1 1940, Mission ou démission de la Suisse. Avertissement
1 Avertissement Ceci n’ est pas un livre, mais un recueil de conférences et d’essais sur des suje
2 s « parlés », les autres écrits — c’est qu’ils ne sont pas dépourvus d’une certaine unité d’intention : ils sont tous nés d’
3 dépourvus d’une certaine unité d’intention : ils sont tous nés d’un même souci de la personne et de son rôle dans la commun
4 nt de rien proposer, il convient de dire qui l’on est , de préciser au nom de quoi l’on parle ; et ce ne peut être, sérieuse
5 réciser au nom de quoi l’on parle ; et ce ne peut être , sérieusement, qu’au nom d’une foi. Je prends ce mot dans son sens le
6 eux bien qu’il doit compromettant. Une foi réelle est une raison de vivre et non point d’échapper à la vie. Ceci dit, je ne
7 n au contraire ! Car les seuls entretiens féconds sont ceux où chacun se donne, dès le départ, en toute rigueur, pour ce qu’
8 e, dès le départ, en toute rigueur, pour ce qu’il est . Vient ensuite une conférence sur la Bataille de la culture : synthès
9 re dans l’évolution générale. Le reste du recueil est consacré à définir cette mission suisse, ses objectifs immédiats et l
10 générales et quelques directions de pensée. Ce n’ est pas suffisant, mais c’est urgent. C’est de quoi nous manquons le plus
11 spécialistes et de « compétences » : leur travail est indispensable, mais il ne saurait être utile que s’il est orienté d’e
12 eur travail est indispensable, mais il ne saurait être utile que s’il est orienté d’emblée par une vision générale du monde,
13 spensable, mais il ne saurait être utile que s’il est orienté d’emblée par une vision générale du monde, et du rôle de la S
14 du monde, et du rôle de la Suisse dans le monde. Soyons modestes, c’est entendu. Nous ne sommes pas les mentors de l’Europe.
15 le monde. Soyons modestes, c’est entendu. Nous ne sommes pas les mentors de l’Europe. Mais n’allons pas confondre cette modest
16 istes », le scepticisme et la lâcheté civique. Il est , dans l’histoire des nations, des heures où l’utopie la plus nocive e
17 es nations, des heures où l’utopie la plus nocive est justement le petit réalisme ; des heures où toute vue courte est une
18 e petit réalisme ; des heures où toute vue courte est une vue fausse ; où la prudence est la pire imprudence. Que cette heu
19 te vue courte est une vue fausse ; où la prudence est la pire imprudence. Que cette heure ait sonné pour la Suisse, qu’il s
20 . Que cette heure ait sonné pour la Suisse, qu’il soit temps de voir grand et d’oser, au sein d’un grand péril et d’un beau
21 l’épreuve des âmes. Or le courage qu’il y faut n’ est pas seulement celui de résister : il est d’abord celui de se risquer.
22 y faut n’est pas seulement celui de résister : il est d’abord celui de se risquer. Je demandai à l’homme qui se tenait à l
23 elui de se risquer. Je demandai à l’homme qui se tenait à la porte de l’année : « Donne-moi une lumière afin que je puisse al
24 rité et mets tes mains dans les mains de Dieu. Ce sera plus sûr pour toi qu’une lumière et qu’un chemin que tu connaisses. »
2 1940, Mission ou démission de la Suisse. Le protestantisme créateur de personnes
25 quelque méfiance. Je souhaite que beaucoup aient tenu le petit raisonnement que voici : Pour les réformateurs, l’homme deva
26 en signifier cette contradiction affligeante ? Je serais heureux que la question vous ait paru curieuse, ou peut-être grave, o
27 t passer de notre théologie à notre histoire ? Qu’ est -ce que cette personnalité dont la valeur varie si curieusement entre
28 t une gloire peut-être intempestive ? Le problème est , je crois, d’autant plus actuel que les menaces qui pèsent aujourd’hu
29 ude, il s’agit de le combler en vérité. La menace est sérieuse, les événements de septembre et toute la suite l’ont fait vo
30 s3. En Russie, en Allemagne, en Italie, l’attaque est déjà déclenchée. Elle nous atteint déjà par contrecoup, et il est sag
31 hée. Elle nous atteint déjà par contrecoup, et il est sage de s’attendre à bien pire. C’est donc le moment ou jamais de se
32 s moyens de défense. Et, par exemple, si beaucoup sont prêts à louer la Réforme d’être une école de personnalités, donc un r
33 mple, si beaucoup sont prêts à louer la Réforme d’ être une école de personnalités, donc un rempart contre la barbarie, c’est
34 rquoi, dans quel esprit surtout le protestantisme est effectivement cela. Depuis une dizaine d’années, une discussion génér
35 s une dizaine d’années, une discussion générale s’ est instituée sur les notions de personne, d’individu et de personnalité.
36 nes protestants, beaucoup d’agnostiques aussi, se sont efforcés de montrer l’importance concrète d’une définition de la pers
37 le mot d’ordre « Défense de la personne humaine » est devenu le slogan par excellence des hommes d’État démocratiques. Tout
38 remontons aux origines, si nous cherchons comment sont apparues dans l’Histoire les notions d’individu et de personne, et le
39 ne certaine polémique réactionnaire, l’individu n’ est pas une invention du siècle des Lumières et de la Déclaration des dro
40 aturel, et s’isole. Le groupe primitif, la tribu, est lié par le lien du sang, des morts communs, et par celui de la terreu
41 l’intolérance radicale. (On ne discute pas ce qui est sacré.) De plus, elle est radicalement grégaire et xénophobe. Mais su
42 n ne discute pas ce qui est sacré.) De plus, elle est radicalement grégaire et xénophobe. Mais supposez maintenant qu’un de
43 istinct des peuplades indo-germaniques, les Grecs sont les premiers à se détacher, à prendre figure, donc à s’individualiser
44 les expulse : voilà les premiers individus. Ceci est important : à l’origine, individu est synonyme de criminel. Mais peu
45 vidus. Ceci est important : à l’origine, individu est synonyme de criminel. Mais peu à peu, ces individus se groupent pour
46 les à la cité au sens moderne. Alors que la tribu était liée par des liens d’origine — le sang, la famille — la cité est fond
47 s liens d’origine — le sang, la famille — la cité est fondée sur l’intérêt commun et les contrats. Alors que la morale de l
48 t. La définition la plus noble de l’individu nous est fournie à ce moment par Socrate, lorsqu’il nous dit : Connais-toi toi
49 misée ». Le vide social créé par l’individualisme est toujours un appel à l’État dictatorial. Et cet État aux cadres géomét
50 entre individualisme et dictature, l’opposition n’ est qu’apparente : en réalité, il y a de l’un à l’autre un lien de cause
51 ère dont le vide s’oppose au plein : plus le vide est absolu, plus l’appel est puissant. À bien des égards, l’étatisme ne f
52 au plein : plus le vide est absolu, plus l’appel est puissant. À bien des égards, l’étatisme ne fait qu’achever le process
53 ciale commencé par l’individualisme. L’individu s’ était abstrait du groupe naturel ; l’État liquide les groupes naturels subs
54 s à l’état de fonctionnaires ou de soldats. Telle est l’histoire de la décadence de Rome. Le type d’homme que suppose l’éta
55 par sa fonction dans la cité. C’est celui-là qui sera nommé juridiquement la persona. Ce mot qui désignait à l’origine le m
56 que joue le citoyen. Dans l’Empire, tout homme n’ est pas une persona, il s’en faut. Les esclaves, par exemple, qui forment
57 , qui forment les deux tiers de la population, ne sont pas des personnes, puisqu’ils ne jouent pas de rôle dans les rouages
58 jouent pas de rôle dans les rouages de l’État. Il est important de rappeler ce sens romain du mot personne. Je le traduirai
59 rannie, successivement, ont fait faillite. Quelle sera la nouvelle société ? En ce point de l’évolution, dans cette angoisse
60 ssibilité de communauté, c’est celle qu’imagine l’ être spirituel. C’est l’espoir d’une société d’un type absolument nouveau,
61 ’une société d’un type absolument nouveau, qui ne soit pas fondée sur les contraintes du passé, ni sur des lois, mais sur l’
62 une et enthousiaste d’un au-delà libérateur. Ce n’ est plus le rêve du retour aux origines, c’est le rêve d’un avenir éterne
63 alisation historique de la première possibilité s’ est amorcée dès la fin de la République romaine, quand César est devenu u
64 dès la fin de la République romaine, quand César est devenu un dieu. Et c’est l’échec de cette religion d’État, confondu a
65 nt une société absolument nouvelle : l’Église. Qu’ est -ce que l’Église primitive, du point de vue sociologique où je me plac
66 terme moderne : des cellules. Ces communautés ne sont pas fondées sur le passé ni sur des origines communes. « Il n’y a plu
67 des esclaves et des citoyens riches. Leur lien n’ est pas terrestre : il est dans l’au-delà. Leur chef n’est pas terrestre 
68 toyens riches. Leur lien n’est pas terrestre : il est dans l’au-delà. Leur chef n’est pas terrestre : il s’est assis au Cie
69 as terrestre : il est dans l’au-delà. Leur chef n’ est pas terrestre : il s’est assis au Ciel à la droite de Dieu. Leurs amb
70 s l’au-delà. Leur chef n’est pas terrestre : il s’ est assis au Ciel à la droite de Dieu. Leurs ambitions non plus ne sont p
71 à la droite de Dieu. Leurs ambitions non plus ne sont pas terrestres, car ce qu’elles attendent, c’est la fin des temps. Et
72 . Ainsi, spirituellement et socialement, l’Église est une communauté d’hommes qui sont à la fois libres et engagés. Libérés
73 alement, l’Église est une communauté d’hommes qui sont à la fois libres et engagés. Libérés par Celui qui les engage à son s
74 avons bien que leur libération et leur service ne sont nullement contradictoires, n’étant que deux aspects complémentaires d
75 leur service ne sont nullement contradictoires, n’ étant que deux aspects complémentaires d’une seule et même réalité : la con
76 d’une seule et même réalité : la conversion. Tel est l’homme neuf, créé par l’Église chrétienne. Ce n’est pas l’individu g
77 l’homme neuf, créé par l’Église chrétienne. Ce n’ est pas l’individu grec, puisqu’il se soucie davantage de servir que de s
78 davantage de servir que de se distinguer. Et ce n’ est pas non plus la persona du droit romain, puisque l’homme qui reçoit u
79 christianisé. Car cet homme, lui aussi, se trouve être à la fois autonome et en relation. Ainsi le mot avec son sens nouveau
80 ns nouveau, et la réalité sociale de la personne, sont bel et bien des créations chrétiennes ou, pour mieux dire, des créati
81 ction entre ces deux vocables si courants, loin d’ être une querelle byzantine, ne traduit rien de moins, dans les débuts, qu
82 re l’homme naturel et l’homme chrétien. Ces bases étant posées, faisons dans nos pensées un petit saut de quelques siècles, p
83 s peu à peu l’héritage de l’Empire romain. Elle s’ est peu à peu substituée aux cadres sclérosés du vieux régime. La capital
84 lait le prévoir. En effet, la personne chrétienne était une sorte de paradoxe : elle unissait l’individu libre et la persona
85 ociété et tend à s’imposer par la force, comme ce fut le cas dès le xiie siècle, on se retrouve dans une situation quelque
86 rèce individualiste. L’individu de la Renaissance est d’abord un révolté qui oppose ses besoins propres aux dogmes sacrés d
87 c’est-à-dire le libre examen de toutes choses. Il est assoiffé de gloire et de richesse, de sa propre gloire, et de sa prop
88 e, de sa propre gloire, et de sa propre richesse, fussent -elles acquises aux dépens de sa famille et de sa cité, aux dépens mêm
89 ême de la vie d’autrui. Un grand nombre de crimes furent commis dans l’Italie du xve siècle à seule fin d’acquérir de la reno
90 siciliens, fondateurs du capitalisme commercial, sont souvent cités comme les premiers types d’individus au sens moderne. N
91 e profanation que l’on opère. Du moins ces gestes sont -ils ressentis comme tels à cette époque. Or il est évident que cet in
92 nt-ils ressentis comme tels à cette époque. Or il est évident que cet individualisme est un retour du paganisme grec. Mais
93 époque. Or il est évident que cet individualisme est un retour du paganisme grec. Mais il est non moins évident qu’il repr
94 dualisme est un retour du paganisme grec. Mais il est non moins évident qu’il représente une réaction inévitable à la dévia
95 ssayer de vous montrer ce que pourrait et devrait être un personnalisme inspiré de la Réforme. Calvin ni Luther n’ont parlé
96 dant toutes les réalités que désignent ces termes sont présentes, et sont en conflit à l’époque de la Réforme. Essayons de l
97 lités que désignent ces termes sont présentes, et sont en conflit à l’époque de la Réforme. Essayons de les dégager sommaire
98 ager sommairement. Le but unique des réformateurs était de restaurer la fidélité de l’Église à la Parole de Dieu. Jamais ils
99 ise à la Parole de Dieu. Jamais ils n’ont admis d’ être présentés comme des novateurs. « Nous nous sommes efforcés, écrit Cal
100 d’être présentés comme des novateurs. « Nous nous sommes efforcés, écrit Calvin, de ne pas mettre nos opinions personnelles à
101 mbarrer ces deux vices, toute la pureté de la foi serait confuse. » L’Église primitive était une communauté spirituelle de per
102 té de la foi serait confuse. » L’Église primitive était une communauté spirituelle de personnes, d’hommes nouveaux, à la fois
103 uant une multitude de communautés locales. Telles seront à nouveau les Églises réformées. Point de centralisation, point de ca
104 ans le plan de l’État. La personne chrétienne, ce sera le rôle que Dieu attribue à chaque homme dans Son plan. Notez bien qu
105 son prochain. Ainsi la dignité de chaque individu est garantie non pas du seul fait qu’il existe physiquement, mais du fait
106 dès lors, cet homme n’a pas seulement le droit d’ être respecté par l’État, il a surtout le devoir d’agir, en tant qu’il est
107 tat, il a surtout le devoir d’agir, en tant qu’il est chargé d’une responsabilité unique dans la société, à sa juste place.
108 à sa juste place. Notons que si la personne doit être respectée par l’État, ce n’est pas en vertu d’on ne sait quel « droit
109 la personne doit être respectée par l’État, ce n’ est pas en vertu d’on ne sait quel « droit naturel » à la désobéissance !
