1
en général, et à l’Amérique en particulier, c’est
de
croire au diable. On sortit de table. C’était au club. Tandis que nou
2
particulier, c’est de croire au diable. On sortit
de
table. C’était au club. Tandis que nous attendions l’ascenseur, je di
3
ue ? répondit-il avec sa grande douceur. La porte
de
l’ascenseur s’ouvrait, nous entrâmes. — Ce serait enfin une situation
4
angélisèrent la Suisse expliquait à son auditoire
de
paysans que les martyrs sont nos meilleurs intercesseurs auprès de Di
5
eilleurs intercesseurs auprès de Dieu. Les pâtres
de
la Suisse alpestre sont des gens simples et réalistes. Ils crurent l’
6
ait vers les salons. Et je pensais : il nous faut
de
ces paraboles pour nous rappeler combien il est dangereux de dire la
7
boles pour nous rappeler combien il est dangereux
de
dire la vérité en général, et la vérité chrétienne en particulier. Da
8
i nous voulons être chrétiens, soit, mais sachons
de
quel prix cela se paye. Il y a dix-neuf siècles que ce Prix a été fix
9
e que j’ai senti ce livre se proposer à moi : car
de
l’auteur ou du sujet, sait-on jamais lequel a choisi l’autre ? Parler
10
ire sur lui, n’était-ce pas une manière impudente
de
le provoquer publiquement ? Je songeais à cette phrase de Kafka : « L
11
ovoquer publiquement ? Je songeais à cette phrase
de
Kafka : « L’un des artifices de séduction les plus efficaces du diabl
12
is à cette phrase de Kafka : « L’un des artifices
de
séduction les plus efficaces du diable, c’est de nous provoquer au co
13
de séduction les plus efficaces du diable, c’est
de
nous provoquer au combat. C’est comme la lutte avec une femme, qui fi
14
se. Il est vrai que pour certains auteurs, l’acte
d’
écrire résulte simplement d’une démangeaison de l’esprit que l’on calm
15
tains auteurs, l’acte d’écrire résulte simplement
d’
une démangeaison de l’esprit que l’on calme en grattant du papier, san
16
te d’écrire résulte simplement d’une démangeaison
de
l’esprit que l’on calme en grattant du papier, sans nul souci des con
17
dans ce sens que chaque vérité comporte une part
d’
accusation pour notre vie, et tend à déranger cet équilibre de pieux m
18
pour notre vie, et tend à déranger cet équilibre
de
pieux mensonges tacitement admis, sans lesquels « l’existence deviend
19
t pour troubler une absinthe. Ainsi chaque goutte
de
vérité trouble la vie. Mais c’est de quoi l’on peut faire son ivresse
20
haque goutte de vérité trouble la vie. Mais c’est
de
quoi l’on peut faire son ivresse. Je n’aime écrire que des livres dan
21
bagarre à l’heure où nous aurions besoin, dit-on,
d’
un « message positif » et rassurant ? Eh bien, surtout que l’on ne se
22
trouble empire, dans le monde, c’est qu’on a peur
de
regarder en face ses vraies causes. Nous croyons à trente-six-mille m
23
ns trente-six-mille périls, mais nous avons cessé
de
croire au Mal et de redouter le vrai Péril. Montrer la réalité du dia
24
périls, mais nous avons cessé de croire au Mal et
de
redouter le vrai Péril. Montrer la réalité du diable dans ce monde, c
25
lui donner son véritable Objet. C’est faire peur
de
la bonne manière. Et c’est peut-être le moyen de nous guérir des faus
26
de la bonne manière. Et c’est peut-être le moyen
de
nous guérir des fausses angoisses qui nous paralysaient, ou de l’ango
27
r des fausses angoisses qui nous paralysaient, ou
de
l’angoisse de faux périls. On n’est jamais plus en danger que dans le
28
angoisses qui nous paralysaient, ou de l’angoisse
de
faux périls. On n’est jamais plus en danger que dans les moments où l
29
moments où l’on se trompe sur la vraie direction
de
la menace, et où l’on tend ses énergies dans une défense orientée ver
30
l’Ennemi, mesurer sa puissance, tel est le sujet
de
ce petit ouvrage. Toutefois, qu’on ne s’attende pas à un portrait du
31
le : il faut tenir tous ses portraits pour autant
de
victoires qu’il remporte sur notre complaisance ou nos crédulités. Le
32
pparences, le bluff éhonté ou subtil, bref, l’art
de
faire mentir les formes. À défaut donc d’une peinture impossible, ou
33
, l’art de faire mentir les formes. À défaut donc
d’
une peinture impossible, ou trop aisément pittoresque, on tentera de d
34
ossible, ou trop aisément pittoresque, on tentera
de
décrire l’œuvre du diable au temps présent, en face de nous et parmi
35
ceux qui prennent à coup sûr le plus grand nombre
d’
hommes dans les basses époques spirituelles. ⁂ Encore un mot. On se tr
36
⁂ Encore un mot. On se tromperait sur l’intention
de
ce petit traité, si l’on y voyait un effort pour « démontrer » l’exis
37
rer » l’existence du diable. Il ne s’agit ici que
d’
un essai d’interpréter certains déboires de notre temps, en les rappor
38
stence du diable. Il ne s’agit ici que d’un essai
d’
interpréter certains déboires de notre temps, en les rapportant à l’ac
39
ci que d’un essai d’interpréter certains déboires
de
notre temps, en les rapportant à l’action du seul être qui s’en réjou
40
ier tour C’est dans les Petits Poèmes en prose
de
Baudelaire que l’on peut lire la phrase la plus profonde écrite par u
41
erne sur Satan : La plus belle ruse du diable est
de
nous persuader qu’il n’existe pas. 2. L’Incognito Reconnaissons
42
si peu au diable que l’on m’accusera certainement
d’
obscurantisme, ou simplement de manque de sérieux, si je persiste en m
43
usera certainement d’obscurantisme, ou simplement
de
manque de sérieux, si je persiste en mon projet de lui consacrer tout
44
ainement d’obscurantisme, ou simplement de manque
de
sérieux, si je persiste en mon projet de lui consacrer tout un livre.
45
e manque de sérieux, si je persiste en mon projet
de
lui consacrer tout un livre. Le premier tour du diable est son incogn
46
celui qui suis ». Mais le diable, qui a la manie
de
vouloir imiter la vérité en la retournant, le diable nous dit comme U
47
it comme Ulysse au Cyclope : Je ne suis personne.
De
quoi aurais-tu peur ? Vas-tu trembler devant l’inexistant ? Cependant
48
ible dénonce l’existence du diable à chaque page,
de
la première où il apparaît sous la forme du serpent, jusqu’à l’avant-
49
oyé par le feu du ciel et précipité dans un étang
de
flammes et de souffre avec ses faux prophètes, pour y être tourmenté
50
du ciel et précipité dans un étang de flammes et
de
souffre avec ses faux prophètes, pour y être tourmenté nuit et jour,
51
les textes originaux). Si l’on croit à la vérité
de
la Bible, il est impossible de douter un seul instant de la réalité o
52
croit à la vérité de la Bible, il est impossible
de
douter un seul instant de la réalité objective du diable. D’ailleurs,
53
ible, il est impossible de douter un seul instant
de
la réalité objective du diable. D’ailleurs, la Bible donne de Satan u
54
é objective du diable. D’ailleurs, la Bible donne
de
Satan une quantité de noms éminemment révélateurs, et qui pourraient
55
D’ailleurs, la Bible donne de Satan une quantité
de
noms éminemment révélateurs, et qui pourraient fournir les bases d’un
56
révélateurs, et qui pourraient fournir les bases
d’
une démonologie assez complète. À tout le moins vont-ils nous permettr
57
complète. À tout le moins vont-ils nous permettre
de
repérer le diable sous ses déguisements quotidiens, dans la vie coura
58
pirituelles vivant et agissant sur les frontières
de
l’Éternel et de la Création, de l’éternité et du temps. Ce sont des i
59
nt et agissant sur les frontières de l’Éternel et
de
la Création, de l’éternité et du temps. Ce sont des intentions divine
60
ur les frontières de l’Éternel et de la Création,
de
l’éternité et du temps. Ce sont des intentions divines, des messagers
61
à la fulgurante volée, dont la vitesse est celle
de
la pensée — c’est pourquoi ils nous sont invisibles ; des intelligenc
62
bles ; des intelligences sans fraude, participant
de
l’omniscience du Créateur — c’est pourquoi nous les comprenons mal. «
63
. Mais tout ange est bon, servant Dieu. Au sommet
de
leur hiérarchie sont les archanges. Un seul archange a trahi sa missi
64
ssage et son être même, c’est Lucifer, le Porteur
de
Lumière. Satan s’est révolté, il a refusé de servir, il a refusé de t
65
teur de Lumière. Satan s’est révolté, il a refusé
de
servir, il a refusé de transmettre son message divin, il a voulu se f
66
s’est révolté, il a refusé de servir, il a refusé
de
transmettre son message divin, il a voulu se faire original, auteur d
67
ssage divin, il a voulu se faire original, auteur
de
son destin, porteur de ses lumières à lui. Et aussitôt, par les lois
68
se faire original, auteur de son destin, porteur
de
ses lumières à lui. Et aussitôt, par les lois mêmes de l’être, il est
69
s lumières à lui. Et aussitôt, par les lois mêmes
de
l’être, il est « tombé » du Ciel, qui est le Royaume où l’intention d
70
ombé » du Ciel, qui est le Royaume où l’intention
de
Dieu règne absolue. (Coupez la communication, le courant « tombe ».)
71
le courant « tombe ».) Il est devenu le messager
de
soi, et comme il n’est qu’un esprit pur, une fois coupé de la source
72
t comme il n’est qu’un esprit pur, une fois coupé
de
la source de l’Esprit, il est devenu le messager du Néant et de ses m
73
est qu’un esprit pur, une fois coupé de la source
de
l’Esprit, il est devenu le messager du Néant et de ses mystères. Mais
74
e l’Esprit, il est devenu le messager du Néant et
de
ses mystères. Mais quoique déchu, il a gardé sa science d’esprit pur.
75
stères. Mais quoique déchu, il a gardé sa science
d’
esprit pur. Comme un artiste qui a perdu son génie et ne croit plus à
76
re, mais qui a conservé son « métier » et l’envie
d’
être à l’avant-garde. Satan connaît encore l’Esprit et les esprits, ma
77
gloire à laquelle ils sont destinés. Ayant refusé
de
servir Dieu, de servir à Dieu, il est devenu celui qui sert le Rien,
78
e ils sont destinés. Ayant refusé de servir Dieu,
de
servir à Dieu, il est devenu celui qui sert le Rien, ne sert à Rien.
79
que diabolique. Mais il a conservé son « métier »
d’
esprit pur. Il en sait plus que nous sur les mystères du monde et le s
80
t le secret des âmes qu’il abuse… 4. Le Prince
de
ce monde L’acte d’orgueil éblouissant et consumant qui transforma
81
u’il abuse… 4. Le Prince de ce monde L’acte
d’
orgueil éblouissant et consumant qui transforma l’Ange de lumière en A
82
il éblouissant et consumant qui transforma l’Ange
de
lumière en Ange et Prince des ténèbres, l’a condamné à un impérialism
83
limites, donc par définition désespéré. La perte
de
l’Unique Nécessaire fait naître une soif essentiellement inextinguibl
84
tier ne saurait combler le vide que forme au cœur
d’
une créature la conscience d’avoir quitté sa juste place dans le monde
85
de que forme au cœur d’une créature la conscience
d’
avoir quitté sa juste place dans le monde. Tombé de l’éternel, Satan v
86
’avoir quitté sa juste place dans le monde. Tombé
de
l’éternel, Satan veut l’infini. Tombé de l’Être, il veut l’Avoir. Mai
87
e. Tombé de l’éternel, Satan veut l’infini. Tombé
de
l’Être, il veut l’Avoir. Mais le problème est insoluble à tout jamais
88
l pourra tout avoir — puisqu’il est appelé Prince
de
ce monde dans l’Évangile — mais il n’aura jamais que ce monde-ci. Il
89
onquerra jamais le Ciel, qui est proprement l’âme
de
ce monde et le mystère du transcendant dans l’immanence. Il n’aura de
90
stère du transcendant dans l’immanence. Il n’aura
de
notre univers que la carcasse matérielle. Et c’est probablement de ce
91
que la carcasse matérielle. Et c’est probablement
de
ces débris de la Maison désaffectée qu’il fera le bois de chauffage d
92
e matérielle. Et c’est probablement de ces débris
de
la Maison désaffectée qu’il fera le bois de chauffage de son Enfer. I
93
ébris de la Maison désaffectée qu’il fera le bois
de
chauffage de son Enfer. Il le sait bien. C’est pourquoi son désir et
94
aison désaffectée qu’il fera le bois de chauffage
de
son Enfer. Il le sait bien. C’est pourquoi son désir et sa jalousie f
95
e autour de nous comme un lion rugissant en quête
de
sa proie, dit la Bible. Il rôde autour de nous comme un gangster obsé
96
perdre toutes ces choses, qui sont notre héritage
d’
« enfants de Dieu ». C’est la seule chance du diable. Il ne la manquer
97
s ces choses, qui sont notre héritage d’« enfants
de
Dieu ». C’est la seule chance du diable. Il ne la manquera pas… 5.
98
5. Le Tentateur Le serpent était le plus rusé
de
tous les animaux des champs que l’Éternel Dieu avait fait. Il dit à l
99
Dieu a-t-il réellement dit : vous ne mangerez pas
de
tous les arbres du jardin ? La femme répondit au serpent : nous mange
100
u fruit des arbres du jardin. Mais quant au fruit
de
l’arbre qui est au milieu du jardin, Dieu a dit : vous n’en mangerez
101
n’en mangerez point et vous n’y toucherez point,
de
peur que vous n’en mouriez. Alors le serpent dit à la femme : vous ne
102
y a le doute ! Le premier procédé du démon, c’est
de
jeter un doute sur la réalité de la loi divine, et donc sur la réalit
103
du démon, c’est de jeter un doute sur la réalité
de
la loi divine, et donc sur la réalité elle-même et ses structures. «
104
itude est insinuée dans un esprit, la possibilité
d’
une tentation s’entrouvre. Car il n’y a pas de tentation là où n’exist
105
ité d’une tentation s’entrouvre. Car il n’y a pas
de
tentation là où n’existe aucune possibilité d’imaginer quelque autre
106
as de tentation là où n’existe aucune possibilité
d’
imaginer quelque autre chose que l’état de fait. On dit bien : l’occas
107
ibilité d’imaginer quelque autre chose que l’état
de
fait. On dit bien : l’occasion fait le larron. Vous n’êtes pas tenté
108
l’occasion fait le larron. Vous n’êtes pas tenté
d’
aller dans la Lune, parce que vous savez que c’est absolument impossib
109
t impossible. Mais vous seriez probablement tenté
d’
y aller, si l’on vous suggérait quelque moyen de le faire. Ève ne pens
110
é d’y aller, si l’on vous suggérait quelque moyen
de
le faire. Ève ne pensait même pas à manger cette pomme avant que le s
111
vant que le serpent n’ait mis en doute la réalité
de
l’ordonnance de Dieu. À l’origine de toute tentation, il y a l’occasi
112
ent n’ait mis en doute la réalité de l’ordonnance
de
Dieu. À l’origine de toute tentation, il y a l’occasion entrevue d’al
113
e la réalité de l’ordonnance de Dieu. À l’origine
de
toute tentation, il y a l’occasion entrevue d’aller à la divinité par
114
ne de toute tentation, il y a l’occasion entrevue
d’
aller à la divinité par un plus court chemin que celui du réel ; par u
115
e, en dépit des interdictions que posent les lois
de
la Création, l’ordre divin et la nature de l’homme. Et voici le deuxi
116
s lois de la Création, l’ordre divin et la nature
de
l’homme. Et voici le deuxième temps de la tentation : La femme vit q
117
la nature de l’homme. Et voici le deuxième temps
de
la tentation : La femme vit que l’arbre était bon à manger et agréab
118
t précieux pour ouvrir l’intelligence : elle prit
de
son fruit et en mangea.2 Voyez : ce n’est pas le mal en soi qui ten
119
our l’esprit. Elle ne fut pas tentée par le désir
de
nuire, mais par l’idée de se diviniser, ce qui paraît en somme une ex
120
pas tentée par le désir de nuire, mais par l’idée
de
se diviniser, ce qui paraît en somme une excellente idée. Par malheur
121
le, Dieu n’aimait pas cette idée-là et l’excluait
de
sa réalité. Manger cette pomme et se diviniser de cette manière convo
122
de sa réalité. Manger cette pomme et se diviniser
de
cette manière convoiteuse, il se trouvait qu’aux yeux de Dieu c’était
123
, — si l’utopie est l’imagination, puis le désir,
d’
un bien que le réel condamne et que le plan divin ne prévoit pas. Sata
124
e Christ, lui propose trois utopies, trois moyens
de
gagner le monde par un plus court chemin que le sentier du Golgotha.
125
’est plus tard, c’est après plusieurs générations
de
pécheurs dans l’histoire, ou de péchés dans une vie, que le mal finir
126
ieurs générations de pécheurs dans l’histoire, ou
de
péchés dans une vie, que le mal finira par exister en soi, — apparenc
127
delaire peut écrire : L’homme et la femme savent
de
naissance que dans le mal se trouve la volupté… La volupté unique et
128
a volupté unique et suprême gît dans la certitude
de
faire le mal. Mais ici se sont déclenchés les mécanismes compliqués
129
ici se sont déclenchés les mécanismes compliqués
de
la perversion, de l’autopunition d’une conscience déchirée, et du dés
130
nchés les mécanismes compliqués de la perversion,
de
l’autopunition d’une conscience déchirée, et du désir enfin de se dét
131
es compliqués de la perversion, de l’autopunition
d’
une conscience déchirée, et du désir enfin de se détruire. Se détruire
132
tion d’une conscience déchirée, et du désir enfin
de
se détruire. Se détruire pour s’innocenter ! Pour échapper à sa maniè
133
éparer. C’est le mystère du suicide et la logique
de
Judas, la dernière tentation, la suprême utopie. 6. L’Accusateur
134
st peut-être au monde qu’une seule chose pire que
de
douter du bien et du réel, et c’est de douter du pardon, une fois qu’
135
e pire que de douter du bien et du réel, et c’est
de
douter du pardon, une fois qu’on a trahi le bien et le réel. Car dout
136
esser le mal qu’on a commis ; pour oser qualifier
de
faute sa propre faute ; et pour que puisse renaître la confiance qui
137
enaître la confiance qui donnera seule le courage
de
rebâtir. Celui qui doute du pardon ne peut pas confesser son crime, e
138
ble est cet Accusateur qui veut nous faire douter
de
notre pardon pour nous forcer à fuir dans les remèdes du pire. L’Apoc
139
ire. L’Apocalypse le désigne comme « l’Accusateur
de
nos frères, celui qui les accuse devant Dieu jour et nuit »3. C’est l
140
jour et nuit »3. C’est lui qui demandait la tête
de
Job devant le tribunal céleste. Non content de nous prendre à ses piè
141
ris il est le premier à nous dénoncer devant Dieu
de
la manière la plus impitoyable. Non par amour de la justice mais par
142
de la manière la plus impitoyable. Non par amour
de
la justice mais par amour de notre châtiment, par haine froide. Pour
143
yable. Non par amour de la justice mais par amour
de
notre châtiment, par haine froide. Pour le stérile plaisir d’avoir ra
144
timent, par haine froide. Pour le stérile plaisir
d’
avoir raison. Aussi, partout où l’on condamne sans pitié son prochain
145
simple faute de logique, la grâce pour une erreur
de
calcul statistique. La duplicité infernale, c’est de nous faire croir
146
calcul statistique. La duplicité infernale, c’est
de
nous faire croire qu’il n’y a pas de juge, ni d’ordre divin du réel,
147
rnale, c’est de nous faire croire qu’il n’y a pas
de
juge, ni d’ordre divin du réel, et aussitôt que nous l’avons cru, de
148
de nous faire croire qu’il n’y a pas de juge, ni
d’
ordre divin du réel, et aussitôt que nous l’avons cru, de nous accuser
149
divin du réel, et aussitôt que nous l’avons cru,
de
nous accuser de contravention devant le Juge. Ainsi la morale laïque,
150
et aussitôt que nous l’avons cru, de nous accuser
de
contravention devant le Juge. Ainsi la morale laïque, morale du devoi
151
ersonnel, nous accuse et nous prive en même temps
de
tout recours à Celui qui pardonne. Elle ne laisse aux meilleures de s
152
Celui qui pardonne. Elle ne laisse aux meilleures
de
ses victimes que l’héroïsme autosadique de la révolte. 7. Le Mente
153
leures de ses victimes que l’héroïsme autosadique
de
la révolte. 7. Le Menteur L’homme seul, dans toute la Création,
154
ixa la graine, les animaux muets sont prisonniers
de
l’ordre intarissablement prodigue et infaillible de l’instinct. Mais
155
l’ordre intarissablement prodigue et infaillible
de
l’instinct. Mais l’homme a reçu le pouvoir de parler, de créer et de
156
ble de l’instinct. Mais l’homme a reçu le pouvoir
de
parler, de créer et de dénaturer. Par la grâce du langage, il peut di
157
stinct. Mais l’homme a reçu le pouvoir de parler,
de
créer et de dénaturer. Par la grâce du langage, il peut dire le vrai
158
l’homme a reçu le pouvoir de parler, de créer et
de
dénaturer. Par la grâce du langage, il peut dire le vrai ; par la fau
159
peut créer dans le prolongement des perspectives
de
la Création, il peut aussi créer à tort et à travers. Il peut être un
160
t et à travers. Il peut être un agent responsable
de
la nature naturante, mais il peut aussi faire la grève, se révolter,
161
riquer l’anti-nature ou dénature. Cette duplicité
de
nos pouvoirs constitue notre liberté. Elle en est à la fois le signe
162
e gloire équivoque. C’est par la liberté, à cause
d’
elle, et dans elle, que nous avons le pouvoir de pécher. Car pécher c’
163
e d’elle, et dans elle, que nous avons le pouvoir
de
pécher. Car pécher c’est tricher avec l’ordre, opposer à la loi divin
164
à la loi divine nos dérogations égoïstes, fautes
de
calcul et courtes vues intéressées. Pécher c’est fausser quelque chos
165
grand paraît l’enjeu, et plus grande la tentation
de
gagner dans l’instant ce qu’on voit, quitte à se fermer l’invisible e
166
agit dans le monde, et c’est en provoquant l’abus
de
notre liberté qu’il agit en nous et nous lie. Si Ève n’avait pas été
167
en nous et nous lie. Si Ève n’avait pas été libre
de
manger cette pomme interdite, Ève n’aurait pu pécher, ni Adam après e
168
it pu pécher, ni Adam après elle. Ainsi la gloire
de
l’homme étant sa liberté, il est clair que c’est en ce point que le M
169
lair que la grande ambition satanique devait être
de
s’emparer de la parole dans notre bouche, pour altérer le témoignage
170
rande ambition satanique devait être de s’emparer
de
la parole dans notre bouche, pour altérer le témoignage dans sa sourc
171
ue dans notre langue ». Mais il est deux manières
de
mentir, comme il est deux manières de tromper un client. Si la balanc
172
ux manières de mentir, comme il est deux manières
de
tromper un client. Si la balance marque 980 grammes, vous pouvez dire
173
ontrôle il peut voir qu’on le vole, et vous savez
de
combien vous le volez : une vérité reste juge entre vous. Mais si le
174
e critère du vrai qui est dénaturé, il n’y a plus
de
contrôle possible. Et peu à peu vous oublierez que vous trichez. Pari
175
es pincées « pour le bon poids », pour le sourire
de
l’acheteur et la satisfaction de votre vertu. C’est là le mensonge pu
176
pour le sourire de l’acheteur et la satisfaction
de
votre vertu. C’est là le mensonge pur, l’œuvre propre du diable. À pa
177
artir de l’instant où vous faussez la mesure même
de
la vérité, toutes vos « vertus » sont au service du mal et sont compl
178
vertus » sont au service du mal et sont complices
de
l’œuvre du Malin. « Le diable est Menteur, et le Père du mensonge »,
179
e du mensonge », dit l’Évangile tel qu’on le cite
d’
ordinaire. Ceci concerne le premier mensonge, celui qui se borne à tai
180
ui se borne à taire la vérité (tout en ne cessant
de
la connaître) ou à la nier (tout en sachant que pour si peu, elle ne
181
out en sachant que pour si peu, elle ne cesse pas
d’
exister). Mais le texte original de ce passage est infiniment plus étr
182
e ne cesse pas d’exister). Mais le texte original
de
ce passage est infiniment plus étrange. « Le diable est menteur, nous
183
iable est menteur, nous dit-il, et il est le père
de
son propre mensonge. » Par ici nous entrons au mystère du mal. Le pèr
184
» Par ici nous entrons au mystère du mal. Le père
de
son mensonge est celui qui l’engendre, le conçoit par ses propres œuv
185
re, le conçoit par ses propres œuvres, en abusant
d’
une vérité qu’il rejette aussitôt qu’avilie et qui mourra du monstre m
186
nsonge, par essence, n’est pas ! C’est une espèce
de
décréation. C’est le trompe-l’œil et le sonne-creux de l’invention bâ
187
création. C’est le trompe-l’œil et le sonne-creux
de
l’invention bâtarde et de l’art inauthentique. Le diable est le père
188
l’œil et le sonne-creux de l’invention bâtarde et
de
l’art inauthentique. Le diable est le père du faux art, de toutes ces
189
inauthentique. Le diable est le père du faux art,
de
toutes ces œuvres qui ne sont « ni bien ni mal », parce que l’acte do
190
supprime les mesures mêmes du beau. Il n’y a plus
de
fautes de goût possibles là où n’existe plus de goût, comme il n’y a
191
es mesures mêmes du beau. Il n’y a plus de fautes
de
goût possibles là où n’existe plus de goût, comme il n’y a pas de cri
192
s de fautes de goût possibles là où n’existe plus
de
goût, comme il n’y a pas de crime possible là où n’existe pas de Loi.
193
s là où n’existe plus de goût, comme il n’y a pas
de
crime possible là où n’existe pas de Loi. Peut-être ici découvrons-no
194
il n’y a pas de crime possible là où n’existe pas
de
Loi. Peut-être ici découvrons-nous la raison dernière du mensonge : c
195
on dernière du mensonge : c’est toujours le désir
d’
innocence utopique. Le mensonge ordinaire n’était que l’omission ou la
196
inaire n’était que l’omission ou la contradiction
d’
une vérité, qui subsistait ailleurs et nous jugeait encore. Mais le me
197
e mensonge diabolique tue le juge. Il ne part que
de
soi, et prolifère en autarcie, comme une monade cancéreuse, introduis
198
ncéreuse, introduisant dans l’univers ce sophisme
de
pure angoisse : le mensonge d’aucune vérité. 8. Légion Enfin la
199
nivers ce sophisme de pure angoisse : le mensonge
d’
aucune vérité. 8. Légion Enfin la Bible appelle le diable : Légi
200
e le diable : Légion. Ici nous n’en finirions pas
de
commenter, conformément à la nature du sujet. Bornons-nous à marquer
201
du sujet. Bornons-nous à marquer trois directions
de
pensée : nous les suivrons tout au travers du livre. Si le diable est
202
bord que tout en étant un, il peut revêtir autant
d’
aspects divers qu’il y a d’individus de par le monde. Mais cela peut s
203
il peut revêtir autant d’aspects divers qu’il y a
d’
individus de par le monde. Mais cela peut signifier aussi que le diabl
204
ne en particulier. Et ceci nous ramène au premier
de
ses tours, qui était de nous faire douter de son existence même. 9
205
ci nous ramène au premier de ses tours, qui était
de
nous faire douter de son existence même. 9. Le sophisme L’Ange
206
mier de ses tours, qui était de nous faire douter
de
son existence même. 9. Le sophisme L’Ange déchu nous dit : je s
207
e déchu nous dit : je suis ton ciel, il n’y a pas
d’
autre espérance. Le Prince de ce monde nous dit : il n’y a pas d’autre
208
n ciel, il n’y a pas d’autre espérance. Le Prince
de
ce monde nous dit : il n’y a pas d’autre monde. Le Tentateur nous dit
209
ce. Le Prince de ce monde nous dit : il n’y a pas
d’
autre monde. Le Tentateur nous dit : il n’y a point de juge. L’Accusat
210
tre monde. Le Tentateur nous dit : il n’y a point
de
juge. L’Accusateur : il n’y a point de pardon. Le Menteur résume tout
211
’y a point de juge. L’Accusateur : il n’y a point
de
pardon. Le Menteur résume tout en nous offrant un monde sans obligati
212
s, fermé sur soi mais recréé sans cesse à l’image
de
nos complaisances : il n’y a pas de réalité. Enfin Légion dit le dern
213
sse à l’image de nos complaisances : il n’y a pas
de
réalité. Enfin Légion dit le dernier blasphème : il n’y a Personne. L
214
: il n’y a Personne. Le monde moderne (et chacun
de
nous en lui) dans la mesure où il cultive un rêve de déification de l
215
nous en lui) dans la mesure où il cultive un rêve
de
déification de l’homme par sa science ; où il nie toute transcendance
216
ns la mesure où il cultive un rêve de déification
de
l’homme par sa science ; où il nie toute transcendance ; où il s’enfe
217
ranscendance ; où il s’enferme dans les autarcies
de
la puissance et de la passion ; où il noie finalement la vocation de
218
l s’enferme dans les autarcies de la puissance et
de
la passion ; où il noie finalement la vocation de la personne dans l’
219
de la passion ; où il noie finalement la vocation
de
la personne dans l’anonyme irresponsable, — le monde moderne (et chac
220
nyme irresponsable, — le monde moderne (et chacun
de
nous en lui) se rend à la loi de Satan. Mais du même coup il devient
221
derne (et chacun de nous en lui) se rend à la loi
de
Satan. Mais du même coup il devient incapable de connaître celui qu’i
222
de Satan. Mais du même coup il devient incapable
de
connaître celui qu’il sert ! Satan veut nous faire croire qu’il n’y a
223
rt ! Satan veut nous faire croire qu’il n’y a pas
d’
autre monde. Si nous le croyons, il se trouve qu’aussitôt nous ne pouv
224
ns plus croire à Dieu ni à Satan ! S’il n’y a pas
de
ciel, comme nous le dit Satan, il n’y a pas non plus d’enfer, ni de M
225
l, comme nous le dit Satan, il n’y a pas non plus
d’
enfer, ni de Maître de l’enfer. S’il n’y a pas de juge, il n’y a pas n
226
s le dit Satan, il n’y a pas non plus d’enfer, ni
de
Maître de l’enfer. S’il n’y a pas de juge, il n’y a pas non plus de f
227
atan, il n’y a pas non plus d’enfer, ni de Maître
de
l’enfer. S’il n’y a pas de juge, il n’y a pas non plus de faute ni d’
228
d’enfer, ni de Maître de l’enfer. S’il n’y a pas
de
juge, il n’y a pas non plus de faute ni d’Auteur du mal. S’il n’y a p
229
er. S’il n’y a pas de juge, il n’y a pas non plus
de
faute ni d’Auteur du mal. S’il n’y a pas de vérité, il n’y a pas non
230
a pas de juge, il n’y a pas non plus de faute ni
d’
Auteur du mal. S’il n’y a pas de vérité, il n’y a pas non plus de mens
231
plus de faute ni d’Auteur du mal. S’il n’y a pas
de
vérité, il n’y a pas non plus de mensonge, ni de Menteur. S’il n’y a
232
. S’il n’y a pas de vérité, il n’y a pas non plus
de
mensonge, ni de Menteur. S’il n’y a personne enfin, il n’y a pas non
233
de vérité, il n’y a pas non plus de mensonge, ni
de
Menteur. S’il n’y a personne enfin, il n’y a pas non plus lui ! Ainsi
234
photographes, et qu’on le prive ainsi du bénéfice
de
l’attaque par surprise, sa tactique favorite. Nous avons donc soumis
235
ique favorite. Nous avons donc soumis l’incognito
de
Satan au réactif de la Révélation, qui le rend visible à l’œil spirit
236
avons donc soumis l’incognito de Satan au réactif
de
la Révélation, qui le rend visible à l’œil spirituel. L’objectif repé
237
arque en passant, mais nécessaire. C’est au sujet
d’
une variation sur le thème de l’incognito, d’un camouflage encore, mai
238
aire. C’est au sujet d’une variation sur le thème
de
l’incognito, d’un camouflage encore, mais très élémentaire, c’est-à-d
239
ujet d’une variation sur le thème de l’incognito,
d’
un camouflage encore, mais très élémentaire, c’est-à-dire fort bien ad
240
depuis deux ou trois siècles, il a plu au diable
de
revêtir une apparence moyenâgeuse qui le rend inoffensif aux yeux de
241
nu des mystères médiévaux, ou le faune à barbiche
de
chèvre et à longue queue des légendes populaires, il est vraiment tro
242
légendes populaires, il est vraiment trop facile
d’
y croire : qui s’en donnerait encore la peine ? De fait, j’ai connu be
243
d’y croire : qui s’en donnerait encore la peine ?
