1 1939, L’Amour et l’Occident. Avertissement
1 que ce livre montrera sa nécessité dans la mesure d’abord il déplaira ; et il n’aura d’utilité que s’il convainc ceux q
2 1939, L’Amour et l’Occident. Livre premier. Le mythe de Tristan
2 le seuil du conte dans l’état passionné d’attente naît l’illusion romanesque. D’où vient ce charme ? Et quelles complic
3 sionné d’attente où naît l’illusion romanesque. D’ vient ce charme ? Et quelles complicités cet artifice de « rhétorique
4 d’amour signifie, de fait, un malheur. La société nous vivons et dont les mœurs n’ont guère changé, sous ce rapport, de
5 uit que ce qui assure « le bonheur des époux ». D’ peut venir une telle contradiction ? Si le secret de la crise du mari
6 mariage est simplement l’attrait de l’interdit, d’ nous vient ce goût du malheur ? Quelle idée de l’amour trahit-il ? Qu
7 l en parle comme d’un mystère sacré, en un siècle pourtant la chevalerie n’était plus guère qu’une survivance3. Enfin l
8 es. Le mythe exprime ces réalités, dans la mesure notre instinct l’exige, mais il les voile aussi dans la mesure où le
9 t l’exige, mais il les voile aussi dans la mesure le grand jour et la raison5 les menaceraient. ⁂ D’origine inconnue ou
10 ua au xiie siècle, c’est-à-dire dans une période les élites faisaient un vaste effort de mise en ordre sociale et mora
11 stan fut donc d’ordonner la passion dans un cadre elle pût s’exprimer en satisfactions symboliques. (Ainsi l’Église ava
12 t de la société, une mise en ordre équivalente. D’ la permanence historique non point du mythe sous sa forme première, m
13 vent d’amours miraculeuses. Le mythe agit partout la passion est rêvée comme un idéal, non point redoutée comme une fiè
14 point redoutée comme une fièvre maligne ; partout sa fatalité est appelée, invoquée, imaginée comme une belle et désira
15 Tristan nous est « sacré » dans la mesure exacte l’on estimera que je commets un « sacrilège » en tentant de l’analyse
16 tes de réprobation ? À défaut d’ennemis déclarés, sera le courage que l’on réclame des écrivains ? Faudra-t-il qu’ils l
17 nous sommes parvenus au point de désordre social l’immoralisme se révèle plus exténuant que les morales anciennes. Le
18 donc la mauvaise conscience des hommes… Qui sait cela peut nous mener ? Là-dessus, il est temps de passer à l’opératio
19 mère Blanchefleur ne survit pas à sa naissance. D’ le nom du héros, la couleur sombre de sa vie, et le ciel bas d’orage
20 la reine à Marc, et cela, même dans les versions le philtre continue d’agir ? Si, comme certains le disent, c’est une
21 uoi se promettent-ils de se revoir au moment même ils acceptent de se quitter ? Pourquoi Tristan s’éloigne-t-il ensuite
22 al que l’on déplore sa décadence à l’instant même il essaie maladroitement de se réaliser ? D’autre part, la chance du
23 is en fait, il demeure le vassal d’un seigneur. D’ naîtront des conflits de droit, dont le Roman offre plus d’un exemple
24 tan. En effet, le « droit de la passion » au sens l’entendent les modernes, permettrait à Tristan d’enlever Iseut, aprè
25 qui le condamnent, afin de mieux se conserver ! D’ peut venir cette préférence pour ce qui entrave la passion, pour ce q
26 rvées par l’auteur que dans les seules situations elles permettent au roman de rebondir 12. Cette remarque à son tour
27 e » d’observation courante, dans la mesure exacte ces licences fourniront les prétextes nécessaires à la passion que l’
28 tervenir, et qu’on pardonne dans la mesure exacte l’on partage ses intentions. Nous avons vu que les obstacles extérieu
29 urtois qui inspire au cœur des amants les ruses d’ naît leur souffrance, c’est le démon même du roman tel que l’aiment l
