1 1944, Les Personnes du drame. Note de l’auteur
1 Note de l’auteur Ce livre allait être mis sous presse en mai 1940, lorsque se déclencha la bataille de Fran
2 Amérique. Plusieurs des chapitres de ce livre ont été publiés en première version par les revues suivantes : Nouvelle Revu
3 et Vie , Esprit , La Revue de Paris . Tous ont été remaniés et souvent notablement augmentés pour cette édition. Le prem
4 . Si je me décide à les publier aujourd’hui, ce n’ est point que je ne me sois éloigné de certains des auteurs dont je m’ins
5 publier aujourd’hui, ce n’est point que je ne me sois éloigné de certains des auteurs dont je m’inspirais alors — comme on
6 es yeux, m’apparaît plus valable que jamais. Elle est le vrai sujet de ce livre — comme de tous ceux que j’ai signés jusqu’
2 1944, Les Personnes du drame. Introduction
7 qui cherche un homme et ne trouve qu’un auteur : est -il déçu par l’homme ou par l’auteur ? Il est déçu par la relation de
8 ur : est-il déçu par l’homme ou par l’auteur ? Il est déçu par la relation de l’un à l’autre. Par l’homme insuffisant qui s
9 général vaut moins qu’un homme en général ; qu’il est , dans l’homme, la part de l’artifice et des apparences trompeuses. Ma
10 t des apparences trompeuses. Mais au fait, rien n’ est moins trompeur qu’une apparence concertée ; rien n’avoue mieux l’homm
11 hentique, c’est-à-dire la combinaison de ce qu’il est et de ce qu’il se veut. L’homme sans son œuvre n’est pas vrai, de mêm
12 et de ce qu’il se veut. L’homme sans son œuvre n’ est pas vrai, de même que l’œuvre sans son homme reste un beau piège à ps
13 e et réciproquement. » Comment pourrait-on voir l’ être d’un homme hors de ses manifestations ? Si donc je m’intéresse à ce q
14 manifestations ? Si donc je m’intéresse à ce qui est vrai dans l’homme, c’est dans son œuvre qu’il me faut le chercher. Ca
15 œuvre qu’il me faut le chercher. Car toute œuvre est le témoignage d’un drame entre l’homme et lui-même, elle est ce drame
16 ignage d’un drame entre l’homme et lui-même, elle est ce drame, rendu visible, et c’est dans le drame qu’existe la vérité t
17 est dans le drame qu’existe la vérité totale d’un être . Dans ce témoignage des formes, chercher l’homme, c’est tenter de sur
18 ne. Voir des formes, épouser des rythmes — qu’ils soient de verbe ou de pensée — c’est percevoir les résultats momentanés et m
19 ngibles restent, par là même, équivoques. Et cela tient à la nature de la personne qui s’y révèle. ⁂ S’il est vrai que la per
20 à la nature de la personne qui s’y révèle. ⁂ S’il est vrai que la personne pure consiste dans la pure coïncidence d’une voc
21 aturelles vers des fins révélées par l’Esprit, il est bien clair que la personne, pure ou impure, ne sera jamais visible en
22 st bien clair que la personne, pure ou impure, ne sera jamais visible en soi. Car des protagonistes de ce drame, l’un seulem
23 s notre sens : c’est l’individu naturel. Encore n’ est -il guère isolable de cette œuvre où l’« autre » l’engage. Finalement
24 , c’est-à-dire le champ clos de la lutte. Nous ne serions assurés de voir la personne intégrale dans ses actes, que si nous éti
25 la personne intégrale dans ses actes, que si nous étions assurés d’une parfaite identité entre les gestes de l’individu et les
26 s et des coups bas. Toutes les personnes humaines sont équivoques, inadéquates et dramatiques. Mais alors la personne absolu
27 et dramatiques. Mais alors la personne absolue ne serait -elle qu’un mythe, une nostalgie, une extrapolation présomptueuse, ou
28 e d’incarner sans le moindre défaut la Parole qui était sa vraie vie, sa vocation, sa fin dernière ? Jésus-Christ est cet Hom
29 vie, sa vocation, sa fin dernière ? Jésus-Christ est cet Homme, et c’est pourquoi sa réalité historique, telle que l’attes
30 à ses apôtres : « Et vous, qui dites-vous que je suis  ? » Simon Pierre répondit : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant
31 vous que je suis ? » Simon Pierre répondit : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ». Jésus, reprenant la parole lui d
32 vant ». Jésus, reprenant la parole lui dit : « Tu es heureux, Simon, fils de Jonas, car ce ne sont pas la chair ni le sang
33 « Tu es heureux, Simon, fils de Jonas, car ce ne sont pas la chair ni le sang qui t’ont révélé cela, mais c’est mon Père qu
34 ng qui t’ont révélé cela, mais c’est mon Père qui est dans les cieux. » (Matt. XVI, 15-17) De même que la foi seule peut re
35 meure « cachée avec le Christ en Dieu » — et ce n’ est qu’aux yeux de la foi que certains de nos actes apparaissent comme at
36 os propres yeux un mystère et une promesse, qu’en sera-t -il aux yeux d’autrui ? Et de quel droit prétendrons-nous discerner da
37 de la personne, je m’attache à des écrivains. Il est clair qu’ils ne détiennent pas un privilège particulier, mais ils ont
38 onnais bien les règles de ce jeu, ses difficultés sont les miennes. Je puis donc essayer quelques-uns de leurs coups, les pl
39 , les plus faciles parmi ceux qu’ils m’indiquent. Serait -ce assez pour les juger ? Qu’ils aient gagné ou perdu leur partie, il
40 Qu’ils aient gagné ou perdu leur partie, ils ont été plus loin que je n’irai jamais : c’était leur jeu, et leur enjeu vita
41 aît l’Esprit, mais certains signes matériels nous serons toujours nécessaires pour fortifier et pour nourrir ses intuitions. A
42 ans un individu « figure » la synthèse en un seul être , en un seul acte, en une seule œuvre, de deux natures distinctes ou m
43 sion a pu produire les formes qu’on y observe. Ce sont moins les idées qui m’intéressent, que le drame qu’institue chez un h
44 le provoque à se dépasser, et manifeste ainsi son être véritable, l’intention de son existence. La magie et le germanisme su
45 ce terme) par une volonté d’agir dont la victoire est attestée dans Faust, — c’est cela que j’appelle Goethe. L’opposition
46 que dans le fait irrécusable d’un martyre. Telle fut la vocation de Kierkegaard. L’angoisse devant une culpabilité qui lui
47 visage de Ramuz. C’est proprement, sa « raison d’ être  ». Ces cinq figures sont disparates, non seulement dans leurs apparen
48 roprement, sa « raison d’être ». Ces cinq figures sont disparates, non seulement dans leurs apparences. Et leurs rencontres
49 . Et leurs rencontres dans ces pages ne sauraient être justifiées qu’à titre, si j’ose dire, de métaphores critiques, par là
50 icatives du vrai sujet de cet ouvrage : « L’homme étant donné, dit Claudel, pour inventer une raison commune à des termes inf
51 mmes de chambre et ramoneurs. À mon sens le mot n’ est pas seulement spirituel, il est profond, et il faut un grand talent s
52 mon sens le mot n’est pas seulement spirituel, il est profond, et il faut un grand talent spéculatif pour donner une meille
53 pas idéalement son objet, n’importe laquelle lui est en tous points préférable, parce qu’elle a l’avantage de mettre l’ima
54 n mouvement. » Voilà bien le seul avantage que je sois raisonnablement en droit d’attendre de la publication d’un tel recuei
55 t cependant, il me semble, après coup, que tout n’ est pas fortuit dans mon sommaire. Parmi les écrivains dont la pensée a t
56 s théories, non par leur style, indifférent. Tels sont Hegel, Marx ou Sorel. Au contraire, un Pascal, un Kierkegaard, un Rim
57 Et c’est l’une des raisons de mon choix. L’autre est , que tel un chevalier du Temple, je ne me suis accordé le droit de ch
58 tre est, que tel un chevalier du Temple, je ne me suis accordé le droit de chasser qu’un gibier léonin. Sans oublier d’aille
59 r à la chasse quand, bien souvent, c’est nous qui sommes chassés ! ⁂ Et ceci sera plutôt une manière de postface : je n’ai pas
60 ouvent, c’est nous qui sommes chassés ! ⁂ Et ceci sera plutôt une manière de postface : je n’ai pas fait de la critique dans
61 et ouvrage, mais des exercices spirituels. Qu’ils soient d’un accès difficile appartient à la loi du genre. Que leur ton soit
62 ficile appartient à la loi du genre. Que leur ton soit parfois tendu appartient à la nature même du sujet que j’ai embrassé 
63 itiation au drame dont, maintenant c’est à nous d’ être les personnes. Incipit tragœdia ! Août 1939 1. Rudolf Kassner : Les
3 1944, Les Personnes du drame. I. Sagesse et folie de la personne — 1. Le silence de Goethe
64 t Goethe, ne reconnaît et n’apprécie que ce qu’il est lui-même en état de faire. » Telle est la cause du malentendu que sou
65 e ce qu’il est lui-même en état de faire. » Telle est la cause du malentendu que soulèvera toujours l’exemple de cette vie.
66 avent pas voir dans la sagesse faustienne qu’elle est surtout une défense contre le Démon révolté et la Magie latente ; et
67 ient, et la magie chez ceux qui vaticinent, ayant été moins loin que Goethe dans la domination des mystères. Ainsi se récla
68 son « activité littéraire ». Ces deux expériences seraient antithétiques si elles étaient superposables, ce qui n’est pas même l
69 deux expériences seraient antithétiques si elles étaient superposables, ce qui n’est pas même le cas. Du point de vue littérai
70 hétiques si elles étaient superposables, ce qui n’ est pas même le cas. Du point de vue littéraire, la confrontation serait
71 cas. Du point de vue littéraire, la confrontation serait absurde, j’en conviens. Mais notre optique n’est-elle point faussée p
72 rait absurde, j’en conviens. Mais notre optique n’ est -elle point faussée par un état d’esprit qui voudrait que l’on considè
73 te qu’ils s’opposent le plus. Pourtant Rimbaud ne fut jamais un écrivain, ne se soucia jamais de l’être. Et Goethe ne fut q
74 fut jamais un écrivain, ne se soucia jamais de l’ être . Et Goethe ne fut qu’entre autres choses un écrivain. Ce n’est donc p
75 vain, ne se soucia jamais de l’être. Et Goethe ne fut qu’entre autres choses un écrivain. Ce n’est donc pas l’aspect littér
76 e ne fut qu’entre autres choses un écrivain. Ce n’ est donc pas l’aspect littéraire de ces expériences qui doit conditionner
77 i doit conditionner notre vision. Non point qu’il soit un seul instant négligeable, s’agissant de deux êtres que l’on connaî
78 t un seul instant négligeable, s’agissant de deux êtres que l’on connaît par leurs écrits d’abord. Mais pour en tenir un just
79 on connaît par leurs écrits d’abord. Mais pour en tenir un juste compte, il s’agit de le subordonner au problème personnel de
80 oppèrent leurs manifestations, — à quoi l’on ne s’ est point privé d’ajouter quelques tomes depuis. Il convient de marquer t
81 d’alchimie. Coquetteries, a-t-on dit, — mais il n’ est point de sentiments intermédiaires qui ne conduisent réellement vers
82 et bien dans son évolution une de ces crises où l’ être spirituel découvre sa forme véritable. Si, comme chez Goethe, c’est u
83 hasard » l’a-t-il donc provoquée chez Goethe ? Il est un fait de sa jeunesse dont on ne saurait exagérer l’importance à la
84 édèrent de très peu une grave maladie, dont il ne fut sauvé que par l’intervention d’un médecin qui se donnait pour alchimi
85 comprendre, éprouver jusqu’à la souffrance — qui est la « substance » — à quel point le renoncement à la magie spéculative
86 uel point le renoncement à la magie spéculative n’ est , en fait, qu’un accomplissement de la magie réelle, le plus difficile
87 le seul humainement fécond. Car un tel silence n’ est pas absence de mots. Il est encore chez Goethe une activité, et même
88 Car un tel silence n’est pas absence de mots. Il est encore chez Goethe une activité, et même à double effet. Quoi de plus
89 peu plus d’humilité, c’est-à-dire le réel désir d’ être « utile », et c’est le juste point : les Affinités. L’alternance des
90 sa passion au sein d’une interminable patience. N’ est -ce point ce tréfonds dont parle Jacob Boehme, et qui « contient l’élé
91 me, et qui « contient l’élément pur, mais aussi l’ être sombre dans le mystère de la fureur » ? ⁂ Cette complexe dialectique
92 ctement, œuvre à tel point autobiographique qu’il fut tenté d’incorporer le plan de certains actes à Vérité et Poésie. Le d
93 ’esprit de Faust béant sur le vide : « Moi qui me suis cru plus grand que le Chérubin… qui pensais en créant pouvoir jouir d
94 e reprend au seuil de la mort. Mais la vie ne lui sera plus qu’un profond renoncement ; même si la passion l’occupe un temps
95 veau Jour et contemple l’indescriptible. Si Faust est le drame d’une formidable patience sans cesse remise en question, la
96 sans cesse remise en question, la Saison en Enfer est le drame d’une pureté avide, et son destin se joue d’un coup. La gran
97 n destin se joue d’un coup. La grandeur de Goethe est d’avoir su vieillir, celle de Rimbaud de s’y être refusé. Transporte
98 est d’avoir su vieillir, celle de Rimbaud de s’y être refusé. Transportez la dialectique faustienne dans la vie d’un être
99 portez la dialectique faustienne dans la vie d’un être jeune, et libre encore de toute contrainte sociale et culturelle : le
100 e se purifiera jusqu’au mythe. La donnée initiale est bien la même : c’est l’attrait d’une vision qui transcende la vie méd
101 de sa folie. Mais l’irruption de cette « magie » est si violente qu’elle a certainement angoissé l’enfant : n’est-ce point
102 ente qu’elle a certainement angoissé l’enfant : n’ est -ce point pour se défendre qu’il parle si fort, qu’il vante ses pouvoi
103 e pas de telles puissances impunément. « Ma santé fut menacée. La terreur venait… J’étais mûr pour le trépas… » Alors paraî
104 ent. « Ma santé fut menacée. La terreur venait… J’ étais mûr pour le trépas… » Alors paraît le doute, entraînant la conscience
105 ence. « Je vois que mes malaises viennent de ne m’ être pas figuré assez tôt que nous sommes à l’Occident. ». L’Occident, c’e
106 ennent de ne m’être pas figuré assez tôt que nous sommes à l’Occident. ». L’Occident, c’est l’esprit incarné. L’incarnation en
107 égoûtant, mais comment échapper ? L’hallucination est tombée, faisant place à une stupeur désolée. « Je ne sais plus parler
108 Je ne sais plus parler. » Le renoncement dès lors est fatal. « Moi ! moi qui me suis dit mage ou ange, dispensé de toute mo
109 enoncement dès lors est fatal. « Moi ! moi qui me suis dit mage ou ange, dispensé de toute morale, je suis rendu pu sol, ave
110 is dit mage ou ange, dispensé de toute morale, je suis rendu pu sol, avec un devoir à chercher et la réalité rugueuse à étre
111 reindre. » C’est le cri même de Faust ! « Il faut être absolument moderne. » Travailler. Se donner à l’instant, à cette heur
112 cs. Mourir obsédé par ce travail. Ainsi cette vie est bien d’un seul tenant ; une seule et unique expérience la remplit : l
113 t au renoncement et à l’action. Le second Rimbaud est vraiment le même que le premier, dans une phase plus « réalisée ». L’
114 dans une phase plus « réalisée ». L’homme moderne est peu fait pour comprendre cela, de même qu’il est peu fait pour la gra
115 est peu fait pour comprendre cela, de même qu’il est peu fait pour la grandeur et la pureté, et pour des paroles comme : «
116 rrache-le et jette-le loin de toi ». Mais Rimbaud est d’une autre trempe : il a déjà prouvé en écrivant les Illuminations q
117 de faux pour en créer un autre. Sa vie en Afrique est un second renoncement. Nous aurions, nous, combiné tout cela avec un
118 n compte-rendu littéraire de l’aventure… Car il n’ est pas donné à beaucoup d’hommes de devenir un mythe à force de pureté d
119 ureté dans la réalisation de leur destin. Rimbaud est notre mythe occidental : mythe faustien. Il a vécu tragiquement la te
120 « magie »6 qui fonde notre éthique, et ce dilemme est peut-être le plus important qui se pose à l’esprit occidental, dès qu
121 ntradictions essentielles, en signe de croix, qui sont la marque même de la réalité dans une conscience occidentale. Supprim
122 le tragique s’évanouit. Que ce mythe dialectique soit profondément constitutif de notre être, l’extension et la diversité d
123 ialectique soit profondément constitutif de notre être , l’extension et la diversité de ses aspects le suggèrent. C’est l’opp
124 -delà mystique et de l’immédiat éthique. Et quels sont les plus grands Occidentaux ? Ceux qui ont incarné le choix le plus a
125 nstants de son accession au monde spirituel, il s’ est mis en état de défense et de lenteur. Il avance ainsi pas à pas, l’âm
126 sage officiel parmi les philistins. Le somnambule est désormais protégé par une cotte d’invisible silence. Vous pouvez lui
127 Et le passage fameux de la Saison : « Moi qui me suis dit mage ou ange… » ne rappelle-t-il pas étrangement ces vers du prem
128 s du premier Faust cités plus haut : « Moi qui me suis cru plus grand que le Chérubin… » « Point de cantiques : tenir le pas
129 s grand que le Chérubin… » « Point de cantiques : tenir le pas gagné… la réalité rugueuse à étreindre… » Certes, les sentence
130 lus lucide héroïsme : « Et allons ! » Goethe seul est allé jusqu’à la délivrance consciente. Il y a dans tout désespoir à l
131 Et cette fameuse sérénité de sa vieillesse, ce n’ est rien d’autre, peut-être, que le triomphe de l’élément libérateur du d
132 espoir. La longue peine de celui « qui toujours s’ est efforcé » a purifié le corps, et l’âme est prête à recevoir « l’amour
133 ours s’est efforcé » a purifié le corps, et l’âme est prête à recevoir « l’amour d’en haut ». Car telle est le yoga occiden
134 prête à recevoir « l’amour d’en haut ». Car telle est le yoga occidentale, dont le Second Faust restera comme le livre sacr
135 a définition même d’un tel yoga. Tout savoir doit être confirmé par un faire, qui le tait et l’exprime à la fois. Le faire d
136 l’exprime à la fois. Le faire de Rimbaud ne peut être la littérature, puisque écrire signifiait pour lui révéler le surréel
137 ans trop de paradoxe que la littérature de Goethe est un des moyens de silence dont il dispose. Ni plus ni moins que l’étud
138 tion comme purement symboliques, et au fond, il m’ est assez indifférent d’avoir fait des pots ou des assiettes. 7 » Si tout
139 tion d’Iphigénie ou des Ballades, c’est que l’art est pour lui la tentation la plus aiguë de jouer avec les mystères, et pa
140 « Un fait de notre vie ne vaut pas en tant qu’il est vrai, mais en tant qu’il signifie quelque chose 8 … Il est bien rare
141 mais en tant qu’il signifie quelque chose 8 … Il est bien rare que l’on soit apte à s’agréger ce qui est supérieur. C’est
142 nifie quelque chose 8 … Il est bien rare que l’on soit apte à s’agréger ce qui est supérieur. C’est pourquoi l’on fait bien,
143 t bien rare que l’on soit apte à s’agréger ce qui est supérieur. C’est pourquoi l’on fait bien, dans la vie ordinaire, de g
144 ir que juste ce qu’il faut pour qu’elles puissent être de quelque avantage aux autres 9 … L’homme n’est pas né pour résoudre
145 être de quelque avantage aux autres 9 … L’homme n’ est pas né pour résoudre le problème de l’univers, mais bien pour recherc
146 Mais un homme supérieur, qui a déjà conscience d’ être quelque chose ici-bas, et qui par conséquent doit tous les jours trav
147 r, laisse en paix le monde futur et se contente d’ être actif et utile en celui-ci. 11 » À quoi nous saurons opposer cette co
148 oférer les plus hautes maximes qu’autant qu’elles sont utiles pour le bien du monde. Les autres nous devons les garder pour
149 s autres nous devons les garder pour nous ; elles seront toujours là pour diffuser leur éclat sur tout ce que nous ferons, com
150 Illuminations naissent d’une telle rupture. Elles sont le champ même13 où Rimbaud se livre à l’expérience spirituelle, où il
151 à mains » — rage de revanche — par son excès même est encore une évasion hors du réel. En cela il est romantique, comme tou
152 e est encore une évasion hors du réel. En cela il est romantique, comme tous ceux que leur violence ou leur faiblesse préci
153 (puisque le christianisme affirme que l’éternité est dans l’instant : Æternitas non est temporis successio sine fine, sed
154 que l’éternité est dans l’instant : Æternitas non est temporis successio sine fine, sed nunc stans 14). Elle veut cette vie
155 Elle veut cette vie-ci. Et tout le reste, qu’elle soit marxiste ou nietzschéenne, elle l’appelle « l’arrière-monde » et le r
156 ’est-à-dire qu’il n’en a pas le droit. Celtes, il est d’autres recours, d’autres points de vision qu’humains. La révélation
157 e fidélité peut-être orgueilleuse, puisque Goethe tenait ses faiblesses pour des erreurs, non pour le péché, et d’autre part u
158 é avec la même violence, — cette violence dont il est écrit qu’elle force les portes du Royaume des Cieux… Il reste que les
159 ncfort en proie au Carnaval et à l’angoisse, ce n’ est pas moi qui pose la question : elle m’assiège. Le dernier carnaval, p
160 volontairement assourdie. Le silence de Goethe n’ est pas moins dangereux, pour qui sait l’entendre, que l’imprécation de R
161 e : à l’actualisation de notre réalité. « Il faut être absolument moderne. » 2. Rimbaud a-t-il lu Goethe ? En mai 1873, il
162 chemin, Oublier tout de ses enchantements. Je ne serais . Nature ! devant toi rien qu’un homme. Alors il vaudrait bien la pein
163 en qu’un homme. Alors il vaudrait bien la peine d’ être humain. 5. Celui qui toujours fait effort. Celui-là nous pouvons l
164 nd Paralipomena. 15. La révolution hitlérienne s’ est accomplie en février 1933. (Note de 1944.)
