1 1940, Mission ou démission de la Suisse. Avertissement
1 sement Ceci n’est pas un livre, mais un recueil de conférences et d’essais sur des sujets variés en apparence : protesta
2 t pas un livre, mais un recueil de conférences et d’ essais sur des sujets variés en apparence : protestantisme, culture, n
3 utres écrits — c’est qu’ils ne sont pas dépourvus d’ une certaine unité d’intention : ils sont tous nés d’un même souci de
4 qu’ils ne sont pas dépourvus d’une certaine unité d’ intention : ils sont tous nés d’un même souci de la personne et de son
5 ne certaine unité d’intention : ils sont tous nés d’ un même souci de la personne et de son rôle dans la communauté ; et to
6 é d’intention : ils sont tous nés d’un même souci de la personne et de son rôle dans la communauté ; et tous, ils s’adress
7 s sont tous nés d’un même souci de la personne et de son rôle dans la communauté ; et tous, ils s’adressent à la Suisse, o
8 ire, ils s’adressent à des Suisses. Par une série de cercles concentriques, ils s’efforcent de situer notre mission dans l
9 e série de cercles concentriques, ils s’efforcent de situer notre mission dans l’Europe d’aujourd’hui. On trouvera tout d’
10 s’efforcent de situer notre mission dans l’Europe d’ aujourd’hui. On trouvera tout d’abord une conférence sur le protestant
11 ord une conférence sur le protestantisme créateur de personnes. C’est qu’avant de rien proposer, il convient de dire qui l
12 nes. C’est qu’avant de rien proposer, il convient de dire qui l’on est, de préciser au nom de quoi l’on parle ; et ce ne p
13 rien proposer, il convient de dire qui l’on est, de préciser au nom de quoi l’on parle ; et ce ne peut être, sérieusement
14 doit compromettant. Une foi réelle est une raison de vivre et non point d’échapper à la vie. Ceci dit, je ne crois pas un
15 e foi réelle est une raison de vivre et non point d’ échapper à la vie. Ceci dit, je ne crois pas un instant que pareille p
16 it, je ne crois pas un instant que pareille prise de position m’interdise de « causer » et de m’entendre avec les Suisses
17 nstant que pareille prise de position m’interdise de « causer » et de m’entendre avec les Suisses d’autres croyances. Bien
18 le prise de position m’interdise de « causer » et de m’entendre avec les Suisses d’autres croyances. Bien au contraire ! C
19 est. Vient ensuite une conférence sur la Bataille de la culture : synthèse rapide des éléments sociaux, culturels et spiri
20 rels et spirituels qui déterminent l’état présent de l’Europe, et situent notre action particulière dans l’évolution génér
21 ici que des vues générales et quelques directions de pensée. Ce n’est pas suffisant, mais c’est urgent. C’est de quoi nous
22 Ce n’est pas suffisant, mais c’est urgent. C’est de quoi nous manquons le plus, et j’ajouterai : c’est de quoi nous savon
23 uoi nous manquons le plus, et j’ajouterai : c’est de quoi nous savons le moins que nous manquons dangereusement. Nous avon
24 us manquons dangereusement. Nous avons bien assez de techniciens, de spécialistes et de « compétences » : leur travail est
25 ereusement. Nous avons bien assez de techniciens, de spécialistes et de « compétences » : leur travail est indispensable,
26 ons bien assez de techniciens, de spécialistes et de « compétences » : leur travail est indispensable, mais il ne saurait
27 blée par une vision générale du monde, et du rôle de la Suisse dans le monde. Soyons modestes, c’est entendu. Nous ne somm
28 es, c’est entendu. Nous ne sommes pas les mentors de l’Europe. Mais n’allons pas confondre cette modestie, dont Spitteler
29 heure ait sonné pour la Suisse, qu’il soit temps de voir grand et d’oser, au sein d’un grand péril et d’un beau risque, c
30 pour la Suisse, qu’il soit temps de voir grand et d’ oser, au sein d’un grand péril et d’un beau risque, c’est la pensée qu
31 voir grand et d’oser, au sein d’un grand péril et d’ un beau risque, c’est la pensée qui anime tous ces essais. L’épreuve d
32 le courage qu’il y faut n’est pas seulement celui de résister : il est d’abord celui de se risquer. Je demandai à l’homme
33 eulement celui de résister : il est d’abord celui de se risquer. Je demandai à l’homme qui se tenait à la porte de l’anné
34 . Je demandai à l’homme qui se tenait à la porte de l’année : « Donne-moi une lumière afin que je puisse aller avec sécur
35 dans l’obscurité et mets tes mains dans les mains de Dieu. Ce sera plus sûr pour toi qu’une lumière et qu’un chemin que tu
36 isses. »1 D. R. Berne, 1er mars 1940. 1. Vers d’ un poète anglais, cités par le roi Georges VI en conclusion de son mes
37 nglais, cités par le roi Georges VI en conclusion de son message de Noël 1939.
38 ar le roi Georges VI en conclusion de son message de Noël 1939.
2 1940, Mission ou démission de la Suisse. Le protestantisme créateur de personnes
39 Le protestantisme créateur de personnes2 Je souhaite que beaucoup d’entre vous, apercevant le ti
40 te que beaucoup d’entre vous, apercevant le titre de cette conférence, aient ressenti quelque méfiance. Je souhaite que be
41 urieuse, ou peut-être grave, ou en tout cas digne de réflexion, car c’est à elle précisément que je me propose de répondre
42 n, car c’est à elle précisément que je me propose de répondre ici. Comment passer du zéro de l’homme devant Dieu à la vale
43 e propose de répondre ici. Comment passer du zéro de l’homme devant Dieu à la valeur infinie de la personnalité ? Comment
44 u zéro de l’homme devant Dieu à la valeur infinie de la personnalité ? Comment passer de notre théologie à notre histoire 
45 aleur infinie de la personnalité ? Comment passer de notre théologie à notre histoire ? Qu’est-ce que cette personnalité d
46 curieusement entre zéro et l’infini, et dont tant d’ auteurs incroyants nous font une gloire peut-être intempestive ? Le pr
47 ut-être intempestive ? Le problème est, je crois, d’ autant plus actuel que les menaces qui pèsent aujourd’hui sur l’Église
48 tourner vers le passé pour y trouver le réconfort d’ anciennes victoires, d’exemples édifiants. Déconcertés par l’ampleur d
49 our y trouver le réconfort d’anciennes victoires, d’ exemples édifiants. Déconcertés par l’ampleur de l’attaque qui se prép
50 , d’exemples édifiants. Déconcertés par l’ampleur de l’attaque qui se prépare contre le monde chrétien, beaucoup, jusque p
51 p, jusque parmi les incroyants, sentent le besoin de reprendre pied sur les vieilles bases spirituelles, rudes et monument
52 tous leurs appuis. Et c’est sans doute à ce désir de certitude renouvelée, à ce désir de retrouver confiance en soi, que j
53 te à ce désir de certitude renouvelée, à ce désir de retrouver confiance en soi, que je devais répondre en exaltant ici le
54 pondre en exaltant ici le protestantisme créateur de personnalités, ou défenseur d’une certaine dignité humaine. Eh bien,
55 stantisme créateur de personnalités, ou défenseur d’ une certaine dignité humaine. Eh bien, je ne vois aucune raison de dé
56 gnité humaine. Eh bien, je ne vois aucune raison de décevoir une telle attente. Mais attention ! Cette interrogation pres
57 ! Cette interrogation pressante, il ne s’agit pas de lui offrir n’importe quelle réponse flatteuse ou approximative. Et ce
58 réponse flatteuse ou approximative. Et ce besoin de certitude, il s’agit de le combler en vérité. La menace est sérieuse,
59 proximative. Et ce besoin de certitude, il s’agit de le combler en vérité. La menace est sérieuse, les événements de septe
60 en vérité. La menace est sérieuse, les événements de septembre et toute la suite l’ont fait voir aux plus optimistes3. En
61 nous atteint déjà par contrecoup, et il est sage de s’attendre à bien pire. C’est donc le moment ou jamais de se montrer
62 endre à bien pire. C’est donc le moment ou jamais de se montrer très rigoureux dans le choix des moyens de défense. Et, pa
63 e montrer très rigoureux dans le choix des moyens de défense. Et, par exemple, si beaucoup sont prêts à louer la Réforme d
64 xemple, si beaucoup sont prêts à louer la Réforme d’ être une école de personnalités, donc un rempart contre la barbarie, c
65 up sont prêts à louer la Réforme d’être une école de personnalités, donc un rempart contre la barbarie, c’est le moment po
66 art contre la barbarie, c’est le moment pour nous de préciser comment, pourquoi, dans quel esprit surtout le protestantism
67 ntisme est effectivement cela. Depuis une dizaine d’ années, une discussion générale s’est instituée sur les notions de per
68 scussion générale s’est instituée sur les notions de personne, d’individu et de personnalité. Il existe un mouvement perso
69 rale s’est instituée sur les notions de personne, d’ individu et de personnalité. Il existe un mouvement personnaliste qui
70 tituée sur les notions de personne, d’individu et de personnalité. Il existe un mouvement personnaliste qui a pris pour tâ
71 un mouvement personnaliste qui a pris pour tâche de démêler ces notions et de fonder sur elles un ordre social renouvelé.
72 e qui a pris pour tâche de démêler ces notions et de fonder sur elles un ordre social renouvelé. Des philosophes tels que
73 ue, Berdiaef du côté orthodoxe, un certain nombre de jeunes protestants, beaucoup d’agnostiques aussi, se sont efforcés de
74 un certain nombre de jeunes protestants, beaucoup d’ agnostiques aussi, se sont efforcés de montrer l’importance concrète d
75 s, beaucoup d’agnostiques aussi, se sont efforcés de montrer l’importance concrète d’une définition de la personne pour to
76 se sont efforcés de montrer l’importance concrète d’ une définition de la personne pour toute action dans la cité4. Ces dis
77 de montrer l’importance concrète d’une définition de la personne pour toute action dans la cité4. Ces discussions, souvent
78 ans la cité4. Ces discussions, souvent encombrées de jargon philosophique, peuvent apparaître byzantines au grand public.
79 n’en reste pas moins que le mot d’ordre « Défense de la personne humaine » est devenu le slogan par excellence des hommes
80 sans équivoques. Les dissiper me paraît une tâche d’ une importance particulière pour notre pensée réformée. Car il se trou
81 nous protestants, tantôt pour les fermes soutiens de la personnalité, tantôt pour de dangereux individualistes. C’est donc
82 s fermes soutiens de la personnalité, tantôt pour de dangereux individualistes. C’est donc vraiment de nos affaires qu’il
83 de dangereux individualistes. C’est donc vraiment de nos affaires qu’il s’agit dans cette discussion. Nous y avons notre m
84 notions par des exemples historiques susceptibles de faire image. Si nous remontons aux origines, si nous cherchons commen
85 comment sont apparues dans l’Histoire les notions d’ individu et de personne, et les systèmes qui s’y opposent, nous verron
86 pparues dans l’Histoire les notions d’individu et de personne, et les systèmes qui s’y opposent, nous verrons mieux commen
87 ieux comment se situe la Réforme dans l’évolution de l’Europe, et quel principe central elle doit y incarner, de nos jours
88 e, et quel principe central elle doit y incarner, de nos jours sans doute plus que jamais. Prenons d’abord l’individu. Con
89 n’est pas une invention du siècle des Lumières et de la Déclaration des droits de l’homme. C’est une invention grecque, et
90 recque, et sa naissance signale la naissance même de l’hellénisme. L’individu, c’est l’homme de la tribu qui tout d’un cou
91 e même de l’hellénisme. L’individu, c’est l’homme de la tribu qui tout d’un coup se met à réfléchir pour son compte, et qu
92 e. L’individu, c’est l’homme de la tribu qui tout d’ un coup se met à réfléchir pour son compte, et qui, de ce fait même, s
93 coup se met à réfléchir pour son compte, et qui, de ce fait même, se distingue du groupe naturel, et s’isole. Le groupe p
94 le lien du sang, des morts communs, et par celui de la terreur sacrée. C’est autour d’un tabou et autour des tombeaux, ob
95 , et par celui de la terreur sacrée. C’est autour d’ un tabou et autour des tombeaux, objets d’effroi, que se rassemble la
96 autour d’un tabou et autour des tombeaux, objets d’ effroi, que se rassemble la société primitive. Ce qu’elle adore, c’est
97 phobe. Mais supposez maintenant qu’un des membres de la tribu se mette à raisonner à part soi. Raisonner, c’est d’abord do
98 s sacrés du groupe, et par là même à son principe de tyrannie. Ce mouvement d’arrachement au sacré sombre, à l’empire des
99 là même à son principe de tyrannie. Ce mouvement d’ arrachement au sacré sombre, à l’empire des morts, ce mouvement de dis
100 sacré sombre, à l’empire des morts, ce mouvement de dissolution de la communauté primitive, c’est la naissance même de la
101 à l’empire des morts, ce mouvement de dissolution de la communauté primitive, c’est la naissance même de la Grèce. Sur le
102 la communauté primitive, c’est la naissance même de la Grèce. Sur le fond indistinct des peuplades indo-germaniques, les
103 st important : à l’origine, individu est synonyme de criminel. Mais peu à peu, ces individus se groupent pour constituer
104 à peu, ces individus se groupent pour constituer de nouvelles communautés (les thiases) comparables à la cité au sens mod
105 erne. Alors que la tribu était liée par des liens d’ origine — le sang, la famille — la cité est fondée sur l’intérêt commu
106 térêt commun et les contrats. Alors que la morale de la tribu dicte des devoirs sacrés, dans la cité on parle de droits. T
107 u dicte des devoirs sacrés, dans la cité on parle de droits. Tous les membres de la tribu devaient agir de la même manière
108 dans la cité on parle de droits. Tous les membres de la tribu devaient agir de la même manière minutieusement prescrite pa
109 roits. Tous les membres de la tribu devaient agir de la même manière minutieusement prescrite par les usages, et toute con
110 chacun cherche à se distinguer. On met son point d’ honneur à faire mieux que le voisin, ou tout au moins à faire autremen
111 utonome et conscient. La définition la plus noble de l’individu nous est fournie à ce moment par Socrate, lorsqu’il nous d
112 is-toi toi-même, c’est-à-dire : prends conscience de ton existence individuelle, libère-toi des déterminations sacrées et
113 eut-être peut-on rapprocher cette tendance morale de celle qui poussa les physiciens de la Grèce à créer la notion d’atome
114 endance morale de celle qui poussa les physiciens de la Grèce à créer la notion d’atome, les philosophes à formuler le pri
115 ussa les physiciens de la Grèce à créer la notion d’ atome, les philosophes à formuler le principe d’individuation, les lég
116 n d’atome, les philosophes à formuler le principe d’ individuation, les législateurs et les artistes à concentrer leur atte
117 attention sur l’homme et son destin particulier. D’ où le héros, d’où la statue, d’où le tragique (Antigone s’opposant aux
118 l’homme et son destin particulier. D’où le héros, d’ où la statue, d’où le tragique (Antigone s’opposant aux décisions sacr
119 estin particulier. D’où le héros, d’où la statue, d’ où le tragique (Antigone s’opposant aux décisions sacrées de l’État) ;
120 agique (Antigone s’opposant aux décisions sacrées de l’État) ; — d’où les notions de gloire et de record. Et Alcibiade cou
121 e s’opposant aux décisions sacrées de l’État) ; —  d’ où les notions de gloire et de record. Et Alcibiade coupe la queue de
122 décisions sacrées de l’État) ; — d’où les notions de gloire et de record. Et Alcibiade coupe la queue de son chien pour qu
123 rées de l’État) ; — d’où les notions de gloire et de record. Et Alcibiade coupe la queue de son chien pour qu’on parle de
124 gloire et de record. Et Alcibiade coupe la queue de son chien pour qu’on parle de lui, qu’on le distingue. C’est là encor
125 iade coupe la queue de son chien pour qu’on parle de lui, qu’on le distingue. C’est là encore une assez bonne définition d
126 ingue. C’est là encore une assez bonne définition de l’individu… Toutefois ce mouvement centrifuge par rapport à la commun
127 mouvement centrifuge par rapport à la communauté d’ origine, s’il se confond d’abord, soulignons-le, avec l’intelligence e
128 duit fatalement ce que j’appellerais un sentiment de vide social. C’est une sorte d’angoisse diffuse d’où naît l’appel à u
129 rais un sentiment de vide social. C’est une sorte d’ angoisse diffuse d’où naît l’appel à une communauté nouvelle et plus s
130 e vide social. C’est une sorte d’angoisse diffuse d’ où naît l’appel à une communauté nouvelle et plus solide, où l’individ
131 Empire romain qui nous donnera le symbole éternel de cette réaction collective. La victoire de Rome sur la Grèce, symboliq
132 éternel de cette réaction collective. La victoire de Rome sur la Grèce, symboliquement interprétée, c’est la victoire de l
133 ce, symboliquement interprétée, c’est la victoire de l’étatisme sur l’individualisme social. L’État romain, rural et milit
134 son appareil rigide, devait fatalement triompher d’ une Grèce que nous dirions « atomisée ». Le vide social créé par l’ind
135 bureaucratie, sa police, fonctionnera d’ailleurs d’ autant plus facilement qu’il n’aura plus affaire qu’à une poussière d’
136 ment qu’il n’aura plus affaire qu’à une poussière d’ individus déracinés, n’offrant plus de résistance appréciable. Vous vo
137 e poussière d’individus déracinés, n’offrant plus de résistance appréciable. Vous voyez qu’entre individualisme et dictatu
138 pposition n’est qu’apparente : en réalité, il y a de l’un à l’autre un lien de cause à effet, ou plus exactement, de succe
139 te : en réalité, il y a de l’un à l’autre un lien de cause à effet, ou plus exactement, de succession fatale. L’individu n
140 tre un lien de cause à effet, ou plus exactement, de succession fatale. L’individu ne s’oppose à l’État qu’à la manière do
141 gards, l’étatisme ne fait qu’achever le processus de dissolution sociale commencé par l’individualisme. L’individu s’était
142 structure organique ne s’oppose plus à son action d’ unification, de « mise au pas ». C’est avec la poussière des individus
143 ique ne s’oppose plus à son action d’unification, de « mise au pas ». C’est avec la poussière des individus que l’État fer
144 éraciner pour mieux discipliner, cela seul permet de constituer un bloc puissant vis-à-vis de l’extérieur ; un bloc qui pr
145 à-vis de l’extérieur ; un bloc qui prend l’allure d’ une armée. Le vice d’un tel système, c’est qu’il stérilise peu à peu t
146 ; un bloc qui prend l’allure d’une armée. Le vice d’ un tel système, c’est qu’il stérilise peu à peu toutes les initiatives
147 tes, et qu’il finit par s’effondrer sous le poids de son appareil dévorateur. Et cela ne manque pas de se produire lorsque
148 de son appareil dévorateur. Et cela ne manque pas de se produire lorsque la majorité des citoyens se trouvent réduits à l’
149 ajorité des citoyens se trouvent réduits à l’état de fonctionnaires ou de soldats. Telle est l’histoire de la décadence de
150 se trouvent réduits à l’état de fonctionnaires ou de soldats. Telle est l’histoire de la décadence de Rome. Le type d’homm
151 onctionnaires ou de soldats. Telle est l’histoire de la décadence de Rome. Le type d’homme que suppose l’état romain, c’es
152 de soldats. Telle est l’histoire de la décadence de Rome. Le type d’homme que suppose l’état romain, c’est donc l’individ
153 e est l’histoire de la décadence de Rome. Le type d’ homme que suppose l’état romain, c’est donc l’individu embrigadé, le f
154 rsona. Ce mot qui désignait à l’origine le masque de l’acteur, signifiera bientôt le « rôle » que joue le citoyen. Dans l’
155 esclaves, par exemple, qui forment les deux tiers de la population, ne sont pas des personnes, puisqu’ils ne jouent pas de
156 sont pas des personnes, puisqu’ils ne jouent pas de rôle dans les rouages de l’État. Il est important de rappeler ce sens
157 puisqu’ils ne jouent pas de rôle dans les rouages de l’État. Il est important de rappeler ce sens romain du mot personne.
158 rôle dans les rouages de l’État. Il est important de rappeler ce sens romain du mot personne. Je le traduirais volontiers
159 uirais volontiers en langage moderne par le terme de soldat politique. Nous allons le voir se transformer substantiellemen
160 ocabulaire chrétien. Car voici le moment décisif de notre histoire. La Grèce individualiste a triomphé de la communauté b
161 otre histoire. La Grèce individualiste a triomphé de la communauté barbare du sang. Mais plus tard elle a sombré dans l’an
162 te. Quelle sera la nouvelle société ? En ce point de l’évolution, dans cette angoisse, deux solutions paraissent possibles
163 ecréer la communauté primitive, à base de sang et de liens sacrés : c’est une régression vers la barbarie, mais qui flatte
164 et les passions, et satisfait le rêve nostalgique d’ un retour à la nature, d’une fraternité plus charnelle, d’une communio
165 fait le rêve nostalgique d’un retour à la nature, d’ une fraternité plus charnelle, d’une communion avec la masse dans le m
166 our à la nature, d’une fraternité plus charnelle, d’ une communion avec la masse dans le mystère des origines : souvenirs,
167 gies, rites magiques, culte ancestral ou religion d’ État. C’est là ce que j’appellerai une communauté régressive. L’autre
168 ai une communauté régressive. L’autre possibilité de communauté, c’est celle qu’imagine l’être spirituel. C’est l’espoir d
169 celle qu’imagine l’être spirituel. C’est l’espoir d’ une société d’un type absolument nouveau, qui ne soit pas fondée sur l
170 ne l’être spirituel. C’est l’espoir d’une société d’ un type absolument nouveau, qui ne soit pas fondée sur les contraintes
171 lois, mais sur l’attente commune et enthousiaste d’ un au-delà libérateur. Ce n’est plus le rêve du retour aux origines, c
172 lus le rêve du retour aux origines, c’est le rêve d’ un avenir éternel, d’une révélation inouïe. Il s’agit donc de l’attent
173 aux origines, c’est le rêve d’un avenir éternel, d’ une révélation inouïe. Il s’agit donc de l’attente d’une communauté pr
174 éternel, d’une révélation inouïe. Il s’agit donc de l’attente d’une communauté progressive. La réalisation historique de
175 ne révélation inouïe. Il s’agit donc de l’attente d’ une communauté progressive. La réalisation historique de la première p
176 communauté progressive. La réalisation historique de la première possibilité s’est amorcée dès la fin de la République rom
177 la première possibilité s’est amorcée dès la fin de la République romaine, quand César est devenu un dieu. Et c’est l’éch
178 quand César est devenu un dieu. Et c’est l’échec de cette religion d’État, confondu avec l’échec plus général d’une socié
179 evenu un dieu. Et c’est l’échec de cette religion d’ État, confondu avec l’échec plus général d’une société bureaucratisée,
180 ligion d’État, confondu avec l’échec plus général d’ une société bureaucratisée, qui a permis et préparé le triomphe du chr
181 Mais je demeure persuadé que la seule possibilité d’ une communauté progressive n’eût pas suffi à éveiller la volonté de la
182 progressive n’eût pas suffi à éveiller la volonté de la réaliser et de la faire sortir de l’utopie. Il fallut qu’un fait h
183 pas suffi à éveiller la volonté de la réaliser et de la faire sortir de l’utopie. Il fallut qu’un fait historique, qu’un a
184 r la volonté de la réaliser et de la faire sortir de l’utopie. Il fallut qu’un fait historique, qu’un acte vînt transforme
185 dynamique. Et ce fait, c’est l’événement central de toute l’Histoire, la seule nouveauté absolue de tous les temps : l’in
186 l de toute l’Histoire, la seule nouveauté absolue de tous les temps : l’incarnation de Dieu dans l’homme fondant une socié
187 uveauté absolue de tous les temps : l’incarnation de Dieu dans l’homme fondant une société absolument nouvelle : l’Église.
188 ace ici ? C’est une communauté spirituelle formée d’ un grand nombre de petites communautés locales, que l’on pourrait appe
189 e communauté spirituelle formée d’un grand nombre de petites communautés locales, que l’on pourrait appeler d’un terme mod
190 es communautés locales, que l’on pourrait appeler d’ un terme moderne : des cellules. Ces communautés ne sont pas fondées s
191  », écrit saint Paul. Elles ne tiennent compte ni de la race, ni des traditions, ni du rang social : on y trouve des escla
192 as terrestre : il s’est assis au Ciel à la droite de Dieu. Leurs ambitions non plus ne sont pas terrestres, car ce qu’elle
193 autés étranges constituent bel et bien les germes d’ une société véritable. Elles ont leur organisation sociale, leurs chef
194 ielle, mais ils y trouvent aussi des possibilités de servir leurs frères. Ils se voient donc libérés, et du même coup enga
195 agés dans un corps social nouveau. Prenons le cas de l’esclave qui devient chrétien. Alors que l’État romain lui déniait t
196 t spontanée, l’Église lui rend sa dignité humaine d’ individu en même temps que son rôle actif de persona. Spirituellement,
197 maine d’individu en même temps que son rôle actif de persona. Spirituellement, il se produit un phénomène parallèle : le p
198 païen qui se convertit se voit d’une part racheté de son péché ; et d’autre part, il reçoit une mission nouvelle, une voca
199 ement et socialement, l’Église est une communauté d’ hommes qui sont à la fois libres et engagés. Libérés par Celui qui les
200 ctoires, n’étant que deux aspects complémentaires d’ une seule et même réalité : la conversion. Tel est l’homme neuf, créé
201 as l’individu grec, puisqu’il se soucie davantage de servir que de se distinguer. Et ce n’est pas non plus la persona du d
202 grec, puisqu’il se soucie davantage de servir que de se distinguer. Et ce n’est pas non plus la persona du droit romain, p
203 oit une vocation possède une dignité indépendante de son rôle social. Comment le baptiser ? Il faut un mot nouveau. Ou pl
204 le Père, le Fils et le Saint-Esprit, les docteurs de l’Église grecque avaient adopté le terme romain de persona. C’est ce
205 e l’Église grecque avaient adopté le terme romain de persona. C’est ce même terme qui va servir aux premiers philosophes c
206 miers philosophes chrétiens à désigner la réalité de l’homme dans un monde christianisé. Car cet homme, lui aussi, se trou
207 mot avec son sens nouveau, et la réalité sociale de la personne, sont bel et bien des créations chrétiennes ou, pour mieu
208 ns chrétiennes ou, pour mieux dire, des créations de l’Église chrétienne. Voici donc définis par leurs origines, et dans l
209 et dans leur genèse historique, les maîtres mots de notre conception occidentale de l’homme : l’individu et la personne.
