1
Note de l’auteur Ce livre allait
être
mis sous presse en mai 1940, lorsque se déclencha la bataille de Fran
2
Amérique. Plusieurs des chapitres de ce livre ont
été
publiés en première version par les revues suivantes : Nouvelle Revu
3
et Vie , Esprit , La Revue de Paris . Tous ont
été
remaniés et souvent notablement augmentés pour cette édition. Le prem
4
. Si je me décide à les publier aujourd’hui, ce n’
est
point que je ne me sois éloigné de certains des auteurs dont je m’ins
5
publier aujourd’hui, ce n’est point que je ne me
sois
éloigné de certains des auteurs dont je m’inspirais alors — comme on
6
es yeux, m’apparaît plus valable que jamais. Elle
est
le vrai sujet de ce livre — comme de tous ceux que j’ai signés jusqu’
7
qui cherche un homme et ne trouve qu’un auteur :
est
-il déçu par l’homme ou par l’auteur ? Il est déçu par la relation de
8
ur : est-il déçu par l’homme ou par l’auteur ? Il
est
déçu par la relation de l’un à l’autre. Par l’homme insuffisant qui s
9
général vaut moins qu’un homme en général ; qu’il
est
, dans l’homme, la part de l’artifice et des apparences trompeuses. Ma
10
t des apparences trompeuses. Mais au fait, rien n’
est
moins trompeur qu’une apparence concertée ; rien n’avoue mieux l’homm
11
hentique, c’est-à-dire la combinaison de ce qu’il
est
et de ce qu’il se veut. L’homme sans son œuvre n’est pas vrai, de mêm
12
et de ce qu’il se veut. L’homme sans son œuvre n’
est
pas vrai, de même que l’œuvre sans son homme reste un beau piège à ps
13
e et réciproquement. » Comment pourrait-on voir l’
être
d’un homme hors de ses manifestations ? Si donc je m’intéresse à ce q
14
manifestations ? Si donc je m’intéresse à ce qui
est
vrai dans l’homme, c’est dans son œuvre qu’il me faut le chercher. Ca
15
œuvre qu’il me faut le chercher. Car toute œuvre
est
le témoignage d’un drame entre l’homme et lui-même, elle est ce drame
16
ignage d’un drame entre l’homme et lui-même, elle
est
ce drame, rendu visible, et c’est dans le drame qu’existe la vérité t
17
est dans le drame qu’existe la vérité totale d’un
être
. Dans ce témoignage des formes, chercher l’homme, c’est tenter de sur
18
ne. Voir des formes, épouser des rythmes — qu’ils
soient
de verbe ou de pensée — c’est percevoir les résultats momentanés et m
19
ngibles restent, par là même, équivoques. Et cela
tient
à la nature de la personne qui s’y révèle. ⁂ S’il est vrai que la per
20
à la nature de la personne qui s’y révèle. ⁂ S’il
est
vrai que la personne pure consiste dans la pure coïncidence d’une voc
21
aturelles vers des fins révélées par l’Esprit, il
est
bien clair que la personne, pure ou impure, ne sera jamais visible en
22
st bien clair que la personne, pure ou impure, ne
sera
jamais visible en soi. Car des protagonistes de ce drame, l’un seulem
23
s notre sens : c’est l’individu naturel. Encore n’
est
-il guère isolable de cette œuvre où l’« autre » l’engage. Finalement
24
, c’est-à-dire le champ clos de la lutte. Nous ne
serions
assurés de voir la personne intégrale dans ses actes, que si nous éti
25
la personne intégrale dans ses actes, que si nous
étions
assurés d’une parfaite identité entre les gestes de l’individu et les
26
s et des coups bas. Toutes les personnes humaines
sont
équivoques, inadéquates et dramatiques. Mais alors la personne absolu
27
et dramatiques. Mais alors la personne absolue ne
serait
-elle qu’un mythe, une nostalgie, une extrapolation présomptueuse, ou
28
e d’incarner sans le moindre défaut la Parole qui
était
sa vraie vie, sa vocation, sa fin dernière ? Jésus-Christ est cet Hom
29
vie, sa vocation, sa fin dernière ? Jésus-Christ
est
cet Homme, et c’est pourquoi sa réalité historique, telle que l’attes
30
à ses apôtres : « Et vous, qui dites-vous que je
suis
? » Simon Pierre répondit : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant
31
vous que je suis ? » Simon Pierre répondit : « Tu
es
le Christ, le Fils du Dieu vivant ». Jésus, reprenant la parole lui d
32
vant ». Jésus, reprenant la parole lui dit : « Tu
es
heureux, Simon, fils de Jonas, car ce ne sont pas la chair ni le sang
33
« Tu es heureux, Simon, fils de Jonas, car ce ne
sont
pas la chair ni le sang qui t’ont révélé cela, mais c’est mon Père qu
34
ng qui t’ont révélé cela, mais c’est mon Père qui
est
dans les cieux. » (Matt. XVI, 15-17) De même que la foi seule peut re
35
meure « cachée avec le Christ en Dieu » — et ce n’
est
qu’aux yeux de la foi que certains de nos actes apparaissent comme at
36
os propres yeux un mystère et une promesse, qu’en
sera-t
-il aux yeux d’autrui ? Et de quel droit prétendrons-nous discerner da
37
de la personne, je m’attache à des écrivains. Il
est
clair qu’ils ne détiennent pas un privilège particulier, mais ils ont
38
onnais bien les règles de ce jeu, ses difficultés
sont
les miennes. Je puis donc essayer quelques-uns de leurs coups, les pl
39
, les plus faciles parmi ceux qu’ils m’indiquent.