4 1944, Les Personnes du drame. I. Sagesse et folie de la personne — 2. Goethe médiateur
165 tension entre plusieurs éléments mesurables. Il n’ est pas de grandeur perceptible, là où n’existent pas de mesures. Mais où
166 sinon en lui-même, je veux dire entre ce qui lui fut donné et ce qu’il sut tirer de ces données ? Car Goethe est en ceci u
167 et ce qu’il sut tirer de ces données ? Car Goethe est en ceci un homme moderne, que ses mesures sont en lui-même et non pas
168 the est en ceci un homme moderne, que ses mesures sont en lui-même et non pas dans un ordre extérieur qui lui assignerait un
169 homme antique remplit une fonction, et son destin est inscrit dans les astres ; mais l’homme moderne crée son destin dans l
170 me moderne crée son destin dans l’inconnu. Goethe est grand par le rapport, pour nous visible, de sa vie et de son œuvre se
171 diose de la croissance d’un chêne géant. Tout ici est organe, tout est nature. Et Goethe l’a su. Mais quand nous contemplon
172 sance d’un chêne géant. Tout ici est organe, tout est nature. Et Goethe l’a su. Mais quand nous contemplons de loin cet arb
173 Constater que les données initiales, chez Goethe, sont allemandes, peut paraître une lapalissade. Rappelons cependant les co
174 teste mérité le qualificatif d’allemande. Or s’il est vrai que Goethe ait suivi sa pente, il se trouve que, selon le mot de
175 u’il a jugulé démon, magie et titanisme, et qu’il est devenu classique, faut-il conclure qu’il n’est plus allemand ? Distin
176 il est devenu classique, faut-il conclure qu’il n’ est plus allemand ? Distinguons ici entre les résultats de l’effort goeth
177 ltats de l’effort goethéen et cet effort même. Il est facile de montrer ce qui, dans l’œuvre écrite de Goethe, n’est pas ty
178 montrer ce qui, dans l’œuvre écrite de Goethe, n’ est pas typiquement allemand, et peut être directement assimilable pour u
179 e Goethe, n’est pas typiquement allemand, et peut être directement assimilable pour un latin par exemple. Mais la nature spé
180 sa grandeur propres, comment ne pas voir qu’elle est proprement allemande, même si, par son triomphe, elle conduit Goethe
181 même si, par son triomphe, elle conduit Goethe à être plus qu’allemand. En regard du Goethe de la vingt-sixième année, du G
182 Il a choisi. Il veut durer, il veut guérir. Et ce sont ces dix années de silence et de repli, si émouvantes, si pures, c’est
183 même de la cure à laquelle il se soumet se trouve être difficilement traduisible en français. Nous touchons ici à la constan
184 nte nationale la moins discutable, le langage. Il serait très insuffisant de dire que le remède que Goethe s’applique est l’ac
185 isant de dire que le remède que Goethe s’applique est l’action. Nous sommes obligés, si nous voulons éviter tout malentendu
186 e remède que Goethe s’applique est l’action. Nous sommes obligés, si nous voulons éviter tout malentendu, de recourir, pour ca
187 figurait à l’origine une valeur irréductible, tel est le mouvement goethéen par excellence. Mais cette formule risque de re
188 usceptible d’application vivante : la magie16. Ce serait ici le lieu de rappeler les influences subies avant et après sa vingt
189 it que la grave maladie dont il souffrit à 18 ans fut guérie par un médecin de Francfort qui se vantait de connaître les re
190 ait de connaître les remèdes des alchimistes. Tel est peut-être l’Erlebnis qui fonde chez Goethe une conception qu’on dirai
191 r. C’est bien plutôt pour lui un problème moral : étant donné que la magie existe, qu’il existe une connaissance secrète et d
192 ais, pour Goethe jamais la solution de principe n’ est une solution réelle, existentielle. Tout le Faust va montrer que la v
193 rincipalement elle devait agir au Moyen Âge. Ce n’ est plus pour lui un truc qui opère d’une façon tout extérieure et impers
194 cependant : ces préceptes d’allure si bourgeoise sont dirigés d’abord contre Goethe lui-même, contre son démonisme ; ils co
195 uve son antidote dans une magie dominée. La magie est ainsi, pour Goethe, un remède dont il doit arriver à se délivrer. Per
196 pteur, meurt dans le renoncement total, qu’il lui est enfin donné de voir, de contempler, de se reposer dans le savoir pur.
197 de se reposer dans le savoir pur. Le Second Faust est un anti-Goethe — ou mieux : c’est la « personne » de Goethe triomphan
198 de Goethe triomphant de son « individu ». ⁂ Telle est la sagesse de Faust : nous n’avons pas besoin d’autres révélations qu
199 t qui jamais ne renie rien de ce qu’il y a dans l’ être d’irréductiblement original ; sagesse dont l’opération magistrale con
200 de tous les jours, les seules valeurs réelles qui sont , à l’origine, différence essentielle, secret incomparable. On compren
201 gne cette grandeur particulière de Goethe ne peut être éprouvée avec plus de reconnaissance, nulle part elle ne peut être au
202 c plus de reconnaissance, nulle part elle ne peut être aussi tonique. Mais il y a plus. Parce que Goethe est un « Allemand s
203 aussi tonique. Mais il y a plus. Parce que Goethe est un « Allemand surmonté » si j’ose dire — et à la manière allemande —,
204 à la fois la valeur et la paix. Mais la médiation est l’office de la seule grandeur. C’est parce que Goethe est grand — et
205 fice de la seule grandeur. C’est parce que Goethe est grand — et nous venons de dire de quelle grandeur, nationale en son o
206 — qu’il vaut pour nous aussi. C’est parce qu’il a été grand qu’une certaine unité allemande a pu se faire sur son nom — et
207 valeur internationale. Si une telle affirmation n’ était réellement qu’un truisme de nos jours, le problème international se p
208 evant l’opinion publique. La paix par les peuples est un leurre, une formule de journalistes. L’office des peuples modernes
209 tant qu’ils se connaissent distincts, paraît bien être de se haïr. L’office des élites est au contraire de se comprendre en
210 paraît bien être de se haïr. L’office des élites est au contraire de se comprendre en tant que distinctes, c’est-à-dire en
211 issance — entre magie et astrologie. L’astrologie est la connaissance occulte des lois du monde ; la magie est la science d
212 connaissance occulte des lois du monde ; la magie est la science de l’action sur les choses. 17. Sur tous les sommets rési
213 mets réside la paix. 18. « Les haines nationales sont des vices de populace », disait Goethe. Je n’oublie pas, d’ailleurs,
214 choses politiques, William Martin : « Les masses seraient volontiers internationalistes ; ce sont les élites qui sont nationali
215 asses seraient volontiers internationalistes ; ce sont les élites qui sont nationalistes. » L’observation me paraît juste en
216 tiers internationalistes ; ce sont les élites qui sont nationalistes. » L’observation me paraît juste en ce sens : que ce so
217 L’observation me paraît juste en ce sens : que ce sont toujours les élites qui ont pris conscience des valeurs nationales en
218 rs nationales en voyageant, en comparant. Mais il est clair que si ces élites adoptent ensuite les passions des masses (cré
5 1944, Les Personnes du drame. I. Sagesse et folie de la personne — 3. Kierkegaard
219 ns ajouter dix-huit volumes de papiers posthumes, fut composée en l’espace de douze années. Le père de Kierkegaard avait pa
220 ne du Jutland. Un jour, accablé par la misère, il était monté sur un tertre et il avait maudit le Dieu tout-puissant qui le l
221 a vie, et la révélation qu’en eut plus tard Søren fut décisive pour tout son développement religieux. Mais le défi jeté à D
222 il l’avait donc dilapidé, surtout en dons. Sa vie était très simple. Il travaillait une grande partie de la nuit. Georg Brand
223 sa légende « d’original ». On savait aussi qu’il était le meilleur écrivain de son pays. Sa première œuvre eut un immense su
224 s hommes ». Le seul événement extérieur de sa vie fut la rupture de ses fiançailles avec Régine Olsen. Mais l’acte qui résu
225 ut mourir certain d’avoir accompli sa mission, ce fut son attaque contre le christianisme officiel, au nom du Christ de l’É
226 avait terminé ses études de théologie, mais il ne fut jamais pasteur. Il lui arriva pourtant de prêcher, et ses sermons, ré
227 s d’édification remplissent plusieurs volumes. Ce furent les seuls écrits qu’il publia sous son nom. Tous ses ouvrages esthéti
228 nsabilité devant Dieu et devant les hommes. Ce ne fut qu’à la fin de sa vie qu’il s’offrit sans masque à la lutte contre l’
229 Nietzsche, à Dostoïevski, à Pascal. Lui-même ne s’ est jamais comparé qu’aux grands modèles apostoliques : à saint Paul, à L
230 her, mais pour se condamner. Il affirmait qu’il n’ était qu’un poète à « tendance religieuse » et non pas un « témoin de la vé
231 vangélique. « Kierkegaard — dit Rudolph Kassner — fut le dernier grand protestant. On ne peut le comparer qu’aux fondateurs
232 de lui. La question essentielle pour Kierkegaard était  : Comment deviendrai-je chrétien ? Seul, un protestant pouvait trouve
233 plus profonde et la plus originale de Kierkegaard est son Concept de l’angoisse, auquel on ne peut trouver d’analogie que c
234 hez Dostoïevski. Kierkegaard, d’ailleurs, ne peut être placé qu’à côté du poète russe. Tous deux marchent de pair, et aucun
235 e temps, qui le redécouvre après cent ans. Ce qui est sûr, c’est qu’à la différence d’un Nietzsche même, personne ne parvie
236 ant, s’aperçoivent que l’entreprise pourrait bien être mortellement compromettante. Aussi l’histoire de la pensée n’est-elle
237 t compromettante. Aussi l’histoire de la pensée n’ est -elle souvent que la chronique de ses retraites éloquentes. Très peu v
238 de sa passion et l’accomplissement de sa foi, tel fut le sort de Kierkegaard, son incommensurable grandeur. Un acharnement
239 les innombrables tentations d’une religion qui n’ est pas Dieu ; et soudain, sur son lit de mort, cette phrase ingénument p
240 se ingénument piétiste : « Je ne pense pas que ce soit mauvais, ce que j’ai dit, mais je ne l’ai dit que pour l’écarter, et
241 , vraiment « résolue » par cette mort. Le premier est de Kierkegaard : « Forcer les hommes à être attentifs et à juger, c’e
242 remier est de Kierkegaard : « Forcer les hommes à être attentifs et à juger, c’est exactement prendre le chemin du vrai mart
243 l’aide de son impuissance. Il force les hommes à être attentifs. Ah ! Dieu sait s’ils deviennent attentifs — ils le tuent.
244 rne a transcrit les déclarations du malade : « Il tient sa maladie pour mortelle. Sa mort serait nécessaire à l’action à laqu
245 de : « Il tient sa maladie pour mortelle. Sa mort serait nécessaire à l’action à laquelle il a consacré toutes ses forces spir
246 ra sa lutte religieuse, mais il craint qu’elle ne soit alors affaiblie. Au contraire sa mort donnera de la force à son attaq
247 era, pense-t-il, la victoire.21 » 1.Kierkegaard est difficile parce qu’il est simple Il est désespéré mais c’est à cau
248 re.21 » 1.Kierkegaard est difficile parce qu’il est simple Il est désespéré mais c’est à cause de la foi. Et s’il espè
249 egaard est difficile parce qu’il est simple Il est désespéré mais c’est à cause de la foi. Et s’il espère c’est « en ver
250 taire, dont nul ne trouvera l’antidote ; qu’il en soit mort, atteste ce fait capital : que la pensée de la foi peut être irr
251 te ce fait capital : que la pensée de la foi peut être irrémédiable. Tous les autres, sauf Empédocle et Nietzsche, ont refus
252 toïevski. Oui, même ceux-là. Même ces deux-là qui sont allés si loin dans la passion de l’absolu chrétien, mais seul Kierkeg
253 on de l’absolu chrétien, mais seul Kierkegaard en est mort. Une pureté presque inhumaine, voilà ce qui définit sa grandeur.
254 moins ce qu’on me rapporte, et je voudrais que ce soit vrai. Je ne vois rien de comique dans l’attitude d’un tel homme, — si
255 latant, symbolique. La supériorité d’un tel homme tient en ceci, qu’il s’est rendu capable d’exprimer toute sa vie d’un seul
256 supériorité d’un tel homme tient en ceci, qu’il s’ est rendu capable d’exprimer toute sa vie d’un seul coup. Et sa sagesse,
257 t sa sagesse, peut-être aussi son ironie secrète, est justement d’avoir choisi de confondre son être avec un jeu, bien plus
258 te, est justement d’avoir choisi de confondre son être avec un jeu, bien plus, avec ce jeu où le hasard n’a point de part, e
259 le hasard n’a point de part, et où l’échec final est l’œuvre d’une sévère réflexion. Cela suppose une vue du monde profond
260 ne propreté d’assez grand style. Cet homme doit s’ être purifié de cette espèce répugnante de « sérieux » qui s’attache à cer
261 « sérieux » qui fait qu’on les salue comme s’ils étaient quelqu’un, alors précisément qu’ils ne sont rien que le support à pei
262 ls étaient quelqu’un, alors précisément qu’ils ne sont rien que le support à peine comique d’une fonction respectable, d’une
263 rtune respectée. Mais pour notre maniaque, rien n’ est sérieux, sinon le jeu, qui est l’affaire de sa vie. Et c’est pourquoi
264 e maniaque, rien n’est sérieux, sinon le jeu, qui est l’affaire de sa vie. Et c’est pourquoi son aventure vaut la peine d’ê
265 e. Et c’est pourquoi son aventure vaut la peine d’ être méditée. Elle pourrait même définir le sérieux moral à l’état pur : l
266 tte histoire aussi réelle qu’on m’affirme qu’elle est , ni même peut-être aussi exactement typique que je la voudrais. Pourq
267 ypique que je la voudrais. Pourquoi ? Parce qu’il est impossible qu’un homme ne se pose jamais la question du but dernier d
268 du but dernier de sa vie. Il peut sembler que ce soit pourtant le cas de la plupart. En vérité, la bassesse des réponses — 
269 ence éthique n’apparaît pas médiocre. Mais s’il s’ est posé la question, il est clair que son attitude implique dès ce momen
270 as médiocre. Mais s’il s’est posé la question, il est clair que son attitude implique dès ce moment un sous-entendu extérie
271 ve23 la volonté de se consacrer au jeu d’échecs n’ est plus alors qu’un défi, qu’un sarcasme, ou pire encore, n’est plus qu’
272 ors qu’un défi, qu’un sarcasme, ou pire encore, n’ est plus qu’une évasion. L’homme ne joue pas son tout sur le mat prévisib
273 s’offrent à la même démonstration, mais celui-ci est le moins ambigu. Songeons aux grands obsédés de l’Histoire, Don Juan,
274 us ces profonds maniaques, — si près qu’ils aient été de la folie et de la souveraineté totale de leur idée, je dis qu’ils
275 ’eût pas osé comparer à l’idée, quelque chose qui fût juste assez grand pour servir de refuge, soit terrestre ou céleste, à
276 qui fût juste assez grand pour servir de refuge, soit terrestre ou céleste, à leur vie individuelle, — à leur vie contre le
277 de grandeur et de réduction du désordre ; mais ce sont des principes humains, et par là même soumis au jugement humain. Ils
278 ls échouent toujours au cœur de l’homme même. Ils sont sans force contre sa division secrète. Ce que j’ai fait, ce n’est pas
279 ontre sa division secrète. Ce que j’ai fait, ce n’ est pas moi. Je suis la différence qui subsiste indéfiniment. Je suis l’i
280 n secrète. Ce que j’ai fait, ce n’est pas moi. Je suis la différence qui subsiste indéfiniment. Je suis l’impureté de l’univ
281 suis la différence qui subsiste indéfiniment. Je suis l’impureté de l’univers que j’ai créé. La pureté du cœur, c’est voulo
282 e chose. Il faut donc, pour l’atteindre, cesser d’ être soi-même ? L’échec final de toute grandeur humaine est prévisible dès
283 oi-même ? L’échec final de toute grandeur humaine est prévisible dès l’instant où l’homme s’élance vers un destin qu’il s’e
284 nstant où l’homme s’élance vers un destin qu’il s’ est choisi, et qui est le masque de son anxiété. Mais malheur à celui qui
285 ’élance vers un destin qu’il s’est choisi, et qui est le masque de son anxiété. Mais malheur à celui qui calcule et qui ref
286 ui refuse de partir ! Le bénéfice de l’expérience est dans l’échec, non pas dans la sagesse (on touche ici les limites d’un
287 ur le sérieux et le jeu Le jeu en général peut être défini comme une activité nettement délimitée : il commence et finit
288 ne de toute part ; le sérieux ne finit jamais, il est aussi long que la vie. Et de même que la vie réelle, il ne comporte a
289 des autres. Que si l’on vient à en perdre une, il est possible ou bien de la reprendre, ou bien de changer les règles, ou e
290 e tricher. Et par un tour habituel au serpent, ce sont ces conventions, ces règles inventées, et ce découpage arbitraire, qu
291 appelons maintenant la « vie sérieuse ». Aussi n’ est -il plus guère possible de reconnaître et de séparer le sérieux et le
292 éparer le sérieux et le jeu dans nos vies, ce qui est vraiment de la personne et ce qui n’est que masque ou personnage. Un
293 s, ce qui est vraiment de la personne et ce qui n’ est que masque ou personnage. Un écrivain français, dont on admire le sty
294 tait bien vu. Mais en écrivant cela, notre auteur était -il sérieux, ou bien ne faisait-il qu’une phrase ? Ce qui est sérieux
295 eux, ou bien ne faisait-il qu’une phrase ? Ce qui est sérieux reste seul important, mais tant d’hommes font les importants,
296 tants, tant d’hommes « jouent » leur sérieux : où est la différence ? « L’apôtre Paul avait-il un emploi officiel ? — Non,
297 n, il ne gagnait en aucune manière de l’argent. —  Était -il au moins marié ? — Non, Paul n’était pas marié. — Mais alors, Paul
298 argent. — Était-il au moins marié ? — Non, Paul n’ était pas marié. — Mais alors, Paul n’était pas un homme sérieux ? — Non, P
299 Non, Paul n’était pas marié. — Mais alors, Paul n’ était pas un homme sérieux ? — Non, Paul n’était pas un homme sérieux. » Ic
300 Paul n’était pas un homme sérieux ? — Non, Paul n’ était pas un homme sérieux. » Ici paraît la dialectique du sérieux et de l’
301 Testament que le carré au cercle. L’enseignement est devenu autre… » On est chrétien jusqu’à un certain point… Or « tout j
302 au cercle. L’enseignement est devenu autre… » On est chrétien jusqu’à un certain point… Or « tout jusqu’à un certain point
303 certain point… Or « tout jusqu’à un certain point est théâtral, est une prise dans le vide, une illusion. Seul, le tout ou
304 Or « tout jusqu’à un certain point est théâtral, est une prise dans le vide, une illusion. Seul, le tout ou rien étreint r
305 l’absolu. » La situation des chrétiens qui ne le sont que le dimanche, ou dans un certain secteur délimité de leur vie, dan
306 » compatible avec la vie sociale, cette situation est celle d’un jeu, non du sérieux. « Elle ne ressemble pas plus à la sit
307 orte au temps, et qui veut gagner dans ce temps n’ est pas sérieuse : elle se limite. Kierkegaard la déconsidère par l’ironi
308 l’ironie de l’éternité. Car en effet, l’éternité est une ironie sur le temps, une ironie sous le regard de laquelle le tem
309 e nostalgie tragique. Car le « retour des temps » est en définitive une dernière fuite devant l’Éternité. La substance du s
310 . Car peut-être que l’acte de foi n’existe pas, n’ est qu’une figure de rhétorique pieuse, une illusion, un mythe, un saut d
311 as trouvé la foi, ou mieux : tant que la foi, qui est le don de Dieu, ne m’a pas trouvé et vaincu… Avoir connu cela, c’est
312 t vouloir « une seule chose ». 4.Il faut avoir été au fond des choses pour vivre dans des catégories simples Mais qu’
313 pour vivre dans des catégories simples Mais qu’ est -ce qu’aller au fond des choses ? C’est toucher les limites de notre c
314 dans une vie par l’extérieur. Entendons qu’elle n’ est pas dans les dimensions des événements, mais seulement dans la simpli
315 ers cette fonction, parce qu’on sait bien qu’elle est sans force contre les passions fondamentales. Elle les condamne pour
316 icte des lois solennelles, et le plaisir de vivre est d’y contrevenir. On se fabrique, dans la sérénité ou la souffrance, s
317 is, je vis dans la contradiction, car la vie même est une contradiction. D’une part, il y a l’éternelle vérité, et de l’aut
318 que tel, ne peut pas pénétrer, — il lui faudrait être omniscient. Le seul lien, c’est donc la foi. (Journal). 5.« Le po
319 Dieu, c’est-à-dire si l’on ne croit pas que Dieu est la forme originelle et dernière du tu, on pense que Kierkegaard est l
320 nelle et dernière du tu, on pense que Kierkegaard est l’anarchiste pur, l’individu fou, l’isolé. Mais l’homme justement n’e
321 l’individu fou, l’isolé. Mais l’homme justement n’ est plus seul à l’instant qu’il atteint le fond même de l’abîme de sa sol
322 aussi du plus grand paradoxe. Car la simplicité n’ est pas cette pauvreté qu’on croit, cette clarté cartésienne, ce deux et
323 r comble, suppose que l’homme a d’abord accepté d’ être zéro ! L’homme qui meurt devant Dieu, en tant qu’individu, renaît au
324 d’une dignité ou d’une indignité dont la mesure n’ est pas du monde, si pourtant tout se joue dans ce monde. 6.La foi n’e
325 ourtant tout se joue dans ce monde. 6.La foi n’ est pas une solution, mais la mise en question de nos problèmes Simple
326 uprême désaccord avec notre vie dans le monde. Qu’ est -ce alors que la foi ? Une exagération démesurée ? Évidemment. Pour ce
327 ent saisir ne mesure plus son acte. C’est qu’il n’ est plus différent de cet acte. Il n’est rien d’autre que cet acte, n’exi
328 ’est qu’il n’est plus différent de cet acte. Il n’ est rien d’autre que cet acte, n’existant pas hors de sa vocation. Que cr
329 qui marche dans le monde, contre le monde qui ne sera sauvé que par égard au solitaire, cet homme n’appartient plus à la fo
330 e, mais seulement à sa transformation. « Le monde est un penseur extrêmement confus qui à force d’idées ne trouve plus le t
331 mment pourrait-il avoir peur de l’idée, puisqu’il est cette idée, et cet ordre de Dieu ? Puisqu’il ne se craint plus ? Puis
332 u ? Puisqu’il ne se craint plus ? Puisque sa mort est derrière lui. Un seul donc peut être héroïque : c’est celui que la f
333 sque sa mort est derrière lui. Un seul donc peut être héroïque : c’est celui que la foi conduit dans la pureté immédiate. T
334 conduit dans la pureté immédiate. Tout le reste n’ est que défi, intempérance et désespoir. « Oser à fond être soi-même, ose
335 ue défi, intempérance et désespoir. « Oser à fond être soi-même, oser réaliser un individu, non tel ou tel, mais celui-ci, i
336 rver leurs fidèles… Mais la question se pose : qu’ est -ce alors qu’un fidèle ? « Nous ne pouvons pourtant pas être tous des
337 ors qu’un fidèle ? « Nous ne pouvons pourtant pas être tous des martyrs ! » — Réponse de Kierkegaard : « Ne vaudrait-il pas
338 uis pas. Si c’est folie que tous croient devoir l’ être , — c’est une folie aussi que nul ne veuille l’être. » 7« Sancta si
339 tre, — c’est une folie aussi que nul ne veuille l’ être . » 7« Sancta simplicitas » Sancta simplicitas ! prononce le ma
340 ussi son fagot — pieusement. Mais la simplicité n’ est sainte qu’en lui, à cet instant. Celle de la vieille est innocence, r
341 nte qu’en lui, à cet instant. Celle de la vieille est innocence, religion naturelle et craintive. Elle appartient à la form
342 en, et même dans un sens strict, on ne peut pas l’ être , mais il faut sans cesse le devenir. Et le problème, alors, devient c
343 croit aux lois, et il se veut déterminé. Or il l’ est dans la mesure exacte où il l’accepte ; mais dans cette mesure même,
344 accepte ; mais dans cette mesure même, il cesse d’ être humain. Car l’homme n’a d’existence proprement humaine que lorsqu’il
345 icipe à la transformation du monde. Autrement, il est animal, et soumis à la forme des choses, — à la commune dégradation.
