1
sement Ceci n’est pas un livre, mais un recueil
de
conférences et d’essais sur des sujets variés en apparence : protesta
2
t pas un livre, mais un recueil de conférences et
d’
essais sur des sujets variés en apparence : protestantisme, culture, n
3
utres écrits — c’est qu’ils ne sont pas dépourvus
d’
une certaine unité d’intention : ils sont tous nés d’un même souci de
4
qu’ils ne sont pas dépourvus d’une certaine unité
d’
intention : ils sont tous nés d’un même souci de la personne et de son
5
ne certaine unité d’intention : ils sont tous nés
d’
un même souci de la personne et de son rôle dans la communauté ; et to
6
é d’intention : ils sont tous nés d’un même souci
de
la personne et de son rôle dans la communauté ; et tous, ils s’adress
7
s sont tous nés d’un même souci de la personne et
de
son rôle dans la communauté ; et tous, ils s’adressent à la Suisse, o
8
ire, ils s’adressent à des Suisses. Par une série
de
cercles concentriques, ils s’efforcent de situer notre mission dans l
9
e série de cercles concentriques, ils s’efforcent
de
situer notre mission dans l’Europe d’aujourd’hui. On trouvera tout d’
10
s’efforcent de situer notre mission dans l’Europe
d’
aujourd’hui. On trouvera tout d’abord une conférence sur le protestant
11
ord une conférence sur le protestantisme créateur
de
personnes. C’est qu’avant de rien proposer, il convient de dire qui l
12
nes. C’est qu’avant de rien proposer, il convient
de
dire qui l’on est, de préciser au nom de quoi l’on parle ; et ce ne p
13
rien proposer, il convient de dire qui l’on est,
de
préciser au nom de quoi l’on parle ; et ce ne peut être, sérieusement
14
doit compromettant. Une foi réelle est une raison
de
vivre et non point d’échapper à la vie. Ceci dit, je ne crois pas un
15
e foi réelle est une raison de vivre et non point
d’
échapper à la vie. Ceci dit, je ne crois pas un instant que pareille p
16
it, je ne crois pas un instant que pareille prise
de
position m’interdise de « causer » et de m’entendre avec les Suisses
17
nstant que pareille prise de position m’interdise
de
« causer » et de m’entendre avec les Suisses d’autres croyances. Bien
18
le prise de position m’interdise de « causer » et
de
m’entendre avec les Suisses d’autres croyances. Bien au contraire ! C
19
est. Vient ensuite une conférence sur la Bataille
de
la culture : synthèse rapide des éléments sociaux, culturels et spiri
20
rels et spirituels qui déterminent l’état présent
de
l’Europe, et situent notre action particulière dans l’évolution génér
21
ici que des vues générales et quelques directions
de
pensée. Ce n’est pas suffisant, mais c’est urgent. C’est de quoi nous
22
Ce n’est pas suffisant, mais c’est urgent. C’est
de
quoi nous manquons le plus, et j’ajouterai : c’est de quoi nous savon
23
uoi nous manquons le plus, et j’ajouterai : c’est
de
quoi nous savons le moins que nous manquons dangereusement. Nous avon
24
us manquons dangereusement. Nous avons bien assez
de
techniciens, de spécialistes et de « compétences » : leur travail est
25
ereusement. Nous avons bien assez de techniciens,
de
spécialistes et de « compétences » : leur travail est indispensable,
26
ons bien assez de techniciens, de spécialistes et
de
« compétences » : leur travail est indispensable, mais il ne saurait
27
blée par une vision générale du monde, et du rôle
de
la Suisse dans le monde. Soyons modestes, c’est entendu. Nous ne somm
28
es, c’est entendu. Nous ne sommes pas les mentors
de
l’Europe. Mais n’allons pas confondre cette modestie, dont Spitteler
29
heure ait sonné pour la Suisse, qu’il soit temps
de
voir grand et d’oser, au sein d’un grand péril et d’un beau risque, c
30
pour la Suisse, qu’il soit temps de voir grand et
d’
oser, au sein d’un grand péril et d’un beau risque, c’est la pensée qu
31
voir grand et d’oser, au sein d’un grand péril et
d’
un beau risque, c’est la pensée qui anime tous ces essais. L’épreuve d
32
le courage qu’il y faut n’est pas seulement celui
de
résister : il est d’abord celui de se risquer. Je demandai à l’homme
33
eulement celui de résister : il est d’abord celui
de
se risquer. Je demandai à l’homme qui se tenait à la porte de l’anné
34
. Je demandai à l’homme qui se tenait à la porte
de
l’année : « Donne-moi une lumière afin que je puisse aller avec sécur
35
dans l’obscurité et mets tes mains dans les mains
de
Dieu. Ce sera plus sûr pour toi qu’une lumière et qu’un chemin que tu
36
isses. »1 D. R. Berne, 1er mars 1940. 1. Vers
d’
un poète anglais, cités par le roi Georges VI en conclusion de son mes
37
nglais, cités par le roi Georges VI en conclusion
de
son message de Noël 1939.
38
ar le roi Georges VI en conclusion de son message
de
Noël 1939.
39
Le protestantisme créateur
de
personnes2 Je souhaite que beaucoup d’entre vous, apercevant le ti
40
te que beaucoup d’entre vous, apercevant le titre
de
cette conférence, aient ressenti quelque méfiance. Je souhaite que be
41
urieuse, ou peut-être grave, ou en tout cas digne
de
réflexion, car c’est à elle précisément que je me propose de répondre
42
n, car c’est à elle précisément que je me propose
de
répondre ici. Comment passer du zéro de l’homme devant Dieu à la vale
43
e propose de répondre ici. Comment passer du zéro
de
l’homme devant Dieu à la valeur infinie de la personnalité ? Comment
44
u zéro de l’homme devant Dieu à la valeur infinie
de
la personnalité ? Comment passer de notre théologie à notre histoire
45
aleur infinie de la personnalité ? Comment passer
de
notre théologie à notre histoire ? Qu’est-ce que cette personnalité d
46
curieusement entre zéro et l’infini, et dont tant
d’
auteurs incroyants nous font une gloire peut-être intempestive ? Le pr
47
ut-être intempestive ? Le problème est, je crois,
d’
autant plus actuel que les menaces qui pèsent aujourd’hui sur l’Église
48
tourner vers le passé pour y trouver le réconfort
d’
anciennes victoires, d’exemples édifiants. Déconcertés par l’ampleur d
49
our y trouver le réconfort d’anciennes victoires,
d’
exemples édifiants. Déconcertés par l’ampleur de l’attaque qui se prép
50
, d’exemples édifiants. Déconcertés par l’ampleur
de
l’attaque qui se prépare contre le monde chrétien, beaucoup, jusque p
51
p, jusque parmi les incroyants, sentent le besoin
de
reprendre pied sur les vieilles bases spirituelles, rudes et monument
52
tous leurs appuis. Et c’est sans doute à ce désir
de
certitude renouvelée, à ce désir de retrouver confiance en soi, que j
53
te à ce désir de certitude renouvelée, à ce désir
de
retrouver confiance en soi, que je devais répondre en exaltant ici le
54
pondre en exaltant ici le protestantisme créateur
de
personnalités, ou défenseur d’une certaine dignité humaine. Eh bien,
55
stantisme créateur de personnalités, ou défenseur
d’
une certaine dignité humaine. Eh bien, je ne vois aucune raison de dé
56
gnité humaine. Eh bien, je ne vois aucune raison
de
décevoir une telle attente. Mais attention ! Cette interrogation pres
57
! Cette interrogation pressante, il ne s’agit pas
de
lui offrir n’importe quelle réponse flatteuse ou approximative. Et ce
58
réponse flatteuse ou approximative. Et ce besoin
de
certitude, il s’agit de le combler en vérité. La menace est sérieuse,
59
proximative. Et ce besoin de certitude, il s’agit
de
le combler en vérité. La menace est sérieuse, les événements de septe
60
en vérité. La menace est sérieuse, les événements
de
septembre et toute la suite l’ont fait voir aux plus optimistes3. En
61
nous atteint déjà par contrecoup, et il est sage
de
s’attendre à bien pire. C’est donc le moment ou jamais de se montrer
62
endre à bien pire. C’est donc le moment ou jamais
de
se montrer très rigoureux dans le choix des moyens de défense. Et, pa
63
e montrer très rigoureux dans le choix des moyens
de
défense. Et, par exemple, si beaucoup sont prêts à louer la Réforme d
64
xemple, si beaucoup sont prêts à louer la Réforme
d’
être une école de personnalités, donc un rempart contre la barbarie, c
65
up sont prêts à louer la Réforme d’être une école
de
personnalités, donc un rempart contre la barbarie, c’est le moment po
66
art contre la barbarie, c’est le moment pour nous
de
préciser comment, pourquoi, dans quel esprit surtout le protestantism
67
ntisme est effectivement cela. Depuis une dizaine
d’
années, une discussion générale s’est instituée sur les notions de per
68
scussion générale s’est instituée sur les notions
de
personne, d’individu et de personnalité. Il existe un mouvement perso
69
rale s’est instituée sur les notions de personne,
d’
individu et de personnalité. Il existe un mouvement personnaliste qui
70
tituée sur les notions de personne, d’individu et
de
personnalité. Il existe un mouvement personnaliste qui a pris pour tâ
71
un mouvement personnaliste qui a pris pour tâche
de
démêler ces notions et de fonder sur elles un ordre social renouvelé.
72
e qui a pris pour tâche de démêler ces notions et
de
fonder sur elles un ordre social renouvelé. Des philosophes tels que
73
ue, Berdiaef du côté orthodoxe, un certain nombre
de
jeunes protestants, beaucoup d’agnostiques aussi, se sont efforcés de
74
un certain nombre de jeunes protestants, beaucoup
d’
agnostiques aussi, se sont efforcés de montrer l’importance concrète d
75
s, beaucoup d’agnostiques aussi, se sont efforcés
de
montrer l’importance concrète d’une définition de la personne pour to
76
se sont efforcés de montrer l’importance concrète
d’
une définition de la personne pour toute action dans la cité4. Ces dis
77
de montrer l’importance concrète d’une définition
de
la personne pour toute action dans la cité4. Ces discussions, souvent
78
ans la cité4. Ces discussions, souvent encombrées
de
jargon philosophique, peuvent apparaître byzantines au grand public.
79
n’en reste pas moins que le mot d’ordre « Défense
de
la personne humaine » est devenu le slogan par excellence des hommes
80
sans équivoques. Les dissiper me paraît une tâche
d’
une importance particulière pour notre pensée réformée. Car il se trou
81
nous protestants, tantôt pour les fermes soutiens
de
la personnalité, tantôt pour de dangereux individualistes. C’est donc
82
s fermes soutiens de la personnalité, tantôt pour
de
dangereux individualistes. C’est donc vraiment de nos affaires qu’il
83
de dangereux individualistes. C’est donc vraiment
de
nos affaires qu’il s’agit dans cette discussion. Nous y avons notre m
84
notions par des exemples historiques susceptibles
de
faire image. Si nous remontons aux origines, si nous cherchons commen
85
comment sont apparues dans l’Histoire les notions
d’
individu et de personne, et les systèmes qui s’y opposent, nous verron
86
pparues dans l’Histoire les notions d’individu et
de
personne, et les systèmes qui s’y opposent, nous verrons mieux commen
87
ieux comment se situe la Réforme dans l’évolution
de
l’Europe, et quel principe central elle doit y incarner, de nos jours
88
e, et quel principe central elle doit y incarner,
de
nos jours sans doute plus que jamais. Prenons d’abord l’individu. Con
89
n’est pas une invention du siècle des Lumières et
de
la Déclaration des droits de l’homme. C’est une invention grecque, et
90
recque, et sa naissance signale la naissance même
de
l’hellénisme. L’individu, c’est l’homme de la tribu qui tout d’un cou
91
e même de l’hellénisme. L’individu, c’est l’homme
de
la tribu qui tout d’un coup se met à réfléchir pour son compte, et qu
92
e. L’individu, c’est l’homme de la tribu qui tout
d’
un coup se met à réfléchir pour son compte, et qui, de ce fait même, s
93
coup se met à réfléchir pour son compte, et qui,
de
ce fait même, se distingue du groupe naturel, et s’isole. Le groupe p
94
le lien du sang, des morts communs, et par celui
de
la terreur sacrée. C’est autour d’un tabou et autour des tombeaux, ob
95
, et par celui de la terreur sacrée. C’est autour
d’
un tabou et autour des tombeaux, objets d’effroi, que se rassemble la
96
autour d’un tabou et autour des tombeaux, objets
d’
effroi, que se rassemble la société primitive. Ce qu’elle adore, c’est
97
phobe. Mais supposez maintenant qu’un des membres
de
la tribu se mette à raisonner à part soi. Raisonner, c’est d’abord do
98
s sacrés du groupe, et par là même à son principe
de
tyrannie. Ce mouvement d’arrachement au sacré sombre, à l’empire des
99
là même à son principe de tyrannie. Ce mouvement
d’
arrachement au sacré sombre, à l’empire des morts, ce mouvement de dis
100
sacré sombre, à l’empire des morts, ce mouvement
de
dissolution de la communauté primitive, c’est la naissance même de la
101
à l’empire des morts, ce mouvement de dissolution
de
la communauté primitive, c’est la naissance même de la Grèce. Sur le
102
la communauté primitive, c’est la naissance même
de
la Grèce. Sur le fond indistinct des peuplades indo-germaniques, les
103
st important : à l’origine, individu est synonyme
de
criminel. Mais peu à peu, ces individus se groupent pour constituer
104
à peu, ces individus se groupent pour constituer
de
nouvelles communautés (les thiases) comparables à la cité au sens mod
105
erne. Alors que la tribu était liée par des liens
d’
origine — le sang, la famille — la cité est fondée sur l’intérêt commu
106
térêt commun et les contrats. Alors que la morale
de
la tribu dicte des devoirs sacrés, dans la cité on parle de droits. T
107
u dicte des devoirs sacrés, dans la cité on parle
de
droits. Tous les membres de la tribu devaient agir de la même manière
108
dans la cité on parle de droits. Tous les membres
de
la tribu devaient agir de la même manière minutieusement prescrite pa
109
roits. Tous les membres de la tribu devaient agir
de
la même manière minutieusement prescrite par les usages, et toute con
110
chacun cherche à se distinguer. On met son point
d’
honneur à faire mieux que le voisin, ou tout au moins à faire autremen
111
utonome et conscient. La définition la plus noble
de
l’individu nous est fournie à ce moment par Socrate, lorsqu’il nous d
112
is-toi toi-même, c’est-à-dire : prends conscience
de
ton existence individuelle, libère-toi des déterminations sacrées et
113
eut-être peut-on rapprocher cette tendance morale
de
celle qui poussa les physiciens de la Grèce à créer la notion d’atome
114
endance morale de celle qui poussa les physiciens
de
la Grèce à créer la notion d’atome, les philosophes à formuler le pri
115
ussa les physiciens de la Grèce à créer la notion
d’
atome, les philosophes à formuler le principe d’individuation, les lég
116
n d’atome, les philosophes à formuler le principe
d’
individuation, les législateurs et les artistes à concentrer leur atte
117
attention sur l’homme et son destin particulier.
D’
où le héros, d’où la statue, d’où le tragique (Antigone s’opposant aux
118
l’homme et son destin particulier. D’où le héros,
d’
où la statue, d’où le tragique (Antigone s’opposant aux décisions sacr
119
estin particulier. D’où le héros, d’où la statue,
d’
où le tragique (Antigone s’opposant aux décisions sacrées de l’État) ;
120
agique (Antigone s’opposant aux décisions sacrées
de
l’État) ; — d’où les notions de gloire et de record. Et Alcibiade cou
121
e s’opposant aux décisions sacrées de l’État) ; —
d’
où les notions de gloire et de record. Et Alcibiade coupe la queue de
122
décisions sacrées de l’État) ; — d’où les notions
de
gloire et de record. Et Alcibiade coupe la queue de son chien pour qu
123
rées de l’État) ; — d’où les notions de gloire et
de
record. Et Alcibiade coupe la queue de son chien pour qu’on parle de
124
gloire et de record. Et Alcibiade coupe la queue
de
son chien pour qu’on parle de lui, qu’on le distingue. C’est là encor
125
iade coupe la queue de son chien pour qu’on parle
de
lui, qu’on le distingue. C’est là encore une assez bonne définition d
126
ingue. C’est là encore une assez bonne définition
de
l’individu… Toutefois ce mouvement centrifuge par rapport à la commun
127
mouvement centrifuge par rapport à la communauté
d’
origine, s’il se confond d’abord, soulignons-le, avec l’intelligence e
128
duit fatalement ce que j’appellerais un sentiment
de
vide social. C’est une sorte d’angoisse diffuse d’où naît l’appel à u
129
rais un sentiment de vide social. C’est une sorte
d’
angoisse diffuse d’où naît l’appel à une communauté nouvelle et plus s
130
e vide social. C’est une sorte d’angoisse diffuse
d’
où naît l’appel à une communauté nouvelle et plus solide, où l’individ
131
Empire romain qui nous donnera le symbole éternel
de
cette réaction collective. La victoire de Rome sur la Grèce, symboliq
132
éternel de cette réaction collective. La victoire
de
Rome sur la Grèce, symboliquement interprétée, c’est la victoire de l
133
ce, symboliquement interprétée, c’est la victoire
de
l’étatisme sur l’individualisme social. L’État romain, rural et milit
134
son appareil rigide, devait fatalement triompher
d’
une Grèce que nous dirions « atomisée ». Le vide social créé par l’ind
135
bureaucratie, sa police, fonctionnera d’ailleurs
d’
autant plus facilement qu’il n’aura plus affaire qu’à une poussière d’
136
ment qu’il n’aura plus affaire qu’à une poussière
d’
individus déracinés, n’offrant plus de résistance appréciable. Vous vo
137
e poussière d’individus déracinés, n’offrant plus
de
résistance appréciable. Vous voyez qu’entre individualisme et dictatu
138
pposition n’est qu’apparente : en réalité, il y a
de
l’un à l’autre un lien de cause à effet, ou plus exactement, de succe
139
te : en réalité, il y a de l’un à l’autre un lien
de
cause à effet, ou plus exactement, de succession fatale. L’individu n
140
tre un lien de cause à effet, ou plus exactement,
de
succession fatale. L’individu ne s’oppose à l’État qu’à la manière do
141
gards, l’étatisme ne fait qu’achever le processus
de
dissolution sociale commencé par l’individualisme. L’individu s’était
142
structure organique ne s’oppose plus à son action
d’
unification, de « mise au pas ». C’est avec la poussière des individus
143
ique ne s’oppose plus à son action d’unification,
de
« mise au pas ». C’est avec la poussière des individus que l’État fer
144
éraciner pour mieux discipliner, cela seul permet
de
constituer un bloc puissant vis-à-vis de l’extérieur ; un bloc qui pr
145
à-vis de l’extérieur ; un bloc qui prend l’allure
d’
une armée. Le vice d’un tel système, c’est qu’il stérilise peu à peu t
146
; un bloc qui prend l’allure d’une armée. Le vice
d’
un tel système, c’est qu’il stérilise peu à peu toutes les initiatives
147
tes, et qu’il finit par s’effondrer sous le poids
de
son appareil dévorateur. Et cela ne manque pas de se produire lorsque
148
de son appareil dévorateur. Et cela ne manque pas
de
se produire lorsque la majorité des citoyens se trouvent réduits à l’
149
ajorité des citoyens se trouvent réduits à l’état
de
fonctionnaires ou de soldats. Telle est l’histoire de la décadence de
150
se trouvent réduits à l’état de fonctionnaires ou
de
soldats. Telle est l’histoire de la décadence de Rome. Le type d’homm
151
onctionnaires ou de soldats. Telle est l’histoire
de
la décadence de Rome. Le type d’homme que suppose l’état romain, c’es
152
de soldats. Telle est l’histoire de la décadence
de
Rome. Le type d’homme que suppose l’état romain, c’est donc l’individ
153
e est l’histoire de la décadence de Rome. Le type
d’
homme que suppose l’état romain, c’est donc l’individu embrigadé, le f
154
rsona. Ce mot qui désignait à l’origine le masque
de
l’acteur, signifiera bientôt le « rôle » que joue le citoyen. Dans l’
155
esclaves, par exemple, qui forment les deux tiers
de
la population, ne sont pas des personnes, puisqu’ils ne jouent pas de
156
sont pas des personnes, puisqu’ils ne jouent pas
de
rôle dans les rouages de l’État. Il est important de rappeler ce sens
157
puisqu’ils ne jouent pas de rôle dans les rouages
de
l’État. Il est important de rappeler ce sens romain du mot personne.
158
rôle dans les rouages de l’État. Il est important
de
rappeler ce sens romain du mot personne. Je le traduirais volontiers
159
uirais volontiers en langage moderne par le terme
de
soldat politique. Nous allons le voir se transformer substantiellemen
160
ocabulaire chrétien. Car voici le moment décisif
de
notre histoire. La Grèce individualiste a triomphé de la communauté b
161
otre histoire. La Grèce individualiste a triomphé
de
la communauté barbare du sang. Mais plus tard elle a sombré dans l’an
162
te. Quelle sera la nouvelle société ? En ce point
de
l’évolution, dans cette angoisse, deux solutions paraissent possibles
163
ecréer la communauté primitive, à base de sang et
de
liens sacrés : c’est une régression vers la barbarie, mais qui flatte
164
et les passions, et satisfait le rêve nostalgique
d’
un retour à la nature, d’une fraternité plus charnelle, d’une communio
165
fait le rêve nostalgique d’un retour à la nature,
d’
une fraternité plus charnelle, d’une communion avec la masse dans le m
166
our à la nature, d’une fraternité plus charnelle,
d’
une communion avec la masse dans le mystère des origines : souvenirs,
167
gies, rites magiques, culte ancestral ou religion
d’
État. C’est là ce que j’appellerai une communauté régressive. L’autre
168
ai une communauté régressive. L’autre possibilité
de
communauté, c’est celle qu’imagine l’être spirituel. C’est l’espoir d
169
celle qu’imagine l’être spirituel. C’est l’espoir
d’
une société d’un type absolument nouveau, qui ne soit pas fondée sur l
170
ne l’être spirituel. C’est l’espoir d’une société
d’
un type absolument nouveau, qui ne soit pas fondée sur les contraintes
171
lois, mais sur l’attente commune et enthousiaste
d’
un au-delà libérateur. Ce n’est plus le rêve du retour aux origines, c
172
lus le rêve du retour aux origines, c’est le rêve
d’
un avenir éternel, d’une révélation inouïe. Il s’agit donc de l’attent
173
aux origines, c’est le rêve d’un avenir éternel,
d’
une révélation inouïe. Il s’agit donc de l’attente d’une communauté pr
174
éternel, d’une révélation inouïe. Il s’agit donc
de
l’attente d’une communauté progressive. La réalisation historique de
175
ne révélation inouïe. Il s’agit donc de l’attente
d’
une communauté progressive. La réalisation historique de la première p
176
communauté progressive. La réalisation historique
de
la première possibilité s’est amorcée dès la fin de la République rom
177
la première possibilité s’est amorcée dès la fin
de
la République romaine, quand César est devenu un dieu. Et c’est l’éch
178
quand César est devenu un dieu. Et c’est l’échec
de
cette religion d’État, confondu avec l’échec plus général d’une socié
179
evenu un dieu. Et c’est l’échec de cette religion
d’
État, confondu avec l’échec plus général d’une société bureaucratisée,
180
ligion d’État, confondu avec l’échec plus général
d’
une société bureaucratisée, qui a permis et préparé le triomphe du chr
181
Mais je demeure persuadé que la seule possibilité
d’
une communauté progressive n’eût pas suffi à éveiller la volonté de la
182
progressive n’eût pas suffi à éveiller la volonté
de
la réaliser et de la faire sortir de l’utopie. Il fallut qu’un fait h
183
pas suffi à éveiller la volonté de la réaliser et
de
la faire sortir de l’utopie. Il fallut qu’un fait historique, qu’un a
184
r la volonté de la réaliser et de la faire sortir
de
l’utopie. Il fallut qu’un fait historique, qu’un acte vînt transforme
185
dynamique. Et ce fait, c’est l’événement central
de
toute l’Histoire, la seule nouveauté absolue de tous les temps : l’in
186
l de toute l’Histoire, la seule nouveauté absolue
de
tous les temps : l’incarnation de Dieu dans l’homme fondant une socié
187
uveauté absolue de tous les temps : l’incarnation
de
Dieu dans l’homme fondant une société absolument nouvelle : l’Église.
188
ace ici ? C’est une communauté spirituelle formée
d’
un grand nombre de petites communautés locales, que l’on pourrait appe
189
e communauté spirituelle formée d’un grand nombre
de
petites communautés locales, que l’on pourrait appeler d’un terme mod
190
es communautés locales, que l’on pourrait appeler
d’
un terme moderne : des cellules. Ces communautés ne sont pas fondées s
191
», écrit saint Paul. Elles ne tiennent compte ni
de
la race, ni des traditions, ni du rang social : on y trouve des escla
192
as terrestre : il s’est assis au Ciel à la droite
de
Dieu. Leurs ambitions non plus ne sont pas terrestres, car ce qu’elle
193
autés étranges constituent bel et bien les germes
d’
une société véritable. Elles ont leur organisation sociale, leurs chef
194
ielle, mais ils y trouvent aussi des possibilités
de
servir leurs frères. Ils se voient donc libérés, et du même coup enga
195
agés dans un corps social nouveau. Prenons le cas
de
l’esclave qui devient chrétien. Alors que l’État romain lui déniait t
196
t spontanée, l’Église lui rend sa dignité humaine
d’
individu en même temps que son rôle actif de persona. Spirituellement,
197
maine d’individu en même temps que son rôle actif
de
persona. Spirituellement, il se produit un phénomène parallèle : le p
198
païen qui se convertit se voit d’une part racheté
de
son péché ; et d’autre part, il reçoit une mission nouvelle, une voca
199
ement et socialement, l’Église est une communauté
d’
hommes qui sont à la fois libres et engagés. Libérés par Celui qui les
200
ctoires, n’étant que deux aspects complémentaires
d’
une seule et même réalité : la conversion. Tel est l’homme neuf, créé
201
as l’individu grec, puisqu’il se soucie davantage
de
servir que de se distinguer. Et ce n’est pas non plus la persona du d
202
grec, puisqu’il se soucie davantage de servir que
de
se distinguer. Et ce n’est pas non plus la persona du droit romain, p
203
oit une vocation possède une dignité indépendante
de
son rôle social. Comment le baptiser ? Il faut un mot nouveau. Ou pl
204
le Père, le Fils et le Saint-Esprit, les docteurs
de
l’Église grecque avaient adopté le terme romain de persona. C’est ce
205
e l’Église grecque avaient adopté le terme romain
de
persona. C’est ce même terme qui va servir aux premiers philosophes c
206
miers philosophes chrétiens à désigner la réalité
de
l’homme dans un monde christianisé. Car cet homme, lui aussi, se trou
207
mot avec son sens nouveau, et la réalité sociale
de
la personne, sont bel et bien des créations chrétiennes ou, pour mieu
208
ns chrétiennes ou, pour mieux dire, des créations
de
l’Église chrétienne. Voici donc définis par leurs origines, et dans l
209
et dans leur genèse historique, les maîtres mots
de
notre conception occidentale de l’homme : l’individu et la personne.