Serait
-ce assez pour les juger ? Qu’ils aient gagné ou perdu leur partie, il
40
Qu’ils aient gagné ou perdu leur partie, ils ont
été
plus loin que je n’irai jamais : c’était leur jeu, et leur enjeu vita
41
aît l’Esprit, mais certains signes matériels nous
serons
toujours nécessaires pour fortifier et pour nourrir ses intuitions. A
42
ans un individu « figure » la synthèse en un seul
être
, en un seul acte, en une seule œuvre, de deux natures distinctes ou m
43
sion a pu produire les formes qu’on y observe. Ce
sont
moins les idées qui m’intéressent, que le drame qu’institue chez un h
44
le provoque à se dépasser, et manifeste ainsi son
être
véritable, l’intention de son existence. La magie et le germanisme su
45
ce terme) par une volonté d’agir dont la victoire
est
attestée dans Faust, — c’est cela que j’appelle Goethe. L’opposition
46
que dans le fait irrécusable d’un martyre. Telle
fut
la vocation de Kierkegaard. L’angoisse devant une culpabilité qui lui
47
visage de Ramuz. C’est proprement, sa « raison d’
être
». Ces cinq figures sont disparates, non seulement dans leurs apparen
48
roprement, sa « raison d’être ». Ces cinq figures
sont
disparates, non seulement dans leurs apparences. Et leurs rencontres
49
. Et leurs rencontres dans ces pages ne sauraient
être
justifiées qu’à titre, si j’ose dire, de métaphores critiques, par là
50
icatives du vrai sujet de cet ouvrage : « L’homme
étant
donné, dit Claudel, pour inventer une raison commune à des termes inf
51
mmes de chambre et ramoneurs. À mon sens le mot n’
est
pas seulement spirituel, il est profond, et il faut un grand talent s
52
mon sens le mot n’est pas seulement spirituel, il
est
profond, et il faut un grand talent spéculatif pour donner une meille
53
pas idéalement son objet, n’importe laquelle lui
est
en tous points préférable, parce qu’elle a l’avantage de mettre l’ima
54
n mouvement. » Voilà bien le seul avantage que je
sois
raisonnablement en droit d’attendre de la publication d’un tel recuei
55
t cependant, il me semble, après coup, que tout n’
est
pas fortuit dans mon sommaire. Parmi les écrivains dont la pensée a t
56
s théories, non par leur style, indifférent. Tels
sont
Hegel, Marx ou Sorel. Au contraire, un Pascal, un Kierkegaard, un Rim
57
Et c’est l’une des raisons de mon choix. L’autre
est
, que tel un chevalier du Temple, je ne me suis accordé le droit de ch
58
tre est, que tel un chevalier du Temple, je ne me
suis
accordé le droit de chasser qu’un gibier léonin. Sans oublier d’aille
59
r à la chasse quand, bien souvent, c’est nous qui
sommes
chassés ! ⁂ Et ceci sera plutôt une manière de postface : je n’ai pas
60
ouvent, c’est nous qui sommes chassés ! ⁂ Et ceci
sera
plutôt une manière de postface : je n’ai pas fait de la critique dans
61
et ouvrage, mais des exercices spirituels. Qu’ils
soient
d’un accès difficile appartient à la loi du genre. Que leur ton soit
62
ficile appartient à la loi du genre. Que leur ton
soit
parfois tendu appartient à la nature même du sujet que j’ai embrassé
63
itiation au drame dont, maintenant c’est à nous d’
être
les personnes. Incipit tragœdia ! Août 1939 1. Rudolf Kassner : Les
64
t Goethe, ne reconnaît et n’apprécie que ce qu’il
est
lui-même en état de faire. » Telle est la cause du malentendu que sou
65
e ce qu’il est lui-même en état de faire. » Telle
est
la cause du malentendu que soulèvera toujours l’exemple de cette vie.