30 u plaisir et de la souffrance, au-delà du domaine l’on distingue, et où les contraires s’excluent. L’aveu n’en est pas
31 ffrance, au-delà du domaine où l’on distingue, et les contraires s’excluent. L’aveu n’en est pas moins formel : « Il ne
32 son contentement, plutôt qu’à son vivant objet. D’ les obstacles multipliés par le Roman ; d’où l’indifférence étonnante
33 t. D’où les obstacles multipliés par le Roman ; d’ l’indifférence étonnante de ces complices d’un même rêve au sein duqu
34 e rêve au sein duquel chacun d’eux reste seul ; d’ le crescendo romanesque et la mortelle apothéose. Dualité irrémédiabl
35 tacle légal, objectif. Tristan relève ce défi : d’ le rebondissement de l’action. Et ici le mot prend un sens symbolique
36 nts veulent prolonger et renouveler à l’infini. D’ les périls nouveaux qu’ils vont défier. Mais la valeur du chevalier e
37 uade sans donner de raisons, voire dans la mesure elle n’en donne point. Et la rhétorique chevaleresque, comme d’ailleu
38 s souffrances. Il s’élance vers l’instant suprême la totale jouissance est de sombrer. ⁂ Les mots du Jour ne peuvent dé
39 souffle vers la terre natale. Ô fille d’Irlande, t’attardes-tu ? Ce qui gonfle ma voile, sont-ce tes soupirs ? Souffle
40  Je ne suis pas resté au lieu de mon réveil. Mais ai-je fait séjour ? Je ne saurais le dire… C’était là où je fus toujo
41 e fait séjour ? Je ne saurais le dire… C’était là je fus toujours, et là où j’irai pour toujours : le vaste empire de l
42 ais le dire… C’était là où je fus toujours, et là j’irai pour toujours : le vaste empire de l’éternelle nuit. Là-bas, u
3 1939, L’Amour et l’Occident. Livre II. Les origines religieuses du mythe
43 l’amour est une maladie (Ménandre) dans la mesure il transcende la volupté qui est sa fin naturelle. C’est une « frénés
44 , il leur faut pardonner comme étant malades… » D’ vient alors cette glorification de la passion, qui est justement ce q
45 ettres. Et ceci nous amène aux abords de l’époque se forma notre mythe… ⁂ Mais plus près de nous que Platon et les drui
46 idental sur lequel se détache notre mythe. Mais d’ vient qu’il s’en soit « détaché », justement ? Quelle menace, quelle
47 st le signe historique d’une création renouvelée, le croyant se trouve réintégré par l’acte même de sa foi. Désormais,
48 que la passion est glorifiée dans la mesure même elle est déraisonnable, où elle fait souffrir, où elle exerce ses rav
49 ée dans la mesure même où elle est déraisonnable, elle fait souffrir, où elle exerce ses ravages aux dépens du monde et
50 où elle est déraisonnable, où elle fait souffrir, elle exerce ses ravages aux dépens du monde et de soi. L’identificati
51 rgement vivantes en Occident que dans les siècles elles se virent condamnées par le christianisme officiel. Et c’est ai
52 e. Elles s’insinuèrent d’une part dans le clergé, nous les retrouverons un peu plus tard mêlées de la manière la plus c
53 ntent à Platon.26 » Mais il en abuse dans le sens l’incline sa nature d’Occidental. C’est ainsi que le platonisme nous
54 himères qui n’existent qu’en nous. Mais encore, d’ vient ce succès et cette permanence invincible de l’erreur héritée de
55 ialement de sa doctrine du mariage) dans les âmes vivait encore un paganisme naturel ou hérité. Mais tout cela resterai
56 Oui, entre les xie et xiie siècles, la poésie d’ qu’elle fût (hongroise, espagnole, portugaise, allemande, sicilienne,
57 illeurs, et l’on va voir pour quelles raisons.) D’ vient cette conception nouvelle de l’amour « perpétuellement insatisf
58 ntive d’« une belle qui toujours dit non » ? Et d’ vient ce savant lyrisme qui tout d’un coup se trouve là pour traduire
59 llustre, « loin de s’expliquer par les conditions elle naquit, semble en contradiction absolue avec ces conditions »31.
