion ne
sont
pas sans nous renseigner sur sa nature profonde et sa portée humaine.
383
ature profonde et sa portée humaine. D’abord elle
fut
partout persécutée avec une violence inouïe par les pouvoirs ou les o
384
n vit en elle la pire menace sociale. Ses fidèles
furent
massacrés, leurs écrits dispersés et brûlés. Si bien que les témoigna
385
. Si bien que les témoignages sur lesquels elle a
été
jugée jusqu’à nos jours émanent presque exclusivement de ses adversai
386
uite, il semble bien que la doctrine de Mani (qui
était
originaire de l’Iran) ait pris, selon les peuples et leurs croyances,
387
n hymne manichéen récemment retrouvé et traduit21
sont
invoqués et loués successivement Jésus, Mani, Ohrmuzd, Çakyamouni, et
388
in Zarhust (Zarathustra ou Zoroastre). De plus il
est
permis de penser que les survivances celtiques dans le Midi languedoc
389
ppements qui suivront, deux faits surtout doivent
être
retenus : 1° Le dogme fondamental de toutes les sectes manichéennes,
390
t des dieux Me voici en exil et séparé d’eux. Je
suis
un dieu, et né des dieux Mais maintenant réduit à souffrir. Ainsi l
391
estin de l’Âme. L’élan de l’âme vers la Lumière n’
est
pas sans évoquer d’une part la « réminiscence du Beau » dont parlent
392
se souvient de l’île des immortels. Mais cet élan
est
sans cesse entravé par la jalousie de Vénus (Dîbat dans le premier hy
393
e matière l’amant en proie au lumineux Désir. Tel
est
le combat de l’amour sexuel et de l’Amour, et il exprime l’angoisse f
394
s anges déchus dans des corps trop humains… 2. Il
est
très important et significatif pour nous de remarquer à la suite d’un
395
récent22 que la structure de la foi manichéenne «
est
essentiellement lyrique ». Autrement dit, qu’il est de la nature prof
396
t essentiellement lyrique ». Autrement dit, qu’il
est
de la nature profonde de cette foi de se refuser à toute exposition r
397
la mort le bien dernier, le rachat de la faute d’
être
né, la réintégration dans l’Un et dans la lumineuse indistinction. Dè
398
u point de vue de la vie, un tel Amour ne saurait
être
qu’un malheur total. Tel est le grand fond du paganisme oriental-occi
399
el Amour ne saurait être qu’un malheur total. Tel
est
le grand fond du paganisme oriental-occidental sur lequel se détache
400
e détache notre mythe. Mais d’où vient qu’il s’en
soit
« détaché », justement ? Quelle menace, quelle interdiction a contrai
401
rologue de l’Évangile de Jean : Au commencement
était
la Parole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole était Dieu… En
402
: Au commencement était la Parole, et la Parole
était
avec Dieu, et la Parole était Dieu… En elle était la vie, et la vie é
403
arole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole
était
Dieu… En elle était la vie, et la vie était la lumière des hommes. La
404
était avec Dieu, et la Parole était Dieu… En elle
était
la vie, et la vie était la lumière des hommes. La lumière luit dans l
405
arole était Dieu… En elle était la vie, et la vie
était
la lumière des hommes. La lumière luit dans les ténèbres, et les ténè
406
s, et les ténèbres ne l’ont pas reçue. (I, 1-5.)
Est
-ce encore le dualisme éternel, sans rémission, l’irrévocable hostilit
407
car voici la suite du passage : Et la Parole a
été
faite chair, et elle a habité parmi nous, pleine de grâce et de vérit
408
le monde — de la Lumière dans les Ténèbres —, tel
est
l’événement inouï qui nous délivre du malheur de vivre. Tel est le ce
409
t inouï qui nous délivre du malheur de vivre. Tel
est
le centre de tout le christianisme, et le foyer de l’amour chrétien q
410
lement » incroyable. Car le fait de l’Incarnation
est
la négation radicale de toute espèce de religion. Il est le suprême s
411
négation radicale de toute espèce de religion. Il
est
le suprême scandale, non seulement pour notre raison qui n’admet poin
412
la non-vie, la mort du corps. La Nuit et le Jour
étant
incompatibles, l’homme créé qui appartient à la Nuit, ne peut trouver
413
la Nuit, ne peut trouver de salut qu’en cessant d’
être
, en se « perdant » au sein de la divinité. Mais le christianisme, par
414
ialectique de fond en comble. Au lieu que la mort
soit
le terme dernier, elle devient la première condition. Ce que l’Évangi
415
st le début d’une vie nouvelle, dès ici-bas. Ce n’
est
pas la fuite de l’esprit hors du monde, mais son retour en force au s
416
e que l’Esprit ressaisit. Dieu — le vrai Dieu — s’
est
fait homme, et vrai homme. En la personne de Jésus-Christ, les ténèbr
417
e et mort au monde en tant que le moi et le monde
sont
pécheurs, mais rendu à soi-même et au monde en tant que l’Esprit veut
418
ue l’Esprit veut les sauver. Désormais, l’amour n’
est
plus fuite et perpétuel refus de l’acte. Il commence au-delà de la mo
419
pparaître le prochain. Pour l’Éros, la créature n’
était
qu’un prétexte illusoire, une occasion de s’enflammer ; et il fallait
420
l fallait aussitôt s’en déprendre, puisque le but
était
de brûler toujours plus, de brûler jusqu’à en mourir ! L’être particu
421
er toujours plus, de brûler jusqu’à en mourir ! L’
être
particulier n’était guère qu’un défaut et un obscurcissement de l’Êtr
422
e brûler jusqu’à en mourir ! L’être particulier n’
était
guère qu’un défaut et un obscurcissement de l’Être unique. Comment l’
423
ait guère qu’un défaut et un obscurcissement de l’
Être
unique. Comment l’aimer vraiment, tel qu’il était ? Le salut n’étant
424
’Être unique. Comment l’aimer vraiment, tel qu’il
était
? Le salut n’étant qu’au-delà, l’homme religieux se détournait des cr
425
nt l’aimer vraiment, tel qu’il était ? Le salut n’
étant
qu’au-delà, l’homme religieux se détournait des créatures ignorées pa
426
s créatures ignorées par son dieu. Mais Dieu ne s’
est
pas détourné. « Il nous a aimés le premier » dans notre forme et nos
427
emier » dans notre forme et nos limitations. Il a
été
jusqu’à les revêtir. Et revêtant la condition de l’homme pécheur et s
428
tification. Le contraire de la sublimation, qui n’
était
que fuite illusoire au-delà du concret de la vie. Aimer devient alors
429
chait le dépassement à l’infini. L’amour chrétien
est
obéissance dans le présent. Car aimer Dieu, c’est obéir à Dieu qui no
430
in. À ceux qui lui demandaient ironiquement : Qui
est
mon prochain ? Jésus répond : c’est l’homme qui a besoin de vous. Tou
431
gent de sens. Le nouveau symbole de l’Amour, ce n’
est
plus la passion infinie de l’âme en quête de lumière, mais c’est le m
432
et là, le sanctifie par le mariage. Un tel amour,
étant
conçu à l’image de l’amour du Christ pour son Église (Éph., 5,25), pe
433
mour du Christ pour son Église (Éph., 5,25), peut
être
vraiment réciproque. Car il aime l’autre tel qu’il est — au lieu d’ai
434
raiment réciproque. Car il aime l’autre tel qu’il
est
— au lieu d’aimer l’idée de l’amour ou sa mortelle et délicieuse brûl
435
du point de vue de la vie, au malheur absolu, qui
est
la mort. Le christianisme n’est un malheur mortel que pour l’homme sé
436
lheur absolu, qui est la mort. Le christianisme n’
est
un malheur mortel que pour l’homme séparé de Dieu, mais un malheur re
437
e « saisit le salut ». 4.Orient et Occident
Est
-il possible de définir l’Orient et l’Occident en dehors de la géograp
438
» une conception religieuse qui à vrai dire nous
est
venue du Proche-Orient, mais qui n’a triomphé qu’en Occident : celle
439
lle. Mais seulement une communion, dont le modèle
est
dans le mariage de l’Église et de son Seigneur. Ces deux extrêmes ain
440
ières, elles ne représentent que des défauts de l’
Être
. Nous n’avons donc point de prochain. Et l’exaltation de l’Amour sera
441
onc point de prochain. Et l’exaltation de l’Amour
sera
en même temps son ascèse, la voie qui mène au-delà de la vie. Agapè
442
l’union qui s’opérerait au-delà de la vie. « Dieu
est
au ciel, et toi tu es sur la terre. » Et ton sort se joue ici-bas. Le
443
au-delà de la vie. « Dieu est au ciel, et toi tu
es
sur la terre. » Et ton sort se joue ici-bas. Le péché n’est pas d’êtr
444
terre. » Et ton sort se joue ici-bas. Le péché n’
est
pas d’être né, mais d’avoir perdu Dieu en devenant autonome. Or, nous
445
Et ton sort se joue ici-bas. Le péché n’est pas d’
être
né, mais d’avoir perdu Dieu en devenant autonome. Or, nous ne trouver
446
ésir. Nous aurons beau sublimer notre Éros, il ne
sera
jamais que nous-mêmes ! Point d’illusions ni d’optimisme humain, dans
447
me orthodoxe. Mais alors, c’est le désespoir ? Ce
serait
le désespoir, s’il n’y avait pas la Bonne Nouvelle ; et cette nouvell
448
r de son Fils abaissé jusqu’à nous. L’Incarnation
est
le signe historique d’une création renouvelée, où le croyant se trouv
449
’est-à-dire réconcilié, l’homme reste un homme (n’
est
pas divinisé) mais un homme qui ne vit plus pour lui seul. « Tu aimer
450
exaltée dissolution du moi en Dieu. L’Amour divin
est
l’origine d’une vie nouvelle, dont l’acte créateur s’appelle la commu
451
, il faut bien qu’il y ait deux sujets, et qu’ils
soient
présents l’un à l’autre : donc l’un pour l’autre le prochain. Si l’Ag
452
lus comme un prétexte à s’exalter, mais tel qu’il
est
dans la réalité de sa détresse et de son espérance ; et si l’Éros n’a
453
espérance ; et si l’Éros n’a pas de prochain, — n’
est
-on pas en droit de conclure que cette forme d’amour nommée passion do
454
ous oblige à le constater : c’est l’inverse qui s’
est
réalisé. Nous voyons qu’en Orient23, et dans la Grèce contemporaine d
455
la Grèce contemporaine de Platon, l’amour humain
est
très généralement conçu comme le plaisir, la simple volupté physique.
456
au sens tragique et douloureux — non seulement y
est
rare, mais encore et surtout y est méprisée par la morale courante co
457
on seulement y est rare, mais encore et surtout y
est
méprisée par la morale courante comme une maladie frénétique. « Aucun
458
n Occident, au xiie siècle, c’est le mariage qui
est
en butte au mépris, tandis que la passion est glorifiée dans la mesur
459
qui est en butte au mépris, tandis que la passion
est
glorifiée dans la mesure même où elle est déraisonnable, où elle fait
460
passion est glorifiée dans la mesure même où elle
est
déraisonnable, où elle fait souffrir, où elle exerce ses ravages aux
461
ction flagrante entre les doctrines et les mœurs.
Serait
-ce alors dans le fait même de cette contradiction flagrante que résid
462
xaltée. Le principe d’explication de ce tableau
est
assez simple. Le platonisme, au temps de Platon et durant les siècles
463
emps de Platon et durant les siècles suivants, ne
fut
jamais une doctrine populaire, mais une sagesse ésotérique. Il en all
464
oi le christianisme triompha. La primitive Église
fut
une communauté de faibles et de méprisés. Mais à partir de Constantin
465
r en lui s’exalter la révolte du sang barbare. Il
était
prêt à accueillir, sous le couvert de formes catholiques, toutes les
466
ion incréée : l’idée même de toute excellence. Qu’
est
devenue cette doctrine parmi nous ? « Personne ne saurait dire jusqu’
467
é physique — alors qu’en fait cette beauté même n’
est
que l’attribut conféré par l’amant à l’objet de son choix d’amour. L’
468
it son objet », et que la beauté « officielle » n’
est
pas un gage d’être aimé. Mais le platonisme dégénéré, qui nous obsède
469
que la beauté « officielle » n’est pas un gage d’
être
aimé. Mais le platonisme dégénéré, qui nous obsède, nous rend aveugle
470
s rend aveugles à la réalité de l’objet tel qu’il
est
dans sa vérité — ou bien nous la rend peu aimable. Et il nous jette à
471
Souvenons-nous du culte druidique pour la Femme,
être
prophétique, « éternel féminin », « but de l’homme ». Les Celtes, déj
472
simile d’instinct à la définition de la beauté, n’
est
-ce pas le souvenir de la mère « fixé » dans sa mémoire secrète ? ⁂ Si
473
re « fixé » dans sa mémoire secrète ? ⁂ Si telles
sont
bien les causes de la curieuse contradiction qui apparaît au xiie si
474
trines et les mœurs, une première conclusion peut
être
formulée dès à présent : L’amour-passion est apparu en Occident comme
475
eut être formulée dès à présent : L’amour-passion
est
apparu en Occident comme l’un des contrecoups du christianisme (et sp
476
resterait bien théorique et contestable si nous n’
étions
pas en mesure de décrire avec précision les voies et moyens historiqu
477
urs et cathares Que toute la poésie européenne
soit
issue de la poésie des troubadours au xiie siècle, c’est ce dont per
478
les xie et xiie siècles, la poésie d’où qu’elle
fût
(hongroise, espagnole, portugaise, allemande, sicilienne, toscane, gé
479
picarde, champenoise, flamande, anglaise, etc.,)
était
au préalable languedocienne, c’est-à-dire que le poète, ne pouvant êt
480
uedocienne, c’est-à-dire que le poète, ne pouvant
être
que troubadour, était tenu de parler — et de l’apprendre s’il ne le s
481
ire que le poète, ne pouvant être que troubadour,
était
tenu de parler — et de l’apprendre s’il ne le savait pas — le langage
482
e le poète, ne pouvant être que troubadour, était
tenu
de parler — et de l’apprendre s’il ne le savait pas — le langage du t
483
it pas — le langage du troubadour, qui n’a jamais
été
que le provençal.28 » Qu’est-ce que la poésie des troubadours ? L’exa
484
dour, qui n’a jamais été que le provençal.28 » Qu’
est
-ce que la poésie des troubadours ? L’exaltation de l’amour malheureux
485
Mais il faut dire aussi que jamais rhétorique ne
fut
plus exaltante et fervente. Ce qu’elle exalte, c’est l’amour hors du
486
que l’union des corps, tandis que l’« Amor », qui
est
l’Éros suprême, est l’élancement de l’âme vers l’union lumineuse, au-
487
s, tandis que l’« Amor », qui est l’Éros suprême,
est
l’élancement de l’âme vers l’union lumineuse, au-delà de tout amour p
488
mais encore faudrait-il expliquer pourquoi elle s’
est
produite à tel moment et dans tels lieux bien définis ; ou bien tout
489
ors il s’agit de savoir pour quelles raisons elle
est
demeurée obscure jusqu’à nos jours. Ce qui est curieux au plus haut p
490
le est demeurée obscure jusqu’à nos jours. Ce qui
est
curieux au plus haut point, c’est l’embarras des romanistes les plus
491
ntradiction absolue avec ces conditions »31. « Il
est
évident qu’elle ne reflète aucunement la réalité, la condition de la
492
la réalité, la condition de la femme n’ayant pas
été
, dans les institutions féodales du Midi, moins humble et dépendante q
493
dépendante que dans celles du Nord.32 » Or, s’il
est
à ce point « évident » que les troubadours ne tiraient rien de la réa
494
eption de l’amour venait d’ailleurs. Quel pouvait
être
cet ailleurs ? La même question se pose pour leur art, j’entends pour
495
’avoir montré aucune espèce d’originalité et de s’
être
borné à raffiner des formes fixes et des lieux communs : mais encore
496
la lyrique arabe et la lyrique provençale : ce n’
est
pas sérieux, nous dit-on. Brinkmann et d’autres ont supposé que la po
497
ournir des modèles : tout compte fait, cela ne se
tient
pas, car les troubadours, paraît-il, avaient trop peu de culture pour
498
u phénomène qu’ils passent leur vie à étudier. Il
est
vrai que Wechssler, dans un ouvrage fameux34, a cru pouvoir tout écla
499
ntre elles l’ensemble de nos érudits. Wechssler s’
est
vu traiter de « doctrinaire » — suprême injure — et plusieurs ont ins
500
utations de tout ce qui prétend l’expliquer. « Il
est
également impossible — écrit un de nos professeurs — de voir dans ces
501
rmules vides de sens ». Excellent « matériel » il
est
vrai, pour un philologue qui se respecte et n’entend pas « solliciter
502
specte et n’entend pas « solliciter » les textes,
fût
-ce par le moindre essai de les comprendre. Je ne saurais me contenter
503
se à supposer un seul instant que les troubadours
furent
des faibles d’esprit, tout juste bons à répéter sans se lasser des fo
504
si le secret de toute cette poésie ne devrait pas
être
cherché beaucoup plus près d’elle qu’on ne l’a fait — tout près : sur
505
out près : sur place, dans le milieu même où elle
est
née. Et non pas dans le milieu purement « social » au sens moderne, m
506
nnes d’Asie Mineure et de Bulgarie. Quoi qu’il en
soit
, les « purs » ou cathares se rattachaient aux grands courants gnostiq
507
nes dans la religion dualiste de l’Iran36. Quelle
était
la doctrine des cathares ? L’Inquisition a brûlé la plupart de leurs
508
chéisme, et des méthodes inquisitoriales, il nous
est
possible de reconstituer dans ses grands traits le dogme de « l’Églis
509
nds traits le dogme de « l’Église d’Amour ». Dieu
est
amour. Mais le monde est mauvais. Donc Dieu ne saurait être l’auteur
510
l’Église d’Amour ». Dieu est amour. Mais le monde
est
mauvais. Donc Dieu ne saurait être l’auteur du monde, de ses ténèbres
511
. Mais le monde est mauvais. Donc Dieu ne saurait
être
l’auteur du monde, de ses ténèbres, et du péché qui nous enserre. Sa
512
enserre. Sa création première, encore informe, a
été
achevée mais pervertie par l’Ange révolté, Satan ou le Démiurge39. L’
513
r l’Ange révolté, Satan ou le Démiurge39. L’homme
est
un ange déchu, emprisonné dans la matière, et soumis de ce fait aux l
514
e fait aux lois des corps dont la plus tyrannique
est
la procréation. Mais le Fils de Dieu est venu pour nous montrer le ch
515
rannique est la procréation. Mais le Fils de Dieu
est
venu pour nous montrer le chemin du retour à la Lumière. Ce Christ ne
516
le chemin du retour à la Lumière. Ce Christ ne s’
est
pas incarné : il n’a pris que l’apparence d’un homme40. Les cathares
517
u frère pendant la cérémonie d’initiation. Encore
est
-ce moins un sacrement au sens catholique de ce terme, qu’un signe d’a
518
, à s’abstenir de tout contact avec sa femme s’il
était
marié 41, à ne tuer ni ne manger nul animal, enfin à tenir sa foi sec
519
ié 41, à ne tuer ni ne manger nul animal, enfin à
tenir
sa foi secrète. Un jeûne de quarante jours, ou endura, précédait cett
520
ne congestion pulmonaire. Chez eux, cette maladie
était
toujours mortelle. Le meilleur médecin ne saurait sauver des malades
521
rir.42 » Notons enfin ce dernier trait : comme ce
fut
le cas pour tant de sectes et de religions orientales — jaïnisme, bou
522
mons plus chrétiens que les leurs, et leurs mœurs
étaient
pures… » Ce jugement rachète en partie les calomnies de l’Inquisition
523
voir aujourd’hui une caractéristique chrétienne,
est
d’origine manichéenne et hérétique. Car il faut bien noter que la « c
524
en noter que la « chair » dont parle saint Paul n’
est
pas le corps physique, mais le tout de l’homme incroyant, corps, rais
525
cette culture et de ses doctrines secrètes, nous
sommes
encore tributaires, au-delà de ce que l’on imagine… (Comme j’espère l
526
résie ? Les présomptions en faveur de cette thèse
sont
tellement fortes qu’il conviendrait de retourner la question : commen
527
badours, si l’on nie que l’hérésie cathare en ait
été
la source vive ? Otto Rahn n’hésite point à écrire : « La plupart des
528
ite point à écrire : « La plupart des troubadours
étaient
hérétiques, tous les cathares étaient troubadours. » Mais nous avons
529
troubadours étaient hérétiques, tous les cathares
étaient
troubadours. » Mais nous avons assez de bonnes raisons pour nous pass
530
asser de toute espèce d’exagération enthousiaste.
Est
-ce pure coïncidence, si les troubadours comme les cathares glorifient
531
sans toujours l’exercer — la vertu de chasteté ?
Est
-ce pure coïncidence, si, comme les « purs », ils ne reçoivent de leur
532
t pour chanter et offrir leur hommage se trouvent
être
précisément les cours des seigneurs hérétiques ? Il ne serait que tro
533
sément les cours des seigneurs hérétiques ? Il ne
serait
que trop facile de multiplier ces questions. Voyons plutôt les argume
534
nts adverses. Tous les troubadours, dira-t-on, ne
furent
pas dans le camp de l’hérésie. Plusieurs finirent leurs jours dans de
535
i passa-t-il pour un traître, jusqu’au jour où il
fut
accusé devant le pape Innocent III d’avoir causé la mort de cinq-cent
536
illeurs, quand on démontrerait, à supposer que ce
fût
possible en soi, que tels d’entre les troubadours ignoraient les anal
537
pas encore démontré que l’origine de ce lyrisme n’
est
pas cathare. N’oublions pas qu’ils composaient leurs coblas et leurs
538
peut concevoir une poésie — même très belle — qui
serait
faite de lieux communs dont le poète ne saurait d’où ils viennent. N’
539
uns dont le poète ne saurait d’où ils viennent. N’
est
-ce pas, sauf la beauté, plutôt courant ? Et si l’on dit : ces troubad
540
de ne jamais trahir leur foi, et cela quelle que
fût
la mort dont ils se verraient menacés. C’est ainsi que les registres
541
e dans les cours d’amour : « Un chevalier peut-il
être
à la fois marié et fidèle à sa dame ? » — voilà qui nous donne à pens
542
parent « mariage » avec l’Église de Rome dont ils
étaient
les clercs, tout en servant dans leurs « pensées » une autre Dame, l’
543
e d’Auvergne fit pénitence ? Preuve de plus qu’il
fut
hérétique. Enfin, ce qui doit égarer, c’est un ésotérisme dont l’exis
544
u du xiie siècle (et ce phénomène à cette époque
est
singulièrement curieux) une école, celle du trobar clus, dont l’ambit
545
une école, celle du trobar clus, dont l’ambition
était
de voiler la pensée sous l’ambiguïté des expressions » (Jeanroy). Est
546
sée sous l’ambiguïté des expressions » (Jeanroy).
Est
-ce vraiment si « curieux » cette prudence, en cette époque précisémen
547
ait de son désir, si justement l’amour sans fin n’
était
le mal qu’il aime, la « joy d’amor », le délire qui prévaut : … en f
548
e… S’il ne veut pas mourir encore, c’est qu’il n’
est
pas assez détaché du désir, c’est qu’il craint de quitter son corps p
549
ois : Dieu ! comment se peut-il faire Que plus m’
est
loin plus la désire ? Et voici Guiraut de Bornheil qui prie la vraie
550
d’épreuves dans le monde. (Ces deux « copains »,
est
-ce l’esprit et le corps ? Mais souvenons-nous aussi de la coutume des
551
eu, Seigneur, s’il vous agrée À mon copain fidèle
soit
aide et bienvenue Car ne l’ai plus revu depuis la nuit venue Et bient
552
e faut se séparer ? Beau doux copain, tant riche
est
ce séjour Que ne veux jamais plus voir aube ni jour Car la plus belle
553
our Car la plus belle fille qui de mère naquit La
tiens
dedans mes bras, donc plus ne me soucie Ni de jaloux ni d’aube. Ce r
554
it non » — encore qu’ici le doute s’insinue — qui
est
-elle, femme ou symbole ? Pourquoi sont-ils tous à jurer que jamais il
555
sinue — qui est-elle, femme ou symbole ? Pourquoi
sont
-ils tous à jurer que jamais ils ne trahiront le secret de leur grande
556
s, accomplis en toute malice, à demander qui elle
est
, et quel est son pays, s’il est loin ou près, car je vous le tiendrai
557
en toute malice, à demander qui elle est, et quel
est
son pays, s’il est loin ou près, car je vous le tiendrai bien caché.
558
demander qui elle est, et quel est son pays, s’il
est
loin ou près, car je vous le tiendrai bien caché. Je mourrais plutôt
559
t son pays, s’il est loin ou près, car je vous le
tiendrai
bien caché. Je mourrais plutôt que de faillir en un seul mot… Quelle
560
ais plutôt que de faillir en un seul mot… Quelle
est
la « dame » qui mériterait ce sacrifice ? Ou ce cri de Guillaume de P
561
cri de Guillaume de Poitiers : Par elle seule je
serai
sauvé ! S’il ne s’agit que de figures de rhétorique, quel est l’espr
562
S’il ne s’agit que de figures de rhétorique, quel
est
l’esprit qui leur donna naissance ? Et quel Amour en fut l’idée plato
563
sprit qui leur donna naissance ? Et quel Amour en
fut
l’idée platonicienne ? Dans sa chanson « Du moindre tiers d’Amour »,
564
ers conviennent Noblesse et Merci ; et le premier
est
de telle élévation qu’au-dessus du ciel plane son pouvoir. Cet Amou
565
en trois, ce principe féminin (Amor en provençal
est
du genre féminin) qui chez Dante va « mouvoir le ciel et toutes les é
566
e va « mouvoir le ciel et toutes les étoiles », n’
est
-ce point déjà la Divinité en soi des grands mystiques hétérodoxes, le
567
le Cantique des Cantiques, mais là aussi, le ton
est
réellement mystique. Les érudits nous ressassent leur formule : il n’
568
ris moi-même, elle m’a pris le monde, puis elle s’
est
elle-même dérobée à moi, ne me laissant que mon désir et mon cœur ass
569
t, et dont les romanistes assurent que les poèmes
sont
« vides de pensée » : n’y trouve-t-on pas la démarche précise de la m
570
grave de cette opposition des deux Églises : Je
suis
Arnaut qui amasse le vent, et je chasse le lièvre à l’aide d’un bœuf,
571
Et les ordres monastiques qui apparaissent alors
sont
des répliques aux ordres chevaleresques. (Le moine est « chevalier de
572
es répliques aux ordres chevaleresques. (Le moine
est
« chevalier de Marie »). Saint Bernard de Clairvaux eut beau proteste
573
re de la manière la plus précise : « Si Marie eût
été
conçue sans péché, elle n’aurait pas eu besoin d’être rachetée par Jé
574
conçue sans péché, elle n’aurait pas eu besoin d’
être
rachetée par Jésus-Christ. » Le culte de la Vierge répondait à une né
575
on me dira : 1° Que la religion des cathares nous
est
encore mal connue et qu’il est donc au moins prématuré d’y voir la so
576
des cathares nous est encore mal connue et qu’il
est
donc au moins prématuré d’y voir la source du lyrisme courtois ; 2° Q
577
; 3° Qu’au contraire, l’amour qu’ils exaltent n’
est
que l’idéalisation ou la sublimation du désir sexuel ; 4° Qu’on disti
578
e ces critiques. 1. Religion mal connue Si elle n’
était
pas connue du tout, le problème du lyrisme provençal resterait totale
579
surde une poétique et une éthique de l’amour d’où
sont
issues, dans les siècles suivants, les plus belles œuvres de la litté
580
nnes de l’hérésie. Or si l’on se reporte à ce qui
fut
dit plus haut (II, 2) sur la nature essentiellement lyrique des dogme
581
it pas grand-chose pour ou contre ma thèse. Ce ne
sont
pas des équivalences rationnelles et exactes du dogme qu’il faut cher
582
chrétien » que l’on reconnaît chez un Baudelaire
est
autre chose qu’une transposition terme à terme des dogmes catholiques
583
utôt une certaine sensibilité (même formelle) qui
serait
inconcevable sans le dogme catholique ; à quoi s’ajoutent des élément
584
ments de vocabulaire et de syntaxe dont l’origine
est
nettement liturgique. On peut imaginer que les thèmes que nous avons
585
n spécialiste aussi sceptique que Jeanroy n’a pas
été
sans le remarquer. Parlant de la lyrique abstraite des troubadours du
586
-on, que figures de rhétorique sans conséquences.
Soit
. Mais les théories que les troubadours développaient avec une si grav
587
s développaient avec une si grave application, ne
sont
-elles pas aux antipodes du christianisme ? Ne devaient-ils pas s’en a
588
ut d’abord abjurée). Nous avons dit aussi qu’il n’
est
pas nécessaire de supposer que tous partageaient cette foi. Mais il r
589
’absence de signification symbolique d’une poésie
serait
un fait beaucoup plus scandaleux que ne peut l’être à nos yeux, par e
590
it un fait beaucoup plus scandaleux que ne peut l’
être
à nos yeux, par exemple, le symbolisme de la Dame. Dans l’optique de
591
oie, ni d’en prendre une conscience distincte. Il
est
indemne de ce rationalisme qui nous permet, à nous autres modernes, d
592
stique Suso : « La vie de la chrétienté médiévale
est
, dans toutes ses manifestations, saturée de représentations religieus
593
ieuses. Pas de choses ou d’actions, si ordinaires
soient
-elles, dont on ne cherche constamment à établir le rapport avec la fo
594
anscendentale, l’élan vers le sublime, ne peuvent
être
toujours présents. Viennent-ils à manquer, tout ce qui était destiné
595
urs présents. Viennent-ils à manquer, tout ce qui
était
destiné à stimuler la conscience religieuse dégénère en profane banal
596
ublime nous semble parfois frôler le ridicule. Il
est
sublime quand, par piété envers la Vierge, il rend hommage à toutes l
597
as leurs pommes. Après Noël, au temps où l’Enfant
est
trop jeune pour manger des fruits, Suso ne mange pas ce dernier quart
598
99). C’est dire que le « secret » des troubadours
était
en somme une évidence symbolique aux yeux des initiés et des sympathi
599
athisants de l’Église d’Amour. Normalement, il ne
serait
venu à personne cette idée, strictement moderne, que les symboles, po
600
idée, strictement moderne, que les symboles, pour
être
valables, dussent être commentés et expliqués d’une manière non symbo
601
ne, que les symboles, pour être valables, dussent
être
commentés et expliqués d’une manière non symbolique… Toutefois, par s
602
pression de l’amour humain.56 » Le trobar clus ne
serait
ainsi qu’un jeu littéraire, un « tarabiscotage », « une perversion du
603
ers, qu’il s’avance et je lui dirai comment il me
fut
possible d’y mettre deux (var. trois) mots de sens divers. » Cette ma
604
une énigme » ? On peut penser que les troubadours
étaient
mus par des passions moins puériles… « J’entrelace des mots rares, so
605
aimbaut d’Orange. Et Marcabru : « Pour sage je le
tiens
sans nul doute celui qui dans mon chant devine ce que chaque mot sign
606
mon chant devine ce que chaque mot signifie. » Il
est
vrai qu’il ajoute — boutade ou précaution ? — « car moi-même je suis
607
ute — boutade ou précaution ? — « car moi-même je
suis
embarrassé pour éclaircir ma parole obscure. » Ici se poserait la plu
608
ent » symbolique des médiévaux : leurs symboles n’
étaient
pas traduisibles en concepts prosaïques et rationnels. Ce n’est donc
609
sibles en concepts prosaïques et rationnels. Ce n’
est
donc que sur le double sens allégorique que devrait porter la questio
610
ons que nous rapportent les chroniqueurs du temps
sont
parmi les folles, les plus « surréalistes » qu’ait connues l’histoire
611
même dogmatique à l’origine. 3. L’amour courtois
serait
une idéalisation de l’amour charnel C’est la thèse la plus courante.
612
t aisée à relever : qu’à la longue, la chanson se
soit
vidée de son contenu initial, n’ait plus été qu’un tissu de formules
613
se soit vidée de son contenu initial, n’ait plus
été
qu’un tissu de formules creuses on le peut admettre. Mais au début et
614
début et jusqu’à la fin du xiie siècle, il n’en
était
pas ainsi : chez les poètes de cette époque, l’expression du désir ch
615
es de cette époque, l’expression du désir charnel
est
si vive et parfois si brutale qu’il est vraiment impossible de se tro
616
r charnel est si vive et parfois si brutale qu’il
est
vraiment impossible de se tromper sur la nature de leurs aspirations.