De
fait, j’ai connu beaucoup d’hommes qui voulaient bien admettre en sou
244
it encore la peine ? De fait, j’ai connu beaucoup
d’
hommes qui voulaient bien admettre en souriant un diable de ce genre,
245
qui voulaient bien admettre en souriant un diable
de
ce genre, mais non pas croire en Dieu ; ce qui revient à ne pas croir
246
ment peut-on perdre son temps avec ces balivernes
d’
un autre âge ? » Or ce sont eux qui s’y laissent prendre ! Fascinés pa
247
s les anges, mais bien la candeur et la crédulité
de
ces « sceptiques », et l’impardonnable sophisme dont ils se montrent
248
u’il demandait. Et ceux qui en restent aux contes
de
bonnes femmes, ce sont ceux qui refusent de croire au diable à cause
249
ontes de bonnes femmes, ce sont ceux qui refusent
de
croire au diable à cause de l’image qu’ils s’en font, et qui est tiré
250
age qu’ils s’en font, et qui est tirée des contes
de
bonnes femmes. 11. Diable et péché Mais voici d’un tour plus su
251
nnes femmes. 11. Diable et péché Mais voici
d’
un tour plus subtil. Imaginez que le diable aille se cacher dans le pé
252
éché même, pour nous faire croire qu’il n’a point
d’
existence personnelle, qu’il n’est en somme qu’une figuration mytholog
253
s fait moins peur qu’envie. Nous connaissons tous
de
ces dames qui se récrient quand on leur parle du diable — c’est trop
254
s avec passion, et n’ont en général aucune espèce
de
trouble de conscience. Elles ne conçoivent pas le diable comme l’aute
255
ion, et n’ont en général aucune espèce de trouble
de
conscience. Elles ne conçoivent pas le diable comme l’auteur du péché
256
ble comme l’auteur du péché, mais comme une sorte
d’
apparition de cauchemar, qui porte malheur et qui leur veut du mal. El
257
uteur du péché, mais comme une sorte d’apparition
de
cauchemar, qui porte malheur et qui leur veut du mal. Elles ne se dou
258
le diable fait peur. L’astuce du diable est donc
de
se rendre invisible dans nos tentations. Il s’arrange pour montrer pa
259
isent, au camp des vertuistes : « Pourquoi parler
d’
un diable personnel ? Nous voyons bien le péché, mais pas le diable. N
260
notre seconde nature, il peut sembler qu’il agit
de
soi-même et sans Auteur, en vertu d’une espèce d’inertie ou de force
261
de soi-même et sans Auteur, en vertu d’une espèce
d’
inertie ou de force de l’habitude. Une coutume du mal nous habite, que
262
t sans Auteur, en vertu d’une espèce d’inertie ou
de
force de l’habitude. Une coutume du mal nous habite, que l’on pourrai
263
teur, en vertu d’une espèce d’inertie ou de force
de
l’habitude. Une coutume du mal nous habite, que l’on pourrait nommer
264
est-à-dire à commettre des péchés, qui n’ont rien
de
très mystérieux et sont exactement catalogués : lâchetés et mensonges
265
ctement catalogués : lâchetés et mensonges, actes
d’
orgueil ou d’égoïsme, vols, trahisons et méchancetés de toute espèce.
266
ogués : lâchetés et mensonges, actes d’orgueil ou
d’
égoïsme, vols, trahisons et méchancetés de toute espèce. Il est possib
267
ueil ou d’égoïsme, vols, trahisons et méchancetés
de
toute espèce. Il est possible que le diable en personne ne se dérange
268
ne se dérange pas pour si peu. Comme un directeur
de
journal qui ne fait pas les chiens écrasés, se réservant pour les gra
269
rasés, se réservant pour les grandes catastrophes
de
la politique mondiale. Voici cependant où l’on verra percer le bout d
270
ale. Voici cependant où l’on verra percer le bout
de
son oreille pointue : c’est au moment précis où le péché n’est plus r
271
et veut se justifier. Dans les mécanismes hérités
de
nos petits péchés quotidiens, nous sentons quelquefois intervenir com
272
us sentons quelquefois intervenir comme un moment
d’
accélération panique : c’est lui ! Tout d’un coup, les choses s’aggrav
273
moment d’accélération panique : c’est lui ! Tout
d’
un coup, les choses s’aggravent et s’embrouillent, vous ne savez pourq
274
plus le bien du mal, le faux du vrai, la charité
de
la cruauté ; c’est lui qui a pris le jeu en main ! C’est lui qui inve
275
abituel en une « vertu » délirante, en un vertige
de
fausse innocence, en une exaltation de puissance destructive. C’est l
276
un vertige de fausse innocence, en une exaltation
de
puissance destructive. C’est lui qui crée les situations extrêmes, sa
277
qu’il en a fait un peu trop, dès que vous tentez
de
le démasquer dans le péché, il vous égare en vous faisant dire par le
278
t social insuffisant… Nous ne sommes responsables
de
rien. Nous ne sommes pas méchants, mais malades… 12. Le psychanaly
279
sciente ! — peut être définie comme une tentative
de
ramener le « péché » et le « Mal » à des mécanismes subjectifs, dont
280
e dans les cornues des alchimistes. Nous essayons
de
dissoudre le diable dans les eaux troubles du subconscient. Ce n’est
281
t encore qu’une variante scientifique du sophisme
de
l’incognito. Point de diable aux yeux des freudiens, mais seulement u
282
te scientifique du sophisme de l’incognito. Point
de
diable aux yeux des freudiens, mais seulement une croyance au diable,
283
mais seulement une croyance au diable, résultant
de
la « projection » d’un complexe de culpabilité. Guérissez ce complexe
284
royance au diable, résultant de la « projection »
d’
un complexe de culpabilité. Guérissez ce complexe, vous n’aurez plus d
285
ble, résultant de la « projection » d’un complexe
de
culpabilité. Guérissez ce complexe, vous n’aurez plus de croyance au
286
abilité. Guérissez ce complexe, vous n’aurez plus
de
croyance au diable, ni donc de diable. Le démon ne serait qu’une imag
287
vous n’aurez plus de croyance au diable, ni donc
de
diable. Le démon ne serait qu’une image de névrose, quelque chose qui
288
i donc de diable. Le démon ne serait qu’une image
de
névrose, quelque chose qui se soigne, se guérit, et s’évanouit au ter
289
me du traitement. On ne demanderait pas mieux que
d’
y croire. Mais les psychanalystes et les Christian Scientists eux-même
290
ur l’homme torturé par ses complexes. Or la chute
de
l’ange Lucifer est justement l’Accident absolu qui survint dans l’his
291
ènes occultes, le grand psychanalyste se contenta
de
répondre par l’anecdote suivante. Un jour une dame vient le trouver à
292
oiture fermée. Jugeant elle-même qu’il s’agissait
d’
une hallucination, elle demandait à Jung de la traiter. Chacun sait ce
293
issait d’une hallucination, elle demandait à Jung
de
la traiter. Chacun sait ce qu’un oiseau veut dire. Le cas paraissait
294
ussitôt. Après deux ou trois mois, l’état général
de
cette dame s’était notablement amélioré. Elle dormait mieux, l’appéti
295
finalement se résolvaient dans toutes les règles
de
l’art. Mais toujours rien ne se manifestait, qui parût se rapporter d
296
rs rien ne se manifestait, qui parût se rapporter
de
près ou de loin au mystère des oiseaux agresseurs. Un an s’écoula, sa
297
se manifestait, qui parût se rapporter de près ou
de
loin au mystère des oiseaux agresseurs. Un an s’écoula, sans progrès.
298
ecin commençait à désespérer, il envisageait même
d’
abandonner la cure. (Et vous savez pourtant si rien égale la patience
299
(Et vous savez pourtant si rien égale la patience
d’
un psychanalyste !) Enfin, par un beau jour d’été, la malade vint pour
300
nce d’un psychanalyste !) Enfin, par un beau jour
d’
été, la malade vint pour une dernière tentative. Il faisait une chaleu
301
ride. Jung possède une villa sur les rives du lac
de
Zurich. Il proposa que la séance eût lieu dans un petit pavillon au b
302
eHitler ou l’alibi 13. Où paraît la nécessité
d’
un alibi Il est étrange de constater que depuis la fin du Moyen Âge
303
paraît la nécessité d’un alibi Il est étrange
de
constater que depuis la fin du Moyen Âge, depuis que Luther lui jeta
304
it peut-être reconnu précisément sous les espèces
de
l’encre d’imprimerie, lorsqu’il notait qu’on ne peut plus prêcher uti
305
e reconnu précisément sous les espèces de l’encre
d’
imprimerie, lorsqu’il notait qu’on ne peut plus prêcher utilement le c
306
sse quotidienne. Toutefois, l’incognito du Prince
de
ce monde devint difficile à maintenir au cours du premier tiers de no
307
t difficile à maintenir au cours du premier tiers
de
notre siècle, tandis que des catastrophes trop voyantes ébranlaient l
308
catastrophes trop voyantes ébranlaient les bases
de
notre optimisme et de notre foi naïve dans l’élimination progressive
309
antes ébranlaient les bases de notre optimisme et
de
notre foi naïve dans l’élimination progressive du mal par la Science
310
la Science et l’Éducation. Sur nos têtes, au ciel
de
nos villes, de grands oiseaux tournaient avec un bourdonnement sinist
311
’Éducation. Sur nos têtes, au ciel de nos villes,
de
grands oiseaux tournaient avec un bourdonnement sinistre, et ces oise
312
’il était simplement M. Adolf Hitler, et personne
d’
autre. Ce fut son second tour. 15. Hitler est-il l’Antéchrist ?
313
Hitler est-il l’Antéchrist ? Je tiens l’action
d’
Hitler pour plus réellement diabolique que ne l’imaginent ceux qui cro
314
serait peut-être un peu trop simple. Il suffirait
de
le supprimer pour supprimer tout le mal qui est dans ce monde. Et, qu
315
itler est le diable, nous faisons évidemment trop
d’
honneur à l’ex-caporal autrichien ; mais surtout nous nous faisons ill
316
nous nous faisons illusion sur la réelle stature
de
Satan. N’oublions pas que Satan est Légion ! Supprimer un dictateur n
317
maux profonds qui la travaillent. Il me souvient
d’
avoir entendu en Suisse, au début de cette guerre, le grand théologien
318
l me souvient d’avoir entendu en Suisse, au début
de
cette guerre, le grand théologien Karl Barth répondre à la fameuse qu
319
ologien Karl Barth répondre à la fameuse question
d’
Hitler et de l’Antéchrist. Voici ce qu’il disait en substance, et pour
320
Barth répondre à la fameuse question d’Hitler et
de
l’Antéchrist. Voici ce qu’il disait en substance, et pour autant que
321
e le trahit pas : — « Cet homme qu’il est inutile
de
nommer, et dont la censure d’ailleurs m’a fait oublier le nom, ce n’e
322
est certainement pas l’Antéchrist. Car il n’a pas
de
pouvoir sur notre salut éternel. Le véritable Antéchrist ne se révéle
323
usateur impitoyable. Et alors, nous n’aurons plus
d’
autre intercesseur auprès de Dieu que Christ lui-même ! Mais l’homme a
324
re qu’un petit monsieur, un premier avant-coureur
de
l’Antéchrist. Et la lutte qu’il mène contre les Églises et le monde c
325
ur » et cet avertissement, nous voici bien forcés
de
les prendre au sérieux ! Pour n’être pas le diable en personne, on pe
326
t de même passablement diabolique. Et je vois peu
d’
aspects de l’action du Führer qui ne portent en évidence l’insigne sat
327
passablement diabolique. Et je vois peu d’aspects
de
l’action du Führer qui ne portent en évidence l’insigne satanique.
328
our l’avoir éprouvé en sa présence par une espèce
de
frisson d’horreur sacrée, qu’il est le siège d’une « domination », d’
329
éprouvé en sa présence par une espèce de frisson
d’
horreur sacrée, qu’il est le siège d’une « domination », d’un « trône
330
e de frisson d’horreur sacrée, qu’il est le siège
d’
une « domination », d’un « trône » ou d’une « puissance », ainsi que s
331
sacrée, qu’il est le siège d’une « domination »,
d’
un « trône » ou d’une « puissance », ainsi que saint Paul désigne les
332
le siège d’une « domination », d’un « trône » ou
d’
une « puissance », ainsi que saint Paul désigne les esprits de second
333
sance », ainsi que saint Paul désigne les esprits
de
second rang, qui peuvent aussi déchoir dans un corps d’homme quelconq
334
ond rang, qui peuvent aussi déchoir dans un corps
d’
homme quelconque et l’occuper comme une garnison. Je l’ai entendu pro
335
mme une garnison. Je l’ai entendu prononcer l’un
de
ses grands discours, et je l’ai vu à la sortie de son culte, debout d
336
t une rue étroite, mal éclairée. Une seule chaîne
de
SS le séparait de la foule. J’étais au premier rang, à deux mètres de
337
mal éclairée. Une seule chaîne de SS le séparait
de
la foule. J’étais au premier rang, à deux mètres de lui. Un bon tireu
338
la foule. J’étais au premier rang, à deux mètres
de
lui. Un bon tireur l’eût descendu très facilement. Mais ce bon tireur
339
dans cent occasions analogues. Voilà le principal
de
ce que je sais sur Hitler. On peut réfléchir là-dessus. Réfléchir ou
340
e tire pas sur un petit-bourgeois qui est le rêve
de
60 millions d’hommes. On tire sur un tyran, ou sur un roi, mais les f
341
un petit-bourgeois qui est le rêve de 60 millions
d’
hommes. On tire sur un tyran, ou sur un roi, mais les fondateurs de re
342
sur un tyran, ou sur un roi, mais les fondateurs
de
religion sont réservés à d’autres catastrophes. Certes il y a des fou
343
tastrophes. Certes il y a des fous, des accidents
de
circulation et des erreurs de l’histoire. Le Führer déclarait un jour
344
fous, des accidents de circulation et des erreurs
de
l’histoire. Le Führer déclarait un jour qu’il ne craint pas les Ravai
345
e un homme qui dit cela. Qu’il soit un instrument
de
la Providence comme il l’affirme, ou qu’il soit un fléau de Dieu (c’e
346
idence comme il l’affirme, ou qu’il soit un fléau
de
Dieu (c’est une nuance !) son destin ne dépend plus des hommes, pas m
347
!) son destin ne dépend plus des hommes, pas même
de
l’homme Adolf Hitler. À plus forte raison, notre jugement sur lui doi
348
être indépendant des mérites qu’il a ou n’a pas,
de
la sympathie ou des haines qu’il excite. Et cela définit un génie, au
349
cite. Et cela définit un génie, au sens démonique
de
ce terme. D’où lui vient le pouvoir surhumain qu’il développe pendant
350
définit un génie, au sens démonique de ce terme.
D’
où lui vient le pouvoir surhumain qu’il développe pendant un discours
351
qu’il développe pendant un discours ? Une énergie
de
cette nature, on sent très bien qu’elle n’est pas de l’individu, et m
352
cette nature, on sent très bien qu’elle n’est pas
de
l’individu, et même qu’elle ne saurait se manifester qu’autant que l’
353
e l’individu ne compte plus, n’est que le support
d’
une puissance qui échappe à nos psychologies. Ce que je dis là serait
354
ychologies. Ce que je dis là serait du romantisme
de
la plus déplorable espèce si l’œuvre accomplie par cet homme — et j’e
355
é ni intelligent. Il ne s’appartient pas, n’a pas
de
qualités propres, de vices ou de vertus, ni même de compte en banque,
356
ne s’appartient pas, n’a pas de qualités propres,
de
vices ou de vertus, ni même de compte en banque, et à peine un état c
357
ent pas, n’a pas de qualités propres, de vices ou
de
vertus, ni même de compte en banque, et à peine un état civil. Il est
358
qualités propres, de vices ou de vertus, ni même
de
compte en banque, et à peine un état civil. Il est le lieu de passage
359
banque, et à peine un état civil. Il est le lieu
de
passage des forces de l’Histoire, le catalyseur de ces forces qui déj
360
état civil. Il est le lieu de passage des forces
de
l’Histoire, le catalyseur de ces forces qui déjà sont dressées devant
361
e passage des forces de l’Histoire, le catalyseur
de
ces forces qui déjà sont dressées devant vous ; et après cela, vous p
362
cela, vous pouvez le supprimer sans rien détruire
de
ce qui s’est fait par lui. Qu’il y ait eu dans ces temps aveugles à t
363
elgruber habité par un trône… On a ri. On a cessé
de
rire. Et ce n’était pourtant qu’un petit envoyé… 17. Le directeur
364
pourtant qu’un petit envoyé… 17. Le directeur
d’
inconscience L’hitlérisme se présente à nous comme une catastrophe
365
, des hommes et des femmes subissent la contagion
de
ce mal, changent subitement de visage, se raidissent, se ferment à to
366
ssent la contagion de ce mal, changent subitement
de
visage, se raidissent, se ferment à tout raisonnement, à toute discus
367
amentales sur lesquelles s’édifia la civilisation
de
l’Occident depuis des millénaires ? C’est qu’Hitler est assez démoni
368
our avoir su réveiller nos démons, par une espèce
de
contagion, ou plutôt d’induction spirituelle. Toute son œuvre de tent
369
os démons, par une espèce de contagion, ou plutôt
d’
induction spirituelle. Toute son œuvre de tentateur a consisté à prive
370
u plutôt d’induction spirituelle. Toute son œuvre
de
tentateur a consisté à priver les individus du sentiment de leur resp
371
ur a consisté à priver les individus du sentiment
de
leur responsabilité morale, donc du sens de leur culpabilité. En les
372
iment de leur responsabilité morale, donc du sens
de
leur culpabilité. En les fondant dans une masse passionnée, il exalte
373
alte dans l’âme des plus déshérités une sensation
de
puissance invincible. Il leur répète les vieux slogans du diable : «
374
serez comme des dieux ! » En combattant le traité
de
Versailles, « cette Gorgone terrorisant le peuple allemand qui vivait
375
mand qui vivait désarmé et humilié sous le regard
de
ces milliers d’yeux » (Mein Kampf), il supprime le Juge, il supprime
376
désarmé et humilié sous le regard de ces milliers
d’
yeux » (Mein Kampf), il supprime le Juge, il supprime la faute, il les
377
Juge, il supprime la faute, il les rend à l’état
d’
innocence première. Enfin, en condamnant tout ce qui est universel ou
378
sion dans Wagner ; il réduit les masses à un état
d’
hypnose, d’inconscience somnambulique, dans lequel le moins courageux
379
agner ; il réduit les masses à un état d’hypnose,
d’
inconscience somnambulique, dans lequel le moins courageux sera capabl
380
ique, dans lequel le moins courageux sera capable
d’
exécuter des actes étonnants d’énergie et de discipline mécanique, jus
381
ageux sera capable d’exécuter des actes étonnants
d’
énergie et de discipline mécanique, jusqu’à la mort, terme idéal de to
382
pable d’exécuter des actes étonnants d’énergie et
de
discipline mécanique, jusqu’à la mort, terme idéal de toute passion.
383
iscipline mécanique, jusqu’à la mort, terme idéal
de
toute passion. Autrefois les hommes demandaient des directeurs de con
384
. Autrefois les hommes demandaient des directeurs
de
conscience. Mais la misère des temps et le sentiment d’impuissance qu
385
science. Mais la misère des temps et le sentiment
d’
impuissance qu’éprouvent les individus dans notre monde démesuré, font
386
emandent et se donnent aujourd’hui des directeurs
d’
inconscience collective. L’extraordinaire, l’effrayant, c’est de voir
387
collective. L’extraordinaire, l’effrayant, c’est
de
voir à quel point le Führer, le « guide », le directeur de l’inconsci
388
quel point le Führer, le « guide », le directeur
de
l’inconscience allemande, est en même temps conscient de ce qu’il fai
389
conscience allemande, est en même temps conscient
de
ce qu’il fait, maître de sa technique, lucide et froid comme le serpe
390
en même temps conscient de ce qu’il fait, maître
de
sa technique, lucide et froid comme le serpent ! Dans Mein Kampf, il
391
Mein Kampf, il donnait dès 1924, des descriptions
d’
une surprenante précision du réveil des puissances souterraines qu’il
392
il des puissances souterraines qu’il se proposait
d’
opérer. « Tous les grands mouvements de l’Histoire, sont des éruptions
393
proposait d’opérer. « Tous les grands mouvements
de
l’Histoire, sont des éruptions volcaniques de passions et de sensatio
394
nts de l’Histoire, sont des éruptions volcaniques
de
passions et de sensations spirituelles provoquées soit par la cruelle
395
re, sont des éruptions volcaniques de passions et
de
sensations spirituelles provoquées soit par la cruelle déesse de la M
396
pirituelles provoquées soit par la cruelle déesse
de
la Misère, soit par la torche de la parole jetée dans les masses. Seu
397
a cruelle déesse de la Misère, soit par la torche
de
la parole jetée dans les masses. Seule une tempête de passion brûlant
398
a parole jetée dans les masses. Seule une tempête
de
passion brûlante peut changer les destinées d’un peuple. » Surtout ne
399
te de passion brûlante peut changer les destinées
d’
un peuple. » Surtout ne donnez pas de raisons aux masses, car de tous
400
es destinées d’un peuple. » Surtout ne donnez pas
de
raisons aux masses, car de tous temps, « les forces qui ont produit l
401
Surtout ne donnez pas de raisons aux masses, car
de
tous temps, « les forces qui ont produit les plus grands changements
402
érie qui les pousse en avant. » Ailleurs il parle
de
« l’appel aux forces mystérieuses » qui pourra seul réduire les « obs
403
l’au-delà, parce qu’il limite l’empire du Prince
de
ce monde. Les âmes vont lui échapper s’il subsiste un recours à l’Éte
404
ui domine les pouvoirs terrestres. Il s’agit donc
de
supprimer l’idée d’au-delà, de transcendance ; d’intégrer Dieu lui-mê
405
rs terrestres. Il s’agit donc de supprimer l’idée
d’
au-delà, de transcendance ; d’intégrer Dieu lui-même dans la Nation. C
406
es. Il s’agit donc de supprimer l’idée d’au-delà,
de
transcendance ; d’intégrer Dieu lui-même dans la Nation. Comprenons b
407
de supprimer l’idée d’au-delà, de transcendance ;
d’
intégrer Dieu lui-même dans la Nation. Comprenons bien ce que signifie
408
nifie, dans cette perspective satanique, le terme
d’
État totalitaire. Un régime est totalitaire lorsqu’il prétend centrali
409
rs en une religion politique, ou en une politique
d’
allure religieuse. Et cela d’autant mieux que la religion qu’il adopte
410
ou en une politique d’allure religieuse. Et cela
d’
autant mieux que la religion qu’il adopte ne connaît point de transcen
411
eux que la religion qu’il adopte ne connaît point
de
transcendance, et que ses buts purement terrestres non seulement ne d
412
non seulement ne divergent plus des buts normaux
de
la politique, mais se confondent avec ceux-ci. Alors il n’y a plus de
413
s se confondent avec ceux-ci. Alors il n’y a plus
de
recours, plus de pardon à espérer : la communauté spirituelle ne peut
414
vec ceux-ci. Alors il n’y a plus de recours, plus
de
pardon à espérer : la communauté spirituelle ne peut pas en appeler à
415
tique religieuse totalitaire, a créé le type même
d’
une communauté régressive, fondée sur le passé : le sang, la race, la
416
on ne pourra jamais y entrer — si l’on n’est pas
de
sang aryen, par exemple — car cette religion n’admet pas que « les ch
417
es choses vieilles sont passées » selon la parole
de
l’Apôtre. Elle n’admet pas la conversion spirituelle, à partir de laq
418
quels sont tes morts ? Religion du sang, religion
de
la terre et des morts, religion sanglante et mortelle, religion des c
419
des morts, des cortèges funèbres, des cérémonies
d’
imprécations, des sacrifices propitiatoires, le tam-tam des tambours l
420
propitiatoires, le tam-tam des tambours lugubres,
d’
hallucinants sabbats de nègres blancs ! Qui oserait encore nous souten
421
tam des tambours lugubres, d’hallucinants sabbats
de
nègres blancs ! Qui oserait encore nous soutenir que ce délire représ
422
s le pardon, le futur éternel, le rachat du péché
d’
origine ? 18. Midas prolétarien Nous disions que le Prince de ce
423
. Midas prolétarien Nous disions que le Prince
de
ce monde peut tout avoir du monde sauf son âme, qui en fait le sens e
424
itler, battant la terre entière, ne jouira jamais
de
sa victoire. Gagnant tout, il ne gagne rien. Les religions de la terr
425
re. Gagnant tout, il ne gagne rien. Les religions
de
la terre sont religions de la mort. Vieille vérité théologique, que l
426
ne rien. Les religions de la terre sont religions
de
la mort. Vieille vérité théologique, que les malheurs du temps illust
427
n faire de plus. » Beaucoup ont découvert le sens
de
cette parole quand le Führer est entré dans Paris. Pour ma part, j’éc
428
rivis ce jour-là une page qui trouve ici son sens
de
parabole. À cette heure où Paris exsangue voile sa face d’un nuage,
429
e. À cette heure où Paris exsangue voile sa face
d’
un nuage, et se tait, que son deuil soit le deuil du monde ! Nous sent
430
sait : Si Paris est détruit, j’en perdrai le goût
d’
être un Européen. La Ville Lumière n’est pas détruite : elle s’est éte
431
e n’est pas détruite : elle s’est éteinte. Désert
de
hautes pierres sans âme, cimetière… L’envahisseur avait prophétisé :
432
devant le sentiment, devant ce qui fait la valeur
de
la vie. Je songe au chef de guerre qui traverse aujourd’hui ces rues
433
ce qui fait la valeur de la vie. Je songe au chef
de
guerre qui traverse aujourd’hui ces rues les plus émouvantes du monde
434
nde : il ne les connaîtra jamais. Il ne verra que
d’
aveugles façades. Il s’est privé à tout jamais de quelque chose d’irre
435
d’aveugles façades. Il s’est privé à tout jamais
de
quelque chose d’irremplaçable, de quelque chose qu’on peut tuer mais
436
es. Il s’est privé à tout jamais de quelque chose
d’
irremplaçable, de quelque chose qu’on peut tuer mais qu’on ne peut con
437
é à tout jamais de quelque chose d’irremplaçable,
de
quelque chose qu’on peut tuer mais qu’on ne peut conquérir par la for
438
les servants des Panzerdivisionen. Quelque chose
d’
indéfinissable et que nous appelions Paris. C’est ici l’impuissance tr
439
appelions Paris. C’est ici l’impuissance tragique
de
ce conquérant victorieux : tout ce qu’il veut saisir se change à son
440
u’il veut saisir se change à son approche — Midas
de
l’ère prolétarienne — en fer tordu, en pierraille lépreuse. N’importe
441
du, en pierraille lépreuse. N’importe quel badaud
d’
un soir de juin pouvait s’annexer pour toujours le bonheur d’un coucha
442
rraille lépreuse. N’importe quel badaud d’un soir
de
juin pouvait s’annexer pour toujours le bonheur d’un couchant sur Sai
443
e juin pouvait s’annexer pour toujours le bonheur
d’
un couchant sur Saint-Germain-des-Prés, le grisant glissement de la fo
444
sur Saint-Germain-des-Prés, le grisant glissement
de
la foule de l’Arc aux Chevaux de Marly, les siècles de grandeur, de m
445
rmain-des-Prés, le grisant glissement de la foule
de
l’Arc aux Chevaux de Marly, les siècles de grandeur, de misère, de sa
446
isant glissement de la foule de l’Arc aux Chevaux
de
Marly, les siècles de grandeur, de misère, de sagesse, dont le visage
447
foule de l’Arc aux Chevaux de Marly, les siècles
de
grandeur, de misère, de sagesse, dont le visage de cette capitale plu
448
rc aux Chevaux de Marly, les siècles de grandeur,
de
misère, de sagesse, dont le visage de cette capitale plus douce et pl
449
aux de Marly, les siècles de grandeur, de misère,
de
sagesse, dont le visage de cette capitale plus douce et plus fière qu
450
e grandeur, de misère, de sagesse, dont le visage
de
cette capitale plus douce et plus fière qu’aucune autre portait les t
451
pas un conquérant. La confrontation stupéfiante
de
cet homme et de cette Ville était peut-être nécessaire pour faire com
452
nt. La confrontation stupéfiante de cet homme et
de
cette Ville était peut-être nécessaire pour faire comprendre au monde
453
bles. On ne conquiert pas avec des chars les dons
de
l’âme et les raisons de vivre dont on manque. Qu’ils fassent dix fois
454
s avec des chars les dons de l’âme et les raisons
de
vivre dont on manque. Qu’ils fassent dix fois le tour du monde ! Ils
455
e. Jusqu’au jour bien plus terrifiant que le jour
de
la pire vengeance où, s’arrêtant enfin, ils comprendront qu’aucun tri
456
ils ne savent ce qu’ils font ». 19. Le Fléau
de
Dieu S’ils ne savent pas ce qu’ils font, pitié pour eux, sans dout
457
ne nous appartient pas. Et l’hitlérisme enseigne
de
le mépriser. Ce n’est pas l’aspect le moins diabolique de l’œuvre du
458
priser. Ce n’est pas l’aspect le moins diabolique
de
l’œuvre du Führer, que le caractère de châtiment sans pitié des faibl
459
diabolique de l’œuvre du Führer, que le caractère
de
châtiment sans pitié des faiblesses du monde moderne, que revêt la vi
460
iolence hitlérienne. La tactique et la stratégie
d’
Hitler sont en somme très simples. Il est apparu dans le monde comme u
461
e qui entrerait dans une maison et qui essaierait
d’
ébranler tous les meubles. Si le meuble résiste, on n’insiste pas. Si
462
pardon. Il est le châtiment automatique, l’Attila
de
notre civilisation, — son Fléau de Dieu. Mais cette absence de pitié,
463
ique, l’Attila de notre civilisation, — son Fléau
de
Dieu. Mais cette absence de pitié, justement, nous rappelle l’un des
464
lisation, — son Fléau de Dieu. Mais cette absence
de
pitié, justement, nous rappelle l’un des noms du diable que nous citi
465
justifications qu’il en donne, et c’est l’espèce
de
douceur médiumnique dont il la revêt aux yeux de son peuple. Ce n’est
466
il la revêt aux yeux de son peuple. Ce n’est pas
d’
envahir un petit pays qui est diabolique, cela s’est fait de tous les
467
un petit pays qui est diabolique, cela s’est fait
de
tous les temps, c’était, si l’on peut dire, égoïsme normal, soif de r
468
c’était, si l’on peut dire, égoïsme normal, soif
de
richesses, vulgaire impérialisme ; ce qui est diabolique, c’est d’app
469
gaire impérialisme ; ce qui est diabolique, c’est
d’
appeler cela « consolider la paix » ou « fonder le nouvel ordre ». Ce
470
aix » ou « fonder le nouvel ordre ». Ce n’est pas
d’
annexer la Tchécoslovaquie qui est diabolique, mais c’est de le faire
471
la Tchécoslovaquie qui est diabolique, mais c’est
de
le faire au lendemain d’un discours où l’on invoque « le droit des pe
472
t diabolique, mais c’est de le faire au lendemain
d’
un discours où l’on invoque « le droit des peuples à disposer d’eux-mê
473
où l’on invoque « le droit des peuples à disposer
d’
eux-mêmes ». Ce n’est pas de transformer le territoire du voisin en ch
474
es peuples à disposer d’eux-mêmes ». Ce n’est pas
de
transformer le territoire du voisin en champ de carnage et de bombard
475
s de transformer le territoire du voisin en champ
de
carnage et de bombardement, mais c’est d’appeler ce champ de mort « e
476
er le territoire du voisin en champ de carnage et
de
bombardement, mais c’est d’appeler ce champ de mort « espace vital ».