60 r sans se lasser des formules apprises on ne sait . Et je me demande, après Aroux et Péladan, si le secret de toute cett
61 fait — tout près : sur place, dans le milieu même elle est née. Et non pas dans le milieu purement « social » au sens m
62 étienne authentique. La condamnation de la chair, certains croient voir aujourd’hui une caractéristique chrétienne, est
63 nt deux par deux sur les routes ? Et si les cours ils s’arrêtent pour chanter et offrir leur hommage se trouvent être p
64 s aussi passa-t-il pour un traître, jusqu’au jour il fut accusé devant le pape Innocent III d’avoir causé la mort de ci
65 faite de lieux communs dont le poète ne saurait d’ ils viennent. N’est-ce pas, sauf la beauté, plutôt courant ? Et si l’
66 eux » cette prudence, en cette époque précisément l’Église de Rome préparait sa croisade et son Inquisition ? Mais veno
67 nt nous parlent la Gnose et Maître Eckhart ? Et d’ viendrait, sinon, l’incertitude, voire le sentiment d’équivoque dont
68 e d’idéaliser la femme et l’amour naturel. Mais d’ provient donc cette manie ? D’une « humeur idéalisante » ? Lisons plu
69 absurde une poétique et une éthique de l’amour d’ sont issues, dans les siècles suivants, les plus belles œuvres de la
70 ne pèlent pas leurs pommes. Après Noël, au temps l’Enfant est trop jeune pour manger des fruits, Suso ne mange pas ce
71 s aspirations. » Si c’est le cas, on se demande d’ vient la gêne et l’« agacement » de l’auteur lorsqu’il est obligé de
72 rie se règle sur celui de la dévotion 59. Du jour adorer devient synonyme d’aimer, cette métaphore en entraîne une quan
73 s « gras, delgat et gen ». Or la première phrase, Jeanroy veut voir un trait biographique, détient un sens mystique évi
74 ’œuvre d’un seul auteur louant une Dame unique !) est alors cette expression « vive et brutale » d’un désir évidemment
75 s et contradictions chez les poètes influencés. D’ résulte qu’un surcroît d’informations sur la nature exacte des théori
76 gne, fille d’Aliénor, célèbre par sa cour d’amour le mariage fut condamné. Chrétien avait écrit un Roman de Tristan don
77 etons. Nous avons vu que la religion druidique, d’ sont issues les traditions des bardes et filids, enseignait une doctr
78 as moins pour les trouvères une chose apprise : d’ les erreurs qu’ils commirent bien souvent. Il est d’ailleurs extrêmem
79 arrefour, était celle de la chevalerie terrienne, vous avez longtemps triomphé ; celle de gauche était la voie de la ch
80 Grainne, les deux amants se sauvent dans la forêt le mari les poursuit. Dans Bailé et Aillinn, ils se donnent rendez-vo
81 nn, ils se donnent rendez-vous en un lieu désert, la mort les précède, empêchant leur réunion « car il était prédit par
82 étique et mystique. Mais nous savons maintenant d’ vient le mythe, et où il mène. Et peut-être pressentons-nous — mais a
83 is nous savons maintenant d’où vient le mythe, et il mène. Et peut-être pressentons-nous — mais alors c’est intraduisib
84 hérésie chrétienne historiquement déterminée . D’ l’on pourra déduire. 1° que la passion, vulgarisée de nos jours par l
85 ubadour Pierre de Barjac. On connaît d’autres cas l’amant d’une femme — toujours mariée — brûlait des cierges à tous le
86 érique d’hommes » dont peu pouvaient se marier. D’ l’idéalisation de l’objet d’un désir aussi difficile à satisfaire. On
87 te ardente » de la créature. (Romains, 8.) 40. D’ le nom de docètes pris par une secte gnostique : dokesis — apparence.