346 tes depuis un siècle pour nous prouver que l’acte est impossible et que le tout de l’homme est soumis au calcul, tout cet e
347 e l’acte est impossible et que le tout de l’homme est soumis au calcul, tout cet effort des sciences et des sociologies éta
348 poir : l’homme moderne a perdu le « chemin ». Je suis le chemin, la vérité et la vie, dit le Christ. 1.La vérité est le c
349 la vérité et la vie, dit le Christ. 1.La vérité est le chemin Christ est la Vérité dans ce sens qu’être la vérité est
350 le Christ. 1.La vérité est le chemin Christ est la Vérité dans ce sens qu’être la vérité est la seule explication vra
351 e chemin Christ est la Vérité dans ce sens qu’ être la vérité est la seule explication vraie de la vérité… Être la vérité
352 rist est la Vérité dans ce sens qu’être la vérité est la seule explication vraie de la vérité… Être la vérité, c’est connaî
353 rité est la seule explication vraie de la vérité… Être la vérité, c’est connaître la vérité, et le Christ n’aurait jamais co
354 n’aurait jamais connu la vérité s’il n’avait pas été la vérité ; et nul homme ne connaît davantage de vérité qu’il n’en in
355 le serpent qui se mord la queue. La foi au Christ est la condition nécessaire et suffisante de tout acte véritable, de tout
356 réation, de toute victoire sur la Nécessité. « Je suis le chemin ». Mais un chemin n’est un chemin que si l’on y marche28. S
357 écessité. « Je suis le chemin ». Mais un chemin n’ est un chemin que si l’on y marche28. Sinon il n’est qu’un point de vue ;
358 ’est un chemin que si l’on y marche28. Sinon il n’ est qu’un point de vue ; ou bien encore le lieu d’un pur possible, et sur
359 me de ce monde, c’est croire que cette forme peut être transformée. Certes, nous ne pouvons agir « qu’en vertu de l’absurde 
360 llons connaître maintenant que seul l’acte de foi est création, transformation, nouveauté pure dans le monde, vocation et p
361 ophétie de l’éternité qui vient à nous. 2.Il n’ est d’action que prophétique Qu’est-ce que prophétiser, sinon dire la
362 ous. 2.Il n’est d’action que prophétique Qu’ est -ce que prophétiser, sinon dire la Parole qui détermine notre avenir ?
363 ole qui détermine notre avenir ? Mais la Parole n’ est dite que dans la foi, la foi n’existe que dans l’acte, et cet acte de
364 créant sa lumière et son chemin29, lumière qui n’ est pas sa lumière, chemin qui se dérobe au doute et à l’orgueil, mais qu
365 ure languit après ce commencement, et bienheureux est celui qui dans sa fin, possède son commencement. » Mais l’homme déchu
366 es hommes les frappent sur la bouche. Kierkegaard fut de ces croyants dont la vocation prophétique, pareille à celle des ho
367 arole qui les conduira au martyre. La Parole dite est leur chemin, leur vérité et leur vie dans ce monde ; ils meurent de l
368 oir dite, et n’ont pas d’autre tâche31. Le chemin est imprévisible ; le nôtre, disons-nous, n’est pas celui de ces prophète
369 hemin est imprévisible ; le nôtre, disons-nous, n’ est pas celui de ces prophètes. Cependant la question demeure : comment a
370 ment obéir à la Parole qui prophétise ? Le chemin est imprévisible. Ce que nous connaissons, c’est pourtant son point de dé
371 rque de l’absolu : c’est la marque de tout ce qui est véritablement chrétien. » (Journal) Vend ton bien et le donne aux pau
372 quotidienne du chemin, ton chemin, sur lequel tu es seul, parce qu’il est la parole de ta vie, sa mesure et sa vocation,
373 n, ton chemin, sur lequel tu es seul, parce qu’il est la parole de ta vie, sa mesure et sa vocation, son risque à chaque in
374 Se conformer à ce pieux idéal, non seulement ce n’ est point agir, non seulement c’est limiter par avance le rôle de la foi,
375 r et rassurant. Et pourquoi ? Parce que le chemin est invisible tant qu’on n’y est pas engagé. Parce que c’est un blasphème
376 Parce que le chemin est invisible tant qu’on n’y est pas engagé. Parce que c’est un blasphème de l’homme pieux, du moralis
377 faire un pas dans la nuit, sur ce « chemin » qui est le Christ présent. Il y a des abîmes entre ces deux exigences : l’abî
378 de la reconnaissance… Tout commence par la joie d’ être aimé — et ensuite vient l’effort de plaire, constamment exalté par la
379 aire, constamment exalté par la certitude que Ton est aimé maintenant, et même si l’effort échoue.32 Parce qu’il est aimé
380 nant, et même si l’effort échoue.32 Parce qu’il est aimé maintenant, aller maintenant, par la foi, sur ce chemin qui comm
381 u, mais comme la plénitude détruit le relatif. Il est ce contact impensable de l’éternité avec notre durée, et l’on n’en pe
382 durée, et l’on n’en peut rien dire sinon qu’il s’ est produit, et qu’il peut se produire sans que rien y prépare. « Car Die
383 le s’abîmerait dans l’amen éternel. Æternitas non est temporis successio sine fine, sed nunc stans. L’éternité a marché sur
384 ’éternité a marché sur la terre : ainsi le Christ est le chemin. Mais nous avons refusé l’éternel et nous lui préférons nos
385 qui viennent : c’est pourquoi nous n’avons plus d’ être que par la foi, « substance des choses espérées », et c’est pourquoi
386 , et c’est pourquoi enfin la Parole parmi nous, n’ est que promesse et vigilante prophétie de l’invisible. De Séir, une voix
387 onvertissez-vous et revenez ! » La forme du monde est durée, et c’est la forme du péché, du refus de l’instant éternel, — l
388 . De quelles étranges et secrètes façons le temps est lié au péché, le pécheur seul le sait, dans l’instant de la foi, où p
389 oulez interroger, interrogez ! », mais la réponse est  : « Convertissez-vous ! » À la lumière jaillie de l’acte de la foi, l
390 is un temps nouveau prend son cours, et sa mesure est plus mystérieuse encore. Voici : le pécheur pardonné vit dans le temp
391 t de sa durée, vit d’acte en acte. Et son temps n’ est plus son péché, mais on pourrait dire : sa patience. Car il se tient
392 é, mais on pourrait dire : sa patience. Car il se tient où Dieu l’a mis, et ce n’est plus une dérive. Il vit dans la forme du
393 atience. Car il se tient où Dieu l’a mis, et ce n’ est plus une dérive. Il vit dans la forme du monde, mais il est ce qui la
394 ne dérive. Il vit dans la forme du monde, mais il est ce qui la transforme. Vertige de la « vie chrétienne », cette histoir
395 r le temps en vertu de l’absurde37. Et ce courage est celui de la foi. Par la foi, Abraham ne perdit point Isaac ; c’est pa
396 abord qu’il le reçut.38 5.Le temps de l’acte est renaissance, initiation Entre la naissance et la mort toute la réa
397 naissance et la mort toute la réalité de l’homme est dans son acte. Tout acte est passage et tension, — passage de la mort
398 a réalité de l’homme est dans son acte. Tout acte est passage et tension, — passage de la mort à la vie, tension entre ce q
399 est ici qu’on touche au mystère, sans lequel tout serait absurde : l’acte détruit le temps puisqu’il est dans le même instant
400 erait absurde : l’acte détruit le temps puisqu’il est dans le même instant et la mort et la vie des êtres ou des choses qu’
401 est dans le même instant et la mort et la vie des êtres ou des choses qu’il promeut à l’existence ; mais détruisant le temps
402 le liant au destin personnel. Ainsi l’acte absolu serait création absolue, mais un acte de l’homme n’est jamais qu’une rédempt
403 erait création absolue, mais un acte de l’homme n’ est jamais qu’une rédemption. Distinction de théologien, et qui veut prév
404 nir l’orgueil. Mais la vision de celui qui agit n’ est point un jugement des résultats, des créatures ; elle n’est pas davan
405 un jugement des résultats, des créatures ; elle n’ est pas davantage appréciation des causes. L’acte n’est jamais conséquenc
406 t pas davantage appréciation des causes. L’acte n’ est jamais conséquence, il est toujours initiation. La vision de celui qu
407 n des causes. L’acte n’est jamais conséquence, il est toujours initiation. La vision de celui qui agit est tout entière abs
408 toujours initiation. La vision de celui qui agit est tout entière absorbée par l’instant, par le passage de ce qui meurt à
409 ar le héros n’a connu son succès que lorsque tout était fini ; et ce n’est point par le succès qu’il fut héros, mais par son
410 son succès que lorsque tout était fini ; et ce n’ est point par le succès qu’il fut héros, mais par son entreprise.39 Le
411 tait fini ; et ce n’est point par le succès qu’il fut héros, mais par son entreprise.39 Le temps de l’acte vient s’inscri
412 t et de la vie a mis des marques victorieuses. Qu’ est -ce que la personne ? C’est la vision et le visage du héros, sa vision
413 arole dont elle procède, et si la face d’un homme est belle, c’est parce qu’elle est un acte et un destin, une initiale de
414 la face d’un homme est belle, c’est parce qu’elle est un acte et un destin, une initiale de l’histoire, une effigie de la P
415 dire, nous avons toutes raisons d’en douter, s’il est vrai que le doute est révolte, et qu’il faut pour se l’avouer la joie
416 s raisons d’en douter, s’il est vrai que le doute est révolte, et qu’il faut pour se l’avouer la joie qui naît de l’acte de
417 u désespoir, qui consiste à s’imaginer que l’acte est puissance de l’homme : d’où l’impossibilité de l’oser. Celui que la f
418 ue la foi vient saisir sait maintenant que l’acte est le contraire du désespoir. Mais il le sait d’une tout autre façon que
419 ine. Parce que le rapport du désespoir à l’acte n’ est pas seulement renversement, mais création irréversible. Et cela tient
420 renversement, mais création irréversible. Et cela tient à la nature de l’acte, — mieux encore à son origine. Cela tient à l’a
421 ure de l’acte, — mieux encore à son origine. Cela tient à l’absolu de la personne qui l’initie. Le désespéré, le douteur, ou
422 ais il sait bien qu’il n’en a pas, ou que son moi est désespoir, c’est-à-dire qu’il n’y croit pas et qu’il ne croit à aucun
423 ns le désir et dans la nostalgie, et son regard n’ est pas une vision du réel, mais une manière de loucher vers les « autres
424 cet homme pourrait-il faire un acte ? Car l’acte est décision, rupture, isolation, quand l’être même du désespéré consiste
425 l’acte est décision, rupture, isolation, quand l’ être même du désespéré consiste dans ses liens, dans sa croyance avec la m
426 cet homme pourrait-il faire un acte ? Car l’acte est immédiat, création et initiation, c’est-à-dire sobriété pure, — quand
427 initiation, c’est-à-dire sobriété pure, — quand l’ être même du désespéré est un calcul toujours faussé par la terreur de per
428 e sobriété pure, — quand l’être même du désespéré est un calcul toujours faussé par la terreur de perdre ce qu’on n’a même
429 n’a même pas… Ainsi l’acte absolu, s’il l’imagine serait sa mort, — et c’est pourquoi il n’y croit pas. Nul n’échappe à la for
430 lu, il y a tout ce romantisme qui veut que l’acte soit puissance, il y a ce moi de désir qui veut que l’acte — l’instant ! —
431 moi de désir qui veut que l’acte — l’instant ! —  soit saisi… Mais l’absolu qui vient toucher nos vies nous meut parce qu’il
432 qui vient toucher nos vies nous meut parce qu’il est un ordre, une Parole reçue d’ailleurs, une rupture de tout drame huma
433 le de Dieu, — la prophétie dans l’immédiat. Que s’ est -il donc passé ? Me voici seul sur le chemin ; mais je vois des visage
434 eurs que dans l’acte d’aimer. 7.Toute vocation est sans précédent Car elle est prophétie justement — et c’est de la s
435 7.Toute vocation est sans précédent Car elle est prophétie justement — et c’est de la seule prophétie que relèvent la
436 ue n’ont pas les animaux ; c’est pourquoi l’homme est héroïque. Il faut noter ici un trait bien remarquable : Kierkegaard a
437 ocation et ne s’en distingue jamais. Cependant il est hors de doute qu’il eut conscience de cet aspect particulier de son d
438 ortée de « la masse », alors que la foi véritable est celle du solitaire que plus rien ne soutient, hors la foi ? « Celui q
439 igieuse, à plus forte raison l’audace chrétienne, est au-delà de toute vraisemblance, là où précisément l’on renonce à la v
440 r le chemin, non pas le suivre ; parce que l’acte est initiateur ; parce que la dignité de l’homme est de marcher dans l’in
441 est initiateur ; parce que la dignité de l’homme est de marcher dans l’invisible et de prophétiser « en vertu de l’absurde
442 étiser « en vertu de l’absurde. » L’homme ne peut être déterminé que par son Dieu ou par le « monde », il faut choisir. Il f
443 ieu ou par le « monde », il faut choisir. Il faut être un chrétien ou bien un philistin. Le philistin est l’homme sans vocat
444 re un chrétien ou bien un philistin. Le philistin est l’homme sans vocation. Il ne croit pas à l’acte et il meurt au hasard
445 i-même44. Il vit dans la forme du monde : et ce n’ est point qu’elle soit pour lui la plus réelle, elle est seulement la moi
446 ans la forme du monde : et ce n’est point qu’elle soit pour lui la plus réelle, elle est seulement la moins invraisemblable.
447 point qu’elle soit pour lui la plus réelle, elle est seulement la moins invraisemblable. Mais le chrétien qui marche dans
448 esure que de ce qu’il transforme. Sa connaissance est acte et vision prophétique. La mesure du temps de sa vie réside dans
449 es pas, il ne meurt jamais par surprise ; et ce n’ est point qu’il ait connu le jour et l’heure, mais il connaît l’instant,
450 s les plus dignes de formuler son opinion, et qui sont pleins d’amères protestations contre le règne de la masse et les outr
451 ’individu, les Puissances anonymes et le Standard seraient en voie de triompher, et ce serait aux dépens de l’humain. Au sein de
452 le Standard seraient en voie de triompher, et ce serait aux dépens de l’humain. Au sein de cette crise, qu’on dit sans précéd
453 s titres vient-il produire à l’existence ? Car il est excellent de défendre son moi, surtout lorsqu’il détient plus de réal
454 e l’anonyme. Mais encore : il faudrait que ce moi fût fondé. Ce n’est pas évident de soi, si l’on peut dire : marxistes et
455 s encore : il faudrait que ce moi fût fondé. Ce n’ est pas évident de soi, si l’on peut dire : marxistes et fascistes le nie
456 e disent les collectivistes ? Que le grand nombre est plus précieux que le petit. Que la vie de l’esprit n’est possible que
457 s précieux que le petit. Que la vie de l’esprit n’ est possible que si l’on a d’abord assuré l’autre vie, les conditions phy
458 nditions physiques de l’existence. Que la justice est dans l’égalité de tous, et la vertu dans l’opinion publique. Que l’hi
459 Que la révolte, enfin, d’un seul contre la foule, serait la marque d’un affreux orgueil si d’abord elle ne témoignait d’un rid
460 défi collectiviste. Il soutient que le solitaire est plus grand que la foule anonyme ; que la vie de l’esprit n’est possib
461 d que la foule anonyme ; que la vie de l’esprit n’ est possible que si l’on a d’abord renoncé l’autre vie ; que les lois de
462 noncé l’autre vie ; que les lois de l’histoire ne sont rien si l’acte de l’homme les dément ; que la foi d’un seul est plus
463 acte de l’homme les dément ; que la foi d’un seul est plus forte, dans son humilité et devant Dieu, — car c’est la foi — qu
464 in, et la vertu, n’ont aucune réalité si chacun n’ est pas à sa place, là où la vocation de Dieu l’a mis. Supposez qu’un tel
465 existe. Que va-t-on faire de lui, de ce héros, n’ est -ce pas, des valeurs de l’esprit que justement l’on fait profession de
466 ommencera par mettre en doute son sérieux : « Qui est le docteur Søren Kierkegaard ? C’est l’homme dépourvu de sérieux » li
467 ngs. On montrera sans trop de peine que ses idées sont faites pour rendre la vie impossible, puisqu’elles impliquent le mart
468 tiens, comme si la religion, de toute éternité, n’ était pas au contraire la façon la plus sage de supporter les maux de ce ba
469 on fol orgueil ; n’a-t-il pas écrit que la presse est de nos jours l’obstacle décisif à la prédication du christianisme vér
470 it à Copenhague, en l’année 1855. Depuis lors, il est vrai, les choses ont bien changé. On dirait même qu’elles sont au pir
471 s choses ont bien changé. On dirait même qu’elles sont au pire, mais il faut prendre garde de laisser croire à nos contempor
472 croire à nos contemporains que ce pire ne puisse être aggravé, pour si peu qu’ils s’y abandonnent. 2.Qu’est-ce que l’esp
473 t ? Donc, on nous parle de sauver l’esprit. Qu’ est -ce que l’esprit ? « L’esprit, c’est la puissance que le savoir d’un h
474 le savoir d’un homme exerce sur sa vie 46 ». Ce n’ est pas le savoir, ce n’est pas la puissance, mais la puissance du savoir
475 rce sur sa vie 46 ». Ce n’est pas le savoir, ce n’ est pas la puissance, mais la puissance du savoir en exercice. Qu’on ne c
476 uire à la ruine, ou peut-être même au martyre. Ne soyez donc pas si pressé de défendre les « droits » de l’esprit : ce n’est
477 ssé de défendre les « droits » de l’esprit : ce n’ est pas une distinction. Et lequel d’entre nous peut dire qu’il a calculé
478 faudrait bien savoir de quoi l’on parle, et ce n’ est peut-être possible que si l’on sait bien où l’on va. À quoi tend la p
479 opinion publique, il proteste en faveur de ce qui est « original » ; contre l’emportement des multitudes, il revendique la
480 font vivre, cette solitude première devant Dieu, est -ce bien cela que revendiquent les défenseurs du primat de l’esprit ?