477
n champ de carnage et de bombardement, mais c’est
d’
appeler ce champ de mort « espace vital ». Ce n’est pas de violer les
478
et de bombardement, mais c’est d’appeler ce champ
de
mort « espace vital ». Ce n’est pas de violer les traités, mais c’est
479
r ce champ de mort « espace vital ». Ce n’est pas
de
violer les traités, mais c’est de vouloir s’innocenter en proclamant
480
». Ce n’est pas de violer les traités, mais c’est
de
vouloir s’innocenter en proclamant en tête d’un nouveau Code : « Le D
481
est de vouloir s’innocenter en proclamant en tête
d’
un nouveau Code : « Le Droit est ce qui sert le peuple allemand. » Ce
482
st ce qui sert le peuple allemand. » Ce n’est pas
d’
attaquer les Églises, mais c’est de le faire en nationalisant la Provi
483
» Ce n’est pas d’attaquer les Églises, mais c’est
de
le faire en nationalisant la Providence, et en son Nom. Ce qui est pr
484
om. Ce qui est proprement diabolique, c’est moins
de
faire le mal que de le baptiser bien, quand on le fait. C’est de vide
485
ement diabolique, c’est moins de faire le mal que
de
le baptiser bien, quand on le fait. C’est de vider tous les mots de l
486
que de le baptiser bien, quand on le fait. C’est
de
vider tous les mots de leur sens, de les retourner et de les lire à r
487
n, quand on le fait. C’est de vider tous les mots
de
leur sens, de les retourner et de les lire à rebours, selon la coutum
488
fait. C’est de vider tous les mots de leur sens,
de
les retourner et de les lire à rebours, selon la coutume des messes n
489
r tous les mots de leur sens, de les retourner et
de
les lire à rebours, selon la coutume des messes noires. C’est d’inver
490
ebours, selon la coutume des messes noires. C’est
d’
invertir et de ruiner par l’intérieur les critères mêmes de la vérité.
491
la coutume des messes noires. C’est d’invertir et
de
ruiner par l’intérieur les critères mêmes de la vérité. Et c’est enfi
492
r et de ruiner par l’intérieur les critères mêmes
de
la vérité. Et c’est enfin d’aller loger le mensonge, de préférence, d
493
r les critères mêmes de la vérité. Et c’est enfin
d’
aller loger le mensonge, de préférence, dans une parole de vérité !
494
vérité. Et c’est enfin d’aller loger le mensonge,
de
préférence, dans une parole de vérité !
495
loger le mensonge, de préférence, dans une parole
de
vérité !
496
sent l’œuvre du démon : l’esprit tombé, le prince
de
l’ici-bas, le tentateur, l’accusateur et le menteur. Il reste à dépis
497
d que toutes ses misères venaient de l’extérieur,
de
l’étranger, du traité de Versailles, ou des Juifs, ou des Soviets, ou
498
venaient de l’extérieur, de l’étranger, du traité
de
Versailles, ou des Juifs, ou des Soviets, ou des Ploutocrates anglo-s
499
e procédé que l’on reconnaît le mieux la tactique
de
Satan chez tous ses délégués. Mais ici, prenons garde ! (Ce livre es
500
s. Mais ici, prenons garde ! (Ce livre est plein
de
pièges.) Si l’on vient d’accepter les phrases qui précèdent, c’est pe
501
e ! (Ce livre est plein de pièges.) Si l’on vient
d’
accepter les phrases qui précèdent, c’est peut-être assez grave pour n
502
s, délaissant le Führer et les siens, vont porter
de
plein fouet contre nous-mêmes. Beaucoup de démocrates croient sincère
503
nt sincèrement qu’Hitler incarne seul tout le mal
de
notre temps. Or ce disant, ils usent en vérité d’un procédé exactemen
504
de notre temps. Or ce disant, ils usent en vérité
d’
un procédé exactement semblable à celui que l’on vient de dénoncer, mi
505
e fois non plus par le Führer, mais par le Prince
de
ce monde et par Légion lui-même. « Voyez, je ne suis qu’Hitler ! », n
506
e détestons. Nous lui opposons avec plus ou moins
de
détermination nos vieilles vertus démocratiques, — et nous ne voyons
507
est la grande porte par laquelle il entre en nous
de
préférence, en se faisant annoncer sous un faux nom. 22. Notre pri
508
primitivisme Chacun sait que les « primitifs »
de
la Mélanésie, victimes des plus célèbres études sociologiques du sièc
509
èbres études sociologiques du siècle, ont coutume
de
personnifier les forces mauvaises qui les menacent, les causes des cr
510
s menacent, les causes des crimes, des accidents,
de
la stérilité ou de la mort. Que ce soit un sorcier, un profanateur du
511
ses des crimes, des accidents, de la stérilité ou
de
la mort. Que ce soit un sorcier, un profanateur du sacré, un animal,
512
rofanateur du sacré, un animal, un nuage, un bout
de
bois colorié, toujours la cause du mal dont souffrent ces sauvages es
513
mal dont souffrent ces sauvages est indépendante
d’
eux-mêmes, et doit donc être combattue et anéantie hors d’eux-mêmes. À
514
mes, et doit donc être combattue et anéantie hors
d’
eux-mêmes. À l’inverse, le christianisme s’est efforcé depuis des sièc
515
le christianisme s’est efforcé depuis des siècles
de
nous faire comprendre que le Royaume de Dieu est en nous, que le Mal
516
s siècles de nous faire comprendre que le Royaume
de
Dieu est en nous, que le Mal aussi est en nous, et que le champ de le
517
us, que le Mal aussi est en nous, et que le champ
de
leur bataille n’est pas ailleurs que dans nos cœurs. Cette éducation
518
ans notre primitivisme. Nous rendons responsables
de
nos maux les gens d’en face, toujours, ou la force des choses. Si nou
519
e. Nous rendons responsables de nos maux les gens
d’
en face, toujours, ou la force des choses. Si nous sommes révolutionna
520
ires, nous croyons qu’en changeant la disposition
de
certains objets — en déplaçant les richesses, par exemple — nous supp
521
mêmes objets, nous sauverons tout. Si nous sommes
de
braves démocrates, inquiets ou optimistes, nous croyons qu’en rôtissa
522
sommes encore en pleine mentalité magique. Comme
de
petits enfants en colère, nous battons la table à laquelle nous nous
523
eurtés. Ou comme Xerxès, nous flagellons les eaux
de
l’Hellespont, à grands coups de discours sur les ondes courtes. Nous
524
agellons les eaux de l’Hellespont, à grands coups
de
discours sur les ondes courtes. Nous oublions ce fait fondamental : c
525
nos adversaires ne diffèrent pas essentiellement
de
nous. Car tout homme porte dans son corps (et dans son âme) les micro
526
rte dans son corps (et dans son âme) les microbes
de
toutes les maladies connues, et de bien d’autres. Anéantir les signes
527
) les microbes de toutes les maladies connues, et
de
bien d’autres. Anéantir les signes extérieurs de la menace ne serait
528
de bien d’autres. Anéantir les signes extérieurs
de
la menace ne serait nullement suffisant pour nous en délivrer. Ces si
529
ient fort bien se développer un jour, à la faveur
de
la misère ou de la fatigue, ou de quelque déséquilibre temporaire. L’
530
e développer un jour, à la faveur de la misère ou
de
la fatigue, ou de quelque déséquilibre temporaire. L’adversaire est t
531
ur, à la faveur de la misère ou de la fatigue, ou
de
quelque déséquilibre temporaire. L’adversaire est toujours en nous. E
532
ble, s’il existait, serait cet homme qui n’aurait
d’
autre ennemi à craindre que celui qu’il loge en lui-même. 23. « Nou
533
Nous sommes tous, Hitler y compris, des « hommes
de
bonne volonté »4. Pourtant voyez ce qui se passe dans le monde, et di
534
par nos mains et nos pensées. C’est ici le moment
de
nous rappeler notre slogan démocratique : Tous les hommes se valent !
535
tention des remarques précédentes n’est nullement
de
justifier « les autres », que l’on avait d’abord accusés de tout le m
536
er « les autres », que l’on avait d’abord accusés
de
tout le mal ; ni de nous fourrer tous dans le même sac, sans distinct
537
ue l’on avait d’abord accusés de tout le mal ; ni
de
nous fourrer tous dans le même sac, sans distinctions, comme semblait
538
ons, comme semblait le faire en 1939 un manifeste
de
l’Oxford Group, largement répandu en Europe, et qui s’intitulait non
539
le du démon dans nos passions ; dans notre besoin
de
sensation ; dans notre crainte des responsabilités ; dans notre inert
540
e ; dans notre lâcheté vis-à-vis du grand nombre,
de
ses modes et de ses slogans ; dans notre ignorance du prochain ; dans
541
âcheté vis-à-vis du grand nombre, de ses modes et
de
ses slogans ; dans notre ignorance du prochain ; dans notre refus enf
542
re ignorance du prochain ; dans notre refus enfin
de
tout Absolu qui transcende et qui juge nos intérêts « vitaux » (comme
543
ls le sont toujours…). Il est juste et nécessaire
de
dire que le diabolisme n’est pas seulement hitlérien, que l’hitlérism
544
dirai pas que je vais laisser courir le criminel
d’
en face, pour mieux me livrer d’abord à ma réforme intérieure ! Je dir
545
me réformer et la lutte pour empêcher le criminel
de
poursuivre ses méfaits, sont une seule et même lutte. Que servirait d
546
aits, sont une seule et même lutte. Que servirait
de
gagner cette lutte en moi seulement, puisque le criminel risquerait d
547
en moi seulement, puisque le criminel risquerait
de
me supprimer ? Que servirait de la gagner hors de moi seulement, puis
548
iminel risquerait de me supprimer ? Que servirait
de
la gagner hors de moi seulement, puisque je risquerais de devenir à m
549
gner hors de moi seulement, puisque je risquerais
de
devenir à mon tour un autre criminel ? Il n’y a qu’un crime, en moi e
550
disent-ils, donc nous n’avons pas le droit moral
de
nous battre contre Hitler. » — Nous sommes tous coupables, certes, ma
551
e des pompiers et des gendarmes. Cela ne fait pas
de
nous des saints. Cela n’implique même pas que nous soyons « meilleurs
552
us précisément diaboliques chez Hitler — sa façon
de
localiser tout le mal à l’étranger, pour s’innocenter — nous sommes t
553
bés dans la même erreur que lui : nous avons fait
d’
Hitler une image du démon tout extérieure à notre réalité. Et pendant
554
rogrès automatique. Devant les résultats présents
de
cette croyance quasi universelle dans les masses et l’élite, l’on est
555
e fataliste et réconfortante que tout s’arrangera
de
soi-même, dans l’ensemble et à la longue, alors le Progrès devient le
556
soporifiques, une véritable drogue du démon, l’un
de
ses nouveaux noms. Nous avons cru à la bonté foncière de l’homme. Par
557
nouveaux noms. Nous avons cru à la bonté foncière
de
l’homme. Par gentillesse pour les autres, évidemment… Mais c’est touj
558
tres, évidemment… Mais c’est toujours une manière
de
croire aussi à sa propre bonté. Et donc de s’aveugler sur le mal que
559
anière de croire aussi à sa propre bonté. Et donc
de
s’aveugler sur le mal que l’on porte en soi. Et donc de ne pas se sou
560
veugler sur le mal que l’on porte en soi. Et donc
de
ne pas se soucier de la présence active du démon. Et donc enfin de lu
561
e l’on porte en soi. Et donc de ne pas se soucier
de
la présence active du démon. Et donc enfin de lui laisser le champ li
562
ier de la présence active du démon. Et donc enfin
de
lui laisser le champ libre pour nous duper. Nous avons cru que le mal
563
mal était relatif dans le monde, qu’il provenait
d’
une mauvaise répartition des biens, d’une éducation mal comprise, de l
564
l provenait d’une mauvaise répartition des biens,
d’
une éducation mal comprise, de lois inadéquates, ou de refoulements et
565
artition des biens, d’une éducation mal comprise,
de
lois inadéquates, ou de refoulements et d’injustices qui pouvaient êt
566
e éducation mal comprise, de lois inadéquates, ou
de
refoulements et d’injustices qui pouvaient être éliminés par des mesu
567
prise, de lois inadéquates, ou de refoulements et
d’
injustices qui pouvaient être éliminés par des mesures adroites. Toute
568
rtie superstitieuses, ont eu pour principal effet
de
nous aveugler sur la réalité de l’homme, c’est-à-dire sur la réalité
569
r principal effet de nous aveugler sur la réalité
de
l’homme, c’est-à-dire sur la réalité essentielle du mal enraciné dans
570
mières, dans la nature et dans la définition même
de
l’homme en tant qu’il est humain. Nous avons été optimistes par princ
571
savoir-vivre, dirait-on, malgré tous les démentis
de
la réalité. Cet optimisme n’est pas la confiance naïve de l’enfant, m
572
alité. Cet optimisme n’est pas la confiance naïve
de
l’enfant, mais une espèce de mensonge. Exactement : une fuite devant
573
s la confiance naïve de l’enfant, mais une espèce
de
mensonge. Exactement : une fuite devant le réel. Car dans le réel, no
574
s scandalise et nous effraye. Alors nous essayons
de
conjurer le mal en le niant : c’est encore la mentalité magique. Nous
575
Nous croyons qu’en avouant le mal, nous le créons
d’
une certaine manière. Nous préférons ne pas insister. Nous « refoulons
576
ce mensonge inconscients nous rendent incapables
de
comprendre ce qui se passe dans le monde, et nous livrent aux ruses l
577
ses les plus simples du Malin. Nous avons éliminé
de
notre existence bourgeoise le sens du tragique, pour nous tourner exc
578
’il représente. Autant que la compensation fatale
de
nos défauts, Hitler est le négatif exact de nos idéaux optimistes, da
579
atale de nos défauts, Hitler est le négatif exact
de
nos idéaux optimistes, dans la mesure où ils étaient irréalistes, uto
580
édiocre, dilué et trop étendu (comme on « étend »
d’
eau une solution concentrée) de divinisation prométhéenne. Nos vertus
581
comme on « étend » d’eau une solution concentrée)
de
divinisation prométhéenne. Nos vertus comme nos vices n’avaient plus
582
. Nos vertus comme nos vices n’avaient plus l’air
de
rien, et leur insignifiance était leur diabolisme. Il est trop clair
583
émocraties, en tant que telles, n’ont pas produit
d’
exemples d’héroïsme et de vertu5 comparables en grandeur aux atrocités
584
en tant que telles, n’ont pas produit d’exemples
d’
héroïsme et de vertu5 comparables en grandeur aux atrocités rigoureuse
585
elles, n’ont pas produit d’exemples d’héroïsme et
de
vertu5 comparables en grandeur aux atrocités rigoureuses produites pa
586
s par l’hitlérisme au nom d’Hitler. Ce qui a paru
de
grand, dans notre camp n’a pas été le fait de la démocratie bourgeois
587
aru de grand, dans notre camp n’a pas été le fait
de
la démocratie bourgeoise, mais de chrétiens comme Niemöller, ou de ré
588
pas été le fait de la démocratie bourgeoise, mais
de
chrétiens comme Niemöller, ou de révolutionnaires mystiques. Après to
589
bourgeoise, mais de chrétiens comme Niemöller, ou
de
révolutionnaires mystiques. Après tout, dira-t-on, c’est normal, car
590
me qui permet aux croyants, comme aux incroyants,
de
se manifester sans être massacrés6. Oui, mais encore faut-il qu’il y
591
qu’il y ait des croyants ! Or nous étions devenus
d’
incurables sceptiques. De même que nous disions, en présence d’un mira
592
la nous gênait. Nous l’écartions irrésistiblement
de
nos pensées… Car si ce « trop affreux » eût été vraiment vrai, il eût
593
ffreux » eût été vraiment vrai, il eût fallu agir
d’
urgence et sans réserve ; et si nous nous étions mis à agir sans réser
594
mal avait des racines dans nos vies aussi, et que
d’
une certaine manière, nous l’aimions ! Voilà le grand secret. Le diabl
595
plus que des armées. Elle oppose des conceptions
de
la vie. C’est une espèce de guerre civile mondiale. Elle sera perdue
596
ppose des conceptions de la vie. C’est une espèce
de
guerre civile mondiale. Elle sera perdue si nous perdons d’abord le s
597
Elle sera perdue si nous perdons d’abord le sens
de
la réalité morale. Et certaines simplifications le perdent à coup sûr
598
coup sûr. Je parle ici comme un Européen qui a vu
de
près des phénomènes bizarres de désintégration démocratique et de con
599
Européen qui a vu de près des phénomènes bizarres
de
désintégration démocratique et de conversion au fascisme. La France é
600
omènes bizarres de désintégration démocratique et
de
conversion au fascisme. La France était démocratique dans son ensembl
601
atique dans son ensemble en 1939 ; presque chacun
de
ses citoyens se disait sincèrement antinazi, et se croyait parfaiteme
602
ent antinazi, et se croyait parfaitement à l’abri
de
ce genre de tentation. Il avait sa bonne conscience de démocrate. Hit
603
, et se croyait parfaitement à l’abri de ce genre
de
tentation. Il avait sa bonne conscience de démocrate. Hitler est venu
604
genre de tentation. Il avait sa bonne conscience
de
démocrate. Hitler est venu, le pays a capitulé, et aujourd’hui, certa
605
ertains ci-devant « intellectuels antifascistes »
de
Paris découvrent soudain qu’au fond, le nazisme n’est pas si mal que
606
ru et croit encore que les nazis sont des animaux
d’
une tout autre race que les Américains. Elle aussi risque de découvrir
607
autre race que les Américains. Elle aussi risque
de
découvrir un jour qu’« après tout, ils sont des hommes comme nous ».
608
itain tenté et qui se fait une caricature du vice
d’
autrui pour éviter de le reconnaître en lui-même. Je soupçonne une pro
609
fait une caricature du vice d’autrui pour éviter
de
le reconnaître en lui-même. Je soupçonne une profonde ambivalence dan
610
ivalence dans certaines dénonciations passionnées
de
l’hitlérisme : la violence du ton et le simplisme obstiné de certains
611
isme : la violence du ton et le simplisme obstiné
de
certains jugements trahissent une vague mauvaise conscience, une anxi
612
e pour leur propre cas ! —, je ne puis m’empêcher
de
penser qu’un jour ou l’autre, le pro qui sommeille dans un coin de le
613
our ou l’autre, le pro qui sommeille dans un coin
de
leur cœur se réveillera brusquement et les renversera. Nous avons vu
614
brusquement et les renversera. Nous avons vu trop
de
cas de ce genre, individuels ou collectifs. Nous avons vu la populati
615
ment et les renversera. Nous avons vu trop de cas
de
ce genre, individuels ou collectifs. Nous avons vu la population de l
616
iduels ou collectifs. Nous avons vu la population
de
la Sarre se jeter dans les bras d’Hitler en 1935. Nous avons vu la Vi
617
la population de la Sarre se jeter dans les bras
d’
Hitler en 1935. Nous avons vu la Vienne sozialdemokrat se transformer
618
ienne sozialdemokrat se transformer dans l’espace
de
vingt-quatre heures en une Vienne délirante de passion hitlérienne. N
619
ce de vingt-quatre heures en une Vienne délirante
de
passion hitlérienne. Nous avons vu quelques-uns de nos amis « occupés
620
e passion hitlérienne. Nous avons vu quelques-uns
de
nos amis « occupés » découvrir subitement les « bons côtés » du systè
621
— Regardez le diable qui est parmi nous ! Cessez
de
croire qu’il ne peut ressembler qu’à Hitler ou à ses émules, car c’es
622
r le fait. Et alors seulement, vous serez en état
de
le dépister chez autrui, et de l’y combattre avec succès. Car alors s
623
vous serez en état de le dépister chez autrui, et
de
l’y combattre avec succès. Car alors seulement, vous serez guéris de
624
ec succès. Car alors seulement, vous serez guéris
de
votre naïveté invraisemblable devant le danger totalitaire. Vous pour
625
Vous pourrez échapper à l’hypnose. Nous manquions
d’
une représentation moderne du démon. Nous avions donc cessé d’y croire
626
entation moderne du démon. Nous avions donc cessé
d’
y croire. Puis nous avons imaginé que le diable était Hitler. Et le di
627
ant, plus amusant aussi, et finalement plus vrai,
d’
essayer de nous représenter le diable sous les traits d’un playboy dyn
628
amusant aussi, et finalement plus vrai, d’essayer
de
nous représenter le diable sous les traits d’un playboy dynamique et
629
yer de nous représenter le diable sous les traits
d’
un playboy dynamique et optimiste, vierge de toute pensée. Ou, si nous
630
raits d’un playboy dynamique et optimiste, vierge
de
toute pensée. Ou, si nous sommes par hasard des intellectuels libérau
631
asard des intellectuels libéraux, sous les traits
d’
un intellectuel libéral qui ne croit pas au diable… 25. La Cinquièm
632
croit pas au diable… 25. La Cinquième Colonne
de
tous les temps J’ai dit du mal de tout le monde, des hitlériens et
633
ième Colonne de tous les temps J’ai dit du mal
de
tout le monde, des hitlériens et des démocrates, des autres, de nous,
634
de, des hitlériens et des démocrates, des autres,
de
nous, et donc de moi aussi. Mais si le diable est partout, sa figure
635
s et des démocrates, des autres, de nous, et donc
de
moi aussi. Mais si le diable est partout, sa figure se brouille. Et l
636
nner une image nette et facilement reconnaissable
de
la personne de Satan ? C’est que le diable est justement celui qui n’
637
nette et facilement reconnaissable de la personne
de
Satan ? C’est que le diable est justement celui qui n’est jamais clai
638
pour être à la fois juge et partie dans le procès
de
sa définition. Un être paradoxal par essence. Il est, oui, mais il es
639
néant, ce qui souhaite secrètement la destruction
de
l’existence, — celle des autres ou la sienne propre. Sa qualité de n’
640
celle des autres ou la sienne propre. Sa qualité
de
n’être pas ceci ou cela de positif lui donne une liberté indéfinie d’
641
nne propre. Sa qualité de n’être pas ceci ou cela
de
positif lui donne une liberté indéfinie d’action, d’incognito et d’al
642
u cela de positif lui donne une liberté indéfinie
d’
action, d’incognito et d’alibis à perte de vue. Vulgaire et séduisant,
643
positif lui donne une liberté indéfinie d’action,
d’
incognito et d’alibis à perte de vue. Vulgaire et séduisant, pharisien
644
ne une liberté indéfinie d’action, d’incognito et
d’
alibis à perte de vue. Vulgaire et séduisant, pharisien et voyou, hypo
645
ure la plus poétique du monde, au sens romantique
de
ce terme. Il est beau aux yeux des naïfs qui croient que le mal doit
646
nt que le mal doit toujours être laid ; et il est
d’
une laideur irrésistiblement attirante aux yeux des désabusés ou des r
647
notre raison. On sait assez que le procédé favori
de
la Cinquième Colonne consiste à semer la confusion dans le camp de l’
648
olonne consiste à semer la confusion dans le camp
de
l’adversaire en y répandant alternativement de vraies et de fausses n
649
mp de l’adversaire en y répandant alternativement
de
vraies et de fausses nouvelles. Voilà le diable à l’œuvre dans nos vi
650
saire en y répandant alternativement de vraies et
de
fausses nouvelles. Voilà le diable à l’œuvre dans nos vies ! Le maîtr
651
aître du confusionnisme dirigé ! Hitler est l’âme
de
la cinquième colonne du siècle, mais Satan est l’essence même de la C
652
colonne du siècle, mais Satan est l’essence même
de
la Cinquième Colonne au siècle des siècles. Enfin — et ceci doit me r
653
re qui, lorsqu’une dénonciation le fait déguerpir
de
sa cachette, va se loger de préférence chez celui qui l’a dénoncé, et
654
ion le fait déguerpir de sa cachette, va se loger
de
préférence chez celui qui l’a dénoncé, et qui se tient pour assuré da
655
Expression empruntée à l’Évangile par une erreur
de
traduction. Le texte véritable ne dit pas « Paix sur la terre aux hom
656
ritable ne dit pas « Paix sur la terre aux hommes
de
bonne volonté » mais « Paix sur la terre, et bonne volonté (de Dieu)
657
nté » mais « Paix sur la terre, et bonne volonté (
de
Dieu) envers les hommes ». Ce qui est complètement différent. 5. Je
658
lètement différent. 5. Je ne parle pas des héros
de
la guerre, mais de la paix. 6. Est-ce un si grand bien ? Pour le gra
659
5. Je ne parle pas des héros de la guerre, mais
de
la paix. 6. Est-ce un si grand bien ? Pour le grand nombre, oui, pro
660
. Je pense à Mein Kampf, aux deux premiers livres
de
Rauschning, à d’innombrables documentaires publiés sur les mœurs tota
661
Kampf, aux deux premiers livres de Rauschning, à
d’
innombrables documentaires publiés sur les mœurs totalitaires. Notre i
662
ité bourgeoise a été l’une des meilleures chances
d’
Hitler.