617
la gêne et l’« agacement » de l’auteur lorsqu’il
est
obligé de reconnaître l’équivoque des expressions courtoises et leurs
618
ns courtoises et leurs résonances mystiques. « Il
est
certain — doit-il avouer — que les idées religieuses d’une époque inf
619
ent que les « théories amoureuses du Moyen Âge ne
sont
qu’un reflet de ses idées religieuses » ? Et pourquoi vouloir à tout
620
, prince de Blaye, dit très nettement que sa Dame
est
une création de son esprit, et qu’elle s’évanouit avec l’aube. Ailleu
621
et que rien n’explique ». Exemples donnés : « Je
suis
en doute au sujet d’une chose et mon cœur est dans l’angoisse : c’est
622
Je suis en doute au sujet d’une chose et mon cœur
est
dans l’angoisse : c’est que tout ce que le frère me refuse, j’entends
623
il semblerait que toute la poésie des troubadours
fût
l’œuvre d’un seul auteur louant une Dame unique !) Où est alors cette
624
vre d’un seul auteur louant une Dame unique !) Où
est
alors cette expression « vive et brutale » d’un désir évidemment char
625
? Dans la crudité de certains termes ? Mais elle
était
courante et naturelle avant le puritanisme bourgeois. L’argument est
626
urelle avant le puritanisme bourgeois. L’argument
est
anachronique. Voici par contre un document de poids à l’appui de la t
627
mmes. Si vous voulez faire leur conquête, dit-il,
soyez
brutaux, « donnez-leur des coups de poing sur le nez » (est-ce assez
628
x, « donnez-leur des coups de poing sur le nez » (
est
-ce assez « cru » ?), forcez-les : car c’est cela qu’elles aiment. Qu
629
me gêner pour les femmes, pas plus que si toutes
étaient
mes sœurs ; c’est pourquoi je suis envers elles humble, complaisant,
630
e si toutes étaient mes sœurs ; c’est pourquoi je
suis
envers elles humble, complaisant, loyal et doux, tendre, respectueux
631
et fidèle… Je n’aime rien, sauf cet anneau qui m’
est
cher, parce qu’il a été au doigt… Mais je m’aventure trop : assez, ma
632
en, sauf cet anneau qui m’est cher, parce qu’il a
été
au doigt… Mais je m’aventure trop : assez, ma langue ! Car trop parle
633
venture trop : assez, ma langue ! Car trop parler
est
pis que péché mortel. Or nous avons de ce même Raimbaut d’Orange d’a
634
leurs que l’anneau (échangé par Tristan et Iseut)
est
le signe d’une fidélité qui justement n’est pas celle des corps. Soul
635
seut) est le signe d’une fidélité qui justement n’
est
pas celle des corps. Soulignons enfin ce fait capital : que les vertu
636
ité, loyauté, respect et fidélité envers la Dame,
sont
ici rapportées expressément au refus de l’amour physique. Au surplus,
637
rplus, nous verrons plus tard les poèmes de Dante
être
d’autant plus passionnés et « réalistes » dans leurs images que Béatr
638
leur Dame, Arnaut Daniel et l’Italien Guinizelli
sont
placés au chant XXIV du Purgatoire dans le cercle des sodomistes !61
639
contesté. On a trop longtemps cru que la cortezia
était
une simple idéalisation de l’instinct sexuel. À l’inverse, il serait
640
déalisation de l’instinct sexuel. À l’inverse, il
serait
excessif de soutenir que l’idéal mystique sur quoi elle se fondait à
641
éal mystique sur quoi elle se fondait à l’origine
fût
toujours et partout observé ; ou qu’il fût en soi univoque. L’exaltat
642
rigine fût toujours et partout observé ; ou qu’il
fût
en soi univoque. L’exaltation de la chasteté produit presque toujours
643
n, mais par ailleurs divinisaient le sperme62. Il
est
probable que des excès de ce genre se produisirent aussi chez les cat
644
stres de l’Inquisition. Notons toutefois qu’elles
sont
souvent contradictoires. Ainsi l’on affirme tantôt que les cathares t
645
oires. Ainsi l’on affirme tantôt que les cathares
tiennent
pour innocentes les voluptés les plus grossières, tantôt qu’ils répro
646
l, licite ou non. Mais des accusations semblables
furent
portées contre toutes les religions nouvelles, sans excepter le chris
647
s, sans excepter le christianisme primitif. Et il
est
juste de citer ici le jugement d’un dominicain qui eut l’occasion de
648
), des excès sensuels. Or, si les religieux ne se
sont
pas tus par modestie, ce qui ne me paraît pas croyable de la part d’h
649
mes qui faisaient attention à tout, leurs erreurs
étaient
plutôt des erreurs d’intelligence que de sensualité »63. Retenons don
650
passion — au sens précis que je donne à ce mot —
sont
d’origine religieuse et mystique, il est certain qu’elles se trouvent
651
e mot — sont d’origine religieuse et mystique, il
est
certain qu’elles se trouvent flatter, par cela même qu’elles veulent
652
Tout ceci m’amène à conclure — quels qu’aient pu
être
mes scrupules à l’origine — que la rhétorique courtoise fut au moins
653
rupules à l’origine — que la rhétorique courtoise
fut
au moins inspirée par la mystique cathare64. C’est là une thèse minim
654
xemple dont je crois pouvoir dire que les données
sont
entièrement énumérables et très profondément connues (au sens total)
655
des textes connus. (Il semble bien que Freud ait
été
avant tout un savant ; qu’il ait soutenu une théorie de la libido ; e
656
ris une attitude déterministe : or le surréalisme
fut
une école littéraire avant tout ; on ne retrouve le terme de libido d
657
dans aucun des poèmes subsistants ; et ces poèmes
sont
de tendance idéaliste-anarchisante) ; 2° que les surréalistes n’ont j
658
alistes n’ont jamais dit dans leurs poèmes qu’ils
étaient
les disciples du freudisme ; 3° qu’au contraire, la liberté qu’ils ex
659
; 3° qu’au contraire, la liberté qu’ils exaltent
est
celle que devaient nier tous les psychanalystes ; 4° qu’enfin l’on di
660
siècle, comment toutes ces choses improbables se
sont
réellement produites ; nous savons que les initiateurs du mouvement s
661
sans lui, leurs théories et leur lyrisme eussent
été
tout différents ; nous savons que ces poètes n’éprouvaient nul besoin
662
fs de cette école lisent Freud : les disciples se
sont
bornés à imiter la rhétorique des maîtres… En outre, on aperçoit, par
663
fournir aux savants futurs les apaisements qu’ils
seront
en droit d’attendre, paraîtra contredire la thèse de mon littérateur
664
éisme iranien, de néo-platonisme et d’islamisme s’
était
bel et bien opérée dans les parages de l’Asie Mineure et de plus, s’é
665
dans les parages de l’Asie Mineure et de plus, s’
était
exprimée par une poésie religieuse dont les métaphores érotiques offr
666
l prouvait de la sorte que cette double ignorance
était
précisément son fait. On l’excusera d’ailleurs si l’on tient compte d
667
un continuateur de Zoroastre. Son néo-platonisme
était
par ailleurs très fortement pénétré de représentations mythiques iran
668
, il empruntait aux doctrines avestiques — dont s’
était
inspiré Manès — l’opposition du monde de la Lumière et du monde des T
669
re et du monde des Ténèbres, dont on a vu qu’elle
est
fondamentale pour les cathares. Et tout cela se traduisait — tout com
670
imer que le fini. Il en résulta que les mystiques
furent
obligés de recourir à des symboles dont le sens restait secret. (Ains
671
it secret. (Ainsi la louange du vin, dont l’usage
était
interdit, devint le symbole de la divine ivresse d’amour). Mais compt
672
ymbole de la divine ivresse d’amour). Mais compte
tenu
de cette difficulté particulière — qui n’est d’ailleurs pas sans rapp
673
pte tenu de cette difficulté particulière — qui n’
est
d’ailleurs pas sans rapport avec la situation courtoise —, nous retro
674
ayer de leur vie cette accusation d’hérésie66. Il
est
bien émouvant de constater que tous les termes d’une pareille polémiq
675
à la sortie du pont Chinvat et lui déclare : « Je
suis
toi-même ! » Or selon certains interprètes de la mystique des troubad
676
mystique des troubadours, la Dame des pensées ne
serait
autre que la part spirituelle et angélique de l’homme, son vrai moi.
677
hap. vii du Livre Ier). c) Le Familier des Amants
est
construit sur l’allégorie du « Château de l’Âme » et de ses différent
678
le que l’on apprend la magie ». (L’Iseut celtique
était
aussi une magicienne, « objet de contemplation, spectacle mystérieux.
679
esclave, ont dit : Pourquoi ce jeune homme a-t-il
été
pris de folie ? Et que peuvent-ils dire de moi, sinon que je m’occupe
680
ou’m. Quand Nou’m me gratifie d’un regard, cela m’
est
égal que Sou’da ne soit pas complaisante68. « Nou’m » est le nom con
681
atifie d’un regard, cela m’est égal que Sou’da ne
soit
pas complaisante68. « Nou’m » est le nom conventionnel de la femme a
682
que Sou’da ne soit pas complaisante68. « Nou’m »
est
le nom conventionnel de la femme aimée, et signifie ici Dieu. Or les
683
leur foi. À l’interrogation d’un impatient : « Qu’
est
-ce que le soufisme ? » al-Hallaj répond : « Ne t’attaque pas à Nous,
684
ans le sang des amants. » De plus, les indiscrets
sont
soupçonnés d’intentions mauvaises : ce sont eux qui dénoncent les ama
685
crets sont soupçonnés d’intentions mauvaises : ce
sont
eux qui dénoncent les amants à l’autorité orthodoxe, c’est-à-dire qui
686
asser en affirmant que les amants du xiie siècle
tenaient
énormément au secret de leurs liaisons (ce qui les distinguerait, san
687
ècles ?). g) Enfin, la louange de la mort d’amour
est
le leitmotiv du lyrisme mystique des Arabes. Ibn-al-Faridh : Le repo
688
des Arabes. Ibn-al-Faridh : Le repos de l’amour
est
une fatigue, son commencement une maladie, sa fin la mort. Pour moi c
689
fin la mort. Pour moi cependant la mort par amour
est
une vie ; je rends grâce à ma Bien-aimée de me l’avoir offerte. Celui
690
r. La vie, c’est en effet le jour terrestre des
êtres
contingents et le tourment de la matière ; mais la mort c’est la nuit
691
’union de l’Âme et de l’Aimé, la communion avec l’
Être
absolu. Aussi Moïse est-il pour les mystiques arabes le symbole du pl
692
imé, la communion avec l’Être absolu. Aussi Moïse
est
-il pour les mystiques arabes le symbole du plus grand Amant, puisqu’e
693
illuminative d’un Sohrawardi, d’un al-Hallaj, ait
été
le martyre religieux au sommet de la joy d’amor : Al-Hallaj se renda
694
dait au supplice en riant. Je lui dis : Maître qu’
est
cela ? Il répondit : Telle est la coquetterie de la Beauté attirant à
695
ui dis : Maître qu’est cela ? Il répondit : Telle
est
la coquetterie de la Beauté attirant à elle les amoureux.71 ⁂ Par q
696
eux aux poètes du Midi ? Je ne sache pas que l’on
soit
en mesure de résoudre aujourd’hui ce problème. S’il est une voie de t
697
mesure de résoudre aujourd’hui ce problème. S’il
est
une voie de transmission géographique, c’est du côté de l’Espagne, év
698
poésie occidentale, à une époque plus tardive il
est
vrai. Je ne puis ici que renvoyer à ces travaux si justement célèbres
699
bien avoir appartenu à l’ordre des Templiers, qui
était
en relations certaines avec un ordre musulman identique dans sa struc
700
on costume l’Ordre des Assaccis, auquel Ibn Arabi
fut
affilié… (Appendice 6.) 10.De l’Amour courtois au roman breton
701
u Nord et du Midi. Il semble bien que la question
soit
actuellement résolue : c’est bien le Midi roman qui a donné son style
702
de l’amour courtois74. Chrétien de Troyes déclare
tenir
le fond et l’esprit de ses romans de la comtesse Marie de Champagne,
703
liénor, célèbre par sa cour d’amour où le mariage
fut
condamné. Chrétien avait écrit un Roman de Tristan dont les manuscrit
704
ait écrit un Roman de Tristan dont les manuscrits
sont
perdus. Béroul était Normand, Thomas était Anglais. Et en retour, la
705
e Tristan dont les manuscrits sont perdus. Béroul
était
Normand, Thomas était Anglais. Et en retour, la légende de Tristan se
706
uscrits sont perdus. Béroul était Normand, Thomas
était
Anglais. Et en retour, la légende de Tristan se répandit très largeme
707
ns. Nous avons vu que la religion druidique, d’où
sont
issues les traditions des bardes et filids, enseignait une doctrine d
708
gir d’anciennes traditions autochtones, elle n’en
était
pas moins pour les trouvères une chose apprise : d’où les erreurs qu’
709
’où les erreurs qu’ils commirent bien souvent. Il
est
d’ailleurs extrêmement délicat de préciser les causes et l’importance
710
les causes et l’importance exacte de ces erreurs.
Est
-ce un défaut d’initiation mystique ? Est-ce une tradition imparfaite
711
erreurs. Est-ce un défaut d’initiation mystique ?
Est
-ce une tradition imparfaite ? Ou encore une tendance hérétique au sei
712
, bornons-nous à remarquer que les romans bretons
sont
tantôt plus « chrétiens » et tantôt plus « barbares » que les poèmes
713
rbares » que les poèmes des troubadours, dont ils
sont
cependant inspirés de la manière la plus incontestable. Nous ne savon
714
vons dans quelle mesure il a voulu que ses romans
fussent
des chroniques secrètes de l’Église persécutée (thèse de Rahn, Pélada
715
et la mystique courtoises. Toutes les hypothèses
sont
permises en l’absence de documents dont on voit bien pourquoi ils fon
716
intention qui animait le romancier. Quoi qu’il en
soit
, Chrétien de Troyes a notablement déformé la signification des mythes
717
oïde, femme du Castis, chez Wolfram d’Eschenbach,
serait
le comte Ramon Roger Trencavel, fils d’Adélaïde de Carcassonne et d’A
718
il penser, avec un transcripteur moderne, qu’« il
est
fort vraisemblable que Chrétien de Troyes n’était pas instruit du sen
719
l est fort vraisemblable que Chrétien de Troyes n’
était
pas instruit du sens païen et secret de ces traits mystérieux qu’il r
720
rnement romanesque et la chronique réelle ? Si ce
fut
le cas, il n’y réussit que trop bien, puisque Robert de Boron, son co
721
ate de 1225 environ) le symbolisme et l’allégorie
sont
évidents, si saugrenues que puissent paraître les interprétations que
722
donne l’auteur lui-même, après chaque épisode. Il
est
une de ces interprétations que je crois utile de citer, car l’origine
723
se. « Je vous dirai la signifiance de ce qui vous
est
advenu, dit le prud’homme. La voie de droite que vous avez dédaignée
724
e de droite que vous avez dédaignée au carrefour,
était
celle de la chevalerie terrienne, où vous avez longtemps triomphé ; c
725
où vous avez longtemps triomphé ; celle de gauche
était
la voie de la chevalerie célestielle, et il ne s’agit plus là de tuer
726
n de leurs meilleurs adapteurs modernes ! Ainsi s’
est
répandue l’opinion fort étrange que les poètes bretons n’étaient en s
727
e l’opinion fort étrange que les poètes bretons n’
étaient
en somme que des amuseurs un peu niais, dont le succès demeure incomp
728
us ferait voir au contraire que la vraie barbarie
est
dans la conception moderne du roman, photographie truquée de faits in
729
ignifie », dans ces aventures merveilleuses, tout
est
symbole ou délicate allégorie, et seuls les ignorants s’arrêtent à l’
730
, non avertis. Mais quand bien même les trouvères
seraient
inférieurs aux troubadours dans la connaissance mystique, ils n’ont p
731
hrétienne.) Les ouvrages de Chrétien de Troyes ne
sont
pas seulement des poèmes d’amour, comme on le répète, mais de véritab
732
nitiale que Lancelot ne trouvera pas le Graal, et
sera
cent fois humilié quand il errera dans la voie célestielle. Il a choi
733
voie terrienne, il a trahi l’Amour mystique, il n’
est
pas « pur ». Seuls les « purs » et les vrais « sauvages » comme Bohor
734
erceval et Galaad parviendront à l’initiation. Il
est
clair que la description de ces errements et de leurs punitions exige
735
ens que la part épique — combats et intrigues — y
est
réduite au minimum, tandis que le développement tragique de la doctri
736
e et simple du récit. Mais en même temps, Tristan
est
le plus « breton » des romans courtois, en ce sens qu’on y trouve inc
737
nne des éléments de religion brittonique : elle s’
est
formée dans un pays chrétien, romanisé, puis colonisé par les Irlanda
738
, puis colonisé par les Irlandais »80. Le miracle
est
cependant attesté par un grand nombre d’incidents mis en œuvre par Bé
739
re, le pouvoir poétique de ces éléments religieux
était
tel qu’on s’explique assez bien leur survivance, même dans un monde q
740
es morts. Ce héros, Bran, Cuchulainn, ou Oisin, «
est
attiré par une mystérieuse beauté : il s’embarque sur une barque magi
741
mort les précède, empêchant leur réunion « car il
était
prédit par les druides qu’ils ne se rencontreraient pas dans leur vie
742
après la mort, pour ne jamais se séparer »82. Il
serait
aisé de multiplier ces comparaisons littéraires. Mais certains traits
743
ppelle que Tristan, après la mort de ses parents,
fut
élevé à la cour du roi Marc son oncle. Or il était fréquent, chez les
744
fut élevé à la cour du roi Marc son oncle. Or il
était
fréquent, chez les plus anciens Celtes, que l’on confiât les enfants
745
généralement du nom anglo-normand de fosterage s’
est
maintenue en pays celtique : nous trouvons les enfants confiés à des
746
ourricier… On recherchait comme pères nourriciers
soit
les membres de la famille maternelle, soit… les druides.83 » Tristan
747
iciers soit les membres de la famille maternelle,
soit
… les druides.83 » Tristan élevé par Marc, son oncle maternel, devient
748
ouvent jusqu’à cinquante fils juridiques (le lien
était
donc assez faible), et surtout le fait que l’inceste était assez bien
749
c assez faible), et surtout le fait que l’inceste
était
assez bien toléré chez les Celtes, comme l’attestent de nombreux docu
750
d’Hubert : à savoir que la mythologie celtique s’
est
transmise au cycle courtois non par des voies proprement religieuses,
751
lus clair et le plus précieux du génie celtique s’
est
incorporé à l’esprit européen. (Hubert, II, p. 336.) Ce « son particu
752
rendre à sa moderne transcription de la légende,
est
si nettement sensible à notre cœur qu’il nous met en mesure d’isoler
753
blimation religieuse de la femme par les druides)
est
avant tout l’amour sensuel84. Le fait que dans certaines légendes cet
754
tériques, aide à comprendre que le fond breton se
soit
si aisément adapté au symbolisme du roman courtois. Mais cette analog
755
our son nom et pour sa beauté, car, quelle qu’eût
été
sa beauté sans ce nom, quel qu’eût été ce nom sans sa beauté, le dési
756
lle qu’eût été sa beauté sans ce nom, quel qu’eût
été
ce nom sans sa beauté, le désir de Tristan ne s’y fût pas porté. Ains
757
ce nom sans sa beauté, le désir de Tristan ne s’y
fût
pas porté. Ainsi Tristan veut se venger de sa douleur et de ses peine
758
rment. » Du seul fait qu’Iseut aux blanches mains
est
devenue sa femme légitime, il ne doit plus et ne peut plus la désirer
759
il n’eût méprisé le bien qu’il a, s’il n’eût pas
été
le sien : son cœur ne prend en aversion que le bonheur qu’il est cont
760
on cœur ne prend en aversion que le bonheur qu’il
est
contraint d’avoir. Le lui eût-on refusé, il se serait lancé à sa rech
761
st contraint d’avoir. Le lui eût-on refusé, il se
serait
lancé à sa recherche, pensant toujours trouver mieux, parce qu’il n’a
762
enfin la fantaisie individuelle des poètes : tels
sont
donc en fin de compte les éléments sur lesquels la doctrine de l’Amou
763
cette métamorphose : il nous échappe doublement,
étant
poétique et mystique. Mais nous savons maintenant d’où vient le mythe
764
une œuvre. 12.Premières conclusions Compte
tenu
du changement de registre qui s’opère dans les expressions poétiques
765
ubadours au Nord plus barbare des trouvères, nous
sommes
en mesure de voir dorénavant dans le chef-d’œuvre de Béroul l’aboutis
766
d’un mythe. De l’ensemble de ces convergences, il
est
temps de tirer la conclusion : l’amour-passion glorifié par le mythe
767
onclusion : l’amour-passion glorifié par le mythe
fut
réellement au xiie siècle, date de son apparition, une religion dans
768
sée de nos jours par les romans et par le film, n’
est
rien d’autre que le reflux et l’invasion anarchique dans nos vies d’u
769
que dans nos vies privées. La mystique d’Occident
est
une autre passion dont le langage métaphorique est parfois étrangemen
770
st une autre passion dont le langage métaphorique
est
parfois étrangement semblable à celui de l’amour courtois. Nos grande
771
lui de l’amour courtois. Nos grandes littératures
sont
pour une bonne partie des laïcisations du mythe, ou comme nous préfér
772
24. Droit d’user et d’abuser des esclaves, qui ne
sont
pas des « personnes » pour le droit romain : persona est sui juris ;
773
des « personnes » pour le droit romain : persona
est
sui juris ; servus non est persona. 25. Le culte des images — manife
774
droit romain : persona est sui juris ; servus non
est
persona. 25. Le culte des images — manifestation la plus simpliste d
775
gieuse de l’Empire oriental-occidental. Son échec
est
significatif. 26. J. Ortega y Gasset, Über die Liebe. 27. Ceci n’e
776
J. Ortega y Gasset, Über die Liebe. 27. Ceci n’
est
pas une boutade, on le verra bien par la suite. Le premier couple d’a
777
er couple d’amants « passionnés » dont l’histoire
soit
venue jusqu’à nous, c’est Héloïse et Abélard : première moitié du xii
778
dal… » Alors ? En réalité, cette seconde phrase n’
est
pas fausse : il y avait des différences importantes entre la féodalit
779
du Midi et celle du Nord. Mais ces différences ne
sont
pas de nature à expliquer le culte de la femme. On y reviendra. 33.
780
e, puisqu’à la fin des temps, Satan et la matière
seront
illuminés, tandis que l’orthodoxie croit que Satan sera damné pour to
781
lluminés, tandis que l’orthodoxie croit que Satan
sera
damné pour toujours. Il reste que dans ce temps, le manichéen condamn
782
shommes (ou simplement de chrétiens) paraît avoir
été
utilisé par les cathares eux-mêmes, et « parfaits » serait ironique.
783
ilisé par les cathares eux-mêmes, et « parfaits »
serait
ironique. 44. C’est du moins la thèse soutenue par Otto Rahn. 45. O
784
mot « vraie » devant Dieu, Lumière, Foi, Église,
est
un indice probable de catharisme chez un troubadour. Les cathares s’a
785
n significative pour l’initié. 50. Les « aubes »
étaient
un genre régulier. On conçoit sa nécessité dans une vision du monde d
786
En un verger, sous une loge d’aubépine, la dame a
tenu
son ami dans ses bras jusqu’à ce que le guetteur ait crié : « Dieu !
787
étude remarquable de Lucie Varga : Peire Cardinal
était
-il hérétique ? (« Rev. d’hist. des relig. », juin 1938) qui m’apporte
788
e : les doutes qu’exprime M. Jeanroy, je n’ai pas
été
sans les concevoir au début de cette recherche. Et l’on ne manquerait
789
pte dès maintenant. 54. Par exemple, le médiéval
serait
trop « naïf » pour étudier une matière qu’il jugerait absurde, c’est-
790
Depuis quand ? Rudel utilisait ce procédé, et il
est
de la première moitié du xiie siècle, c’est à-dire de la toute premi
791
onc l’un des inventeurs de ces « formules ». Nous
tenons
ici un bel exemple d’anachronisme tendancieux. On veut à tout prix qu
792
n veut à tout prix que le langage des troubadours
soit
le langage naturel de l’amour humain, transposé à l’amour divin. Alor
793
Alors qu’historiquement, c’est le contraire qui s’
est
produit. 57. Un amoureux peu lettré qui écrit à sa fiancée des épîtr
794
hérétique. 59. Remarquons que cette thèse — qui
est
la nôtre — renverse exactement le préjugé cher à l’auteur, et sur leq
795
nt le préjugé cher à l’auteur, et sur lequel il s’
est
réglé jusqu’ici. (Cf. note 1, p. 91.) 60. M. Jeanroy cite des texte
796
e crois qu’ici encore, au moins à l’origine, tout
est
symbole religieux, et non pas traduction de relations humaines. Toute
797
ment, dans le plan sexuel, des déviations dont il
serait
difficile de nier que certains troubadours n’aient pas été victimes.
798
cile de nier que certains troubadours n’aient pas
été
victimes. 62. Textes traduits et commentés dans Wolfgang Schultz, Do
799
llaj, p. 161) : « Adorer Dieu par amour seulement
est
le crime des manichéens… (ceux-ci) adorent Dieu par amour physique, p
800
, comme un aimant, le foyer de lumière dont elles
sont
venues ». 67. H. Corbin : introduction au Familier des Amants. 68.
801
xotérique » le plus complet que nous connaissions
fut
rédigé au commencement du xiiie siècle : c’est le De arte honeste am
802
Graal aux rites secrets du culte d’Adonis. Ce qui
est
certain, c’est qu’un symbole comme celui du roi pêcheur (Amfortas che
803
d’Eschenbach, « le roi Pescière » chez Chrétien)
est
commun aux orphiques, aux manichéens, et même aux premiers chrétiens
804
lon les cultes : Je ne pense pas qu’on doive s’en
tenir
à une seule interprétation. Il s’est produit toute une série de fusio
805
doive s’en tenir à une seule interprétation. Il s’
est
produit toute une série de fusions et de confusions de symboles. 77.
806
» que les chevaliers du Graal doivent traverser n’
est
autre que le pont Chinvat de la mythologie manichéenne, pont jeté sur
807
ces romans. 79. Dans Tristan, la faute initiale
est
douloureusement rachetée par une longue pénitence des amants. C’est p
808
France, juin 1938). Le Tannhäuser du xvie siècle
est
une tardive adaptation allemande de légendes irlando-écossaises ; il
809
salvat (ou Montségur) des chastes (ou cathares) y
est
remplacé par le Venusberg ! 85. Le Tristan et Iseut de Thomas, tradu
810
mystique, plus ou moins consciente et précise. Il
est
certain que ce seul exemple n’autorise pas à des conclusions générale
811
er un problème que le xixe siècle matérialiste s’
était
cru en mesure de trancher au détriment de la mystique. À vrai dire, j
812
r au détriment de la mystique. À vrai dire, je ne
suis
pas très sûr que ce problème comporte une solution définitive et simp
813
avoir dans quelle mesure ce rapprochement ne nous
est
pas suggéré par la seule nature du langage. On a remarqué depuis long
814
tière analogie des réalités qu’ils désignent ? Ne
sommes
-nous pas jusqu’à un certain point victimes d’une illusion verbale ? d
815
te de « calembour continué » ? Quand bien même ce
serait
le cas, le problème ressurgit ailleurs. Marquons tout de suite ce qui
816
drait plus rien au mythe de Tristan. La sexualité
est
une faim. Or il est de la nature d’une faim de chercher à tout prix l
817
ythe de Tristan. La sexualité est une faim. Or il
est
de la nature d’une faim de chercher à tout prix l’apaisement. Plus el
818
m de chercher à tout prix l’apaisement. Plus elle
est
forte, moins elle se montre difficile quant aux objets qui peuvent la
819
. Mais nous voyons ici une passion dont la nature
est
justement de refuser tout ce qui pourrait la satisfaire et la guérir.
820
qui pourrait la satisfaire et la guérir. Nous ne
sommes
donc pas en présence d’une faim, mais bien d’une intoxication. Et l’o
821
reuves les plus convaincantes, que tout intoxiqué
est
un mystique qui s’ignore86. Or, qu’elle soit physique, ou morale, tou
822
xiqué est un mystique qui s’ignore86. Or, qu’elle
soit
physique, ou morale, toute intoxication suppose l’intervention d’un a
823
ue Nous avons constaté que le Roman de Tristan
est
, à bien des égards, une première « profanation » de la mystique court
824
, soufisme). La mythification a trop bien réussi,
soit
que Béroul, Thomas, et leur prédécesseur n’aient pas toujours très bi
825
ien saisi l’enseignement courtois dans sa pureté,
soit
qu’ils aient été entraînés par l’ardeur proprement « romanesque » (au
826
nement courtois dans sa pureté, soit qu’ils aient
été
entraînés par l’ardeur proprement « romanesque » (au sens moderne et
827
ue ceux du Midi. Le caractère distinctif du Roman
est
en effet de reposer sur une faute contre les lois d’amour courtois, p
828
nt de la pure tradition cathare, d’autres peuvent
être
rapprochés d’une expérience mystique plus générale, et qu’on retrouve
829
u, selon les auteurs de la légende. Et la faute n’
est
pas dans l’amour, mais dans sa « réalisation »… ⁂ Si délicate et péri
830
épée symbolique du défi à la société constituée !
Est
-il beaucoup de nos poètes qui aient trouvé leur « amour mortel » ? Po
831
ne se veulent responsables de rien, leur passion
étant
inavouable tant aux yeux de la société (qui la réprouve comme un crim
832
crilège. Mais le malheur essentiel de cet amour n’
est
pas seulement la rançon du péché. L’ascèse qui rachètera la faute com
833
aussi et surtout délivrer l’homme du fait même d’
être
né dans ce monde de ténèbres. Elle doit conduire au détachement final
834
parfois étrangement confondues dans le Roman, il
est
toujours possible de reconnaître, à de tels traits, la tendance réell
835
e). Et Tristan de répondre : « Si le monde entier
était
orendroit avec nous, je ne verrois fors vous seule. » Il s’agit bien
836
— et de la mystique en général — paraît ici. « On
est
seul avec tout ce qu’on aime », écrira plus tard Novalis, ce mystique
837
observation purement psychologique : la passion n’
est
nullement cette vie plus riche dont rêvent les adolescents ; elle est
838
vie plus riche dont rêvent les adolescents ; elle
est
, bien au contraire, une sorte d’intensité nue et dénuante, oui vraime
839
ors le monde s’évanouit, « les autres » cessent d’
être
présents, il n’y a plus ni prochain ni devoirs, ni liens qui tiennent
840
l n’y a plus ni prochain ni devoirs, ni liens qui
tiennent
, ni terre ni ciel : on est seul avec tout ce que l’on aime. « Nous av
841
irs, ni liens qui tiennent, ni terre ni ciel : on
est
seul avec tout ce que l’on aime. « Nous avons perdu le monde, et le m
842
a Croix ? « Éloigne les choses, amant ! — Ma voie
est
fuite ». Et Thérèse d’Avila disait, plusieurs siècles avant Novalis,
843
êt les formes les plus rudimentaires ? Certes, ce
serait
commettre une sorte de blasphème s’il ne s’agissait dans le Roman que
844
sion d’amour sensuel : mais tout indique que nous
sommes
ici sur la via mystica des « parfaits ». C’est alors le contenu des é
845
urs souffrances. Plus la lumière et l’amour divin
sont
vifs, plus l’âme se voit souillée et misérable en sorte qu’« elle se
846
ouillée et misérable en sorte qu’« elle se figure
être
persécutée par Dieu comme son ennemie. Cette impression provoque une
847
Dieu, m’as-tu fait contraire à toi-même, pourquoi
suis
-je devenu à charge à moi-même ?90 » Or il ne s’agit plus ici des souf
848
s de l’état de purification ». (Ibid.) Tristan n’
est
qu’une impure et parfois équivoque traduction de la mystique courtois
849
s plus apparemment « mystiques » du Roman doivent
être
interprétées — si l’on ne veut pas errer gravement — à partir de l’am
850
our : Dieu ! comment se peut-il faire Que plus m’
est
loin plus la désire ? Jamais l’amour n’enflamme Tristan si follement
851
our n’enflamme Tristan si follement que lorsqu’il
est
séparé de sa « dame ». La psychologie la plus simple rendrait compte
852
ne nécessité tout intérieure de la passion. Iseut
est
une femme aimée, mais elle est aussi autre chose, le symbole de l’Amo
853
la passion. Iseut est une femme aimée, mais elle
est
aussi autre chose, le symbole de l’Amour lumineux. Quand Tristan erre
854
ces. Mais nous savons que c’est la souffrance qui
est
le vrai but de la séparation voulue… Nous rejoignons alors la situati
855
il doutera même de l’« amitié » d’Iseut, qu’il la
tiendra
un temps pour ennemie, et qu’il acceptera le « mariage blanc » avec l
856
éternelle fidélité et du secret. La soumission ne
sera
donc qu’apparente. Et le jugement par le fer rouge qu’exige la reine,
857
e jugement par le fer rouge qu’exige la reine, ce
sera
sa vengeance contre le Dieu du roi, deux fois trompé. ⁂ Pour extérieu
858
trompé. ⁂ Pour extérieures et formelles qu’elles
soient
, de telles correspondances ne sauraient être, en toute honnêteté, réd
859
es soient, de telles correspondances ne sauraient
être
, en toute honnêteté, réduites à des coïncidences. Mais si les formes
860
, réduites à des coïncidences. Mais si les formes
sont
pareilles, il importe de définir en quoi les contenus restent incompa
861
uoi les contenus restent incompatibles, et quelle
est
la nature de l’abus qui par la suite a voulu les confondre. L’on pour
862
n la formule des manuels. Dans le cas où Iseut ne
serait
qu’une belle femme — comme le croiront les siècles à venir —, les sim
863
militudes mystiques que nous venons de dégager ne
seraient
plus que de l’ordre du langage, et spécialement de la métaphore. Je n
864
Je ne songe pas à nier cet aspect du problème, il
sera
traité en son lieu. Mais je crois qu’il y a bien autre chose. Car s’i
865
bien autre chose. Car s’il n’y avait que cela, ce
serait
alors tout l’arrière-plan religieux de la légende qu’il faudrait nier
866
istorique. On reviendrait donc à zéro pour ce qui
est
du sens du mythe, et le Roman cesserait d’être un roman courtois ; ou
867
qui est du sens du mythe, et le Roman cesserait d’
être
un roman courtois ; ou bien l’amour courtois cesserait d’être ce qu’i
868
n courtois ; ou bien l’amour courtois cesserait d’
être
ce qu’il fut, pour se mettre à ressembler à ce que nos érudits conçoi
869
u bien l’amour courtois cesserait d’être ce qu’il
fut
, pour se mettre à ressembler à ce que nos érudits conçoivent qu’il fu
870
ressembler à ce que nos érudits conçoivent qu’il
fut
. C’est autant dire qu’on ne comprendrait plus rien à rien. Encore une
871
’en suivait — théoriquement — que l’amour profane
était
le malheur absolu, l’attachement impossible et condamnable à la créat
872
aite ; tandis que pour le chrétien, l’amour divin
est
un malheur recréateur. Loin de nier l’amour profane, il aboutit à le
873
et non son apaisement heureux. Plus leur passion
est
vive et plus elle les détache des choses créées, et plus facilement i
874
d’aliment des créatures ; et de cette façon, elle
est
remplie d’obscurité, et destituée des objets que les passions lui pré
875
m’a pris moi-même, elle m’a pris le monde, puis s’
est
elle-même dérobée à moi, ne me laissant rien que mon désir et mon cœu
876
damnation des créatures. Maître Eckhart, que l’on
tient
cependant — à tort peut-être — pour platonicien, sait dire en termes
877
n, sait dire en termes magnifiques que l’âme pure
est
le lieu de rédemption des créatures dénaturées par le péché. « Toutes
878
« Toutes les créatures passent de leur vie à leur
être
. Toutes les créatures se portent dans ma raison afin d’être en moi ra
879
es les créatures se portent dans ma raison afin d’
être
en moi raisonnables. Moi seul, je ramène toutes les créatures à Dieu.