481 t les défenseurs du primat de l’esprit ? L’esprit est drame, attaque et risque. Et l’on peut douter qu’ils y croient, ceux
482 on ferait bien d’aller à ceux pour qui l’esprit n’ est pas une espèce de confort, mais une aventure absolue et comme un juge
483 Peut-être leur souffrance seulement. Mais s’il n’ est pas de hiérarchie possible en ces parages, le sacrifice y tient lieu
484 le sacrifice y tient lieu de mesure, parce qu’il est un acte incontestable. Telle est la nouvelle grandeur, la nouvelle me
485 ure, parce qu’il est un acte incontestable. Telle est la nouvelle grandeur, la nouvelle mesure de l’esprit. Nous irons donc
486 ée d’un autre siècle avait tué. C’est aussi qu’il est devenu possible de saisir dans le déploiement des faits les plus marq
487 os malheurs, nous retournons à l’origine où il se tient , nous mettons en lui notre espoir de trouver un autre chemin : un che
488 mais à nous-mêmes devant Dieu. Søren Kierkegaard est sans doute le penseur capital de notre époque, je veux dire : l’objec
489 ion la plus absolue, la plus fondamentale qui lui soit faite ; une figure littéralement gênante, un rappel presque insupport
490 our apaiser ce regard qui nous perce ; et si nous sommes sourds à sa voix, comment étouffer le scandale de cette mort qui défi
491 ur du Progrès : car tout l’honneur de notre temps sera peut-être, par une compensation mystérieuse, d’avoir compris mieux qu
492 s les rangs des troupes d’assaut. Ah ! si le rire est le propre de l’homme, nous voici devenus bien inhumains. Il semble qu
493 as-tu souffert pour ta doctrine ? Tu souffres, il est vrai, mais n’est-ce point justement pour ces choses que ta doctrine t
494 ur ta doctrine ? Tu souffres, il est vrai, mais n’ est -ce point justement pour ces choses que ta doctrine te montre vaines ?
495 la question brûlante, c’est de savoir si toi, tu es chrétien, — ou bien tu vitupères les sans-Dieu de Russie. Mais sais-t
496 it, exactement comme si l’Esprit n’existait pas î Serons -nous des témoins ou des espions craintifs ? Attendrons-nous toujours
497 il de la masse » pour affirmer que tous ses dieux sont des faux dieux ? Mais sont-ils des faux dieux pour nous ? Appelons-no
498 mer que tous ses dieux sont des faux dieux ? Mais sont -ils des faux dieux pour nous ? Appelons-nous vraiment l’esprit ? — Ma
499 l’esprit », c’est bien moins dangereux ; tous en seront … Deux questions — dit encore Kierkegaard — témoignent de l’esprit :
500 témoignent de l’esprit : 1) ce qu’on nous prêche, est -ce possible ? 2) puis-je le faire ? Deux questions témoignent de l’ab
501 uestions témoignent de l’absence de l’esprit : 1) est -ce réel ? 2) mon voisin Christofersen l’a-t-il fait ? l’a-t-il réelle
502 est alors que paraît le rire de Kierkegaard. Ce n’ est pas le rire d’un Molière : Molière fait rire la foule aux dépens de l
503 peut leur faire faire tout ce qu’on veut, que ce soit le bien ou le mal, une seule condition leur importe : qu’ils soient t
504 le mal, une seule condition leur importe : qu’ils soient toujours comme tous les autres, qu’ils imitent, — et n’agissent jamai
505 l’originalité. « Voilà pourquoi la Parole de Dieu est telle qu’on y trouve toujours quelque passage qui dise le contraire d
506 nt bien que dans l’imitation : c’est pourquoi ils sont unis en elle d’une manière si touchante, et c’est ce qu’ils appellent
507 kegaard se recompose. Et l’on voit que son rire n’ est rien que la douleur du témoin de l’Esprit, au milieu de la foule.
508 ée, ou pour mieux dire : de son action. Ce centre est « la catégorie du solitaire ». Bien des malentendus seraient ici poss
509 la catégorie du solitaire ». Bien des malentendus seraient ici possibles : écartons, dès le premier pas, trois mots qui faussent
510 ssent tout : anarchie, romantisme, individu. Il n’ est que de les confronter à la réalité chrétienne de l’homme. Le solitair
511 le nomme et par là le sépare, autrement l’homme n’ est rien qu’un exemplaire dans le troupeau. Le solitaire devant Dieu, c’e
512 fin de compte imaginaire. Car l’ordre de ce monde est lui-même en révolte contre l’ordre reçu de Dieu, qui sera l’Ordre du
513 -même en révolte contre l’ordre reçu de Dieu, qui sera l’Ordre du Royaume. Et nier une négation, c’est s’enfoncer dans le né
514 oncer dans le néant. Seule la révolte du chrétien est position, obéissance. Et si l’appel de Dieu isole du monde un homme,
515 « Ne vous conformez pas à ce siècle présent, mais soyez transformés », dit saint Paul. Le solitaire devant Dieu, c’est celui
516 aul. Le solitaire devant Dieu, c’est celui qui se tient à l’origine de sa réalité. Celui-là seul connaît sa fin, et l’ordre é
517 l de sa vie. Celui-là peut juger ce monde, et s’y tenir comme n’étant pas tenu. Il n’est pas d’autre « réaction » contre le s
518 elui-là peut juger ce monde, et s’y tenir comme n’ étant pas tenu. Il n’est pas d’autre « réaction » contre le siècle, pas d’a
519 ut juger ce monde, et s’y tenir comme n’étant pas tenu . Il n’est pas d’autre « réaction » contre le siècle, pas d’autre révo
520 monde, et s’y tenir comme n’étant pas tenu. Il n’ est pas d’autre « réaction » contre le siècle, pas d’autre révolution cré
521 réatrice. Et tous nos appels à l’esprit, s’ils ne sont pas ce retour au Réel, ne sont que poursuite du vent, défection, ou o
522 l’esprit, s’ils ne sont pas ce retour au Réel, ne sont que poursuite du vent, défection, ou orgueil fantastique. 5.Le sol
523 u passé, au collectif, à l’avenir, et tout cela n’ est rien que fuite devant notre éternel présent, et tout cela n’est que m
524 uite devant notre éternel présent, et tout cela n’ est que mythologie. Les dieux du siècle ont l’existence qu’on leur prête 
525 cle ont l’existence qu’on leur prête : hélas ! il serait faux de dire qu’ils n’en ont pas. Mais encore une fois, ce n’est pas
526 e qu’ils n’en ont pas. Mais encore une fois, ce n’ est pas échapper aux chimères publiques que de les dénoncer éloquemment e
527 isme agressif ou désespoir du démoniaque qui veut être soi-même « en haine de l’existence et selon sa misère ». Cette révolt
528 l’existence et selon sa misère ». Cette révolte n’ est pas fondée dans la transformation effective du monde. Elle participe
529 peut se fonder que sur sa vocation, et il ne peut être lui-même que par le droit divin de la Parole qui le distingue. Suprêm
530 l’orgueil trouverait-il encore à se loger chez un être à ce point simplifié qu’il n’est plus qu’obéissance — dans la mesure
531 e loger chez un être à ce point simplifié qu’il n’ est plus qu’obéissance — dans la mesure où il agit — et pénitence — dans
532 dépasse ? Si Kierkegaard condamne la foule, ce n’ est point qu’il la craigne, ou qu’il craigne d’y perdre le pauvre moi des
533 flattons, et elle nous reconnaît pour siens. Elle est le lieu de rendez-vous des hommes qui se fuient, eux et leur vocation
534 ommes qui se fuient, eux et leur vocation. Elle n’ est personne et tire de là son assurance dans le crime. « Il ne s’est pas
535 tire de là son assurance dans le crime. « Il ne s’ est pas trouvé un seul soldat pour oser porter la main sur Caius Marius,
536 pour oser porter la main sur Caius Marius, telle est la vérité. Mais trois ou quatre femmes, dans l’illusion d’être une fo
537 é. Mais trois ou quatre femmes, dans l’illusion d’ être une foule et que personne peut-être ne saurait dire qui l’avait fait
538 raient eu, ce courage ! Ô mensonge ! » La foule n’ est rien que la fuite de chaque homme devant la responsabilité de son act
539 nt la responsabilité de son acte. « Car une foule est une abstraction, qui n’a pas de mains, mais chaque homme isolé a, dan
540 et lorsqu’il porte ces deux mains sur Marius, ce sont ses mains, non celles de son voisin et non celles de la foule qui n’a
541 et cracher au visage du Fils de Dieu ? Mais qu’il soit foule, il aura ce « courage », — il l’a eu. Il faut aller plus loin.
542 — il l’a eu. Il faut aller plus loin. La foule n’ est pas dans la rue seulement. Elle est dans la pensée des hommes de ce t
543 n. La foule n’est pas dans la rue seulement. Elle est dans la pensée des hommes de ce temps. Le génie réaliste de Kierkegaa
544 aque fois que nous disons d’un de nos dieux qu’il est puissant, nous témoignons de notre démission. La foule n’a pas d’autr
545 xister devant Dieu et d’exercer le pouvoir que je suis . Elle n’est que ma dégradation. Et toutes les sciences qui étudient s
546 Dieu et d’exercer le pouvoir que je suis. Elle n’ est que ma dégradation. Et toutes les sciences qui étudient ses lois, his
547 étudient ses lois, historiques ou sociologiques, sont comme une inversion de la théologie, — une théologie de la dégradatio
548 ue tout s’explique, que tout s’implique, afin que soit à tout jamais bannie la scandaleuse possibilité des actes libres de l
549 eux. Ils n’ont pas lu Hegel, bien sûr, mais Hegel est dans tous nos journaux, Hegel domine le marxisme et le fascisme, il d
550 t les autres dans le passé : mais qui voudrait se tenir dans l’instant, « sous le regard de Dieu », comme disent les chrétien
551 e regard de Dieu », comme disent les chrétiens ? ( Est -ce facile ? ou bien même possible ? Est-ce un effet de notre choix, o
552 étiens ? (Est-ce facile ? ou bien même possible ? Est -ce un effet de notre choix, ou un moment de notre vie ? Ils en parlen
553 me social. « Le meilleur moyen de s’en affranchir sera d’en revoir l’origine. Pour voiler le présent certain, ils hypothèque
554 de providence brute, tout à fait inintelligible, est le simple succédané de l’intelligible providence surnaturelle53 ». Ma
555 e53 ». Mais qui ne voit que cette Âme du Monde le tient aussi, notre censeur, et jusque dans son scepticisme, lorsqu’il procl
556 nalistes ! « Le meilleur moyen de s’en affranchir sera d’en revoir l’origine. » Seul, Kierkegaard sait nous la désigner : el
557  » Seul, Kierkegaard sait nous la désigner : elle est dans le refus moderne de cette « catégorie du solitaire », de l’homme
558 vité : cette attitude de l’homme qui ne veut plus être sujet de son action, qui l’abandonne aux lois de l’Évolution. Kierkeg
559 egaard au contraire nous répète : La subjectivité est la vérité. La liberté, la dignité de l’homme, c’est qu’il soit le seu
560 é. La liberté, la dignité de l’homme, c’est qu’il soit le seul sujet de sa vie. Mais encore faut-il se garder d’entendre l’e
561 entendre l’expression au sens des romantiques. Je suis sujet, mais il reste à savoir d’où vient ce je, comment il peut agir.
562 ta vie. Tu te croyais un moi : témoigne que tu n’ es pas foule, imitation et simple objet des lois du monde. La foule atte
563 jet des lois du monde. La foule attend : si tu la suis , elle te méprisera sans doute, mais c’est le sort commun, tu ne cours
564 son premier devoir, c’est de persévérer dans son être agissant : en cette extrémité, le compromis se justifie… Mais si ton
565 mité, le compromis se justifie… Mais si ton moi n’ est pas à toi, s’il est une vocation reçue d’ailleurs, et si tu l’as reçu
566 e justifie… Mais si ton moi n’est pas à toi, s’il est une vocation reçue d’ailleurs, et si tu l’as reçu en vérité, tu n’as
567 s reçu en vérité, tu n’as plus à choisir, ta mort est derrière toi, elle n’est plus ton affaire, elle n’est plus ton angois
568 plus à choisir, ta mort est derrière toi, elle n’ est plus ton affaire, elle n’est plus ton angoisse. Et surtout elle n’est
569 derrière toi, elle n’est plus ton affaire, elle n’ est plus ton angoisse. Et surtout elle n’est plus cette absurdité révolta
570 , elle n’est plus ton angoisse. Et surtout elle n’ est plus cette absurdité révoltante que rien au monde ne pourrait permett
571 e sobriété… Le croyant seul agit et seul il peut être sujet de son action, mais c’est qu’il est, dans l’autre sens du terme
572 l peut être sujet de son action, mais c’est qu’il est , dans l’autre sens du terme, assujetti à la Parole qui vit en lui. C’
573 C’est dans ce sens que la formule de Kierkegaard est vraie. Cette sujétion totale est seule active. Elle est aussi présenc
574 e de Kierkegaard est vraie. Cette sujétion totale est seule active. Elle est aussi présence au monde. Dans ce temps de la m
575 aie. Cette sujétion totale est seule active. Elle est aussi présence au monde. Dans ce temps de la masse où nous vivons, le
576 asse où nous vivons, le « solitaire devant Dieu » est aussi l’homme le plus réel, le plus présent. Parce qu’il sait qu’il e
577 t accepter de vivre hic et nunc, — quand la foule est ubiquité et fuite sans fin dans le passé ou l’avenir. 7.Un seul ut
578 7.Un seul utile à tous La phrase de Carlyle est comme, résumant l’utilitarisme de Bentham : « Étant donné un monde pl
579 est comme, résumant l’utilitarisme de Bentham : «  Étant donné un monde plein de coquins, montrer que la vertu est le résultat
580 é un monde plein de coquins, montrer que la vertu est le résultat de leurs aspirations collectives. » Renversant ce rapport
581 de Kierkegaard que sa « catégorie du solitaire » est le seul fondement pratique d’une collectivité vraiment vivante. Cepen
582 mi nous, oserait affirmer que cette catégorie lui soit si familière qu’il puisse la considérer comme donnée ? La tentation e
583 puisse la considérer comme donnée ? La tentation est forte, de passer d’une critique des collectivités mensongères à l’uto
584 vant Dieu. D’autre part l’acte du « solitaire » n’ est pas de ceux dont nous ayons à développer les conséquences. Ou bien il
585 s ayons à développer les conséquences. Ou bien il est , et c’est l’acte de Dieu ; ou bien je l’imagine et mon discours est v
586 te de Dieu ; ou bien je l’imagine et mon discours est vain. À qui pressent dans sa réalité brutale, dans son sérieux dernie
587 s son sérieux dernier et son risque absolu, ce qu’ est la solitude dont Kierkegaard a témoigné, il ne paraît plus nécessaire
588 malheur de l’époque ne provient pas de ce qu’elle est « sans Dieu » — mais bien plutôt de ce qu’elle est sans maîtres, c’es
589 st « sans Dieu » — mais bien plutôt de ce qu’elle est sans maîtres, c’est-à-dire sans martyrs pour l’enseigner. C’est au se
590 aveur, c’est à lui seul que l’on peut reprocher d’ être insipide. Rien ne sera jamais réel pour tous, si rien d’abord n’est r
591 que l’on peut reprocher d’être insipide. Rien ne sera jamais réel pour tous, si rien d’abord n’est réel pour un seul. Maint
592 ne sera jamais réel pour tous, si rien d’abord n’ est réel pour un seul. Maintenant, il faut être l’impossible : il faut êt
593 bord n’est réel pour un seul. Maintenant, il faut être l’impossible : il faut être le solitaire. Kierkegaard peut-il nous ai
594 . Maintenant, il faut être l’impossible : il faut être le solitaire. Kierkegaard peut-il nous aider ? Ou bien seulement nous
595 de toutes les nôtres ? Somnium narrare vigilantis est , dit Sénèque. L’aveu total de notre désespoir témoigne seul de la con
596 puis l’exprimer par cette seule phrase : « Je ne fus pas comme les autres ». 20. Point de vue explicatif sur ma carrière
597 nos psychologues de ce qui « se fait se faisant » est une antilogie chrétienne au premier chef, plutôt qu’hindoue. Chez les
598 chef, plutôt qu’hindoue. Chez les Hindous, elle n’ est encore qu’une forme de l’agitation humaine. Pour le chrétien elle sig
599 ien, la primauté d’une Personne. 29. « Ta parole est une lampe à mes pieds, une lumière sur mon sentier », dit le psalmist
600 » (Karl Barth). Il n’a pas de biographie. Rien ne serait plus ridicule que de tenter de faire la psychologie d’un prophète, ou
601 nce immédiate à la parole. Mais la ressemblance n’ est que formelle. Le temps dont souffre Kierkegaard est engendré par l’an
602 t que formelle. Le temps dont souffre Kierkegaard est engendré par l’angoisse du pécheur, tandis que le temps de Schopenhau
603 e du pécheur, tandis que le temps de Schopenhauer est l’« idéalité » du sujet connaissant, — une chimère spiritualiste, une
604 trouve quelques notations de ce genre : « Grande sera ma responsabilité si je rejette une mission de cette sorte » — c’est-
605 agne, par exemple. C’est, dit-il, que sa consigne est de « tenir bon en souffrant ». Le presbytère de campagne serait une s
606 exemple. C’est, dit-il, que sa consigne est de «  tenir bon en souffrant ». Le presbytère de campagne serait une solution com
607 nir bon en souffrant ». Le presbytère de campagne serait une solution commode, surtout au regard des souffrances qu’il sait tr
608 lise établie ». 43. Richtet selbst. 44. Ce qui est particulièrement affligeant dans l’existence du bourgeois, c’est qu’e
609 eant dans l’existence du bourgeois, c’est qu’elle est entièrement déterminée jusqu’à la mort, mais que la mort survient com
610 ournal, tome X. 47. « Là encore le clerc moderne est protestant », ajoute M. Benda qui, en fait de protestant, ne connaît
611 ésus dit de Lazare à l’agonie : « Cette maladie n’ est point à la mort ». Or Jésus sait que Lazare va mourir. Ce qu’il veut
612 assistants, c’est que la seule maladie redoutable est le péché. 49. Stades sur le chemin de la vie. 50. L’Instant. 51.
613 L’inévitable rappel aux nécessités quotidiennes n’ est qu’un prétexte de l’angoisse. Si la vie quotidienne est si peu dramat
614 ’un prétexte de l’angoisse. Si la vie quotidienne est si peu dramatique, cela ne signifie pas que les questions dernières n
615 rain journalier. La fameuse « vie quotidienne » n’ est peut-être rien d’autre qu’un dernier méfait de la « foule » dans notr
6 1944, Les Personnes du drame. I. Sagesse et folie de la personne — 4. Franz Kafka, ou l’aveu de la réalité
616 er à Berlin, pour s’y vouer enfin à son œuvre, il était déjà condamné par une tuberculose du larynx dont il mourut à Vienne e
617 et Amérique. Le regard qu’il y porte sur le monde est d’une précision proprement angoissante. Il considère notre vie quotid
618 dessein énigmatique. Sa passion de l’absolu moral est typiquement israélite, mais sa psychologie de l’angoisse s’inspire vi
619 oisse s’inspire visiblement de Kierkegaard, qu’il fut l’un des premiers à découvrir au xxe siècle. D’autre part, sa volont
620 certainement à son admiration pour Goethe. Rien n’ est plus suggestif que cette rencontre en un seul homme de deux influence
621 conduit à la mort Je ne sais pas si le Procès est le chef-d’œuvre de Kafka, mais il est difficile d’imaginer un livre p
622 i le Procès est le chef-d’œuvre de Kafka, mais il est difficile d’imaginer un livre plus profond. On a même l’impression, e
623 x inspecteurs. Ces messieurs lui apprennent qu’il est inculpé, mais ils ne savent pas de quoi, et n’ont pas qualité pour le
624 ir. Puis on lui rend la liberté. Toute l’histoire sera celle non du procès, qui n’a jamais lieu, mais des préliminaires du p
625 urplus corrompue et capricieuse, dont les bureaux sont installés dans des faubourgs ignobles ou des galetas. Jamais K. ne pa
626 niste. Il faut se garder de croire que l’auteur s’ est donné le bénéfice d’un mystère dont il s’amuserait à nous cacher la c
627 il s’amuserait à nous cacher la clé. Le Procès n’ est nullement un conte. Joseph K. pose toutes les questions que le lecteu
628 is, prudemment. Mais la justice qui le poursuit n’ est pas de celles dont on se débarrasse en acceptant ou même en refusant
629 tant ou même en refusant ses exigences. Le Procès serait un livre révoltant s’il n’était d’abord écrasant. Il ressemble pas ma
630 ences. Le Procès serait un livre révoltant s’il n’ était d’abord écrasant. Il ressemble pas mal à la vie. Le réalisme de Kafka
631 ste pas à montrer, par exemple, que la goujaterie est le meilleur moyen de parvenir, ni à poser que les idées d’un manœuvre
632 e sa vision, et c’est au fond, sa vision même qui est le vrai sujet du livre. La précision presque insupportable avec laque
633 l rapporte certaines conversations banales n’a pu être obtenue qu’au moyen d’une suspension du jugement, qui est en elle-mêm
634 nue qu’au moyen d’une suspension du jugement, qui est en elle-même tout le drame du Procès. Constatation de la réalité tell
635 Procès. Constatation de la réalité telle qu’elle est , et en même temps, au moment où la révolte point, constatation de la
636 des hommes — y compris ceux des philosophes — ne sont peut-être que des tentatives pour échapper à cette vision, qui est l’
637 des tentatives pour échapper à cette vision, qui est l’angoisse même. Moyens tantôt puérils, tantôt subtils, pour éluder l
638 la vie réelle, pour l’assimiler à un jeu dont il serait possible de sortir, dans la mesure où l’on connaît ses règles. C’est
639 similer la vision de Kafka à celle du rêve. Et il est vrai que la complicité qui, dans le Procès, lie les juges aux avocats
640 rocès, lie les juges aux avocats et aux prévenus, est un trait caractéristique du rêve d’angoisse. Mais si Kafka ou son hér
641 du rêve d’angoisse. Mais si Kafka ou son héros n’ étaient que des rêveurs, il resterait alors une évasion : se réveiller. Et le
642 ssera plus jamais qu’une liberté provisoire. Nous sommes tous arrêtés, il vaudrait mieux le savoir : car nous saurions alors q
643 faire pour nous sauver. (À moins qu’une main nous soit tendue d’ailleurs, et que quelqu’un nous aime et nous « appelle », no
644 ller de ce cauchemar universel, il faut avoir, ne fût -ce qu’une fois, dans l’éclair d’un pressentiment, dépassé le plan de
645 lutionnaire, de même le scandale de vivre ne peut être apprécié sérieusement que d’un point de vue en quelque sorte antivita
646 en quelque sorte antivital, ou transcendant. Il n’ est d’aveux que du passé, autrement dit : du dépassé. C’est pourquoi le r
647 au travers des lacunes du réel. De quelle nature était la transcendance qui a conditionné la vision de Kafka ? ⁂ Dans un app
648 ami se refusait à publier — dont ce roman. Quels étaient les scrupules de Kafka ? « Il voulait son œuvre à l’échelle de ses pr
649 tions dernières, à exiger qu’enfin le dernier mot soit dit. Ignorant presque tout de Kafka, après une première lecture du Pr
650 Kafka, après une première lecture du Procès, j’en étais venu à me poser cette question : — Est-ce pur hasard si la théologie
651 ès, j’en étais venu à me poser cette question : —  Est -ce pur hasard si la théologie chrétienne rend compte de presque toute
652 te de presque toutes les situations de ce livre ? Est -ce pur hasard si elle nous offre les formules qui paraissent le mieux
653 sachions ou non, nous avons tous failli, et nous sommes tous, virtuellement, des prévenus : ce point de départ du Procès se t
654 se trouve dans les épîtres de saint Paul56. Quel est alors le Juge impitoyable ? C’est le Dieu qui donna la Loi, le Dieu d
655 Dieu qui donna la Loi, le Dieu des Juifs « qui ne tient pas le coupable pour innocent. » Pourquoi demeure-t-il inaccessible ?