210
les maîtres mots de notre conception occidentale
de
l’homme : l’individu et la personne. Et vous voyez que la distinction
211
inction entre ces deux vocables si courants, loin
d’
être une querelle byzantine, ne traduit rien de moins, dans les débuts
212
in d’être une querelle byzantine, ne traduit rien
de
moins, dans les débuts, que la distinction entre l’homme naturel et l
213
nt posées, faisons dans nos pensées un petit saut
de
quelques siècles, pour retomber tout à la fois dans l’époque de la Ré
214
ècles, pour retomber tout à la fois dans l’époque
de
la Réformation et dans le sujet précis qui nous occupe. L’Église prim
215
L’Église primitive a repris peu à peu l’héritage
de
l’Empire romain. Elle s’est peu à peu substituée aux cadres sclérosés
216
aux cadres sclérosés du vieux régime. La capitale
de
l’Empire d’Occident, ses hiérarchies, sa centralisation, sa structure
217
clérosés du vieux régime. La capitale de l’Empire
d’
Occident, ses hiérarchies, sa centralisation, sa structure unitaire, e
218
mes liturgiques, tout cela fait partie intégrante
de
la chrétienté médiévale. Or, cette collusion peut-être inévitable de
219
diévale. Or, cette collusion peut-être inévitable
de
l’Église et de l’Empire temporel, recréa, tout au long du Moyen Âge,
220
tte collusion peut-être inévitable de l’Église et
de
l’Empire temporel, recréa, tout au long du Moyen Âge, une sorte de co
221
rel, recréa, tout au long du Moyen Âge, une sorte
de
communauté sacrée, de société sacrale d’allure collectiviste. Il fall
222
ong du Moyen Âge, une sorte de communauté sacrée,
de
société sacrale d’allure collectiviste. Il fallait le prévoir. En eff
223
ne sorte de communauté sacrée, de société sacrale
d’
allure collectiviste. Il fallait le prévoir. En effet, la personne chr
224
En effet, la personne chrétienne était une sorte
de
paradoxe : elle unissait l’individu libre et la persona ou fonction s
225
mmunauté fondée sur la personne courait le danger
d’
une double déviation : d’une part vers l’individualisme, d’autre part
226
le et collective. » C’est-à-dire que la collusion
de
l’Église et du pouvoir politique tendait à opprimer la liberté de la
227
u pouvoir politique tendait à opprimer la liberté
de
la personne, en absorbant celle-ci de plus en plus dans des engagemen
228
situation quelque peu analogue à celle des débuts
de
la Grèce, en ce sens qu’une révolte de l’individu ne tarde pas à se m
229
des débuts de la Grèce, en ce sens qu’une révolte
de
l’individu ne tarde pas à se manifester. Cette révolte, c’est la Rena
230
r quelques traits qui rappelleront ma description
de
la Grèce individualiste. L’individu de la Renaissance est d’abord un
231
escription de la Grèce individualiste. L’individu
de
la Renaissance est d’abord un révolté qui oppose ses besoins propres
232
qui oppose ses besoins propres aux dogmes sacrés
de
la collectivité. Il revendique le droit de discuter, c’est-à-dire le
233
sacrés de la collectivité. Il revendique le droit
de
discuter, c’est-à-dire le libre examen de toutes choses. Il est assoi
234
e droit de discuter, c’est-à-dire le libre examen
de
toutes choses. Il est assoiffé de gloire et de richesse, de sa propre
235
le libre examen de toutes choses. Il est assoiffé
de
gloire et de richesse, de sa propre gloire, et de sa propre richesse,
236
en de toutes choses. Il est assoiffé de gloire et
de
richesse, de sa propre gloire, et de sa propre richesse, fussent-elle
237
choses. Il est assoiffé de gloire et de richesse,
de
sa propre gloire, et de sa propre richesse, fussent-elles acquises au
238
de gloire et de richesse, de sa propre gloire, et
de
sa propre richesse, fussent-elles acquises aux dépens de sa famille e
239
ussent-elles acquises aux dépens de sa famille et
de
sa cité, aux dépens même de la vie d’autrui. Un grand nombre de crime
240
pens de sa famille et de sa cité, aux dépens même
de
la vie d’autrui. Un grand nombre de crimes furent commis dans l’Itali
241
famille et de sa cité, aux dépens même de la vie
d’
autrui. Un grand nombre de crimes furent commis dans l’Italie du xve
242
x dépens même de la vie d’autrui. Un grand nombre
de
crimes furent commis dans l’Italie du xve siècle à seule fin d’acqué
243
t commis dans l’Italie du xve siècle à seule fin
d’
acquérir de la renommée. Et les pirates siciliens, fondateurs du capit
244
ns l’Italie du xve siècle à seule fin d’acquérir
de
la renommée. Et les pirates siciliens, fondateurs du capitalisme comm
245
cial, sont souvent cités comme les premiers types
d’
individus au sens moderne. Nous retrouvons ici cette liaison mystérieu
246
ici cette liaison mystérieuse entre la naissance
de
l’individu et le crime social. Enfin l’individu de la Renaissance se
247
e l’individu et le crime social. Enfin l’individu
de
la Renaissance se livre à une activité toute nouvelle : l’expérimenta
248
érimentation scientifique libre. Tout cela relève
d’
une seule et même volonté : celle de profaner le sacré collectif et se
249
t cela relève d’une seule et même volonté : celle
de
profaner le sacré collectif et ses tabous, afin de s’affirmer libre e
250
sabilité par rapport à la société. Qu’il s’agisse
de
libre examen, de crimes, de soif de gloire et de richesses, ou d’expé
251
ort à la société. Qu’il s’agisse de libre examen,
de
crimes, de soif de gloire et de richesses, ou d’expériences telles qu
252
ciété. Qu’il s’agisse de libre examen, de crimes,
de
soif de gloire et de richesses, ou d’expériences telles que la dissec
253
u’il s’agisse de libre examen, de crimes, de soif
de
gloire et de richesses, ou d’expériences telles que la dissection du
254
de libre examen, de crimes, de soif de gloire et
de
richesses, ou d’expériences telles que la dissection du corps humain,
255
de crimes, de soif de gloire et de richesses, ou
d’
expériences telles que la dissection du corps humain, c’est toujours u
256
te une réaction inévitable à la déviation romaine
de
la communauté catholique5. Entre ces deux déviations, contre l’oppres
257
ntre l’oppression collective et contre la révolte
de
l’individu, ce qui va se dresser pour proclamer les droits et les dev
258
dresser pour proclamer les droits et les devoirs
de
la personne chrétienne — c’est la Réforme. Nous touchons au cœur même
259
ersonnaliste. Bien au contraire : je vais essayer
de
vous montrer ce que pourrait et devrait être un personnalisme inspiré
260
pourrait et devrait être un personnalisme inspiré
de
la Réforme. Calvin ni Luther n’ont parlé de la personne en soi. Ils n
261
spiré de la Réforme. Calvin ni Luther n’ont parlé
de
la personne en soi. Ils n’ont pas fait une théorie personnaliste, ils
262
ême pas avoir entrevu la possibilité ou l’intérêt
d’
un tel problème. Mais ils ne parlent pas non plus de l’individu ou de
263
un tel problème. Mais ils ne parlent pas non plus
de
l’individu ou de la collectivité, et cependant toutes les réalités qu
264
Mais ils ne parlent pas non plus de l’individu ou
de
la collectivité, et cependant toutes les réalités que désignent ces t
265
mes sont présentes, et sont en conflit à l’époque
de
la Réforme. Essayons de les dégager sommairement. Le but unique des r
266
ont en conflit à l’époque de la Réforme. Essayons
de
les dégager sommairement. Le but unique des réformateurs était de res
267
ommairement. Le but unique des réformateurs était
de
restaurer la fidélité de l’Église à la Parole de Dieu. Jamais ils n’o
268
e des réformateurs était de restaurer la fidélité
de
l’Église à la Parole de Dieu. Jamais ils n’ont admis d’être présentés
269
de restaurer la fidélité de l’Église à la Parole
de
Dieu. Jamais ils n’ont admis d’être présentés comme des novateurs. «
270
glise à la Parole de Dieu. Jamais ils n’ont admis
d’
être présentés comme des novateurs. « Nous nous sommes efforcés, écrit
271
teurs. « Nous nous sommes efforcés, écrit Calvin,
de
ne pas mettre nos opinions personnelles à la place de l’exposition si
272
elles à la place de l’exposition simple et fidèle
de
la pure Parole de Dieu. » Du point de vue qui nous intéresse ici, je
273
e l’exposition simple et fidèle de la pure Parole
de
Dieu. » Du point de vue qui nous intéresse ici, je dirai que l’œuvre
274
vue qui nous intéresse ici, je dirai que l’œuvre
de
Calvin a consisté essentiellement à restaurer la doctrine de l’Église
275
consisté essentiellement à restaurer la doctrine
de
l’Église, de même qu’elle a consisté accidentellement, dans le plan p
276
ouvoir temporel. L’anarchisme, c’était la révolte
de
la Renaissance, et les sectes d’illuminés, c’est-à-dire l’individuali
277
était la révolte de la Renaissance, et les sectes
d’
illuminés, c’est-à-dire l’individualisme social et religieux. Calvin c
278
nt pour rembarrer ces deux vices, toute la pureté
de
la foi serait confuse. » L’Église primitive était une communauté spir
279
Église primitive était une communauté spirituelle
de
personnes, d’hommes nouveaux, à la fois libres et engagés, constituan
280
ve était une communauté spirituelle de personnes,
d’
hommes nouveaux, à la fois libres et engagés, constituant une multitud
281
fois libres et engagés, constituant une multitude
de
communautés locales. Telles seront à nouveau les Églises réformées. P
282
les seront à nouveau les Églises réformées. Point
de
centralisation, point de capitale, point d’unification formelle et fo
283
Églises réformées. Point de centralisation, point
de
capitale, point d’unification formelle et forcée. Dès le début, la Ré
284
Point de centralisation, point de capitale, point
d’
unification formelle et forcée. Dès le début, la Réforme considère com
285
ont des députés à des synodes, et il n’y aura pas
de
pape pour unifier temporellement toutes ces cellules vivantes, autono
286
s, l’Église une et sainte, l’Una Sancta, le Corps
de
Christ, nous apparaît, selon les propres termes de Calvin, dans la di
287
e Christ, nous apparaît, selon les propres termes
de
Calvin, dans la diversité « des Églises et ses personnes particulière
288
Avec ce terme, Calvin n’ajoute rien à la réalité
de
l’homme chrétien, du membre de l’Église, mais il apporte une précisio
289
rien à la réalité de l’homme chrétien, du membre
de
l’Église, mais il apporte une précision capitale à la définition de l
290
il apporte une précision capitale à la définition
de
la personne. À tel point que je dirais volontiers que la définition p
291
e dirais volontiers que la définition protestante
de
la personne, c’est la vocation. La persona romaine, c’était le rôle j
292
c’était le rôle joué par un individu dans le plan
de
l’État. La personne chrétienne, ce sera le rôle que Dieu attribue à c
293
ien que nous retrouvons ici le paradoxe essentiel
de
la personne : à la fois libre et engagée, distincte et reliée à nouve
294
communication avec son prochain. Ainsi la dignité
de
chaque individu est garantie non pas du seul fait qu’il existe physiq
295
fait qu’il peut incarner une volonté particulière
de
Dieu. Et dès lors, cet homme n’a pas seulement le droit d’être respec
296
Et dès lors, cet homme n’a pas seulement le droit
d’
être respecté par l’État, il a surtout le devoir d’agir, en tant qu’il
297
’être respecté par l’État, il a surtout le devoir
d’
agir, en tant qu’il est chargé d’une responsabilité unique dans la soc
298
urtout le devoir d’agir, en tant qu’il est chargé
d’
une responsabilité unique dans la société, à sa juste place. Notons qu
299
igure en particulier dans le serment des pasteurs
de
Genève, et dont l’actualité vous frappera certainement. « Je promets,
300
ppera certainement. « Je promets, dit le pasteur,
de
servir la Seigneurie et le peuple de telle manière que par cela je ne
301
le pasteur, de servir la Seigneurie et le peuple
de
telle manière que par cela je ne sois nullement empêché de rendre à D
302
manière que par cela je ne sois nullement empêché
de
rendre à Dieu le service que je lui dois par ma vocation. » C’est à m
303
onstitutionnel existant, qui puisse être qualifié
de
personnaliste, au sens précis où je l’entends. Diversité des Églises,
304
ù je l’entends. Diversité des Églises, fédération
de
ces diversités, multiplicité des vocations personnelles : tout cela,
305
ai. Mais il était inévitable et juste que ce type
de
relations influençât peu à peu toutes les autres relations humaines,
306
culier les relations politiques. Toute l’histoire
de
l’Europe serait à refaire à partir de cette constatation : que les fo
307
lus loin. Quelle fut donc la traduction politique
de
la doctrine calvinienne de l’Église et des vocations personnelles ? J
308
a traduction politique de la doctrine calvinienne
de
l’Église et des vocations personnelles ? Je n’hésite pas à le dire :
309
quelle fut l’action historique des hommes d’État
de
la Réforme calviniste ? Partout, et dès le début, l’obstacle princip
310
ils le purent, proposèrent au contraire des plans
d’
allure et d’intention nettement fédéralistes. L’absolutisme, la collus
311
t, proposèrent au contraire des plans d’allure et
d’
intention nettement fédéralistes. L’absolutisme, la collusion des pouv
312
ébrera « la France toute catholique sous le règne
de
Louis le Grand », c’est-à-dire la France « mise au pas » par l’homme
313
, centralisée, déjà presque totalitaire, et vidée
de
ses meilleures forces créatrices. Mais dès que le parti protestant re
314
oute différente. Il ne tombe jamais dans le piège
d’
opposer à l’absolutisme romain un absolutisme réformé. Au contraire. Q
315
absolutisme réformé. Au contraire. Qu’il s’agisse
de
la Transylvanie convertie au calvinisme et qui devient l’âme de la ré
316
anie convertie au calvinisme et qui devient l’âme
de
la résistance au centralisme des Habsbourg, qu’il s’agisse des Provin
317
ies des Pays-Bas ; qu’il s’agisse des fédérations
de
défense constituées par les huguenots ; ou de nos jours, bien que d’u
318
ons de défense constituées par les huguenots ; ou
de
nos jours, bien que d’une manière plus vague, des États-Unis d’Amériq
319
ées par les huguenots ; ou de nos jours, bien que
d’
une manière plus vague, des États-Unis d’Amérique et de l’Empire angla
320
manière plus vague, des États-Unis d’Amérique et
de
l’Empire anglais avec ses libres Dominions, — partout l’on voit les p
321
s, c’est-à-dire fédéraliste. Les synodes réformés
de
France, vers la fin du xvie siècle, préconisèrent à plusieurs repris
322
e, préconisèrent à plusieurs reprises des projets
d’
organisation fédérative du Royaume, comportant une large autonomie des
323
emier, sous Henry IV, conçut le « Grand Dessein »
d’
une fédération européenne ? Certes, les historiens attribuent à ces fa
324
dans les petits États qui éprouveraient le besoin
de
se fédérer contre l’Empire et contre Rome, et cela se vérifie souvent
325
siècle. Mais je maintiens que la cause profonde
de
la tendance fédéraliste protestante jusqu’à nos jours, est d’ordre pr
326
ce fédéraliste protestante jusqu’à nos jours, est
d’
ordre proprement spirituel. C’est bien le même état d’esprit qui expli
327
ne va pas sans l’autre. Nous pouvons le vérifier
d’
une autre manière encore. Qui dit respect des personnes, dit préoccupa
328
Qui dit respect des personnes, dit préoccupation
de
les éduquer. Et vous savez que les problèmes d’éducation furent dès l
329
n de les éduquer. Et vous savez que les problèmes
d’
éducation furent dès le début le grand souci des réformés. Calvin fond
330
grand souci des réformés. Calvin fonde le Collège
de
Genève en pleine période de guerre, dans une ville assiégée. Par cont
331
lvin fonde le Collège de Genève en pleine période
de
guerre, dans une ville assiégée. Par contre, on sait que les jésuites
332
ocations chez leurs élèves… Mais je m’en voudrais
d’
insister sur cet exemple qui me ferait la part trop belle. Contentons-
333
qui me ferait la part trop belle. Contentons-nous
de
le poser comme un repère. Ce que je voulais dégager, c’est que la doc
334
e l’État lui-même, dans certains cas, par le fait
de
sa vocation. C’est à cause de sa vocation qu’il est à la fois libre e
335
le paradoxe politique du fédéralisme : la liberté
de
chacun dans une action commune, l’équilibre vivant des tons complémen
336
intenant que voici définies, ou plutôt illustrées
d’
exemples historiques, certaines notions fondamentales telles que l’ind
337
et l’histoire présente. Car en définitive, c’est
de
cela qu’il s’agit. L’histoire n’est jamais qu’un tremplin pour mieux
338
is qu’un tremplin pour mieux sauter en plein cœur
de
l’actuel. Comment situer dans l’Europe d’aujourd’hui les positions ci
339
in cœur de l’actuel. Comment situer dans l’Europe
d’
aujourd’hui les positions civiques de la Réforme et sa morale ? Calvin
340
ans l’Europe d’aujourd’hui les positions civiques
de
la Réforme et sa morale ? Calvin, vous le savez, ne s’est jamais préo
341
Calvin, vous le savez, ne s’est jamais préoccupé
de
la forme des gouvernements. Il insiste à maintes reprises sur le fait
342
oligarchies et républiques sont également voulues
de
Dieu et doivent être obéies comme telles. Une fois cependant il marqu
343
Une fois cependant il marque une préférence, mais
de
l’ordre le plus général. C’est lorsqu’il écrit : « Le meilleur état d
344
néral. C’est lorsqu’il écrit : « Le meilleur état
de
gouvernement est celui-là où il y a une liberté bien tempérée et pour
345
durer longuement. » Il me semble que le spectacle
de
l’Europe contemporaine donne raison au réformateur. Et je ne crois pa
346
ajoutant cette précision : ce n’est pas la forme
d’
un État qui compte, mais bien la condition qu’il ménage à l’Église, et
347
n la condition qu’il ménage à l’Église, et l’idée
de
l’homme qu’il suppose. C’est en nous plaçant à ce double point de vue
348
nous plaçant à ce double point de vue : condition
de
l’Église et conception de l’homme, que nous pourrons le mieux départa
349
oint de vue : condition de l’Église et conception
de
l’homme, que nous pourrons le mieux départager les deux groupes de ré
350
ous pourrons le mieux départager les deux groupes
de
régimes qui s’affrontent aujourd’hui. Le premier groupe est celui des
351
Église et la personne. Nous y trouvons des formes
de
gouvernement aussi disparates que possible : d’abord les cinq monarch
352
le bloc des trois États totalitaires — que menace
de
rejoindre l’Espagne. Laissons de côté les différences politiques que
353
res — que menace de rejoindre l’Espagne. Laissons
de
côté les différences politiques que l’on pourrait marquer entre ces t
354
que ces différences, qui ne le voit, s’atténuent
d’
année en année7. Ce qu’il nous importe de souligner ici, ce sont deux
355
tténuent d’année en année7. Ce qu’il nous importe
de
souligner ici, ce sont deux traits évidemment communs à ces régimes :
356
assez forts pour lever le masque, et leur mépris
de
la personne. Voici, à mon avis, les causes de ces deux phénomènes. En
357
ris de la personne. Voici, à mon avis, les causes
de
ces deux phénomènes. En Russie, en Allemagne, à Rome et en Espagne, l
358
tre l’Église et l’État n’avait jamais été établie
d’
une manière satisfaisante. Le tsar par exemple, était à la fois chef d
359
r exemple, était à la fois chef de l’État et chef
de
l’Église : c’est ce qu’on nomme le césaropapisme. D’autre part, ses d
360
rés divers, et pour mille raisons très complexes,
de
l’un ou de l’autre de ces maux. La coupure entre le spirituel et le t
361
et pour mille raisons très complexes, de l’un ou
de
l’autre de ces maux. La coupure entre le spirituel et le temporel n’y
362
lle raisons très complexes, de l’un ou de l’autre
de
ces maux. La coupure entre le spirituel et le temporel n’y était pas
363
donc fatalement s’attaquer à l’autre. Et le chef
de
la révolution triomphante dans chacun de ces pays, se trouvait comme
364
le chef de la révolution triomphante dans chacun
de
ces pays, se trouvait comme contraint par le sentiment général de rep
365
trouvait comme contraint par le sentiment général
de
reprendre à son compte à la fois l’autorité d’un chef d’Église et le
366
al de reprendre à son compte à la fois l’autorité
d’
un chef d’Église et le pouvoir d’un chef d’État. Chacun sait qu’une Ré
367
endre à son compte à la fois l’autorité d’un chef
d’
Église et le pouvoir d’un chef d’État. Chacun sait qu’une Révolution c
368
fois l’autorité d’un chef d’Église et le pouvoir
d’
un chef d’État. Chacun sait qu’une Révolution copie toujours inconscie
369
césaropapistes comme les régimes qu’ils venaient
d’
abattre, et même beaucoup plus rigoureusement, car la religion dont il
370
ion dont ils étaient les chefs était une religion
de
guerre, possédant toute la virulence des corps chimiques à l’état nai
371
s à l’état naissant. D’autre part, l’instauration
de
ces régimes tyranniques fut largement facilitée, et même appelée, par
372
et même appelée, par l’absence dans tous ces pays
d’
élites civiques conscientes de leur mission. Dans un essai publié en 1
373
dans tous ces pays d’élites civiques conscientes
de
leur mission. Dans un essai publié en 1928, et intitulé l’Espagne inv
374
beaucoup de points, écrit-il, elles offrent ceci
de
commun qu’elles souffrent toutes les deux d’un manque évident et perm
375
ceci de commun qu’elles souffrent toutes les deux
d’
un manque évident et permanent d’individualités marquantes, … de perso
376
toutes les deux d’un manque évident et permanent
d’
individualités marquantes, … de personnalités autonomes. » Et de la so
377
ident et permanent d’individualités marquantes, …
de
personnalités autonomes. » Et de la sorte, Ortega laisse entendre que
378
és marquantes, … de personnalités autonomes. » Et
de
la sorte, Ortega laisse entendre que le destin de ces pays, du fait d
379
de la sorte, Ortega laisse entendre que le destin
de
ces pays, du fait de ce qu’il nomme « l’absence des meilleurs », ne s
380
aisse entendre que le destin de ces pays, du fait
de
ce qu’il nomme « l’absence des meilleurs », ne saurait être que l’abs
381
utre part il a toujours favorisé le développement
de
la personne et donc la formation d’élites civiques actives, on compre
382
développement de la personne et donc la formation
d’
élites civiques actives, on comprendra sans peine le fait suivant qui,
383
jamais été signalé : c’est qu’il existe une forme
de
totalitarisme correspondant à la Russie orthodoxe, une autre correspo
384
ts calvinistes, même laïcisés, comme c’est le cas
de
la France sous la Troisième République8. Cela ne signifie pas, bien e
385
l reste dans le pays une empreinte césaropapiste,
d’
où l’État totalitaire. Mais lorsque le calvinisme cesse d’être une foi
386
tat totalitaire. Mais lorsque le calvinisme cesse
d’
être une foi vivante, il laisse derrière lui une empreinte tout à fait
387
une empreinte tout à fait différente : une forme
d’
individualisme. Nous aurons l’occasion d’y revenir tout à l’heure. Car
388
ne forme d’individualisme. Nous aurons l’occasion
d’
y revenir tout à l’heure. Car, en effet, une opposition aussi radicale
389
bien, une description désintéressée et académique
de
divers régimes également soutenables dans l’abstrait. Je considère l’
390
ises. Je considère que nous n’avons plus le droit
de
l’étudier en curieux, en théoriciens ou en opportunistes, comme certa
391
ns qui se demandent encore, par exemple, s’il est
de
gauche ou de droite, alors qu’il est du diable, et que c’est en chrét
392
andent encore, par exemple, s’il est de gauche ou
de
droite, alors qu’il est du diable, et que c’est en chrétiens que nous
393
nous est déclarée. Or le meilleur, le seul moyen
de
se défendre — surtout quand il s’agit des choses de l’esprit — c’est
394
se défendre — surtout quand il s’agit des choses
de
l’esprit — c’est de connaître l’adversaire afin de reconnaître et de
395
ut quand il s’agit des choses de l’esprit — c’est
de
connaître l’adversaire afin de reconnaître et de tuer les plus secrèt
396
de connaître l’adversaire afin de reconnaître et
de
tuer les plus secrètes complicités qu’il a su ménager dans nos cœurs.
397
en est temps, des déviations qui feraient le jeu
de
l’ennemi. Connaître la doctrine de l’homme fasciste, c’est définir du
398
eraient le jeu de l’ennemi. Connaître la doctrine
de
l’homme fasciste, c’est définir du même coup certains dangers qui men
399
s dangers qui menacent en permanence notre morale
de
la personne. Je vais le montrer par deux exemples dont j’essaierai de
400
ais le montrer par deux exemples dont j’essaierai
de
tirer des conclusions pratiques. Quelle est la condition faite à l’Ég
401
première question est capitale. Car la politique
d’
un régime est toujours étroitement dépendante de l’attitude qu’il pren
402
e d’un régime est toujours étroitement dépendante
de
l’attitude qu’il prend vis-à-vis de l’Église et du fait religieux en
403
ne religion politique, ou encore en une politique
d’
allure religieuse. Et cela d’autant plus que la religion qu’il adopte
404
ore en une politique d’allure religieuse. Et cela
d’
autant plus que la religion qu’il adopte est, comme dans le cas des fa
405
cas des fascismes et du communisme, une religion
de
l’ici-bas sans transcendance, une religion dont les buts purement ter
406
ent terrestres ne divergent plus du tout des buts
de
la politique, se confondent même avec ceux-ci. Alors il n’y a plus d
407
onfondent même avec ceux-ci. Alors il n’y a plus
de
recours, plus de pardon à espérer : la communauté spirituelle ne peut
408
ec ceux-ci. Alors il n’y a plus de recours, plus
de
pardon à espérer : la communauté spirituelle ne peut pas en appeler à
409
tique religieuse totalitaire, a créé le type même
d’
une communauté régressive, c’est-à-dire d’une communauté fondée sur le
410
pe même d’une communauté régressive, c’est-à-dire
d’
une communauté fondée sur le passé : le sang, la race, la tradition, l
411
on ne pourra jamais y entrer — si l’on n’est pas
de
sang aryen, par exemple — car cette religion n’admet pas que « les ch
412
es choses vieilles sont passées » selon la parole
de
l’Apôtre. Elle n’admet pas la conversion spirituelle, à partir de laq
413
quels sont tes morts ? Religion du sang, religion
de
la terre et des morts, religion sanglante et mortelle, religion des c
414
des morts, des cortèges funèbres, des cérémonies
d’
imprécations, des sacrifices propitiatoires, le tam-tam des tambours l
415
propitiatoires, le tam-tam des tambours lugubres,
d’
hallucinants sabbats de nègres blancs ! Qui oserait encore nous souten
416
tam des tambours lugubres, d’hallucinants sabbats
de
nègres blancs ! Qui oserait encore nous soutenir que ce délire représ
417
s le pardon, le futur éternel, le rachat du péché
d’
origine ? À nous maintenant de rester vigilants, exigeants et vigilant
418
le rachat du péché d’origine ? À nous maintenant
de
rester vigilants, exigeants et vigilants, même et surtout sur des poi
419
urtout sur des points qui paraissent actuellement
de
peu d’importance. Par exemple : partout où l’on exalte ici, chez nous
420
sur des points qui paraissent actuellement de peu
d’
importance. Par exemple : partout où l’on exalte ici, chez nous, la ve
421
rts sacrés, même s’il s’agit, comme c’est le cas,
de
métaphores anodines, d’éloquence de tir fédéral, de développements ly
422
agit, comme c’est le cas, de métaphores anodines,
d’
éloquence de tir fédéral, de développements lyriques sur les ossements
423
c’est le cas, de métaphores anodines, d’éloquence
de
tir fédéral, de développements lyriques sur les ossements sacrés des
424
métaphores anodines, d’éloquence de tir fédéral,
de
développements lyriques sur les ossements sacrés des héros suisses, s
425
uisses, sachons reconnaître les premières racines
de
quelque chose qu’il ne faut pas laisser grandir. On nous parle, avec
426
s parle, avec les meilleures intentions du monde,
d’
une défense spirituelle du pays. Et je suis le premier à l’approuver.
427
’on fonde cette défense spirituelle sur la notion
de
« Suisse chrétienne », défions-nous de certains élans qui nous feraie
428
la notion de « Suisse chrétienne », défions-nous
de
certains élans qui nous feraient tomber à pieds joints dans la fatale
429
ale confusion du temporel et du spirituel. Parler
d’
une Suisse chrétienne quand beaucoup de Suisses, et des plus influents
430
out simplement, dans la pratique, à l’utilisation
de
l’Église pour des fins politiques, c’est-à-dire au césaropapisme. Si
431
stinction strictement calviniste entre les droits
de
l’Église et ceux de l’État. Beaucoup de choses en dépendent, pour l’a
432
t calviniste entre les droits de l’Église et ceux
de
l’État. Beaucoup de choses en dépendent, pour l’avenir immédiat ! Et
433
édiat ! Et enfin, sur le plan politique, essayons
de
comprendre une bonne fois le sens spirituel de notre fédéralisme, seu
434
ns de comprendre une bonne fois le sens spirituel
de
notre fédéralisme, seule doctrine politique existante qui doit radica
435
mpris au paradoxe vivant que représente en chacun
de
nous, la personne : l’homme qui sait ce qu’il doit engager tout en ga
436
est très simple. On a détruit l’un des deux pôles
de
la personne : celui de la liberté ou de l’autonomie, et l’on a tout r
437
étruit l’un des deux pôles de la personne : celui
de
la liberté ou de l’autonomie, et l’on a tout réduit à l’autre pôle :
438
eux pôles de la personne : celui de la liberté ou
de
l’autonomie, et l’on a tout réduit à l’autre pôle : celui de l’engage
439
mie, et l’on a tout réduit à l’autre pôle : celui
de
l’engagement social. L’homme étant totalement engagé, corps et esprit
440
alement engagé, corps et esprit, dans les rouages
de
l’État, et cet État ne reconnaissant plus aucune autorité qui transce
441
t limite son pouvoir, il n’y a plus aucun recours
de
l’individu à l’absolu divin, il n’y a donc plus aucune liberté. Tous
442
il n’y a donc plus aucune liberté. Tous les abus
de
pouvoir deviennent possibles. Certes, l’on crée des ersatz de personn
443
eviennent possibles. Certes, l’on crée des ersatz
de
personnes, ou plutôt de personnalités — des milliers de petits Führer
444
tes, l’on crée des ersatz de personnes, ou plutôt
de
personnalités — des milliers de petits Führer — mais c’est l’État et
445
sonnes, ou plutôt de personnalités — des milliers
de
petits Führer — mais c’est l’État et sa « mystique » qui les créent.
446
sa « mystique » qui les créent. On ne leur laisse
d’
initiative que dans les cadres qu’on leur a prescrits. Elles ne valent
447
les ne valent rien par elles-mêmes. Cette manière
de
créer des personnalités s’appelle au vrai : caporalisation. Et la per
448
vidu embrigadé, et non pas une vocation. Milliers
de
masques durs, volontairement durcis, de ces jeunes soldats politiques
449
Milliers de masques durs, volontairement durcis,
de
ces jeunes soldats politiques dressés à l’héroïsme en masse, à l’héro
450
le, si c’en est encore un ! — mais qui n’ont plus
de
courage civique. Militarisation d’un peuple ! C’est le contraire, le
451
qui n’ont plus de courage civique. Militarisation
d’
un peuple ! C’est le contraire, le mot l’indique, d’une véritable civi
452
un peuple ! C’est le contraire, le mot l’indique,
d’
une véritable civilisation. Qu’allons-nous opposer à cela ? Tout simpl
453
cette force reste pure ! Car de même que le culte
de
la terre et des morts, pour peu qu’il vienne à s’accentuer, risque de
454
orts, pour peu qu’il vienne à s’accentuer, risque
de
nous conduire un jour par une voie directe au fascisme, une certaine
455
voie directe au fascisme, une certaine déviation
de
notre morale, un certain culte de la « personnalité » en soi, un cert
456
taine déviation de notre morale, un certain culte
de
la « personnalité » en soi, un certain individualisme, risquent aussi
457
en soi, un certain individualisme, risquent aussi
de
nous y conduire, cette fois-ci d’une manière indirecte, du simple fai
458
risquent aussi de nous y conduire, cette fois-ci
d’
une manière indirecte, du simple fait qu’ils affaiblissent nos résista
459
istances spirituelles et nous font perdre le sens
de
l’Église. C’est ici de nos vertus mêmes qu’il importe de nous méfier.
460
t nous font perdre le sens de l’Église. C’est ici
de
nos vertus mêmes qu’il importe de nous méfier. Méfions-nous d’une cer
461
lise. C’est ici de nos vertus mêmes qu’il importe
de
nous méfier. Méfions-nous d’une certaine manière trop humaine de prôn
462
mêmes qu’il importe de nous méfier. Méfions-nous
d’
une certaine manière trop humaine de prôner ou de laisser prôner le pr
463
Méfions-nous d’une certaine manière trop humaine
de
prôner ou de laisser prôner le protestantisme créateur de personnalit
464
d’une certaine manière trop humaine de prôner ou
de
laisser prôner le protestantisme créateur de personnalités. Notre dan
465
r ou de laisser prôner le protestantisme créateur
de
personnalités. Notre danger intime et permanent, c’est le moralisme,
466
intime et permanent, c’est le moralisme, le culte
de
nos vertus utilisées pour des fins purement humaines. À force de loue
467
ns purement humaines. À force de louer la Réforme
d’
avoir été, comme on dit, « une pépinière d’individualités et de caract
468
éforme d’avoir été, comme on dit, « une pépinière
d’
individualités et de caractères bien trempés », nous courons le risque
469
comme on dit, « une pépinière d’individualités et
de
caractères bien trempés », nous courons le risque d’oublier que la Ré
470
caractères bien trempés », nous courons le risque
d’
oublier que la Réforme n’est pas faite pour l’homme d’abord. À force d
471
force de louer ses effets humains, nous risquons
de
trahir sa cause divine. N’oublions pas que la personnalité n’est bien
472
ité n’est bien souvent que le résidu, l’empreinte
d’
une personne sur un individu qui ne croit plus à sa vocation, et qui a
473
e ambiance protestante. Nous n’en avons que trop,
de
ces gloires « protestantes », laborieusement annexées et recensées pa
474
aborieusement annexées et recensées par une sorte
de
nationalisme huguenot, de ces hommes qui ne sont en fait que « sortis
475
recensées par une sorte de nationalisme huguenot,
de
ces hommes qui ne sont en fait que « sortis » du protestantisme… Cer
476
rotestantisme… Certes, nous pouvons nous réjouir
de
ce que la foi réformée, même quand elle cesse d’être vivante, laisse
477
de ce que la foi réformée, même quand elle cesse
d’
être vivante, laisse en se retirant beaucoup de personnalités. Cela co
478
us rares si nous laissons tarir les sources vives
de
la Réforme. Et puis, une personnalité en soi, sans vocation, ce n’est
479
isme à l’individualisme, dès que l’on perd la foi
de
la Réforme pour ne garder que ses vertus humaines et activistes. Et c
480
oderne, avec sa concurrence sans frein, phénomène
de
piraterie sociale, de mépris du bien commun, phénomène typiquement in
481
rence sans frein, phénomène de piraterie sociale,
de
mépris du bien commun, phénomène typiquement individualiste10. Un de
482
era sentir, je crois, toute l’importance pratique
de
cette distinction entre personne et personnalité. Hitler peut former,
483
ocations irréductibles aux ambitions spirituelles
de
l’État. Ces personnes-là, ce sont ses véritables adversaires, les seu
484
ux, et il le sait ! Si Niemöller est dans un camp
de
concentration, prisonnier personnel du Führer, ce n’est point parce q
485
i reproche son énergie ou ses talents, ses traits
de
caractère, son héroïsme durant la dernière guerre, bref, sa personnal
486
e, c’est-à-dire sa vocation particulière, qui est
de
prêcher l’Évangile. — Vous voyez que le Führer sait parfaitement opér
487
ersonne et personnalité. Je ne vois aucune raison
de
lui laisser le bénéfice exclusif d’une telle clairvoyance. Il est tem
488
aucune raison de lui laisser le bénéfice exclusif
d’
une telle clairvoyance. Il est temps de tirer, en deux mots, la conclu
489
e exclusif d’une telle clairvoyance. Il est temps
de
tirer, en deux mots, la conclusion de cette série de mises au point.
490
l est temps de tirer, en deux mots, la conclusion
de
cette série de mises au point. J’ai tenté de situer la Réforme dans l
491
tirer, en deux mots, la conclusion de cette série
de
mises au point. J’ai tenté de situer la Réforme dans l’évolution de l
492
sion de cette série de mises au point. J’ai tenté
de
situer la Réforme dans l’évolution de l’Europe, puis dans les conflit
493
J’ai tenté de situer la Réforme dans l’évolution
de
l’Europe, puis dans les conflits actuels. J’ai essayé de vous montrer
494
rope, puis dans les conflits actuels. J’ai essayé
de
vous montrer que sa doctrine représente, en sa pureté, le centre et l
495
représente, en sa pureté, le centre et l’axe même
de
la notion chrétienne de la personne, à la fois libre et engagée. Il e
496
, le centre et l’axe même de la notion chrétienne
de
la personne, à la fois libre et engagée. Il en résulte que la Réforme
497
ppelée à figurer, dans notre siècle, le type même
de
la sûre doctrine de résistance au paganisme politique 11. Ceci nous c
498
ns notre siècle, le type même de la sûre doctrine
de
résistance au paganisme politique 11. Ceci nous charge d’une responsa
499
tance au paganisme politique 11. Ceci nous charge
d’
une responsabilité devant l’Histoire. Que devons-nous faire pour nous
500
ns-nous faire pour nous montrer à peu près dignes
de
cette mission ? Simplement, mais aussi rigoureusement, et dans la ple
501
, et dans la pleine virulence du terme, redevenir
de
véritables protestants. Un véritable protestant, les faits le prouven
502
vent, sera toujours l’adversaire le plus efficace
de
l’esprit totalitaire. Déjà, beaucoup d’entre nous ont repris au série
503
s reste à prendre au sérieux la doctrine réformée
de
l’homme et de l’État. Ceci ne signifie pas que l’Église ait à propose
504
dre au sérieux la doctrine réformée de l’homme et
de
l’État. Ceci ne signifie pas que l’Église ait à proposer un programme
505
vendications conformes au Décalogue et à l’esprit
de
l’Évangile. Tout cela doit rester « occasionnel », mais dans le sens
506
aussi et d’abord contre les déviations humanistes
de
la personne : transformons nos démocraties individualistes en démocra
507
nous devons le vaincre, chez nous, par une espèce
de
croisade intérieure. Le chrétien est celui qui n’a pas d’autre ennemi
508
ade intérieure. Le chrétien est celui qui n’a pas
d’
autre ennemi à craindre que l’ennemi qu’il porte en lui-même. Car un e
509
e et extérieur, ce n’est jamais que l’incarnation
d’
une possibilité secrète, d’une tentation que chacun souffre dans son c
510
mais que l’incarnation d’une possibilité secrète,
d’
une tentation que chacun souffre dans son cœur. Alors seulement, purif
511
s et lucides, quand nous aurons repris conscience
de
notre force véritable, celle qui ne vient pas de nous, de nos « perso
512
force véritable, celle qui ne vient pas de nous,
de
nos « personnalités », mais de nos vocations, de nos personnes, alors
513
vient pas de nous, de nos « personnalités », mais
de
nos vocations, de nos personnes, alors seulement nous pourrons répéte
514
de nos « personnalités », mais de nos vocations,
de
nos personnes, alors seulement nous pourrons répéter la fière devise
515
« Tant plus à me frapper l’on s’amuse, tant plus
de
marteaux l’on y use.12 » 2. Conférence prononcée au mois de janvier
516
l’on y use.12 » 2. Conférence prononcée au mois
de
janvier 1939 dans les aulas des universités de Neuchâtel, Lausanne et
517
is de janvier 1939 dans les aulas des universités
de
Neuchâtel, Lausanne et Genève, sous les auspices des Amis de la pensé
518
l, Lausanne et Genève, sous les auspices des Amis
de
la pensée protestante, ainsi qu’à l’aula de l’Université de Bâle, sur
519
Amis de la pensée protestante, ainsi qu’à l’aula
de
l’Université de Bâle, sur la demande de l’Association générale des ét
520
ée protestante, ainsi qu’à l’aula de l’Université
de
Bâle, sur la demande de l’Association générale des étudiants de cette
521
’à l’aula de l’Université de Bâle, sur la demande
de
l’Association générale des étudiants de cette ville. 3. Il s’agit de
522
a demande de l’Association générale des étudiants
de
cette ville. 3. Il s’agit de septembre 1938 : « la paix de Munich ».
523
érale des étudiants de cette ville. 3. Il s’agit
de
septembre 1938 : « la paix de Munich ». 4. En Suisse, Emil Brunner (
524
ille. 3. Il s’agit de septembre 1938 : « la paix
de
Munich ». 4. En Suisse, Emil Brunner (Der Mensch im Widerspruch), et
525
Widerspruch), et Gonzague de Reynold (Conscience
de
la Suisse). 5. À partir de la fin du xiie siècle surtout. 6. Je ra
526
siècle surtout. 6. Je rappelle que ce texte date
de
janvier 1939. L’occupation de Prague eut lieu en mars. 7. Même rappe
527
e que ce texte date de janvier 1939. L’occupation
de
Prague eut lieu en mars. 7. Même rappel que ci-dessus. Le « Pacte d’
528
n mars. 7. Même rappel que ci-dessus. Le « Pacte
d’
acier » s’étant révélé un pacte ordinaire, les amis de l’Italie ont eu
529
ier » s’étant révélé un pacte ordinaire, les amis
de
l’Italie ont eu plutôt tendance, durant les premiers mois de la guerr
530
ont eu plutôt tendance, durant les premiers mois
de
la guerre, à souligner ce qui la distingue des autres dictatures. 8.
531
e des autres dictatures. 8. Qu’on ne déduise pas
de
ces remarques que les trois Églises citées sont responsables des troi
532
is bien que ces mouvements ont revêtu les erreurs
de
chacune de ces églises pour en faire la forme de leur doctrine. Encor
533
ces mouvements ont revêtu les erreurs de chacune
de
ces églises pour en faire la forme de leur doctrine. Encore le phénom
534
de chacune de ces églises pour en faire la forme
de
leur doctrine. Encore le phénomène s’est-il limité aux grands pays. L
535
lique n’est pas fasciste. 9. Sur la distinction,
d’
une importance capitale, entre les deux termes soulignés dans cette ph
536
Penser avec les mains , IIe partie : « La vertu
d’
autorité », pages 209 et suivantes. 10. Max Weber, luthérien « détach
537
holique « détaché », l’attribue aux accumulations
de
capitaux dans les couvents anglais ; selon Werner Sombart, tout vient
538
, c’est que l’invention du système est antérieure
de
plusieurs siècles à la Réforme, et son triomphe postérieur de quatre
539
siècles à la Réforme, et son triomphe postérieur
de
quatre siècles. Ce qui n’empêchera pas le premier ignare venu d’attri
540
es. Ce qui n’empêchera pas le premier ignare venu
d’
attribuer le tout à Calvin. On attribue bien l’hitlérisme à Luther !
541
tlérisme à Luther ! 11. Je dis bien le type même
de
sûre doctrine, et non pas la seule doctrine, et non pas le seul remèd
542
seul remède efficace dans l’immédiat. La doctrine
de
la Réforme représente à mes yeux la santé chrétienne. Un régime sain
543
e opération. Et les remèdes sont souvent composés
de
poisons… 12. Cette devise rend un son « suisse » à mon oreille. Et c
544
on « suisse » à mon oreille. Et c’est ici le lieu
de
le rappeler : le mot huguenot vient de « Eidguenot » ou « Eygenot » (
545
uenot » ou « Eygenot » (par Genève), c’est-à-dire
de
« Eidgenossen », ou Confédérés suisses. Les huguenots français voulai
546
l’un deux : « vivre en la liberté des Suisses et
de
faire cantons ». (Fédéralisme calviniste !)
547
La bataille
de
la culture13 Lorsque je me mis à réfléchir à ce que je vous dirais
548
rt en Suisse, dans une ferme montagnarde, au fond
d’
une chambre assez sombre et glaciale. Sur les parois boisées, je disti
549
la table, devant moi, mon casque et la blancheur
d’
un carré de papier. Je serrais un crayon dans mes doigts engourdis, et
550
devant moi, mon casque et la blancheur d’un carré
de
papier. Je serrais un crayon dans mes doigts engourdis, et j’essayais
551
n crayon dans mes doigts engourdis, et j’essayais
de
me rendre compte… Au-dehors, la neige et la brume. Plus loin, la fron
552
puis, flottant dans d’autres brumes, dernier îlot
d’
un autre monde, une salle éclairée, un public dont j’ignorais et le vi
553
s, et devant lequel je m’étais engagé à disserter
de
la culture… Un sentiment d’absurdité et d’impuissance m’envahit. Quel
554
is engagé à disserter de la culture… Un sentiment
d’
absurdité et d’impuissance m’envahit. Quel rapport pouvait-il y avoir
555
serter de la culture… Un sentiment d’absurdité et
d’
impuissance m’envahit. Quel rapport pouvait-il y avoir entre ces chose
556
ans une salle bien chauffée, et je leur parlerais
de
la culture… Quel sens pouvait avoir une conférence, au milieu des ang
557
érence, au milieu des angoisses et des brutalités
de
cette guerre étrange, si lentement engagée, comme si personne n’y cro
558
tout à coup, commençaient à se lancer des tonnes
d’
acier sur la tête, au lieu de discuter sérieusement leurs affaires ? Q
559
iscuter sérieusement leurs affaires ? Que servait
de
parler et de théoriser dans un monde à ce point stupéfié par une guer
560
usement leurs affaires ? Que servait de parler et
de
théoriser dans un monde à ce point stupéfié par une guerre que person
561
au contraire, seconde solution, il fallait partir
de
cela même, de cette situation passablement absurde, et y puiser les s
562
seconde solution, il fallait partir de cela même,
de
cette situation passablement absurde, et y puiser les seules raisons
563
e, et y puiser les seules raisons encore valables
de
parler. Vous voyez que je n’ai pas décidé de me taire. Or dans cette
564
bles de parler. Vous voyez que je n’ai pas décidé
de
me taire. Or dans cette décision de parler quand même, il y a déjà to
565
ai pas décidé de me taire. Or dans cette décision
de
parler quand même, il y a déjà toute la substance de ce que je voudra
566
parler quand même, il y a déjà toute la substance
de
ce que je voudrais vous dire ici. En effet : ou bien la culture est
567
i. En effet : ou bien la culture est une affaire
d’
agrément, un ensemble de spécialités paisibles, un superflu, et alors
568
a culture est une affaire d’agrément, un ensemble
de
spécialités paisibles, un superflu, et alors il convient de se taire
569
ités paisibles, un superflu, et alors il convient
de
se taire lorsque la situation devient sérieuse ; — ou bien la culture
570
e nous éprouvions tous un doute sur l’opportunité
d’
une conférence en temps de guerre, ce fait est significatif. Il prouve
571
doute sur l’opportunité d’une conférence en temps
de
guerre, ce fait est significatif. Il prouve que nous tenons la cultur
572
uve que nous tenons la culture pour quelque chose
d’
un peu moins sérieux que l’action, ou que la guerre, par exemple, ou s
573
se nationale. Or je vois là le signe très certain
d’
une crise — et d’une crise qui met en question les fondements mêmes de
574
je vois là le signe très certain d’une crise — et
d’
une crise qui met en question les fondements mêmes de la culture en Oc
575
ne crise qui met en question les fondements mêmes
de
la culture en Occident. Je voudrais vous montrer ce soir que cette cr
576
uences pratiques ; qu’elle est l’une des origines
de
la présente guerre ; et que cette guerre n’est, en fin de compte, mal
577
s ses prétextes matériels, qu’un épisode tragique
d’
une bataille bien plus vaste, la millénaire bataille de la culture.