880
ux. Mais il faut indiquer la dernière limite, qui
est
celle de l’humilité. Et là encore, la clé de l’opposition est dans le
881
l’humilité. Et là encore, la clé de l’opposition
est
dans le mystère de l’Incarnation. Le Roman est baigné par l’atmosphèr
882
on est dans le mystère de l’Incarnation. Le Roman
est
baigné par l’atmosphère celtique de l’orgueil chevaleresque : c’est l
883
chevaleresque : c’est le désir de la prouesse qui
est
le moteur des hauts faits de Tristan. Comme tous les passionnés, il a
884
L’on s’aperçoit, à cette limite, que la prouesse
était
le signe matériel d’un processus de divinisation. Les vrais mystiques
885
nisation. Les vrais mystiques, tout au contraire,
sont
la prudence même, la rigueur même, l’obéissance même dans la lucidité
886
’obéissance même dans la lucidité. Si « la mort m’
est
un gain », c’est que « Christ est ma vie », et Christ s’est incarné,
887
Si « la mort m’est un gain », c’est que « Christ
est
ma vie », et Christ s’est incarné, c’est-à-dire abaissé. Ainsi le chr
888
n », c’est que « Christ est ma vie », et Christ s’
est
incarné, c’est-à-dire abaissé. Ainsi le chrétien ne se jette pas dans
889
saint Jean de la Croix, et cela « parce qu’il se
tient
au centre de son humilité ». 3.Transpositions curieuses, mais inév
890
ue par la suite, le lecteur ignorant des mystères
fut
presque fatalement amené à transposer dans notre vie profane toutes c
891
ofane toutes ces allégories trop bien voilées. Il
est
facile d’imaginer le processus. Saint Augustin écrit cette prière : «
892
rs de moi, et je ne te trouvais pas, parce que tu
étais
en moi. » Il parle à Dieu, à l’amour éternel. Mais supposez qu’un tro
893
ores mystiques, qu’il entend à leur sens profane,
sera
tenté de voir dans cette même phrase l’expression de la passion qu’il
894
ransposition purement blasphématoire, et qui ne s’
est
accomplie qu’après le xiie siècle, la conscience moderne a cru voir
895
t ses métaphores devenues profanes comme si elles
étaient
toutes naturelles. Et nous ferons de même ensuite, et nos savants. No
896
grande répugnance à opérer ce renversement, qu’il
est
bon d’entrer plus avant dans le mécanisme des transpositions, et même
897
ystique, au moins dans une de ses tendances, ne s’
est
-elle pas prêtée à toutes les confusions ? N’a-t-elle pas abusé la pre
898
t de l’Incarnation. Dès que l’on s’écarte un tant
soit
peu de ce foyer, l’on encourt le double péril de l’humanisme et de l’
899
us retrouverons dans la mystique universelle. Ils
seront
d’ailleurs rarement purs dans telle ou telle œuvre donnée. Même chez
900
tre tendance, ils coexistent presque toujours, ne
fût
-ce qu’à la manière dont la tentation coexiste avec la volonté d’obéis
901
sance chez le croyant. Historiquement parlant, il
est
donc malaisé de les isoler. Mais théologiquement, la chose est claire
902
isé de les isoler. Mais théologiquement, la chose
est
claire. Le premier courant est celui de la mystique unitive : il tend
903
iquement, la chose est claire. Le premier courant
est
celui de la mystique unitive : il tend à la fusion totale de l’âme et
904
e l’âme et de la divinité. Le second courant peut
être
appelé celui de la mystique épithalamique : il tend au mariage de l’â
905
ieu, et suppose donc qu’une distinction d’essence
est
maintenue entre la créature et le Créateur. Quelques exemples individ
906
: « l’abus » du langage amoureux en religion doit
être
rattaché, historiquement, au courant le plus orthodoxe. J’emprunterai
907
re Eckhart, et le mystique hindou Sankara. Ce qui
est
intéressant pour notre objet, c’est que Rudolf Otto distingue l’Orien
908
l : le nirvana ne peut accueillir le samsara (qui
est
la vie diverse, infiniment mouvante). Au contraire, Eckhart verra Die
909
me du croyant, elles « passent de leur vie à leur
être
». La confrontation est rendue possible par le fait qu’il existe au M
910
ssent de leur vie à leur être ». La confrontation
est
rendue possible par le fait qu’il existe au Moyen Âge une tradition m
911
Otto — à la faveur de laquelle le Je et le Tu des
êtres
unis par une forte émotion coulent l’un dans l’autre, donnant naissan
912
’un dans l’autre, donnant naissance à une unité d’
être
. Eckhart ne connaît ni cette ivresse ni cet amour « pathologique ». L
913
prêche l’amour mystique, mais l’amour plotinien n’
est
nullement l’Agapè chrétienne : c’est l’éros grec, qui est jouissance,
914
ement l’Agapè chrétienne : c’est l’éros grec, qui
est
jouissance, et jouissance d’une naturelle et surnaturelle Beauté… gar
915
fervent. » Pour Eckhart, la vraie voie mystique n’
est
pas celle qui, s’élevant d’un état de sentiment, mènerait à une union
916
e, et Dieu reste Dieu95. L’acte d’amour spirituel
est
initial, et non final. Pour le chrétien, la mort à soi-même est le dé
917
t non final. Pour le chrétien, la mort à soi-même
est
le début d’une vie plus réelle ici-bas, non la catastrophe de ce mond
918
. D’ailleurs Otto cite un passage d’Eckhart où il
est
question non plus d’union mais bien d’égalité de l’âme et de Dieu :
919
Et cette égalité de l’un dans l’un et avec l’un
est
source et origine du fleurissant resplendissant amour. 96 Ce n’est d
920
ine du fleurissant resplendissant amour. 96 Ce n’
est
donc pas, conclut Otto, la plus haute joie mystique qui figure pour E
921
doctrine chrétienne de l’amour. ⁂ Mais Eckhart ne
fut
pas en odeur de sainteté. Le pape Jean XXII condamna même ses thèses
922
de 1329. L’une des thèses condamnées, la dixième,
est
ainsi reproduite dans la bulle : Nous nous métamorphosons totalement
923
ns le sacrement se change en corps du Christ : je
suis
ainsi changé en lui parce que lui-même me fait être sien. Unité et no
924
is ainsi changé en lui parce que lui-même me fait
être
sien. Unité et non similitude. Par le Dieu vivant, il est vrai qu’il
925
. Unité et non similitude. Par le Dieu vivant, il
est
vrai qu’il n’y a plus là aucune distinction. Cette thèse, extraite d
926
ement unitive, et par cela même hérétique… Ce qui
est
certain, c’est que Maître Eckhart est le dialecticien par excellence,
927
que… Ce qui est certain, c’est que Maître Eckhart
est
le dialecticien par excellence, et qu’il est trop facile d’extraire d
928
hart est le dialecticien par excellence, et qu’il
est
trop facile d’extraire de ses œuvres les vérités les plus contradicto
929
firmation forment à elles deux la vérité. L’une n’
est
pas vraie sans l’autre, et ne se peut concevoir que par rapport à l’a
930
ue par rapport à l’autre. Affirmation et négation
sont
inséparables, n’étant que les deux aspects d’une même vérité.97 ». Il
931
tre. Affirmation et négation sont inséparables, n’
étant
que les deux aspects d’une même vérité.97 ». Il n’en est pas moins si
932
les deux aspects d’une même vérité.97 ». Il n’en
est
pas moins significatif de constater que Eckhart souleva dans la mysti
933
r l’union essentielle et l’abandon des œuvres. On
est
toujours à l’Orient de quelqu’un ! C’est ainsi que Maître Eckhart fig
934
Ruysbroek se montre impitoyable contre celui qui
fut
son maître. Dans son Livre des douze béguines, il dénonce « ces faux
935
khart et ses disciples — qui « s’imaginent qu’ils
sont
Dieu par nature ». « Quant à ces gens qui ne veulent pas seulement êt
936
. « Quant à ces gens qui ne veulent pas seulement
être
les égaux de Dieu, mais Dieu lui-même, ils sont plus méchants et plus
937
t être les égaux de Dieu, mais Dieu lui-même, ils
sont
plus méchants et plus maudits que Lucifer et ses séides ». Et encore
938
lent la parfaite pauvreté d’esprit… Mais ceux qui
sont
nés du Saint-Esprit et chantent ses louanges, pratiquent toutes les v
939
que toute distinction entre l’âme et Dieu puisse
être
abolie : l’âme ne peut se faire divine, mais seulement semblable à Di
940
tièrement purifié. « Nous contemplons ce que nous
sommes
et sommes ce que nous contemplons ; car notre essence, sans rien perd
941
purifié. « Nous contemplons ce que nous sommes et
sommes
ce que nous contemplons ; car notre essence, sans rien perdre de sa p
942
ence, sans rien perdre de sa propre personnalité,
est
unie à la vérité divine qui respecte la distinction. » Et ailleurs :
943
» Et ailleurs : « L’abîme qui nous sépare de Dieu
est
perçu de nous au lieu le plus secret de nous-mêmes. Il est la distanc
944
de nous au lieu le plus secret de nous-mêmes. Il
est
la distance essentielle… » ⁂ Or voici le point qu’il importait de met
945
ssentiellement à Dieu, l’amour de l’âme pour Dieu
est
un amour heureux. On peut prévoir qu’il ne sera pas porté à s’exprime
946
eu est un amour heureux. On peut prévoir qu’il ne
sera
pas porté à s’exprimer en termes de passion. Et c’est bien ce que l’H
947
nne, il en résulte que l’amour de l’âme pour Dieu
est
, dans ce sens précis, un amour réciproque malheureux. On peut alors p
948
s humaines. Car c’est sa rhétorique qui se trouve
être
la plus apte à traduire et à communiquer l’essence tout ineffable du
949
isir l’insaisissable… Et l’objet du désir ne peut
être
ni abandonné ni saisi99. L’abandonner est chose intolérable, et il es
950
e peut être ni abandonné ni saisi99. L’abandonner
est
chose intolérable, et il est impossible de le conserver. Le silence m
951
aisi99. L’abandonner est chose intolérable, et il
est
impossible de le conserver. Le silence même n’a pas assez de force po
952
l’une de ses béguines parlant du Christ. « Je me
suis
perdue dans sa bouche », dit une autre. Et une troisième : « Boire le
953
ards de l’amour et s’y engloutir enivrée… » Je me
suis
arrêté à l’exemple de Ruysbroek pour la commodité de l’exposé : le fa
954
historique que Maître Eckhart et son disciple se
soient
opposés sur le point précis de l’union divine, rendait possible une c
955
ichement habillé, déclara que désormais Dieu seul
serait
son Père. « L’évêque lui jeta sur les épaules son propre manteau, et
956
ois fit de la Pauvreté sa « Dame », et s’honora d’
être
son « chevalier »101. Cette forme de « dénuement », physique mais sym
957
forme de « dénuement », physique mais symbolique,
est
encore pratiquée de nos jours par la secte des Doukhobors (« combatta
958
s (« combattants spirituels ») dont les croyances
sont
liées à celles des cathares et gnostiques. En 1929, les Doukhobors ré
959
sme et de communisme sexuel. Au xiiie siècle, on
était
moins obtus. La chevalerie errante des Franciscains se répandit en It
960
ins se répandit en Italie comme les troubadours s’
étaient
répandus dans le Midi de la France : par les routes, sur les places,
961
rhétorique des troubadours et des romans courtois
sont
les sources directes du lyrisme franciscain, lequel à son tour devait
962
uivants. Souviens-toi, ô créature, que ta nature
est
celle des anges. Si plus longtemps tu demeures en cette boue, tu devr
963
iétante celui des cathares. D’autres laudes, pour
être
plus évidemment catholiques d’inspiration, n’en sont que plus « éroti
964
e plus évidemment catholiques d’inspiration, n’en
sont
que plus « érotiques » ou « courtoises » de langage : Mon cœur se fo
965
e l’amour courtois. À défaut d’une anthologie qui
tiendrait
décidément trop de place105 bornons-nous à énumérer les principaux th
966
l’amour. La passion qui « isole » du monde et des
êtres
. La passion qui décolore tout autre amour. Se plaindre d’un mal que l
967
t que les conclusions des savants du xixe siècle
sont
devenues nos préjugés courants. Mais sans compter que le jugement mat
968
er que le jugement matérialiste sur les mystiques
est
plus révélateur de l’obsession de ceux qui le portent que de l’objet
969
on — tel qu’on le retrouve chez les mystiques — n’
est
pas, à l’origine, celui des sens et de la nature, mais il est au cont
970
’origine, celui des sens et de la nature, mais il
est
au contraire la rhétorique d’une ascèse étroitement liée à l’hérésie
971
es comme saint Jean de la Croix et sainte Thérèse
étaient
mieux avertis que quiconque des dangers de la « luxure spirituelle ».
972
nons bien que le langage des mystiques ne saurait
être
confondu avec la nature profonde de l’expérience qu’ils ont vécue. J.
973
u’ils les vivent dans leur âme. Et leurs silences
furent
plus réels que leurs paroles. Il ne s’agit donc, ici, que de tenir co
974
ttéraire. Or s’il faut se borner à un exemple qui
est
à la fois le plus fameux, le mieux connu, et celui qui a le plus égar
975
et celui qui a le plus égaré nos savants, le fait
est
que sainte Thérèse utilise constamment, et même raffine la rhétorique
976
an de la Croix emprunte au Cantique des Cantiques
sont
extraites uniquement du poème biblique, ou ne sont pas en même temps
977
ont extraites uniquement du poème biblique, ou ne
sont
pas en même temps des images retrouvées, vérifiées pour ainsi dire, t
978
108 » Je ne pense pas que personne, de nos jours,
soit
en mesure de trancher toutes ces questions. Les spécialistes les mieu
979
ux dont elle faisait sa nourriture intellectuelle
étaient
tous fortement imbus de rhétorique courtoise et chevaleresque. La que
980
rtoise et chevaleresque. La question a d’ailleurs
été
traitée, par un auteur qui offre toutes les garanties de sérieux et d
981
t à mettre l’humain et le divin sur le même plan,
soit
en contemplant le divin avec des yeux profanes, soit en considérant l
982
t en contemplant le divin avec des yeux profanes,
soit
en considérant l’humain sous une interprétation divine. [C’est moi qu
983
is des Gaules et celle de sainte Thérèse pourrait
être
également « aimer pour agir ». [Ici, je ferais quelques réserves : l’
984
re, aime pour souffrir, pour « pâtir »…] d) Ce n’
est
pas dans les pauvres extravagances des romans de chevalerie mystique
985
usqu’à se confondre avec la poésie d’un amour qui
serait
tout profane ; elle espère par ce déguisement échapper aux persécutio
986
tte préférence pour le langage passionnel, elle a
été
interprétée généralement selon la superstition matérialiste111. On a
987
l « dévoyé ». Le xixe siècle, dans l’ensemble, n’
est
jamais plus heureux que lorsqu’il peut « ramener » le supérieur à l’i
988
. Et c’est ce qu’il appelle « expliquer ». Que ce
soit
, la plupart du temps, au prix des pires dénis du sens critique, je n’
989
lleurs112 qu’à mon avis, cette propension moderne
est
le signe d’un ressentiment profond à l’endroit de la poésie, et en gé
990
r les hommes du xvie siècle, le langage érotique
était
plus innocent qu’à nos yeux. C’est nous qui sommes des névrosés, héri
991
était plus innocent qu’à nos yeux. C’est nous qui
sommes
des névrosés, héritiers du « puritanisme » embourgeoisé d’un xixe si
992
mplement refuser de savoir de quoi l’on parle. Où
est
le refoulement, où est la censure, lorsque Thérèse écrit à un religie
993
oir de quoi l’on parle. Où est le refoulement, où
est
la censure, lorsque Thérèse écrit à un religieux qui se plaint de res
994
ois qu’il entre en oraison : « Je trouve que cela
est
indifférent à l’oraison, et que le mieux est de n’y faire aucune atte
995
cela est indifférent à l’oraison, et que le mieux
est
de n’y faire aucune attention. » De même, à l’un de ses frères qui ne
996
d’une autre manière. Vu notre grossièreté, je ne
serais
pas surprise que cela nous vînt à l’esprit. J’ai même entendu dire à
997
taient de les entendre. Ô Dieu ! que notre misère
est
grande ! Il nous arrive comme à ces animaux venimeux qui changent en
998
empruntées au langage courant par les mystiques n’
est
pas sans d’étroites relations avec leur doctrine de l’union ou leur f
999
carnation. Ruysbroek, Thérèse et Jean de la Croix
sont
très nettement « christocentriques ». Tout chez eux part du drame de
1000
l’homme séparé, c’est la passion, — et la passion
est
partout dans leurs œuvres, tandis qu’elle est absente de celles d’Eck
1001
ion est partout dans leurs œuvres, tandis qu’elle
est
absente de celles d’Eckhart. Voilà pourquoi ce fut la mystique orthod
1002
st absente de celles d’Eckhart. Voilà pourquoi ce
fut
la mystique orthodoxe — la moins suspecte de troubles complaisances !
1003
re. 6.Note sur la métaphore Pourtant tout n’
est
pas expliqué par ces considérations historiques. Car on peut reculer
1004
mpte, si c’est l’« esprit » ou la « matière » qui
sont
la cause des phénomènes où tous les deux sont impliqués. Par exemple,
1005
qui sont la cause des phénomènes où tous les deux
sont
impliqués. Par exemple, dans le cas du langage mystique : sommes-nous
1006
s. Par exemple, dans le cas du langage mystique :
sommes
-nous en présence d’une matérialisation du spirituel — et celui-ci ser
1007
d’une matérialisation du spirituel — et celui-ci
serait
alors la cause première — ou au contraire d’une sublimation de phénom
1008
ublimation de phénomènes physiologiques, lesquels
seraient
à la base de ce qui se trouve exprimé ? Quelle que soit la réponse qu
1009
la base de ce qui se trouve exprimé ? Quelle que
soit
la réponse qu’on donnera, une chose demeure certaine : c’est que nous
1010
nera, une chose demeure certaine : c’est que nous
sommes
en présence de deux facteurs qui n’existent jamais l’un sans l’autre.
1011
ais l’un sans l’autre. On pourrait fort bien s’en
tenir
à cette constatation empirique. Mais en fait, personne ne s’y tient.
1012
tatation empirique. Mais en fait, personne ne s’y
tient
. La conscience moderne, par exemple, victime des réflexes que lui a d
1013
, tranche toujours le débat au bénéfice de ce qui
est
le plus bas. Prenons le cas des métaphores : on dit d’un goût qu’il e
1014
ns le cas des métaphores : on dit d’un goût qu’il
est
amer mais on dira aussi d’une douleur qu’elle est amère. Comment cela
1015
est amer mais on dira aussi d’une douleur qu’elle
est
amère. Comment cela peut-il s’expliquer ? Tout le monde répond, sans
1016
aphore, au figuré. Le sens propre du mot « amer »
serait
alors celui qui concerne la sensation physique, tenue pour primitive.
1017
cela, le croient-elles pour des raisons qu’elles
seraient
capables de donner ? Ont-elles donc recherché si, chronologiquement,
1018
’un mot précède toujours le « spirituel », qui ne
serait
qu’une transposition, un à peu près, une erreur tolérée ? En vérité,
1019
nce. Ce préjugé consiste à croire que le physique
est
plus vrai et plus réel que le spirituel ; qu’il est donc à la base de
1020
t plus vrai et plus réel que le spirituel ; qu’il
est
donc à la base de tout ; que c’est par lui que tout s’explique. Le mé
1021
que tout s’explique. Le mécanisme de ce préjugé a
été
défini et critiqué par le docteur Minkowski113 et Arnaud Dandieu d’un
1022
« propre » et le sens dit « figuré » ne sauraient
être
« ramenés » l’un à l’autre, car tous les deux traduisent « proprement
1023
l’autre par le même mot, c’est une même manière d’
être
affecté, soit par les sens, soit par la pensée, dans la totalité de n
1024
même mot, c’est une même manière d’être affecté,
soit
par les sens, soit par la pensée, dans la totalité de notre existence
1025
e même manière d’être affecté, soit par les sens,
soit
par la pensée, dans la totalité de notre existence. Ainsi de nos méta
1026
métaphores amoureuses. Le moderne n’hésite pas à
tenir
ce raisonnement : « Amour désigne pour moi l’attrait sexuel — or sain
1027
e parle sans cesse d’amour —, donc cette mystique
est
une érotomane qui s’ignore. » Mais nous avons vu que sainte Thérèse n
1028
en, et qu’au contraire, les amants « passionnés »
sont
sans doute des mystiques qui s’ignorent… Ainsi les arguments s’annule
1029
ique veut exprimer ses expériences ineffables, il
est
contraint de se servir de métaphores. Il les prend où il les trouve e
1030
Il les prend où il les trouve et telles qu’elles
sont
, quitte à les modifier par la suite. Or à partir du xiie siècle, les
1031
partir du xiie siècle, les métaphores courantes
sont
celles de la rhétorique courtoise. Que les mystiques s’en emparent sa
1032
eux » entretenus par l’âme et son Dieu, qu’elle s’
est
plus complètement humanisée, c’est-à-dire détachée de l’hérésie. Car
1033
humain ; tandis que l’orthodoxie pose que l’union
est
impossible, ce qui entraîne le malheur divin et rend l’amour humain p
1034
s mystiques Cette décision tout arbitraire, il
est
temps de la prendre ici, et de la prendre en faveur de l’esprit, c’es
1035
de l’esprit, c’est-à-dire de sa primauté. Qu’elle
soit
arbitraire en fin de compte, ou ce qui revient au même, avant tout co
1036
sur l’instinct. « L’amour existe lorsque le désir
est
si grand qu’il dépasse les limites de l’amour naturel », disait le tr
1037
C’est ce fait seul qui nous permet de parler. Qu’
est
-ce que le langage en effet ? Le pouvoir de mentir autant que le pouvo
1038
de mentir autant que le pouvoir d’exprimer ce qui
est
. Un animal est incapable de mentir, de dire ce que l’instinct ne fait
1039
t que le pouvoir d’exprimer ce qui est. Un animal
est
incapable de mentir, de dire ce que l’instinct ne fait pas, d’aller a
1040
inct. Le responsable d’un tel mensonge ne saurait
être
que « l’esprit ». (On sent ici à quelle profondeur l’amour-passion, l
1041
’expression et le mensonge se trouvent liés. Et n’
est
-elle pas typique de toute passion, cette volonté de s’exprimer, de se
1042
e la Croix, et même Ruysbroek, et saint François,
sont
évidemment postérieurs à la naissance de l’amour-passion, il n’en res
1043
our-passion, il n’en reste pas moins que celui-ci
est
postérieur à la mystique pseudo-chrétienne des cathares. 3° C’est san
1044
ute à tort qu’à la proposition : « Tout érotomane
est
un mystique qui s’ignore », on a cru pouvoir répondre : « Ou l’invers
1045
fois comme des érotomanes qui s’ignorent. Mais il
est
certain que l’érotomanie est une forme d’intoxication, et tout nous p
1046
s’ignorent. Mais il est certain que l’érotomanie
est
une forme d’intoxication, et tout nous prouve que les Eckhart, Ruysbr
1047
es Eckhart, Ruysbroek, Thérèse, Jean de la Croix,
sont
exactement le contraire de ce qu’on nomme des intoxiqués. L’intoxiqué
1048
ire de ce qu’on nomme des intoxiqués. L’intoxiqué
est
la victime non de sa passion, mais de l’agent matériel qu’elle utilis
1049
ise pour s’exalter. Si l’origine de cette passion
est
un désir, conscient ou non, d’échapper à la condition terrestre insup
1050
la condition terrestre insupportable, et si l’on
est
en droit d’y voir le rudiment d’un appel mystique, il n’en reste pas
1051
mystique, il n’en reste pas moins que l’intoxiqué
est
avant tout l’esclave de sa drogue. Psychologiquement, c’est un être d
1052
esclave de sa drogue. Psychologiquement, c’est un
être
déchu, dont les sens s’émoussent, dont la lucidité s’affaiblit, et qu
1053
ssions dans la vie quotidienne. Sainte Thérèse ne
tenait
pour bonnes que les visions qui la poussaient à mieux agir, à mieux a
1054
a pas revêtu la forme de la Nuit : elle n’a pas «
été
faite chair ». Ils ne veulent pas que le Jour parfait se communique à
1055
ns nul intermédiaire. Sombrant alors, comme Icare
est
tombé. (Celui qui veut aller à Dieu sans passer par le Christ qui est
1056
i veut aller à Dieu sans passer par le Christ qui
est
« le chemin », celui-là va au diable, disait énergiquement Luther.) I
1057
nergiquement Luther.) Ils pressentent que la Nuit
est
un mystère du Jour, dont le Jour seul détient le secret dernier116. M
1058
— et non pas l’œuvre d’un obscur démiurge. (Telle
est
du moins la doctrine de la Bible.) Refusant que le Jour les enseigne
1059
ature, ignorant donc la vraie nature de ce qu’ils
tiennent
pour le péché, ils courent le risque de s’y perdre sans retour au mom
1060
ent lui échapper. Et de là vient que la confusion
était
fatale entre l’Éros divinisant et l’Éros prisonnier de l’instinct. De
1061
une soif que la mort seule pouvait éteindre : ce
fut
la « torture d’amour » qu’ils se mirent à aimer pour elle-même. La pa
1062
de même, l’amour de la Dame, dès qu’il cessera d’
être
un symbole de l’union avec la Jour incréé, deviendra le symbole de l’
1063
ne illusion de gloire libératrice dont la douleur
serait
encore le signe ! Ainsi s’opère le renversement tragique : se dépasse
1064
er jusqu’à s’unir au transcendant, quand le but n’
est
plus la Lumière, et quand on ignore le « chemin », c’est se précipite
1065
cipiter dans la Nuit. Le dépassement, dès lors, n’
est
plus qu’exaltation du narcissisme. Il ne vise plus à la libération de
1066
s passionné, les « couleurs » de sa rhétorique ne
seront
jamais que les exaltations d’un crépuscule, promesses de gloire jamai
1067
es fourmis ne parieront pas toutes les hypothèses
sont
possibles ! 88. Voir Appendice 7. 89. Voir Appendice 8. 90. La Nu
1068
ix, II, i, 1er verset. Trad. Hoornaert. 91. Ce n’
est
pas évident pour Eckhart (voir plus bas, chap. iii) mais bien pour sa
1069
evoir de lui de grandes grâces, il faut, et telle
est
sa volonté, que ces grâces passent par les mains de cette humanité sa
1070
ait d’un type homogène que dans la mesure où elle
serait
banale, dans la mesure aussi où nous échouerions à la saisir ». 93.
1071
anum frumenti… « L’âme échappe à sa nature, à son
être
et à sa vie, et naît dans la Divinité. C’est là qu’est son devenir. E
1072
t à sa vie, et naît dans la Divinité. C’est là qu’
est
son devenir. Elle devient si totalement un seul être qu’il ne reste p
1073
t son devenir. Elle devient si totalement un seul
être
qu’il ne reste pas d’autre distinction que celle-ci : Lui demeure Die
1074
bsence du langage « épithalamique » pourrait-elle
être
proposée comme un critère lorsqu’il s’agit de savoir si tel mystique
1075
e évidemment, mais il y a là une question digne d’
être
étudiée minutieusement. 99. Un troubadour : « Amour ne me quitte ni
1076
ces que les prouesses des chevaliers errants. Ils
sont
d’ailleurs rapportés par les auteurs des Fioretti sous une forme narr
1077
livre IV. 106. Ce cri célèbre de sainte Thérèse
est
inspiré de la franciscaine Angèle de Foligno : « Je meurs du désir de
1078
, Krafft-Ebing, Murisier, Leuba, Freud, pour s’en
tenir
aux plus célèbres. 112. Dans Penser avec les mains , IIe partie. 1
1079
la littérature On reconnaîtra maintenant ce qu’
est
le péché ou comment procède le péché. C’est lorsque la volonté humain
1080
lorsque la volonté humaine se sépare de Dieu pour
être
une volonté à soi, qu’elle suscite sa propre ardeur et brûle de sa pr
1081
r et brûle de sa propre affection, ardeur qui lui
est
propre et qui n’a rien à voir avec l’ardeur divine. Jacob Boehme.