656 naccessible ? Parce qu’il réside au ciel, et nous sommes sur la terre : l’instance suprême existe et délibère au-delà de toute
657 fier ? Dans cet état d’impuissance tragique, nous sommes prêts à saisir la moindre invite du mystère. Voici les avocats marron
658 ante. Et peu à peu nous croyons pressentir qu’ils sont de mèche avec le Juge ! Du moins nous le laissent-ils entendre. C’est
659 ant que nous n’avons aucun moyen de vérifier s’il est fondé. Prêtres et mages, derniers appuis de l’homme contre Dieu ! À v
660 appuis de l’homme contre Dieu ! À vrai dire, ils sont impuissants, prévenus eux-mêmes, et fort peu renseignés… Faut-il pous
661 Parce qu’il ne connaît pas celui qui a dit : « Je suis le chemin. » ⁂ Imaginons en guise de contre-épreuve que Josef K. puis
662 ils que Dieu devient pour nous le Père et cesse d’ être le Juge lointain. Mais alors l’acquittement est possible et la grâce
663 ’être le Juge lointain. Mais alors l’acquittement est possible et la grâce peut être accordée ! « Je suis le chemin », a di
664 lors l’acquittement est possible et la grâce peut être accordée ! « Je suis le chemin », a dit le Médiateur. Mais alors, l’a
665 st possible et la grâce peut être accordée ! « Je suis le chemin », a dit le Médiateur. Mais alors, l’acte aussi est possibl
666 n », a dit le Médiateur. Mais alors, l’acte aussi est possible, et l’obéissance praticable ! Ainsi la foi au Christ est bie
667 l’obéissance praticable ! Ainsi la foi au Christ est bien l’issue, la possibilité donnée à l’homme de marcher, d’échapper
668 ce de la Loi, c’est-à-dire dans le désespoir, qui est l’absence reconnue de la foi. Tout ce qui précède pourrait être compr
669 reconnue de la foi. Tout ce qui précède pourrait être compris comme une illustration de l’état de péché révélé par l’instan
670 nversion. Cette vision de l’homme arrêté pourrait être un regard en arrière vers l’humanité en révolte et qui a perdu le che
671 de Kafka traduirait la situation de l’homme qui n’ est plus soutenu, mais au contraire obscurément troublé par une certaine
672 le d’y croire, il la refoule. Et dès lors, elle n’ est plus en lui ce qui éclaire et ce qui rassure, mais ce qui sourdement
673 ir conscience claire du péché, du vrai péché, qui est bien moins la faute morale que le refus d’aimer Dieu en Christ. Si la
674 yens moraux : il connaîtrait que l’acquittement n’ est mérité que par celui précisément qui renonce à le mériter. La conscie
675 oncrètement la repentance. Or celle-ci ne saurait être provoquée que par la certitude du pardon… Mais justement la foi ne su
676 de l’homme à Dieu, si l’on ne croit pas qu’elle a été établie, en sens inverse, de Dieu à l’homme, par la venue du Christ d
677 d’avance. Cette conscience au sein de l’angoisse est un moment spirituel que l’on retrouve en toute conversion. Kierkegaar
678 au, comme à la Justice, la Grâce. Mais la Justice était inexorable : la Grâce demeure donc incertaine. C’est la conclusion du
679 pêche son action d’aboutir. « K », cette fois-ci, est arpenteur. On l’a convoqué au château qui domine un village de montag
680 érir certaines complicités parmi ceux qu’il croit être en relation avec les bureaux du château. Parfois il reçoit un message
681 aux. On le félicite pour son travail, quand il en est à se ronger d’inaction ; ou bien on lui fait espérer, en termes vague
682 la moindre démarche épuisante… Ici le symbolisme est peut-être plus clair, et plus exactement déterminant qu’il ne l’était
683 clair, et plus exactement déterminant qu’il ne l’ était dans le Procès. Non point que chaque incident puisse être interprété,
684 s le Procès. Non point que chaque incident puisse être interprété, beaucoup n’ayant probablement d’autre raison que de créer
685 e la certitude mes hypothèses théologiques : « Qu’ est -ce en effet que ce « Château » avec ses étranges dossiers, son indéch
686 ure les interprétations moins vastes, qui peuvent être parfaitement exactes mais qui sont encloses dans celle-ci comme des t
687 s, qui peuvent être parfaitement exactes mais qui sont encloses dans celle-ci comme des tiroirs intérieurs d’un coffret chin
688 dont il ne peut même pas approcher comme il faut, est exactement la « grâce » au sens des théologiens, le gouvernement de D
689 u ont tous les caractères de cet autre message qu’ est la Bible, selon Kierkegaard : il sera toujours loisible de douter de
690 e message qu’est la Bible, selon Kierkegaard : il sera toujours loisible de douter de leur authenticité, on ignore même leur
691 ux coutumes ancestrales, mais Barnabé le réprouvé est en fin de compte le seul à obtenir des communications presque directe
692 accomplie dans l’Histoire. Et certes, ce doute-là sera toujours inséparable de la foi, dans le concret d’une vie chrétienne.
693 r la vue, par la certitude naturelle. Et même, il est si difficile de concevoir une foi vivante privée de doute, qu’on sera
694 concevoir une foi vivante privée de doute, qu’on serait tenté de tenir le doute pour une preuve dialectique de la foi. L’extr
695 oi vivante privée de doute, qu’on serait tenté de tenir le doute pour une preuve dialectique de la foi. L’extraordinaire, che
696 et en même temps il s’y sent mal à l’aise : tout est bien vu, et de quels yeux impitoyables aux illusions de la routine ou
697 illusions de la routine ou des morales, mais tout est vu à partir du vertige, et non pas de l’amour accepté. Le « saut » do
698 amour accepté. Le « saut » dont parle Kierkegaard est constamment imaginé, mais jamais fait. Il n’y a pas de fait accompli 
699 sthume, devait se terminer sur un échec de K. qui serait mort d’épuisement sans avoir obtenu rien de certain. « Autour de son
700 de Kafka vient confirmer cette interprétation. N’ est -il pas curieusement émouvant qu’un esprit à ce point lucide et scrupu
701 la tension spirituelle la plus vertigineuse qu’il soit donné de vivre à un Occidental ? Oui, Kierkegaard et Goethe sont, à m
702 ivre à un Occidental ? Oui, Kierkegaard et Goethe sont , à mes yeux, les plus géniales personnifications d’une éthique fondée
703 sionnément conquis par Faust… C’est pourquoi il m’ est capital de situer l’œuvre de Kafka par rapport aux deux maîtres qu’il
704 vre de Kafka par rapport aux deux maîtres qu’il s’ était choisis, et qu’il n’a pas cessé de cultiver, semble-t-il, simultanéme
705 anément. ⁂ Dire que le sens du transcendant divin est , chez Kafka, presque physique, c’est risquer une contradiction dans l
706 nde où nous avons à vivre. Mais bien que rien n’y soit changé en apparences, tout y prend justement l’air d’apparences, part
707 uelque sophisme irréductible et irritant. Ou bien serait -ce que tout cela signifie et suppose autre chose ? Mais il est imposs
708 ut cela signifie et suppose autre chose ? Mais il est impossible de savoir quoi : personne n’a traversé le voile et les mes
709 traversé le voile et les messages interceptés ne sont pas clairs… La transcendance, dans notre vie, ne saurait se manifeste
710 en connaissance de cause révélée, — le péché — n’ est chez Kafka qu’un sentiment diffus mais en même temps inéluctable. La
711 nt, dans le détail concret de la vie défectueuse, est proprement intolérable. Ou plutôt il ne serait tolérable que pour cel
712 euse, est proprement intolérable. Ou plutôt il ne serait tolérable que pour celui qui aurait saisi, ne fût-ce qu’une fois la p
713 ait tolérable que pour celui qui aurait saisi, ne fût -ce qu’une fois la promesse de sa délivrance. De fait, on ne voit guèr
714 el qu’il le voit si physiquement insupportable, n’ est -ce pas pour exciter en lui la volonté d’une décision équivalant à l’a
715 r ailleurs que dans l’éthique de l’immanence, qui est l’éthique du Second Faust. Le héros du Procès, Josef K. s’était vu co
716 e du Second Faust. Le héros du Procès, Josef K. s’ était vu condamné par la Justice, faute d’un avocat venu d’en haut. Dans le
717 on pas pour entrer au ciel mais simplement pour n’ être pas rejeté de la commune condition humaine. Il imitera les philistins
718 ès lors y agir et s’y promener comme si de rien n’ était . Il avait « l’air d’un percepteur » et il était un témoin de la foi,
719 n’était. Il avait « l’air d’un percepteur » et il était un témoin de la foi, au nom de l’absurde accepté, qui se muait alors
720 sagesse goethéenne. Cette morale peut sans doute être adoptée, dans sa forme, par un croyant ; mais elle peut aussi subsist
721 alités… D’où la méfiance où beaucoup de chrétiens tiennent le sobre activisme de Faust. Au lieu d’y voir une modestie virile, et
722 nce. Mais en fin de compte, une telle ambiguïté n’ est -elle pas le fait de toute morale, de toute sagesse, même chrétienne d
723 oi a l’air d’un percepteur : qui peut jurer qu’il est , en fait, autre chose qu’un percepteur61 ? Nous sommes ici dans un do
724 t, en fait, autre chose qu’un percepteur61 ? Nous sommes ici dans un domaine où l’on ne saurait imaginer de certitude non équi
725 là le domaine de la foi. Et la foi seule — qui n’ est pas vérifiable — peut vérifier l’œuvre faite en son nom. Tout ce que
726 : là où leurs expériences deviennent comparables, soit qu’elles s’opposent terme à terme, ou que leurs formules se recoupent
727 upent. Mais il ne faut pas oublier que Kafka ne s’ est jamais expliqué, et qu’il est mort sans avoir pu donner l’équivalent
728 lier que Kafka ne s’est jamais expliqué, et qu’il est mort sans avoir pu donner l’équivalent des Entretiens de Goethe, ou d
729 erkegaard sur son activité d’auteur. Si donc nous fûmes parfois tentés d’inférer de ces trois œuvres géniales je ne sais quel
730 lles traduisent ou trahissent, l’exemple de Kafka est le plus propre à nous rappeler l’avertissement apostolique : « Le Sei
731 nous ne les connaissons, voire qu’eux-mêmes ne se sont connus. 55. Par exemple : la métamorphose subite d’un jeune homme
732 tuelle de l’état de lassitude et d’empêchement où sont maintenus les héros du Procès. Il se peut que la tuberculose, dont Ka
733 te prédisposition physiologique. 58. Kierkegaard est revenu maintes fois sur cette idée : que la Bible doit être lue comme
734 u maintes fois sur cette idée : que la Bible doit être lue comme une lettre qui nous est personnellement adressée, et non pa
735 la Bible doit être lue comme une lettre qui nous est personnellement adressée, et non pas comme un récit purement objectif
736 ver. 60. Qu’on lise bien K. et non Kafka. Il ne serait pas licite d’assimiler l’expérience intime de l’auteur à celle qu’il
737 l’auteur à celle qu’il fait subir à son héros. Je suis certain qu’en fin de compte, Kafka reste beaucoup plus proche de Kier
738 able de soupçonner que sa morale de bipède puisse être un renoncement au vol d’Icare, cette folie ne l’ayant jamais tenté le
7 1944, Les Personnes du drame. II. Liberté et fatum — 5. Luther et la liberté de la personne
739 la personne Dire qu’on ignore Luther en France serait exagérer, mais dans le sens contraire de celui qu’on imagine. Car on
740 on prétend, sans l’avoir jamais lu, savoir qui il fut , qui il est. Certains ont parcouru les Propos de table, présentés au
741 sans l’avoir jamais lu, savoir qui il fut, qui il est . Certains ont parcouru les Propos de table, présentés au public franç
742 ois grossières, de platitudes, de contradictions. Est -ce avec cela que s’est faite la Réforme ? D’autres, moins exigeants,
743 itudes, de contradictions. Est-ce avec cela que s’ est faite la Réforme ? D’autres, moins exigeants, n’hésitent pas à souten
744 s exigeants, n’hésitent pas à soutenir que Luther fut un démagogue, un exploiteur de l’éternel ressentiment de la race alle
745 me si Luther avait créé le germanisme. Comme s’il était l’ancêtre non de Niemöller, chrétien et luthérien, mais de Hitler, pa
746 te en donne une assez juste idée : « En somme, qu’ est -ce que Luther ? Un moine qui a voulu se marier »… L’ignorance ou la
747 plan théologique, ou mieux, dans la totalité de l’ être , revient à celle d’un christianisme mitigé de respect humain, et d’un
748 connais aucun de mes livres pour adéquat, si ce n’ est peut-être le De servo arbitrio et le Catéchisme. » Nous voici donc, a
749 ent dernier de sa responsabilité. Car la personne est dans la vie de l’individu à la fois l’élément libérateur — par rappor
750 . En d’autres termes, la liberté de la personne n’ est pas un attribut de l’individu en soi, mais elle lui est attribuée par
751 s un attribut de l’individu en soi, mais elle lui est attribuée par un appel gratuit du libre Esprit. Si l’homme naturel n’
752 pel gratuit du libre Esprit. Si l’homme naturel n’ est pas libre d’accéder à la liberté, cette liberté peut lui être donnée
753 re d’accéder à la liberté, cette liberté peut lui être donnée par la puissance vocative de Dieu62. Telle est la thèse fondam
754 donnée par la puissance vocative de Dieu62. Telle est la thèse fondamentale du De servo arbitrio, écrit en 1525 pour réfute
755 pamphlet, encore que le volume matériel du Traité soit bien écrasant pour le genre. Mais on s’aperçoit sans tarder que la di
756 ec Érasme et sa Diatribe (souvent personnifiée) n’ est en fait que le support apparent d’une réflexion de plus grande enverg
757 s de l’humaniste et du sceptique que se vantait d’ être Érasme, Luther en vient, de proche en proche, à ressaisir et reposer
758 les de la Réforme : justification par la foi, qui est don gratuit et œuvre de Dieu seul ; opposition de cette justice de Di
759 on » de l’homme « entre les mains de Dieu. » Tels sont les thèmes qu’illustre cet ouvrage. S’ils n’y sont pas traités en for
760 ont les thèmes qu’illustre cet ouvrage. S’ils n’y sont pas traités en forme, c’est qu’ils ne constituent pas un système, au
761 rès étroitement les uns les autres, et ne peuvent être mieux saisis que dans l’unique et perpétuelle question que nous posen
762 ble. Ils renvoient tous à une réalité dont ils ne sont que les reflets diversement réfractés par nos mots. Ils renvoient tou
763 la ? » Si tu le crois, si tu as reçu la foi, il n’ est plus rien de « difficile » dans les assertions de Luther, ni dans sa
764 que les grandes thèses pauliniennes de la Réforme soient acceptées (ou simplement connues !) par nos contemporains, même chrét
765 dire de Paul, bien plus ancien ! — tous ceux qui tiennent la prédestination pour un dogme immoral ou périmé ; ceux qui traduise
766  Paix aux hommes de bonne volonté », tous ceux-là sont , en fait, avec Érasme et son armée de « grands docteurs de tous les s
767 un point de vue purement esthétique, ces qualités sont assez rares et chez Luther assez flagrantes, pour qu’un lecteur qui r
768 rantes, pour qu’un lecteur qui refuse l’essentiel soit tout de même attiré et subjugué par le style, par le ton de l’ouvrage
769 ment (comme dirait le jargon d’aujourd’hui), tout est fait dans notre Traité pour heurter de front le lecteur incroyant, ou
770 es apôtres. D’abord le langage scolastique, qui n’ est pas du tout luthérien, mais que Luther est obligé d’utiliser pour déb
771 qui n’est pas du tout luthérien, mais que Luther est obligé d’utiliser pour débrouiller et supprimer les faux problèmes où
772 èce de considération psychologique. (Un tel homme est bien trop vivant pour faire de la psychologie, trop engagé dans le ré
773 nisme, de l’Église. L’humanisme laïque, autonome, est simplement nié comme une absurdité, une contradiction dans les termes
774 inévitable, et qui consiste à affirmer que Luther est « déterministe ». Mais le sérieux théologique est chose trop rare, et
775 est « déterministe ». Mais le sérieux théologique est chose trop rare, et pour beaucoup trop difficile à concevoir, pour qu
776 un simple rappel de l’ordre dans lequel ce Traité fut pensé. Je tenterai donc d’esquisser, tout au moins, le dialogue d’une
777 Nous refusons de jouer si d’avance le vainqueur a été désigné par un arbitre qui ne tient pas compte de nos exploits ! Un
778 es règles du jeu ? Qui t’a fait croire que ta vie était une partie à jouer entre toi et le monde, par exemple ; ou encore ent
779  J’ai besoin de le croire pour agir. L. — Mais qu’ est -ce qu’agir ? Est-ce vraiment toi qui agis ? Ou n’es-tu pas toi-même a
780 e croire pour agir. L. — Mais qu’est-ce qu’agir ? Est -ce vraiment toi qui agis ? Ou n’es-tu pas toi-même agi par de puissan
781 -ce qu’agir ? Est-ce vraiment toi qui agis ? Ou n’ es -tu pas toi-même agi par de puissantes forces sociales, historiques, e
782 C. M. — Il me suffit de vouloir l’affirmer. L. —  Soit , c’est une hypothèse de travail… Pour moi, je crois que Dieu connaît
783 actions passées, présentes et futures ; car elles sont dans le temps, Dieu dans l’éternité qui est avant le temps, qui est e
784 lles sont dans le temps, Dieu dans l’éternité qui est avant le temps, qui est en lui, et qui est encore après lui. Au regar
785 Dieu dans l’éternité qui est avant le temps, qui est en lui, et qui est encore après lui. Au regard de Dieu donc, « tout e
786 té qui est avant le temps, qui est en lui, et qui est encore après lui. Au regard de Dieu donc, « tout est accompli » — dep
787 encore après lui. Au regard de Dieu donc, « tout est accompli » — depuis la mort du Christ sur la croix. Non seulement pré
788 les fais librement, et tu viens me dire qu’elles sont prévues ! Et prévues par un Dieu éternel, qui dès lors se joue de moi
789 u’elle s’en formait… Nietzsche l’a bien vu : ce n’ est que le « Dieu moral » qui est passible de réfutation. Mais tu affirme
790 l’a bien vu : ce n’est que le « Dieu moral » qui est passible de réfutation. Mais tu affirmes que si Dieu prévoit tout, tu
791 on. Mais tu affirmes que si Dieu prévoit tout, tu es alors dispensé d’agir, et que ce n’est plus la peine de faire aucun e
792 it tout, tu es alors dispensé d’agir, et que ce n’ est plus la peine de faire aucun effort. C’est peut-être mal raisonner. S
793 ’est peut-être mal raisonner. Si ton effort aussi était prévu ? Pourrais-tu ne pas le fournir ? Et si tu décidais : « Je suis
794 s-tu ne pas le fournir ? Et si tu décidais : « Je suis , donc Dieu n’est pas ! »64 qui t’assurerait que cet acte de révolte é
795 rnir ? Et si tu décidais : « Je suis, donc Dieu n’ est pas ! »64 qui t’assurerait que cet acte de révolte échappe à l’éterne
796 te que Dieu, vraiment n’existe plus pour toi ? Il est une double prédestination : l’une au salut, l’autre à la damnation. Ê
797 ination : l’une au salut, l’autre à la damnation. Être damné, ne serait-ce pas justement être rivé au temps sans fin, et ref
798 au salut, l’autre à la damnation. Être damné, ne serait -ce pas justement être rivé au temps sans fin, et refuser l’éternité q
799 damnation. Être damné, ne serait-ce pas justement être rivé au temps sans fin, et refuser l’éternité qui vient nous délivrer
800 t nous délivrer du temps ? C. M. — Mais mon temps est vivant et plein de nouveauté, de création ! Ton éternité immobile c’e