110 béissance ! Calvin précise que l’État, quel qu’il soit , doit être obéi par chacun. Mais il ajoute une restriction mémorable,
111 Calvin précise que l’État, quel qu’il soit, doit être obéi par chacun. Mais il ajoute une restriction mémorable, qui figure
112 et le peuple de telle manière que par cela je ne sois nullement empêché de rendre à Dieu le service que je lui dois par ma
113 e seul texte constitutionnel existant, qui puisse être qualifié de personnaliste, au sens précis où je l’entends. Diversité
114 n strictement ecclésiastique, c’est vrai. Mais il était inévitable et juste que ce type de relations influençât peu à peu tou
115 elations politiques. Toute l’histoire de l’Europe serait à refaire à partir de cette constatation : que les formes et structur
116 errons quelques exemples un peu plus loin. Quelle fut donc la traduction politique de la doctrine calvinienne de l’Église e
117 on réfléchit aux deux questions suivantes : quels furent les régimes qui persécutèrent la Réforme ? Et quelle fut l’action his
118 régimes qui persécutèrent la Réforme ? Et quelle fut l’action historique des hommes d’État de la Réforme calviniste ? Par
119 s le début, l’obstacle principal à la Réforme, ce fut l’absolutisme, la passion unitaire et centralisatrice, tant chez les
120 ou moins inspiré du stathoudérat hollandais. Et n’ est -ce pas le huguenot Sully qui, le premier, sous Henry IV, conçut le « 
121 ndance fédéraliste protestante jusqu’à nos jours, est d’ordre proprement spirituel. C’est bien le même état d’esprit qui ex
122 quer. Et vous savez que les problèmes d’éducation furent dès le début le grand souci des réformés. Calvin fonde le Collège de
123 e sa vocation. C’est à cause de sa vocation qu’il est à la fois libre et engagé, autonome et pourtant responsable au sein d
124 initive, c’est de cela qu’il s’agit. L’histoire n’ est jamais qu’un tremplin pour mieux sauter en plein cœur de l’actuel. Co
125 éforme et sa morale ? Calvin, vous le savez, ne s’ est jamais préoccupé de la forme des gouvernements. Il insiste à maintes
126 e fait que monarchies, oligarchies et républiques sont également voulues de Dieu et doivent être obéies comme telles. Une fo
127 bliques sont également voulues de Dieu et doivent être obéies comme telles. Une fois cependant il marque une préférence, mai
128 squ’il écrit : « Le meilleur état de gouvernement est celui-là où il y a une liberté bien tempérée et pour durer longuement
129 e donne raison au réformateur. Et je ne crois pas être infidèle à sa pensée en y ajoutant cette précision : ce n’est pas la
130 à sa pensée en y ajoutant cette précision : ce n’ est pas la forme d’un État qui compte, mais bien la condition qu’il ménag
131 s qui s’affrontent aujourd’hui. Le premier groupe est celui des nations qui respectent l’Église et la personne. Nous y trou
132 er entre ces trois États : d’abord parce que ce n’ est pas notre sujet, ensuite parce que ces différences, qui ne le voit, s
133 nnée7. Ce qu’il nous importe de souligner ici, ce sont deux traits évidemment communs à ces régimes : leur opposition brutal
134 ur opposition brutale au christianisme dès qu’ils sont assez forts pour lever le masque, et leur mépris de la personne. Voic
135 stinction entre l’Église et l’État n’avait jamais été établie d’une manière satisfaisante. Le tsar par exemple, était à la
136 d’une manière satisfaisante. Le tsar par exemple, était à la fois chef de l’État et chef de l’Église : c’est ce qu’on nomme l
137 ropapisme. D’autre part, ses décisions politiques étaient fortement influencées par le clergé : c’est ce qu’on nomme la théocra
138 La coupure entre le spirituel et le temporel n’y était pas faite au bon endroit, ou mal faite, ou pas faite du tout. Il en r
139 oup plus rigoureusement, car la religion dont ils étaient les chefs était une religion de guerre, possédant toute la virulence
140 ement, car la religion dont ils étaient les chefs était une religion de guerre, possédant toute la virulence des corps chimiq
141 e part, l’instauration de ces régimes tyranniques fut largement facilitée, et même appelée, par l’absence dans tous ces pay
142 ’il nomme « l’absence des meilleurs », ne saurait être que l’absolutisme. Or, si nous nous rappelons que le calvinisme a tou
143 e fait suivant qui, à ma connaissance, n’a jamais été signalé : c’est qu’il existe une forme de totalitarisme correspondant
144 que le calvinisme ne puisse dévier lui aussi, et soit sans défauts. Mais cela signifie que ses défauts et déviations n’entr
145 t totalitaire. Mais lorsque le calvinisme cesse d’ être une foi vivante, il laisse derrière lui une empreinte tout à fait dif
146 rtains qui se demandent encore, par exemple, s’il est de gauche ou de droite, alors qu’il est du diable, et que c’est en ch
147 ple, s’il est de gauche ou de droite, alors qu’il est du diable, et que c’est en chrétiens que nous avons maintenant à nous
148 enant à nous défendre, dans cette guerre qui nous est déclarée. Or le meilleur, le seul moyen de se défendre — surtout quan
149 condition pour éviter chez nous, pendant qu’il en est temps, des déviations qui feraient le jeu de l’ennemi. Connaître la d
150 aierai de tirer des conclusions pratiques. Quelle est la condition faite à l’Église dans les pays totalitaires ? Cette prem
151 s les pays totalitaires ? Cette première question est capitale. Car la politique d’un régime est toujours étroitement dépen
152 estion est capitale. Car la politique d’un régime est toujours étroitement dépendante de l’attitude qu’il prend vis-à-vis d
153 Église et du fait religieux en général. Un régime est totalitaire lorsqu’il prétend centraliser radicalement tous les pouvo
154 t cela d’autant plus que la religion qu’il adopte est , comme dans le cas des fascismes et du communisme, une religion de l’
155 ace, la tradition, les morts. Voilà pourquoi elle est intolérante au suprême degré, et plus qu’intolérante : on ne peut mêm
156 rigines, on ne pourra jamais y entrer — si l’on n’ est pas de sang aryen, par exemple — car cette religion n’admet pas que «
157 te religion n’admet pas que « les choses vieilles sont passées » selon la parole de l’Apôtre. Elle n’admet pas la conversion
158 is-tu ? qu’espères-tu ? mais elle demande : quels sont tes morts ? Religion du sang, religion de la terre et des morts, reli
159 u monde, d’une défense spirituelle du pays. Et je suis le premier à l’approuver. Mais lorsqu’on fonde cette défense spiritue
160 quand beaucoup de Suisses, et des plus influents, sont incroyants, cela mène tout simplement, dans la pratique, à l’utilisat
161 sme. Si le mot d’ordre « Suisse chrétienne » doit être lancé, ce ne peut être que par les Églises seules, et non par un part
162 « Suisse chrétienne » doit être lancé, ce ne peut être que par les Églises seules, et non par un parti ou par une ligue. Une
163 i ou par une ligue. Une « Suisse chrétienne », ce serait une Suisse dont les citoyens seraient chrétiens, ou tout au moins acc
164 étienne », ce serait une Suisse dont les citoyens seraient chrétiens, ou tout au moins accepteraient en bonne conscience des dir
165 e à la doctrine totalitaire. Le fédéralisme, ce n’ est pas seulement un pour tous — qui serait une devise collectiviste — ce
166 alisme, ce n’est pas seulement un pour tous — qui serait une devise collectiviste — ce n’est pas seulement tous pour un — qui
167 tous — qui serait une devise collectiviste — ce n’ est pas seulement tous pour un — qui serait individualiste — c’est l’équi
168 viste — ce n’est pas seulement tous pour un — qui serait individualiste — c’est l’équilibre vivant des deux termes. Ceux qui d
169 lidaire. Ceci nous amène au second point : quelle est la condition faite à la personne dans les pays totalitaires ? C’est t
170 utre pôle : celui de l’engagement social. L’homme étant totalement engagé, corps et esprit, dans les rouages de l’État, et ce
171 : caporalisation. Et la personne ainsi comprise n’ est plus qu’à peine une persona au sens romain, un rôle, un masque, une f
172 à l’héroïsme collectif — le plus facile, si c’en est encore un ! — mais qui n’ont plus de courage civique. Militarisation
173 ent humaines. À force de louer la Réforme d’avoir été , comme on dit, « une pépinière d’individualités et de caractères bien
174 nous courons le risque d’oublier que la Réforme n’ est pas faite pour l’homme d’abord. À force de louer ses effets humains,
175 ause divine. N’oublions pas que la personnalité n’ est bien souvent que le résidu, l’empreinte d’une personne sur un individ
176 ne croit plus à sa vocation, et qui a simplement été formé par une éducation et une ambiance protestante. Nous n’en avons
177 te de nationalisme huguenot, de ces hommes qui ne sont en fait que « sortis » du protestantisme… Certes, nous pouvons nous
178 e ce que la foi réformée, même quand elle cesse d’ être vivante, laisse en se retirant beaucoup de personnalités. Cela consti
179 aut alors rappeler que la personnalité, si grande soit -elle, devant Dieu c’est zéro. Et si l’on se borne au point de vue soc
180 uis, une personnalité en soi, sans vocation, ce n’ est rien de plus, après tout, qu’un individu aux caractères accusés. Ains
181 t c’est pourquoi l’on a pu dire que le calvinisme était à l’origine du capitalisme moderne, avec sa concurrence sans frein, p
182 is ce qu’il ne peut ni surtout ne veut former, ce sont justement des personnes, des vocations irréductibles aux ambitions sp
183 ions spirituelles de l’État. Ces personnes-là, ce sont ses véritables adversaires, les seuls sérieux, et il le sait ! Si Nie
184 , les seuls sérieux, et il le sait ! Si Niemöller est dans un camp de concentration, prisonnier personnel du Führer, ce n’e
185 ncentration, prisonnier personnel du Führer, ce n’ est point parce qu’on lui reproche son énergie ou ses talents, ses traits
186 sonnalité, car bien d’autres en ont autant qui ne sont pas pour cela en prison. Ce qu’on lui reproche, ce que l’on ne peut p
187 sonne, c’est-à-dire sa vocation particulière, qui est de prêcher l’Évangile. — Vous voyez que le Führer sait parfaitement o
188 le bénéfice exclusif d’une telle clairvoyance. Il est temps de tirer, en deux mots, la conclusion de cette série de mises a
189 Réforme, et spécialement sa tendance calviniste, est appelée à figurer, dans notre siècle, le type même de la sûre doctrin
190 . Un véritable protestant, les faits le prouvent, sera toujours l’adversaire le plus efficace de l’esprit totalitaire. Déjà,
191 ar une espèce de croisade intérieure. Le chrétien est celui qui n’a pas d’autre ennemi à craindre que l’ennemi qu’il porte
192 ui-même. Car un ennemi visible et extérieur, ce n’ est jamais que l’incarnation d’une possibilité secrète, d’une tentation q
193 Même rappel que ci-dessus. Le « Pacte d’acier » s’ étant révélé un pacte ordinaire, les amis de l’Italie ont eu plutôt tendanc
194 pas de ces remarques que les trois Églises citées sont responsables des trois mouvements totalitaires, mais bien que ces mou
195 la forme de leur doctrine. Encore le phénomène s’ est -il limité aux grands pays. Les États balkaniques orthodoxes ne sont p
196 grands pays. Les États balkaniques orthodoxes ne sont pas communistes ; les États scandinaves luthériens ne sont pas nation
197 communistes ; les États scandinaves luthériens ne sont pas nationaux-socialistes ; la Belgique catholique n’est pas fasciste
198 nationaux-socialistes ; la Belgique catholique n’ est pas fasciste. 9. Sur la distinction, d’une importance capitale, entr
199 fs ; selon Marx, tout vient des bourgeois… Ce qui est certain, c’est que l’invention du système est antérieure de plusieurs
200 qui est certain, c’est que l’invention du système est antérieure de plusieurs siècles à la Réforme, et son triomphe postéri
201 faut des remèdes ou une opération. Et les remèdes sont souvent composés de poisons… 12. Cette devise rend un son « suisse »
3 1940, Mission ou démission de la Suisse. La bataille de la culture
202 et le visage et les soucis, et devant lequel je m’ étais engagé à disserter de la culture… Un sentiment d’absurdité et d’impui
203 nteraient la garde dans la neige, d’autres hommes seraient assis dans une salle bien chauffée, et je leur parlerais de la cultur
204 rre que personne ne voulait, et qui tout de même, était là ? Il n’y avait plus qu’à se taire, qu’à se laisser glisser dans l’
205 ais vous dire ici. En effet : ou bien la culture est une affaire d’agrément, un ensemble de spécialités paisibles, un supe
206 situation devient sérieuse ; — ou bien la culture est action, création et bataille réelle, et alors il faut en parler, et l
207 nité d’une conférence en temps de guerre, ce fait est significatif. Il prouve que nous tenons la culture pour quelque chose
208 rre, ce fait est significatif. Il prouve que nous tenons la culture pour quelque chose d’un peu moins sérieux que l’action, ou
209 e voudrais vous montrer ce soir que cette crise n’ est pas théorique ; qu’elle a des conséquences pratiques ; qu’elle est l’
210  ; qu’elle a des conséquences pratiques ; qu’elle est l’une des origines de la présente guerre ; et que cette guerre n’est,
211 nes de la présente guerre ; et que cette guerre n’ est , en fin de compte, malgré tous ses prétextes matériels, qu’un épisode
212 millénaire bataille de la culture. L’adversaire est en nous S’il y a bataille, c’est donc qu’il y a deux adversaires.
213 lle, c’est donc qu’il y a deux adversaires. Quels sont -ils ? Mais d’abord, essayons d’écarter un malentendu menaçant. La bat
214 menaçant. La bataille dont je vais vous parler n’ est pas une bataille politique. Les adversaires ne sont nullement les act
215 st pas une bataille politique. Les adversaires ne sont nullement les actuels belligérants, et il n’est pas question, ici, de
216 sont nullement les actuels belligérants, et il n’ est pas question, ici, de confondre l’un des partis avec la cause de la c
217 n des partis avec la cause de la culture, l’autre étant le parti de l’anti-culture. Ce genre d’opposition est très tentant, j
218 le parti de l’anti-culture. Ce genre d’opposition est très tentant, je l’avoue, et aujourd’hui plus que jamais… C’est malgr
219 tzendorf, avait coutume de dire : « Tout ce qui n’ est pas aussi simple qu’une gifle ne vaut rien pour la guerre. » Grâce à
220 ne vaut rien pour la guerre. » Grâce à Dieu, nous sommes encore neutres, et nous avons encore le droit de ne pas nous livrer à
221 fier les forces mauvaises qui les menacent. S’ils sont malades, ils pensent que c’est la faute d’un objet maléfique, ou d’un
222 ours, la cause du mal, c’est-à-dire l’adversaire, est devant eux, à l’extérieur. Or, notre civilisation, sous l’influence d
223 ivilisation, sous l’influence du christianisme, s’ est efforcée de nous faire comprendre que la vraie cause de nos malheurs
224 ire comprendre que la vraie cause de nos malheurs est presque toujours en nous-mêmes. Il faut reconnaître, hélas, que cette
225 ts enfants qui battent la table à laquelle ils se sont heurtés. Il est facile et rassurant de noircir le voisin pour mieux s
226 ttent la table à laquelle ils se sont heurtés. Il est facile et rassurant de noircir le voisin pour mieux se blanchir soi-m
227 imaginables. Et cet ennemi qui nous menace, il ne serait nullement suffisant de l’anéantir pour nous en délivrer. Car la tenda
228 prit Songeant à notre civilisation moderne, je suis de plus en plus frappé par ces deux traits : d’une part, une étonnant
229 leront pour la paix. Mais l’état de notre culture est tel que l’invention sera utilisée pour détruire cette paix, préciséme
230 s l’état de notre culture est tel que l’invention sera utilisée pour détruire cette paix, précisément, que le prix devait co
231 vager la civilisation qui les produit ? Vous vous êtes tous posé cette question-là. Mais il ne suffit pas de se la poser et
232 que signifie une si cruelle disharmonie, quelles sont ses causes, et s’il existe des remèdes. Car il ne serait pas suffisan
233 ses causes, et s’il existe des remèdes. Car il ne serait pas suffisant de n’accuser que la méchanceté des hommes : c’est l’esp
234 s ce même ordre. Le but des inventions techniques est double : il est d’une part d’économiser du travail d’hommes par les m
235 Le but des inventions techniques est double : il est d’une part d’économiser du travail d’hommes par les machines, et donc
236 sait que les résultats pratiques du machinisme ne sont pas d’augmenter les loisirs, mais bien d’augmenter le chômage, et qu’
237 ier de Paris, membre d’un comité de bienfaisance, fut interrogé un jour, devant moi, par un de ses collègues. Était-il vrai
238 ogé un jour, devant moi, par un de ses collègues. Était -il vrai, lui demandait-on, que sa banque finançât la guerre des Japon
239 i ? Il répondit que c’était vrai. — Mais alors, n’ êtes -vous pas torturé par la pensée que votre argent contribue à prolonger
240 ent, répondit-il. Car tout ce que j’ai à voir, ce sont deux colonnes de chiffres, dont la balance est favorable à ma maison.