210 les maîtres mots de notre conception occidentale de l’homme : l’individu et la personne. Et vous voyez que la distinction
211 inction entre ces deux vocables si courants, loin d’ être une querelle byzantine, ne traduit rien de moins, dans les débuts
212 in d’être une querelle byzantine, ne traduit rien de moins, dans les débuts, que la distinction entre l’homme naturel et l
213 nt posées, faisons dans nos pensées un petit saut de quelques siècles, pour retomber tout à la fois dans l’époque de la Ré
214 ècles, pour retomber tout à la fois dans l’époque de la Réformation et dans le sujet précis qui nous occupe. L’Église prim
215 L’Église primitive a repris peu à peu l’héritage de l’Empire romain. Elle s’est peu à peu substituée aux cadres sclérosés
216 aux cadres sclérosés du vieux régime. La capitale de l’Empire d’Occident, ses hiérarchies, sa centralisation, sa structure
217 clérosés du vieux régime. La capitale de l’Empire d’ Occident, ses hiérarchies, sa centralisation, sa structure unitaire, e
218 mes liturgiques, tout cela fait partie intégrante de la chrétienté médiévale. Or, cette collusion peut-être inévitable de
219 diévale. Or, cette collusion peut-être inévitable de l’Église et de l’Empire temporel, recréa, tout au long du Moyen Âge,
220 tte collusion peut-être inévitable de l’Église et de l’Empire temporel, recréa, tout au long du Moyen Âge, une sorte de co
221 rel, recréa, tout au long du Moyen Âge, une sorte de communauté sacrée, de société sacrale d’allure collectiviste. Il fall
222 ong du Moyen Âge, une sorte de communauté sacrée, de société sacrale d’allure collectiviste. Il fallait le prévoir. En eff
223 ne sorte de communauté sacrée, de société sacrale d’ allure collectiviste. Il fallait le prévoir. En effet, la personne chr
224 En effet, la personne chrétienne était une sorte de paradoxe : elle unissait l’individu libre et la persona ou fonction s
225 mmunauté fondée sur la personne courait le danger d’ une double déviation : d’une part vers l’individualisme, d’autre part
226 le et collective. » C’est-à-dire que la collusion de l’Église et du pouvoir politique tendait à opprimer la liberté de la
227 u pouvoir politique tendait à opprimer la liberté de la personne, en absorbant celle-ci de plus en plus dans des engagemen
228 situation quelque peu analogue à celle des débuts de la Grèce, en ce sens qu’une révolte de l’individu ne tarde pas à se m
229 des débuts de la Grèce, en ce sens qu’une révolte de l’individu ne tarde pas à se manifester. Cette révolte, c’est la Rena
230 r quelques traits qui rappelleront ma description de la Grèce individualiste. L’individu de la Renaissance est d’abord un
231 escription de la Grèce individualiste. L’individu de la Renaissance est d’abord un révolté qui oppose ses besoins propres
232 qui oppose ses besoins propres aux dogmes sacrés de la collectivité. Il revendique le droit de discuter, c’est-à-dire le
233 sacrés de la collectivité. Il revendique le droit de discuter, c’est-à-dire le libre examen de toutes choses. Il est assoi
234 e droit de discuter, c’est-à-dire le libre examen de toutes choses. Il est assoiffé de gloire et de richesse, de sa propre
235 le libre examen de toutes choses. Il est assoiffé de gloire et de richesse, de sa propre gloire, et de sa propre richesse,
236 en de toutes choses. Il est assoiffé de gloire et de richesse, de sa propre gloire, et de sa propre richesse, fussent-elle
237 choses. Il est assoiffé de gloire et de richesse, de sa propre gloire, et de sa propre richesse, fussent-elles acquises au
238 de gloire et de richesse, de sa propre gloire, et de sa propre richesse, fussent-elles acquises aux dépens de sa famille e
239 ussent-elles acquises aux dépens de sa famille et de sa cité, aux dépens même de la vie d’autrui. Un grand nombre de crime
240 pens de sa famille et de sa cité, aux dépens même de la vie d’autrui. Un grand nombre de crimes furent commis dans l’Itali
241 famille et de sa cité, aux dépens même de la vie d’ autrui. Un grand nombre de crimes furent commis dans l’Italie du xve
242 x dépens même de la vie d’autrui. Un grand nombre de crimes furent commis dans l’Italie du xve siècle à seule fin d’acqué
243 t commis dans l’Italie du xve siècle à seule fin d’ acquérir de la renommée. Et les pirates siciliens, fondateurs du capit
244 ns l’Italie du xve siècle à seule fin d’acquérir de la renommée. Et les pirates siciliens, fondateurs du capitalisme comm
245 cial, sont souvent cités comme les premiers types d’ individus au sens moderne. Nous retrouvons ici cette liaison mystérieu
246 ici cette liaison mystérieuse entre la naissance de l’individu et le crime social. Enfin l’individu de la Renaissance se
247 e l’individu et le crime social. Enfin l’individu de la Renaissance se livre à une activité toute nouvelle : l’expérimenta
248 érimentation scientifique libre. Tout cela relève d’ une seule et même volonté : celle de profaner le sacré collectif et se
249 t cela relève d’une seule et même volonté : celle de profaner le sacré collectif et ses tabous, afin de s’affirmer libre e
250 sabilité par rapport à la société. Qu’il s’agisse de libre examen, de crimes, de soif de gloire et de richesses, ou d’expé
251 ort à la société. Qu’il s’agisse de libre examen, de crimes, de soif de gloire et de richesses, ou d’expériences telles qu
252 ciété. Qu’il s’agisse de libre examen, de crimes, de soif de gloire et de richesses, ou d’expériences telles que la dissec
253 u’il s’agisse de libre examen, de crimes, de soif de gloire et de richesses, ou d’expériences telles que la dissection du
254 de libre examen, de crimes, de soif de gloire et de richesses, ou d’expériences telles que la dissection du corps humain,
255 de crimes, de soif de gloire et de richesses, ou d’ expériences telles que la dissection du corps humain, c’est toujours u
256 te une réaction inévitable à la déviation romaine de la communauté catholique5. Entre ces deux déviations, contre l’oppres
257 ntre l’oppression collective et contre la révolte de l’individu, ce qui va se dresser pour proclamer les droits et les dev
258 dresser pour proclamer les droits et les devoirs de la personne chrétienne — c’est la Réforme. Nous touchons au cœur même
259 ersonnaliste. Bien au contraire : je vais essayer de vous montrer ce que pourrait et devrait être un personnalisme inspiré
260 pourrait et devrait être un personnalisme inspiré de la Réforme. Calvin ni Luther n’ont parlé de la personne en soi. Ils n
261 spiré de la Réforme. Calvin ni Luther n’ont parlé de la personne en soi. Ils n’ont pas fait une théorie personnaliste, ils
262 ême pas avoir entrevu la possibilité ou l’intérêt d’ un tel problème. Mais ils ne parlent pas non plus de l’individu ou de
263 un tel problème. Mais ils ne parlent pas non plus de l’individu ou de la collectivité, et cependant toutes les réalités qu
264 Mais ils ne parlent pas non plus de l’individu ou de la collectivité, et cependant toutes les réalités que désignent ces t
265 mes sont présentes, et sont en conflit à l’époque de la Réforme. Essayons de les dégager sommairement. Le but unique des r
266 ont en conflit à l’époque de la Réforme. Essayons de les dégager sommairement. Le but unique des réformateurs était de res
267 ommairement. Le but unique des réformateurs était de restaurer la fidélité de l’Église à la Parole de Dieu. Jamais ils n’o
268 e des réformateurs était de restaurer la fidélité de l’Église à la Parole de Dieu. Jamais ils n’ont admis d’être présentés
269 de restaurer la fidélité de l’Église à la Parole de Dieu. Jamais ils n’ont admis d’être présentés comme des novateurs. « 
270 glise à la Parole de Dieu. Jamais ils n’ont admis d’ être présentés comme des novateurs. « Nous nous sommes efforcés, écrit
271 teurs. « Nous nous sommes efforcés, écrit Calvin, de ne pas mettre nos opinions personnelles à la place de l’exposition si
272 elles à la place de l’exposition simple et fidèle de la pure Parole de Dieu. » Du point de vue qui nous intéresse ici, je
273 e l’exposition simple et fidèle de la pure Parole de Dieu. » Du point de vue qui nous intéresse ici, je dirai que l’œuvre
274 vue qui nous intéresse ici, je dirai que l’œuvre de Calvin a consisté essentiellement à restaurer la doctrine de l’Église
275 consisté essentiellement à restaurer la doctrine de l’Église, de même qu’elle a consisté accidentellement, dans le plan p
276 ouvoir temporel. L’anarchisme, c’était la révolte de la Renaissance, et les sectes d’illuminés, c’est-à-dire l’individuali
277 était la révolte de la Renaissance, et les sectes d’ illuminés, c’est-à-dire l’individualisme social et religieux. Calvin c
278 nt pour rembarrer ces deux vices, toute la pureté de la foi serait confuse. » L’Église primitive était une communauté spir
279 Église primitive était une communauté spirituelle de personnes, d’hommes nouveaux, à la fois libres et engagés, constituan
280 ve était une communauté spirituelle de personnes, d’ hommes nouveaux, à la fois libres et engagés, constituant une multitud
281 fois libres et engagés, constituant une multitude de communautés locales. Telles seront à nouveau les Églises réformées. P
282 les seront à nouveau les Églises réformées. Point de centralisation, point de capitale, point d’unification formelle et fo
283 Églises réformées. Point de centralisation, point de capitale, point d’unification formelle et forcée. Dès le début, la Ré
284 Point de centralisation, point de capitale, point d’ unification formelle et forcée. Dès le début, la Réforme considère com
285 ont des députés à des synodes, et il n’y aura pas de pape pour unifier temporellement toutes ces cellules vivantes, autono
286 s, l’Église une et sainte, l’Una Sancta, le Corps de Christ, nous apparaît, selon les propres termes de Calvin, dans la di
287 e Christ, nous apparaît, selon les propres termes de Calvin, dans la diversité « des Églises et ses personnes particulière
288 Avec ce terme, Calvin n’ajoute rien à la réalité de l’homme chrétien, du membre de l’Église, mais il apporte une précisio
289 rien à la réalité de l’homme chrétien, du membre de l’Église, mais il apporte une précision capitale à la définition de l
290 il apporte une précision capitale à la définition de la personne. À tel point que je dirais volontiers que la définition p
291 e dirais volontiers que la définition protestante de la personne, c’est la vocation. La persona romaine, c’était le rôle j
292 c’était le rôle joué par un individu dans le plan de l’État. La personne chrétienne, ce sera le rôle que Dieu attribue à c
293 ien que nous retrouvons ici le paradoxe essentiel de la personne : à la fois libre et engagée, distincte et reliée à nouve
294 communication avec son prochain. Ainsi la dignité de chaque individu est garantie non pas du seul fait qu’il existe physiq
295 fait qu’il peut incarner une volonté particulière de Dieu. Et dès lors, cet homme n’a pas seulement le droit d’être respec
296 Et dès lors, cet homme n’a pas seulement le droit d’ être respecté par l’État, il a surtout le devoir d’agir, en tant qu’il
297 ’être respecté par l’État, il a surtout le devoir d’ agir, en tant qu’il est chargé d’une responsabilité unique dans la soc
298 urtout le devoir d’agir, en tant qu’il est chargé d’ une responsabilité unique dans la société, à sa juste place. Notons qu
299 igure en particulier dans le serment des pasteurs de Genève, et dont l’actualité vous frappera certainement. « Je promets,
300 ppera certainement. « Je promets, dit le pasteur, de servir la Seigneurie et le peuple de telle manière que par cela je ne
301 le pasteur, de servir la Seigneurie et le peuple de telle manière que par cela je ne sois nullement empêché de rendre à D
302 manière que par cela je ne sois nullement empêché de rendre à Dieu le service que je lui dois par ma vocation. » C’est à m
303 onstitutionnel existant, qui puisse être qualifié de personnaliste, au sens précis où je l’entends. Diversité des Églises,
304 ù je l’entends. Diversité des Églises, fédération de ces diversités, multiplicité des vocations personnelles : tout cela,
305 ai. Mais il était inévitable et juste que ce type de relations influençât peu à peu toutes les autres relations humaines,
306 culier les relations politiques. Toute l’histoire de l’Europe serait à refaire à partir de cette constatation : que les fo
307 lus loin. Quelle fut donc la traduction politique de la doctrine calvinienne de l’Église et des vocations personnelles ? J
308 a traduction politique de la doctrine calvinienne de l’Église et des vocations personnelles ? Je n’hésite pas à le dire :
309 quelle fut l’action historique des hommes d’État de la Réforme calviniste ? Partout, et dès le début, l’obstacle princip
310 ils le purent, proposèrent au contraire des plans d’ allure et d’intention nettement fédéralistes. L’absolutisme, la collus
311 t, proposèrent au contraire des plans d’allure et d’ intention nettement fédéralistes. L’absolutisme, la collusion des pouv
312 ébrera « la France toute catholique sous le règne de Louis le Grand », c’est-à-dire la France « mise au pas » par l’homme
313 , centralisée, déjà presque totalitaire, et vidée de ses meilleures forces créatrices. Mais dès que le parti protestant re
314 oute différente. Il ne tombe jamais dans le piège d’ opposer à l’absolutisme romain un absolutisme réformé. Au contraire. Q
315 absolutisme réformé. Au contraire. Qu’il s’agisse de la Transylvanie convertie au calvinisme et qui devient l’âme de la ré
316 anie convertie au calvinisme et qui devient l’âme de la résistance au centralisme des Habsbourg, qu’il s’agisse des Provin
317 ies des Pays-Bas ; qu’il s’agisse des fédérations de défense constituées par les huguenots ; ou de nos jours, bien que d’u
318 ons de défense constituées par les huguenots ; ou de nos jours, bien que d’une manière plus vague, des États-Unis d’Amériq
319 ées par les huguenots ; ou de nos jours, bien que d’ une manière plus vague, des États-Unis d’Amérique et de l’Empire angla
320 manière plus vague, des États-Unis d’Amérique et de l’Empire anglais avec ses libres Dominions, — partout l’on voit les p
321 s, c’est-à-dire fédéraliste. Les synodes réformés de France, vers la fin du xvie siècle, préconisèrent à plusieurs repris
322 e, préconisèrent à plusieurs reprises des projets d’ organisation fédérative du Royaume, comportant une large autonomie des
323 emier, sous Henry IV, conçut le « Grand Dessein » d’ une fédération européenne ? Certes, les historiens attribuent à ces fa
324 dans les petits États qui éprouveraient le besoin de se fédérer contre l’Empire et contre Rome, et cela se vérifie souvent
325 siècle. Mais je maintiens que la cause profonde de la tendance fédéraliste protestante jusqu’à nos jours, est d’ordre pr
326 ce fédéraliste protestante jusqu’à nos jours, est d’ ordre proprement spirituel. C’est bien le même état d’esprit qui expli
327 ne va pas sans l’autre. Nous pouvons le vérifier d’ une autre manière encore. Qui dit respect des personnes, dit préoccupa
328 Qui dit respect des personnes, dit préoccupation de les éduquer. Et vous savez que les problèmes d’éducation furent dès l
329 n de les éduquer. Et vous savez que les problèmes d’ éducation furent dès le début le grand souci des réformés. Calvin fond
330 grand souci des réformés. Calvin fonde le Collège de Genève en pleine période de guerre, dans une ville assiégée. Par cont
331 lvin fonde le Collège de Genève en pleine période de guerre, dans une ville assiégée. Par contre, on sait que les jésuites
332 ocations chez leurs élèves… Mais je m’en voudrais d’ insister sur cet exemple qui me ferait la part trop belle. Contentons-
333 qui me ferait la part trop belle. Contentons-nous de le poser comme un repère. Ce que je voulais dégager, c’est que la doc
334 e l’État lui-même, dans certains cas, par le fait de sa vocation. C’est à cause de sa vocation qu’il est à la fois libre e
335 le paradoxe politique du fédéralisme : la liberté de chacun dans une action commune, l’équilibre vivant des tons complémen
336 intenant que voici définies, ou plutôt illustrées d’ exemples historiques, certaines notions fondamentales telles que l’ind
337 et l’histoire présente. Car en définitive, c’est de cela qu’il s’agit. L’histoire n’est jamais qu’un tremplin pour mieux
338 is qu’un tremplin pour mieux sauter en plein cœur de l’actuel. Comment situer dans l’Europe d’aujourd’hui les positions ci
339 in cœur de l’actuel. Comment situer dans l’Europe d’ aujourd’hui les positions civiques de la Réforme et sa morale ? Calvin
340 ans l’Europe d’aujourd’hui les positions civiques de la Réforme et sa morale ? Calvin, vous le savez, ne s’est jamais préo
341 Calvin, vous le savez, ne s’est jamais préoccupé de la forme des gouvernements. Il insiste à maintes reprises sur le fait
342 oligarchies et républiques sont également voulues de Dieu et doivent être obéies comme telles. Une fois cependant il marqu
343 Une fois cependant il marque une préférence, mais de l’ordre le plus général. C’est lorsqu’il écrit : « Le meilleur état d
344 néral. C’est lorsqu’il écrit : « Le meilleur état de gouvernement est celui-là où il y a une liberté bien tempérée et pour
345 durer longuement. » Il me semble que le spectacle de l’Europe contemporaine donne raison au réformateur. Et je ne crois pa
346 ajoutant cette précision : ce n’est pas la forme d’ un État qui compte, mais bien la condition qu’il ménage à l’Église, et
347 n la condition qu’il ménage à l’Église, et l’idée de l’homme qu’il suppose. C’est en nous plaçant à ce double point de vue
348 nous plaçant à ce double point de vue : condition de l’Église et conception de l’homme, que nous pourrons le mieux départa
349 oint de vue : condition de l’Église et conception de l’homme, que nous pourrons le mieux départager les deux groupes de ré
350 ous pourrons le mieux départager les deux groupes de régimes qui s’affrontent aujourd’hui. Le premier groupe est celui des
351 Église et la personne. Nous y trouvons des formes de gouvernement aussi disparates que possible : d’abord les cinq monarch
352 le bloc des trois États totalitaires — que menace de rejoindre l’Espagne. Laissons de côté les différences politiques que
353 res — que menace de rejoindre l’Espagne. Laissons de côté les différences politiques que l’on pourrait marquer entre ces t
354 que ces différences, qui ne le voit, s’atténuent d’ année en année7. Ce qu’il nous importe de souligner ici, ce sont deux
355 tténuent d’année en année7. Ce qu’il nous importe de souligner ici, ce sont deux traits évidemment communs à ces régimes :
356 assez forts pour lever le masque, et leur mépris de la personne. Voici, à mon avis, les causes de ces deux phénomènes. En
357 ris de la personne. Voici, à mon avis, les causes de ces deux phénomènes. En Russie, en Allemagne, à Rome et en Espagne, l
358 tre l’Église et l’État n’avait jamais été établie d’ une manière satisfaisante. Le tsar par exemple, était à la fois chef d
359 r exemple, était à la fois chef de l’État et chef de l’Église : c’est ce qu’on nomme le césaropapisme. D’autre part, ses d
360 rés divers, et pour mille raisons très complexes, de l’un ou de l’autre de ces maux. La coupure entre le spirituel et le t
361 et pour mille raisons très complexes, de l’un ou de l’autre de ces maux. La coupure entre le spirituel et le temporel n’y
362 lle raisons très complexes, de l’un ou de l’autre de ces maux. La coupure entre le spirituel et le temporel n’y était pas
363 donc fatalement s’attaquer à l’autre. Et le chef de la révolution triomphante dans chacun de ces pays, se trouvait comme
364 le chef de la révolution triomphante dans chacun de ces pays, se trouvait comme contraint par le sentiment général de rep
365 trouvait comme contraint par le sentiment général de reprendre à son compte à la fois l’autorité d’un chef d’Église et le
366 al de reprendre à son compte à la fois l’autorité d’ un chef d’Église et le pouvoir d’un chef d’État. Chacun sait qu’une Ré
367 endre à son compte à la fois l’autorité d’un chef d’ Église et le pouvoir d’un chef d’État. Chacun sait qu’une Révolution c
368 fois l’autorité d’un chef d’Église et le pouvoir d’ un chef d’État. Chacun sait qu’une Révolution copie toujours inconscie
369 césaropapistes comme les régimes qu’ils venaient d’ abattre, et même beaucoup plus rigoureusement, car la religion dont il
370 ion dont ils étaient les chefs était une religion de guerre, possédant toute la virulence des corps chimiques à l’état nai
371 s à l’état naissant. D’autre part, l’instauration de ces régimes tyranniques fut largement facilitée, et même appelée, par
372 et même appelée, par l’absence dans tous ces pays d’ élites civiques conscientes de leur mission. Dans un essai publié en 1
373 dans tous ces pays d’élites civiques conscientes de leur mission. Dans un essai publié en 1928, et intitulé l’Espagne inv
374 beaucoup de points, écrit-il, elles offrent ceci de commun qu’elles souffrent toutes les deux d’un manque évident et perm
375 ceci de commun qu’elles souffrent toutes les deux d’ un manque évident et permanent d’individualités marquantes, … de perso
376 toutes les deux d’un manque évident et permanent d’ individualités marquantes, … de personnalités autonomes. » Et de la so
377 ident et permanent d’individualités marquantes, … de personnalités autonomes. » Et de la sorte, Ortega laisse entendre que
378 és marquantes, … de personnalités autonomes. » Et de la sorte, Ortega laisse entendre que le destin de ces pays, du fait d
379 de la sorte, Ortega laisse entendre que le destin de ces pays, du fait de ce qu’il nomme « l’absence des meilleurs », ne s
380 aisse entendre que le destin de ces pays, du fait de ce qu’il nomme « l’absence des meilleurs », ne saurait être que l’abs
381 utre part il a toujours favorisé le développement de la personne et donc la formation d’élites civiques actives, on compre
382 développement de la personne et donc la formation d’ élites civiques actives, on comprendra sans peine le fait suivant qui,
383 jamais été signalé : c’est qu’il existe une forme de totalitarisme correspondant à la Russie orthodoxe, une autre correspo
384 ts calvinistes, même laïcisés, comme c’est le cas de la France sous la Troisième République8. Cela ne signifie pas, bien e
385 l reste dans le pays une empreinte césaropapiste, d’ où l’État totalitaire. Mais lorsque le calvinisme cesse d’être une foi
386 tat totalitaire. Mais lorsque le calvinisme cesse d’ être une foi vivante, il laisse derrière lui une empreinte tout à fait
387 une empreinte tout à fait différente : une forme d’ individualisme. Nous aurons l’occasion d’y revenir tout à l’heure. Car
388 ne forme d’individualisme. Nous aurons l’occasion d’ y revenir tout à l’heure. Car, en effet, une opposition aussi radicale
389 bien, une description désintéressée et académique de divers régimes également soutenables dans l’abstrait. Je considère l’
390 ises. Je considère que nous n’avons plus le droit de l’étudier en curieux, en théoriciens ou en opportunistes, comme certa
391 ns qui se demandent encore, par exemple, s’il est de gauche ou de droite, alors qu’il est du diable, et que c’est en chrét
392 andent encore, par exemple, s’il est de gauche ou de droite, alors qu’il est du diable, et que c’est en chrétiens que nous
393 nous est déclarée. Or le meilleur, le seul moyen de se défendre — surtout quand il s’agit des choses de l’esprit — c’est
394 se défendre — surtout quand il s’agit des choses de l’esprit — c’est de connaître l’adversaire afin de reconnaître et de
395 ut quand il s’agit des choses de l’esprit — c’est de connaître l’adversaire afin de reconnaître et de tuer les plus secrèt
396 de connaître l’adversaire afin de reconnaître et de tuer les plus secrètes complicités qu’il a su ménager dans nos cœurs.
397 en est temps, des déviations qui feraient le jeu de l’ennemi. Connaître la doctrine de l’homme fasciste, c’est définir du
398 eraient le jeu de l’ennemi. Connaître la doctrine de l’homme fasciste, c’est définir du même coup certains dangers qui men
399 s dangers qui menacent en permanence notre morale de la personne. Je vais le montrer par deux exemples dont j’essaierai de
400 ais le montrer par deux exemples dont j’essaierai de tirer des conclusions pratiques. Quelle est la condition faite à l’Ég
401 première question est capitale. Car la politique d’ un régime est toujours étroitement dépendante de l’attitude qu’il pren
402 e d’un régime est toujours étroitement dépendante de l’attitude qu’il prend vis-à-vis de l’Église et du fait religieux en
403 ne religion politique, ou encore en une politique d’ allure religieuse. Et cela d’autant plus que la religion qu’il adopte
404 ore en une politique d’allure religieuse. Et cela d’ autant plus que la religion qu’il adopte est, comme dans le cas des fa
405 cas des fascismes et du communisme, une religion de l’ici-bas sans transcendance, une religion dont les buts purement ter
406 ent terrestres ne divergent plus du tout des buts de la politique, se confondent même avec ceux-ci. Alors il n’y a plus d
407 onfondent même avec ceux-ci. Alors il n’y a plus de recours, plus de pardon à espérer : la communauté spirituelle ne peut
408 ec ceux-ci. Alors il n’y a plus de recours, plus de pardon à espérer : la communauté spirituelle ne peut pas en appeler à
409 tique religieuse totalitaire, a créé le type même d’ une communauté régressive, c’est-à-dire d’une communauté fondée sur le
410 pe même d’une communauté régressive, c’est-à-dire d’ une communauté fondée sur le passé : le sang, la race, la tradition, l
411 on ne pourra jamais y entrer — si l’on n’est pas de sang aryen, par exemple — car cette religion n’admet pas que « les ch
412 es choses vieilles sont passées » selon la parole de l’Apôtre. Elle n’admet pas la conversion spirituelle, à partir de laq
413 quels sont tes morts ? Religion du sang, religion de la terre et des morts, religion sanglante et mortelle, religion des c
414 des morts, des cortèges funèbres, des cérémonies d’ imprécations, des sacrifices propitiatoires, le tam-tam des tambours l
415 propitiatoires, le tam-tam des tambours lugubres, d’ hallucinants sabbats de nègres blancs ! Qui oserait encore nous souten
416 tam des tambours lugubres, d’hallucinants sabbats de nègres blancs ! Qui oserait encore nous soutenir que ce délire représ
417 s le pardon, le futur éternel, le rachat du péché d’ origine ? À nous maintenant de rester vigilants, exigeants et vigilant
418 le rachat du péché d’origine ? À nous maintenant de rester vigilants, exigeants et vigilants, même et surtout sur des poi
419 urtout sur des points qui paraissent actuellement de peu d’importance. Par exemple : partout où l’on exalte ici, chez nous
420 sur des points qui paraissent actuellement de peu d’ importance. Par exemple : partout où l’on exalte ici, chez nous, la ve
421 rts sacrés, même s’il s’agit, comme c’est le cas, de métaphores anodines, d’éloquence de tir fédéral, de développements ly
422 agit, comme c’est le cas, de métaphores anodines, d’ éloquence de tir fédéral, de développements lyriques sur les ossements
423 c’est le cas, de métaphores anodines, d’éloquence de tir fédéral, de développements lyriques sur les ossements sacrés des
424 métaphores anodines, d’éloquence de tir fédéral, de développements lyriques sur les ossements sacrés des héros suisses, s
425 uisses, sachons reconnaître les premières racines de quelque chose qu’il ne faut pas laisser grandir. On nous parle, avec
426 s parle, avec les meilleures intentions du monde, d’ une défense spirituelle du pays. Et je suis le premier à l’approuver.
427 ’on fonde cette défense spirituelle sur la notion de « Suisse chrétienne », défions-nous de certains élans qui nous feraie
428 la notion de « Suisse chrétienne », défions-nous de certains élans qui nous feraient tomber à pieds joints dans la fatale
429 ale confusion du temporel et du spirituel. Parler d’ une Suisse chrétienne quand beaucoup de Suisses, et des plus influents
430 out simplement, dans la pratique, à l’utilisation de l’Église pour des fins politiques, c’est-à-dire au césaropapisme. Si
431 stinction strictement calviniste entre les droits de l’Église et ceux de l’État. Beaucoup de choses en dépendent, pour l’a
432 t calviniste entre les droits de l’Église et ceux de l’État. Beaucoup de choses en dépendent, pour l’avenir immédiat ! Et
433 édiat ! Et enfin, sur le plan politique, essayons de comprendre une bonne fois le sens spirituel de notre fédéralisme, seu
434 ns de comprendre une bonne fois le sens spirituel de notre fédéralisme, seule doctrine politique existante qui doit radica
435 mpris au paradoxe vivant que représente en chacun de nous, la personne : l’homme qui sait ce qu’il doit engager tout en ga
436 est très simple. On a détruit l’un des deux pôles de la personne : celui de la liberté ou de l’autonomie, et l’on a tout r
437 étruit l’un des deux pôles de la personne : celui de la liberté ou de l’autonomie, et l’on a tout réduit à l’autre pôle :
438 eux pôles de la personne : celui de la liberté ou de l’autonomie, et l’on a tout réduit à l’autre pôle : celui de l’engage
439 mie, et l’on a tout réduit à l’autre pôle : celui de l’engagement social. L’homme étant totalement engagé, corps et esprit
440 alement engagé, corps et esprit, dans les rouages de l’État, et cet État ne reconnaissant plus aucune autorité qui transce
441 t limite son pouvoir, il n’y a plus aucun recours de l’individu à l’absolu divin, il n’y a donc plus aucune liberté. Tous
442 il n’y a donc plus aucune liberté. Tous les abus de pouvoir deviennent possibles. Certes, l’on crée des ersatz de personn
443 eviennent possibles. Certes, l’on crée des ersatz de personnes, ou plutôt de personnalités — des milliers de petits Führer
444 tes, l’on crée des ersatz de personnes, ou plutôt de personnalités — des milliers de petits Führer — mais c’est l’État et
445 sonnes, ou plutôt de personnalités — des milliers de petits Führer — mais c’est l’État et sa « mystique » qui les créent.
446 sa « mystique » qui les créent. On ne leur laisse d’ initiative que dans les cadres qu’on leur a prescrits. Elles ne valent
447 les ne valent rien par elles-mêmes. Cette manière de créer des personnalités s’appelle au vrai : caporalisation. Et la per
448 vidu embrigadé, et non pas une vocation. Milliers de masques durs, volontairement durcis, de ces jeunes soldats politiques
449 Milliers de masques durs, volontairement durcis, de ces jeunes soldats politiques dressés à l’héroïsme en masse, à l’héro
450 le, si c’en est encore un ! — mais qui n’ont plus de courage civique. Militarisation d’un peuple ! C’est le contraire, le
451 qui n’ont plus de courage civique. Militarisation d’ un peuple ! C’est le contraire, le mot l’indique, d’une véritable civi
452 un peuple ! C’est le contraire, le mot l’indique, d’ une véritable civilisation. Qu’allons-nous opposer à cela ? Tout simpl
453 cette force reste pure ! Car de même que le culte de la terre et des morts, pour peu qu’il vienne à s’accentuer, risque de
454 orts, pour peu qu’il vienne à s’accentuer, risque de nous conduire un jour par une voie directe au fascisme, une certaine
455 voie directe au fascisme, une certaine déviation de notre morale, un certain culte de la « personnalité » en soi, un cert
456 taine déviation de notre morale, un certain culte de la « personnalité » en soi, un certain individualisme, risquent aussi
457 en soi, un certain individualisme, risquent aussi de nous y conduire, cette fois-ci d’une manière indirecte, du simple fai
458 risquent aussi de nous y conduire, cette fois-ci d’ une manière indirecte, du simple fait qu’ils affaiblissent nos résista
459 istances spirituelles et nous font perdre le sens de l’Église. C’est ici de nos vertus mêmes qu’il importe de nous méfier.
460 t nous font perdre le sens de l’Église. C’est ici de nos vertus mêmes qu’il importe de nous méfier. Méfions-nous d’une cer
461 lise. C’est ici de nos vertus mêmes qu’il importe de nous méfier. Méfions-nous d’une certaine manière trop humaine de prôn
462 mêmes qu’il importe de nous méfier. Méfions-nous d’ une certaine manière trop humaine de prôner ou de laisser prôner le pr
463 Méfions-nous d’une certaine manière trop humaine de prôner ou de laisser prôner le protestantisme créateur de personnalit
464 d’une certaine manière trop humaine de prôner ou de laisser prôner le protestantisme créateur de personnalités. Notre dan
465 r ou de laisser prôner le protestantisme créateur de personnalités. Notre danger intime et permanent, c’est le moralisme,
466 intime et permanent, c’est le moralisme, le culte de nos vertus utilisées pour des fins purement humaines. À force de loue
467 ns purement humaines. À force de louer la Réforme d’ avoir été, comme on dit, « une pépinière d’individualités et de caract
468 éforme d’avoir été, comme on dit, « une pépinière d’ individualités et de caractères bien trempés », nous courons le risque
469 comme on dit, « une pépinière d’individualités et de caractères bien trempés », nous courons le risque d’oublier que la Ré
470 caractères bien trempés », nous courons le risque d’ oublier que la Réforme n’est pas faite pour l’homme d’abord. À force d
471 force de louer ses effets humains, nous risquons de trahir sa cause divine. N’oublions pas que la personnalité n’est bien
472 ité n’est bien souvent que le résidu, l’empreinte d’ une personne sur un individu qui ne croit plus à sa vocation, et qui a
473 e ambiance protestante. Nous n’en avons que trop, de ces gloires « protestantes », laborieusement annexées et recensées pa
474 aborieusement annexées et recensées par une sorte de nationalisme huguenot, de ces hommes qui ne sont en fait que « sortis
475 recensées par une sorte de nationalisme huguenot, de ces hommes qui ne sont en fait que « sortis » du protestantisme… Cer
476 rotestantisme… Certes, nous pouvons nous réjouir de ce que la foi réformée, même quand elle cesse d’être vivante, laisse
477 de ce que la foi réformée, même quand elle cesse d’ être vivante, laisse en se retirant beaucoup de personnalités. Cela co
478 us rares si nous laissons tarir les sources vives de la Réforme. Et puis, une personnalité en soi, sans vocation, ce n’est
479 isme à l’individualisme, dès que l’on perd la foi de la Réforme pour ne garder que ses vertus humaines et activistes. Et c
480 oderne, avec sa concurrence sans frein, phénomène de piraterie sociale, de mépris du bien commun, phénomène typiquement in
481 rence sans frein, phénomène de piraterie sociale, de mépris du bien commun, phénomène typiquement individualiste10. Un de
482 era sentir, je crois, toute l’importance pratique de cette distinction entre personne et personnalité. Hitler peut former,
483 ocations irréductibles aux ambitions spirituelles de l’État. Ces personnes-là, ce sont ses véritables adversaires, les seu
484 ux, et il le sait ! Si Niemöller est dans un camp de concentration, prisonnier personnel du Führer, ce n’est point parce q
485 i reproche son énergie ou ses talents, ses traits de caractère, son héroïsme durant la dernière guerre, bref, sa personnal
486 e, c’est-à-dire sa vocation particulière, qui est de prêcher l’Évangile. — Vous voyez que le Führer sait parfaitement opér
487 ersonne et personnalité. Je ne vois aucune raison de lui laisser le bénéfice exclusif d’une telle clairvoyance. Il est tem
488 aucune raison de lui laisser le bénéfice exclusif d’ une telle clairvoyance. Il est temps de tirer, en deux mots, la conclu
489 e exclusif d’une telle clairvoyance. Il est temps de tirer, en deux mots, la conclusion de cette série de mises au point.
490 l est temps de tirer, en deux mots, la conclusion de cette série de mises au point. J’ai tenté de situer la Réforme dans l
491 tirer, en deux mots, la conclusion de cette série de mises au point. J’ai tenté de situer la Réforme dans l’évolution de l
492 sion de cette série de mises au point. J’ai tenté de situer la Réforme dans l’évolution de l’Europe, puis dans les conflit
493 J’ai tenté de situer la Réforme dans l’évolution de l’Europe, puis dans les conflits actuels. J’ai essayé de vous montrer
494 rope, puis dans les conflits actuels. J’ai essayé de vous montrer que sa doctrine représente, en sa pureté, le centre et l
495 représente, en sa pureté, le centre et l’axe même de la notion chrétienne de la personne, à la fois libre et engagée. Il e
496 , le centre et l’axe même de la notion chrétienne de la personne, à la fois libre et engagée. Il en résulte que la Réforme
497 ppelée à figurer, dans notre siècle, le type même de la sûre doctrine de résistance au paganisme politique 11. Ceci nous c
498 ns notre siècle, le type même de la sûre doctrine de résistance au paganisme politique 11. Ceci nous charge d’une responsa
499 tance au paganisme politique 11. Ceci nous charge d’ une responsabilité devant l’Histoire. Que devons-nous faire pour nous
500 ns-nous faire pour nous montrer à peu près dignes de cette mission ? Simplement, mais aussi rigoureusement, et dans la ple
501 , et dans la pleine virulence du terme, redevenir de véritables protestants. Un véritable protestant, les faits le prouven
502 vent, sera toujours l’adversaire le plus efficace de l’esprit totalitaire. Déjà, beaucoup d’entre nous ont repris au série
503 s reste à prendre au sérieux la doctrine réformée de l’homme et de l’État. Ceci ne signifie pas que l’Église ait à propose
504 dre au sérieux la doctrine réformée de l’homme et de l’État. Ceci ne signifie pas que l’Église ait à proposer un programme
505 vendications conformes au Décalogue et à l’esprit de l’Évangile. Tout cela doit rester « occasionnel », mais dans le sens
506 aussi et d’abord contre les déviations humanistes de la personne : transformons nos démocraties individualistes en démocra
507 nous devons le vaincre, chez nous, par une espèce de croisade intérieure. Le chrétien est celui qui n’a pas d’autre ennemi
508 ade intérieure. Le chrétien est celui qui n’a pas d’ autre ennemi à craindre que l’ennemi qu’il porte en lui-même. Car un e
509 e et extérieur, ce n’est jamais que l’incarnation d’ une possibilité secrète, d’une tentation que chacun souffre dans son c
510 mais que l’incarnation d’une possibilité secrète, d’ une tentation que chacun souffre dans son cœur. Alors seulement, purif
511 s et lucides, quand nous aurons repris conscience de notre force véritable, celle qui ne vient pas de nous, de nos « perso
512 force véritable, celle qui ne vient pas de nous, de nos « personnalités », mais de nos vocations, de nos personnes, alors
513 vient pas de nous, de nos « personnalités », mais de nos vocations, de nos personnes, alors seulement nous pourrons répéte
514 de nos « personnalités », mais de nos vocations, de nos personnes, alors seulement nous pourrons répéter la fière devise
515 « Tant plus à me frapper l’on s’amuse, tant plus de marteaux l’on y use.12 » 2. Conférence prononcée au mois de janvier
516 l’on y use.12 » 2. Conférence prononcée au mois de janvier 1939 dans les aulas des universités de Neuchâtel, Lausanne et
517 is de janvier 1939 dans les aulas des universités de Neuchâtel, Lausanne et Genève, sous les auspices des Amis de la pensé
518 l, Lausanne et Genève, sous les auspices des Amis de la pensée protestante, ainsi qu’à l’aula de l’Université de Bâle, sur
519 Amis de la pensée protestante, ainsi qu’à l’aula de l’Université de Bâle, sur la demande de l’Association générale des ét
520 ée protestante, ainsi qu’à l’aula de l’Université de Bâle, sur la demande de l’Association générale des étudiants de cette
521 ’à l’aula de l’Université de Bâle, sur la demande de l’Association générale des étudiants de cette ville. 3. Il s’agit de
522 a demande de l’Association générale des étudiants de cette ville. 3. Il s’agit de septembre 1938 : « la paix de Munich ».
523 érale des étudiants de cette ville. 3. Il s’agit de septembre 1938 : « la paix de Munich ». 4. En Suisse, Emil Brunner (
524 ille. 3. Il s’agit de septembre 1938 : « la paix de Munich ». 4. En Suisse, Emil Brunner (Der Mensch im Widerspruch), et
525 Widerspruch), et Gonzague de Reynold (Conscience de la Suisse). 5. À partir de la fin du xiie siècle surtout. 6. Je ra
526 siècle surtout. 6. Je rappelle que ce texte date de janvier 1939. L’occupation de Prague eut lieu en mars. 7. Même rappe
527 e que ce texte date de janvier 1939. L’occupation de Prague eut lieu en mars. 7. Même rappel que ci-dessus. Le « Pacte d’
528 n mars. 7. Même rappel que ci-dessus. Le « Pacte d’ acier » s’étant révélé un pacte ordinaire, les amis de l’Italie ont eu
529 ier » s’étant révélé un pacte ordinaire, les amis de l’Italie ont eu plutôt tendance, durant les premiers mois de la guerr
530 ont eu plutôt tendance, durant les premiers mois de la guerre, à souligner ce qui la distingue des autres dictatures. 8.
531 e des autres dictatures. 8. Qu’on ne déduise pas de ces remarques que les trois Églises citées sont responsables des troi
532 is bien que ces mouvements ont revêtu les erreurs de chacune de ces églises pour en faire la forme de leur doctrine. Encor
533 ces mouvements ont revêtu les erreurs de chacune de ces églises pour en faire la forme de leur doctrine. Encore le phénom
534 de chacune de ces églises pour en faire la forme de leur doctrine. Encore le phénomène s’est-il limité aux grands pays. L
535 lique n’est pas fasciste. 9. Sur la distinction, d’ une importance capitale, entre les deux termes soulignés dans cette ph
536 Penser avec les mains , IIe partie : « La vertu d’ autorité », pages 209 et suivantes. 10. Max Weber, luthérien « détach
537 holique « détaché », l’attribue aux accumulations de capitaux dans les couvents anglais ; selon Werner Sombart, tout vient
538 , c’est que l’invention du système est antérieure de plusieurs siècles à la Réforme, et son triomphe postérieur de quatre
539 siècles à la Réforme, et son triomphe postérieur de quatre siècles. Ce qui n’empêchera pas le premier ignare venu d’attri
540 es. Ce qui n’empêchera pas le premier ignare venu d’ attribuer le tout à Calvin. On attribue bien l’hitlérisme à Luther !
541 tlérisme à Luther ! 11. Je dis bien le type même de sûre doctrine, et non pas la seule doctrine, et non pas le seul remèd
542 seul remède efficace dans l’immédiat. La doctrine de la Réforme représente à mes yeux la santé chrétienne. Un régime sain
543 e opération. Et les remèdes sont souvent composés de poisons… 12. Cette devise rend un son « suisse » à mon oreille. Et c
544 on « suisse » à mon oreille. Et c’est ici le lieu de le rappeler : le mot huguenot vient de « Eidguenot » ou « Eygenot » (
545 uenot » ou « Eygenot » (par Genève), c’est-à-dire de « Eidgenossen », ou Confédérés suisses. Les huguenots français voulai
546 l’un deux : « vivre en la liberté des Suisses et de faire cantons ». (Fédéralisme calviniste !)
3 1940, Mission ou démission de la Suisse. La bataille de la culture
547 La bataille de la culture13 Lorsque je me mis à réfléchir à ce que je vous dirais
548 rt en Suisse, dans une ferme montagnarde, au fond d’ une chambre assez sombre et glaciale. Sur les parois boisées, je disti
549 la table, devant moi, mon casque et la blancheur d’ un carré de papier. Je serrais un crayon dans mes doigts engourdis, et
550 devant moi, mon casque et la blancheur d’un carré de papier. Je serrais un crayon dans mes doigts engourdis, et j’essayais
551 n crayon dans mes doigts engourdis, et j’essayais de me rendre compte… Au-dehors, la neige et la brume. Plus loin, la fron
552 puis, flottant dans d’autres brumes, dernier îlot d’ un autre monde, une salle éclairée, un public dont j’ignorais et le vi
553 s, et devant lequel je m’étais engagé à disserter de la culture… Un sentiment d’absurdité et d’impuissance m’envahit. Quel
554 is engagé à disserter de la culture… Un sentiment d’ absurdité et d’impuissance m’envahit. Quel rapport pouvait-il y avoir
555 serter de la culture… Un sentiment d’absurdité et d’ impuissance m’envahit. Quel rapport pouvait-il y avoir entre ces chose
556 ans une salle bien chauffée, et je leur parlerais de la culture… Quel sens pouvait avoir une conférence, au milieu des ang
557 érence, au milieu des angoisses et des brutalités de cette guerre étrange, si lentement engagée, comme si personne n’y cro
558 tout à coup, commençaient à se lancer des tonnes d’ acier sur la tête, au lieu de discuter sérieusement leurs affaires ? Q
559 iscuter sérieusement leurs affaires ? Que servait de parler et de théoriser dans un monde à ce point stupéfié par une guer
560 usement leurs affaires ? Que servait de parler et de théoriser dans un monde à ce point stupéfié par une guerre que person
561 au contraire, seconde solution, il fallait partir de cela même, de cette situation passablement absurde, et y puiser les s
562 seconde solution, il fallait partir de cela même, de cette situation passablement absurde, et y puiser les seules raisons
563 e, et y puiser les seules raisons encore valables de parler. Vous voyez que je n’ai pas décidé de me taire. Or dans cette
564 bles de parler. Vous voyez que je n’ai pas décidé de me taire. Or dans cette décision de parler quand même, il y a déjà to
565 ai pas décidé de me taire. Or dans cette décision de parler quand même, il y a déjà toute la substance de ce que je voudra
566 parler quand même, il y a déjà toute la substance de ce que je voudrais vous dire ici. En effet : ou bien la culture est
567 i. En effet : ou bien la culture est une affaire d’ agrément, un ensemble de spécialités paisibles, un superflu, et alors
568 a culture est une affaire d’agrément, un ensemble de spécialités paisibles, un superflu, et alors il convient de se taire
569 ités paisibles, un superflu, et alors il convient de se taire lorsque la situation devient sérieuse ; — ou bien la culture
570 e nous éprouvions tous un doute sur l’opportunité d’ une conférence en temps de guerre, ce fait est significatif. Il prouve
571 doute sur l’opportunité d’une conférence en temps de guerre, ce fait est significatif. Il prouve que nous tenons la cultur
572 uve que nous tenons la culture pour quelque chose d’ un peu moins sérieux que l’action, ou que la guerre, par exemple, ou s
573 se nationale. Or je vois là le signe très certain d’ une crise — et d’une crise qui met en question les fondements mêmes de
574 je vois là le signe très certain d’une crise — et d’ une crise qui met en question les fondements mêmes de la culture en Oc
575 ne crise qui met en question les fondements mêmes de la culture en Occident. Je voudrais vous montrer ce soir que cette cr
576 uences pratiques ; qu’elle est l’une des origines de la présente guerre ; et que cette guerre n’est, en fin de compte, mal
577 s ses prétextes matériels, qu’un épisode tragique d’ une bataille bien plus vaste, la millénaire bataille de la culture.