801 maginer que morte. Mais la Bible nous dit qu’elle est la Vie, et notre vie présente n’est qu’une mort à ses yeux. Qui nous
802 s dit qu’elle est la Vie, et notre vie présente n’ est qu’une mort à ses yeux. Qui nous prouve que l’éternité est quelque ch
803 e mort à ses yeux. Qui nous prouve que l’éternité est quelque chose d’immobile, de statique ? Qui nous dit qu’elle n’est pa
804 d’immobile, de statique ? Qui nous dit qu’elle n’ est pas au contraire la source de tout acte et de toute création, une inv
805 t attachée à notre chair, à notre temps où elle s’ est constituée, soit capable de concevoir ce paradoxe ou ce scandale d’un
806 re chair, à notre temps où elle s’est constituée, soit capable de concevoir ce paradoxe ou ce scandale d’une éternité seule
807 ystère plus profond que notre vie, et la raison n’ est qu’un faible élément de notre vie. C’est un mystère que le croyant pr
808 e paradoxe et ce mystère : croire que « l’Éternel est vivant », croire que sa volonté — qui a tout prévu — peut aussi tout
809 un instant aux yeux de l’homme, sans que rien ne soit changé de ce qu’a décidé Dieu, de ce qu’il décide ou de ce qu’il déci
810 era ? Car l’Éternel ne connaît pas de temps, il n’ est pas lié comme nous à une succession. Mais au contraire, nos divers te
811 emps et successions procèdent de l’Éternel et lui sont liés : nous venons de lui, nous retournons à lui, il est en nous lors
812 s : nous venons de lui, nous retournons à lui, il est en nous lorsque l’Esprit dit la Parole dans notre cœur. Quelle étrang
813 n nous ferait croire qu’une décision de l’Éternel est une décision dans le passé ! Alors que c’est elle seule qui définit n
814 que c’est elle seule qui définit notre présent ! Est -ce que nos objections philosophiques et notre crainte du « fatalisme 
815 ’as rien prouvé. L. — On ne prouve rien de ce qui est essentiel, mais on l’accepte ou le refuse, en vertu d’une décision pu
816 une fois acceptés le Credo et son fondement, qui est la Parole dite en nous par l’Esprit et attestée par l’Écriture, — or
817 rit et attestée par l’Écriture, — or cette Parole est Christ lui-même — il me paraît que l’opinion de Luther n’est pas suje
818 lui-même — il me paraît que l’opinion de Luther n’ est pas sujette à de sérieuses objections. Et la démonstration purement b
819 ’un paradoxe que Luther n’a pas inventé, mais qui est au cœur même de l’Évangile. L’apôtre Paul l’a formulé avant toute tra
820 r cet extrémisme évangélique, que les sophistes n’ étaient que trop portés à corriger et à humaniser, au risque d’« évacuer la C
821 hrist ait dû mourir pour nous sauver — et la mort est un acte extrême, non pas une médiation flatteuse et humaniste —, cela
822 voulait se complaire Érasme. Le problème du salut est un problème de vie ou de mort. Or ce problème est seul en cause pour
823 est un problème de vie ou de mort. Or ce problème est seul en cause pour le théologien fidèle. Et tout est clair lorsque l’
824 seul en cause pour le théologien fidèle. Et tout est clair lorsque l’on a compris que Luther ne nie pas du tout notre facu
825 t qu’elle puisse suffire à nous obtenir le salut, étant elle-même soumise au mal. Tout le reste est psychologie, littérature
826 ut, étant elle-même soumise au mal. Tout le reste est psychologie, littérature et scolastique67. Il n’en reste pas moins q
827 jusqu’au désespoir, en sorte que je souhaitais n’ être pas né, avant que j’eusse reconnu combien salutaire était ce désespoi
828 s né, avant que j’eusse reconnu combien salutaire était ce désespoir et combien proche de la grâce ». Car en effet : « C’est
829 plus haut degré de la foi, de croire que ce Dieu est clément, qui sauve si peu d’hommes et en damne un si grand nombre ; e
830 s et en damne un si grand nombre ; et que ce Dieu est juste, dont la volonté nous rend nécessairement damnables… Mais quoi 
831 à comprendre par la raison de quelle manière Dieu est miséricordieux et juste, alors qu’il montre une si terrible colère et
832 injustice, qu’aurions-nous besoin de la foi ?… Ce serait un Dieu stupide qui révélerait aux hommes (en Christ) une justice qu’
833 pas dans un plan où elle reste insoluble. Érasme était encore un catholique ; son humanisme mesuré l’empêche de voir le vrai
834 er au nihilisme qui l’étreint dès lors que « Dieu est mort », ou qu’il l’a « tué », il imagine le Retour éternel. Et comme
835 e luthérien et du paradoxe nietzschéen ne saurait être ramenée à quelque influence inconsciente, encore bien moins à une coï
836 her adore une Providence dont la Parole vivante s’ est incarnée. Renversement du devoir de la Loi — qui nous condamne, car n
837 du devoir de la Loi — qui nous condamne, car nous sommes asservis — en un pouvoir d’aimer qui nous libère, et qui est le conte
838 s — en un pouvoir d’aimer qui nous libère, et qui est le contenu de la Grâce : « Emmanuel ! Dieu avec nous ! » 62. Le pa
839 u mais de la personne du chrétien : « Le chrétien est un maître libre sur toutes choses, et n’est soumis à personne. Le chr
840 étien est un maître libre sur toutes choses, et n’ est soumis à personne. Le chrétien est en toutes choses un serviteur, et
841 s choses, et n’est soumis à personne. Le chrétien est en toutes choses un serviteur, et dépend de tout le monde ». L’éditio
842 rahit l’esprit systématique dont l’ouvrage entier est inspiré, par le jeu tout artificiel et tout arbitraire des antithèses
843 hrasé. I Cor. IX : « Bien que libre en tout je me suis fait le serviteur de tous. » L’antithèse « arbitraire et artificielle
844 ous. » L’antithèse « arbitraire et artificielle » est donc de saint Paul. 63. Luther avertit à chaque fois : « Nécessité c
845 ur cette idée : qu’une décision éternelle de Dieu est une décision qui a été prise avant nos actes, — il y a très longtemps
846 décision éternelle de Dieu est une décision qui a été prise avant nos actes, — il y a très longtemps — « de toute éternité,
847 ur Grisar.) Autant dire que la religion de Luther serait la religion du péché ! Autant dire, d’autre part, que la liberté chré
848  » destructeur de toute liberté ! Ce genre d’abus est trop fréquent pour que je puisse le passer sous silence. (Il s’agissa
8 1944, Les Personnes du drame. III. Sincérité et authenticité — 6. Le Journal d’André Gide
849 6.Le Journal d’André Gide I Il ne serait guère honnête, et moins encore adroit de ne point avouer l’incertitud
850 res par excessive défiance d’une symétrie où l’on serait tenté de s’arrêter…) Faute d’un « jugement » que ces 1300 pages s’app
851 qui séduit, ce qui fascine dans ce Journal, ce n’ est rien qui puisse être défini séparément — style, sujets abordés, rythm
852 fascine dans ce Journal, ce n’est rien qui puisse être défini séparément — style, sujets abordés, rythme, idées, anecdotes —
853 e puis évoquer que l’exemple de Goethe, dont ce n’ est pas telle œuvre ou telle action que j’aime, mais bien le paysage vita
854 que l’on prend à lire le Journal d’André Gide. Il est probable que, du seul point de vue de l’art, cet intérêt demeure impu
855 concertées avouaient peut-être beaucoup mieux. Il est probable aussi que le journal est un genre littéraire inférieur, pour
856 ucoup mieux. Il est probable aussi que le journal est un genre littéraire inférieur, pour cette raison qu’il est toujours t
857 nre littéraire inférieur, pour cette raison qu’il est toujours trop facilement intéressant. Je ne le conçois, comme œuvre d
858 ne de moi une idée assez fausse. Je ne l’ai point tenu durant les longues périodes d’équilibre, de santé, de bonheur ; mais
859 ait éviter Gide, plus jalousement qu’aucun autre. Est -ce vraiment pour le diminuer qu’il anticipe sur ce risque ? Ou pour d
860 l leur rend par avance toutes ses armes ? Mais ce serait un mauvais calcul. Aux yeux d’un lecteur prévenu, tant de naturel pou
861 une pose raffinée. J’imaginerais plutôt que Gide est fasciné par l’obstacle qu’il veut éviter. Son horreur du malentendu l
862 sations des morales et des jugements tout faits n’ est plus seulement émouvant : il revêt la valeur d’une expérience crucial
863 et du journal intime en particulier. La passion d’ être complètement vrai finit par altérer le naturel ; mais par son excès m
864 , Stendhal). D’autres fois, l’œuvre et le journal sont simplement des manières différentes de poursuivre une même confidence
865 ne même confidence. On ne sait plus si le journal est en marge de l’œuvre, ou si l’œuvre n’est qu’un moment privilégié de c
866 journal est en marge de l’œuvre, ou si l’œuvre n’ est qu’un moment privilégié de ce journal. Alors le vrai portrait de l’au
867 ce journal. Alors le vrai portrait de l’auteur n’ est plus dans l’œuvre ni dans le journal, mais dans leur mutuelle réfract
868 nous y livre de lui-même68 — il se peut qu’elles soient dites dans les Cahiers d’André Walter, et surtout dans La Porte Étroi
869 u seul journal. « Les choses les plus importantes sont celles que souvent je n’ai pas cru devoir dire — parce qu’elles me pa
870 n se veuille en relatant ses journées, comment ne serait -on pas tenté de dire surtout ce qui a frappé, ce qui est bizarre, ce
871 pas tenté de dire surtout ce qui a frappé, ce qui est bizarre, ce qui fait exception justement. Et comment ne céderait-on p
872 s rosse que nature. Gide lui-même, à ce jeu, ne s’ est pas épargné : « Je ne suis qu’un petit garçon qui s’amuse — doublé d’
873 ui-même, à ce jeu, ne s’est pas épargné : « Je ne suis qu’un petit garçon qui s’amuse — doublé d’un pasteur protestant qui l
874 it ? Cercle vicieux de la sincérité. Ou bien l’on est banal — pour rétablir les quotidiennes proportions — ou bien l’on ne
875 telle pensée ou de tel acte exceptionnel. Mais ne serait -ce pas alors au détriment de tout élan lyrique, de tout grand style d
876 une véracité stérile ? ⁂ Les journaux d’écrivains sont toujours vrais, mais d’une vérité indirecte, et parfois même négative
877 désir de compenser ou de parfaire ce qui n’a pas été vécu. (« J’avais besoin de lui pour me ressaisir. ») La vie réelle n’
878 s manqués… Il s’agirait de savoir si la vraie vie est dans ce qu’on fait, ou dans ce qu’on pense de ses actions. ⁂ Mais voi
879 ubliant ce qui va de soi : l’autoportrait de Gide est aussi ressemblant. On l’y retrouve aussi au naturel, avec toutes ses
880 usqu’à quel point « l’antichristianisme » de Gide est chrétien dans ses déterminations ? Je crois qu’on s’est trop laissé p
881 rétien dans ses déterminations ? Je crois qu’on s’ est trop laissé prendre à sa perpétuelle polémique contre les convertis-c
882 drait voir que, pour lui, le problème religieux s’ est posé dans des termes qui échappent, presque nécessairement, à la soll
883 sairement, à la sollicitude des catholiques. Gide fut élevé dans un milieu calviniste où la religion paraissait se réduire
884 qui inspire et qualifie nos actions quotidiennes, fussent -elles non conformistes. Mais toute morale a bientôt fait de se muer à
885 ») Ceci explique que le souci central de Gide ait été de débarrasser son christianisme de toutes les adjonctions « humaines
886 u de la conversion trop facile. « Le catholicisme est inadmissible. Le protestantisme est intolérable. Et je me sens profon
887 catholicisme est inadmissible. Le protestantisme est intolérable. Et je me sens profondément chrétien. » Ou encore : « Je
888 sens profondément chrétien. » Ou encore : « Je ne suis ni protestant, ni catholique ; je suis chrétien, tout simplement. » P
889  : « Je ne suis ni protestant, ni catholique ; je suis chrétien, tout simplement. » Position caractéristique du protestantis
890  Ce qui me retient (d’entrer dans l’Église), ce n’ est pas la libre-pensée, c’est l’Évangile. » Mais n’y a-t-il pas chez Gid
891 ine), un attachement à sa vérité propre qui, lui, est moins évangélique qu’individualiste, ou même rationaliste. Certes je
892 Kierkegaard. Gide répugne à paraître plus qu’il n’ est , à affirmer plus qu’il ne croit. Il décrit X, « forcé de s’asseoir au
893 iment… » Kierkegaard, lui aussi, répétait : je ne suis pas chrétien. Mais c’était par désir de sauver une conception pure de
894 int d’autorité ; et si j’en reconnaissais une, ce serait celle de l’Église » (donc de Rome). Allons donc ! Pour un protestant,
895 me). Allons donc ! Pour un protestant, ce dilemme est aussi choquant que le serait pour un Anglais ou pour un Scandinave le
896 protestant, ce dilemme est aussi choquant que le serait pour un Anglais ou pour un Scandinave le dilemme entre l’anarchie et
897 me totalitaire. Assimiler l’autorité au romanisme est d’ailleurs une erreur des plus courantes, en France surtout, et même
898 e. Insister, discuter, citer sources et faits, ce serait encore de la sincérité, face à l’objet ; mais cela nuirait à l’élan s
899 tification : en somme, elle insinue que la morale est fausse, et que nos contradictions sont légitimes. Elle porte ainsi, m
900 e la morale est fausse, et que nos contradictions sont légitimes. Elle porte ainsi, malgré son intention, des jugements de v
901 Tout existe dans l’homme, dit-elle, mais tout n’y est pas d’égale valeur. Et ce n’est pas hypocrisie, bien au contraire, qu
902 le, mais tout n’y est pas d’égale valeur. Et ce n’ est pas hypocrisie, bien au contraire, que de déclarer ses valeurs. Nos c
903 , que de déclarer ses valeurs. Nos contradictions sont réelles, nos hiérarchies éthiques ne le sont pas moins, mais celles-c
904 ions sont réelles, nos hiérarchies éthiques ne le sont pas moins, mais celles-ci tendent à réduire celles-là, par une série
905 -là, par une série de choix vitaux où s’exprime l’ être en action, c’est-à-dire sa tendance dominante, le style de son existe
906 élargi qu’il conviendrait de répéter que le style est de l’homme même. Il est en nous le trait révélateur d’une unité inten
907 t de répéter que le style est de l’homme même. Il est en nous le trait révélateur d’une unité intentionnelle, d’un parti pr
908 tionnelle, d’un parti pris aussi sincère, si ce n’ est plus, que la pluralité des pulsions instinctives. Fixer, en les notan
909 e déformer. Car une introspection microscopique n’ est pas sans action sur la vie ; elle introduit dans les combinaisons à é
910 ucidité qui modifie les données naturelles. Or il est très curieux de remarquer que Gide adopte dans sa vie — telle que la
911 eption de la sincérité, alors que toute son œuvre est dominée par la seconde. Toute l’esthétique de Gide — son style écrit 
912 châtiée, réglant une œuvre dont le grand message est qu’il faut se libérer des règles. Gide, à l’interviewer fictif qui lu
913 e, à l’interviewer fictif qui lui demandait ce qu’ est l’éthique, répond : Une dépendance de l’esthétique. Or non seulement
914 e pour les détails les plus subtils de l’écriture est attesté par cent pages du Journal. Je n’oublie pas qu’il a coupé les
915 un puritain à se laisser aller. Et si le puritain est un styliste de la morale, Gide reste un puritain du style. Peut-être
916 orale, Gide reste un puritain du style. Peut-être tenons -nous ici le principe de l’intime hiérarchie révélatrice de sa personn
917 ’intime hiérarchie révélatrice de sa personne. Ce serait la tension instituée entre une exigence esthétique dont le principe e
918 ée entre une exigence esthétique dont le principe est proprement « moral », et une éthique qui se voudrait « immoraliste ».
919 choix. ⁂ Règles et choix — convenir et créer — ce sont les conditions de toute culture. Toutefois, j’ai dit la méfiance d’ar
920 la sienne ma génération littéraire. Notre culture est beaucoup plus philosophique — je simplifie — que littéraire. Non poin
921 ilégié : celui des lettres et de leur morale, qui est l’esthétique. Les problèmes qui nous sont posés nous contraignent par
922 ale, qui est l’esthétique. Les problèmes qui nous sont posés nous contraignent parfois davantage qu’ils ne servent nos goûts
923 araît que la leçon de Gide, pour ceux de mon âge, est moins urgente dans l’ordre de l’éthique que dans celui de l’esthétiqu
924 ur n’abandonner point les positions auxquelles on tient , et qui ne sont pas exactement les siennes…
925 oint les positions auxquelles on tient, et qui ne sont pas exactement les siennes…
9 1944, Les Personnes du drame. III. Sincérité et authenticité — 7. Vues sur Ramuz
926 ace. Hugo de Hofmannsthal. Toute méthode féconde est basée sur une intuition des faits qu’elle veut appréhender. Dans cett
927 s qu’elle veut appréhender. Dans cette mesure, il est exact de dire qu’elle s’ordonne par avance à sa fin. On n’imagine pas
928 te personne ne comportent aucun système : mais il est si totalement exprimé qu’on ne peut plus le distinguer des formes qu’
929 inguer des formes qu’il propose à notre vue. Il s’ est transformé en domaine. Il faut le lire comme un visage. Qu’est-ce qu’
930 é en domaine. Il faut le lire comme un visage. Qu’ est -ce qu’un domaine, qu’est-ce qu’une propriété réelle, sinon l’extensio
931 lire comme un visage. Qu’est-ce qu’un domaine, qu’ est -ce qu’une propriété réelle, sinon l’extension dans l’espace d’une loi
932 ’aille pas chercher derrière les phénomènes : ils sont eux-mêmes enseignement », dit Goethe. Il n’y a rien à voir sous les a
933 s formes en même temps que notre œil. « La vérité est une pensée matérialisée, la vérité doit exister non seulement en nous
934 s un relief et un volume. Elle doit non seulement être vue, mais touchée et puis embrassée, puis finalement soulevée, ayant
935 nt : « Si c’était vrai, ça se verrait. 71 » Telle est la loi nouvelle et la réalité d’une ère dominée par ce fait historiqu
936 i, ça se verrait… Ainsi la clé de toute création est dans le visage de l’homme. Qu’un homme détienne un pouvoir créateur,
937 ur voir. Encore faut-il en croire ses yeux…) Il n’ est d’esprit que dans l’action qui saisit une forme pour la transformer.
938 . Ni dans le ciel. L’esprit n’a pas de siège : il est passage, prise et saisissement. L’esprit se manifeste dans la main qu
939 tir des bois dans le rose du lever du jour et ils sont roses dans le ciel rose, avec des gouttes de rosée qui leur pendent à
940 ’eux. Et l’on verrait alors que ces bonshommes ne sont point décrits « de l’extérieur » — comme le voudrait certaine formule
941 udrait certaine formule naturaliste — mais qu’ils sont décrits dans leur forme, ce qui n’est pas du tout la même chose. La f
942 ais qu’ils sont décrits dans leur forme, ce qui n’ est pas du tout la même chose. La forme humaine, si l’homme est authentiq
943 tout la même chose. La forme humaine, si l’homme est authentique, est microcosme d’un pays, d’un paysage et d’un ensemble
944 se. La forme humaine, si l’homme est authentique, est microcosme d’un pays, d’un paysage et d’un ensemble de coutumes. Les
945  ». C’est comme lui quand il écrit. Car sa vision est harmonie avec ces formes, et son langage avec les rythmes qu’elles tr
946 ’elles traduisent. Une forme, une image vivante : est -ce extérieur ou intérieur ? L’artiste répondra : ni l’un ni l’autre.