66
avent pas voir dans la sagesse faustienne qu’elle
est
surtout une défense contre le Démon révolté et la Magie latente ; et
67
ient, et la magie chez ceux qui vaticinent, ayant
été
moins loin que Goethe dans la domination des mystères. Ainsi se récla
68
son « activité littéraire ». Ces deux expériences
seraient
antithétiques si elles étaient superposables, ce qui n’est pas même l
69
deux expériences seraient antithétiques si elles
étaient
superposables, ce qui n’est pas même le cas. Du point de vue littérai
70
hétiques si elles étaient superposables, ce qui n’
est
pas même le cas. Du point de vue littéraire, la confrontation serait
71
cas. Du point de vue littéraire, la confrontation
serait
absurde, j’en conviens. Mais notre optique n’est-elle point faussée p
72
rait absurde, j’en conviens. Mais notre optique n’
est
-elle point faussée par un état d’esprit qui voudrait que l’on considè
73
te qu’ils s’opposent le plus. Pourtant Rimbaud ne
fut
jamais un écrivain, ne se soucia jamais de l’être. Et Goethe ne fut q
74
fut jamais un écrivain, ne se soucia jamais de l’
être
. Et Goethe ne fut qu’entre autres choses un écrivain. Ce n’est donc p
75
vain, ne se soucia jamais de l’être. Et Goethe ne
fut
qu’entre autres choses un écrivain. Ce n’est donc pas l’aspect littér
76
e ne fut qu’entre autres choses un écrivain. Ce n’
est
donc pas l’aspect littéraire de ces expériences qui doit conditionner
77
i doit conditionner notre vision. Non point qu’il
soit
un seul instant négligeable, s’agissant de deux êtres que l’on connaî
78
t un seul instant négligeable, s’agissant de deux
êtres
que l’on connaît par leurs écrits d’abord. Mais pour en tenir un just
79
on connaît par leurs écrits d’abord. Mais pour en
tenir
un juste compte, il s’agit de le subordonner au problème personnel de
80
oppèrent leurs manifestations, — à quoi l’on ne s’
est
point privé d’ajouter quelques tomes depuis. Il convient de marquer t
81
d’alchimie. Coquetteries, a-t-on dit, — mais il n’
est
point de sentiments intermédiaires qui ne conduisent réellement vers
82
et bien dans son évolution une de ces crises où l’
être
spirituel découvre sa forme véritable. Si, comme chez Goethe, c’est u
83
hasard » l’a-t-il donc provoquée chez Goethe ? Il
est
un fait de sa jeunesse dont on ne saurait exagérer l’importance à la
84
édèrent de très peu une grave maladie, dont il ne
fut
sauvé que par l’intervention d’un médecin qui se donnait pour alchimi
85
comprendre, éprouver jusqu’à la souffrance — qui
est
la « substance » — à quel point le renoncement à la magie spéculative
86
uel point le renoncement à la magie spéculative n’
est
, en fait, qu’un accomplissement de la magie réelle, le plus difficile
87
le seul humainement fécond. Car un tel silence n’
est
pas absence de mots. Il est encore chez Goethe une activité, et même
88
Car un tel silence n’est pas absence de mots. Il
est
encore chez Goethe une activité, et même à double effet. Quoi de plus
89
peu plus d’humilité, c’est-à-dire le réel désir d’
être
« utile », et c’est le juste point : les Affinités. L’alternance des
90
sa passion au sein d’une interminable patience. N’
est
-ce point ce tréfonds dont parle Jacob Boehme, et qui « contient l’élé
91
me, et qui « contient l’élément pur, mais aussi l’
être
sombre dans le mystère de la fureur » ? ⁂ Cette complexe dialectique
92
ctement, œuvre à tel point autobiographique qu’il
fut
tenté d’incorporer le plan de certains actes à Vérité et Poésie. Le d
93
’esprit de Faust béant sur le vide : « Moi qui me
suis
cru plus grand que le Chérubin… qui pensais en créant pouvoir jouir d
94
e reprend au seuil de la mort. Mais la vie ne lui
sera
plus qu’un profond renoncement ; même si la passion l’occupe un temps
95
veau Jour et contemple l’indescriptible. Si Faust
est
le drame d’une formidable patience sans cesse remise en question, la
96
sans cesse remise en question, la Saison en Enfer
est
le drame d’une pureté avide, et son destin se joue d’un coup. La gran
97
n destin se joue d’un coup. La grandeur de Goethe
est
d’avoir su vieillir, celle de Rimbaud de s’y être refusé. Transporte
98
est d’avoir su vieillir, celle de Rimbaud de s’y
être
refusé. Transportez la dialectique faustienne dans la vie d’un être
99