578 bataille bien plus vaste, la millénaire bataille de la culture. L’adversaire est en nous S’il y a bataille, c’est do
579 ersaires. Quels sont-ils ? Mais d’abord, essayons d’ écarter un malentendu menaçant. La bataille dont je vais vous parler n
580 uels belligérants, et il n’est pas question, ici, de confondre l’un des partis avec la cause de la culture, l’autre étant
581 , ici, de confondre l’un des partis avec la cause de la culture, l’autre étant le parti de l’anti-culture. Ce genre d’oppo
582 ec la cause de la culture, l’autre étant le parti de l’anti-culture. Ce genre d’opposition est très tentant, je l’avoue, e
583 ’autre étant le parti de l’anti-culture. Ce genre d’ opposition est très tentant, je l’avoue, et aujourd’hui plus que jamai
584 hui plus que jamais… C’est malgré tout un procédé de propagande de guerre. Un fameux général autrichien, Conrad von Hötzen
585 amais… C’est malgré tout un procédé de propagande de guerre. Un fameux général autrichien, Conrad von Hötzendorf, avait co
586 autrichien, Conrad von Hötzendorf, avait coutume de dire : « Tout ce qui n’est pas aussi simple qu’une gifle ne vaut rien
587 mes encore neutres, et nous avons encore le droit de ne pas nous livrer à ce genre de simplifications brutales. Notre prem
588 encore le droit de ne pas nous livrer à ce genre de simplifications brutales. Notre premier devoir me paraît, au contrair
589 es. Notre premier devoir me paraît, au contraire, de défendre l’intelligence contre un certain primitivisme qui se réveill
590 in primitivisme qui se réveille toujours en temps de guerre. Les primitifs ont l’habitude de personnifier les forces mauv
591 en temps de guerre. Les primitifs ont l’habitude de personnifier les forces mauvaises qui les menacent. S’ils sont malade
592 ’ils sont malades, ils pensent que c’est la faute d’ un objet maléfique, ou d’un sorcier, ou d’un esprit qui rôde autour de
593 nsent que c’est la faute d’un objet maléfique, ou d’ un sorcier, ou d’un esprit qui rôde autour de leur maison. Toujours, l
594 a faute d’un objet maléfique, ou d’un sorcier, ou d’ un esprit qui rôde autour de leur maison. Toujours, la cause du mal, c
595 sous l’influence du christianisme, s’est efforcée de nous faire comprendre que la vraie cause de nos malheurs est presque
596 orcée de nous faire comprendre que la vraie cause de nos malheurs est presque toujours en nous-mêmes. Il faut reconnaître,
597 a manie des primitifs : nous rendons responsables de nos maux — les autres, uniquement les autres, ceux d’un autre parti,
598 os maux — les autres, uniquement les autres, ceux d’ un autre parti, ceux d’une autre nation… Nous faisons tous comme les p
599 niquement les autres, ceux d’un autre parti, ceux d’ une autre nation… Nous faisons tous comme les petits enfants qui batte
600 e ils se sont heurtés. Il est facile et rassurant de noircir le voisin pour mieux se blanchir soi-même. Mais en réalité, n
601 nos adversaires ne diffèrent pas essentiellement de nous. Tout homme porte en soi les microbes de presque toutes les mala
602 ent de nous. Tout homme porte en soi les microbes de presque toutes les maladies imaginables. Et cet ennemi qui nous menac
603 qui nous menace, il ne serait nullement suffisant de l’anéantir pour nous en délivrer. Car la tendance qu’il personnifie à
604 t, pour nous défendre, c’est en nous qu’il s’agit de l’attaquer, et avant tout, de la reconnaître14. Défendre la culture c
605 n nous qu’il s’agit de l’attaquer, et avant tout, de la reconnaître14. Défendre la culture contre elle-même et contre nous
606 es faits très simples, bien connus, qu’il suffira de rassembler pour qu’une leçon claire s’en dégage. Disharmonie de no
607 r qu’une leçon claire s’en dégage. Disharmonie de nos activités et impuissance de l’esprit Songeant à notre civilisa
608 e. Disharmonie de nos activités et impuissance de l’esprit Songeant à notre civilisation moderne, je suis de plus en
609 une étonnante disharmonie entre les divers ordres de nos activités — d’autre part, une angoissante impuissance de l’esprit
610 vités — d’autre part, une angoissante impuissance de l’esprit devant ce monde comme il va. Prenons des exemples concrets.
611 plus grossier, de plus quelconque dans le style, de moins organique dans sa structure qu’un de ces discours de propagande
612 style, de moins organique dans sa structure qu’un de ces discours de propagande que nous déverse la radio… Si vous passez
613 organique dans sa structure qu’un de ces discours de propagande que nous déverse la radio… Si vous passez du poème au disc
614 ssez du poème au discours, vous avez l’impression de changer d’humanité, d’âge historique et de civilisation. Jamais, dans
615 me au discours, vous avez l’impression de changer d’ humanité, d’âge historique et de civilisation. Jamais, dans aucun sièc
616 rs, vous avez l’impression de changer d’humanité, d’ âge historique et de civilisation. Jamais, dans aucun siècle européen,
617 ession de changer d’humanité, d’âge historique et de civilisation. Jamais, dans aucun siècle européen, on n’avait constaté
618 n’avait constaté pareil écart entre les créations de la culture et les produits de consommation destinés à l’usage des mas
619 entre les créations de la culture et les produits de consommation destinés à l’usage des masses. Tel grand chimiste scandi
620 ceux qui travailleront pour la paix. Mais l’état de notre culture est tel que l’invention sera utilisée pour détruire cet
621 cifique verra retomber sur sa tête, sous la forme d’ une bombe de 1000 kilos son invention humanitaire. Par quelle fatalité
622 a retomber sur sa tête, sous la forme d’une bombe de 1000 kilos son invention humanitaire. Par quelle fatalité mauvaise to
623 re. Par quelle fatalité mauvaise tous les progrès de notre science contribuent-ils à ravager la civilisation qui les produ
624 ous posé cette question-là. Mais il ne suffit pas de se la poser et ensuite de se lamenter. Il faut voir ce que signifie u
625 . Mais il ne suffit pas de se la poser et ensuite de se lamenter. Il faut voir ce que signifie une si cruelle disharmonie,
626 xiste des remèdes. Car il ne serait pas suffisant de n’accuser que la méchanceté des hommes : c’est l’esprit même de la cu
627 ue la méchanceté des hommes : c’est l’esprit même de la culture moderne, et son défaut de sagesse générale qui se trouve i
628 ’esprit même de la culture moderne, et son défaut de sagesse générale qui se trouve ici mis à nu. Un autre fait encore dan
629 entions techniques est double : il est d’une part d’ économiser du travail d’hommes par les machines, et donc de créer du l
630 ouble : il est d’une part d’économiser du travail d’ hommes par les machines, et donc de créer du loisir ; d’autre part, d’
631 ser du travail d’hommes par les machines, et donc de créer du loisir ; d’autre part, d’élever le niveau général du confort
632 hines, et donc de créer du loisir ; d’autre part, d’ élever le niveau général du confort. Or chacun sait que les résultats
633 les résultats pratiques du machinisme ne sont pas d’ augmenter les loisirs, mais bien d’augmenter le chômage, et qu’au lieu
634 me ne sont pas d’augmenter les loisirs, mais bien d’ augmenter le chômage, et qu’au lieu d’élever le niveau général, l’indu
635 eu d’élever le niveau général, l’industrie a créé d’ immenses masses de misérables, déracinées et démoralisées. Enfin je vo
636 eau général, l’industrie a créé d’immenses masses de misérables, déracinées et démoralisées. Enfin je vous citerai un cas
637 n cas individuel assez typique. Un grand banquier de Paris, membre d’un comité de bienfaisance, fut interrogé un jour, dev
638 assez typique. Un grand banquier de Paris, membre d’ un comité de bienfaisance, fut interrogé un jour, devant moi, par un d
639 e. Un grand banquier de Paris, membre d’un comité de bienfaisance, fut interrogé un jour, devant moi, par un de ses collèg
640 isance, fut interrogé un jour, devant moi, par un de ses collègues. Était-il vrai, lui demandait-on, que sa banque finançâ
641 ar tout ce que j’ai à voir, ce sont deux colonnes de chiffres, dont la balance est favorable à ma maison. L’exemple peut p
642 part, il illustre à merveille le vice fondamental de notre société et aussi de notre culture : c’est une absence totale de
643 lle le vice fondamental de notre société et aussi de notre culture : c’est une absence totale de vues d’ensemble. Ce qui n
644 aussi de notre culture : c’est une absence totale de vues d’ensemble. Ce qui nous manque absolument, c’est un grand princi
645 notre culture : c’est une absence totale de vues d’ ensemble. Ce qui nous manque absolument, c’est un grand principe d’uni
646 i nous manque absolument, c’est un grand principe d’ unité entre notre pensée et nos actions. Cette absence d’un principe d
647 entre notre pensée et nos actions. Cette absence d’ un principe d’unité est si totale qu’on ne la ressent même plus comme
648 ensée et nos actions. Cette absence d’un principe d’ unité est si totale qu’on ne la ressent même plus comme un scandale. E
649 vait disharmonie, contradiction, entre son comité de bienfaisance, les intérêts de sa banque, et le massacre des Chinois.
650 n, entre son comité de bienfaisance, les intérêts de sa banque, et le massacre des Chinois. Chacune de ces activités lui p
651 de sa banque, et le massacre des Chinois. Chacune de ces activités lui paraissait, en somme, justifiable en elle-même, pou
652 pas tout mélanger… Et, en effet, nous mélangeons de moins en moins notre pensée à notre action. L’impuissance de la pensé
653 moins notre pensée à notre action. L’impuissance de la pensée sur la conduite générale des affaires, tel est le dogme fon
654 nérale des affaires, tel est le dogme fondamental de la mentalité moderne. C’est plus qu’un dogme, c’est une croyance spon
655 Il est admis, dans notre société, que les hommes de la pensée n’ont rien à dire d’utile aux hommes d’action, aux capitain
656 té, que les hommes de la pensée n’ont rien à dire d’ utile aux hommes d’action, aux capitaines de l’industrie ou de la guer
657 de la pensée n’ont rien à dire d’utile aux hommes d’ action, aux capitaines de l’industrie ou de la guerre. Le divorce a ét
658 dire d’utile aux hommes d’action, aux capitaines de l’industrie ou de la guerre. Le divorce a été prononcé entre la cultu
659 hommes d’action, aux capitaines de l’industrie ou de la guerre. Le divorce a été prononcé entre la culture et l’action, en
660 ction, entre le cerveau et la main. Les résultats de ce divorce sont infinis. Mais le plus décisif, sans doute, est celui-
661 a culture apparaît aujourd’hui comme une activité de luxe, et l’action seule est tenue pour sérieuse. En voici la preuve.
662 e. Quand la situation devient grave, comme en cas de guerre par exemple, tout le monde trouve parfaitement naturel que la
663 sée abdique sa liberté et se soumette aux besoins de l’action, du haut en bas de l’échelle de nos occupations. Tout le mon
664 soumette aux besoins de l’action, du haut en bas de l’échelle de nos occupations. Tout le monde trouve parfaitement natur
665 besoins de l’action, du haut en bas de l’échelle de nos occupations. Tout le monde trouve parfaitement naturel de cesser
666 ations. Tout le monde trouve parfaitement naturel de cesser d’acheter des livres : c’est la première économie que l’on fer
667 ut le monde trouve parfaitement naturel de cesser d’ acheter des livres : c’est la première économie que l’on fera. De même
668 mière économie que l’on fera. De même qu’en temps de restrictions alimentaires on trouve tout naturel de se priver de dess
669 restrictions alimentaires on trouve tout naturel de se priver de dessert. Oui, la culture est devenue pour nous quelque c
670 alimentaires on trouve tout naturel de se priver de dessert. Oui, la culture est devenue pour nous quelque chose comme un
671 ue la pensée est impuissante sur les lois fatales de l’action. Si les discours ne trompent plus personne, si les mots n’on
672 ne trompent plus personne, si les mots n’ont plus de pouvoir, si les critiques même les plus perspicaces de notre temps so
673 uvoir, si les critiques même les plus perspicaces de notre temps sont autant de cris dans le désert, alors ? Laissons les
674 e les plus perspicaces de notre temps sont autant de cris dans le désert, alors ? Laissons les choses aller… Les clercs se
675 ssons les choses aller… Les clercs se consoleront de leur impuissance tant qu’on les laissera faire des fiches dans l’indi
676 fiches dans l’indifférence générale. Quand on dit de quelqu’un : c’est un intellectuel ! cela signifie : c’est un monsieur
677 i ne vaut rien pour conduire la cité, pour gagner de l’argent, pour faire des choses sérieuses… Et cependant, une société
678 rieuses… Et cependant, une société où les valeurs de la pensée n’ont plus aucun rapport avec les lois de l’action, une soc
679 la pensée n’ont plus aucun rapport avec les lois de l’action, une société qui manque à ce point d’harmonie, et où ce manq
680 is de l’action, une société qui manque à ce point d’ harmonie, et où ce manque n’est même plus ressenti comme un scandale,
681 sera toujours le seul aboutissement. L’esprit de Ponce Pilate Mais alors, qui est responsable de ce divorce entre l
682 e Ponce Pilate Mais alors, qui est responsable de ce divorce entre la main et le cerveau ? Nous voyons bien où il nous
683 u ? Nous voyons bien où il nous a menés. Essayons de voir d’où il vient. Il y a des causes matérielles, d’abord, qui peuve
684 voyons bien où il nous a menés. Essayons de voir d’ où il vient. Il y a des causes matérielles, d’abord, qui peuvent dans
685 des machines a brusquement accru nos possibilités d’ action sur la matière. L’industrie et le commerce ont provoqué la brus
686 e et le commerce ont provoqué la brusque création de villes énormes, dix ou cent fois plus grandes que celles qu’on connai
687 uparavant. Ainsi Berlin passe, en un demi-siècle, de 25 000 habitants à 4 millions. Dans ces villes, se sont entassées des
688 celles des monstres antédiluviens. La population de l’Europe a plus que doublé en cent ans, ses richesses ont été décuplé
689 tous ces éléments réunis ont provoqué la création d’ armées considérables, agrandissant le phénomène de la guerre, brusquem
690 d’armées considérables, agrandissant le phénomène de la guerre, brusquement, aux proportions de la nation entière. Voici d
691 nomène de la guerre, brusquement, aux proportions de la nation entière. Voici donc, dans tous les domaines, que nos pouvoi
692 ci donc, dans tous les domaines, que nos pouvoirs d’ agir matériellement grandissent, par une mutation brusque dans la prop
693 sent, par une mutation brusque dans la proportion de 1 à 100. Que va faire la pensée, en présence de cet essor fulgurant d
694 ire la pensée, en présence de cet essor fulgurant de l’action ? Et que va faire la culture ? Il semble que la société devi
695 ciété devienne trop gigantesque pour être dominée d’ un seul regard. Une seule intelligence ne peut plus en comprendre et e
696 menacent et souffrent… Tout cela échappe aux vues de l’esprit rationaliste, et le panorama de la société devient confus. P
697 aux vues de l’esprit rationaliste, et le panorama de la société devient confus. Plus rien n’est à la mesure de l’homme ind
698 ciété devient confus. Plus rien n’est à la mesure de l’homme individuel. Quand nous regardons en arrière, nous nous disons
699 ient dû faire à ce moment-là un formidable effort de mise en ordre ; ils auraient dû être saisis tout à la fois d’angoisse
700 rdre ; ils auraient dû être saisis tout à la fois d’ angoisse et d’enthousiasme devant ce monde démesuré, porteur de tels p
701 aient dû être saisis tout à la fois d’angoisse et d’ enthousiasme devant ce monde démesuré, porteur de tels pouvoirs de vie
702 d’enthousiasme devant ce monde démesuré, porteur de tels pouvoirs de vie ou de mort. Songez donc : si tous ces pouvoirs a
703 evant ce monde démesuré, porteur de tels pouvoirs de vie ou de mort. Songez donc : si tous ces pouvoirs avaient été coordo
704 onde démesuré, porteur de tels pouvoirs de vie ou de mort. Songez donc : si tous ces pouvoirs avaient été coordonnés, orie
705 tés par une vue générale, par une notion générale de l’homme et des buts de sa destinée, ils pouvaient créer une belle vie
706 e, par une notion générale de l’homme et des buts de sa destinée, ils pouvaient créer une belle vie ! Mais si ces mêmes po
707 onnés à l’anarchie, s’ils se développaient chacun de son côté sans tenir compte d’aucune harmonie ni d’aucune mesure humai
708 éveloppaient chacun de son côté sans tenir compte d’ aucune harmonie ni d’aucune mesure humaine, ils ne pouvaient créer qu’
709 e son côté sans tenir compte d’aucune harmonie ni d’ aucune mesure humaine, ils ne pouvaient créer qu’une vie fausse, une v
710 uvaise, antihumaine. C’eût été le rôle des hommes de la pensée que d’avertir les hommes d’action. Ils avaient là une chanc
711 ne. C’eût été le rôle des hommes de la pensée que d’ avertir les hommes d’action. Ils avaient là une chance et un devoir vi
712 des hommes de la pensée que d’avertir les hommes d’ action. Ils avaient là une chance et un devoir vital. Or, ils ont perd
713 ance. Ils n’ont pas vu le danger, ils ont eu peur de le prévoir. Et c’est ici que nous allons découvrir le grand ennemi in
714 que nous allons découvrir le grand ennemi intime de la culture, c’est chez les philosophes et les penseurs qu’il s’est d’
715 t d’abord manifesté. Et je le nommerai : l’esprit de démission, de non-intervention, ou la démission de l’esprit. C’est l’
716 festé. Et je le nommerai : l’esprit de démission, de non-intervention, ou la démission de l’esprit. C’est l’esprit même d’
717 e démission, de non-intervention, ou la démission de l’esprit. C’est l’esprit même d’un Ponce Pilate, le sceptique qui se
718 ou la démission de l’esprit. C’est l’esprit même d’ un Ponce Pilate, le sceptique qui se lave les mains et laisse les chos
719 , et par ce qu’ils appelaient le désintéressement de la pensée. Ils ont renoncé à leur mission de directeurs spirituels de
720 ment de la pensée. Ils ont renoncé à leur mission de directeurs spirituels de la cité. Bien sûr, ils n’ont pas dit : notre
721 t renoncé à leur mission de directeurs spirituels de la cité. Bien sûr, ils n’ont pas dit : notre pensée, à partir d’aujou
722 n sûr, ils n’ont pas dit : notre pensée, à partir d’ aujourd’hui, renonce à agir, mais ils ont dit : la dignité de la pensé
723 ui, renonce à agir, mais ils ont dit : la dignité de la pensée réside dans son détachement de toute action, dans son désin
724 dignité de la pensée réside dans son détachement de toute action, dans son désintéressement scientifique. Ils n’ont pas d
725 s n’ont pas dit : nous ne voulons plus rien faire d’ utile, mais ils ont dit : on ne peut plus rien faire, car l’histoire e
726 angoissant des faits, ils ont opposé des milliers de pages de rhétorique sur le Progrès. Merveilleuse doctrine que celle-l
727 t des faits, ils ont opposé des milliers de pages de rhétorique sur le Progrès. Merveilleuse doctrine que celle-là ! Car e
728 lle justifie tout, endort l’esprit et le dispense de toute intervention active. Pourquoi s’inquiéter des effets futurs de
729 on active. Pourquoi s’inquiéter des effets futurs de ces capitaux accumulés ou du sort de ces masses humaines rassemblées 
730 ffets futurs de ces capitaux accumulés ou du sort de ces masses humaines rassemblées ? Primo : notre esprit est trop disti
731 ds que la croyance au Progrès est devenue l’opium de la pensée. Bien entendu, ce n’est point parce qu’ils étaient méchants
732 é cette attitude. Le vrai reproche qu’il convient de leur faire, c’est avant tout d’avoir manqué de lucidité. Et s’ils en
733 he qu’il convient de leur faire, c’est avant tout d’ avoir manqué de lucidité. Et s’ils en ont manqué, c’est parce que leur
734 nt de leur faire, c’est avant tout d’avoir manqué de lucidité. Et s’ils en ont manqué, c’est parce que leur croyance au Pr
735 parce que leur croyance au Progrès les dispensait de l’inquiétude d’où naît toujours la lucidité. Et voici un second repr
736 royance au Progrès les dispensait de l’inquiétude d’ où naît toujours la lucidité. Et voici un second reproche : ils ont e
737 té. Et voici un second reproche : ils ont essayé de justifier leur impuissance pratique par des systèmes philosophiques.
738 n pense ou travaille pour soi, sans se préoccuper de l’ensemble : le Progrès, automatiquement, se chargera du reste, et to
739 traire, décrit avec une sombre joie notre absence de liberté, toutes les fatalités économiques qui, selon lui, dominent no
740 oit qu’elle plane, orgueilleuse et pure au-dessus de la matière et de ses lois — selon les libéraux — soit qu’au contraire
741 , orgueilleuse et pure au-dessus de la matière et de ses lois — selon les libéraux — soit qu’au contraire, humble et servi
742 ères généraux par lesquels se trahit la démission de l’esprit, je dirais :  goût des automatismes, croyance aux fatalités
743  :  goût des automatismes, croyance aux fatalités de l’Histoire et de l’Économie, manie des organisations trop vastes et u
744 matismes, croyance aux fatalités de l’Histoire et de l’Économie, manie des organisations trop vastes et uniformes, optimis
745 formes, optimisme trop confortable, enfin, manque d’ imagination. Or la plupart de ces choses ont paru magnifiques et série
746 e Kierkegaard et Nietzsche pour protester du fond de leur solitude15. Kierkegaard qui osa écrire ce blasphème contre les p
747 s préjugés du siècle : « Le plus grand adversaire de l’esprit, c’est la presse quotidienne. On ne peut plus prêcher le chr
748 dans un monde où règne la presse. » Et Nietzsche, de son côté, dénonçait la manie d’organiser et de centraliser en écrivan
749 . » Et Nietzsche, de son côté, dénonçait la manie d’ organiser et de centraliser en écrivant : « L’État est le plus froid p
750 e, de son côté, dénonçait la manie d’organiser et de centraliser en écrivant : « L’État est le plus froid parmi les monstr
751 abandonné à son mouvement fatal. Le développement de l’industrie a produit évidemment beaucoup d’automobiles, de téléphone
752 ment de l’industrie a produit évidemment beaucoup d’ automobiles, de téléphones et de frigidaires, mais il a aussi produit
753 trie a produit évidemment beaucoup d’automobiles, de téléphones et de frigidaires, mais il a aussi produit beaucoup de can
754 idemment beaucoup d’automobiles, de téléphones et de frigidaires, mais il a aussi produit beaucoup de canons et de masques
755 es, mais il a aussi produit beaucoup de canons et de masques à gaz. Il a produit beaucoup de confort, mais il a également
756 te catastrophe humaine, l’un des désastres moraux de l’Histoire. Tout cela, faute d’harmonie et de mesure humaine, faute d
757 désastres moraux de l’Histoire. Tout cela, faute d’ harmonie et de mesure humaine, faute d’un grand principe directeur, sp
758 aux de l’Histoire. Tout cela, faute d’harmonie et de mesure humaine, faute d’un grand principe directeur, spirituel ou cul
759 ela, faute d’harmonie et de mesure humaine, faute d’ un grand principe directeur, spirituel ou culturel. Tout cela parce qu
760 infaillible, et que la seule tâche sérieuse était de gagner de l’argent en attendant que les choses s’arrangent d’elles-mê
761 e, et que la seule tâche sérieuse était de gagner de l’argent en attendant que les choses s’arrangent d’elles-mêmes. Or, e
762 l’argent en attendant que les choses s’arrangent d’ elles-mêmes. Or, en réalité, rien ne s’est arrangé. Et voici où nous r
763 e n’a plus en fait l’initiative, ce sont les lois de la production et de la guerre qui imposent leurs nécessités à notre p
764 ’initiative, ce sont les lois de la production et de la guerre qui imposent leurs nécessités à notre pensée impuissante. Q
765 rde pas à se défaire. Dès que la pensée se sépare de l’action, les hommes se trouvent séparés les uns des autres. Chacun,
766 cées par des principes contradictoires et privées de commune mesure. Décadence de la communauté Je préciserai ce que
767 toires et privées de commune mesure. Décadence de la communauté Je préciserai ce que j’appelle ici la commune mesure
768 préciserai ce que j’appelle ici la commune mesure d’ une civilisation : c’est le principe qui doit harmoniser toutes les ac
769 principe qui doit harmoniser toutes les activités d’ une société donnée. Dans la cité grecque, par exemple, tout était rapp
770 que, par exemple, tout était rapporté à la mesure de l’individu raisonnable. Dans l’Empire romain, tout était réglé par le
771 ns l’Empire romain, tout était réglé par le droit d’ État. Chez les Juifs, c’était la Loi de Moïse qui ordonnait toute l’ex
772 r le droit d’État. Chez les Juifs, c’était la Loi de Moïse qui ordonnait toute l’existence dans ses plus minutieux détails
773 enant que tout, dans le monde, échappe aux prises de l’esprit humain, il ne reste qu’un seul principe pour mesurer la vale
774 reste qu’un seul principe pour mesurer la valeur de nos actes : c’est l’Argent. Et quand il n’y a plus d’argent : c’est l
775 os actes : c’est l’Argent. Et quand il n’y a plus d’ argent : c’est la misère. Et quand la misère est trop grande, alors c’
776 ande, alors c’est l’État-providence qui se charge de tout mettre au pas. Le malheur, c’est que l’Argent et l’État sont des
777 nt des principes qui ne valent rien dans le monde de l’esprit. Et dès lors, la culture en chômage se corrompt rapidement,
778 ’asservit. Je vous donnerai un exemple que chacun de vous peut vérifier quotidiennement. Le fondement et le symbole de tou
779 ifier quotidiennement. Le fondement et le symbole de toute culture, c’est le langage. Or nous assistons aujourd’hui à une
780 pays. Au cours des siècles précédents, les hommes d’ une même société s’entendaient sur le sens de certains mots fondamenta
781 mmes d’une même société s’entendaient sur le sens de certains mots fondamentaux que j’appellerai les lieux communs. C’étai
782 appellerai les lieux communs. C’était sur la base de ces mots, définis une fois pour toutes, que les échanges d’idées pouv
783 s, définis une fois pour toutes, que les échanges d’ idées pouvaient se produire sans erreur ni malentendu. Les lieux commu
784 entendu. Les lieux communs étaient donc à la base de toute la vie sociale du siècle. Que sont-ils devenus parmi nous ? Pre
785 es plus fréquents dans les discours et les écrits de notre époque : esprit, liberté et ordre. Je constate que le mot espri
786 it a déjà 29 sens différents dans le dictionnaire de Littré. Mais cela n’est pas un mal, car ces sens, justement, sont exa
787 esprit, mais pour certains, c’est le Saint-Esprit de la théologie, pour d’autres, c’est la raison humaine, ou l’ensemble d
788 d’autres, c’est la raison humaine, ou l’ensemble de la culture. Pour celui-ci, l’esprit signifiera le luxe des délicats,
789 naire des créateurs. Si j’affirme que mon but est de sauver l’esprit, le marxiste en déduira que je néglige la vie concrèt
790 évade dans le spiritualisme, alors que je ne vois de salut pour l’esprit que dans la présence effective de la pensée et de
791 alut pour l’esprit que dans la présence effective de la pensée et de la foi à toutes les misères de ce monde. La liberté,
792 it que dans la présence effective de la pensée et de la foi à toutes les misères de ce monde. La liberté, tout le monde l’
793 ve de la pensée et de la foi à toutes les misères de ce monde. La liberté, tout le monde l’invoque, n’est-ce pas ? Mais po
794 pour l’économiste libéral, cela signifie le droit de ruiner le voisin par le jeu de la concurrence ; pour l’individualiste
795 signifie le droit de ruiner le voisin par le jeu de la concurrence ; pour l’individualiste anarchisant, ce sera le refus
796 ur l’individualiste anarchisant, ce sera le refus d’ obéir à l’État ; dans tel pays, la liberté consiste à s’armer jusqu’au
797 la liberté signifiera le droit pour le plus fort de s’annexer un voisin faible ; dans un troisième pays, la liberté sera
798 ys, la liberté sera tout simplement la permission de dire à haute voix ce que l’on pense. Et quand ces trois pays se feron
799 al, si absurde qu’il soit, tantôt l’établissement d’ une hiérarchie nouvelle au prix d’une révolution, tantôt la suppressio
800 l’établissement d’une hiérarchie nouvelle au prix d’ une révolution, tantôt la suppression physique de tous ceux qui critiq
801 d’une révolution, tantôt la suppression physique de tous ceux qui critiquent le désordre établi, tantôt le fait qu’on n’a
802 plus dans la rue mais seulement dans les prisons d’ État. Je n’hésite pas à le dire : l’une des causes principales de la m
803 site pas à le dire : l’une des causes principales de la mésentente des peuples réside dans ce désordre du langage, et dans
804 de dans ce désordre du langage, et dans l’absence de toute autorité morale capable d’y porter remède. Car qui peut fixer a
805 t dans l’absence de toute autorité morale capable d’ y porter remède. Car qui peut fixer aujourd’hui le véritable sens des
806 léry, un Gide ou un Claudel ont quelques milliers de lecteurs, tandis que la presse du soir et la radio atteignent chaque
807 r et la radio atteignent chaque jour des millions d’ hommes, et c’est tout un domaine du langage que l’écrivain ne contrôle
808 ne forme pas, n’atteint même pas. Ainsi se créent d’ énormes zones d’échanges verbaux incontrôlés. Et plus on y échange de
809 atteint même pas. Ainsi se créent d’énormes zones d’ échanges verbaux incontrôlés. Et plus on y échange de mots, plus ils p
810 changes verbaux incontrôlés. Et plus on y échange de mots, plus ils perdent leur force et leur sens, et leur délicatesse d
811 dent leur force et leur sens, et leur délicatesse d’ appel. Alors les écrivains qui n’ont pas d’autres armes que les mots s
812 pas d’autres armes que les mots se voient privés de tout moyen d’agir. Leurs conseils, leurs appels ne portent plus. Les
813 armes que les mots se voient privés de tout moyen d’ agir. Leurs conseils, leurs appels ne portent plus. Les hommes échange
814 omme fait à un homme, et qui engage quelque chose de son être, c’est l’amitié humaine qui se détruit, le fondement même de
815 ’amitié humaine qui se détruit, le fondement même de toute communauté16. Alors paraît le règne de la force ! Si nulle auto
816 même de toute communauté16. Alors paraît le règne de la force ! Si nulle autorité spirituelle ne peut fixer le sens des mo
817 gera. À la place des grands lieux communs chargés de sens traditionnel, nous aurons des slogans, des mots d’ordre simplist
818 sens des mots sept fois par an, selon les besoins de la cause. C’est ainsi que tout récemment, le ministre d’une grande pu
819 ause. C’est ainsi que tout récemment, le ministre d’ une grande puissance, le camarade Molotov, déclarait que le mot d’agre
820 ssance, le camarade Molotov, déclarait que le mot d’ agression avait changé de sens depuis ce printemps, « les événements l
821 ov, déclarait que le mot d’agression avait changé de sens depuis ce printemps, « les événements lui ayant donné un contenu
822 contenu historique nouveau », exactement inverse de l’ancien… Cela me fit songer irrésistiblement à un dialogue d’Alice a
823 Cela me fit songer irrésistiblement à un dialogue d’ Alice au pays des Merveilles (qui est un de mes livres préférés), dial
824 alogue d’Alice au pays des Merveilles (qui est un de mes livres préférés), dialogue dont voici trois répliques : « Quand j
825 e dont voici trois répliques : « Quand je me sers d’ un mot, dit Humpty-Dumpty d’un ton méprisant, il signifie exactement c
826  : « Quand je me sers d’un mot, dit Humpty-Dumpty d’ un ton méprisant, il signifie exactement ce que je veux qu’il signifie
827 ’il signifie… ni plus ni moins. — La question est de savoir, dit Alice, si vous pouvez faire que les mêmes mots signifient
828 ifient des choses différentes ? — La question est de savoir, dit Humpty-Dumpty, qui est le plus fort… et c’est tout. » Nou
829 mais dont les signes sont partout. Or maintenant, de cette angoisse monte un appel, le formidable et inconscient appel des
830 son esprit et dans ses signes extérieurs, l’appel de toute l’Europe du xxe siècle vers une commune mesure restaurée et vi
831 ner — avant les intellectuels ! — la vraie nature de l’angoisse des foules, pour lui donner une réponse à la fois frappant
832 bien simple. Nous allons proclamer que l’intérêt de l’État dont nous sommes devenus les maîtres est la seule règle de tou
833 ous sommes devenus les maîtres est la seule règle de toute activité, culturelle, politique, ou même religieuse. » C’était
834 politique, ou même religieuse. » C’était un coup de génie, si le génie consiste à deviner et à prévenir les inconscients
835 e à deviner et à prévenir les inconscients désirs de la nation. Mais on peut avoir du génie et faire de grosses fautes de
836 e la nation. Mais on peut avoir du génie et faire de grosses fautes de calcul. Surtout quand on est très pressé. Or il est
837 on peut avoir du génie et faire de grosses fautes de calcul. Surtout quand on est très pressé. Or il est certain que ces c
838 des principes qui étaient partiels. La discipline d’ État, ou le sang, ou la classe, ce sont certes des réalités. Mais des
839 us les hommes vraiment humains. C’était très bien d’ essayer de répondre au grand appel des peuples vers une communauté. Ma
840 mes vraiment humains. C’était très bien d’essayer de répondre au grand appel des peuples vers une communauté. Mais on a ré
841 mmunauté. Mais on a répondu trop vite, et surtout d’ une manière incomplète. Or, en pareil domaine, il est très dangereux d
842 ète. Or, en pareil domaine, il est très dangereux de se tromper si peu que ce soit, et de donner une réponse qui ne soit p
843 ès dangereux de se tromper si peu que ce soit, et de donner une réponse qui ne soit pas vraiment totale. Nous connaissons
844 s vraiment totale. Nous connaissons les résultats d’ une pareille faute, nous ne cessons d’y penser ce soir. L’appel des p
845 s résultats d’une pareille faute, nous ne cessons d’ y penser ce soir. L’appel des peuples reste insatisfait. Il continue
846 ple nos petits états neutres, ne nous faisons pas d’ illusions : tôt ou tard, là aussi, cet appel exigera une réponse. Rest
847 répète, nous sommes atteints ! À la recherche de l’homme réel J’aime employer les mots dans leur sens étymologique.