578
bataille bien plus vaste, la millénaire bataille
de
la culture. L’adversaire est en nous S’il y a bataille, c’est do
579
ersaires. Quels sont-ils ? Mais d’abord, essayons
d’
écarter un malentendu menaçant. La bataille dont je vais vous parler n
580
uels belligérants, et il n’est pas question, ici,
de
confondre l’un des partis avec la cause de la culture, l’autre étant
581
, ici, de confondre l’un des partis avec la cause
de
la culture, l’autre étant le parti de l’anti-culture. Ce genre d’oppo
582
ec la cause de la culture, l’autre étant le parti
de
l’anti-culture. Ce genre d’opposition est très tentant, je l’avoue, e
583
’autre étant le parti de l’anti-culture. Ce genre
d’
opposition est très tentant, je l’avoue, et aujourd’hui plus que jamai
584
hui plus que jamais… C’est malgré tout un procédé
de
propagande de guerre. Un fameux général autrichien, Conrad von Hötzen
585
amais… C’est malgré tout un procédé de propagande
de
guerre. Un fameux général autrichien, Conrad von Hötzendorf, avait co
586
autrichien, Conrad von Hötzendorf, avait coutume
de
dire : « Tout ce qui n’est pas aussi simple qu’une gifle ne vaut rien
587
mes encore neutres, et nous avons encore le droit
de
ne pas nous livrer à ce genre de simplifications brutales. Notre prem
588
encore le droit de ne pas nous livrer à ce genre
de
simplifications brutales. Notre premier devoir me paraît, au contrair
589
es. Notre premier devoir me paraît, au contraire,
de
défendre l’intelligence contre un certain primitivisme qui se réveill
590
in primitivisme qui se réveille toujours en temps
de
guerre. Les primitifs ont l’habitude de personnifier les forces mauv
591
en temps de guerre. Les primitifs ont l’habitude
de
personnifier les forces mauvaises qui les menacent. S’ils sont malade
592
’ils sont malades, ils pensent que c’est la faute
d’
un objet maléfique, ou d’un sorcier, ou d’un esprit qui rôde autour de
593
nsent que c’est la faute d’un objet maléfique, ou
d’
un sorcier, ou d’un esprit qui rôde autour de leur maison. Toujours, l
594
a faute d’un objet maléfique, ou d’un sorcier, ou
d’
un esprit qui rôde autour de leur maison. Toujours, la cause du mal, c
595
sous l’influence du christianisme, s’est efforcée
de
nous faire comprendre que la vraie cause de nos malheurs est presque
596
orcée de nous faire comprendre que la vraie cause
de
nos malheurs est presque toujours en nous-mêmes. Il faut reconnaître,
597
a manie des primitifs : nous rendons responsables
de
nos maux — les autres, uniquement les autres, ceux d’un autre parti,
598
os maux — les autres, uniquement les autres, ceux
d’
un autre parti, ceux d’une autre nation… Nous faisons tous comme les p
599
niquement les autres, ceux d’un autre parti, ceux
d’
une autre nation… Nous faisons tous comme les petits enfants qui batte
600
e ils se sont heurtés. Il est facile et rassurant
de
noircir le voisin pour mieux se blanchir soi-même. Mais en réalité, n
601
nos adversaires ne diffèrent pas essentiellement
de
nous. Tout homme porte en soi les microbes de presque toutes les mala
602
ent de nous. Tout homme porte en soi les microbes
de
presque toutes les maladies imaginables. Et cet ennemi qui nous menac
603
qui nous menace, il ne serait nullement suffisant
de
l’anéantir pour nous en délivrer. Car la tendance qu’il personnifie à
604
t, pour nous défendre, c’est en nous qu’il s’agit
de
l’attaquer, et avant tout, de la reconnaître14. Défendre la culture c
605
n nous qu’il s’agit de l’attaquer, et avant tout,
de
la reconnaître14. Défendre la culture contre elle-même et contre nous
606
es faits très simples, bien connus, qu’il suffira
de
rassembler pour qu’une leçon claire s’en dégage. Disharmonie de no
607
r qu’une leçon claire s’en dégage. Disharmonie
de
nos activités et impuissance de l’esprit Songeant à notre civilisa
608
e. Disharmonie de nos activités et impuissance
de
l’esprit Songeant à notre civilisation moderne, je suis de plus en
609
une étonnante disharmonie entre les divers ordres
de
nos activités — d’autre part, une angoissante impuissance de l’esprit
610
vités — d’autre part, une angoissante impuissance
de
l’esprit devant ce monde comme il va. Prenons des exemples concrets.
611
plus grossier, de plus quelconque dans le style,
de
moins organique dans sa structure qu’un de ces discours de propagande
612
style, de moins organique dans sa structure qu’un
de
ces discours de propagande que nous déverse la radio… Si vous passez
613
organique dans sa structure qu’un de ces discours
de
propagande que nous déverse la radio… Si vous passez du poème au disc
614
ssez du poème au discours, vous avez l’impression
de
changer d’humanité, d’âge historique et de civilisation. Jamais, dans
615
me au discours, vous avez l’impression de changer
d’
humanité, d’âge historique et de civilisation. Jamais, dans aucun sièc
616
rs, vous avez l’impression de changer d’humanité,
d’
âge historique et de civilisation. Jamais, dans aucun siècle européen,
617
ession de changer d’humanité, d’âge historique et
de
civilisation. Jamais, dans aucun siècle européen, on n’avait constaté
618
n’avait constaté pareil écart entre les créations
de
la culture et les produits de consommation destinés à l’usage des mas
619
entre les créations de la culture et les produits
de
consommation destinés à l’usage des masses. Tel grand chimiste scandi
620
ceux qui travailleront pour la paix. Mais l’état
de
notre culture est tel que l’invention sera utilisée pour détruire cet
621
cifique verra retomber sur sa tête, sous la forme
d’
une bombe de 1000 kilos son invention humanitaire. Par quelle fatalité
622
a retomber sur sa tête, sous la forme d’une bombe
de
1000 kilos son invention humanitaire. Par quelle fatalité mauvaise to
623
re. Par quelle fatalité mauvaise tous les progrès
de
notre science contribuent-ils à ravager la civilisation qui les produ
624
ous posé cette question-là. Mais il ne suffit pas
de
se la poser et ensuite de se lamenter. Il faut voir ce que signifie u
625
. Mais il ne suffit pas de se la poser et ensuite
de
se lamenter. Il faut voir ce que signifie une si cruelle disharmonie,
626
xiste des remèdes. Car il ne serait pas suffisant
de
n’accuser que la méchanceté des hommes : c’est l’esprit même de la cu
627
ue la méchanceté des hommes : c’est l’esprit même
de
la culture moderne, et son défaut de sagesse générale qui se trouve i
628
’esprit même de la culture moderne, et son défaut
de
sagesse générale qui se trouve ici mis à nu. Un autre fait encore dan
629
entions techniques est double : il est d’une part
d’
économiser du travail d’hommes par les machines, et donc de créer du l
630
ouble : il est d’une part d’économiser du travail
d’
hommes par les machines, et donc de créer du loisir ; d’autre part, d’
631
ser du travail d’hommes par les machines, et donc
de
créer du loisir ; d’autre part, d’élever le niveau général du confort
632
hines, et donc de créer du loisir ; d’autre part,
d’
élever le niveau général du confort. Or chacun sait que les résultats
633
les résultats pratiques du machinisme ne sont pas
d’
augmenter les loisirs, mais bien d’augmenter le chômage, et qu’au lieu
634
me ne sont pas d’augmenter les loisirs, mais bien
d’
augmenter le chômage, et qu’au lieu d’élever le niveau général, l’indu
635
eu d’élever le niveau général, l’industrie a créé
d’
immenses masses de misérables, déracinées et démoralisées. Enfin je vo
636
eau général, l’industrie a créé d’immenses masses
de
misérables, déracinées et démoralisées. Enfin je vous citerai un cas
637
n cas individuel assez typique. Un grand banquier
de
Paris, membre d’un comité de bienfaisance, fut interrogé un jour, dev
638
assez typique. Un grand banquier de Paris, membre
d’
un comité de bienfaisance, fut interrogé un jour, devant moi, par un d
639
e. Un grand banquier de Paris, membre d’un comité
de
bienfaisance, fut interrogé un jour, devant moi, par un de ses collèg
640
isance, fut interrogé un jour, devant moi, par un
de
ses collègues. Était-il vrai, lui demandait-on, que sa banque finançâ
641
ar tout ce que j’ai à voir, ce sont deux colonnes
de
chiffres, dont la balance est favorable à ma maison. L’exemple peut p
642
part, il illustre à merveille le vice fondamental
de
notre société et aussi de notre culture : c’est une absence totale de
643
lle le vice fondamental de notre société et aussi
de
notre culture : c’est une absence totale de vues d’ensemble. Ce qui n
644
aussi de notre culture : c’est une absence totale
de
vues d’ensemble. Ce qui nous manque absolument, c’est un grand princi
645
notre culture : c’est une absence totale de vues
d’
ensemble. Ce qui nous manque absolument, c’est un grand principe d’uni
646
i nous manque absolument, c’est un grand principe
d’
unité entre notre pensée et nos actions. Cette absence d’un principe d
647
entre notre pensée et nos actions. Cette absence
d’
un principe d’unité est si totale qu’on ne la ressent même plus comme
648
ensée et nos actions. Cette absence d’un principe
d’
unité est si totale qu’on ne la ressent même plus comme un scandale. E
649
vait disharmonie, contradiction, entre son comité
de
bienfaisance, les intérêts de sa banque, et le massacre des Chinois.
650
n, entre son comité de bienfaisance, les intérêts
de
sa banque, et le massacre des Chinois. Chacune de ces activités lui p
651
de sa banque, et le massacre des Chinois. Chacune
de
ces activités lui paraissait, en somme, justifiable en elle-même, pou
652
pas tout mélanger… Et, en effet, nous mélangeons
de
moins en moins notre pensée à notre action. L’impuissance de la pensé
653
moins notre pensée à notre action. L’impuissance
de
la pensée sur la conduite générale des affaires, tel est le dogme fon
654
nérale des affaires, tel est le dogme fondamental
de
la mentalité moderne. C’est plus qu’un dogme, c’est une croyance spon
655
Il est admis, dans notre société, que les hommes
de
la pensée n’ont rien à dire d’utile aux hommes d’action, aux capitain
656
té, que les hommes de la pensée n’ont rien à dire
d’
utile aux hommes d’action, aux capitaines de l’industrie ou de la guer
657
de la pensée n’ont rien à dire d’utile aux hommes
d’
action, aux capitaines de l’industrie ou de la guerre. Le divorce a ét
658
dire d’utile aux hommes d’action, aux capitaines
de
l’industrie ou de la guerre. Le divorce a été prononcé entre la cultu
659
hommes d’action, aux capitaines de l’industrie ou
de
la guerre. Le divorce a été prononcé entre la culture et l’action, en
660
ction, entre le cerveau et la main. Les résultats
de
ce divorce sont infinis. Mais le plus décisif, sans doute, est celui-
661
a culture apparaît aujourd’hui comme une activité
de
luxe, et l’action seule est tenue pour sérieuse. En voici la preuve.
662
e. Quand la situation devient grave, comme en cas
de
guerre par exemple, tout le monde trouve parfaitement naturel que la
663
sée abdique sa liberté et se soumette aux besoins
de
l’action, du haut en bas de l’échelle de nos occupations. Tout le mon
664
soumette aux besoins de l’action, du haut en bas
de
l’échelle de nos occupations. Tout le monde trouve parfaitement natur
665
besoins de l’action, du haut en bas de l’échelle
de
nos occupations. Tout le monde trouve parfaitement naturel de cesser
666
ations. Tout le monde trouve parfaitement naturel
de
cesser d’acheter des livres : c’est la première économie que l’on fer
667
ut le monde trouve parfaitement naturel de cesser
d’
acheter des livres : c’est la première économie que l’on fera. De même
668
mière économie que l’on fera. De même qu’en temps
de
restrictions alimentaires on trouve tout naturel de se priver de dess
669
restrictions alimentaires on trouve tout naturel
de
se priver de dessert. Oui, la culture est devenue pour nous quelque c
670
alimentaires on trouve tout naturel de se priver
de
dessert. Oui, la culture est devenue pour nous quelque chose comme un
671
ue la pensée est impuissante sur les lois fatales
de
l’action. Si les discours ne trompent plus personne, si les mots n’on
672
ne trompent plus personne, si les mots n’ont plus
de
pouvoir, si les critiques même les plus perspicaces de notre temps so
673
uvoir, si les critiques même les plus perspicaces
de
notre temps sont autant de cris dans le désert, alors ? Laissons les
674
e les plus perspicaces de notre temps sont autant
de
cris dans le désert, alors ? Laissons les choses aller… Les clercs se
675
ssons les choses aller… Les clercs se consoleront
de
leur impuissance tant qu’on les laissera faire des fiches dans l’indi
676
fiches dans l’indifférence générale. Quand on dit
de
quelqu’un : c’est un intellectuel ! cela signifie : c’est un monsieur
677
i ne vaut rien pour conduire la cité, pour gagner
de
l’argent, pour faire des choses sérieuses… Et cependant, une société
678
rieuses… Et cependant, une société où les valeurs
de
la pensée n’ont plus aucun rapport avec les lois de l’action, une soc
679
la pensée n’ont plus aucun rapport avec les lois
de
l’action, une société qui manque à ce point d’harmonie, et où ce manq
680
is de l’action, une société qui manque à ce point
d’
harmonie, et où ce manque n’est même plus ressenti comme un scandale,
681
sera toujours le seul aboutissement. L’esprit
de
Ponce Pilate Mais alors, qui est responsable de ce divorce entre l
682
e Ponce Pilate Mais alors, qui est responsable
de
ce divorce entre la main et le cerveau ? Nous voyons bien où il nous
683
u ? Nous voyons bien où il nous a menés. Essayons
de
voir d’où il vient. Il y a des causes matérielles, d’abord, qui peuve
684
voyons bien où il nous a menés. Essayons de voir
d’
où il vient. Il y a des causes matérielles, d’abord, qui peuvent dans
685
des machines a brusquement accru nos possibilités
d’
action sur la matière. L’industrie et le commerce ont provoqué la brus
686
e et le commerce ont provoqué la brusque création
de
villes énormes, dix ou cent fois plus grandes que celles qu’on connai
687
uparavant. Ainsi Berlin passe, en un demi-siècle,
de
25 000 habitants à 4 millions. Dans ces villes, se sont entassées des
688
celles des monstres antédiluviens. La population
de
l’Europe a plus que doublé en cent ans, ses richesses ont été décuplé
689
tous ces éléments réunis ont provoqué la création
d’
armées considérables, agrandissant le phénomène de la guerre, brusquem
690
d’armées considérables, agrandissant le phénomène
de
la guerre, brusquement, aux proportions de la nation entière. Voici d
691
nomène de la guerre, brusquement, aux proportions
de
la nation entière. Voici donc, dans tous les domaines, que nos pouvoi
692
ci donc, dans tous les domaines, que nos pouvoirs
d’
agir matériellement grandissent, par une mutation brusque dans la prop
693
sent, par une mutation brusque dans la proportion
de
1 à 100. Que va faire la pensée, en présence de cet essor fulgurant d
694
ire la pensée, en présence de cet essor fulgurant
de
l’action ? Et que va faire la culture ? Il semble que la société devi
695
ciété devienne trop gigantesque pour être dominée
d’
un seul regard. Une seule intelligence ne peut plus en comprendre et e
696
menacent et souffrent… Tout cela échappe aux vues
de
l’esprit rationaliste, et le panorama de la société devient confus. P
697
aux vues de l’esprit rationaliste, et le panorama
de
la société devient confus. Plus rien n’est à la mesure de l’homme ind
698
ciété devient confus. Plus rien n’est à la mesure
de
l’homme individuel. Quand nous regardons en arrière, nous nous disons
699
ient dû faire à ce moment-là un formidable effort
de
mise en ordre ; ils auraient dû être saisis tout à la fois d’angoisse
700
rdre ; ils auraient dû être saisis tout à la fois
d’
angoisse et d’enthousiasme devant ce monde démesuré, porteur de tels p
701
aient dû être saisis tout à la fois d’angoisse et
d’
enthousiasme devant ce monde démesuré, porteur de tels pouvoirs de vie
702
d’enthousiasme devant ce monde démesuré, porteur
de
tels pouvoirs de vie ou de mort. Songez donc : si tous ces pouvoirs a
703
evant ce monde démesuré, porteur de tels pouvoirs
de
vie ou de mort. Songez donc : si tous ces pouvoirs avaient été coordo
704
onde démesuré, porteur de tels pouvoirs de vie ou
de
mort. Songez donc : si tous ces pouvoirs avaient été coordonnés, orie
705
tés par une vue générale, par une notion générale
de
l’homme et des buts de sa destinée, ils pouvaient créer une belle vie
706
e, par une notion générale de l’homme et des buts
de
sa destinée, ils pouvaient créer une belle vie ! Mais si ces mêmes po
707
onnés à l’anarchie, s’ils se développaient chacun
de
son côté sans tenir compte d’aucune harmonie ni d’aucune mesure humai
708
éveloppaient chacun de son côté sans tenir compte
d’
aucune harmonie ni d’aucune mesure humaine, ils ne pouvaient créer qu’
709
e son côté sans tenir compte d’aucune harmonie ni
d’
aucune mesure humaine, ils ne pouvaient créer qu’une vie fausse, une v
710
uvaise, antihumaine. C’eût été le rôle des hommes
de
la pensée que d’avertir les hommes d’action. Ils avaient là une chanc
711
ne. C’eût été le rôle des hommes de la pensée que
d’
avertir les hommes d’action. Ils avaient là une chance et un devoir vi
712
des hommes de la pensée que d’avertir les hommes
d’
action. Ils avaient là une chance et un devoir vital. Or, ils ont perd
713
ance. Ils n’ont pas vu le danger, ils ont eu peur
de
le prévoir. Et c’est ici que nous allons découvrir le grand ennemi in
714
que nous allons découvrir le grand ennemi intime
de
la culture, c’est chez les philosophes et les penseurs qu’il s’est d’
715
t d’abord manifesté. Et je le nommerai : l’esprit
de
démission, de non-intervention, ou la démission de l’esprit. C’est l’
716
festé. Et je le nommerai : l’esprit de démission,
de
non-intervention, ou la démission de l’esprit. C’est l’esprit même d’
717
e démission, de non-intervention, ou la démission
de
l’esprit. C’est l’esprit même d’un Ponce Pilate, le sceptique qui se
718
ou la démission de l’esprit. C’est l’esprit même
d’
un Ponce Pilate, le sceptique qui se lave les mains et laisse les chos
719
, et par ce qu’ils appelaient le désintéressement
de
la pensée. Ils ont renoncé à leur mission de directeurs spirituels de
720
ment de la pensée. Ils ont renoncé à leur mission
de
directeurs spirituels de la cité. Bien sûr, ils n’ont pas dit : notre
721
t renoncé à leur mission de directeurs spirituels
de
la cité. Bien sûr, ils n’ont pas dit : notre pensée, à partir d’aujou
722
n sûr, ils n’ont pas dit : notre pensée, à partir
d’
aujourd’hui, renonce à agir, mais ils ont dit : la dignité de la pensé
723
ui, renonce à agir, mais ils ont dit : la dignité
de
la pensée réside dans son détachement de toute action, dans son désin
724
dignité de la pensée réside dans son détachement
de
toute action, dans son désintéressement scientifique. Ils n’ont pas d
725
s n’ont pas dit : nous ne voulons plus rien faire
d’
utile, mais ils ont dit : on ne peut plus rien faire, car l’histoire e
726
angoissant des faits, ils ont opposé des milliers
de
pages de rhétorique sur le Progrès. Merveilleuse doctrine que celle-l
727
t des faits, ils ont opposé des milliers de pages
de
rhétorique sur le Progrès. Merveilleuse doctrine que celle-là ! Car e
728
lle justifie tout, endort l’esprit et le dispense
de
toute intervention active. Pourquoi s’inquiéter des effets futurs de
729
on active. Pourquoi s’inquiéter des effets futurs
de
ces capitaux accumulés ou du sort de ces masses humaines rassemblées
730
ffets futurs de ces capitaux accumulés ou du sort
de
ces masses humaines rassemblées ? Primo : notre esprit est trop disti
731
ds que la croyance au Progrès est devenue l’opium
de
la pensée. Bien entendu, ce n’est point parce qu’ils étaient méchants
732
é cette attitude. Le vrai reproche qu’il convient
de
leur faire, c’est avant tout d’avoir manqué de lucidité. Et s’ils en
733
he qu’il convient de leur faire, c’est avant tout
d’
avoir manqué de lucidité. Et s’ils en ont manqué, c’est parce que leur
734
nt de leur faire, c’est avant tout d’avoir manqué
de
lucidité. Et s’ils en ont manqué, c’est parce que leur croyance au Pr
735
parce que leur croyance au Progrès les dispensait
de
l’inquiétude d’où naît toujours la lucidité. Et voici un second repr
736
royance au Progrès les dispensait de l’inquiétude
d’
où naît toujours la lucidité. Et voici un second reproche : ils ont e
737
té. Et voici un second reproche : ils ont essayé
de
justifier leur impuissance pratique par des systèmes philosophiques.
738
n pense ou travaille pour soi, sans se préoccuper
de
l’ensemble : le Progrès, automatiquement, se chargera du reste, et to
739
traire, décrit avec une sombre joie notre absence
de
liberté, toutes les fatalités économiques qui, selon lui, dominent no
740
oit qu’elle plane, orgueilleuse et pure au-dessus
de
la matière et de ses lois — selon les libéraux — soit qu’au contraire
741
, orgueilleuse et pure au-dessus de la matière et
de
ses lois — selon les libéraux — soit qu’au contraire, humble et servi
742
ères généraux par lesquels se trahit la démission
de
l’esprit, je dirais : goût des automatismes, croyance aux fatalités
743
: goût des automatismes, croyance aux fatalités
de
l’Histoire et de l’Économie, manie des organisations trop vastes et u
744
matismes, croyance aux fatalités de l’Histoire et
de
l’Économie, manie des organisations trop vastes et uniformes, optimis
745
formes, optimisme trop confortable, enfin, manque
d’
imagination. Or la plupart de ces choses ont paru magnifiques et série
746
e Kierkegaard et Nietzsche pour protester du fond
de
leur solitude15. Kierkegaard qui osa écrire ce blasphème contre les p
747
s préjugés du siècle : « Le plus grand adversaire
de
l’esprit, c’est la presse quotidienne. On ne peut plus prêcher le chr
748
dans un monde où règne la presse. » Et Nietzsche,
de
son côté, dénonçait la manie d’organiser et de centraliser en écrivan
749
. » Et Nietzsche, de son côté, dénonçait la manie
d’
organiser et de centraliser en écrivant : « L’État est le plus froid p
750
e, de son côté, dénonçait la manie d’organiser et
de
centraliser en écrivant : « L’État est le plus froid parmi les monstr
751
abandonné à son mouvement fatal. Le développement
de
l’industrie a produit évidemment beaucoup d’automobiles, de téléphone
752
ment de l’industrie a produit évidemment beaucoup
d’
automobiles, de téléphones et de frigidaires, mais il a aussi produit
753
trie a produit évidemment beaucoup d’automobiles,
de
téléphones et de frigidaires, mais il a aussi produit beaucoup de can
754
idemment beaucoup d’automobiles, de téléphones et
de
frigidaires, mais il a aussi produit beaucoup de canons et de masques
755
es, mais il a aussi produit beaucoup de canons et
de
masques à gaz. Il a produit beaucoup de confort, mais il a également
756
te catastrophe humaine, l’un des désastres moraux
de
l’Histoire. Tout cela, faute d’harmonie et de mesure humaine, faute d
757
désastres moraux de l’Histoire. Tout cela, faute
d’
harmonie et de mesure humaine, faute d’un grand principe directeur, sp
758
aux de l’Histoire. Tout cela, faute d’harmonie et
de
mesure humaine, faute d’un grand principe directeur, spirituel ou cul
759
ela, faute d’harmonie et de mesure humaine, faute
d’
un grand principe directeur, spirituel ou culturel. Tout cela parce qu
760
infaillible, et que la seule tâche sérieuse était
de
gagner de l’argent en attendant que les choses s’arrangent d’elles-mê
761
e, et que la seule tâche sérieuse était de gagner
de
l’argent en attendant que les choses s’arrangent d’elles-mêmes. Or, e
762
l’argent en attendant que les choses s’arrangent
d’
elles-mêmes. Or, en réalité, rien ne s’est arrangé. Et voici où nous r
763
e n’a plus en fait l’initiative, ce sont les lois
de
la production et de la guerre qui imposent leurs nécessités à notre p
764
’initiative, ce sont les lois de la production et
de
la guerre qui imposent leurs nécessités à notre pensée impuissante. Q
765
rde pas à se défaire. Dès que la pensée se sépare
de
l’action, les hommes se trouvent séparés les uns des autres. Chacun,
766
cées par des principes contradictoires et privées
de
commune mesure. Décadence de la communauté Je préciserai ce que
767
toires et privées de commune mesure. Décadence
de
la communauté Je préciserai ce que j’appelle ici la commune mesure
768
préciserai ce que j’appelle ici la commune mesure
d’
une civilisation : c’est le principe qui doit harmoniser toutes les ac
769
principe qui doit harmoniser toutes les activités
d’
une société donnée. Dans la cité grecque, par exemple, tout était rapp
770
que, par exemple, tout était rapporté à la mesure
de
l’individu raisonnable. Dans l’Empire romain, tout était réglé par le
771
ns l’Empire romain, tout était réglé par le droit
d’
État. Chez les Juifs, c’était la Loi de Moïse qui ordonnait toute l’ex
772
r le droit d’État. Chez les Juifs, c’était la Loi
de
Moïse qui ordonnait toute l’existence dans ses plus minutieux détails
773
enant que tout, dans le monde, échappe aux prises
de
l’esprit humain, il ne reste qu’un seul principe pour mesurer la vale
774
reste qu’un seul principe pour mesurer la valeur
de
nos actes : c’est l’Argent. Et quand il n’y a plus d’argent : c’est l
775
os actes : c’est l’Argent. Et quand il n’y a plus
d’
argent : c’est la misère. Et quand la misère est trop grande, alors c’
776
ande, alors c’est l’État-providence qui se charge
de
tout mettre au pas. Le malheur, c’est que l’Argent et l’État sont des
777
nt des principes qui ne valent rien dans le monde
de
l’esprit. Et dès lors, la culture en chômage se corrompt rapidement,
778
’asservit. Je vous donnerai un exemple que chacun
de
vous peut vérifier quotidiennement. Le fondement et le symbole de tou
779
ifier quotidiennement. Le fondement et le symbole
de
toute culture, c’est le langage. Or nous assistons aujourd’hui à une
780
pays. Au cours des siècles précédents, les hommes
d’
une même société s’entendaient sur le sens de certains mots fondamenta
781
mmes d’une même société s’entendaient sur le sens
de
certains mots fondamentaux que j’appellerai les lieux communs. C’étai
782
appellerai les lieux communs. C’était sur la base
de
ces mots, définis une fois pour toutes, que les échanges d’idées pouv
783
s, définis une fois pour toutes, que les échanges
d’
idées pouvaient se produire sans erreur ni malentendu. Les lieux commu
784
entendu. Les lieux communs étaient donc à la base
de
toute la vie sociale du siècle. Que sont-ils devenus parmi nous ? Pre
785
es plus fréquents dans les discours et les écrits
de
notre époque : esprit, liberté et ordre. Je constate que le mot espri
786
it a déjà 29 sens différents dans le dictionnaire
de
Littré. Mais cela n’est pas un mal, car ces sens, justement, sont exa
787
esprit, mais pour certains, c’est le Saint-Esprit
de
la théologie, pour d’autres, c’est la raison humaine, ou l’ensemble d
788
d’autres, c’est la raison humaine, ou l’ensemble
de
la culture. Pour celui-ci, l’esprit signifiera le luxe des délicats,
789
naire des créateurs. Si j’affirme que mon but est
de
sauver l’esprit, le marxiste en déduira que je néglige la vie concrèt
790
évade dans le spiritualisme, alors que je ne vois
de
salut pour l’esprit que dans la présence effective de la pensée et de
791
alut pour l’esprit que dans la présence effective
de
la pensée et de la foi à toutes les misères de ce monde. La liberté,
792
it que dans la présence effective de la pensée et
de
la foi à toutes les misères de ce monde. La liberté, tout le monde l’
793
ve de la pensée et de la foi à toutes les misères
de
ce monde. La liberté, tout le monde l’invoque, n’est-ce pas ? Mais po
794
pour l’économiste libéral, cela signifie le droit
de
ruiner le voisin par le jeu de la concurrence ; pour l’individualiste
795
signifie le droit de ruiner le voisin par le jeu
de
la concurrence ; pour l’individualiste anarchisant, ce sera le refus
796
ur l’individualiste anarchisant, ce sera le refus
d’
obéir à l’État ; dans tel pays, la liberté consiste à s’armer jusqu’au
797
la liberté signifiera le droit pour le plus fort
de
s’annexer un voisin faible ; dans un troisième pays, la liberté sera
798
ys, la liberté sera tout simplement la permission
de
dire à haute voix ce que l’on pense. Et quand ces trois pays se feron
799
al, si absurde qu’il soit, tantôt l’établissement
d’
une hiérarchie nouvelle au prix d’une révolution, tantôt la suppressio
800
l’établissement d’une hiérarchie nouvelle au prix
d’
une révolution, tantôt la suppression physique de tous ceux qui critiq
801
d’une révolution, tantôt la suppression physique
de
tous ceux qui critiquent le désordre établi, tantôt le fait qu’on n’a
802
plus dans la rue mais seulement dans les prisons
d’
État. Je n’hésite pas à le dire : l’une des causes principales de la m
803
site pas à le dire : l’une des causes principales
de
la mésentente des peuples réside dans ce désordre du langage, et dans
804
de dans ce désordre du langage, et dans l’absence
de
toute autorité morale capable d’y porter remède. Car qui peut fixer a
805
t dans l’absence de toute autorité morale capable
d’
y porter remède. Car qui peut fixer aujourd’hui le véritable sens des
806
léry, un Gide ou un Claudel ont quelques milliers
de
lecteurs, tandis que la presse du soir et la radio atteignent chaque
807
r et la radio atteignent chaque jour des millions
d’
hommes, et c’est tout un domaine du langage que l’écrivain ne contrôle
808
ne forme pas, n’atteint même pas. Ainsi se créent
d’
énormes zones d’échanges verbaux incontrôlés. Et plus on y échange de
809
atteint même pas. Ainsi se créent d’énormes zones
d’
échanges verbaux incontrôlés. Et plus on y échange de mots, plus ils p
810
changes verbaux incontrôlés. Et plus on y échange
de
mots, plus ils perdent leur force et leur sens, et leur délicatesse d
811
dent leur force et leur sens, et leur délicatesse
d’
appel. Alors les écrivains qui n’ont pas d’autres armes que les mots s
812
pas d’autres armes que les mots se voient privés
de
tout moyen d’agir. Leurs conseils, leurs appels ne portent plus. Les
813
armes que les mots se voient privés de tout moyen
d’
agir. Leurs conseils, leurs appels ne portent plus. Les hommes échange
814
omme fait à un homme, et qui engage quelque chose
de
son être, c’est l’amitié humaine qui se détruit, le fondement même de
815
’amitié humaine qui se détruit, le fondement même
de
toute communauté16. Alors paraît le règne de la force ! Si nulle auto
816
même de toute communauté16. Alors paraît le règne
de
la force ! Si nulle autorité spirituelle ne peut fixer le sens des mo
817
gera. À la place des grands lieux communs chargés
de
sens traditionnel, nous aurons des slogans, des mots d’ordre simplist
818
sens des mots sept fois par an, selon les besoins
de
la cause. C’est ainsi que tout récemment, le ministre d’une grande pu
819
ause. C’est ainsi que tout récemment, le ministre
d’
une grande puissance, le camarade Molotov, déclarait que le mot d’agre
820
ssance, le camarade Molotov, déclarait que le mot
d’
agression avait changé de sens depuis ce printemps, « les événements l
821
ov, déclarait que le mot d’agression avait changé
de
sens depuis ce printemps, « les événements lui ayant donné un contenu
822
contenu historique nouveau », exactement inverse
de
l’ancien… Cela me fit songer irrésistiblement à un dialogue d’Alice a
823
Cela me fit songer irrésistiblement à un dialogue
d’
Alice au pays des Merveilles (qui est un de mes livres préférés), dial
824
alogue d’Alice au pays des Merveilles (qui est un
de
mes livres préférés), dialogue dont voici trois répliques : « Quand j
825
e dont voici trois répliques : « Quand je me sers
d’
un mot, dit Humpty-Dumpty d’un ton méprisant, il signifie exactement c
826
: « Quand je me sers d’un mot, dit Humpty-Dumpty
d’
un ton méprisant, il signifie exactement ce que je veux qu’il signifie
827
’il signifie… ni plus ni moins. — La question est
de
savoir, dit Alice, si vous pouvez faire que les mêmes mots signifient
828
ifient des choses différentes ? — La question est
de
savoir, dit Humpty-Dumpty, qui est le plus fort… et c’est tout. » Nou
829
mais dont les signes sont partout. Or maintenant,
de
cette angoisse monte un appel, le formidable et inconscient appel des
830
son esprit et dans ses signes extérieurs, l’appel
de
toute l’Europe du xxe siècle vers une commune mesure restaurée et vi
831
ner — avant les intellectuels ! — la vraie nature
de
l’angoisse des foules, pour lui donner une réponse à la fois frappant
832
bien simple. Nous allons proclamer que l’intérêt
de
l’État dont nous sommes devenus les maîtres est la seule règle de tou
833
ous sommes devenus les maîtres est la seule règle
de
toute activité, culturelle, politique, ou même religieuse. » C’était
834
politique, ou même religieuse. » C’était un coup
de
génie, si le génie consiste à deviner et à prévenir les inconscients
835
e à deviner et à prévenir les inconscients désirs
de
la nation. Mais on peut avoir du génie et faire de grosses fautes de
836
e la nation. Mais on peut avoir du génie et faire
de
grosses fautes de calcul. Surtout quand on est très pressé. Or il est
837
on peut avoir du génie et faire de grosses fautes
de
calcul. Surtout quand on est très pressé. Or il est certain que ces c
838
des principes qui étaient partiels. La discipline
d’
État, ou le sang, ou la classe, ce sont certes des réalités. Mais des
839
us les hommes vraiment humains. C’était très bien
d’
essayer de répondre au grand appel des peuples vers une communauté. Ma
840
mes vraiment humains. C’était très bien d’essayer
de
répondre au grand appel des peuples vers une communauté. Mais on a ré
841
mmunauté. Mais on a répondu trop vite, et surtout
d’
une manière incomplète. Or, en pareil domaine, il est très dangereux d
842
ète. Or, en pareil domaine, il est très dangereux
de
se tromper si peu que ce soit, et de donner une réponse qui ne soit p
843
ès dangereux de se tromper si peu que ce soit, et
de
donner une réponse qui ne soit pas vraiment totale. Nous connaissons
844
s vraiment totale. Nous connaissons les résultats
d’
une pareille faute, nous ne cessons d’y penser ce soir. L’appel des p
845
s résultats d’une pareille faute, nous ne cessons
d’
y penser ce soir. L’appel des peuples reste insatisfait. Il continue
846
ple nos petits états neutres, ne nous faisons pas
d’
illusions : tôt ou tard, là aussi, cet appel exigera une réponse. Rest
847
répète, nous sommes atteints ! À la recherche
de
l’homme réel J’aime employer les mots dans leur sens étymologique.