88  Dermenghem, Mortelle poésie (Hermès, juin 1936), l’on trouvera la traduction de très belles légendes musulmanes sur la
4 1939, L’Amour et l’Occident. Livre III. Passion et mystique
89 fier par la suite les conclusions trop téméraires nous pourrions induire un lecteur non prévenu. Tristan blessé s’embar
90 e un génie religieux du premier ordre et un poème l’élément mystique revêt les formes les plus rudimentaires ? Certes,
91 deur de son amour. Il y aurait à citer cent pages revient la même plainte de l’âme sur « l’abandon divin, tourment supr
92 femme » selon la formule des manuels. Dans le cas Iseut ne serait qu’une belle femme — comme le croiront les siècles à
93 état, Jean de la Croix connut la viduité totale, non seulement le monde et le prochain, et l’amour avec son objet, mai
94 tion de puissance qu’il éprouve dans le risque. D’ le désir final du risque pour lui-même, la passion de la passion sans
95 des métaphores utilisées dans les deux cas. Or d’ venaient ces métaphores ? D’une mystique, comme nous l’avons vu — mai
96 e de chacune de ses propositions. Par exemple, là la science proclame que la mystique résulte d’une sublimation de l’in
97 monde. D’ailleurs Otto cite un passage d’Eckhart il est question non plus d’union mais bien d’égalité de l’âme et de D
98 sûrement les origines de ce langage psychologique se traduit sans doute, le plus purement, sa nature ?107 » Tous les my
99 simplement refuser de savoir de quoi l’on parle. est le refoulement, où est la censure, lorsque Thérèse écrit à un rel
100 savoir de quoi l’on parle. Où est le refoulement, est la censure, lorsque Thérèse écrit à un religieux qui se plaint de
101 u la « matière » qui sont la cause des phénomènes tous les deux sont impliqués. Par exemple, dans le cas du langage mys
102 hysique, tenue pour primitive. Il se peut. Mais d’ le sait-on ? Les personnes qui croient cela, le croient-elles pour de
103 ontraint de se servir de métaphores. Il les prend il les trouve et telles qu’elles sont, quitte à les modifier par la s
104 et rend l’amour humain possible en ses limites. D’ il résulte que le langage de la passion humaine selon l’hérésie corre
105 semblerait d’un type homogène que dans la mesure elle serait banale, dans la mesure aussi où nous échouerions à la sai
106 esure où elle serait banale, dans la mesure aussi nous échouerions à la saisir ». 93. Gotha, 1929. Seul le livre célèb
5 1939, L’Amour et l’Occident. Livre IV. Le mythe dans la littérature
107 érétiques répandus désormais dans toute l’Europe, l’Église les traque, aient cessé de recourir à l’expression littérair
108 les couches profondes et muettes des peuples, là la vie sociale ne se prête plus aux formes nobles, ne fournit plus le
109 e) et les poètes. Cependant qu’autour de Palerme, Frédéric II tient sa cour, fleurit l’école dite des Siciliens. Dans q
110 tre espérance demeure, autant qu’il me plaira, là se trouve plus d’un qui s’attend à la perdre et qui dira dans l’enfer
111 toire, c’est l’équivoque malgré tout maintenue. D’ le débat qui oppose Orlandi et Cavalcanti : il s’agirait de définir e
112 tardé d’aller vers le Seigneur. Le temps venait les poètes succomberaient aux charmes du miroir et de la rhétorique p
113 pour Laure : Je bénis le lieu, le temps, l’heure si haut visèrent mes yeux, Et je dis : Ô mon âme, il te faut rendre g
114 ier Et fait que je marche fier de mon espérance. Pétrarque triomphe, c’est quand il prend la harpe de Tristan123, c’es
115 dres, angéliques étincelles, béatitudes De ma vie s’allume le plaisir Qui doucement me consume et détruit. (Les Yeux de
116 nnet 132.) Nous connaissons bien cette barque —  comme l’autre il emporte sa lyre — et ce « pouvoir » dont il se plain
117 réfère à tout : Je sais, suivant mon feu partout il me fuit, Brûler de loin — de près geler. Tout l’amour romantique
118 ci l’appel à la mort : Que s’ouvre donc la geôle je suis enfermé Qui me clôt le chemin vers une telle vie ! (Chanson 7