848 s seulement grand, immense, mais aussi : qui sort de la norme — de la mesure. Un monde énorme est un monde sans mesure, un
849 and, immense, mais aussi : qui sort de la norme —  de la mesure. Un monde énorme est un monde sans mesure, un monde démesur
850 mesuré par rapport à l’homme seul et aux pouvoirs de son esprit. Et de là vient notre désordre mais aussi, notre impuissan
851 à l’homme seul et aux pouvoirs de son esprit. Et de là vient notre désordre mais aussi, notre impuissance à en sortir, ma
852 nous rebâtir un monde qui soit vraiment à hauteur d’ homme ? Un monde où la pensée, la culture et l’esprit, soient de nouve
853 a culture et l’esprit, soient de nouveau capables d’ agir ? Et quelle est l’attitude de pensée qui peut nous orienter dès à
854 ouveau capables d’agir ? Et quelle est l’attitude de pensée qui peut nous orienter dès à présent vers une communauté solid
855 tout vient de là, et tout dépend en premier lieu, de notre état d’esprit. S’il change, tout commence à changer. S’il ne ch
856 bien se sont trompés sur sa nature. Ils ont perdu de vue sa définition même. Leur point de départ est faux, et c’est pourq
857 s ont perdu de vue sa définition même. Leur point de départ est faux, et c’est pourquoi leurs efforts, même les plus sincè
858 s, même les plus sincères, aboutissent au malheur de l’homme. Dans ce monde qui a perdu la mesure, le seul devoir des inte
859 , et j’ajouterai : leur seul pouvoir — c’est donc de rechercher l’homme perdu. Or l’histoire nous apprend que l’homme ne t
860 supposait que l’humanité n’était qu’un assemblage d’ individus, d’hommes qui avaient surtout des droits légaux, et très peu
861 l’humanité n’était qu’un assemblage d’individus, d’ hommes qui avaient surtout des droits légaux, et très peu de devoirs n
862 ationaliste, c’était un homme in abstracto, privé d’ attaches avec le sol, la patrie et l’hérédité. C’était un homme libéré
863 tait un homme libéré des servitudes et des tabous de la tribu, mais en même temps privé de relations concrètes. Or la comm
864 des tabous de la tribu, mais en même temps privé de relations concrètes. Or la communauté des hommes se fonde d’abord sur
865 doctrine antisociale. Elle a pour effet mécanique de dissocier toute communauté naturelle. Et alors se produit le phénomèn
866 ne auquel nous avons assisté depuis une trentaine d’ années. L’homme isolé, dans un monde trop vaste, ne se sent plus porté
867 pe. Déraciné, il flotte, il erre, il n’offre plus de résistance aux courants d’opinion, aux modes, à la publicité des gran
868 erre, il n’offre plus de résistance aux courants d’ opinion, aux modes, à la publicité des grandes firmes et des grands pa
869 maille par le premier magnétiseur venu. Et alors, d’ un coup de balancier, nous nous trouvons portés à l’autre pôle, qui es
870 le premier magnétiseur venu. Et alors, d’un coup de balancier, nous nous trouvons portés à l’autre pôle, qui est le pôle
871 , qui est le pôle collectiviste. Toute l’histoire de l’Europe peut être ramenée à ces grands balancements d’un pôle à l’au
872 urope peut être ramenée à ces grands balancements d’ un pôle à l’autre. À l’anarchie individualiste de la Grèce répond l’ét
873 d’un pôle à l’autre. À l’anarchie individualiste de la Grèce répond l’étatisme romain. Au collectivisme sacral du Moyen â
874 ral du Moyen âge répond la révolte individualiste de la Renaissance. Et aujourd’hui, nouvelle oscillation du balancier : l
875 ssante réaction collective. Sortirons-nous jamais de cette dialectique, dont les phases et les renversements menacent aujo
876 phases et les renversements menacent aujourd’hui d’ anéantir l’Europe ? Il s’agit de résoudre enfin l’éternel problème que
877 acent aujourd’hui d’anéantir l’Europe ? Il s’agit de résoudre enfin l’éternel problème que nous posent les relations de l’
878 l’éternel problème que nous posent les relations de l’individu et de la collectivité. Il s’agit de voir que l’homme concr
879 me que nous posent les relations de l’individu et de la collectivité. Il s’agit de voir que l’homme concret n’est pas le R
880 ns de l’individu et de la collectivité. Il s’agit de voir que l’homme concret n’est pas le Robinson d’une île déserte, ni
881 de voir que l’homme concret n’est pas le Robinson d’ une île déserte, ni l’anonyme numéro d’un rang, mais qu’il est à la fo
882 e Robinson d’une île déserte, ni l’anonyme numéro d’ un rang, mais qu’il est à la fois un être unique, et un être qui a des
883 e un homme libre et pourtant relié, c’est l’idéal de l’homme occidental. N’allons pas dire que c’est une utopie ! Car ce p
884 e a été résolu, cet idéal réalisé, au ier siècle de notre ère, par les communautés de l’Église primitive. Le chrétien pri
885 au ier siècle de notre ère, par les communautés de l’Église primitive. Le chrétien primitif est un homme qui, du fait de
886 e. Le chrétien primitif est un homme qui, du fait de sa conversion, se trouve chargé d’une vocation particulière qui le di
887 e qui, du fait de sa conversion, se trouve chargé d’ une vocation particulière qui le distingue de tous ses voisins ; mais
888 argé d’une vocation particulière qui le distingue de tous ses voisins ; mais d’autre part, cette vocation unique le met en
889 dont nous souffrons sont avant tout des maladies de la personne. Quand l’homme oublie qu’il est responsable de sa vocatio
890 sonne. Quand l’homme oublie qu’il est responsable de sa vocation envers ses prochains, il devient individualiste. Et quand
891 ualiste. Et quand il oublie qu’il est responsable de sa vocation envers lui-même, il devient collectiviste. L’homme comple
892 et réel, c’est celui qui se sait à la fois libre d’ être soi-même vis-à-vis de l’ensemble, et engagé vis-à-vis de cet ense
893 engagé vis-à-vis de cet ensemble, par l’exercice d’ une vocation qui le relie à ses prochains. C’est pour cet homme réel q
894 ré que c’est justement cet homme-là qui a le plus de peine à subsister ou à se former dans le monde moderne. Car supposez
895 posez qu’un homme se sente une vocation et décide de la réaliser. Il se trouve en présence d’un monde que l’histoire et la
896 onde que l’histoire et la sociologie ont encombré de lois fatales. Que peut-il, seul, contre ces lois ? Il faut donc, s’il
897 it une discipline qui ne s’accommode plus du tout de sa vocation personnelle. Voici donc le dilemme où nous placent la cul
898 en tu veux faire quelque chose, mais alors, cesse d’ être toi-même ! Comment sortir de ce cercle vicieux ? Par un changemen
899 ais alors, cesse d’être toi-même ! Comment sortir de ce cercle vicieux ? Par un changement d’état d’esprit aussi bien chez
900 t sortir de ce cercle vicieux ? Par un changement d’ état d’esprit aussi bien chez les intellectuels que chez les amateurs
901 bien chez les intellectuels que chez les amateurs de vraie culture, les lecteurs, le public cultivé. Car c’est de ce chang
902 lture, les lecteurs, le public cultivé. Car c’est de ce changement d’état d’esprit que sortira la possibilité de repenser
903 rs, le public cultivé. Car c’est de ce changement d’ état d’esprit que sortira la possibilité de repenser une société. R
904 gement d’état d’esprit que sortira la possibilité de repenser une société. Raisons d’espérer : la culture et les groupe
905 a possibilité de repenser une société. Raisons d’ espérer : la culture et les groupes Je voudrais vous dire, maintena
906 drais vous dire, maintenant, les raisons que j’ai d’ espérer, après avoir tant critiqué. Je voudrais vous énumérer les prem
907 r les premiers succès remportés, dans la bataille de la culture moderne, par l’esprit créateur sur l’esprit fataliste. Ce
908 alysait les intellectuels qui sentaient le besoin d’ agir sur les destinées de la cité, c’était depuis Hegel, Auguste Comte
909 qui sentaient le besoin d’agir sur les destinées de la cité, c’était depuis Hegel, Auguste Comte, et Marx, l’idée que l’H
910 la retraite dans les bibliothèques. Or cette idée de lois fatales avait été empruntée à la science et transportée abusivem
911 portée abusivement dans les domaines plus humains de l’histoire, de la sociologie et même de la psychologie. Et voici que
912 ent dans les domaines plus humains de l’histoire, de la sociologie et même de la psychologie. Et voici que cette idée para
913 s humains de l’histoire, de la sociologie et même de la psychologie. Et voici que cette idée paralysante est en train de s
914 s coups décisifs : ce sont précisément les hommes de science qui, les premiers, cessent d’y croire. Ils ont reconnu, depui
915 les hommes de science qui, les premiers, cessent d’ y croire. Ils ont reconnu, depuis quelques années, que la notion de lo
916 nt reconnu, depuis quelques années, que la notion de lois tout objectives, de lois absolument indépendantes de l’homme, n’
917 es années, que la notion de lois tout objectives, de lois absolument indépendantes de l’homme, n’était qu’une illusion rat
918 tout objectives, de lois absolument indépendantes de l’homme, n’était qu’une illusion rationaliste. Qu’il me suffise de ra
919 it qu’une illusion rationaliste. Qu’il me suffise de rappeler ici les découvertes de la physique des quanta : elles ont pr
920 Qu’il me suffise de rappeler ici les découvertes de la physique des quanta : elles ont prouvé que l’observation microscop
921 s fameuses lois scientifiques ne sont en fait que de commodes conventions, dépendant des systèmes de mesures inventés par
922 e de commodes conventions, dépendant des systèmes de mesures inventés par l’esprit humain. Or si la science elle-même vien
923 même dans l’ordre matériel, il n’est plus permis de concevoir une observation impartiale, à combien plus forte raison pou
924 étendaient décrire objectivement les lois rigides de notre société. En vérité, il n’est de lois fatales que là où l’espri
925 is rigides de notre société. En vérité, il n’est de lois fatales que là où l’esprit démissionne. Toute action créatrice d
926 à où l’esprit démissionne. Toute action créatrice de l’homme normal inflige un démenti aux lois et fait mentir les statist
927 s et fait mentir les statistiques. Ainsi les lois de la publicité ne sont exactes que dans la mesure où l’homme n’est qu’u
928 qu’un homme redevient conscient des vrais besoins de sa personne. Prenons le domaine de l’histoire, par exemple. Nous y v
929 vrais besoins de sa personne. Prenons le domaine de l’histoire, par exemple. Nous y voyons s’opérer depuis peu une critiq
930 voyons s’opérer depuis peu une critique générale de l’illusion déterministe. Les fameuses lois de l’Histoire découlaient,
931 ale de l’illusion déterministe. Les fameuses lois de l’Histoire découlaient, disait-on, d’une étude rigoureusement imparti
932 meuses lois de l’Histoire découlaient, disait-on, d’ une étude rigoureusement impartiale de faits. Mais qui pourra jamais d
933 disait-on, d’une étude rigoureusement impartiale de faits. Mais qui pourra jamais décrire tous les faits des temps révolu
934 historien, si scrupuleux soit-il, est bien obligé de choisir, dans la masse de ses renseignements. Et qui dit choix dit pr
935 oit-il, est bien obligé de choisir, dans la masse de ses renseignements. Et qui dit choix dit préférence ou parti pris… Do
936 t choix dit préférence ou parti pris… Donc autant de visions du monde, autant de systèmes de faits. Et l’historien qui cro
937 rti pris… Donc autant de visions du monde, autant de systèmes de faits. Et l’historien qui croit pouvoir être impartial es
938 nc autant de visions du monde, autant de systèmes de faits. Et l’historien qui croit pouvoir être impartial est simplement
939 être impartial est simplement un homme qui refuse de s’avouer ses partis pris. Il oublie que toute description ressemble a
940 ’objet qu’il voulait décrire. Ainsi les portraits de Rembrandt ressemblent autant à Rembrandt qu’aux modèles qui posaient
941 posaient devant lui. Ils nous décrivent le regard d’ un génie, bien plus que la réalité en soi. De même pour l’histoire fat
942 re fataliste : elle nous décrit son propre esprit de démission, et non pas des fatalités objectives qui rendraient vaine t
943 ndraient vaine toute action personnelle. Il n’y a de loi, répétons-le, que là où l’homme renonce à se manifester selon sa
944 ue les États totalitaires justifient les rigueurs de leur régime au nom de lois économiques, ou historiques, ou biologique
945 nnent vraies, qu’en vertu d’une immense démission de l’esprit civique dans les trop grands pays. Elles ne traduisent en fa
946 e affaissement du sens personnel dans les parties de l’humanité contemporaine exténuées par la misère. Les solutions total
947 l on les prône, ne sont en fait que des solutions de paresse intellectuelle, des solutions de misère, fardées de rhétoriqu
948 olutions de paresse intellectuelle, des solutions de misère, fardées de rhétorique héroïque. Le seul moyen de prévenir ces
949 intellectuelle, des solutions de misère, fardées de rhétorique héroïque. Le seul moyen de prévenir ces simplifications vi
950 re, fardées de rhétorique héroïque. Le seul moyen de prévenir ces simplifications violentes qui jouent la comédie de l’éne
951 s simplifications violentes qui jouent la comédie de l’énergie, c’est de développer soi-même une énergie normale et souple
952 olentes qui jouent la comédie de l’énergie, c’est de développer soi-même une énergie normale et souple. Or nous savons mai
953 ore et de nouveau possible. Notre culture libérée de la superstition des lois fatales peut envisager de nouveau d’influenc
954 tition des lois fatales peut envisager de nouveau d’ influencer le monde réel, ramené en droit — sinon déjà en fait — aux p
955 é en droit — sinon déjà en fait — aux proportions de l’esprit humain, à la capacité de ses prises immédiates. Mais quelles
956 aux proportions de l’esprit humain, à la capacité de ses prises immédiates. Mais quelles seront alors les directives de ce
957 édiates. Mais quelles seront alors les directives de cette action redevenue possible ? Qui recréera les lieux communs de l
958 devenue possible ? Qui recréera les lieux communs de la cité ? Je ne voudrais pas, ici, partir dans l’utopie. Je ne pense
959 e. Je ne pense pas que les principes fondamentaux d’ une société plus harmonieuse puissent être formulés dès maintenant com
960 t être formulés dès maintenant comme un programme de parti politique. Ils doivent mûrir, et lentement se dégager de l’ense
961 tique. Ils doivent mûrir, et lentement se dégager de l’ensemble de mille efforts orientés par une même espérance. L’effort
962 vent mûrir, et lentement se dégager de l’ensemble de mille efforts orientés par une même espérance. L’effort des Églises,
963 sme, les Églises ont été les grandes pourvoyeuses de lieux communs pour la cité. La théologie médiévale, par les sommes de
964 r la cité. La théologie médiévale, par les sommes de Thomas d’Aquin, fixait à la pensée et à l’action des règles véritable
965 temps de la Réformation, l’Institution chrétienne de Jean Calvin. Mais dans l’époque moderne, les Églises ont paru, elles
966 , les Églises ont paru, elles aussi, se détourner de toute action régulatrice sur la cité. Elles ont assisté sans mot dire
967 masses ouvrières, c’est parce qu’il s’est chargé de la mission sociale qu’avaient trahie toutes les Églises. Nicolas Berd
968 aev l’a bien vu : le bolchévisme fut le châtiment d’ un christianisme devenu passif devant le monde. Or il me semble que là
969 Églises. Elles ont compris qu’il ne suffisait pas de dénoncer les doctrines païennes, mais qu’il fallait répondre mieux qu
970 es à la question posée par l’angoisse des foules. D’ où les Encycliques sociales données par les deux derniers papes. Et le
971 nnées par les deux derniers papes. Et les congrès de Stockholm et d’Oxford ont montré que les autres Églises n’entendaient
972 ux derniers papes. Et les congrès de Stockholm et d’ Oxford ont montré que les autres Églises n’entendaient pas demeurer en
973 , c’est qu’enfin les Églises retrouvent leur rôle de direction, dans tous les ordres de la pensée et de l’action. Oui, les
974 vent leur rôle de direction, dans tous les ordres de la pensée et de l’action. Oui, les Églises ont quelque chose à dire a
975 e direction, dans tous les ordres de la pensée et de l’action. Oui, les Églises ont quelque chose à dire aux économistes a
976 mes peuvent la modifier, et l’important n’est pas de produire au maximum selon les règles que fournissent les techniciens,
977 les règles que fournissent les techniciens, mais de donner un sens humain aux efforts de la production ; et cela, l’espri
978 iciens, mais de donner un sens humain aux efforts de la production ; et cela, l’esprit seul peut le faire. J’ai insisté su
979 type même des groupes au sein desquels la culture d’ Occident a toujours trouvé ses mesures. Bien d’autres groupes, je le s
980 je le sais, sont à l’œuvre. Mouvement des groupes d’ Oxford, mouvement des groupes personnalistes, répandus en France et en
981 et vingt autres mouvements analogues, tous animés de cet esprit d’équipe qui seul peut nous guérir de l’individualisme, to
982 s mouvements analogues, tous animés de cet esprit d’ équipe qui seul peut nous guérir de l’individualisme, tout en prévenan
983 de cet esprit d’équipe qui seul peut nous guérir de l’individualisme, tout en prévenant la maladie collectiviste. C’est d
984 a maladie collectiviste. C’est dans cette volonté de recréer des groupes à la mesure de la personne, matériellement et mor
985 cette volonté de recréer des groupes à la mesure de la personne, matériellement et moralement, que je vois la commune mes
986 ment et moralement, que je vois la commune mesure de la cité qu’il nous faut rebâtir. Cité solide et pourtant libérale : c
987 as beaucoup la tolérance, vertu qui naît en somme d’ un scepticisme, car elle suppose que la pensée de l’autre, qu’on tolèr
988 d’un scepticisme, car elle suppose que la pensée de l’autre, qu’on tolère, ne passera jamais dans les actes. Je n’aime pa
989 i veut tout uniformiser, et qui est donc une mort de l’esprit. La tolérance était la pâle vertu des libéraux individualist
990 est la sombre vertu des partisans collectivistes. De leur lutte est sortie la guerre. Le seul moyen de dépasser cette mauv
991 De leur lutte est sortie la guerre. Le seul moyen de dépasser cette mauvaise position du problème, c’est de prévoir pour l
992 passer cette mauvaise position du problème, c’est de prévoir pour la cité et la culture une structure fédéraliste. Le fédé
993 ifiés, et par là même il offre tous les avantages de la tolérance libérale, mais non pas ses inconvénients : car chacun, d
994 le groupe qu’il a choisi, peut donner le meilleur de soi-même, aller au terme de sa pensée, jusqu’à l’acte qui la rend sér
995 ut donner le meilleur de soi-même, aller au terme de sa pensée, jusqu’à l’acte qui la rend sérieuse. Refaire un monde et u
996 euse. Refaire un monde et une culture sur la base de la diversité des personnes et des vocations, c’est aujourd’hui le seu
997 et des vocations, c’est aujourd’hui le seul moyen de préparer une paix solide. Car, après tout, qu’est-ce que la guerre ac
998 ctuelle ? C’est la rançon fatale du gigantisme et de la démission de la culture. C’est la faillite des systèmes centralist
999 la rançon fatale du gigantisme et de la démission de la culture. C’est la faillite des systèmes centralistes et de l’espri
1000 e. C’est la faillite des systèmes centralistes et de l’esprit d’uniformisation. Or le contraire exact de cet esprit, c’est
1001 faillite des systèmes centralistes et de l’esprit d’ uniformisation. Or le contraire exact de cet esprit, c’est justement l
1002 l’esprit d’uniformisation. Or le contraire exact de cet esprit, c’est justement l’esprit fédéraliste, avec sa devise para
1003 lle m’apparaît comme la guerre la plus antisuisse de l’histoire. C’est donc pour nous la pire menace. Mais en même temps,
1004 la solution suisse et fédérale est seule capable de fonder la paix, puisque l’autre aboutit à la guerre. Ce n’est pas not
1005 édéraliste en politique et dans tous les domaines de la culture, le seul avenir possible de l’Europe. Le seul lieu où cet
1006 s domaines de la culture, le seul avenir possible de l’Europe. Le seul lieu où cet avenir soit, d’ores et déjà, un présent
1007 oit, d’ores et déjà, un présent. Il ne s’agit pas de grands mots, de lyrisme ou d’idéalisme. Il s’agit de voir qu’en fait,
1008 éjà, un présent. Il ne s’agit pas de grands mots, de lyrisme ou d’idéalisme. Il s’agit de voir qu’en fait, si nous sommes
1009 t. Il ne s’agit pas de grands mots, de lyrisme ou d’ idéalisme. Il s’agit de voir qu’en fait, si nous sommes là, au service
1010 grands mots, de lyrisme ou d’idéalisme. Il s’agit de voir qu’en fait, si nous sommes là, au service du pays, ce n’est pas
1011 pas pour défendre des « fromages », des conseils d’ administration, notre confort et nos hôtels. D’autres — on sait qui —
1012 it fort bien Karl Barth, pour protéger nos « lacs d’ azur » et nos « glaciers sublimes ». (Certain ministre de la propagand
1013 » et nos « glaciers sublimes ». (Certain ministre de la propagande se chargerait très volontiers de cette œuvre de Heimats
1014 re de la propagande se chargerait très volontiers de cette œuvre de Heimatschutz.) Si nous sommes là, c’est pour exécuter
1015 ande se chargerait très volontiers de cette œuvre de Heimatschutz.) Si nous sommes là, c’est pour exécuter la mission dont
1016 ission vis-à-vis de l’Europe. Nous sommes chargés de la défendre contre elle-même, de garder son trésor, d’affirmer sa san
1017 s sommes chargés de la défendre contre elle-même, de garder son trésor, d’affirmer sa santé, et de sauver son avenir. Si n
1018 défendre contre elle-même, de garder son trésor, d’ affirmer sa santé, et de sauver son avenir. Si nous trahissons cette m
1019 me, de garder son trésor, d’affirmer sa santé, et de sauver son avenir. Si nous trahissons cette mission, si nous n’en pre
1020 dressés pour l’accomplir. On parle un peu partout de fédérer l’Europe. Cela ne se fera pas en un jour, ni même pendant les
1021 ni même pendant les quelques semaines fiévreuses d’ un congrès de la paix improvisé dans l’épuisement général. Cela ne se
1022 ant les quelques semaines fiévreuses d’un congrès de la paix improvisé dans l’épuisement général. Cela ne se fera que si d
1023 e, entreprennent, dès maintenant, un gros travail de déblaiement, d’études précises, de calculs réalistes. Ces hommes ne p
1024 , dès maintenant, un gros travail de déblaiement, d’ études précises, de calculs réalistes. Ces hommes ne peuvent guère exi
1025 n gros travail de déblaiement, d’études précises, de calculs réalistes. Ces hommes ne peuvent guère exister et travailler
1026 chez nous tout d’abord, puisqu’il s’agit en somme d’ utiliser notre expérience, et de tirer des leçons non pas seulement de
1027 l s’agit en somme d’utiliser notre expérience, et de tirer des leçons non pas seulement de ses succès mais aussi de ses éc
1028 érience, et de tirer des leçons non pas seulement de ses succès mais aussi de ses échecs, que nous connaissons mieux que p
1029 leçons non pas seulement de ses succès mais aussi de ses échecs, que nous connaissons mieux que personne. Tout mon espoir
1030 out mon espoir est qu’il se forme ici des équipes de fédérateurs, d’hommes qui comprennent enfin que l’heure est venue, po
1031 st qu’il se forme ici des équipes de fédérateurs, d’ hommes qui comprennent enfin que l’heure est venue, pour nous autres S
1032 que l’heure est venue, pour nous autres Suisses, de voir grand, de voir aux proportions de l’Europe moderne, tout en gard
1033 t venue, pour nous autres Suisses, de voir grand, de voir aux proportions de l’Europe moderne, tout en gardant la mesure d
1034 s Suisses, de voir grand, de voir aux proportions de l’Europe moderne, tout en gardant la mesure de notre histoire, la mes
1035 ns de l’Europe moderne, tout en gardant la mesure de notre histoire, la mesure de l’individu engagé dans la communauté. Ce
1036 en gardant la mesure de notre histoire, la mesure de l’individu engagé dans la communauté. Cette œuvre n’est pas utopique 
1037 sceptiques professionnels, par tous les paresseux d’ esprit qui se prétendent réalistes. Encore faut-il — et je termine là-
1038 se pas sur une erreur profonde quant aux pouvoirs de l’homme et à ses fins terrestres. En appelant et préparant de toutes
1039 t à ses fins terrestres. En appelant et préparant de toutes nos forces une Europe fédéralisée, nous ne demanderons pas un
1040 rons simplement un monde humain. Non pas un monde d’ utopie où toutes les luttes s’apaiseraient par miracle, mais un monde
1041 t fatalement à des catastrophes cosmiques. La vie de la cité et de la culture, ce sera toujours une bataille. Entre l’espr
1042 des catastrophes cosmiques. La vie de la cité et de la culture, ce sera toujours une bataille. Entre l’esprit de lourdeur
1043 re, ce sera toujours une bataille. Entre l’esprit de lourdeur, comme disait Nietzsche, et les forces de création, la lutte
1044 e lourdeur, comme disait Nietzsche, et les forces de création, la lutte sera toujours ouverte, tant qu’il y aura du péché
1045 tion du prophète Isaïe : « Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? — La sentinelle a répondu : Le matin vient, et la nuit auss
1046 vons invoquer ne peut pas être une simple absence de guerre. Spirituellement, une vraie paix sera toujours plus difficile
1047 . Mais qu’elle nous donne au moins la possibilité de rendre un sens aux conflits éternels — un sens, et s’il se peut, une
1048 les autres font la guerre, ils n’ont pas le temps de préparer un monde humain. Mais nous qui avons encore su conserver une
1049 ui avons encore su conserver une cité à la mesure de la personne, nous qui sommes encore épargnés, ne perdons pas notre dé
1050 ommes encore épargnés, ne perdons pas notre délai de grâce ! C’est à nous de gagner la vraie paix, c’est à nous d’engager
1051 e perdons pas notre délai de grâce ! C’est à nous de gagner la vraie paix, c’est à nous d’engager sans illusion le vrai co
1052 ’est à nous de gagner la vraie paix, c’est à nous d’ engager sans illusion le vrai combat qui nous maintienne humains. Tout
1053 ous maintienne humains. Tout cela, un jeune poète de génie, Arthur Rimbaud, l’a dit d’un seul trait prophétique : « Le com
1054 un jeune poète de génie, Arthur Rimbaud, l’a dit d’ un seul trait prophétique : « Le combat spirituel est aussi brutal que
1055 combat spirituel est aussi brutal que la bataille d’ hommes, mais la vision de la justice est le plaisir de Dieu seul. »
1056 i brutal que la bataille d’hommes, mais la vision de la justice est le plaisir de Dieu seul. » 13. Conférence prononcée
1057 mmes, mais la vision de la justice est le plaisir de Dieu seul. » 13. Conférence prononcée le 15 janvier 1940 au Rathau
1058 u Leserzirkel Hottingen, et dans plusieurs villes de Hollande. 14. Je tiens à préciser que cette déclaration ne tend null
1059 d, la mentalité totalitaire. 15. Il serait juste d’ ajouter ici les noms de deux grands Suisses : Jacob Burckhardt (Consid
1060 aire. 15. Il serait juste d’ajouter ici les noms de deux grands Suisses : Jacob Burckhardt (Considérations sur l’histoire
4 1940, Mission ou démission de la Suisse. Neutralité oblige, (1937)
1061 erroge simplement par curiosité, ou par une sorte de prudence, pour voir venir, et puis vous vous apercevez que ce sont vo
1062 re, parfois de plus libérateur, que cette manière de poser des questions, et de jouer le scepticisme, dans un pays où tant
1063 eur, que cette manière de poser des questions, et de jouer le scepticisme, dans un pays où tant de choses vont de soi. Il
1064 Il nous faut un homme comme Ramuz pour nous tirer de l’optimisme épais où s’endorment les jeunes Suisses, trop assurés, co
1065 unes Suisses, trop assurés, comme le dit Cingria, de trouver chaque matin sur leur table un gros bol de café au lait. Qu’o
1066 e trouver chaque matin sur leur table un gros bol de café au lait. Qu’on m’entende bien : nous avons eu Amiel, et nous ne
1067 en : nous avons eu Amiel, et nous ne manquons pas de douteurs, de tourmentés, de refoulés et d’hésitants fort distingués.
1068 ns eu Amiel, et nous ne manquons pas de douteurs, de tourmentés, de refoulés et d’hésitants fort distingués. Mais ces inqu
1069 nous ne manquons pas de douteurs, de tourmentés, de refoulés et d’hésitants fort distingués. Mais ces inquiétudes se limi
1070 ns pas de douteurs, de tourmentés, de refoulés et d’ hésitants fort distingués. Mais ces inquiétudes se limitent au « plan
1071 lan moral », comme nous aimons à dire. Elles sont d’ usage interne, individuel. Les doutes que Ramuz nous propose touchent
1072 ropose touchent au contraire les fondements mêmes de notre vie dans la cité, de notre existence comme « Suisses ». Ils aff
1073 e les fondements mêmes de notre vie dans la cité, de notre existence comme « Suisses ». Ils affectent nos tabous les plus
1074 nationales. Ce que personne n’a jamais eu l’idée de mettre en question parmi nous. Par exemple, demande Ramuz : Avons-nou
1075 que propreté, confort et instruction ? Avons-nous d’ autre but commun que la sécurité et le profit ? Pourquoi sommes-nous c
1076 ions ; mais que s’il garde en même temps le souci d’ expliquer qui nous sommes à nos voisins, c’est peut-être que notre lot
1077 tant que Vaudois, ou Genevois, ou Zurichois, est d’ exister en fonction de ces voisins. Je vois l’équivoque de la phrase :
1078 r en fonction de ces voisins. Je vois l’équivoque de la phrase : exister en fonction des voisins, on pourrait croire que c
1079 enancier du grand palace. (Ramuz, plus dur, parle de portier d’hôtel…) Et je ne dis pas que cette interprétation désoblige
1080 grand palace. (Ramuz, plus dur, parle de portier d’ hôtel…) Et je ne dis pas que cette interprétation désobligeante soit t
1081 on peut et on doit concevoir une tout autre forme d’ existence qui serait « en fonction des voisins », et qui serait tout d
1082 ême, ou par là même, une existence, au sens plein de ce terme ; avec tout ce que cela comporte d’autonomie, de nécessité,
1083 lein de ce terme ; avec tout ce que cela comporte d’ autonomie, de nécessité, de réalité irremplaçable, de conscience d’une
1084 rme ; avec tout ce que cela comporte d’autonomie, de nécessité, de réalité irremplaçable, de conscience d’une mission à ac
1085 t ce que cela comporte d’autonomie, de nécessité, de réalité irremplaçable, de conscience d’une mission à accomplir, et qu
1086 utonomie, de nécessité, de réalité irremplaçable, de conscience d’une mission à accomplir, et que nul autre n’a reçue. La
1087 écessité, de réalité irremplaçable, de conscience d’ une mission à accomplir, et que nul autre n’a reçue. La Suisse existe-
1088 Ramuz. Cela revient à dire : a-t-elle une raison d’ être ? J’essaierai de répondre ici du point de vue qui me paraît le pl
1089 à dire : a-t-elle une raison d’être ? J’essaierai de répondre ici du point de vue qui me paraît le plus fécond non seuleme
1090 -ci, tel que l’ont fait sa nature et sept siècles d’ histoire : le point de vue du personnalisme. ⁂ La question de la neut
1091 le point de vue du personnalisme. ⁂ La question de la neutralité est peut-être la plus importante qu’il faille poser à l
1092 Or il faut bien avouer, dès le départ, que l’état de fait créé par le traité de Vienne est aussi mal interprété par ses ga
1093 le départ, que l’état de fait créé par le traité de Vienne est aussi mal interprété par ses garants que par ses soi-disan
1094 utralité nous est due, comme l’air et les beautés de la nature. Privilège inconditionnel, nous laissant au surplus le droi
1095 inconditionnel, nous laissant au surplus le droit de faire la leçon à toute l’Europe dans les leaders de nos journaux. Et
1096 faire la leçon à toute l’Europe dans les leaders de nos journaux. Et cela ne contribue guère à nous donner un sens actif
1097 la ne contribue guère à nous donner un sens actif de nos chances et de nos destins, dans une époque où des choses plus anc
1098 ère à nous donner un sens actif de nos chances et de nos destins, dans une époque où des choses plus anciennes et plus gra
1099 s en discussion, bouleversées, brutalement niées. De ce double malentendu, il faudra bien sortir un jour. Les événements n
1100 er aux yeux de tous les grandes et fortes raisons de notre neutralité, celle-ci sera balayée un jour prochain avec les vie
1101 balayée un jour prochain avec les vieux chiffons de papier qui sont censés la garantir. Quand bien même nous aurions voté
1102 . Quand bien même nous aurions voté des milliards de crédits d’armement, et des mesures d’instruction militaire prenant le
1103 n même nous aurions voté des milliards de crédits d’ armement, et des mesures d’instruction militaire prenant les enfants a
1104 s milliards de crédits d’armement, et des mesures d’ instruction militaire prenant les enfants au berceau. Car aucune force
1105 pour un petit pays comme le nôtre, la conscience de sa raison d’être, et le prestige qui s’y attache. On croit souvent, s
1106 t pays comme le nôtre, la conscience de sa raison d’ être, et le prestige qui s’y attache. On croit souvent, surtout chez n
1107 nous, qu’un petit pays a, comme tel, l’obligation de rester neutre. D’où l’on déduit qu’il en possède aussi le droit, une
1108 pays a, comme tel, l’obligation de rester neutre. D’ où l’on déduit qu’il en possède aussi le droit, une espèce de droit na
1109 éduit qu’il en possède aussi le droit, une espèce de droit naturel. Or on a vu des états minuscules, Venise et Berne, les
1110 les Pays-Bas de Guillaume d’Orange, jouer un rôle de premier plan dans l’équilibre européen. Et quand bien même il serait
1111 t qu’elle le juge naturel ? La meilleure garantie d’ un droit, la seule peut-être qui soit efficace, c’est l’exercice réel
1112 eut-être qui soit efficace, c’est l’exercice réel de la charge dont ce droit représente à la fois la condition et la contr
1113 la fois la condition et la contrepartie. Le droit de propriété, par exemple, est à la fois la condition d’une entreprise p
1114 ropriété, par exemple, est à la fois la condition d’ une entreprise personnelle, et la juste contrepartie des risques qu’on
1115 , tout simplement parce qu’il possède des coupons de papier dans une banque, ses droits sont ressentis comme des abus. Ils
1116 nt ressentis comme des abus. Ils cessent dès lors d’ être assurés en fait ; comme le démontre l’histoire récente du capital
1117 trop des secondes. Sous prétexte de réalisme, et de défense des intérêts économiques, c’est la réalité européenne de la S
1118 intérêts économiques, c’est la réalité européenne de la Suisse que l’on perd de vue. On l’a senti à l’occasion des sanctio
1119 la réalité européenne de la Suisse que l’on perd de vue. On l’a senti à l’occasion des sanctions contre l’Italie : premie
1120 remier avertissement que nous donnaient les faits d’ avoir à repenser notre neutralité dans le cadre nouveau de l’Europe. I
1121 à repenser notre neutralité dans le cadre nouveau de l’Europe. Il est fatal que ces dilemmes se multiplient à l’avenir. Le
1122 lient à l’avenir. Le fameux équilibre stratégique de l’Europe qu’on a coutume d’invoquer pour justifier l’espèce d’exterri
1123 équilibre stratégique de l’Europe qu’on a coutume d’ invoquer pour justifier l’espèce d’exterritorialité dont jouit la Suis
1124 u’on a coutume d’invoquer pour justifier l’espèce d’ exterritorialité dont jouit la Suisse sur le continent, nous le voyons
1125 tinent, nous le voyons, lui aussi, se transformer d’ année en année. Et nous voyons que lui aussi dépend d’un équilibre spi
1126 née en année. Et nous voyons que lui aussi dépend d’ un équilibre spirituel18 totalement bouleversé et réorganisé, au sein
1127 ent redéfinie. Bref, tout nous pousse à un réveil de notre conscience fédérale. Tout nous met au défi d’agrandir cette con
1128 notre conscience fédérale. Tout nous met au défi d’ agrandir cette conscience aux proportions nouvelles des « mystiques »
1129 ouvelles des « mystiques » qui régissent l’Europe d’ aujourd’hui. Notre chance et nos risques sont là. La mission essentiel
1130 ce et nos risques sont là. La mission essentielle de la Suisse est une mission personnaliste au premier chef : sauvegarder
1131 pas nouvelle : elle constitue l’apport spécifique de l’Europe à l’humanité. C’est autour d’elle et grâce à elle que l’Occi
1132 spécifique de l’Europe à l’humanité. C’est autour d’ elle et grâce à elle que l’Occident s’est édifié, et qu’il a dominé le
1133 , comme certains voudraient le croire, une espèce de juste milieu entre les excès déplorables de l’individualisme bourgeoi
1134 spèce de juste milieu entre les excès déplorables de l’individualisme bourgeois et du collectivisme dictatorial. Elle est
1135 les déviations morbides. Et dès lors, la mission de la Suisse peut être définie à l’échelle de l’Europe : la Suisse doit
1136 ission de la Suisse peut être définie à l’échelle de l’Europe : la Suisse doit être la gardienne de ce principe central, f
1137 le de l’Europe : la Suisse doit être la gardienne de ce principe central, fédératif ; et elle ne peut être autre chose, de
1138 historique. Gardiens des cols, gardiens du siège de la SDN et de celui de la Croix-Rouge, gardiens de ce qui est européen
1139 Gardiens des cols, gardiens du siège de la SDN et de celui de la Croix-Rouge, gardiens de ce qui est européen et commun à
1140 des cols, gardiens du siège de la SDN et de celui de la Croix-Rouge, gardiens de ce qui est européen et commun à toutes le
1141 de la SDN et de celui de la Croix-Rouge, gardiens de ce qui est européen et commun à toutes les nations20 étant eux-mêmes
1142 r l’ensemble — voilà les Suisses, grands Portiers de l’Europe, et mainteneurs de ses communes mesures. Qu’on ne voie pas l
1143 sses, grands Portiers de l’Europe, et mainteneurs de ses communes mesures. Qu’on ne voie pas là je ne sais quelle manière
1144 s. Qu’on ne voie pas là je ne sais quelle manière d’ idéaliser ce qui est mesquin. Car ce qui est mesquin chez nous, n’est
1145 squin chez nous, n’est en fait qu’une dégradation de l’idéal qui devrait nous unir. La devise des Suisses : « Un pour tous
1146 est la formule la plus frappante et la plus juste de l’esprit fédéral de l’Occident — en même temps que du personnalisme.