848
s seulement grand, immense, mais aussi : qui sort
de
la norme — de la mesure. Un monde énorme est un monde sans mesure, un
849
and, immense, mais aussi : qui sort de la norme —
de
la mesure. Un monde énorme est un monde sans mesure, un monde démesur
850
mesuré par rapport à l’homme seul et aux pouvoirs
de
son esprit. Et de là vient notre désordre mais aussi, notre impuissan
851
à l’homme seul et aux pouvoirs de son esprit. Et
de
là vient notre désordre mais aussi, notre impuissance à en sortir, ma
852
nous rebâtir un monde qui soit vraiment à hauteur
d’
homme ? Un monde où la pensée, la culture et l’esprit, soient de nouve
853
a culture et l’esprit, soient de nouveau capables
d’
agir ? Et quelle est l’attitude de pensée qui peut nous orienter dès à
854
ouveau capables d’agir ? Et quelle est l’attitude
de
pensée qui peut nous orienter dès à présent vers une communauté solid
855
tout vient de là, et tout dépend en premier lieu,
de
notre état d’esprit. S’il change, tout commence à changer. S’il ne ch
856
bien se sont trompés sur sa nature. Ils ont perdu
de
vue sa définition même. Leur point de départ est faux, et c’est pourq
857
s ont perdu de vue sa définition même. Leur point
de
départ est faux, et c’est pourquoi leurs efforts, même les plus sincè
858
s, même les plus sincères, aboutissent au malheur
de
l’homme. Dans ce monde qui a perdu la mesure, le seul devoir des inte
859
, et j’ajouterai : leur seul pouvoir — c’est donc
de
rechercher l’homme perdu. Or l’histoire nous apprend que l’homme ne t
860
supposait que l’humanité n’était qu’un assemblage
d’
individus, d’hommes qui avaient surtout des droits légaux, et très peu
861
l’humanité n’était qu’un assemblage d’individus,
d’
hommes qui avaient surtout des droits légaux, et très peu de devoirs n
862
ationaliste, c’était un homme in abstracto, privé
d’
attaches avec le sol, la patrie et l’hérédité. C’était un homme libéré
863
tait un homme libéré des servitudes et des tabous
de
la tribu, mais en même temps privé de relations concrètes. Or la comm
864
des tabous de la tribu, mais en même temps privé
de
relations concrètes. Or la communauté des hommes se fonde d’abord sur
865
doctrine antisociale. Elle a pour effet mécanique
de
dissocier toute communauté naturelle. Et alors se produit le phénomèn
866
ne auquel nous avons assisté depuis une trentaine
d’
années. L’homme isolé, dans un monde trop vaste, ne se sent plus porté
867
pe. Déraciné, il flotte, il erre, il n’offre plus
de
résistance aux courants d’opinion, aux modes, à la publicité des gran
868
erre, il n’offre plus de résistance aux courants
d’
opinion, aux modes, à la publicité des grandes firmes et des grands pa
869
maille par le premier magnétiseur venu. Et alors,
d’
un coup de balancier, nous nous trouvons portés à l’autre pôle, qui es
870
le premier magnétiseur venu. Et alors, d’un coup
de
balancier, nous nous trouvons portés à l’autre pôle, qui est le pôle
871
, qui est le pôle collectiviste. Toute l’histoire
de
l’Europe peut être ramenée à ces grands balancements d’un pôle à l’au
872
urope peut être ramenée à ces grands balancements
d’
un pôle à l’autre. À l’anarchie individualiste de la Grèce répond l’ét
873
d’un pôle à l’autre. À l’anarchie individualiste
de
la Grèce répond l’étatisme romain. Au collectivisme sacral du Moyen â
874
ral du Moyen âge répond la révolte individualiste
de
la Renaissance. Et aujourd’hui, nouvelle oscillation du balancier : l
875
ssante réaction collective. Sortirons-nous jamais
de
cette dialectique, dont les phases et les renversements menacent aujo
876
phases et les renversements menacent aujourd’hui
d’
anéantir l’Europe ? Il s’agit de résoudre enfin l’éternel problème que
877
acent aujourd’hui d’anéantir l’Europe ? Il s’agit
de
résoudre enfin l’éternel problème que nous posent les relations de l’
878
l’éternel problème que nous posent les relations
de
l’individu et de la collectivité. Il s’agit de voir que l’homme concr
879
me que nous posent les relations de l’individu et
de
la collectivité. Il s’agit de voir que l’homme concret n’est pas le R
880
ns de l’individu et de la collectivité. Il s’agit
de
voir que l’homme concret n’est pas le Robinson d’une île déserte, ni
881
de voir que l’homme concret n’est pas le Robinson
d’
une île déserte, ni l’anonyme numéro d’un rang, mais qu’il est à la fo
882
e Robinson d’une île déserte, ni l’anonyme numéro
d’
un rang, mais qu’il est à la fois un être unique, et un être qui a des
883
e un homme libre et pourtant relié, c’est l’idéal
de
l’homme occidental. N’allons pas dire que c’est une utopie ! Car ce p
884
e a été résolu, cet idéal réalisé, au ier siècle
de
notre ère, par les communautés de l’Église primitive. Le chrétien pri
885
au ier siècle de notre ère, par les communautés
de
l’Église primitive. Le chrétien primitif est un homme qui, du fait de
886
e. Le chrétien primitif est un homme qui, du fait
de
sa conversion, se trouve chargé d’une vocation particulière qui le di
887
e qui, du fait de sa conversion, se trouve chargé
d’
une vocation particulière qui le distingue de tous ses voisins ; mais
888
argé d’une vocation particulière qui le distingue
de
tous ses voisins ; mais d’autre part, cette vocation unique le met en
889
dont nous souffrons sont avant tout des maladies
de
la personne. Quand l’homme oublie qu’il est responsable de sa vocatio
890
sonne. Quand l’homme oublie qu’il est responsable
de
sa vocation envers ses prochains, il devient individualiste. Et quand
891
ualiste. Et quand il oublie qu’il est responsable
de
sa vocation envers lui-même, il devient collectiviste. L’homme comple
892
et réel, c’est celui qui se sait à la fois libre
d’
être soi-même vis-à-vis de l’ensemble, et engagé vis-à-vis de cet ense
893
engagé vis-à-vis de cet ensemble, par l’exercice
d’
une vocation qui le relie à ses prochains. C’est pour cet homme réel q
894
ré que c’est justement cet homme-là qui a le plus
de
peine à subsister ou à se former dans le monde moderne. Car supposez
895
posez qu’un homme se sente une vocation et décide
de
la réaliser. Il se trouve en présence d’un monde que l’histoire et la
896
onde que l’histoire et la sociologie ont encombré
de
lois fatales. Que peut-il, seul, contre ces lois ? Il faut donc, s’il
897
it une discipline qui ne s’accommode plus du tout
de
sa vocation personnelle. Voici donc le dilemme où nous placent la cul
898
en tu veux faire quelque chose, mais alors, cesse
d’
être toi-même ! Comment sortir de ce cercle vicieux ? Par un changemen
899
ais alors, cesse d’être toi-même ! Comment sortir
de
ce cercle vicieux ? Par un changement d’état d’esprit aussi bien chez
900
t sortir de ce cercle vicieux ? Par un changement
d’
état d’esprit aussi bien chez les intellectuels que chez les amateurs
901
bien chez les intellectuels que chez les amateurs
de
vraie culture, les lecteurs, le public cultivé. Car c’est de ce chang
902
lture, les lecteurs, le public cultivé. Car c’est
de
ce changement d’état d’esprit que sortira la possibilité de repenser
903
rs, le public cultivé. Car c’est de ce changement
d’
état d’esprit que sortira la possibilité de repenser une société. R
904
gement d’état d’esprit que sortira la possibilité
de
repenser une société. Raisons d’espérer : la culture et les groupe
905
a possibilité de repenser une société. Raisons
d’
espérer : la culture et les groupes Je voudrais vous dire, maintena
906
drais vous dire, maintenant, les raisons que j’ai
d’
espérer, après avoir tant critiqué. Je voudrais vous énumérer les prem
907
r les premiers succès remportés, dans la bataille
de
la culture moderne, par l’esprit créateur sur l’esprit fataliste. Ce
908
alysait les intellectuels qui sentaient le besoin
d’
agir sur les destinées de la cité, c’était depuis Hegel, Auguste Comte
909
qui sentaient le besoin d’agir sur les destinées
de
la cité, c’était depuis Hegel, Auguste Comte, et Marx, l’idée que l’H
910
la retraite dans les bibliothèques. Or cette idée
de
lois fatales avait été empruntée à la science et transportée abusivem
911
portée abusivement dans les domaines plus humains
de
l’histoire, de la sociologie et même de la psychologie. Et voici que
912
ent dans les domaines plus humains de l’histoire,
de
la sociologie et même de la psychologie. Et voici que cette idée para
913
s humains de l’histoire, de la sociologie et même
de
la psychologie. Et voici que cette idée paralysante est en train de s
914
s coups décisifs : ce sont précisément les hommes
de
science qui, les premiers, cessent d’y croire. Ils ont reconnu, depui
915
les hommes de science qui, les premiers, cessent
d’
y croire. Ils ont reconnu, depuis quelques années, que la notion de lo
916
nt reconnu, depuis quelques années, que la notion
de
lois tout objectives, de lois absolument indépendantes de l’homme, n’
917
es années, que la notion de lois tout objectives,
de
lois absolument indépendantes de l’homme, n’était qu’une illusion rat
918
tout objectives, de lois absolument indépendantes
de
l’homme, n’était qu’une illusion rationaliste. Qu’il me suffise de ra
919
it qu’une illusion rationaliste. Qu’il me suffise
de
rappeler ici les découvertes de la physique des quanta : elles ont pr
920
Qu’il me suffise de rappeler ici les découvertes
de
la physique des quanta : elles ont prouvé que l’observation microscop
921
s fameuses lois scientifiques ne sont en fait que
de
commodes conventions, dépendant des systèmes de mesures inventés par
922
e de commodes conventions, dépendant des systèmes
de
mesures inventés par l’esprit humain. Or si la science elle-même vien
923
même dans l’ordre matériel, il n’est plus permis
de
concevoir une observation impartiale, à combien plus forte raison pou
924
étendaient décrire objectivement les lois rigides
de
notre société. En vérité, il n’est de lois fatales que là où l’espri
925
is rigides de notre société. En vérité, il n’est
de
lois fatales que là où l’esprit démissionne. Toute action créatrice d
926
à où l’esprit démissionne. Toute action créatrice
de
l’homme normal inflige un démenti aux lois et fait mentir les statist
927
s et fait mentir les statistiques. Ainsi les lois
de
la publicité ne sont exactes que dans la mesure où l’homme n’est qu’u
928
qu’un homme redevient conscient des vrais besoins
de
sa personne. Prenons le domaine de l’histoire, par exemple. Nous y v
929
vrais besoins de sa personne. Prenons le domaine
de
l’histoire, par exemple. Nous y voyons s’opérer depuis peu une critiq
930
voyons s’opérer depuis peu une critique générale
de
l’illusion déterministe. Les fameuses lois de l’Histoire découlaient,
931
ale de l’illusion déterministe. Les fameuses lois
de
l’Histoire découlaient, disait-on, d’une étude rigoureusement imparti
932
meuses lois de l’Histoire découlaient, disait-on,
d’
une étude rigoureusement impartiale de faits. Mais qui pourra jamais d
933
disait-on, d’une étude rigoureusement impartiale
de
faits. Mais qui pourra jamais décrire tous les faits des temps révolu
934
historien, si scrupuleux soit-il, est bien obligé
de
choisir, dans la masse de ses renseignements. Et qui dit choix dit pr
935
oit-il, est bien obligé de choisir, dans la masse
de
ses renseignements. Et qui dit choix dit préférence ou parti pris… Do
936
t choix dit préférence ou parti pris… Donc autant
de
visions du monde, autant de systèmes de faits. Et l’historien qui cro
937
rti pris… Donc autant de visions du monde, autant
de
systèmes de faits. Et l’historien qui croit pouvoir être impartial es
938
nc autant de visions du monde, autant de systèmes
de
faits. Et l’historien qui croit pouvoir être impartial est simplement
939
être impartial est simplement un homme qui refuse
de
s’avouer ses partis pris. Il oublie que toute description ressemble a
940
’objet qu’il voulait décrire. Ainsi les portraits
de
Rembrandt ressemblent autant à Rembrandt qu’aux modèles qui posaient
941
posaient devant lui. Ils nous décrivent le regard
d’
un génie, bien plus que la réalité en soi. De même pour l’histoire fat
942
re fataliste : elle nous décrit son propre esprit
de
démission, et non pas des fatalités objectives qui rendraient vaine t
943
ndraient vaine toute action personnelle. Il n’y a
de
loi, répétons-le, que là où l’homme renonce à se manifester selon sa
944
ue les États totalitaires justifient les rigueurs
de
leur régime au nom de lois économiques, ou historiques, ou biologique
945
nnent vraies, qu’en vertu d’une immense démission
de
l’esprit civique dans les trop grands pays. Elles ne traduisent en fa
946
e affaissement du sens personnel dans les parties
de
l’humanité contemporaine exténuées par la misère. Les solutions total
947
l on les prône, ne sont en fait que des solutions
de
paresse intellectuelle, des solutions de misère, fardées de rhétoriqu
948
olutions de paresse intellectuelle, des solutions
de
misère, fardées de rhétorique héroïque. Le seul moyen de prévenir ces
949
intellectuelle, des solutions de misère, fardées
de
rhétorique héroïque. Le seul moyen de prévenir ces simplifications vi
950
re, fardées de rhétorique héroïque. Le seul moyen
de
prévenir ces simplifications violentes qui jouent la comédie de l’éne
951
s simplifications violentes qui jouent la comédie
de
l’énergie, c’est de développer soi-même une énergie normale et souple
952
olentes qui jouent la comédie de l’énergie, c’est
de
développer soi-même une énergie normale et souple. Or nous savons mai
953
ore et de nouveau possible. Notre culture libérée
de
la superstition des lois fatales peut envisager de nouveau d’influenc
954
tition des lois fatales peut envisager de nouveau
d’
influencer le monde réel, ramené en droit — sinon déjà en fait — aux p
955
é en droit — sinon déjà en fait — aux proportions
de
l’esprit humain, à la capacité de ses prises immédiates. Mais quelles
956
aux proportions de l’esprit humain, à la capacité
de
ses prises immédiates. Mais quelles seront alors les directives de ce
957
édiates. Mais quelles seront alors les directives
de
cette action redevenue possible ? Qui recréera les lieux communs de l
958
devenue possible ? Qui recréera les lieux communs
de
la cité ? Je ne voudrais pas, ici, partir dans l’utopie. Je ne pense
959
e. Je ne pense pas que les principes fondamentaux
d’
une société plus harmonieuse puissent être formulés dès maintenant com
960
t être formulés dès maintenant comme un programme
de
parti politique. Ils doivent mûrir, et lentement se dégager de l’ense
961
tique. Ils doivent mûrir, et lentement se dégager
de
l’ensemble de mille efforts orientés par une même espérance. L’effort
962
vent mûrir, et lentement se dégager de l’ensemble
de
mille efforts orientés par une même espérance. L’effort des Églises,
963
sme, les Églises ont été les grandes pourvoyeuses
de
lieux communs pour la cité. La théologie médiévale, par les sommes de
964
r la cité. La théologie médiévale, par les sommes
de
Thomas d’Aquin, fixait à la pensée et à l’action des règles véritable
965
temps de la Réformation, l’Institution chrétienne
de
Jean Calvin. Mais dans l’époque moderne, les Églises ont paru, elles
966
, les Églises ont paru, elles aussi, se détourner
de
toute action régulatrice sur la cité. Elles ont assisté sans mot dire
967
masses ouvrières, c’est parce qu’il s’est chargé
de
la mission sociale qu’avaient trahie toutes les Églises. Nicolas Berd
968
aev l’a bien vu : le bolchévisme fut le châtiment
d’
un christianisme devenu passif devant le monde. Or il me semble que là
969
Églises. Elles ont compris qu’il ne suffisait pas
de
dénoncer les doctrines païennes, mais qu’il fallait répondre mieux qu
970
es à la question posée par l’angoisse des foules.
D’
où les Encycliques sociales données par les deux derniers papes. Et le
971
nnées par les deux derniers papes. Et les congrès
de
Stockholm et d’Oxford ont montré que les autres Églises n’entendaient
972
ux derniers papes. Et les congrès de Stockholm et
d’
Oxford ont montré que les autres Églises n’entendaient pas demeurer en
973
, c’est qu’enfin les Églises retrouvent leur rôle
de
direction, dans tous les ordres de la pensée et de l’action. Oui, les
974
vent leur rôle de direction, dans tous les ordres
de
la pensée et de l’action. Oui, les Églises ont quelque chose à dire a
975
e direction, dans tous les ordres de la pensée et
de
l’action. Oui, les Églises ont quelque chose à dire aux économistes a
976
mes peuvent la modifier, et l’important n’est pas
de
produire au maximum selon les règles que fournissent les techniciens,
977
les règles que fournissent les techniciens, mais
de
donner un sens humain aux efforts de la production ; et cela, l’espri
978
iciens, mais de donner un sens humain aux efforts
de
la production ; et cela, l’esprit seul peut le faire. J’ai insisté su
979
type même des groupes au sein desquels la culture
d’
Occident a toujours trouvé ses mesures. Bien d’autres groupes, je le s
980
je le sais, sont à l’œuvre. Mouvement des groupes
d’
Oxford, mouvement des groupes personnalistes, répandus en France et en
981
et vingt autres mouvements analogues, tous animés
de
cet esprit d’équipe qui seul peut nous guérir de l’individualisme, to
982
s mouvements analogues, tous animés de cet esprit
d’
équipe qui seul peut nous guérir de l’individualisme, tout en prévenan
983
de cet esprit d’équipe qui seul peut nous guérir
de
l’individualisme, tout en prévenant la maladie collectiviste. C’est d
984
a maladie collectiviste. C’est dans cette volonté
de
recréer des groupes à la mesure de la personne, matériellement et mor
985
cette volonté de recréer des groupes à la mesure
de
la personne, matériellement et moralement, que je vois la commune mes
986
ment et moralement, que je vois la commune mesure
de
la cité qu’il nous faut rebâtir. Cité solide et pourtant libérale : c
987
as beaucoup la tolérance, vertu qui naît en somme
d’
un scepticisme, car elle suppose que la pensée de l’autre, qu’on tolèr
988
d’un scepticisme, car elle suppose que la pensée
de
l’autre, qu’on tolère, ne passera jamais dans les actes. Je n’aime pa
989
i veut tout uniformiser, et qui est donc une mort
de
l’esprit. La tolérance était la pâle vertu des libéraux individualist
990
est la sombre vertu des partisans collectivistes.
De
leur lutte est sortie la guerre. Le seul moyen de dépasser cette mauv
991
De leur lutte est sortie la guerre. Le seul moyen
de
dépasser cette mauvaise position du problème, c’est de prévoir pour l
992
passer cette mauvaise position du problème, c’est
de
prévoir pour la cité et la culture une structure fédéraliste. Le fédé
993
ifiés, et par là même il offre tous les avantages
de
la tolérance libérale, mais non pas ses inconvénients : car chacun, d
994
le groupe qu’il a choisi, peut donner le meilleur
de
soi-même, aller au terme de sa pensée, jusqu’à l’acte qui la rend sér
995
ut donner le meilleur de soi-même, aller au terme
de
sa pensée, jusqu’à l’acte qui la rend sérieuse. Refaire un monde et u
996
euse. Refaire un monde et une culture sur la base
de
la diversité des personnes et des vocations, c’est aujourd’hui le seu
997
et des vocations, c’est aujourd’hui le seul moyen
de
préparer une paix solide. Car, après tout, qu’est-ce que la guerre ac
998
ctuelle ? C’est la rançon fatale du gigantisme et
de
la démission de la culture. C’est la faillite des systèmes centralist
999
la rançon fatale du gigantisme et de la démission
de
la culture. C’est la faillite des systèmes centralistes et de l’espri
1000
e. C’est la faillite des systèmes centralistes et
de
l’esprit d’uniformisation. Or le contraire exact de cet esprit, c’est
1001
faillite des systèmes centralistes et de l’esprit
d’
uniformisation. Or le contraire exact de cet esprit, c’est justement l
1002
l’esprit d’uniformisation. Or le contraire exact
de
cet esprit, c’est justement l’esprit fédéraliste, avec sa devise para
1003
lle m’apparaît comme la guerre la plus antisuisse
de
l’histoire. C’est donc pour nous la pire menace. Mais en même temps,
1004
la solution suisse et fédérale est seule capable
de
fonder la paix, puisque l’autre aboutit à la guerre. Ce n’est pas not
1005
édéraliste en politique et dans tous les domaines
de
la culture, le seul avenir possible de l’Europe. Le seul lieu où cet
1006
s domaines de la culture, le seul avenir possible
de
l’Europe. Le seul lieu où cet avenir soit, d’ores et déjà, un présent
1007
oit, d’ores et déjà, un présent. Il ne s’agit pas
de
grands mots, de lyrisme ou d’idéalisme. Il s’agit de voir qu’en fait,
1008
éjà, un présent. Il ne s’agit pas de grands mots,
de
lyrisme ou d’idéalisme. Il s’agit de voir qu’en fait, si nous sommes
1009
t. Il ne s’agit pas de grands mots, de lyrisme ou
d’
idéalisme. Il s’agit de voir qu’en fait, si nous sommes là, au service
1010
grands mots, de lyrisme ou d’idéalisme. Il s’agit
de
voir qu’en fait, si nous sommes là, au service du pays, ce n’est pas
1011
pas pour défendre des « fromages », des conseils
d’
administration, notre confort et nos hôtels. D’autres — on sait qui —
1012
it fort bien Karl Barth, pour protéger nos « lacs
d’
azur » et nos « glaciers sublimes ». (Certain ministre de la propagand
1013
» et nos « glaciers sublimes ». (Certain ministre
de
la propagande se chargerait très volontiers de cette œuvre de Heimats
1014
re de la propagande se chargerait très volontiers
de
cette œuvre de Heimatschutz.) Si nous sommes là, c’est pour exécuter
1015
ande se chargerait très volontiers de cette œuvre
de
Heimatschutz.) Si nous sommes là, c’est pour exécuter la mission dont
1016
ission vis-à-vis de l’Europe. Nous sommes chargés
de
la défendre contre elle-même, de garder son trésor, d’affirmer sa san
1017
s sommes chargés de la défendre contre elle-même,
de
garder son trésor, d’affirmer sa santé, et de sauver son avenir. Si n
1018
défendre contre elle-même, de garder son trésor,
d’
affirmer sa santé, et de sauver son avenir. Si nous trahissons cette m
1019
me, de garder son trésor, d’affirmer sa santé, et
de
sauver son avenir. Si nous trahissons cette mission, si nous n’en pre
1020
dressés pour l’accomplir. On parle un peu partout
de
fédérer l’Europe. Cela ne se fera pas en un jour, ni même pendant les
1021
ni même pendant les quelques semaines fiévreuses
d’
un congrès de la paix improvisé dans l’épuisement général. Cela ne se
1022
ant les quelques semaines fiévreuses d’un congrès
de
la paix improvisé dans l’épuisement général. Cela ne se fera que si d
1023
e, entreprennent, dès maintenant, un gros travail
de
déblaiement, d’études précises, de calculs réalistes. Ces hommes ne p
1024
, dès maintenant, un gros travail de déblaiement,
d’
études précises, de calculs réalistes. Ces hommes ne peuvent guère exi
1025
n gros travail de déblaiement, d’études précises,
de
calculs réalistes. Ces hommes ne peuvent guère exister et travailler
1026
chez nous tout d’abord, puisqu’il s’agit en somme
d’
utiliser notre expérience, et de tirer des leçons non pas seulement de
1027
l s’agit en somme d’utiliser notre expérience, et
de
tirer des leçons non pas seulement de ses succès mais aussi de ses éc
1028
érience, et de tirer des leçons non pas seulement
de
ses succès mais aussi de ses échecs, que nous connaissons mieux que p
1029
leçons non pas seulement de ses succès mais aussi
de
ses échecs, que nous connaissons mieux que personne. Tout mon espoir
1030
out mon espoir est qu’il se forme ici des équipes
de
fédérateurs, d’hommes qui comprennent enfin que l’heure est venue, po
1031
st qu’il se forme ici des équipes de fédérateurs,
d’
hommes qui comprennent enfin que l’heure est venue, pour nous autres S
1032
que l’heure est venue, pour nous autres Suisses,
de
voir grand, de voir aux proportions de l’Europe moderne, tout en gard
1033
t venue, pour nous autres Suisses, de voir grand,
de
voir aux proportions de l’Europe moderne, tout en gardant la mesure d
1034
s Suisses, de voir grand, de voir aux proportions
de
l’Europe moderne, tout en gardant la mesure de notre histoire, la mes
1035
ns de l’Europe moderne, tout en gardant la mesure
de
notre histoire, la mesure de l’individu engagé dans la communauté. Ce
1036
en gardant la mesure de notre histoire, la mesure
de
l’individu engagé dans la communauté. Cette œuvre n’est pas utopique
1037
sceptiques professionnels, par tous les paresseux
d’
esprit qui se prétendent réalistes. Encore faut-il — et je termine là-
1038
se pas sur une erreur profonde quant aux pouvoirs
de
l’homme et à ses fins terrestres. En appelant et préparant de toutes
1039
t à ses fins terrestres. En appelant et préparant
de
toutes nos forces une Europe fédéralisée, nous ne demanderons pas un
1040
rons simplement un monde humain. Non pas un monde
d’
utopie où toutes les luttes s’apaiseraient par miracle, mais un monde
1041
t fatalement à des catastrophes cosmiques. La vie
de
la cité et de la culture, ce sera toujours une bataille. Entre l’espr
1042
des catastrophes cosmiques. La vie de la cité et
de
la culture, ce sera toujours une bataille. Entre l’esprit de lourdeur
1043
re, ce sera toujours une bataille. Entre l’esprit
de
lourdeur, comme disait Nietzsche, et les forces de création, la lutte
1044
e lourdeur, comme disait Nietzsche, et les forces
de
création, la lutte sera toujours ouverte, tant qu’il y aura du péché
1045
tion du prophète Isaïe : « Sentinelle, que dis-tu
de
la nuit ? — La sentinelle a répondu : Le matin vient, et la nuit auss
1046
vons invoquer ne peut pas être une simple absence
de
guerre. Spirituellement, une vraie paix sera toujours plus difficile
1047
. Mais qu’elle nous donne au moins la possibilité
de
rendre un sens aux conflits éternels — un sens, et s’il se peut, une
1048
les autres font la guerre, ils n’ont pas le temps
de
préparer un monde humain. Mais nous qui avons encore su conserver une
1049
ui avons encore su conserver une cité à la mesure
de
la personne, nous qui sommes encore épargnés, ne perdons pas notre dé
1050
ommes encore épargnés, ne perdons pas notre délai
de
grâce ! C’est à nous de gagner la vraie paix, c’est à nous d’engager
1051
e perdons pas notre délai de grâce ! C’est à nous
de
gagner la vraie paix, c’est à nous d’engager sans illusion le vrai co
1052
’est à nous de gagner la vraie paix, c’est à nous
d’
engager sans illusion le vrai combat qui nous maintienne humains. Tout
1053
ous maintienne humains. Tout cela, un jeune poète
de
génie, Arthur Rimbaud, l’a dit d’un seul trait prophétique : « Le com
1054
un jeune poète de génie, Arthur Rimbaud, l’a dit
d’
un seul trait prophétique : « Le combat spirituel est aussi brutal que
1055
combat spirituel est aussi brutal que la bataille
d’
hommes, mais la vision de la justice est le plaisir de Dieu seul. »
1056
i brutal que la bataille d’hommes, mais la vision
de
la justice est le plaisir de Dieu seul. » 13. Conférence prononcée
1057
mmes, mais la vision de la justice est le plaisir
de
Dieu seul. » 13. Conférence prononcée le 15 janvier 1940 au Rathau
1058
u Leserzirkel Hottingen, et dans plusieurs villes
de
Hollande. 14. Je tiens à préciser que cette déclaration ne tend null
1059
d, la mentalité totalitaire. 15. Il serait juste
d’
ajouter ici les noms de deux grands Suisses : Jacob Burckhardt (Consid
1060
aire. 15. Il serait juste d’ajouter ici les noms
de
deux grands Suisses : Jacob Burckhardt (Considérations sur l’histoire
1061
erroge simplement par curiosité, ou par une sorte
de
prudence, pour voir venir, et puis vous vous apercevez que ce sont vo
1062
re, parfois de plus libérateur, que cette manière
de
poser des questions, et de jouer le scepticisme, dans un pays où tant
1063
eur, que cette manière de poser des questions, et
de
jouer le scepticisme, dans un pays où tant de choses vont de soi. Il
1064
Il nous faut un homme comme Ramuz pour nous tirer
de
l’optimisme épais où s’endorment les jeunes Suisses, trop assurés, co
1065
unes Suisses, trop assurés, comme le dit Cingria,
de
trouver chaque matin sur leur table un gros bol de café au lait. Qu’o
1066
e trouver chaque matin sur leur table un gros bol
de
café au lait. Qu’on m’entende bien : nous avons eu Amiel, et nous ne
1067
en : nous avons eu Amiel, et nous ne manquons pas
de
douteurs, de tourmentés, de refoulés et d’hésitants fort distingués.
1068
ns eu Amiel, et nous ne manquons pas de douteurs,
de
tourmentés, de refoulés et d’hésitants fort distingués. Mais ces inqu
1069
nous ne manquons pas de douteurs, de tourmentés,
de
refoulés et d’hésitants fort distingués. Mais ces inquiétudes se limi
1070
ns pas de douteurs, de tourmentés, de refoulés et
d’
hésitants fort distingués. Mais ces inquiétudes se limitent au « plan
1071
lan moral », comme nous aimons à dire. Elles sont
d’
usage interne, individuel. Les doutes que Ramuz nous propose touchent
1072
ropose touchent au contraire les fondements mêmes
de
notre vie dans la cité, de notre existence comme « Suisses ». Ils aff
1073
e les fondements mêmes de notre vie dans la cité,
de
notre existence comme « Suisses ». Ils affectent nos tabous les plus
1074
nationales. Ce que personne n’a jamais eu l’idée
de
mettre en question parmi nous. Par exemple, demande Ramuz : Avons-nou
1075
que propreté, confort et instruction ? Avons-nous
d’
autre but commun que la sécurité et le profit ? Pourquoi sommes-nous c
1076
ions ; mais que s’il garde en même temps le souci
d’
expliquer qui nous sommes à nos voisins, c’est peut-être que notre lot
1077
tant que Vaudois, ou Genevois, ou Zurichois, est
d’
exister en fonction de ces voisins. Je vois l’équivoque de la phrase :
1078
r en fonction de ces voisins. Je vois l’équivoque
de
la phrase : exister en fonction des voisins, on pourrait croire que c
1079
enancier du grand palace. (Ramuz, plus dur, parle
de
portier d’hôtel…) Et je ne dis pas que cette interprétation désoblige
1080
grand palace. (Ramuz, plus dur, parle de portier
d’
hôtel…) Et je ne dis pas que cette interprétation désobligeante soit t
1081
on peut et on doit concevoir une tout autre forme
d’
existence qui serait « en fonction des voisins », et qui serait tout d
1082
ême, ou par là même, une existence, au sens plein
de
ce terme ; avec tout ce que cela comporte d’autonomie, de nécessité,
1083
lein de ce terme ; avec tout ce que cela comporte
d’
autonomie, de nécessité, de réalité irremplaçable, de conscience d’une
1084
rme ; avec tout ce que cela comporte d’autonomie,
de
nécessité, de réalité irremplaçable, de conscience d’une mission à ac
1085
t ce que cela comporte d’autonomie, de nécessité,
de
réalité irremplaçable, de conscience d’une mission à accomplir, et qu
1086
utonomie, de nécessité, de réalité irremplaçable,
de
conscience d’une mission à accomplir, et que nul autre n’a reçue. La
1087
écessité, de réalité irremplaçable, de conscience
d’
une mission à accomplir, et que nul autre n’a reçue. La Suisse existe-
1088
Ramuz. Cela revient à dire : a-t-elle une raison
d’
être ? J’essaierai de répondre ici du point de vue qui me paraît le pl
1089
à dire : a-t-elle une raison d’être ? J’essaierai
de
répondre ici du point de vue qui me paraît le plus fécond non seuleme
1090
-ci, tel que l’ont fait sa nature et sept siècles
d’
histoire : le point de vue du personnalisme. ⁂ La question de la neut
1091
le point de vue du personnalisme. ⁂ La question
de
la neutralité est peut-être la plus importante qu’il faille poser à l
1092
Or il faut bien avouer, dès le départ, que l’état
de
fait créé par le traité de Vienne est aussi mal interprété par ses ga
1093
le départ, que l’état de fait créé par le traité
de
Vienne est aussi mal interprété par ses garants que par ses soi-disan
1094
utralité nous est due, comme l’air et les beautés
de
la nature. Privilège inconditionnel, nous laissant au surplus le droi
1095
inconditionnel, nous laissant au surplus le droit
de
faire la leçon à toute l’Europe dans les leaders de nos journaux. Et
1096
faire la leçon à toute l’Europe dans les leaders
de
nos journaux. Et cela ne contribue guère à nous donner un sens actif
1097
la ne contribue guère à nous donner un sens actif
de
nos chances et de nos destins, dans une époque où des choses plus anc
1098
ère à nous donner un sens actif de nos chances et
de
nos destins, dans une époque où des choses plus anciennes et plus gra
1099
s en discussion, bouleversées, brutalement niées.
De
ce double malentendu, il faudra bien sortir un jour. Les événements n
1100
er aux yeux de tous les grandes et fortes raisons
de
notre neutralité, celle-ci sera balayée un jour prochain avec les vie
1101
balayée un jour prochain avec les vieux chiffons
de
papier qui sont censés la garantir. Quand bien même nous aurions voté
1102
. Quand bien même nous aurions voté des milliards
de
crédits d’armement, et des mesures d’instruction militaire prenant le
1103
n même nous aurions voté des milliards de crédits
d’
armement, et des mesures d’instruction militaire prenant les enfants a
1104
s milliards de crédits d’armement, et des mesures
d’
instruction militaire prenant les enfants au berceau. Car aucune force
1105
pour un petit pays comme le nôtre, la conscience
de
sa raison d’être, et le prestige qui s’y attache. On croit souvent, s
1106
t pays comme le nôtre, la conscience de sa raison
d’
être, et le prestige qui s’y attache. On croit souvent, surtout chez n
1107
nous, qu’un petit pays a, comme tel, l’obligation
de
rester neutre. D’où l’on déduit qu’il en possède aussi le droit, une
1108
pays a, comme tel, l’obligation de rester neutre.
D’
où l’on déduit qu’il en possède aussi le droit, une espèce de droit na
1109
éduit qu’il en possède aussi le droit, une espèce
de
droit naturel. Or on a vu des états minuscules, Venise et Berne, les
1110
les Pays-Bas de Guillaume d’Orange, jouer un rôle
de
premier plan dans l’équilibre européen. Et quand bien même il serait
1111
t qu’elle le juge naturel ? La meilleure garantie
d’
un droit, la seule peut-être qui soit efficace, c’est l’exercice réel
1112
eut-être qui soit efficace, c’est l’exercice réel
de
la charge dont ce droit représente à la fois la condition et la contr
1113
la fois la condition et la contrepartie. Le droit
de
propriété, par exemple, est à la fois la condition d’une entreprise p
1114
ropriété, par exemple, est à la fois la condition
d’
une entreprise personnelle, et la juste contrepartie des risques qu’on
1115
, tout simplement parce qu’il possède des coupons
de
papier dans une banque, ses droits sont ressentis comme des abus. Ils
1116
nt ressentis comme des abus. Ils cessent dès lors
d’
être assurés en fait ; comme le démontre l’histoire récente du capital
1117
trop des secondes. Sous prétexte de réalisme, et
de
défense des intérêts économiques, c’est la réalité européenne de la S
1118
intérêts économiques, c’est la réalité européenne
de
la Suisse que l’on perd de vue. On l’a senti à l’occasion des sanctio
1119
la réalité européenne de la Suisse que l’on perd
de
vue. On l’a senti à l’occasion des sanctions contre l’Italie : premie
1120
remier avertissement que nous donnaient les faits
d’
avoir à repenser notre neutralité dans le cadre nouveau de l’Europe. I
1121
à repenser notre neutralité dans le cadre nouveau
de
l’Europe. Il est fatal que ces dilemmes se multiplient à l’avenir. Le
1122
lient à l’avenir. Le fameux équilibre stratégique
de
l’Europe qu’on a coutume d’invoquer pour justifier l’espèce d’exterri
1123
équilibre stratégique de l’Europe qu’on a coutume
d’
invoquer pour justifier l’espèce d’exterritorialité dont jouit la Suis
1124
u’on a coutume d’invoquer pour justifier l’espèce
d’
exterritorialité dont jouit la Suisse sur le continent, nous le voyons
1125
tinent, nous le voyons, lui aussi, se transformer
d’
année en année. Et nous voyons que lui aussi dépend d’un équilibre spi
1126
née en année. Et nous voyons que lui aussi dépend
d’
un équilibre spirituel18 totalement bouleversé et réorganisé, au sein
1127
ent redéfinie. Bref, tout nous pousse à un réveil
de
notre conscience fédérale. Tout nous met au défi d’agrandir cette con
1128
notre conscience fédérale. Tout nous met au défi
d’
agrandir cette conscience aux proportions nouvelles des « mystiques »
1129
ouvelles des « mystiques » qui régissent l’Europe
d’
aujourd’hui. Notre chance et nos risques sont là. La mission essentiel
1130
ce et nos risques sont là. La mission essentielle
de
la Suisse est une mission personnaliste au premier chef : sauvegarder
1131
pas nouvelle : elle constitue l’apport spécifique
de
l’Europe à l’humanité. C’est autour d’elle et grâce à elle que l’Occi
1132
spécifique de l’Europe à l’humanité. C’est autour
d’
elle et grâce à elle que l’Occident s’est édifié, et qu’il a dominé le
1133
, comme certains voudraient le croire, une espèce
de
juste milieu entre les excès déplorables de l’individualisme bourgeoi
1134
spèce de juste milieu entre les excès déplorables
de
l’individualisme bourgeois et du collectivisme dictatorial. Elle est
1135
les déviations morbides. Et dès lors, la mission
de
la Suisse peut être définie à l’échelle de l’Europe : la Suisse doit
1136
ission de la Suisse peut être définie à l’échelle
de
l’Europe : la Suisse doit être la gardienne de ce principe central, f
1137
le de l’Europe : la Suisse doit être la gardienne
de
ce principe central, fédératif ; et elle ne peut être autre chose, de
1138
historique. Gardiens des cols, gardiens du siège
de
la SDN et de celui de la Croix-Rouge, gardiens de ce qui est européen
1139
Gardiens des cols, gardiens du siège de la SDN et
de
celui de la Croix-Rouge, gardiens de ce qui est européen et commun à
1140
des cols, gardiens du siège de la SDN et de celui
de
la Croix-Rouge, gardiens de ce qui est européen et commun à toutes le
1141
de la SDN et de celui de la Croix-Rouge, gardiens
de
ce qui est européen et commun à toutes les nations20 étant eux-mêmes
1142
r l’ensemble — voilà les Suisses, grands Portiers
de
l’Europe, et mainteneurs de ses communes mesures. Qu’on ne voie pas l
1143
sses, grands Portiers de l’Europe, et mainteneurs
de
ses communes mesures. Qu’on ne voie pas là je ne sais quelle manière
1144
s. Qu’on ne voie pas là je ne sais quelle manière
d’
idéaliser ce qui est mesquin. Car ce qui est mesquin chez nous, n’est
1145
squin chez nous, n’est en fait qu’une dégradation
de
l’idéal qui devrait nous unir. La devise des Suisses : « Un pour tous
1146
est la formule la plus frappante et la plus juste
de
l’esprit fédéral de l’Occident — en même temps que du personnalisme.