119 it que tout penser secret monte droit à mon front tous le voient : aimer une chose mortelle, avec une foi qui à Dieu se
120 r avec la mort ! La lucidité même d’un tel cri, s’avoue le dernier secret du mythe courtois, c’est le signe d’une grâ
121 e idéalisante, l’élite de la société médiévale. D’ la réaction « réaliste » qui ne pouvait manquer de s’ensuivre. Elle f
122 ant Rome n’a pas triomphé partout. Il est une île son pouvoir est contesté. C’est la dernière patrie des bardes. En Cor
123 rs traditions resteront vivantes jusqu’à l’époque Macpherson les transcrira en langage moderne. Et en Irlande, elles vi
124 de tortures transfigurantes, de la nuit abyssale l’éclair de l’amour illumine parfois une face immobile et fascinante,
125 aphorique) sont transportés chez le druide Adamas ils se réveillent, puis s’épousent. On a coutume de déclarer inexpli
126 e que sa maîtresse se donne à son ami Cléandre. D’ l’on conclut généralement que Corneille est le premier auteur qui ait
127 fois-ci. Mais dans le plan purement psychologique Corneille se place, le sens du mythe qui gouverne cette action ne peu
128 ficace de la passion qu’elle prétendait guérir. D’ la tension inégalée de ce « théâtre du devoir » — comme le récitent e
129 ’« une tyrannie dont il faut secouer le joug ». D’ l’harmonie voluptueuse de l’un, et la dialectique tendue de l’autre ;
130 mort est le gage d’une transfiguration, l’instant ce qui était la Nuit se révèle le Jour absolu. Mais faute d’atteindre
131 en pleine crise, balançant devant la décision. D’ la duplicité profonde de la pièce. La loi morale, la loi du jour qu’i
132 ielle à la pièce, constitutive de la crise même d’ elle est née, qu’il serait bien vain d’en faire reproche à son auteur
133 le aveu, se retenant, s’avouant enfin à l’instant elle y renonçait — avec le mouvement même de la reine, à trois repris
134 assurer, c’est que je n’ai point fait de tragédie la vertu soit plus mise au jour que dans celle-ci ; les moindres faut
135 itution de base : il atteint un point d’équilibre les siècles suivants auront grand-peine à se maintenir, et que les si
136 le mythe ne déploie son empire que là précisément s’évanouissent toutes les catégories morales, — par-delà le Bien et l
137 le transport, et dans la transgression du domaine vaut la morale. ⁂ Le cas de Spinoza mériterait un chapitre, mais son
138 s grâces du fond de mon cœur pour la désespérance vous m’avez jetée, et méprise le repos où je vivais, avant de vous av
139 pérance où vous m’avez jetée, et méprise le repos je vivais, avant de vous avoir connu… Adieu ! Aimez-moi donc toujours
140 dire, tout obstacle détruit, la passion n’a plus se prendre. Et l’on parle de « passionnettes ». Le dieu d’Amour n’est
141 toujours aimé, ne peut jamais aimer en retour. D’ son angoisse et sa course éperdue. L’un recherche dans l’acte d’amour
142 ptueuses » multipliées par la rage du Marquis. Là est le plaisir, là sera la souffrance, et la souffrance est le signe
143 égliger l’objet, détruisons-le par des tortures d’ nous tirerons encore quelque plaisir, et cela fait partie de notre as
144 , les situations voluptueusement inextricables. D’ l’insistance pénible et, dès cette date, quelque peu excessive me sem
145 sée interdire toute possibilité d’union légale. D’ encore l’assimilation du préjugé social et des exigences d’une vertu
146 ours le mythe qui agit. Dans la lettre déjà citée elle récapitule leurs épreuves, Julie appelle « sainte ardeur » l’amo
147 e par une plus insidieuse tyrannie. Jusqu’au jour Wagner, d’un seul coup, dressera le mythe dans sa pleine stature et d
148 est lui-même.149 Et dans les Hymnes à la Nuit, l’Éros ténébreux supplie que le matin ne renaisse plus (thème des « a
149 echerche de ce qui le comblerait, mais ignorant d’ cela peut venir… » Hoffmann ne dit pas autre chose lorsqu’il baptise
150 de passion, et la passion elle-même dans le monde il vit, sont condamnés par la raison et par le scepticisme général. D
151 és par la raison et par le scepticisme général. D’ le besoin qu’il éprouve de justifier ce besoin ; d’où son fameux trai