663
seulement surent connaître le Christ dans le fils
de
Joseph, charpentier de village. Mais l’incognito et l’alibi du diable
664
tre le Christ dans le fils de Joseph, charpentier
de
village. Mais l’incognito et l’alibi du diable sont exactement invers
665
ble sont exactement inverses : c’est dans l’image
de
nos dieux qu’il va se dissimuler, au cœur même de nos idéaux et de no
666
de nos dieux qu’il va se dissimuler, au cœur même
de
nos idéaux et de nos vérités trop humaines, dans les religions que no
667
l va se dissimuler, au cœur même de nos idéaux et
de
nos vérités trop humaines, dans les religions que nous confabulons en
668
dehors de la foi révélée. Le diable nous empêche
de
reconnaître Dieu dans Jésus-Christ, mais à l’inverse, il nous empêche
669
s-Christ, mais à l’inverse, il nous empêche aussi
de
nous reconnaître dans nos idoles. Voici comment les hommes s’enchaîne
670
Dieu » qui était le moi conscient ou inconscient
de
ses croyants. Une image de leur impérialisme, ou une compensation rêv
671
nscient ou inconscient de ses croyants. Une image
de
leur impérialisme, ou une compensation rêvée de leurs défauts. Et ce
672
e de leur impérialisme, ou une compensation rêvée
de
leurs défauts. Et ce fut le Dieu de la Raison pour les tempéraments r
673
péraments rationalistes, le Dieu de l’Instinct et
de
la Passion pour les hypercivilisés, le Dieu du Succès pour les robust
674
uisé qu’en un nous. Et ces trois entités ont ceci
de
commun : elles ne sont responsables de rien devant personne, s’étant
675
s ont ceci de commun : elles ne sont responsables
de
rien devant personne, s’étant faites elles-mêmes les critères de tout
676
personne, s’étant faites elles-mêmes les critères
de
toute vérité purement humaine, et décrétant qu’il n’est plus d’autre
677
é purement humaine, et décrétant qu’il n’est plus
d’
autre vérité. Or aux yeux de ceux qui les servent, l’homme n’existe qu
678
obéissons, nous ne sommes donc plus responsables
de
nos actes, mais elles le sont à notre place. Et comme elles-mêmes n’o
679
ace. Et comme elles-mêmes n’ont à répondre auprès
d’
aucune instance supérieure, il n’y a plus de responsabilité nulle part
680
uprès d’aucune instance supérieure, il n’y a plus
de
responsabilité nulle part. Mais s’il apparaît, à l’inverse, que nous
681
s avec l’entité divinisée — parce que nous sommes
d’
une autre race, d’une autre classe, ou d’une autre génération physique
682
vinisée — parce que nous sommes d’une autre race,
d’
une autre classe, ou d’une autre génération physique et mentale que ce
683
s sommes d’une autre race, d’une autre classe, ou
d’
une autre génération physique et mentale que celle qui détient le pouv
684
me Avenue. Il avait la tête et les poches pleines
de
projets philanthropiques, propres à réformer l’humanité au-delà de to
685
thropiques, propres à réformer l’humanité au-delà
de
tout ce que je désirerais même imaginer. Il venait d’allumer un cigar
686
out ce que je désirerais même imaginer. Il venait
d’
allumer un cigare de trente cents, dont la fumée montait comme un ence
687
rais même imaginer. Il venait d’allumer un cigare
de
trente cents, dont la fumée montait comme un encens et devait être en
688
s mètres derrière lui suivaient le diable et l’un
de
ses compères. Ils observaient le Philanthrope, d’un œil critique. Un
689
de ses compères. Ils observaient le Philanthrope,
d’
un œil critique. Un pauvre homme l’arrêta pour lui demander une cigare
690
pour lui demander une cigarette, dans un anglais
de
réfugié. Le Philanthrope sans hésiter lui remit un quarter, et poursu
691
plendissait comme un sou neuf. « Tu n’as pas peur
de
lui ? dit le compère au diable, il m’a l’air terriblement bon ! Et se
692
épondit rien, il souriait, tout en lisant un bout
de
papier qu’il venait de ramasser sur le trottoir. Après quelques insta
693
très bien ? Entre les gens du monde et le Prince
de
ce monde, les mots suggèrent, dans presque toutes les langues, certai
694
ré peut-être par les traditionnels avertissements
de
la chaire chrétienne, a toujours vu dans la « mondanité » quelque cho
695
a toujours vu dans la « mondanité » quelque chose
de
vaguement satanique. Il imaginerait volontiers un diable en cravate b
696
que l’on peut penser aussi des gens du monde, et
de
la sagesse mondaine en général. Elle a son charme et son utilité ; ma
697
t vieille, elle est trop avertie, elle offre trop
de
recettes éprouvées : elle finit par ne plus croire au bien, ni au sér
698
te insondable ruse des cœurs purs qui leur permet
de
passer au travers des cercles vicieux de la raison et de l’égoïsme «
699
r permet de passer au travers des cercles vicieux
de
la raison et de l’égoïsme « bien compris ». La fonction normale de la
700
er au travers des cercles vicieux de la raison et
de
l’égoïsme « bien compris ». La fonction normale de la vie mondaine se
701
e l’égoïsme « bien compris ». La fonction normale
de
la vie mondaine serait de maintenir et d’illustrer un certain nombre
702
». La fonction normale de la vie mondaine serait
de
maintenir et d’illustrer un certain nombre de devises d’élégance mora
703
normale de la vie mondaine serait de maintenir et
d’
illustrer un certain nombre de devises d’élégance morale et de sagesse
704
ait de maintenir et d’illustrer un certain nombre
de
devises d’élégance morale et de sagesse pratique. Il n’y a rien là de
705
tenir et d’illustrer un certain nombre de devises
d’
élégance morale et de sagesse pratique. Il n’y a rien là de diabolique
706
un certain nombre de devises d’élégance morale et
de
sagesse pratique. Il n’y a rien là de diabolique, tout au contraire.
707
e morale et de sagesse pratique. Il n’y a rien là
de
diabolique, tout au contraire. Le jeu mondain, s’il est bien joué, mé
708
Le jeu mondain, s’il est bien joué, ménage autant
de
liberté qu’il ne suppose, dit-on, d’hypocrisie. Il a le charme reposa
709
énage autant de liberté qu’il ne suppose, dit-on,
d’
hypocrisie. Il a le charme reposant des formes fixes. Mais le mondain
710
s le mondain qui n’est que cela inspire une sorte
d’
effroi furtif, révélateur d’une présence perverse au sein même de l’in
711
ela inspire une sorte d’effroi furtif, révélateur
d’
une présence perverse au sein même de l’insignifiance. L’exactitude im
712
, révélateur d’une présence perverse au sein même
de
l’insignifiance. L’exactitude impitoyable de ses jugements, qui ne po
713
même de l’insignifiance. L’exactitude impitoyable
de
ses jugements, qui ne portent d’ailleurs que sur les apparences ; sa
714
t d’ailleurs que sur les apparences ; sa capacité
d’
éliminer froidement ce qui n’est pas conforme aux goûts appris ; sa pr
715
ris ; sa propension presque maniaque à n’attacher
de
l’importance qu’à un détail fortuit dans un être ou une œuvre ; tous
716
tous ces traits qui pourraient dénoter l’exigence
d’
un artiste véritable, prennent soudain quelque chose de satanique lors
717
artiste véritable, prennent soudain quelque chose
de
satanique lorsque l’on s’aperçoit de la stérilité du personnage, et d
718
uelque chose de satanique lorsque l’on s’aperçoit
de
la stérilité du personnage, et des effets stérilisants qu’entraîne sa
719
ation. Ce n’est pas le goût ni même le pédantisme
de
la forme qui est satanique, c’est le goût de la forme imitée. Le mili
720
isme de la forme qui est satanique, c’est le goût
de
la forme imitée. Le milieu mondain le plus suavement correct et moral
721
re préféré par le diable à ces milieux bohèmes et
de
mœurs relâchées qui se croiraient volontiers damnés. C’est, je crois,
722
rs improbable. 30. Le diable auteur « Point
d’
œuvre sans la collaboration du démon », dit André Gide, l’un des rares
723
t au diable et qui en parlent bien. La discussion
de
cette sentence inconfortable ne paraît que trop indiquée dans un livr
724
ée dans un livre qui, plus que tout autre, menace
d’
impliquer l’active complicité de son modèle. Jakob Boehme raconte qu’o
725
out autre, menace d’impliquer l’active complicité
de
son modèle. Jakob Boehme raconte qu’on demandait à Satan : Pourquoi e
726
éniale si nous considérons les divers sens du nom
d’
auteur. L’Auteur de toutes choses est leur autorité. Il s’autorise à l
727
idérons les divers sens du nom d’auteur. L’Auteur
de
toutes choses est leur autorité. Il s’autorise à l’infini dans Sa Cré
728
i-même sa grandeur « et l’étendue célèbre l’œuvre
de
ses mains ». Le diable a voulu faire aussi son propre Ouvrage. Mais i
729
est là pour les guider. Et comment faire la part
de
son incitation ? Tout écrivain digne du nom, tout créateur en général
730
hoisissant tel mot, tel rythme ou tel accent ; et
de
quel insondable imbroglio cette petite phrase toute claire en apparen
731
fallu pour polir un galet…) En vérité, la volonté
de
création, le besoin d’écrire, simplement, coïncide en sa profondeur a
732
et…) En vérité, la volonté de création, le besoin
d’
écrire, simplement, coïncide en sa profondeur avec la tentation lucifé
733
es meilleurs se voient tentés plus que les autres
d’
accepter les conseils de ce génial Souffleur. « C’est avec les beaux s
734
entés plus que les autres d’accepter les conseils
de
ce génial Souffleur. « C’est avec les beaux sentiments qu’on fait de
735
eur. « C’est avec les beaux sentiments qu’on fait
de
la mauvaise littérature », dit encore Gide. Et William Blake estimait
736
l’on apporte à son appui l’exemple un peu facile
d’
innombrables ouvrages édifiants. Non, ce n’est pas la vraie beauté des
737
fausse beauté (donc leur laideur réelle) qui fait
de
la mauvaise littérature. Mais voilà bien la misère du vieux monde. Au
738
sion. Nous ne savions plus concevoir et illustrer
de
vrais beaux sentiments, de vrais types de vie haute, de vrais idéaux
739
concevoir et illustrer de vrais beaux sentiments,
de
vrais types de vie haute, de vrais idéaux qui propagent une énergie,
740
lustrer de vrais beaux sentiments, de vrais types
de
vie haute, de vrais idéaux qui propagent une énergie, une virtu conta
741
is beaux sentiments, de vrais types de vie haute,
de
vrais idéaux qui propagent une énergie, une virtu contagieuse. Presqu
742
aliste sécrétée par la bourgeoisie est tributaire
de
la morale bourgeoise : elle reste hélas au niveau de l’ennemi. Sa con
743
este hélas au niveau de l’ennemi. Sa condamnation
de
la morale participe de la légèreté, de l’arbitraire et de l’insignifi
744
l’ennemi. Sa condamnation de la morale participe
de
la légèreté, de l’arbitraire et de l’insignifiance qui signalaient la
745
ndamnation de la morale participe de la légèreté,
de
l’arbitraire et de l’insignifiance qui signalaient la morale bourgeoi
746
rale participe de la légèreté, de l’arbitraire et
de
l’insignifiance qui signalaient la morale bourgeoise. La guerre actue
747
ye tout cela, mais nous laissera Les Sept Piliers
de
la Sagesse. Fermons cette parenthèse. Le vrai danger subsiste. Commen
748
er l’apport du diable aux plus sublimes créations
de
l’esprit ? Je ne pense pas qu’aucun créateur puisse se faire d’illusi
749
Je ne pense pas qu’aucun créateur puisse se faire
d’
illusions là-dessus. « Aux sources du poème » et dans nos encriers, da
750
’est pas seul, mais il est là. La solution, c’est
de
le faire travailler autrement qu’il ne l’entendait. Ou disons mieux :
751
la fin seule qui « justifie » les moyens ambigus
de
l’art. Et si le diable collabore, tant pis pour lui : la dédicace est
752
tant pis pour lui : la dédicace est le vrai sens
de
l’œuvre. Elle ravit au démon le bénéfice de ses conseils intéressés.
753
sens de l’œuvre. Elle ravit au démon le bénéfice
de
ses conseils intéressés. Un écrivain, s’il est bon artisan, vaudra to
754
un but qu’il ignore ; car sa faiblesse unique est
de
ne pas croire au bien. 31. Le pacte avec le diable Peter Schlem
755
au diable devint très riche, mais perdit le goût
de
vivre. C’est l’une des plus belles fables de ce monde, l’une des plus
756
goût de vivre. C’est l’une des plus belles fables
de
ce monde, l’une des plus tristes dans sa fantaisie géniale, et peu so
757
e géniale, et peu sont plus profondes avec autant
de
grâce. Que signifie cette ombre dans le conte ? Je pense que c’est la
758
dans le conte ? Je pense que c’est la créativité
de
l’homme, sa liberté, c’est-à-dire son « âme ». (Et c’est pourquoi l’u
759
». (Et c’est pourquoi l’un des premiers malheurs
de
notre héros est de ne plus pouvoir aimer ni être aimé.) J’ai dit que
760
uoi l’un des premiers malheurs de notre héros est
de
ne plus pouvoir aimer ni être aimé.) J’ai dit que la liberté de l’hom
761
voir aimer ni être aimé.) J’ai dit que la liberté
de
l’homme réside dans son pouvoir unique au monde de suivre l’ordre — o
762
e l’homme réside dans son pouvoir unique au monde
de
suivre l’ordre — ou de tricher. S’il suit l’ordre de la Création, sa
763
on pouvoir unique au monde de suivre l’ordre — ou
de
tricher. S’il suit l’ordre de la Création, sa liberté s’accroît, et s
764
suivre l’ordre — ou de tricher. S’il suit l’ordre
de
la Création, sa liberté s’accroît, et son pouvoir de choix porte sur
765
la Création, sa liberté s’accroît, et son pouvoir
de
choix porte sur des enjeux toujours plus vastes. Mais s’il triche pou
766
erté, sa proie le lie. « Que servirait à un homme
de
gagner le monde s’il perdait son âme ? », dit l’Évangile. Le Pacte av
767
ctement à gagner le monde au prix de notre âme et
de
notre ombre, au prix de notre libre faculté de créer dans le réel — o
768
et de notre ombre, au prix de notre libre faculté
de
créer dans le réel — ou à côté. Tant que vous faites effort pour vous
769
dans la vérité, vous conservez la pleine faculté
de
dire le vrai ou de mentir. Mais une fois que vous avez menti, vous êt
770
us conservez la pleine faculté de dire le vrai ou
de
mentir. Mais une fois que vous avez menti, vous êtes lié par le menso
771
t, vous conservez la possibilité à chaque instant
de
monter ou de redescendre. Plus vous montez et plus l’effort devient p
772
rvez la possibilité à chaque instant de monter ou
de
redescendre. Plus vous montez et plus l’effort devient pénible, et pl
773
abîme vous tente, mais l’horizon s’étend. Si tout
d’
un coup votre fatigue ou quelque vertige l’emporte, ou si votre pied g
774
à rouler vers l’abîme ou simplement vers le fond
de
la vallée, où vit le commun des mortels. Vous êtes délivré de votre e
775
, où vit le commun des mortels. Vous êtes délivré
de
votre effort, tout est facile, il n’y a qu’à se laisser aller. Vous «
776
ches et populeux. Mais vous avez perdu la liberté
de
monter ou de descendre à votre choix. Vous êtes pris dans un mécanism
777
eux. Mais vous avez perdu la liberté de monter ou
de
descendre à votre choix. Vous êtes pris dans un mécanisme à sens uniq
778
nique, vous n’êtes qu’un corps abandonné aux lois
de
la gravitation, et toutes vos gesticulations ne feront qu’accélérer l
779
cela que résume et figure l’expression légendaire
de
pacte avec le diable. Le peuple sent obscurément qu’un succès trop ra
780
un succès trop rapide dans le monde doit provenir
d’
une sorte de marché conclu avec le Prince de ce monde, et dont le prix
781
op rapide dans le monde doit provenir d’une sorte
de
marché conclu avec le Prince de ce monde, et dont le prix est notre l
782
venir d’une sorte de marché conclu avec le Prince
de
ce monde, et dont le prix est notre liberté. Et c’est pourquoi la mor
783
dentition ! Comment cette belle humeur et ce goût
de
mieux vivre pourraient-ils être diaboliques ? Les démons, ce sont les
784
iaboliques ? Les démons, ce sont les nazis, vêtus
de
noir, grinçant des dents, mal nourris et semant la mort. Mais quoi ?
785
. Mais quoi ? Vous voulez gagner le monde à coups
de
dollars, et les méchants nazis veulent le gagner à coups de canon. Vo
786
, et les méchants nazis veulent le gagner à coups
de
canon. Vous pensez que le premier système a l’avantage d’être plus hy
787
. Vous pensez que le premier système a l’avantage
d’
être plus hygiénique. C’est peut-être vrai. Mais je doute que ce soit
788
étaient sûres ! Je ne vais pas prêcher une morale
de
l’échec. Succès ou insuccès ne signifient rien en soi, tout dépend du
789
is il faut bien rappeler que le plus grand succès
de
toute l’Histoire, ce fut la mort ignominieuse du Christ en croix. Ce
790
’âme du monde, que nous avions vendue pour un peu
de
plaisir… 32. Le mal du siècle : la dépersonnalisation Le philan
791
, l’auteur, et l’homme qui réussit, cette galerie
de
victimes est classique au point d’en être presque démodée. Car Satan
792
cette galerie de victimes est classique au point
d’
en être presque démodée. Car Satan marche avec son temps, et paraît se
793
Satan marche avec son temps, et paraît se soucier
de
moins en moins de persuader l’individu, dans une époque où celui-ci n
794
son temps, et paraît se soucier de moins en moins
de
persuader l’individu, dans une époque où celui-ci n’existe guère. Son
795
eilleure interprétation des phénomènes collectifs
d’
aujourd’hui fut donnée vers 1848 par l’écrivain danois Søren Kierkegaa
796
vain danois Søren Kierkegaard, le penseur capital
de
notre ère. Voici ce que l’on peut lire dans son journal intime : En
797
e et des époques qui discutaient sans fin les cas
de
possession, c’est-à-dire d’individus particuliers se livrant au mal,
798
ient sans fin les cas de possession, c’est-à-dire
d’
individus particuliers se livrant au mal, je voudrais écrire un livre
799
ontrer comment l’humanité qui se donne au diable,
de
nos jours, le fait en masse. C’est pour cela que les gens se rassembl
800
pour que l’hystérie naturelle et animale s’empare
d’
eux, pour qu’ils se sentent stimulés, enflammés et hors d’eux-mêmes. L
801
our qu’ils se sentent stimulés, enflammés et hors
d’
eux-mêmes. Les scènes du Blocksberg sont le pendant exact de ces plais
802
s. Les scènes du Blocksberg sont le pendant exact
de
ces plaisirs démoniaques, qui consistent à se perdre soi-même, à se l
803
ne sait plus ce que l’on est en train de faire ou
de
dire, on ne sait plus ce qui parle à travers vous, tandis que le sang
804
e, et avant tous, le principe diabolique créateur
de
la masse : fuir sa propre personne, n’être plus responsable, donc plu
805
lus coupable, et devenir du même coup participant
de
la puissance divinisée de l’Anonyme. Or l’Anonyme a bien des chances
806
u même coup participant de la puissance divinisée
de
l’Anonyme. Or l’Anonyme a bien des chances d’être celui qui aime à di
807
sée de l’Anonyme. Or l’Anonyme a bien des chances
d’
être celui qui aime à dire : Je ne suis Personne… La foule, c’est le l
808
re : Je ne suis Personne… La foule, c’est le lieu
de
rendez-vous des hommes qui se fuient, eux et leur vocation. Elle n’es
809
eux et leur vocation. Elle n’est personne et tire
de
là son assurance dans le crime. Il ne s’est pas trouvé un seul solda
810
ité. Mais trois ou quatre femmes, dans l’illusion
d’
être une foule, et que personne peut-être ne saurait dire qui l’avait
811
!… Car une foule est une abstraction, qui n’a pas
de
mains, mais chaque homme isolé a, dans la règle, deux mains, et lorsq
812
nt ses mains, non celles du voisin, et non celles
de
la foule qui n’a pas de mains.9 Reconnaissons ici la vieille tactiq
813
du voisin, et non celles de la foule qui n’a pas
de
mains.9 Reconnaissons ici la vieille tactique, la sempiternelle tac
814
ci la vieille tactique, la sempiternelle tactique
de
Satan. Dès la première tentation en Eden, il a recours au même et uni
815
omme qu’il n’est pas responsable, qu’il n’y a pas
de
Juge, que la Loi est douteuse, qu’on ne saura pas, et que d’ailleurs,
816
e coup réussi, on sera Dieu soi-même, donc maître
de
fixer le Bien et le Mal à sa guise. Alors ils entendirent la voix d
817
e Mal à sa guise. Alors ils entendirent la voix
de
l’Éternel Dieu, qui parcourait le jardin vers le soir, et l’homme et
818
l’homme et sa femme se cachèrent loin de la face
de
l’Éternel Dieu, au milieu des arbres du jardin. Mais l’Éternel Dieu a
819
t’a appris que tu es nu ? Est-ce que tu as mangé
de
l’arbre dont je t’avais défendu de manger ? L’homme répondit : La fem
820
ue tu as mangé de l’arbre dont je t’avais défendu
de
manger ? L’homme répondit : La femme que tu as mise auprès de moi m’a
821
: La femme que tu as mise auprès de moi m’a donné
de
l’arbre, et j’en ai mangé. Et l’Éternel Dieu dit à la femme : Pourquo
822
ils disent que c’était l’autre. Ainsi les hommes
de
notre temps, poussés par leurs « complexes de culpabilité » et fuyant
823
mes de notre temps, poussés par leurs « complexes
de
culpabilité » et fuyant devant l’aveu de leurs fautes, vont se cacher
824
omplexes de culpabilité » et fuyant devant l’aveu
de
leurs fautes, vont se cacher dans les arbres, dans la foule. C’est-à-
825
ù l’on est, à coup sûr, le plus « loin de la face
de
l’Éternel ». Pour qu’il n’y ait plus de responsabilité, il faut qu’il
826
e la face de l’Éternel ». Pour qu’il n’y ait plus
de
responsabilité, il faut qu’il n’y ait plus personne. Or si j’appelle
827
plus personne. Or si j’appelle et qu’il n’y a pas
de
réponse, je dis qu’il n’y a personne ; la personne est en nous ce qui
828
personne ; la personne est en nous ce qui répond
de
nos actes, ce qui est « capable de réponse », ou responsable ; dans u
829
ce qui répond de nos actes, ce qui est « capable
de
réponse », ou responsable ; dans une foule il n’y a plus de réponse i
830
», ou responsable ; dans une foule il n’y a plus
de
réponse individuelle ; pour qu’il n’y ait plus de responsable, il suf
831
de réponse individuelle ; pour qu’il n’y ait plus
de
responsable, il suffit qu’il y ait une masse. Satan va donc créer les
832
donc créer les masses. Nous tenons ici le secret
de
sa grande stratégie : produire le péché en série et rationaliser la c
833
l’évolution générale du temps, favorisent ce Plan
de
mille manières. Tout concourt, dans le cadre de nos vies, à nous priv
834
n de mille manières. Tout concourt, dans le cadre
de
nos vies, à nous priver du sentiment d’être une personne responsable.
835
le cadre de nos vies, à nous priver du sentiment
d’
être une personne responsable. Nous vivons tous, de plus en plus, dans
836
Nous vivons tous, de plus en plus, dans un monde
de
transe collective. Nous participons tous, de plus en plus, à des form
837
s participons tous, de plus en plus, à des formes
de
vie étrangères à notre sort particulier et à nos aptitudes normales.
838
par leurs chefs. Tout cela contribue à l’arracher
de
sa vie propre, où il ne se passerait jamais rien de semblable. Quant
839
sa vie propre, où il ne se passerait jamais rien
de
semblable. Quant aux inconvénients et à l’ennui de cette vie propre,
840
e semblable. Quant aux inconvénients et à l’ennui
de
cette vie propre, autrefois jugés normaux, ils apparaissent de plus e
841
acceptables à mesure que se répandent les notions
de
Progrès indéfini, de confort à tout prix, de succès rapide, et à mesu
842
que se répandent les notions de Progrès indéfini,
de
confort à tout prix, de succès rapide, et à mesure que s’efface la cr
843
ions de Progrès indéfini, de confort à tout prix,
de
succès rapide, et à mesure que s’efface la croyance dans un au-delà q
844
oyance dans un au-delà qui, autrefois, permettait
de
prendre ses maux en patience. D’une part, l’individu moderne est inci
845
Elles poussent l’homme à rechercher les occasions
d’
être dépossédé de soi. Elles font de chacun de nous un sujet prédispos
846
homme à rechercher les occasions d’être dépossédé
de
soi. Elles font de chacun de nous un sujet prédisposé à l’hypnose col
847
les occasions d’être dépossédé de soi. Elles font
de
chacun de nous un sujet prédisposé à l’hypnose collective, une victim
848
ons d’être dépossédé de soi. Elles font de chacun
de
nous un sujet prédisposé à l’hypnose collective, une victime virtuell
849
se collective, une victime virtuelle des passions
de
masse. Partout où un individu prend sa vie personnelle en dégoût, l’h
850
sme trouve un candidat. Certes, il n’y aurait pas
de
masses possibles, au sens précis de concentration d’hommes, sans la r
851
’y aurait pas de masses possibles, au sens précis
de
concentration d’hommes, sans la radio, les haut-parleurs, la presse e
852
masses possibles, au sens précis de concentration
d’
hommes, sans la radio, les haut-parleurs, la presse et les transports
853
rue seulement. Elle est dans la pensée des hommes
de
ce temps, elle a ses sources au plus intime des existences individuel
854
seulement qu’on peut la dénoncer. 33. La tour
de
Babel Si la personne se perd dans le monde moderne, c’est que les
855
uoi les avoir agrandis, depuis un siècle, au-delà
de
toute mesure ? Pourquoi veut-on du grand, du plus grand à tout prix ?
856
x ? Sinon justement pour s’y perdre ! À l’origine
de
toutes ces choses trop vastes et trop complexes qui nous entourent sa
857
niques, sociales et financières. Mais à l’origine
de
ces « nécessités » elles-mêmes, je pressens notre obscur désir de fui
858
tés » elles-mêmes, je pressens notre obscur désir
de
fuite dans l’anonyme irresponsable, et la très vieille tentation de c
859
onyme irresponsable, et la très vieille tentation
de
compenser nos inquiétudes par l’utopie de l’eritis sicut dii. Or quan
860
ntation de compenser nos inquiétudes par l’utopie
de
l’eritis sicut dii. Or quand nous nous perdons, c’est le diable qui n
861
est le diable encore qui nous accueille au sommet
de
notre ascension. Comme le rappelle l’histoire de la tour de Babel, qu
862
de notre ascension. Comme le rappelle l’histoire
de
la tour de Babel, qui est le grand mythe de notre temps. Bien qu’il n
863
scension. Comme le rappelle l’histoire de la tour
de
Babel, qui est le grand mythe de notre temps. Bien qu’il ne soit pas
864
toire de la tour de Babel, qui est le grand mythe
de
notre temps. Bien qu’il ne soit pas mentionné dans le récit du chapit
865
soit pas mentionné dans le récit du chapitre onze
de
la Genèse, le diable est de toute évidence le principal Entrepreneur
866
écit du chapitre onze de la Genèse, le diable est
de
toute évidence le principal Entrepreneur de la Tour primitive et de s
867
e est de toute évidence le principal Entrepreneur
de
la Tour primitive et de ses répliques modernes. (Je ne fais pas allus
868
le principal Entrepreneur de la Tour primitive et
de
ses répliques modernes. (Je ne fais pas allusion aux gratte-ciel, ces
869
ioses et toujours un peu bêtes, mais à l’ensemble
de
nos entreprises économiques, politiques et urbaines.) Reprenons ce ré
870
afin que nous ne soyons pas dispersés sur la face
de
toute la terre. » Vous reconnaissez Satan à ce doute qui les prend, à
871
ute qui les prend, à ce besoin qu’ils ont soudain
de
s’assurer de leur bonheur, dans le cas présent, leur unité. Et c’est
872
rend, à ce besoin qu’ils ont soudain de s’assurer
de
leur bonheur, dans le cas présent, leur unité. Et c’est pourquoi ils
873
r voulu s’assurer qu’elle le suivait ; par manque
de
foi. Vous reconnaissez cette idée romantique qu’il leur suggère : fai
874
ers devait prévoir, sera nécessairement l’inverse
de
ce qu’ils voulaient. Si vous mangez la pomme vous ne mourrez pas, dis
875
ir de là que « l’Éternel les dispersa sur la face
de
toute la terre ». Cette déconvenue mémorable est attribuée par le réc
876
e est attribuée par le récit biblique à la colère
de
l’Éternel, qui « descendit pour voir la ville et la tour que bâtissai
877
ont entrepris ! » On dirait qu’il veut les punir
d’
être aussi bêtes. Mais le Dante imagine qu’ils se seraient bien punis
878
’y avait qu’à les laisser aller ! Dans son Traité
de
l’éloquence vulgaire, il propose une explication fort naturelle du ph
879
opose une explication fort naturelle du phénomène
de
confusion des langues. Si les hommes ne se sont plus entendus lors de
880
ne se sont plus entendus lors de la construction
de
ce premier gratte-ciel, c’est que l’entreprise était trop vaste, simp
881
lement. En effet, pour mener à chef l’édification
de
la tour, ils furent obligés de se diviser en équipes spécialisées. Le
882
chef l’édification de la tour, ils furent obligés
de
se diviser en équipes spécialisées. Les uns faisaient la brique qui l
883
ées. Les uns faisaient la brique qui leur servait
de
pierre, les autres le bitume qui leur servait de ciment ; d’autres en
884
de pierre, les autres le bitume qui leur servait
de
ciment ; d’autres encore n’étaient chargés que de monter les matériau
885
de ciment ; d’autres encore n’étaient chargés que
de
monter les matériaux, d’autres de bâtir les murs, de charpenter, ou d
886
ent chargés que de monter les matériaux, d’autres
de
bâtir les murs, de charpenter, ou de crépir. À cause de l’énormité de
887
monter les matériaux, d’autres de bâtir les murs,
de
charpenter, ou de crépir. À cause de l’énormité de l’entreprise, ces
888
ux, d’autres de bâtir les murs, de charpenter, ou
de
crépir. À cause de l’énormité de l’entreprise, ces équipes spécialisé
889
e charpenter, ou de crépir. À cause de l’énormité
de
l’entreprise, ces équipes spécialisées vivaient à part les unes des a
890
lles se créèrent des langages techniques, jargons
de
métier, patois divers, tant qu’à la fin elles ne se comprirent plus.