1082
ature sur les mœurs D’une manière générale, il
est
bien difficile de vérifier l’influence des arts sur la vie quotidienn
1083
it le démontrer. Et la peinture, quelle peut bien
être
son action ? L’architecture, au moins, nous pouvons l’habiter, mais l
1084
ture, au moins, nous pouvons l’habiter, mais là n’
est
pas son caractère d’art. De même pour telle ou telle philosophie. Mai
1085
même pour telle ou telle philosophie. Mais le cas
est
tout différent lorsqu’il s’agit d’une littérature dont on peut démont
1086
que du mythe, héritage de l’amour provençal. Il n’
est
pas nécessaire de supposer ici quelque pouvoir magique des sons et du
1087
n peut dire après La Rochefoucauld : peu d’hommes
seraient
amoureux s’ils n’avaient jamais entendu parler d’amour. ⁂ Passion et
1088
ntendu parler d’amour. ⁂ Passion et expression ne
sont
guère séparables. La passion prend sa source dans cet élan de l’espri
1089
du même mouvement à se raconter elle-même, que ce
soit
pour se justifier, pour s’exalter, ou simplement pour s’entretenir. (
1090
ou simplement pour s’entretenir. (Le double sens
est
significatif.) En ce domaine, il est aisé de vérifier. Les sentiments
1091
double sens est significatif.) En ce domaine, il
est
aisé de vérifier. Les sentiments qu’éprouvent l’élite, puis les masse
1092
éprouvent l’élite, puis les masses par imitation,
sont
des créations littéraires en ce sens qu’une certaine rhétorique est l
1093
littéraires en ce sens qu’une certaine rhétorique
est
la condition suffisante de leur aveu, donc de leur prise de conscienc
1094
es mélancolies, et même pour se suicider, il faut
être
en mesure « d’expliquer » à soi-même ou aux autres ce qu’on sent. Plu
1095
i-même ou aux autres ce qu’on sent. Plus un homme
est
sentimental, plus il y a de chances qu’il soit verbeux et bien disant
1096
mme est sentimental, plus il y a de chances qu’il
soit
verbeux et bien disant. Et de même, plus un homme est passionné, plus
1097
verbeux et bien disant. Et de même, plus un homme
est
passionné, plus il y a de chances qu’il réinvente les figures de la r
1098
s peuples d’Occident : l’on peut admettre qu’elle
est
parallèle à ses métamorphoses littéraires. (Moyennant, cela va de soi
1099
rice du « charme ». La littérature, au contraire,
est
la voie qui descend aux mœurs. C’est donc la vulgarisation du mythe,
1100
es deux Roses Le meilleur point de départ nous
est
donné par le Roman de la Rose, écrit entre les années 1237 et 1280 en
1101
fidèlement conservée. Toutes ces sectes en effet
sont
caractérisées par leur opposition au dogme trinitaire (du moins sous
1102
du Libre-Esprit et les ortliebiens rhénans — qui
furent
peut-être en rapport avec les Vaudois, voisins des cathares —, non se
1103
s ont supposé qu’une élite cléricale du Moyen Âge
fut
initiée à ces doctrines. Ainsi pensent-ils expliquer mieux certaines
1104
ue l’Église a détruit tous les documents, je m’en
tiendrai
à un jugement certainement vrai pour la plupart des cas : dès avant l
1105
lieu du xiiie siècle, la littérature courtoise s’
est
détachée de ses racines mystiques ; elle s’est alors trouvée réduite
1106
s’est détachée de ses racines mystiques ; elle s’
est
alors trouvée réduite à une simple forme d’expression, c’est-à-dire à
1107
rises des galants. L’obstacle à l’union amoureuse
est
figuré par l’exigence morale, et non plus du tout religieuse. Ce n’es
1108
ence morale, et non plus du tout religieuse. Ce n’
est
plus une ascèse mystique, mais un raffinement de l’esprit, qui doit a
1109
Jean de Meung, qui terminera le Roman, la Rose n’
est
plus que la volupté physique. Le réalisme le plus franc succède aux f
1110
au platonisme, le cynisme à l’exaltation. La Rose
est
emportée de haute lutte. La Nature triomphe de l’Esprit, et la raison
1111
de l’amour malheureux. (Peut-être, pratiquement,
est
-elle bien proche d’une vision chrétienne réaliste. Nous aurons l’occa
1112
mbole Alentour de l’an 1200, quelques couplets
sont
échangés entre Rambaut de Vaqueiras, troubadour languedocien, et le p
1113
s. Cependant qu’autour de Palerme, où Frédéric II
tient
sa cour, fleurit l’école dite des Siciliens. Dans quelle mesure cette
1114
ud s’inspira-t-elle des troubadours ? La question
est
encore obscure. On ne trouve à la cour de Palerme qu’un seul poète pr
1115
le mesure les Siciliens « savaient » encore ce qu’
est
l’Amour. N’avaient-ils retenu du trobar clus que le procédé mystifian
1116
enu du trobar clus que le procédé mystifiant ? On
serait
assez tenté de le croire, lorsqu’on voit Dante et son ami Cavalcanti
1117
nes valables — oppose à ces rhétoriqueurs. Ce qui
est
frappant dans cette nouvelle école, c’est qu’elle rénove consciemment
1118
langage symbolique des troubadours. Les Siciliens
étaient
tombés dans un douteux allégorisme : ils parlaient de la dame comme d
1119
rlaient de la dame comme d’une femme réelle, ce n’
était
plus que galanterie mais froide et stéréotypée. Dante et Cavalcanti,
1120
en même temps, ils savent et disent (dans ce dire
est
la nouveauté) que la Dame est purement symbolique. Tel est le secret
1121
isent (dans ce dire est la nouveauté) que la Dame
est
purement symbolique. Tel est le secret paradoxal de l’amour courtois
1122
uveauté) que la Dame est purement symbolique. Tel
est
le secret paradoxal de l’amour courtois : guindé et froid quand il ne
1123
: c’est là vraiment que bat son cœur. Et Dante n’
est
jamais plus passionné qu’en chantant la Philosophie, si ce n’est quan
1124
passionné qu’en chantant la Philosophie, si ce n’
est
quand elle devient la Science sacrée. Sincérité bien propre aux troub
1125
ont jamais dit. C’est parce que Dante et ses amis
sont
amenés à définir leur art, qu’on surprend mieux qu’ailleurs chez les
1126
écoute et l’entend s’écrie : — Malheureuse que je
suis
! Je ne suis pas capable de répéter ce que j’entends dire de ma Dame
1127
ntend s’écrie : — Malheureuse que je suis ! Je ne
suis
pas capable de répéter ce que j’entends dire de ma Dame ! Et qui dou
1128
le salue [auquel elle donne son salut] et, s’il n’
est
déjà de notre foi, l’y amène. Faut-il penser que Dante n’est qu’un b
1129
notre foi, l’y amène. Faut-il penser que Dante n’
est
qu’un blasphémateur lorsqu’il écrit au seuil de la Vita Nuova, cette
1130
ureux ! S’agit-il donc de Béatrice comme femme ?
Est
-ce sa présence que tous les saints implorent et qui serait « l’espéra
1131
sa présence que tous les saints implorent et qui
serait
« l’espérance des bienheureux » ? Ou s’agit-il plutôt de l’Esprit sai
1132
it de définir enfin ce dont on parle. « Cet Amour
est
-il vie ou mort ? » demande courageusement le premier. Et le second ré
1133
souvent la mort… L’amour existe lorsque le désir
est
si grand qu’il dépasse les limites de l’amour naturel… Comme il ne pr
1134
rpétuellement sur lui-même son propre effet. Il n’
est
point un plaisir, mais une contemplation. » Aucun doute ne demeure po
1135
tion. » Aucun doute ne demeure possible : l’Amour
est
la passion mystique. Mais encore faut-il définir le rôle de l’amour n
1136
anger de s’arrêter aux formes terrestres qui n’en
sont
qu’un reflet : De même que la tigresse, dans sa grande douleur, se s
1137
este là, et ne poursuit point ; de même celui qui
est
pénétré d’amour puise la vie dans la contemplation de sa dame, car ai
1138
oint le cœur pitoyable, le jour passe et l’espoir
est
déçu ! Ici la Dame au cœur impitoyable est bien la femme qui détourn
1139
spoir est déçu ! Ici la Dame au cœur impitoyable
est
bien la femme qui détourne l’Amour à son profit. Dans un Bestiaire mo
1140
nous ; ses petits, qu’un chasseur lui a pris, ce
sont
les vertus, et le chasseur c’est le Démon, qui nous fait voir ce qui
1141
sseur c’est le Démon, qui nous fait voir ce qui n’
est
pas. De là vient que bien des hommes ont péri pour avoir tardé d’alle
1142
ns voir Pétrarque se laisser prendre « à ce qui n’
est
pas », c’est-à-dire à l’image de sa Laure, qui trop longtemps — comme
1143
r une chose mortelle avec une foi Qui à Dieu seul
est
due et à lui seul convient… Tout le monde, et sur le moindre roche
1144
ndre rocher que trempe la mer, sait qu’un homme a
été
superlativement amoureux et c’est Pétrarque. Et ce qu’il y a de mieux
1145
omme simplement amoureux ? Rien d’analogue. Lui l’
était
d’une façon extraordinaire, incendiaire, solaire.121 Voilà ce qui d
1146
itement païen, et non plus du tout hérétique ! On
est
aux antipodes du Dante, mais aussi des rhéteurs qu’il attaquait. Le «
1147
aquait. Le « secret » dont je parlais plus haut s’
est
volatilisé : il ne joue plus. Le langage de l’Amour est enfin devenu
1148
latilisé : il ne joue plus. Le langage de l’Amour
est
enfin devenu la rhétorique du cœur humain. Cette « profanation » radi
1149
es meilleures métaphores. En vérité, la tentation
était
trop forte. (On en jugera par quelques exemples mis en note, et à vra
1150
dis : Ô mon âme, il te faut rendre grâce Toi qui
fus
jugée digne alors d’un tel honneur. D’Elle te vient cet amoureux pens
1151
e te vient cet amoureux penser Qui tant que tu le
suis
, au plus haut Bien te mène Et te fait mépriser ce que l’homme désire1
1152
s présente ou absente — ici encore —, la femme ne
sera
jamais que l’occasion d’une torture qu’il préfère à tout : Je sais,
1153
de loin — de près geler. Tout l’amour romantique
est
dans ce dernier vers. Et le secret de cette mélancolie, Pétrarque a s
1154
i !127 Et saint Augustin, avec lequel Pétrarque
tient
ce dialogue fictif, lui répond : Tu connais très bien ton mal. Tout
1155
ut à l’heure, tu en sauras la cause. Dis-moi : qu’
est
-ce qui te rend triste à ce point ? Est-ce bien le cours des choses de
1156
s-moi : qu’est-ce qui te rend triste à ce point ?
Est
-ce bien le cours des choses de ce monde ? Est-ce une douleur physique
1157
t ? Est-ce bien le cours des choses de ce monde ?
Est
-ce une douleur physique, ou bien quelque rigueur injuste de fortune ?
1158
ppel à la mort : Que s’ouvre donc la geôle où je
suis
enfermé Qui me clôt le chemin vers une telle vie ! (Chanson 72.) La
1159
on espoir en « cette fausse douceur fugitive » qu’
est
l’amour idéalisé. Et je me sens au cœur venir, heure par heure, une
1160
une chose mortelle, avec une foi qui à Dieu seul
est
due et à lui seul convient est plus interdit à qui plus désire honneu
1161
oi qui à Dieu seul est due et à lui seul convient
est
plus interdit à qui plus désire honneur ! Mais comment s’arracher à
1162
qui tourne autour de toi immortel et paré ! S’il
est
vrai, qu’ici-bas tant joyeux de son mal votre désir s’apaise par un c
1163
p d’œil, une parole, une chanson, — si ce plaisir
est
jà si grand… quel sera l’autre ! 5.Un idéal à rebours : la gauloi
1164
ne chanson, — si ce plaisir est jà si grand… quel
sera
l’autre ! 5.Un idéal à rebours : la gauloiserie Imposer un sty
1165
e. Mais la confusion de la foi, « qui à Dieu seul
est
due et à lui seul convient », avec l’amour d’« une chose mortelle »,
1166
ient », avec l’amour d’« une chose mortelle », en
fut
la conséquence inévitable. Et c’est bien de cette confusion — non de
1167
iste » qui ne pouvait manquer de s’ensuivre. Elle
fut
surtout sensible dans la bourgeoisie. Dès le début du xiie siècle, e
1168
et du corps qui date précisément de cette époque,
est
le premier témoignage d’un conflit que le mariage chrétien était cens
1169
r témoignage d’un conflit que le mariage chrétien
était
censé résoudre. On y voit l’âme récemment séparée de son corps adress
1170
du dernier siècle. Mais je ne crois pas qu’ils se
soient
engendrés en ligne directe. Chaque moment de cette progression vers l
1171
mposition du romantisme, au moins autant, si ce n’
est
beaucoup plus, que de Balzac (considéré alors comme réaliste). Pour e
1172
ourtoises ? Il me paraît que la « gauloiserie » n’
est
qu’un pétrarquisme à rebours. « On aime à opposer — écrit J. Huizinga
1173
Or la gauloiserie, aussi bien que la courtoisie,
est
une fiction romantique. La pensée érotique, pour acquérir une valeur
1174
otique, pour acquérir une valeur de culture, doit
être
stylisée. Elle doit représenter la réalité complexe et pénible sous u
1175
entre autres, dans le Dit de Chiceface. Chiceface
est
le monstre fabuleux qui ne se nourrit que de femmes fidèles, aussi es
1176
ux qui ne se nourrit que de femmes fidèles, aussi
est
-il d’une maigreur effroyable, tandis que son confrère Bigorne, lequel
1177
re Bigorne, lequel ne mange que les maris soumis,
est
d’un embonpoint sans pareil. Parallèlement à ces deux courants issus
1178
jusqu’à Cervantès L’influence du roman breton
est
attestée par des centaines de textes à travers les xiiie , xive et x
1179
s minnesänger (chanteurs de l’Amour) en Allemagne
sont
nourris de légendes cathares131 et par ailleurs ne font qu’adapter du
1180
se servir que d’une mythologie toute catholique —
soit
prudence ou incompréhension — assez incompatible, on l’a bien vu, ave
1181
u’aux romans d’aventures profanes. Cette omission
est
mystérieuse. Elle militerait en faveur de la thèse selon laquelle Cer
1182
ont ils avaient perdu le secret. Don Quichotte ne
serait
grotesque que parce qu’il veut imiter une ascèse à laquelle il n’est
1183
arce qu’il veut imiter une ascèse à laquelle il n’
est
pas initié, et suivre une voie que le malheur des temps rend totaleme
1184
on Cependant Rome n’a pas triomphé partout. Il
est
une île où son pouvoir est contesté. C’est la dernière patrie des bar
1185
s triomphé partout. Il est une île où son pouvoir
est
contesté. C’est la dernière patrie des bardes. En Cornouailles et en
1186
ittérature anglaise populaire et savante. Mais il
est
significatif qu’à la fin du xviie siècle, un bon lettré comme Robert
1187
kespeare, — mais nous avons le Songe d’une Nuit d’
été
. Et l’on dit qu’il était catholique — mais nous avons Roméo et Juliet
1188
vons le Songe d’une Nuit d’été. Et l’on dit qu’il
était
catholique — mais nous avons Roméo et Juliette qui est la seule tragé
1189
atholique — mais nous avons Roméo et Juliette qui
est
la seule tragédie courtoise, et la plus belle résurrection du mythe a
1190
de la vie, voire de l’identité de Shakespeare, il
est
vain de se demander s’il connaissait la tradition secrète des troubad
1191
adours. Mais on peut relever ce fait : que Vérone
fut
un des principaux centres du catharisme en Italie. Selon le moine Ran
1192
me en Italie. Selon le moine Ranieri Saccone, qui
fut
dix-sept ans hérétique, il y avait à Vérone près de cinq-cents « parf
1193
ouveau qui se dresse, à la lueur d’une torche que
tient
Roméo. Juliette repose, endormie par le philtre. Le fils de Montague
1194
ose, endormie par le philtre. Le fils de Montague
est
entré, et il parle : Combien souvent les hommes sur le point de mour
1195
bien souvent les hommes sur le point de mourir Se
sont
sentis joyeux ! Ceux qui veillent sur eux Disent : l’éclair avant la
1196
t n’a pas eu de prise encor sur ta beauté Et tu n’
es
pas conquise. L’enseigne de beauté Est encore cramoisie sur tes lèvre
1197
uté Et tu n’es pas conquise. L’enseigne de beauté
Est
encore cramoisie sur tes lèvres, tes joues, Et le pâle drapeau de la
1198
èvres, tes joues, Et le pâle drapeau de la mort n’
est
pas avancé. … Ah ! chère Juliette Pourquoi es-tu si belle encore ? D
1199
n’est pas avancé. … Ah ! chère Juliette Pourquoi
es
-tu si belle encore ? Dois-je penser Que la mort non substantielle est
1200
re ? Dois-je penser Que la mort non substantielle
est
amoureuse Et que le monstre maigre te conserve Ici pour être ton aman
1201
use Et que le monstre maigre te conserve Ici pour
être
ton amant dans la ténèbre ? Par crainte de cela je demeure avec toi E
1202
repartirai ; ici je veux rester Avec les vers qui
sont
tes serviteurs ; ici, ici Je vais fixer mon repos éternel, Secouer l’
1203
mour ! (Il boit.) … Honnête apothicaire Ta drogue
est
rapide. En un baiser je meurs. Le consolament de la Mort vient de sc
1204
ous entretenir encor de ces tristesses.133 ⁂ Il
est
certain que Milton quoique puritain subit l’influence de doctrines ca
1205
is : du moins pas sans de telles réticences qu’il
serait
vain de conclure sur ce point plus nettement qu’il ne l’a voulu.) Ava
1206
légendes. Et dans le De doctrina christiana, il s’
était
insurgé « contre la puissance créatrice de Dieu, contre les dogmes de
1207
qui malgré tout rattache Milton à la Réforme : n’
est
-ce point la même et unique hérésie que nous trouvons partout et en to
1208
stiques et manichéennes montre bien que l’abîme n’
est
pas infranchissable, surtout sur le plan de l’éthique. L’idéalisme et
1209
n maître en occultisme, enseignait que la lumière
est
la matière divine… Il reste cependant que la doctrine de Milton est b
1210
ine… Il reste cependant que la doctrine de Milton
est
bien plus « rationnelle » et sociale que celle des hérétiques du Midi
1211
omposer d’interminables romans à clef. Polexandre
est
Louis XIII, Cyrus est le Grand Condé, Diane est Marie de Médicis, etc
1212
s romans à clef. Polexandre est Louis XIII, Cyrus
est
le Grand Condé, Diane est Marie de Médicis, etc. Le sujet du roman de
1213
e est Louis XIII, Cyrus est le Grand Condé, Diane
est
Marie de Médicis, etc. Le sujet du roman demeure les « contrariétés »
1214
es « contrariétés » de l’amour, mais l’obstacle n’
est
plus la volonté de mort, si secrète et métaphysique dans Tristan : c’
1215
honneur, manie sociale. C’est l’héroïne, ici, qui
est
la plus astucieuse lorsqu’il s’agit d’imaginer des prétextes de sépar
1216
regard irrité de sa maîtresse. Au dénouement, il
est
encore à se demander si cette « reine de l’Île inaccessible » ne va p
1217
retardé jusqu’à la dix-millième lorsque l’auteur
est
un champion du genre. C’est le roman allégorique du xviie siècle qui
1218
l’emporte, et dès lors la fin du roman ne saurait
être
qu’un retour à ce qui n’est plus le roman : au bonheur. Les grands th
1219
du roman ne saurait être qu’un retour à ce qui n’
est
plus le roman : au bonheur. Les grands thèmes tragiques du mythe n’év
1220
ratrice. Mais la dialectique sauvage de Tristan n’
est
plus ici que coquetterie, et le combat du Jour et de la Nuit se ramèn
1221
ue l’on n’ose nommer un roman-fleuve, puisqu’il n’
est
parcouru que par les sinuosités d’un modeste ruisseau, le Lignon, Cél
1222
par des lions et des licornes : cette fontaine ne
sera
désenchantée, selon l’oracle, que par la mort du plus fidèle amant et
1223
et Céladon évanouis (c’est une mort métaphorique)
sont
transportés chez le druide Adamas où ils se réveillent, puis s’épouse
1224
s prodigieux de l’Astrée. Pourtant ses charmes ne
sont
point inégaux à ceux de nos récents romans féeriques. Et la psycholog
1225
auprès de son hôtesse, elle lui dit que le Forez
était
un bon pays de forges et qu’on y travaillait fort bien le fer. « Cett
1226
es ressources d’une rhétorique plus savante n’ont
été
à ce point harmonisées. L’on n’imagine pas de roman mieux écrit ; plu
1227
est l’art et non « la vie » qui mène le jeu. Nous
sommes
en face d’une création de l’esprit, et non d’une confusion de reflets
1228
u moins indiscrets et de hasards immérités (comme
sont
les romans d’aujourd’hui). En un mot, l’Astrée est une œuvre. Elle su
1229
nt les romans d’aujourd’hui). En un mot, l’Astrée
est
une œuvre. Elle suppose un métier savant, et vingt-cinq ans d’applica
1230
d’application. Le snobisme qui lui fit un succès
était
mieux averti que le nôtre. Mais aussi ce caractère d’achèvement nous
1231
itif, dont l’Astrée reprend tous les thèmes, l’on
est
frappé de constater que chez d’Urfé le tragique se dégrade en émotion
1232
plus parfaite, en raison même de sa perfection, n’
est
qu’un sous-produit des mystiques créatrices de formes et de mythes ?
1233
l’épuisement temporaire des sources profondes ? N’
est
-ce point pour cette cause que la littérature, si fort qu’elle flatte
1234
réfutations et railleries qu’on leur oppose ? Ce
fut
assez d’un décret de l’officieux Boileau — le court Dialogue sur les
1235
dre. D’où l’on conclut généralement que Corneille
est
le premier auteur qui ait voulu soumettre la passion à la raison, sin
1236
tre la passion à la raison, sinon à la morale. Il
serait
donc le premier qui ait échappé à l’emprise du mythe. Le cas vaut d’ê
1237
i ait échappé à l’emprise du mythe. Le cas vaut d’
être
analysé. Voici comme Alidor se plaint au premier acte : Ce n’est qu’
1238
ci comme Alidor se plaint au premier acte : Ce n’
est
qu’en m’aimant trop qu’elle me fait mourir ; Un moment de froideur, e
1239
rais soudain passé ma fantaisie : Mais las ! elle
est
parfaite, et sa perfection N’approche point encor de son affection ;
1240
ttirer notre méfiance. Quoi, c’est le bonheur qui
serait
fatal au repos de cet étrange amant ? Et le malheur d’être trahi par
1241
l au repos de cet étrange amant ? Et le malheur d’
être
trahi par Angélique le guérirait de son amour ? Cet Alidor serait un
1242
Angélique le guérirait de son amour ? Cet Alidor
serait
un curieux monstre ! Disons plutôt qu’on voit trop bien ce qu’il essa
1243
lains », dit-il plus bas. C’est donc la honte qui
est
cause de son mensonge. En vérité, il souffre de l’absence d’un obstac
1244
ait le recours de rendre Iseut à son mari. Alidor
est
contraint d’inventer un rival. Souffrant de ce que plus rien ne le sé
1245
uer cette souffrance, il imagine de se plaindre d’
être
trop enchaîné par cette fidélité, — alors qu’on voit tout au contrair
1246
t tout au contraire qu’il désespère de ne point l’
être
assez. Il proclame un besoin d’être libre qui traduit un profond dési
1247
de ne point l’être assez. Il proclame un besoin d’
être
libre qui traduit un profond désir de n’être plus même en état de dés
1248
in d’être libre qui traduit un profond désir de n’
être
plus même en état de désirer aucune liberté. C’est ce qui se passerai
1249
faisait mine de lui échapper. Mais voyez comme il
est
habile : Cléandre Vit-on jamais amant de la sorte enflammé Qui se tî
1250
Vit-on jamais amant de la sorte enflammé Qui se
tînt
malheureux pour être trop aimé ? Alidor Comptes-tu mon esprit entre
1251
de la sorte enflammé Qui se tînt malheureux pour
être
trop aimé ? Alidor Comptes-tu mon esprit entre les ordinaires ? Pen
1252
rait bien voir que la vraie volonté du personnage
est
exactement opposée à ces hautaines déclarations. « Il ne faut point s
1253
ignifie en réalité : « Le seul objet qui vaille d’
être
servi, c’est celui qui nous posséderait totalement et qui, par sa fui
1254
e. » Les deux derniers mots : « … et l’éteindre »
étant
pur artifice de rhétorique, destiné à persuader le lecteur, ou Cléand
1255
, ou Corneille lui-même, que c’est la liberté qui
est
désirée, alors que c’est évidemment le « feu » ; et non pas le feu «
1256
e j’ai appris que l’amour d’un honnête homme doit
être
toujours volontaire ; qu’on ne doit jamais aimer en un point qu’on ne
1257
p plus d’obligation de notre amour, alors qu’elle
est
toujours l’effet de notre choix et de son mérite, que quand elle vien
1258
oint ce qu’on ne saurait nous refuser. Voilà qui
est
bel et bon. Mais nous n’oublions pas que ce refus de la contrainte fa
1259
articles des Leys d’Amors). Et que cette exigence
est
polémique, dirigée contre le mariage. Or Alidor et son amante trop fi
1260
is pour l’amour de la passion. À tel prix que ce
soit
, il faut rompre mes chaînes De crainte qu’un hymen, m’en ôtant le pou
1261
de brûler, donc en fait : sa crainte de guérir !)
sont
en effet couronnés de succès au cinquième acte. Corneille l’avoue plu
1262
ue quand il lui a donné sujet de le haïr. L’aveu
est
complet cette fois-ci. Mais dans le plan purement psychologique où Co
1263
Cela fait, conclut-il, une inégalité de mœurs qui
est
vicieuse. » Ne nous étonnons point de cet aveuglement de l’auteur sur
1264
aphorique). Bien mieux : cette volonté de liberté
est
devenue l’agent le plus efficace de la passion qu’elle prétendait gué
1265
le récitent et le réciteront toujours ceux qui ne
sont
guère capables de l’aimer… 10.Racine, ou le mythe déchaîné L’op
1266
ers engagements que Didon avait avec Énée, elle n’
est
pas obligée, comme elle, de renoncer à la vie ». L’on sent tout l’art
1267
i se voit opposé à la passion de la Nuit ! « Ce n’
est
point une nécessité qu’il y ait du sang et des morts dans une tragédi
1268
ragédie, ajoute Racine, il suffit que l’action en
soit
grande, que les acteurs en soient héroïques, que les passions y soien
1269
t que l’action en soit grande, que les acteurs en
soient
héroïques, que les passions y soient excitées, et que tout s’y ressen
1270
s acteurs en soient héroïques, que les passions y
soient
excitées, et que tout s’y ressente de cette tristesse majestueuse qui
1271
e qui fait tout le plaisir de la tragédie », ce n’
est
que la moitié du mythe, son aspect diurne, son reflet moral dans notr
1272
renversement dans la joie, acceptée telle qu’elle
est
dans le monde du jour, et qualifiée néanmoins de « plaisir », l’on ne
1273
moins de « plaisir », l’on ne voit pas en quoi ce
serait
davantage qu’une morosa delectatio. Certes, l’on est fondé à conteste
1274
davantage qu’une morosa delectatio. Certes, l’on
est
fondé à contester la vérité dernière de la croyance mystique (maniché
1275
ernière de la croyance mystique (manichéenne) qui
est
à l’origine de la passion et de son mythe : du moins faut-il bien rec
1276
le tourment qui en résulte, c’est que l’obstacle
est
un masque de la mort, et que la mort est le gage d’une transfiguratio
1277
obstacle est un masque de la mort, et que la mort
est
le gage d’une transfiguration, l’instant où ce qui était la Nuit se r
1278
e gage d’une transfiguration, l’instant où ce qui
était
la Nuit se révèle le Jour absolu. Mais faute d’atteindre cette limite
1279
ne lui-même la vraie nature de son délire. Phèdre
est
un moment décisif non seulement dans la vie du poète, mais dans l’évo
1280
èdre, ou le mythe « puni » Le thème de la mort
est
écarté dans Bérénice par une « censure » morale évidemment chrétienne
1281
t chrétienne d’origine. Racine ne peut ni ne veut
être
pleinement lucide. Car sa lucidité l’obligerait à condamner ce qu’il
1282
r. Mais la crise de sa passion pour une femme qui
fut
peut-être la Champmeslé, et les premières atteintes d’une vraie foi v
1283
iguration : il a pris le parti du jour, la mort n’
est
plus que le châtiment de ses trop longues complaisances. C’est la pas
1284
acle un inceste, c’est-à-dire une entrave qu’il n’
est
plus admissible de vouloir vaincre. L’opinion — à laquelle Racine se
1285
laquelle Racine se montre si sensible — l’opinion
est
toujours avec Tristan contre le roi Marc, avec le séducteur contre le
1286
avec le séducteur contre le mari trompé ; elle n’
est
jamais avec les amants incestueux. Ensuite, Racine se punit par perso
1287
te réciprocité de la part. d’Hippolyte. Or Phèdre
était
écrite pour Champmeslé, qui y tint le rôle de la reine. Et Hippolyte,
1288
te. Or Phèdre était écrite pour Champmeslé, qui y
tint
le rôle de la reine. Et Hippolyte, c’est Racine tel que maintenant il
1289
n, et il se démontre à lui-même que cette passion
est
condamnable sans appel. Mais je l’ai dit, Racine à l’époque de Phèdre
1290
el. Mais je l’ai dit, Racine à l’époque de Phèdre
est
encore en pleine crise, balançant devant la décision. D’où la duplici
1291
c cet amour incestueux, encore que cette reine ne
soit
que la belle-mère d’Hippolyte. Mais le vieil homme, le Racine naturel
1292
polyte amoureux d’Aricie, dont on va voir qu’elle
est
une Phèdre déguisée. Le tour est très subtil. Pour ce qui est du per
1293
va voir qu’elle est une Phèdre déguisée. Le tour
est
très subtil. Pour ce qui est du personnage d’Hippolyte, écrit-il dan
1294
e déguisée. Le tour est très subtil. Pour ce qui
est
du personnage d’Hippolyte, écrit-il dans la Préface, j’avais remarqué
1295
passion qu’il ressent malgré lui pour Aricie, qui
est
la fille et la sœur des ennemis mortels de son père. Ainsi donc, Ar
1296
umés à des déguisements plus savants !) Mais ce n’
est
pas l’inceste, c’est la passion qui intéresse — au sens fort — Racine
1297
elle de l’auteur. Ah ! Seigneur ! si notre heure
est
une fois marquée Le ciel de nos raisons ne sait point s’informer. (I,
1298
s raisons ne sait point s’informer. (I, 1.) Ce n’
est
pas ce ciel-là qu’eût adoré Corneille ! Ni ces dieux que l’on dupe, e
1299
t sur qui l’on rejette la faute : Les dieux m’en
sont
témoins, ces dieux qui dans mon flanc Ont allumé le feu fatal à tout
1300
on sang. (II, 3.) Et voici la servante Œnone qui
tient
à Phèdre le même langage que la servante Brangaine à Isolde : Vous a
1301
ut vaincre sa destinée : Par un charme fatal vous
fûtes
entraînée… (IV, 6.) Duplicité, ai-je dit, mais à tel point essentiel
1302
la pièce, constitutive de la crise même d’où elle
est
née, qu’il serait bien vain d’en faire reproche à son auteur. Il fall
1303
itutive de la crise même d’où elle est née, qu’il
serait
bien vain d’en faire reproche à son auteur. Il fallait Phèdre. Il fal
1304
ine a su faire mentir — j’en viens à croire qu’il
est
sincère dans sa Préface lorsqu’il écrit : Ce que je puis assurer, c’
1305
st que je n’ai point fait de tragédie où la vertu
soit
plus mise au jour que dans celle-ci ; les moindres fautes y sont sévè
1306
au jour que dans celle-ci ; les moindres fautes y
sont
sévèrement punies : la seule pensée du crime y est regardée avec auta
1307
nt sévèrement punies : la seule pensée du crime y
est
regardée avec autant d’horreur que le crime même ; les faiblesses de
1308
sent pour de vraies faiblesses ; les passions n’y
sont
présentées aux yeux que pour démontrer tout le désordre dont elles so
1309
ux que pour démontrer tout le désordre dont elles
sont
cause… On est loin du dessein d’« exciter les passions » pour « plai
1310
ntrer tout le désordre dont elles sont cause… On
est
loin du dessein d’« exciter les passions » pour « plaire » à un besoi
1311
re » à un besoin de « tristesse majestueuse ». On
est
tout près de Port-Royal. Racine, comme Pétrarque, était de la race d
1312
out près de Port-Royal. Racine, comme Pétrarque,
était
de la race des troubadours qui trahissent l’Amour pour l’amour : pres
1313
n chapitre, mais son influence sur les mœurs ne s’
est
guère fait sentir que deux siècles plus tard. (Il a fallu que les phi
1314
ul prévu par ce mystique : si la cause extérieure
est
un Dieu auquel notre âme pourrait s’identifier139. Mais Spinoza négli
1315
l’obstacle ». Dans le fait, nos passions humaines
sont
toujours liées à des passions contraires, notre amour toujours lié à
1316
notre haine, et nos plaisirs à nos douleurs. Il n’
est
pas de cause isolée qui nous détermine purement. Entre la joie et sa
1317
s roués de la Régence et du règne de Louis XV, ne
sont
plus même d’ordre moral, mais intellectuel et physique. La distinctio
1318
’esprit et de l’âme croyante, aboutit à diviser l’
être
en intelligence et en sexe. À vrai dire, tout obstacle détruit, la pa
1319
’on parle de « passionnettes ». Le dieu d’Amour n’
est
plus un dur destin mais un enfant impertinent. Presque plus rien n’es
1320
n mais un enfant impertinent. Presque plus rien n’
est
défendu. De la pudeur, obstacle naturel, on garde ce qu’il faut pour
1321
es épingles ! » (Il me semble que ces épingles ne
sont
point citées par hasard : « Amour vous point », disait la rhétorique.
1322
le sang coulera sous la Terreur ; mais nous n’en
sommes
encore qu’à la « guerre en dentelles ».) Or ce siècle de la Volupté n
1323
rre en dentelles ».) Or ce siècle de la Volupté n’
est
pas celui de la santé sensuelle, s’il a cru se guérir du mythe. « Les
1324
ncarner ce rêve des Richelieu et des Casanova, je
suis
moins sûr de leur réalité que de celle du désir qui les crée. Ce dési
1325
Nous en avons donné plus d’un exemple. Le xviiie
est
trop poli pour admettre la gauloiserie : il la remplace par une affec
1326
de la publier. Cela pouvait encore étonner. Ce n’
était
encore, et ce ne sera jamais, qu’un idéalisme à rebours. 13.Don Ju
1327
uvait encore étonner. Ce n’était encore, et ce ne
sera
jamais, qu’un idéalisme à rebours. 13.Don Juan et Sade Comme on
1328
tre l’antithèse absolue de Tristan. Si Don Juan n’
est
pas, historiquement, une invention du xviiie , du moins ce siècle a-t
1329
de celui qui ne peut pas posséder, parce qu’il n’
est
pas assez pour avoir… Mais cela nous entraînerait à quelques développ
1330
comme le reflet inversé de Tristan. Le contraste
est
d’abord dans l’allure extérieure des personnages, dans leur rythme. O
1331
e une seule femme. Mais c’est la multiplicité qui
est
pauvre, tandis que dans un être unique et possédé à l’infini se conce
1332
a multiplicité qui est pauvre, tandis que dans un
être
unique et possédé à l’infini se concentre le monde entier. Tristan n’
1333
nfin tout se ramène à cette opposition : Don Juan
est
le démon de l’immanence pure, le prisonnier des apparences du monde,
1334
s en plus décevante et méprisable — quand Tristan
est
le prisonnier d’un au-delà du jour et de la nuit, le martyr d’un ravi
1335
Casanova au niveau de l’aventure scélérate, tels
sont
les parangons qui prennent la place de l’idéal détruit par le xviie
1336
tal, et tout pouvoir de « sympathie ». La femme n’
est
plus pour l’homme du xviiie qu’un « objet ». Mesurons l’un à l’autre
1337
t des corps, la réalité d’un « objet ». Sade, qui
est
un homme du xviiie , connaît trop bien sa monotone tyrannie. Ce que P
1338
, c’est lui qui détient le plaisir, et le plaisir
est
une fatalité. Comment s’en libérer, si ce n’est par l’excès, car tout
1339
r est une fatalité. Comment s’en libérer, si ce n’
est
par l’excès, car tout excès vient de l’esprit ! Rien de plus glaciale
1340
euses » multipliées par la rage du Marquis. Là où
est
le plaisir, là sera la souffrance, et la souffrance est le signe d’un
1341
par la rage du Marquis. Là où est le plaisir, là
sera
la souffrance, et la souffrance est le signe d’un rachat. Purificatio
1342
plaisir, là sera la souffrance, et la souffrance
est
le signe d’un rachat. Purification par le mal : péchons jusqu’à détru
1343
On ne tue bien que son amour, parce que lui seul
est
souverain. Le crime d’amour impur sauvera la pureté. Lisons maintena
1344
ticuliers, nous ne pourrons pas sacrifier un seul
être
à nos vengeances ou à nos caprices ? Est-il rien de si barbare, de si
1345
un seul être à nos vengeances ou à nos caprices ?