1147
us frappante et la plus juste de l’esprit fédéral
de
l’Occident — en même temps que du personnalisme. (N’en faisons pas :
1148
pour tous ! ») Oui, c’est au nom de cette mission
de
gardienne du principe commun que la Suisse peut et doit maintenant re
1149
qu’elle est l’expérience témoin, l’annonciatrice
d’
une Europe fédérée dont elle prouve la réalité en assemblant dans un É
1150
s : la germanique, la latine et la française21. ⁂
De
cette mission qui justifie en même temps notre statut européen de neu
1151
qui justifie en même temps notre statut européen
de
neutralité et notre statut intérieur de confédération de cantons, déc
1152
européen de neutralité et notre statut intérieur
de
confédération de cantons, découlent des conséquences précises dans le
1153
ralité et notre statut intérieur de confédération
de
cantons, découlent des conséquences précises dans les ordres les plus
1154
ême qui justifie cette neutralité. Elle se permet
de
prendre parti, dans les questions de politique étrangère, ou de polit
1155
le se permet de prendre parti, dans les questions
de
politique étrangère, ou de politique intérieure du voisin, avec d’aut
1156
ti, dans les questions de politique étrangère, ou
de
politique intérieure du voisin, avec d’autant plus de violence qu’ell
1157
ngère, ou de politique intérieure du voisin, avec
d’
autant plus de violence qu’elle y court moins de risques immédiats. Ri
1158
olitique intérieure du voisin, avec d’autant plus
de
violence qu’elle y court moins de risques immédiats. Rien n’est plus
1159
c d’autant plus de violence qu’elle y court moins
de
risques immédiats. Rien n’est plus agaçant pour l’étranger que cette
1160
est plus agaçant pour l’étranger que cette espèce
de
suffisance moralisante, que ces conseils de fermeté ou ces protestati
1161
spèce de suffisance moralisante, que ces conseils
de
fermeté ou ces protestations intempestives que nous prodiguons chaque
1162
que nous prodiguons chaque jour aux « nationaux »
de
tel pays ou aux « rouges » du monde entier. D’autant plus que ce magi
1163
» de tel pays ou aux « rouges » du monde entier.
D’
autant plus que ce magistère ne paraît nullement s’exercer au nom d’un
1164
t s’exercer au nom d’une vocation bien définie et
de
portée européenne. Quand nos journaux font la leçon à Léon Blum22, ce
1165
communale et fédéraliste, mais au nom d’intérêts
de
classe qui ne sont ni démocratiques ni nationaux. La même critique pe
1166
ritique peut d’ailleurs s’adresser à notre presse
d’
extrême gauche lorsqu’elle défend le même Léon Blum pour des raisons s
1167
nd nous verrons nos grands journaux se préoccuper
de
juger ce qui se passe chez nos voisins non plus au nom de la droite f
1168
voisins non plus au nom de la droite française ou
de
la gauche allemande émigrée, mais au nom du principe fédéral que nous
1169
on pourra dire que la Suisse a retrouvé sa raison
d’
être, et d’être neutre. Quoi de plus comique et de plus irritant que
1170
ire que la Suisse a retrouvé sa raison d’être, et
d’
être neutre. Quoi de plus comique et de plus irritant que d’admirer l
1171
re. Quoi de plus comique et de plus irritant que
d’
admirer les fascismes étrangers alors qu’ils sont les formes politique
1172
e seule leçon : les fascismes se donnent pour but
d’
exalter leur mission nationale. Quelles que soient les réserves de fon
1173
ission nationale. Quelles que soient les réserves
de
fond qu’il y ait à faire, et je les fais, sur l’authenticité de ces m
1174
y ait à faire, et je les fais, sur l’authenticité
de
ces missions qu’ils proclament à son de trompe, il est clair que leur
1175
henticité de ces missions qu’ils proclament à son
de
trompe, il est clair que leur force est là, et qu’en les admirant, en
1176
train de perdre ce qu’ils ont retrouvé : le sens
de
la réalité irremplaçable d’une nation. L’autorité qu’une certaine pre
1177
nt retrouvé : le sens de la réalité irremplaçable
d’
une nation. L’autorité qu’une certaine presse suisse s’était acquise à
1178
s français ou allemands, n’est plus qu’une presse
d’
intérêt local. Là encore, nos chances sont uniques, nous pourrions êtr
1179
être les premiers. Mais à cette seule condition :
de
savoir au nom de quoi nous parlons. Et ce ne peut être qu’au nom de l
1180
parlons. Et ce ne peut être qu’au nom de l’avenir
de
l’Europe, puisque c’est cela que nous sommes dès maintenant. 2. La cu
1181
ne l’envisagerai ici que sous l’angle particulier
de
nos responsabilités comme neutres. Ramuz insiste avec raison sur le f
1182
tiliser ? Il y faudrait une conscience très forte
de
la réalité fédéraliste et de ce qu’elle implique à la fois de diversi
1183
onscience très forte de la réalité fédéraliste et
de
ce qu’elle implique à la fois de diversités reconnues, totalement exp
1184
é fédéraliste et de ce qu’elle implique à la fois
de
diversités reconnues, totalement exprimées comme telles, et d’échange
1185
reconnues, totalement exprimées comme telles, et
d’
échanges multipliés, d’apports mutuels, de synthèse vivante. Dès que l
1186
exprimées comme telles, et d’échanges multipliés,
d’
apports mutuels, de synthèse vivante. Dès que la conscience fédéralist
1187
les, et d’échanges multipliés, d’apports mutuels,
de
synthèse vivante. Dès que la conscience fédéraliste vient à faiblir,
1188
, quand par exemple on se met chez nous à l’école
de
la droite française et de sa politique particulière conditionnée par
1189
met chez nous à l’école de la droite française et
de
sa politique particulière conditionnée par le nationalisme unitaire e
1190
germanique » dans notre vie confédérale. Réaction
de
faiblesse, et néfaste à un double titre. Car d’une part nous y perdon
1191
s ce qui fait notre valeur propre dans la culture
de
langue française ; et d’autre part, en nous refusant aux contacts et
1192
aux échanges, nous perdons la meilleure occasion
de
prendre conscience de nous-mêmes, et de nos singularités sinon latine
1193
rdons la meilleure occasion de prendre conscience
de
nous-mêmes, et de nos singularités sinon latines, du moins romanes. O
1194
occasion de prendre conscience de nous-mêmes, et
de
nos singularités sinon latines, du moins romanes. On se découvre en s
1195
sant, mais en s’opposant réellement, c’est-à-dire
de
près, corps à corps. Croit-on que Ramuz eût écrit ce Chant de notre R
1196
ps à corps. Croit-on que Ramuz eût écrit ce Chant
de
notre Rhône, si « roman », sans le voisinage germanique qui l’a contr
1197
hin ? Pour nous qui n’avons pas les mêmes raisons
de
construire des Bastions de l’Est23, la situation est bien plus favora
1198
pas les mêmes raisons de construire des Bastions
de
l’Est23, la situation est bien plus favorable. Mais il faudrait savoi
1199
oir l’envisager dans sa grandeur, sans crispation
de
méfiance ou de timidité ; dans une volonté de synthèse, et non point
1200
dans sa grandeur, sans crispation de méfiance ou
de
timidité ; dans une volonté de synthèse, et non point dans la crainte
1201
ion de méfiance ou de timidité ; dans une volonté
de
synthèse, et non point dans la crainte perpétuelle de n’aboutir qu’à
1202
ynthèse, et non point dans la crainte perpétuelle
de
n’aboutir qu’à des mélanges bâtards. Notre unité existe, mais sur un
1203
plan à la fois plus élevé et plus vaste que celui
de
« l’unification » à la mode jacobine ou classique. C’est l’unité orig
1204
le, et peut-être future et finale, des diversités
de
l’Europe, symbolisées par nos quatre langues, nos deux religions, nos
1205
une culture homogène. Elles forment quelque chose
de
moins grandiose, mais peut-être de plus conforme à l’essence même de
1206
mais peut-être de plus conforme à l’essence même
de
la culture : un microcosme des valeurs que les nations qui nous entou
1207
s aussi grands qu’aucune d’entre elles dans aucun
de
ces domaines particuliers24. Mais notre grandeur est ailleurs : elle
1208
time, ou dans l’opposition tragique à l’intérieur
d’
une même « personne », des vocations spéciales d’autres nations. Et c’
1209
combat perpétuel, exaltant, le battement du cœur
de
l’Europe. Vouloir créer une « culture suisse », ce serait trahir notr
1210
ait trahir notre mission, ce serait le péché même
d’
idolâtrie qui consiste dans son principe à adorer les instruments d’un
1211
nsiste dans son principe à adorer les instruments
d’
un culte, oubliant le dieu qu’il célèbre. Et pourquoi n’irais-je pas j
1212
as jusqu’à dire que notre grandeur culturelle est
de
n’avoir pas de culture suisse, mais seulement une culture européenne
1213
que notre grandeur culturelle est de n’avoir pas
de
culture suisse, mais seulement une culture européenne ? On nous a don
1214
s, offrant un asile provisoire aux grands errants
de
l’esprit et des passions occidentales : Bâle et Genève au temps de la
1215
u temps de la Réforme, Érasme, Holbein, Calvin et
d’
Aubigné, et le fameux docteur Paracelse, entraînant sa suite turbulent
1216
docteur Paracelse, entraînant sa suite turbulente
de
disciples d’auberge en auberge. C’était la Suisse spirituelle de la R
1217
else, entraînant sa suite turbulente de disciples
d’
auberge en auberge. C’était la Suisse spirituelle de la Renaissance, l
1218
auberge en auberge. C’était la Suisse spirituelle
de
la Renaissance, le microcosme de toutes ses grandeurs. Aux xviie et
1219
isse spirituelle de la Renaissance, le microcosme
de
toutes ses grandeurs. Aux xviie et xviiie , l’horizon se resserre un
1220
and Haller », après ce premier cosmopolite : Béat
de
Muralt. Puis Zurich et l’hégémonie passagère de l’École suisse sur la
1221
t de Muralt. Puis Zurich et l’hégémonie passagère
de
l’École suisse sur la littérature allemande. Et le Lausanne des beaux
1222
e xixe , la Suisse réapparaît sur la grande scène
de
l’Europe. De Genève, c’est une autre « école suisse » qui domine les
1223
uisse réapparaît sur la grande scène de l’Europe.
De
Genève, c’est une autre « école suisse » qui domine les lettres franç
1224
seau : Constant et Staël, et toute la petite cour
de
Coppet. Ce foyer s’éteint pour un temps. Il en renaît un autre à Bâle
1225
ardt, Overbeck, Bachofen, le jeune Nietzsche, ami
de
Wagner… Et tout cela fait, par le moyen de la Suisse, une assez belle
1226
e, ami de Wagner… Et tout cela fait, par le moyen
de
la Suisse, une assez belle culture européenne25. Je ne vois pas pourq
1227
péenne25. Je ne vois pas pourquoi nous douterions
d’
une tradition que tout nous pousse à continuer, et qui, je le crois, n
1228
élevant au point où ils deviennent les conditions
d’
une création unique. Au niveau de l’instruction publique, nous étouffo
1229
de la vraie culture, nous pouvons être les moyens
de
la grandeur future de l’Europe. (Il y a là plus qu’un calembour, soit
1230
ous pouvons être les moyens de la grandeur future
de
l’Europe. (Il y a là plus qu’un calembour, soit dit pour essayer de r
1231
a là plus qu’un calembour, soit dit pour essayer
de
rassurer ces gens sérieux que sont les Suisses moyens — et même les a
1232
(Nulle part, je crois, les écrivains n’ont moins
d’
action sur la vie politique.) Il est clair, et on le dit assez pour q
1233
sez pour que je n’aie pas à insister, que l’armée
d’
un petit pays neutre est très facilement justifiable, aux yeux du paci
1234
u’une « guerre juste », puisqu’elle est incapable
d’
attaquer. Elle ne joue que le rôle d’une garde, et par là même, elle e
1235
st incapable d’attaquer. Elle ne joue que le rôle
d’
une garde, et par là même, elle est conforme à notre vocation profonde
1236
hburg ; milice au service du principe constituant
de
la fédération — et c’est pourquoi elle appartient à l’État et non pas
1237
nt la couverture des frontières par les habitants
de
la région sont absolument dans la ligne du fédéralisme réel26. Armée
1238
démocratique, dit-on, milice populaire, dépourvue
de
l’esprit de caste que forment ailleurs les écoles militaires. Oui, c’
1239
, dit-on, milice populaire, dépourvue de l’esprit
de
caste que forment ailleurs les écoles militaires. Oui, c’est bien là
1240
est bien là ce que doit être une armée consciente
de
son rôle de garde neutre. Il s’agit que cette conscience reste vivace
1241
ce que doit être une armée consciente de son rôle
de
garde neutre. Il s’agit que cette conscience reste vivace. Que l’armé
1242
roche du peuple, cela doit avoir pour effet idéal
de
« civiliser » la milice et non de militariser l’esprit public. Il est
1243
our effet idéal de « civiliser » la milice et non
de
militariser l’esprit public. Il est important de rappeler que l’armée
1244
de militariser l’esprit public. Il est important
de
rappeler que l’armée d’une fédération ne conserve sa raison d’être qu
1245
public. Il est important de rappeler que l’armée
d’
une fédération ne conserve sa raison d’être que si l’on croit à cette
1246
ue l’armée d’une fédération ne conserve sa raison
d’
être que si l’on croit à cette fédération et à la tâche qui lui incomb
1247
u milieu de voisins redoutables. Il est important
de
rappeler que l’armée étant chose fédérale, ne peut être l’armée d’une
1248
’armée étant chose fédérale, ne peut être l’armée
d’
une classe, de ses intérêts, de son ordre. Il n’y aurait aucun avantag
1249
hose fédérale, ne peut être l’armée d’une classe,
de
ses intérêts, de son ordre. Il n’y aurait aucun avantage à combattre
1250
peut être l’armée d’une classe, de ses intérêts,
de
son ordre. Il n’y aurait aucun avantage à combattre l’esprit de caste
1251
Il n’y aurait aucun avantage à combattre l’esprit
de
caste si c’était pour le remplacer par un esprit de classe bourgeois
1252
caste si c’était pour le remplacer par un esprit
de
classe bourgeois d’une valeur militaire bien moindre. Enfin l’enthous
1253
ur le remplacer par un esprit de classe bourgeois
d’
une valeur militaire bien moindre. Enfin l’enthousiasme entretenu auto
1254
itime qu’à proportion du sens profond des raisons
d’
être de la Suisse dont nous témoignons par ailleurs. N’allons pas croi
1255
u’à proportion du sens profond des raisons d’être
de
la Suisse dont nous témoignons par ailleurs. N’allons pas croire que
1256
uisse. Après tout, notre armée n’est qu’un aspect
de
notre défense fédérale. Et un aspect subordonné. Si l’on néglige à so
1257
néglige à son profit « le reste », on fait œuvre
de
mauvais Suisse, car c’est ce « reste » justement qui donne un sens à
1258
Mais je vois aussi qu’avec la cinquantième partie
de
l’argent consacré à leur acquisition, on pourrait apporter à nos inst
1259
uisition, on pourrait apporter à nos institutions
de
haute culture, à nos savants, artistes ou écrivains, les moyens d’ass
1260
à nos savants, artistes ou écrivains, les moyens
d’
assurer au pays un prestige international qui nous donnerait peut-être
1261
ous donnerait peut-être davantage qu’une garantie
d’
autonomie : une existence vraiment autonome. Le budget de la défense n
1262
omie : une existence vraiment autonome. Le budget
de
la défense nationale dans un pays dont la vraie raison d’être est en
1263
fense nationale dans un pays dont la vraie raison
d’
être est en fin de compte spirituelle, devrait comporter normalement à
1264
t à côté du budget militaire, un important budget
de
la culture. Je ne dis pas de l’instruction, mais de la culture. Et je
1265
un important budget de la culture. Je ne dis pas
de
l’instruction, mais de la culture. Et je l’appellerais volontiers le
1266
la culture. Je ne dis pas de l’instruction, mais
de
la culture. Et je l’appellerais volontiers le budget de la conscience
1267
culture. Et je l’appellerais volontiers le budget
de
la conscience fédérale. Car le jour où il existera, l’on pourra dire
1268
ques, si réellement représentatifs, dans ce pays,
de
l’opinion moyenne des citoyens, ont retrouvé le sens de notre destiné
1269
pinion moyenne des citoyens, ont retrouvé le sens
de
notre destinée, et notre chance unique de grandeur28. ⁂ Je vois ce qu
1270
le sens de notre destinée, et notre chance unique
de
grandeur28. ⁂ Je vois ce que l’on peut m’objecter : « Vous attribuez
1271
à des réalités qui se sont constituées par le jeu
d’
intérêts et de routines médiocres. Vous donnez par exemple une valeur
1272
qui se sont constituées par le jeu d’intérêts et
de
routines médiocres. Vous donnez par exemple une valeur positive à un
1273
ement un effort pour restaurer l’actualité perdue
d’
une tradition ou d’une institution ? Pour réveiller leurs pouvoirs cré
1274
r restaurer l’actualité perdue d’une tradition ou
d’
une institution ? Pour réveiller leurs pouvoirs créateurs, leur perpét
1275
es formes existantes ? Il ne s’agit pas pour nous
de
« révolutionner », au sens que le bourgeois craintif prête à ce terme
1276
tif prête à ce terme. Nous partons, dans ce pays,
d’
un certain nombre de structures politiques et morales, et d’une tradit
1277
. Nous partons, dans ce pays, d’un certain nombre
de
structures politiques et morales, et d’une tradition fédéraliste, qui
1278
in nombre de structures politiques et morales, et
d’
une tradition fédéraliste, qui se trouvent réaliser, en théorie, parfo
1279
irituelle entretenue par nos écoles, la tentation
de
copier nos voisins dans les mœurs politiques et dans la presse, tout
1280
quelles nous pouvions compter, et la mission même
de
la Suisse. Tout cela tend à nous réduire à nos proportions matérielle
1281
ont petites, qui sont médiocres. J’ai cité le cas
de
la presse, se réduisant elle-même au rôle de presse locale. Il faut b
1282
cas de la presse, se réduisant elle-même au rôle
de
presse locale. Il faut bien dire aussi que notre fédéralisme tend sou
1283
fédéralisme tend souvent à se réduire à l’esprit
de
clocher, à une limitation des horizons, bien plutôt qu’il ne favorise
1284
ation des horizons, bien plutôt qu’il ne favorise
de
fécondes oppositions. Notre neutralité, conçue comme une prudence, de
1285
à tous les degrés, mais fondée sur une conception
de
l’homme incroyablement étriquée, devient une espèce d’asepsie qui tue
1286
homme incroyablement étriquée, devient une espèce
d’
asepsie qui tue les germes de toute création. (La culture suppose plus
1287
, devient une espèce d’asepsie qui tue les germes
de
toute création. (La culture suppose plus de folie, suppose des contam
1288
ermes de toute création. (La culture suppose plus
de
folie, suppose des contaminations multipliées, des inégalités favoris
1289
re au pas des grandes économies européennes, mais
de
la manière la plus fatale à ce fédéralisme tant vanté. Autant de cons
1290
a plus fatale à ce fédéralisme tant vanté. Autant
de
constatations qui dictent à notre action des objectifs immédiats. Mai
1291
iats. Mais avant toute action précise, il importe
de
rendre à notre peuple le sens d’un destin qui le dépasse. Petit peupl
1292
cise, il importe de rendre à notre peuple le sens
d’
un destin qui le dépasse. Petit peuple chargé d’une grande mission ; s
1293
s d’un destin qui le dépasse. Petit peuple chargé
d’
une grande mission ; s’il l’oublie, il étouffe bientôt dans le confort
1294
l’asepsie morale. Mais qu’il reprenne conscience
de
cette mission, et le grand air de l’Europe et du monde reviendra vivi
1295
enne conscience de cette mission, et le grand air
de
l’Europe et du monde reviendra vivifier nos pays. Il y aura de nouvea
1296
a vivifier nos pays. Il y aura de nouveau du jeu,
de
la passion, des communications fécondes entre les êtres, une circulat
1297
ceci qui est le plus important : des possibilités
d’
imaginer, donc d’innover et de voir grand. 17. Cette étude, publiée
1298
lus important : des possibilités d’imaginer, donc
d’
innover et de voir grand. 17. Cette étude, publiée en octobre 1937 d
1299
: des possibilités d’imaginer, donc d’innover et
de
voir grand. 17. Cette étude, publiée en octobre 1937 dans un numéro
1300
tte étude, publiée en octobre 1937 dans un numéro
de
la revue Esprit consacré à la Suisse, répondait à la fois à la Lett
1301
s à la Lettre que C. F. Ramuz m’adressait en tête
de
ce même numéro, et au volume qu’il venait d’intituler : Questions. (N
1302
tête de ce même numéro, et au volume qu’il venait
d’
intituler : Questions. (Note de 1940.) 18. Les guerres qui nous menac
1303
olume qu’il venait d’intituler : Questions. (Note
de
1940.) 18. Les guerres qui nous menacent n’opposeront pas seulement
1304
ent des colonnes motorisées, mais des conceptions
de
l’homme, de l’État, et des religions, des partis pris spirituels bien
1305
nnes motorisées, mais des conceptions de l’homme,
de
l’État, et des religions, des partis pris spirituels bien plus puissa
1306
t ceux du canton ; les droits des cantons et ceux
de
la Confédération ; les droits de la Suisse et ceux de l’Europe ; imag
1307
cantons et ceux de la Confédération ; les droits
de
la Suisse et ceux de l’Europe ; images et conséquences à la fois de l
1308
a Confédération ; les droits de la Suisse et ceux
de
l’Europe ; images et conséquences à la fois de l’équilibre fondamenta
1309
ux de l’Europe ; images et conséquences à la fois
de
l’équilibre fondamental entre les droits de la personne et ceux de la
1310
fois de l’équilibre fondamental entre les droits
de
la personne et ceux de la communauté. 20. On pourrait signaler aussi
1311
ndamental entre les droits de la personne et ceux
de
la communauté. 20. On pourrait signaler aussi la garde de la papauté
1312
munauté. 20. On pourrait signaler aussi la garde
de
la papauté, en tant qu’institution d’intérêt universel et non nationa
1313
si la garde de la papauté, en tant qu’institution
d’
intérêt universel et non national. Mais c’est plutôt une survivance hi
1314
est plutôt une survivance historique qu’un aspect
de
la mission commune à tous les Suisses. Notons encore que le siège du
1315
Notons encore que le siège du Conseil œcuménique
de
toutes les Églises non romaines a été fixé à Genève. Ici, il s’agit p
1316
maines a été fixé à Genève. Ici, il s’agit plutôt
d’
un germe, d’un avenir. 21. Quant à la civilisation britannique, elle
1317
fixé à Genève. Ici, il s’agit plutôt d’un germe,
d’
un avenir. 21. Quant à la civilisation britannique, elle fut, pour no
1318
la civilisation britannique, elle fut, pour nous,
de
la Réforme jusqu’au xixe siècle, une quatrième voisine spirituelle.
1319
pirituelle. 22. Je rappelle que ces pages datent
de
1937. 23. À l’est de la Suisse romande, s’entend. 24. En passant :
1320
ppelle que ces pages datent de 1937. 23. À l’est
de
la Suisse romande, s’entend. 24. En passant : nos grands artistes ou
1321
dans plusieurs domaines, s’interdisant peut-être,
de
la sorte, d’égaler les maîtres de première grandeur. Nicolas Manuel f
1322
s domaines, s’interdisant peut-être, de la sorte,
d’
égaler les maîtres de première grandeur. Nicolas Manuel fut peintre, a
1323
sant peut-être, de la sorte, d’égaler les maîtres
de
première grandeur. Nicolas Manuel fut peintre, architecte, soldat, dr
1324
ophe et éducateur. 25. La Genève des beaux jours
de
la SDN semblait devoir renouveler ce rayonnement. Asile ou lieu d’éle
1325
t devoir renouveler ce rayonnement. Asile ou lieu
d’
élection d’Européens comme Ferrero ou Thibaudet ; agence de liaison de
1326
nouveler ce rayonnement. Asile ou lieu d’élection
d’
Européens comme Ferrero ou Thibaudet ; agence de liaison de nos cultur
1327
n d’Européens comme Ferrero ou Thibaudet ; agence
de
liaison de nos cultures grâce à la très remarquable Revue de Genève
1328
ns comme Ferrero ou Thibaudet ; agence de liaison
de
nos cultures grâce à la très remarquable Revue de Genève de Robert
1329
e nos cultures grâce à la très remarquable Revue
de
Genève de Robert de Traz ; centre du renouveau calviniste ; laborato
1330
az ; centre du renouveau calviniste ; laboratoire
de
pédagogie (Institut Rousseau) et de psychanalyse, siège d’innombrable
1331
; laboratoire de pédagogie (Institut Rousseau) et
de
psychanalyse, siège d’innombrables institutions internationales… Le c
1332
gie (Institut Rousseau) et de psychanalyse, siège
d’
innombrables institutions internationales… Le caractère factice de la
1333
nstitutions internationales… Le caractère factice
de
la SDN devait par malheur compromettre dès le germe cette renaissance
1334
s le germe cette renaissance. 26. Il est curieux
de
noter, à ce propos, que le groupe de l’Ordre nouveau avait déduit, de
1335
est curieux de noter, à ce propos, que le groupe
de
l’Ordre nouveau avait déduit, de ses principes fondamentaux, un proje
1336
s, que le groupe de l’Ordre nouveau avait déduit,
de
ses principes fondamentaux, un projet d’organisation tout analogue po
1337
déduit, de ses principes fondamentaux, un projet
d’
organisation tout analogue pour l’armée d’un état personnaliste. 27.
1338
projet d’organisation tout analogue pour l’armée
d’
un état personnaliste. 27. « La Suisse a dû prendre au cours de ces d
1339
r sa défense militaire et économique, des mesures
d’
une ampleur auparavant inconnue. Cependant les milieux les plus divers
1340
us divers reconnaissent qu’il n’est plus possible
de
s’en tenir à cette seule défense. » Message du Conseil fédéral, du 9
1341
Message du Conseil fédéral, du 9 nov. 1938. (Note
de
1940.) 28. Ce vœu que j’émettais en 1937 s’est vu exaucé l’année sui
1342
nov. 1938, annonçant et commentant l’institution
de
la Fondation Pro Helvetia. L’instrument existe. Il s’agit maintenant
1343
lvetia. L’instrument existe. Il s’agit maintenant
de
s’en servir, largement, et vite. (Note de 1940.) 29. Ce fut le cas e
1344
ntenant de s’en servir, largement, et vite. (Note
de
1940.) 29. Ce fut le cas en 1814-1815, lorsque les députés de la Con
1345
. Ce fut le cas en 1814-1815, lorsque les députés
de
la Confédération demandèrent au congrès de Vienne la reconnaissance d
1346
éputés de la Confédération demandèrent au congrès
de
Vienne la reconnaissance de leur neutralité : on craignait que de nou
1347
emandèrent au congrès de Vienne la reconnaissance
de
leur neutralité : on craignait que de nouvelles guerres franco-allema
1348
onnaissance de leur neutralité : on craignait que
de
nouvelles guerres franco-allemandes ne dissociassent le lien des cant
1349
lien des cantons, et l’on avait par trop souffert
de
la grande politique des voisins. 30. Dans toutes les classes sociale
1350
et suffiront, pour arrêter les hommes, les chars
d’
assaut et les armées d’envahissement. Certes, nous sommes matérielleme
1351
êter les hommes, les chars d’assaut et les armées
d’
envahissement. Certes, nous sommes matériellement en état de garder no
1352
ement. Certes, nous sommes matériellement en état
de
garder nos frontières. Mais les plus épaisses murailles ne peuvent ar
1353
ailleurs, ou si elles parlent en nous-mêmes. Voix
d’
une angoisse très secrète, tentatrice, voix comparables à ces siffleme
1354
atrice, voix comparables à ces sifflements pleins
de
mystères qui circulent au-dessus de l’Europe et que parfois, quand vo
1355
ements pleins de mystères qui circulent au-dessus
de
l’Europe et que parfois, quand vous cherchez un poste de radio, vous
1356
rope et que parfois, quand vous cherchez un poste
de
radio, vous captez sans le vouloir, en passant. Que signifient ces pa
1357
uoi ne tenterions-nous pas, une fois pour toutes,
de
déchiffrer ces messages secrets, que rien ne saurait empêcher de pass
1358
es messages secrets, que rien ne saurait empêcher
de
passer, et qui peut-être vont nous apporter des nouvelles beaucoup mo
1359
us que vous êtes, en cet instant, devant un poste
de
radio, et que j’arrête tout exprès le petit trait lumineux du cadran
1360
exprès le petit trait lumineux du cadran sur l’un
de
ces endroits indéfinis d’où nous vient l’inquiétante voix. Le son s’a
1361
neux du cadran sur l’un de ces endroits indéfinis
d’
où nous vient l’inquiétante voix. Le son s’amplifie, se précise. C’est
1362
oix. Le son s’amplifie, se précise. C’est la voix
de
l’Europe moderne. Que nous dit-elle ? J’essaierai de l’interpréter. D
1363
l’Europe moderne. Que nous dit-elle ? J’essaierai
de
l’interpréter. Depuis une dizaine d’années, et plus précisément depui
1364
J’essaierai de l’interpréter. Depuis une dizaine
d’
années, et plus précisément depuis 1933, la face de l’Europe a changé.
1365
’années, et plus précisément depuis 1933, la face
de
l’Europe a changé. Il est temps de nous en rendre compte. Autrefois,
1366
1933, la face de l’Europe a changé. Il est temps
de
nous en rendre compte. Autrefois, et naguère encore, il suffisait à u
1367
ois, et naguère encore, il suffisait à une nation
de
déclarer son sol sacré, pour avoir le droit de le défendre jusqu’à la
1368
on de déclarer son sol sacré, pour avoir le droit
de
le défendre jusqu’à la dernière goutte du sang des citoyens. Assurer,
1369
Assurer, les armes à la main, l’intégrité du sol
de
la patrie, voilà qui ne faisait pas de question. Il n’y avait pas d’a
1370
ité du sol de la patrie, voilà qui ne faisait pas
de
question. Il n’y avait pas d’autre raison à chercher et à proclamer,
1371
qui ne faisait pas de question. Il n’y avait pas
d’
autre raison à chercher et à proclamer, que cette raison tout instinct
1372
pouvait, en effet, conquérir un pays qu’au moyen
d’
une armée, et les armées n’ont jamais occupé autre chose que du terrai
1373
le territoire, symbole unique, symbole « sacré »
de
la nation. Et qu’est-ce que le « sacré », sinon précisément ce qui ne
1374
sacré », sinon précisément ce qui ne souffre pas
de
doute, et même pas de réflexion, ce qui est tabou. Or voici que depui
1375
ément ce qui ne souffre pas de doute, et même pas
de
réflexion, ce qui est tabou. Or voici que depuis quelques années, ce
1376
on croyait volontiers que chaque État était voulu
de
Dieu, et qu’il jouissait par conséquent d’une légitimité indiscutable
1377
voulu de Dieu, et qu’il jouissait par conséquent
d’
une légitimité indiscutable. La propagande dont je parle dit autre cho
1378
n’ont pas été créés par Dieu, mais par le traité
de
Versailles. Et c’est bien vrai. Elle dit aussi que d’autres États, et
1379
rouvent en contradiction avec l’évolution récente
de
l’Histoire. Elle proclame que les nations « jeunes » et « dynamiques
1380
tits pour se défendre seuls. Au nom de ce concept
d’
espace vital, elle déclare donc que ces États n’ont plus de « raison d
1381
vital, elle déclare donc que ces États n’ont plus
de
« raison d’être historique ». Pour peu qu’elle arrive à le faire croi
1382
déclare donc que ces États n’ont plus de « raison
d’
être historique ». Pour peu qu’elle arrive à le faire croire, soit aux
1383
certains dirigeants, la victoire lui est acquise
d’
avance. Et les ceintures de fortification les mieux conçues — comme la
1384
ctoire lui est acquise d’avance. Et les ceintures
de
fortification les mieux conçues — comme la ligne Maginot des Tchèques
1385
omme la ligne Maginot des Tchèques — ne serviront
de
rien, au jour choisi par l’attaquant, parce que, des centres vitaux d
1386
ays, les ordres seront déjà donnés dans la langue
de
l’envahisseur. Voici alors ce que nous disent ces voix européennes qu
1387
nous les Suisses, si nous avons encore une raison
d’
être, si nous osons encore la proclamer, et si nous en gardons encore
1388
ience claire et forte. Elles nous mettent au défi
de
produire le pourquoi de notre défense, le pourquoi de notre volonté d
1389
lles nous mettent au défi de produire le pourquoi
de
notre défense, le pourquoi de notre volonté d’autonomie. Elles nous f
1390
roduire le pourquoi de notre défense, le pourquoi
de
notre volonté d’autonomie. Elles nous forcent, non sans brutalité, à
1391
oi de notre défense, le pourquoi de notre volonté
d’
autonomie. Elles nous forcent, non sans brutalité, à dire enfin ce qui
1392
us adresse l’Europe moderne. Il s’agit maintenant
d’
y répondre. Nous ne pouvons plus nous contenter de déclarer que notre
1393
d’y répondre. Nous ne pouvons plus nous contenter
de
déclarer que notre Confédération fut autrefois voulue par Dieu. Il no
1394
eilles. Nous ne pouvons plus nous mettre à l’abri
de
notre histoire, ou de nos Alpes, ou simplement de nos habitudes ances
1395
s plus nous mettre à l’abri de notre histoire, ou
de
nos Alpes, ou simplement de nos habitudes ancestrales. À la question
1396
de notre histoire, ou de nos Alpes, ou simplement
de
nos habitudes ancestrales. À la question nouvelle que nous pose la gr
1397
rande révolution européenne, il s’agit maintenant
de
donner une réponse dont dépendra notre existence. Nous avons fait ser
1398
istence. Nous avons fait serment, le 2 septembre,
de
défendre la Suisse jusqu’à la mort. Eh bien, il serait fou de mourir
1399
la Suisse jusqu’à la mort. Eh bien, il serait fou
de
mourir pour une Suisse dont nous ne serions pas sûrs qu’elle a le dro
1400
serions pas sûrs qu’elle a le droit et le devoir
d’
exister, devant Dieu. On n’a pas le droit de mourir pour quelque chose
1401
evoir d’exister, devant Dieu. On n’a pas le droit
de
mourir pour quelque chose qui ne fournit pas des raisons de vivre. No
1402
pour quelque chose qui ne fournit pas des raisons
de
vivre. Notre serment nous engage donc AUSSI à prendre conscience des
1403
ngage donc AUSSI à prendre conscience des raisons
de
vivre de la Suisse, et de nos raisons de vivre en tant que Suisses.