portez la dialectique faustienne dans la vie d’un
être
jeune, et libre encore de toute contrainte sociale et culturelle : le
100
e se purifiera jusqu’au mythe. La donnée initiale
est
bien la même : c’est l’attrait d’une vision qui transcende la vie méd
101
de sa folie. Mais l’irruption de cette « magie »
est
si violente qu’elle a certainement angoissé l’enfant : n’est-ce point
102
ente qu’elle a certainement angoissé l’enfant : n’
est
-ce point pour se défendre qu’il parle si fort, qu’il vante ses pouvoi
103
e pas de telles puissances impunément. « Ma santé
fut
menacée. La terreur venait… J’étais mûr pour le trépas… » Alors paraî
104
ent. « Ma santé fut menacée. La terreur venait… J’
étais
mûr pour le trépas… » Alors paraît le doute, entraînant la conscience
105
ence. « Je vois que mes malaises viennent de ne m’
être
pas figuré assez tôt que nous sommes à l’Occident. ». L’Occident, c’e
106
ennent de ne m’être pas figuré assez tôt que nous
sommes
à l’Occident. ». L’Occident, c’est l’esprit incarné. L’incarnation en
107
égoûtant, mais comment échapper ? L’hallucination
est
tombée, faisant place à une stupeur désolée. « Je ne sais plus parler
108
Je ne sais plus parler. » Le renoncement dès lors
est
fatal. « Moi ! moi qui me suis dit mage ou ange, dispensé de toute mo
109
enoncement dès lors est fatal. « Moi ! moi qui me
suis
dit mage ou ange, dispensé de toute morale, je suis rendu pu sol, ave
110
is dit mage ou ange, dispensé de toute morale, je
suis
rendu pu sol, avec un devoir à chercher et la réalité rugueuse à étre
111
reindre. » C’est le cri même de Faust ! « Il faut
être
absolument moderne. » Travailler. Se donner à l’instant, à cette heur
112
cs. Mourir obsédé par ce travail. Ainsi cette vie
est
bien d’un seul tenant ; une seule et unique expérience la remplit : l
113
t au renoncement et à l’action. Le second Rimbaud
est
vraiment le même que le premier, dans une phase plus « réalisée ». L’
114
dans une phase plus « réalisée ». L’homme moderne
est
peu fait pour comprendre cela, de même qu’il est peu fait pour la gra
115
est peu fait pour comprendre cela, de même qu’il
est
peu fait pour la grandeur et la pureté, et pour des paroles comme : «
116
rrache-le et jette-le loin de toi ». Mais Rimbaud
est
d’une autre trempe : il a déjà prouvé en écrivant les Illuminations q
117
de faux pour en créer un autre. Sa vie en Afrique
est
un second renoncement. Nous aurions, nous, combiné tout cela avec un
118
n compte-rendu littéraire de l’aventure… Car il n’
est
pas donné à beaucoup d’hommes de devenir un mythe à force de pureté d
119
ureté dans la réalisation de leur destin. Rimbaud
est
notre mythe occidental : mythe faustien. Il a vécu tragiquement la te
120
« magie »6 qui fonde notre éthique, et ce dilemme
est
peut-être le plus important qui se pose à l’esprit occidental, dès qu
121
ntradictions essentielles, en signe de croix, qui
sont
la marque même de la réalité dans une conscience occidentale. Supprim
122
le tragique s’évanouit. Que ce mythe dialectique
soit
profondément constitutif de notre être, l’extension et la diversité d
123
ialectique soit profondément constitutif de notre
être
, l’extension et la diversité de ses aspects le suggèrent. C’est l’opp
124
-delà mystique et de l’immédiat éthique. Et quels
sont
les plus grands Occidentaux ? Ceux qui ont incarné le choix le plus a
125
nstants de son accession au monde spirituel, il s’
est
mis en état de défense et de lenteur. Il avance ainsi pas à pas, l’âm
126
sage officiel parmi les philistins. Le somnambule
est
désormais protégé par une cotte d’invisible silence. Vous pouvez lui
127
Et le passage fameux de la Saison : « Moi qui me
suis
dit mage ou ange… » ne rappelle-t-il pas étrangement ces vers du prem
128
s du premier Faust cités plus haut : « Moi qui me
suis
cru plus grand que le Chérubin… » « Point de cantiques : tenir le pas
129
s grand que le Chérubin… » « Point de cantiques :
tenir
le pas gagné… la réalité rugueuse à étreindre… » Certes, les sentence
130
lus lucide héroïsme : « Et allons ! » Goethe seul
est
allé jusqu’à la délivrance consciente. Il y a dans tout désespoir à l
131
Et cette fameuse sérénité de sa vieillesse, ce n’
est
rien d’autre, peut-être, que le triomphe de l’élément libérateur du d