947 ’artiste répondra : ni l’un ni l’autre. Car il se tient , avec son imagination, dans cette région qui n’est ni du dedans ni du
948 nt, avec son imagination, dans cette région qui n’ est ni du dedans ni du dehors, qui est contact, et littéralement drame en
949 e région qui n’est ni du dedans ni du dehors, qui est contact, et littéralement drame entre la vision et l’objet, entre la
950 ngible, le matériel lisible et significatif. Nous sommes au foyer permanent de l’incarnation des images — ou de la création im
951 ret chez un homme.) ⁂ « Car le phénomène de l’art est un phénomène d’incarnation (ce que l’école ne comprend pas) ». Toute
952 in français, de tradition classique, comme ils le sont tous plus ou moins, s’excuse de l’emploi qu’il fait, par occasion, d’
953 es duperies qu’ils recouvrent. Les mots abstraits sont nécessaires à une certaine circulation d’idées qui représentent les c
954 billets représentent l’or de la réserve. Le mot n’ est rien qu’un droit de l’esprit aux choses. Mais s’il n’y a plus de chos
955 : celui de l’étymologie. Car le sens étymologique est toujours lié à une chose (ou à une action sur les choses). Utiliser l
956 son état naissant, dont la chimie nous dit qu’il est l’état de virulence extrême. Les journalistes et l’école ont déconten
957 d’assise occupée à juger des meurtres dont le vol est le mobile. Je dis qu’il ferait un bien meilleur travail éducatif. Car
958 l’argent et les bienfaits qui en découlent.) Si j’ étais dictateur, je nommerais Ramuz président de ce tribunal. Et nous aurio
959 ns, au temps où le seul tribunal vraiment redouté était celui du goût. (On le dit encore de nos jours, mais le goût n’est plu
960 t. (On le dit encore de nos jours, mais le goût n’ est plus que poncif.) La même volonté d’incarnation se manifeste dans l’a
961 ntérieur d’une même phrase. Je ne crois pas qu’il soit possible de les ramener à une loi, ni même à un usage régulier ; ou p
962 llèle d’attitudes et de faits visibles ; l’accent étant porté sur la causalité, et les faits se réduisant peu à peu au rôle d
963 i d’une approximative reconstruction des âmes. Il est entendu désormais qu’un auteur qui n’utilise que des faits se range d
964 r autre chose que ce qu’elle montre. Elle ne peut être interprétée que par ses relations organiques à d’autres formes. Et c’
965 ci plus de concepts, plus d’idées générales. Tout est images et complexes d’images. Tout est mythe. Ainsi la mythologie, ch
966 ales. Tout est images et complexes d’images. Tout est mythe. Ainsi la mythologie, chez Ramuz, déloge l’analyse abstraite de
967 d’une société donnée, bien définie. Il ne saurait être question d’une société bourgeoise et citadine : celle-ci reste, en pr
968 naît une littérature d’intrigues pour laquelle il est clair que Ramuz n’est par doué. Mais la forme même que revêt chez Ram
969 ’intrigues pour laquelle il est clair que Ramuz n’ est par doué. Mais la forme même que revêt chez Ramuz la faculté d’imagin
970 ion, devait le conduire à créer un milieu où tout être se traduisît immédiatement par un paraître ; en sorte qu’on pût faire
971 union et en conflit vital avec les éléments. Ce n’ est point là un art « d’après le peuple », mais on dirait plus justement 
972 e celle du pays de Vaud : non pas la grecque, qui est scolaire — pour eux — mais la biblique, qui est vivante.) Ainsi tous
973 i est scolaire — pour eux — mais la biblique, qui est vivante.) Ainsi tous parlent un même langage, qu’ils l’inscrivent sur
974 les événements actuels — cela se passe un jour d’ été de 1918 — sont expliqués à la lumière des Écritures. La Fin des temps
975 s actuels — cela se passe un jour d’été de 1918 — sont expliqués à la lumière des Écritures. La Fin des temps est proche, il
976 qués à la lumière des Écritures. La Fin des temps est proche, il faut en témoigner. Caille pénètre dans les cours de ferme,
977 ge s’amasse. Vers le soir il éclate tragiquement. Est -ce la Fin ? Grande heure de terreur et de prière… Puis, « la page du
978 e terreur et de prière… Puis, « la page du ciel a été tournée », ils se relèvent. « Il paraît bien qu’on n’est pas morts ! 
979 rnée », ils se relèvent. « Il paraît bien qu’on n’ est pas morts ! » Le monde renaît dans une soirée pure et le baiser d’un
980 te monotonie73. Un art dont la mesure ne doit pas être cherchée dans le pittoresque, ni dans l’ingéniosité, ni dans l’harmon
981 s du récit, surimpressions, changements de temps, sont ici largement mis en œuvre ; mais avec une probité particulière. La s
982 bité particulière. La surimpression par exemple n’ est jamais pour Ramuz ce qu’elle fut pour d’autres : un moyen de créer du
983 on par exemple n’est jamais pour Ramuz ce qu’elle fut pour d’autres : un moyen de créer du mystère en brouillant les plans
984 du mystère en brouillant les plans du réel ; elle est au contraire un moyen de rendre plus totale la vision. Tout indique,
985 au sérieux l’intrigue d’un roman bourgeois. On s’ est trop arrêté à l’insolite du style chez Ramuz. Ce qu’il a d’insolite,
986 du style chez Ramuz. Ce qu’il a d’insolite, ce n’ est point tant sa forme que les vertus qu’elle suppose : la sobriété, la
987 ssi « l’actualité » singulière d’un tel livre. Il est des sujets éternels, ou mieux, perpétuels — sujets d’étonnement perpé
988 ujets d’étonnement perpétuel — et la Fin du Monde est l’un d’eux. Un vrai mythe, c’est-à-dire un événement perpétuellement
989 e date. Les périodes qui marquent dans l’Histoire sont celles où la forme d’un mythe affleure, s’incarne et devient visible7
990 ythe affleure, s’incarne et devient visible75. Ce sont les périodes de crise. Or toute crise est un jugement, c’est-à-dire u
991 75. Ce sont les périodes de crise. Or toute crise est un jugement, c’est-à-dire un arrêt dans une forme. Cela se voit par l
992 hes et qui les réalise dans sa vision — cet homme sera toujours en puissance d’aujourd’hui, enraciné profondément dans une p
993 permanente actualité. IIRamuz idéologue Il est remarquable que ceux dont la fonction serait d’exprimer notre civilis
994 e Il est remarquable que ceux dont la fonction serait d’exprimer notre civilisation, en un temps où elle se trouve brutalem
995 Ramuz (sur le Travail), débute ainsi : « Pourquoi est -ce qu’on travaille ? Parce qu’on y est forcé. Pourquoi y est-on forcé
996 « Pourquoi est-ce qu’on travaille ? Parce qu’on y est forcé. Pourquoi y est-on forcé ? » Je vois que cet article en vient à
997 n travaille ? Parce qu’on y est forcé. Pourquoi y est -on forcé ? » Je vois que cet article en vient à formuler le dilemme e
998 e entre sociologie et métaphysique, qui se trouve être le dilemme urgent de l’heure. Et je m’inquiète ; non pas de ces quest
999 e brillants essais sur le monde actuel et futur ? Est -ce le fait d’une disposition trop romantique que d’avoir cru distingu
1000 e vue pratiquement bouleversant ? D’autre part, n’ est -ce point le fait d’un certain manque de tact intellectuel que de pose
1001 s vient cependant où la métaphysique se posera ou sera niée en termes concrets, en termes de nourriture par exemple, non plu
1002 sa grandeur, c’est-à-dire dans l’élémentaire : un être qui est nu, qui a froid, qui a faim, qui a été jeté au sein d’une nat
1003 ur, c’est-à-dire dans l’élémentaire : un être qui est nu, qui a froid, qui a faim, qui a été jeté au sein d’une nature host
1004 n être qui est nu, qui a froid, qui a faim, qui a été jeté au sein d’une nature hostile, de sorte qu’il lui faut sans cesse
1005 le dialogue avec son public et l’époque. Quel que soit l’agacement que l’on puisse éprouver devant certaines pages où la sim
1006 il échappe entièrement et de toutes les façons, n’ étant pas même révolutionnaire, au sens politique de ce terme, parce qu’il
1007 naire, au sens politique de ce terme, parce qu’il est vraiment radical76. Et ce n’est pas qu’il ait jamais craint de tirer
1008 erme, parce qu’il est vraiment radical76. Et ce n’ est pas qu’il ait jamais craint de tirer sur ces racines, mais il a vu qu
1009 t de tirer sur ces racines, mais il a vu qu’elles tenaient bon, qu’elles tenaient trop de terre embrassée, et par elle un pays e
1010 nes, mais il a vu qu’elles tenaient bon, qu’elles tenaient trop de terre embrassée, et par elle un pays et son peuple. Car « c’e
1011 c’est le pays des ressemblances. Regarde, tout y tient ensemble fortement, comme dans le tableau d’un grand peintre. » Il a
1012 concret dans un ordre élargi. Cette élaboration n’ est pas de celles dont un écrivain d’aujourd’hui puisse faire l’économie7
1013 sse faire l’économie77. L’a-t-il menée à chef, on est frappé de voir que toute une idéologie s’y trouve incluse et déjà déf
1014 ce mythe purement cérébral ? « Je ne distingue l’ être qu’aux racines de l’élémentaire », écrivait-il dans Six Cahiers. Parl
1015  la joie, ce point vraiment commun, parce qu’il «  est au-delà de la vie ». C’est le communisme qui règne au Jugement dernie
1016 ait aux Origines, car la Fin et le Commencement «  sont en ressemblance et voisinage ». Ce regard rajeuni, ces gestes rudimen
1017 e-poète, « le peuple tous en un ». Mais son œuvre est bien au-delà de l’ère machiniste où la Russie s’engage. Un trait prof
1018 art m’en convainc : le sens de la vénération, qui est aussi le sens de la lenteur des choses. Personne, en Occident, n’a sa
1019 ages du Grand Printemps. Personne plus que lui ne serait digne de revendiquer la qualité de « communiste » si les mots conserv
1020 , il n’en resterait pas moins, par le fait de son être même, une protestation contre l’orthodoxie matérialiste. Quand on pos
1021 et le sens de la communauté, — indissolubles — on est une objection vivante à tout individualisme, à tout collectivisme, à
1022 , à tout collectivisme, à tout « isme ». Quand on est à ce point possédé par la vie particulière des choses et des êtres, o
1023 possédé par la vie particulière des choses et des êtres , on n’a pas besoin d’arguments pour faire sentir l’absurdité des « lo
1024 oir tout aussi bien que Taille de l’homme : Ramuz est présent à ce monde, — eux, ils essaient de le recomposer au sein de s
1025 s de l’Histoire, il faut dire simplement qu’elles sont vraies pour eux-mêmes et pour tous ceux de leur croyance. On ne calcu
1026 avec des quantités mortes. Ceux qui se vantent d’ être calculables ont très probablement raison : c’est une constatation de
1027 tière » sur laquelle tout se fonde, que Staline s’ est vu contraint, pour en finir, de fixer la saine doctrine par un ukase
1028 ens. C’est à peu près, l’ukase en moins, ce qui s’ est passé chez les bourgeois au sujet du mot « esprit ».) Le vrai matéria
1029 idée de l’homme dans sa tête, nous dirons que ce sont les deux moitiés d’une figure. Mais cette figure est un autoportrait.
1030 les deux moitiés d’une figure. Mais cette figure est un autoportrait. Comment les autres la voient-ils ? C’est aux critiqu
1031 ky. Cette interprétation à la volée d’une figure, est à mes yeux plus significative dans sa déformation délibérée, que les
1032 t pas seulement dans la marge de ce croquis. Elle est encore dans le beau trait qui ondule de l’œil droit au menton de Ramu
1033 plusieurs « traits » de Petrouchka. La moustache est noircie par une plume habituée à tracer comme au pinceau d’épaisses b
1034 e manuscrit des Noces. Quant au nez d’aigle, ce n’ est guère celui que les photos du modèle nous montrent. Le nez est d’ordi
1035 ui que les photos du modèle nous montrent. Le nez est d’ordinaire l’élément le plus impersonnel dans un visage, le plus rac
1036 , le plus racial ou animal. Celui de ce croquis n’ est que l’indication d’un instinct prédateur peut-être russe, nullement v
1037 ironnement d’objets qui le délimitent. Le visage est vision et expression : œil et bouche ; il est aussi élaboration et ex
1038 age est vision et expression : œil et bouche ; il est aussi élaboration et exécution : front et menton. Si vous voulez déco
1039 ux yeux : la personne n’a pas d’autre siège, elle est ce complexe de tensions, cette équation fondamentale de l’être. La pr
1040 exe de tensions, cette équation fondamentale de l’ être . La première impression qu’on reçoit de ce portrait serait trop faibl
1041 a première impression qu’on reçoit de ce portrait serait trop faiblement traduite par le mot de méfiance : il faudrait parler
1042 e purement moral. La dissimulation dans un visage est , au contraire, un fait physiologique. Stravinsky l’a souligné en exag
1043 ent de la paupière supérieure. Le regard de Ramuz est direct, mais volontairement limité, rabattu. Ce n’est pas là l’œil d’
1044 direct, mais volontairement limité, rabattu. Ce n’ est pas là l’œil d’un idéaliste ; mais d’un homme qui choisit parmi les c
1045 is d’un homme qui choisit parmi les choses qui se tiennent à hauteur d’homme, et qui résistent à la pénétration d’un regard ferm
1046 bonté, qui préfère se montrer rébarbative. (Elle est aussi, je crois, cette bonté naturelle, dans le renflement de la joue
1047 nflement de la joue au niveau de la bouche.) Quel est , en somme, le rôle de l’expression, sinon de montrer surtout ce qui s
1048 ent mesurées. Ainsi la dissimulation de ce visage est style. Maintenant, les objets. Tout ce que le résumé critique de la f
1049 tique d’un certain réalisme populaire, dont Ramuz est peut-être le seul à avoir su montrer la nécessaire dignité. Le sens d
1050 cessaire dignité. Le sens de l’objet, chez Ramuz, est lié à son sens goethéen du symbole. Il ne va pas au pittoresque dans
1051 oresque dans les choses, mais au particulier, qui est la substance du général. La partie n’a de sens et d’authenticité qu’a
1052 ur de drames historiques.) Quant au chapeau, ce n’ est point par hasard que Stravinsky l’a si bien dessiné. Ce chapeau est t
1053 rd que Stravinsky l’a si bien dessiné. Ce chapeau est tout un programme, au sens agressif du terme. C’est le chapeau plat d
1054 tes en réaction contre le bon goût helvétique. Il est la part des contingences dans cette curieuse ellipse d’un visage.
1055 ai dire que là où leur personne prend fin. Elle n’ est pas dans le contact aussi direct que possible avec l’objet ; elle est
1056 act aussi direct que possible avec l’objet ; elle est dans la suppression de tout contact avec l’objet. On croit voir tran
1057 d fin là où commence pour lui l’impersonnel. Elle est dans le contact aussi direct que possible avec l’objet ; elle est dan
1058 act aussi direct que possible avec l’objet ; elle est dans la volonté, dans l’amour, dans la création du contact avec l’obj
1059 ifférence capitale que, chez Goethe, le contact n’ est jamais « aussi direct que possible ». Goethe sait mal le grec, et con
1060 ces. Ramuz commence là où tous les intermédiaires sont supprimés. Goethe cherche une économie des moyens, qui permette d’all
1061 faut pas oublier que la culture de notre temps n’ est plus du tout ce qu’elle était au temps de Goethe. Plus encore que sa
1062 ture de notre temps n’est plus du tout ce qu’elle était au temps de Goethe. Plus encore que sa valeur, c’est sa fin qui est d
1063 ethe. Plus encore que sa valeur, c’est sa fin qui est devenue contestable. Il se peut que l’effort réactionnaire de Ramuz,
1064 tionnaire de Ramuz, dans les contingences où nous sommes soit, plus qu’il n’y paraît, conforme à l’éducation goethéenne. Il se
1065 re de Ramuz, dans les contingences où nous sommes soit , plus qu’il n’y paraît, conforme à l’éducation goethéenne. Il se peut
1066 couvrir que le « gazouillis » des oiseaux pouvait être et était souvent le plus brutal des tintamarres, « un bruit de vitres
1067 que le « gazouillis » des oiseaux pouvait être et était souvent le plus brutal des tintamarres, « un bruit de vitres cassées,
1068 coups de pioche ou de marteau. » Les glaciers ne sont pas « sublimes » comme on chante dans les écoles suisses. Et il est f
1069  » comme on chante dans les écoles suisses. Et il est faux de « chanter » la montagne : les montagnards l’appellent « le ma
1070 n réaction contre l’académisme. Si puissantes que soient les conventions dans un pays, elles ne peuvent pas nourrir une réacti
1071 uvent pas nourrir une réaction créatrice. Et ce n’ est point en haine de la facilité qu’un homme recherchera jamais l’effort
1072 e proprette, leur idéal du bon-écolier-type, ce n’ est jamais au nom d’un naturisme romantique78. C’est parce que toutes ces
1073 ort même, pour lui, garantit la réalité. L’effort est le concret de l’homme79. Saisir les choses et les êtres, tels qu’ils
1074 le concret de l’homme79. Saisir les choses et les êtres , tels qu’ils sont et tels qu’ils se montrent, dégradés, désunis, info
1075 me79. Saisir les choses et les êtres, tels qu’ils sont et tels qu’ils se montrent, dégradés, désunis, informes ; et par l’ef
1076 fort d’une imagination qui retrouve leur raison d’ être , les pousser jusqu’à l’expression de leur nature primitive, produire
1077 n de sa personne en exercice. « Je ne distingue l’ être qu’aux racines de l’élémentaire ». Parce que le critère du réel c’est
1078 brute exige le plus dur effort, parce que l’homme est le plus humain là où les choses et les êtres attendent tout de son po
1079 ’homme est le plus humain là où les choses et les êtres attendent tout de son pouvoir restaurateur : leur nom, leur nombre et
1080 e importance extrême, non seulement parce qu’elle est la plus clairvoyante que Ramuz ait écrite sur son art, mais aussi par
1081 eu près seule dans son œuvre, une perspective qui est je crois, celle de sa plénitude. Par-delà tous les pays, il y a peu
1082 Père et une Mère, où la grande parenté des hommes est entre-aperçue pour un instant. Car c’est à la réapercevoir que tenden
1083 i de suite à l’infini, de sorte que pour finir on est chacun tout seul sur son petit bout de sentier. Et il y a aussi cette
1084 a aussi cette malédiction, où on sent bien qu’on est (car rien autour de nous n’est vraiment éclos, vraiment abouti ; aucu
1085 on sent bien qu’on est (car rien autour de nous n’ est vraiment éclos, vraiment abouti ; aucune musique n’est parfaite, aucu
1086 raiment éclos, vraiment abouti ; aucune musique n’ est parfaite, aucun livre n’est parfait, aucun tableau n’est parfait ; et
1087 ti ; aucune musique n’est parfaite, aucun livre n’ est parfait, aucun tableau n’est parfait ; et tout travail d’abord est du
1088 faite, aucun livre n’est parfait, aucun tableau n’ est parfait ; et tout travail d’abord est dur, tout travail difficile, to
1089 n tableau n’est parfait ; et tout travail d’abord est dur, tout travail difficile, tout travail, toute espèce de travail se
1090 ntre nous-mêmes et contre Quelqu’un, tout travail est malédiction), — jusqu’à ce que tout à coup, par une espèce de renvers
1091 (c’est Une Main) je lis ceci : « Certains hommes tiennent pour un gain tout ce qui leur rapporte une facilité ; moi je ne tiens
1092 out ce qui leur rapporte une facilité ; moi je ne tiens pour un gain que ce qui m’apporte un exemple. » Comment, ici encore,
1093 une cheminée qui tire mal. J’aime les choses qui sont à leur façon, tandis que je suis à la mienne. » ⁂ Je vois, j’ai tenté
1094 e les choses qui sont à leur façon, tandis que je suis à la mienne. » ⁂ Je vois, j’ai tenté de faire voir comment Ramuz exis
1095 Ramuz existe à sa façon. Je vois que son pouvoir est sa présence active au monde. Toute résistance nous oblige à être prés
1096 e active au monde. Toute résistance nous oblige à être présent. Je vois ce grand exemple d’une volonté tendue vers l’origine
1097 la coutume d’un peuple et l’authentique raison d’ être , l’identité d’une personne. Je vois, j’apprends, j’entends la voix d’
1098 vois, j’apprends, j’entends la voix d’un homme. N’ est -ce pas assez ? Cette voix n’est-elle pas émouvante ? — Oui, c’est bea
1099 oix d’un homme. N’est-ce pas assez ? Cette voix n’ est -elle pas émouvante ? — Oui, c’est beaucoup, la voix d’un homme. C’est
1100 chappe à nos prises. Ainsi fait Goethe ; et telle est sa vertu. Mais notre siècle pose d’autres questions, des questions qu
1101 s origines et ses fins. Voici le temps où l’homme est attaqué par des puissances qui veulent son abdication totale, — ou sa
1102 enant il y va de notre tout. La question dernière est posée : celle de notre origine décisive. Le silence perd alors son po
1103 re chose que de nous. « Tout notre embrassement n’ est qu’une question81 ». Or une question ne peut être sérieuse que si l’o
1104 ’est qu’une question81 ». Or une question ne peut être sérieuse que si l’on sait que la réponse existe. Il fallait nous appr
1105 cet embrassement, cette saisie des choses et des êtres , cette présence au monde et à soi-même, — l’originalité de l’homme « 
1106 squ’au tenue. Le fondement dernier de la personne est témoignage. Témoigner, c’est risquer en dépit de tout et de soi, ce q
1107 détournant l’attention de l’acte — car tout acte est particulier — pour la porter sur l’intention qui relève du général. A
1108 tention qui relève du général. Ainsi le moralisme fut une doctrine abstraite du concret. Mais ses racines plongent dans la
1109 ce que l’on fait se voit. L’acte le plus secret, fût -il même un silence, laisse une trace au visage de l’homme, modifie sa
1110 ’homme, modifie sa forme existante. « La figure a été faite sur la vérité et la vérité a été reconnue sur la figure » (Pasc
1111 a figure a été faite sur la vérité et la vérité a été reconnue sur la figure » (Pascal, cité par Ramuz). 72. C’est là ce q
1112 ce qu’il appelle sa vie intérieure, surtout s’il est résolument laïque. Rien n’est plus facile à concevoir, dans notre éta
1113 ieure, surtout s’il est résolument laïque. Rien n’ est plus facile à concevoir, dans notre état social, qu’un patriote qui,
1114 étranger pour les mettre à l’abri du fisc. Ce qui est difficile, c’est de justifier une telle conduite… C’est alors que le
1115 74. Dans les essais de Ramuz, ses tics de langage sont très apparents : excès de et, de il y a que, de singulièrement (pris
1116 75. On pourrait soutenir que l’époque 1900-1910 fut « inactuelle » pour la grande masse de ceux qui la vécurent. Et qu’el
1117 ’œuvre de Sorel et de Lénine. 76. Cette attitude est assez goethéenne. Un sens puissant de l’organique empêchera toujours
1118  autorisation » (Art poétique). Les philosophes y sont contraints professionnellement pourrait-on dire. Mais la plupart des
1119 tifs » comme on semble le croire : il ne faut pas être seulement un primitif, il faut être aussi un primitif. » Et d’ailleur
1120 l ne faut pas être seulement un primitif, il faut être aussi un primitif. » Et d’ailleurs la nature dont il parle n’est pas
1121 imitif. » Et d’ailleurs la nature dont il parle n’ est pas la Nature du Rousseauisme, mais la nature des choses. 79. Pour a
10 1944, Les Personnes du drame. III. Sincérité et authenticité — L’Art poétique de Claudel
1122 t poétique de Claudel La création tout entière est un discours adressé à la créature au moyen de la créature : car un jo
1123 nstance atténuante, au bénéfice du maladroit s’il est aimable. Ou bien c’est l’ornement de nos loisirs. Mais Claudel dit :
1124 de nos loisirs. Mais Claudel dit : l’art poétique est art de faire. Un gémissement célèbre, chez les clercs, déplore l’anti
1125 à-dire qu’il choisit de choisir, car l’étymologie est trop loin d’être une science pour que l’adoption même d’une « origine
1126 isit de choisir, car l’étymologie est trop loin d’ être une science pour que l’adoption même d’une « origine » soit autre cho
1127 cience pour que l’adoption même d’une « origine » soit autre chose qu’un choix délibéré, — quand ce n’est pas un profond cal
1128 it autre chose qu’un choix délibéré, — quand ce n’ est pas un profond calembour. « Il est permis à chacun de se servir de te
1129 , — quand ce n’est pas un profond calembour. « Il est permis à chacun de se servir de tel son qu’il lui plaît pour exprimer
1130 se de la Logique de Port-Royal, dont Claudel s’il est réaliste doit récuser la principale82, peut néanmoins servir à précis
1131 aux divers jargons de son temps ; c’est que l’une est une langue « avertie », posant un perpétuel avertissement, tandis que
1132 érale. Claudel montre partout son parti pris, qui est de s’en tenir aux origines, et à cette origine, entre plusieurs proba
1133 el montre partout son parti pris, qui est de s’en tenir aux origines, et à cette origine, entre plusieurs probables, qui lui
1134 he de la chose et du geste. Poésie, de poiein, ce sera  : faire. Connaître, de cognoscere, sera : co-naître. Il faut savoir c
1135 oiein, ce sera : faire. Connaître, de cognoscere, sera  : co-naître. Il faut savoir ce que parler veut dire. (D’où l’on vient
1136 ler veut dire. (D’où l’on vient, où l’on va : tel est le sens.) Car le langage, parmi d’autres fonctions, a celle-là de per
1137 les signaux. Les autres (voyez leurs journaux) se sont jetés dans un énorme embouteillage, il n’y a plus qu’à se laisser pou
1138 , c’est un sur-place exaspérant, tous les moteurs sont débrayés) ce sens partout évanouissant n’en est pas moins le sens « c
1139 sont débrayés) ce sens partout évanouissant n’en est pas moins le sens « commun » — voire même, par antiphrase, le sens « 
1140 ! Mais l’usure des mots les édente, notre langage est débrayé. Comment rétablir le contact ? Claudel n’écrira pas : je vais
1141 vais vous expliquer cela clairement, mais : « Tel est le mystère qu’il s’agit de reporter sur le papier de l’encre la plus
1142 té »), la plénitude, le rassemblement de tous les êtres , le branle-bas de toute la création vers son achèvement intelligible,
1143 ssi dans le monde d’aujourd’hui, se condamner à n’ être pas compris. Paradoxe d’un génie « catholique », isolé de la foule de
1144 justement sa volonté de catholicité ! ⁂ Non qu’il soit méconnu, bien sûr. Mais parmi tant d’admirateurs, combien connaissent
1145 aisit l’auditeur le plus profane de Tête d’or. Ce serait aggraver d’une sottise cette Séparation, notre péché, contre laquelle
1146 t un monde en recréation perpétuelle, et tout s’y tient parce que chaque être y agit pour tout ce qu’il n’est pas. « Tout che
1147 n perpétuelle, et tout s’y tient parce que chaque être y agit pour tout ce qu’il n’est pas. « Tout cherche partout sa fin, c
1148 parce que chaque être y agit pour tout ce qu’il n’ est pas. « Tout cherche partout sa fin, complément ou efférence, sa part
1149 cessité que de la fin totale qu’il glorifie. Ce n’ est pas notre monde tel qu’il est 84 mais notre monde tel qu’il est sauvé
1150 u’il glorifie. Ce n’est pas notre monde tel qu’il est 84 mais notre monde tel qu’il est sauvé, relié solidement par la Prom
1151 monde tel qu’il est 84 mais notre monde tel qu’il est sauvé, relié solidement par la Promesse et remis en marche vers elle,
1152 e. Diviser, séparer, isoler, faire scission, ce n’ est pas seulement cartésien ; et Descartes n’a fait qu’enregistrer les ef
1153 t de la Création. « Et c’est pourquoi une fin lui fut en effet donnée » — qui est sa mort. Mais l’œuvre du poète, la vocati
1154 pourquoi une fin lui fut en effet donnée » — qui est sa mort. Mais l’œuvre du poète, la vocation de l’homme, la charité co
1155 la révélation des enfants de Dieu, parce que ce n’ est pas de son propre gré qu’elle a été assujettie à vanité » (Rom. VIII,
1156 arce que ce n’est pas de son propre gré qu’elle a été assujettie à vanité » (Rom. VIII, 19-20). Ne fût-ce que par son style
1157 été assujettie à vanité » (Rom. VIII, 19-20). Ne fût -ce que par son style, et l’intention, partout, qu’il manifeste avec p
1158 verselle. Qu’on parle alors de procédé, si l’on y tient , mais il faut en comprendre l’office. Traiter chaque mot selon la cho
1159 la source continue qu’il contient en lui dans son être  : son geste n’est plus que la traduction, dans l’univers matériel, du
1160 qu’il contient en lui dans son être : son geste n’ est plus que la traduction, dans l’univers matériel, du sanglot de l’orig
1161 voici donc « chargés du rôle d’origine ». L’homme est le « sceau de l’authenticité ». Il est, par son action recréatrice, u
1162 ». L’homme est le « sceau de l’authenticité ». Il est , par son action recréatrice, une étymologie vivante de tout ce qui es
1163 ecréatrice, une étymologie vivante de tout ce qui est . Et maintenant, pour se connaître il lui suffit d’agir sa vocation. D
1164 uments dont il a la propriété. » Et son corps lui est comme « un document où il suit les œuvres de l’esprit qui le remue ».