1404
c AUSSI à prendre conscience des raisons de vivre
de
la Suisse, et de nos raisons de vivre en tant que Suisses. Nos pr
1405
conscience des raisons de vivre de la Suisse, et
de
nos raisons de vivre en tant que Suisses. Nos privilèges Si no
1406
raisons de vivre de la Suisse, et de nos raisons
de
vivre en tant que Suisses. Nos privilèges Si nous voulons pren
1407
Si nous voulons prendre une conscience sérieuse
de
nos vraies raisons d’être et de persévérer, il nous faut tout d’abord
1408
dre une conscience sérieuse de nos vraies raisons
d’
être et de persévérer, il nous faut tout d’abord écarter un certain no
1409
nscience sérieuse de nos vraies raisons d’être et
de
persévérer, il nous faut tout d’abord écarter un certain nombre de fa
1410
nous faut tout d’abord écarter un certain nombre
de
fausses raisons et d’illusions, de phrases toutes faites et de cliché
1411
d écarter un certain nombre de fausses raisons et
d’
illusions, de phrases toutes faites et de clichés patriotiques. Vous n
1412
certain nombre de fausses raisons et d’illusions,
de
phrases toutes faites et de clichés patriotiques. Vous ne vous étonne
1413
isons et d’illusions, de phrases toutes faites et
de
clichés patriotiques. Vous ne vous étonnerez donc pas trop si je cons
1414
z donc pas trop si je consacre la première partie
de
cette étude à la critique, pour ne pas dire au dégonflage de ces clic
1415
ude à la critique, pour ne pas dire au dégonflage
de
ces clichés. Notre assemblée, et ce discours, seraient inutiles, si n
1416
s, certaines réalités solides qui valent la peine
d’
être affirmées sans rhétorique. Nous entendons dire, très souvent, que
1417
ntendons dire, très souvent, que la Suisse mérite
d’
être défendue parce qu’elle détient d’immenses privilèges. Admettons c
1418
isse mérite d’être défendue parce qu’elle détient
d’
immenses privilèges. Admettons ce point de vue, pour l’instant. Quels
1419
ilà, n’est-ce pas, trois belles et bonnes raisons
de
nous montrer fiers de notre Suisse ? Certes. Mais il convient de se d
1420
is belles et bonnes raisons de nous montrer fiers
de
notre Suisse ? Certes. Mais il convient de se demander ce que valent
1421
fiers de notre Suisse ? Certes. Mais il convient
de
se demander ce que valent ces fameux privilèges dans l’Europe toute n
1422
’Europe toute nouvelle où nous vivons en ce début
de
1940. Il convient de se demander s’ils sont de purs et simples privil
1423
e où nous vivons en ce début de 1940. Il convient
de
se demander s’ils sont de purs et simples privilèges, ou s’ils ne com
1424
ut de 1940. Il convient de se demander s’ils sont
de
purs et simples privilèges, ou s’ils ne comporteraient pas aussi des
1425
nt pas aussi des devoirs ; ensuite, s’il y a lieu
de
s’en vanter ; enfin, s’ils représentent pratiquement des garanties po
1426
xtes à la violer. Sommes-nous « à la hauteur »
de
notre nature ? La Suisse est belle, c’est entendu, c’est connu dan
1427
tier. On a fait avec cela beaucoup de littérature
de
manuels — et en même temps, pas mal d’argent, je crois. Tant pis pour
1428
ittérature de manuels — et en même temps, pas mal
d’
argent, je crois. Tant pis pour les manuels, et tant mieux pour l’arge
1429
x pour l’argent. Mais le fait est qu’on a coutume
de
parler de nos Alpes soit d’un point de vue purement sentimental, soit
1430
rgent. Mais le fait est qu’on a coutume de parler
de
nos Alpes soit d’un point de vue purement sentimental, soit d’un poin
1431
t est qu’on a coutume de parler de nos Alpes soit
d’
un point de vue purement sentimental, soit d’un point de vue purement
1432
soit d’un point de vue purement sentimental, soit
d’
un point de vue purement utilitaire ou touristique, en style de Männer
1433
vue purement utilitaire ou touristique, en style
de
Männerchor ou en style d’hôteliers. C’est-à-dire trop haut ou trop ba
1434
u touristique, en style de Männerchor ou en style
d’
hôteliers. C’est-à-dire trop haut ou trop bas. Qu’on y prenne garde ce
1435
les et nos glaciers « sublimes », il n’y a pas là
de
quoi nous vanter ! D’abord ce n’est pas notre faute, car nous ne somm
1436
ns notre géographie. Ensuite, si nous bénéficions
d’
un privilège aussi considérable, il s’agirait de nous en rendre dignes
1437
s d’un privilège aussi considérable, il s’agirait
de
nous en rendre dignes, avant même que de le défendre. Le seul moyen d
1438
’agirait de nous en rendre dignes, avant même que
de
le défendre. Le seul moyen de conserver un privilège, après tout, c’e
1439
nes, avant même que de le défendre. Le seul moyen
de
conserver un privilège, après tout, c’est de le mériter. Or nous chan
1440
oyen de conserver un privilège, après tout, c’est
de
le mériter. Or nous chantons nos lacs d’azur, nous chantons nos glaci
1441
t, c’est de le mériter. Or nous chantons nos lacs
d’
azur, nous chantons nos glaciers qui touchent aux cieux, et nous en re
1442
ciers qui touchent aux cieux, et nous en retirons
d’
importants bénéfices, mais nous oublions trop souvent que tout cela, p
1443
que tout cela, précisément, peut tenter certains
de
nos voisins… Ne seraient-ils pas aussi capables que nous de chanter e
1444
sins… Ne seraient-ils pas aussi capables que nous
de
chanter et de gagner de l’argent, si nous étions contraints de leur c
1445
ent-ils pas aussi capables que nous de chanter et
de
gagner de l’argent, si nous étions contraints de leur céder la place
1446
s aussi capables que nous de chanter et de gagner
de
l’argent, si nous étions contraints de leur céder la place ? Sommes-n
1447
de gagner de l’argent, si nous étions contraints
de
leur céder la place ? Sommes-nous vraiment plus dignes et plus consci
1448
conscients que d’autres des charges que supposent
de
pareils avantages ? Il est une page de Victor Hugo à laquelle je ne p
1449
supposent de pareils avantages ? Il est une page
de
Victor Hugo à laquelle je ne puis m’empêcher de penser, non sans mali
1450
e de Victor Hugo à laquelle je ne puis m’empêcher
de
penser, non sans malice, vous allez le voir, lorsque j’entends vanter
1451
mpérance notre nature « incomparable ». C’est une
de
ces pages excessives dans ses antithèses, comme en trouve beaucoup da
1452
antithèses, comme en trouve beaucoup dans l’œuvre
de
Hugo, et qui, malgré l’excès et la bizarrerie du style, représente à
1453
arrerie du style, représente à mes yeux une sorte
de
parabole terriblement ironique pour nous autres, et par là même, peut
1454
orama des Alpes : C’était un ensemble prodigieux
de
choses harmonieuses et magnifiques, pleines de la grandeur de Dieu. J
1455
ux de choses harmonieuses et magnifiques, pleines
de
la grandeur de Dieu. Je me suis retourné, me demandant à quel être su
1456
rmonieuses et magnifiques, pleines de la grandeur
de
Dieu. Je me suis retourné, me demandant à quel être supérieur et choi
1457
et choisi la nature servait ce merveilleux festin
de
montagnes, de nuages et de soleil, et cherchant un témoin sublime à c
1458
ature servait ce merveilleux festin de montagnes,
de
nuages et de soleil, et cherchant un témoin sublime à ce sublime pays
1459
ce merveilleux festin de montagnes, de nuages et
de
soleil, et cherchant un témoin sublime à ce sublime paysage. Il y ava
1460
sauvage, abrupte et déserte. Je n’oublierai cela
de
ma vie. Dans une anfractuosité de rocher, assis les jambes pendantes
1461
’oublierai cela de ma vie. Dans une anfractuosité
de
rocher, assis les jambes pendantes sur une grosse pierre, un idiot, u
1462
n goitreux, à corps grêle et à face énorme, riait
d’
un air stupide, le visage en plein soleil, et regardait au hasard deva
1463
Eh bien, n’y a-t-il pas un enseignement à tirer
de
cette page ? Vous m’entendez bien : je ne dis pas que le peuple suiss
1464
dans son ensemble, représente, selon l’expression
de
Hugo, « la posture la plus misérable de l’homme ». Et je suis loin de
1465
xpression de Hugo, « la posture la plus misérable
de
l’homme ». Et je suis loin de penser que nous sommes des crétins ! Je
1466
e « dans son attitude superbe », il ne suffit pas
de
chanter. Il s’agit d’être moralement « à la hauteur ». Non, ce n’est
1467
superbe », il ne suffit pas de chanter. Il s’agit
d’
être moralement « à la hauteur ». Non, ce n’est pas si facile que cela
1468
a hauteur ». Non, ce n’est pas si facile que cela
d’
habiter et de posséder un pays dont l’altière beauté menace sans cesse
1469
Non, ce n’est pas si facile que cela d’habiter et
de
posséder un pays dont l’altière beauté menace sans cesse d’écraser l’
1470
r un pays dont l’altière beauté menace sans cesse
d’
écraser l’homme. Il ne suffit pas de se complaire dans cette merveille
1471
ce sans cesse d’écraser l’homme. Il ne suffit pas
de
se complaire dans cette merveilleuse nature : rappelons-nous qu’on pe
1472
es grandeurs, à ces beautés… Et c’est ici le lieu
de
relire quelques phrases d’un de nos auteurs un peu oubliés aujourd’hu
1473
… Et c’est ici le lieu de relire quelques phrases
d’
un de nos auteurs un peu oubliés aujourd’hui, le bon vaudois Eugène Ra
1474
c’est ici le lieu de relire quelques phrases d’un
de
nos auteurs un peu oubliés aujourd’hui, le bon vaudois Eugène Rambert
1475
écrivait-il, doit réfléchir sa beauté dans l’âme
de
ses enfants. Le fait-il ? Hélas ! Il est bien à craindre que le voyag
1476
u niveau du pays. C’est un appel encore, un appel
de
tous les instants, qui ne cesse de retentir dans les âmes d’élite. O
1477
core, un appel de tous les instants, qui ne cesse
de
retentir dans les âmes d’élite. Oui, Rambert nous le dit fort bien :
1478
instants, qui ne cesse de retentir dans les âmes
d’
élite. Oui, Rambert nous le dit fort bien : ce premier de nos privilè
1479
Oui, Rambert nous le dit fort bien : ce premier
de
nos privilèges, une belle nature, doit être considéré par nous, avant
1480
es Suisses deviennent et restent « à la hauteur »
de
leur géographie. Mais il faut aussi qu’ils deviennent et qu’ils reste
1481
qu’ils deviennent et qu’ils restent à la hauteur
de
leur histoire. Et à ce propos, voici quelques remarques sur nos fameu
1482
». Oui certes, mais ici encore, n’ayons pas peur
d’
y regarder de près. Que sont devenues en fait ces libertés antiques qu
1483
s, mais ici encore, n’ayons pas peur d’y regarder
de
près. Que sont devenues en fait ces libertés antiques qu’on nous envi
1484
iques qu’on nous envie ? Avons-nous bien le droit
de
nous en vanter encore, et suffit-il de les vanter pour qu’elles subsi
1485
n le droit de nous en vanter encore, et suffit-il
de
les vanter pour qu’elles subsistent ? La liberté n’est pas seulement
1486
en jouit ne sait pas les mériter par ses manières
d’
être et de penser. Goethe a écrit, à ce propos, quelques phrases extrê
1487
e sait pas les mériter par ses manières d’être et
de
penser. Goethe a écrit, à ce propos, quelques phrases extrêmement dés
1488
s à vous les lire, persuadé que l’une des marques
de
notre liberté est justement le courage d’admettre les critiques les p
1489
marques de notre liberté est justement le courage
d’
admettre les critiques les plus amères, et d’en tirer profit s’il y a
1490
rage d’admettre les critiques les plus amères, et
d’
en tirer profit s’il y a lieu. « Un jour, écrit Goethe, les Suisses se
1491
Un jour, écrit Goethe, les Suisses se délivrèrent
d’
un tyran. Ils purent se croire libres un moment : mais le soleil fécon
1492
ent : mais le soleil fécond fit éclore du cadavre
de
l’oppresseur un essaim de petits tyrans. À présent, ils continuent à
1493
d fit éclore du cadavre de l’oppresseur un essaim
de
petits tyrans. À présent, ils continuent à répéter le vieux conte. On
1494
re leurs murailles, ils ne sont plus esclaves que
de
leurs lois et de leurs coutumes, de leurs commérages et de leurs préj
1495
s, ils ne sont plus esclaves que de leurs lois et
de
leurs coutumes, de leurs commérages et de leurs préjugés bourgeois. »
1496
esclaves que de leurs lois et de leurs coutumes,
de
leurs commérages et de leurs préjugés bourgeois. » Je n’oublie pas qu
1497
lois et de leurs coutumes, de leurs commérages et
de
leurs préjugés bourgeois. » Je n’oublie pas que Goethe écrivait cela
1498
-nous bien certains que, pour autant, le jugement
de
Goethe n’est plus du tout valable de nos jours ? Sommes-nous bien cer
1499
le jugement de Goethe n’est plus du tout valable
de
nos jours ? Sommes-nous bien certains que la tyrannie de l’opinion pu
1500
jours ? Sommes-nous bien certains que la tyrannie
de
l’opinion publique vaut mieux que celle des aristocrates ? Sommes-nou
1501
s bien certains, enfin, qu’il a suffi à nos pères
de
s’affranchir un jour pour que nous ayons le droit de répéter à tout j
1502
s’affranchir un jour pour que nous ayons le droit
de
répéter à tout jamais : nous sommes libres ! Ayons le courage de le r
1503
ut jamais : nous sommes libres ! Ayons le courage
de
le reconnaître en toute franchise : la Suisse actuelle n’est pas, com
1504
pourrait l’être, l’un des pays où l’on a le plus
de
véritable liberté d’esprit. C’est un pays où l’on tolère fort mal les
1505
n des pays où l’on a le plus de véritable liberté
d’
esprit. C’est un pays où l’on tolère fort mal les opinions non conform
1506
idées imprévues. Certes, nous avons peu ou point
de
polémiques personnelles : mais c’est peut-être moins par tolérance ré
1507
vélique. Ceci pour le plan des idées. Sur le plan
de
la morale, c’est pire encore. Je ne vais pas refaire ici, après tant
1508
s pas refaire ici, après tant d’autres, le procès
de
notre moralisme intolérant. Qu’il me suffise de remarquer que si nous
1509
s de notre moralisme intolérant. Qu’il me suffise
de
remarquer que si nous étions plus chrétiens, nous serions beaucoup pl
1510
rants dans ce domaine, nous aurions beaucoup plus
de
liberté dans nos jugements, nous respecterions beaucoup mieux les faç
1511
nts, nous respecterions beaucoup mieux les façons
de
vivre du voisin, le mystère de son existence. On me dira peut-être qu
1512
p mieux les façons de vivre du voisin, le mystère
de
son existence. On me dira peut-être que ces considérations n’ont pas
1513
e, actuellement, et que les libertés qu’il s’agit
de
défendre, en ce mois de janvier 1940, sont avant tout nos libertés po
1514
les libertés qu’il s’agit de défendre, en ce mois
de
janvier 1940, sont avant tout nos libertés politiques. Je répondrai q
1515
t toute notre histoire en témoigne. Une politique
de
liberté ne peut être faite que par des esprits libres. Et libres dans
1516
parce que les premiers Suisses avaient la passion
de
leurs libertés civiles et quotidiennes qu’ils ont voulu se libérer du
1517
les Suisses du xviiie siècle ne jouissaient plus
d’
une véritable liberté intérieure qu’ils ont été une proie facile pour
1518
une proie facile pour l’étranger, pour les armées
de
la Révolution française. Je voudrais insister sur ce point : si nous
1519
sur ce point : si nous perdons le sens et le goût
de
la liberté quotidienne, celle qui se manifeste dans la diversité infi
1520
manifeste dans la diversité infinie des manières
de
penser et de vivre, nos libertés politiques ne pourront subsister lon
1521
ns la diversité infinie des manières de penser et
de
vivre, nos libertés politiques ne pourront subsister longtemps, et al
1522
ront subsister longtemps, et alors c’en sera fait
de
notre liberté vis-à-vis de l’étranger, c’est-à-dire de notre indépend
1523
tre liberté vis-à-vis de l’étranger, c’est-à-dire
de
notre indépendance nationale. Il ne suffit donc pas de protéger notre
1524
tre indépendance nationale. Il ne suffit donc pas
de
protéger notre indépendance par des fortifications. C’est l’intérieur
1525
ous voulons que notre armée défende quelque chose
de
valable. Or quels sont les ennemis intérieurs de notre liberté ? Je n
1526
de valable. Or quels sont les ennemis intérieurs
de
notre liberté ? Je n’en désignerai ici que deux, qui vous paraîtront
1527
nt peut-être assez inattendus. Ce sont la paresse
d’
esprit et l’égalitarisme. Voilà ce que j’entends par paresse d’esprit
1528
égalitarisme. Voilà ce que j’entends par paresse
d’
esprit : les Suisses jouissent d’une instruction publique remarquable,
1529
ends par paresse d’esprit : les Suisses jouissent
d’
une instruction publique remarquable, mais ils ont la plus grande méfi
1530
’endroit de la véritable culture. Ils ont horreur
de
tout ce qui leur paraît compliqué. Ils jugent suspect tout ce qui n’e
1531
telles que bon ou méchant, droite ou gauche, ami
de
l’ordre ou esprit subversif. Ils exigent toujours des choses simples.
1532
lchévisme ». Pourquoi ? Parce qu’on se contentait
de
dire : M. Hitler est pour l’ordre, les bolchévistes sont pour le déso
1533
our le désordre. Sans se demander un seul instant
de
quelle espèce d’ordre il s’agissait. Or, prenons-y garde : cette pass
1534
Sans se demander un seul instant de quelle espèce
d’
ordre il s’agissait. Or, prenons-y garde : cette passion maladive pour
1535
imples », elle tend à supprimer toute possibilité
de
jugement libre, toute véritable liberté d’esprit. Je connais bien des
1536
bilité de jugement libre, toute véritable liberté
d’
esprit. Je connais bien des Suisses cultivés que l’intolérance de leur
1537
nnais bien des Suisses cultivés que l’intolérance
de
leurs concitoyens simplistes a réduits à la neurasthénie, et totaleme
1538
duits à la neurasthénie, et totalement découragés
d’
agir, de parler ou d’écrire. Et j’ajouterai : je connais bien des prot
1539
la neurasthénie, et totalement découragés d’agir,
de
parler ou d’écrire. Et j’ajouterai : je connais bien des protestants
1540
ie, et totalement découragés d’agir, de parler ou
d’
écrire. Et j’ajouterai : je connais bien des protestants que notre mor
1541
e n’importe qui par certaine façon peu chrétienne
de
comparer toujours les défauts pratiques du protestantisme avec les qu
1542
rop. Notre bonne inconscience ne nous empêche pas
d’
être « ceux par qui le scandale arrive » ! Notre égalitarisme est, lui
1543
» ! Notre égalitarisme est, lui aussi, une forme
de
notre paresse d’esprit, bien plus encore qu’une forme de l’envie, com
1544
arisme est, lui aussi, une forme de notre paresse
d’
esprit, bien plus encore qu’une forme de l’envie, comme on l’a peut-êt
1545
e paresse d’esprit, bien plus encore qu’une forme
de
l’envie, comme on l’a peut-être trop dit. Autrefois les Suisses se mé
1546
aventures dictatoriales. Il y avait quelque chose
de
sain et de profondément démocratique dans l’effacement volontaire des
1547
ictatoriales. Il y avait quelque chose de sain et
de
profondément démocratique dans l’effacement volontaire des plus grand
1548
s l’effacement volontaire des plus grands Suisses
de
ces temps-là. Mais aujourd’hui, l’égalitarisme hérité du xixe siècle
1549
du xixe siècle n’est plus qu’une dégénérescence
de
cet instinct démocratique. Il veut tout unifier, réglementer, central
1550
rentrer dans le rang. Il persécute à petits coups
d’
épingle tout ce qui paraît vouloir se distinguer. Pourquoi ? Parce que
1551
Parce que c’est bien plus simple, et plus facile
de
tout ramener à des mesures médiocres et uniformes. C’est bien plus si
1552
formes. C’est bien plus simple et plus facile que
de
tenir compte des vivantes diversités, des vocations infiniment divers
1553
alitaires. Nous serions beaucoup plus respectueux
de
la complexité humaine, parce que nous saurions beaucoup mieux ce que
1554
r respecter sans nulle arrière-pensée la vocation
d’
autrui. Car seul un vrai chrétien connaît et aime le secret de la libe
1555
r seul un vrai chrétien connaît et aime le secret
de
la liberté, que Vinet nous révèle en écrivant : « C’est pour obéir qu
1556
qu’aux hommes. Ceux qui ne savent pas que le but
de
toutes nos libertés est uniquement de laisser à chacun le droit d’obé
1557
que le but de toutes nos libertés est uniquement
de
laisser à chacun le droit d’obéir à Dieu seul, plutôt qu’à soi-même o
1558
ertés est uniquement de laisser à chacun le droit
d’
obéir à Dieu seul, plutôt qu’à soi-même ou aux autres, ceux-là pensero
1559
toujours, non sans raison, que la liberté risque
de
se confondre avec l’anarchie. Ils n’aimeront pas vraiment la liberté,
1560
iberté. Oui, nous pouvons le proclamer : il n’y a
de
liberté réelle dans notre monde que grâce à la foi des chrétiens, et
1561
s aimons à dire en Suisse), le meilleur fondement
de
notre indépendance nationale, c’est encore notre foi personnelle. Car
1562
i personnelle. Car c’est elle qui reste la source
de
notre amour de la vraie liberté, et cet amour est le fondement solide
1563
Car c’est elle qui reste la source de notre amour
de
la vraie liberté, et cet amour est le fondement solide de toutes nos
1564
aie liberté, et cet amour est le fondement solide
de
toutes nos libertés civiques, comme aussi de notre résistance intime
1565
lide de toutes nos libertés civiques, comme aussi
de
notre résistance intime aux tentations de la propagande totalitaire.
1566
e aussi de notre résistance intime aux tentations
de
la propagande totalitaire. Devons-nous rester neutres ? Liberté
1567
otalitarisme… Ceci nous amène à poser la question
de
notre troisième grand privilège : la neutralité. Notre neutralité, en
1568
certaines limites pénibles à la libre expression
de
nos convictions, même lorsque celles-ci sont basées sur notre foi non
1569
t à nos propres yeux, notre situation privilégiée
de
neutres ? Il semble que depuis quelques années, nous ayons renoncé, e
1570
mme une chose qui irait de soi, qui aurait existé
de
tout temps, sans commencement ni fin imaginables, qui nous serait due
1571
ie, et qui représenterait, en somme, un privilège
de
droit divin. Nous savons que la neutralité est une conception menacée
1572
uelque sorte contre nature, car l’instinct normal
de
tout homme le pousse toujours à prendre parti ; et qu’enfin nous devo
1573
situation géographique centrale nous exposerait à
de
trop grands dangers en cas de guerre, enfin, parce que notre diversit
1574
e nous exposerait à de trop grands dangers en cas
de
guerre, enfin, parce que notre diversité raciale et religieuse risque
1575
notre diversité raciale et religieuse risquerait
d’
entraîner la dislocation de notre fédération, si nous venions à prendr
1576
religieuse risquerait d’entraîner la dislocation
de
notre fédération, si nous venions à prendre parti. Notons que cet arg
1577
venions à prendre parti. Notons que cet argument
de
la nécessité n’est guère valable que pour nous, Suisses. Nos voisins
1578
ur nous, Suisses. Nos voisins n’ont aucune raison
d’
en tenir compte, bien au contraire. Au lieu de laisser entendre que no
1579
e les traités nous y forcent. Et certes, aux yeux
d’
un chrétien et d’un Suisse, les traités ne seront jamais de simples ch
1580
s y forcent. Et certes, aux yeux d’un chrétien et
d’
un Suisse, les traités ne seront jamais de simples chiffons de papier
1581
tien et d’un Suisse, les traités ne seront jamais
de
simples chiffons de papier ! La Confédération reste fondée sur la fid
1582
les traités ne seront jamais de simples chiffons
de
papier ! La Confédération reste fondée sur la fidélité à la parole ju
1583
rtout en allemand : Eidgenossenschaft, communauté
de
ceux qui ont fait serment. Mais ici encore, il nous faut bien voir qu
1584
fication militaire à notre neutralité : il serait
de
l’intérêt des puissances belligérantes de ne point utiliser le passag
1585
serait de l’intérêt des puissances belligérantes
de
ne point utiliser le passage par la Suisse, qui les découvrirait sur
1586
. Mais vous savez fort bien que cette raison dite
d’
équilibre stratégique peut disparaître d’un jour à l’autre. Et la preu
1587
son dite d’équilibre stratégique peut disparaître
d’
un jour à l’autre. Et la preuve que nous ne la prenons pas au sérieux,
1588
ilisés. Je ne discuterai même pas ici, l’argument
de
l’impartialité, qui put jouer un rôle en 1914-1918. Je crois que les
1589
érants, représentent la négation la plus radicale
de
l’idéal fédéraliste qui nous unit, par conséquent, la plus grave mena
1590
te-t-il donc à répondre à ceux qui nous demandent
d’
entrer en guerre ? Ni l’argument des réalistes, ni celui des juristes,
1591
stratèges, ne suffiraient à justifier notre refus
de
payer, nous aussi, notre part dans la défense de l’Europe. Je ne dis
1592
qu’ils ne représentent plus une raison suffisante
de
s’abstenir, et d’autre part, qu’ils n’ont plus de force convaincante
1593
de s’abstenir, et d’autre part, qu’ils n’ont plus
de
force convaincante pour nos voisins, et, par suite, ne sont plus pour
1594
gré tout nous affirmons que la Suisse a le devoir
de
rester neutre, ce ne peut donc être qu’au nom d’une réalité qui ne se
1595
pirituelle au premier chef : au nom de la mission
de
la Suisse dans la communauté européenne. Non, la neutralité de la Sui
1596
dans la communauté européenne. Non, la neutralité
de
la Suisse ne saurait être un privilège : c’est une charge ! Et ce ser
1597
ne charge ! Et ce serait bien mal la défendre que
de
la défendre au nom de nos seuls intérêts helvétiques, car elle ne peu
1598
peut et ne doit subsister qu’au nom de l’intérêt
de
l’Europe entière. Seule, la mission positive de la Suisse rend un sen
1599
t de l’Europe entière. Seule, la mission positive
de
la Suisse rend un sens et un poids aux arguments que nous jugions tou
1600
antage dès qu’on la considère dans la perspective
de
notre mission médiatrice. De même, la garantie légale de notre neutra
1601
e mission médiatrice. De même, la garantie légale
de
notre neutralité n’est qu’un chiffon de papier, si l’on veut y voir s
1602
ie légale de notre neutralité n’est qu’un chiffon
de
papier, si l’on veut y voir simplement une garantie de nos privilèges
1603
pier, si l’on veut y voir simplement une garantie
de
nos privilèges. Mais elle devient notre meilleure sûreté dès qu’on la
1604
re sûreté dès qu’on la considère comme une mesure
d’
intérêt général en Europe. Rester neutres au nom d’un traité signé à V
1605
res au nom d’un traité signé à Vienne il y a plus
de
cent ans, soit ! Mais il ne faudrait pas retenir de ce traité uniquem
1606
cent ans, soit ! Mais il ne faudrait pas retenir
de
ce traité uniquement ce qui nous semblerait y garantir notre sécurité
1607
dit beaucoup plus : « Les Puissances signataires
de
la déclaration du 20 mars 1815 reconnaissent authentiquement par le p
1608
présent Acte que la neutralité et l’inviolabilité
de
la Suisse, et son indépendance de toute influence étrangère, sont dan
1609
l’inviolabilité de la Suisse, et son indépendance
de
toute influence étrangère, sont dans les vrais intérêts de la politiq
1610
influence étrangère, sont dans les vrais intérêts
de
la politique de L’Europe entière.32 » Et j’en arrive, ici, au centre
1611
ère, sont dans les vrais intérêts de la politique
de
L’Europe entière.32 » Et j’en arrive, ici, au centre même de tout ce
1612
entière.32 » Et j’en arrive, ici, au centre même
de
tout ce que je voulais vous dire aujourd’hui : le seul moyen réel et
1613
dire aujourd’hui : le seul moyen réel et réaliste
de
conserver nos privilèges, c’est de les considérer comme les charges,
1614
el et réaliste de conserver nos privilèges, c’est
de
les considérer comme les charges, dont nous sommes responsables vis-à
1615
de la communauté européenne. Je voudrais marquer
d’
une devise ce point central. Au Moyen âge la noblesse représentait une
1616
rivilège était subordonné à la charge, il n’avait
d’
autre but que d’en faciliter l’exercice. C’est pourquoi l’on disait :
1617
ubordonné à la charge, il n’avait d’autre but que
d’
en faciliter l’exercice. C’est pourquoi l’on disait : Noblesse oblige.
1618
ent que tous nos privilèges, même naturels, n’ont
d’
autre sens et d’autre raison d’être que de nous permettre d’accomplir
1619
privilèges, même naturels, n’ont d’autre sens et
d’
autre raison d’être que de nous permettre d’accomplir notre mission sp
1620
me naturels, n’ont d’autre sens et d’autre raison
d’
être que de nous permettre d’accomplir notre mission spéciale de Suiss
1621
, n’ont d’autre sens et d’autre raison d’être que
de
nous permettre d’accomplir notre mission spéciale de Suisses. Disons-
1622
ns et d’autre raison d’être que de nous permettre
d’
accomplir notre mission spéciale de Suisses. Disons-nous donc : beauté
1623
nous permettre d’accomplir notre mission spéciale
de
Suisses. Disons-nous donc : beauté du sol oblige, liberté oblige, neu
1624
, liberté oblige, neutralité oblige ! Vocation
de
la Suisse Mais il est temps que je définisse ce que j’appelle la m
1625
emps que je définisse ce que j’appelle la mission
de
la Suisse, ou mieux, d’un terme plus chrétien, sa vocation. C’est trè
1626
que j’appelle la mission de la Suisse, ou mieux,
d’
un terme plus chrétien, sa vocation. C’est très facile à dire en quelq
1627
quelques mots. La vocation actuelle et historique
de
la Suisse, c’est de défendre et d’illustrer aux yeux de l’Europe le p
1628
cation actuelle et historique de la Suisse, c’est
de
défendre et d’illustrer aux yeux de l’Europe le principe du fédéralis
1629
et historique de la Suisse, c’est de défendre et
d’
illustrer aux yeux de l’Europe le principe du fédéralisme ; principe,
1630
ème totalitaire, et seule base possible et solide
de
la paix que nous espérons. C’est très facile à dire, et ce n’est pas
1631
ots, un peu usés, recouvrent des réalités lourdes
de
possibilités nouvelles. Que signifient ces mots : défendre et illustr
1632
nseils, par nos initiatives, par certaines prises
de
position peut-être, les bases de la fédération européenne. L’illustre
1633
certaines prises de position peut-être, les bases
de
la fédération européenne. L’illustrer, c’est le réaliser, ici et main
1634
’est faire que notre Suisse ait vraiment le droit
de
s’offrir en exemple à l’Europe, sur le plan du fédéralisme. Ces deux
1635
ope, sur le plan du fédéralisme. Ces deux aspects
de
notre vocation me paraissent inséparables. Il faut répandre l’idée fé
1636
saurait attaquer avec succès que si l’on est sûr
de
ses armes, et solidement appuyé par l’arrière. Il en va de même dans
1637
va de même dans la vie spirituelle. Le seul moyen
de
garder sa foi, c’est de la prêcher. Il m’arrive même de penser qu’on
1638
pirituelle. Le seul moyen de garder sa foi, c’est
de
la prêcher. Il m’arrive même de penser qu’on ne croit vraiment que lo
1639
der sa foi, c’est de la prêcher. Il m’arrive même
de
penser qu’on ne croit vraiment que lorsque, devant d’autres, l’on tém
1640
l’action, la réalisation, l’illustration concrète
de
ce que l’on prêche. Ce n’est pas par hasard que j’emploie ici une com
1641
pas sans raison non plus que j’ai voulu profiter
de
cette rencontre de jeunesse chrétienne pour vous parler de la vocatio
1642
n plus que j’ai voulu profiter de cette rencontre
de
jeunesse chrétienne pour vous parler de la vocation de la Suisse. Qui
1643
rencontre de jeunesse chrétienne pour vous parler
de
la vocation de la Suisse. Qui, en effet, mieux qu’un chrétien, mieux
1644
unesse chrétienne pour vous parler de la vocation
de
la Suisse. Qui, en effet, mieux qu’un chrétien, mieux qu’un protestan
1645
ieux qu’un protestant calviniste, pourrait savoir
de
quoi l’on parle lorsqu’on parle de vocation ? Et à qui reviendraient,
1646
ourrait savoir de quoi l’on parle lorsqu’on parle
de
vocation ? Et à qui reviendraient, en premier lieu, le droit et le de
1647
endraient, en premier lieu, le droit et le devoir
de
parler d’une vocation de la Suisse, si ce n’était à nous, chrétiens s
1648
en premier lieu, le droit et le devoir de parler
d’
une vocation de la Suisse, si ce n’était à nous, chrétiens suisses ? C
1649
u, le droit et le devoir de parler d’une vocation
de
la Suisse, si ce n’était à nous, chrétiens suisses ? C’est pourquoi j
1650
rquoi je voudrais consacrer cette dernière partie
de
ma conférence à quelques remarques sur l’idée de vocation en général,
1651
de ma conférence à quelques remarques sur l’idée
de
vocation en général, et ensuite, sur les moyens de réaliser notre voc
1652
e vocation en général, et ensuite, sur les moyens
de
réaliser notre vocation chrétienne en tant que Suisses. Quand on parl
1653
on chrétienne en tant que Suisses. Quand on parle
d’
une vocation de la Suisse vis-à-vis de l’Europe, nombreux sont ceux qu
1654
n tant que Suisses. Quand on parle d’une vocation
de
la Suisse vis-à-vis de l’Europe, nombreux sont ceux qui crient à l’ut
1655
réalités spirituelles, qu’ils traitent volontiers
d’
idéologies fumeuses. Ces gens-là se trompent lourdement, et aujourd’hu
1656
l est clair que la guerre actuelle est une guerre
de
doctrines et même de religions. Des raisons spirituelles la dominent,
1657
erre actuelle est une guerre de doctrines et même
de
religions. Des raisons spirituelles la dominent, et il s’agit de les
1658
es raisons spirituelles la dominent, et il s’agit
de
les prendre au sérieux si l’on veut rester réaliste. Épargnés jusqu’i
1659
tant que neutres, justement ! Affirmer la mission
de
notre neutralité, voilà notre rôle stratégique dans cette bataille de
1660
voilà notre rôle stratégique dans cette bataille
de
doctrines. Nous venons de le constater, à propos de la neutralité : c
1661
oilà ce qui distingue extérieurement une vocation
d’
une utopie. Il ne suffit pas qu’une idée soit généreuse ou grande pour
1662
soit généreuse ou grande pour qu’on ait le droit
d’
y voir une vocation. Il faut encore qu’elle parte des possibilités con
1663
i par exemple un Suisse croyait avoir la vocation
d’
un dictateur ou d’un conquérant, d’un Hitler ou d’un Napoléon, on sera
1664
uisse croyait avoir la vocation d’un dictateur ou
d’
un conquérant, d’un Hitler ou d’un Napoléon, on serait en droit de lui
1665
ir la vocation d’un dictateur ou d’un conquérant,
d’
un Hitler ou d’un Napoléon, on serait en droit de lui dire : ta préten
1666
d’un dictateur ou d’un conquérant, d’un Hitler ou
d’
un Napoléon, on serait en droit de lui dire : ta prétendue vocation n’
1667
d’un Hitler ou d’un Napoléon, on serait en droit
de
lui dire : ta prétendue vocation n’est qu’une utopie, parce qu’elle n
1668
des données très solides. De par notre situation
de
fait, nous sommes, si je puis dire, pratiquement condamnés à l’idéali
1669
e. Mais beaucoup de bons Suisses ne le voient pas
de
leurs yeux, et par suite, ne veulent pas y croire. Ils prétendent ten
1670
y croire. Ils prétendent tenir compte uniquement
de
ce qui est inscrit dans nos nécessités, dans notre situation géograph
1671
nt être vues et touchées, nos Alpes, la petitesse
de
notre territoire, et nos difficultés économiques, ils n’aperçoivent n
1672
omiques, ils n’aperçoivent nullement l’indication
d’
une vocation européenne de la Suisse. Dans un certain sens, ils n’ont
1673
nullement l’indication d’une vocation européenne
de
la Suisse. Dans un certain sens, ils n’ont pas tort. Une vocation n’e
1674
y déchiffrer, et cela ne se peut qu’avec les yeux
de
l’esprit. Tenir compte des faits ne suffit pas : il faut savoir leur
1675
donner un sens, leur ajouter un sens par un acte
de
l’esprit ; et y croire, par un acte de foi. Il n’en va pas autrement
1676
ar un acte de l’esprit ; et y croire, par un acte
de
foi. Il n’en va pas autrement dans la vie du chrétien. Nous ne pouvon
1677
ie du chrétien. Nous ne pouvons jamais partir que
de
ce que nous sommes, c’est entendu, mais ce n’est pas une raison pour
1678
toujours un appel, un appel qui vient du dehors,
de
Quelqu’un d’autre, et qui nous force à sortir de nous-mêmes. Elle ne
1679
appel, un appel qui vient du dehors, de Quelqu’un
d’
autre, et qui nous force à sortir de nous-mêmes. Elle ne résulte pas m
1680
de Quelqu’un d’autre, et qui nous force à sortir
de
nous-mêmes. Elle ne résulte pas mécaniquement de notre situation de f
1681
de nous-mêmes. Elle ne résulte pas mécaniquement
de
notre situation de fait : elle s’y ajoute. Notre foi l’y ajoute. Pour
1682
e ne résulte pas mécaniquement de notre situation
de
fait : elle s’y ajoute. Notre foi l’y ajoute. Pourquoi un incroyant d
1683
elque chose qui vient d’ailleurs, qui ne vient ni
de
lui, ni de ses aptitudes, ni de son hérédité raciale, ni de son milie
1684
qui vient d’ailleurs, qui ne vient ni de lui, ni
de
ses aptitudes, ni de son hérédité raciale, ni de son milieu, et qui n
1685
, qui ne vient ni de lui, ni de ses aptitudes, ni
de
son hérédité raciale, ni de son milieu, et qui n’était nullement « in
1686
de ses aptitudes, ni de son hérédité raciale, ni
de
son milieu, et qui n’était nullement « inscrit » dans tous ces faits.