132
espoir. La longue peine de celui « qui toujours s’
est
efforcé » a purifié le corps, et l’âme est prête à recevoir « l’amour
133
ours s’est efforcé » a purifié le corps, et l’âme
est
prête à recevoir « l’amour d’en haut ». Car telle est le yoga occiden
134
prête à recevoir « l’amour d’en haut ». Car telle
est
le yoga occidentale, dont le Second Faust restera comme le livre sacr
135
a définition même d’un tel yoga. Tout savoir doit
être
confirmé par un faire, qui le tait et l’exprime à la fois. Le faire d
136
l’exprime à la fois. Le faire de Rimbaud ne peut
être
la littérature, puisque écrire signifiait pour lui révéler le surréel
137
ans trop de paradoxe que la littérature de Goethe
est
un des moyens de silence dont il dispose. Ni plus ni moins que l’étud
138
tion comme purement symboliques, et au fond, il m’
est
assez indifférent d’avoir fait des pots ou des assiettes. 7 » Si tout
139
tion d’Iphigénie ou des Ballades, c’est que l’art
est
pour lui la tentation la plus aiguë de jouer avec les mystères, et pa
140
« Un fait de notre vie ne vaut pas en tant qu’il
est
vrai, mais en tant qu’il signifie quelque chose 8 … Il est bien rare
141
mais en tant qu’il signifie quelque chose 8 … Il
est
bien rare que l’on soit apte à s’agréger ce qui est supérieur. C’est
142
nifie quelque chose 8 … Il est bien rare que l’on
soit
apte à s’agréger ce qui est supérieur. C’est pourquoi l’on fait bien,
143
t bien rare que l’on soit apte à s’agréger ce qui
est
supérieur. C’est pourquoi l’on fait bien, dans la vie ordinaire, de g
144
ir que juste ce qu’il faut pour qu’elles puissent
être
de quelque avantage aux autres 9 … L’homme n’est pas né pour résoudre
145
être de quelque avantage aux autres 9 … L’homme n’
est
pas né pour résoudre le problème de l’univers, mais bien pour recherc
146
Mais un homme supérieur, qui a déjà conscience d’
être
quelque chose ici-bas, et qui par conséquent doit tous les jours trav
147
r, laisse en paix le monde futur et se contente d’
être
actif et utile en celui-ci. 11 » À quoi nous saurons opposer cette co
148
oférer les plus hautes maximes qu’autant qu’elles
sont
utiles pour le bien du monde. Les autres nous devons les garder pour
149
s autres nous devons les garder pour nous ; elles
seront
toujours là pour diffuser leur éclat sur tout ce que nous ferons, com
150
Illuminations naissent d’une telle rupture. Elles
sont
le champ même13 où Rimbaud se livre à l’expérience spirituelle, où il
151
à mains » — rage de revanche — par son excès même
est
encore une évasion hors du réel. En cela il est romantique, comme tou
152
e est encore une évasion hors du réel. En cela il
est
romantique, comme tous ceux que leur violence ou leur faiblesse préci
153
(puisque le christianisme affirme que l’éternité
est
dans l’instant : Æternitas non est temporis successio sine fine, sed
154
que l’éternité est dans l’instant : Æternitas non
est
temporis successio sine fine, sed nunc stans 14). Elle veut cette vie
155
Elle veut cette vie-ci. Et tout le reste, qu’elle
soit
marxiste ou nietzschéenne, elle l’appelle « l’arrière-monde » et le r
156
’est-à-dire qu’il n’en a pas le droit. Celtes, il
est
d’autres recours, d’autres points de vision qu’humains. La révélation
157
e fidélité peut-être orgueilleuse, puisque Goethe
tenait
ses faiblesses pour des erreurs, non pour le péché, et d’autre part u
158
é avec la même violence, — cette violence dont il
est
écrit qu’elle force les portes du Royaume des Cieux… Il reste que les
159
ncfort en proie au Carnaval et à l’angoisse, ce n’
est
pas moi qui pose la question : elle m’assiège. Le dernier carnaval, p
160
volontairement assourdie. Le silence de Goethe n’
est
pas moins dangereux, pour qui sait l’entendre, que l’imprécation de R
161
e : à l’actualisation de notre réalité. « Il faut
être
absolument moderne. » 2. Rimbaud a-t-il lu Goethe ? En mai 1873, il
162
chemin, Oublier tout de ses enchantements. Je ne
serais
. Nature ! devant toi rien qu’un homme. Alors il vaudrait bien la pein
163
en qu’un homme. Alors il vaudrait bien la peine d’
être
humain. 5. Celui qui toujours fait effort. Celui-là nous pouvons l
164
nd Paralipomena. 15. La révolution hitlérienne s’
est
accomplie en février 1933. (Note de 1944.)