241 e sont deux colonnes de chiffres, dont la balance est favorable à ma maison. L’exemple peut paraître caricatural. Toutefois
242 nos actions. Cette absence d’un principe d’unité est si totale qu’on ne la ressent même plus comme un scandale. Elle est d
243 n ne la ressent même plus comme un scandale. Elle est devenue toute naturelle. Le banquier dont je viens de vous parler aur
244 ur des raisons dont il ne remarquait pas qu’elles étaient sans commune mesure. Au moraliste qui s’indignait, il aurait simpleme
245 it, il aurait simplement répondu que les affaires sont les affaires. On ne peut pas additionner des chiffres et des sentimen
246 pensée sur la conduite générale des affaires, tel est le dogme fondamental de la mentalité moderne. C’est plus qu’un dogme,
247 croyance spontanée et universelle. Et ses effets sont si nombreux, si quotidiens, qu’on finit par ne plus les voir. Il est
248 quotidiens, qu’on finit par ne plus les voir. Il est admis, dans notre société, que les hommes de la pensée n’ont rien à d
249 ines de l’industrie ou de la guerre. Le divorce a été prononcé entre la culture et l’action, entre le cerveau et la main. L
250 e cerveau et la main. Les résultats de ce divorce sont infinis. Mais le plus décisif, sans doute, est celui-ci : la culture
251 e sont infinis. Mais le plus décisif, sans doute, est celui-ci : la culture apparaît aujourd’hui comme une activité de luxe
252 naturel de se priver de dessert. Oui, la culture est devenue pour nous quelque chose comme une friandise. Elle n’est plus
253 ur nous quelque chose comme une friandise. Elle n’ est plus un pain quotidien. Et après tout, cela est juste, si l’on commen
254 n’est plus un pain quotidien. Et après tout, cela est juste, si l’on commence par admettre que la pensée est impuissante su
255 uste, si l’on commence par admettre que la pensée est impuissante sur les lois fatales de l’action. Si les discours ne trom
256 ritiques même les plus perspicaces de notre temps sont autant de cris dans le désert, alors ? Laissons les choses aller… Les
257 i manque à ce point d’harmonie, et où ce manque n’ est même plus ressenti comme un scandale, je la vois condamnée à glisser,
258 , comme la nôtre, dans un désordre dont la guerre sera toujours le seul aboutissement. L’esprit de Ponce Pilate Mais a
259 t. L’esprit de Ponce Pilate Mais alors, qui est responsable de ce divorce entre la main et le cerveau ? Nous voyons b
260 le plus remarquable des débuts du xixe siècle a été , en effet, et dans tous les domaines, l’agrandissement très brusque d
261 5 000 habitants à 4 millions. Dans ces villes, se sont entassées des masses humaines informes et démesurées, là où l’on ne c
262 tites entreprises. Les richesses, elles aussi, se sont tant agrandies qu’elles ont échappé aux regards : elles sont devenues
263 grandies qu’elles ont échappé aux regards : elles sont devenues chiffres abstraits, puissances lointaines, dont les économis
264 s, puissances lointaines, dont les économistes se sont mis à étudier les mœurs étranges, qui paraissaient aussi mystérieuses
265 a plus que doublé en cent ans, ses richesses ont été décuplées, sa production industrielle centuplée, et enfin tous ces él
266 ble que la société devienne trop gigantesque pour être dominée d’un seul regard. Une seule intelligence ne peut plus en comp
267 anorama de la société devient confus. Plus rien n’ est à la mesure de l’homme individuel. Quand nous regardons en arrière, n
268 midable effort de mise en ordre ; ils auraient dû être saisis tout à la fois d’angoisse et d’enthousiasme devant ce monde dé
269 mort. Songez donc : si tous ces pouvoirs avaient été coordonnés, orientés par une vue générale, par une notion générale de
270 créer une belle vie ! Mais si ces mêmes pouvoirs étaient abandonnés à l’anarchie, s’ils se développaient chacun de son côté sa
271 vie fausse, une vie mauvaise, antihumaine. C’eût été le rôle des hommes de la pensée que d’avertir les hommes d’action. Il
272 ’est chez les philosophes et les penseurs qu’il s’ est d’abord manifesté. Et je le nommerai : l’esprit de démission, de non-
273 eut plus rien faire, car l’histoire et l’économie sont régies par des lois inflexibles. Et surtout, au développement formida
274 asses humaines rassemblées ? Primo : notre esprit est trop distingué et délicat pour agir sur ces faits ; secundo : le Prog
275 placer la bienveillante Providence. « La religion est l’opium du peuple », disait Marx. Je lui réponds que la croyance au P
276 t Marx. Je lui réponds que la croyance au Progrès est devenue l’opium de la pensée. Bien entendu, ce n’est point parce qu’i
277 devenue l’opium de la pensée. Bien entendu, ce n’ est point parce qu’ils étaient méchants ou très stupides que les penseurs
278 pensée. Bien entendu, ce n’est point parce qu’ils étaient méchants ou très stupides que les penseurs du dernier siècle ont adop
279 ibéralisme, par exemple, exalte une liberté qui n’ est que du laisser-aller ; on connaît sa devise : laisser-passer, laisser
280 intimes. Mais cela revient au même : car si tout est déterminé par les lois économiques, donc par la matière, là encore l’
281 rien. Aussi bien, Marx prétend-il que l’esprit n’ est qu’un reflet, un sous-produit des processus matériels. Vous voyez que
282 processus matériels. Vous voyez que tout le monde est d’accord pour déclarer que la pensée n’a rien à voir avec l’action. S
283 arer que la pensée n’a rien à voir avec l’action. Soit qu’elle plane, orgueilleuse et pure au-dessus de la matière et de ses
284 la matière et de ses lois — selon les libéraux — soit qu’au contraire, humble et servile, elle se borne à refléter ces lois
285 pour les uns, trop basse pour les autres, elle n’ est jamais au niveau de notre action. S’il fallait résumer rapidement les
286 rganiser et de centraliser en écrivant : « L’État est le plus froid parmi les monstres froids. » Mais à part ces deux solit
287 rel. Tout cela parce qu’on pensait que le Progrès était sain, juste et infaillible, et que la seule tâche sérieuse était de g
288 te et infaillible, et que la seule tâche sérieuse était de gagner de l’argent en attendant que les choses s’arrangent d’elles
289 rrangent d’elles-mêmes. Or, en réalité, rien ne s’ est arrangé. Et voici où nous rejoignons le temps présent. Dans une cité
290 é où la culture n’a plus en fait l’initiative, ce sont les lois de la production et de la guerre qui imposent leurs nécessit
291 é donnée. Dans la cité grecque, par exemple, tout était rapporté à la mesure de l’individu raisonnable. Dans l’Empire romain,
292 ’individu raisonnable. Dans l’Empire romain, tout était réglé par le droit d’État. Chez les Juifs, c’était la Loi de Moïse qu
293 ui que la Loi des Juifs, le droit et la théologie sont méprisés ou ignorés, maintenant que tout, dans le monde, échappe aux
294 us d’argent : c’est la misère. Et quand la misère est trop grande, alors c’est l’État-providence qui se charge de tout mett
295 au pas. Le malheur, c’est que l’Argent et l’État sont des principes qui ne valent rien dans le monde de l’esprit. Et dès lo
296 uire sans erreur ni malentendu. Les lieux communs étaient donc à la base de toute la vie sociale du siècle. Que sont-ils devenu
297 à la base de toute la vie sociale du siècle. Que sont -ils devenus parmi nous ? Prenons trois mots parmi les plus fréquents
298 rents dans le dictionnaire de Littré. Mais cela n’ est pas un mal, car ces sens, justement, sont exactement définis. Ce qui
299 s cela n’est pas un mal, car ces sens, justement, sont exactement définis. Ce qui est grave, c’est qu’à ces 29 sens, nous en
300 sens, justement, sont exactement définis. Ce qui est grave, c’est qu’à ces 29 sens, nous en avons ajouté d’autres sur lesq
301 tionnaire des créateurs. Si j’affirme que mon but est de sauver l’esprit, le marxiste en déduira que je néglige la vie conc
302 ce monde. La liberté, tout le monde l’invoque, n’ est -ce pas ? Mais pour l’économiste libéral, cela signifie le droit de ru
303 ncurrence ; pour l’individualiste anarchisant, ce sera le refus d’obéir à l’État ; dans tel pays, la liberté consiste à s’ar
304 oisin faible ; dans un troisième pays, la liberté sera tout simplement la permission de dire à haute voix ce que l’on pense.
305 iera tantôt le statu quo social, si absurde qu’il soit , tantôt l’établissement d’une hiérarchie nouvelle au prix d’une révol
306 ise et la théologie qui s’en chargeaient. Puis ce furent les écrivains. Mais que peuvent-ils dans notre monde démesuré ? Un Va
307 mpte. Or quand la parole se détruit, quand elle n’ est plus le don qu’un homme fait à un homme, et qui engage quelque chose
308 it à un homme, et qui engage quelque chose de son être , c’est l’amitié humaine qui se détruit, le fondement même de toute co
309 à un dialogue d’Alice au pays des Merveilles (qui est un de mes livres préférés), dialogue dont voici trois répliques : « Q
310 x qu’il signifie… ni plus ni moins. — La question est de savoir, dit Alice, si vous pouvez faire que les mêmes mots signifi
311 signifient des choses différentes ? — La question est de savoir, dit Humpty-Dumpty, qui est le plus fort… et c’est tout. »
312 La question est de savoir, dit Humpty-Dumpty, qui est le plus fort… et c’est tout. » Nous en sommes exactement là : c’est l
313 y, qui est le plus fort… et c’est tout. » Nous en sommes exactement là : c’est le plus fort qui définit le sens des mots et qu
314 pareille décadence des lieux communs, la culture est à l’agonie. Mais en même temps, la vie sociale et politique devient p
315 est une angoisse informulée, mais dont les signes sont partout. Or maintenant, de cette angoisse monte un appel, le formidab
316 e réponse à la fois frappante et concrète. « Tout est en désordre ? ont-ils dit. C’est bien simple. Nous allons proclamer q
317 llons proclamer que l’intérêt de l’État dont nous sommes devenus les maîtres est la seule règle de toute activité, culturelle,
318 êt de l’État dont nous sommes devenus les maîtres est la seule règle de toute activité, culturelle, politique, ou même reli
319 ire de grosses fautes de calcul. Surtout quand on est très pressé. Or il est certain que ces chefs étaient horriblement pre
320 e calcul. Surtout quand on est très pressé. Or il est certain que ces chefs étaient horriblement pressés, à cause de la mis
321 est très pressé. Or il est certain que ces chefs étaient horriblement pressés, à cause de la misère que subissaient leurs peup
322 ont voulu imposer à l’ensemble des principes qui étaient partiels. La discipline d’État, ou le sang, ou la classe, ce sont cer
323 a discipline d’État, ou le sang, ou la classe, ce sont certes des réalités. Mais des réalités partielles. Si la loi qu’on im
324 éalités partielles. Si la loi qu’on impose à tous est calculée seulement pour certains types, soit physiques, soit sociolog
325 tous est calculée seulement pour certains types, soit physiques, soit sociologiques, cette loi est pratiquement une odieuse
326 ée seulement pour certains types, soit physiques, soit sociologiques, cette loi est pratiquement une odieuse tyrannie pour t
327 es, soit physiques, soit sociologiques, cette loi est pratiquement une odieuse tyrannie pour tous ceux qui débordent le cad
328 une manière incomplète. Or, en pareil domaine, il est très dangereux de se tromper si peu que ce soit, et de donner une rép
329 il est très dangereux de se tromper si peu que ce soit , et de donner une réponse qui ne soit pas vraiment totale. Nous conna
330 peu que ce soit, et de donner une réponse qui ne soit pas vraiment totale. Nous connaissons les résultats d’une pareille fa
331 oser la plus sérieuse question humaine. Et s’il n’ est pas encore aussi tragique dans des pays moins menacés par la misère,
332 savoir si nous saurons utiliser le délai qui nous est accordé, à nous les neutres, pour découvrir les vraies causes du mal,
333 nous d’abord. Car nous aussi, je le répète, nous sommes atteints ! À la recherche de l’homme réel J’aime employer les m
334 r sens étymologique. L’étymologie, vous le savez, est une science très incertaine, mais c’est un art très significatif. Lor
335 actériser certains aspects du monde moderne, ce n’ était pas sans intention. Car énorme ne signifie pas seulement grand, immen
336 sort de la norme — de la mesure. Un monde énorme est un monde sans mesure, un monde démesuré par rapport à l’homme seul et
337 quel principe pourrions-nous rebâtir un monde qui soit vraiment à hauteur d’homme ? Un monde où la pensée, la culture et l’e
338  ? Un monde où la pensée, la culture et l’esprit, soient de nouveau capables d’agir ? Et quelle est l’attitude de pensée qui p
339 it, soient de nouveau capables d’agir ? Et quelle est l’attitude de pensée qui peut nous orienter dès à présent vers une co
340 il ne change pas, toutes les réformes matérielles sont inutiles et tournent au malheur. Car le mal qui est dans l’action n’a
341 t inutiles et tournent au malheur. Car le mal qui est dans l’action n’a pas d’autres racines que le mal qui est dans la pen
342 l’action n’a pas d’autres racines que le mal qui est dans la pensée. Et voici sa racine profonde : politiciens ou intellec
343 ont oublié l’homme dans leurs calculs, ou bien se sont trompés sur sa nature. Ils ont perdu de vue sa définition même. Leur
344 u de vue sa définition même. Leur point de départ est faux, et c’est pourquoi leurs efforts, même les plus sincères, abouti
345 groupe humain, ni trop vaste ni trop étroit. Il n’ est pas bon que l’homme soit seul ; il n’est pas bon non plus que l’homme
346 aste ni trop étroit. Il n’est pas bon que l’homme soit seul ; il n’est pas bon non plus que l’homme soit foule. Le monde rat
347 it. Il n’est pas bon que l’homme soit seul ; il n’ est pas bon non plus que l’homme soit foule. Le monde rationaliste et lib
348 soit seul ; il n’est pas bon non plus que l’homme soit foule. Le monde rationaliste et libéral supposait que l’humanité n’ét
349 ationaliste et libéral supposait que l’humanité n’ était qu’un assemblage d’individus, d’hommes qui avaient surtout des droits
350 C’est pourquoi l’individualisme, qui les néglige, est une doctrine antisociale. Elle a pour effet mécanique de dissocier to
351 randes firmes et des grands partis politiques. Il est prêt à se laisser « aimanter » comme limaille par le premier magnétis
352 er, nous nous trouvons portés à l’autre pôle, qui est le pôle collectiviste. Toute l’histoire de l’Europe peut être ramenée
353 collectiviste. Toute l’histoire de l’Europe peut être ramenée à ces grands balancements d’un pôle à l’autre. À l’anarchie i
354 ectivité. Il s’agit de voir que l’homme concret n’ est pas le Robinson d’une île déserte, ni l’anonyme numéro d’un rang, mai
355 éserte, ni l’anonyme numéro d’un rang, mais qu’il est à la fois un être unique, et un être qui a des semblables. Rester soi
356 yme numéro d’un rang, mais qu’il est à la fois un être unique, et un être qui a des semblables. Rester soi-même au sein d’un
357 g, mais qu’il est à la fois un être unique, et un être qui a des semblables. Rester soi-même au sein d’un groupe, être un ho
358 semblables. Rester soi-même au sein d’un groupe, être un homme libre et pourtant relié, c’est l’idéal de l’homme occidental
359 pas dire que c’est une utopie ! Car ce problème a été résolu, cet idéal réalisé, au ier siècle de notre ère, par les commu
360 autés de l’Église primitive. Le chrétien primitif est un homme qui, du fait de sa conversion, se trouve chargé d’une vocati
361 le. Voilà l’homme que j’appelle une personne : il est à la fois libre et engagé, et il est libéré par cela même qui l’engag
362 ersonne : il est à la fois libre et engagé, et il est libéré par cela même qui l’engage envers son prochain, je veux dire p
363 Eh bien, je dis que les maux dont nous souffrons sont avant tout des maladies de la personne. Quand l’homme oublie qu’il es
364 ladies de la personne. Quand l’homme oublie qu’il est responsable de sa vocation envers ses prochains, il devient individua
365 devient individualiste. Et quand il oublie qu’il est responsable de sa vocation envers lui-même, il devient collectiviste.