1147 us frappante et la plus juste de l’esprit fédéral de l’Occident — en même temps que du personnalisme. (N’en faisons pas :
1148 pour tous ! ») Oui, c’est au nom de cette mission de gardienne du principe commun que la Suisse peut et doit maintenant re
1149 qu’elle est l’expérience témoin, l’annonciatrice d’ une Europe fédérée dont elle prouve la réalité en assemblant dans un É
1150 s : la germanique, la latine et la française21. ⁂ De cette mission qui justifie en même temps notre statut européen de neu
1151 qui justifie en même temps notre statut européen de neutralité et notre statut intérieur de confédération de cantons, déc
1152 européen de neutralité et notre statut intérieur de confédération de cantons, découlent des conséquences précises dans le
1153 ralité et notre statut intérieur de confédération de cantons, découlent des conséquences précises dans les ordres les plus
1154 ême qui justifie cette neutralité. Elle se permet de prendre parti, dans les questions de politique étrangère, ou de polit
1155 le se permet de prendre parti, dans les questions de politique étrangère, ou de politique intérieure du voisin, avec d’aut
1156 ti, dans les questions de politique étrangère, ou de politique intérieure du voisin, avec d’autant plus de violence qu’ell
1157 ngère, ou de politique intérieure du voisin, avec d’ autant plus de violence qu’elle y court moins de risques immédiats. Ri
1158 olitique intérieure du voisin, avec d’autant plus de violence qu’elle y court moins de risques immédiats. Rien n’est plus
1159 c d’autant plus de violence qu’elle y court moins de risques immédiats. Rien n’est plus agaçant pour l’étranger que cette
1160 est plus agaçant pour l’étranger que cette espèce de suffisance moralisante, que ces conseils de fermeté ou ces protestati
1161 spèce de suffisance moralisante, que ces conseils de fermeté ou ces protestations intempestives que nous prodiguons chaque
1162 que nous prodiguons chaque jour aux « nationaux » de tel pays ou aux « rouges » du monde entier. D’autant plus que ce magi
1163  » de tel pays ou aux « rouges » du monde entier. D’ autant plus que ce magistère ne paraît nullement s’exercer au nom d’un
1164 t s’exercer au nom d’une vocation bien définie et de portée européenne. Quand nos journaux font la leçon à Léon Blum22, ce
1165 communale et fédéraliste, mais au nom d’intérêts de classe qui ne sont ni démocratiques ni nationaux. La même critique pe
1166 ritique peut d’ailleurs s’adresser à notre presse d’ extrême gauche lorsqu’elle défend le même Léon Blum pour des raisons s
1167 nd nous verrons nos grands journaux se préoccuper de juger ce qui se passe chez nos voisins non plus au nom de la droite f
1168 voisins non plus au nom de la droite française ou de la gauche allemande émigrée, mais au nom du principe fédéral que nous
1169 on pourra dire que la Suisse a retrouvé sa raison d’ être, et d’être neutre. Quoi de plus comique et de plus irritant que
1170 ire que la Suisse a retrouvé sa raison d’être, et d’ être neutre. Quoi de plus comique et de plus irritant que d’admirer l
1171 re. Quoi de plus comique et de plus irritant que d’ admirer les fascismes étrangers alors qu’ils sont les formes politique
1172 e seule leçon : les fascismes se donnent pour but d’ exalter leur mission nationale. Quelles que soient les réserves de fon
1173 ission nationale. Quelles que soient les réserves de fond qu’il y ait à faire, et je les fais, sur l’authenticité de ces m
1174 y ait à faire, et je les fais, sur l’authenticité de ces missions qu’ils proclament à son de trompe, il est clair que leur
1175 henticité de ces missions qu’ils proclament à son de trompe, il est clair que leur force est là, et qu’en les admirant, en
1176 train de perdre ce qu’ils ont retrouvé : le sens de la réalité irremplaçable d’une nation. L’autorité qu’une certaine pre
1177 nt retrouvé : le sens de la réalité irremplaçable d’ une nation. L’autorité qu’une certaine presse suisse s’était acquise à
1178 s français ou allemands, n’est plus qu’une presse d’ intérêt local. Là encore, nos chances sont uniques, nous pourrions êtr
1179 être les premiers. Mais à cette seule condition : de savoir au nom de quoi nous parlons. Et ce ne peut être qu’au nom de l
1180 parlons. Et ce ne peut être qu’au nom de l’avenir de l’Europe, puisque c’est cela que nous sommes dès maintenant. 2. La cu
1181 ne l’envisagerai ici que sous l’angle particulier de nos responsabilités comme neutres. Ramuz insiste avec raison sur le f
1182 tiliser ? Il y faudrait une conscience très forte de la réalité fédéraliste et de ce qu’elle implique à la fois de diversi
1183 onscience très forte de la réalité fédéraliste et de ce qu’elle implique à la fois de diversités reconnues, totalement exp
1184 é fédéraliste et de ce qu’elle implique à la fois de diversités reconnues, totalement exprimées comme telles, et d’échange
1185 reconnues, totalement exprimées comme telles, et d’ échanges multipliés, d’apports mutuels, de synthèse vivante. Dès que l
1186 exprimées comme telles, et d’échanges multipliés, d’ apports mutuels, de synthèse vivante. Dès que la conscience fédéralist
1187 les, et d’échanges multipliés, d’apports mutuels, de synthèse vivante. Dès que la conscience fédéraliste vient à faiblir,
1188 , quand par exemple on se met chez nous à l’école de la droite française et de sa politique particulière conditionnée par
1189 met chez nous à l’école de la droite française et de sa politique particulière conditionnée par le nationalisme unitaire e
1190 germanique » dans notre vie confédérale. Réaction de faiblesse, et néfaste à un double titre. Car d’une part nous y perdon
1191 s ce qui fait notre valeur propre dans la culture de langue française ; et d’autre part, en nous refusant aux contacts et
1192 aux échanges, nous perdons la meilleure occasion de prendre conscience de nous-mêmes, et de nos singularités sinon latine
1193 rdons la meilleure occasion de prendre conscience de nous-mêmes, et de nos singularités sinon latines, du moins romanes. O
1194 occasion de prendre conscience de nous-mêmes, et de nos singularités sinon latines, du moins romanes. On se découvre en s
1195 sant, mais en s’opposant réellement, c’est-à-dire de près, corps à corps. Croit-on que Ramuz eût écrit ce Chant de notre R
1196 ps à corps. Croit-on que Ramuz eût écrit ce Chant de notre Rhône, si « roman », sans le voisinage germanique qui l’a contr
1197 hin ? Pour nous qui n’avons pas les mêmes raisons de construire des Bastions de l’Est23, la situation est bien plus favora
1198 pas les mêmes raisons de construire des Bastions de l’Est23, la situation est bien plus favorable. Mais il faudrait savoi
1199 oir l’envisager dans sa grandeur, sans crispation de méfiance ou de timidité ; dans une volonté de synthèse, et non point
1200 dans sa grandeur, sans crispation de méfiance ou de timidité ; dans une volonté de synthèse, et non point dans la crainte
1201 ion de méfiance ou de timidité ; dans une volonté de synthèse, et non point dans la crainte perpétuelle de n’aboutir qu’à
1202 ynthèse, et non point dans la crainte perpétuelle de n’aboutir qu’à des mélanges bâtards. Notre unité existe, mais sur un
1203 plan à la fois plus élevé et plus vaste que celui de « l’unification » à la mode jacobine ou classique. C’est l’unité orig
1204 le, et peut-être future et finale, des diversités de l’Europe, symbolisées par nos quatre langues, nos deux religions, nos
1205 une culture homogène. Elles forment quelque chose de moins grandiose, mais peut-être de plus conforme à l’essence même de
1206 mais peut-être de plus conforme à l’essence même de la culture : un microcosme des valeurs que les nations qui nous entou
1207 s aussi grands qu’aucune d’entre elles dans aucun de ces domaines particuliers24. Mais notre grandeur est ailleurs : elle
1208 time, ou dans l’opposition tragique à l’intérieur d’ une même « personne », des vocations spéciales d’autres nations. Et c’
1209 combat perpétuel, exaltant, le battement du cœur de l’Europe. Vouloir créer une « culture suisse », ce serait trahir notr
1210 ait trahir notre mission, ce serait le péché même d’ idolâtrie qui consiste dans son principe à adorer les instruments d’un
1211 nsiste dans son principe à adorer les instruments d’ un culte, oubliant le dieu qu’il célèbre. Et pourquoi n’irais-je pas j
1212 as jusqu’à dire que notre grandeur culturelle est de n’avoir pas de culture suisse, mais seulement une culture européenne 
1213 que notre grandeur culturelle est de n’avoir pas de culture suisse, mais seulement une culture européenne ? On nous a don
1214 s, offrant un asile provisoire aux grands errants de l’esprit et des passions occidentales : Bâle et Genève au temps de la
1215 u temps de la Réforme, Érasme, Holbein, Calvin et d’ Aubigné, et le fameux docteur Paracelse, entraînant sa suite turbulent
1216 docteur Paracelse, entraînant sa suite turbulente de disciples d’auberge en auberge. C’était la Suisse spirituelle de la R
1217 else, entraînant sa suite turbulente de disciples d’ auberge en auberge. C’était la Suisse spirituelle de la Renaissance, l
1218 auberge en auberge. C’était la Suisse spirituelle de la Renaissance, le microcosme de toutes ses grandeurs. Aux xviie et
1219 isse spirituelle de la Renaissance, le microcosme de toutes ses grandeurs. Aux xviie et xviiie , l’horizon se resserre un
1220 and Haller », après ce premier cosmopolite : Béat de Muralt. Puis Zurich et l’hégémonie passagère de l’École suisse sur la
1221 t de Muralt. Puis Zurich et l’hégémonie passagère de l’École suisse sur la littérature allemande. Et le Lausanne des beaux
1222 e xixe , la Suisse réapparaît sur la grande scène de l’Europe. De Genève, c’est une autre « école suisse » qui domine les
1223 uisse réapparaît sur la grande scène de l’Europe. De Genève, c’est une autre « école suisse » qui domine les lettres franç
1224 seau : Constant et Staël, et toute la petite cour de Coppet. Ce foyer s’éteint pour un temps. Il en renaît un autre à Bâle
1225 ardt, Overbeck, Bachofen, le jeune Nietzsche, ami de Wagner… Et tout cela fait, par le moyen de la Suisse, une assez belle
1226 e, ami de Wagner… Et tout cela fait, par le moyen de la Suisse, une assez belle culture européenne25. Je ne vois pas pourq
1227 péenne25. Je ne vois pas pourquoi nous douterions d’ une tradition que tout nous pousse à continuer, et qui, je le crois, n
1228 élevant au point où ils deviennent les conditions d’ une création unique. Au niveau de l’instruction publique, nous étouffo
1229 de la vraie culture, nous pouvons être les moyens de la grandeur future de l’Europe. (Il y a là plus qu’un calembour, soit
1230 ous pouvons être les moyens de la grandeur future de l’Europe. (Il y a là plus qu’un calembour, soit dit pour essayer de r
1231 a là plus qu’un calembour, soit dit pour essayer de rassurer ces gens sérieux que sont les Suisses moyens — et même les a
1232 (Nulle part, je crois, les écrivains n’ont moins d’ action sur la vie politique.) Il est clair, et on le dit assez pour q
1233 sez pour que je n’aie pas à insister, que l’armée d’ un petit pays neutre est très facilement justifiable, aux yeux du paci
1234 u’une « guerre juste », puisqu’elle est incapable d’ attaquer. Elle ne joue que le rôle d’une garde, et par là même, elle e
1235 st incapable d’attaquer. Elle ne joue que le rôle d’ une garde, et par là même, elle est conforme à notre vocation profonde
1236 hburg ; milice au service du principe constituant de la fédération — et c’est pourquoi elle appartient à l’État et non pas
1237 nt la couverture des frontières par les habitants de la région sont absolument dans la ligne du fédéralisme réel26. Armée
1238 démocratique, dit-on, milice populaire, dépourvue de l’esprit de caste que forment ailleurs les écoles militaires. Oui, c’
1239 , dit-on, milice populaire, dépourvue de l’esprit de caste que forment ailleurs les écoles militaires. Oui, c’est bien là
1240 est bien là ce que doit être une armée consciente de son rôle de garde neutre. Il s’agit que cette conscience reste vivace
1241 ce que doit être une armée consciente de son rôle de garde neutre. Il s’agit que cette conscience reste vivace. Que l’armé
1242 roche du peuple, cela doit avoir pour effet idéal de « civiliser » la milice et non de militariser l’esprit public. Il est
1243 our effet idéal de « civiliser » la milice et non de militariser l’esprit public. Il est important de rappeler que l’armée
1244 de militariser l’esprit public. Il est important de rappeler que l’armée d’une fédération ne conserve sa raison d’être qu
1245 public. Il est important de rappeler que l’armée d’ une fédération ne conserve sa raison d’être que si l’on croit à cette
1246 ue l’armée d’une fédération ne conserve sa raison d’ être que si l’on croit à cette fédération et à la tâche qui lui incomb
1247 u milieu de voisins redoutables. Il est important de rappeler que l’armée étant chose fédérale, ne peut être l’armée d’une
1248 ’armée étant chose fédérale, ne peut être l’armée d’ une classe, de ses intérêts, de son ordre. Il n’y aurait aucun avantag
1249 hose fédérale, ne peut être l’armée d’une classe, de ses intérêts, de son ordre. Il n’y aurait aucun avantage à combattre
1250 peut être l’armée d’une classe, de ses intérêts, de son ordre. Il n’y aurait aucun avantage à combattre l’esprit de caste
1251 Il n’y aurait aucun avantage à combattre l’esprit de caste si c’était pour le remplacer par un esprit de classe bourgeois
1252 caste si c’était pour le remplacer par un esprit de classe bourgeois d’une valeur militaire bien moindre. Enfin l’enthous
1253 ur le remplacer par un esprit de classe bourgeois d’ une valeur militaire bien moindre. Enfin l’enthousiasme entretenu auto
1254 itime qu’à proportion du sens profond des raisons d’ être de la Suisse dont nous témoignons par ailleurs. N’allons pas croi
1255 u’à proportion du sens profond des raisons d’être de la Suisse dont nous témoignons par ailleurs. N’allons pas croire que
1256 uisse. Après tout, notre armée n’est qu’un aspect de notre défense fédérale. Et un aspect subordonné. Si l’on néglige à so
1257 néglige à son profit « le reste », on fait œuvre de mauvais Suisse, car c’est ce « reste » justement qui donne un sens à
1258 Mais je vois aussi qu’avec la cinquantième partie de l’argent consacré à leur acquisition, on pourrait apporter à nos inst
1259 uisition, on pourrait apporter à nos institutions de haute culture, à nos savants, artistes ou écrivains, les moyens d’ass
1260 à nos savants, artistes ou écrivains, les moyens d’ assurer au pays un prestige international qui nous donnerait peut-être
1261 ous donnerait peut-être davantage qu’une garantie d’ autonomie : une existence vraiment autonome. Le budget de la défense n
1262 omie : une existence vraiment autonome. Le budget de la défense nationale dans un pays dont la vraie raison d’être est en
1263 fense nationale dans un pays dont la vraie raison d’ être est en fin de compte spirituelle, devrait comporter normalement à
1264 t à côté du budget militaire, un important budget de la culture. Je ne dis pas de l’instruction, mais de la culture. Et je
1265 un important budget de la culture. Je ne dis pas de l’instruction, mais de la culture. Et je l’appellerais volontiers le
1266 la culture. Je ne dis pas de l’instruction, mais de la culture. Et je l’appellerais volontiers le budget de la conscience
1267 culture. Et je l’appellerais volontiers le budget de la conscience fédérale. Car le jour où il existera, l’on pourra dire
1268 ques, si réellement représentatifs, dans ce pays, de l’opinion moyenne des citoyens, ont retrouvé le sens de notre destiné
1269 pinion moyenne des citoyens, ont retrouvé le sens de notre destinée, et notre chance unique de grandeur28. ⁂ Je vois ce qu
1270 le sens de notre destinée, et notre chance unique de grandeur28. ⁂ Je vois ce que l’on peut m’objecter : « Vous attribuez
1271 à des réalités qui se sont constituées par le jeu d’ intérêts et de routines médiocres. Vous donnez par exemple une valeur
1272 qui se sont constituées par le jeu d’intérêts et de routines médiocres. Vous donnez par exemple une valeur positive à un
1273 ement un effort pour restaurer l’actualité perdue d’ une tradition ou d’une institution ? Pour réveiller leurs pouvoirs cré
1274 r restaurer l’actualité perdue d’une tradition ou d’ une institution ? Pour réveiller leurs pouvoirs créateurs, leur perpét
1275 es formes existantes ? Il ne s’agit pas pour nous de « révolutionner », au sens que le bourgeois craintif prête à ce terme
1276 tif prête à ce terme. Nous partons, dans ce pays, d’ un certain nombre de structures politiques et morales, et d’une tradit
1277 . Nous partons, dans ce pays, d’un certain nombre de structures politiques et morales, et d’une tradition fédéraliste, qui
1278 in nombre de structures politiques et morales, et d’ une tradition fédéraliste, qui se trouvent réaliser, en théorie, parfo
1279 irituelle entretenue par nos écoles, la tentation de copier nos voisins dans les mœurs politiques et dans la presse, tout
1280 quelles nous pouvions compter, et la mission même de la Suisse. Tout cela tend à nous réduire à nos proportions matérielle
1281 ont petites, qui sont médiocres. J’ai cité le cas de la presse, se réduisant elle-même au rôle de presse locale. Il faut b
1282 cas de la presse, se réduisant elle-même au rôle de presse locale. Il faut bien dire aussi que notre fédéralisme tend sou
1283 fédéralisme tend souvent à se réduire à l’esprit de clocher, à une limitation des horizons, bien plutôt qu’il ne favorise
1284 ation des horizons, bien plutôt qu’il ne favorise de fécondes oppositions. Notre neutralité, conçue comme une prudence, de
1285 à tous les degrés, mais fondée sur une conception de l’homme incroyablement étriquée, devient une espèce d’asepsie qui tue
1286 homme incroyablement étriquée, devient une espèce d’ asepsie qui tue les germes de toute création. (La culture suppose plus
1287 , devient une espèce d’asepsie qui tue les germes de toute création. (La culture suppose plus de folie, suppose des contam
1288 ermes de toute création. (La culture suppose plus de folie, suppose des contaminations multipliées, des inégalités favoris
1289 re au pas des grandes économies européennes, mais de la manière la plus fatale à ce fédéralisme tant vanté. Autant de cons
1290 a plus fatale à ce fédéralisme tant vanté. Autant de constatations qui dictent à notre action des objectifs immédiats. Mai
1291 iats. Mais avant toute action précise, il importe de rendre à notre peuple le sens d’un destin qui le dépasse. Petit peupl
1292 cise, il importe de rendre à notre peuple le sens d’ un destin qui le dépasse. Petit peuple chargé d’une grande mission ; s
1293 s d’un destin qui le dépasse. Petit peuple chargé d’ une grande mission ; s’il l’oublie, il étouffe bientôt dans le confort
1294 l’asepsie morale. Mais qu’il reprenne conscience de cette mission, et le grand air de l’Europe et du monde reviendra vivi
1295 enne conscience de cette mission, et le grand air de l’Europe et du monde reviendra vivifier nos pays. Il y aura de nouvea
1296 a vivifier nos pays. Il y aura de nouveau du jeu, de la passion, des communications fécondes entre les êtres, une circulat
1297 ceci qui est le plus important : des possibilités d’ imaginer, donc d’innover et de voir grand. 17. Cette étude, publiée
1298 lus important : des possibilités d’imaginer, donc d’ innover et de voir grand. 17. Cette étude, publiée en octobre 1937 d
1299  : des possibilités d’imaginer, donc d’innover et de voir grand. 17. Cette étude, publiée en octobre 1937 dans un numéro
1300 tte étude, publiée en octobre 1937 dans un numéro de la revue Esprit consacré à la Suisse, répondait à la fois à la Lett
1301 s à la Lettre que C. F. Ramuz m’adressait en tête de ce même numéro, et au volume qu’il venait d’intituler : Questions. (N
1302 tête de ce même numéro, et au volume qu’il venait d’ intituler : Questions. (Note de 1940.) 18. Les guerres qui nous menac
1303 olume qu’il venait d’intituler : Questions. (Note de 1940.) 18. Les guerres qui nous menacent n’opposeront pas seulement
1304 ent des colonnes motorisées, mais des conceptions de l’homme, de l’État, et des religions, des partis pris spirituels bien
1305 nnes motorisées, mais des conceptions de l’homme, de l’État, et des religions, des partis pris spirituels bien plus puissa
1306 t ceux du canton ; les droits des cantons et ceux de la Confédération ; les droits de la Suisse et ceux de l’Europe ; imag
1307 cantons et ceux de la Confédération ; les droits de la Suisse et ceux de l’Europe ; images et conséquences à la fois de l
1308 a Confédération ; les droits de la Suisse et ceux de l’Europe ; images et conséquences à la fois de l’équilibre fondamenta
1309 ux de l’Europe ; images et conséquences à la fois de l’équilibre fondamental entre les droits de la personne et ceux de la
1310 fois de l’équilibre fondamental entre les droits de la personne et ceux de la communauté. 20. On pourrait signaler aussi
1311 ndamental entre les droits de la personne et ceux de la communauté. 20. On pourrait signaler aussi la garde de la papauté
1312 munauté. 20. On pourrait signaler aussi la garde de la papauté, en tant qu’institution d’intérêt universel et non nationa
1313 si la garde de la papauté, en tant qu’institution d’ intérêt universel et non national. Mais c’est plutôt une survivance hi
1314 est plutôt une survivance historique qu’un aspect de la mission commune à tous les Suisses. Notons encore que le siège du
1315 Notons encore que le siège du Conseil œcuménique de toutes les Églises non romaines a été fixé à Genève. Ici, il s’agit p
1316 maines a été fixé à Genève. Ici, il s’agit plutôt d’ un germe, d’un avenir. 21. Quant à la civilisation britannique, elle
1317 fixé à Genève. Ici, il s’agit plutôt d’un germe, d’ un avenir. 21. Quant à la civilisation britannique, elle fut, pour no
1318 la civilisation britannique, elle fut, pour nous, de la Réforme jusqu’au xixe siècle, une quatrième voisine spirituelle.
1319 pirituelle. 22. Je rappelle que ces pages datent de 1937. 23. À l’est de la Suisse romande, s’entend. 24. En passant :
1320 ppelle que ces pages datent de 1937. 23. À l’est de la Suisse romande, s’entend. 24. En passant : nos grands artistes ou
1321 dans plusieurs domaines, s’interdisant peut-être, de la sorte, d’égaler les maîtres de première grandeur. Nicolas Manuel f
1322 s domaines, s’interdisant peut-être, de la sorte, d’ égaler les maîtres de première grandeur. Nicolas Manuel fut peintre, a
1323 sant peut-être, de la sorte, d’égaler les maîtres de première grandeur. Nicolas Manuel fut peintre, architecte, soldat, dr
1324 ophe et éducateur. 25. La Genève des beaux jours de la SDN semblait devoir renouveler ce rayonnement. Asile ou lieu d’éle
1325 t devoir renouveler ce rayonnement. Asile ou lieu d’ élection d’Européens comme Ferrero ou Thibaudet ; agence de liaison de
1326 nouveler ce rayonnement. Asile ou lieu d’élection d’ Européens comme Ferrero ou Thibaudet ; agence de liaison de nos cultur
1327 n d’Européens comme Ferrero ou Thibaudet ; agence de liaison de nos cultures grâce à la très remarquable Revue de Genève
1328 ns comme Ferrero ou Thibaudet ; agence de liaison de nos cultures grâce à la très remarquable Revue de Genève de Robert
1329 e nos cultures grâce à la très remarquable Revue de Genève de Robert de Traz ; centre du renouveau calviniste ; laborato
1330 az ; centre du renouveau calviniste ; laboratoire de pédagogie (Institut Rousseau) et de psychanalyse, siège d’innombrable
1331 ; laboratoire de pédagogie (Institut Rousseau) et de psychanalyse, siège d’innombrables institutions internationales… Le c
1332 gie (Institut Rousseau) et de psychanalyse, siège d’ innombrables institutions internationales… Le caractère factice de la
1333 nstitutions internationales… Le caractère factice de la SDN devait par malheur compromettre dès le germe cette renaissance
1334 s le germe cette renaissance. 26. Il est curieux de noter, à ce propos, que le groupe de l’Ordre nouveau avait déduit, de
1335 est curieux de noter, à ce propos, que le groupe de l’Ordre nouveau avait déduit, de ses principes fondamentaux, un proje
1336 s, que le groupe de l’Ordre nouveau avait déduit, de ses principes fondamentaux, un projet d’organisation tout analogue po
1337 déduit, de ses principes fondamentaux, un projet d’ organisation tout analogue pour l’armée d’un état personnaliste. 27.
1338 projet d’organisation tout analogue pour l’armée d’ un état personnaliste. 27. « La Suisse a dû prendre au cours de ces d
1339 r sa défense militaire et économique, des mesures d’ une ampleur auparavant inconnue. Cependant les milieux les plus divers
1340 us divers reconnaissent qu’il n’est plus possible de s’en tenir à cette seule défense. » Message du Conseil fédéral, du 9
1341 Message du Conseil fédéral, du 9 nov. 1938. (Note de 1940.) 28. Ce vœu que j’émettais en 1937 s’est vu exaucé l’année sui
1342 nov. 1938, annonçant et commentant l’institution de la Fondation Pro Helvetia. L’instrument existe. Il s’agit maintenant
1343 lvetia. L’instrument existe. Il s’agit maintenant de s’en servir, largement, et vite. (Note de 1940.) 29. Ce fut le cas e
1344 ntenant de s’en servir, largement, et vite. (Note de 1940.) 29. Ce fut le cas en 1814-1815, lorsque les députés de la Con
1345 . Ce fut le cas en 1814-1815, lorsque les députés de la Confédération demandèrent au congrès de Vienne la reconnaissance d
1346 éputés de la Confédération demandèrent au congrès de Vienne la reconnaissance de leur neutralité : on craignait que de nou
1347 emandèrent au congrès de Vienne la reconnaissance de leur neutralité : on craignait que de nouvelles guerres franco-allema
1348 onnaissance de leur neutralité : on craignait que de nouvelles guerres franco-allemandes ne dissociassent le lien des cant
1349 lien des cantons, et l’on avait par trop souffert de la grande politique des voisins. 30. Dans toutes les classes sociale
5 1940, Mission ou démission de la Suisse. La Suisse que nous devons défendre
1350 et suffiront, pour arrêter les hommes, les chars d’ assaut et les armées d’envahissement. Certes, nous sommes matérielleme
1351 êter les hommes, les chars d’assaut et les armées d’ envahissement. Certes, nous sommes matériellement en état de garder no
1352 ement. Certes, nous sommes matériellement en état de garder nos frontières. Mais les plus épaisses murailles ne peuvent ar
1353 ailleurs, ou si elles parlent en nous-mêmes. Voix d’ une angoisse très secrète, tentatrice, voix comparables à ces siffleme
1354 atrice, voix comparables à ces sifflements pleins de mystères qui circulent au-dessus de l’Europe et que parfois, quand vo
1355 ements pleins de mystères qui circulent au-dessus de l’Europe et que parfois, quand vous cherchez un poste de radio, vous
1356 rope et que parfois, quand vous cherchez un poste de radio, vous captez sans le vouloir, en passant. Que signifient ces pa
1357 uoi ne tenterions-nous pas, une fois pour toutes, de déchiffrer ces messages secrets, que rien ne saurait empêcher de pass
1358 es messages secrets, que rien ne saurait empêcher de passer, et qui peut-être vont nous apporter des nouvelles beaucoup mo
1359 us que vous êtes, en cet instant, devant un poste de radio, et que j’arrête tout exprès le petit trait lumineux du cadran
1360 exprès le petit trait lumineux du cadran sur l’un de ces endroits indéfinis d’où nous vient l’inquiétante voix. Le son s’a
1361 neux du cadran sur l’un de ces endroits indéfinis d’ où nous vient l’inquiétante voix. Le son s’amplifie, se précise. C’est
1362 oix. Le son s’amplifie, se précise. C’est la voix de l’Europe moderne. Que nous dit-elle ? J’essaierai de l’interpréter. D
1363 l’Europe moderne. Que nous dit-elle ? J’essaierai de l’interpréter. Depuis une dizaine d’années, et plus précisément depui
1364 J’essaierai de l’interpréter. Depuis une dizaine d’ années, et plus précisément depuis 1933, la face de l’Europe a changé.
1365 ’années, et plus précisément depuis 1933, la face de l’Europe a changé. Il est temps de nous en rendre compte. Autrefois,
1366 1933, la face de l’Europe a changé. Il est temps de nous en rendre compte. Autrefois, et naguère encore, il suffisait à u
1367 ois, et naguère encore, il suffisait à une nation de déclarer son sol sacré, pour avoir le droit de le défendre jusqu’à la
1368 on de déclarer son sol sacré, pour avoir le droit de le défendre jusqu’à la dernière goutte du sang des citoyens. Assurer,
1369 Assurer, les armes à la main, l’intégrité du sol de la patrie, voilà qui ne faisait pas de question. Il n’y avait pas d’a
1370 ité du sol de la patrie, voilà qui ne faisait pas de question. Il n’y avait pas d’autre raison à chercher et à proclamer,
1371 qui ne faisait pas de question. Il n’y avait pas d’ autre raison à chercher et à proclamer, que cette raison tout instinct
1372 pouvait, en effet, conquérir un pays qu’au moyen d’ une armée, et les armées n’ont jamais occupé autre chose que du terrai
1373 le territoire, symbole unique, symbole « sacré » de la nation. Et qu’est-ce que le « sacré », sinon précisément ce qui ne
1374  sacré », sinon précisément ce qui ne souffre pas de doute, et même pas de réflexion, ce qui est tabou. Or voici que depui
1375 ément ce qui ne souffre pas de doute, et même pas de réflexion, ce qui est tabou. Or voici que depuis quelques années, ce
1376 on croyait volontiers que chaque État était voulu de Dieu, et qu’il jouissait par conséquent d’une légitimité indiscutable
1377 voulu de Dieu, et qu’il jouissait par conséquent d’ une légitimité indiscutable. La propagande dont je parle dit autre cho
1378 n’ont pas été créés par Dieu, mais par le traité de Versailles. Et c’est bien vrai. Elle dit aussi que d’autres États, et
1379 rouvent en contradiction avec l’évolution récente de l’Histoire. Elle proclame que les nations « jeunes » et « dynamiques 
1380 tits pour se défendre seuls. Au nom de ce concept d’ espace vital, elle déclare donc que ces États n’ont plus de « raison d
1381 vital, elle déclare donc que ces États n’ont plus de « raison d’être historique ». Pour peu qu’elle arrive à le faire croi
1382 déclare donc que ces États n’ont plus de « raison d’ être historique ». Pour peu qu’elle arrive à le faire croire, soit aux
1383 certains dirigeants, la victoire lui est acquise d’ avance. Et les ceintures de fortification les mieux conçues — comme la
1384 ctoire lui est acquise d’avance. Et les ceintures de fortification les mieux conçues — comme la ligne Maginot des Tchèques
1385 omme la ligne Maginot des Tchèques — ne serviront de rien, au jour choisi par l’attaquant, parce que, des centres vitaux d
1386 ays, les ordres seront déjà donnés dans la langue de l’envahisseur. Voici alors ce que nous disent ces voix européennes qu
1387 nous les Suisses, si nous avons encore une raison d’ être, si nous osons encore la proclamer, et si nous en gardons encore
1388 ience claire et forte. Elles nous mettent au défi de produire le pourquoi de notre défense, le pourquoi de notre volonté d
1389 lles nous mettent au défi de produire le pourquoi de notre défense, le pourquoi de notre volonté d’autonomie. Elles nous f
1390 roduire le pourquoi de notre défense, le pourquoi de notre volonté d’autonomie. Elles nous forcent, non sans brutalité, à
1391 oi de notre défense, le pourquoi de notre volonté d’ autonomie. Elles nous forcent, non sans brutalité, à dire enfin ce qui
1392 us adresse l’Europe moderne. Il s’agit maintenant d’ y répondre. Nous ne pouvons plus nous contenter de déclarer que notre
1393 d’y répondre. Nous ne pouvons plus nous contenter de déclarer que notre Confédération fut autrefois voulue par Dieu. Il no
1394 eilles. Nous ne pouvons plus nous mettre à l’abri de notre histoire, ou de nos Alpes, ou simplement de nos habitudes ances
1395 s plus nous mettre à l’abri de notre histoire, ou de nos Alpes, ou simplement de nos habitudes ancestrales. À la question
1396 de notre histoire, ou de nos Alpes, ou simplement de nos habitudes ancestrales. À la question nouvelle que nous pose la gr
1397 rande révolution européenne, il s’agit maintenant de donner une réponse dont dépendra notre existence. Nous avons fait ser
1398 istence. Nous avons fait serment, le 2 septembre, de défendre la Suisse jusqu’à la mort. Eh bien, il serait fou de mourir
1399 la Suisse jusqu’à la mort. Eh bien, il serait fou de mourir pour une Suisse dont nous ne serions pas sûrs qu’elle a le dro
1400 serions pas sûrs qu’elle a le droit et le devoir d’ exister, devant Dieu. On n’a pas le droit de mourir pour quelque chose
1401 evoir d’exister, devant Dieu. On n’a pas le droit de mourir pour quelque chose qui ne fournit pas des raisons de vivre. No
1402 pour quelque chose qui ne fournit pas des raisons de vivre. Notre serment nous engage donc AUSSI à prendre conscience des
1403 ngage donc AUSSI à prendre conscience des raisons de vivre de la Suisse, et de nos raisons de vivre en tant que Suisses.