165
tension entre plusieurs éléments mesurables. Il n’
est
pas de grandeur perceptible, là où n’existent pas de mesures. Mais où
166
sinon en lui-même, je veux dire entre ce qui lui
fut
donné et ce qu’il sut tirer de ces données ? Car Goethe est en ceci u
167
et ce qu’il sut tirer de ces données ? Car Goethe
est
en ceci un homme moderne, que ses mesures sont en lui-même et non pas
168
the est en ceci un homme moderne, que ses mesures
sont
en lui-même et non pas dans un ordre extérieur qui lui assignerait un
169
homme antique remplit une fonction, et son destin
est
inscrit dans les astres ; mais l’homme moderne crée son destin dans l
170
me moderne crée son destin dans l’inconnu. Goethe
est
grand par le rapport, pour nous visible, de sa vie et de son œuvre se
171
diose de la croissance d’un chêne géant. Tout ici
est
organe, tout est nature. Et Goethe l’a su. Mais quand nous contemplon
172
sance d’un chêne géant. Tout ici est organe, tout
est
nature. Et Goethe l’a su. Mais quand nous contemplons de loin cet arb
173
Constater que les données initiales, chez Goethe,
sont
allemandes, peut paraître une lapalissade. Rappelons cependant les co
174
teste mérité le qualificatif d’allemande. Or s’il
est
vrai que Goethe ait suivi sa pente, il se trouve que, selon le mot de
175
u’il a jugulé démon, magie et titanisme, et qu’il
est
devenu classique, faut-il conclure qu’il n’est plus allemand ? Distin
176
il est devenu classique, faut-il conclure qu’il n’
est
plus allemand ? Distinguons ici entre les résultats de l’effort goeth
177
ltats de l’effort goethéen et cet effort même. Il
est
facile de montrer ce qui, dans l’œuvre écrite de Goethe, n’est pas ty
178
montrer ce qui, dans l’œuvre écrite de Goethe, n’
est
pas typiquement allemand, et peut être directement assimilable pour u
179
e Goethe, n’est pas typiquement allemand, et peut
être
directement assimilable pour un latin par exemple. Mais la nature spé
180
sa grandeur propres, comment ne pas voir qu’elle
est
proprement allemande, même si, par son triomphe, elle conduit Goethe
181
même si, par son triomphe, elle conduit Goethe à
être
plus qu’allemand. En regard du Goethe de la vingt-sixième année, du G
182
Il a choisi. Il veut durer, il veut guérir. Et ce
sont
ces dix années de silence et de repli, si émouvantes, si pures, c’est
183
même de la cure à laquelle il se soumet se trouve
être
difficilement traduisible en français. Nous touchons ici à la constan
184
nte nationale la moins discutable, le langage. Il
serait
très insuffisant de dire que le remède que Goethe s’applique est l’ac
185
isant de dire que le remède que Goethe s’applique
est
l’action. Nous sommes obligés, si nous voulons éviter tout malentendu
186
e remède que Goethe s’applique est l’action. Nous
sommes
obligés, si nous voulons éviter tout malentendu, de recourir, pour ca
187
figurait à l’origine une valeur irréductible, tel
est
le mouvement goethéen par excellence. Mais cette formule risque de re
188
usceptible d’application vivante : la magie16. Ce
serait
ici le lieu de rappeler les influences subies avant et après sa vingt
189
it que la grave maladie dont il souffrit à 18 ans
fut
guérie par un médecin de Francfort qui se vantait de connaître les re
190
ait de connaître les remèdes des alchimistes. Tel
est
peut-être l’Erlebnis qui fonde chez Goethe une conception qu’on dirai
191
r. C’est bien plutôt pour lui un problème moral :
étant
donné que la magie existe, qu’il existe une connaissance secrète et d
192
ais, pour Goethe jamais la solution de principe n’
est
une solution réelle, existentielle. Tout le Faust va montrer que la v
193
rincipalement elle devait agir au Moyen Âge. Ce n’
est
plus pour lui un truc qui opère d’une façon tout extérieure et impers
194
cependant : ces préceptes d’allure si bourgeoise
sont
dirigés d’abord contre Goethe lui-même, contre son démonisme ; ils co
195
uve son antidote dans une magie dominée. La magie
est
ainsi, pour Goethe, un remède dont il doit arriver à se délivrer. Per
196
pteur, meurt dans le renoncement total, qu’il lui
est
enfin donné de voir, de contempler, de se reposer dans le savoir pur.