366 t réel, c’est celui qui se sait à la fois libre d’ être soi-même vis-à-vis de l’ensemble, et engagé vis-à-vis de cet ensemble
367 tu veux faire quelque chose, mais alors, cesse d’ être toi-même ! Comment sortir de ce cercle vicieux ? Par un changement d’
368 ibliothèques. Or cette idée de lois fatales avait été empruntée à la science et transportée abusivement dans les domaines p
369 psychologie. Et voici que cette idée paralysante est en train de subir certains coups décisifs : ce sont précisément les h
370 st en train de subir certains coups décisifs : ce sont précisément les hommes de science qui, les premiers, cessent d’y croi
371 s, de lois absolument indépendantes de l’homme, n’ était qu’une illusion rationaliste. Qu’il me suffise de rappeler ici les dé
372 ujourd’hui que les fameuses lois scientifiques ne sont en fait que de commodes conventions, dépendant des systèmes de mesure
373 nt nous dire que même dans l’ordre matériel, il n’ est plus permis de concevoir une observation impartiale, à combien plus f
374 s lois rigides de notre société. En vérité, il n’ est de lois fatales que là où l’esprit démissionne. Toute action créatric
375 s statistiques. Ainsi les lois de la publicité ne sont exactes que dans la mesure où l’homme n’est qu’un mouton ; elles sont
376 é ne sont exactes que dans la mesure où l’homme n’ est qu’un mouton ; elles sont fausses et inexistantes dès qu’un homme red
377 s la mesure où l’homme n’est qu’un mouton ; elles sont fausses et inexistantes dès qu’un homme redevient conscient des vrais
378 s temps révolus ? Chaque historien, si scrupuleux soit -il, est bien obligé de choisir, dans la masse de ses renseignements.
379 évolus ? Chaque historien, si scrupuleux soit-il, est bien obligé de choisir, dans la masse de ses renseignements. Et qui d
380 stèmes de faits. Et l’historien qui croit pouvoir être impartial est simplement un homme qui refuse de s’avouer ses partis p
381 . Et l’historien qui croit pouvoir être impartial est simplement un homme qui refuse de s’avouer ses partis pris. Il oublie
382 culière. Si j’insiste sur cet axiome, c’est qu’il est particulièrement libérateur pour la pensée et la culture en général,
383 conomiques, ou historiques, ou biologiques. Or il est clair que ces lois ne sont vraies, ou plutôt ne deviennent vraies, qu
384 , ou biologiques. Or il est clair que ces lois ne sont vraies, ou plutôt ne deviennent vraies, qu’en vertu d’une immense dém
385 s brutales, et le ton sur lequel on les prône, ne sont en fait que des solutions de paresse intellectuelle, des solutions de
386 a capacité de ses prises immédiates. Mais quelles seront alors les directives de cette action redevenue possible ? Qui recréer
387 damentaux d’une société plus harmonieuse puissent être formulés dès maintenant comme un programme de parti politique. Ils do
388 d. Jusqu’à l’ère du rationalisme, les Églises ont été les grandes pourvoyeuses de lieux communs pour la cité. La théologie
389 uns pour la cité. La théologie médiévale, par les sommes de Thomas d’Aquin, fixait à la pensée et à l’action des règles vérita
390 fasciné les masses ouvrières, c’est parce qu’il s’ est chargé de la mission sociale qu’avaient trahie toutes les Églises. Ni
391 es. Nicolas Berdiaev l’a bien vu : le bolchévisme fut le châtiment d’un christianisme devenu passif devant le monde. Or il
392 aux économistes aussi. Car après tout, l’économie est une création des hommes, d’autres hommes peuvent la modifier, et l’im
393 tres hommes peuvent la modifier, et l’important n’ est pas de produire au maximum selon les règles que fournissent les techn
394 ai insisté sur le rôle des Églises parce qu’elles sont le type même des groupes au sein desquels la culture d’Occident a tou
395 é ses mesures. Bien d’autres groupes, je le sais, sont à l’œuvre. Mouvement des groupes d’Oxford, mouvement des groupes pers
396 s l’intolérance qui veut tout uniformiser, et qui est donc une mort de l’esprit. La tolérance était la pâle vertu des libér
397 t qui est donc une mort de l’esprit. La tolérance était la pâle vertu des libéraux individualistes. L’intolérance est la somb
398 vertu des libéraux individualistes. L’intolérance est la sombre vertu des partisans collectivistes. De leur lutte est sorti
399 vertu des partisans collectivistes. De leur lutte est sortie la guerre. Le seul moyen de dépasser cette mauvaise position d
400 inconvénients : car chacun, dans le groupe où il est né, ou dans le groupe qu’il a choisi, peut donner le meilleur de soi-
401 de préparer une paix solide. Car, après tout, qu’ est -ce que la guerre actuelle ? C’est la rançon fatale du gigantisme et d
402 a plus extraordinaire des rencontres, se trouvent être également valables pour ceux qui veulent défendre la culture, et pour
403 s, la plus belle promesse ! Maintenant, la preuve est faite, attestée par le sang, que la solution suisse et fédérale est s
404 e par le sang, que la solution suisse et fédérale est seule capable de fonder la paix, puisque l’autre aboutit à la guerre.
405 a paix, puisque l’autre aboutit à la guerre. Ce n’ est pas notre orgueil qui l’imagine, ce sont les faits qui nous obligent
406 rre. Ce n’est pas notre orgueil qui l’imagine, ce sont les faits qui nous obligent à le reconnaître avec une tragique éviden
407 possible de l’Europe. Le seul lieu où cet avenir soit , d’ores et déjà, un présent. Il ne s’agit pas de grands mots, de lyri
408 ’idéalisme. Il s’agit de voir qu’en fait, si nous sommes là, au service du pays, ce n’est pas pour défendre des « fromages »,
409 fait, si nous sommes là, au service du pays, ce n’ est pas pour défendre des « fromages », des conseils d’administration, no
410 cela aussi bien que nous — peut-être mieux ! Ce n’ est pas non plus, comme le disait fort bien Karl Barth, pour protéger nos
411 lontiers de cette œuvre de Heimatschutz.) Si nous sommes là, c’est pour exécuter la mission dont nous sommes responsables depu
412 mmes là, c’est pour exécuter la mission dont nous sommes responsables depuis des siècles, depuis les temps du Saint-Empire : n
413 mpire : notre mission vis-à-vis de l’Europe. Nous sommes chargés de la défendre contre elle-même, de garder son trésor, d’affi
414 s connaissons mieux que personne. Tout mon espoir est qu’il se forme ici des équipes de fédérateurs, d’hommes qui comprenne
415 teurs, d’hommes qui comprennent enfin que l’heure est venue, pour nous autres Suisses, de voir grand, de voir aux proportio
416 individu engagé dans la communauté. Cette œuvre n’ est pas utopique : car je me refuse à nommer utopie le seul espoir qui no
417 me refuse à nommer utopie le seul espoir qui nous soit accordé. Encore faut-il que cet espoir soit soutenu par tout un peupl
418 nous soit accordé. Encore faut-il que cet espoir soit soutenu par tout un peuple, et qu’il ne se laisse pas décourager par
419 cosmiques. La vie de la cité et de la culture, ce sera toujours une bataille. Entre l’esprit de lourdeur, comme disait Nietz
420 it Nietzsche, et les forces de création, la lutte sera toujours ouverte, tant qu’il y aura du péché sur la terre. Non, l’heu
421 u’il y aura du péché sur la terre. Non, l’heure n’ est pas au facile optimisme, dans une Europe tout obscurcie par la menace
422 tout obscurcie par la menace des avions. L’heure est plutôt venue de répéter la question du prophète Isaïe : « Sentinelle,
423  ! » La paix que nous devons invoquer ne peut pas être une simple absence de guerre. Spirituellement, une vraie paix sera to
424 bsence de guerre. Spirituellement, une vraie paix sera toujours plus difficile à vivre et à gagner que cette guerre où tout
425 ver une cité à la mesure de la personne, nous qui sommes encore épargnés, ne perdons pas notre délai de grâce ! C’est à nous d
426 un seul trait prophétique : « Le combat spirituel est aussi brutal que la bataille d’hommes, mais la vision de la justice e
427 a bataille d’hommes, mais la vision de la justice est le plaisir de Dieu seul. » 13. Conférence prononcée le 15 janvier
428 en, et dans plusieurs villes de Hollande. 14. Je tiens à préciser que cette déclaration ne tend nullement à justifier « les
429 re en septembre 1939 le manifeste intitulé « Nous sommes tous coupables ». Je veux dire ceci : nous sommes coupables dans la m
430 sommes tous coupables ». Je veux dire ceci : nous sommes coupables dans la mesure où nous ne condamnons pas en nous aussi, et
431 n nous d’abord, la mentalité totalitaire. 15. Il serait juste d’ajouter ici les noms de deux grands Suisses : Jacob Burckhard
432 e. 16. Cf. Penser avec les mains , où ces idées sont développées plus au long.
4 1940, Mission ou démission de la Suisse. Neutralité oblige, (1937)
433 ur voir venir, et puis vous vous apercevez que ce sont vos réponses elles-mêmes, celles que déjà vous étiez prêt à lui donne
434 nt vos réponses elles-mêmes, celles que déjà vous étiez prêt à lui donner, qui se trouvent mises en question par sa méfiance
435 ises en question par sa méfiance paysanne. Cela n’ est pas sans irriter certains. Pour moi, je ne sais rien de plus salutair
436 u « plan moral », comme nous aimons à dire. Elles sont d’usage interne, individuel. Les doutes que Ramuz nous propose touche
437 ut commun que la sécurité et le profit ? Pourquoi sommes -nous confédérés ? Et pourquoi, enfin, sommes-nous neutres ? Je voudra
438 quoi sommes-nous confédérés ? Et pourquoi, enfin, sommes -nous neutres ? Je voudrais souligner ceci : que c’est aux Suisses, fi
439 garde en même temps le souci d’expliquer qui nous sommes à nos voisins, c’est peut-être que notre lot, en tant que Suisses, et
440 n en tant que Vaudois, ou Genevois, ou Zurichois, est d’exister en fonction de ces voisins. Je vois l’équivoque de la phras
441 ne dis pas que cette interprétation désobligeante soit toujours fausse dans le fait. Mais on peut et on doit concevoir une t
442 it concevoir une tout autre forme d’existence qui serait « en fonction des voisins », et qui serait tout de même, ou par là mê
443 ce qui serait « en fonction des voisins », et qui serait tout de même, ou par là même, une existence, au sens plein de ce term
444 amuz. Cela revient à dire : a-t-elle une raison d’ être  ? J’essaierai de répondre ici du point de vue qui me paraît le plus f
445 du personnalisme. ⁂ La question de la neutralité est peut-être la plus importante qu’il faille poser à la Suisse. Parce qu
446 , que l’état de fait créé par le traité de Vienne est aussi mal interprété par ses garants que par ses soi-disant bénéficia
447 l’on considère volontiers que la neutralité nous est due, comme l’air et les beautés de la nature. Privilège inconditionne
448 s et fortes raisons de notre neutralité, celle-ci sera balayée un jour prochain avec les vieux chiffons de papier qui sont c
449 ur prochain avec les vieux chiffons de papier qui sont censés la garantir. Quand bien même nous aurions voté des milliards d
450 pays comme le nôtre, la conscience de sa raison d’ être , et le prestige qui s’y attache. On croit souvent, surtout chez nous,
451 dans l’équilibre européen. Et quand bien même il serait démontré que la Suisse ne peut plus prétendre à jouer un rôle analogu
452 analogue, croit-on que son droit à rester neutre soit suffisamment garanti du seul fait qu’elle le juge naturel ? La meille
453 leure garantie d’un droit, la seule peut-être qui soit efficace, c’est l’exercice réel de la charge dont ce droit représente
454 contrepartie. Le droit de propriété, par exemple, est à la fois la condition d’une entreprise personnelle, et la juste cont
455 des coupons de papier dans une banque, ses droits sont ressentis comme des abus. Ils cessent dès lors d’être assurés en fait
456 ressentis comme des abus. Ils cessent dès lors d’ être assurés en fait ; comme le démontre l’histoire récente du capitalisme
457 . Trop assurés dans un statut dont les commodités sont surtout matérielles, et les obligations surtout spirituelles, ils se
458 neutralité dans le cadre nouveau de l’Europe. Il est fatal que ces dilemmes se multiplient à l’avenir. Le fameux équilibre
459 ement bouleversé et réorganisé, au sein duquel il est urgent que nous trouvions une place nettement redéfinie. Bref, tout n
460 Europe d’aujourd’hui. Notre chance et nos risques sont là. La mission essentielle de la Suisse est une mission personnaliste
461 ques sont là. La mission essentielle de la Suisse est une mission personnaliste au premier chef : sauvegarder une Weltansch
462 ndent mutuellement19. Cette conception du monde n’ est pas nouvelle : elle constitue l’apport spécifique de l’Europe à l’hum
463 st autour d’elle et grâce à elle que l’Occident s’ est édifié, et qu’il a dominé le monde. Elle n’est nullement, comme certa
464 s’est édifié, et qu’il a dominé le monde. Elle n’ est nullement, comme certains voudraient le croire, une espèce de juste m
465 e bourgeois et du collectivisme dictatorial. Elle est la position centrale, à la fois naturelle et spirituelle, dont l’indi
466 rbides. Et dès lors, la mission de la Suisse peut être définie à l’échelle de l’Europe : la Suisse doit être la gardienne de
467 définie à l’échelle de l’Europe : la Suisse doit être la gardienne de ce principe central, fédératif ; et elle ne peut être
468 ce principe central, fédératif ; et elle ne peut être autre chose, de par sa nature même, physique et historique. Gardiens
469 et de celui de la Croix-Rouge, gardiens de ce qui est européen et commun à toutes les nations20 étant eux-mêmes dans la mes
470 qui est européen et commun à toutes les nations20 étant eux-mêmes dans la mesure où ils sont cela, dans la mesure où ils exis
471 s nations20 étant eux-mêmes dans la mesure où ils sont cela, dans la mesure où ils existent pour l’ensemble — voilà les Suis
472 s là je ne sais quelle manière d’idéaliser ce qui est mesquin. Car ce qui est mesquin chez nous, n’est en fait qu’une dégra
473 anière d’idéaliser ce qui est mesquin. Car ce qui est mesquin chez nous, n’est en fait qu’une dégradation de l’idéal qui de
474 est mesquin. Car ce qui est mesquin chez nous, n’ est en fait qu’une dégradation de l’idéal qui devrait nous unir. La devis
475 face à l’Europe son droit à la neutralité. Elle n’ est réellement intangible que parce qu’elle est l’expérience témoin, l’an
476 lle n’est réellement intangible que parce qu’elle est l’expérience témoin, l’annonciatrice d’une Europe fédérée dont elle p
477 nion suisse, telle que la traduisent nos journaux est en contradiction fréquente avec notre neutralité, et ce qui est pire,
478 iction fréquente avec notre neutralité, et ce qui est pire, avec la mission même qui justifie cette neutralité. Elle se per
479 u’elle y court moins de risques immédiats. Rien n’ est plus agaçant pour l’étranger que cette espèce de suffisance moralisan
480 nd nos journaux font la leçon à Léon Blum22, ce n’ est pas — comme ce pourrait l’être — au nom de la démocratie réelle, comm
481 à Léon Blum22, ce n’est pas — comme ce pourrait l’ être  — au nom de la démocratie réelle, communale et fédéraliste, mais au n
482 éraliste, mais au nom d’intérêts de classe qui ne sont ni démocratiques ni nationaux. La même critique peut d’ailleurs s’adr
483 pourra dire que la Suisse a retrouvé sa raison d’ être , et d’être neutre. Quoi de plus comique et de plus irritant que d’ad
484 e que la Suisse a retrouvé sa raison d’être, et d’ être neutre. Quoi de plus comique et de plus irritant que d’admirer les f
485 ue d’admirer les fascismes étrangers alors qu’ils sont les formes politiques les plus violemment centralistes, les plus cont
486 but d’exalter leur mission nationale. Quelles que soient les réserves de fond qu’il y ait à faire, et je les fais, sur l’authe
487 es missions qu’ils proclament à son de trompe, il est clair que leur force est là, et qu’en les admirant, en les enviant, n
488 ment à son de trompe, il est clair que leur force est là, et qu’en les admirant, en les enviant, nous sommes précisément en
489 t là, et qu’en les admirant, en les enviant, nous sommes précisément en train de perdre ce qu’ils ont retrouvé : le sens de la
490 ation. L’autorité qu’une certaine presse suisse s’ était acquise à l’étranger reposait justement sur le fait que nous étions s