891
fin elles ne se comprirent plus. La multiplicité
de
langues était née du travail lui-même. Mais ce travail bientôt traîna
892
n sommes à peu près là. L’anarchie sans précédent
de
notre vocabulaire, en politique surtout, suffirait à trahir l’absence
893
n politique surtout, suffirait à trahir l’absence
de
toute commune mesure dans notre siècle. Nous avons vu trop grand pour
894
nos pouvoirs, nous avons perdu en chemin la règle
d’
or, l’étalon-homme. Et pour avoir été trop vite en tout, nous avons pe
895
our avoir été trop vite en tout, nous avons perdu
de
vue la mesure et le sens des fins dernières de l’œuvre humaine. L’ind
896
du de vue la mesure et le sens des fins dernières
de
l’œuvre humaine. L’individu s’égare dans ces vastes rouages, il s’y s
897
son préfabriquée avec une telle rapidité que l’un
d’
eux resta pris dans la bâtisse, dont il fallut détruire toute une sect
898
r mieux dire la babélisation des cadres matériels
de
notre vie. L’invention des machines a brusquement accru nos possibili
899
des machines a brusquement accru nos possibilités
d’
action sur la matière. L’industrie et le commerce ont provoqué la brus
900
e et le commerce ont provoqué la brusque création
de
villes énormes, dix ou cent fois plus grandes que celles qu’on connai
901
ent d’ailleurs toute l’instabilité. La population
de
l’Europe a plus que doublé en cent ans ; ses richesses ont été décupl
902
tion industrielle centuplée. Et le concours enfin
de
tous ces éléments a provoqué la création d’armées considérables, agra
903
enfin de tous ces éléments a provoqué la création
d’
armées considérables, agrandissant le phénomène de la guerre, brusquem
904
d’armées considérables, agrandissant le phénomène
de
la guerre, brusquement, aux proportions de la nation entière. Ainsi,
905
nomène de la guerre, brusquement, aux proportions
de
la nation entière. Ainsi, par une mutation brusque, dans l’espace de
906
e. Ainsi, par une mutation brusque, dans l’espace
de
cinquante à cent ans, la société est devenue trop gigantesque pour êt
907
té est devenue trop gigantesque pour être dominée
d’
un seul regard. Une seule intelligence ne peut plus en comprendre et e
908
aux plus grossiers et aux plus ignorants le droit
de
voter et de dire leur mot sur tout : ce ne sera pas pire.) Alors le v
909
ssiers et aux plus ignorants le droit de voter et
de
dire leur mot sur tout : ce ne sera pas pire.) Alors le vertige de Ba
910
sur tout : ce ne sera pas pire.) Alors le vertige
de
Babel s’empare de l’esprit humain. Comme tout vertige, il naît de l’i
911
era pas pire.) Alors le vertige de Babel s’empare
de
l’esprit humain. Comme tout vertige, il naît de l’incapacité de suppo
912
e de l’esprit humain. Comme tout vertige, il naît
de
l’incapacité de supporter des altitudes ou des dimensions inhumaines.
913
main. Comme tout vertige, il naît de l’incapacité
de
supporter des altitudes ou des dimensions inhumaines. Comme tout vert
914
fut plus savant, et jamais il n’eut l’impression
de
comprendre aussi mal ce qui se passe dans son monde. Jamais avec plus
915
ce qui se passe dans son monde. Jamais avec plus
de
ferveur il n’approcha des buts de son Progrès, jamais non plus sa bar
916
amais avec plus de ferveur il n’approcha des buts
de
son Progrès, jamais non plus sa barbarie ne se montra mieux armée pou
917
e, et soyez comme des dieux, oubliez votre mesure
d’
hommes ! » Mais plus on monte et mieux on tombe. Allez chercher mainte
918
it jamais rien, des gouvernants qui ont trop peur
d’
elle pour l’informer, — une fuite universelle dans l’anonyme, une énor
919
me cacophonie dominée par le bruit des bombes. Un
de
ces fous à la sagesse bavarde, comme on en trouve dans les cafés, ava
920
comme on en trouve dans les cafés, avait coutume
de
me faire la théorie suivante : tout le mal vient des étages, inventio
921
ent pour abriter les hommes. Il n’est pas naturel
de
lui ajouter des étages. Car en tombant du quatrième, par exemple, on
922
l croie la science ou invoque le mystère, l’homme
d’
aujourd’hui montre une constante et masochiste propension à se vouloir
923
pension à se vouloir irresponsable. Tout lui sert
d’
alibi, tout lui est bon pour prouver qu’il n’y était pas, que ce n’est
924
sa passion lui dit : c’était vital, il n’y a pas
de
faute. Ceux de mes contemporains qui se représentent l’homme comme un
925
dit : c’était vital, il n’y a pas de faute. Ceux
de
mes contemporains qui se représentent l’homme comme un complexe de gl
926
ins qui se représentent l’homme comme un complexe
de
glandes endocrines, d’enzymes et de vitamines, ont de plus en plus de
927
l’homme comme un complexe de glandes endocrines,
d’
enzymes et de vitamines, ont de plus en plus de peine à concevoir que
928
e un complexe de glandes endocrines, d’enzymes et
de
vitamines, ont de plus en plus de peine à concevoir que le jugement m
929
s, d’enzymes et de vitamines, ont de plus en plus
de
peine à concevoir que le jugement moral garde un sens, et que la pers
930
péché » ne sont plus, à leur vue, que les effets
d’
un trouble temporaire ou chronique dans le régime des sécrétions inter
931
que fois que nous découvrons un nouveau mécanisme
de
la vie, nous sommes aussitôt obsédés par l’idée que « cela explique t
932
idée que « cela explique tout ». Étrange psychose
de
l’homme moderne ! Quoi de plus sot que de prétendre expliquer la cond
933
sychose de l’homme moderne ! Quoi de plus sot que
de
prétendre expliquer la conduite et les décisions morales d’un tout pa
934
re expliquer la conduite et les décisions morales
d’
un tout par la description du fonctionnement de quelques-unes de ses p
935
es d’un tout par la description du fonctionnement
de
quelques-unes de ses parties, les dernières analysées toujours ? Qui
936
la description du fonctionnement de quelques-unes
de
ses parties, les dernières analysées toujours ? Qui vous prouve que v
937
aussi bien. Qui a commencé ? Qui est responsable
de
cette méchante décision ? L’homme ou son foie ? Nous sommes bien trop
938
que j’accorde à l’hypothèse matérialiste le droit
de
se dire objective. J’y vois trop facilement le coup de pouce du diabl
939
dire objective. J’y vois trop facilement le coup
de
pouce du diable. Certes, je n’accuse pas la Science — rien de moins d
940
diable. Certes, je n’accuse pas la Science — rien
de
moins diabolique qu’une observation juste — mais seulement les sophis
941
ur justifier nos démissions morales. Mais en fait
de
prétextes, il en a de meilleurs que la science et que ses vulgarisati
942
sions morales. Mais en fait de prétextes, il en a
de
meilleurs que la science et que ses vulgarisations imprudentes. L’adj
943
it un mensonge, on sait qu’on ment, et l’on tâche
de
ne pas se faire prendre. Si l’on commet quelque mauvaise action, on e
944
quelque mauvaise action, on essaie tout au moins
de
se disculper par rapport à une vérité et à un bien généralement admis
945
admis. Mais notre époque a remplacé les critères
de
la vérité par des valeurs d’intensité, et le respect du bien par celu
946
emplacé les critères de la vérité par des valeurs
d’
intensité, et le respect du bien par celui de la « vie ». Tout ce qui
947
eurs d’intensité, et le respect du bien par celui
de
la « vie ». Tout ce qui paraît suffisamment intense, désormais, cesse
948
qui paraît suffisamment intense, désormais, cesse
de
relever de la vérité ou du mensonge. Il est admis, de nos jours, que
949
suffisamment intense, désormais, cesse de relever
de
la vérité ou du mensonge. Il est admis, de nos jours, que la passion,
950
elever de la vérité ou du mensonge. Il est admis,
de
nos jours, que la passion, l’émotion et l’hystérie même vous mettent
951
assion, l’émotion et l’hystérie même vous mettent
de
droit au-delà du bien et du mal. Elles vous libèrent de toute obligat
952
it au-delà du bien et du mal. Elles vous libèrent
de
toute obligation, elles n’ont plus à se justifier. J’avais juré d’êtr
953
on, elles n’ont plus à se justifier. J’avais juré
d’
être fidèle, dit un conjoint, mais je m’aperçois que c’est incompatibl
954
i qui est nouveau : l’on s’en vante, avec l’appui
de
tous les romanciers, des journalistes, des philosophes et des doctrin
955
olitiques. Les tribunaux français avaient coutume
d’
acquitter les crimes passionnels. Aux grandes époques, on eût doublé l
956
ornons-nous à le noter en passant : notre respect
de
la passion et de « la vie » sont des signes de décadence des passions
957
noter en passant : notre respect de la passion et
de
« la vie » sont des signes de décadence des passions mêmes et de la v
958
ct de la passion et de « la vie » sont des signes
de
décadence des passions mêmes et de la vraie vie. J’emprunte ici à And
959
ont des signes de décadence des passions mêmes et
de
la vraie vie. J’emprunte ici à André Gide une pénétrante et minutieus
960
dré Gide une pénétrante et minutieuse description
de
ce glissement du vrai vers le « vital » au secret d’une conscience mo
961
ce glissement du vrai vers le « vital » au secret
d’
une conscience moderne : Mais j’étais scrupuleux et, devant que je m’
962
de force te viendrait, ajoutait-il, si plutôt que
de
t’user à lutter ainsi contre toi-même, tu ne luttais plus que contre
963
’empêchement du dehors… Va, sache triompher enfin
de
toi-même et de ta propre honnêteté »… Bref, il tirait argument et ava
964
dehors… Va, sache triompher enfin de toi-même et
de
ta propre honnêteté »… Bref, il tirait argument et avantage de ce qu’
965
honnêteté »… Bref, il tirait argument et avantage
de
ce qu’il m’en coûtait de céder à mon désir plutôt que de le brider en
966
ait argument et avantage de ce qu’il m’en coûtait
de
céder à mon désir plutôt que de le brider encore… Il va sans dire que
967
u’il m’en coûtait de céder à mon désir plutôt que
de
le brider encore… Il va sans dire que je ne compris que beaucoup plus
968
us tard ce qu’il y avait, dans cette exhortation,
de
diabolique. Je croyais alors que j’étais le seul à parler et que ce d
969
ue je ne le distinguais encore pas. Il avait fait
de
moi sa conquête ; je me croyais victorieux, oui : victorieux de moi-m
970
uête ; je me croyais victorieux, oui : victorieux
de
moi-même parce que je me livrais à lui. Parce qu’il m’avait convaincu
971
conscience individuelle, c’est le même, en chacun
de
ses détails, qu’Hitler propose au peuple allemand ! Et cela s’appelle
972
au peuple allemand ! Et cela s’appelle la théorie
de
l’espace vital. « Comment ce qui t’est nécessaire ne te serait-il pas
973
oif ? Une grande force te viendrait si plutôt que
de
t’user à tenir tes engagements, tu ne luttais plus que contre l’étran
974
qui sert tes intérêts. N’est-ce pas ici le moment
de
se demander au nom de quoi nos moralistes de la passion combattent Hi
975
ment de se demander au nom de quoi nos moralistes
de
la passion combattent Hitler ? 35. Le diable au cœur This passi
976
times of weakness. Francis Bacon. Il n’est pas
de
domaine où l’argument de l’espace vital, individuel, cette fois-ci, a
977
is Bacon. Il n’est pas de domaine où l’argument
de
l’espace vital, individuel, cette fois-ci, ait eu plus de succès que
978
ace vital, individuel, cette fois-ci, ait eu plus
de
succès que dans l’amour tel qu’on le cultive en Occident. Depuis un s
979
epuis un siècle, tous les romans illustrent, avec
d’
autant moins d’art qu’ils y rencontrent plus de complaisance, la théor
980
, tous les romans illustrent, avec d’autant moins
d’
art qu’ils y rencontrent plus de complaisance, la théorie du droit de
981
ec d’autant moins d’art qu’ils y rencontrent plus
de
complaisance, la théorie du droit de la passion : « Une femme apparti
982
ontrent plus de complaisance, la théorie du droit
de
la passion : « Une femme appartient de droit à l’homme qui l’aime et
983
e du droit de la passion : « Une femme appartient
de
droit à l’homme qui l’aime et qu’elle aime plus que la vie, et il n’y
984
aime et qu’elle aime plus que la vie, et il n’y a
d’
unions à jamais légitimes que celles qui sont commandées par la vraie
985
permis quand on s’aime ». La première conséquence
de
cette grande permission est de faire sauter l’alliance du mariage. Da
986
emière conséquence de cette grande permission est
de
faire sauter l’alliance du mariage. Dans la morale que pratiquent nos
987
morale que pratiquent nos contemporains, la force
de
l’amour prime le droit du serment. Mais cette proposition ébranle un
988
ion ébranle un monde. Car attaquer au plus intime
de
l’être le sens de l’alliance jurée, c’est faire le lit d’une éthique
989
de. Car attaquer au plus intime de l’être le sens
de
l’alliance jurée, c’est faire le lit d’une éthique de barbares. Prend
990
e le sens de l’alliance jurée, c’est faire le lit
d’
une éthique de barbares. Prendre la femme du voisin ou ses terres parc
991
’alliance jurée, c’est faire le lit d’une éthique
de
barbares. Prendre la femme du voisin ou ses terres parce qu’on a déco
992
ue les mêmes principes dont s’autorise l’anarchie
de
nos mœurs privées. Toutefois les partisans du romantisme maintiendron
993
t on prétend qu’il permet tout, est véritablement
de
l’amour, ou s’il n’est pas plutôt quelque hantise abusivement parée d
994
’est pas plutôt quelque hantise abusivement parée
de
ce beau nom. Or chacun voit que « l’amour » moderne est une immense f
995
l’amour » moderne est une immense faillite intime
de
notre civilisation. C’est une affaire si tragiquement confuse que le
996
i tragiquement confuse que le diable seul est sûr
de
s’y retrouver. Niera-t-on qu’il s’en donne à cœur joie ? Mais il exis
997
donne à cœur joie ? Mais il existe un moyen court
de
le dépister, ici encore. La part du diable dans « l’amour », c’est si
998
l’amour », c’est simplement tout ce qui n’est pas
de
l’amour. C’est tout ce qui se glisse en nous sous le couvert du mot.
999
’aime pas qu’on aime, et dont tout le plaisir est
d’
altérer nos vertus dans leur source. Vous le sentirez présent, dans sa
1000
ésent, dans sa force immobile, derrière le regard
de
l’être sans amour. Et partout où l’amour est contrefait, vous le conn
1001
, et si l’alliance primordiale du mariage n’a pas
de
pire ennemi que « l’amour » tel qu’on le parle, c’est que le plus bea
1002
» tel qu’on le parle, c’est que le plus beau mot
de
toutes les langues est pipé sur nos lèvres par Satan. Nulle époque n’
1003
èvres par Satan. Nulle époque n’a parlé davantage
de
l’amour, avec si peu d’exigence réelle. Le diable nous a fait nommer
1004
poque n’a parlé davantage de l’amour, avec si peu
d’
exigence réelle. Le diable nous a fait nommer « amour » une vague obse
1005
, et dont les romans et les films sont les agents
de
diffusion. Cette obsession était devenue la grande affaire de notre c
1006
. Cette obsession était devenue la grande affaire
de
notre civilisation en temps de paix, — la religion de ceux qui n’en v
1007
la grande affaire de notre civilisation en temps
de
paix, — la religion de ceux qui n’en voulaient plus. Son empire s’est
1008
otre civilisation en temps de paix, — la religion
de
ceux qui n’en voulaient plus. Son empire s’est étendu sur les domaine
1009
brairie, sur la vente des parfums, sur l’activité
de
millions d’avocats et de médecins, sur les magazines illustrés, sur t
1010
la vente des parfums, sur l’activité de millions
d’
avocats et de médecins, sur les magazines illustrés, sur tous les comm
1011
parfums, sur l’activité de millions d’avocats et
de
médecins, sur les magazines illustrés, sur tous les commerces de mode
1012
r les magazines illustrés, sur tous les commerces
de
modes. Sur beaucoup plus ! Car elle a modifié notre échelle des valeu
1013
chelle des valeurs. La surestimation extravagante
de
l’amour — j’entends bien de cette forme de hantise qui ressemble à l’
1014
timation extravagante de l’amour — j’entends bien
de
cette forme de hantise qui ressemble à l’amour véritable comme la vil
1015
agante de l’amour — j’entends bien de cette forme
de
hantise qui ressemble à l’amour véritable comme la ville de Lyon à un
1016
qui ressemble à l’amour véritable comme la ville
de
Lyon à un lion — a déprimé progressivement dans notre époque le sens
1017
ssivement dans notre époque le sens et le respect
de
la tenue morale, du sacrifice au bien commun, des vertus viriles et d
1018
bonheur individuel est devenu notre tabou : signe
de
décadence d’une civilisation. Auguste obligé de choisir entre le trôn
1019
iduel est devenu notre tabou : signe de décadence
d’
une civilisation. Auguste obligé de choisir entre le trône et Bérénice
1020
e de décadence d’une civilisation. Auguste obligé
de
choisir entre le trône et Bérénice, renvoie la femme. Dans le même ca
1021
ique, avec l’approbation des foules. La décadence
de
la vertu est un thème millénaire de l’éloquence sacrée. Mais je signa
1022
La décadence de la vertu est un thème millénaire
de
l’éloquence sacrée. Mais je signale ici un trait plus inquiétant : la
1023
gnale ici un trait plus inquiétant : la décadence
de
la virtu dans notre siècle, sous l’effet de la publicité faite à l’am
1024
dence de la virtu dans notre siècle, sous l’effet
de
la publicité faite à l’amour vulgarisé. En toute époque, c’est à cert
1025
certaines nuances « modernes » des sentiments et
de
leurs modes que se révèle de la manière la plus précise l’œuvre du di
1026
» des sentiments et de leurs modes que se révèle
de
la manière la plus précise l’œuvre du diable. Ce qui distingue l’amou
1027
ce qui devrait disqualifier le très grand nombre
de
ceux qui s’en prévalent, c’est justement cette nuance d’obsession, et
1028
qui s’en prévalent, c’est justement cette nuance
d’
obsession, et la facilité qu’on montre à y céder. C’est une sinistre a
1029
n d’autres temps, on se défendait, on avait honte
de
perdre le contrôle de soi. C’était tout perdre, ou pire : c’était mal
1030
e défendait, on avait honte de perdre le contrôle
de
soi. C’était tout perdre, ou pire : c’était mal vu. Aujourd’hui l’obs
1031
e, — et moins encore un ridicule. Certes l’amour,
de
tous les sentiments, est celui qui se prête le mieux à justifier l’ab
1032
ui qui se prête le mieux à justifier l’abdication
de
soi, puisqu’à son comble il nous porte à donner notre vie même pour c
1033
ntre ce don viril et l’abandon, Satan ménage plus
d’
une pente insensible. Il sait que l’amour est le domaine par excellenc
1034
mieux sur ses motifs et ne se paye plus aisément
de
sophismes cousus de fil blanc. Nulle part le masochisme et l’égoïsme
1035
s et ne se paye plus aisément de sophismes cousus
de
fil blanc. Nulle part le masochisme et l’égoïsme étroit ne revêtent a
1036
ochisme et l’égoïsme étroit ne revêtent avec plus
de
succès les apparences du sacrifice. D’ailleurs, l’un des premiers eff
1037
u sacrifice. D’ailleurs, l’un des premiers effets
de
la passion est de nous empêcher de nous sentir coupables, dans l’inst
1038
leurs, l’un des premiers effets de la passion est
de
nous empêcher de nous sentir coupables, dans l’instant même où nous s
1039
remiers effets de la passion est de nous empêcher
de
nous sentir coupables, dans l’instant même où nous savons le mieux qu
1040
le mieux que nous le sommes. Voyez cette héroïne
de
Stendhal : « Je ne me fais plus aucune illusion, lui disait-elle, mêm
1041
ait à commettre. » C’est l’un des plus vieux cris
de
l’humanité, le plus terriblement sincère ! Si par colère, orgueil, en
1042
être, vous pouvez éprouver du remords et le désir
de
réparer la faute. Mais si c’est par « amour », rien ne vous arrête, e
1043
oit ! Or à ce point l’amour devient indiscernable
de
l’égoïsme ou même de la haine. Non seulement la lucidité y est plus r
1044
’amour devient indiscernable de l’égoïsme ou même
de
la haine. Non seulement la lucidité y est plus rare et difficile qu’a
1045
u’au sein de toute autre passion, mais elle y est
de
surcroît parfaitement inutile. « Je vois bien le mal que je fais et l
1046
r en faire quelque chose l’appui sans restriction
d’
une morale dure, d’une coutume intransigeante, ou d’une foi plus forte
1047
chose l’appui sans restriction d’une morale dure,
d’
une coutume intransigeante, ou d’une foi plus forte que la vie. Il fau
1048
une morale dure, d’une coutume intransigeante, ou
d’
une foi plus forte que la vie. Il faudrait un critère permettant de qu
1049
rte que la vie. Il faudrait un critère permettant
de
qualifier d’égoïsme, de haine ou de maladie psychique tout amour dont
1050
e. Il faudrait un critère permettant de qualifier
d’
égoïsme, de haine ou de maladie psychique tout amour dont les fruits s
1051
ait un critère permettant de qualifier d’égoïsme,
de
haine ou de maladie psychique tout amour dont les fruits sont amers,
1052
re permettant de qualifier d’égoïsme, de haine ou
de
maladie psychique tout amour dont les fruits sont amers, le privant a
1053
r dont les fruits sont amers, le privant aussitôt
de
ses droits absolus. Mais nous avons une morale romantique exaltant la
1054
ue exaltant la passion « fatale » : c’en est fait
de
la toute petite chance de liberté qui nous restait. Cette « fatalité
1055
atale » : c’en est fait de la toute petite chance
de
liberté qui nous restait. Cette « fatalité » de la passion n’est qu’u
1056
e de liberté qui nous restait. Cette « fatalité »
de
la passion n’est qu’une manière de parler romanesque, mais combien d’
1057
e « fatalité » de la passion n’est qu’une manière
de
parler romanesque, mais combien d’amoureux s’en autorisent pour évite
1058
qu’une manière de parler romanesque, mais combien
d’
amoureux s’en autorisent pour éviter d’avouer leurs vraies raisons, le
1059
is combien d’amoureux s’en autorisent pour éviter
d’
avouer leurs vraies raisons, leurs complaisances, leurs volontés secrè
1060
le diable a substitué dans nos esprits le respect
de
la sincérité au respect — même distant et théorique — du bien de l’au
1061
au respect — même distant et théorique — du bien
de
l’autre et de la foi jurée. Sublime astuce, car cette sincérité garde
1062
même distant et théorique — du bien de l’autre et
de
la foi jurée. Sublime astuce, car cette sincérité garde encore le nom
1063
e astuce, car cette sincérité garde encore le nom
d’
une vertu. Mais voici comment elle agit dans un monde où elle ne sert
1064
t la loi ou devant Dieu, vous prenez l’engagement
d’
être fidèle « dans les bons et les mauvais jours », quoi qu’il advienn
1065
notre fidélité, quand elle s’oppose à la loi même
de
la Vie ? Est-il “sincère” de s’y cramponner ? J’ai juré, soit, mais j
1066
oppose à la loi même de la Vie ? Est-il “sincère”
de
s’y cramponner ? J’ai juré, soit, mais je ne suis plus le même. Et dè
1067
r malheur, ce beau raisonnement détruit les bases
de
tout traité, de toute parole donnée ou échangée, enfin du langage mêm
1068
au raisonnement détruit les bases de tout traité,
de
toute parole donnée ou échangée, enfin du langage même et de la possi
1069
role donnée ou échangée, enfin du langage même et
de
la possibilité de s’entendre sur quoi que ce soit. Car pourquoi fait-
1070
angée, enfin du langage même et de la possibilité
de
s’entendre sur quoi que ce soit. Car pourquoi fait-on des serments ?
1071
al. Mais si l’on pense qu’il est plus « sincère »
de
suivre son instinct que de garder parole, que le bonheur vaut mieux q
1072
l est plus « sincère » de suivre son instinct que
de
garder parole, que le bonheur vaut mieux que la vérité, et que l’inté
1073
vérité, et que l’intérêt « vital » ne connaît pas
de
loi, alors on entre dans un monde où l’hitlérisme est justifié. L’ord
1074
’en vertu d’un effort constant contre ce genre-là
de
« sincérité » ; qu’en vertu d’une constante « hypocrisie » s’efforçan
1075
vertu d’une constante « hypocrisie » s’efforçant
de
subordonner nos petits bonheurs à la justice, nos désirs à l’amour du
1076
la tête ce qui unit les hommes — la compréhension
de
l’utilité et du préjudice général — et dans le cœur ce qui sépare — l
1077
r que le diable nous a pris. Certes, ce n’est pas
d’
hier qu’on trompe sa femme, et qu’on trahit ses serments par amour. «
1078
la faute qui me paraît nouvelle, c’est la manière
de
l’accepter au nom de la Vie et de la Sincérité, — devises de faibles.