197
de se reposer dans le savoir pur. Le Second Faust
est
un anti-Goethe — ou mieux : c’est la « personne » de Goethe triomphan
198
de Goethe triomphant de son « individu ». ⁂ Telle
est
la sagesse de Faust : nous n’avons pas besoin d’autres révélations qu
199
t qui jamais ne renie rien de ce qu’il y a dans l’
être
d’irréductiblement original ; sagesse dont l’opération magistrale con
200
de tous les jours, les seules valeurs réelles qui
sont
, à l’origine, différence essentielle, secret incomparable. On compren
201
gne cette grandeur particulière de Goethe ne peut
être
éprouvée avec plus de reconnaissance, nulle part elle ne peut être au
202
c plus de reconnaissance, nulle part elle ne peut
être
aussi tonique. Mais il y a plus. Parce que Goethe est un « Allemand s
203
aussi tonique. Mais il y a plus. Parce que Goethe
est
un « Allemand surmonté » si j’ose dire — et à la manière allemande —,
204
à la fois la valeur et la paix. Mais la médiation
est
l’office de la seule grandeur. C’est parce que Goethe est grand — et
205
fice de la seule grandeur. C’est parce que Goethe
est
grand — et nous venons de dire de quelle grandeur, nationale en son o
206
— qu’il vaut pour nous aussi. C’est parce qu’il a
été
grand qu’une certaine unité allemande a pu se faire sur son nom — et
207
valeur internationale. Si une telle affirmation n’
était
réellement qu’un truisme de nos jours, le problème international se p
208
evant l’opinion publique. La paix par les peuples
est
un leurre, une formule de journalistes. L’office des peuples modernes
209
tant qu’ils se connaissent distincts, paraît bien
être
de se haïr. L’office des élites est au contraire de se comprendre en
210
paraît bien être de se haïr. L’office des élites
est
au contraire de se comprendre en tant que distinctes, c’est-à-dire en
211
issance — entre magie et astrologie. L’astrologie
est
la connaissance occulte des lois du monde ; la magie est la science d
212
connaissance occulte des lois du monde ; la magie
est
la science de l’action sur les choses. 17. Sur tous les sommets rési
213
mets réside la paix. 18. « Les haines nationales
sont
des vices de populace », disait Goethe. Je n’oublie pas, d’ailleurs,
214
choses politiques, William Martin : « Les masses
seraient
volontiers internationalistes ; ce sont les élites qui sont nationali
215
asses seraient volontiers internationalistes ; ce
sont
les élites qui sont nationalistes. » L’observation me paraît juste en
216
tiers internationalistes ; ce sont les élites qui
sont
nationalistes. » L’observation me paraît juste en ce sens : que ce so
217
L’observation me paraît juste en ce sens : que ce
sont
toujours les élites qui ont pris conscience des valeurs nationales en
218
rs nationales en voyageant, en comparant. Mais il
est
clair que si ces élites adoptent ensuite les passions des masses (cré
219
ns ajouter dix-huit volumes de papiers posthumes,
fut
composée en l’espace de douze années. Le père de Kierkegaard avait pa
220
ne du Jutland. Un jour, accablé par la misère, il
était
monté sur un tertre et il avait maudit le Dieu tout-puissant qui le l
221
a vie, et la révélation qu’en eut plus tard Søren
fut
décisive pour tout son développement religieux. Mais le défi jeté à D
222
il l’avait donc dilapidé, surtout en dons. Sa vie
était
très simple. Il travaillait une grande partie de la nuit. Georg Brand
223
sa légende « d’original ». On savait aussi qu’il
était
le meilleur écrivain de son pays. Sa première œuvre eut un immense su
224
s hommes ». Le seul événement extérieur de sa vie
fut
la rupture de ses fiançailles avec Régine Olsen. Mais l’acte qui résu
225
ut mourir certain d’avoir accompli sa mission, ce
fut