Est
-il rien de si barbare, de si ridiculement étrange, et ne devons-nous
1346
moi qui ai souligné). Si le marquis de Sade avait
été
interrogé sur les mobiles secrets de sa morale, il se fût sans nul do
1347
rrogé sur les mobiles secrets de sa morale, il se
fût
sans nul doute réfugié derrière un verbiage cynique. Mais tous ses ar
1348
ière un verbiage cynique. Mais tous ses arguments
sont
transparents : ils signifient avec exactitude le contraire de leur se
1349
eur sens littéral143. Cette glorification du sexe
est
une constante et rationnelle profanation de la morale profanée du xvi
1350
ifester en tuant le criminel144. Car là seulement
serait
la délivrance, — selon la foi des troubadours… 14. La Nouvelle Hél
1351
mpérament des complicités bien profondes et qui n’
est
autre que le pétrarquisme. Le roman de Rousseau à proprement parler n
1352
uisme. Le roman de Rousseau à proprement parler n’
est
pas une renaissance du mythe primitif de Tristan. Il n’a pas la viole
1353
rte de piétisme raffiné. Ici encore, la décadence
est
manifeste. L’Héloïse qui vécut au xiie siècle145 et dont nous posséd
1354
renoncement à la passion, et cette mort de Julie
est
chrétienne — autant qu’il peut dépendre de Rousseau. (Il insiste long
1355
ut que suspecter un « calvinisme » qui parle de l’
Être
suprême et paraît ignorer le Christ…) Tout cela ne m’empêchera point
1356
man les croyances de ses personnages. Si Rousseau
fut
le premier à décrire ces erreurs, c’est qu’il en souffrit plus que d’
1357
complaisances qu’entraîne le genre romanesque. Il
est
visible que Rousseau, pas plus que Pétrarque à la fin de sa vie, n’es
1358
eau, pas plus que Pétrarque à la fin de sa vie, n’
est
dupe de la « religion » d’amour. Qu’on relise la grande lettre de Jul
1359
s intéressées de l’Éros et de l’Agapè. « La vertu
est
si nécessaire à nos cœurs que, quand on a une fois abandonné la vérit
1360
le, on s’en fait ensuite une à sa mode, et l’on y
tient
plus fortement peut-être, parce qu’elle est de notre choix. » Toutefo
1361
n y tient plus fortement peut-être, parce qu’elle
est
de notre choix. » Toutefois, l’on n’a pas tort d’attribuer au « clima
1362
) qu’il se met à douter sombrement : « Non, ce ne
sont
point ces transports que je regrette le plus : ah non ! retire s’il l
1363
onnerais mille vies, mais rends-moi tout ce qui n’
était
point elles, et les effaçait mille fois. Rends-moi cette étroite unio
1364
i pris pour toi des sentiments plus paisibles, il
est
vrai, mais plus affectueux et de plus de différentes espèces… Les dou
1365
mble-t-il, sur la roture de Saint-Preux, laquelle
est
censée interdire toute possibilité d’union légale. D’où encore l’assi
1366
r » l’amour chaste qui les ravissait — bien qu’il
fût
dès ce moment condamnable — et « crime », « horreurs », « corruption
1367
ise trop souvent invoquée. Et ainsi de suite : il
serait
aisé de reprendre, à propos de la Nouvelle Héloïse, toute notre exégè
1368
forcé le dernier mystère de Tristan. Mon propos n’
est
point de recenser les innombrables manifestations du mythe dans nos l
1369
bien mon sentiment : chercher cette satisfaction
serait
folie. Mourir ensemble ! (Mais silence ! ceci paraît exalté, et pourt
1370
ion.148 Journal intime de Novalis : Lorsque j’
étais
sur le tombeau [de sa fiancée] la pensée m’est venue que ma mort donn
1371
’étais sur le tombeau [de sa fiancée] la pensée m’
est
venue que ma mort donnerait à l’humanité un exemple de fidélité étern
1372
ouverte. Que Dieu me conserve cette douleur qui m’
est
indiciblement chère… Notre engagement n’était pas pris pour ce monde…
1373
qui m’est indiciblement chère… Notre engagement n’
était
pas pris pour ce monde… Maximes de Novalis : Toutes les passions f
1374
assions finissent comme une tragédie, tout ce qui
est
limité finit par la mort, toute poésie a quelque chose de tragique. U
1375
poésie a quelque chose de tragique. Une union qui
est
conclue même pour la mort est un mariage qui nous donne une compagne
1376
ique. Une union qui est conclue même pour la mort
est
un mariage qui nous donne une compagne pour la Nuit. C’est dans la mo
1377
agne pour la Nuit. C’est dans la mort que l’amour
est
le plus doux ; pour le vivant, la mort est une nuit de noces, un secr
1378
’amour est le plus doux ; pour le vivant, la mort
est
une nuit de noces, un secret de doux mystères. L’ivresse des sens app
1379
ut-être à l’amour comme le sommeil à la vie. Ce n’
est
pas la plus noble part, et l’homme vigoureux préférera toujours veill
1380
Nature. Dieu n’a rien à faire avec la Nature, il
est
le but de la Nature, l’élément avec lequel elle doit un jour s’harmon
1381
avec lequel elle doit un jour s’harmoniser. Nous
sommes
des esprits émanés de Dieu, des germes divins. Un jour nous deviendro
1382
ivins. Un jour nous deviendrons ce que notre Père
est
lui-même.149 Et dans les Hymnes à la Nuit, où l’Éros ténébreux supp
1383
profond de cette nouvelle hérésie albigeoise que
fut
le romantisme allemand. La mort est le but idéal des « hommes élevés
1384
lbigeoise que fut le romantisme allemand. La mort
est
le but idéal des « hommes élevés » de la Loge invisible de Jean-Paul.
1385
. Elle se confond avec l’amour chez Novalis. Elle
fut
pour Kleist « le seul accomplissement » possible d’une « passion d’am
1386
aquelle se refusait son corps. Mais les poètes ne
sont
plus les seuls à tenter l’au-delà nocturne : un philosophe comme Schu
1387
tes de désir, tisse son filet autour de celle qui
est
apparue, et elle est à lui… et elle n’est jamais à lui, car la soif d
1388
on filet autour de celle qui est apparue, et elle
est
à lui… et elle n’est jamais à lui, car la soif de son aspiration est
1389
lle qui est apparue, et elle est à lui… et elle n’
est
jamais à lui, car la soif de son aspiration est à jamais insatiable.
1390
n’est jamais à lui, car la soif de son aspiration
est
à jamais insatiable. C’est toute l’aventure des mystiques unitives q
1391
par le souvenir des cathares et de leur mystique
fut
composé par l’un des plus purs romantiques : c’est l’épopée des albig
1392
s albigeois de Lenau. On peut y lire ces vers qui
sont
une sorte de profession de foi de la « religion nouvelle » rêvée par
1393
ue Dieu nous voile, Passera, la Nouvelle Alliance
sera
rompue ; Alors nous concevrons Dieu comme l’Esprit, Alors se célébrer
1394
Alors se célébrera l’Alliance éternelle. L’Esprit
est
Dieu ! ce cri puissant retentira Comme un tonnerre de joie à travers
1395
é divine, considéré du point de vue de ce monde n’
est
plus qu’un élan vers la mort, une séparation essentielle. Tel est le
1396
lan vers la mort, une séparation essentielle. Tel
est
le tragique de l’Ironie transcendentale, ce mouvement perpétuel du ro
1397
s qu’elle peut concevoir et désirer (la nature, l’
être
aimé, le moi), tout ce qui n’est pas l’Unité incréée, la dissolution
1398
r (la nature, l’être aimé, le moi), tout ce qui n’
est
pas l’Unité incréée, la dissolution sans retour. Mais cet enthousiasm
1399
la dissolution sans retour. Mais cet enthousiasme
est
réel, c’est l’« endieusement » des troubadours, l’endiosada des mysti
1400
t défaut au romantisme français. Ici, les données
sont
les mêmes mais le rythme est moins ample et l’esprit va trop vite au
1401
s. Ici, les données sont les mêmes mais le rythme
est
moins ample et l’esprit va trop vite au but. La France de la Révoluti
1402
le chant pur de la passion de la Nuit. Mais il n’
est
point d’aube mystique à l’horizon spirituel, ni de véritable joie d’a
1403
ie d’amour au sommet de ces élancements. Le moi n’
est
jamais transcendé, il se refuse à l’illusion dernière d’une libératio
1404
puissance lucide. Romantisme mûri, désabusé, l’on
serait
même tenté de dire : trop rigoureux… Auprès de lui, Jean-Paul et Nova
1405
exalte la saveur de vivre : c’est peut-être qu’il
est
plus « naïf », plus assuré de la réalité de son au-delà. Voyez-les se
1406
son » qui conclut sur une épigramme : « Et encore
est
-il vrai que bien des hommes attachent leur destinée à des choses d’au
1407
à leurs chimères les plus consolantes, l’amour ne
sera
pas longtemps félicité ineffable de la vie supérieure » dont parle E.
1408
prit, la purification abstraite du sentiment. Les
êtres
et les choses, ces prétextes, percés par un regard désabusé, cesseron
1409
ercés par un regard désabusé, cesseront bientôt d’
être
les vrais obstacles. Et le mythe, appauvri de ses formes extérieures,
1410
vri de ses formes extérieures, deviendra ce qu’il
est
en son principe : une autodestruction voluptueuse du moi. « On est dé
1411
pe : une autodestruction voluptueuse du moi. « On
est
détrompé sans avoir joui, dit René ; il reste encore des désirs et l’
1412
un monde vide. » Alors la femme elle-même cesse d’
être
le symbole indispensable de la nostalgie passionnée. Dans l’Obermann
1413
née. Dans l’Obermann de Sénancour, l’« obstacle »
est
purement intérieur, il est dans la dualité du moi qui ne peut ni s’af
1414
ancour, l’« obstacle » est purement intérieur, il
est
dans la dualité du moi qui ne peut ni s’affirmer ni se dissoudre, ni
1415
ni s’affirmer ni se dissoudre, ni se posséder ni
être
possédé. Nous savions que Tristan n’aimait pas Iseut pour elle-même,
1416
une image. Lui pourtant l’ignorait, et sa passion
était
naïve et forte. René et surtout Obermann ne peuvent même plus croire
1417
de nos limites, mortelle mais divinisante. Rares
sont
toutefois les romantiques français qui atteignirent cette connaissanc
1418
ourrait seule le combler. Aimer passionnément, ce
serait
vivre ! Il s’imagine de très bonne foi qu’un tel besoin relève de la
1419
te.) Il rirait bien si je lui démontrais que ce n’
est
là que l’empreinte du mythe dans son esprit, une habitude héritée de
1420
térature, puisque mystique et religion, pour lui,
sont
mortes. Mais il est obligé de constater que ce désir de passion, et l
1421
tique et religion, pour lui, sont mortes. Mais il
est
obligé de constater que ce désir de passion, et la passion elle-même
1422
et la passion elle-même dans le monde où il vit,
sont
condamnés par la raison et par le scepticisme général. D’où le besoin
1423
« Quoiqu’il traite de l’amour, ce petit volume n’
est
point un roman, et surtout n’est pas amusant comme un roman. C’est to
1424
e petit volume n’est point un roman, et surtout n’
est
pas amusant comme un roman. C’est tout uniment une description exacte
1425
assion se trompe souvent, précise-t-il, mais elle
est
en soi une erreur… Le cas Stendhal n’est pas douteux : il s’agit d’un
1426
ais elle est en soi une erreur… Le cas Stendhal n’
est
pas douteux : il s’agit d’un homme qui n’aimait pas réellement, et qu
1427
me qui n’aimait pas réellement, et qui surtout ne
fut
pas réellement aimé. » Tristan aimait, Don Juan était aimé ; mais cel
1428
t pas réellement aimé. » Tristan aimait, Don Juan
était
aimé ; mais celui qui n’a du premier que la nostalgie, et du second q
1429
tradition antique, sauf qu’il s’affirme heureux d’
être
malade. Le voici donc dans la situation d’un médecin qui étudie sur l
1430
s mortel155. Une chose me frappe : sa description
est
admirable de vivacité, d’exactitude, parfois de profondeur ; mais ell
1431
, d’exactitude, parfois de profondeur ; mais elle
est
totalement pessimiste — puisque aussi bien il s’agit d’une erreur et
1432
ien il s’agit d’une erreur et dont il se désole d’
être
tiré. D’où peut provenir ce pessimisme incompatible avec la conceptio
1433
incompatible avec la conception de la vie qu’il s’
était
faite ? C’est la question qu’il ne se pose jamais. Il note très bien
1434
agrément dans la quantité d’émotion, la sympathie
est
au moins la moitié moins excitée par la peinture du bonheur que par c
1435
« Il y a peu de peines morales dans la vie qui ne
soient
rendues chères par l’émotion qu’elles excitent. » Voilà qui est vrai
1436
ères par l’émotion qu’elles excitent. » Voilà qui
est
vrai : nous aimons la douleur, et le bonheur nous ennuie un peu… Cela
1437
viennent donc ce goût et ce dégoût bizarres ? Ne
sont
-ils pas contre nature ? Encore une fois, Stendhal ne se pose pas la q
1438
une fois, Stendhal ne se pose pas la question, n’
étant
pas en mesure de la résoudre. En matérialiste grossier — c’est la bon
1439
rois, comme Ortega, que la solution stendhalienne
est
d’abord inexacte, au regard des faits. Il existe un amour qui, loin d
1440
aits. Il existe un amour qui, loin de se tromper,
est
seul capable de découvrir dans l’être aimé les qualités réelles qui s
1441
se tromper, est seul capable de découvrir dans l’
être
aimé les qualités réelles qui s’y cachent. De plus, n’est-ce point là
1442
les qualités réelles qui s’y cachent. De plus, n’
est
-ce point là le type d’une solution verbale ? Car dire que la passion
1443
d’une solution verbale ? Car dire que la passion
est
une erreur — elle l’est parfois —, ce n’est pas encore expliquer cett
1444
? Car dire que la passion est une erreur — elle l’
est
parfois —, ce n’est pas encore expliquer cette erreur. L’instinct ou
1445
ssion est une erreur — elle l’est parfois —, ce n’
est
pas encore expliquer cette erreur. L’instinct ou la nature n’ont pas
1446
ir que de l’esprit. La vérité, c’est que Stendhal
est
la victime d’un phénomène spirituel que ses croyances matérialistes n
1447
mène spirituel que ses croyances matérialistes ne
sont
plus en mesure de justifier. Victime heureuse d’ailleurs, et cela suf
1448
l’empêcher de pousser plus avant son enquête. Qu’
est
-ce que ce livre qu’il nous laisse ? Le témoignage d’une inquiétude qu
1449
ent s’en libérer, mais il en a perdu la clé. Ce n’
est
pas qu’au cours de sa recherche, Stendhal n’ait plusieurs fois « brûl
1450
la (dans Tristan et Isolde) savait que la passion
est
quelque chose de plus que l’erreur : qu’elle est une décision fondame
1451
est quelque chose de plus que l’erreur : qu’elle
est
une décision fondamentale de l’être, un choix en faveur de la Mort, s
1452
reur : qu’elle est une décision fondamentale de l’
être
, un choix en faveur de la Mort, si la Mort est la libération d’un mon
1453
l’être, un choix en faveur de la Mort, si la Mort
est
la libération d’un monde ordonné par le mal. Mais l’audace de cette œ
1454
ordonné par le mal. Mais l’audace de cette œuvre
est
de celles qui ne peuvent être tolérées qu’à la faveur d’une totale mé
1455
udace de cette œuvre est de celles qui ne peuvent
être
tolérées qu’à la faveur d’une totale méprise, organisée et entretenue
1456
es, on a fini par croire que le Tristan de Wagner
est
un drame du désir sensuel. Qu’un tel jugement ait pu s’accréditer en
1457
diter en dépit de flagrantes évidences, voilà qui
est
significatif au plus haut point de la nécessité sociale des mythes. (
1458
hanté la Nuit de la dissolution des formes et des
êtres
, la libération du désir, l’anathème sur le désir, la gloire crépuscul
1459
faut au bourgeois pour ressentir sa vie… Qu’on y
soit
parvenu si rapidement et complètement ne saurait d’ailleurs témoigner
1460
lité l’opération. Ainsi le Tristan de Wagner peut
être
impunément repris devant des salles émues en toute sécurité ; si fort
1461
ant des salles émues en toute sécurité ; si forte
est
la certitude générale que personne ne croira son message. ⁂ Le drame
1462
’affront subi. Le philtre qu’elle offre à Tristan
est
destiné à le faire mourir : mais d’une mort que l’Amour condamne, d’u
1463
lois du jour, la haine, l’honneur et la vengeance
sont
devenues sans force sur leurs cœurs. Les initiés pénètrent au monde n
1464
— ils ont déjà pressenti l’autre mort, celle qui
est
le seul accomplissement de leur amour. Le deuxième acte est le chant
1465
l accomplissement de leur amour. Le deuxième acte
est
le chant de la passion des âmes prisonnières des formes. Tous les obs
1466
s. Tous les obstacles surmontés, quand les amants
sont
seuls enveloppés de ténèbres, c’est le désir charnel qui les sépare e
1467
c’est le désir charnel qui les sépare encore. Ils
sont
ensemble et pourtant ils sont deux. Il y a ce et de Tristan « et » Is
1468
sépare encore. Ils sont ensemble et pourtant ils
sont
deux. Il y a ce et de Tristan « et » Isolde qui signifie leur dualité
1469
itude et la substance de cette double nostalgie d’
être
un. Car seule elle détient le pouvoir d’harmoniser la plainte de deux
1470
ce. Et c’est pourquoi le leitmotiv du duo d’amour
est
déjà celui de la mort. Encore une fois revient le jour : le traître M
1471
⁂ Cependant la forme d’art que Wagner a choisie n’
est
pas sans recréer des possibilités de « méprise ». Il fallait que ce f
1472
es possibilités de « méprise ». Il fallait que ce
fût
un opéra, pour deux raisons qui tiennent à l’essence même du mythe. D
1473
allait que ce fût un opéra, pour deux raisons qui
tiennent
à l’essence même du mythe. De même que le péché du premier homme, et
1474
mier acte, introduisent la lutte et la durée, qui
sont
les éléments du drame. Mais le drame ne peut pas tout dire, la religi
1475
ne peut pas tout dire, la religion de la passion
étant
« essentiellement lyrique ». Dès lors la musique seule sera capable d
1476
entiellement lyrique ». Dès lors la musique seule
sera
capable d’exprimer la dialectique transcendentale, le caractère éperd
1477
re, contrapuntique de la passion de la Nuit — qui
est
l’appel au Jour incréé. La définition même de la musique occidentale,
1478
achevé par la musique, c’est l’opéra. Ainsi, ce n’
est
point un hasard si le mythe de Tristan et celui de Don Juan n’ont pu
1479
seule peut bien parler de la tragédie, dont elle
est
la mère et la fille Toutefois, dans le cas de Tristan, l’élément plas
1480
fond de l’action. Tant qu’on regarde la scène, on
est
victime de l’illusion des formes — et des plus ridicules. Il n’y a là
1481
es mélodies révèle un monde où le désir charnel n’
est
plus qu’une dernière et impure langueur dans l’âme qui se guérit de v
1482
e annonce que le jour meurt, et que déjà l’aube n’
est
plus qu’un crépuscule vainement exalté. ⁂ Un second lieu commun de la
1483
Wagner lui-même, il me paraît que cette influence
est
fortement surestimée. Un créateur de la taille de Wagner ne met pas d
1484
te ce qu’il faut retenir de la rencontre, et ce n’
est
pas d’un immense intérêt. L’ascèse, la négation du monde créé, l’iden
1485
C’est parce qu’il la portait vivante en lui qu’il
fut
le premier à retrouver sa trace dans les symboles des minnesänger, da
1486
de la légende, dans sa virulence intégrale, ce n’
est
point là une thèse à faire admettre, c’est l’évidence largement décla
1487
termes du vocabulaire de l’existence, décrivant l’
être
en situation d’agir, non les objets. Achèvement désigne l’expression
1488
jets. Achèvement désigne l’expression totale d’un
être
, d’un mythe ou d’une œuvre ; d’autre part, désigne leur mort. Ainsi l
1489
, enfin le film. Le vrai tragique de notre époque
est
diffus dans la médiocrité. Le vrai sérieux dès lors, implique la conn
1490
ent profané du mythe. Celui-ci cesse d’ailleurs d’
être
un vrai mythe dès qu’il se trouve privé de son cadre sacral, et que l
1491
passion dont le besoin revient nous tourmenter n’
est
plus qu’une maladie de l’instinct, rarement mortelle, régulièrement t
1492
gradante, par rapport au mythe de Tristan, que le
serait
par exemple l’alcoolisme par rapport à l’ivresse divine que chantaien
1493
onnelle, donc admissible par l’ordre social, — ce
fut
le théâtre de Dumas à Bataille. La fameuse « pièce à trois personnage
1494
an à la mesure d’une société moderne. Le roi Marc
est
devenu le Cocu ; Tristan, le jeune premier, ou gigolo ; Iseut, l’épou
1495
les s’affrontent. Les barons félons de la légende
sont
figurés par les tenants de la morale « conformiste ». Ils défendent l
1496
eois, l’héritage, les convenances et l’Ordre. Ils
sont
du côté du mari, et donc légèrement ridicules. Mais la morale contrai
1497
Mais la morale contraire triomphe régulièrement —
fût
-ce au prix d’un coup de pistolet. C’est la morale du romantisme, des
1498
res victimes l’élaboration du vieux philtre. Elle
est
minutieusement décrite, jusque dans ses ruses inconscientes, en des c
1499
ui feint de le renier, mais qui en vit. Le calcul
est
très simple, et bien entendu inconscient. L’idéal glorifié par la lit
1500
ale du mariage en souffre évidemment, mais cela n’
est
pas d’une gravité urgente, puisqu’on sait bien que l’institution matr
1501
i, les seuls écarts considérés comme intolérables
sont
ceux qui entraînent une dilapidation du « patrimoine » de la famille.
1502
de tentures luxueuses. Or cette figure de style n’
est
pas sans relations intimes avec le mythe au dernier stade de sa déché
1503
à trois, l’idéalisme tragique du mythe originel n’
est
plus qu’une nostalgie assez vulgaire, idéalisation de désirs anodins,
1504
jours une révolte qui se veut « primitive ». Ce n’
est
plus « le sentiment que l’on idéalise, c’est l’instinct. Je songe aux
1505
Nous nous vengerons de vos « divines ». La femme
est
d’abord une femelle. Nous la ferons se traîner sur le ventre vers le
1506
dure, voilà ce qui peut nous purifier. Vos tabous
sont
des sacrilèges contre la vraie divinité, qui est la Vie. Et la vie, c
1507
sont des sacrilèges contre la vraie divinité, qui
est
la Vie. Et la vie, c’est l’instinct libéré de l’esprit, la grande pui
1508
lle brute déchaînée, etc. » L’un de ces prophètes
est
allé jusqu’à dire : « Je voudrais avoir autant de vitalité qu’une vac
1509
r). C’est une négation de l’au-delà dont le but n’
est
pas de supprimer les dieux mais de s’emparer de leur pouvoir en divin
1510
sme solaire, mais la pratique de cette croyance n’
est
pas de nature à nous tromper un seul instant : il n’y a pas de « bell
1511
faillite — une dette que plus personne, là-bas, n’
est
disposé à reconnaître. On n’a plus de comptes à rendre à cet « esprit
1512
comptes à rendre à cet « esprit » platonicien. Il
était
cause de toute la confusion, et il l’a payé de sa vie, voilà qui est
1513
la confusion, et il l’a payé de sa vie, voilà qui
est
clair. Mais j’ajouterai ceci, qui est non moins clair : quand sous pr
1514
, voilà qui est clair. Mais j’ajouterai ceci, qui
est
non moins clair : quand sous prétexte de détruire l’artificiel — rhét
1515
lors, redescendre au-dessous de nos morales, ce n’
est
pas nous libérer de leurs interdictions, mais nous livrer à une folie
1516
is, nous engageait dans des voies irréelles) ce n’
est
pas revenir au réel, mais s’égarer dans la zone de terreur et dans le
1517
zone de terreur et dans les terrains vagues où se
sont
déversés tous les rebuts d’une civilisation intoxiquée. L’« authentiq
1518
s obsède, nous ne pourrons pas le retrouver. Il n’
est
pas au terme d’un mouvement d’abandon à l’instinct énervé et au resse
1519
tinct énervé et au ressentiment de la chair. Il n’
est
pas caché mais perdu. Il ne peut qu’être recréé par un effort contrai
1520
air. Il n’est pas caché mais perdu. Il ne peut qu’
être
recréé par un effort contraire à la passion, c’est-à-dire par une act
1521
urification — un retour à la sobriété. Agir, ce n’
est
pas s’évader hors d’un monde déclaré diabolique. Ce n’est pas tuer ce
1522
s’évader hors d’un monde déclaré diabolique. Ce n’
est
pas tuer ce corps gênant. Mais ce n’est pas non plus tirer son revolv
1523
que. Ce n’est pas tuer ce corps gênant. Mais ce n’
est
pas non plus tirer son revolver contre l’esprit sous prétexte qu’il n
1524
en vérité, c’est accepter les conditions qui nous
sont
faites, dans le conflit de l’esprit et de la chair ; et c’est tenter
1525
tte à l’esprit et retrouve par lui sa paix. Telle
est
la voie. Éros mortel, Éros vital — l’un appelle l’autre, et chacun d’
1526
à la guerre, la société devait la persécuter. Ce
fut
Rome qui porta le fer et le feu dans les provinces gagnées à l’hérési
1527
é elle, cette glorification de l’amour humain qui
était
l’envers de sa doctrine, ce langage d’une ambiguïté à la fois essenti
1528
nnaissance mystique réprouvée, puis perdue. Telle
fut
la chance de la littérature en Occident ; et cela seul peut expliquer
1529
n se mettant au service de mystiques partisanes ?
Serait
-ce la fin du romantisme ? Le spectacle de nos mœurs n’autorise pas ce
1530
et déjà s’exalte en « mystiques ». C’est que nous
sommes
devenus incapables de faire la part du feu, d’ordonner nos désirs, de
1531
r en figures. Les dernières formes de l’amour ont
été
balayées par la guerre. Et j’insisterai sur cet exemple symbolique :
1532
118. Désormais le symbole de toute l’opposition
sera
donné par le nom même de l’amour. En face de l’Église de Rome : Roma,
1533
e féodale en ceci surtout : c’est que tout homme,
fût
-il bourgeois ou vilain, pouvait y accéder par la seule grâce de la «
1534
t qu’aux yeux des cathares, la véritable noblesse
est
celle du troubadour, de celui qui connaît et pratique les leys d’amor
1535
a, Pétrarque. 122. Sainte Thérèse : « Ces grâces
sont
accompagnées d’un entier détachement des créatures, quant à l’esprit…
1536
r par Dieu lui-même, considère toutes choses sans
être
enchaînée par aucune. 129. Le Déclin du Moyen Âge. 130. Selon A. J
1537
e. 142. L’abbé de Sade, propre oncle du marquis,
est
l’auteur d’un ouvrage intitulé : Remarques sur les premiers poètes fr
1538
Rappelons que l’amour fameux d’Abélard et Héloïse
est
le premier exemple historique de la passion dont nous parlons ici. Vo
1539
ndaient l’union des habitants des deux : Déjà ils
sont
entrés dans le sanctuaire du Sauveur. Abélard répondit assez mal à c
1540
: « Amoris impulsio culpae justificatio. » 146.
Est
-ce la faute à Rousseau ? Ou plutôt au symbolisme ? Beaucoup de dames
1541
ui dont les yeux ont une fois contemplé la beauté
est
déjà voué à la mort… » 148. Les italiques sont dans le texte origina
1542
té est déjà voué à la mort… » 148. Les italiques
sont
dans le texte original. 149. Autre vision manichéenne du monde : la
1543
er les quatre saisons de l’esprit : le matin, qui
est
l’éclairage illimité de l’univers ; le jour, forme illimitée de la cr
1544
re la cristallisation et l’idéalisation courtoise
tient
en ceci : Stendhal sait qu’il y aura décristallisation (retour à la l
1545
losengier. 157. Cf. chap. 10, livre II. Le roman
est
un poème qui n’exprime plus l’instant mais la durée. 158. Surtout le
1546
ormes Du désir à la mort par la passion, telle
est
la voie du romantisme occidental ; et nous y sommes tous engagés pour
1547
est la voie du romantisme occidental ; et nous y
sommes
tous engagés pour autant que nous sommes tributaires — inconsciemment
1548
t nous y sommes tous engagés pour autant que nous
sommes
tributaires — inconsciemment bien entendu — d’un ensemble de mœurs et
1549
l’éducation, la politique. Un fort gros livre ne
serait
pas de trop pour en démêler les aspects. On doit souhaiter que ce liv
1550
mêler les aspects. On doit souhaiter que ce livre
soit
écrit, mais sans se dissimuler l’extrême difficulté de la tâche. Car
1551
urtout à les situer dans la logique du mythe, qui
est
mon vrai sujet. On peut penser d’ailleurs que l’examen des formes n’e
1552
peut penser d’ailleurs que l’examen des formes n’
est
pas moins instructif, en ce domaine, que la recherche des causes, et
1553
ce domaine, que la recherche des causes, et qu’il
est
certainement moins trompeur. Il n’est pas nécessaire par exemple de r
1554
s, et qu’il est certainement moins trompeur. Il n’
est
pas nécessaire par exemple de recourir aux théories de Freud pour con
1555
constater que l’instinct de guerre et l’érotisme
sont
fondamentalement liés : les figures courantes du langage le font voir
1556
ntes relatives à la genèse des instincts, je m’en
tiendrai
à quelques rapprochements formels entre les arts d’aimer et de guerro
1557
yer du xiie siècle jusqu’à nos jours. Mon propos
étant
simplement de marquer un parallélisme entre l’évolution du mythe et l
1558
re les effets de l’amour naturel. Le dieu d’amour
est
un archer qui décoche des flèches mortelles. La femme se rend à l’hom
1559
me se rend à l’homme qui la conquiert parce qu’il
est
le meilleur guerrier. L’enjeu de la guerre de Troie est la possession
1560
meilleur guerrier. L’enjeu de la guerre de Troie
est
la possession d’une femme. Et l’un des plus anciens romans que nous p
1561
nstinct sexuel et de l’instinct combatif. Mais il
serait
vain de chercher des ressemblances entre la tactique des Anciens et l
1562
ent les gestes élémentaires du guerrier, mais qui
sont
empruntées d’une façon très précise à l’art des batailles, à la tacti
1563
bien typique de la courtoisie, c’est l’amant qui
sera
son prisonnier en même temps que son vainqueur. Il deviendra le vassa
1564
nteries à double sens. Ce parallélisme d’ailleurs
est
complaisamment exploité par les écrivains. C’est un thème de rhétoriq
1565
de Amor : « Ne pense pas que le combat de l’amour
soit
comme les autres batailles où la fureur et le fracas d’une guerre épo
1566
que ses tendres paroles. Ses flèches et ses coups
sont
les bienfaits et les dons. Sa rencontre est une offre de grande effic
1567
oups sont les bienfaits et les dons. Sa rencontre
est
une offre de grande efficacité. Les soupirs composent son artillerie.