11 1944, Les Personnes du drame. IV. Une maladie de la personne — 8. Le romantisme allemand
1165 ILe Rêve et la mystique La conscience claire est la première conquête spirituelle des hommes angoissés par le mystère
1166 e chaos panique. Mais cette victoire, lorsqu’elle est trop complète laisse l’homme sur un sentiment de déception et d’indic
1167 t d’indicible appauvrissement. Le monde rationnel est rassurant, mais beaucoup de questions y demeurent sans réponse, et de
1168 tion comparable au vertige, vers ces régions de l’ être obscur que le bon sens et la philosophie prétendaient mettre au ban d
1169 Et tandis que dans sa panique l’homme primitif s’ était tourné vers la raison libératrice, au terme des époques appauvries de
1170 entaires après un siècle de science positiviste. Est -il vrai que la nuit et le rêve n’aient rien à révéler qui importe au
1171 rêve n’aient rien à révéler qui importe au jour ? Est -il vrai que la passion, l’angoisse et la folie soient moins réelles q
1172 st-il vrai que la passion, l’angoisse et la folie soient moins réelles que nos sagesses tyranniques ? « Songe est mensonge » d
1173 ns réelles que nos sagesses tyranniques ? « Songe est mensonge » décrétait la raison. Mais elle nous a laissés sur notre fa
1174 radis et des terreurs d’une intensité séduisante. Serait -il le signe, ou l’entrée, d’une vérité supérieure ? Telle est la ques
1175 gne, ou l’entrée, d’une vérité supérieure ? Telle est la question que posèrent les premiers romantiques allemands. « Ils ad
1176 t tous, écrit Albert Béguin85, que la vie obscure est en incessante communication avec une autre réalité, plus vaste, antér
1177 t supérieure à la vie individuelle ». Mais quelle est cette réalité ? Notre Nature profonde ou la Divinité ? « Plus nous no
1178 plus nous pénétrons dans la nature des choses qui sont hors de nous », affirme un des théoriciens du romantisme, Ignaz Troxl
1179 . Mais encore : s’agit-il vraiment des choses qui sont hors de nous, ou bien seulement des choses qui, en nous, étaient rest
1180 nous, ou bien seulement des choses qui, en nous, étaient restées secrètes pour la conscience ? Tieck pose très nettement la qu
1181 songes nous appartiennent ». Quand nous rêvons «  est -ce nous qui nous jouons de nous-mêmes, ou bien une main d’en haut bra
1182 si un principe spirituel, étranger à nous-mêmes, était le mobile de ces irruptions soudaines d’images inconnues, qui se jett
1183 et si saisissante ? » De là à penser que le rêve est un « vestige du divin », il n’y a que l’épaisseur d’un scrupule d’ort
1184 sse la difficulté et le choix : pour lui, le rêve est « tantôt un écho du supra-terrestre dans le terrestre, tantôt un refl
1185 re que le rêve ne révèle rien que nos secrets, ce serait tomber dans le freudisme. Croire qu’il révèle aussi un monde supérieu
1186 pour des poètes — tout nous porte à penser qu’ils sont plus proches des mystiques que des psychanalystes. Lorsqu’ils se dema
1187 sychanalystes. Lorsqu’ils se demandent si le rêve est connaissance ou illusion, et si c’est « l’Autre », ou le moi sombre q
1188 cial de toute définition de la personne. Car nous sommes constamment tentés d’assimiler le Moi profond et ses secrètes impulsi
1189 ns à la Parole qui vient d’ailleurs, et qui seule est vraiment vocation. Un philosophe de la personne verra donc le plus gr
1190 la poésie romantique de même que la surréaliste, est à l’affût des « surprises pleines de sens » dont nous parlent aussi l
1191 poète Jean-Paul, insistent sur un fait que Freud sera le premier à mettre en pleine valeur : c’est que l’esprit abandonné a
1192 s un langage métaphorique et régulier, comme s’il était soumis, en ce domaine, à des lois plus précises et plus constantes qu
1193 onscrit du rêve. Les romantiques, d’ailleurs, ont été bien au-delà, dans leur exploration de l’Inconscient. Le songe, pour
1194 ploration de l’Inconscient. Le songe, pour eux, n’ est que la « porte » ouvrant sur le monde ineffable qui est proprement le
1195 e la « porte » ouvrant sur le monde ineffable qui est proprement le domaine des mystiques. Toute expérience mystique ou rom
1196 hme), dont on ne peut rien dire, et qui cependant est la source de tout ce que l’on dit. C’est l’ineffable, l’indicible, le
1197 re, à tenter de le cerner par des figures, qui, n’ étant jamais suffisantes, doivent être inépuisablement multipliées. Disons-
1198 figures, qui, n’étant jamais suffisantes, doivent être inépuisablement multipliées. Disons-le sans la moindre irrévérence :
1199 es. Disons-le sans la moindre irrévérence : nul n’ est plus verbeux qu’un mystique, si ce n’est un romantique allemand. Car
1200  : nul n’est plus verbeux qu’un mystique, si ce n’ est un romantique allemand. Car l’un et l’autre ont l’ambition de communi
1201 e définir comme l’indicible. Dès lors, la plainte sera la même, qu’il s’agisse d’une Thérèse d’Avila ou simplement d’un Ludw
1202 ù trouver les mots ? », gémissent-ils. La plainte est sincère et tragique, mais combien de mots leur fera-t-elle accumuler
1203 ra-t-elle accumuler pour dire que rien ne saurait être dit… Et pourtant si : romantiques et mystiques sont persuadés que, no
1204 re dit… Et pourtant si : romantiques et mystiques sont persuadés que, nonobstant leur impuissance à traduire l’inconscient o
1205 ublie l’origine mystique. « Le poète et le rêveur sont passifs, ils écoutent le langage d’une voix qui leur est intérieure e
1206 sifs, ils écoutent le langage d’une voix qui leur est intérieure et pourtant étrangère, qui s’élève dans les profondeurs d’
1207 l’écho d’un discours divin. »87 Alors le doute n’ est plus permis : l’analogie purement formelle que nous décrivions jusqu’
1208 ont la nuit des songes, chantée par les poètes, n’ était que le symbole et le signe physique88. C’est « le royaume de l’Être q
1209 e et le signe physique88. C’est « le royaume de l’ Être qui se confond avec le royaume du Néant, l’éternité enfin conquise et
1210 ineffable », la « contemplation sans objet ». Il est donc légitime de suivre Albert Béguin dans cette conclusion : « La gr
1211 voir ajouté foi aux pouvoirs irrationnels et de s’ être dévoué corps et âme à la grande nostalgie de l’être en exil. » IIL
1212 re dévoué corps et âme à la grande nostalgie de l’ être en exil. » IIL’Être en exil Ce sentiment d’exil que nous trouvo
1213 lus singulier dans la vie de l’esprit humain, qui est l’engagement sur la via mystica ? S’il est permis — comme on l’admet
1214 n, qui est l’engagement sur la via mystica ? S’il est permis — comme on l’admet un peu trop facilement de nos jours — de ti
1215 ste, en plein xviiie siècle rationaliste, Moritz fut l’un des tous premiers à se tourner vers l’étude des rêves. Il s’y tr
1216 urement humains ?) Le point de départ paraît bien être une blessure qu’il reçut de la vie, un choc qui l’a laissé béant sur
1217 moi détesté … qu’il dût désormais inexorablement être lui-même … cette idée le plongea peu à peu dans un désespoir qui l’am
1218 -y garde : ce moi détesté, c’est la fatalité de l’ être individuel, charnel, créé, et lié à toute la création. C’est par lui
1219 r le monde. L’incapacité d’accepter le monde réel est signe d’une incapacité de s’accepter soi-même, — à cause de cette ble
1220 ent si fréquent chez la plupart des romantiques d’ être mal assuré de sa propre identité, et d’avoir à la rechercher précisém
1221 héros d’un de ses romans : « Il lui parut qu’il s’ était échappé entièrement à lui-même et qu’il lui fallait avant toute démar
1222 lus de saisir la pensée salvatrice. » C’est qu’il est un souvenir interdit, trop douloureux pour être revécu. Le moi malade
1223 il est un souvenir interdit, trop douloureux pour être revécu. Le moi malade échoue à se ressaisir dans la mémoire, puisque
1224 r dans la mémoire, puisque la cause de sa maladie est justement ce qu’il ne peut se remémorer, cette blessure qui est à l’o
1225 ce qu’il ne peut se remémorer, cette blessure qui est à l’origine de la conscience divisée. Comment alors sortir du cercle,
1226 r la vie totale dans sa bienheureuse unité ? Ce n’ est plus possible ici-bas, dans la prison du moi coupable et douloureux.
1227 d’un retour au monde perdu à la « vraie vie » qui est « ailleurs » comme dit Rimbaud. Vie d’expansion indéfinie dans l’Univ
1228 ncore, et plus précise, le rêve ou la via mystica sont des moyens de récupérer le monde perdu. Ce qu’il faut souligner ici,
1229 dance à la dilatation panthéiste ou mystique de l’ être revêt presque toujours la forme d’un vœu de mort. Le sommeil préfigur
1230 te romantique ; et la mort progressive à soi-même est l’ambition de tous les vrais mystiques. Mais pourquoi voudrait-on mou
1231 réponse. En effet, la blessure dont ils souffrent est presque toujours symbolisée par la perte d’un être aimé. Passer dans
1232 est presque toujours symbolisée par la perte d’un être aimé. Passer dans l’autre monde, c’est retrouver la morte ! « L’expér
1233 t retrouver la morte ! « L’expérience typique qui est celle de Jean-Paul à la mort de ses amis, de Novalis perdant Sophie v
1234 it dès l’enfance, lorsqu’il s’interroge sur ce qu’ est devenue sa petite sœur : le vœu de retrouver la morte, de communier a
1235 ence d’outre-tombe91. » Le rêve ou la via mystica seront cette existence d’outre-tombe, vécue dès ici-bas d’une manière indici
1236 evient proprement chrétienne que dans le cas où l’ être aimé, sur la mort duquel on médite, est la personne du Christ crucifi
1237 cas où l’être aimé, sur la mort duquel on médite, est la personne du Christ crucifié, — ou se confond avec elle indiscernab
1238 elle indiscernablement. Les romantiques n’ont pas été si loin dans la voie des sublimations — sauf peut-être Jean-Paul et N
1239 uelle ils parviennent en de très rares instants n’ est plus alors qu’un moyen de jouir d’une « sensation voluptueuse » (comm
1240 ne équivoque dont il y a lieu de craindre qu’elle soit intéressée. Au contraire, s’exprimer, c’est toujours s’avouer, c’est
1241 sonne. Le paradoxe de l’expression d’un Indicible est tellement essentiel au romantisme qu’il explique, à n’en pas douter,
1242 res achevées. En effet le mouvement de ces poètes est inverse de celui du créateur. Créer, c’est donner forme, et ils voudr
1243 ur sans le trahir et se trahir ? Ainsi leur œuvre est à l’image de la contradiction vitale dont ils souffraient, et d’où na
1244 perdre leur moi personnel. Mais le moi personnel est l’Ombre créatrice de l’individu naturel. Revenons une dernière fois s
1245 ne dernière fois sur nos définitions. La personne est en nous l’être spirituel, responsable d’une vocation, et trouvant là
1246 is sur nos définitions. La personne est en nous l’ être spirituel, responsable d’une vocation, et trouvant là son unité en dé
1247 ons dont peut souffrir l’individu, c’est-à-dire l’ être naturel. L’individu est entièrement déterminé par l’espèce, le milieu
1248 individu, c’est-à-dire l’être naturel. L’individu est entièrement déterminé par l’espèce, le milieu, l’histoire, les qualit
1249 il a héritées et les blessures qu’il a subies. Il est emprisonné dans ces données, et c’est en vain qu’il chercherait à y é
1250 rouvera sous des espèces méconnaissables et qu’il sera tenté de croire divines. Et il est juste que les premières touches de
1251 bles et qu’il sera tenté de croire divines. Et il est juste que les premières touches de l’Esprit rendent le moi sensible à
1252 l la reçoive, et qu’il l’accepte consciemment, ce sera pour lui l’introduction à une liberté toute nouvelle. Dès ce moment i
1253 mblable à celle de ces pseudo ou prémystiques que furent les poètes du rêve : il se dévoue à quelque chose qui le dépasse, il
1254 umer son moi coupable — parce que dorénavant ce n’ est pas cela qui compte, mais l’œuvre à faire et Celui qui l’ordonne. Alo
1255 on rejoint ici l’enseignement évangélique : ce ne sont pas des extases indicibles qui sont promises aux vrais croyants, mais
1256 lique : ce ne sont pas des extases indicibles qui sont promises aux vrais croyants, mais au contraire il leur est demandé d’
1257 ses aux vrais croyants, mais au contraire il leur est demandé d’agir et d’annoncer leur foi. « C’est en confessant de la bo
1258 de toute existence dans le monde. Mais si la foi est la santé du Solitaire, elle est aussi ce qui le remet en communion av
1259 e. Mais si la foi est la santé du Solitaire, elle est aussi ce qui le remet en communion avec son prochain devant Dieu. Si
1260 e masses en termes d’étiologie de la personne, ce serait fournir la nécessaire contrepartie des analyses kierkegaardiennes. Es
1261 out que les écrits d’un Novalis ou d’un Jean Paul soient à sa source, ce serait absurde et injurieux pour ces poètes. Mais je
1262 Novalis ou d’un Jean Paul soient à sa source, ce serait absurde et injurieux pour ces poètes. Mais je dis que nous pouvons re
1263 ns retrouver au niveau inférieur et collectif qui est celui de la psychologie naziste, des processus fort analogues à ceux
1264 e de l’orgueil national). C’est le monde qui doit être mal fait, car nous y sommes brimés, nous qui pourtant sommes les fils
1265 C’est le monde qui doit être mal fait, car nous y sommes brimés, nous qui pourtant sommes les fils des vertueux Germains ! Et
1266 fait, car nous y sommes brimés, nous qui pourtant sommes les fils des vertueux Germains ! Et de ce sentiment de culpabilité, r
1267 surance nationale. La vraie Allemagne ne peut pas être celle qui a subi la « blessure ». Il faut donc la chercher ailleurs :
1268 ndividu conscient ; on lui a dit que sa vraie vie était entre les mains du Parti, d’un démiurge anonyme et obscur dont il n’a
1269 nt les vrais ressorts du régime hitlérien. Nous n’ étions plus en présence de Bismarck, mais d’un peuple envoûté par son rêve ;
1270 é à quelque chose de plus vrai que la vie, et qui était sa mission millénaire. « Chez nous, proclamait Goebbels, on n’impose
1271 nte une opinion juste… D’ailleurs notre politique est une politique d’artistes. Le Führer est un artiste de la politique. L
1272 politique est une politique d’artistes. Le Führer est un artiste de la politique. Les autres hommes d’État sont seulement d
1273 artiste de la politique. Les autres hommes d’État sont seulement des manœuvres. Son État à lui est le produit d’une imaginat
1274 État sont seulement des manœuvres. Son État à lui est le produit d’une imagination géniale »92. Une politique « d’artistes 
1275 en plus que politique, et dont les causes doivent être recherchées au plus secret de la conscience allemande, dans le drame
1276 s’agisse de l’homme seul ou des masses, ce drame sera toujours le même : c’est l’affrontement d’une religion de l’Inconscie
1277 dans ce chapitre. 86. L’abus freudien me paraît être d’individualiser le sens de ces symboles et d’en tirer une clé des so
1278 une clé des songes purement sexuelle. C. G. Jung est sans doute plus près de la réalité quand il retrouve dans les figures
1279 88. En effet pour les romantiques, « le sommeil est une préfiguration de la mort », et c’est uniquement dans la mort que