1079
’est la manière de l’accepter au nom de la Vie et
de
la Sincérité, — devises de faibles. ⁂ L’amour moderne, si j’en crois
1080
er au nom de la Vie et de la Sincérité, — devises
de
faibles. ⁂ L’amour moderne, si j’en crois nos romanciers et les stati
1081
si j’en crois nos romanciers et les statistiques
de
divorce, atteint un degré de complexité inégalé dans toute l’Histoire
1082
et les statistiques de divorce, atteint un degré
de
complexité inégalé dans toute l’Histoire : trouble mélange de pathéti
1083
é inégalé dans toute l’Histoire : trouble mélange
de
pathétique sentimental, de freudisme mal digéré, d’égoïste sincérité,
1084
oire : trouble mélange de pathétique sentimental,
de
freudisme mal digéré, d’égoïste sincérité, d’idées sur le droit au bo
1085
pathétique sentimental, de freudisme mal digéré,
d’
égoïste sincérité, d’idées sur le droit au bonheur, d’intensité nerveu
1086
al, de freudisme mal digéré, d’égoïste sincérité,
d’
idées sur le droit au bonheur, d’intensité nerveuse et de faiblesse de
1087
oïste sincérité, d’idées sur le droit au bonheur,
d’
intensité nerveuse et de faiblesse de caractère. Au cinéma, c’est plus
1088
sur le droit au bonheur, d’intensité nerveuse et
de
faiblesse de caractère. Au cinéma, c’est plus aimable et moins ressem
1089
au bonheur, d’intensité nerveuse et de faiblesse
de
caractère. Au cinéma, c’est plus aimable et moins ressemblant. Dans l
1090
t. Dans la vie — regardez dans vos vies —, il y a
de
tout bien sûr, il y a de bons ménages et des sentiments authentiques,
1091
dans vos vies —, il y a de tout bien sûr, il y a
de
bons ménages et des sentiments authentiques, mais il y a ce que décri
1092
t certainement, il y a bien pire. Surtout, il y a
de
moins en moins de passions fortes, simplement parce que nous cherchon
1093
y a bien pire. Surtout, il y a de moins en moins
de
passions fortes, simplement parce que nous cherchons la passion pour
1094
ui d’abord leur résistent. L’importance démesurée
de
« l’amour » dans nos mœurs, moins comme réalité que comme arrière-pen
1095
perpétuelle et nostalgie, révèle toute l’étendue
de
notre ennui, le dégoût de l’homme moyen pour sa vie quotidienne, l’ab
1096
révèle toute l’étendue de notre ennui, le dégoût
de
l’homme moyen pour sa vie quotidienne, l’absence de buts et d’intérêt
1097
l’homme moyen pour sa vie quotidienne, l’absence
de
buts et d’intérêts puissants capables d’absorber nos rêves. Ce culte
1098
yen pour sa vie quotidienne, l’absence de buts et
d’
intérêts puissants capables d’absorber nos rêves. Ce culte de la passi
1099
’absence de buts et d’intérêts puissants capables
d’
absorber nos rêves. Ce culte de la passion toujours fuyante, j’y vois
1100
puissants capables d’absorber nos rêves. Ce culte
de
la passion toujours fuyante, j’y vois le signe d’une espèce de névros
1101
de la passion toujours fuyante, j’y vois le signe
d’
une espèce de névrose ou de vertige épidémique : le besoin d’être dépo
1102
toujours fuyante, j’y vois le signe d’une espèce
de
névrose ou de vertige épidémique : le besoin d’être dépossédé de soi,
1103
nte, j’y vois le signe d’une espèce de névrose ou
de
vertige épidémique : le besoin d’être dépossédé de soi, donc possédé
1104
e de névrose ou de vertige épidémique : le besoin
d’
être dépossédé de soi, donc possédé par l’extérieur ou l’étranger, par
1105
e vertige épidémique : le besoin d’être dépossédé
de
soi, donc possédé par l’extérieur ou l’étranger, par une chose, par u
1106
les faiblesses qu’il autorise, il est grand temps
de
le disqualifier au nom et pour l’amour de l’amour même. Il est temps
1107
d temps de le disqualifier au nom et pour l’amour
de
l’amour même. Il est temps de décourager les innombrables amateurs sa
1108
nom et pour l’amour de l’amour même. Il est temps
de
décourager les innombrables amateurs sans vocation qui l’apprennent p
1109
uctures qui nous protégeaient contre les paniques
de
l’instinct. La morale bourgeoise est trop faible. Quand les romancier
1110
r aux valeurs dures et rationnelles. Elle se doit
de
restaurer d’urgence des interdits drastiques, des préjugés solides —
1111
dures et rationnelles. Elle se doit de restaurer
d’
urgence des interdits drastiques, des préjugés solides — même si le di
1112
haîner la tyrannie, bientôt sanglante, des démons
de
la jungle intérieure. Telle est la leçon de notre crise. C’est une qu
1113
émons de la jungle intérieure. Telle est la leçon
de
notre crise. C’est une question de physique sociale plus que de vertu
1114
e est la leçon de notre crise. C’est une question
de
physique sociale plus que de vertu, une question de vie ou de mort po
1115
. C’est une question de physique sociale plus que
de
vertu, une question de vie ou de mort pour notre civilisation et pour
1116
physique sociale plus que de vertu, une question
de
vie ou de mort pour notre civilisation et pour tout ordre, quel qu’il
1117
sociale plus que de vertu, une question de vie ou
de
mort pour notre civilisation et pour tout ordre, quel qu’il soit, qui
1118
out ordre, quel qu’il soit, qui mérite l’épithète
d’
humain. 36. La passion Je parlerai maintenant de l’amour même, n
1119
main. 36. La passion Je parlerai maintenant
de
l’amour même, non plus de ses contrefaçons. Je parlerai de la passion
1120
Je parlerai maintenant de l’amour même, non plus
de
ses contrefaçons. Je parlerai de la passion dans son éclat. L’amour-p
1121
r même, non plus de ses contrefaçons. Je parlerai
de
la passion dans son éclat. L’amour-passion, signe particulier de la p
1122
ans son éclat. L’amour-passion, signe particulier
de
la psyché occidentale, est né d’un retour de flamme du christianisme
1123
igne particulier de la psyché occidentale, est né
d’
un retour de flamme du christianisme dans les marges de l’hérésie. Inc
1124
lier de la psyché occidentale, est né d’un retour
de
flamme du christianisme dans les marges de l’hérésie. Inconnu de l’An
1125
retour de flamme du christianisme dans les marges
de
l’hérésie. Inconnu de l’Antiquité et de l’Orient, il ne peut exister
1126
ristianisme dans les marges de l’hérésie. Inconnu
de
l’Antiquité et de l’Orient, il ne peut exister que dans une civilisat
1127
es marges de l’hérésie. Inconnu de l’Antiquité et
de
l’Orient, il ne peut exister que dans une civilisation marquée par la
1128
ation marquée par la croyance en la valeur unique
de
chaque être. Il suppose un objet irremplaçable, et comme prédestiné p
1129
enne à l’origine, et dont cette phrase du Mystère
de
Jésus nous donne peut-être l’expression la plus poignante : « Je pens
1130
is à toi dans mon agonie, j’ai versé telle goutte
de
sang pour toi. » Mais l’idée du divin dans un être, source et objet d
1131
ais l’idée du divin dans un être, source et objet
de
tout amour profond, va faire naître l’idolâtrie pour peu que l’élan q
1132
isse et s’arrête à l’image créée. Le désir infini
de
l’âme souffre alors des limitations d’un objet qui résiste et qui bie
1133
sir infini de l’âme souffre alors des limitations
d’
un objet qui résiste et qui bientôt l’embrase. Secrètement déçu, mais
1134
’indistinction. Et finalement, passant les bornes
de
la réalité disqualifiée et de la vie jamais assez vivante, il se jett
1135
passant les bornes de la réalité disqualifiée et
de
la vie jamais assez vivante, il se jette avec lui dans la mort. Extas
1136
ec lui dans la mort. Extase des derniers instants
de
Tristan et d’Isolde, ou des amants de Vérone. La contradiction tortur
1137
mort. Extase des derniers instants de Tristan et
d’
Isolde, ou des amants de Vérone. La contradiction torturante que souff
1138
rs instants de Tristan et d’Isolde, ou des amants
de
Vérone. La contradiction torturante que souffre l’infini désir séduit
1139
origine et cette catastrophe ne cesseront jamais
d’
être instantes au cœur secret de la passion occidentale. L’une, ignoré
1140
cesseront jamais d’être instantes au cœur secret
de
la passion occidentale. L’une, ignorée ou reniée, demeure à l’arrière
1141
lan lointain, l’autre, voilée, attend à l’horizon
de
tout amour digne du nom de passion. C’est pourquoi la passion peut bi
1142
ée, attend à l’horizon de tout amour digne du nom
de
passion. C’est pourquoi la passion peut bien être le lieu de la plus
1143
C’est pourquoi la passion peut bien être le lieu
de
la plus grande intensité vitale, en même temps qu’elle se fait l’agen
1144
véritable, car elle suppose une très grande force
d’
imagination créatrice ; des dispositions spirituelles à la fois délica
1145
vé leur véritable objet ; un pouvoir exceptionnel
de
concentration, c’est-à-dire de fidélité ; enfin le mépris des biens t
1146
uvoir exceptionnel de concentration, c’est-à-dire
de
fidélité ; enfin le mépris des biens terrestres et du bonheur. Ce com
1147
it croire. Je mets en fait qu’il n’y a guère plus
de
grands amants que de vrais mystiques, la passion étant au sentimental
1148
fait qu’il n’y a guère plus de grands amants que
de
vrais mystiques, la passion étant au sentimentalisme normal ce que la
1149
n moyenne. Mais la passion comme la mystique sont
de
ces attitudes capitales dont les très rares moments de pureté suffise
1150
s attitudes capitales dont les très rares moments
de
pureté suffisent à déterminer l’atmosphère d’un ensemble humain comme
1151
nts de pureté suffisent à déterminer l’atmosphère
d’
un ensemble humain comme celui que l’on nomme Occident. Et les minimes
1152
à cet ensemble. Or tout ce que l’on vient de dire
de
la passion suffit à laisser voir les chances extraordinaires qu’elle
1153
tabilité des états et des jugements, qui changent
de
signe en un instant, jointe à l’extrême intensité des sensations parf
1154
rême intensité des sensations parfois simultanées
de
présence et d’absence infinie, créent chez tout être passionné l’illu
1155
des sensations parfois simultanées de présence et
d’
absence infinie, créent chez tout être passionné l’illusion d’un trans
1156
finie, créent chez tout être passionné l’illusion
d’
un transport mystique dans l’au-delà du bien et du mal. Une vraie pass
1157
nt « légitimes » ou non. Passer outre est le fait
de
la passion. Mais sacrifie-t-on l’autre ou soi ? Et dans soi, le meill
1158
u, il donne ce qu’il n’a pas en soi mais qui naît
de
l’exaltation, il donne enfin ce qu’il est, sans réserve. Mais à ce po
1159
ui, il s’y était accoutumé, établissant une sorte
d’
équilibre du microbe et de la maladie. Mais s’il le communique à un êt
1160
, établissant une sorte d’équilibre du microbe et
de
la maladie. Mais s’il le communique à un être plus faible, ou plus pu
1161
n’est pas armé pour composer avec cette espèce-là
de
mal, il risque d’altérer ou de détruire l’objet de sa tendresse et l’
1162
r composer avec cette espèce-là de mal, il risque
d’
altérer ou de détruire l’objet de sa tendresse et l’amour même. Ces se
1163
ec cette espèce-là de mal, il risque d’altérer ou
de
détruire l’objet de sa tendresse et l’amour même. Ces secrets monstru
1164
e mal, il risque d’altérer ou de détruire l’objet
de
sa tendresse et l’amour même. Ces secrets monstrueux, ignorés de nous
1165
et l’amour même. Ces secrets monstrueux, ignorés
de
nous-mêmes, que notre passion livre à l’être aimé dans la contagion d
1166
délire, voici qu’ils apparaissent comme des dons
de
la haine. Il est rare que l’amour ne soit pas criminel, d’une manière
1167
ne. Il est rare que l’amour ne soit pas criminel,
d’
une manière invisible peut-être, quand il dépasse les bornes d’une sob
1168
invisible peut-être, quand il dépasse les bornes
d’
une sobriété d’ailleurs presque impossible à définir. Et toute passion
1169
le viol spirituel. Et si l’on veut tout posséder
d’
un être, on risque bien d’en faire un possédé… Où donc le diable est-i
1170
l’on veut tout posséder d’un être, on risque bien
d’
en faire un possédé… Où donc le diable est-il intervenu ? Ce Désir qui
1171
’indicible Vérité, comme un élan vers la guérison
de
l’être blessé, vers la plénitude et vers la rédemption, voici qu’il s
1172
s la rédemption, voici qu’il se fait l’instrument
de
nos plus épuisantes tortures. À quel moment l’amour est-il devenu sou
1173
’amour est-il devenu souffrance ? Dans le langage
de
la théologie, il est aisé de définir le point : c’est à l’instant où
1174
ce ? Dans le langage de la théologie, il est aisé
de
définir le point : c’est à l’instant où la passion transgresse les li
1175
à l’instant où la passion transgresse les limites
de
la créature et s’emporte à la diviniser, que le Tentateur a parlé. «
1176
tout vous est permis… » Mais encore, ce mouvement
de
l’orgueil fantastique, comment le distinguer d’une sensation de grâce
1177
t de l’orgueil fantastique, comment le distinguer
d’
une sensation de grâce inséparable de toute vraie passion — et la grâc
1178
antastique, comment le distinguer d’une sensation
de
grâce inséparable de toute vraie passion — et la grâce nous délivre d
1179
e distinguer d’une sensation de grâce inséparable
de
toute vraie passion — et la grâce nous délivre de la loi… Poursuivons
1180
de toute vraie passion — et la grâce nous délivre
de
la loi… Poursuivons cette analogie. Le coup de foudre est le reflet d
1181
s cette analogie. Le coup de foudre est le reflet
d’
une conversion. Il ne se discute pas davantage. Vous êtes élu « parce
1182
est elle ». L’amour accepte avec joie ce mystère,
d’
une « injustice » aussi flagrante, cependant, que celle que l’on repro
1183
lle que l’on reproche à la doctrine augustinienne
de
l’élection. Pour la passion, tout est destin, rien n’est mérite, et l
1184
est destin, rien n’est mérite, et le « scandale »
de
la double prédestination, au salut ou à la damnation, se reproduit da
1185
ueille ou que l’on rejette un être, dans le temps
d’
un premier regard. Voici l’accueil, et l’on entre en passion comme on
1186
ue. On renonce au monde, on s’enclot avec l’image
de
l’objet aimé. Mais le diable est assis dans un coin de la cellule. Il
1187
objet aimé. Mais le diable est assis dans un coin
de
la cellule. Il ne fait rien, il vous attend. Il connaît la logique de
1188
fait rien, il vous attend. Il connaît la logique
de
la passion. Il attend votre pire souffrance, son seul baume. Il a ces
1189
votre pire souffrance, son seul baume. Il a cessé
de
sourire, il est à son affaire, guettant les premiers plis de la paniq
1190
il est à son affaire, guettant les premiers plis
de
la panique à votre front. Que va devenir votre bonheur ? Pourquoi l’ê
1191
e aimé vous manque-t-il ? Pourquoi s’éloigne-t-il
de
l’image adorée ? S’il reste libre, ne va-t-il pas vous échapper ? Et
1192
t-être bientôt vous haïr ? Alors vous l’accuserez
d’
une injustice dont il n’est pas plus responsable que vous ne l’étiez d
1193
il n’est pas plus responsable que vous ne l’étiez
de
votre choix. Qu’il se détourne de vous pour un temps, voici le monde
1194
vous ne l’étiez de votre choix. Qu’il se détourne
de
vous pour un temps, voici le monde dépeuplé. Qu’il vous repousse, et
1195
é. Qu’il vous repousse, et vous voici comme exclu
de
la réalité. Mais il y a pire. La passion la plus forte est celle qui
1196
La passion la plus forte est celle qui se nourrit
d’
obstacles, et qui bientôt les crée s’ils viennent à faire défaut. Cet
1197
ils viennent à faire défaut. Cet usage mystifiant
de
la réalité, qu’elle soit sociale, morale, ou naturelle, entraîne un m
1198
r. Certes, le passionné affecte souvent une sorte
de
respect méticuleux de la vérité, dans toutes les occasions où il le p
1199
é affecte souvent une sorte de respect méticuleux
de
la vérité, dans toutes les occasions où il le peut sans compromettre
1200
licence absolue qu’il s’accorde dès qu’il s’agit
de
satisfaire ou de préserver sa passion. Madame Guyon rapporte qu’elle
1201
qu’il s’accorde dès qu’il s’agit de satisfaire ou
de
préserver sa passion. Madame Guyon rapporte qu’elle dut mentir un jou
1202
ulait pas que ses laquais fussent mis dans le cas
de
répéter ce même mensonge, car, dit-elle avec naïveté, « j’avais moi-m
1203
ême pour le mensonge ». Jalousie, injustice, état
de
mensonge constant, perte du sens des devoirs immédiats, faiblesses ex
1204
ration, — c’est peu dire, car les vrais tourments
de
la passion sont indicibles par essence, ou ne trouveraient à s’exprim
1205
finit par voir dans ses souffrances le signe même
de
l’authenticité de sa passion. Alors il ne voit plus qu’il aime peut-ê
1206
s ses souffrances le signe même de l’authenticité
de
sa passion. Alors il ne voit plus qu’il aime peut-être comme on hait,
1207
de tyrannise ou méprise, que ses dons sont autant
de
violences intimes, et qu’il en vient à souffrir davantage par l’absen
1208
qu’il en vient à souffrir davantage par l’absence
de
l’être aimé qu’il n’a de joie par sa présence… Dans ce dédale de nos
1209
davantage par l’absence de l’être aimé qu’il n’a
de
joie par sa présence… Dans ce dédale de nos enfers privés, quel talis
1210
qu’il n’a de joie par sa présence… Dans ce dédale
de
nos enfers privés, quel talisman pourrions-nous emporter pour déjouer
1211
ns réjouir le diable ou susciter les plus subtils
de
ses démons. Il faudrait une abnégation dont les plus grands mystiques
1212
capables. Il faudrait surtout conserver la règle
d’
or de l’amour du prochain, de l’Agapè qui seul peut brider notre Éros
1213
bles. Il faudrait surtout conserver la règle d’or
de
l’amour du prochain, de l’Agapè qui seul peut brider notre Éros et le
1214
t conserver la règle d’or de l’amour du prochain,
de
l’Agapè qui seul peut brider notre Éros et le sauver de ses propres f
1215
gapè qui seul peut brider notre Éros et le sauver
de
ses propres fureurs. Rien de moins ne saurait composer les exigences
1216
re Éros et le sauver de ses propres fureurs. Rien
de
moins ne saurait composer les exigences d’une passion avec celles de
1217
. Rien de moins ne saurait composer les exigences
d’
une passion avec celles de la déficiente réalité, avec la liberté de l
1218
composer les exigences d’une passion avec celles
de
la déficiente réalité, avec la liberté de l’être aimé et le respect d
1219
celles de la déficiente réalité, avec la liberté
de
l’être aimé et le respect de son mystère. Rien de moins ne suffirait
1220
ité, avec la liberté de l’être aimé et le respect
de
son mystère. Rien de moins ne suffirait pour construire ce chef-d’œuv
1221
de l’être aimé et le respect de son mystère. Rien
de
moins ne suffirait pour construire ce chef-d’œuvre de l’amour vrai :
1222
oins ne suffirait pour construire ce chef-d’œuvre
de
l’amour vrai : l’alliance de deux êtres qui s’acceptent, qui ne sont
1223
uire ce chef-d’œuvre de l’amour vrai : l’alliance
de
deux êtres qui s’acceptent, qui ne sont plus l’un pour l’autre des pr
1224
sexe Le jeune lecteur qui parcourt le sommaire
de
ce livre se rue sur le chapitre 37. Voilà le point ! pense-t-il. Quel
1225
e réside dans la sexualité. L’illusion s’aperçoit
d’
une manière assez simple : la sexualité est le domaine des tentations
1226
es plus sensibles et les plus communes. Assez peu
d’
hommes sont réellement tentés de voler le portefeuille du voisin, mais
1227
mmunes. Assez peu d’hommes sont réellement tentés
de
voler le portefeuille du voisin, mais presque tout homme s’est vu ten
1228
du voisin, mais presque tout homme s’est vu tenté
de
prendre la femme du voisin, soit en recourant aux raisons pathétiques
1229
ital ! » — soit en se persuadant que « ça n’a pas
d’
importance » ; ou les deux ensemble. En vérité, la sexualité en soi n’
1230
originel fut l’acte sexuel, dont la consommation
de
la pomme serait le symbole, c’est parce qu’ils assimilent le péché en
1231
e que l’on croit, notez que ce n’est pas le geste
de
manger une pomme qui était mauvais aux yeux de l’Éternel, ni la pomme
1232
en soi (au contraire), mais seulement la révolte
d’
Ève et son désir de se diviniser à sa façon. Si la sexualité pouvait r
1233
re), mais seulement la révolte d’Ève et son désir
de
se diviniser à sa façon. Si la sexualité pouvait rester pure, c’est-à
1234
elle va se pervertir et devenir à son tour source
de
perversion. La paillardise joyeuse est certainement l’une des formes
1235
s diaboliques du péché. Je n’en dirais pas autant
de
certaines amours pseudo-mystiques, nœuds de sophismes spirituels où l
1236
utant de certaines amours pseudo-mystiques, nœuds
de
sophismes spirituels où le serpent se love avec délices. La sexualité
1237
autres fonctions naturelles par un certain manque
de
nécessité. Il est nécessaire de manger et de respirer, et il est néce
1238
un certain manque de nécessité. Il est nécessaire
de
manger et de respirer, et il est nécessaire que le sang circule, mais
1239
nque de nécessité. Il est nécessaire de manger et
de
respirer, et il est nécessaire que le sang circule, mais on peut vivr
1240
nscient. D’autre part, il est lié à la créativité
de
l’homme, il en est l’aspect corporel, le symbole ou le signe physique
1241
est libre, c’est-à-dire parce qu’il peut choisir
de
créer selon l’ordre divin, ou au contraire selon ses propres utopies.
1242
res utopies. C’est donc en tant qu’elle participe
de
notre libre créativité, comme le langage et les activités de l’esprit
1243
bre créativité, comme le langage et les activités
de
l’esprit, que la sexualité donne prise au diable. Et certes il ne s’y
1244
i rend un culte obsédé. L’idéalisation romantique
de
l’amour dans l’époque moderne, entraînant une pruderie morbide du lan
1245
tout expliquer » par les censures et refoulements
de
la morale en vigueur dans son milieu, et de son temps. D’où l’on devr
1246
ments de la morale en vigueur dans son milieu, et
de
son temps. D’où l’on devrait déduire que le meilleur moyen de préveni
1247
rale en vigueur dans son milieu, et de son temps.
D’
où l’on devrait déduire que le meilleur moyen de prévenir les états de
1248
. D’où l’on devrait déduire que le meilleur moyen
de
prévenir les états de possession satanique et les névroses nées de tr
1249
duire que le meilleur moyen de prévenir les états
de
possession satanique et les névroses nées de troubles sexuels, serait
1250
tats de possession satanique et les névroses nées
de
troubles sexuels, serait simplement la franchise, non pas « scientifi
1251
e en proposant une licence absolue. Or, l’absence
de
contraintes choisies rend la sexualité insignifiante, et déprime secr
1252
insignifiante, et déprime secrètement l’humanité
de
l’homme. Le sexe n’est pas plus divin qu’il n’est honteux, mais il es
1253
st lié intimement aux fonctions les plus humaines
de
l’homme, à ses pouvoirs de création dans tous les ordres, à ses jugem
1254
ions les plus humaines de l’homme, à ses pouvoirs
de
création dans tous les ordres, à ses jugements esthétiques ou moraux,
1255
, à tout ce qui qualifie l’individu et lui permet
de
se posséder en tant que personne responsable. L’indifférence croissan
1256
nterdits qui prêtaient à l’acte sexuel la gravité
d’
un engagement, cette espèce d’insouciance morale se traduit moins par
1257
e sexuel la gravité d’un engagement, cette espèce
d’
insouciance morale se traduit moins par une libération que par une fla
1258
présence de cet affadissement, l’on serait tenté
de
regretter le temps où Satan proposait des combats plus féconds… 38
1259
ais le diable y trouve l’occasion la plus commune
de
nous faire abuser de notre liberté. Reste la femme, dont l’homme ne s
1260
e l’occasion la plus commune de nous faire abuser
de
notre liberté. Reste la femme, dont l’homme ne se lassera jamais de f
1261
Reste la femme, dont l’homme ne se lassera jamais
de
faire un ange ou un démon. « Instrument dont use le diable pour possé
1262
t Cyprien, et Tertullien plus énergique : « Porte
de
l’Enfer ! » Mais Goethe et tous les romantiques la divinisent. Souven
1263
tous les romantiques la divinisent. Souvenez-vous
de
l’exaltation finale du Second Faust : « L’Éternel féminin nous entraî
1264
s les hauteurs »… En vérité, la femme n’est porte
de
l’Enfer que pour ceux qui se laissent aller à voir en elle une porte
1265
el. Montaigne le dit bien, contre les romantiques
de
tous les temps : « Entre nous, ce sont choses que j’ai toujours vues
1266
Entre nous, ce sont choses que j’ai toujours vues
de
singulier accord : les opinions supercélestes et les mœurs souterrain
1267
les mœurs souterraines. » S’il y a quelque chose
de
démoniaque dans la femme, c’est sans doute moins dans sa nature que d
1268
ns doute moins dans sa nature que dans sa faculté
d’
oublier cette nature, de se tromper sur elle, ou de laisser les autres
1269
ature que dans sa faculté d’oublier cette nature,
de
se tromper sur elle, ou de laisser les autres s’y tromper. Qu’elle so
1270
’oublier cette nature, de se tromper sur elle, ou
de
laisser les autres s’y tromper. Qu’elle soit moins bien armée que l’h
1271
mme contre Satan, c’est ce que fait voir le récit
de
la Chute. Croyez bien que ce n’est point par politesse que le serpent
1272
jamais rien sans calcul. Mais voilà ce romantique
d’
Adam qui s’y laisse prendre. Il s’imagine que la belle Ève, grâce à so
1273
« Das ewig weibliche zieht uns hinan ! », dit-il
d’
un air ému, et il mord dans la pomme. C’est à ce moment que le mal est
1274
mais plus facilement égarée, parce qu’elle manque
d’
objectivité, de sécheresse dans l’appréciation, de distance par rappor
1275
ement égarée, parce qu’elle manque d’objectivité,
de
sécheresse dans l’appréciation, de distance par rapport au réel, ou e
1276
d’objectivité, de sécheresse dans l’appréciation,
de
distance par rapport au réel, ou en un mot : de rhétorique. Elle met
1277
, de distance par rapport au réel, ou en un mot :
de
rhétorique. Elle met trop peu de raison dans l’exercice ému de sa cha
1278
. Elle met trop peu de raison dans l’exercice ému
de
sa charité, et trop peu d’ironie dans l’exercice occasionnel de sa ra
1279
on dans l’exercice ému de sa charité, et trop peu
d’
ironie dans l’exercice occasionnel de sa raison. Elle manque de forme,
1280
et trop peu d’ironie dans l’exercice occasionnel
de
sa raison. Elle manque de forme, et c’est à l’homme de lui en donner.
1281
l’exercice occasionnel de sa raison. Elle manque
de
forme, et c’est à l’homme de lui en donner. Mais si l’homme au contra
1282
raison. Elle manque de forme, et c’est à l’homme
de
lui en donner. Mais si l’homme au contraire se met à l’adorer, à rend
1283
un culte aux valeurs féminines, il prive la femme
de
ses appuis et transforme la tentation dans laquelle elle glissait en
1284
ble. C’est Ève qui a commencé. Mais c’est à cause
d’
Adam que les choses ont si mal tourné. Saint Paul dit que le mari est
1285
l tourné. Saint Paul dit que le mari est le chef
de
la femme, et que la femme sans l’homme ne peut être sauvée. C’est une
1286
scription. (Saint Paul est le plus grand réaliste
de
tous les temps.) Mais le culte romantique de la femme a inverti cet o
1287
iste de tous les temps.) Mais le culte romantique
de
la femme a inverti cet ordre naturel. Trop d’abus de pouvoir masculin
1288
que de la femme a inverti cet ordre naturel. Trop
d’
abus de pouvoir masculins, et trop d’abdications aussi, l’ont fait par
1289
la femme a inverti cet ordre naturel. Trop d’abus
de
pouvoir masculins, et trop d’abdications aussi, l’ont fait paraître t
1290
aturel. Trop d’abus de pouvoir masculins, et trop
d’
abdications aussi, l’ont fait paraître tyrannique. Et toute l’évolutio
1291
nsensiblement, l’homme renonce à exercer son rôle
de
chef. La femme l’a persuadé qu’elle était opprimée. Il la croit, par
1292
tait opprimée. Il la croit, par fatigue, par gain
de
paix, ou par idéalisme mal placé. Tous ces facteurs ont créé dans nos
1293
dans nos mœurs un malaise fondamental. Une espèce
de
révolte sourde anime la femme contre sa condition. Dans cette liberté
1294
voici livrée à elle-même. Le jeu ou la complicité
de
l’égoïsme masculin et de l’astuce féminine en panique, multiplient de
1295
Le jeu ou la complicité de l’égoïsme masculin et
de
l’astuce féminine en panique, multiplient des conflits inextricables.
1296
t les relations sociales des deux sexes, à partir
d’
un mensonge à la nature ? L’expérience millénaire du couple permet d’i
1297
nature ? L’expérience millénaire du couple permet
d’
imaginer ce qui va se passer à l’échelle de la société. La femme qui n
1298
permet d’imaginer ce qui va se passer à l’échelle
de
la société. La femme qui n’est plus dominée par l’homme — que la faut
1299
elle ne conçoit sa « liberté » que sous la forme
d’
une passion pure, indépendante de tout objet, méprisant, sans toujours
1300
ue sous la forme d’une passion pure, indépendante
de
tout objet, méprisant, sans toujours se l’avouer, celui qui s’offre à
1301
s se l’avouer, celui qui s’offre à la fixer, — et
d’
autant plus qu’il y parvient. Vis-à-vis d’elle-même et d’autrui, sa pr
1302
r, — et d’autant plus qu’il y parvient. Vis-à-vis
d’
elle-même et d’autrui, sa première défense est de dire « qu’elle ne sa
1303
t plus qu’il y parvient. Vis-à-vis d’elle-même et
d’
autrui, sa première défense est de dire « qu’elle ne sait pas ce qui l
1304
d’elle-même et d’autrui, sa première défense est
de
dire « qu’elle ne sait pas ce qui lui arrive ». C’est une feinte, un
1305
elle. Chez l’homme qui se laisse aller à ce genre
d’
argument, c’est une lâcheté plus naïvement sincère… Mais il en fait, h
1306
l’opinion courante du temps, qui voient le signe
de
la vraie passion dans le cri « c’est plus fort que moi ! », l’on voud
1307
rait dire cette chose très simple : — Cessez donc
d’
aimer « malgré vous » et sachez un peu ce que vous faites, c’est une q
1308
hez un peu ce que vous faites, c’est une question
de
tenue morale, et c’est la condition d’un amour authentique. N’imitez
1309
e question de tenue morale, et c’est la condition
d’
un amour authentique. N’imitez pas le mensonge féminin, sinon les femm
1310
animé) Ils s’aimaient tant qu’ils ne cessaient
de
dire : Comment peut-on s’aimer autant ? Un beau soir, elle se mit à l
1311
le battre, et le laissa pour mort sur la descente
de
lit. Puis elle s’endormit, fatiguée. Le lendemain, il vivait encore.
1312
ts avant qu’ils aient quitté sa langue. Il essaya
de
dire : — Je t’aime, et prononça quelque chose comme : — Putain. Alors
1313
e te battrai encore. Dis-moi pourquoi j’ai besoin
de
te battre ? Mais lui pense dans sa tristesse : — Si je lui dis qu’ell
1314
s, elle le croira. Si je lui dis : — « Cesse donc
d’
être méchante », elle me demandera pourquoi elle est méchante. Or je l
1315
veux pas qu’elle soit désespérée. Le mieux serait
de
la quitter. Mais alors nous ne saurons jamais. Il se tait. — Cet hom
1316
L’histoire que l’on vient de lire peut être celle
d’
un couple, mais aussi, d’une certaine manière, celle des relations de
1317
de lire peut être celle d’un couple, mais aussi,
d’
une certaine manière, celle des relations de l’Allemagne et de l’Europ
1318
ussi, d’une certaine manière, celle des relations
de
l’Allemagne et de l’Europe, ou d’une masse quelconque et du Prince. O
1319
ne manière, celle des relations de l’Allemagne et
de
l’Europe, ou d’une masse quelconque et du Prince. Ou encore, elle fig
1320
e des relations de l’Allemagne et de l’Europe, ou
d’
une masse quelconque et du Prince. Ou encore, elle figure le conflit p
1321
e, elle figure le conflit permanent, dans le cœur
d’
un individu, entre le besoin d’anarchie et le besoin de conservation.