1568
composent son artillerie. Sa prise de possession
est
un embrassement. Sa tuerie est de donner la vie pour l’aimé. » ⁂ On a
1569
rise de possession est un embrassement. Sa tuerie
est
de donner la vie pour l’aimé. » ⁂ On a vu que la rhétorique courtoise
1570
de la Nuit. La mort y joue un rôle central : elle
est
la défaite du monde et la victoire de la vie lumineuse. Amour et mort
1571
et la victoire de la vie lumineuse. Amour et mort
sont
reliés par l’ascèse, comme par l’instinct sont reliés désir et guerre
1572
rt sont reliés par l’ascèse, comme par l’instinct
sont
reliés désir et guerre. Mais ni cette origine religieuse, ni cette co
1573
la guerre « Donner un style à l’amour », telle
est
, selon J. Huizinga l’aspiration suprême de la société médiévale dans
1574
, un besoin d’autant plus impérieux que les mœurs
sont
plus féroces. Il faut élever l’amour à la hauteur d’un rite, la viole
1575
té spirituelle de la société médiévale !) Or s’il
est
vrai que cette morale courtoise ne parvint guère à transformer les mœ
1576
mandi qui donne naissance à un ars bellandi. Ce n’
est
pas seulement dans le détail des règles de combat individuel que se f
1577
à cette époque une valeur d’absolu religieux. Il
est
fréquent qu’on se laisse tuer pour respecter des conventions d’une me
1578
re eux. » De même, les nécessités de la stratégie
sont
sacrifiées à celle de l’esthétique ou de l’honneur courtois. « En 141
1579
sance abandonnent la cotte d’armes afin de ne pas
être
, en revenant, obligés de reculer en vêtements guerriers. Maintenant,
1580
r ses pas ; il passe la nuit dans l’endroit où il
est
, et fait se ranger l’avant-garde conformément à ce nouveau plan. » Le
1581
le péril qu’on recherche pour lui-même, car on n’
est
pas inapte en d’autres cas à trouver des prétextes pour esquiver ses
1582
étend à tous les domaines où le style et la forme
sont
choses essentielles : les cérémonies, l’étiquette, les tournois, la c
1583
tin, droit d’attaque, fidélité à la parole donnée
sont
régis par des règles semblables à celles qui gouvernent le tournoi et
1584
chasse167 ». L’Arbre des Batailles d’Honoré Bonet
est
un traité sur le droit de guerre où l’on trouve discutées pêle-mêle à
1585
Si l’on perd dans la mêlée une armure empruntée,
est
-on tenu de la rendre ? — Est-il permis de livrer bataille un jour de
1586
n perd dans la mêlée une armure empruntée, est-on
tenu
de la rendre ? — Est-il permis de livrer bataille un jour de fête ? —
1587
ne armure empruntée, est-on tenu de la rendre ? —
Est
-il permis de livrer bataille un jour de fête ? — Vaut-il mieux se bat
1588
au Moyen Âge par la conception chevaleresque, ce
sont
essentiellement selon Huizinga : la lutte pour la paix universelle ba
1589
le saint ou le pécheur ; mais en général, ils se
tiennent
en équilibre instable avec d’énormes écarts de la balance. » 4.Les
1590
e. » 4.Les tournois, ou le mythe en acte Il
est
pourtant un domaine où s’opère la synthèse à peu près parfaite des in
1591
s de l’amour romanesque ne devaient pas seulement
être
présentés sous forme de lecture, mais surtout donnés en spectacle. Ce
1592
a représentation dramatique et le sport. Celui-ci
est
, au Moyen Âge, de beaucoup le plus important. Le drame ne traitait en
1593
que la matière sacrée ; l’aventure amoureuse n’y
était
qu’exceptionnelle. Le sport médiéval, au contraire, et surtout le tou
1594
rt médiéval, au contraire, et surtout le tournoi,
était
lui-même dramatique au plus haut point et contenait, en outre, une fo
1595
et amoureux ; mais tandis que les sports modernes
sont
presque retournés à la simplicité grecque, le tournoi de la fin du Mo
1596
ve à l’accomplissement du désir, et la délivrance
est
donc de toute manière assurée. » La mise en scène des tournois emprun
1597
cle, le Pas d’Armes dit de la Fontaine des Pleurs
est
basé sur une aventure romanesque imaginaire. « La fontaine est constr
1598
une aventure romanesque imaginaire. « La fontaine
est
construite à cet effet. Pendant une année entière, tous les premiers
1599
oyer, devant la fontaine, une tente dans laquelle
est
assise une dame (en effigie naturellement) ; celle-ci tient une licor
1600
se une dame (en effigie naturellement) ; celle-ci
tient
une licorne qui porte trois écus. Tout chevalier qui touche l’écu s’e
1601
s des chevaux prêts à cet usage. » « Le chevalier
est
toujours inconnu ; c’est « le blanc chevalier », « le chevalier mesco
1602
alamedes… Le plus souvent, un voile de mélancolie
est
répandu sur toute l’action : le nom de la Fontaine des Pleurs est émi
1603
toute l’action : le nom de la Fontaine des Pleurs
est
éminemment suggestif. Les écus sont blancs, violets et noirs, semés d
1604
ine des Pleurs est éminemment suggestif. Les écus
sont
blancs, violets et noirs, semés de larmes blanches ; on les touche pa
1605
rmes d’argent… Pour l’Arbre Charlemagne, les écus
sont
noirs et violets aux larmes noires ou or. » L’élément érotique du tou
1606
sins. » ⁂ Cependant, la grande vogue des tournois
est
l’indice d’un déclin de la chevalerie. Celle-ci se heurte dès le débu
1607
. « En tant que principe militaire, la chevalerie
était
devenue insuffisante ; la tactique avait depuis longtemps renoncé à s
1608
es règles : la guerre, aux xive et xve siècles,
était
faite d’approches furtives, d’incursions et de raids. » Cependant « v
1609
evalerie et celle de l’art militaire moderne ; il
est
un élément dans la mécanisation de la guerre. » Enfin le coup de grâc
1610
canisation de la guerre. » Enfin le coup de grâce
sera
porté à la chevalerie par l’invention de l’artillerie. « Et n’est-ce
1611
hevalerie par l’invention de l’artillerie. « Et n’
est
-ce pas une ironie du sort qui fit que cette fleur des chevaliers erra
1612
rants à la mode de Bourgogne, Jacques de Lalaing,
fut
tué par un boulet de canon ? » ⁂ Il n’en reste pas moins que les conv
1613
Condottieri et canons L’Italie n’avait jamais
été
si florissante ni si paisible qu’elle l’était vers l’année 1490. Une
1614
amais été si florissante ni si paisible qu’elle l’
était
vers l’année 1490. Une paix profonde régnait dans ses provinces : les
1615
dans ses provinces : les montagnes et les plaines
étaient
également fertiles ; riche, bien peuplée et ne reconnaissant point de
1616
d’empêcher qu’on y tuât du monde. Ces aventuriers
étaient
avant tout d’avisés diplomates, d’astucieux commerçants. Ils savaient
1617
lorsqu’on se rend prisonnier… La vie des vaincus
est
presque toujours respectée. Ils ne sont pas longtemps prisonniers et
1618
es vaincus est presque toujours respectée. Ils ne
sont
pas longtemps prisonniers et ils recouvrent très aisément la liberté.
1619
. Une ville a beau se révolter vingt fois, elle n’
est
jamais détruite ; les habitants conservent toutes leurs propriétés ;
1620
onc le contraire d’une « militarisation ». L’État
était
devenu une œuvre d’art, selon l’expression de Burckhardt. La guerre e
1621
l’expression de Burckhardt. La guerre elle-même s’
était
civilisée, dans toute la mesure où le paradoxe est soutenable. Le due
1622
it civilisée, dans toute la mesure où le paradoxe
est
soutenable. Le duel des chefs était fort en honneur, et suffisait à t
1623
où le paradoxe est soutenable. Le duel des chefs
était
fort en honneur, et suffisait à terminer une campagne. (Ce n’était pl
1624
neur, et suffisait à terminer une campagne. (Ce n’
était
plus d’ailleurs un « jugement de Dieu », mais le triomphe d’une perso
1625
t dans les Allemagnes. Si par ailleurs, la guerre
était
devenue diplomatique dans les hautes sphères, et vénale dans la prati
1626
on sens moderne de politesse et de civilité. Il n’
était
plus question de condamner la vie. Et « l’instinct de mort » semblait
1627
e passage de ce prince en Italie, dit Guichardin,
fut
la source d’une infinité de maux et de révolutions. Les États changèr
1628
ats changèrent tout à coup de face, les provinces
furent
ravagées les villes détruites, et tout le pays fut inondé de sang… L’
1629
nt ravagées les villes détruites, et tout le pays
fut
inondé de sang… L’Italie apprit aussi une nouvelle mais sanglante mét
1630
ment la paix et l’harmonie de nos provinces qu’il
fut
depuis impossible d’y rétablir l’ordre et la tranquillité173. Ce n’ét
1631
d’y rétablir l’ordre et la tranquillité173. Ce n’
était
pas que les Italiens eussent ignoré l’usage de l’artillerie jusqu’à c
1632
gère, et dont les pièces qu’ils appelaient canons
étaient
toutes de bronze… Les décharges étaient si fréquentes et si fortes qu
1633
nt canons étaient toutes de bronze… Les décharges
étaient
si fréquentes et si fortes qu’elles faisaient en peu de temps ce qu’o
1634
s ; enfin cette machine plus infernale qu’humaine
était
aussi utile aux Français dans les combats que dans les sièges… » Autr
1635
e des condottieri « la plupart des hommes d’armes
étaient
ou paysans ou de la lie du peuple, presque toujours sujets d’un autre
1636
celui pour lequel ils faisaient la guerre », et n’
étaient
donc animés « ni par aucun sentiment de gloire ni par aucun motif ext
1637
it comme une armée nationale : « Les gens d’armes
étaient
presque tous sujets du Roi et gentilshommes » ce qui les empêchait de
1638
mpagne, sur les 3000 hommes engagés, plus de cent
furent
tués : « Nombre considérable par rapport à la manière dont on faisait
1639
a guerre en Italie » remarque Guichardin. Et ce n’
était
vraiment qu’un début ! Burckhardt affirme que les dévastations frança
1640
urckhardt affirme que les dévastations françaises
furent
peu de chose en comparaison de celles commises un peu plus tard par l
1641
hommes de guerre, aux xviie et xviiie siècles,
sera
de dominer le monstre mécanique, afin de sauver autant que possible l
1642
donner un style à l’instinct. La guerre classique
est
un effort pour conserver et recréer ce style malgré l’intervention de
1643
nt des forces de l’adversaire. Le monde militaire
est
toujours tombé dans ces erreurs quand il s’est mis à abandonner la no
1644
re est toujours tombé dans ces erreurs quand il s’
est
mis à abandonner la notion droite et simple des lois de la guerre, à
1645
les résolutions des hommes. » — « Spiritualiser »
est
peut-être excessif : il ne s’agissait guère que de rationaliser. Mais
1646
de rationaliser. Mais l’expression (méprisante !)
est
bien typique de la psychologie qui apparaîtra dès la Révolution franç
1647
s laquelle nulle civilisation et nulle culture ne
sont
proprement concevables. Racine aussi, nous l’avons vu, croyait qu’on
1648
secrètement désirés ; mais la grandeur de l’homme
est
de limiter leur champ, de les canaliser et de les utiliser, on dirait
1649
uerre en dentelles L’exemple du xviiie siècle
est
le plus propre à illustrer le parallèle de l’amour et de la guerre. I
1650
its de tueries inouïes ; la gloire d’un chevalier
est
faite du nombre de ses adversaires pourfendus et décapités, et si pos
1651
t d’autre que trois morts. C’est l’art savant qui
est
à l’honneur. Maurice de Saxe écrit : « Je ne suis point pour les bata
1652
est à l’honneur. Maurice de Saxe écrit : « Je ne
suis
point pour les batailles, surtout au début d’une guerre. Je suis pers
1653
les batailles, surtout au début d’une guerre. Je
suis
persuadé qu’un bon général pourra la faire toute sa vie sans s’y voir
1654
igé. » S’il faut cependant en venir aux mains, ce
sera
du moins pour une bataille « rangée », un siège « en règle », et la t
1655
s ennemies — en véritable héros de l’Astrée qu’il
fut
. Et cette suprême politesse devant la mort, à Fontenoy. ⁂ Mais voici
1656
il nous en coûte pour guerroyer cinq ans. Quel en
est
le résultat ? Car le succès définitif est incertain. Avec bien du bon
1657
Quel en est le résultat ? Car le succès définitif
est
incertain. Avec bien du bonheur, on peut espérer de détruire 150 000
1658
sans compter la perte sur notre population, qui n’
est
réparée qu’au bout de vingt-cinq ans. Au lieu de cet attirail dispend
1659
erling. C’est la plus forte évaluation, et ils ne
sont
pas tous aussi chers, comme on sait ; mais enfin, il y aurait encore
1660
etourner la position… Et l’attaque commencée, ils
sont
jusqu’au bout ces comédiens étonnants, pareils à ces livres du temps
1661
lesquels il n’y a pas un sentiment exprimé qui ne
soit
feint ou dissimulé… « N’omettre rien », c’est le précepte de l’un d’e
1662
la passion sur le plan collectif. À vrai dire, il
est
plus facile de le sentir que de l’expliquer rationnellement. Toute pa
1663
nellement. Toute passion, dira-t-on, suppose deux
êtres
, et l’on ne voit pas à qui s’adresse la passion assumée par la Nation
1664
ns toutefois que la passion d’amour, par exemple,
est
en son fond un narcissisme, autoexaltation de l’amant, bien plus que
1665
le au monde. « Mon regard ravi s’aveugle… Seul je
suis
— Moi le monde »… La passion veut que le moi devienne plus grand que
1666
ns le savoir) qu’au-delà de cette gloire, sa mort
soit
véritablement la fin de tout. L’ardeur nationaliste, elle aussi, est
1667
a fin de tout. L’ardeur nationaliste, elle aussi,
est
une autœxaltation, un amour narcissiste du Soi collectif. Il est vrai
1668
tation, un amour narcissiste du Soi collectif. Il
est
vrai que sa relation avec autrui s’avoue rarement comme un amour : pr
1669
et qu’on proclame. Mais cette haine de l’autre, n’
est
-elle pas toujours présente dans les transports de l’amour-passion ? I
1670
gt fois supérieures, à l’heure où liberté et mort
étaient
bien près d’avoir le même sens… Ainsi la nation et la Guerre sont lié
1671
’avoir le même sens… Ainsi la nation et la Guerre
sont
liées comme l’Amour et la Mort. Désormais le fait national sera le fa
1672
me l’Amour et la Mort. Désormais le fait national
sera
le facteur dominant de la guerre. « Celui qui écrit sur la stratégie
1673
et une tactique nationales, seules susceptibles d’
être
profitables à la nation pour laquelle il écrit. » Ainsi s’exprime le
1674
a Révolution et de l’Empire. La bataille de Valmy
fut
gagnée par la passion contre la « science exacte ». C’est au cri de V
1675
ainsi cette phrase fameuse : « Une ère nouvelle s’
était
ouverte, celle des guerres nationales aux allures déchaînées parce qu
1676
éléments de force jusqu’alors inexploités ». ⁂ Il
serait
assez curieux de préciser le parallèle entre les amours de Bonaparte
1677
étorique et la surprise massive, brutale… Et il n’
est
pas sans intérêt non plus de noter que Waterloo fut une bataille perd
1678
t pas sans intérêt non plus de noter que Waterloo
fut
une bataille perdue par excès de science, peut-être, ou par défaut d’
1679
ar défaut d’élan national-révolutionnaire… Ce qui
est
certain, c’est que Napoléon fut le premier à tenir compte du facteur
1680
tionnaire… Ce qui est certain, c’est que Napoléon
fut
le premier à tenir compte du facteur passionnel dans la conduite des
1681
énéraux qu’il venait de battre en Italie : « Il n’
est
pas possible de méconnaître, comme ce Bonaparte, les principes les pl
1682
et tragique » (Foch). Il faudrait préciser : ce n’
est
pas le cœur de chaque soldat considéré comme un héros qui décidera du
1683
sionnelle d’un Fichte et d’un Hegel, par exemple,
furent
les premiers appuis du nationalisme allemand. D’où le caractère de pl
1684
oïque. (De tous temps les guerres de religion ont
été
de beaucoup les plus violentes.) Ceci vaut pour les trois premiers qu
1685
sse pas de s’exercer au nom de la Nation, mais ce
sont
bel et bien des intérêts qui mènent le jeu, ainsi que l’a fort bien m
1686
och, dans ses Principes de la guerre : La guerre
fut
nationale au début pour conquérir et garantir l’indépendance des peup
1687
, Saragosse, Tarancon, Moscou, Leipzig, etc. Elle
fut
nationale par la suite pour conquérir l’unité des races, la nationali
1688
e des Italiens et des Prussiens de 1866, 1870. Ce
sera
la thèse au nom de laquelle le roi de Prusse devenu empereur d’Allema
1689
x des traités de commerce avantageux. Après avoir
été
le moyen violent que les peuples employaient pour se faire une place
1690
commerce suit le drapeau, disent les Anglais. Ce
fut
la période coloniale, la dernière « paix » méritée par l’Europe. On a
1691
sociale (mais à la mesure de notre société). Ce n’
était
plus, en effet, un principe spirituel qui inspirait les « formes » et
1692
s (conquête de Madagascar). La guerre coloniale n’
est
en somme que la continuation de la concurrence capitaliste par des mo
1693
mpagnies. Vers la fin du xixe siècle, l’amour179
était
devenu, dans les classes bourgeoises, un bien bizarre mélange de sent
1694
s de rentes et de dots : ce qu’il n’a pas cessé d’
être
aujourd’hui dans les annonces matrimoniales. La sexualité pure n’inte
1695
l’absinthe, et c’est pourquoi Jarry dit que l’eau
est
impure). De même la guerre était un composé d’excitations de l’opinio
1696
arry dit que l’eau est impure). De même la guerre
était
un composé d’excitations de l’opinion publique — qu’est-ce que la « r
1697
composé d’excitations de l’opinion publique — qu’
est
-ce que la « revanche », sinon un sentimentalisme national ? — et de p
1698
ècles de culture de la passion. La guerre de 1914
fut
l’un des résultats les plus notables de cette méconnaissance du mythe
1699
erie entre les formes de l’amour et de la guerre,
soit
rompu. Certes, le but concret de la guerre fut toujours de forcer la
1700
, soit rompu. Certes, le but concret de la guerre
fut
toujours de forcer la résistance ennemie, en détruisant sa force armé
1701
on », choses et personnes assimilées. La guerre n’
est
plus un viol mais un assassinat de l’objet convoité et hostile, — c’e
1702
sant cet objet au lieu de s’en emparer. Verdun ne
fut
d’ailleurs qu’un prodrome de cette guerre nouvelle, puisque le procéd
1703
mais sur la chair qui fabrique les canons, ce qui
est
évidemment plus efficace. La technique de la mort à grande distance n
1704
elle se retourne contre la passion même dont elle
est
née. Et c’est cela, non l’envergure des massacres, qui est nouveau da
1705
Et c’est cela, non l’envergure des massacres, qui
est
nouveau dans l’histoire du monde. Là-dessus, trois remarques dont on
1706
dessus, trois remarques dont on verra qu’elles ne
sont
pas sans liens : a) La guerre est née dans les campagnes : elle a mêm
1707
ra qu’elles ne sont pas sans liens : a) La guerre
est
née dans les campagnes : elle a même porté leur nom jusqu’à nos jours
1708
e part des masses paysannes, la guerre européenne
fut
un premier contact avec la civilisation technique. Une sorte de visit
1709
calculatrices d’ingénieurs. Désormais, l’homme n’
est
plus que le servant du matériel ; il passe lui-même à l’état de matér
1710
l’état de matériel, d’autant plus efficace qu’il
sera
moins humain dans ses réflexes individuels. Ainsi, malgré le dopage e
1711
prévisions de la psychologie. L’instinct combatif
est
déçu. L’explosion habituelle de sexualité qui accompagnait les grands
1712
xualité qui accompagnait les grands conflits ne s’
est
guère produite qu’à l’arrière dans les populations civiles. En dépit
1713
t de soldats prouvent que la guerre du matériel s’
est
traduite en réalité par une « catastrophe sexuelle »180. L’impuissanc
1714
tels qu’onanisme chronique et homosexualité, tel
fut
le résultat statistique de quatre années passées dans les tranchées.
1715
t de la « déclaration » de guerre. Les traités ne
seront
plus la solennelle conclusion des hostilités. Les distinctions arbitr
1716
mberont. D’où résulte que la défaite d’un pays ne
sera
plus symbolique, métaphorique, c’est-à-dire limitée à certains signes
1717
t-à-dire limitée à certains signes convenus, mais
sera
concrètement la mort de ce pays. Encore une fois, dès que l’on abando
1718
d’ailleurs fatale, nous l’avons vu ailleurs — qu’
est
le « complexe de castration ». 11.La passion transportée dans la p
1719
la guerre chevaleresque, lorsque ce champ cesse d’
être
clos comme doit l’être un terrain de jeu, et qu’il n’est plus une lic
1720
, lorsque ce champ cesse d’être clos comme doit l’
être
un terrain de jeu, et qu’il n’est plus une lice décorée de symboles,
1721
s comme doit l’être un terrain de jeu, et qu’il n’
est
plus une lice décorée de symboles, mais un secteur de bombardement —
1722
ouvé d’autres modes d’expression en actes. Elle y
était
d’ailleurs contrainte par la dépréciation des résistances morales et
1723
e part, dans les pays démocratiques, les mœurs se
sont
assouplies à tel point qu’elles tendent à n’offrir plus d’obstacles a
1724
mes et personnels. L’amour, dans l’après-guerre,
fut
un curieux mélange d’intellectualisme angoissé (littérature de l’inqu
1725
les relations individuelles des sexes ont cessé d’
être
le lieu par excellence où se réalise la passion. Celle-ci paraît se d
1726
Celle-ci paraît se détacher de son support. Nous
sommes
entrés dans l’ère des libidos errantes, en quête d’un théâtre nouveau
1727
n quête d’un théâtre nouveau. Et le premier qui s’
est
offert, c’est le théâtre politique. La politique de masses, telle qu’
1728
e masses, telle qu’on l’a pratiquée depuis 1917 n’
est
que la continuation de la guerre totale par d’autres moyens (pour rep
1729
dique déjà. Et par ailleurs, l’État totalitaire n’
est
que l’état de guerre prolongé, ou recréé, et entretenu en permanence
1730
nsposer les passions individuelles au niveau de l’
être
collectif. Tout ce que l’éducation totalitaire refuse aux individus i
1731
morale qui concerne les citoyens : et l’eugénisme
est
la négation rationnelle de toute espèce d’aventure privée. Mais cela
1732
assion ; mais il dit aux peuples voisins : — Nous
sommes
trop nombreux dans nos frontières, j’exige donc des terres nouvelles
1733
s à la base viennent s’accumuler au sommet. Or il
est
clair que ces volontés de puissance affrontées — il y a déjà plusieur
1734
l, tacite, fatal, de ces exaltations totalitaires
est
donc la guerre, qui signifie la mort. Et comme on le voit dans le cas
1735
le voit dans le cas de la passion d’amour, ce but
est
non seulement nié avec vigueur par les intéressés, mais il est réelle
1736
ment nié avec vigueur par les intéressés, mais il
est
réellement inconscient. Personne n’ose dire : je veux la guerre ; non
1737
out ce que l’on exalte y trouve son sens réel. Il
serait
aisé de multiplier les preuves de ce nouveau parallélisme entre la po
1738
litique et la passion. L’ascèse collectivisée, ce
sont
les restrictions que l’État impose au nom de la grandeur nationale. L
1739
d ils courtisent une assemblée électorale. Hitler
est
plus brutal : il se fâche et se plaint en même temps ; il ne persuade
1740
ûte ; il invoque enfin le destin et affirme qu’il
est
ce destin… De la sorte, il délivre la foule de la responsabilité de s
1741
tel point féminins que ses opinions et ses actes
sont
déterminés beaucoup plus par l’impression produite sur les sens que p
1742
sur les sens que par la pure réflexion. La masse
est
peu accessible aux idées abstraites. Par contre, on l’empoignera plus
1743
ollement. (Mein Kampf) Oui, « de tous temps » ce
fut
ainsi. Mais la nouveauté de notre temps, c’est que l’action passionne
1744
sante sur les individus. En outre, cette action n’
est
plus exercée par un meneur quelconque, mais par le chef qui incarne l
1745
s’opère du privé au public. Quel Wagner surhumain
sera
donc en mesure d’orchestrer la grandiose catastrophe de la passion de
1746
⁂ Ceci nous mène au seuil d’une conclusion que j’
étais
loin de prévoir en commençant ce livre. Que l’on suive l’évolution du
1747
pect trop ignoré de la crise de notre époque, qui
est
la dissolution des formes instituées par la chevalerie. C’est dans le
1748
dans le domaine de la guerre, où toute évolution
est
pratiquement irréversible, — alors qu’il y a des « retours » littérai
1749
raires — que la nécessité d’une solution nouvelle
est
apparue en premier lieu. Cette solution s’appelle l’État totalitaire.