1404 c AUSSI à prendre conscience des raisons de vivre de la Suisse, et de nos raisons de vivre en tant que Suisses. Nos pr
1405 conscience des raisons de vivre de la Suisse, et de nos raisons de vivre en tant que Suisses. Nos privilèges Si no
1406 raisons de vivre de la Suisse, et de nos raisons de vivre en tant que Suisses. Nos privilèges Si nous voulons pren
1407 Si nous voulons prendre une conscience sérieuse de nos vraies raisons d’être et de persévérer, il nous faut tout d’abord
1408 dre une conscience sérieuse de nos vraies raisons d’ être et de persévérer, il nous faut tout d’abord écarter un certain no
1409 nscience sérieuse de nos vraies raisons d’être et de persévérer, il nous faut tout d’abord écarter un certain nombre de fa
1410 nous faut tout d’abord écarter un certain nombre de fausses raisons et d’illusions, de phrases toutes faites et de cliché
1411 d écarter un certain nombre de fausses raisons et d’ illusions, de phrases toutes faites et de clichés patriotiques. Vous n
1412 certain nombre de fausses raisons et d’illusions, de phrases toutes faites et de clichés patriotiques. Vous ne vous étonne
1413 isons et d’illusions, de phrases toutes faites et de clichés patriotiques. Vous ne vous étonnerez donc pas trop si je cons
1414 z donc pas trop si je consacre la première partie de cette étude à la critique, pour ne pas dire au dégonflage de ces clic
1415 ude à la critique, pour ne pas dire au dégonflage de ces clichés. Notre assemblée, et ce discours, seraient inutiles, si n
1416 s, certaines réalités solides qui valent la peine d’ être affirmées sans rhétorique. Nous entendons dire, très souvent, que
1417 ntendons dire, très souvent, que la Suisse mérite d’ être défendue parce qu’elle détient d’immenses privilèges. Admettons c
1418 isse mérite d’être défendue parce qu’elle détient d’ immenses privilèges. Admettons ce point de vue, pour l’instant. Quels
1419 ilà, n’est-ce pas, trois belles et bonnes raisons de nous montrer fiers de notre Suisse ? Certes. Mais il convient de se d
1420 is belles et bonnes raisons de nous montrer fiers de notre Suisse ? Certes. Mais il convient de se demander ce que valent
1421 fiers de notre Suisse ? Certes. Mais il convient de se demander ce que valent ces fameux privilèges dans l’Europe toute n
1422 ’Europe toute nouvelle où nous vivons en ce début de 1940. Il convient de se demander s’ils sont de purs et simples privil
1423 e où nous vivons en ce début de 1940. Il convient de se demander s’ils sont de purs et simples privilèges, ou s’ils ne com
1424 ut de 1940. Il convient de se demander s’ils sont de purs et simples privilèges, ou s’ils ne comporteraient pas aussi des
1425 nt pas aussi des devoirs ; ensuite, s’il y a lieu de s’en vanter ; enfin, s’ils représentent pratiquement des garanties po
1426 xtes à la violer. Sommes-nous « à la hauteur » de notre nature ? La Suisse est belle, c’est entendu, c’est connu dan
1427 tier. On a fait avec cela beaucoup de littérature de manuels — et en même temps, pas mal d’argent, je crois. Tant pis pour
1428 ittérature de manuels — et en même temps, pas mal d’ argent, je crois. Tant pis pour les manuels, et tant mieux pour l’arge
1429 x pour l’argent. Mais le fait est qu’on a coutume de parler de nos Alpes soit d’un point de vue purement sentimental, soit
1430 rgent. Mais le fait est qu’on a coutume de parler de nos Alpes soit d’un point de vue purement sentimental, soit d’un poin
1431 t est qu’on a coutume de parler de nos Alpes soit d’ un point de vue purement sentimental, soit d’un point de vue purement
1432 soit d’un point de vue purement sentimental, soit d’ un point de vue purement utilitaire ou touristique, en style de Männer
1433 vue purement utilitaire ou touristique, en style de Männerchor ou en style d’hôteliers. C’est-à-dire trop haut ou trop ba
1434 u touristique, en style de Männerchor ou en style d’ hôteliers. C’est-à-dire trop haut ou trop bas. Qu’on y prenne garde ce
1435 les et nos glaciers « sublimes », il n’y a pas là de quoi nous vanter ! D’abord ce n’est pas notre faute, car nous ne somm
1436 ns notre géographie. Ensuite, si nous bénéficions d’ un privilège aussi considérable, il s’agirait de nous en rendre dignes
1437 s d’un privilège aussi considérable, il s’agirait de nous en rendre dignes, avant même que de le défendre. Le seul moyen d
1438 ’agirait de nous en rendre dignes, avant même que de le défendre. Le seul moyen de conserver un privilège, après tout, c’e
1439 nes, avant même que de le défendre. Le seul moyen de conserver un privilège, après tout, c’est de le mériter. Or nous chan
1440 oyen de conserver un privilège, après tout, c’est de le mériter. Or nous chantons nos lacs d’azur, nous chantons nos glaci
1441 t, c’est de le mériter. Or nous chantons nos lacs d’ azur, nous chantons nos glaciers qui touchent aux cieux, et nous en re
1442 ciers qui touchent aux cieux, et nous en retirons d’ importants bénéfices, mais nous oublions trop souvent que tout cela, p
1443 que tout cela, précisément, peut tenter certains de nos voisins… Ne seraient-ils pas aussi capables que nous de chanter e
1444 sins… Ne seraient-ils pas aussi capables que nous de chanter et de gagner de l’argent, si nous étions contraints de leur c
1445 ent-ils pas aussi capables que nous de chanter et de gagner de l’argent, si nous étions contraints de leur céder la place 
1446 s aussi capables que nous de chanter et de gagner de l’argent, si nous étions contraints de leur céder la place ? Sommes-n
1447 de gagner de l’argent, si nous étions contraints de leur céder la place ? Sommes-nous vraiment plus dignes et plus consci
1448 conscients que d’autres des charges que supposent de pareils avantages ? Il est une page de Victor Hugo à laquelle je ne p
1449 supposent de pareils avantages ? Il est une page de Victor Hugo à laquelle je ne puis m’empêcher de penser, non sans mali
1450 e de Victor Hugo à laquelle je ne puis m’empêcher de penser, non sans malice, vous allez le voir, lorsque j’entends vanter
1451 mpérance notre nature « incomparable ». C’est une de ces pages excessives dans ses antithèses, comme en trouve beaucoup da
1452 antithèses, comme en trouve beaucoup dans l’œuvre de Hugo, et qui, malgré l’excès et la bizarrerie du style, représente à
1453 arrerie du style, représente à mes yeux une sorte de parabole terriblement ironique pour nous autres, et par là même, peut
1454 orama des Alpes : C’était un ensemble prodigieux de choses harmonieuses et magnifiques, pleines de la grandeur de Dieu. J
1455 ux de choses harmonieuses et magnifiques, pleines de la grandeur de Dieu. Je me suis retourné, me demandant à quel être su
1456 rmonieuses et magnifiques, pleines de la grandeur de Dieu. Je me suis retourné, me demandant à quel être supérieur et choi
1457 et choisi la nature servait ce merveilleux festin de montagnes, de nuages et de soleil, et cherchant un témoin sublime à c
1458 ature servait ce merveilleux festin de montagnes, de nuages et de soleil, et cherchant un témoin sublime à ce sublime pays
1459 ce merveilleux festin de montagnes, de nuages et de soleil, et cherchant un témoin sublime à ce sublime paysage. Il y ava
1460 sauvage, abrupte et déserte. Je n’oublierai cela de ma vie. Dans une anfractuosité de rocher, assis les jambes pendantes
1461 ’oublierai cela de ma vie. Dans une anfractuosité de rocher, assis les jambes pendantes sur une grosse pierre, un idiot, u
1462 n goitreux, à corps grêle et à face énorme, riait d’ un air stupide, le visage en plein soleil, et regardait au hasard deva
1463 Eh bien, n’y a-t-il pas un enseignement à tirer de cette page ? Vous m’entendez bien : je ne dis pas que le peuple suiss
1464 dans son ensemble, représente, selon l’expression de Hugo, « la posture la plus misérable de l’homme ». Et je suis loin de
1465 xpression de Hugo, « la posture la plus misérable de l’homme ». Et je suis loin de penser que nous sommes des crétins ! Je
1466 e « dans son attitude superbe », il ne suffit pas de chanter. Il s’agit d’être moralement « à la hauteur ». Non, ce n’est
1467 superbe », il ne suffit pas de chanter. Il s’agit d’ être moralement « à la hauteur ». Non, ce n’est pas si facile que cela
1468 a hauteur ». Non, ce n’est pas si facile que cela d’ habiter et de posséder un pays dont l’altière beauté menace sans cesse
1469 Non, ce n’est pas si facile que cela d’habiter et de posséder un pays dont l’altière beauté menace sans cesse d’écraser l’
1470 r un pays dont l’altière beauté menace sans cesse d’ écraser l’homme. Il ne suffit pas de se complaire dans cette merveille
1471 ce sans cesse d’écraser l’homme. Il ne suffit pas de se complaire dans cette merveilleuse nature : rappelons-nous qu’on pe
1472 es grandeurs, à ces beautés… Et c’est ici le lieu de relire quelques phrases d’un de nos auteurs un peu oubliés aujourd’hu
1473 … Et c’est ici le lieu de relire quelques phrases d’ un de nos auteurs un peu oubliés aujourd’hui, le bon vaudois Eugène Ra
1474 c’est ici le lieu de relire quelques phrases d’un de nos auteurs un peu oubliés aujourd’hui, le bon vaudois Eugène Rambert
1475 écrivait-il, doit réfléchir sa beauté dans l’âme de ses enfants. Le fait-il ? Hélas ! Il est bien à craindre que le voyag
1476 u niveau du pays. C’est un appel encore, un appel de tous les instants, qui ne cesse de retentir dans les âmes d’élite. O
1477 core, un appel de tous les instants, qui ne cesse de retentir dans les âmes d’élite. Oui, Rambert nous le dit fort bien :
1478 instants, qui ne cesse de retentir dans les âmes d’ élite. Oui, Rambert nous le dit fort bien : ce premier de nos privilè
1479 Oui, Rambert nous le dit fort bien : ce premier de nos privilèges, une belle nature, doit être considéré par nous, avant
1480 es Suisses deviennent et restent « à la hauteur » de leur géographie. Mais il faut aussi qu’ils deviennent et qu’ils reste
1481 qu’ils deviennent et qu’ils restent à la hauteur de leur histoire. Et à ce propos, voici quelques remarques sur nos fameu
1482  ». Oui certes, mais ici encore, n’ayons pas peur d’ y regarder de près. Que sont devenues en fait ces libertés antiques qu
1483 s, mais ici encore, n’ayons pas peur d’y regarder de près. Que sont devenues en fait ces libertés antiques qu’on nous envi
1484 iques qu’on nous envie ? Avons-nous bien le droit de nous en vanter encore, et suffit-il de les vanter pour qu’elles subsi
1485 n le droit de nous en vanter encore, et suffit-il de les vanter pour qu’elles subsistent ? La liberté n’est pas seulement
1486 en jouit ne sait pas les mériter par ses manières d’ être et de penser. Goethe a écrit, à ce propos, quelques phrases extrê
1487 e sait pas les mériter par ses manières d’être et de penser. Goethe a écrit, à ce propos, quelques phrases extrêmement dés
1488 s à vous les lire, persuadé que l’une des marques de notre liberté est justement le courage d’admettre les critiques les p
1489 marques de notre liberté est justement le courage d’ admettre les critiques les plus amères, et d’en tirer profit s’il y a
1490 rage d’admettre les critiques les plus amères, et d’ en tirer profit s’il y a lieu. « Un jour, écrit Goethe, les Suisses se
1491 Un jour, écrit Goethe, les Suisses se délivrèrent d’ un tyran. Ils purent se croire libres un moment : mais le soleil fécon
1492 ent : mais le soleil fécond fit éclore du cadavre de l’oppresseur un essaim de petits tyrans. À présent, ils continuent à
1493 d fit éclore du cadavre de l’oppresseur un essaim de petits tyrans. À présent, ils continuent à répéter le vieux conte. On
1494 re leurs murailles, ils ne sont plus esclaves que de leurs lois et de leurs coutumes, de leurs commérages et de leurs préj
1495 s, ils ne sont plus esclaves que de leurs lois et de leurs coutumes, de leurs commérages et de leurs préjugés bourgeois. »
1496 esclaves que de leurs lois et de leurs coutumes, de leurs commérages et de leurs préjugés bourgeois. » Je n’oublie pas qu
1497 lois et de leurs coutumes, de leurs commérages et de leurs préjugés bourgeois. » Je n’oublie pas que Goethe écrivait cela
1498 -nous bien certains que, pour autant, le jugement de Goethe n’est plus du tout valable de nos jours ? Sommes-nous bien cer
1499 le jugement de Goethe n’est plus du tout valable de nos jours ? Sommes-nous bien certains que la tyrannie de l’opinion pu
1500 jours ? Sommes-nous bien certains que la tyrannie de l’opinion publique vaut mieux que celle des aristocrates ? Sommes-nou
1501 s bien certains, enfin, qu’il a suffi à nos pères de s’affranchir un jour pour que nous ayons le droit de répéter à tout j
1502 s’affranchir un jour pour que nous ayons le droit de répéter à tout jamais : nous sommes libres ! Ayons le courage de le r
1503 ut jamais : nous sommes libres ! Ayons le courage de le reconnaître en toute franchise : la Suisse actuelle n’est pas, com
1504 pourrait l’être, l’un des pays où l’on a le plus de véritable liberté d’esprit. C’est un pays où l’on tolère fort mal les
1505 n des pays où l’on a le plus de véritable liberté d’ esprit. C’est un pays où l’on tolère fort mal les opinions non conform
1506 idées imprévues. Certes, nous avons peu ou point de polémiques personnelles : mais c’est peut-être moins par tolérance ré
1507 vélique. Ceci pour le plan des idées. Sur le plan de la morale, c’est pire encore. Je ne vais pas refaire ici, après tant
1508 s pas refaire ici, après tant d’autres, le procès de notre moralisme intolérant. Qu’il me suffise de remarquer que si nous
1509 s de notre moralisme intolérant. Qu’il me suffise de remarquer que si nous étions plus chrétiens, nous serions beaucoup pl
1510 rants dans ce domaine, nous aurions beaucoup plus de liberté dans nos jugements, nous respecterions beaucoup mieux les faç
1511 nts, nous respecterions beaucoup mieux les façons de vivre du voisin, le mystère de son existence. On me dira peut-être qu
1512 p mieux les façons de vivre du voisin, le mystère de son existence. On me dira peut-être que ces considérations n’ont pas
1513 e, actuellement, et que les libertés qu’il s’agit de défendre, en ce mois de janvier 1940, sont avant tout nos libertés po
1514 les libertés qu’il s’agit de défendre, en ce mois de janvier 1940, sont avant tout nos libertés politiques. Je répondrai q
1515 t toute notre histoire en témoigne. Une politique de liberté ne peut être faite que par des esprits libres. Et libres dans
1516 parce que les premiers Suisses avaient la passion de leurs libertés civiles et quotidiennes qu’ils ont voulu se libérer du
1517 les Suisses du xviiie siècle ne jouissaient plus d’ une véritable liberté intérieure qu’ils ont été une proie facile pour
1518 une proie facile pour l’étranger, pour les armées de la Révolution française. Je voudrais insister sur ce point : si nous
1519 sur ce point : si nous perdons le sens et le goût de la liberté quotidienne, celle qui se manifeste dans la diversité infi
1520 manifeste dans la diversité infinie des manières de penser et de vivre, nos libertés politiques ne pourront subsister lon
1521 ns la diversité infinie des manières de penser et de vivre, nos libertés politiques ne pourront subsister longtemps, et al
1522 ront subsister longtemps, et alors c’en sera fait de notre liberté vis-à-vis de l’étranger, c’est-à-dire de notre indépend
1523 tre liberté vis-à-vis de l’étranger, c’est-à-dire de notre indépendance nationale. Il ne suffit donc pas de protéger notre
1524 tre indépendance nationale. Il ne suffit donc pas de protéger notre indépendance par des fortifications. C’est l’intérieur
1525 ous voulons que notre armée défende quelque chose de valable. Or quels sont les ennemis intérieurs de notre liberté ? Je n
1526 de valable. Or quels sont les ennemis intérieurs de notre liberté ? Je n’en désignerai ici que deux, qui vous paraîtront
1527 nt peut-être assez inattendus. Ce sont la paresse d’ esprit et l’égalitarisme. Voilà ce que j’entends par paresse d’esprit
1528 égalitarisme. Voilà ce que j’entends par paresse d’ esprit : les Suisses jouissent d’une instruction publique remarquable,
1529 ends par paresse d’esprit : les Suisses jouissent d’ une instruction publique remarquable, mais ils ont la plus grande méfi
1530 ’endroit de la véritable culture. Ils ont horreur de tout ce qui leur paraît compliqué. Ils jugent suspect tout ce qui n’e
1531 telles que bon ou méchant, droite ou gauche, ami de l’ordre ou esprit subversif. Ils exigent toujours des choses simples.
1532 lchévisme ». Pourquoi ? Parce qu’on se contentait de dire : M. Hitler est pour l’ordre, les bolchévistes sont pour le déso
1533 our le désordre. Sans se demander un seul instant de quelle espèce d’ordre il s’agissait. Or, prenons-y garde : cette pass
1534 Sans se demander un seul instant de quelle espèce d’ ordre il s’agissait. Or, prenons-y garde : cette passion maladive pour
1535 imples », elle tend à supprimer toute possibilité de jugement libre, toute véritable liberté d’esprit. Je connais bien des
1536 bilité de jugement libre, toute véritable liberté d’ esprit. Je connais bien des Suisses cultivés que l’intolérance de leur
1537 nnais bien des Suisses cultivés que l’intolérance de leurs concitoyens simplistes a réduits à la neurasthénie, et totaleme
1538 duits à la neurasthénie, et totalement découragés d’ agir, de parler ou d’écrire. Et j’ajouterai : je connais bien des prot
1539 la neurasthénie, et totalement découragés d’agir, de parler ou d’écrire. Et j’ajouterai : je connais bien des protestants
1540 ie, et totalement découragés d’agir, de parler ou d’ écrire. Et j’ajouterai : je connais bien des protestants que notre mor
1541 e n’importe qui par certaine façon peu chrétienne de comparer toujours les défauts pratiques du protestantisme avec les qu
1542 rop. Notre bonne inconscience ne nous empêche pas d’ être « ceux par qui le scandale arrive » ! Notre égalitarisme est, lui
1543  » ! Notre égalitarisme est, lui aussi, une forme de notre paresse d’esprit, bien plus encore qu’une forme de l’envie, com
1544 arisme est, lui aussi, une forme de notre paresse d’ esprit, bien plus encore qu’une forme de l’envie, comme on l’a peut-êt
1545 e paresse d’esprit, bien plus encore qu’une forme de l’envie, comme on l’a peut-être trop dit. Autrefois les Suisses se mé
1546 aventures dictatoriales. Il y avait quelque chose de sain et de profondément démocratique dans l’effacement volontaire des
1547 ictatoriales. Il y avait quelque chose de sain et de profondément démocratique dans l’effacement volontaire des plus grand
1548 s l’effacement volontaire des plus grands Suisses de ces temps-là. Mais aujourd’hui, l’égalitarisme hérité du xixe siècle
1549 du xixe siècle n’est plus qu’une dégénérescence de cet instinct démocratique. Il veut tout unifier, réglementer, central
1550 rentrer dans le rang. Il persécute à petits coups d’ épingle tout ce qui paraît vouloir se distinguer. Pourquoi ? Parce que
1551 Parce que c’est bien plus simple, et plus facile de tout ramener à des mesures médiocres et uniformes. C’est bien plus si
1552 formes. C’est bien plus simple et plus facile que de tenir compte des vivantes diversités, des vocations infiniment divers
1553 alitaires. Nous serions beaucoup plus respectueux de la complexité humaine, parce que nous saurions beaucoup mieux ce que
1554 r respecter sans nulle arrière-pensée la vocation d’ autrui. Car seul un vrai chrétien connaît et aime le secret de la libe
1555 r seul un vrai chrétien connaît et aime le secret de la liberté, que Vinet nous révèle en écrivant : « C’est pour obéir qu
1556 qu’aux hommes. Ceux qui ne savent pas que le but de toutes nos libertés est uniquement de laisser à chacun le droit d’obé
1557 que le but de toutes nos libertés est uniquement de laisser à chacun le droit d’obéir à Dieu seul, plutôt qu’à soi-même o
1558 ertés est uniquement de laisser à chacun le droit d’ obéir à Dieu seul, plutôt qu’à soi-même ou aux autres, ceux-là pensero
1559 toujours, non sans raison, que la liberté risque de se confondre avec l’anarchie. Ils n’aimeront pas vraiment la liberté,
1560 iberté. Oui, nous pouvons le proclamer : il n’y a de liberté réelle dans notre monde que grâce à la foi des chrétiens, et
1561 s aimons à dire en Suisse), le meilleur fondement de notre indépendance nationale, c’est encore notre foi personnelle. Car
1562 i personnelle. Car c’est elle qui reste la source de notre amour de la vraie liberté, et cet amour est le fondement solide
1563 Car c’est elle qui reste la source de notre amour de la vraie liberté, et cet amour est le fondement solide de toutes nos
1564 aie liberté, et cet amour est le fondement solide de toutes nos libertés civiques, comme aussi de notre résistance intime
1565 lide de toutes nos libertés civiques, comme aussi de notre résistance intime aux tentations de la propagande totalitaire.
1566 e aussi de notre résistance intime aux tentations de la propagande totalitaire. Devons-nous rester neutres ? Liberté
1567 otalitarisme… Ceci nous amène à poser la question de notre troisième grand privilège : la neutralité. Notre neutralité, en
1568 certaines limites pénibles à la libre expression de nos convictions, même lorsque celles-ci sont basées sur notre foi non
1569 t à nos propres yeux, notre situation privilégiée de neutres ? Il semble que depuis quelques années, nous ayons renoncé, e
1570 mme une chose qui irait de soi, qui aurait existé de tout temps, sans commencement ni fin imaginables, qui nous serait due
1571 ie, et qui représenterait, en somme, un privilège de droit divin. Nous savons que la neutralité est une conception menacée
1572 uelque sorte contre nature, car l’instinct normal de tout homme le pousse toujours à prendre parti ; et qu’enfin nous devo
1573 situation géographique centrale nous exposerait à de trop grands dangers en cas de guerre, enfin, parce que notre diversit
1574 e nous exposerait à de trop grands dangers en cas de guerre, enfin, parce que notre diversité raciale et religieuse risque
1575 notre diversité raciale et religieuse risquerait d’ entraîner la dislocation de notre fédération, si nous venions à prendr
1576 religieuse risquerait d’entraîner la dislocation de notre fédération, si nous venions à prendre parti. Notons que cet arg
1577 venions à prendre parti. Notons que cet argument de la nécessité n’est guère valable que pour nous, Suisses. Nos voisins
1578 ur nous, Suisses. Nos voisins n’ont aucune raison d’ en tenir compte, bien au contraire. Au lieu de laisser entendre que no
1579 e les traités nous y forcent. Et certes, aux yeux d’ un chrétien et d’un Suisse, les traités ne seront jamais de simples ch
1580 s y forcent. Et certes, aux yeux d’un chrétien et d’ un Suisse, les traités ne seront jamais de simples chiffons de papier 
1581 tien et d’un Suisse, les traités ne seront jamais de simples chiffons de papier ! La Confédération reste fondée sur la fid
1582 les traités ne seront jamais de simples chiffons de papier ! La Confédération reste fondée sur la fidélité à la parole ju
1583 rtout en allemand : Eidgenossenschaft, communauté de ceux qui ont fait serment. Mais ici encore, il nous faut bien voir qu
1584 fication militaire à notre neutralité : il serait de l’intérêt des puissances belligérantes de ne point utiliser le passag
1585 serait de l’intérêt des puissances belligérantes de ne point utiliser le passage par la Suisse, qui les découvrirait sur
1586 . Mais vous savez fort bien que cette raison dite d’ équilibre stratégique peut disparaître d’un jour à l’autre. Et la preu
1587 son dite d’équilibre stratégique peut disparaître d’ un jour à l’autre. Et la preuve que nous ne la prenons pas au sérieux,
1588 ilisés. Je ne discuterai même pas ici, l’argument de l’impartialité, qui put jouer un rôle en 1914-1918. Je crois que les
1589 érants, représentent la négation la plus radicale de l’idéal fédéraliste qui nous unit, par conséquent, la plus grave mena
1590 te-t-il donc à répondre à ceux qui nous demandent d’ entrer en guerre ? Ni l’argument des réalistes, ni celui des juristes,
1591 stratèges, ne suffiraient à justifier notre refus de payer, nous aussi, notre part dans la défense de l’Europe. Je ne dis
1592 qu’ils ne représentent plus une raison suffisante de s’abstenir, et d’autre part, qu’ils n’ont plus de force convaincante
1593 de s’abstenir, et d’autre part, qu’ils n’ont plus de force convaincante pour nos voisins, et, par suite, ne sont plus pour
1594 gré tout nous affirmons que la Suisse a le devoir de rester neutre, ce ne peut donc être qu’au nom d’une réalité qui ne se
1595 pirituelle au premier chef : au nom de la mission de la Suisse dans la communauté européenne. Non, la neutralité de la Sui
1596 dans la communauté européenne. Non, la neutralité de la Suisse ne saurait être un privilège : c’est une charge ! Et ce ser
1597 ne charge ! Et ce serait bien mal la défendre que de la défendre au nom de nos seuls intérêts helvétiques, car elle ne peu
1598 peut et ne doit subsister qu’au nom de l’intérêt de l’Europe entière. Seule, la mission positive de la Suisse rend un sen
1599 t de l’Europe entière. Seule, la mission positive de la Suisse rend un sens et un poids aux arguments que nous jugions tou
1600 antage dès qu’on la considère dans la perspective de notre mission médiatrice. De même, la garantie légale de notre neutra
1601 e mission médiatrice. De même, la garantie légale de notre neutralité n’est qu’un chiffon de papier, si l’on veut y voir s
1602 ie légale de notre neutralité n’est qu’un chiffon de papier, si l’on veut y voir simplement une garantie de nos privilèges
1603 pier, si l’on veut y voir simplement une garantie de nos privilèges. Mais elle devient notre meilleure sûreté dès qu’on la
1604 re sûreté dès qu’on la considère comme une mesure d’ intérêt général en Europe. Rester neutres au nom d’un traité signé à V
1605 res au nom d’un traité signé à Vienne il y a plus de cent ans, soit ! Mais il ne faudrait pas retenir de ce traité uniquem
1606 cent ans, soit ! Mais il ne faudrait pas retenir de ce traité uniquement ce qui nous semblerait y garantir notre sécurité
1607 dit beaucoup plus : « Les Puissances signataires de la déclaration du 20 mars 1815 reconnaissent authentiquement par le p
1608 présent Acte que la neutralité et l’inviolabilité de la Suisse, et son indépendance de toute influence étrangère, sont dan
1609 l’inviolabilité de la Suisse, et son indépendance de toute influence étrangère, sont dans les vrais intérêts de la politiq
1610 influence étrangère, sont dans les vrais intérêts de la politique de L’Europe entière.32 » Et j’en arrive, ici, au centre
1611 ère, sont dans les vrais intérêts de la politique de L’Europe entière.32 » Et j’en arrive, ici, au centre même de tout ce
1612 entière.32 » Et j’en arrive, ici, au centre même de tout ce que je voulais vous dire aujourd’hui : le seul moyen réel et
1613 dire aujourd’hui : le seul moyen réel et réaliste de conserver nos privilèges, c’est de les considérer comme les charges,
1614 el et réaliste de conserver nos privilèges, c’est de les considérer comme les charges, dont nous sommes responsables vis-à
1615 de la communauté européenne. Je voudrais marquer d’ une devise ce point central. Au Moyen âge la noblesse représentait une
1616 rivilège était subordonné à la charge, il n’avait d’ autre but que d’en faciliter l’exercice. C’est pourquoi l’on disait :
1617 ubordonné à la charge, il n’avait d’autre but que d’ en faciliter l’exercice. C’est pourquoi l’on disait : Noblesse oblige.
1618 ent que tous nos privilèges, même naturels, n’ont d’ autre sens et d’autre raison d’être que de nous permettre d’accomplir
1619 privilèges, même naturels, n’ont d’autre sens et d’ autre raison d’être que de nous permettre d’accomplir notre mission sp
1620 me naturels, n’ont d’autre sens et d’autre raison d’ être que de nous permettre d’accomplir notre mission spéciale de Suiss
1621 , n’ont d’autre sens et d’autre raison d’être que de nous permettre d’accomplir notre mission spéciale de Suisses. Disons-
1622 ns et d’autre raison d’être que de nous permettre d’ accomplir notre mission spéciale de Suisses. Disons-nous donc : beauté
1623 nous permettre d’accomplir notre mission spéciale de Suisses. Disons-nous donc : beauté du sol oblige, liberté oblige, neu
1624 , liberté oblige, neutralité oblige ! Vocation de la Suisse Mais il est temps que je définisse ce que j’appelle la m
1625 emps que je définisse ce que j’appelle la mission de la Suisse, ou mieux, d’un terme plus chrétien, sa vocation. C’est trè
1626 que j’appelle la mission de la Suisse, ou mieux, d’ un terme plus chrétien, sa vocation. C’est très facile à dire en quelq
1627 quelques mots. La vocation actuelle et historique de la Suisse, c’est de défendre et d’illustrer aux yeux de l’Europe le p
1628 cation actuelle et historique de la Suisse, c’est de défendre et d’illustrer aux yeux de l’Europe le principe du fédéralis
1629 et historique de la Suisse, c’est de défendre et d’ illustrer aux yeux de l’Europe le principe du fédéralisme ; principe,
1630 ème totalitaire, et seule base possible et solide de la paix que nous espérons. C’est très facile à dire, et ce n’est pas
1631 ots, un peu usés, recouvrent des réalités lourdes de possibilités nouvelles. Que signifient ces mots : défendre et illustr
1632 nseils, par nos initiatives, par certaines prises de position peut-être, les bases de la fédération européenne. L’illustre
1633 certaines prises de position peut-être, les bases de la fédération européenne. L’illustrer, c’est le réaliser, ici et main
1634 ’est faire que notre Suisse ait vraiment le droit de s’offrir en exemple à l’Europe, sur le plan du fédéralisme. Ces deux
1635 ope, sur le plan du fédéralisme. Ces deux aspects de notre vocation me paraissent inséparables. Il faut répandre l’idée fé
1636 saurait attaquer avec succès que si l’on est sûr de ses armes, et solidement appuyé par l’arrière. Il en va de même dans
1637 va de même dans la vie spirituelle. Le seul moyen de garder sa foi, c’est de la prêcher. Il m’arrive même de penser qu’on
1638 pirituelle. Le seul moyen de garder sa foi, c’est de la prêcher. Il m’arrive même de penser qu’on ne croit vraiment que lo
1639 der sa foi, c’est de la prêcher. Il m’arrive même de penser qu’on ne croit vraiment que lorsque, devant d’autres, l’on tém
1640 l’action, la réalisation, l’illustration concrète de ce que l’on prêche. Ce n’est pas par hasard que j’emploie ici une com
1641 pas sans raison non plus que j’ai voulu profiter de cette rencontre de jeunesse chrétienne pour vous parler de la vocatio
1642 n plus que j’ai voulu profiter de cette rencontre de jeunesse chrétienne pour vous parler de la vocation de la Suisse. Qui
1643 rencontre de jeunesse chrétienne pour vous parler de la vocation de la Suisse. Qui, en effet, mieux qu’un chrétien, mieux
1644 unesse chrétienne pour vous parler de la vocation de la Suisse. Qui, en effet, mieux qu’un chrétien, mieux qu’un protestan
1645 ieux qu’un protestant calviniste, pourrait savoir de quoi l’on parle lorsqu’on parle de vocation ? Et à qui reviendraient,
1646 ourrait savoir de quoi l’on parle lorsqu’on parle de vocation ? Et à qui reviendraient, en premier lieu, le droit et le de
1647 endraient, en premier lieu, le droit et le devoir de parler d’une vocation de la Suisse, si ce n’était à nous, chrétiens s
1648 en premier lieu, le droit et le devoir de parler d’ une vocation de la Suisse, si ce n’était à nous, chrétiens suisses ? C
1649 u, le droit et le devoir de parler d’une vocation de la Suisse, si ce n’était à nous, chrétiens suisses ? C’est pourquoi j
1650 rquoi je voudrais consacrer cette dernière partie de ma conférence à quelques remarques sur l’idée de vocation en général,
1651 de ma conférence à quelques remarques sur l’idée de vocation en général, et ensuite, sur les moyens de réaliser notre voc
1652 e vocation en général, et ensuite, sur les moyens de réaliser notre vocation chrétienne en tant que Suisses. Quand on parl
1653 on chrétienne en tant que Suisses. Quand on parle d’ une vocation de la Suisse vis-à-vis de l’Europe, nombreux sont ceux qu
1654 n tant que Suisses. Quand on parle d’une vocation de la Suisse vis-à-vis de l’Europe, nombreux sont ceux qui crient à l’ut
1655 réalités spirituelles, qu’ils traitent volontiers d’ idéologies fumeuses. Ces gens-là se trompent lourdement, et aujourd’hu
1656 l est clair que la guerre actuelle est une guerre de doctrines et même de religions. Des raisons spirituelles la dominent,
1657 erre actuelle est une guerre de doctrines et même de religions. Des raisons spirituelles la dominent, et il s’agit de les
1658 es raisons spirituelles la dominent, et il s’agit de les prendre au sérieux si l’on veut rester réaliste. Épargnés jusqu’i
1659 tant que neutres, justement ! Affirmer la mission de notre neutralité, voilà notre rôle stratégique dans cette bataille de
1660 voilà notre rôle stratégique dans cette bataille de doctrines. Nous venons de le constater, à propos de la neutralité : c
1661 oilà ce qui distingue extérieurement une vocation d’ une utopie. Il ne suffit pas qu’une idée soit généreuse ou grande pour
1662 soit généreuse ou grande pour qu’on ait le droit d’ y voir une vocation. Il faut encore qu’elle parte des possibilités con
1663 i par exemple un Suisse croyait avoir la vocation d’ un dictateur ou d’un conquérant, d’un Hitler ou d’un Napoléon, on sera
1664 uisse croyait avoir la vocation d’un dictateur ou d’ un conquérant, d’un Hitler ou d’un Napoléon, on serait en droit de lui
1665 ir la vocation d’un dictateur ou d’un conquérant, d’ un Hitler ou d’un Napoléon, on serait en droit de lui dire : ta préten
1666 d’un dictateur ou d’un conquérant, d’un Hitler ou d’ un Napoléon, on serait en droit de lui dire : ta prétendue vocation n’
1667 d’un Hitler ou d’un Napoléon, on serait en droit de lui dire : ta prétendue vocation n’est qu’une utopie, parce qu’elle n
1668 des données très solides. De par notre situation de fait, nous sommes, si je puis dire, pratiquement condamnés à l’idéali
1669 e. Mais beaucoup de bons Suisses ne le voient pas de leurs yeux, et par suite, ne veulent pas y croire. Ils prétendent ten
1670 y croire. Ils prétendent tenir compte uniquement de ce qui est inscrit dans nos nécessités, dans notre situation géograph
1671 nt être vues et touchées, nos Alpes, la petitesse de notre territoire, et nos difficultés économiques, ils n’aperçoivent n
1672 omiques, ils n’aperçoivent nullement l’indication d’ une vocation européenne de la Suisse. Dans un certain sens, ils n’ont
1673 nullement l’indication d’une vocation européenne de la Suisse. Dans un certain sens, ils n’ont pas tort. Une vocation n’e
1674 y déchiffrer, et cela ne se peut qu’avec les yeux de l’esprit. Tenir compte des faits ne suffit pas : il faut savoir leur
1675 donner un sens, leur ajouter un sens par un acte de l’esprit ; et y croire, par un acte de foi. Il n’en va pas autrement
1676 ar un acte de l’esprit ; et y croire, par un acte de foi. Il n’en va pas autrement dans la vie du chrétien. Nous ne pouvon
1677 ie du chrétien. Nous ne pouvons jamais partir que de ce que nous sommes, c’est entendu, mais ce n’est pas une raison pour
1678 toujours un appel, un appel qui vient du dehors, de Quelqu’un d’autre, et qui nous force à sortir de nous-mêmes. Elle ne
1679 appel, un appel qui vient du dehors, de Quelqu’un d’ autre, et qui nous force à sortir de nous-mêmes. Elle ne résulte pas m
1680 de Quelqu’un d’autre, et qui nous force à sortir de nous-mêmes. Elle ne résulte pas mécaniquement de notre situation de f
1681 de nous-mêmes. Elle ne résulte pas mécaniquement de notre situation de fait : elle s’y ajoute. Notre foi l’y ajoute. Pour
1682 e ne résulte pas mécaniquement de notre situation de fait : elle s’y ajoute. Notre foi l’y ajoute. Pourquoi un incroyant d
1683 elque chose qui vient d’ailleurs, qui ne vient ni de lui, ni de ses aptitudes, ni de son hérédité raciale, ni de son milie
1684 qui vient d’ailleurs, qui ne vient ni de lui, ni de ses aptitudes, ni de son hérédité raciale, ni de son milieu, et qui n
1685 , qui ne vient ni de lui, ni de ses aptitudes, ni de son hérédité raciale, ni de son milieu, et qui n’était nullement « in
1686 de ses aptitudes, ni de son hérédité raciale, ni de son milieu, et qui n’était nullement « inscrit » dans tous ces faits.
1687 la foi. Maintenant donc, il s’agit pour nous tous de reconnaître la vocation suisse, d’en revêtir la charge, d’en être les
1688 pour nous tous de reconnaître la vocation suisse, d’ en revêtir la charge, d’en être les porteurs. Premièrement en la défen
1689 aître la vocation suisse, d’en revêtir la charge, d’ en être les porteurs. Premièrement en la défendant, deuxièmement en l’
1690 oyens il pourrait y contribuer, je lui demanderai d’ aider au moins ceux qui se trouveraient mieux placés dans ce combat, e
1691 i se trouveraient mieux placés dans ce combat, et d’ être prêt à leur porter main-forte, cas échéant. Car tout revient, dan
1692 Car tout revient, dans ce domaine, à une question d’ état d’esprit et de préparation morale. Ce qu’il s’agit de créer, avan
1693 ans ce domaine, à une question d’état d’esprit et de préparation morale. Ce qu’il s’agit de créer, avant tout, c’est une d
1694 ’esprit et de préparation morale. Ce qu’il s’agit de créer, avant tout, c’est une disposition du sentiment public favorabl
1695 s entreprises éventuelles, qu’il serait imprudent de préciser trop vite, mais qui naîtront sans aucun doute, ici ou là, da
1696 actement un complément à ma précédente définition de la vocation. Je viens de vous dire qu’il serait prématuré de préciser
1697 ion. Je viens de vous dire qu’il serait prématuré de préciser dès maintenant le plan d’une entreprise fédéraliste européen
1698 rait prématuré de préciser dès maintenant le plan d’ une entreprise fédéraliste européenne, sur l’initiative de la Suisse.