152 e besoin qu’il éprouve de justifier ce besoin ; d’ son fameux traité De l’Amour. Aux premières lignes de la préface, vou
153 implement que la cristallisation, c’est le moment l’on idéalise la femme aimée. Je crois que c’est Ortega qui a soulign
154 d’une erreur et dont il se désole d’être tiré. D’ peut provenir ce pessimisme incompatible avec la conception de la vie
155 n Grec ressuscité ne s’en étonnerait pas moins. D’ nous viennent donc ce goût et ce dégoût bizarres ? Ne sont-ils pas co
156 te de deux voix, et d’en faire une plainte unique déjà vibre la réalité d’un indicible au-delà d’espérance. Et c’est po
157 ur son apparente victoire : de cette blessure par la vie s’écoule, elle fait le gage de la suprême guérison, celle que
158 idesse bouleversante des mélodies révèle un monde le désir charnel n’est plus qu’une dernière et impure langueur dans l
159 re à déboucher sur une route nationale encombrée, l’on se promène le dimanche en famille pour voir passer les belles au
160 our s’en assurer d’imaginer l’impuissance absolue se trouvent les clients de cette littérature à concevoir une réalité
161 ns la zone de terreur et dans les terrains vagues se sont déversés tous les rebuts d’une civilisation intoxiquée. L’« a
162 vestiges de rites que s’attaqua le romantisme. D’ la violente exaltation dès la fin du xviiie siècle, de tout ce qu’av
163 erne entonna l’hymne de la « libération ». Mais d’ lui vient alors ce ton de désespoir ? Comment se fait-il que le roman
164 d’Isolde entravée par ses voiles… 159. Gwyon (d’ guyon : guide, en vieux français) c’est le Führer qui détient les sec
6 1939, L’Amour et l’Occident. Livre V. Amour et guerre
165 combat de l’amour soit comme les autres batailles la fureur et le fracas d’une guerre épouvantable sévit des deux côtés
166 nir sur ses pas ; il passe la nuit dans l’endroit il est, et fait se ranger l’avant-garde conformément à ce nouveau pla
167 le et le droit ; elle s’étend à tous les domaines le style et la forme sont choses essentielles : les cérémonies, l’éti
168 Honoré Bonet est un traité sur le droit de guerre l’on trouve discutées pêle-mêle à coups de textes bibliques et d’arti
169 ou le mythe en acte Il est pourtant un domaine s’opère la synthèse à peu près parfaite des instincts érotiques et gu
170 c’est le terrain nettement circonscrit de la lice se jouent les tournois. Là, les fureurs du sang se donnent libre cour
171 elle-même s’était civilisée, dans toute la mesure le paradoxe est soutenable. Le duel des chefs était fort en honneur,
172 le malgré l’intervention de facteurs inhumains. D’ le formalisme étonnant de l’art militaire de ces siècles174. Avec Vau
173 la grande bataille : du sommet de quelque coteau, lui apparaît tout le terrain du combat, tout l’échiquier, le maréchal
174 erre sous des prétextes juridiques et personnels, l’honneur national n’a rien à voir. Querelles de gendre et de beau-pè
175 té ou la mort », hurlaient les jacobins à l’heure les forces ennemies paraissaient vingt fois supérieures, à l’heure où
176 es paraissaient vingt fois supérieures, à l’heure liberté et mort étaient bien près d’avoir le même sens… Ainsi la nati
177 teur passionnel dans la conduite des batailles. D’ ce cri d’un des généraux qu’il venait de battre en Italie : « Il n’es
178 t les premiers appuis du nationalisme allemand. D’ le caractère de plus en plus sanglant des guerres du xixe siècle. Il
179 de destruction permis ou condamnés, tomberont. D’ résulte que la défaite d’un pays ne sera plus symbolique, métaphoriqu
180 des sexes ont cessé d’être le lieu par excellence se réalise la passion. Celle-ci paraît se détacher de son support. No
181 conque, mais par le chef qui incarne la Nation. D’ la puissance sans précédent du transfert qui s’opère du privé au publ
182 a chevalerie. C’est dans le domaine de la guerre, toute évolution est pratiquement irréversible, — alors qu’il y a des
183 répandirent dans les domaines les plus divers, d’ résulta une dissociation, au sens précis de relâchement des liens soc