1750
r toute société. La réponse du xiie siècle avait
été
la chevalerie courtoise, son éthique et ses mythes romanesques. La ré
1751
e la tragédie classique182. La réponse du xviiie
fut
le cynisme de Don Juan et l’ironie rationaliste. Mais le romantisme n
1752
n et l’ironie rationaliste. Mais le romantisme ne
fut
pas une réponse, à moins que l’on admette — et c’est possible — que s
1753
t abandon aux puissances nocturnes du mythe n’ait
été
un dernier moyen de le déprimer par un excès voulu. Quoi qu’il en soi
1754
de le déprimer par un excès voulu. Quoi qu’il en
soit
, cette défense était faible en regard du péril déchaîné. Les forces a
1755
un excès voulu. Quoi qu’il en soit, cette défense
était
faible en regard du péril déchaîné. Les forces antivitales longtemps
1756
lâchement des liens sociaux. La guerre européenne
fut
le jugement d’un monde qui avait cru pouvoir abandonner les formes, e
1757
as que le drainage de toute passion par la nation
soit
autre chose qu’une mesure de détresse. C’est repousser la menace immé
1758
les ainsi constitués en blocs. L’État totalitaire
est
bien une forme recréée, mais une forme trop vaste, trop rigide et tro
1759
jeu, trop d’angoisse et trop de possible. Rien n’
est
réellement résolu. Dès lors : Ou bien ce sera la guerre à bref délai,
1760
en n’est réellement résolu. Dès lors : Ou bien ce
sera
la guerre à bref délai, et le problème de la passion sera supprimé av
1761
guerre à bref délai, et le problème de la passion
sera
supprimé avec la civilisation qui l’a fait naître ; Ou bien ce sera l
1762
la civilisation qui l’a fait naître ; Ou bien ce
sera
la paix, et le problème renaîtra dans les pays totalitaires, comme il
1763
ttéralement : position de qui gît à terre, de qui
est
couché au-dessous (cf. l’expression « avoir le dessous »). Rappelons
1764
ges entre guillemets de ce chapitre et du suivant
sont
des citations de la traduction française. (Paris 1932.) 167. Qu’on s
1765
ère tantôt de la séparation des amants). 168. Je
serais
assez tenté de voir dans la fonction dramatique du tournoi l’une des
1766
e des origines de la tragédie moderne. Celle-ci s’
est
constituée précisément à l’époque où les tournois passaient de mode,
1767
éments guerrier, sportif et théâtral. La tragédie
serait
ainsi une « action » privée du risque physique que comportait le tour
1768
. Die Kultur der Renaissance, VI, p. 1. 172. Il
est
juste toutefois de rappeler qu’on tuait facilement dans ce pays. Mais
1769
raite et frappante, irréelle mais signifiante, qu’
est
la moyenne des expressions typiques de l’amour à une époque donnée —
1770
rand Siècle », pour le vice que pour la vertu. Il
est
des « signes » qui ne sont pas toute l’époque — dans chacune il y a d
1771
e que pour la vertu. Il est des « signes » qui ne
sont
pas toute l’époque — dans chacune il y a de tout — mais qui sont d’un
1772
l’époque — dans chacune il y a de tout — mais qui
sont
d’une époque plutôt que d’une autre. Je ne dis rien de plus ni rien d
1773
ansquenet moderne, éprouvant que la guerre totale
est
une négation de la passion guerrière, se jette alors dans des aventur
1774
en l’opposition. Aux yeux de l’Église, l’adultère
était
tout à la fois un sacrilège, un crime contre l’ordre naturel et un cr
1775
Testament, par exemple, une descendance nombreuse
est
signe d’élection, tandis que pour saint Paul, celui qui reste vierge
1776
qui se marie, même chrétiennement. L’hérésie qui
est
à l’origine de la cortezia du Midi s’opposait au mariage catholique s
1777
er. Elle niait tout d’abord le sacrement, comme n’
étant
établi par aucun texte univoque de l’Évangile183. Elle condamnait la
1778
ollectif184. Mais le fondement de ces trois refus
était
en vérité la doctrine de l’Amour, c’est-à-dire de l’Éros divinisant,
1779
que la morale. Ce qui, pour le croyant manichéen,
était
l’expression dramatique du combat de la foi et du monde, devient alor
1780
Iseut, vit un roman, et se rend admirable… Ce qui
était
« faute » et ne pouvait donner lieu qu’à des commentaires édifiants s
1781
laquelle nous vivons de deux morales, dont l’une
est
héritée de l’orthodoxie religieuse, mais ne s’appuie plus sur une foi
1782
ous les adolescents de la bourgeoisie occidentale
sont
élevés dans l’idée du mariage, mais en même temps se trouvent baignés
1783
ille allusions quotidiennes, dont le sous-entendu
est
à peu près que la passion est l’épreuve suprême, que tout homme doit
1784
ont le sous-entendu est à peu près que la passion
est
l’épreuve suprême, que tout homme doit un jour la connaître, et que l
1785
it un jour la connaître, et que la vie ne saurait
être
à plein vécue que par ceux qui « ont passé par là ». Or la passion et
1786
« ont passé par là ». Or la passion et le mariage
sont
par essence incompatibles. Leurs origines et leurs finalités s’exclue
1787
nos « sécurités » sociales. En d’autres temps, ce
fut
la fonction du mythe que d’ordonner cette anarchie latente et de la c
1788
le d’exutoire, rôle civilisateur. Mais le mythe s’
est
déprimé et profané en même temps que les formes sociales dont il tira
1789
problème, contribuent à le rendre insoluble. Ils
sont
les signes de la crise, mais aussi de notre impuissance à la réduire
1790
es sacrées Le mariage, chez les peuples païens, s’
est
toujours entouré d’un rituel dont nos institutions gardèrent longtemp
1791
s en haut de forme et « déclaration » officielle,
est
aussi démodée que les crinolines. Et la majorité des couples n’éprouv
1792
de sang, d’intérêts familiaux, et même d’argent,
sont
en train de passer au second plan dans les pays démocratiques, et par
1793
pithalamiques se simplifient ou disparaissent. Il
est
curieux de noter que des coutumes d’origine lointaine et sacrée telle
1794
e siècle, le thème du « Coucher de la mariée » n’
est
plus qu’une occasion d’anodines galanteries picturales. De nos jours
1795
repousse avec horreur. Car l’engagement religieux
est
pris « pour le temps et l’éternité », c’est-à-dire qu’il ne tient auc
1796
r le temps et l’éternité », c’est-à-dire qu’il ne
tient
aucun compte des variations de tempérament, de caractère, de goûts et
1797
2.Idée moderne du bonheur Le mariage cessant d’
être
garanti par un système de contraintes sociales ne peut plus se fonder
1798
conjoints dans le cas le plus favorable. Or s’il
est
assez difficile de définir en général le bonheur, le problème devient
1799
insoluble dès que s’y ajoute la volonté moderne d’
être
le maître de son bonheur, ou ce qui revient peut-être au même, de sen
1800
i revient peut-être au même, de sentir de quoi il
est
fait, de l’analyser et de le goûter afin de pouvoir l’améliorer par d
1801
t le succès caractérise l’état moral de l’époque,
est
à la fois de nous obséder par l’idée d’un bonheur facile, et du même
1802
bonheur ne saurait s’établir, tant que l’homme ne
sera
pas Dieu. Le bonheur est une Eurydice : on l’a perdu dès qu’on veut l
1803
ir, tant que l’homme ne sera pas Dieu. Le bonheur
est
une Eurydice : on l’a perdu dès qu’on veut le saisir. Il ne peut vivr
1804
rt dans la revendication. C’est qu’il dépend de l’
être
et non de l’avoir : les moralistes de tous les temps l’ont répété, et
1805
Tout bonheur que l’on veut sentir, que l’on veut
tenir
à sa merci — au lieu d’y être comme par grâce — se transforme instant
1806
tir, que l’on veut tenir à sa merci — au lieu d’y
être
comme par grâce — se transforme instantanément en une absence insuppo
1807
ue morbide — ou l’intention secrète de tricher II
est
probable que cette intention ou cet espoir d’ailleurs le plus souvent
1808
voltes de l’ennui. On n’ignore pas que la passion
serait
un malheur — mais on pressent que ce serait un malheur plus beau et p
1809
ssion serait un malheur — mais on pressent que ce
serait
un malheur plus beau et plus « vivant » que la vie normale, plus exal
1810
bonheur »… Ou l’ennui résigné ou la passion : tel
est
le dilemme qu’introduit dans nos vies l’idée moderne du bonheur. Cela
1811
vre ! » Dès le xiie siècle provençal, l’amour
était
considéré comme noble. Non seulement il ennoblissait mais encore il a
1812
ler d’une féodalité démocratique en Languedoc. Il
est
clair qu’un tel jugement se fonde sur une équivoque : car l’Amour don
1813
une équivoque : car l’Amour dont il s’agissait n’
était
rien d’autre que la foi cathare, et l’accession d’un roturier à la ch
1814
are, et l’accession d’un roturier à la chevalerie
était
un symbole mystique bien plutôt qu’une dérogation aux coutumes du dro
1815
e idée toute moderne et romantique que la passion
est
une noblesse morale, qu’elle nous met au-dessus des lois. Celui qui a
1816
sur l’ordre social établi. Que la passion profane
soit
une absurdité, une forme d’intoxication, une « maladie de l’âme » com
1817
’âme » comme pensaient les Anciens, tout le monde
est
prêt à le reconnaître, c’est un des lieux communs les plus usés des m
1818
lus le croire, à l’âge du film et du roman — nous
sommes
tous plus ou moins intoxiqués, — et cette nuance est décisive. Le mod
1819
tous plus ou moins intoxiqués, — et cette nuance
est
décisive. Le moderne, l’homme de la passion, attend de l’amour fatal
1820
r ! Je vais y entrer, je vais y monter, je vais y
être
« transporté » ! La sempiternelle illusion, la plus naïve et — j’ai b
1821
Mais l’homme de la passion cherche au contraire à
être
possédé, dépossédé, jeté hors de soi, dans l’extase. Et de fait, c’es
1822
st la « beauté standard ». De nos jours — et ce n’
est
qu’un début —, un homme qui se prend de passion pour une femme qu’il
1823
omme qui se prend de passion pour une femme qu’il
est
seul à voir belle, est présumé neurasthénique. (Dans x années, on le
1824
ssion pour une femme qu’il est seul à voir belle,
est
présumé neurasthénique. (Dans x années, on le fera soigner.) Certes,
1825
ion, de même que chaque époque de la mode préfère
soit
la tête, soit le buste, soit la croupe, soit la ligne sportive. Mais
1826
ue chaque époque de la mode préfère soit la tête,
soit
le buste, soit la croupe, soit la ligne sportive. Mais le panurgisme
1827
e de la mode préfère soit la tête, soit le buste,
soit
la croupe, soit la ligne sportive. Mais le panurgisme esthétique atte
1828
fère soit la tête, soit le buste, soit la croupe,
soit
la ligne sportive. Mais le panurgisme esthétique atteint de nos jours
1829
t au moins tous les six mois. Supposons, comme il
est
probable, qu’il se fixe enfin sur un type, compromis entre ce qu’il a
1830
plus secrète nostalgie, l’Iseut du rêve188 ; elle
est
mariée, naturellement. Qu’elle divorce, et il l’épousera ! Avec elle,
1831
Qu’elle divorce, et il l’épousera ! Avec elle, ce
sera
la « vraie vie », ce sera l’épanouissement de ce Tristan qu’il porte
1832
pousera ! Avec elle, ce sera la « vraie vie », ce
sera
l’épanouissement de ce Tristan qu’il porte en soi comme son génie cac
1833
a révélation mythique. (Pas même la couronne s’il
est
roi). Voilà le vrai « mariage d’amour » moderne : le mariage avec la
1834
fois épousée ? Une nostalgie que l’on chérissait
est
-elle encore désirable une fois rejointe ? Car Iseut, c’est toujours l
1835
t fuyant, évanouissant et presque hostile dans un
être
, cela même qui invite à la poursuite et qui éveille l’avidité de poss
1836
e combat. On imagine différente la femme que l’on
tient
dans ses bras, on la déguise et on l’éloigne en rêve, on s’acharne à
1837
rêve, on s’acharne à dépayser les sentiments qui
sont
en train de se nouer dans une durée étale et trop sereine. C’est qu’i
1838
s où la femme perd son « attrait », parce qu’il n’
est
plus d’obstacles entre elle et lui. Pitoyables victimes d’un mythe do
1839
les victimes d’un mythe dont l’horizon mystique s’
est
refermé depuis longtemps. Pour Tristan, Iseut n’était rien que le sym
1840
t refermé depuis longtemps. Pour Tristan, Iseut n’
était
rien que le symbole du Désir lumineux : son au-delà, c’était la mort
1841
ient tourmenter sans lui révéler son secret, il n’
est
d’au-delà de la passion que dans une passion nouvelle — dans le tourm
1842
oursuite d’apparences toujours plus fugitives. Il
était
de la nature essentielle de la passion mystique d’être sans fin — et
1843
de la nature essentielle de la passion mystique d’
être
sans fin — et c’est par là que cette passion se détachait des rythmes
1844
la conscience douloureuse — pour le moderne, ce n’
est
plus que le retour sempiternel d’une ardeur constamment déçue. Le myt
1845
où se complaisent les modernes, ne sait plus même
être
fidèle, puisqu’elle n’a plus pour fin la transcendance. Elle épuise l
1846
tion d’un Tristan qui a plusieurs Iseut ? Or ce n’
est
pas lui qu’il convient d’accuser, mais il est la victime d’un ordre s
1847
e n’est pas lui qu’il convient d’accuser, mais il
est
la victime d’un ordre social où les obstacles se sont dégradés. Ils c
1848
la victime d’un ordre social où les obstacles se
sont
dégradés. Ils cèdent trop vite, ils cèdent avant que l’expérience ait
1849
sives. Les catégories se détruisent, l’aventure n’
est
plus même exemplaire. Seul, le Don Juan mythique échappait à cette co
1850
ontraire de vivre ! C’est un appauvrissement de l’
être
, une ascèse sans au-delà, une impuissance à aimer le présent sans l’i
1851
Mais nous avons perdu la transcendance. La mort n’
est
plus qu’une lente consomption. À cette lumière, que jette sur nos psy
1852
hez les modernes, et d’une espèce de maladie de l’
être
. Presque toutes les complications qui servent d’intrigues à nos auteu
1853
non plus chez l’autre seulement — la coquetterie
est
un peu simple — mais on en vient à désirer que l’être aimé soit infid
1854
un peu simple — mais on en vient à désirer que l’
être
aimé soit infidèle pour qu’on puisse de nouveau le poursuivre et « re
1855
mple — mais on en vient à désirer que l’être aimé
soit
infidèle pour qu’on puisse de nouveau le poursuivre et « ressentir »
1856
fois de plus, que le mythe des amants « ravis » s’
est
dégradé en perdant sa mystique. Le ravissement n’est plus qu’une sens
1857
dégradé en perdant sa mystique. Le ravissement n’
est
plus qu’une sensation, — n’aboutit pas. On retombe sans cesse au mond
1858
etombe sans cesse au monde de la comparaison, qui
est
le monde de la jalousie. « Hommes et femmes dès qu’ils passent leur
1859
’est que, passant « leur seuil », sortant de leur
être
propre et du présent tel qu’il leur est donné, incapables d’accepter
1860
de leur être propre et du présent tel qu’il leur
est
donné, incapables d’accepter l’autre tel qu’il est, parce qu’il faudr
1861
st donné, incapables d’accepter l’autre tel qu’il
est
, parce qu’il faudrait tout d’abord s’accepter, ils ne voient de toute
1862
i la fidélité : c’est l’acceptation décisive d’un
être
en soi, limité et réel, que l’on choisit non comme prétexte à s’exalt
1863
re de fatalités psychologiques dont les effets ne
sont
plus contestables. Que l’on soit partisan de l’une ou de l’autre, il
1864
nt les effets ne sont plus contestables. Que l’on
soit
partisan de l’une ou de l’autre, il faut admettre que la passion ruin
1865
aborées par une éthique de la passion. Certes, il
serait
excessif d’estimer que la plupart de nos contemporains sont en proie
1866
sif d’estimer que la plupart de nos contemporains
sont
en proie au délire de Tristan. Bien peu ont assez soif pour boire le
1867
pour boire le philtre, et j’en vois moins encore
être
élus par le sort pour succomber au tourment exemplaire. Mais tous ou
1868
u en rêvassent. Et si brouillée et défraîchie que
soit
l’empreinte du mythe primitif, c’est pourtant là qu’est le secret de
1869
empreinte du mythe primitif, c’est pourtant là qu’
est
le secret de l’inquiétude qui tourmente aujourd’hui les couples. Rien
1870
t intolérables pour tout ordre social, quel qu’il
soit
. (Et je ne parle même pas du danger spirituel que fait courir à la pe
1871
courir à la personne l’éthique de l’évasion, qui
est
née du mythe). D’où les multiples tentatives de « restauration » du m
1872
ersonnelle ; selon le second, l’union monogamique
serait
la forme la plus rationnelle des relations entre les sexes, dans une
1873
« conflit psychologique » et les « névroses » qui
seraient
à l’origine du mal (d’où l’on déduit que la médecine mentale guérirai
1874
éments d’une révolution à sa mesure. En outre, il
est
frappant de constater que presque tous ces sages auteurs donnent quel
1875
dire que l’amour tel qu’on l’imagine de nos jours
est
la négation pure et simple du mariage que l’on prétend fonder sur lui
1876
r sur lui. C’est qu’on ne sait pas au juste ce qu’
est
l’amour-passion, ni d’où il vient, ni où il va. On sent bien qu’il y
1877
s existé, elle existera donc toujours, et nous ne
sommes
pas des Don Quichotte… » Je le crois bien ! C’est même à cause de cel
1878
n « déchaînement » sexuel de la jeunesse que l’on
serait
tenté de juger sans précédent dans notre histoire européenne192. Quan
1879
otre histoire européenne192. Quant au mariage, il
fut
en principe balayé durant la période des Soviets. La morale des intel
1880
gt ans plus tard, le « redressement des mœurs » s’
est
opéré, non par quelque sursaut vertueux, non par l’initiative d’une l
1881
consciente des conditions de sa durée. Staline s’
est
assigné pour but prochain de refaire des cadres à sa nation. Car sans
1882
ment statique et stabilisateur au premier chef qu’
est
la famille. Ce fut le mécanisme de la dictature productiviste qui con
1883
abilisateur au premier chef qu’est la famille. Ce
fut
le mécanisme de la dictature productiviste qui contraignit l’État dit
1884
rocessus de ruine des obstacles sociaux, pour s’y
être
développé sans violences extérieures, n’avait que plus gravement miné
1885
née incarnant l’idéal racial). Ces femmes doivent
être
blondes, de sang aryen, et mesurer au moins 1 m 73. Ainsi le « type d
1886
de la passion. Alors le cycle de l’amour courtois
sera
fermé. L’Europe de la passion aura vécu. Un Occident nouveau, imprévi
1887
, p. 186. Le sacrement catholique se justifierait
soit
par le récit du miracle de Cana (« simple hypothèse », dit l’auteur)
1888
le de Cana (« simple hypothèse », dit l’auteur) ;
soit
par le passage où Jésus proclame que l’homme ne doit pas séparer ce q
1889
e l’homme ne doit pas séparer ce que Dieu a uni ;
soit
enfin par des entretiens de Jésus ressuscité et de ses disciples « qu
1890
ont souvent exprimé cette opinion : « Les crimes
sont
un tribut payé à la vie. » (Carpocrates, cf. Schultz, Dokumente der G
1891
Dokumente der Gnosis.) 185. Encore que la faute
soit
alors considérée moins par rapport à la morale en soi, que sous l’asp
1892
u chauffeur qui « mérite » la fille du patron, il
est
abondamment exploité par le film allemand, depuis l’hitlérisme. 188.
1893
mme que l’on désire, la femme de notre nostalgie)
est
la meilleure définition d’Iseut. L’amour-passion veut « la princesse
1894
aines) ont également touché le problème. 191. Il
serait
curieux de retrouver quel est l’auteur — évidemment moderne — qui a p
1895
oblème. 191. Il serait curieux de retrouver quel
est
l’auteur — évidemment moderne — qui a parlé le premier d’un « problèm
1896
des pays bourgeois après la guerre. La différence
est
qu’en Russie on affichait des principes « émancipés » — qu’ailleurs o
1897
me, suppression de la passion : tout cela devrait
être
mis entre guillemets quand il s’agit de l’URSS. La diminution vertigi
1898
i on l’applique ? Et je le répète, ses mobiles ne
sont
nullement d’ordre « moral », mais plutôt militaire. 195. Depuis que
1899
», mais plutôt militaire. 195. Depuis que ceci a
été
écrit, les événements se sont précipités. À Berlin : loi du 6 juillet
1900
5. Depuis que ceci a été écrit, les événements se
sont
précipités. À Berlin : loi du 6 juillet 1938, décrétant entre autres
1901
let 1938, décrétant entre autres que les mariages
seront
contractés dorénavant « au nom de l’État » (socialisation). À Rome :
1902
n dessein le plus secret m’échappe encore. L’aveu
sera
jugé insolite. Mais je pressens d’assez profondes raisons de le conse
1903
ieux déterminés, et sous des astres dont le cours
est
calculable. J’ai cru cerner le secret de son mythe. La découverte n’e
1904
ru cerner le secret de son mythe. La découverte n’
est
pas négligeable. Mais peut-on décrire la passion ? On ne décrit pas u
1905
crit pas une forme d’existence sans y participer,
fût
-ce même par une révolte contre la décision dont elle est née. Et pour
1906
même par une révolte contre la décision dont elle
est
née. Et pour tout dire, j’ignore encore si cela peut avoir un sens :
1907
n sens : approuver ou rejeter la passion. Combien
serait
vaine l’attitude intellectuelle qui se définirait elle-même comme une
1908
cevoir, d’observer que la passion, quelle qu’elle
soit
, ne peut ni ne veut « avoir raison ». Contre elle, on a toujours rais
1909
ant qu’on parle raison. Car l’homme de la passion
est
justement celui qui choisit d’être dans son tort, aux yeux du monde,
1910
e de la passion est justement celui qui choisit d’
être
dans son tort, aux yeux du monde, — et dans ce tort majeur, irrévocab
1911
is encore plus agressive, sans doute, puisqu’il n’
est
plus question pour nous de recourir au bras séculier. (Sans compter q
1912
éculier. (Sans compter que la Croisade, au total,
fut
un échec dont la passion sut profiter.) C’est qu’avant tout et après
1913
is une décision fondamentale de l’homme, qui veut
être
lui-même son dieu196. La passion brûle dans notre cœur sitôt que le s
1914
tous nos arts de vivre, quand c’est la terre qui
est
méprisée, et la vie qui est la faute à racheter ! Mais tuer l’homme a
1915
nd c’est la terre qui est méprisée, et la vie qui
est
la faute à racheter ! Mais tuer l’homme avant qu’il se tue, et le tue
1916
u’il se tue, et le tuer autrement qu’il ne veut l’
être
, c’est bien de cela, de cela seul qu’il s’agit, pour qui veut surpass
1917
ieu culturel où la passion plonge ses racines, il
est
probable que l’État s’en chargera, c’est son hygiène. Il y a toutes l
1918
pas d’échappatoire dans le temps à venir. S’il n’
est
peut-être pas possible à l’homme — à un homme déterminé — de connaîtr
1919
oup, tel que je le reconnais dans ma vie. Et ce n’
est
à aucun degré une solution que je propose. Car outre qu’une telle sol
1920
on probablement n’existe pas, si elle existait ce
serait
pour moi seul : on ne se décide jamais que pour son compte, — et le r
1921
décide jamais que pour son compte, — et le reste
est
indiscrétion. Mais je ne pouvais écrire un livre entier sur la passio
1922
la passion ne peut exister — et alors en parler n’
est
qu’une farce — mais dans le choix qui détermine une existence. 2.C
1923
que du mariage Si je ne vois pas de raison qui
tienne
contre la passion véritable, il m’apparaît en second lieu que la rais
1924
ble, il m’apparaît en second lieu que la raison n’
est
guère plus efficace pour légitimer le mariage ; et que les arguments
1925
ence devant les ironies du romantique. Mais elles
sont
mises en pleine déroute par la simple véracité. La fameuse « paix du
1926
« enfer ». Et je lui fais un plus large crédit !
Étant
donné que les humains des deux sexes, pris un à un, sont généralement
1927
nné que les humains des deux sexes, pris un à un,
sont
généralement des coquins, pourquoi seraient-ils des anges une fois ap
1928
un à un, sont généralement des coquins, pourquoi
seraient
-ils des anges une fois appariés ? Ignore-t-on la réalité, ou n’a-t-on
1929
le première porte venue ! Ce silence que l’épouse
est
censée ménager autour du vaillant travailleur qui rentre le soir, har
1930
ux tous, lui qui d’abord exalte la passion, comme
étant
la suprême valeur du « stade esthétique » de la vie ; puis la surmont
1931
l’homme pieux qui estimait que la religion devait
être
un amour heureux, un mariage avec sa vertu. Car l’amour du pécheur po
1932
e avec sa vertu. Car l’amour du pécheur pour Dieu
est
« essentiellement malheureux », et cette passion chrétienne est la se
1933
llement malheureux », et cette passion chrétienne
est
la seule vérité, et tous nos « devoirs » humains (dont le bonheur) ne
1934
!) Et comment réfuter ce furieux ? Les incroyants
sont
renvoyés aux arguments des romantiques, qui valent contre leur morali
1935
eur humanisme. Que dit l’Apôtre ? Je pense qu’il
est
bon pour l’homme de ne point toucher de femme. Toutefois, pour éviter
1936
emme. Ne vous privez pas l’un de l’autre, si ce n’
est
d’un commun accord pour un temps, afin de vaquer à la prière ; puis r
1937
un, frères, demeure devant Dieu dans l’état où il
était
lorsqu’il a été appelé (vierge ou marié)… usant du monde comme n’en u
1938
e devant Dieu dans l’état où il était lorsqu’il a
été
appelé (vierge ou marié)… usant du monde comme n’en usant pas, car la
1939
1-32.) Et voici le coup de grâce : Celui qui n’
est
pas marié s’inquiète des choses du Seigneur, des moyens de plaire au
1940
r, des moyens de plaire au Seigneur, et celui qui
est
marié s’inquiète des choses du monde, des moyens de plaire à sa femme
1941
32). ⁂ Tout ce qu’on peut dire contre le mariage
est
vrai, par conséquent doit être dit, soit du point de vue des romantiq
1942
e contre le mariage est vrai, par conséquent doit
être
dit, soit du point de vue des romantiques — si l’on croit à Iseut —,
1943
e mariage est vrai, par conséquent doit être dit,
soit
du point de vue des romantiques — si l’on croit à Iseut —, soit du po
1944
de vue des romantiques — si l’on croit à Iseut —,
soit
du point de vue du clerc parfait — si l’on croit à son œuvre —, soit
1945
e du clerc parfait — si l’on croit à son œuvre —,
soit
du point de vue spirituel pur, pour ceux qui croient. Il n’est possib
1946
de vue spirituel pur, pour ceux qui croient. Il n’
est
possible alors d’affirmer le mariage qu’au-delà des deux premières cr
1947
femme dépend d’un certain nombre de raisons qu’il
serait
possible de peser. Cette erreur du bon sens est tout à fait grossière
1948
erait possible de peser. Cette erreur du bon sens
est
tout à fait grossière. Vous aurez beau tenter de mettre au départ tou
1949
ns celle du couple formé. Les facteurs mis en jeu
sont
trop hétéroclites. À supposer que vous puissiez les calculer dans le
1950
es calculer dans le présent (comme si leur nombre
était
fini) et que vous disposiez d’une telle science de l’humain que leurs
1951
telle science de l’humain que leurs valeurs vous
soient
connues et leur hiérarchie évidente, encore ne sauriez-vous prévoir l
1952
ne seule vie, le problème de l’adaptation de deux
êtres
physiques et moraux des plus hautement organisés ! (C’est pourtant à
1953
ors que tout nous montre que cent-mille essais ne
seraient
pas encore assez pour constituer les premiers éléments, tout balbutia
1954
le reconnaître honnêtement : le problème qui nous
est
posé par la nécessité pratique du mariage apparaît d’autant plus inso
1955
mariage apparaît d’autant plus insoluble que l’on
tient
davantage à le « résoudre » au sens rationnel de ce terme. Certes, il
1956
es impondérables deviennent décisifs. Le sophisme
est
alors du côté du bon sens, qui recommandait un choix mûri et raisonné
1957
selon des critères impersonnels. Mais enfin ce n’
est
pas l’erreur logique qui est grave, c’est l’erreur morale qu’elle sup
1958
els. Mais enfin ce n’est pas l’erreur logique qui
est
grave, c’est l’erreur morale qu’elle suppose. Lorsqu’on incite les je
1959
t non pas à une décision. Or ce savoir ne pouvant
être
qu’imparfait, et provisoire, devrait se doubler d’une garantie. Et la
1960
r d’une garantie. Et la seule garantie concevable
est
dans la force de la décision en vertu de laquelle on s’engage pour to
1961
’agit avant tout de calcul. D’où je conclus qu’il
serait
plus conforme à l’essence du mariage, et au réel, d’enseigner aux jeu
1962
gent à assumer les suites, heureuses ou non. Ce n’
est
pas là un éloge du « coup de tête » : car tant que l’on peut calculer
1963
: car tant que l’on peut calculer, j’admets qu’il
est
stupide de s’en priver. Mais je dis que la garantie d’une union raiso
1964
tie d’une union raisonnable dans les apparences n’
est
jamais dans ces apparences. Elle est dans l’événement irrationnel d’u
1965
apparences n’est jamais dans ces apparences. Elle
est
dans l’événement irrationnel d’une décision prise en dépit de tout, e
1966
Choisir une femme pour en faire son épouse, ce n’
est
pas dire à Mlle Untel : « Vous êtes l’idéal de mes rêves, vous comble
1967
n épouse, ce n’est pas dire à Mlle Untel : « Vous
êtes
l’idéal de mes rêves, vous comblez et au-delà tous mes désirs, vous ê
1968
es, vous comblez et au-delà tous mes désirs, vous
êtes
l’Iseut toute belle et désirable — et munie d’une dot adéquate — dont
1969
able — et munie d’une dot adéquate — dont je veux
être
le Tristan. » Car ce serait là mentir et l’on ne peut rien fonder qui
1970
adéquate — dont je veux être le Tristan. » Car ce
serait
là mentir et l’on ne peut rien fonder qui dure sur le mensonge. Il n’
1971
Untel : « Je veux vivre avec vous telle que vous
êtes
. » Car cela signifie en vérité : c’est vous que je choisis pour parta
1972
uve que je vous aime. (Vraiment, pour dire : Ce n’
est
que cela ! — comme le diront beaucoup de jeunes gens qui s’attendent,
1973
lité réelle ; et je ne dis pas à une fidélité qui
soit
une recette de « bonheur », mais bien à une fidélité qui soit possibl
1974
ette de « bonheur », mais bien à une fidélité qui
soit
possible, n’étant pas compromise en germe par un calcul forcément ine
1975
», mais bien à une fidélité qui soit possible, n’
étant
pas compromise en germe par un calcul forcément inexact. 4.Sur la
1976
érée comme absolue. La problématique du mariage n’
est
pas du cur, mais du quomodo. « L’éthique ne commence pas, dit Kierkeg
1977
s dans un savoir qui exige sa réalisation. » Ce n’
est
pas l’engagement qui est problématique, mais les conséquences qu’il e
1978
e sa réalisation. » Ce n’est pas l’engagement qui
est
problématique, mais les conséquences qu’il entraîne. (De même on faus
1979
ne croyait pas — alors que le seul vrai problème
est
de savoir comment Lui obéir.) Car la fidélité est sans raisons — ou e
1980
est de savoir comment Lui obéir.) Car la fidélité
est
sans raisons — ou elle n’est pas — comme tout ce qui porte une chance
1981
ir.) Car la fidélité est sans raisons — ou elle n’
est
pas — comme tout ce qui porte une chance de grandeur. (Comme la passi
1982
ociologues ont essayé de prouver que la monogamie
est
naturelle, et de plus qu’elle est salutaire. Cela se discute à l’infi
1983
ue la monogamie est naturelle, et de plus qu’elle
est
salutaire. Cela se discute à l’infini. Et cela nous sera des plus uti
1984
lutaire. Cela se discute à l’infini. Et cela nous
sera
des plus utiles dès que les hommes se régleront sur la raison et l’in
1985
yeux et dans leur langage, la fidélité conjugale
est
le succès d’un effort « inhumain ». Leur revendication fondamentale,
1986
e, en fait, l’idée de fidélité. Mais l’obstacle n’
est
pas sérieux, on le tourne de tous les côtés. Voyez les excuses invoqu
1987
é observée en vertu de l’absurde, parce qu’on s’y
est
engagé, simplement, et que c’est un fait absolu, sur quoi se fonde la
1988
e des époux. Il faut bien voir que cette fidélité
est
à contre-courant des valeurs aujourd’hui vénérées par presque tous. E
1989
e la multiplicité des expériences. Elle nie que l’
être
aimé doive réunir, pour être ou pour rester aimable, le plus grand no
1990
nces. Elle nie que l’être aimé doive réunir, pour
être
ou pour rester aimable, le plus grand nombre de qualités possible. El
1991
ités possible. Elle nie que le but de la fidélité
soit
le bonheur. Elle affirme scandaleusement que c’est avant tout l’obéis
1992
la volonté de faire une œuvre. Car la fidélité n’
est
pas du tout une espèce de conservatisme. Elle est plutôt une construc
1993
est pas du tout une espèce de conservatisme. Elle
est
plutôt une construction. « Absurde » au moins autant que la passion,
1994
r ses rêves, par un besoin constant d’agir pour l’
être
aimé, par une constante prise sur le réel, qu’elle cherche à dominer,
1995
œuvre, et aux mêmes conditions, dont la première
est
la fidélité à quelque chose qui n’était pas, mais que l’on crée. Pers
1996
la première est la fidélité à quelque chose qui n’
était
pas, mais que l’on crée. Personne, œuvre et fidélité : les trois mots
1997
. Personne, œuvre et fidélité : les trois mots ne
sont
point séparables ou concevables isolément. Et tous les trois supposen
1998
. (À condition bien entendu que cette promesse ne
soit
pas faite pour des « raisons » que l’on se réserve de répudier un jou
1999
paraître raisonnables ! Si la promesse du mariage
est
le type même de l’acte sérieux, c’est dans la mesure où elle est fait
2000
e de l’acte sérieux, c’est dans la mesure où elle
est
faite une fois pour toutes. Seul l’irrévocable est sérieux.) Toute vi
2001
st faite une fois pour toutes. Seul l’irrévocable
est
sérieux.) Toute vie, fût-elle la plus déshéritée, détient sa chance i
2002
utes. Seul l’irrévocable est sérieux.) Toute vie,
fût
-elle la plus déshéritée, détient sa chance immédiate de grandeur, et
2003
homme découvre que la folie du sacrifice consenti
était
la plus grande sagesse ; et que le bonheur qu’il a renoncé lui est re
2004
e sagesse ; et que le bonheur qu’il a renoncé lui
est
rendu, comme Isaac fut rendu à Abraham. Mais alors il n’y songeait pa
2005
onheur qu’il a renoncé lui est rendu, comme Isaac
fut
rendu à Abraham. Mais alors il n’y songeait pas ! Et il se peut aussi
2006
e peut aussi que rien ne compense la perte : nous
sommes
ici dans un ordre de grandeur où nos mesures et nos équivalences n’on
2007
ne grandeur qui n’ait rien de romantique ? Et qui
soit
le contraire d’une ardeur exaltée ? La fidélité dont je parle est une
2008
d’une ardeur exaltée ? La fidélité dont je parle
est
une folie, mais la plus sobre et quotidienne. Une folie de sobriété q
2009
sobriété qui mime assez bien la raison — et qui n’
est
pas un héroïsme, ni un défi, mais une patiente et tendre application.
2010
au sens moderne de ces mots… ⁂ Cependant, tout n’
est
pas encore clair. Tristan lui aussi fut fidèle ! Et toute passion vér
2011
t, tout n’est pas encore clair. Tristan lui aussi
fut
fidèle ! Et toute passion véritable est fidèle. (Pour ne rien dire de
2012
lui aussi fut fidèle ! Et toute passion véritable
est
fidèle. (Pour ne rien dire des successives fidélités de nos « liaison
2013
nos « liaisons », et de tous ces Tristans qui ne
sont
au vrai que des Don Juan au ralenti). Où est alors la différence ? Et
2014
ne sont au vrai que des Don Juan au ralenti). Où
est
alors la différence ? Et le mari fidèle, ne serait-ce pas simplement
2015
ù est alors la différence ? Et le mari fidèle, ne
serait
-ce pas simplement celui qui a reconnu dans sa femme une Iseut ? Lorsq
2016
uissante » qui l’accueille par ces paroles : « Je
suis
toi-même ! » Ainsi de la fidélité du mythe, et de Tristan. C’est un n
2017
e, mais qui s’ignore, naturellement, et qui croit
être
un vrai amour pour l’autre. L’analyse des légendes courtoises nous a
2018
délivrance du moi coupable et asservi. Tristan n’
est
pas fidèle à une promesse, ni à cet être symbolique, ce beau prétexte
2019
Tristan n’est pas fidèle à une promesse, ni à cet
être
symbolique, ce beau prétexte qui s’appelle Iseut, mais à sa plus prof
2020
psychologues peuvent y lire. « Notre engagement n’
était
pas pris pour ce monde », écrivait Novalis songeant à sa fiancée perd
2021
etour de la vie. Mais la fidélité dans le mariage
est
au contraire un engagement absolument pris pour ce monde. Partant d’u
2022
sa fidélité. Et tandis que la fidélité de Tristan
était
un perpétuel refus, une volonté d’exclure et de nier la création dans
2023
r le monde d’envahir l’âme, la fidélité des époux
est
l’accueil de la créature, la volonté d’accepter l’autre tel qu’il est
2024
créature, la volonté d’accepter l’autre tel qu’il
est
, dans son intime singularité. Insistons : la fidélité dans le mariage
2025
sistons : la fidélité dans le mariage ne peut pas
être
cette attitude négative qu’on imagine habituellement ; elle ne peut ê
2026
ative qu’on imagine habituellement ; elle ne peut
être
qu’une action. Se contenter de ne pas tromper sa femme serait une pre
2027
e action. Se contenter de ne pas tromper sa femme
serait
une preuve d’indigence et non d’amour. La fidélité veut bien plus : e
2028
fidélité veut bien plus : elle veut le bien de l’
être
aimé, et lorsqu’elle agit pour ce bien, elle crée devant elle le proc
2029
e son propre bonheur. Ainsi la personne des époux
est
une mutuelle création, elle est le double aboutissement de « l’amour-
2030
ersonne des époux est une mutuelle création, elle
est
le double aboutissement de « l’amour-action ». Ce qui niait l’individ
2031
me, on découvrira que la fidélité dans le mariage
est
la loi d’une vie nouvelle ; et non point de la vie naturelle (ce sera
2032
e nouvelle ; et non point de la vie naturelle (ce
serait
la polygamie) — et non plus de la vie pour la mort (c’était la passio
2033
nté de Dieu, même quand elle ruine notre bonheur,
est
salutaire. L’amour de Tristan et d’Iseut c’était l’angoisse d’être de
2034
’amour de Tristan et d’Iseut c’était l’angoisse d’
être
deux ; et son aboutissement suprême, c’était la chute dans l’illimité
2035
m qui nous sépare ! » Il faut que l’autre cesse d’
être
l’autre, donc ne soit plus, pour qu’il cesse de me faire souffrir, et
2036
Il faut que l’autre cesse d’être l’autre, donc ne
soit
plus, pour qu’il cesse de me faire souffrir, et qu’il n’y ait plus qu
2037
us que « moi-le-monde » ! Mais l’amour du mariage
est
la fin de l’angoisse, l’acceptation de l’être limité, aimé parce qu’i
2038
iage est la fin de l’angoisse, l’acceptation de l’
être
limité, aimé parce qu’il m’appelle à le créer, et qu’il se tourne ave
2039
r afin d’attester notre alliance. ⁂ Une vie qui m’
est
alliée — pour toute la vie, voilà le miracle du mariage. Une vie qui
2040
ne vie qui ne veut plus que mon bien, parce qu’il
est
confondu avec le sien : et si ce n’était pour toute la vie, ce serait
2041
arce qu’il est confondu avec le sien : et si ce n’
était
pour toute la vie, ce serait encore une menace. (Il y a toujours une
2042
le sien : et si ce n’était pour toute la vie, ce
serait
encore une menace. (Il y a toujours une telle menace dans l’échange d
2043
Alors l’amour de charité, l’amour chrétien, qui
est
Agapè, paraît enfin dans sa pleine stature : il est l’affirmation de
2044
t Agapè, paraît enfin dans sa pleine stature : il
est
l’affirmation de l’être. Et c’est Éros, l’amour-passion, l’amour païe
2045
ans sa pleine stature : il est l’affirmation de l’
être
. Et c’est Éros, l’amour-passion, l’amour païen, qui a répandu dans no
2046
ue la vie terrestre et temporelle ne mérite pas d’
être
adorée, ni même tuée, mais peut être acceptée dans l’obéissance à l’É
2047
mérite pas d’être adorée, ni même tuée, mais peut
être
acceptée dans l’obéissance à l’Éternel. Car après tout c’est ici-bas
2048
r. L’homme naturel ne pouvait pas l’imaginer. Il
était
donc condamné à croire Éros, c’est-à-dire à se confier dans son désir
2049
n de l’Agapè voit soudain le cercle s’ouvrir : il
est
délivré par la foi de sa religion naturelle. Il peut maintenant espér
2050
eut maintenant espérer autre chose, il sait qu’il
est
une autre délivrance du péché. Et voici que l’Éros à son tour se voit
2051
telle et délivré de son destin. Dès qu’il cesse d’
être
un dieu, il cesse d’être un démon 200. Et il retrouve sa juste place
2052
estin. Dès qu’il cesse d’être un dieu, il cesse d’
être
un démon 200. Et il retrouve sa juste place dans l’économie provisoir
2053
a séduction du Rien. Mais dès lors que le Verbe s’
est
fait chair et qu’il nous a parlé en mots humains, nous avons appris c
2054
humains, nous avons appris cette nouvelle : ce n’
est
pas l’homme qui doit se délivrer lui-même, c’est Dieu qui l’a aimé le
2055
ême, c’est Dieu qui l’a aimé le premier, et qui s’
est
approché de lui. Le salut n’est plus au-delà, toujours plus haut, dan
2056
premier, et qui s’est approché de lui. Le salut n’
est
plus au-delà, toujours plus haut, dans l’ascension interminable du Dé
2057
rps, mais c’est la femme. (I. Cor., 7.) La femme
étant
l’égale de l’homme, elle ne peut donc être « le but de l’homme »201.