1699 treprise fédéraliste européenne, sur l’initiative de la Suisse. Or on pourrait me faire remarquer qu’une vocation est touj
1700 cation est toujours un appel précis. Le type même de la vocation, c’est l’appel aux Prophètes dans l’Ancien Testament. Die
1701 éjà nous habituer à voir plus grand sans décoller de la réalité, à voir plus grand pour rester dans le réel ; nous habitue
1702 pour rester dans le réel ; nous habituer à l’idée de faire un jour quelque chose de grand pour l’Europe. Peut-être est-il
1703 habituer à l’idée de faire un jour quelque chose de grand pour l’Europe. Peut-être est-il encore trop tôt pour mobiliser
1704 t pour mobiliser l’opinion en faveur d’une action de la Suisse auprès de ses voisins en guerre. Peut-être n’y a-t-il rien
1705 spirituelle que je réclame, c’est plutôt une mise de piquet. Soyons prêts à répondre à tout appel, même balbutiant, qui se
1706 urons à dire à nos voisins, forts que nous sommes d’ une expérience fédéraliste de six siècles. Et surtout, ne dénigrons pa
1707 orts que nous sommes d’une expérience fédéraliste de six siècles. Et surtout, ne dénigrons pas les tentatives qui se ferai
1708 ens comme nous avons trop souvent dénigré l’essai de Société des Nations. Essayons au contraire de les améliorer, si nous
1709 rer notre fédéralisme, c’est-à-dire à le réaliser d’ une manière qui le rende exemplaire au sens littéral de ce mot. Profit
1710 manière qui le rende exemplaire au sens littéral de ce mot. Profitons de notre paix matérielle pour le parfaire et pour l
1711 exemplaire au sens littéral de ce mot. Profitons de notre paix matérielle pour le parfaire et pour l’approfondir jusque d
1712 faire et pour l’approfondir jusque dans le détail de nos vies, en sorte que cette réduction d’Europe fédérée, qu’est la Su
1713 détail de nos vies, en sorte que cette réduction d’ Europe fédérée, qu’est la Suisse, soit au moins de l’ouvrage bien fait
1714 d’Europe fédérée, qu’est la Suisse, soit au moins de l’ouvrage bien faite, digne d’être exposée, et en bonne place, comme
1715 sse, soit au moins de l’ouvrage bien faite, digne d’ être exposée, et en bonne place, comme un modèle valable pour l’Europe
1716 onne place, comme un modèle valable pour l’Europe de demain. Voilà un travail immédiat. Nul besoin, cette fois-ci, d’atten
1717 à un travail immédiat. Nul besoin, cette fois-ci, d’ attendre que la paix s’approche pour s’y mettre. Notre vocation intéri
1718 ’une suppose l’autre et la soutient. Je laisserai de côté, ce matin, l’aspect politique au sens étroit du problème. J’esti
1719 toute l’espérance œcuménique. Connaître le voisin de langue ou de confession différente ; lui reconnaître le droit de diff
1720 ance œcuménique. Connaître le voisin de langue ou de confession différente ; lui reconnaître le droit de différer de nous 
1721 confession différente ; lui reconnaître le droit de différer de nous ; le comprendre jusqu’à la limite du possible comme
1722 différente ; lui reconnaître le droit de différer de nous ; le comprendre jusqu’à la limite du possible comme il se compre
1723 nt soutenir, précisément, au nom de leur vocation d’ Églises suisses. Ceci m’amène à mon troisième et dernier point. C’est
1724 travailler à cette défense, à cette illustration de l’idée suisse. Je m’explique. Le chrétien a le devoir d’agir, d’agir
1725 ée suisse. Je m’explique. Le chrétien a le devoir d’ agir, d’agir dans le monde et pour le monde, dans la cité où il est né
1726 e. Je m’explique. Le chrétien a le devoir d’agir, d’ agir dans le monde et pour le monde, dans la cité où il est né, et pou
1727 il est né, et pour son bien. Il n’a pas le droit de s’en désintéresser, et de laisser les autres s’égarer, quitte à les d
1728 en. Il n’a pas le droit de s’en désintéresser, et de laisser les autres s’égarer, quitte à les dénoncer ensuite pathétique
1729 tte à les dénoncer ensuite pathétiquement du haut de la chaire ! Or l’action d’un chrétien, placé par sa naissance dans la
1730 pathétiquement du haut de la chaire ! Or l’action d’ un chrétien, placé par sa naissance dans la communauté des Suisses, do
1731 es, doit naturellement s’insérer dans les données de fait qui sont celles du pays, qui sont communes à tous les citoyens.
1732 la mission spéciale du citoyen chrétien, ce sera de dégager de ces données communes un sens spirituel, une vocation. Car
1733 spéciale du citoyen chrétien, ce sera de dégager de ces données communes un sens spirituel, une vocation. Car le chrétien
1734 ar le chrétien est, si l’ose dire, un spécialiste de la vocation. Cette action particulière du citoyen chrétien sera dans
1735 ticulière du citoyen chrétien sera dans l’intérêt de la Suisse, certes. Mais elle sera d’abord obéissance à la foi. J’insi
1736 e que nous sommes Suisses, mais nous devons être de bons Suisses parce que nous sommes chrétiens d’abord. Je tiens à diss
1737 à dissiper ici toute équivoque. Il ne manque pas de gens, chez nous, pour dire qu’un bon citoyen suisse a le devoir d’êtr
1738 s, pour dire qu’un bon citoyen suisse a le devoir d’ être chrétien, comme si ce devoir était la conséquence obligatoire d’u
1739 mme si ce devoir était la conséquence obligatoire d’ un très ardent patriotisme. Si certains n’hésitent pas, dans leurs dis
1740 tent pas, dans leurs discours, à invoquer le Dieu de nos pères, il semble parfois que c’est moins parce qu’ils croient le
1741 i, que parce qu’ils le croient utile au bon moral de la nation, voire à la discipline des troupes. Ces gens-là, vous les r
1742 nt à ces quelques traits : ils ont une conception de la « religion » plutôt déiste qu’évangélique ; ils prônent un moralis
1743 t bourgeois que charitable ; et ils ont une façon d’ exalter la croix blanche de notre drapeau qui rappelle davantage le Go
1744 ; et ils ont une façon d’exalter la croix blanche de notre drapeau qui rappelle davantage le Gott mit uns de Guillaume II
1745 re drapeau qui rappelle davantage le Gott mit uns de Guillaume II que le « Dieu premier servi » de Jeanne d’Arc. Bref, l’i
1746 uns de Guillaume II que le « Dieu premier servi » de Jeanne d’Arc. Bref, l’intérêt qu’ils portent à la religion paraît sub
1747 ent le contraire, je le répète : nous devons être de bons Suisses parce que nous sommes chrétiens d’abord. Gardons-nous du
1748 parler, j’opposerai cette déclaration prophétique d’ un homme dont la pensée me paraît plus actuelle que jamais, Alexandre
1749 eulement pour tout le monde, faites-nous la grâce de n’en point vouloir. » Car « la société qui veut m’ôter ma religion m’
1750 se des manuels, des cartes postales, des discours de tirs fédéraux ; n’est pas la Suisse qui se vante de ses beautés, de s
1751 tirs fédéraux ; n’est pas la Suisse qui se vante de ses beautés, de ses libertés et de sa neutralité, mais bien la Suisse
1752 n’est pas la Suisse qui se vante de ses beautés, de ses libertés et de sa neutralité, mais bien la Suisse qui sait reconn
1753 e qui se vante de ses beautés, de ses libertés et de sa neutralité, mais bien la Suisse qui sait reconnaître dans ces priv
1754 i sait reconnaître dans ces privilèges les signes d’ une mission dont elle est responsable. Une seule idée… Mais si nous l’
1755 butant perdront leur légitimité. Si nous refusons de considérer le fait d’être Suisses comme une espèce de « filon », dans
1756 égitimité. Si nous refusons de considérer le fait d’ être Suisses comme une espèce de « filon », dans notre Europe déchirée
1757 onsidérer le fait d’être Suisses comme une espèce de « filon », dans notre Europe déchirée, si nous le considérons tout au
1758 ssion spéciale », nous apprendrons à voir au-delà de nous-mêmes et par suite à penser plus librement, et avec plus de géné
1759 t par suite à penser plus librement, et avec plus de générosité. Et alors nous serons en état de mesurer la vraie grandeur
1760 plus de générosité. Et alors nous serons en état de mesurer la vraie grandeur des événements actuels, la vraie grandeur d
1761 e nôtre. Et parce que nous serons plus conscients de ce que nous avons à donner, nous serons mieux armés pour défendre la
1762 . Conférence prononcée le 28 janvier 1940 au camp de Tavannes des UCJG. 32. Cette phrase prend toute son importance histo
1763 appelle que les Waldstätten, déjà, furent libérés de tout vasselage dans l’intérêt du Saint-Empire, et non point parce que
1764 faire un petit plaisir ! Ainsi le fondement même de la Confédération est sa mission européenne. 33. En Russie, évidemmen
6 1940, Mission ou démission de la Suisse. Esquisses d’une politique fédéraliste
1765 Esquisses d’ une politique fédéraliste Il se peut que le fédéralisme n’ait été à
1766 praxis ne peut rayonner et créer qu’avec l’appui d’ une theoria, à partir d’un certain moment. Ce moment est venu. Nous y
1767 et créer qu’avec l’appui d’une theoria, à partir d’ un certain moment. Ce moment est venu. Nous y sommes. Dans la révoluti
1768 efficace, voilà le principe tactique fondamental de notre siècle. Si aucune contre-propagande n’entre en action pour la n
1769 ain rendement, qui varie entre 5 % (dans les pays d’ opinion « libre ») et 98 ½ % (dans d’autres pays). Il y a donc aujour
1770 onc aujourd’hui pour le fédéralisme une nécessité de s’exprimer, quand ce ne serait que pour se défendre. Mais en même tem
1771 e. Mais en même temps, une possibilité se révèle, d’ élargissement européen ; un appel, voire une exigence, qui nous fait u
1772 ppel, voire une exigence, qui nous fait un devoir d’ attaquer au niveau des idées et des doctrines. Mais afin de nous mettr
1773 des doctrines. Mais afin de nous mettre en mesure de « prêcher » le fédéralisme, il nous faut savoir d’où il vient ; savoi
1774 e « prêcher » le fédéralisme, il nous faut savoir d’ où il vient ; savoir aussi à quoi il tend ; et prouver la réalité de c
1775 voir aussi à quoi il tend ; et prouver la réalité de ce savoir par une existence exemplaire. Je ne puis parler ici que des
1776 cessité, et tend à nous y enfermer. Dans le monde de l’esprit, tout s’ouvre et se libère, devient grâce et devient nouveau
1777 râce et devient nouveauté. L’action réelle, c’est de passer du monde de la nécessité à celui de la liberté. Cet acte seul
1778 veauté. L’action réelle, c’est de passer du monde de la nécessité à celui de la liberté. Cet acte seul nous rend humains e
1779 c’est de passer du monde de la nécessité à celui de la liberté. Cet acte seul nous rend humains et nous maintient à haute
1780 eul nous rend humains et nous maintient à hauteur d’ homme. (Pas question de monter jusqu’à l’ange ; nous avons bien assez
1781 t nous maintient à hauteur d’homme. (Pas question de monter jusqu’à l’ange ; nous avons bien assez à faire à ne point reto
1782 a bête.) Ainsi pour le fédéralisme. Qu’il soit né de la géographie, c’est un fait dont il faut partir sous peine d’utopie
1783 hie, c’est un fait dont il faut partir sous peine d’ utopie pernicieuse. Mais il faut en « partir » justement, si l’on veut
1784 i l’on veut qu’il révèle son sens. Aucun fait n’a de sens en soi. L’esprit seul donne un sens aux données dans lesquelles
1785 s artificiel, plus utopique, que le matérialisme, d’ où qu’il vienne. Cette doctrine n’est en fait qu’un ressentiment. Elle
1786 n ressentiment. Elle naît toujours des déceptions de l’idéalisme, de ses abus et de ses lacunes. Elle est toujours une rev
1787 Elle naît toujours des déceptions de l’idéalisme, de ses abus et de ses lacunes. Elle est toujours une revanche des instin
1788 urs des déceptions de l’idéalisme, de ses abus et de ses lacunes. Elle est toujours une revanche des instincts, une nostal
1789 es vérités élémentaires que je ne m’excuserai pas de les rappeler ici. Quand abandonnerons-nous cette manie suisse de déno
1790 ici. Quand abandonnerons-nous cette manie suisse de dénoncer comme « utopistes », « rêveurs abstraits », « idéologues bru
1791 ues brumeux », ceux parmi nous qui se souviennent d’ être hommes, créatures de l’esprit autant que de la terre, chargés d’u
1792 nous qui se souviennent d’être hommes, créatures de l’esprit autant que de la terre, chargés d’une vocation et non seulem
1793 t d’être hommes, créatures de l’esprit autant que de la terre, chargés d’une vocation et non seulement d’hérédités problém
1794 tures de l’esprit autant que de la terre, chargés d’ une vocation et non seulement d’hérédités problématiques ! Il reste qu
1795 la terre, chargés d’une vocation et non seulement d’ hérédités problématiques ! Il reste que la position géographique de la
1796 ématiques ! Il reste que la position géographique de la Suisse semble l’avoir prédestinée à un statut fédéraliste. C’est t
1797 sée à celle qui règne normalement dans les landes de la Prusse ou les steppes de l’Asie. Le fait géographique que le Gotha
1798 ement dans les landes de la Prusse ou les steppes de l’Asie. Le fait géographique que le Gothard est le seul point où un s
1799 Gothard est le seul point où un seul col permette de traverser les Alpes suffit à expliquer ce grand fait historique : l’i
1800 e la Nature, qui se borne à leur fournir un point de fixation. C’est l’esprit des communes italiennes qui donne l’impulsio
1801 puis sur l’autre versant du Gothard, aux environs de 129134. En vérité, dès ce début, c’est la mission spéciale confiée au
1802 nds la garde du Gothard — qui définit l’existence de la Suisse et assure son indépendance. La nécessité de s’entraider et
1803 a Suisse et assure son indépendance. La nécessité de s’entraider et le besoin d’indépendance des montagnards existaient au
1804 endance. La nécessité de s’entraider et le besoin d’ indépendance des montagnards existaient aussi bien dans le reste des A
1805 en dans le reste des Alpes : ce qui leur a permis de se réaliser en ce point très précis de l’espace et du temps, ce n’est
1806 r a permis de se réaliser en ce point très précis de l’espace et du temps, ce n’est pas seulement le fait physique de l’ou
1807 du temps, ce n’est pas seulement le fait physique de l’ouverture du col du St-Gothard, mais c’est aussi le fait sociologiq
1808 a l’idée et l’idéal du Saint-Empire, c’est-à-dire de l’Europe unie, dont il faut protéger le cœur. Toute l’histoire suiss
1809 , illustre le même équilibre entre les conditions de fait et les volontés de l’esprit. C’est une interminable interaction
1810 ibre entre les conditions de fait et les volontés de l’esprit. C’est une interminable interaction de l’idéal et de la néce
1811 s de l’esprit. C’est une interminable interaction de l’idéal et de la nécessité, de l’intérêt local et de l’intérêt commun
1812 C’est une interminable interaction de l’idéal et de la nécessité, de l’intérêt local et de l’intérêt commun, de la petite
1813 inable interaction de l’idéal et de la nécessité, de l’intérêt local et de l’intérêt commun, de la petite patrie et de l’E
1814 l’idéal et de la nécessité, de l’intérêt local et de l’intérêt commun, de la petite patrie et de l’Empire. Peu à peu, le G
1815 ssité, de l’intérêt local et de l’intérêt commun, de la petite patrie et de l’Empire. Peu à peu, le Gothard perdra son imp
1816 al et de l’intérêt commun, de la petite patrie et de l’Empire. Peu à peu, le Gothard perdra son importance économique, mai
1817 importance économique, mais il prendra la valeur d’ un symbole, et la mission des Suisses s’élargira. Peu à peu, de nouvea
1818 et la mission des Suisses s’élargira. Peu à peu, de nouveaux cantons s’allieront aux communes du Gothard. Un réseau compl
1819 ront aux communes du Gothard. Un réseau compliqué de pactes reliera les villes aux campagnes. Et chaque fois que l’un des
1820 fois que l’un des cantons voudra prendre la tête de la Ligue, il trouvera tous les autres unis contre sa volonté d’hégémo
1821 l trouvera tous les autres unis contre sa volonté d’ hégémonie. Ainsi jusqu’à la fin du xve siècle. À ce moment, malgré to
1822 xve siècle. À ce moment, malgré tous les efforts de Nicolas de Flue, la puissance matérielle et la grandeur territoriale
1823 gogne… Vont-ils faillir à leur mission ? La Garde de l’Europe fera-t-elle un coup d’État, et, trahissant l’Empire, deviend
1824 ission ? La Garde de l’Europe fera-t-elle un coup d’ État, et, trahissant l’Empire, deviendra-t-elle impérialiste pour son
1825 Les historiens modernes accusent parfois Zwingli d’ avoir brisé l’essor guerrier des Suisses, leur élan vers la mer et l’a
1826 e pouvait être gouverné par les cantons dépourvus de pouvoir central. Ou bien ce pouvoir aurait dû être improvisé, et c’eû
1827 oir aurait dû être improvisé, et c’eût été la fin de notre fédéralisme ; ou bien les provinces annexées auraient pris une
1828 s en deux camps religieux eut au moins pour effet de tuer en germe l’ambition centralisatrice, chez ceux-là mêmes qui deva
1829 x appuis étrangers, et c’est le nouveau fondement de notre neutralité. Ils accommodent leurs exigences aux nécessités de l
1830 é. Ils accommodent leurs exigences aux nécessités de l’union, et c’est le nouveau fondement de notre fédéralisme. Ainsi l’
1831 essités de l’union, et c’est le nouveau fondement de notre fédéralisme. Ainsi l’on a passé progressivement d’une alliance
1832 e fédéralisme. Ainsi l’on a passé progressivement d’ une alliance avant tout nécessaire à une alliance beaucoup plus spirit
1833 uand celle-ci sera stabilisée — après les guerres de Villmergen, au xviiie siècle —, la Confédération sera capable d’inté
1834 u xviiie siècle —, la Confédération sera capable d’ intégrer et des « races » et des langues nouvelles : c’est ce qui se p
1835 t du siècle suivant, par le rattachement sur pied d’ égalité des cantons italiens et romands. Notre fédéralisme actuel ne d
1836 omands. Notre fédéralisme actuel ne date donc que de 1848 ; et ce n’est même qu’à partir de 1919 que son statut légal a pr
1837 partir de 1919 que son statut légal a pris force de vie. (Quand le « fossé » eut été comblé.) Nous sommes donc au sommet
1838 ssé » eut été comblé.) Nous sommes donc au sommet de notre histoire, si l’on admet que le sens de cette histoire est de cr
1839 mmet de notre histoire, si l’on admet que le sens de cette histoire est de créer et d’illustrer la réalité fédérale. Cepen
1840 , si l’on admet que le sens de cette histoire est de créer et d’illustrer la réalité fédérale. Cependant de nouveaux probl
1841 met que le sens de cette histoire est de créer et d’ illustrer la réalité fédérale. Cependant de nouveaux problèmes, et des
1842 éer et d’illustrer la réalité fédérale. Cependant de nouveaux problèmes, et des plus graves, sollicitent un progrès nouvea
1843 autres plans. Or, on ne peut résoudre un problème de ce genre qu’en dépassant l’opposition qui l’a fait naître. Dépasser,
1844 achant où l’on va. Car autrement l’on risque bien de reculer ou de tourner en rond. IIOù va le fédéralisme ? C’est i
1845 va. Car autrement l’on risque bien de reculer ou de tourner en rond. IIOù va le fédéralisme ? C’est ici qu’apparaît
1846 apparaît au concret le problème, ou la nécessité, d’ une philosophie fédéraliste. Car lorsqu’il s’agit de prévoir, l’empiri
1847 une philosophie fédéraliste. Car lorsqu’il s’agit de prévoir, l’empirisme ne suffit plus. La vue doit s’élargir ; et le se
1848 argir ; et le seul horizon qu’il nous soit permis d’ embrasser, c’est celui de l’Europe entière, non tel groupe de puissanc
1849 n qu’il nous soit permis d’embrasser, c’est celui de l’Europe entière, non tel groupe de puissances voisines. Or l’Europe
1850 , c’est celui de l’Europe entière, non tel groupe de puissances voisines. Or l’Europe est un idéal, une civilisation et un
1851 n, les notes qui vont suivre ont-elles l’ambition de poser le problème du fédéralisme sur le seul plan où nos conflits int
1852 lan où nos conflits internes aient quelque chance de se résoudre : le plan de l’Europe. Notre fédéralisme ne peut durer qu
1853 nes aient quelque chance de se résoudre : le plan de l’Europe. Notre fédéralisme ne peut durer que si nous lui donnons pou
1854 er que si nous lui donnons pour fin la fédération de l’Occident. 1. Tout d’abord une définition. Fédération veut dire : un
1855 ande surtout, a pris le sens restreint et inexact d’ autonomie de la région. Le mot allemand de Bund n’insiste que sur l’un
1856 , a pris le sens restreint et inexact d’autonomie de la région. Le mot allemand de Bund n’insiste que sur l’union. Quand j
1857 inexact d’autonomie de la région. Le mot allemand de Bund n’insiste que sur l’union. Quand je parle de fédéralisme et de f
1858 de Bund n’insiste que sur l’union. Quand je parle de fédéralisme et de fédération, j’entends à la fois union et autonomie
1859 que sur l’union. Quand je parle de fédéralisme et de fédération, j’entends à la fois union et autonomie des parties qui s’
1860 dées qui sont « dans l’air » et qui risquent bien de rester des idées « en l’air ». L’idée de fédération européenne par ex
1861 ent bien de rester des idées « en l’air ». L’idée de fédération européenne par exemple. Essayons donc de la faire redescen
1862 fédération européenne par exemple. Essayons donc de la faire redescendre dans les complexités où elle doit s’incarner ; n
1863 terre, mais au niveau de notre action, à hauteur d’ homme. 3. Promouvoir une fédération, ce n’est pas créer un nouvel ordr
1864 st pas créer un nouvel ordre systématique, simple de lignes, clair et satisfaisant pour la logique. Fédérer, c’est tout si
1865 emble des réalités concrètes. Pour être en mesure de comprendre vraiment la véritable alternative politique de notre temps
1866 endre vraiment la véritable alternative politique de notre temps : totalitarisme ou fédéralisme (et non point gauche ou dr
1867  : la différence infinie qui existe entre « faire de l’ordre » sur une table de travail et « arranger » des papiers. Il ar
1868 i existe entre « faire de l’ordre » sur une table de travail et « arranger » des papiers. Il arrive que ma femme de ménage
1869 « arranger » des papiers. Il arrive que ma femme de ménage fasse de l’ordre à son idée dans mon bureau : c’est une petite
1870 s papiers. Il arrive que ma femme de ménage fasse de l’ordre à son idée dans mon bureau : c’est une petite catastrophe tot
1871 ur moi, quand j’arrange mes feuilles en une série de liasses ou d’éventails, je ne tiens pas compte de leur format ou de l
1872 j’arrange mes feuilles en une série de liasses ou d’ éventails, je ne tiens pas compte de leur format ou de leur couleur, m
1873 de liasses ou d’éventails, je ne tiens pas compte de leur format ou de leur couleur, mais de ce que j’ai écrit dessus. Et
1874 entails, je ne tiens pas compte de leur format ou de leur couleur, mais de ce que j’ai écrit dessus. Et c’est pourquoi je
1875 as compte de leur format ou de leur couleur, mais de ce que j’ai écrit dessus. Et c’est pourquoi je m’y retrouve avec aisa
1876 conforme au sens et aux qualités propres à chacun de ces feuillets, conforme aussi à mon usage pratique ; tenant compte de
1877 i à mon usage pratique ; tenant compte des uns et de l’autre, dans une mesure que je ne songe pas à définir, mais que m’in
1878 j’entends l’œuvre que j’ai en train. Il n’y a pas de petits exemples pour qui sait lire le réel « dans le texte », et ne s
1879 le réel « dans le texte », et ne se contente pas de résumés traduits. 4. Prenons maintenant la fédération suisse au seul
1880 ons maintenant la fédération suisse au seul titre d’ exemple enseignant pour l’Europe. En vérité, ce ne sont ni les idées q
1881 nature qui l’a « dicté » ; mais ce statut est né de l’arrangement tout empirique de réalités très diverses, voire même tr
1882 ce statut est né de l’arrangement tout empirique de réalités très diverses, voire même très hétéroclites : la nature comp
1883 nt des communes italiennes, l’instinct germanique de la liberté armée, la rivalité entre l’empereur et les grands vassaux,
1884 e plus ou moins consciemment dans le Pacte fameux de 1291, qui fonde officiellement la Confédération. Cette confédération
1885 l’avons vue s’accroître organiquement par un jeu d’ alliances très complexes, qui se chevauchent sans jamais se recouvrir
1886 rimitif des cantons forestiers s’allie aux villes de Lucerne et Zurich ; puis conquiert avec l’aide de Zurich les pays de
1887 de Lucerne et Zurich ; puis conquiert avec l’aide de Zurich les pays de Glaris et de Zoug ; puis les libère et s’allie ave
1888 h ; puis conquiert avec l’aide de Zurich les pays de Glaris et de Zoug ; puis les libère et s’allie avec eux ; puis s’alli
1889 uiert avec l’aide de Zurich les pays de Glaris et de Zoug ; puis les libère et s’allie avec eux ; puis s’allie avec Berne,
1890 dant des siècles, la Confédération n’a donc point de centre légal, de capitale, ni de constitution. Elle ne connaît et ne
1891 la Confédération n’a donc point de centre légal, de capitale, ni de constitution. Elle ne connaît et ne tolère nulle hégé
1892 n n’a donc point de centre légal, de capitale, ni de constitution. Elle ne connaît et ne tolère nulle hégémonie dans son s
1893 réunit comme spontanément, ici ou là, et n’a pas de pouvoirs bien définis, mais seulement une autorité, souvent décisive
1894 ns se trouvent appartenir à deux ou trois réseaux d’ alliances, lesquelles ne sont pas toujours réciproques dans toutes leu
1895 iproques dans toutes leurs obligations. (Comme si de nos jours deux pays concluaient un pacte qui pour l’un serait d’assis
1896 ux pays concluaient un pacte qui pour l’un serait d’ assistance obligatoire, pour l’autre seulement de non-agression.) D’où
1897 d’assistance obligatoire, pour l’autre seulement de non-agression.) D’où vient que cette fédération ait triomphé de toute
1898 atoire, pour l’autre seulement de non-agression.) D’ où vient que cette fédération ait triomphé de toutes les crises d’une
1899 on.) D’où vient que cette fédération ait triomphé de toutes les crises d’une histoire violente et complexe ? Le secret de
1900 ette fédération ait triomphé de toutes les crises d’ une histoire violente et complexe ? Le secret de sa force est à peine
1901 s d’une histoire violente et complexe ? Le secret de sa force est à peine formulable : il est de l’ordre du sentiment. Oui
1902 ecret de sa force est à peine formulable : il est de l’ordre du sentiment. Oui, ce n’est guère qu’un sentiment communautai
1903 choses — qui n’est qu’une traduction automatique de la faiblesse des hommes — fait aujourd’hui de la pratique traditionne
1904 que de la faiblesse des hommes — fait aujourd’hui de la pratique traditionnelle du fédéralisme helvétique une sorte de pro
1905 raditionnelle du fédéralisme helvétique une sorte de programme, et même de manifeste. Par la force des choses, l’union pai
1906 alisme helvétique une sorte de programme, et même de manifeste. Par la force des choses, l’union paisible de deux religion
1907 ifeste. Par la force des choses, l’union paisible de deux religions, de quatre langues, de 22 républiques, et de je ne sai
1908 e des choses, l’union paisible de deux religions, de quatre langues, de 22 républiques, et de je ne sais combien de « race
1909 on paisible de deux religions, de quatre langues, de 22 républiques, et de je ne sais combien de « races » en un État qui
1910 ligions, de quatre langues, de 22 républiques, et de je ne sais combien de « races » en un État qui les respecte, cette un
1911 gues, de 22 républiques, et de je ne sais combien de « races » en un État qui les respecte, cette union prend l’allure à l
1912 es respecte, cette union prend l’allure à la fois d’ un antiracisme déclaré et d’un antinationalisme. Par la force des chos
1913 nd l’allure à la fois d’un antiracisme déclaré et d’ un antinationalisme. Par la force des choses, la pratique séculaire et
1914 des choses, la pratique séculaire et instructive d’ une méthode d’arrangements empiriques, c’est-à-dire non rationalistes,
1915 a pratique séculaire et instructive d’une méthode d’ arrangements empiriques, c’est-à-dire non rationalistes, prend l’allur
1916 s, c’est-à-dire non rationalistes, prend l’allure d’ un antijacobinisme, ou d’un antimarxisme. Par la force des choses enf
1917 nalistes, prend l’allure d’un antijacobinisme, ou d’ un antimarxisme. Par la force des choses enfin, la préférence accordé
1918 r les Suisses à la coutume sur la loi ; leur goût d’ utiliser ce qui existe plutôt que de décréter sur table rase ; leur re
1919 i ; leur goût d’utiliser ce qui existe plutôt que de décréter sur table rase ; leur refus d’opposer pathétiquement la trad
1920 lutôt que de décréter sur table rase ; leur refus d’ opposer pathétiquement la tradition et le progrès, tout cela prend l’a
1921 tradition et le progrès, tout cela prend l’allure d’ une réaction contre les « mystiques » et les mythes, apparemment contr
1922 ues » et les mythes, apparemment contradictoires, de la révolution européenne36. L’instinct contrecarré devient conscience
1923 n par une propagande agressive se voit contrainte de développer pour sa défense une théorie. Nous vivons ce moment de l’hi
1924 our sa défense une théorie. Nous vivons ce moment de l’histoire où le fédéralisme, s’il veut durer, doit devenir à son tou
1925 crise : ou se nier, ou triompher mais sur le plan de l’Europe entière. 6. Le grand danger de l’heure présente, pour la Sui
1926 r le plan de l’Europe entière. 6. Le grand danger de l’heure présente, pour la Suisse, je le vois dans ce fait qu’elle doi
1927 mieux. Elle s’expose à son risque maximum : celui de décoller de ses bases concrètes, perdant ainsi en force originelle ce
1928 s’expose à son risque maximum : celui de décoller de ses bases concrètes, perdant ainsi en force originelle ce qu’elle pou
1929 iginelle ce qu’elle pourrait gagner en conscience de ses fins. De même pour le fédéralisme européen. Un sentiment commun s
1930 ent commun se formait peu à peu, depuis la guerre de 1914-18. La SDN fut l’un de ses symptômes, bien faible encore. L’idée
1931 peu, depuis la guerre de 1914-18. La SDN fut l’un de ses symptômes, bien faible encore. L’idée d’un réseau de pactes bilat
1932 l’un de ses symptômes, bien faible encore. L’idée d’ un réseau de pactes bilatéraux, ou à trois, ou à quatre, en fut un aut
1933 symptômes, bien faible encore. L’idée d’un réseau de pactes bilatéraux, ou à trois, ou à quatre, en fut un autre. Dans les
1934 nt fédéraliste fut promptement détourné au profit de politiques d’hégémonie. Toutefois ce sentiment ne cessait pas de croî
1935 fut promptement détourné au profit de politiques d’ hégémonie. Toutefois ce sentiment ne cessait pas de croître et de se r
1936 ’hégémonie. Toutefois ce sentiment ne cessait pas de croître et de se renforcer dans la plupart des peuples. La guerre act
1937 utefois ce sentiment ne cessait pas de croître et de se renforcer dans la plupart des peuples. La guerre actuelle est venu
1938 nue le fouetter. Brusquement, la question se pose de fédérer l’Europe dès la paix rétablie. Mais parce qu’elle se pose bru
1939 is parce qu’elle se pose brusquement, elle risque d’ être mal posée. J’entends qu’elle risque de ne susciter que des plans
1940 risque d’être mal posée. J’entends qu’elle risque de ne susciter que des plans rationnels et des systèmes. Or tout système
1941 tion. Le fédéralisme réel est le contraire absolu d’ un système, toujours conçu par un cerveau et, à partir d’une seule idé
1942 stème, toujours conçu par un cerveau et, à partir d’ une seule idée, d’un centre abstrait. Je définirais même le fédéralism
1943 nçu par un cerveau et, à partir d’une seule idée, d’ un centre abstrait. Je définirais même le fédéralisme comme un refus c
1944 fédéralisme comme un refus constant et instinctif de recourir aux solutions systématiques. (C’est pourquoi l’on ne peut c
1945 on logique : aphoristique. Telle que j’essaie ici de l’esquisser, par une suite d’approches bien diverses.) 7. L’expérienc
1946 le que j’essaie ici de l’esquisser, par une suite d’ approches bien diverses.) 7. L’expérience suisse est minuscule, mais c
1947 uscule, mais concluante. Elle peut et doit servir d’ exemple par ses échecs non moins que par ses réussites. Elle peut et d
1948 faut pas faire si l’on veut réussir la fédération d’ Occident. 8. Le premier enseignement négatif de notre petite expérienc
1949 on d’Occident. 8. Le premier enseignement négatif de notre petite expérience, nous venons de le voir : c’est qu’il faut re
1950 me pour promouvoir une fédération. Il faut partir d’ une connaissance aussi intime que possible des diversités nationales,
1951 intime que possible des diversités nationales, et de leurs aspects les plus originaux. On ne fédère pas des ressemblances
1952 ement négatif, c’est qu’il faut renoncer à l’idée d’ une hégémonie éducatrice et organisatrice de la future fédération. Bea
1953 ’idée d’une hégémonie éducatrice et organisatrice de la future fédération. Beaucoup de gens s’imaginent, hors de Suisse, q
1954 ue l’Europe ne peut être fédérée que par l’action d’ une grande puissance. Ce fut l’idée de Napoléon. C’est peut-être l’idé
1955 ar l’action d’une grande puissance. Ce fut l’idée de Napoléon. C’est peut-être l’idée d’Hitler. C’est aussi celle de certa
1956 Ce fut l’idée de Napoléon. C’est peut-être l’idée d’ Hitler. C’est aussi celle de certains neutres admirateurs de l’Anglete
1957 ’est peut-être l’idée d’Hitler. C’est aussi celle de certains neutres admirateurs de l’Angleterre. Ici la Suisse peut dire
1958 C’est aussi celle de certains neutres admirateurs de l’Angleterre. Ici la Suisse peut dire : Regardez-moi ! Je n’ai réussi
1959 ch qui voulait tout mener. L’intervention fameuse de Nicolas de Flue n’est si importante, pour nous autres, que parce qu’e
1960 efficace protestation contre une double tentative d’ hégémonie, de la part des villes et de la part des campagnes. Il se pe
1961 sée entre la France et l’Angleterre soit le germe d’ une fédération. Il est certain que ce germe sera tué si l’un de ces Ét
1962 ion. Il est certain que ce germe sera tué si l’un de ces États, ou tous les deux ensemble, conçoivent la fédération comme
1963 raient la tête. C’est le renoncement à toute idée d’ hégémonie qui est créateur de la fédération. 10. Le fédéralisme est un
1964 ncement à toute idée d’hégémonie qui est créateur de la fédération. 10. Le fédéralisme est une éducation mutuelle, plutôt
1965 l est véritablement personnaliste. La philosophie de la personne est d’ailleurs la seule philosophie acceptable pour le fé
1966 a fois autonome et solidaire, à la fois conscient de sa vocation unique et des implications sociales de cette vocation. Le
1967 e sa vocation unique et des implications sociales de cette vocation. Le personnalisme n’est pas une moyenne, un « parti du
1968 des. « Quand l’homme oublie qu’il est responsable de sa vocation devant la communauté, il devient individualiste. Quand il
1969 vidualiste. Quand il oublie qu’il est responsable de sa vocation devant Dieu et devant lui-même, il devient collectiviste3
1970 sques et abstraits, sur lesquels l’homme n’a plus de prises, et qui n’ont plus d’autre moteur que l’inhumaine « force des
1971 els l’homme n’a plus de prises, et qui n’ont plus d’ autre moteur que l’inhumaine « force des choses ». 11. La méthode, ou
1972 doit normalement sacrifier à l’ensemble une part de ses prérogatives, si elle veut rester en mesure d’exercer concrètemen
1973 e ses prérogatives, si elle veut rester en mesure d’ exercer concrètement sa vocation. Mais d’autre part, elle sait aussi q
1974 ussi que l’ensemble — ou le pouvoir central — n’a d’ autre fin que de sauvegarder les libertés individuelles, par où j’ente
1975 ble — ou le pouvoir central — n’a d’autre fin que de sauvegarder les libertés individuelles, par où j’entends l’exercice l
1976 cice libre des vocations. Pour la personne, point de contradiction de principe entre ces deux nécessités vitales : central
1977 cations. Pour la personne, point de contradiction de principe entre ces deux nécessités vitales : centralisation et autono
1978 utonomie. Reste à résoudre la difficulté pratique de leur dosage dans les institutions. À cet égard, le mouvement personna
1979 uvement personnaliste français (surtout le groupe de l’Ordre nouveau) me paraît avoir indiqué la seule méthode praticable.