491 ’étranger reposait justement sur le fait que nous étions seuls à juger dans une perspective européenne. (Nos trois cultures no
492 la manière des partisans français ou allemands, n’ est plus qu’une presse d’intérêt local. Là encore, nos chances sont uniqu
493 ne presse d’intérêt local. Là encore, nos chances sont uniques, nous pourrions être les premiers. Mais à cette seule conditi
494 encore, nos chances sont uniques, nous pourrions être les premiers. Mais à cette seule condition : de savoir au nom de quoi
495 savoir au nom de quoi nous parlons. Et ce ne peut être qu’au nom de l’avenir de l’Europe, puisque c’est cela que nous sommes
496 l’avenir de l’Europe, puisque c’est cela que nous sommes dès maintenant. 2. La culture. Je ne l’envisagerai ici que sous l’ang
497 ndre chez les intellectuels à l’endroit de ce qui est « germanique » dans notre vie confédérale. Réaction de faiblesse, et
498 construire des Bastions de l’Est23, la situation est bien plus favorable. Mais il faudrait savoir l’envisager dans sa gran
499 pu synthétiser et relier. Toutes ces nations ont été grandes tour à tour, dans la musique ou la peinture, la poésie ou la
500 ure, la poésie ou la philosophie. Et peut-être ne serons -nous jamais aussi grands qu’aucune d’entre elles dans aucun de ces do
501 ces domaines particuliers24. Mais notre grandeur est ailleurs : elle est dans l’harmonie intime, ou dans l’opposition trag
502 uliers24. Mais notre grandeur est ailleurs : elle est dans l’harmonie intime, ou dans l’opposition tragique à l’intérieur d
503 vocation. Neutralité, sur le plan culturel, ce n’ est pas mélange, ni accommodation et encore moins imitation médiocre. Ce
504 modation et encore moins imitation médiocre. Ce n’ est pas forcément cela. C’est au contraire (ou plutôt ce doit être) un co
505 ément cela. C’est au contraire (ou plutôt ce doit être ) un combat perpétuel, exaltant, le battement du cœur de l’Europe. Vou
506 ’Europe. Vouloir créer une « culture suisse », ce serait trahir notre mission, ce serait le péché même d’idolâtrie qui consist
507 ture suisse », ce serait trahir notre mission, ce serait le péché même d’idolâtrie qui consiste dans son principe à adorer les
508 je pas jusqu’à dire que notre grandeur culturelle est de n’avoir pas de culture suisse, mais seulement une culture européen
509 essus un Jérémie Gotthelf et un Ramuz. Ceux-là ne sont Européens que parce qu’ils sont d’abord, et génialement, pasteur bern
510 Ramuz. Ceux-là ne sont Européens que parce qu’ils sont d’abord, et génialement, pasteur bernois et Vaudois rhodanien. Mais d
511 « enracinés » ne font pas une culture suisse. Ce sont deux vocations isolées, et la culture suppose une suite, un progrès,
512 mais au niveau de la vraie culture, nous pouvons être les moyens de la grandeur future de l’Europe. (Il y a là plus qu’un c
513 ure de l’Europe. (Il y a là plus qu’un calembour, soit dit pour essayer de rassurer ces gens sérieux que sont les Suisses mo
514 dit pour essayer de rassurer ces gens sérieux que sont les Suisses moyens — et même les autres.) 3. Avec l’armée, je reviens
515 ée, je reviens au concret, ou du moins à ce qu’on tient pour tel dans un pays où les valeurs intellectuelles passent plus qu’
516 s n’ont moins d’action sur la vie politique.) Il est clair, et on le dit assez pour que je n’aie pas à insister, que l’arm
517 as à insister, que l’armée d’un petit pays neutre est très facilement justifiable, aux yeux du pacifiste le plus ardent. El
518 peut livrer qu’une « guerre juste », puisqu’elle est incapable d’attaquer. Elle ne joue que le rôle d’une garde, et par là
519 oue que le rôle d’une garde, et par là même, elle est conforme à notre vocation profonde. Garde montée autour des cols, dir
520 ure des frontières par les habitants de la région sont absolument dans la ligne du fédéralisme réel26. Armée démocratique, d
521 écoles militaires. Oui, c’est bien là ce que doit être une armée consciente de son rôle de garde neutre. Il s’agit que cette
522 it que cette conscience reste vivace. Que l’armée soit proche du peuple, cela doit avoir pour effet idéal de « civiliser » l
523 milice et non de militariser l’esprit public. Il est important de rappeler que l’armée d’une fédération ne conserve sa rai
524 l’armée d’une fédération ne conserve sa raison d’ être que si l’on croit à cette fédération et à la tâche qui lui incombe au
525 lui incombe au milieu de voisins redoutables. Il est important de rappeler que l’armée étant chose fédérale, ne peut être
526 utables. Il est important de rappeler que l’armée étant chose fédérale, ne peut être l’armée d’une classe, de ses intérêts, d
527 appeler que l’armée étant chose fédérale, ne peut être l’armée d’une classe, de ses intérêts, de son ordre. Il n’y aurait au
528 l’on nomme chez nous « le militaire », ne saurait être légitime qu’à proportion du sens profond des raisons d’être de la Sui
529 ime qu’à proportion du sens profond des raisons d’ être de la Suisse dont nous témoignons par ailleurs. N’allons pas croire q
530 ignons par ailleurs. N’allons pas croire que pour être un bon Suisse, il faut et il suffit que l’on soit un bon soldat ! Car
531 être un bon Suisse, il faut et il suffit que l’on soit un bon soldat ! Car on ne peut être un bon soldat, chez nous, que si
532 ffit que l’on soit un bon soldat ! Car on ne peut être un bon soldat, chez nous, que si d’abord on prouve que l’on est un bo
533 dat, chez nous, que si d’abord on prouve que l’on est un bon Suisse. Après tout, notre armée n’est qu’un aspect de notre dé
534 l’on est un bon Suisse. Après tout, notre armée n’ est qu’un aspect de notre défense fédérale. Et un aspect subordonné. Si l
535 ne crois pas d’ailleurs que les armes matérielles soient pour nous une défense suffisante27. Je vois bien qu’elles sont nécess
536 s une défense suffisante27. Je vois bien qu’elles sont nécessaires. Mais je vois aussi qu’avec la cinquantième partie de l’a
537 nse nationale dans un pays dont la vraie raison d’ être est en fin de compte spirituelle, devrait comporter normalement à côt
538 ationale dans un pays dont la vraie raison d’être est en fin de compte spirituelle, devrait comporter normalement à côté du
539 fications parfois mythiques à des réalités qui se sont constituées par le jeu d’intérêts et de routines médiocres. Vous donn
540 des rangs devant la menace extérieure29 ». Rien n’ est plus vrai, et c’est très consciemment que nous opérons ce redressemen
541 ment que nous opérons ce redressement urgent ! Qu’ est -ce donc qu’une révolution, sinon justement un effort pour restaurer l
542 ivant et pur contre les ennemis du dedans, afin d’ être fort au-dehors. L’esprit bourgeois, l’économie capitaliste, une pares
543 à nous réduire à nos proportions matérielles, qui sont petites, qui sont médiocres. J’ai cité le cas de la presse, se réduis
544 os proportions matérielles, qui sont petites, qui sont médiocres. J’ai cité le cas de la presse, se réduisant elle-même au r
545 la passion, des communications fécondes entre les êtres , une circulation des cultures, une respiration des âmes. Et ceci qui
546 s cultures, une respiration des âmes. Et ceci qui est le plus important : des possibilités d’imaginer, donc d’innover et de
547 l œcuménique de toutes les Églises non romaines a été fixé à Genève. Ici, il s’agit plutôt d’un germe, d’un avenir. 21. Qu
548 r. 21. Quant à la civilisation britannique, elle fut , pour nous, de la Réforme jusqu’au xixe siècle, une quatrième voisin
549 e rappelle que ces pages datent de 1937. 23. À l’ est de la Suisse romande, s’entend. 24. En passant : nos grands artistes
550 les maîtres de première grandeur. Nicolas Manuel fut peintre, architecte, soldat, dramaturge et homme d’État ; Gottfried K
551 promettre dès le germe cette renaissance. 26. Il est curieux de noter, à ce propos, que le groupe de l’Ordre nouveau avait
552 les milieux les plus divers reconnaissent qu’il n’ est plus possible de s’en tenir à cette seule défense. » Message du Conse
553 s reconnaissent qu’il n’est plus possible de s’en tenir à cette seule défense. » Message du Conseil fédéral, du 9 nov. 1938.
554 te de 1940.) 28. Ce vœu que j’émettais en 1937 s’ est vu exaucé l’année suivante. Voir le très remarquable Message du Conse
555 rvir, largement, et vite. (Note de 1940.) 29. Ce fut le cas en 1814-1815, lorsque les députés de la Confédération demandèr
5 1940, Mission ou démission de la Suisse. La Suisse que nous devons défendre
556 éfendre31 Les voix que rien n’arrête Nous sommes là, nous sommes prêts. Nous avons élevé autour de ce pays une barrièr
557 es voix que rien n’arrête Nous sommes là, nous sommes prêts. Nous avons élevé autour de ce pays une barrière. Nous avons cr
558 los, reclus dans ses sécurités. Et rien ne passe… Êtes -vous bien sûrs que réellement plus rien ne passe ? Certes, toutes ces
559 ssaut et les armées d’envahissement. Certes, nous sommes matériellement en état de garder nos frontières. Mais les plus épaiss
560 patriotiques et officiels ? Figurez-vous que vous êtes , en cet instant, devant un poste de radio, et que j’arrête tout exprè
561 ent depuis 1933, la face de l’Europe a changé. Il est temps de nous en rendre compte. Autrefois, et naguère encore, il suff
562 ole unique, symbole « sacré » de la nation. Et qu’ est -ce que le « sacré », sinon précisément ce qui ne souffre pas de doute
563 re pas de doute, et même pas de réflexion, ce qui est tabou. Or voici que depuis quelques années, ce ne sont plus les armée
564 tabou. Or voici que depuis quelques années, ce ne sont plus les armées qui conquièrent un pays. Mais c’est d’abord la propag
565 t un pays. Mais c’est d’abord la propagande. Ce n’ est plus le territoire qu’on cherche à envahir, mais c’est en premier lie
566 ne vient qu’en dernier lieu, quand le principal a été fait par les agents secrets et les propagandistes. Et que disent ces
567 utrefois, l’on croyait volontiers que chaque État était voulu de Dieu, et qu’il jouissait par conséquent d’une légitimité ind
568  : elle dit que certains États modernes n’ont pas été créés par Dieu, mais par le traité de Versailles. Et c’est bien vrai.
569 es États, et en particulier les petits États, ont été créés, eux aussi par d’autres traités plus anciens, qui se trouvent e
570 lobe, comme par hasard, tous les pays voisins qui sont trop petits pour se défendre seuls. Au nom de ce concept d’espace vit
571 clare donc que ces États n’ont plus de « raison d’ être historique ». Pour peu qu’elle arrive à le faire croire, soit aux mas
572 que ». Pour peu qu’elle arrive à le faire croire, soit aux masses, soit plutôt à certains dirigeants, la victoire lui est ac
573 u’elle arrive à le faire croire, soit aux masses, soit plutôt à certains dirigeants, la victoire lui est acquise d’avance. E
574 oit plutôt à certains dirigeants, la victoire lui est acquise d’avance. Et les ceintures de fortification les mieux conçues
575 parce que, des centres vitaux du pays, les ordres seront déjà donnés dans la langue de l’envahisseur. Voici alors ce que nous
576 us les Suisses, si nous avons encore une raison d’ être , si nous osons encore la proclamer, et si nous en gardons encore une
577 euls, à nous Suisses. Elles nous demandent quelle est la Suisse que nous sommes décidés à défendre. Voilà le défi que nous
578 lles nous demandent quelle est la Suisse que nous sommes décidés à défendre. Voilà le défi que nous adresse l’Europe moderne.
579 ous contenter de déclarer que notre Confédération fut autrefois voulue par Dieu. Il nous faut nous demander maintenant si v
580 e défendre la Suisse jusqu’à la mort. Eh bien, il serait fou de mourir pour une Suisse dont nous ne serions pas sûrs qu’elle a
581 serait fou de mourir pour une Suisse dont nous ne serions pas sûrs qu’elle a le droit et le devoir d’exister, devant Dieu. On n
582 e une conscience sérieuse de nos vraies raisons d’ être et de persévérer, il nous faut tout d’abord écarter un certain nombre
583 de ces clichés. Notre assemblée, et ce discours, seraient inutiles, si nous ne cherchions pas ensemble, et si nous ne trouvions
584 certaines réalités solides qui valent la peine d’ être affirmées sans rhétorique. Nous entendons dire, très souvent, que la
585 endons dire, très souvent, que la Suisse mérite d’ être défendue parce qu’elle détient d’immenses privilèges. Admettons ce po
586 Admettons ce point de vue, pour l’instant. Quels sont donc ces grands privilèges ? J’en citerai trois, qui sont sans contre
587 c ces grands privilèges ? J’en citerai trois, qui sont sans contredit les plus illustres : d’abord notre nature incomparable
588 utes les grandes puissances européennes. Voilà, n’ est -ce pas, trois belles et bonnes raisons de nous montrer fiers de notre
589 e début de 1940. Il convient de se demander s’ils sont de purs et simples privilèges, ou s’ils ne comporteraient pas aussi d
590 nt pas fournir certains prétextes à la violer. Sommes -nous « à la hauteur » de notre nature ? La Suisse est belle, c’est
591 s « à la hauteur » de notre nature ? La Suisse est belle, c’est entendu, c’est connu dans le monde entier. On a fait ave
592 anuels, et tant mieux pour l’argent. Mais le fait est qu’on a coutume de parler de nos Alpes soit d’un point de vue puremen
593 e fait est qu’on a coutume de parler de nos Alpes soit d’un point de vue purement sentimental, soit d’un point de vue pureme
594 lpes soit d’un point de vue purement sentimental, soit d’un point de vue purement utilitaire ou touristique, en style de Män
595 as. Qu’on y prenne garde cependant : si nos Alpes sont belles et nos glaciers « sublimes », il n’y a pas là de quoi nous van
596 l n’y a pas là de quoi nous vanter ! D’abord ce n’ est pas notre faute, car nous ne sommes pour rien dans notre géographie.
597 r ! D’abord ce n’est pas notre faute, car nous ne sommes pour rien dans notre géographie. Ensuite, si nous bénéficions d’un pr
598 cisément, peut tenter certains de nos voisins… Ne seraient -ils pas aussi capables que nous de chanter et de gagner de l’argent,
599 nous de chanter et de gagner de l’argent, si nous étions contraints de leur céder la place ? Sommes-nous vraiment plus dignes
600 i nous étions contraints de leur céder la place ? Sommes -nous vraiment plus dignes et plus conscients que d’autres des charges
601 s charges que supposent de pareils avantages ? Il est une page de Victor Hugo à laquelle je ne puis m’empêcher de penser, n
602 agnifiques, pleines de la grandeur de Dieu. Je me suis retourné, me demandant à quel être supérieur et choisi la nature serv
603 de Dieu. Je me suis retourné, me demandant à quel être supérieur et choisi la nature servait ce merveilleux festin de montag
604 oin, en effet, un seul ; car du reste l’esplanade était sauvage, abrupte et déserte. Je n’oublierai cela de ma vie. Dans une
605 gardait au hasard devant lui. O abîme ! les Alpes étaient le spectacle, le spectateur était un crétin ! Je me suis perdu dans c
606 e ! les Alpes étaient le spectacle, le spectateur était un crétin ! Je me suis perdu dans cette effrayante antithèse : l’homm
607 spectacle, le spectateur était un crétin ! Je me suis perdu dans cette effrayante antithèse : l’homme opposé à la nature ;
608  la posture la plus misérable de l’homme ». Et je suis loin de penser que nous sommes des crétins ! Je dis seulement qu’en f
609 de l’homme ». Et je suis loin de penser que nous sommes des crétins ! Je dis seulement qu’en face de cette nature « dans son
610 perbe », il ne suffit pas de chanter. Il s’agit d’ être moralement « à la hauteur ». Non, ce n’est pas si facile que cela d’h
611 git d’être moralement « à la hauteur ». Non, ce n’ est pas si facile que cela d’habiter et de posséder un pays dont l’altièr
612 ans l’âme de ses enfants. Le fait-il ? Hélas ! Il est bien à craindre que le voyageur ne soit encore trop fondé à trouver,
613 Hélas ! Il est bien à craindre que le voyageur ne soit encore trop fondé à trouver, avec Rousseau, que ce peuple n’est pas n
614 p fondé à trouver, avec Rousseau, que ce peuple n’ est pas né pour ce pays, ou que ce pays n’a pas été fait pour ce peuple.