1322
nent, dans le cœur d’un individu, entre le besoin
d’
anarchie et le besoin de conservation. Parabole de la démission des pu
1323
individu, entre le besoin d’anarchie et le besoin
de
conservation. Parabole de la démission des puissances d’ordre dans le
1324
d’anarchie et le besoin de conservation. Parabole
de
la démission des puissances d’ordre dans le monde moderne. Même histo
1325
ervation. Parabole de la démission des puissances
d’
ordre dans le monde moderne. Même histoire, mêmes conflits sur tous le
1326
parce qu’elle a les mêmes sources, avec la crise
de
nos vies privées. Nous sommes au centre de tout le mal dès que nous l
1327
crise de nos vies privées. Nous sommes au centre
de
tout le mal dès que nous l’atteignons dans notre cœur. Lorsque nos ci
1328
point faillir, il eût fallu l’héroïque vigilance
d’
un saint. Ah ! mais jamais un saint ne se fût laissé tomber dans une s
1329
dernier cercle : dans cet enfer né du vertige et
de
l’effroi sinistre de l’orgueil, l’enfer de la passion qui n’a pas d’a
1330
s cet enfer né du vertige et de l’effroi sinistre
de
l’orgueil, l’enfer de la passion qui n’a pas d’autre objet que le mal
1331
ige et de l’effroi sinistre de l’orgueil, l’enfer
de
la passion qui n’a pas d’autre objet que le malheur qu’elle va créer,
1332
e de l’orgueil, l’enfer de la passion qui n’a pas
d’
autre objet que le malheur qu’elle va créer, en vertu de sa logique fo
1333
Évidemment, je n’aurais pas dû entrer. On fait
de
ces bêtises, par négligence, croit-on. Bref, je suis entré, c’était t
1334
ouges, comme lorsqu’on choisit une couleur au jeu
de
cartes, rouge ou noir. J’arrive à la salle de lecture. Il n’y avait q
1335
jeu de cartes, rouge ou noir. J’arrive à la salle
de
lecture. Il n’y avait que des feuilles de papier blanc sur les tables
1336
a salle de lecture. Il n’y avait que des feuilles
de
papier blanc sur les tables, et tout le monde lisait. Je dis : — Est-
1337
e ici ? Quelqu’un l’a-t-il vue ? Ils me regardent
d’
un air vexé. Un valet s’approche rapidement et me dit à voix basse : —
1338
is dit que : Fine day to-day, c’eût été une sorte
de
question ou de réponse. Je pensais que le mieux serait de m’en aller
1339
ne day to-day, c’eût été une sorte de question ou
de
réponse. Je pensais que le mieux serait de m’en aller sans bruit. Mai
1340
ion ou de réponse. Je pensais que le mieux serait
de
m’en aller sans bruit. Mais vous connaissez ces couloirs. Et je ne vo
1341
? C’était la question par excellence ! Le résumé
de
toutes mes erreurs, si vous voulez. Je trouve la porte du bureau dire
1342
t par-derrière, je ne puis l’expliquer autrement.
D’
une certaine manière, c’était mon propre regard qui traversait ses yeu
1343
elle. (Je tenais sa main. Je sentis qu’elle avait
de
la fièvre.) Je suis là parce que tu es venu, tout simplement. Nous ét
1344
Nous étions couchés chez nous. Je ne sais combien
de
temps cela va durer. Elle délire et j’ai cette balle dans le cœur. Et
1345
r. Et voici que maintenant, je ne puis plus poser
de
question. Car si vous me dites que c’est une vraie balle que j’ai dan
1346
es questions possibles, et donc toute possibilité
de
réponse à quoi que ce soit. Laissez-moi donc seul. C’est mon ordre. E
1347
le cri même du désespoir, et c’est l’autosadisme
de
ce siècle. Tout est faux mais tout est réel. Puisqu’on en meurt de pl
1348
mar mais sans réveil possible. C’est le cauchemar
de
la réalité. La guerre existe autour de nous, elle est fausse, impossi
1349
ugmentent l’amertume. Elles nous suggèrent l’idée
d’
une possession… Est-ce nous vraiment qui avons laissé les choses en ve
1350
es choses en venir là ? Si ce n’est pas nous, qui
d’
Autre ? Ah, nous sommes tous complices ! Mais alors pourquoi mourrons-
1351
é que nous n’avons pas aimé assez pour l’empêcher
de
se perdre ? Pour un avenir que nous devinons à peine et savons encore
1352
us valable que la vie ? Et si nous ne voulons pas
de
foi, pour quelle vie plus valable que la foi ? C’est couru, notre mon
1353
ant. Cela paraît absurde et révoltant. Il est dur
de
se défaire de l’idée qu’on était né pour vivre heureux. Jadis la trag
1354
ît absurde et révoltant. Il est dur de se défaire
de
l’idée qu’on était né pour vivre heureux. Jadis la tragédie n’était q
1355
utres, et dans les livres ; et la voilà substance
de
nos vies. Encore un navire torpillé et comme le dit l’Amirauté : « Th
1356
victimes ont été informées. (Grand développement
de
l’information dans notre siècle !) Qu’on nous informe donc, une fois
1357
donc, une fois pour toutes, que nous sommes tous
de
la famille, et que nous sommes aussi les victimes ! « Vous êtes tous
1358
e temps nous sommes tous dans le bateau qui vient
d’
envoyer la torpille. Ce n’est pas une image, hélas, c’est simplement u
1359
st pas une image, hélas, c’est simplement une vue
d’
ensemble. (Tôt et tard confondus, ou plutôt embrassés d’un seul regard
1360
mble. (Tôt et tard confondus, ou plutôt embrassés
d’
un seul regard.) Que faudra-t-il encore pour que nous comprenions l’ét
1361
a-t-il encore pour que nous comprenions l’étendue
de
la catastrophe, et qu’elle est vraiment sans limites ? Et qu’il n’y a
1362
t. » Je sais, nous sommes en guerre, et il s’agit
de
gagner. Mais à quel Bien et à quel Mal avons-nous cru, pour montrer t
1363
n et à quel Mal avons-nous cru, pour montrer tout
d’
un coup tant d’assurance ? Se faire tuer pour la liberté d’avoir ses p
1364
avons-nous cru, pour montrer tout d’un coup tant
d’
assurance ? Se faire tuer pour la liberté d’avoir ses propres opinions
1365
tant d’assurance ? Se faire tuer pour la liberté
d’
avoir ses propres opinions, c’est magnifique, mais c’est aussi mettre
1366
e grabuge où nous sombrons ?… J’ai décrit l’œuvre
de
Satan, et cela finit dans un cauchemar qui ressemble à s’y méprendre
1367
illé, c’est-à-dire dévêtu des oripeaux tout-faits
de
l’illusion — c’est peut-être sa cruauté. Mais si l’époque est sans is
1368
le cauchemar est vrai cette fois, s’il n’est plus
de
réveil possible, pourquoi le dire et troubler davantage ? « Ôter ses
1369
r attristé…13 » ⁂ Mais j’entendais un chant plein
de
force et de grâce, quelque part au secret de la vie, quand la clameur
1370
3 » ⁂ Mais j’entendais un chant plein de force et
de
grâce, quelque part au secret de la vie, quand la clameur du néant s’
1371
lein de force et de grâce, quelque part au secret
de
la vie, quand la clameur du néant s’abaissait, quelque part au-dessus
1372
meur du néant s’abaissait, quelque part au-dessus
de
la mort, comme une grande fugue puissante et soutenue, quand tout sem
1373
n, mais il est plus dur que la mort et le mutisme
de
la mort, il est plus pur que nos douleurs, je l’ai nommé : cantique a
1374
ans l’Amérique contemporaine, est une laïcisation
de
l’hérésie des puritains, qui déformèrent le calvinisme au point de lu
1375
puritains, qui déformèrent le calvinisme au point
de
lui faire dire que le succès matériel est une marque d’élection. Il s
1376
faire dire que le succès matériel est une marque
d’
élection. Il se peut que les grandes fortunes puritaines soient nées d
1377
t que les grandes fortunes puritaines soient nées
d’
un pacte avec le diable, béni et enregistré par les pasteurs. Mais san
1378
puritains, il y avait sans doute, plus que l’idée
de
gain, l’idée « catholique », au sens large, du rachat de la création
1379
, l’idée « catholique », au sens large, du rachat
de
la création par le travail et la vertu. 9. Kierkegaard. 10. Genèse
1380
8-13. 11. Stendhal. 12. Selon cette conception
de
la sincérité il serait hypocrite de dire la vérité quand on a fort en
1381
te conception de la sincérité il serait hypocrite
de
dire la vérité quand on a fort envie de mentir. 13. Proverbes, 15-20
1382
hypocrite de dire la vérité quand on a fort envie
de
mentir. 13. Proverbes, 15-20.
1383
ble Ne réponds pas à l’insensé selon sa folie
De
peur que tu ne lui ressembles toi-même. Réponds à l’insensé selon sa
1384
u combat contre le mal en général, qu’il s’agisse
de
la résistance d’une âme au diable, ou de la guerre des démocraties co
1385
e mal en général, qu’il s’agisse de la résistance
d’
une âme au diable, ou de la guerre des démocraties contre Hitler. Si v
1386
s’agisse de la résistance d’une âme au diable, ou
de
la guerre des démocraties contre Hitler. Si vous opposez au diable la
1387
, l’ironie et l’intelligence froide, vous risquez
de
devenir méchants, c’est-à-dire que plus vous cherchez à être forts à
1388
orts à la manière du diable, plus vous lui donnez
d’
avantages, son seul but étant de vous rendre semblables à lui. Mais si
1389
s vous lui donnez d’avantages, son seul but étant
de
vous rendre semblables à lui. Mais si vous ne le faites pas, vous ser
1390
ocraties opposent à Hitler des tanks, des avions,
de
la propagande démagogique et une discipline de fer, elles risquent de
1391
s, de la propagande démagogique et une discipline
de
fer, elles risquent de devenir totalitaires, c’est-à-dire que plus el
1392
agogique et une discipline de fer, elles risquent
de
devenir totalitaires, c’est-à-dire que plus elles cherchent à être fo
1393
er pour l’ordre. Tout sera perdu. La solution est
de
répondre à l’insensé à la fois selon sa folie et selon la sagesse qui
1394
us, nous ne deviendrons pas fous. La solution est
de
résister au diable par la ruse et la subtilité, par l’ironie et l’int
1395
ce froide, et en même temps, par toutes les armes
de
la foi, de l’espérance et de la charité, dont il ignore la puissance.
1396
et en même temps, par toutes les armes de la foi,
de
l’espérance et de la charité, dont il ignore la puissance. Car ainsi
1397
par toutes les armes de la foi, de l’espérance et
de
la charité, dont il ignore la puissance. Car ainsi nous ne serons pas
1398
s les trois grandes Vertus sauront nous préserver
de
l’abus des vertus mineures, par où le diable pourrait nous asservir.
1399
le diable pourrait nous asservir. La solution est
d’
attaquer Hitler — puisqu’il nous attaque — avec des tanks, des avions,
1400
squ’il nous attaque — avec des tanks, des avions,
de
la propagande massive, et une discipline de fer, — et en même temps d
1401
ions, de la propagande massive, et une discipline
de
fer, — et en même temps de l’attaquer avec un nouvel idéal. Car ainsi
1402
ive, et une discipline de fer, — et en même temps
de
l’attaquer avec un nouvel idéal. Car ainsi nous ne serons pas annexés
1403
as non plus par l’intérieur. J’ai tenté jusqu’ici
de
dénoncer l’action du diable, en me servant parfois de ses propres arm
1404
énoncer l’action du diable, en me servant parfois
de
ses propres armes. Et pendant que j’écris, la Russie oppose à Hitler
1405
stapo. Occupons-nous maintenant du deuxième temps
de
l’attaque. Il y faut des hommes réveillés. Deutschland erwache ! — A
1406
même où il plongeait son peuple dans le cauchemar
de
l’hypnose collective. Procédé constant du démon ! Le tonnerre des bom
1407
, et tous ceux parmi nous qui ont cédé au vertige
de
l’Abîme politique ou moral ? Pour dissiper l’hypnose, le médecin parf
1408
sur le visage du patient. Ce n’est peut-être que
d’
un souffle de l’Esprit, passant sur le visage torturé du siècle, que n
1409
e du patient. Ce n’est peut-être que d’un souffle
de
l’Esprit, passant sur le visage torturé du siècle, que nous devons at
1410
est, disait Sénèque : conter le rêve est le fait
de
l’homme qui ne dort plus. C’est un écho lointain du grand cri de sain
1411
ne dort plus. C’est un écho lointain du grand cri
de
saint Paul : « J’ai cru, c’est pourquoi j’ai parlé ! » Qu’ai-je donc
1412
’ai parlé ! » Qu’ai-je donc cru, qui m’ait permis
d’
articuler ce peu que j’ai pu dire de nos maux ? Et quelle est la visio
1413
m’ait permis d’articuler ce peu que j’ai pu dire
de
nos maux ? Et quelle est la vision qui m’éveille ? Je m’essaierai à l
1414
ordre céleste, aussi nommé spirituel Le secret
de
la seule confiance qui ne soit pas une illusion réside dans la simple
1415
ne sommes pas Dieu. Car alors, tout ne dépend pas
de
nous ! Le principe et la fin de l’Ordre, la sommation, le sens final,
1416
out ne dépend pas de nous ! Le principe et la fin
de
l’Ordre, la sommation, le sens final, sont dans la main de Dieu, qui
1417
e, la sommation, le sens final, sont dans la main
de
Dieu, qui est le Bien. Si au contraire, tout était dans nos mains, co
1418
ut était dans nos mains, comme le serpent tentait
de
nous en persuader, tout serait bientôt gâché et dans les mains du dia
1419
ble. Si nous étions des dieux, il n’y aurait plus
d’
espoir : la catastrophe présente étant notre œuvre à tous, l’échec des
1420
ité démontrée sans recours. C’est pourquoi l’aide
de
l’archange Michel, chef suprême des milices célestes, est la plus gra
1421
int Michel irrésistiblement triomphe par l’énoncé
de
son nom seul, par le seul cri de son nom qui veut dire : Quis sicut D
1422
phe par l’énoncé de son nom seul, par le seul cri
de
son nom qui veut dire : Quis sicut Deus ? « Qui est comme Dieu ? » Et
1423
ait : « Vous serez comme des dieux. » Le nom même
de
Michel formule et définit l’ordre céleste, le gage inaliénable de tou
1424
e et définit l’ordre céleste, le gage inaliénable
de
toute confiance humaine. L’imagerie populaire de l’archange peut pass
1425
de toute confiance humaine. L’imagerie populaire
de
l’archange peut passer pour une histoire pieuse, une mythologie médié
1426
masque plus longtemps le moment décisif du drame
de
notre histoire, le principe même de toute victoire sur le Malin ! Aux
1427
isif du drame de notre histoire, le principe même
de
toute victoire sur le Malin ! Aux grandes époques de notre évolution,
1428
toute victoire sur le Malin ! Aux grandes époques
de
notre évolution, c’est l’événement lui-même qui répercute le cri de g
1429
, c’est l’événement lui-même qui répercute le cri
de
guerre de l’archange lumineux. Avez-vous des oreilles pour l’entendre
1430
événement lui-même qui répercute le cri de guerre
de
l’archange lumineux. Avez-vous des oreilles pour l’entendre ? Le malh
1431
ez-vous des oreilles pour l’entendre ? Le malheur
de
ce temps les ouvrira ! Et c’est ici que m’apparaît dans sa grandeur l
1432
démocraties capitalistes et commerçantes : Fils
de
l’homme, dis au prince de Tyr : Ainsi parle le Seigneur, l’Éternel. T
1433
as dit : Je suis Dieu, Je suis assis sur le siège
de
Dieu au sein des mers ! Toi tu es homme, et non Dieu. Par ta sagesse
1434
ligence Tu t’es acquis des richesses Tu as amassé
de
l’or et de l’argent Dans tes coffres-forts ; Par ta grande sagesse et
1435
t’es acquis des richesses Tu as amassé de l’or et
de
l’argent Dans tes coffres-forts ; Par ta grande sagesse et par ton co
1436
: Parce que tu prends ta volonté pour la volonté
de
Dieu Voici, je ferai venir contre toi des étrangers, Les plus violent
1437
osse Et tu mourras comme ceux qui tombent percés
de
coups Au milieu des mers. En face de ton meurtrier, diras-tu : Je sui
1438
s Dieu ? Tu seras homme, et non Dieu Sous la main
de
celui qui te tuera. En face d’Hitler tout devient clair et décisif.
1439
cent comme illusions. La tactique et la stratégie
d’
Hitler illustrent aux yeux des plus sceptiques et des plus lourds, par
1440
onnaître, par la plus évidente analogie, l’action
de
Satan dans nos vies et le mensonge de l’éternelle Tentation. C’est dé
1441
e, l’action de Satan dans nos vies et le mensonge
de
l’éternelle Tentation. C’est déjà la moitié de la victoire. Ah, pour
1442
ge de l’éternelle Tentation. C’est déjà la moitié
de
la victoire. Ah, pour tout l’or du monde je ne souhaiterais pas d’êtr
1443
h, pour tout l’or du monde je ne souhaiterais pas
d’
être né dans un autre temps ! Tout signifie, autour de nous, tout s’am
1444
e, autour de nous, tout s’amplifie aux dimensions
de
la plus vaste poésie ! Tout ce qui m’est arrivé ces jours-ci est à l’
1445
ut ce qui m’est arrivé ces jours-ci est à l’image
de
l’histoire mondiale. Jamais nos objectifs ne furent plus manifestes.
1446
reflète sa « grande stratégie » dans la confusion
de
nos mœurs. À nous l’effort, à Dieu l’issue et le jugement. Si nous pe
1447
. Si nous perdons toutes nos batailles, le destin
de
Satan n’en est pas moins scellé. Tout ce qui nous est demandé, c’est
1448
moins scellé. Tout ce qui nous est demandé, c’est
de
coïncider avec l’esprit de cette victoire finale. Là gît le secret de
1449
ous est demandé, c’est de coïncider avec l’esprit
de
cette victoire finale. Là gît le secret de la plus grande liberté d’a
1450
esprit de cette victoire finale. Là gît le secret
de
la plus grande liberté d’action et d’imagination. Le méchant fait une
1451
inale. Là gît le secret de la plus grande liberté
d’
action et d’imagination. Le méchant fait une œuvre qui le trompe : Hit
1452
t le secret de la plus grande liberté d’action et
d’
imagination. Le méchant fait une œuvre qui le trompe : Hitler déjoue l
1453
re qui le trompe : Hitler déjoue lui-même le plan
de
Satan en nous forçant à voir ce que nous sommes. Nous voici délivrés
1454
i délivrés du souci monstrueux des fins dernières
de
notre destinée, du souci même de notre orgueil, qui nous accable inco
1455
s fins dernières de notre destinée, du souci même
de
notre orgueil, qui nous accable inconsciemment. Quoi qu’il arrive, le
1456
, — le bleu du ciel n’est pas terni par les nuées
de
notre angoisse. Et voyez : le jugement final lui-même ne nous apparti
1457
ême ne nous appartient pas, non plus que le souci
de
la victoire décisive. Car ainsi qu’on le lit dans l’Épître de Jude, é
1458
re décisive. Car ainsi qu’on le lit dans l’Épître
de
Jude, étonnante explosion de lyrisme vengeur : L’archange Michel, lo
1459
le lit dans l’Épître de Jude, étonnante explosion
de
lyrisme vengeur : L’archange Michel, lorsqu’il contestait avec le di
1460
ntestait avec le diable et lui disputait le corps
de
Moïse, n’osa pas porter contre lui un jugement injurieux, mais il dit
1461
igneur te réprime ! Eux, au contraire ils parlent
d’
une manière injurieuse de ce qu’ils ignorent, et ils se corrompent dan
1462
au contraire ils parlent d’une manière injurieuse
de
ce qu’ils ignorent, et ils se corrompent dans ce qu’ils savent nature
1463
ées sans eau, poussées par les vents ; des arbres
d’
automne sans fruits, deux fois morts, déracinés ; des vagues furieuses
1464
deux fois morts, déracinés ; des vagues furieuses
de
la mer, rejetant l’écume de leurs impuretés ; des astres errants, aux
1465
des vagues furieuses de la mer, rejetant l’écume
de
leurs impuretés ; des astres errants, auxquels l’obscurité des ténèbr
1466
des ténèbres est réservée pour l’éternité. Mais
de
qui parle-t-il ainsi ? Il tient à nous que ce ne soit pas de nous…
1467
e-t-il ainsi ? Il tient à nous que ce ne soit pas
de
nous… 45. L’exorcisme, ou l’ordre personnel Le diable et sa col
1468
, ou l’ordre personnel Le diable et sa colonne
d’
anges noirs « qui n’ont pas conservé leur dignité, mais qui ont désert
1469
erté leur propre demeure » sont déjà dans l’étang
de
feu. Du point de vue de l’éternité, c’en est fait, la partie est gagn
1470
» sont déjà dans l’étang de feu. Du point de vue
de
l’éternité, c’en est fait, la partie est gagnée. Mais ce qui nous imp
1471
e. Mais ce qui nous importe dans ce siècle, c’est
de
nous rendre immédiatement participants de cette victoire. Un des prop
1472
, c’est de nous rendre immédiatement participants
de
cette victoire. Un des prophètes mineurs de l’ère moderne, Joseph de
1473
pants de cette victoire. Un des prophètes mineurs
de
l’ère moderne, Joseph de Maistre, écrivait sous Napoléon : Lorsqu’un
1474
op prépondérante épouvante l’univers, on s’irrite
de
ne trouver aucun moyen pour l’arrêter ; on se répand en reproches ame
1475
l’immoralité des gouvernements, qui les empêchent
de
se réunir pour conjurer le danger commun. Mais dans le fond, ces plai
1476
alition entre souverains, faite sur les principes
d’
une morale pure et désintéressée, serait un miracle. Dieu, qui ne doit
1477
sintéressée, serait un miracle. Dieu, qui ne doit
de
miracle à personne et qui n’en fait point d’inutiles, emploie pour ré
1478
doit de miracle à personne et qui n’en fait point
d’
inutiles, emploie pour rétablir l’équilibre deux moyens plus simples :
1479
; comme un faible roseau, arrêté dans le courant
d’
un fleuve, produit à la fin un amoncellement de terre qui le détourne.
1480
nt d’un fleuve, produit à la fin un amoncellement
de
terre qui le détourne. Je dis que nous pouvons participer à cette vi
1481
» qui arrête le courant. Je dis que la condition
de
cette victoire, c’est que nous devenions, chacun pour notre compte, u
1482
c’est le saint. Seul un saint serait à la hauteur
de
cette espèce d’héroïsme dans le mal que déploie de nos jours l’advers
1483
Seul un saint serait à la hauteur de cette espèce
d’
héroïsme dans le mal que déploie de nos jours l’adversaire. Voilà la v
1484
e cette espèce d’héroïsme dans le mal que déploie
de
nos jours l’adversaire. Voilà la vérité qui nous éclaire, mais nous c
1485
Et qui donc oserait même, sérieusement, souhaiter
d’
en devenir un ? Mais pour devenir ou pour rester des hommes, simplemen
1486
t-ce que se sanctifier ? L’action du diable étant
d’
obnubiler en nous le sentiment de la culpabilité, et de nous faire cro
1487
du diable étant d’obnubiler en nous le sentiment
de
la culpabilité, et de nous faire croire que c’est l’autre toujours, l
1488
ubiler en nous le sentiment de la culpabilité, et
de
nous faire croire que c’est l’autre toujours, la force des choses ou
1489
vraie sanctification consiste dans l’augmentation
de
notre sentiment d’être complices de tout le mal qui se fait dans le m
1490
n consiste dans l’augmentation de notre sentiment
d’
être complices de tout le mal qui se fait dans le monde. Dans la Confe
1491
’augmentation de notre sentiment d’être complices
de
tout le mal qui se fait dans le monde. Dans la Confession des Péchés
1492
fait dans le monde. Dans la Confession des Péchés
de
Théodore de Bèze, ces mots : « reconnaissant de plus en plus nos faut
1493
du seul progrès humain non équivoque15. Le sommet
de
la sainteté n’est pas dans la certitude illusoire d’être sans péché.
1494
la sainteté n’est pas dans la certitude illusoire
d’
être sans péché. Il nous est au contraire révélé par le Christ lorsqu’
1495
contraire révélé par le Christ lorsqu’il accepte
de
mourir en assumant tout le péché du monde. Le monde est plein de dém
1496
umant tout le péché du monde. Le monde est plein
de
démons, ils sévissent par millions, et nous n’arriverons pas à les ch
1497
ne pas qu’il n’en ait point trouvé. Le vrai moyen
de
rencontrer un homme, c’est d’en devenir un soi-même. (Si ce n’est pas
1498
ouvé. Le vrai moyen de rencontrer un homme, c’est
d’
en devenir un soi-même. (Si ce n’est pas le seul moyen, c’est assuréme
1499
faite absolue et sans recours, un élément premier
de
l’ordre impérissable. Or cet élément personnel doit s’encadrer dans u
1500
étant à donner ; le premier figurant la condition
de
possibilité de tout ordre personnel, le second sa condition de fécond
1501
; le premier figurant la condition de possibilité
de
tout ordre personnel, le second sa condition de fécondité. 46. L’o
1502
é de tout ordre personnel, le second sa condition
de
fécondité. 46. L’ordre cosmique Le développement aberrant de no
1503
46. L’ordre cosmique Le développement aberrant
de
nos techniques et par elles de notre impérialisme rationnel, nous a f
1504
loppement aberrant de nos techniques et par elles
de
notre impérialisme rationnel, nous a fait perdre, depuis quelques siè
1505
ns cosmique, c’est-à-dire la conscience immédiate
de
nos liens avec l’ensemble de l’Univers, ses lois connues et ses mystè
1506
conscience immédiate de nos liens avec l’ensemble
de
l’Univers, ses lois connues et ses mystères. Dans le même temps le dé
1507
res. Dans le même temps le développement aberrant
de
nos morales rationalistes, puis individualistes, puis irrationalistes
1508
élémentaire, c’est-à-dire la conscience immédiate
d’
un absolu qui serait, hors de nous, le gage universel du bien et du ma
1509
et du mal. Et nous voici coupés des deux sources
de
l’Ordre, qui sont les lois ordonnées de la Création et les interventi
1510
x sources de l’Ordre, qui sont les lois ordonnées
de
la Création et les interventions ordonnatrices du Créateur. Nous avon
1511
du Créateur. Nous avons cru pouvoir nous libérer
de
l’interdépendance de toutes les choses créées, et de notre dépendance
1512
ons cru pouvoir nous libérer de l’interdépendance
de
toutes les choses créées, et de notre dépendance de Dieu. Alors nous
1513
l’interdépendance de toutes les choses créées, et
de
notre dépendance de Dieu. Alors nous sommes entrés dans le monde de l
1514
toutes les choses créées, et de notre dépendance
de
Dieu. Alors nous sommes entrés dans le monde de l’arbitraire, où l’Ar
1515
e de Dieu. Alors nous sommes entrés dans le monde
de
l’arbitraire, où l’Arbitre tricheur nous affole à plaisir. Nietzsche
1516
à plaisir. Nietzsche a bien vu que la philosophie
de
ce monde-là ne pouvait être que le nihilisme. Et tôt après, Hitler en
1517
e que je sente admirable au-delà des fascinations
de
ma plus secrète utopie. Nous avons à redécouvrir la catholicité fonda
1518
éterminée et révélée par Dieu comme étant l’ordre
de
sa Création. Et nous avons à redécouvrir l’absolu d’un bien et d’un m
1519
sa Création. Et nous avons à redécouvrir l’absolu
d’
un bien et d’un mal non relatifs à nos idées morales, aux suggestions
1520
Et nous avons à redécouvrir l’absolu d’un bien et
d’
un mal non relatifs à nos idées morales, aux suggestions aveuglantes d
1521
à nos idées morales, aux suggestions aveuglantes
de
l’instinct ou aux pressions de l’intérêt momentané ; l’absolu d’un bi
1522
stions aveuglantes de l’instinct ou aux pressions
de
l’intérêt momentané ; l’absolu d’un bien et d’un mal déterminés et ré
1523
u aux pressions de l’intérêt momentané ; l’absolu
d’
un bien et d’un mal déterminés et révélés par Dieu comme étant l’ordre
1524
ns de l’intérêt momentané ; l’absolu d’un bien et
d’
un mal déterminés et révélés par Dieu comme étant l’ordre de sa Volont
1525
éterminés et révélés par Dieu comme étant l’ordre
de
sa Volonté. Toute ma confiance repose dans la certitude que nos méfai
1526
titude que nos méfaits et ceux du diable, et ceux
d’
Hitler, ne changent rien à l’Ordre de ce monde, où le hasard n’existe
1527
ble, et ceux d’Hitler, ne changent rien à l’Ordre
de
ce monde, où le hasard n’existe pas, simple illusion d’une impatience
1528
monde, où le hasard n’existe pas, simple illusion
d’
une impatience oblitérant nos sens spirituels, mais qui ne peut empêch
1529
ns spirituels, mais qui ne peut empêcher l’Esprit
d’
agir plus qu’elle ne peut influencer le cours des astres. Nous pouvons
1530
tion poétique qui sonde les abîmes microscopiques
de
la matière, la grande dynamique sidérale, et les correspondances de l
1531
grande dynamique sidérale, et les correspondances
de
la vie organique, à tel point qu’un savant, un peintre, un visionnair
1532
savant, un peintre, un visionnaire, sont capables
de
réinventer le « réel » à sa ressemblance ; mais nous ne pouvons préve
1533
; mais nous ne pouvons prévenir toutes ces choses
d’
exister, de graviter, de naître, de mourir, et de porter leurs justes
1534
ne pouvons prévenir toutes ces choses d’exister,
de
graviter, de naître, de mourir, et de porter leurs justes conséquence
1535
révenir toutes ces choses d’exister, de graviter,
de
naître, de mourir, et de porter leurs justes conséquences jusqu’au te
1536
tes ces choses d’exister, de graviter, de naître,
de
mourir, et de porter leurs justes conséquences jusqu’au terme des cyc
1537
d’exister, de graviter, de naître, de mourir, et
de
porter leurs justes conséquences jusqu’au terme des cycles possibles.