1980 la seule méthode praticable. Il s’agit selon lui de reconnaître par une enquête technique, en tous domaines, quelles sont
1981 est alors celle-ci : centraliser tout ce qui est de l’ordre du travail « indifférencié » ou parcellaire, afin de permettr
1982 ifiées38. Je ne puis indiquer ici que le principe de cette solution. Mais cela suffit à faire voir comment cette attitude
1983 nt dans tous les plans — et jusque dans le détail de la « pratique » — par un dépassement des vieux conflits. Au lieu de l
1984 le personnaliste envisage la recherche en commun d’ un arrangement technique, orienté par une conscience vigilante des but
1985 té par une conscience vigilante des buts derniers de toute fédération. 12. Le troisième enseignement négatif que nous devo
1986 isième enseignement négatif que nous devons tirer de l’expérience suisse est d’un ordre plus quotidien et intime. Le morce
1987 que nous devons tirer de l’expérience suisse est d’ un ordre plus quotidien et intime. Le morcellement d’un pays — ou dema
1988 n ordre plus quotidien et intime. Le morcellement d’ un pays — ou demain de l’Europe — en régions autonomes et de faible ét
1989 et intime. Le morcellement d’un pays — ou demain de l’Europe — en régions autonomes et de faible étendue, a pour avantage
1990 — ou demain de l’Europe — en régions autonomes et de faible étendue, a pour avantage d’écarter toute possibilité d’impéria
1991 s autonomes et de faible étendue, a pour avantage d’ écarter toute possibilité d’impérialisme, tout gigantisme inhumain, to
1992 ndue, a pour avantage d’écarter toute possibilité d’ impérialisme, tout gigantisme inhumain, tout délire de puissance. Mais
1993 périalisme, tout gigantisme inhumain, tout délire de puissance. Mais il a pour inconvénient de restreindre les horizons, e
1994 délire de puissance. Mais il a pour inconvénient de restreindre les horizons, et de créer une certaine médiocrité d’espri
1995 pour inconvénient de restreindre les horizons, et de créer une certaine médiocrité d’esprit, rançon de la grandeur matérie
1996 les horizons, et de créer une certaine médiocrité d’ esprit, rançon de la grandeur matérielle sacrifiée. Nous sommes ici en
1997 de créer une certaine médiocrité d’esprit, rançon de la grandeur matérielle sacrifiée. Nous sommes ici en présence d’une m
1998 dité intellectuelle, méfiance à l’égard du voisin de langue ou de confession, crainte perpétuelle d’être majorisé. Notons
1999 tuelle, méfiance à l’égard du voisin de langue ou de confession, crainte perpétuelle d’être majorisé. Notons que cette mal
2000 n de langue ou de confession, crainte perpétuelle d’ être majorisé. Notons que cette maladie a fait son apparition en Suiss
2001 orme, au lieu qu’auparavant chacun faisait partie de plusieurs réseaux d’alliances superposées. Ainsi chacun s’est refermé
2002 ravant chacun faisait partie de plusieurs réseaux d’ alliances superposées. Ainsi chacun s’est refermé sur soi, tendant à u
2003 st refermé sur soi, tendant à une espèce boiteuse d’ autarcie. Chacun s’est trouvé isolé en présence de tous les autres. D’
2004 ’est trouvé isolé en présence de tous les autres. D’ où sa timidité déguisée en prudence par gain de paix ou par faiblesse.
2005 s. D’où sa timidité déguisée en prudence par gain de paix ou par faiblesse. D’où sa crainte de s’affirmer trop nettement d
2006 ée en prudence par gain de paix ou par faiblesse. D’ où sa crainte de s’affirmer trop nettement différent. D’où finalement
2007 ar gain de paix ou par faiblesse. D’où sa crainte de s’affirmer trop nettement différent. D’où finalement l’espèce de gêne
2008 a crainte de s’affirmer trop nettement différent. D’ où finalement l’espèce de gêne morale, puis d’intolérance sourde et la
2009 rop nettement différent. D’où finalement l’espèce de gêne morale, puis d’intolérance sourde et larvée qui paralyse chez no
2010 nt. D’où finalement l’espèce de gêne morale, puis d’ intolérance sourde et larvée qui paralyse chez nous les esprits « trop
2011 nants. Pour prévenir cette maladie, dans l’Europe de demain, comme en Suisse, il est essentiel d’insister sur le caractère
2012 rope de demain, comme en Suisse, il est essentiel d’ insister sur le caractère non systématique et non unitaire du fédérali
2013 composent, gardent le droit, le souci et le goût de se rattacher à plusieurs organismes supra-régionaux. Je préciserai pa
2014 t les frontières sont bien plus vastes que celles de l’État ; intellectuellement à l’une des grandes cultures voisines ; e
2015 plusieurs grandes dimensions, au-delà des limites de leur canton natal, et sans nul détriment pour ce dernier, bien au con
2016 que sous la forme du Kantönligeist, c’est-à-dire d’ un patriotisme autarcique et totalitaire en miniature ; ceux qui veule
2017 totalitaire en miniature ; ceux qui veulent être de leur canton d’abord ou uniquement et appellent cela « fédéralisme »,
2018 ruinent le principe même dont ils forment le nom de leur parti. Convient-il d’insister encore ? Oui, car tout cela risque
2019 ont ils forment le nom de leur parti. Convient-il d’ insister encore ? Oui, car tout cela risquerait d’apparaître à beaucou
2020 d’insister encore ? Oui, car tout cela risquerait d’ apparaître à beaucoup de Suisses négligents un peu banal, « tout natur
2021 « tout naturel »… Je rappelle donc que la formule de la tyrannie maxima est celle de l’État qui prétend que ses frontières
2022 nc que la formule de la tyrannie maxima est celle de l’État qui prétend que ses frontières douanières et politiques soient
2023 anières et politiques soient en même temps celles de la religion des citoyens, de leur culture, de leur honneur, de leur a
2024 en même temps celles de la religion des citoyens, de leur culture, de leur honneur, de leur amour… sinon de leur avidité.
2025 les de la religion des citoyens, de leur culture, de leur honneur, de leur amour… sinon de leur avidité. Construire la féd
2026 n des citoyens, de leur culture, de leur honneur, de leur amour… sinon de leur avidité. Construire la fédération européenn
2027 ur culture, de leur honneur, de leur amour… sinon de leur avidité. Construire la fédération européenne, ce sera peut-être
2028 velopper tout d’abord, et affirmer, une pluralité d’ organismes déjà existants, religieux, culturels, linguistiques, idéolo
2029 ues ou économiques, à condition qu’ils aient ceci de commun : l’œcuménicité, la volonté de relativiser les frontières poli
2030 aient ceci de commun : l’œcuménicité, la volonté de relativiser les frontières politiques. (Nul besoin d’abolir celles-ci
2031 elativiser les frontières politiques. (Nul besoin d’ abolir celles-ci, comme le voulaient les Internationales : si l’on gar
2032 ient les Internationales : si l’on garde le droit de les déborder dans plusieurs domaines, elles gardent aussi leur légiti
2033 l » plus apte qu’aucun autre à préparer les bases de la fédération européenne. (Un « personnel » : il faut sauver ce mot d
2034 péenne. (Un « personnel » : il faut sauver ce mot de sa déchéance bureaucratique. Normalement, il devrait désigner non pas
2035 rmalement, il devrait désigner non pas une troupe d’ employés anonymes, mais une équipe de personnes responsables.) C’est l
2036 s une troupe d’employés anonymes, mais une équipe de personnes responsables.) C’est le charisme de la Suisse que de produi
2037 ipe de personnes responsables.) C’est le charisme de la Suisse que de produire des hommes dont la fonction est avant tout
2038 responsables.) C’est le charisme de la Suisse que de produire des hommes dont la fonction est avant tout de connaître l’Eu
2039 oduire des hommes dont la fonction est avant tout de connaître l’Europe : juges et négociateurs d’accords internationaux,
2040 out de connaître l’Europe : juges et négociateurs d’ accords internationaux, cosmopolites ou « Suisses de l’étranger »39, d
2041 accords internationaux, cosmopolites ou « Suisses de l’étranger »39, directeurs d’unions universelles, secrétaires d’allia
2042 olites ou « Suisses de l’étranger »39, directeurs d’ unions universelles, secrétaires d’alliances œcuméniques, membres du C
2043 39, directeurs d’unions universelles, secrétaires d’ alliances œcuméniques, membres du Comité international de la Croix-Rou
2044 nces œcuméniques, membres du Comité international de la Croix-Rouge, etc., etc. Le « Suisse international » est un homme q
2045 . Et la connaître non pour l’utiliser au bénéfice de quelque impérialisme, mais la connaître pour la faire. Pour la servir
2046 t non pour s’en servir. 14. La mission historique de la Suisse fut, à partir du xiiie siècle, de garder libres pour les p
2047 ique de la Suisse fut, à partir du xiiie siècle, de garder libres pour les peuples et les princes les cols du centre de l
2048 our les peuples et les princes les cols du centre de l’Europe. Mission pratique, devenue symbolique. Désormais, il nous ap
2049 devenue symbolique. Désormais, il nous appartient d’ en proclamer la signification moderne : c’est la défense du cœur spiri
2050 tion moderne : c’est la défense du cœur spirituel de l’Europe, la garde montée autour du drapeau rouge à la croix blanche,
2051 rouge à la croix blanche, où le rouge est couleur d’ Empire, c’est-à-dire d’union des nations, et la croix signe de salut.
2052 e, où le rouge est couleur d’Empire, c’est-à-dire d’ union des nations, et la croix signe de salut. Gardienne des cols par
2053 est-à-dire d’union des nations, et la croix signe de salut. Gardienne des cols par où s’échangent les richesses, gardienne
2054 cols par où s’échangent les richesses, gardienne de l’idéal d’où renaîtra la paix si Dieu le veut, la Suisse tient les cl
2055 ù s’échangent les richesses, gardienne de l’idéal d’ où renaîtra la paix si Dieu le veut, la Suisse tient les clefs de l’Eu
2056 a paix si Dieu le veut, la Suisse tient les clefs de l’Europe, et c’est là sa vraie vocation. Elle est le lieu et la formu
2057 lle est le lieu et la formule, le génie tutélaire de l’Empire. De cet Empire, on a bien dit que nous sommes le dernier ves
2058 eu et la formule, le génie tutélaire de l’Empire. De cet Empire, on a bien dit que nous sommes le dernier vestige. Toute l
2059 sommes le dernier vestige. Toute la question est de savoir si c’est là notre dernier mot — ou le premier d’un chapitre no
2060 oir si c’est là notre dernier mot — ou le premier d’ un chapitre nouveau ; toute la question est de savoir si ce vestige ne
2061 ier d’un chapitre nouveau ; toute la question est de savoir si ce vestige ne va pas devenir un germe ! Un germe, ce n’est
2062 Suisse puisse prétendre à jouer le rôle de germe d’ une Europe nouvelle. Mais il y va de notre indépendance autant que de
2063 rôle de germe d’une Europe nouvelle. Mais il y va de notre indépendance autant que de la paix occidentale. Si nous n’embra
2064 le. Mais il y va de notre indépendance autant que de la paix occidentale. Si nous n’embrassons pas cette mission-là, l’His
2065 n-là, l’Histoire aura tôt fait, n’en doutons pas, d’ accepter notre démission — soit volontaire, soit forcée. 34. Voir l
2066 vaux du professeur zurichois Karl Meyer. Le Pacte de 1291 est le dernier d’une longue série, dont le pacte de la Torre, au
2067 chois Karl Meyer. Le Pacte de 1291 est le dernier d’ une longue série, dont le pacte de la Torre, au Tessin, fut l’un des p
2068 est le dernier d’une longue série, dont le pacte de la Torre, au Tessin, fut l’un des premiers : 1182. 35. Voir sur ce p
2069 mais des réalisations historiques. 37. Cf. p. 88 de ce volume. 38. Il s’agirait d’instituer un service civil industriel
2070 s. 37. Cf. p. 88 de ce volume. 38. Il s’agirait d’ instituer un service civil industriel de quelques mois, assurant à cha
2071 s’agirait d’instituer un service civil industriel de quelques mois, assurant à chaque entreprise libre une main-d’œuvre à
2072 se libre une main-d’œuvre à bas prix ou gratuite. D’ où possibilité de supprimer la condition prolétarienne ; suppression d
2073 -d’œuvre à bas prix ou gratuite. D’où possibilité de supprimer la condition prolétarienne ; suppression du chômage périodi
2074 chômage périodique et technologique ; possibilité d’ adapter la production à la consommation sans créer de troubles sociaux
2075 dapter la production à la consommation sans créer de troubles sociaux ou de nomadisme ; éducation sociale et morale des pa
2076 la consommation sans créer de troubles sociaux ou de nomadisme ; éducation sociale et morale des participants (cf. service
2077 ’entre les siens qui y ont rapporté les richesses de lointaines expériences.
7 1940, Mission ou démission de la Suisse. Appendice, ou « in cauda venenum » Autocritique de la Suisse
2078 Appendice ou « in cauda venenum » Autocritique de la Suisse Nul pays, à ma connaissance, n’a été plus souvent expliqu
2079 ire, et suppose donc la connaissance très vivante d’ une autre espèce d’union, sans cesse à recréer. Or l’inertie des masse
2080 c la connaissance très vivante d’une autre espèce d’ union, sans cesse à recréer. Or l’inertie des masses et l’à peu près i
2081 ntellectuel s’opposent sans cesse à cette reprise de conscience. D’où la nécessité d’une vigilante autocritique, si l’on n
2082 pposent sans cesse à cette reprise de conscience. D’ où la nécessité d’une vigilante autocritique, si l’on ne veut pas déch
2083 à cette reprise de conscience. D’où la nécessité d’ une vigilante autocritique, si l’on ne veut pas déchoir ou se laisser
2084 e qui suppose l’équilibre vivant entre les droits de chaque région et ses devoirs envers l’ensemble, il est absurde de nom
2085 et ses devoirs envers l’ensemble, il est absurde de nommer « fédéraliste » un parti qui n’a d’autre programme que la défe
2086 bsurde de nommer « fédéraliste » un parti qui n’a d’ autre programme que la défense des intérêts locaux contre le centre. C
2087 es cantonaux. Ceux qui insistent sur la nécessité de l’union centrale auraient peut-être plus de droits à revendiquer le n
2088 ssité de l’union centrale auraient peut-être plus de droits à revendiquer le nom de fédéralistes, dans son sens étymologiq
2089 ent peut-être plus de droits à revendiquer le nom de fédéralistes, dans son sens étymologique. (fœdus = traité, serment, u
2090 régionalistes, nomment « fédéral » ce qui procède de Berne. Il en résulte que leur fédéralisme se résume à combattre tout
2091 qui pourra ! Cette confusion verbale, symbolique de tant d’autres, est à la base de la plupart de nos conflits politiques
2092 rbale, symbolique de tant d’autres, est à la base de la plupart de nos conflits politiques, économiques, parlementaires. 2
2093 e le fédéralisme véritable ne commence qu’au-delà de leur opposition. Ils se font un programme de ce qui ne saurait être q
2094 delà de leur opposition. Ils se font un programme de ce qui ne saurait être que la maladie individualiste ou la maladie co
2095 aladie individualiste ou la maladie collectiviste de notre État. À quand le parti de la santé fédéraliste ? Il ne sera ni
2096 die collectiviste de notre État. À quand le parti de la santé fédéraliste ? Il ne sera ni de gauche ni de droite. Car sous
2097 le parti de la santé fédéraliste ? Il ne sera ni de gauche ni de droite. Car sous l’opposition, indéfendable en théorie,
2098 la santé fédéraliste ? Il ne sera ni de gauche ni de droite. Car sous l’opposition, indéfendable en théorie, des centralis
2099 totalitaires timorés, c’est-à-dire quelque chose d’ absolument inviable s’ils en restent là, ou de radicalement antisuisse
2100 ose d’absolument inviable s’ils en restent là, ou de radicalement antisuisse s’ils progressent. Les « libéraux » et les co
2101 tant que je ne les aurai pas vu refuser l’argent de l’État, je ne pourrai pas prendre au sérieux leurs convictions « fédé
2102 l’opposition gauche-droite est étrangère au génie de la Suisse. Son origine parlementaire le prouve : rien de moins suisse
2103 uisse. Son origine parlementaire le prouve : rien de moins suisse que notre Parlement, importé d’Amérique à une époque réc
2104 rien de moins suisse que notre Parlement, importé d’ Amérique à une époque récente, et plus ou moins contaminé par les mœur
2105 par les mœurs politiques françaises. L’idée même de parti, d’ailleurs, est antisuisse, dans ce sens qu’elle est antifédér
2106 restreint, représentant une région, ou un groupe d’ activités apparentées, ou une tendance religieuse, ou des intérêts cor
2107 igieuse, ou des intérêts corporatifs. Sur la base de programmes restreints, bien définis, l’on peut discuter entre experts
2108 ler, tout juger et tout absorber. Il serait temps de se remettre à la Diète ! 3. Suite du précédent. — Comment peut-on se
2109 du précédent. — Comment peut-on se dire encore «  de droite » ou « de gauche » au lendemain de la guerre d’Espagne et du P
2110 Comment peut-on se dire encore « de droite » ou «  de gauche » au lendemain de la guerre d’Espagne et du Pacte germano-russ
2111 ncore « de droite » ou « de gauche » au lendemain de la guerre d’Espagne et du Pacte germano-russe ? Les Espagnols se sont
2112 oite » ou « de gauche » au lendemain de la guerre d’ Espagne et du Pacte germano-russe ? Les Espagnols se sont entretués pe
2113 érité et en tout héroïsme, au nom d’une droite et d’ une gauche extrémistes qui, dès « l’affaire » liquidée, ont démasqué l
2114 partis continuent, nos arguments ne changent pas d’ un demi-ton, nos philo-fascistes continuent à reprocher à nos socialis
2115 ialistes un étatisme qui, en réalité, fait partie de tout programme fasciste ; nos marxistes continuent à se croire libert
2116 libertaires, etc. Seuls nos staliniens ont cessé de dénoncer les hitlériens, mais c’est pour dénoncer les antihitlériens,
2117 alistes internationaux »…) Nos descendants diront de notre siècle qu’il fut celui des gogos enragés. 4. Paresse d’esprit.
2118 cle qu’il fut celui des gogos enragés. 4. Paresse d’ esprit. — Je parle ici par expérience : rien n’oblige un bureau de Ber
2119 arle ici par expérience : rien n’oblige un bureau de Berne à faire du centralisme à coups de décrets rigides ; rien ne l’e
2120 un bureau de Berne à faire du centralisme à coups de décrets rigides ; rien ne l’empêche de respecter nos précieuses diver
2121 me à coups de décrets rigides ; rien ne l’empêche de respecter nos précieuses diversités, et de se mettre à leur service,
2122 mpêche de respecter nos précieuses diversités, et de se mettre à leur service, comme il se doit. Prévoir des exceptions, t
2123 x font tout le contraire, cela tient à la paresse d’ esprit des messieurs qui en occupent les fauteuils. Les organismes cen
2124 lons des fonctionnaires frais et dispos, capables d’ imagination, détestant les complications administratives mais aimant l
2125 rlent sera faite. Mais autrement, elle ne servira de rien. 5. Notre matérialisme. — Le pire danger qui nous menace : nous
2126 renversé l’échelle des valeurs. Le cadre matériel de notre vie est parfait, mais il n’encadrera bientôt plus aucune vie di
2127 mais il n’encadrera bientôt plus aucune vie digne de ce nom. Quelques exemples : Je vois dans le budget d’une œuvre destin
2128 e nom. Quelques exemples : Je vois dans le budget d’ une œuvre destinée à soutenir telle branche de l’activité intellectuel
2129 get d’une œuvre destinée à soutenir telle branche de l’activité intellectuelle que les deux tiers des ressources passent à
2130 istration et aux salaires fixes, tandis que moins d’ un tiers est consacré au but de l’œuvre. Je vois une revue d’art et de
2131 , tandis que moins d’un tiers est consacré au but de l’œuvre. Je vois une revue d’art et de littérature consacrer des mill
2132 est consacré au but de l’œuvre. Je vois une revue d’ art et de littérature consacrer des milliers de francs à sa « présenta
2133 cré au but de l’œuvre. Je vois une revue d’art et de littérature consacrer des milliers de francs à sa « présentation » ma
2134 ue d’art et de littérature consacrer des milliers de francs à sa « présentation » matérielle, et zéro franc à payer ses co
2135 sont difficiles. Je vois que dans le budget moyen d’ un ouvrier suisse, le cadre matériel de l’existence (logement, vêtemen
2136 dget moyen d’un ouvrier suisse, le cadre matériel de l’existence (logement, vêtement, mobilier, assurances) absorbe plus d
2137 ent, vêtement, mobilier, assurances) absorbe plus de la moitié des ressources, proportion réellement exorbitante. Je vois
2138 e. Je vois des gens qui hésitent entre deux types de salles de bain, l’une coûtant 300 fr. de plus que l’autre, et qui se
2139 des gens qui hésitent entre deux types de salles de bain, l’une coûtant 300 fr. de plus que l’autre, et qui se désabonnen
2140 ue l’autre, et qui se désabonnent « vu la crise » de la seule revue qu’ils recevaient : elle leur coûtait 10 fr. par an.
2141 die et comme paralysée par des soucis budgétaires de cet ordre, traduisant cette échelle de valeurs. Et je conclus : « Si
2142 udgétaires de cet ordre, traduisant cette échelle de valeurs. Et je conclus : « Si quelque chose aujourd’hui menace la lib
2143 qui parlait ainsi, il y a longtemps, tout au haut de la pente… 6. Cultures. — C’est quand on doute de soi qu’on a peur du
2144 de la pente… 6. Cultures. — C’est quand on doute de soi qu’on a peur du voisin. Les Romands qui se rétractent au seul mot
2145 voisin. Les Romands qui se rétractent au seul mot de germanisme ne sont pas ceux qui sauront illustrer la Suisse romande,
2146 upérieures ou rares, des exceptions, des manières de vivre hors-série. Car « l’exception » dans la vie quotidienne doit jo
2147 pliquer sans loyauté, dans n’importe quel domaine de notre vie, même « privée », c’est nier le fédéralisme et ruiner les b
2148  », c’est nier le fédéralisme et ruiner les bases de la Suisse. Que nos moralistes s’en souviennent, et que nos conformist
2149 e. Exemple : ceux qui, chez nous, font profession d’ admirer la méthode d’un dictateur qui a pu écrire : « L’État, c’est l’
2150 , chez nous, font profession d’admirer la méthode d’ un dictateur qui a pu écrire : « L’État, c’est l’âme de l’âme », voilà
2151 dictateur qui a pu écrire : « L’État, c’est l’âme de l’âme », voilà des drôles de fédéralistes, des drôles de Suisses41. J
2152  L’État, c’est l’âme de l’âme », voilà des drôles de fédéralistes, des drôles de Suisses41. Je les estime intolérables, s’
2153 e », voilà des drôles de fédéralistes, des drôles de Suisses41. Je les estime intolérables, s’ils parlent en connaissance
2154 . (Le plus souvent, d’ailleurs, ils se contentent de ne pas remarquer la ressemblance entre ce qu’ils détestent en Suisse
2155 e naïveté. — Elle éclate dans certaines mesures «  de prudence » prises à l’égard de la presse — par qui de droit — et qui
2156 rudence » prises à l’égard de la presse — par qui de droit — et qui consistent à ménager non seulement la chèvre et le cho
2157 sieur qui s’enquiert « objectivement » des motifs d’ un bandit tout prêt à l’assommer. Or je connais une certaine propagand
2158 , littéralement, et cela depuis plusieurs années. De ce point de vue, nous ne sommes plus neutres en fait, nous sommes en
2159 en fait, nous sommes en guerre parce que victimes d’ une agression systématique et quotidienne contre les principes mêmes q
2160 êmes qui fondent notre État. (Je me garderai bien de donner ici un autre exemple que celui de la propagande stalinienne.)
2161 rai bien de donner ici un autre exemple que celui de la propagande stalinienne.) Si l’on nous interdit de le dire, et de n
2162 la propagande stalinienne.) Si l’on nous interdit de le dire, et de nous défendre en ripostant, pourquoi donc, demanderai-
2163 talinienne.) Si l’on nous interdit de le dire, et de nous défendre en ripostant, pourquoi donc, demanderai-je, fortifier n
2164 tégrité du territoire serait-elle plus importante de nos jours que l’intégrité de la conscience nationale ? Celle-là conse
2165 elle plus importante de nos jours que l’intégrité de la conscience nationale ? Celle-là conserve-t-elle son sens quand cel
2166 se. — Revenons à la géographie ! dit ce poète. Et de nous décrire une Suisse héroïque protégée par les Alpes, ce rempart,
2167 ces termes : « Une dépression entre deux chaînes de montagnes. » Renvoyons la géographie, de grâce, ou faisons-la mentir 
2168 chaînes de montagnes. » Renvoyons la géographie, de grâce, ou faisons-la mentir ! 11. Neutralité. — Pendant l’hiver 1939-
2169 érature maximum : 18° ». Il s’agissait sans doute d’ inciter le public à des économies de charbon. On nous recommandait la
2170 it sans doute d’inciter le public à des économies de charbon. On nous recommandait la tiédeur… Mais voici nos voisins bell
2171 voir ce qui vaut le mieux. Il ne faut pas parler de neutralité en général, dans l’absolu et dans l’abstrait. Car tout dép
2172 dans l’absolu et dans l’abstrait. Car tout dépend de ceci : vis-à-vis de quoi, ou de qui, est-on tiède, est-on neutre ? Si
2173 . Car tout dépend de ceci : vis-à-vis de quoi, ou de qui, est-on tiède, est-on neutre ? Si c’est vis-à-vis du Christ, la p
2174 entraîne notre expulsion violente hors du Royaume de Dieu. « Je vous vomirai », dit le Christ. Si c’est vis-à-vis de la gu
2175 dans la mesure où elle nous exclut, précisément, d’ un conflit que nous jugeons mauvais. (Reste à savoir si le conflit act
2176 uis, si notre tiédeur suffira pour que le monstre de la guerre nous vomisse… Mais ceci est une autre histoire.) On ferait
2177 Mais ceci est une autre histoire.) On ferait bien de ne pas utiliser comme des proverbes généraux certaines paroles du Chr
2178 es généraux certaines paroles du Christ qui n’ont de sens que par rapport à sa Personne, à son Royaume, à son Éternité. Ré
2179 les tièdes seront vomis, en détournant ce verset de son sens spirituel, c’est toujours un blasphème, et c’est souvent une
2180 ralité « éternelle ». — On nous parle aujourd’hui de « neutralité éternelle », et l’on va même jusqu’à nous affirmer que c
2181 mer que cette « éternité » est la base officielle de notre politique. Dans ce cas, notre politique reposerait sur une faut
2182 suis fâché. Ce n’est pas éternelle qu’il convient de dire, mais perpétuelle. Se figure-t-on que l’homme a le droit et le p
2183 figure-t-on que l’homme a le droit et le pouvoir de décréter « l’éternité » d’une décision humaine ? Apprenons donc à qui
2184 le droit et le pouvoir de décréter « l’éternité » d’ une décision humaine ? Apprenons donc à qui de droit que nul État huma
2185 é » d’une décision humaine ? Apprenons donc à qui de droit que nul État humain n’est éternel ; que la Suisse est un État h
2186 plus, la Suisse n’est devenue neutre qu’à partir d’ un certain moment de son histoire. Or ce qui est éternel ne commence p
2187 st devenue neutre qu’à partir d’un certain moment de son histoire. Or ce qui est éternel ne commence pas à un certain mome
2188 utre moment. On peut le nier parfois dans un élan de passion. Mais on ne peut pas le nier par un décret. 13. Neutralité p
2189 ieu, durer « éternellement ». C’était une manière d’ affirmer qu’ils la concluaient sans arrière-pensée. (Comparez avec cer
2190 s arrière-pensée. (Comparez avec certaines offres de paix « pour 25 ans » que faisait naguère à ses voisins un homme dont
2191 le » : cela signifie simplement que nous refusons d’ envisager son abandon, et que nous le refuserons aussi longtemps que p
2192 (L’Empire fédératif ?) Mais toute politique digne de ce nom consiste à prévoir même le pire, et même la réalisation procha
2193 ir même le pire, et même la réalisation prochaine de nos plus lointaines ambitions. Or prévoir, c’est aussi se préparer, p
2194 rce que l’histoire et la politique ne cessent pas de modifier ces positions toutes relatives que sont la gauche et la droi
2195 ais ils ne nous imposent nullement une neutralité d’ opinion. Renoncer au droit de nous exprimer, ce n’est donc pas nous co
2196 r, ce n’est donc pas nous conformer aux exigences de la neutralité. Ce peut être, dans certains cas, une mesure opportune 
2197 , c’est tout simplement renoncer à une belle part de notre indépendance. C’est renoncer à nous défendre intégralement. Et
2198 qui sont d’abord des guerres morales, des guerres de propagande. Quand une troupe est réduite à l’impuissance par l’advers
2199 ’hui, ce n’est pas rester neutres, c’est accepter d’ être neutralisés moralement. Le Conseil fédéral a repoussé officiellem
2200 ussé officiellement et publiquement la prétention de ceux qui voulaient « neutraliser » de cette manière notre opinion. En
2201 prétention de ceux qui voulaient « neutraliser » de cette manière notre opinion. En tant que citoyen suisse respectueux d
2202 tant que citoyen suisse respectueux des décisions de nos autorités suprêmes, j’ai donc le droit de condamner ouvertement d
2203 ons de nos autorités suprêmes, j’ai donc le droit de condamner ouvertement des régimes étrangers qui attaquent ouvertement
2204 endance : elle l’affirme au contraire ! Le devoir de l’armée est de garantir par la force l’intégrité de notre indépendanc
2205 l’affirme au contraire ! Le devoir de l’armée est de garantir par la force l’intégrité de notre indépendance, et non pas s
2206 l’armée est de garantir par la force l’intégrité de notre indépendance, et non pas seulement sa matérialité (le territoir
2207 uisse ne dit pas : « Plutôt renoncer à ma liberté d’ opinion que de risquer des ennuis avec une légation. » Il dit au contr
2208 as : « Plutôt renoncer à ma liberté d’opinion que de risquer des ennuis avec une légation. » Il dit au contraire — il disa
2209 politiques. Les petits pays ne sont pas dispensés d’ imaginer et de voir grand. Bien au contraire : ils sont contraints de
2210 s petits pays ne sont pas dispensés d’imaginer et de voir grand. Bien au contraire : ils sont contraints de compenser leur
2211 ir grand. Bien au contraire : ils sont contraints de compenser leur petitesse physique par leur prestige moral. C’est la p
2212 leur prestige moral. C’est la première condition de leur indépendance, même matérielle. Nos réalistes — toujours en retar
2213 me matérielle. Nos réalistes — toujours en retard d’ une guerre, d’une époque — ont récemment découvert qu’un diplomate mod
2214 Nos réalistes — toujours en retard d’une guerre, d’ une époque — ont récemment découvert qu’un diplomate moderne doit être
2215 n de plus dangereusement utopique que le réalisme d’ avant-hier. Notre époque n’est plus celle du grand commerce ; ni même
2216 oque n’est plus celle du grand commerce ; ni même de la grande industrie (réalisme d’hier). Notre époque est celle des rel
2217 mmerce ; ni même de la grande industrie (réalisme d’ hier). Notre époque est celle des religions politiques, sociales, nati
2218 ce, l’industrie, l’économie en général, ont cessé d’ imposer leurs « lois fatales ». Ce sont les chefs qui dictent les prix
2219 nécessités techniques », superstition des experts d’ hier et d’avant-hier. Ils ont pensé, et prouvé par le fait, que la Tec
2220 techniques », superstition des experts d’hier et d’ avant-hier. Ils ont pensé, et prouvé par le fait, que la Technique ne
2221 Il est temps que la Suisse comprenne que le souci de son économie ne saurait plus servir d’excuse à l’absence de vues poli
2222 e le souci de son économie ne saurait plus servir d’ excuse à l’absence de vues politiques. On demande à un gouvernement de
2223 nomie ne saurait plus servir d’excuse à l’absence de vues politiques. On demande à un gouvernement de « gouverner44 », de
2224 de vues politiques. On demande à un gouvernement de « gouverner44 », de piloter l’État et d’orienter sa marche ; le reste
2225 On demande à un gouvernement de « gouverner44 », de piloter l’État et d’orienter sa marche ; le reste, le fonctionnement
2226 ernement de « gouverner44 », de piloter l’État et d’ orienter sa marche ; le reste, le fonctionnement technique de la machi
2227 sa marche ; le reste, le fonctionnement technique de la machine, étant l’affaire des fonctionnaires — leur nom l’indique —
2228 ates qui fassent une politique, et qui aient plus d’ idées générales que de compétences économiques. Je connais tel profess
2229 olitique, et qui aient plus d’idées générales que de compétences économiques. Je connais tel professeur d’Université, tel
2230 ompétences économiques. Je connais tel professeur d’ Université, tel écrivain, tel philanthrope, tel connaisseur et pratici
2231 anthrope, tel connaisseur et praticien des choses de la SDN et de la chose européenne, qui nous représenteraient à l’étran
2232 connaisseur et praticien des choses de la SDN et de la chose européenne, qui nous représenteraient à l’étranger — officie
2233 anger — officiellement ou non — avec combien plus d’ efficacité que les meilleurs spécialistes formés par les bureaux de Be
2234 les meilleurs spécialistes formés par les bureaux de Berne, et rompus à toutes les prudences « fédérales ». Sur le plan di
2235 près la page qu’on vient de lire, que je n’ai pas d’ ambitions politiques ! 41. Intéressante précision du langage ! Un « d
2236 que nous devons préférer la mort à l’interdiction de proclamer des sottises. Je m’excuse de tant de lourdeur dans la préci
2237 terdiction de proclamer des sottises. Je m’excuse de tant de lourdeur dans la précision, mais je m’avance ici sur un terra
2238 ais d’ailleurs ce que je risque. Ce qui me permet d’ approuver pleinement cette déclaration de Spitteler : « N’est-ce pas u
2239 e permet d’approuver pleinement cette déclaration de Spitteler : « N’est-ce pas un spectacle grotesque que celui d’une feu
2240 : « N’est-ce pas un spectacle grotesque que celui d’ une feuille de chou qui, sûre de son inviolabilité, vitupère en style
2241 as un spectacle grotesque que celui d’une feuille de chou qui, sûre de son inviolabilité, vitupère en style de cabaret une
2242 otesque que celui d’une feuille de chou qui, sûre de son inviolabilité, vitupère en style de cabaret une grande puissance
2243 qui, sûre de son inviolabilité, vitupère en style de cabaret une grande puissance européenne, comme s’il s’agissait d’une
2244 rande puissance européenne, comme s’il s’agissait d’ une paisible élection municipale ! Si la censure accourt alors avec un
2245 alors avec une muselière, elle accomplit un acte de décence. » 43. Cf. à ce sujet les vues très exactes du grand théoric
2246 e sujet les vues très exactes du grand théoricien de l’État totalitaire, Carl Schmitt, juriste catholique devenu national-