2058
femme étant l’égale de l’homme, elle ne peut donc
être
« le but de l’homme »201. En même temps, elle échappe à l’abaissement
2059
e échappe à l’abaissement bestial qui tôt ou tard
est
la rançon d’une divinisation de la créature. Mais cette égalité ne do
2060
on de la créature. Mais cette égalité ne doit pas
être
entendue au sens moderne et revendicateur. Elle procède du mystère de
2061
ateur. Elle procède du mystère de l’amour. Elle n’
est
que le signe et la démonstration du triomphe d’Agapè sur Éros. Car l’
2062
te son amour pour l’homme en exigeant que l’homme
soit
saint comme Dieu est saint. Et l’homme témoigne de son amour pour une
2063
mme en exigeant que l’homme soit saint comme Dieu
est
saint. Et l’homme témoigne de son amour pour une femme en la traitant
2064
d’images, — du moins perd-il son efficace : ce n’
est
plus lui qui détermine la personne. En d’autres termes, on pourrait d
2065
Car si le désir va vite et n’importe où, l’amour
est
lent et difficile, il engage vraiment toute une vie, et il n’exige pa
2066
« fatalité » de la passion. Le « coup de foudre »
est
sans doute une légende accréditée par Don Juan, comme la « fatalité »
2067
par Don Juan, comme la « fatalité » de la passion
est
accréditée par Tristan. Excuse et alibi qui ne peuvent tromper que ce
2068
t alibi qui ne peuvent tromper que celui qui veut
être
trompé, parce qu’il y trouve son intérêt ; figures de rhétorique roma
2069
romanesque, et acceptables à ce titre, mais qu’il
serait
assez absurde de confondre avec des vérités psychologiques. Notre ana
2070
voir pourquoi l’on aime croire à la fatalité, qui
est
l’alibi de la culpabilité : « Ce n’est pas moi qui ai commis la faute
2071
alité, qui est l’alibi de la culpabilité : « Ce n’
est
pas moi qui ai commis la faute, je n’y étais pas, c’est cette puissan
2072
« Ce n’est pas moi qui ai commis la faute, je n’y
étais
pas, c’est cette puissance fatale qui agissait en lieu et place de ma
2073
se une « fatalité » ! Quant au coup de foudre, il
est
censé justifier les écarts de Don Juan. Toute la littérature nous eng
2074
me des coups de foudre et de la vie « orageuse »,
serait
une sorte de surhomme, de surmâle. Mythe d’une puissance indéfinie et
2075
ine les contingences morales. Mais alors, on peut
être
certain qu’un pareil mythe est né de la rêverie des impuissants. Et e
2076
is alors, on peut être certain qu’un pareil mythe
est
né de la rêverie des impuissants. Et en effet, la conduite de Don Jua
2077
impuissants. Et en effet, la conduite de Don Juan
est
bien typique d’une certaine déficience sexuelle. C’est dans l’état de
2078
corps et de l’esprit, le risque de coup de foudre
est
à peu près éliminé. Il apparaît ainsi que la monogamie, normalisant l
2079
e la monogamie, normalisant les rapports sexuels,
est
la meilleure garantie du plaisir, c’est-à-dire de l’Éros purement cha
2080
divinisé204. ⁂ On objecte alors que le mariage ne
serait
plus que le « tombeau de l’amour ». Mais c’est encore le mythe, natur
2081
oire, avec son obsession de l’amour contrarié. Il
serait
plus vrai de dire après M. Croce que « le mariage est le tombeau de l
2082
plus vrai de dire après M. Croce que « le mariage
est
le tombeau de l’amour sauvage »205 (et plus communément du sentimenta
2083
le viol, comme la polygamie, révèle que l’homme n’
est
pas encore en mesure de concevoir la réalité de la personne chez la f
2084
humaines. Par contre, l’homme qui se domine, ce n’
est
pas faute de « passion » (au sens de tempérament) mais c’est qu’il ai
2085
istianisme et le secret de notre dynamisme. Et il
est
vrai que ces trois termes : christianisme, passion, dynamisme, corres
2086
les conclusions de notre examen du mythe courtois
sont
justes, il faudra corriger sensiblement ce schéma de l’Occident chrét
2087
chéma de l’Occident chrétien. Tout d’abord : ce n’
est
pas le christianisme qui a fait naître la passion, mais c’est une hér
2088
une hérésie d’origine orientale. Cette hérésie s’
est
répandue d’abord dans les contrées les moins christianisées, précisém
2089
enaient encore une vie secrète. L’amour-passion n’
est
pas l’amour chrétien, ni même le « sous-produit du christianisme » ou
2090
anisme a réveillée et orientée vers Dieu »206. Il
est
plutôt le sous-produit de la religion manichéenne. Plus exactement, i
2091
t de la religion manichéenne. Plus exactement, il
est
né de la complicité de cette religion avec nos plus vieilles croyance
2092
ne. Première correction d’importance. Ensuite, il
est
urgent de rappeler que le fameux « dynamisme occidental » procède de
2093
re procède d’une conception de la vie ardente qui
est
un masque du désir de mort. Dynamisme inverti, et autodestructeur. Ma
2094
ntal, j’entends notre génie technique, ne saurait
être
un seul instant ramené à la passion. L’attitude humaine qu’il révèle
2095
ené à la passion. L’attitude humaine qu’il révèle
est
l’antithèse exacte de la passion : c’est une affirmation de la valeur
2096
visible. La passion ni la foi hérétique dont elle
est
née ne sauraient proposer comme but à notre vie la maîtrise de la Nat
2097
ction originelle du Démiurge, et puisque le salut
est
justement d’échapper à sa loi démoniaque207. Faut-il voir à la source
2098
s (c’est-à-dire créateurs) du dynamisme européen,
sont
orientés par une volonté exactement contraire à celle de la passion.
2099
devenant mortelle, trahit les ambitions dont elle
est
née. Il se peut que l’Occident succombe à ce destin qu’il s’est forgé
2100
peut que l’Occident succombe à ce destin qu’il s’
est
forgé. Mais il est clair que ce n’est pas le christianisme — comme le
2101
t succombe à ce destin qu’il s’est forgé. Mais il
est
clair que ce n’est pas le christianisme — comme le répètent tant de p
2102
tin qu’il s’est forgé. Mais il est clair que ce n’
est
pas le christianisme — comme le répètent tant de publicistes — qui es
2103
sme — comme le répètent tant de publicistes — qui
est
responsable de la catastrophe. L’esprit catastrophique de l’Occident
2104
astrophe. L’esprit catastrophique de l’Occident n’
est
pas chrétien208. Il est tout au contraire manichéen. C’est ce qu’igno
2105
trophique de l’Occident n’est pas chrétien208. Il
est
tout au contraire manichéen. C’est ce qu’ignorent communément ceux qu
2106
stianisme et l’Occident, comme si tout l’Occident
était
chrétien. Si donc l’Europe succombe à son mauvais génie, ce sera pour
2107
Si donc l’Europe succombe à son mauvais génie, ce
sera
pour avoir trop longtemps cultivé la religion para ou même antichréti
2108
de la passion. ⁂ Faut-il conclure que la passion
serait
la tentation orientale de l’Occident ? S’il est vrai qu’elle ne s’est
2109
erait la tentation orientale de l’Occident ? S’il
est
vrai qu’elle ne s’est développée dans notre histoire et nos cultures
2110
entale de l’Occident ? S’il est vrai qu’elle ne s’
est
développée dans notre histoire et nos cultures qu’à partir des xiie
2111
l’Iran, sources certaines de l’hérésie, que nous
sont
venues nos « mortelles » croyances. Mais dira-t-on, ces mêmes croyanc
2112
s mêmes obstacles. Ainsi notre chance dramatique
est
d’avoir résisté à la passion par des moyens prédestinés à l’exalter.
2113
ion par des moyens prédestinés à l’exalter. Telle
fut
la tentation permanente d’où jaillirent nos plus belles créations. Ma
2114
a plus typique de leur morale : le mariage, qu’il
sera
désormais possible de repérer avec assez de précision ce déplacement
2115
sion ce déplacement d’accent dont tout dépend. Il
est
certain que l’Occidental christianisé se distingue profondément de l’
2116
ent de l’Oriental par son pouvoir d’approfondir l’
être
créé dans ce qu’il a de particulier. C’est tout le secret de notre fi
2117
e du divers. Nous, nous cherchons la densité de l’
être
dans la personne distincte, sans cesse approfondie comme telle. « D’a
2118
limitations. Le chrétien prend le monde tel qu’il
est
, et non point tel qu’il peut le rêver. Son activité « créatrice » con
2119
rt. Et c’est pourquoi la crise moderne du mariage
est
le signe le moins trompeur d’une décadence occidentale. Il en est d’a
2120
moins trompeur d’une décadence occidentale. Il en
est
d’autres, certes, dans les domaines les plus divers : le culte du nom
2121
: tout ce qui tend à ruiner la personne. Mais ce
sont
là des phénomènes complexes et collectifs, qui échappent souvent aux
2122
ariage nous parle et nous avertit mieux : aucun n’
est
plus sensible et quotidien, plus intimement vérifiable. 7.Au-delà
2123
r la destruction de notre civilisation. Tout cela
est
, tout cela nous menace, et d’autant plus qu’on voudrait le nier. Cepe
2124
menant alors un âge classique… Mais après tout, n’
est
-ce pas encore une tentation de la passion que ce souci des lendemains
2125
la figure de ce monde passe », mais l’obéissance
est
toujours hic et nunc, dans l’acte de l’Éternel où notre espoir se fon
2126
es constatations tout objectives auxquelles je me
suis
vu conduit ne sont pas suffisantes en soi. Elles commandent certaines
2127
ut objectives auxquelles je me suis vu conduit ne
sont
pas suffisantes en soi. Elles commandent certaines décisions. Elles i
2128
troduisent à une problématique nouvelle, et qui n’
est
pas toujours aussi simpliste que le dilemme passion-fidélité peut nou
2129
Or le moyen de dépasser notre dilemme ne saurait
être
la pure et simple négation de l’un de ses termes. Je l’ai dit et j’y
2130
ste encore : condamner la passion en principe, ce
serait
vouloir supprimer l’un des pôles de notre tension créatrice. De fait,
2131
pôles de notre tension créatrice. De fait, cela n’
est
pas possible. Le philistin qui « condamne » de la sorte et à priori t
2132
assion, c’est qu’il n’en a connu aucune, et qu’il
est
en deçà du conflit. Pour cet homme-là le seul progrès concevable est
2133
lit. Pour cet homme-là le seul progrès concevable
est
dans la crise de sa sécurité, c’est-à-dire dans le drame passionnel (
2134
e inhérent à tout exposé. ⁂ Le premier thème peut
être
situé par rapport à un drame personnel dont les données biographiques
2135
ame personnel dont les données biographiques nous
sont
suffisamment connues. On sait que l’événement qui devint pour Kierkeg
2136
kegaard le point de départ de toute sa réflexion,
fut
la rupture de ses fiançailles avec Régine. La cause intime de cette r
2137
monde. Ici l’obstacle indispensable à la passion
est
d’une nature à tel point subjective, singulière et incomparable, qu’o
2138
pécheur ne saurait entretenir avec son Dieu — qui
est
l’Éternel et le Saint — que des relations d’amour mortellement malheu
2139
gine pure de la passion, — mais du même coup nous
sommes
jetés au cœur même de la foi chrétienne ! Car voici : cet homme mort
2140
initie une vie nouvelle, où la passion ne cesse d’
être
présente, mais sous l’incognito le plus jaloux : car elle est bien pl
2141
, mais sous l’incognito le plus jaloux : car elle
est
bien plus que royale, elle est divine. Et dans l’analogie de la foi,
2142
jaloux : car elle est bien plus que royale, elle
est
divine. Et dans l’analogie de la foi, l’on peut alors concevoir que l
2143
on peut alors concevoir que la passion — quel que
soit
l’ordre où elle se manifeste — ne trouve son au-delà réel, et son sal
2144
son salut, que par cette action d’obéissance qui
est
la vie de fidélité. Vivre alors « comme tout le monde », mais « en ve
2145
hose qu’une « solution », pour qui croit que Dieu
est
fidèle, et que l’amour ne trompe jamais l’aimé. Certes, Kierkegaard n
2146
ute son œuvre. Et c’est peut-être que cette œuvre
était
le lieu de sa fidélité la plus réelle. Pourquoi chercher ailleurs que
2147
nnent chaque jour de leur bonheur. (Ces choses-là
sont
trop simples et totales pour qu’un discours vienne mettre ses délais
2148
notre vie.) ⁂ Le second thème que j’esquisserai n’
est
peut-être pas d’une nature essentiellement hétérogène. Peut-être même
2149
ssentiellement hétérogène. Peut-être même doit-il
être
conçu comme un aspect particulier du mouvement de retour de la passio
2150
avec une sorte d’indifférence quasi divine. Elle
est
au-delà du doute et de la distinction ressentie comme un déchirement
2151
e désire plus rien que son amour ne veuille, elle
est
une avec lui dans la dualité, qui n’est plus qu’un dialogue de grâce
2152
lle, elle est une avec lui dans la dualité, qui n’
est
plus qu’un dialogue de grâce et d’obéissance. Et le désir de la plus
2153
cesse dans l’acte même d’obéir, en sorte qu’il n’
est
plus en l’âme de brûlure, ni même de conscience de l’amour, mais seul
2154
née du mortel désir d’union mystique, ne saurait
être
dépassée et accomplie que par la rencontre d’un autre, par l’admissio
2155
uffrir, acceptent notre jour. Et alors le mariage
est
possible. Nous sommes deux dans le contentement. Une dernière fois po
2156
otre jour. Et alors le mariage est possible. Nous
sommes
deux dans le contentement. Une dernière fois pourtant nous reprendron
2157
s reprendrons un parti de sobriété. Les mariés ne
sont
pas des saints, et le péché n’est pas comme une erreur à laquelle on
2158
Les mariés ne sont pas des saints, et le péché n’
est
pas comme une erreur à laquelle on renoncerait un beau jour pour adop
2159
beau jour pour adopter une vérité meilleure. Nous
sommes
sans fin ni cesse dans le combat de la nature et de la grâce. Sans fi
2160
cesse, malheureux puis heureux. Mais l’horizon n’
est
plus le même. Une fidélité gardée au Nom de ce qui ne change pas comm
2161
monde. 21 février — 21 juin 1938. 196. Je m’en
tiens
au cas-limite de Tristan. Il y a des cas de passion dans le mariage c
2162
devient singulier. À cette personnalisation de l’
être
aimé correspond d’ailleurs une spécification croissante de l’instinct
2163
en faveur de la monogamie. 198. La gauloiserie n’
étant
pas moins que la passion une évasion hors du réel, une façon de l’idé
2164
et justement pas en tant qu’Éros sublimé. Éros n’
est
pas le péché ; le péché c’est la sublimation d’Éros. 201. Comme le c
2165
le prends ici ? En ce que l’on reconnaît dans un
être
la totalité d’une personne. La personne, selon la fameuse définition
2166
ameuse définition kantienne, c’est ce qui ne peut
être
utilisé par l’homme comme une chose, comme un instrument. 203. Sur l
2167
04. Je répète toutefois que le mariage ne saurait
être
fondé sur des « arguments » de ce genre. Il s’agit ici, simplement, d
2168
e son négatif donjuanesque. Mais cette « raison »
est
tout à fait inefficace aux yeux de qui préfère le mythe et veut croir
2169
eo Ferrero, Désespoirs. Le problème de la passion
est
admirablement défini par ce petit livre dans ses données actuelles, p
2170
notre châtiment et non pas notre délivrance. Ce n’
est
pas la mort, la désincarnation, qui est le salut ; mais l’acte de la
2171
nce. Ce n’est pas la mort, la désincarnation, qui
est
le salut ; mais l’acte de la grâce fait par Dieu. 209. Malgré les te
2172
je parle quand je parle du mythe « primitif ». Il
serait
aisé de se prévaloir du caractère sacré que certains auteurs du siècl
2173
gie celtique. Dès le viie siècle, Tristan aurait
été
un demi-dieu, le héraut symbolique des mystères, le « gardien des mar
2174
re élève l’initié à la vie de l’esprit. Tout cela
est
vraisemblable, et contesté. Dans les Mabinogion, recueil des légendes
2175
e les Bretons armoricains et les Gallo-Francs. Il
est
incontestable que maints éléments de la tradition bardique (orale) so
2176
maints éléments de la tradition bardique (orale)
sont
incorporés dans la légende. (Cf. livre II, chap. 11.) Mais il est non
2177
ans la légende. (Cf. livre II, chap. 11.) Mais il
est
non moins certain que Béroul, Thomas, Eilhart, l’auteur du Roman en p
2178
du Roman en prose et celui de la Folie Tristan n’
étaient
pas initiés à cette tradition. Ils ignoraient le sens primitivement s
2179
magie montrent bien que l’usage de ces dernières
est
oublié ; à l’époque et dans les pays où ils écrivent. Tout cela n’est
2180
que et dans les pays où ils écrivent. Tout cela n’
est
plus qu’ornements d’art, pittoresque, anecdotes interprétées par la f
2181
aits que nous décrit l’auteur de la Folie Tristan
étaient
sans doute à l’origine tout autre chose qu’une suite d’extravagances.
2182
le, dans laquelle Tristan fou veut emmener Iseut,
était
dans la mythologie druidique le vaisseau de la mort qui s’en va par-d
2183
nfyd. Dans la Folie Tristan, la maison de verre n’
est
plus qu’une image émouvante née de la fantaisie poétique de l’amoureu
2184
valerie sacrée La pensée médiévale en général
est
saturée de conceptions religieuses. De la même manière, dans une sphè
2185
ent dans les cercles de la cour et de la noblesse
est
imprégnée de l’idéal chevaleresque. Cette conception envahit même le
2186
religion : la prouesse de l’archange saint Michel
était
« la première milicie et prouesse chevaleureuse qui oncques fut mise
2187
ère milicie et prouesse chevaleureuse qui oncques
fut
mise en exploict » ; c’est de là que procède la chevalerie qui, en ta
2188
que « milicie terrienne et chevalerie humaine »,
est
une imitation des chœurs des anges autour du trône de Dieu. Le poète
2189
s guerres, tout comme la politique de leur temps,
étaient
extrêmement informes, et apparemment incohérentes. La guerre était un
2190
informes, et apparemment incohérentes. La guerre
était
un état chronique d’escarmouches isolées s’étendant sur un vaste doma
2191
ions de droit isolées et mesquines. L’histoire, n’
étant
pas en mesure de discerner un réel développement social, se servait d
2192
geste et romans courtois Les chansons de geste
sont
nées au xie siècle, et pas avant, comme l’a montré Joseph Bédier. El
2193
pas avant, comme l’a montré Joseph Bédier. Elles
furent
composées, pour la plupart, par des clercs, et dans des intentions pr
2194
ques miraculeuses et ses héroïques fondateurs. Il
est
compréhensible que ces chansons de clercs parlent très peu ou point d
2195
dier) contient une épisode d’amour courtois. Elle
est
écrite dans un dialecte intermédiaire entre le français et le provenç
2196
ans sa forme — à celle du Roman de Tristan. Or il
est
évident que cette situation ne peut être qu’une invention courtoise (
2197
an. Or il est évident que cette situation ne peut
être
qu’une invention courtoise (elle tranche nettement sur le reste de la
2198
tranche nettement sur le reste de la légende qui
est
cléricale et féodale). Cette analogie avec Tristan nous donne un repè
2199
. Voici la donnée : le duc Girard de Roussillon a
été
quérir une fiancée pour Charles le Chauve, son suzerain. Accompagné d
2200
, Berthe, épousera Charles, la cadette, Elissent,
sera
la femme de Girard. Lorsque Charles voit les deux princesses, il s’ép
2201
nsent à céder Elissent, à condition qu’il cesse d’
être
vassal du roi. Il épouse Berthe, tandis qu’Elissent devient reine. Au
2202
que j’ai fait de vous ? Je sais bien que vous me
tenez
pour méprisable. — Non, Seigneur, mais pour un homme de valeur et de
2203
par les plaines herbues… L’analogie avec Tristan
est
très frappante. Il s’agit dans les deux cas : D’un vassal puissant ch
2204
ps que des liens féodaux. Mais les différences ne
sont
pas moins significatives. Dans Tristan, c’est la jalousie d’Iseut aux
2205
ouement romanesque, tandis que dans le second, il
est
épique. Là, c’est l’amour qui conduit à la mort ; ici, ce sont les in
2206
Là, c’est l’amour qui conduit à la mort ; ici, ce
sont
les intérêts féodaux qui entraînent à des guerres sans fin. — Voici d
2207
une obligation de nécessité, tandis que les époux
sont
tenus par devoir à toutes les volontés l’un de l’autre. Que ce jugeme
2208
bligation de nécessité, tandis que les époux sont
tenus
par devoir à toutes les volontés l’un de l’autre. Que ce jugement que
2209
rmission d’offrir ses hommages à une autre : il y
fut
autorisé et cessa de sentir pour sa première amie la tendresse qu’il
2210
un mois, il revient à elle, proteste de ne pas s’
être
épris ailleurs, et de n’avoir pris aucune liberté avec l’autre dame,
2211
elle-ci l’a privé de son amour, disant qu’il s’en
est
rendu indigne en implorant et en acceptant pareille licence. Arrêt d
2212
eille licence. Arrêt de la reine Éléonore. Telle
est
la nature de l’amour : les amants feignent souvent de souhaiter d’aut
2213
lors qu’il croit que la première le néglige. Ce n’
est
point tant la constance de son amie que la sienne propre qu’il veut m
2214
sfert » au sens freudien — la situation juridique
est
bien du même ordre. 4. – Conceptions orientales de l’amour Il e
2215
. 4. – Conceptions orientales de l’amour Il
est
bien entendu que j’appelle Orient une certaine attitude totale de l’h
2216
ent une certaine attitude totale de l’homme qui s’
est
manifestée principalement chez les peuples et dans les religions de l
2217
Asie. L’Iran, l’islam, l’Arabie et le judaïsme ne
sont
pas cet Orient-là, et se rattachent directement (Livre II, chap. 2 et
2218
amour » n’existe pas en Chine. Le verbe « aimer »
est
employé seulement pour définir les rapports entre la mère et les fils
2219
quelque chose qui se rapproche du mot « amour »,
est
oubliée tout de suite pendant la dynastie Han. Les Chinois sont marié
2220
out de suite pendant la dynastie Han. Les Chinois
sont
mariés très jeunes par leurs parents, et le problème de l’amour ne se
2221
ndéfini que tous les autres, et dont nous voulons
être
sûrs. L’attitude de l’Européen qui se demande toute sa vie : « Est-ce
2222
ude de l’Européen qui se demande toute sa vie : «
Est
-ce de l’amour ou non ? Est-ce que j’aime vraiment cette femme, ou est
2223
mande toute sa vie : « Est-ce de l’amour ou non ?
Est
-ce que j’aime vraiment cette femme, ou est-ce que j’ai de l’affection
2224
non ? Est-ce que j’aime vraiment cette femme, ou
est
-ce que j’ai de l’affection pour elle ? Est-ce que j’aime Dieu ou est-
2225
me, ou est-ce que j’ai de l’affection pour elle ?
Est
-ce que j’aime Dieu ou est-ce que j’ai seulement envie de l’aimer ? Es
2226
l’affection pour elle ? Est-ce que j’aime Dieu ou
est
-ce que j’ai seulement envie de l’aimer ? Est-ce que j’aime cet être o
2227
u ou est-ce que j’ai seulement envie de l’aimer ?
Est
-ce que j’aime cet être ou est-ce que j’aime l’amour ? », etc., son dé
2228
eulement envie de l’aimer ? Est-ce que j’aime cet
être
ou est-ce que j’aime l’amour ? », etc., son désespoir quand il découv
2229
envie de l’aimer ? Est-ce que j’aime cet être ou
est
-ce que j’aime l’amour ? », etc., son désespoir quand il découvre aprè
2230
lement envie de l’aimer — cette attitude pourrait
être
considérée par un psychiatre chinois comme un symptôme de folie. Nous
2231
ychiatre chinois comme un symptôme de folie. Nous
sommes
fous sans nous en rendre compte ; toute notre vie est fondée sur la p
2232
fous sans nous en rendre compte ; toute notre vie
est
fondée sur la passion et nous voulons la paix, la tranquillité ! Je s
2233
ion et nous voulons la paix, la tranquillité ! Je
suis
moi-même le plus fou de tous les fous, hélas ! Mais au moins maintena
2234
e le sais. Et encore : La civilisation chinoise
est
fondée sur la famille, et la famille sur l’absence d’amour. Les tradi
2235
te manifestation de tendresse entre mari et femme
est
jugée inconvenante. 5. – Mystique et amour courtois Dans un ap
2236
« chronologiquement parlant, les deux mouvements
sont
à peu près contemporains. » On a donc supposé une filiation des ciste
2237
pothèse en montrant : 1° que l’objet de l’amour n’
est
pas le même pour saint Bernard et pour les troubadours, ces derniers
2238
ensualité naturelle ; 2° que la nature de l’amour
est
très différente dans les deux cas, malgré d’apparentes analogies d’ex
2239
e la courtoisie et la mystique de saint Bernard n’
est
pas seulement, comme l’a vu M. Gilson, celle de la « chair » et de l’
2240
à tout amour charnel » (p. 195). L’amour courtois
serait
au contraire « l’expression poétique de la concupiscence » (p. 200).
2241
c’est flatter un « bon sens » des modernes qui n’
est
sans doute que le résidu de préjugés scientifiques dépassés. Il se po
2242
s scientifiques dépassés. Il se pourrait que nous
tenions
là un bel exemple d’anachronisme. A-t-on seulement remarqué que les s
2243
ssières » aux mœurs des troubadours, ma déduction
serait
inverse de celle des savants modernes. Marcabru n’hésite pas à nommer
2244
ue cela ne choque personne — et non du tout qu’il
est
un débauché. Ayant choisi le symbolisme amoureux, il joue le jeu le p
2245
rel, selon la coutume de son temps211. Ou si l’on
tient
que le langage érotique traduit nécessairement une sensualité déchaîn
2246
« On n’a jamais entendu saint Bernard souhaiter d’
être
débarrassé de l’amour de Dieu. » Or les troubadours gémissent sous le
2247
missent sous le joug de l’Amour. Donc cet amour n’
est
pas spirituel. — Mais plus tard, d’autres mystiques catholiques, sain
2248
es expressions des troubadours, et souhaiteront d’
être
libérés des tourments de l’amour divin : c’est là bien entendu, comme
2249
t déduire d’un tel « refus » que l’Amour courtois
était
purement sensuel, la déduction vaudrait aussi pour sainte Thérèse ; c
2250
iens obtient au contraire sa récompense. « On lui
est
uni (à la Béatitude) du fait même qu’on l’aime. » — Or M. Gilson dit
2251
it fort bien, deux pages plus loin, que « si Dieu
est
immanent sans être transcendant, il n’y a pas de problème mystique au
2252
pages plus loin, que « si Dieu est immanent sans
être
transcendant, il n’y a pas de problème mystique au sens où les chréti
2253
t à expérimenter… c’est l’immanence d’un Dieu qui
est
et reste transcendant ». Mais alors, lorsqu’une créature aime son Die
2254
situation du troubadour vis-à-vis de l’amour des
êtres
. Certes : « la pureté de l’amour courtois sépare les amants, au lieu
2255
t ». Mais il faut voir que les amants courtois ne
sont
séparés sur la terre qu’en vertu de cet amour mystique qui les unit à
2256
ommunier. d) Pour démontrer que l’amour courtois
est
sensuel, M. Gilson cite encore une strophe de Thibaut de Champagne :
2257
doutes sur la nature des sentiments dont Thibaut
est
animé. » Précisément, l’objet de mon ouvrage est, entre autres, de «
2258
est animé. » Précisément, l’objet de mon ouvrage
est
, entre autres, de « réformer sérieusement notre conception des amours
2259
ordre des Templiers, mais encore cet ordre aurait
été
lié à l’hérésie cathare — en dépit de certaines apparences — comme le
2260
nvito, et même le De vulgari eloquentia devraient
être
interprétés symboliquement. Dans un opuscule postérieur, Aroux précis
2261
— Mots introuvables dans la Comédie, quand l’idée
est
partout présente. « Dames ». — Les initiés du templarisme albigeois,
2262
ar un dédoublement mystique de l’âme et du corps,
étaient
censés avoir les deux sexes, hommes en tant que corps et forme matéri
2263
vieux manuscrits, pour qu’une littérature entière
soit
passée sous leurs yeux sans qu’ils y aient vu autre chose que des con
2264
peignant l’amour de Rivalen pour Blanchefleur (ce
sont
les parents de Tristan) accumule les expressions religieuses les plus
2265
e vie. Il entra dans une vie nouvelle Où tout son
être
fut changé. Il devint un autre homme. Tout ce qu’il faisait Était com
2266
. Il entra dans une vie nouvelle Où tout son être
fut
changé. Il devint un autre homme. Tout ce qu’il faisait Était comme e
2267
. Il devint un autre homme. Tout ce qu’il faisait
Était
comme entremêlé de folie Et frappé d’aveuglement. Ses sens étaient tr
2268
remêlé de folie Et frappé d’aveuglement. Ses sens
étaient
troublés Égarés par la Minne Et comme délivrés De leur frein naturel.
2269
t. (Traduction Bossert.) Les trois derniers vers
sont
une parfaite confirmation de ma définition de la passion opposée à l’
2270
(correspondant à la forêt de Morois chez Béroul)
est
décrite en détail, et chaque détail comporte un sens symbolique comme
2271
ymbolique commenté par l’auteur. La « fossure » a
été
construite par des géants. C’est une voûte dont la clef est faite de
2272
uite par des géants. C’est une voûte dont la clef
est
faite de pierres précieuses. Au milieu trône un lit de cristal, etc.
2273
al, etc. Mais voici ce qui nous intéresse : Ce n’
est
pas sans raison Que la fossure est reléguée Dans cette contrée sauvag
2274
éresse : Ce n’est pas sans raison Que la fossure
est
reléguée Dans cette contrée sauvage. Cela veut dire Que le lieu de l’
2275
sauvage. Cela veut dire Que le lieu de l’amour N’
est
pas dans les routes battues Ni autour des habitations humaines. Il ha
2276
les déserts. Le chemin qui conduit à sa retraite
Est
dur et pénible. (Traduction Bossert.) Pour qui conserverait des dout
2277
rencontrer la « récompense » de ses peines. (Il n’
est
pas devenu Parfait) : J’ai connu la fossure Quand je n’avais que 11
2278
la fossure Quand je n’avais que 11 ans Mais je ne
suis
jamais allé en Cornouailles. Comment pourrait-il s’agir d’amour phys
2279
t le dernier vers indique bien que la « fossure »
est
purement symbolique, puisqu’elle peut exister ailleurs qu’en Cornouai
2280
e. (L’argument avancé me convainc peu : l’hérésie
était
de nature dogmatique, et saint François ne s’occupait pas de doctrine
2281
lie (Bulgares ou Bougres dans les pays du Nord) s’
étaient
emparés du gouvernement de plusieurs municipalités. Le podestat d’Ass
2282
de plusieurs municipalités. Le podestat d’Assise
était
un hérétique, avant 1204 ! Dans les cités avoisinantes, il y eut de n
2283
autre part, on sait bien que saint François avait
été
le disciple enthousiaste des poètes français (d’où son nom même). Il
2284
e ressemblance. Il reste que saint François, s’il
fut
influencé par l’atmosphère de la religion d’Amour, en transporta tout
2285
ompher d’Éros. Mars déchaîné, même contre Éros, n’
est
guère qu’un autre aspect du mal qu’il veut détruire, et plus barbare.
2286
s IV et V.) L’auteur montre que pour Sade, le mal
est
l’unique élément de la Nature. On lit dans la Nouvelle Justine : « Ou
2287
la Création : « Le principe de vie dans tous les
êtres
n’est autre que celui de la mort ; nous les recevons et les nourrisso
2288
tion : « Le principe de vie dans tous les êtres n’
est
autre que celui de la mort ; nous les recevons et les nourrissons dan
2289
nalyse du mythe nous a montré que cette antithèse
est
purement apparente. Mais si la vie et la Nature créée ne sont que noi
2290
t apparente. Mais si la vie et la Nature créée ne
sont
que noirceurs et cruauté, il faut alors pour s’en délivrer renchérir
2291
r le prochain. Sade choisit le prochain : il veut
être
criminel plutôt que victime. Ainsi la conscience sadique est l’invers
2292
l plutôt que victime. Ainsi la conscience sadique
est
l’inverse de la conscience romantique. Le romantique (Pétrarque) se c
2293
n deçà. Si bien que le seul au-delà concret qu’il
soit
en état de désirer, d’imaginer, c’est le « dérèglement des passions »
2294
e peut très bien lui apparaître : la loi. Or ce n’
est
que le renoncement à la loi ainsi comprise qui peut nous conduire à l
2295
ète des divers problèmes abordés dans cet ouvrage
est
pratiquement exclue. On n’indiquera ici que les travaux utilisés par
2296
935. 211. Faut-il préciser qu’à mon sens, ce
sont
précisément les expressions par trop raffinées de l’amour qui sont le
2297
les expressions par trop raffinées de l’amour qui
sont
les plus suspectes chez les troubadours ? Au point que l’on se demand