615 n’est pas né pour ce pays, ou que ce pays n’a pas été fait pour ce peuple. Cependant, ce pays et ce peuple sont mariés l’un
616 t pour ce peuple. Cependant, ce pays et ce peuple sont mariés l’un à l’autre, et comme le pays ne peut pas descendre au nive
617 premier de nos privilèges, une belle nature, doit être considéré par nous, avant toute autre chose, comme un appel, comme un
618 ose, comme un appel, comme une responsabilité. Sommes -nous vraiment libres ? Il faut donc que les Suisses deviennent et
619 rix de leur héroïsme civique et militaire, et qui sont un modèle pour l’Europe ». Oui certes, mais ici encore, n’ayons pas p
620 ncore, n’ayons pas peur d’y regarder de près. Que sont devenues en fait ces libertés antiques qu’on nous envie ? Avons-nous
621 es vanter pour qu’elles subsistent ? La liberté n’ est pas seulement un privilège que l’on hérite. C’est une conquête perpét
622 l’on hérite. C’est une conquête perpétuelle. Elle est sans doute un héritage politique. Mais rien ne se déprécie plus rapid
623 jouit ne sait pas les mériter par ses manières d’ être et de penser. Goethe a écrit, à ce propos, quelques phrases extrêmeme
624 , persuadé que l’une des marques de notre liberté est justement le courage d’admettre les critiques les plus amères, et d’e
625 e. On les entend dire, jusqu’à satiété, qu’ils se sont affranchis un jour, et qu’ils sont demeurés libres. En vérité, derriè
626 été, qu’ils se sont affranchis un jour, et qu’ils sont demeurés libres. En vérité, derrière leurs murailles, ils ne sont plu
627 bres. En vérité, derrière leurs murailles, ils ne sont plus esclaves que de leurs lois et de leurs coutumes, de leurs commér
628 au xviie siècle. Les petits tyrans dont il parle étaient peut-être alors les petites oligarchies que la Révolution devait renv
629 évolution devait renverser un peu plus tard. Mais sommes -nous bien certains que, pour autant, le jugement de Goethe n’est plus
630 ertains que, pour autant, le jugement de Goethe n’ est plus du tout valable de nos jours ? Sommes-nous bien certains que la
631 Goethe n’est plus du tout valable de nos jours ? Sommes -nous bien certains que la tyrannie de l’opinion publique vaut mieux q
632 publique vaut mieux que celle des aristocrates ? Sommes -nous bien certains que les Suisses sont, plus que d’autres, libérés d
633 rates ? Sommes-nous bien certains que les Suisses sont , plus que d’autres, libérés des préjugés bourgeois ? Sommes-nous bien
634 us que d’autres, libérés des préjugés bourgeois ? Sommes -nous bien certains, enfin, qu’il a suffi à nos pères de s’affranchir
635 us ayons le droit de répéter à tout jamais : nous sommes libres ! Ayons le courage de le reconnaître en toute franchise : la S
636 nnaître en toute franchise : la Suisse actuelle n’ est pas, comme elle devrait et pourrait l’être, l’un des pays où l’on a l
637 uelle n’est pas, comme elle devrait et pourrait l’ être , l’un des pays où l’on a le plus de véritable liberté d’esprit. C’est
638 t que l’autre, celui qui pense différemment, doit être un type dangereux, méchant, machiavélique. Ceci pour le plan des idée
639 lérant. Qu’il me suffise de remarquer que si nous étions plus chrétiens, nous serions beaucoup plus tolérants dans ce domaine,
640 remarquer que si nous étions plus chrétiens, nous serions beaucoup plus tolérants dans ce domaine, nous aurions beaucoup plus d
641 l s’agit de défendre, en ce mois de janvier 1940, sont avant tout nos libertés politiques. Je répondrai que nos libertés pol
642 ire en témoigne. Une politique de liberté ne peut être faite que par des esprits libres. Et libres dans tous les domaines. L
643 ertés, l’extérieure et l’intérieure, ont toujours été liées dans notre histoire. C’est parce que les premiers Suisses avaie
644 lus d’une véritable liberté intérieure qu’ils ont été une proie facile pour l’étranger, pour les armées de la Révolution fr
645 es ne pourront subsister longtemps, et alors c’en sera fait de notre liberté vis-à-vis de l’étranger, c’est-à-dire de notre
646 armée défende quelque chose de valable. Or quels sont les ennemis intérieurs de notre liberté ? Je n’en désignerai ici que
647 ui vous paraîtront peut-être assez inattendus. Ce sont la paresse d’esprit et l’égalitarisme. Voilà ce que j’entends par pa
648 i ? Parce qu’on se contentait de dire : M. Hitler est pour l’ordre, les bolchévistes sont pour le désordre. Sans se demande
649 re : M. Hitler est pour l’ordre, les bolchévistes sont pour le désordre. Sans se demander un seul instant de quelle espèce d
650 holicisme. Je ne dis pas qu’ils ont eu raison. Je suis plus agacé que n’importe qui par certaine façon peu chrétienne de com
651 p. Notre bonne inconscience ne nous empêche pas d’ être « ceux par qui le scandale arrive » ! Notre égalitarisme est, lui aus
652 par qui le scandale arrive » ! Notre égalitarisme est , lui aussi, une forme de notre paresse d’esprit, bien plus encore qu’
653 ourd’hui, l’égalitarisme hérité du xixe siècle n’ est plus qu’une dégénérescence de cet instinct démocratique. Il veut tout
654 vocations infiniment diverses. Là encore, si nous étions plus chrétiens, nous serions moins farouchement égalitaires. Nous ser
655 s. Là encore, si nous étions plus chrétiens, nous serions moins farouchement égalitaires. Nous serions beaucoup plus respectueu
656 nous serions moins farouchement égalitaires. Nous serions beaucoup plus respectueux de la complexité humaine, parce que nous sa
657 le nous paraît exceptionnelle. Sans doute faut-il être vraiment chrétien pour respecter sans nulle arrière-pensée la vocatio
658 révèle en écrivant : « C’est pour obéir que nous sommes libres ». Vinet entend évidemment : pour obéir à Dieu plutôt qu’aux h
659 i ne savent pas que le but de toutes nos libertés est uniquement de laisser à chacun le droit d’obéir à Dieu seul, plutôt q
660 de notre amour de la vraie liberté, et cet amour est le fondement solide de toutes nos libertés civiques, comme aussi de n
661 ession de nos convictions, même lorsque celles-ci sont basées sur notre foi non point politique, mais chrétienne ? Oui, comm
662 s, sans commencement ni fin imaginables, qui nous serait due sans discussion et même sans contrepartie, et qui représenterait,
663 ège de droit divin. Nous savons que la neutralité est une conception menacée ; qu’elle est en quelque sorte contre nature,
664 a neutralité est une conception menacée ; qu’elle est en quelque sorte contre nature, car l’instinct normal de tout homme l
665 uleversements historiques dont la guerre actuelle est le signe ? Pour certains, qui se disent réalistes, si nous sommes neu
666 ? Pour certains, qui se disent réalistes, si nous sommes neutres, c’est uniquement en vertu de nécessités toutes matérielles :
667 de nécessités toutes matérielles : parce que nous sommes un trop petit pays, parce que notre situation géographique centrale n
668 parti. Notons que cet argument de la nécessité n’ est guère valable que pour nous, Suisses. Nos voisins n’ont aucune raison
669 u contraire. Au lieu de laisser entendre que nous sommes neutres parce que nous sommes trop faibles pour faire la guerre, pour
670 r entendre que nous sommes neutres parce que nous sommes trop faibles pour faire la guerre, pourquoi ne dirions-nous pas plutô
671 uerre, pourquoi ne dirions-nous pas plutôt : nous sommes neutres parce que nous détestons la guerre ? Vient ensuite l’argument
672 yeux d’un chrétien et d’un Suisse, les traités ne seront jamais de simples chiffons de papier ! La Confédération reste fondée
673 frontières. Les voisins que nous avons à redouter sont justement ceux qui déclarent que les traités et les serments ne sont
674 qui déclarent que les traités et les serments ne sont faits que pour être violés. Enfin, l’on donne parfois une justificati
675 es traités et les serments ne sont faits que pour être violés. Enfin, l’on donne parfois une justification militaire à notre
676 e justification militaire à notre neutralité : il serait de l’intérêt des puissances belligérantes de ne point utiliser le pas
677 1914-1918. Je crois que les Suisses, aujourd’hui, sont unanimes à reconnaître lesquels, parmi les belligérants, représentent
678 e de l’Europe. Je ne dis pas que ces arguments ne sont plus valables. Je dis seulement qu’ils ne représentent plus une raiso
679 convaincante pour nos voisins, et, par suite, ne sont plus pour nous cette garantie morale dont nous avons un besoin réelle
680 sse a le devoir de rester neutre, ce ne peut donc être qu’au nom d’une réalité qui ne sera ni matérielle, ni légale, ni mili
681 ne peut donc être qu’au nom d’une réalité qui ne sera ni matérielle, ni légale, ni militaire seulement, mais spirituelle au
682 éenne. Non, la neutralité de la Suisse ne saurait être un privilège : c’est une charge ! Et ce serait bien mal la défendre q
683 rait être un privilège : c’est une charge ! Et ce serait bien mal la défendre que de la défendre au nom de nos seuls intérêts
684 isants. Notre position géographique, par exemple, est un péril certain si l’on ne s’attache qu’à l’aspect matériel des chos
685 De même, la garantie légale de notre neutralité n’ est qu’un chiffon de papier, si l’on veut y voir simplement une garantie
686 un traité signé à Vienne il y a plus de cent ans, soit  ! Mais il ne faudrait pas retenir de ce traité uniquement ce qui nous
687 et son indépendance de toute influence étrangère, sont dans les vrais intérêts de la politique de L’Europe entière.32 » Et j
688 st de les considérer comme les charges, dont nous sommes responsables vis-à-vis de la communauté européenne. Je voudrais marq
689 arge autant qu’un privilège, et même le privilège était subordonné à la charge, il n’avait d’autre but que d’en faciliter l’e
690 naturels, n’ont d’autre sens et d’autre raison d’ être que de nous permettre d’accomplir notre mission spéciale de Suisses.
691 lité oblige ! Vocation de la Suisse Mais il est temps que je définisse ce que j’appelle la mission de la Suisse, ou m
692 nous espérons. C’est très facile à dire, et ce n’ est pas très neuf, en apparences. Mais dès qu’on veut prendre au sérieux
693 sérieux cette vocation, l’on s’aperçoit que ce n’ est pas si simple. On s’aperçoit aussi que ces mots, un peu usés, recouvr
694 rt on ne saurait attaquer avec succès que si l’on est sûr de ses armes, et solidement appuyé par l’arrière. Il en va de mêm
695 illustration concrète de ce que l’on prêche. Ce n’ est pas par hasard que j’emploie ici une comparaison religieuse. Ce n’est
696 ue j’emploie ici une comparaison religieuse. Ce n’ est pas sans raison non plus que j’ai voulu profiter de cette rencontre d
697 ir de parler d’une vocation de la Suisse, si ce n’ était à nous, chrétiens suisses ? C’est pourquoi je voudrais consacrer cett
698 tion de la Suisse vis-à-vis de l’Europe, nombreux sont ceux qui crient à l’utopie. Eh bien, j’estime qu’un chrétien est l’ho
699 ient à l’utopie. Eh bien, j’estime qu’un chrétien est l’homme qui doit savoir mieux que tout autre qu’une vocation est autr
700 doit savoir mieux que tout autre qu’une vocation est autre chose qu’une utopie. Beaucoup de gens s’imaginent que les petit
701 ucoup de gens s’imaginent que les petites raisons sont plus réalistes que les grandes. Beaucoup de gens s’imaginent que les
702 aginent que les réalités matérielles et pratiques sont plus sérieuses que les réalités spirituelles, qu’ils traitent volonti
703 aujourd’hui plus qu’à toute autre époque. Car il est clair que la guerre actuelle est une guerre de doctrines et même de r
704 e époque. Car il est clair que la guerre actuelle est une guerre de doctrines et même de religions. Des raisons spirituelle
705 e. Épargnés jusqu’ici par les bombardements, nous sommes engagés comme les autres dans le conflit spirituel. Chose étrange, su
706 s de le constater, à propos de la neutralité : ce sont les faits eux-mêmes qui nous invitent à prendre une attitude active v
707 cation d’une utopie. Il ne suffit pas qu’une idée soit généreuse ou grande pour qu’on ait le droit d’y voir une vocation. Il
708 d’un conquérant, d’un Hitler ou d’un Napoléon, on serait en droit de lui dire : ta prétendue vocation n’est qu’une utopie, par
709 it en droit de lui dire : ta prétendue vocation n’ est qu’une utopie, parce qu’elle ne se fonde sur aucune possibilité exist
710 rès solides. De par notre situation de fait, nous sommes , si je puis dire, pratiquement condamnés à l’idéalisme. Mais beaucoup
711 Ils prétendent tenir compte uniquement de ce qui est inscrit dans nos nécessités, dans notre situation géographique et mat
712 affirment que dans toutes ces choses qui peuvent être vues et touchées, nos Alpes, la petitesse de notre territoire, et nos
713 certain sens, ils n’ont pas tort. Une vocation n’ est jamais inscrite en clair dans les faits matériels. Il faut savoir l’y
714 Nous ne pouvons jamais partir que de ce que nous sommes , c’est entendu, mais ce n’est pas une raison pour rester emprisonnés
715 e de ce que nous sommes, c’est entendu, mais ce n’ est pas une raison pour rester emprisonnés en nous-mêmes et dans nos néce
716 n nous-mêmes et dans nos nécessités. Une vocation est toujours un appel, un appel qui vient du dehors, de Quelqu’un d’autre
717 son hérédité raciale, ni de son milieu, et qui n’ était nullement « inscrit » dans tous ces faits. Que cela soit donc bien cl
718 llement « inscrit » dans tous ces faits. Que cela soit donc bien clairement établi : l’individu ou le pays qui se reconnaît
719 ement, aller au-delà, et dans un sens qui ne peut être révélé que par la foi. Maintenant donc, il s’agit pour nous tous de r
720 la vocation suisse, d’en revêtir la charge, d’en être les porteurs. Premièrement en la défendant, deuxièmement en l’illustr
721 se trouveraient mieux placés dans ce combat, et d’ être prêt à leur porter main-forte, cas échéant. Car tout revient, dans ce
722 ic favorable à des entreprises éventuelles, qu’il serait imprudent de préciser trop vite, mais qui naîtront sans aucun doute,
723 nous les croirons justes et nécessaires. Mais il est temps que j’apporte une correction ou plus exactement un complément à
724 ition de la vocation. Je viens de vous dire qu’il serait prématuré de préciser dès maintenant le plan d’une entreprise fédéral
725 Or on pourrait me faire remarquer qu’une vocation est toujours un appel précis. Le type même de la vocation, c’est l’appel
726 jusqu’ici, aucun appel aussi déterminé. Nous n’en sommes pas encore là : mais je dis que nous devons nous attendre à pareille
727 r quelque chose de grand pour l’Europe. Peut-être est -il encore trop tôt pour mobiliser l’opinion en faveur d’une action de
728 un certain régime subsiste, vous savez où33. Ce n’ est pas encore une mobilisation spirituelle que je réclame, c’est plutôt
729 que je réclame, c’est plutôt une mise de piquet. Soyons prêts à répondre à tout appel, même balbutiant, qui se ferait entendr
730 nous aurons à dire à nos voisins, forts que nous sommes d’une expérience fédéraliste de six siècles. Et surtout, ne dénigrons
731 en sorte que cette réduction d’Europe fédérée, qu’ est la Suisse, soit au moins de l’ouvrage bien faite, digne d’être exposé
732 tte réduction d’Europe fédérée, qu’est la Suisse, soit au moins de l’ouvrage bien faite, digne d’être exposée, et en bonne p
733 e, soit au moins de l’ouvrage bien faite, digne d’ être exposée, et en bonne place, comme un modèle valable pour l’Europe de
734 proche pour s’y mettre. Notre vocation intérieure est pour le moment plus précise que notre vocation européenne ; mais je v
735 s étroit du problème. J’estime que le fédéralisme est tout d’abord une réalité morale, et même spirituelle. Et c’est sur ce
736 qui savent souvent tellement mieux que nous ce qu’ est la Suisse. Il nous reste surtout à développer en profondeur ce que j’
737 ans le monde et pour le monde, dans la cité où il est né, et pour son bien. Il n’a pas le droit de s’en désintéresser, et d
738 urellement s’insérer dans les données de fait qui sont celles du pays, qui sont communes à tous les citoyens. Mais la missio
739 les données de fait qui sont celles du pays, qui sont communes à tous les citoyens. Mais la mission spéciale du citoyen chr
740 Mais la mission spéciale du citoyen chrétien, ce sera de dégager de ces données communes un sens spirituel, une vocation. C
741 un sens spirituel, une vocation. Car le chrétien est , si l’ose dire, un spécialiste de la vocation. Cette action particuli
742 on. Cette action particulière du citoyen chrétien sera dans l’intérêt de la Suisse, certes. Mais elle sera d’abord obéissanc
743 ra dans l’intérêt de la Suisse, certes. Mais elle sera d’abord obéissance à la foi. J’insiste sur ce point, qui est capital.