1687
la foi. Maintenant donc, il s’agit pour nous tous
de
reconnaître la vocation suisse, d’en revêtir la charge, d’en être les
1688
pour nous tous de reconnaître la vocation suisse,
d’
en revêtir la charge, d’en être les porteurs. Premièrement en la défen
1689
aître la vocation suisse, d’en revêtir la charge,
d’
en être les porteurs. Premièrement en la défendant, deuxièmement en l’
1690
oyens il pourrait y contribuer, je lui demanderai
d’
aider au moins ceux qui se trouveraient mieux placés dans ce combat, e
1691
i se trouveraient mieux placés dans ce combat, et
d’
être prêt à leur porter main-forte, cas échéant. Car tout revient, dan
1692
Car tout revient, dans ce domaine, à une question
d’
état d’esprit et de préparation morale. Ce qu’il s’agit de créer, avan
1693
ans ce domaine, à une question d’état d’esprit et
de
préparation morale. Ce qu’il s’agit de créer, avant tout, c’est une d
1694
’esprit et de préparation morale. Ce qu’il s’agit
de
créer, avant tout, c’est une disposition du sentiment public favorabl
1695
s entreprises éventuelles, qu’il serait imprudent
de
préciser trop vite, mais qui naîtront sans aucun doute, ici ou là, da
1696
actement un complément à ma précédente définition
de
la vocation. Je viens de vous dire qu’il serait prématuré de préciser
1697
ion. Je viens de vous dire qu’il serait prématuré
de
préciser dès maintenant le plan d’une entreprise fédéraliste européen
1698
rait prématuré de préciser dès maintenant le plan
d’
une entreprise fédéraliste européenne, sur l’initiative de la Suisse.
1699
treprise fédéraliste européenne, sur l’initiative
de
la Suisse. Or on pourrait me faire remarquer qu’une vocation est touj
1700
cation est toujours un appel précis. Le type même
de
la vocation, c’est l’appel aux Prophètes dans l’Ancien Testament. Die
1701
éjà nous habituer à voir plus grand sans décoller
de
la réalité, à voir plus grand pour rester dans le réel ; nous habitue
1702
pour rester dans le réel ; nous habituer à l’idée
de
faire un jour quelque chose de grand pour l’Europe. Peut-être est-il
1703
habituer à l’idée de faire un jour quelque chose
de
grand pour l’Europe. Peut-être est-il encore trop tôt pour mobiliser
1704
t pour mobiliser l’opinion en faveur d’une action
de
la Suisse auprès de ses voisins en guerre. Peut-être n’y a-t-il rien
1705
spirituelle que je réclame, c’est plutôt une mise
de
piquet. Soyons prêts à répondre à tout appel, même balbutiant, qui se
1706
urons à dire à nos voisins, forts que nous sommes
d’
une expérience fédéraliste de six siècles. Et surtout, ne dénigrons pa
1707
orts que nous sommes d’une expérience fédéraliste
de
six siècles. Et surtout, ne dénigrons pas les tentatives qui se ferai
1708
ens comme nous avons trop souvent dénigré l’essai
de
Société des Nations. Essayons au contraire de les améliorer, si nous
1709
rer notre fédéralisme, c’est-à-dire à le réaliser
d’
une manière qui le rende exemplaire au sens littéral de ce mot. Profit
1710
manière qui le rende exemplaire au sens littéral
de
ce mot. Profitons de notre paix matérielle pour le parfaire et pour l
1711
exemplaire au sens littéral de ce mot. Profitons
de
notre paix matérielle pour le parfaire et pour l’approfondir jusque d
1712
faire et pour l’approfondir jusque dans le détail
de
nos vies, en sorte que cette réduction d’Europe fédérée, qu’est la Su
1713
détail de nos vies, en sorte que cette réduction
d’
Europe fédérée, qu’est la Suisse, soit au moins de l’ouvrage bien fait
1714
d’Europe fédérée, qu’est la Suisse, soit au moins
de
l’ouvrage bien faite, digne d’être exposée, et en bonne place, comme
1715
sse, soit au moins de l’ouvrage bien faite, digne
d’
être exposée, et en bonne place, comme un modèle valable pour l’Europe
1716
onne place, comme un modèle valable pour l’Europe
de
demain. Voilà un travail immédiat. Nul besoin, cette fois-ci, d’atten
1717
à un travail immédiat. Nul besoin, cette fois-ci,
d’
attendre que la paix s’approche pour s’y mettre. Notre vocation intéri
1718
’une suppose l’autre et la soutient. Je laisserai
de
côté, ce matin, l’aspect politique au sens étroit du problème. J’esti
1719
toute l’espérance œcuménique. Connaître le voisin
de
langue ou de confession différente ; lui reconnaître le droit de diff
1720
ance œcuménique. Connaître le voisin de langue ou
de
confession différente ; lui reconnaître le droit de différer de nous
1721
confession différente ; lui reconnaître le droit
de
différer de nous ; le comprendre jusqu’à la limite du possible comme
1722
différente ; lui reconnaître le droit de différer
de
nous ; le comprendre jusqu’à la limite du possible comme il se compre
1723
nt soutenir, précisément, au nom de leur vocation
d’
Églises suisses. Ceci m’amène à mon troisième et dernier point. C’est
1724
travailler à cette défense, à cette illustration
de
l’idée suisse. Je m’explique. Le chrétien a le devoir d’agir, d’agir
1725
ée suisse. Je m’explique. Le chrétien a le devoir
d’
agir, d’agir dans le monde et pour le monde, dans la cité où il est né
1726
e. Je m’explique. Le chrétien a le devoir d’agir,
d’
agir dans le monde et pour le monde, dans la cité où il est né, et pou
1727
il est né, et pour son bien. Il n’a pas le droit
de
s’en désintéresser, et de laisser les autres s’égarer, quitte à les d
1728
en. Il n’a pas le droit de s’en désintéresser, et
de
laisser les autres s’égarer, quitte à les dénoncer ensuite pathétique
1729
tte à les dénoncer ensuite pathétiquement du haut
de
la chaire ! Or l’action d’un chrétien, placé par sa naissance dans la
1730
pathétiquement du haut de la chaire ! Or l’action
d’
un chrétien, placé par sa naissance dans la communauté des Suisses, do
1731
es, doit naturellement s’insérer dans les données
de
fait qui sont celles du pays, qui sont communes à tous les citoyens.
1732
la mission spéciale du citoyen chrétien, ce sera
de
dégager de ces données communes un sens spirituel, une vocation. Car
1733
spéciale du citoyen chrétien, ce sera de dégager
de
ces données communes un sens spirituel, une vocation. Car le chrétien
1734
ar le chrétien est, si l’ose dire, un spécialiste
de
la vocation. Cette action particulière du citoyen chrétien sera dans
1735
ticulière du citoyen chrétien sera dans l’intérêt
de
la Suisse, certes. Mais elle sera d’abord obéissance à la foi. J’insi
1736
e que nous sommes Suisses, mais nous devons être
de
bons Suisses parce que nous sommes chrétiens d’abord. Je tiens à diss
1737
à dissiper ici toute équivoque. Il ne manque pas
de
gens, chez nous, pour dire qu’un bon citoyen suisse a le devoir d’êtr
1738
s, pour dire qu’un bon citoyen suisse a le devoir
d’
être chrétien, comme si ce devoir était la conséquence obligatoire d’u
1739
mme si ce devoir était la conséquence obligatoire
d’
un très ardent patriotisme. Si certains n’hésitent pas, dans leurs dis
1740
tent pas, dans leurs discours, à invoquer le Dieu
de
nos pères, il semble parfois que c’est moins parce qu’ils croient le
1741
i, que parce qu’ils le croient utile au bon moral
de
la nation, voire à la discipline des troupes. Ces gens-là, vous les r
1742
nt à ces quelques traits : ils ont une conception
de
la « religion » plutôt déiste qu’évangélique ; ils prônent un moralis
1743
t bourgeois que charitable ; et ils ont une façon
d’
exalter la croix blanche de notre drapeau qui rappelle davantage le Go
1744
; et ils ont une façon d’exalter la croix blanche
de
notre drapeau qui rappelle davantage le Gott mit uns de Guillaume II
1745
re drapeau qui rappelle davantage le Gott mit uns
de
Guillaume II que le « Dieu premier servi » de Jeanne d’Arc. Bref, l’i
1746
uns de Guillaume II que le « Dieu premier servi »
de
Jeanne d’Arc. Bref, l’intérêt qu’ils portent à la religion paraît sub
1747
ent le contraire, je le répète : nous devons être
de
bons Suisses parce que nous sommes chrétiens d’abord. Gardons-nous du
1748
parler, j’opposerai cette déclaration prophétique
d’
un homme dont la pensée me paraît plus actuelle que jamais, Alexandre
1749
eulement pour tout le monde, faites-nous la grâce
de
n’en point vouloir. » Car « la société qui veut m’ôter ma religion m’
1750
se des manuels, des cartes postales, des discours
de
tirs fédéraux ; n’est pas la Suisse qui se vante de ses beautés, de s
1751
tirs fédéraux ; n’est pas la Suisse qui se vante
de
ses beautés, de ses libertés et de sa neutralité, mais bien la Suisse
1752
n’est pas la Suisse qui se vante de ses beautés,
de
ses libertés et de sa neutralité, mais bien la Suisse qui sait reconn
1753
e qui se vante de ses beautés, de ses libertés et
de
sa neutralité, mais bien la Suisse qui sait reconnaître dans ces priv
1754
i sait reconnaître dans ces privilèges les signes
d’
une mission dont elle est responsable. Une seule idée… Mais si nous l’
1755
butant perdront leur légitimité. Si nous refusons
de
considérer le fait d’être Suisses comme une espèce de « filon », dans
1756
égitimité. Si nous refusons de considérer le fait
d’
être Suisses comme une espèce de « filon », dans notre Europe déchirée
1757
onsidérer le fait d’être Suisses comme une espèce
de
« filon », dans notre Europe déchirée, si nous le considérons tout au
1758
ssion spéciale », nous apprendrons à voir au-delà
de
nous-mêmes et par suite à penser plus librement, et avec plus de géné
1759
t par suite à penser plus librement, et avec plus
de
générosité. Et alors nous serons en état de mesurer la vraie grandeur
1760
plus de générosité. Et alors nous serons en état
de
mesurer la vraie grandeur des événements actuels, la vraie grandeur d
1761
e nôtre. Et parce que nous serons plus conscients
de
ce que nous avons à donner, nous serons mieux armés pour défendre la
1762
. Conférence prononcée le 28 janvier 1940 au camp
de
Tavannes des UCJG. 32. Cette phrase prend toute son importance histo
1763
appelle que les Waldstätten, déjà, furent libérés
de
tout vasselage dans l’intérêt du Saint-Empire, et non point parce que
1764
faire un petit plaisir ! Ainsi le fondement même
de
la Confédération est sa mission européenne. 33. En Russie, évidemmen
1765
Esquisses
d’
une politique fédéraliste Il se peut que le fédéralisme n’ait été à
1766
praxis ne peut rayonner et créer qu’avec l’appui
d’
une theoria, à partir d’un certain moment. Ce moment est venu. Nous y
1767
et créer qu’avec l’appui d’une theoria, à partir
d’
un certain moment. Ce moment est venu. Nous y sommes. Dans la révoluti
1768
efficace, voilà le principe tactique fondamental
de
notre siècle. Si aucune contre-propagande n’entre en action pour la n
1769
ain rendement, qui varie entre 5 % (dans les pays
d’
opinion « libre ») et 98 ½ % (dans d’autres pays). Il y a donc aujour
1770
onc aujourd’hui pour le fédéralisme une nécessité
de
s’exprimer, quand ce ne serait que pour se défendre. Mais en même tem
1771
e. Mais en même temps, une possibilité se révèle,
d’
élargissement européen ; un appel, voire une exigence, qui nous fait u
1772
ppel, voire une exigence, qui nous fait un devoir
d’
attaquer au niveau des idées et des doctrines. Mais afin de nous mettr
1773
des doctrines. Mais afin de nous mettre en mesure
de
« prêcher » le fédéralisme, il nous faut savoir d’où il vient ; savoi
1774
e « prêcher » le fédéralisme, il nous faut savoir
d’
où il vient ; savoir aussi à quoi il tend ; et prouver la réalité de c
1775
voir aussi à quoi il tend ; et prouver la réalité
de
ce savoir par une existence exemplaire. Je ne puis parler ici que des
1776
cessité, et tend à nous y enfermer. Dans le monde
de
l’esprit, tout s’ouvre et se libère, devient grâce et devient nouveau
1777
râce et devient nouveauté. L’action réelle, c’est
de
passer du monde de la nécessité à celui de la liberté. Cet acte seul
1778
veauté. L’action réelle, c’est de passer du monde
de
la nécessité à celui de la liberté. Cet acte seul nous rend humains e
1779
c’est de passer du monde de la nécessité à celui
de
la liberté. Cet acte seul nous rend humains et nous maintient à haute
1780
eul nous rend humains et nous maintient à hauteur
d’
homme. (Pas question de monter jusqu’à l’ange ; nous avons bien assez
1781
t nous maintient à hauteur d’homme. (Pas question
de
monter jusqu’à l’ange ; nous avons bien assez à faire à ne point reto
1782
a bête.) Ainsi pour le fédéralisme. Qu’il soit né
de
la géographie, c’est un fait dont il faut partir sous peine d’utopie
1783
hie, c’est un fait dont il faut partir sous peine
d’
utopie pernicieuse. Mais il faut en « partir » justement, si l’on veut
1784
i l’on veut qu’il révèle son sens. Aucun fait n’a
de
sens en soi. L’esprit seul donne un sens aux données dans lesquelles
1785
s artificiel, plus utopique, que le matérialisme,
d’
où qu’il vienne. Cette doctrine n’est en fait qu’un ressentiment. Elle
1786
n ressentiment. Elle naît toujours des déceptions
de
l’idéalisme, de ses abus et de ses lacunes. Elle est toujours une rev
1787
Elle naît toujours des déceptions de l’idéalisme,
de
ses abus et de ses lacunes. Elle est toujours une revanche des instin
1788
urs des déceptions de l’idéalisme, de ses abus et
de
ses lacunes. Elle est toujours une revanche des instincts, une nostal
1789
es vérités élémentaires que je ne m’excuserai pas
de
les rappeler ici. Quand abandonnerons-nous cette manie suisse de déno
1790
ici. Quand abandonnerons-nous cette manie suisse
de
dénoncer comme « utopistes », « rêveurs abstraits », « idéologues bru
1791
ues brumeux », ceux parmi nous qui se souviennent
d’
être hommes, créatures de l’esprit autant que de la terre, chargés d’u
1792
nous qui se souviennent d’être hommes, créatures
de
l’esprit autant que de la terre, chargés d’une vocation et non seulem
1793
t d’être hommes, créatures de l’esprit autant que
de
la terre, chargés d’une vocation et non seulement d’hérédités problém
1794
tures de l’esprit autant que de la terre, chargés
d’
une vocation et non seulement d’hérédités problématiques ! Il reste qu
1795
la terre, chargés d’une vocation et non seulement
d’
hérédités problématiques ! Il reste que la position géographique de la
1796
ématiques ! Il reste que la position géographique
de
la Suisse semble l’avoir prédestinée à un statut fédéraliste. C’est t
1797
sée à celle qui règne normalement dans les landes
de
la Prusse ou les steppes de l’Asie. Le fait géographique que le Gotha
1798
ement dans les landes de la Prusse ou les steppes
de
l’Asie. Le fait géographique que le Gothard est le seul point où un s
1799
Gothard est le seul point où un seul col permette
de
traverser les Alpes suffit à expliquer ce grand fait historique : l’i
1800
e la Nature, qui se borne à leur fournir un point
de
fixation. C’est l’esprit des communes italiennes qui donne l’impulsio
1801
puis sur l’autre versant du Gothard, aux environs
de
129134. En vérité, dès ce début, c’est la mission spéciale confiée au
1802
nds la garde du Gothard — qui définit l’existence
de
la Suisse et assure son indépendance. La nécessité de s’entraider et
1803
a Suisse et assure son indépendance. La nécessité
de
s’entraider et le besoin d’indépendance des montagnards existaient au
1804
endance. La nécessité de s’entraider et le besoin
d’
indépendance des montagnards existaient aussi bien dans le reste des A
1805
en dans le reste des Alpes : ce qui leur a permis
de
se réaliser en ce point très précis de l’espace et du temps, ce n’est
1806
r a permis de se réaliser en ce point très précis
de
l’espace et du temps, ce n’est pas seulement le fait physique de l’ou
1807
du temps, ce n’est pas seulement le fait physique
de
l’ouverture du col du St-Gothard, mais c’est aussi le fait sociologiq
1808
a l’idée et l’idéal du Saint-Empire, c’est-à-dire
de
l’Europe unie, dont il faut protéger le cœur. Toute l’histoire suiss
1809
, illustre le même équilibre entre les conditions
de
fait et les volontés de l’esprit. C’est une interminable interaction
1810
ibre entre les conditions de fait et les volontés
de
l’esprit. C’est une interminable interaction de l’idéal et de la néce
1811
s de l’esprit. C’est une interminable interaction
de
l’idéal et de la nécessité, de l’intérêt local et de l’intérêt commun
1812
C’est une interminable interaction de l’idéal et
de
la nécessité, de l’intérêt local et de l’intérêt commun, de la petite
1813
inable interaction de l’idéal et de la nécessité,
de
l’intérêt local et de l’intérêt commun, de la petite patrie et de l’E
1814
l’idéal et de la nécessité, de l’intérêt local et
de
l’intérêt commun, de la petite patrie et de l’Empire. Peu à peu, le G
1815
ssité, de l’intérêt local et de l’intérêt commun,
de
la petite patrie et de l’Empire. Peu à peu, le Gothard perdra son imp
1816
al et de l’intérêt commun, de la petite patrie et
de
l’Empire. Peu à peu, le Gothard perdra son importance économique, mai
1817
importance économique, mais il prendra la valeur
d’
un symbole, et la mission des Suisses s’élargira. Peu à peu, de nouvea
1818
et la mission des Suisses s’élargira. Peu à peu,
de
nouveaux cantons s’allieront aux communes du Gothard. Un réseau compl
1819
ront aux communes du Gothard. Un réseau compliqué
de
pactes reliera les villes aux campagnes. Et chaque fois que l’un des
1820
fois que l’un des cantons voudra prendre la tête
de
la Ligue, il trouvera tous les autres unis contre sa volonté d’hégémo
1821
l trouvera tous les autres unis contre sa volonté
d’
hégémonie. Ainsi jusqu’à la fin du xve siècle. À ce moment, malgré to
1822
xve siècle. À ce moment, malgré tous les efforts
de
Nicolas de Flue, la puissance matérielle et la grandeur territoriale
1823
gogne… Vont-ils faillir à leur mission ? La Garde
de
l’Europe fera-t-elle un coup d’État, et, trahissant l’Empire, deviend
1824
ission ? La Garde de l’Europe fera-t-elle un coup
d’
État, et, trahissant l’Empire, deviendra-t-elle impérialiste pour son
1825
Les historiens modernes accusent parfois Zwingli
d’
avoir brisé l’essor guerrier des Suisses, leur élan vers la mer et l’a
1826
e pouvait être gouverné par les cantons dépourvus
de
pouvoir central. Ou bien ce pouvoir aurait dû être improvisé, et c’eû
1827
oir aurait dû être improvisé, et c’eût été la fin
de
notre fédéralisme ; ou bien les provinces annexées auraient pris une
1828
s en deux camps religieux eut au moins pour effet
de
tuer en germe l’ambition centralisatrice, chez ceux-là mêmes qui deva
1829
x appuis étrangers, et c’est le nouveau fondement
de
notre neutralité. Ils accommodent leurs exigences aux nécessités de l
1830
é. Ils accommodent leurs exigences aux nécessités
de
l’union, et c’est le nouveau fondement de notre fédéralisme. Ainsi l’
1831
essités de l’union, et c’est le nouveau fondement
de
notre fédéralisme. Ainsi l’on a passé progressivement d’une alliance
1832
e fédéralisme. Ainsi l’on a passé progressivement
d’
une alliance avant tout nécessaire à une alliance beaucoup plus spirit
1833
uand celle-ci sera stabilisée — après les guerres
de
Villmergen, au xviiie siècle —, la Confédération sera capable d’inté
1834
u xviiie siècle —, la Confédération sera capable
d’
intégrer et des « races » et des langues nouvelles : c’est ce qui se p
1835
t du siècle suivant, par le rattachement sur pied
d’
égalité des cantons italiens et romands. Notre fédéralisme actuel ne d
1836
omands. Notre fédéralisme actuel ne date donc que
de
1848 ; et ce n’est même qu’à partir de 1919 que son statut légal a pr
1837
partir de 1919 que son statut légal a pris force
de
vie. (Quand le « fossé » eut été comblé.) Nous sommes donc au sommet
1838
ssé » eut été comblé.) Nous sommes donc au sommet
de
notre histoire, si l’on admet que le sens de cette histoire est de cr
1839
mmet de notre histoire, si l’on admet que le sens
de
cette histoire est de créer et d’illustrer la réalité fédérale. Cepen
1840
, si l’on admet que le sens de cette histoire est
de
créer et d’illustrer la réalité fédérale. Cependant de nouveaux probl
1841
met que le sens de cette histoire est de créer et
d’
illustrer la réalité fédérale. Cependant de nouveaux problèmes, et des
1842
éer et d’illustrer la réalité fédérale. Cependant
de
nouveaux problèmes, et des plus graves, sollicitent un progrès nouvea
1843
autres plans. Or, on ne peut résoudre un problème
de
ce genre qu’en dépassant l’opposition qui l’a fait naître. Dépasser,
1844
achant où l’on va. Car autrement l’on risque bien
de
reculer ou de tourner en rond. IIOù va le fédéralisme ? C’est i
1845
va. Car autrement l’on risque bien de reculer ou
de
tourner en rond. IIOù va le fédéralisme ? C’est ici qu’apparaît
1846
apparaît au concret le problème, ou la nécessité,
d’
une philosophie fédéraliste. Car lorsqu’il s’agit de prévoir, l’empiri
1847
une philosophie fédéraliste. Car lorsqu’il s’agit
de
prévoir, l’empirisme ne suffit plus. La vue doit s’élargir ; et le se
1848
argir ; et le seul horizon qu’il nous soit permis
d’
embrasser, c’est celui de l’Europe entière, non tel groupe de puissanc
1849
n qu’il nous soit permis d’embrasser, c’est celui
de
l’Europe entière, non tel groupe de puissances voisines. Or l’Europe
1850
, c’est celui de l’Europe entière, non tel groupe
de
puissances voisines. Or l’Europe est un idéal, une civilisation et un
1851
n, les notes qui vont suivre ont-elles l’ambition
de
poser le problème du fédéralisme sur le seul plan où nos conflits int
1852
lan où nos conflits internes aient quelque chance
de
se résoudre : le plan de l’Europe. Notre fédéralisme ne peut durer qu
1853
nes aient quelque chance de se résoudre : le plan
de
l’Europe. Notre fédéralisme ne peut durer que si nous lui donnons pou
1854
er que si nous lui donnons pour fin la fédération
de
l’Occident. 1. Tout d’abord une définition. Fédération veut dire : un
1855
ande surtout, a pris le sens restreint et inexact
d’
autonomie de la région. Le mot allemand de Bund n’insiste que sur l’un
1856
, a pris le sens restreint et inexact d’autonomie
de
la région. Le mot allemand de Bund n’insiste que sur l’union. Quand j
1857
inexact d’autonomie de la région. Le mot allemand
de
Bund n’insiste que sur l’union. Quand je parle de fédéralisme et de f
1858
de Bund n’insiste que sur l’union. Quand je parle
de
fédéralisme et de fédération, j’entends à la fois union et autonomie
1859
que sur l’union. Quand je parle de fédéralisme et
de
fédération, j’entends à la fois union et autonomie des parties qui s’
1860
dées qui sont « dans l’air » et qui risquent bien
de
rester des idées « en l’air ». L’idée de fédération européenne par ex
1861
ent bien de rester des idées « en l’air ». L’idée
de
fédération européenne par exemple. Essayons donc de la faire redescen
1862
fédération européenne par exemple. Essayons donc
de
la faire redescendre dans les complexités où elle doit s’incarner ; n
1863
terre, mais au niveau de notre action, à hauteur
d’
homme. 3. Promouvoir une fédération, ce n’est pas créer un nouvel ordr
1864
st pas créer un nouvel ordre systématique, simple
de
lignes, clair et satisfaisant pour la logique. Fédérer, c’est tout si
1865
emble des réalités concrètes. Pour être en mesure
de
comprendre vraiment la véritable alternative politique de notre temps
1866
endre vraiment la véritable alternative politique
de
notre temps : totalitarisme ou fédéralisme (et non point gauche ou dr
1867
: la différence infinie qui existe entre « faire
de
l’ordre » sur une table de travail et « arranger » des papiers. Il ar
1868
i existe entre « faire de l’ordre » sur une table
de
travail et « arranger » des papiers. Il arrive que ma femme de ménage
1869
« arranger » des papiers. Il arrive que ma femme
de
ménage fasse de l’ordre à son idée dans mon bureau : c’est une petite
1870
s papiers. Il arrive que ma femme de ménage fasse
de
l’ordre à son idée dans mon bureau : c’est une petite catastrophe tot
1871
ur moi, quand j’arrange mes feuilles en une série
de
liasses ou d’éventails, je ne tiens pas compte de leur format ou de l
1872
j’arrange mes feuilles en une série de liasses ou
d’
éventails, je ne tiens pas compte de leur format ou de leur couleur, m
1873
de liasses ou d’éventails, je ne tiens pas compte
de
leur format ou de leur couleur, mais de ce que j’ai écrit dessus. Et
1874
entails, je ne tiens pas compte de leur format ou
de
leur couleur, mais de ce que j’ai écrit dessus. Et c’est pourquoi je
1875
as compte de leur format ou de leur couleur, mais
de
ce que j’ai écrit dessus. Et c’est pourquoi je m’y retrouve avec aisa
1876
conforme au sens et aux qualités propres à chacun
de
ces feuillets, conforme aussi à mon usage pratique ; tenant compte de
1877
i à mon usage pratique ; tenant compte des uns et
de
l’autre, dans une mesure que je ne songe pas à définir, mais que m’in
1878
j’entends l’œuvre que j’ai en train. Il n’y a pas
de
petits exemples pour qui sait lire le réel « dans le texte », et ne s
1879
le réel « dans le texte », et ne se contente pas
de
résumés traduits. 4. Prenons maintenant la fédération suisse au seul
1880
ons maintenant la fédération suisse au seul titre
d’
exemple enseignant pour l’Europe. En vérité, ce ne sont ni les idées q
1881
nature qui l’a « dicté » ; mais ce statut est né
de
l’arrangement tout empirique de réalités très diverses, voire même tr
1882
ce statut est né de l’arrangement tout empirique
de
réalités très diverses, voire même très hétéroclites : la nature comp
1883
nt des communes italiennes, l’instinct germanique
de
la liberté armée, la rivalité entre l’empereur et les grands vassaux,
1884
e plus ou moins consciemment dans le Pacte fameux
de
1291, qui fonde officiellement la Confédération. Cette confédération
1885
l’avons vue s’accroître organiquement par un jeu
d’
alliances très complexes, qui se chevauchent sans jamais se recouvrir
1886
rimitif des cantons forestiers s’allie aux villes
de
Lucerne et Zurich ; puis conquiert avec l’aide de Zurich les pays de
1887
de Lucerne et Zurich ; puis conquiert avec l’aide
de
Zurich les pays de Glaris et de Zoug ; puis les libère et s’allie ave
1888
h ; puis conquiert avec l’aide de Zurich les pays
de
Glaris et de Zoug ; puis les libère et s’allie avec eux ; puis s’alli
1889
uiert avec l’aide de Zurich les pays de Glaris et
de
Zoug ; puis les libère et s’allie avec eux ; puis s’allie avec Berne,
1890
dant des siècles, la Confédération n’a donc point
de
centre légal, de capitale, ni de constitution. Elle ne connaît et ne
1891
la Confédération n’a donc point de centre légal,
de
capitale, ni de constitution. Elle ne connaît et ne tolère nulle hégé
1892
n n’a donc point de centre légal, de capitale, ni
de
constitution. Elle ne connaît et ne tolère nulle hégémonie dans son s
1893
réunit comme spontanément, ici ou là, et n’a pas
de
pouvoirs bien définis, mais seulement une autorité, souvent décisive
1894
ns se trouvent appartenir à deux ou trois réseaux
d’
alliances, lesquelles ne sont pas toujours réciproques dans toutes leu
1895
iproques dans toutes leurs obligations. (Comme si
de
nos jours deux pays concluaient un pacte qui pour l’un serait d’assis
1896
ux pays concluaient un pacte qui pour l’un serait
d’
assistance obligatoire, pour l’autre seulement de non-agression.) D’où
1897
d’assistance obligatoire, pour l’autre seulement
de
non-agression.) D’où vient que cette fédération ait triomphé de toute
1898
atoire, pour l’autre seulement de non-agression.)
D’
où vient que cette fédération ait triomphé de toutes les crises d’une
1899
on.) D’où vient que cette fédération ait triomphé
de
toutes les crises d’une histoire violente et complexe ? Le secret de
1900
ette fédération ait triomphé de toutes les crises
d’
une histoire violente et complexe ? Le secret de sa force est à peine
1901
s d’une histoire violente et complexe ? Le secret
de
sa force est à peine formulable : il est de l’ordre du sentiment. Oui
1902
ecret de sa force est à peine formulable : il est
de
l’ordre du sentiment. Oui, ce n’est guère qu’un sentiment communautai
1903
choses — qui n’est qu’une traduction automatique
de
la faiblesse des hommes — fait aujourd’hui de la pratique traditionne
1904
que de la faiblesse des hommes — fait aujourd’hui
de
la pratique traditionnelle du fédéralisme helvétique une sorte de pro
1905
raditionnelle du fédéralisme helvétique une sorte
de
programme, et même de manifeste. Par la force des choses, l’union pai
1906
alisme helvétique une sorte de programme, et même
de
manifeste. Par la force des choses, l’union paisible de deux religion
1907
ifeste. Par la force des choses, l’union paisible
de
deux religions, de quatre langues, de 22 républiques, et de je ne sai
1908
e des choses, l’union paisible de deux religions,
de
quatre langues, de 22 républiques, et de je ne sais combien de « race
1909
on paisible de deux religions, de quatre langues,
de
22 républiques, et de je ne sais combien de « races » en un État qui
1910
ligions, de quatre langues, de 22 républiques, et
de
je ne sais combien de « races » en un État qui les respecte, cette un
1911
gues, de 22 républiques, et de je ne sais combien
de
« races » en un État qui les respecte, cette union prend l’allure à l
1912
es respecte, cette union prend l’allure à la fois
d’
un antiracisme déclaré et d’un antinationalisme. Par la force des chos
1913
nd l’allure à la fois d’un antiracisme déclaré et
d’
un antinationalisme. Par la force des choses, la pratique séculaire et
1914
des choses, la pratique séculaire et instructive
d’
une méthode d’arrangements empiriques, c’est-à-dire non rationalistes,
1915
a pratique séculaire et instructive d’une méthode
d’
arrangements empiriques, c’est-à-dire non rationalistes, prend l’allur
1916
s, c’est-à-dire non rationalistes, prend l’allure
d’
un antijacobinisme, ou d’un antimarxisme. Par la force des choses enf
1917
nalistes, prend l’allure d’un antijacobinisme, ou
d’
un antimarxisme. Par la force des choses enfin, la préférence accordé
1918
r les Suisses à la coutume sur la loi ; leur goût
d’
utiliser ce qui existe plutôt que de décréter sur table rase ; leur re
1919
i ; leur goût d’utiliser ce qui existe plutôt que
de
décréter sur table rase ; leur refus d’opposer pathétiquement la trad
1920
lutôt que de décréter sur table rase ; leur refus
d’
opposer pathétiquement la tradition et le progrès, tout cela prend l’a
1921
tradition et le progrès, tout cela prend l’allure
d’
une réaction contre les « mystiques » et les mythes, apparemment contr
1922
ues » et les mythes, apparemment contradictoires,
de
la révolution européenne36. L’instinct contrecarré devient conscience
1923
n par une propagande agressive se voit contrainte
de
développer pour sa défense une théorie. Nous vivons ce moment de l’hi
1924
our sa défense une théorie. Nous vivons ce moment
de
l’histoire où le fédéralisme, s’il veut durer, doit devenir à son tou
1925
crise : ou se nier, ou triompher mais sur le plan
de
l’Europe entière. 6. Le grand danger de l’heure présente, pour la Sui
1926
r le plan de l’Europe entière. 6. Le grand danger
de
l’heure présente, pour la Suisse, je le vois dans ce fait qu’elle doi
1927
mieux. Elle s’expose à son risque maximum : celui
de
décoller de ses bases concrètes, perdant ainsi en force originelle ce
1928
s’expose à son risque maximum : celui de décoller
de
ses bases concrètes, perdant ainsi en force originelle ce qu’elle pou
1929
iginelle ce qu’elle pourrait gagner en conscience
de
ses fins. De même pour le fédéralisme européen. Un sentiment commun s
1930
ent commun se formait peu à peu, depuis la guerre
de
1914-18. La SDN fut l’un de ses symptômes, bien faible encore. L’idée
1931
peu, depuis la guerre de 1914-18. La SDN fut l’un
de
ses symptômes, bien faible encore. L’idée d’un réseau de pactes bilat
1932
l’un de ses symptômes, bien faible encore. L’idée
d’
un réseau de pactes bilatéraux, ou à trois, ou à quatre, en fut un aut
1933
symptômes, bien faible encore. L’idée d’un réseau
de
pactes bilatéraux, ou à trois, ou à quatre, en fut un autre. Dans les
1934
nt fédéraliste fut promptement détourné au profit
de
politiques d’hégémonie. Toutefois ce sentiment ne cessait pas de croî
1935
fut promptement détourné au profit de politiques
d’
hégémonie. Toutefois ce sentiment ne cessait pas de croître et de se r
1936
’hégémonie. Toutefois ce sentiment ne cessait pas
de
croître et de se renforcer dans la plupart des peuples. La guerre act
1937
utefois ce sentiment ne cessait pas de croître et
de
se renforcer dans la plupart des peuples. La guerre actuelle est venu
1938
nue le fouetter. Brusquement, la question se pose
de
fédérer l’Europe dès la paix rétablie. Mais parce qu’elle se pose bru
1939
is parce qu’elle se pose brusquement, elle risque
d’
être mal posée. J’entends qu’elle risque de ne susciter que des plans
1940
risque d’être mal posée. J’entends qu’elle risque
de
ne susciter que des plans rationnels et des systèmes. Or tout système
1941
tion. Le fédéralisme réel est le contraire absolu
d’
un système, toujours conçu par un cerveau et, à partir d’une seule idé
1942
stème, toujours conçu par un cerveau et, à partir
d’
une seule idée, d’un centre abstrait. Je définirais même le fédéralism
1943
nçu par un cerveau et, à partir d’une seule idée,
d’
un centre abstrait. Je définirais même le fédéralisme comme un refus c
1944
fédéralisme comme un refus constant et instinctif
de
recourir aux solutions systématiques. (C’est pourquoi l’on ne peut c
1945
on logique : aphoristique. Telle que j’essaie ici
de
l’esquisser, par une suite d’approches bien diverses.) 7. L’expérienc
1946
le que j’essaie ici de l’esquisser, par une suite
d’
approches bien diverses.) 7. L’expérience suisse est minuscule, mais c
1947
uscule, mais concluante. Elle peut et doit servir
d’
exemple par ses échecs non moins que par ses réussites. Elle peut et d
1948
faut pas faire si l’on veut réussir la fédération
d’
Occident. 8. Le premier enseignement négatif de notre petite expérienc
1949
on d’Occident. 8. Le premier enseignement négatif
de
notre petite expérience, nous venons de le voir : c’est qu’il faut re
1950
me pour promouvoir une fédération. Il faut partir
d’
une connaissance aussi intime que possible des diversités nationales,
1951
intime que possible des diversités nationales, et
de
leurs aspects les plus originaux. On ne fédère pas des ressemblances
1952
ement négatif, c’est qu’il faut renoncer à l’idée
d’
une hégémonie éducatrice et organisatrice de la future fédération. Bea
1953
’idée d’une hégémonie éducatrice et organisatrice
de
la future fédération. Beaucoup de gens s’imaginent, hors de Suisse, q
1954
ue l’Europe ne peut être fédérée que par l’action
d’
une grande puissance. Ce fut l’idée de Napoléon. C’est peut-être l’idé
1955
ar l’action d’une grande puissance. Ce fut l’idée
de
Napoléon. C’est peut-être l’idée d’Hitler. C’est aussi celle de certa
1956
Ce fut l’idée de Napoléon. C’est peut-être l’idée
d’
Hitler. C’est aussi celle de certains neutres admirateurs de l’Anglete
1957
’est peut-être l’idée d’Hitler. C’est aussi celle
de
certains neutres admirateurs de l’Angleterre. Ici la Suisse peut dire
1958
C’est aussi celle de certains neutres admirateurs
de
l’Angleterre. Ici la Suisse peut dire : Regardez-moi ! Je n’ai réussi
1959
ch qui voulait tout mener. L’intervention fameuse
de
Nicolas de Flue n’est si importante, pour nous autres, que parce qu’e
1960
efficace protestation contre une double tentative
d’
hégémonie, de la part des villes et de la part des campagnes. Il se pe
1961
sée entre la France et l’Angleterre soit le germe
d’
une fédération. Il est certain que ce germe sera tué si l’un de ces Ét
1962
ion. Il est certain que ce germe sera tué si l’un
de
ces États, ou tous les deux ensemble, conçoivent la fédération comme
1963
raient la tête. C’est le renoncement à toute idée
d’
hégémonie qui est créateur de la fédération. 10. Le fédéralisme est un
1964
ncement à toute idée d’hégémonie qui est créateur
de
la fédération. 10. Le fédéralisme est une éducation mutuelle, plutôt
1965
l est véritablement personnaliste. La philosophie
de
la personne est d’ailleurs la seule philosophie acceptable pour le fé
1966
a fois autonome et solidaire, à la fois conscient
de
sa vocation unique et des implications sociales de cette vocation. Le
1967
e sa vocation unique et des implications sociales
de
cette vocation. Le personnalisme n’est pas une moyenne, un « parti du
1968
des. « Quand l’homme oublie qu’il est responsable
de
sa vocation devant la communauté, il devient individualiste. Quand il
1969
vidualiste. Quand il oublie qu’il est responsable
de
sa vocation devant Dieu et devant lui-même, il devient collectiviste3
1970
sques et abstraits, sur lesquels l’homme n’a plus
de
prises, et qui n’ont plus d’autre moteur que l’inhumaine « force des
1971
els l’homme n’a plus de prises, et qui n’ont plus
d’
autre moteur que l’inhumaine « force des choses ». 11. La méthode, ou
1972
doit normalement sacrifier à l’ensemble une part
de
ses prérogatives, si elle veut rester en mesure d’exercer concrètemen
1973
e ses prérogatives, si elle veut rester en mesure
d’
exercer concrètement sa vocation. Mais d’autre part, elle sait aussi q
1974
ussi que l’ensemble — ou le pouvoir central — n’a
d’
autre fin que de sauvegarder les libertés individuelles, par où j’ente
1975
ble — ou le pouvoir central — n’a d’autre fin que
de
sauvegarder les libertés individuelles, par où j’entends l’exercice l
1976
cice libre des vocations. Pour la personne, point
de
contradiction de principe entre ces deux nécessités vitales : central
1977
cations. Pour la personne, point de contradiction
de
principe entre ces deux nécessités vitales : centralisation et autono
1978
utonomie. Reste à résoudre la difficulté pratique
de
leur dosage dans les institutions. À cet égard, le mouvement personna
1979
uvement personnaliste français (surtout le groupe
de
l’Ordre nouveau) me paraît avoir indiqué la seule méthode praticable.