184 Celle-ci s’est constituée précisément à l’époque les tournois passaient de mode, et où se dissociaient leurs éléments
185 à l’époque où les tournois passaient de mode, et se dissociaient leurs éléments guerrier, sportif et théâtral. La trag
7 1939, L’Amour et l’Occident. Livre VI. Le mythe contre le mariage
186 ement ; l’autre exaltait un ensemble de valeurs d’ résultait — en principe tout au moins — la condamnation du mariage. L
187 plus en plus le choix réciproque des conjoints. D’ le nombre croissant des divorces. En même temps, les cérémonies épith
188 poux. 3. — Contraintes religieuses Dans la mesure la conscience moderne comme telle sait encore distinguer le christian
189 tutionnels entraîne une chute de tension morale d’ résulte une immense confusion. L’adultère devient un sujet de délicat
190 e nous introduit dans le monde de la comparaison, nul bonheur ne saurait s’établir, tant que l’homme ne sera pas Dieu.
191 aime de passion accède à une humanité plus haute, les barrières sociales, entre autres, s’évanouissent. Le Tzigane peut
192 frir. Lorsque Tristan emmène Iseut dans la forêt, plus rien ne s’oppose à leur union, le génie de la passion dépose ent
193 l’héroïsme religieux à la confusion sans grandeur se débattent les hommes du temps profane : au lieu de l’épée du cheva
194 « platitude », le train-train des liens légitimes la femme perd son « attrait », parce qu’il n’est plus d’obstacles ent
195 ur Tristan l’infini, c’est l’éternité sans retour s’évanouit la conscience douloureuse — pour le moderne, ce n’est plus
196 Mais la passion dite « fatale » — c’est l’alibi — se complaisent les modernes, ne sait plus même être fidèle, puisqu’el
197 accuser, mais il est la victime d’un ordre social les obstacles se sont dégradés. Ils cèdent trop vite, ils cèdent avan
198 sion ruine l’idée même du mariage dans une époque l’on tente la gageure de fonder le mariage, précisément, sur les vale
199 l’éthique de l’évasion, qui est née du mythe). D’ les multiples tentatives de « restauration » du mariage auxquelles no
200 s « névroses » qui seraient à l’origine du mal (d’ l’on déduit que la médecine mentale guérirait tout). Van de Velde ou
201 sait pas au juste ce qu’est l’amour-passion, ni d’ il vient, ni où il va. On sent bien qu’il y a là quelque chose d’inqu
202 e ce qu’est l’amour-passion, ni d’où il vient, ni il va. On sent bien qu’il y a là quelque chose d’inquiétant, mais on
203 on précisément que l’on entendait « liquider ». D’ l’absolue nécessité de restaurer les bases sociales, c’est-à-dire l’é
204 lectivistes et eugéniques, et dans une atmosphère les problèmes individuels tendaient à perdre toute espèce de dignité,
205 ue la pratique forcée de l’eugénisme réussira, là toutes nos morales échouent, entraînant l’effective abolition du beso
206 hypothèse », dit l’auteur) ; soit par le passage Jésus proclame que l’homme ne doit pas séparer ce que Dieu a uni ; so
8 1939, L’Amour et l’Occident. Livre VII. L’Amour action, ou de la fidélité
207 lité 1.Nécessité d’un parti pris À l’heure cet ouvrage touche à sa conclusion, il me semble que son dessein le p
208 la passion. Quant à stériliser le milieu culturel la passion plonge ses racines, il est probable que l’État s’en charge
209 toutes les raisons de le prévoir, dans une époque l’on confond thérapeutique et sotériologie (lois de l’hygiène et doct
210 ce trait qui enfin la situe, non dans l’abstrait la passion ne peut exister — et alors en parler n’est qu’une farce — 
211 e chacun, frères, demeure devant Dieu dans l’état il était lorsqu’il a été appelé (vierge ou marié)… usant du monde com
212 lle paraît secondaire ou superflue dans la mesure l’on se persuade qu’il s’agit avant tout de calcul. D’où je conclus q
213 se persuade qu’il s’agit avant tout de calcul. D’ je conclus qu’il serait plus conforme à l’essence du mariage, et au r
214 type même de l’acte sérieux, c’est dans la mesure elle est faite une fois pour toutes. Seul l’irrévocable est sérieux.)