1538
nces jusqu’au terme des cycles possibles. Du fond
d’
un cœur aux bornes du cosmos, une résonance universelle émeut tout l’e
1539
rselle émeut tout l’existant à la quête éternelle
d’
un accord qui sera le nom secret de Dieu. Ah ! nous pouvons mentir, tu
1540
uête éternelle d’un accord qui sera le nom secret
de
Dieu. Ah ! nous pouvons mentir, tuer, et nous exclure, nous pouvons f
1541
mentir, tuer, et nous exclure, nous pouvons faire
de
pitoyables fautes d’orgueil, de négligence ou de calcul, mais nous ne
1542
exclure, nous pouvons faire de pitoyables fautes
d’
orgueil, de négligence ou de calcul, mais nous ne pouvons rien, à jama
1543
ous pouvons faire de pitoyables fautes d’orgueil,
de
négligence ou de calcul, mais nous ne pouvons rien, à jamais, sur le
1544
de pitoyables fautes d’orgueil, de négligence ou
de
calcul, mais nous ne pouvons rien, à jamais, sur le miracle perpétuel
1545
der la justice et la joie, les pures spéculations
de
la mathématique et les structures du monde matériel, l’amour et l’obj
1546
structures du monde matériel, l’amour et l’objet
de
l’amour, la prière et le vœu divin. Si moi, petit individu, erreur in
1547
insignifiante, parole articulée dans le discours
de
toutes les créatures, je prétends m’isoler ou m’abstraire du cosmos,
1548
u plan providentiel. Mais si je réponds à l’appel
de
mon nom, si j’assume la vocation qui me distingue et rend vraie ma pa
1549
et rend vraie ma parole, si je m’efforce au moins
de
converger avec l’ordre cosmique et le vouloir divin, tout indigne enc
1550
c’est toujours aux déserts qu’il habite, déserts
de
sables, d’eaux amères ou de rochers, déserts des foules, ou ceux que
1551
ours aux déserts qu’il habite, déserts de sables,
d’
eaux amères ou de rochers, déserts des foules, ou ceux que porte un cœ
1552
qu’il habite, déserts de sables, d’eaux amères ou
de
rochers, déserts des foules, ou ceux que porte un cœur dénué d’amour
1553
serts des foules, ou ceux que porte un cœur dénué
d’
amour et d’espérance. Il n’est pas bon que l’homme soit seul. Il n’est
1554
oules, ou ceux que porte un cœur dénué d’amour et
d’
espérance. Il n’est pas bon que l’homme soit seul. Il n’est pas bon no
1555
repose sur le voisinage vécu, qui est la relation
de
prochain à prochain.17 Sans voisinage réel, vous n’êtes plus responsa
1556
Sans voisinage réel, vous n’êtes plus responsable
de
rien ni de personne. Mais sans le sentiment de la responsabilité de c
1557
age réel, vous n’êtes plus responsable de rien ni
de
personne. Mais sans le sentiment de la responsabilité de chacun enver
1558
le de rien ni de personne. Mais sans le sentiment
de
la responsabilité de chacun envers autrui, il n’est point de liberté
1559
onne. Mais sans le sentiment de la responsabilité
de
chacun envers autrui, il n’est point de liberté civique possible : la
1560
nsabilité de chacun envers autrui, il n’est point
de
liberté civique possible : la dictature devient inévitable dans toute
1561
xime est le « chacun pour soi et Dieu pour tous »
de
ceux qui ne croient pas en Dieu. C’est ce que nous voyons se produire
1562
e nous voyons se produire dans les États atteints
de
gigantisme, où les relations humaines, du fait des grandes distances,
1563
nes, du fait des grandes distances, des masses et
de
l’anonymat, ne sont plus que d’abstraites contraintes, qui d’ailleurs
1564
es, des masses et de l’anonymat, ne sont plus que
d’
abstraites contraintes, qui d’ailleurs ne contraignent bientôt qu’à la
1565
à-dire que l’abstraite contrainte doit se doubler
d’
une contrainte physique, seule efficace désormais : la police. Mais ce
1566
ur est en réalité le souverain désordre. Il n’y a
d’
ordre vrai que dans la liberté. Il n’y a de liberté que chez les homme
1567
n’y a d’ordre vrai que dans la liberté. Il n’y a
de
liberté que chez les hommes qui réalisent leur vocation et qui la ser
1568
l’homme libre est le seul qui respecte la liberté
de
ses semblables. Tout cela se tient. Sens du prochain, responsabilité,
1569
ien longtemps l’une sans l’autre. Et l’ordre naît
de
leur alliance. Ceux qui n’ont pas encore compris que la liberté est l
1570
re compris que la liberté est le fondement vivant
de
l’ordre ; qu’elle ne peut être donnée à personne, mais seulement conq
1571
tible avec l’égoïsme, l’insignifiance et l’esprit
de
combine, l’arrivisme, l’opportunisme et la fuite devant les responsab
1572
esponsabilités, la bêtise vaniteuse et la paresse
de
pensée, le respect de l’argent, le ton hâbleur, le bluff et le sentim
1573
ise vaniteuse et la paresse de pensée, le respect
de
l’argent, le ton hâbleur, le bluff et le sentimentalisme qui font tou
1574
: tout ce qui caractérise les mœurs politiciennes
de
nos pseudo-démocraties, et les goûts de leur « grand public » tels qu
1575
ticiennes de nos pseudo-démocraties, et les goûts
de
leur « grand public » tels que les entretiennent et les exploitent le
1576
qu’ils l’ont compris — ceux-là n’ont aucun droit
de
se dire démocrates, ils ne méritent rien de mieux qu’Hitler. Ceux qu
1577
droit de se dire démocrates, ils ne méritent rien
de
mieux qu’Hitler. Ceux qui n’ont pas encore compris que liberté égale
1578
é égale responsabilité, ceux-là n’ont aucun droit
de
revendiquer une liberté dont ils ne sauraient rien tirer s’ils la rec
1579
vaient les conditions. Mais il serait insuffisant
de
démasquer l’hypocrisie, et Dieu sait si les mots démocratie et libert
1580
ont une, pitoyable ou scandaleuse, dans la bouche
de
milliers de nigauds ou de cyniques qui s’en prévalent. Ce serait insu
1581
oyable ou scandaleuse, dans la bouche de milliers
de
nigauds ou de cyniques qui s’en prévalent. Ce serait insuffisant et m
1582
daleuse, dans la bouche de milliers de nigauds ou
de
cyniques qui s’en prévalent. Ce serait insuffisant et même dangereux.
1583
rter vers une définition intransigeante et claire
de
l’idéal qui seul justifie notre lutte ; et vers la recherche de moyen
1584
seul justifie notre lutte ; et vers la recherche
de
moyens d’incorporer cet idéal, qui ne soient point eux-mêmes des trah
1585
ifie notre lutte ; et vers la recherche de moyens
d’
incorporer cet idéal, qui ne soient point eux-mêmes des trahisons de l
1586
déal, qui ne soient point eux-mêmes des trahisons
de
leur fin. Il faut aider les hommes si faibles d’aujourd’hui à devenir
1587
de leur fin. Il faut aider les hommes si faibles
d’
aujourd’hui à devenir un peu plus responsables, un peu plus dignes d’ê
1588
enir un peu plus responsables, un peu plus dignes
d’
être libres, un peu plus dignes de se faire tuer ou de tuer, nous en s
1589
peu plus dignes d’être libres, un peu plus dignes
de
se faire tuer ou de tuer, nous en sommes là, au nom de la liberté et
1590
re libres, un peu plus dignes de se faire tuer ou
de
tuer, nous en sommes là, au nom de la liberté et de la démocratie. Ce
1591
tuer, nous en sommes là, au nom de la liberté et
de
la démocratie. Cet « un peu » représente une énorme ambition, si l’on
1592
éal et ma vision ? Mon horreur des programmes n’a
d’
égale que l’étendue de mon scepticisme quant aux objurgations de la pr
1593
horreur des programmes n’a d’égale que l’étendue
de
mon scepticisme quant aux objurgations de la propagande. Aussi bien,
1594
étendue de mon scepticisme quant aux objurgations
de
la propagande. Aussi bien, je ne prêche pas : je vais dire simplement
1595
ement les conclusions qui m’apparaissent résulter
de
notre état. Je crois à la vertu de l’élucidation, qui dit le vrai en
1596
ssent résulter de notre état. Je crois à la vertu
de
l’élucidation, qui dit le vrai en baissant le ton, sans nul effort de
1597
i dit le vrai en baissant le ton, sans nul effort
de
persuader. Je me tiens l’argument suivant : le gigantisme moderne pri
1598
suivant : le gigantisme moderne prive les hommes
de
la possibilité d’être et de se sentir responsables dans la société et
1599
ntisme moderne prive les hommes de la possibilité
d’
être et de se sentir responsables dans la société et dans la politique
1600
erne prive les hommes de la possibilité d’être et
de
se sentir responsables dans la société et dans la politique, donc d’ê
1601
sables dans la société et dans la politique, donc
d’
être libres ; cette irresponsabilité anxieuse appelle la dictature par
1602
r, et nous rend impuissants contre les dictatures
de
l’extérieur ; notre désordre intime nous livre donc nécessairement et
1603
taires ; si nous n’aimons pas ça, il faut changer
de
méthodes ou d’attitude ; mais quelles sont les méthodes et l’attitude
1604
s n’aimons pas ça, il faut changer de méthodes ou
d’
attitude ; mais quelles sont les méthodes et l’attitude contraires au
1605
t l’attitude contraires au gigantisme et capables
de
le prévenir ? Je réponds qu’il n’y a d’ordre solide et libéral que da
1606
capables de le prévenir ? Je réponds qu’il n’y a
d’
ordre solide et libéral que dans les petites communautés, dans les cit
1607
tenus par le citoyen, en connaissance de cause et
de
personnes. Je réponds que ces petites communautés ne pourront subsist
1608
e fédéralisme, est la seule qui permette aux mots
de
liberté, d’ordre, d’humanité et de démocratie de signifier quelque ch
1609
e, est la seule qui permette aux mots de liberté,
d’
ordre, d’humanité et de démocratie de signifier quelque chose qui m’ém
1610
seule qui permette aux mots de liberté, d’ordre,
d’
humanité et de démocratie de signifier quelque chose qui m’émeuve. Qua
1611
mette aux mots de liberté, d’ordre, d’humanité et
de
démocratie de signifier quelque chose qui m’émeuve. Quant à ceux qui
1612
de liberté, d’ordre, d’humanité et de démocratie
de
signifier quelque chose qui m’émeuve. Quant à ceux qui disent : « Je
1613
ce qu’ils estiment possible, hors de la guerre et
de
l’État totalitaire, qui n’est rien d’autre que l’état de guerre en pe
1614
a guerre et de l’État totalitaire, qui n’est rien
d’
autre que l’état de guerre en permanence ? Beaucoup de choses « imposs
1615
at totalitaire, qui n’est rien d’autre que l’état
de
guerre en permanence ? Beaucoup de choses « impossibles » nous arrive
1616
lles sont là, malgré nous. Ne serait-il pas temps
de
vouloir ce qui arrive, de vouloir l’impossible favorable, c’est-à-dir
1617
Ne serait-il pas temps de vouloir ce qui arrive,
de
vouloir l’impossible favorable, c’est-à-dire de créer un ordre, et de
1618
, de vouloir l’impossible favorable, c’est-à-dire
de
créer un ordre, et de passer à l’offensive ? 48. Le sens des mots
1619
ble favorable, c’est-à-dire de créer un ordre, et
de
passer à l’offensive ? 48. Le sens des mots Mais l’offensive su
1620
. Un plan commun, clairement déterminé et compris
de
la même manière par tous ceux qui devront l’exécuter. Un plan qui s’e
1621
exprime par des mots, et par des mots qui mettent
de
l’ordre dans nos volontés égarées : tous les mots clairs sont des mot
1622
s. Il semble même que l’on se batte pour eux avec
d’
autant plus de passion que l’on sait moins clairement ce qu’ils signif
1623
ême que l’on se batte pour eux avec d’autant plus
de
passion que l’on sait moins clairement ce qu’ils signifient. J’ai dit
1624
J’ai dit que l’ordre véritable suppose la liberté
de
l’homme responsable. Mais combien de bourgeois apeurés voient encore
1625
e la liberté de l’homme responsable. Mais combien
de
bourgeois apeurés voient encore dans Hitler, cet homme des masses, «
1626
dans Hitler, cet homme des masses, « le rempart »
de
leur ordre contre le bolchévisme ? Vous vous battez au nom de votre l
1627
ens que l’on pût déclarer sans hésiter. Si chacun
de
vous savait ce qu’il défend. (Car se faire tuer ne prouve rien : les
1628
ils ont un sens défini. Et ce qui définit le sens
d’
un mot, c’est sa correspondance indiscutable à certaines choses, à cer
1629
ement des actes. Or cette correspondance ne cesse
d’
être arbitraire qu’en vertu d’un accord unanime. C’est dire qu’elle ne
1630
lle ne peut se produire qu’au sein d’un groupe ou
d’
une communauté vivante. Une tradition, un droit, une foi et une autori
1631
oi et une autorité communes, sont seules capables
de
définir le sens de ce qu’on appelle les mots courants. Mais toutes ce
1632
communes, sont seules capables de définir le sens
de
ce qu’on appelle les mots courants. Mais toutes ces choses ont dispar
1633
siècle apparaîtra dans l’avenir comme une espèce
de
cauchemar verbal, de cacophonie délirante. On y parlait plus qu’on n’
1634
ns l’avenir comme une espèce de cauchemar verbal,
de
cacophonie délirante. On y parlait plus qu’on n’avait jamais parlé :
1635
qu’on n’avait jamais parlé : imaginez ces postes
de
radio qui ne peuvent plus se taire ni nuit ni jour, où la parole est
1636
ù les mots s’usaient plus vite qu’en aucun siècle
de
l’Histoire, temps de la grande prostitution de cette parole qui devai
1637
plus vite qu’en aucun siècle de l’Histoire, temps
de
la grande prostitution de cette parole qui devait être la mesure du v
1638
le de l’Histoire, temps de la grande prostitution
de
cette parole qui devait être la mesure du vrai, et dont l’Évangile di
1639
lumière des hommes » ! Hélas, qu’avons-nous fait
de
la parole ! Elle ne saurait plus même mentir dans certaines bouches,
1640
le ronron du style officiel, le gâtisme des fins
de
banquet ; et quand nous sommes abêtis de discours, lui, le romantique
1641
des fins de banquet ; et quand nous sommes abêtis
de
discours, lui, le romantique qui nous suggère que l’indicible est peu
1642
os structures sociales, il précipite la confusion
de
notre langage. Il sait que les hommes ne peuvent s’engager que par de
1643
primant le sens des mots, il détruit la base même
de
nos fidélités. Il sait que partout où l’on appelle un chat un chat, l
1644
on appelle un chat un chat, le mal recule et perd
de
ses prestiges ; c’est pourquoi il a inventé la langue des diplomates
1645
n, qu’elle achèvera mieux que les pires tyrannies
d’
ahurir notre sens moral… J’allais écrire que le seul remède serait de
1646
moral… J’allais écrire que le seul remède serait
de
lui opposer la sémantique, qui est la science des significations, du
1647
étymologies. Un ministère du Sens des mots, doté
de
pouvoirs discrétionnaires, voilà ce qu’il faut à la Démocratie, puisq
1648
8 (Ce ministère était jadis l’Église. Une analyse
de
nos vocabulaires montrerait que le peu de sens commun qu’ils conserve
1649
liturgiques.) Je pourrais indiquer vingt remèdes
de
ce genre : mais je sais trop qu’ils seront sans vertu dans le monde i
1650
e détruire et les mots, justement, trop dépourvus
de
prises pour qu’un conseil soit encore entendu. Mais voici la confianc
1651
t le silence adorant : nous ne sommes pas maîtres
de
détruire la vraie Parole ! Tous les mensonges du diable, et tous nos
1652
ssent dès que l’Esprit nous parle, par une phrase
de
la Bible ou de nos liturgies, par un mot que dit un passant, par une
1653
’Esprit nous parle, par une phrase de la Bible ou
de
nos liturgies, par un mot que dit un passant, par une prière née dans
1654
par une prière née dans un cœur. Il ne dépend pas
de
nous que ces syllabes vivent : tout d’un coup elles nous ont parlé. (
1655
dépend pas de nous que ces syllabes vivent : tout
d’
un coup elles nous ont parlé. (La naissance d’un poème ou d’un rythme
1656
out d’un coup elles nous ont parlé. (La naissance
d’
un poème ou d’un rythme de phrase, quelque part en nous-mêmes, nous do
1657
elles nous ont parlé. (La naissance d’un poème ou
d’
un rythme de phrase, quelque part en nous-mêmes, nous donne une faible
1658
nt parlé. (La naissance d’un poème ou d’un rythme
de
phrase, quelque part en nous-mêmes, nous donne une faible idée de ces
1659
ue part en nous-mêmes, nous donne une faible idée
de
ces surprises.) Si le langage nous appartenait, il y a longtemps qu’o
1660
Mais si deux êtres communiquent, si ces mots tout
d’
un coup me mettent en mouvement, si cet accent suffit à me rendre à ma
1661
ils ne pourront rien sur le mystère qui fait qu’à
de
certains moments, certains mots nous parlent, et non d’autres, fût-ce
1662
, et non d’autres, fût-ce à voix basse, au secret
d’
un cachot. Ils pourront réduire au silence les bavards et les grands o
1663
la souffrance et la honte ne nous permettent plus
d’
articuler même une plainte intelligible, — c’est elle à présent qui no
1664
le ! 49. Vertus J’ai désigné les dimensions
de
l’Ordre indestructible au sein duquel le drame de nos destins s’encad
1665
de l’Ordre indestructible au sein duquel le drame
de
nos destins s’encadre. Ainsi armés et appuyés, nous pouvons porter su
1666
et les fait parfois s’évanouir avec un dégagement
de
fumée noire qui obscurcit le ciel pour un temps, et peut-être nous fa
1667
u diable des injures, qu’il prendrait pour autant
d’
hommages. Détournons-nous et regardons le Bien. Armons-nous de cette g
1668
Détournons-nous et regardons le Bien. Armons-nous
de
cette grande Confiance qui survit à la catastrophe, parce qu’en ayant
1669
la joie, ni la grandeur et ni l’amour ne cessent
d’
attendre, intacts et souverains, notre désir. Il nous suffit de retrou
1670
ntacts et souverains, notre désir. Il nous suffit
de
retrouver le courage d’être vertueux. Il nous suffit de rendre à la v
1671
tre désir. Il nous suffit de retrouver le courage
d’
être vertueux. Il nous suffit de rendre à la vertu sa gloire. Certes,
1672
rouver le courage d’être vertueux. Il nous suffit
de
rendre à la vertu sa gloire. Certes, nous avions fait de la vertu si
1673
re à la vertu sa gloire. Certes, nous avions fait
de
la vertu si triste chose qu’il paraissait mesquin de s’y tenir. Perso
1674
la vertu si triste chose qu’il paraissait mesquin
de
s’y tenir. Personne n’osait plus en parler : elle n’était plus que la
1675
au mot même, qui avait électrisé jadis les héros
de
la Révolution. La morale était ennuyeuse, et le gangster plein de pre
1676
. La morale était ennuyeuse, et le gangster plein
de
prestige. Le bon ton consistait en somme à préférer le mauvais genre.
1677
èglement des critères19 a toujours annoncé la fin
d’
une cité et de sa culture. À l’orgueil et à la brutalité proclamés com
1678
ritères19 a toujours annoncé la fin d’une cité et
de
sa culture. À l’orgueil et à la brutalité proclamés comme vertus par
1679
âches, et cela s’appelait du réalisme. À l’esprit
de
vengeance et de ressentiment, elles ne surent opposer que leurs inqui
1680
’appelait du réalisme. À l’esprit de vengeance et
de
ressentiment, elles ne surent opposer que leurs inquiétudes de propri
1681
nt, elles ne surent opposer que leurs inquiétudes
de
propriétaires fatigués, et cela s’appelait défense de l’ordre. À la g
1682
a confusion spirituelle, et cela s’appelait droit
de
libre critique. Tout cela s’explique et des générations de romanciers
1683
critique. Tout cela s’explique et des générations
de
romanciers nous ont montré d’une manière convaincante que l’homme « m
1684
et des générations de romanciers nous ont montré
d’
une manière convaincante que l’homme « moral » n’était qu’un hypocrite
1685
s montre autre chose. Quand une démocratie rougit
de
ses vertus, sur quelle force peut-elle compter ? Et quand l’élite d’u
1686
quelle force peut-elle compter ? Et quand l’élite
d’
une société n’attache plus que du ridicule aux disciplines qui l’ont f
1687
musent le plus grand nombre et rapportent le plus
d’
argent, quand elle rend un culte à des stars d’une intolérable sottise
1688
us d’argent, quand elle rend un culte à des stars
d’
une intolérable sottise, quand tout cela paraît naturel, et le contrai
1689
poser aux barbares ? La barbarie débile et bébête
de
nos foules, la démission sans élégance de nos élites, est-ce que c’es
1690
bébête de nos foules, la démission sans élégance
de
nos élites, est-ce que c’est cela qu’il faut sauver au prix de sa vie
1691
inexorable : rien au monde ne saurait l’empêcher
de
se détruire. Et si l’on tue ce qui était déjà mort, je n’y vois pas d
1692
l’on tue ce qui était déjà mort, je n’y vois pas
d’
inconvénient. Tout cela ne m’empêchera pas d’avoir confiance ! Le malh
1693
pas d’inconvénient. Tout cela ne m’empêchera pas
d’
avoir confiance ! Le malheur nous rend au sérieux. Il nous apprend à o
1694
à opposer au mal le bien, et non pas le demi-mal
de
petites perversions. Il nous rend le courage d’opposer à cet orgueil
1695
l de petites perversions. Il nous rend le courage
d’
opposer à cet orgueil prôné par les totalitaires, l’humilité et non la
1696
et non pas des calculs « réalistes » ; à la soif
de
vengeance et au ressentiment, à la grossièreté spirituelle, la justic
1697
a justice à double tranchant et l’austère rigueur
de
pensée, non pas cette hystérie sentimentale et cette panique de possé
1698
pas cette hystérie sentimentale et cette panique
de
possédants taxés. Je voudrais dire ces choses plus simplement encore,
1699
me ciel ramène un printemps pur sur les décombres
de
la vie. Je suppose une cité parvenue au dernier terme de sa corruptio
1700
ie. Je suppose une cité parvenue au dernier terme
de
sa corruption. « Je demande à tout homme qui pense de me montrer ce q
1701
a corruption. « Je demande à tout homme qui pense
de
me montrer ce qui subsiste de la vie. »20 Et je réponds : le grand or
1702
out homme qui pense de me montrer ce qui subsiste
de
la vie. »20 Et je réponds : le grand ordre de vivre, et d’assumer un
1703
ste de la vie. »20 Et je réponds : le grand ordre
de
vivre, et d’assumer un destin neuf. La vertu n’est plus ennuyeuse qua
1704
. »20 Et je réponds : le grand ordre de vivre, et
d’
assumer un destin neuf. La vertu n’est plus ennuyeuse quand les vertue
1705
relles où nous nous attardions. Il ne s’agit plus
de
leur morale qui mourut sur la défensive, et qu’ils ont si mal défendu
1706
qu’ils ont si mal défendue, il s’agit simplement
de
la grandeur que nous saurons imaginer, et d’une vision nouvelle de la
1707
ment de la grandeur que nous saurons imaginer, et
d’
une vision nouvelle de la force. Assis sur nos ruines, j’esquisse… Je
1708
e nous saurons imaginer, et d’une vision nouvelle
de
la force. Assis sur nos ruines, j’esquisse… Je me plais à inscrire ce
1709
plus beau jeu ! Je me plais à copier des phrases
de
ce ton : « L’égoïsme a aussi sa niaiserie, il n’est pas moins ignoran
1710
. » « Pour connaître les hommes, il ne suffit pas
de
les mépriser. »21 « Les personnes faibles ne peuvent être sincères. »
1711
faibles ne peuvent être sincères. »22 Et je rêve
d’
une anthologie de ces maximes d’une virtu sans jactance… J’imagine que
1712
nt être sincères. »22 Et je rêve d’une anthologie
de
ces maximes d’une virtu sans jactance… J’imagine que l’humilité passe
1713
s. »22 Et je rêve d’une anthologie de ces maximes
d’
une virtu sans jactance… J’imagine que l’humilité passe à travers les
1714
J’imagine que l’humilité passe à travers les murs
de
la cellule que bâtissaient nos craintes et nos vanités faibles, et qu
1715
es et nos vanités faibles, et qu’elle nous permet
d’
être libres comme ceux qui n’ont plus rien à perdre. Je pense à cette
1716
le pécheur, puisqu’il réveille en lui le courage
de
l’amour. Je pense que le malheur nous rendra sobres, et que l’empire
1717
aciturnes par l’éducation du danger et la coutume
de
la mort, plus absurde et plus simple que jamais. J’élève ces vertus d
1718
e ces vertus devant mes yeux non comme une utopie
de
lendemains meilleurs, car l’Ecclésiaste avait raison, « les hommes ne
1719
que l’époque nous rappelle, je vois notre chance
de
grandeur : elle nous rend à la réalité. Les vraies vertus ne vont pas
1720
s ne vont pas à un happy ending, mais à la gloire
de
la Vérité. J’imagine, je ne rêve pas : je me prépare à marcher. Je se
1721
jà ce livre, et les quelques accords que je viens
d’
essayer me donnent le ton d’une harmonie nouvelle, d’un style de vie p
1722
accords que je viens d’essayer me donnent le ton
d’
une harmonie nouvelle, d’un style de vie plus dur et plus joyeux… J’ap
1723
ssayer me donnent le ton d’une harmonie nouvelle,
d’
un style de vie plus dur et plus joyeux… J’appelle et je pressens — c’
1724
onnent le ton d’une harmonie nouvelle, d’un style
de
vie plus dur et plus joyeux… J’appelle et je pressens — c’est une phr
1725
yeux… J’appelle et je pressens — c’est une phrase
de
Poe qui depuis quelque temps me fascine — « une certaine énergie calm
1726
et indomptable, telle que nous pouvons l’imaginer
d’
un large fleuve d’or fondu »… O da quod jubes, domine !23 50. Le
1727
lle que nous pouvons l’imaginer d’un large fleuve
d’
or fondu »… O da quod jubes, domine !23 50. Le Bleu du Ciel Ec
1728
la vertu et la splendeur. Je lui oppose les gages
d’
une confiance que n’atteindra jamais sa ruse. Je lui oppose les hiérar
1729
dra jamais sa ruse. Je lui oppose les hiérarchies
de
l’Ordre : l’ordre céleste et le cri de guerre de l’Ange blanc, l’ordr
1730
iérarchies de l’Ordre : l’ordre céleste et le cri
de
guerre de l’Ange blanc, l’ordre intérieur de la sainteté, l’ordre cos
1731
de l’Ordre : l’ordre céleste et le cri de guerre
de
l’Ange blanc, l’ordre intérieur de la sainteté, l’ordre cosmique et s
1732
cri de guerre de l’Ange blanc, l’ordre intérieur
de
la sainteté, l’ordre cosmique et son discours immense, l’ordre des lo
1733
se, l’ordre des lois jurées dans la cité, l’ordre
de
la parole et l’ordre des vertus. Je lui oppose l’Esprit, l’Eau et le
1734
le Pain et le Vin. Je lui oppose aussi les œuvres
d’
hommes où sa part a été consumée. Je lui oppose le bleu du ciel. Le bl
1735
Le bleu des ciels que j’ai aimés. Le bleu du ciel
de
l’Île-de-France, la douceur de l’art et des âges, et le sourire d’une
1736
s. Le bleu du ciel de l’Île-de-France, la douceur
de
l’art et des âges, et le sourire d’une femme à l’amour fidèle et gai.
1737
e, la douceur de l’art et des âges, et le sourire
d’
une femme à l’amour fidèle et gai. Le bleu du ciel de Manhattan, fusan
1738
ne femme à l’amour fidèle et gai. Le bleu du ciel
de
Manhattan, fusant comme une inexorable joie entre les verticalités ar
1739
des gratte-ciel. Le bleu du ciel des Alpes moiré
d’
éclatante noirceur, à midi, sur la tranche des glaciers. Que ces image
1740
e du malheur ; et qu’elles réfutent les sophismes
de
l’Abîme comme une aube d’été évapore les brumes ! On dit que le démon
1741
réfutent les sophismes de l’Abîme comme une aube
d’
été évapore les brumes ! On dit que le démon aime l’heure de minuit. A
1742
ore les brumes ! On dit que le démon aime l’heure
de
minuit. Ah ! tournons-nous, le visage levé, vers le symbole universel
1743
s-nous, le visage levé, vers le symbole universel
de
la rigueur et de la paix profonde du pardon, et baignons un regard au
1744
levé, vers le symbole universel de la rigueur et
de
la paix profonde du pardon, et baignons un regard aux étendues de pur
1745
nde du pardon, et baignons un regard aux étendues
de
pureté ardente et dure du bleu du ciel au cœur du jour ! 14. Prove
1746
une virile clairvoyance, c’est la vraie guérison
de
nos fameux « complexes de culpabilité ». 16. Daniel Defoe. 17. Je p
1747
c’est la vraie guérison de nos fameux « complexes
de
culpabilité ». 16. Daniel Defoe. 17. Je prends le mot prochain au s
1748
in. — Qui est mon prochain ? — Celui qui a besoin
de
ton aide, ou celui qui t’en donne. Ce peut être n’importe quel homme,
1749
st plus que mensonge dirigé. 19. Je ne parle pas
de
l’immoralité, j’ignore si elle était plus grande qu’en d’autres temps
1750
eulement qu’on n’avait même plus « l’hypocrisie »
de
la condamner comme telle. 20. Baudelaire encore, en plein xixe sièc