744 obéissance à la foi. J’insiste sur ce point, qui est capital. Nous ne devons pas être chrétiens parce que nous sommes Sui
745 sur ce point, qui est capital. Nous ne devons pas être chrétiens parce que nous sommes Suisses, mais nous devons être de bo
746 Nous ne devons pas être chrétiens parce que nous sommes Suisses, mais nous devons être de bons Suisses parce que nous sommes
747 parce que nous sommes Suisses, mais nous devons être de bons Suisses parce que nous sommes chrétiens d’abord. Je tiens à d
748 s nous devons être de bons Suisses parce que nous sommes chrétiens d’abord. Je tiens à dissiper ici toute équivoque. Il ne man
749 isses parce que nous sommes chrétiens d’abord. Je tiens à dissiper ici toute équivoque. Il ne manque pas de gens, chez nous,
750 pour dire qu’un bon citoyen suisse a le devoir d’ être chrétien, comme si ce devoir était la conséquence obligatoire d’un tr
751 e a le devoir d’être chrétien, comme si ce devoir était la conséquence obligatoire d’un très ardent patriotisme. Si certains
752 actement le contraire, je le répète : nous devons être de bons Suisses parce que nous sommes chrétiens d’abord. Gardons-nous
753 : nous devons être de bons Suisses parce que nous sommes chrétiens d’abord. Gardons-nous du Schweizerchristentum ! À ces Schwe
754 ui veut en avoir une ». ⁂ Faut-il me résumer ? Ce sera vite fait. Je n’ai développé devant vous, à vrai dire, qu’une seule i
755  : c’est que la Suisse que nous devons défendre n’ est pas la Suisse des manuels, des cartes postales, des discours de tirs
756 artes postales, des discours de tirs fédéraux ; n’ est pas la Suisse qui se vante de ses beautés, de ses libertés et de sa n
757 ces privilèges les signes d’une mission dont elle est responsable. Une seule idée… Mais si nous l’acceptons avec courage et
758 si nous l’acceptons avec courage et avec joie, je suis certain que la plupart des critiques auxquelles j’ai dû me livrer en
759 itimité. Si nous refusons de considérer le fait d’ être Suisses comme une espèce de « filon », dans notre Europe déchirée, si
760 rement, et avec plus de générosité. Et alors nous serons en état de mesurer la vraie grandeur des événements actuels, la vraie
761 nts actuels, la vraie grandeur du rôle qui peut y être le nôtre. Et parce que nous serons plus conscients de ce que nous avo
762 rôle qui peut y être le nôtre. Et parce que nous serons plus conscients de ce que nous avons à donner, nous serons mieux armé
763 us conscients de ce que nous avons à donner, nous serons mieux armés pour défendre la Suisse où Dieu nous veut à son service.
764 ue si l’on se rappelle que les Waldstätten, déjà, furent libérés de tout vasselage dans l’intérêt du Saint-Empire, et non poin
765 u Saint-Empire, et non point parce que l’empereur tenait à leur faire un petit plaisir ! Ainsi le fondement même de la Confédé
766 sir ! Ainsi le fondement même de la Confédération est sa mission européenne. 33. En Russie, évidemment, chère Anastasie.
6 1940, Mission ou démission de la Suisse. Esquisses d’une politique fédéraliste
767 fédéraliste Il se peut que le fédéralisme n’ait été à son origine qu’une nécessité naturelle. Il se peut que durant des s
768 naturelle. Il se peut que durant des siècles, il soit demeuré une pratique terre à terre, et n’en ait que mieux fonctionné.
769 à terre, et n’en ait que mieux fonctionné. Ce qui est certain, c’est qu’une praxis ne peut rayonner et créer qu’avec l’appu
770 theoria, à partir d’un certain moment. Ce moment est venu. Nous y sommes. Dans la révolution du xxe siècle, ceux qui se t
771 r d’un certain moment. Ce moment est venu. Nous y sommes . Dans la révolution du xxe siècle, ceux qui se taisent n’ont peut-êt
772 qui se taisent n’ont peut-être pas tort, mais ils sont certainement battus. L’« arme secrète » dont on parle souvent, c’est
773 c’est simplement la propagande. Toute propagande est efficace, voilà le principe tactique fondamental de notre siècle. Si
774 éralisme une nécessité de s’exprimer, quand ce ne serait que pour se défendre. Mais en même temps, une possibilité se révèle,
775 mber à la bête.) Ainsi pour le fédéralisme. Qu’il soit né de la géographie, c’est un fait dont il faut partir sous peine d’u
776  géographisme » fort voisin du racisme, et qui ne serait à tout prendre qu’une des formes du matérialisme moderne, disons la f
777 isme moderne, disons la forme poétique. Or rien n’ est plus artificiel, plus utopique, que le matérialisme, d’où qu’il vienn
778 matérialisme, d’où qu’il vienne. Cette doctrine n’ est en fait qu’un ressentiment. Elle naît toujours des déceptions de l’id
779 l’idéalisme, de ses abus et de ses lacunes. Elle est toujours une revanche des instincts, une nostalgie des éléments concr
780 e. La réponse à l’idéalisme déficient ne doit pas être le matérialisme, mais l’idéalisme efficient : la foi qui œuvre. On a
781 s brumeux », ceux parmi nous qui se souviennent d’ être hommes, créatures de l’esprit autant que de la terre, chargés d’une v
782 es de l’Asie. Le fait géographique que le Gothard est le seul point où un seul col permette de traverser les Alpes suffit à
783 e point très précis de l’espace et du temps, ce n’ est pas seulement le fait physique de l’ouverture du col du St-Gothard, m
784 , la Réforme a sauvé la Suisse. Et c’est elle qui est restée fidèle aux préceptes du Frère Claus. Un grand État participant
785 n — tel que le rêva Mathieu Schinner — ne pouvait être gouverné par les cantons dépourvus de pouvoir central. Ou bien ce pou
786 de pouvoir central. Ou bien ce pouvoir aurait dû être improvisé, et c’eût été la fin de notre fédéralisme ; ou bien les pro
787 ien ce pouvoir aurait dû être improvisé, et c’eût été la fin de notre fédéralisme ; ou bien les provinces annexées auraient
788 auraient pris une trop grande influence, et c’eût été la guerre perpétuelle jusqu’au démembrement inévitable. La division d
789 les Zurichois et les Bernois. Dès lors la Suisse est ramenée à sa mission exceptionnelle. Les deux partis renoncent aux ap
790 ance beaucoup plus spirituelle. Et quand celle-ci sera stabilisée — après les guerres de Villmergen, au xviiie siècle —, la
791 Villmergen, au xviiie siècle —, la Confédération sera capable d’intégrer et des « races » et des langues nouvelles : c’est
792 ralisme actuel ne date donc que de 1848 ; et ce n’ est même qu’à partir de 1919 que son statut légal a pris force de vie. (Q
793 égal a pris force de vie. (Quand le « fossé » eut été comblé.) Nous sommes donc au sommet de notre histoire, si l’on admet
794 de vie. (Quand le « fossé » eut été comblé.) Nous sommes donc au sommet de notre histoire, si l’on admet que le sens de cette
795 oire, si l’on admet que le sens de cette histoire est de créer et d’illustrer la réalité fédérale. Cependant de nouveaux pr
796 ue doit s’élargir ; et le seul horizon qu’il nous soit permis d’embrasser, c’est celui de l’Europe entière, non tel groupe d
797 on tel groupe de puissances voisines. Or l’Europe est un idéal, une civilisation et un esprit, bien plus qu’une entité géog
798 s pour un ». 2. Je m’excuse du calembour, mais il est proprement irrésistible : il y a des idées qui sont « dans l’air » et
799 st proprement irrésistible : il y a des idées qui sont « dans l’air » et qui risquent bien de rester des idées « en l’air ».
800 uteur d’homme. 3. Promouvoir une fédération, ce n’ est pas créer un nouvel ordre systématique, simple de lignes, clair et sa
801 nt arranger ensemble des réalités concrètes. Pour être en mesure de comprendre vraiment la véritable alternative politique d
802 une petite catastrophe totalitaire ! Mes dossiers sont « mis au pas », alignés et empilés, rien ne dépasse et tout est broui
803 as », alignés et empilés, rien ne dépasse et tout est brouillé. Pour moi, quand j’arrange mes feuilles en une série de lias
804 xemple enseignant pour l’Europe. En vérité, ce ne sont ni les idées qui ont « inspiré » son statut primitif, ni la nature qu
805 , ni la nature qui l’a « dicté » ; mais ce statut est né de l’arrangement tout empirique de réalités très diverses, voire m
806 deux ou trois réseaux d’alliances, lesquelles ne sont pas toujours réciproques dans toutes leurs obligations. (Comme si de
807 ours deux pays concluaient un pacte qui pour l’un serait d’assistance obligatoire, pour l’autre seulement de non-agression.) D
808 oire violente et complexe ? Le secret de sa force est à peine formulable : il est de l’ordre du sentiment. Oui, ce n’est gu
809 Le secret de sa force est à peine formulable : il est de l’ordre du sentiment. Oui, ce n’est guère qu’un sentiment communau
810 lable : il est de l’ordre du sentiment. Oui, ce n’ est guère qu’un sentiment communautaire informulé — je dirais même : soig
811 — je dirais même : soigneusement informulé — qui tient ensemble ces pays35. La crise réelle ne commencera qu’au jour où ce s
812 e réelle ne commencera qu’au jour où ce sentiment sera dit, traduit en lois, et par là même soumis au risque de se voir disc
813 e se voir discuté. 5. La force des choses — qui n’ est qu’une traduction automatique de la faiblesse des hommes — fait aujou
814 urer, doit devenir à son tour missionnaire. Telle est sa crise : ou se nier, ou triompher mais sur le plan de l’Europe enti
815 it peu à peu, depuis la guerre de 1914-18. La SDN fut l’un de ses symptômes, bien faible encore. L’idée d’un réseau de pact
816 de pactes bilatéraux, ou à trois, ou à quatre, en fut un autre. Dans les deux cas, le sentiment fédéraliste fut promptement
817 utre. Dans les deux cas, le sentiment fédéraliste fut promptement détourné au profit de politiques d’hégémonie. Toutefois c
818 r dans la plupart des peuples. La guerre actuelle est venue le fouetter. Brusquement, la question se pose de fédérer l’Euro
819 parce qu’elle se pose brusquement, elle risque d’ être mal posée. J’entends qu’elle risque de ne susciter que des plans rati
820 lans rationnels et des systèmes. Or tout système, fût -il nommé fédéraliste, est unitaire par essence, et donc antifédéralis
821 tèmes. Or tout système, fût-il nommé fédéraliste, est unitaire par essence, et donc antifédéraliste. Il l’est dans son espr
822 itaire par essence, et donc antifédéraliste. Il l’ est dans son esprit, il le sera donc aussi, et fatalement, dans son appli
823 antifédéraliste. Il l’est dans son esprit, il le sera donc aussi, et fatalement, dans son application. Le fédéralisme réel
824 lement, dans son application. Le fédéralisme réel est le contraire absolu d’un système, toujours conçu par un cerveau et, à
825 ’approches bien diverses.) 7. L’expérience suisse est minuscule, mais concluante. Elle peut et doit servir d’exemple par se
826 e nouent les unions fécondes. L’union fédéraliste est un mariage, et non pas un alignement militaire et géométrique. 9. Le
827 s’imaginent, hors de Suisse, que l’Europe ne peut être fédérée que par l’action d’une grande puissance. Ce fut l’idée de Nap
828 dérée que par l’action d’une grande puissance. Ce fut l’idée de Napoléon. C’est peut-être l’idée d’Hitler. C’est aussi cell
829 ener. L’intervention fameuse de Nicolas de Flue n’ est si importante, pour nous autres, que parce qu’elle fut une efficace p
830 i importante, pour nous autres, que parce qu’elle fut une efficace protestation contre une double tentative d’hégémonie, de
831 ion déjà réalisée entre la France et l’Angleterre soit le germe d’une fédération. Il est certain que ce germe sera tué si l’
832 t l’Angleterre soit le germe d’une fédération. Il est certain que ce germe sera tué si l’un de ces États, ou tous les deux
833 rme d’une fédération. Il est certain que ce germe sera tué si l’un de ces États, ou tous les deux ensemble, conçoivent la fé
834 conçoivent la fédération comme un corps dont ils seraient la tête. C’est le renoncement à toute idée d’hégémonie qui est créate
835 C’est le renoncement à toute idée d’hégémonie qui est créateur de la fédération. 10. Le fédéralisme est une éducation mutue
836 est créateur de la fédération. 10. Le fédéralisme est une éducation mutuelle, plutôt qu’une éducation autoritaire. C’est en
837 ôt qu’une éducation autoritaire. C’est en quoi il est véritablement personnaliste. La philosophie de la personne est d’aill
838 ment personnaliste. La philosophie de la personne est d’ailleurs la seule philosophie acceptable pour le fédéraliste. Je dé
839 ns sociales de cette vocation. Le personnalisme n’ est pas une moyenne, un « parti du centre », un juste milieu entre l’indi
840 isme agglutinant. Au contraire ! Le personnalisme est la position centrale, dont l’individualisme et le collectivisme ne so
841 ale, dont l’individualisme et le collectivisme ne sont que des déviations morbides. « Quand l’homme oublie qu’il est respons
842 déviations morbides. « Quand l’homme oublie qu’il est responsable de sa vocation devant la communauté, il devient individua
843 il devient individualiste. Quand il oublie qu’il est responsable de sa vocation devant Dieu et devant lui-même, il devient
844 une enquête technique, en tous domaines, quelles sont les activités créatrices et quelles sont les activités mécaniques. Da
845 quelles sont les activités créatrices et quelles sont les activités mécaniques. Dans le domaine industriel, cette enquête n
846 ques. Dans le domaine industriel, cette enquête n’ est plus à faire : n’importe quel chef d’entreprise connaît exactement la
847 un manœuvre. La solution fédéraliste en économie est alors celle-ci : centraliser tout ce qui est de l’ordre du travail « 
848 omie est alors celle-ci : centraliser tout ce qui est de l’ordre du travail « indifférencié » ou parcellaire, afin de perme
849 atif que nous devons tirer de l’expérience suisse est d’un ordre plus quotidien et intime. Le morcellement d’un pays — ou d
850 rançon de la grandeur matérielle sacrifiée. Nous sommes ici en présence d’une maladie spécifique du fédéralisme. Elle se mani
851 de langue ou de confession, crainte perpétuelle d’ être majorisé. Notons que cette maladie a fait son apparition en Suisse à
852 s réseaux d’alliances superposées. Ainsi chacun s’ est refermé sur soi, tendant à une espèce boiteuse d’autarcie. Chacun s’e
853 endant à une espèce boiteuse d’autarcie. Chacun s’ est trouvé isolé en présence de tous les autres. D’où sa timidité déguisé
854 die, dans l’Europe de demain, comme en Suisse, il est essentiel d’insister sur le caractère non systématique et non unitair
855 tématique et non unitaire du fédéralisme sain. Il est essentiel que les groupes, ou les individus qui les composent, garden
856 es esprits les plus libres et les plus personnels sont ceux qui se rattachent : sentimentalement à une région ; légalement à
857 ; religieusement à une Église dont les frontières sont bien plus vastes que celles de l’État ; intellectuellement à l’une de