215 perte : nous sommes ici dans un ordre de grandeur nos mesures et nos équivalences n’ont plus cours.) Mais savons-nous e
216 qui ne sont au vrai que des Don Juan au ralenti). est alors la différence ? Et le mari fidèle, ne serait-ce pas simplem
217 tait la chute dans l’illimité, au sein de la Nuit s’effacent les formes, les visages, les destins singuliers : « Non pl
218 et l’amour. Car si le désir va vite et n’importe , l’amour est lent et difficile, il engage vraiment toute une vie, et
219 ontrées les moins christianisées, précisément, là les religions païennes menaient encore une vie secrète. L’amour-passi
220 ccident l’idée de transformer le milieu humain (d’ le mythe de la révolution), et l’idée de transformer le milieu nature
221 n), et l’idée de transformer le milieu naturel (d’ la technique). Reste à savoir si le christianisme, accueilli par les
222 à l’exalter. Telle fut la tentation permanente d’ jaillirent nos plus belles créations. Mais ce qui produit la vie prod
223 iées, extension du délire passionnel aux domaines il peut entraîner la destruction de notre civilisation. Tout cela est
224 st toujours hic et nunc, dans l’acte de l’Éternel notre espoir se fonde. ⁂ Deux thèmes de réflexions, amorcés çà et là
225 assion, la mort d’amour, initie une vie nouvelle, la passion ne cesse d’être présente, mais sous l’incognito le plus ja
226 concevoir que la passion — quel que soit l’ordre elle se manifeste — ne trouve son au-delà réel, et son salut, que par
227 iques. 202. En quoi consiste le respect, au sens je le prends ici ? En ce que l’on reconnaît dans un être la totalité
9 1939, L’Amour et l’Occident. Appendices
228 ernières est oublié ; à l’époque et dans les pays ils écrivent. Tout cela n’est plus qu’ornements d’art, pittoresque, a
229 Berthe, tandis qu’Elissent devient reine. Au jour les deux couples se séparent, Girard prend à part deux témoins, ainsi
230 ses embrassements ou sa tendresse, hormis le cas il y aurait certitude que l’amant eût manqué à ses devoirs et à la fo
231 endant, il n’y a pas de problème mystique au sens les chrétiens l’entendent. Ce qu’ils ont à expérimenter… c’est l’imma
232 lui une autre vie. Il entra dans une vie nouvelle tout son être fut changé. Il devint un autre homme. Tout ce qu’il fai
233 le Tristan de Gottfried de Strasbourg, la grotte se réfugient les amants (correspondant à la forêt de Morois chez Béro
234 é le disciple enthousiaste des poètes français (d’ son nom même). Il partageait l’engouement des Italiens du Nord pour l
235 une sorte de plaisir à copier ses noirceurs. » (D’ le désir sadique de se libérer des tyrannies sensuelles par l’excès d