1980
la seule méthode praticable. Il s’agit selon lui
de
reconnaître par une enquête technique, en tous domaines, quelles sont
1981
est alors celle-ci : centraliser tout ce qui est
de
l’ordre du travail « indifférencié » ou parcellaire, afin de permettr
1982
ifiées38. Je ne puis indiquer ici que le principe
de
cette solution. Mais cela suffit à faire voir comment cette attitude
1983
nt dans tous les plans — et jusque dans le détail
de
la « pratique » — par un dépassement des vieux conflits. Au lieu de l
1984
le personnaliste envisage la recherche en commun
d’
un arrangement technique, orienté par une conscience vigilante des but
1985
té par une conscience vigilante des buts derniers
de
toute fédération. 12. Le troisième enseignement négatif que nous devo
1986
isième enseignement négatif que nous devons tirer
de
l’expérience suisse est d’un ordre plus quotidien et intime. Le morce
1987
que nous devons tirer de l’expérience suisse est
d’
un ordre plus quotidien et intime. Le morcellement d’un pays — ou dema
1988
n ordre plus quotidien et intime. Le morcellement
d’
un pays — ou demain de l’Europe — en régions autonomes et de faible ét
1989
et intime. Le morcellement d’un pays — ou demain
de
l’Europe — en régions autonomes et de faible étendue, a pour avantage
1990
— ou demain de l’Europe — en régions autonomes et
de
faible étendue, a pour avantage d’écarter toute possibilité d’impéria
1991
s autonomes et de faible étendue, a pour avantage
d’
écarter toute possibilité d’impérialisme, tout gigantisme inhumain, to
1992
ndue, a pour avantage d’écarter toute possibilité
d’
impérialisme, tout gigantisme inhumain, tout délire de puissance. Mais
1993
périalisme, tout gigantisme inhumain, tout délire
de
puissance. Mais il a pour inconvénient de restreindre les horizons, e
1994
délire de puissance. Mais il a pour inconvénient
de
restreindre les horizons, et de créer une certaine médiocrité d’espri
1995
pour inconvénient de restreindre les horizons, et
de
créer une certaine médiocrité d’esprit, rançon de la grandeur matérie
1996
les horizons, et de créer une certaine médiocrité
d’
esprit, rançon de la grandeur matérielle sacrifiée. Nous sommes ici en
1997
de créer une certaine médiocrité d’esprit, rançon
de
la grandeur matérielle sacrifiée. Nous sommes ici en présence d’une m
1998
dité intellectuelle, méfiance à l’égard du voisin
de
langue ou de confession, crainte perpétuelle d’être majorisé. Notons
1999
tuelle, méfiance à l’égard du voisin de langue ou
de
confession, crainte perpétuelle d’être majorisé. Notons que cette mal
2000
n de langue ou de confession, crainte perpétuelle
d’
être majorisé. Notons que cette maladie a fait son apparition en Suiss
2001
orme, au lieu qu’auparavant chacun faisait partie
de
plusieurs réseaux d’alliances superposées. Ainsi chacun s’est refermé
2002
ravant chacun faisait partie de plusieurs réseaux
d’
alliances superposées. Ainsi chacun s’est refermé sur soi, tendant à u
2003
st refermé sur soi, tendant à une espèce boiteuse
d’
autarcie. Chacun s’est trouvé isolé en présence de tous les autres. D’
2004
’est trouvé isolé en présence de tous les autres.
D’
où sa timidité déguisée en prudence par gain de paix ou par faiblesse.
2005
s. D’où sa timidité déguisée en prudence par gain
de
paix ou par faiblesse. D’où sa crainte de s’affirmer trop nettement d
2006
ée en prudence par gain de paix ou par faiblesse.
D’
où sa crainte de s’affirmer trop nettement différent. D’où finalement
2007
ar gain de paix ou par faiblesse. D’où sa crainte
de
s’affirmer trop nettement différent. D’où finalement l’espèce de gêne
2008
a crainte de s’affirmer trop nettement différent.
D’
où finalement l’espèce de gêne morale, puis d’intolérance sourde et la
2009
rop nettement différent. D’où finalement l’espèce
de
gêne morale, puis d’intolérance sourde et larvée qui paralyse chez no
2010
nt. D’où finalement l’espèce de gêne morale, puis
d’
intolérance sourde et larvée qui paralyse chez nous les esprits « trop
2011
nants. Pour prévenir cette maladie, dans l’Europe
de
demain, comme en Suisse, il est essentiel d’insister sur le caractère
2012
rope de demain, comme en Suisse, il est essentiel
d’
insister sur le caractère non systématique et non unitaire du fédérali
2013
composent, gardent le droit, le souci et le goût
de
se rattacher à plusieurs organismes supra-régionaux. Je préciserai pa
2014
t les frontières sont bien plus vastes que celles
de
l’État ; intellectuellement à l’une des grandes cultures voisines ; e
2015
plusieurs grandes dimensions, au-delà des limites
de
leur canton natal, et sans nul détriment pour ce dernier, bien au con
2016
que sous la forme du Kantönligeist, c’est-à-dire
d’
un patriotisme autarcique et totalitaire en miniature ; ceux qui veule
2017
totalitaire en miniature ; ceux qui veulent être
de
leur canton d’abord ou uniquement et appellent cela « fédéralisme »,
2018
ruinent le principe même dont ils forment le nom
de
leur parti. Convient-il d’insister encore ? Oui, car tout cela risque
2019
ont ils forment le nom de leur parti. Convient-il
d’
insister encore ? Oui, car tout cela risquerait d’apparaître à beaucou
2020
d’insister encore ? Oui, car tout cela risquerait
d’
apparaître à beaucoup de Suisses négligents un peu banal, « tout natur
2021
« tout naturel »… Je rappelle donc que la formule
de
la tyrannie maxima est celle de l’État qui prétend que ses frontières
2022
nc que la formule de la tyrannie maxima est celle
de
l’État qui prétend que ses frontières douanières et politiques soient
2023
anières et politiques soient en même temps celles
de
la religion des citoyens, de leur culture, de leur honneur, de leur a
2024
en même temps celles de la religion des citoyens,
de
leur culture, de leur honneur, de leur amour… sinon de leur avidité.
2025
les de la religion des citoyens, de leur culture,
de
leur honneur, de leur amour… sinon de leur avidité. Construire la féd
2026
n des citoyens, de leur culture, de leur honneur,
de
leur amour… sinon de leur avidité. Construire la fédération européenn
2027
ur culture, de leur honneur, de leur amour… sinon
de
leur avidité. Construire la fédération européenne, ce sera peut-être
2028
velopper tout d’abord, et affirmer, une pluralité
d’
organismes déjà existants, religieux, culturels, linguistiques, idéolo
2029
ues ou économiques, à condition qu’ils aient ceci
de
commun : l’œcuménicité, la volonté de relativiser les frontières poli
2030
aient ceci de commun : l’œcuménicité, la volonté
de
relativiser les frontières politiques. (Nul besoin d’abolir celles-ci
2031
elativiser les frontières politiques. (Nul besoin
d’
abolir celles-ci, comme le voulaient les Internationales : si l’on gar
2032
ient les Internationales : si l’on garde le droit
de
les déborder dans plusieurs domaines, elles gardent aussi leur légiti
2033
l » plus apte qu’aucun autre à préparer les bases
de
la fédération européenne. (Un « personnel » : il faut sauver ce mot d
2034
péenne. (Un « personnel » : il faut sauver ce mot
de
sa déchéance bureaucratique. Normalement, il devrait désigner non pas
2035
rmalement, il devrait désigner non pas une troupe
d’
employés anonymes, mais une équipe de personnes responsables.) C’est l
2036
s une troupe d’employés anonymes, mais une équipe
de
personnes responsables.) C’est le charisme de la Suisse que de produi
2037
ipe de personnes responsables.) C’est le charisme
de
la Suisse que de produire des hommes dont la fonction est avant tout
2038
responsables.) C’est le charisme de la Suisse que
de
produire des hommes dont la fonction est avant tout de connaître l’Eu
2039
oduire des hommes dont la fonction est avant tout
de
connaître l’Europe : juges et négociateurs d’accords internationaux,
2040
out de connaître l’Europe : juges et négociateurs
d’
accords internationaux, cosmopolites ou « Suisses de l’étranger »39, d
2041
accords internationaux, cosmopolites ou « Suisses
de
l’étranger »39, directeurs d’unions universelles, secrétaires d’allia
2042
olites ou « Suisses de l’étranger »39, directeurs
d’
unions universelles, secrétaires d’alliances œcuméniques, membres du C
2043
39, directeurs d’unions universelles, secrétaires
d’
alliances œcuméniques, membres du Comité international de la Croix-Rou
2044
nces œcuméniques, membres du Comité international
de
la Croix-Rouge, etc., etc. Le « Suisse international » est un homme q
2045
. Et la connaître non pour l’utiliser au bénéfice
de
quelque impérialisme, mais la connaître pour la faire. Pour la servir
2046
t non pour s’en servir. 14. La mission historique
de
la Suisse fut, à partir du xiiie siècle, de garder libres pour les p
2047
ique de la Suisse fut, à partir du xiiie siècle,
de
garder libres pour les peuples et les princes les cols du centre de l
2048
our les peuples et les princes les cols du centre
de
l’Europe. Mission pratique, devenue symbolique. Désormais, il nous ap
2049
devenue symbolique. Désormais, il nous appartient
d’
en proclamer la signification moderne : c’est la défense du cœur spiri
2050
tion moderne : c’est la défense du cœur spirituel
de
l’Europe, la garde montée autour du drapeau rouge à la croix blanche,
2051
rouge à la croix blanche, où le rouge est couleur
d’
Empire, c’est-à-dire d’union des nations, et la croix signe de salut.
2052
e, où le rouge est couleur d’Empire, c’est-à-dire
d’
union des nations, et la croix signe de salut. Gardienne des cols par
2053
est-à-dire d’union des nations, et la croix signe
de
salut. Gardienne des cols par où s’échangent les richesses, gardienne
2054
cols par où s’échangent les richesses, gardienne
de
l’idéal d’où renaîtra la paix si Dieu le veut, la Suisse tient les cl
2055
ù s’échangent les richesses, gardienne de l’idéal
d’
où renaîtra la paix si Dieu le veut, la Suisse tient les clefs de l’Eu
2056
a paix si Dieu le veut, la Suisse tient les clefs
de
l’Europe, et c’est là sa vraie vocation. Elle est le lieu et la formu
2057
lle est le lieu et la formule, le génie tutélaire
de
l’Empire. De cet Empire, on a bien dit que nous sommes le dernier ves
2058
eu et la formule, le génie tutélaire de l’Empire.
De
cet Empire, on a bien dit que nous sommes le dernier vestige. Toute l
2059
sommes le dernier vestige. Toute la question est
de
savoir si c’est là notre dernier mot — ou le premier d’un chapitre no
2060
oir si c’est là notre dernier mot — ou le premier
d’
un chapitre nouveau ; toute la question est de savoir si ce vestige ne
2061
ier d’un chapitre nouveau ; toute la question est
de
savoir si ce vestige ne va pas devenir un germe ! Un germe, ce n’est
2062
Suisse puisse prétendre à jouer le rôle de germe
d’
une Europe nouvelle. Mais il y va de notre indépendance autant que de
2063
rôle de germe d’une Europe nouvelle. Mais il y va
de
notre indépendance autant que de la paix occidentale. Si nous n’embra
2064
le. Mais il y va de notre indépendance autant que
de
la paix occidentale. Si nous n’embrassons pas cette mission-là, l’His
2065
n-là, l’Histoire aura tôt fait, n’en doutons pas,
d’
accepter notre démission — soit volontaire, soit forcée. 34. Voir l
2066
vaux du professeur zurichois Karl Meyer. Le Pacte
de
1291 est le dernier d’une longue série, dont le pacte de la Torre, au
2067
chois Karl Meyer. Le Pacte de 1291 est le dernier
d’
une longue série, dont le pacte de la Torre, au Tessin, fut l’un des p
2068
est le dernier d’une longue série, dont le pacte
de
la Torre, au Tessin, fut l’un des premiers : 1182. 35. Voir sur ce p
2069
mais des réalisations historiques. 37. Cf. p. 88
de
ce volume. 38. Il s’agirait d’instituer un service civil industriel
2070
s. 37. Cf. p. 88 de ce volume. 38. Il s’agirait
d’
instituer un service civil industriel de quelques mois, assurant à cha
2071
s’agirait d’instituer un service civil industriel
de
quelques mois, assurant à chaque entreprise libre une main-d’œuvre à
2072
se libre une main-d’œuvre à bas prix ou gratuite.
D’
où possibilité de supprimer la condition prolétarienne ; suppression d
2073
-d’œuvre à bas prix ou gratuite. D’où possibilité
de
supprimer la condition prolétarienne ; suppression du chômage périodi
2074
chômage périodique et technologique ; possibilité
d’
adapter la production à la consommation sans créer de troubles sociaux
2075
dapter la production à la consommation sans créer
de
troubles sociaux ou de nomadisme ; éducation sociale et morale des pa
2076
la consommation sans créer de troubles sociaux ou
de
nomadisme ; éducation sociale et morale des participants (cf. service
2077
’entre les siens qui y ont rapporté les richesses
de
lointaines expériences.
2078
Appendice ou « in cauda venenum » Autocritique
de
la Suisse Nul pays, à ma connaissance, n’a été plus souvent expliqu
2079
ire, et suppose donc la connaissance très vivante
d’
une autre espèce d’union, sans cesse à recréer. Or l’inertie des masse
2080
c la connaissance très vivante d’une autre espèce
d’
union, sans cesse à recréer. Or l’inertie des masses et l’à peu près i
2081
ntellectuel s’opposent sans cesse à cette reprise
de
conscience. D’où la nécessité d’une vigilante autocritique, si l’on n
2082
pposent sans cesse à cette reprise de conscience.
D’
où la nécessité d’une vigilante autocritique, si l’on ne veut pas déch
2083
à cette reprise de conscience. D’où la nécessité
d’
une vigilante autocritique, si l’on ne veut pas déchoir ou se laisser
2084
e qui suppose l’équilibre vivant entre les droits
de
chaque région et ses devoirs envers l’ensemble, il est absurde de nom
2085
et ses devoirs envers l’ensemble, il est absurde
de
nommer « fédéraliste » un parti qui n’a d’autre programme que la défe
2086
bsurde de nommer « fédéraliste » un parti qui n’a
d’
autre programme que la défense des intérêts locaux contre le centre. C
2087
es cantonaux. Ceux qui insistent sur la nécessité
de
l’union centrale auraient peut-être plus de droits à revendiquer le n
2088
ssité de l’union centrale auraient peut-être plus
de
droits à revendiquer le nom de fédéralistes, dans son sens étymologiq
2089
ent peut-être plus de droits à revendiquer le nom
de
fédéralistes, dans son sens étymologique. (fœdus = traité, serment, u
2090
régionalistes, nomment « fédéral » ce qui procède
de
Berne. Il en résulte que leur fédéralisme se résume à combattre tout
2091
qui pourra ! Cette confusion verbale, symbolique
de
tant d’autres, est à la base de la plupart de nos conflits politiques
2092
rbale, symbolique de tant d’autres, est à la base
de
la plupart de nos conflits politiques, économiques, parlementaires. 2
2093
e le fédéralisme véritable ne commence qu’au-delà
de
leur opposition. Ils se font un programme de ce qui ne saurait être q
2094
delà de leur opposition. Ils se font un programme
de
ce qui ne saurait être que la maladie individualiste ou la maladie co
2095
aladie individualiste ou la maladie collectiviste
de
notre État. À quand le parti de la santé fédéraliste ? Il ne sera ni
2096
die collectiviste de notre État. À quand le parti
de
la santé fédéraliste ? Il ne sera ni de gauche ni de droite. Car sous
2097
le parti de la santé fédéraliste ? Il ne sera ni
de
gauche ni de droite. Car sous l’opposition, indéfendable en théorie,
2098
la santé fédéraliste ? Il ne sera ni de gauche ni
de
droite. Car sous l’opposition, indéfendable en théorie, des centralis
2099
totalitaires timorés, c’est-à-dire quelque chose
d’
absolument inviable s’ils en restent là, ou de radicalement antisuisse
2100
ose d’absolument inviable s’ils en restent là, ou
de
radicalement antisuisse s’ils progressent. Les « libéraux » et les co
2101
tant que je ne les aurai pas vu refuser l’argent
de
l’État, je ne pourrai pas prendre au sérieux leurs convictions « fédé
2102
l’opposition gauche-droite est étrangère au génie
de
la Suisse. Son origine parlementaire le prouve : rien de moins suisse
2103
uisse. Son origine parlementaire le prouve : rien
de
moins suisse que notre Parlement, importé d’Amérique à une époque réc
2104
rien de moins suisse que notre Parlement, importé
d’
Amérique à une époque récente, et plus ou moins contaminé par les mœur
2105
par les mœurs politiques françaises. L’idée même
de
parti, d’ailleurs, est antisuisse, dans ce sens qu’elle est antifédér
2106
restreint, représentant une région, ou un groupe
d’
activités apparentées, ou une tendance religieuse, ou des intérêts cor
2107
igieuse, ou des intérêts corporatifs. Sur la base
de
programmes restreints, bien définis, l’on peut discuter entre experts
2108
ler, tout juger et tout absorber. Il serait temps
de
se remettre à la Diète ! 3. Suite du précédent. — Comment peut-on se
2109
du précédent. — Comment peut-on se dire encore «
de
droite » ou « de gauche » au lendemain de la guerre d’Espagne et du P
2110
Comment peut-on se dire encore « de droite » ou «
de
gauche » au lendemain de la guerre d’Espagne et du Pacte germano-russ
2111
ncore « de droite » ou « de gauche » au lendemain
de
la guerre d’Espagne et du Pacte germano-russe ? Les Espagnols se sont
2112
oite » ou « de gauche » au lendemain de la guerre
d’
Espagne et du Pacte germano-russe ? Les Espagnols se sont entretués pe
2113
érité et en tout héroïsme, au nom d’une droite et
d’
une gauche extrémistes qui, dès « l’affaire » liquidée, ont démasqué l
2114
partis continuent, nos arguments ne changent pas
d’
un demi-ton, nos philo-fascistes continuent à reprocher à nos socialis
2115
ialistes un étatisme qui, en réalité, fait partie
de
tout programme fasciste ; nos marxistes continuent à se croire libert
2116
libertaires, etc. Seuls nos staliniens ont cessé
de
dénoncer les hitlériens, mais c’est pour dénoncer les antihitlériens,
2117
alistes internationaux »…) Nos descendants diront
de
notre siècle qu’il fut celui des gogos enragés. 4. Paresse d’esprit.
2118
cle qu’il fut celui des gogos enragés. 4. Paresse
d’
esprit. — Je parle ici par expérience : rien n’oblige un bureau de Ber
2119
arle ici par expérience : rien n’oblige un bureau
de
Berne à faire du centralisme à coups de décrets rigides ; rien ne l’e
2120
un bureau de Berne à faire du centralisme à coups
de
décrets rigides ; rien ne l’empêche de respecter nos précieuses diver
2121
me à coups de décrets rigides ; rien ne l’empêche
de
respecter nos précieuses diversités, et de se mettre à leur service,
2122
mpêche de respecter nos précieuses diversités, et
de
se mettre à leur service, comme il se doit. Prévoir des exceptions, t
2123
x font tout le contraire, cela tient à la paresse
d’
esprit des messieurs qui en occupent les fauteuils. Les organismes cen
2124
lons des fonctionnaires frais et dispos, capables
d’
imagination, détestant les complications administratives mais aimant l
2125
rlent sera faite. Mais autrement, elle ne servira
de
rien. 5. Notre matérialisme. — Le pire danger qui nous menace : nous
2126
renversé l’échelle des valeurs. Le cadre matériel
de
notre vie est parfait, mais il n’encadrera bientôt plus aucune vie di
2127
mais il n’encadrera bientôt plus aucune vie digne
de
ce nom. Quelques exemples : Je vois dans le budget d’une œuvre destin
2128
e nom. Quelques exemples : Je vois dans le budget
d’
une œuvre destinée à soutenir telle branche de l’activité intellectuel
2129
get d’une œuvre destinée à soutenir telle branche
de
l’activité intellectuelle que les deux tiers des ressources passent à
2130
istration et aux salaires fixes, tandis que moins
d’
un tiers est consacré au but de l’œuvre. Je vois une revue d’art et de
2131
, tandis que moins d’un tiers est consacré au but
de
l’œuvre. Je vois une revue d’art et de littérature consacrer des mill
2132
est consacré au but de l’œuvre. Je vois une revue
d’
art et de littérature consacrer des milliers de francs à sa « présenta
2133
cré au but de l’œuvre. Je vois une revue d’art et
de
littérature consacrer des milliers de francs à sa « présentation » ma
2134
ue d’art et de littérature consacrer des milliers
de
francs à sa « présentation » matérielle, et zéro franc à payer ses co
2135
sont difficiles. Je vois que dans le budget moyen
d’
un ouvrier suisse, le cadre matériel de l’existence (logement, vêtemen
2136
dget moyen d’un ouvrier suisse, le cadre matériel
de
l’existence (logement, vêtement, mobilier, assurances) absorbe plus d
2137
ent, vêtement, mobilier, assurances) absorbe plus
de
la moitié des ressources, proportion réellement exorbitante. Je vois
2138
e. Je vois des gens qui hésitent entre deux types
de
salles de bain, l’une coûtant 300 fr. de plus que l’autre, et qui se
2139
des gens qui hésitent entre deux types de salles
de
bain, l’une coûtant 300 fr. de plus que l’autre, et qui se désabonnen
2140
ue l’autre, et qui se désabonnent « vu la crise »
de
la seule revue qu’ils recevaient : elle leur coûtait 10 fr. par an.
2141
die et comme paralysée par des soucis budgétaires
de
cet ordre, traduisant cette échelle de valeurs. Et je conclus : « Si
2142
udgétaires de cet ordre, traduisant cette échelle
de
valeurs. Et je conclus : « Si quelque chose aujourd’hui menace la lib
2143
qui parlait ainsi, il y a longtemps, tout au haut
de
la pente… 6. Cultures. — C’est quand on doute de soi qu’on a peur du
2144
de la pente… 6. Cultures. — C’est quand on doute
de
soi qu’on a peur du voisin. Les Romands qui se rétractent au seul mot
2145
voisin. Les Romands qui se rétractent au seul mot
de
germanisme ne sont pas ceux qui sauront illustrer la Suisse romande,
2146
upérieures ou rares, des exceptions, des manières
de
vivre hors-série. Car « l’exception » dans la vie quotidienne doit jo
2147
pliquer sans loyauté, dans n’importe quel domaine
de
notre vie, même « privée », c’est nier le fédéralisme et ruiner les b
2148
», c’est nier le fédéralisme et ruiner les bases
de
la Suisse. Que nos moralistes s’en souviennent, et que nos conformist
2149
e. Exemple : ceux qui, chez nous, font profession
d’
admirer la méthode d’un dictateur qui a pu écrire : « L’État, c’est l’
2150
, chez nous, font profession d’admirer la méthode
d’
un dictateur qui a pu écrire : « L’État, c’est l’âme de l’âme », voilà
2151
dictateur qui a pu écrire : « L’État, c’est l’âme
de
l’âme », voilà des drôles de fédéralistes, des drôles de Suisses41. J
2152
L’État, c’est l’âme de l’âme », voilà des drôles
de
fédéralistes, des drôles de Suisses41. Je les estime intolérables, s’
2153
e », voilà des drôles de fédéralistes, des drôles
de
Suisses41. Je les estime intolérables, s’ils parlent en connaissance
2154
. (Le plus souvent, d’ailleurs, ils se contentent
de
ne pas remarquer la ressemblance entre ce qu’ils détestent en Suisse
2155
e naïveté. — Elle éclate dans certaines mesures «
de
prudence » prises à l’égard de la presse — par qui de droit — et qui
2156
rudence » prises à l’égard de la presse — par qui
de
droit — et qui consistent à ménager non seulement la chèvre et le cho
2157
sieur qui s’enquiert « objectivement » des motifs
d’
un bandit tout prêt à l’assommer. Or je connais une certaine propagand
2158
, littéralement, et cela depuis plusieurs années.
De
ce point de vue, nous ne sommes plus neutres en fait, nous sommes en
2159
en fait, nous sommes en guerre parce que victimes
d’
une agression systématique et quotidienne contre les principes mêmes q
2160
êmes qui fondent notre État. (Je me garderai bien
de
donner ici un autre exemple que celui de la propagande stalinienne.)
2161
rai bien de donner ici un autre exemple que celui
de
la propagande stalinienne.) Si l’on nous interdit de le dire, et de n
2162
la propagande stalinienne.) Si l’on nous interdit
de
le dire, et de nous défendre en ripostant, pourquoi donc, demanderai-
2163
talinienne.) Si l’on nous interdit de le dire, et
de
nous défendre en ripostant, pourquoi donc, demanderai-je, fortifier n
2164
tégrité du territoire serait-elle plus importante
de
nos jours que l’intégrité de la conscience nationale ? Celle-là conse
2165
elle plus importante de nos jours que l’intégrité
de
la conscience nationale ? Celle-là conserve-t-elle son sens quand cel
2166
se. — Revenons à la géographie ! dit ce poète. Et
de
nous décrire une Suisse héroïque protégée par les Alpes, ce rempart,
2167
ces termes : « Une dépression entre deux chaînes
de
montagnes. » Renvoyons la géographie, de grâce, ou faisons-la mentir
2168
chaînes de montagnes. » Renvoyons la géographie,
de
grâce, ou faisons-la mentir ! 11. Neutralité. — Pendant l’hiver 1939-
2169
érature maximum : 18° ». Il s’agissait sans doute
d’
inciter le public à des économies de charbon. On nous recommandait la
2170
it sans doute d’inciter le public à des économies
de
charbon. On nous recommandait la tiédeur… Mais voici nos voisins bell
2171
voir ce qui vaut le mieux. Il ne faut pas parler
de
neutralité en général, dans l’absolu et dans l’abstrait. Car tout dép
2172
dans l’absolu et dans l’abstrait. Car tout dépend
de
ceci : vis-à-vis de quoi, ou de qui, est-on tiède, est-on neutre ? Si
2173
. Car tout dépend de ceci : vis-à-vis de quoi, ou
de
qui, est-on tiède, est-on neutre ? Si c’est vis-à-vis du Christ, la p
2174
entraîne notre expulsion violente hors du Royaume
de
Dieu. « Je vous vomirai », dit le Christ. Si c’est vis-à-vis de la gu
2175
dans la mesure où elle nous exclut, précisément,
d’
un conflit que nous jugeons mauvais. (Reste à savoir si le conflit act
2176
uis, si notre tiédeur suffira pour que le monstre
de
la guerre nous vomisse… Mais ceci est une autre histoire.) On ferait
2177
Mais ceci est une autre histoire.) On ferait bien
de
ne pas utiliser comme des proverbes généraux certaines paroles du Chr
2178
es généraux certaines paroles du Christ qui n’ont
de
sens que par rapport à sa Personne, à son Royaume, à son Éternité. Ré
2179
les tièdes seront vomis, en détournant ce verset
de
son sens spirituel, c’est toujours un blasphème, et c’est souvent une
2180
ralité « éternelle ». — On nous parle aujourd’hui
de
« neutralité éternelle », et l’on va même jusqu’à nous affirmer que c
2181
mer que cette « éternité » est la base officielle
de
notre politique. Dans ce cas, notre politique reposerait sur une faut
2182
suis fâché. Ce n’est pas éternelle qu’il convient
de
dire, mais perpétuelle. Se figure-t-on que l’homme a le droit et le p
2183
figure-t-on que l’homme a le droit et le pouvoir
de
décréter « l’éternité » d’une décision humaine ? Apprenons donc à qui
2184
le droit et le pouvoir de décréter « l’éternité »
d’
une décision humaine ? Apprenons donc à qui de droit que nul État huma
2185
é » d’une décision humaine ? Apprenons donc à qui
de
droit que nul État humain n’est éternel ; que la Suisse est un État h
2186
plus, la Suisse n’est devenue neutre qu’à partir
d’
un certain moment de son histoire. Or ce qui est éternel ne commence p
2187
st devenue neutre qu’à partir d’un certain moment
de
son histoire. Or ce qui est éternel ne commence pas à un certain mome
2188
utre moment. On peut le nier parfois dans un élan
de
passion. Mais on ne peut pas le nier par un décret. 13. Neutralité p
2189
ieu, durer « éternellement ». C’était une manière
d’
affirmer qu’ils la concluaient sans arrière-pensée. (Comparez avec cer
2190
s arrière-pensée. (Comparez avec certaines offres
de
paix « pour 25 ans » que faisait naguère à ses voisins un homme dont
2191
le » : cela signifie simplement que nous refusons
d’
envisager son abandon, et que nous le refuserons aussi longtemps que p
2192
(L’Empire fédératif ?) Mais toute politique digne
de
ce nom consiste à prévoir même le pire, et même la réalisation procha
2193
ir même le pire, et même la réalisation prochaine
de
nos plus lointaines ambitions. Or prévoir, c’est aussi se préparer, p
2194
rce que l’histoire et la politique ne cessent pas
de
modifier ces positions toutes relatives que sont la gauche et la droi
2195
ais ils ne nous imposent nullement une neutralité
d’
opinion. Renoncer au droit de nous exprimer, ce n’est donc pas nous co
2196
r, ce n’est donc pas nous conformer aux exigences
de
la neutralité. Ce peut être, dans certains cas, une mesure opportune
2197
, c’est tout simplement renoncer à une belle part
de
notre indépendance. C’est renoncer à nous défendre intégralement. Et
2198
qui sont d’abord des guerres morales, des guerres
de
propagande. Quand une troupe est réduite à l’impuissance par l’advers
2199
’hui, ce n’est pas rester neutres, c’est accepter
d’
être neutralisés moralement. Le Conseil fédéral a repoussé officiellem
2200
ussé officiellement et publiquement la prétention
de
ceux qui voulaient « neutraliser » de cette manière notre opinion. En
2201
prétention de ceux qui voulaient « neutraliser »
de
cette manière notre opinion. En tant que citoyen suisse respectueux d
2202
tant que citoyen suisse respectueux des décisions
de
nos autorités suprêmes, j’ai donc le droit de condamner ouvertement d
2203
ons de nos autorités suprêmes, j’ai donc le droit
de
condamner ouvertement des régimes étrangers qui attaquent ouvertement
2204
endance : elle l’affirme au contraire ! Le devoir
de
l’armée est de garantir par la force l’intégrité de notre indépendanc
2205
l’affirme au contraire ! Le devoir de l’armée est
de
garantir par la force l’intégrité de notre indépendance, et non pas s
2206
l’armée est de garantir par la force l’intégrité
de
notre indépendance, et non pas seulement sa matérialité (le territoir
2207
uisse ne dit pas : « Plutôt renoncer à ma liberté
d’
opinion que de risquer des ennuis avec une légation. » Il dit au contr
2208
as : « Plutôt renoncer à ma liberté d’opinion que
de
risquer des ennuis avec une légation. » Il dit au contraire — il disa
2209
politiques. Les petits pays ne sont pas dispensés
d’
imaginer et de voir grand. Bien au contraire : ils sont contraints de
2210
s petits pays ne sont pas dispensés d’imaginer et
de
voir grand. Bien au contraire : ils sont contraints de compenser leur
2211
ir grand. Bien au contraire : ils sont contraints
de
compenser leur petitesse physique par leur prestige moral. C’est la p
2212
leur prestige moral. C’est la première condition
de
leur indépendance, même matérielle. Nos réalistes — toujours en retar
2213
me matérielle. Nos réalistes — toujours en retard
d’
une guerre, d’une époque — ont récemment découvert qu’un diplomate mod
2214
Nos réalistes — toujours en retard d’une guerre,
d’
une époque — ont récemment découvert qu’un diplomate moderne doit être
2215
n de plus dangereusement utopique que le réalisme
d’
avant-hier. Notre époque n’est plus celle du grand commerce ; ni même
2216
oque n’est plus celle du grand commerce ; ni même
de
la grande industrie (réalisme d’hier). Notre époque est celle des rel
2217
mmerce ; ni même de la grande industrie (réalisme
d’
hier). Notre époque est celle des religions politiques, sociales, nati
2218
ce, l’industrie, l’économie en général, ont cessé
d’
imposer leurs « lois fatales ». Ce sont les chefs qui dictent les prix
2219
nécessités techniques », superstition des experts
d’
hier et d’avant-hier. Ils ont pensé, et prouvé par le fait, que la Tec
2220
techniques », superstition des experts d’hier et
d’
avant-hier. Ils ont pensé, et prouvé par le fait, que la Technique ne
2221
Il est temps que la Suisse comprenne que le souci
de
son économie ne saurait plus servir d’excuse à l’absence de vues poli
2222
e le souci de son économie ne saurait plus servir
d’
excuse à l’absence de vues politiques. On demande à un gouvernement de
2223
nomie ne saurait plus servir d’excuse à l’absence
de
vues politiques. On demande à un gouvernement de « gouverner44 », de
2224
de vues politiques. On demande à un gouvernement
de
« gouverner44 », de piloter l’État et d’orienter sa marche ; le reste
2225
On demande à un gouvernement de « gouverner44 »,
de
piloter l’État et d’orienter sa marche ; le reste, le fonctionnement
2226
ernement de « gouverner44 », de piloter l’État et
d’
orienter sa marche ; le reste, le fonctionnement technique de la machi
2227
sa marche ; le reste, le fonctionnement technique
de
la machine, étant l’affaire des fonctionnaires — leur nom l’indique —
2228
ates qui fassent une politique, et qui aient plus
d’
idées générales que de compétences économiques. Je connais tel profess
2229
olitique, et qui aient plus d’idées générales que
de
compétences économiques. Je connais tel professeur d’Université, tel
2230
ompétences économiques. Je connais tel professeur
d’
Université, tel écrivain, tel philanthrope, tel connaisseur et pratici
2231
anthrope, tel connaisseur et praticien des choses
de
la SDN et de la chose européenne, qui nous représenteraient à l’étran
2232
connaisseur et praticien des choses de la SDN et
de
la chose européenne, qui nous représenteraient à l’étranger — officie
2233
anger — officiellement ou non — avec combien plus
d’
efficacité que les meilleurs spécialistes formés par les bureaux de Be
2234
les meilleurs spécialistes formés par les bureaux
de
Berne, et rompus à toutes les prudences « fédérales ». Sur le plan di
2235
près la page qu’on vient de lire, que je n’ai pas
d’
ambitions politiques ! 41. Intéressante précision du langage ! Un « d
2236
que nous devons préférer la mort à l’interdiction
de
proclamer des sottises. Je m’excuse de tant de lourdeur dans la préci
2237
terdiction de proclamer des sottises. Je m’excuse
de
tant de lourdeur dans la précision, mais je m’avance ici sur un terra
2238
ais d’ailleurs ce que je risque. Ce qui me permet
d’
approuver pleinement cette déclaration de Spitteler : « N’est-ce pas u
2239
e permet d’approuver pleinement cette déclaration
de
Spitteler : « N’est-ce pas un spectacle grotesque que celui d’une feu
2240
: « N’est-ce pas un spectacle grotesque que celui
d’
une feuille de chou qui, sûre de son inviolabilité, vitupère en style
2241
as un spectacle grotesque que celui d’une feuille
de
chou qui, sûre de son inviolabilité, vitupère en style de cabaret une
2242
otesque que celui d’une feuille de chou qui, sûre
de
son inviolabilité, vitupère en style de cabaret une grande puissance
2243
qui, sûre de son inviolabilité, vitupère en style
de
cabaret une grande puissance européenne, comme s’il s’agissait d’une
2244
rande puissance européenne, comme s’il s’agissait
d’
une paisible élection municipale ! Si la censure accourt alors avec un
2245
alors avec une muselière, elle accomplit un acte
de
décence. » 43. Cf. à ce sujet les vues très exactes du grand théoric
2246
e sujet les vues très exactes du grand théoricien
de
l’État totalitaire, Carl Schmitt, juriste catholique devenu national-