858 traire. Tandis que les petits esprits intolérants sont ceux qui ne conçoivent le « fédéralisme » que sous la forme du Kantön
859 ue et totalitaire en miniature ; ceux qui veulent être de leur canton d’abord ou uniquement et appellent cela « fédéralisme 
860 appelle donc que la formule de la tyrannie maxima est celle de l’État qui prétend que ses frontières douanières et politiqu
861 étend que ses frontières douanières et politiques soient en même temps celles de la religion des citoyens, de leur culture, de
862 avidité. Construire la fédération européenne, ce sera peut-être simplement développer tout d’abord, et affirmer, une plural
863 .) 13. La fédération européenne, si elle se fait, sera faite par des personnes, et non point par des troupes, au sens politi
864 uisse que de produire des hommes dont la fonction est avant tout de connaître l’Europe : juges et négociateurs d’accords in
865 oix-Rouge, etc., etc. Le « Suisse international » est un homme qui peut et doit connaître l’Europe, par tradition, par goût
866 en servir. 14. La mission historique de la Suisse fut , à partir du xiiie siècle, de garder libres pour les peuples et les
867 du drapeau rouge à la croix blanche, où le rouge est couleur d’Empire, c’est-à-dire d’union des nations, et la croix signe
868 d’où renaîtra la paix si Dieu le veut, la Suisse tient les clefs de l’Europe, et c’est là sa vraie vocation. Elle est le lie
869 de l’Europe, et c’est là sa vraie vocation. Elle est le lieu et la formule, le génie tutélaire de l’Empire. De cet Empire,
870 e l’Empire. De cet Empire, on a bien dit que nous sommes le dernier vestige. Toute la question est de savoir si c’est là notre
871 nous sommes le dernier vestige. Toute la question est de savoir si c’est là notre dernier mot — ou le premier d’un chapitre
872 premier d’un chapitre nouveau ; toute la question est de savoir si ce vestige ne va pas devenir un germe ! Un germe, ce n’
873 tige ne va pas devenir un germe ! Un germe, ce n’ est jamais grand : l’image convient à notre taille. Encore faut-il que le
874 à notre taille. Encore faut-il que le petit grain soit fécondé… Il y a beaucoup à faire pour que la Suisse puisse prétendre
875 t, n’en doutons pas, d’accepter notre démission —  soit volontaire, soit forcée. 34. Voir là-dessus les travaux du profess
876 as, d’accepter notre démission — soit volontaire, soit forcée. 34. Voir là-dessus les travaux du professeur zurichois Kar
877 professeur zurichois Karl Meyer. Le Pacte de 1291 est le dernier d’une longue série, dont le pacte de la Torre, au Tessin,
878 ngue série, dont le pacte de la Torre, au Tessin, fut l’un des premiers : 1182. 35. Voir sur ce point capital Richard Fell
879 nschaft, Rektoratsrede, Berne 1937. 36. Laquelle est à la fois ou alternativement jacobine, raciste, nationaliste, marxist
880 pants (cf. service militaire), etc., etc. 39. Ce sont les successeurs pacifiques des officiers au service étranger d’autres
7 1940, Mission ou démission de la Suisse. Appendice, ou « in cauda venenum » Autocritique de la Suisse
881 e de la Suisse Nul pays, à ma connaissance, n’a été plus souvent expliqué à lui-même et au monde que la Suisse. C’est qu’
882 t qu’il en a besoin plus que nul autre. Sa devise est un paradoxe qu’il n’a pas toujours bien compris. Elle exclut en princ
883 arifions notre langage ! — Puisque le fédéralisme est une forme politique qui suppose l’équilibre vivant entre les droits d
884 haque région et ses devoirs envers l’ensemble, il est absurde de nommer « fédéraliste » un parti qui n’a d’autre programme
885 ux qui se disent, chez nous, « fédéralistes », ne sont souvent, je le crains, que des nationalistes cantonaux. Ceux qui insi
886 eur fédéralisme se résume à combattre tout ce qui est dit fédéral. Comprenne qui pourra ! Cette confusion verbale, symboliq
887 e confusion verbale, symbolique de tant d’autres, est à la base de la plupart de nos conflits politiques, économiques, parl
888 on. Ils se font un programme de ce qui ne saurait être que la maladie individualiste ou la maladie collectiviste de notre Ét
889 À quand le parti de la santé fédéraliste ? Il ne sera ni de gauche ni de droite. Car sous l’opposition, indéfendable en thé
890 on gauche-droite. Les radicaux centralisateurs ne sont que des socialistes qui s’ignorent ; ceux-ci à leur tour ne sont que
891 cialistes qui s’ignorent ; ceux-ci à leur tour ne sont que des totalitaires timorés, c’est-à-dire quelque chose d’absolument
892 béraux » et les conservateurs « fédéralistes » ne sont que des réactionnaires inconséquents : tant que je ne les aurai pas v
893 érieux leurs convictions « fédéralistes » (ce mot étant pris dans leur sens). (Et ce ne sont pas seulement les particuliers,
894 s » (ce mot étant pris dans leur sens). (Et ce ne sont pas seulement les particuliers, propriétaires ou industriels, qui men
895 cations ; mais les cantons les plus conservateurs sont souvent ceux qui, me dit-on, se gênent le moins…40) Or l’opposition g
896 gênent le moins…40) Or l’opposition gauche-droite est étrangère au génie de la Suisse. Son origine parlementaire le prouve 
897 ues françaises. L’idée même de parti, d’ailleurs, est antisuisse, dans ce sens qu’elle est antifédéraliste. Tout parti poli
898 d’ailleurs, est antisuisse, dans ce sens qu’elle est antifédéraliste. Tout parti politique est en puissance un petit État
899 qu’elle est antifédéraliste. Tout parti politique est en puissance un petit État totalitaire et unifié, qui voudrait bien t
900 Les seuls partis qu’une fédération puisse tolérer sont les partis à programme restreint, représentant une région, ou un grou
901 t tout assimiler, tout juger et tout absorber. Il serait temps de se remettre à la Diète ! 3. Suite du précédent. — Comment pe
902 agne et du Pacte germano-russe ? Les Espagnols se sont entretués pendant trois ans, en toute sincérité et en tout héroïsme,
903 er les antihitlériens, qui se trouvent d’ailleurs être les mêmes. (« Réactionnaires et capitalistes internationaux »…) Nos d
904  »…) Nos descendants diront de notre siècle qu’il fut celui des gogos enragés. 4. Paresse d’esprit. — Je parle ici par expé
905 dapter, distinguer, assouplir, traduire : ce ne n’ est pas beaucoup plus difficile ; c’est beaucoup plus intéressant ; et c’
906 plupart des bureaux font tout le contraire, cela tient à la paresse d’esprit des messieurs qui en occupent les fauteuils. Le
907 nfort et la prudence. Ne dites donc plus : « Nous sommes opposés par principe à tout ce qui vient de Berne — sauf les crédits 
908 ez, la révolution nationale dont certains parlent sera faite. Mais autrement, elle ne servira de rien. 5. Notre matérialism
909 helle des valeurs. Le cadre matériel de notre vie est parfait, mais il n’encadrera bientôt plus aucune vie digne de ce nom.
910 t aux salaires fixes, tandis que moins d’un tiers est consacré au but de l’œuvre. Je vois une revue d’art et de littérature
911 d’entre eux s’étonne, on lui répond que les temps sont difficiles. Je vois que dans le budget moyen d’un ouvrier suisse, le
912 par an. Je vois enfin que toute notre politique est alourdie et comme paralysée par des soucis budgétaires de cet ordre,
913 quelque chose aujourd’hui menace la liberté, ce n’ est pas comme jadis la superstition… c’est la préoccupation, la passion d
914 u bien-être matériel. Sa pente, n’en doutons pas, est du côté de la tyrannie. » C’est Vinet qui parlait ainsi, il y a longt
915 ds qui se rétractent au seul mot de germanisme ne sont pas ceux qui sauront illustrer la Suisse romande, donc la défendre. R
916 eur du germanisme, l’ont étudié et l’ont aimé. Ce sont nos meilleurs écrivains. 7. Tolérance. — Le fédéralisme véritable sup
917 énager non seulement la chèvre et le chou, ce qui est humain, mais encore l’agneau… et le loup, ce qui est moins impartial
918 humain, mais encore l’agneau… et le loup, ce qui est moins impartial qu’il ne semble. Ne commettons plus l’imprudence capi
919 uis plusieurs années. De ce point de vue, nous ne sommes plus neutres en fait, nous sommes en guerre parce que victimes d’une
920 de vue, nous ne sommes plus neutres en fait, nous sommes en guerre parce que victimes d’une agression systématique et quotidie
921 tifier nos frontières ? L’intégrité du territoire serait -elle plus importante de nos jours que l’intégrité de la conscience na
922 Celle-là conserve-t-elle son sens quand celle-ci est déjà compromise ? 10. Poésie et prose. — Revenons à la géographie ! d
923 lligérants qui viennent nous dire : « Ceux qui ne sont ni froids ni bouillants seront vomis ». Qu’est-ce que cela signifie,
924 dire : « Ceux qui ne sont ni froids ni bouillants seront vomis ». Qu’est-ce que cela signifie, pratiquement ? Que ceux qui do
925 sont ni froids ni bouillants seront vomis ». Qu’ est -ce que cela signifie, pratiquement ? Que ceux qui dont froids ou boui
926 iquement ? Que ceux qui dont froids ou bouillants seront mangés. Je demande à voir ce qui vaut le mieux. Il ne faut pas parler
927 ut dépend de ceci : vis-à-vis de quoi, ou de qui, est -on tiède, est-on neutre ? Si c’est vis-à-vis du Christ, la parole éva
928 eci : vis-à-vis de quoi, ou de qui, est-on tiède, est -on neutre ? Si c’est vis-à-vis du Christ, la parole évangélique nous
929 ole évangélique nous apprend que cette neutralité est suprêmement désavantageuse : elle entraîne notre expulsion violente h
930 utres que l’on reste tiède, cette neutralité peut être avantageuse dans certains cas, dans la mesure où elle nous exclut, pr
931 ons mauvais. (Reste à savoir si le conflit actuel est « mauvais ». Puis, si notre tiédeur suffira pour que le monstre de la
932 e le monstre de la guerre nous vomisse… Mais ceci est une autre histoire.) On ferait bien de ne pas utiliser comme des prov
933 n Royaume, à son Éternité. Répéter que les tièdes seront vomis, en détournant ce verset de son sens spirituel, c’est toujours
934 même jusqu’à nous affirmer que cette « éternité » est la base officielle de notre politique. Dans ce cas, notre politique r
935 itique reposerait sur une faute de français, j’en suis fâché. Ce n’est pas éternelle qu’il convient de dire, mais perpétuell
936 sur une faute de français, j’en suis fâché. Ce n’ est pas éternelle qu’il convient de dire, mais perpétuelle. Se figure-t-o
937 prenons donc à qui de droit que nul État humain n’ est éternel ; que la Suisse est un État humain ; et que par conséquent l’
938 que nul État humain n’est éternel ; que la Suisse est un État humain ; et que par conséquent l’épithète « éternelle » ne sa
939 par la Suisse en politique. De plus, la Suisse n’ est devenue neutre qu’à partir d’un certain moment de son histoire. Or ce
940 ir d’un certain moment de son histoire. Or ce qui est éternel ne commence pas à un certain moment, en 1648 ou en 1815 par e
941 ar exemple : tant que notre mission européenne ne sera pas accomplie. (L’Empire fédératif ?) Mais toute politique digne de c
942 Toujours à gauche, mais pas plus loin. » Pourquoi est -ce comique ? Parce que l’histoire et la politique ne cessent pas de m
943 as de modifier ces positions toutes relatives que sont la gauche et la droite. Affirmer dans l’absolu une position relative,
944 absolu une position relative, si légitime qu’elle soit , c’est se condamner à être sans cesse dépassé et ridiculisé par les f
945 e, si légitime qu’elle soit, c’est se condamner à être sans cesse dépassé et ridiculisé par les faits. 14. Neutralité « mora
946 opinion. Renoncer au droit de nous exprimer, ce n’ est donc pas nous conformer aux exigences de la neutralité. Ce peut être,
947 conformer aux exigences de la neutralité. Ce peut être , dans certains cas, une mesure opportune ; mais passé certaine limite
948 un point décisif pour notre indépendance future, étant donnée la nature des guerres modernes, qui sont d’abord des guerres m
949 étant donnée la nature des guerres modernes, qui sont d’abord des guerres morales, des guerres de propagande. Quand une tro
950 ales, des guerres de propagande. Quand une troupe est réduite à l’impuissance par l’adversaire, on ne dit pas qu’elle est n
951 puissance par l’adversaire, on ne dit pas qu’elle est neutre, on dit qu’elle est neutralisée. Taire nos opinions, aujourd’h
952 on ne dit pas qu’elle est neutre, on dit qu’elle est neutralisée. Taire nos opinions, aujourd’hui, ce n’est pas rester neu
953 eutralisée. Taire nos opinions, aujourd’hui, ce n’ est pas rester neutres, c’est accepter d’être neutralisés moralement. Le
954 ui, ce n’est pas rester neutres, c’est accepter d’ être neutralisés moralement. Le Conseil fédéral a repoussé officiellement
955 lle l’affirme au contraire ! Le devoir de l’armée est de garantir par la force l’intégrité de notre indépendance, et non pa
956 édiocrité des vues politiques. Les petits pays ne sont pas dispensés d’imaginer et de voir grand. Bien au contraire : ils so
957 maginer et de voir grand. Bien au contraire : ils sont contraints de compenser leur petitesse physique par leur prestige mor
958 récemment découvert qu’un diplomate moderne doit être un expert commercial. Conception bien typique du siècle dernier, où,
959 e du siècle dernier, où, en effet, la politique n’ était plus guère qu’une annexe des affaires. Rien de plus dangereusement ut
960 ique que le réalisme d’avant-hier. Notre époque n’ est plus celle du grand commerce ; ni même de la grande industrie (réalis
961 grande industrie (réalisme d’hier). Notre époque est celle des religions politiques, sociales, nationales. Le commerce, l’
962 l, ont cessé d’imposer leurs « lois fatales ». Ce sont les chefs qui dictent les prix, les cours des changes, la consommatio
963 ce — et en particulier à dominer les masses43. Il est temps que la Suisse comprenne que le souci de son économie ne saurait
964 reste, le fonctionnement technique de la machine, étant l’affaire des fonctionnaires — leur nom l’indique — et des conseiller
965 e notre gouvernement comprenne ceci : La prudence est le vice des timides et la vertu des audacieux. 40. Peut-être me cro
966 r pleinement cette déclaration de Spitteler : « N’ est -ce pas un spectacle grotesque que celui d’une feuille de chou qui, sû
967 olique devenu national-socialiste. 44. « Nous ne sommes pas gouvernés, nous sommes seulement administrés », répète avec raiso
968 aliste. 44. « Nous ne sommes pas gouvernés, nous sommes seulement administrés », répète avec raison G. de Reynold. — À propos
969 fèrent des siennes. Je répondrai : 1° que Reynold est catholique, et je suis calviniste ; 2° que lorsqu’il écrit : « Faire
970 répondrai : 1° que Reynold est catholique, et je suis calviniste ; 2° que lorsqu’il écrit : « Faire du socialisme, c’est fa
971 nationalisme, c’est faire l’autre moitié… » Nous sommes d’accord pour condamner le tout.