son attaque contre le christianisme officiel, au nom du Christ de l’É
226
avait terminé ses études de théologie, mais il ne
fut
jamais pasteur. Il lui arriva pourtant de prêcher, et ses sermons, ré
227
s d’édification remplissent plusieurs volumes. Ce
furent
les seuls écrits qu’il publia sous son nom. Tous ses ouvrages esthéti
228
nsabilité devant Dieu et devant les hommes. Ce ne
fut
qu’à la fin de sa vie qu’il s’offrit sans masque à la lutte contre l’
229
Nietzsche, à Dostoïevski, à Pascal. Lui-même ne s’
est
jamais comparé qu’aux grands modèles apostoliques : à saint Paul, à L
230
her, mais pour se condamner. Il affirmait qu’il n’
était
qu’un poète à « tendance religieuse » et non pas un « témoin de la vé
231
vangélique. « Kierkegaard — dit Rudolph Kassner —
fut
le dernier grand protestant. On ne peut le comparer qu’aux fondateurs
232
de lui. La question essentielle pour Kierkegaard
était
: Comment deviendrai-je chrétien ? Seul, un protestant pouvait trouve
233
plus profonde et la plus originale de Kierkegaard
est
son Concept de l’angoisse, auquel on ne peut trouver d’analogie que c
234
hez Dostoïevski. Kierkegaard, d’ailleurs, ne peut
être
placé qu’à côté du poète russe. Tous deux marchent de pair, et aucun
235
e temps, qui le redécouvre après cent ans. Ce qui
est
sûr, c’est qu’à la différence d’un Nietzsche même, personne ne parvie
236
ant, s’aperçoivent que l’entreprise pourrait bien
être
mortellement compromettante. Aussi l’histoire de la pensée n’est-elle
237
t compromettante. Aussi l’histoire de la pensée n’
est
-elle souvent que la chronique de ses retraites éloquentes. Très peu v
238
de sa passion et l’accomplissement de sa foi, tel
fut
le sort de Kierkegaard, son incommensurable grandeur. Un acharnement
239
les innombrables tentations d’une religion qui n’
est
pas Dieu ; et soudain, sur son lit de mort, cette phrase ingénument p
240
se ingénument piétiste : « Je ne pense pas que ce
soit
mauvais, ce que j’ai dit, mais je ne l’ai dit que pour l’écarter, et
241
, vraiment « résolue » par cette mort. Le premier
est
de Kierkegaard : « Forcer les hommes à être attentifs et à juger, c’e
242
remier est de Kierkegaard : « Forcer les hommes à
être
attentifs et à juger, c’est exactement prendre le chemin du vrai mart
243
l’aide de son impuissance. Il force les hommes à
être
attentifs. Ah ! Dieu sait s’ils deviennent attentifs — ils le tuent.
244
rne a transcrit les déclarations du malade : « Il
tient
sa maladie pour mortelle. Sa mort serait nécessaire à l’action à laqu
245
de : « Il tient sa maladie pour mortelle. Sa mort
serait
nécessaire à l’action à laquelle il a consacré toutes ses forces spir
246
ra sa lutte religieuse, mais il craint qu’elle ne
soit
alors affaiblie. Au contraire sa mort donnera de la force à son attaq
247
era, pense-t-il, la victoire.21 » 1.Kierkegaard
est
difficile parce qu’il est simple Il est désespéré mais c’est à cau
248
re.21 » 1.Kierkegaard est difficile parce qu’il
est
simple Il est désespéré mais c’est à cause de la foi. Et s’il espè
249
egaard est difficile parce qu’il est simple Il
est
désespéré mais c’est à cause de la foi. Et s’il espère c’est « en ver
250
taire, dont nul ne trouvera l’antidote ; qu’il en
soit
mort, atteste ce fait capital : que la pensée de la foi peut être irr
251
te ce fait capital : que la pensée de la foi peut
être
irrémédiable. Tous les autres, sauf Empédocle et Nietzsche, ont refus
252
toïevski. Oui, même ceux-là. Même ces deux-là qui
sont
allés si loin dans la passion de l’absolu chrétien, mais seul Kierkeg
253
on de l’absolu chrétien, mais seul Kierkegaard en
est
mort. Une pureté presque inhumaine, voilà ce qui définit sa grandeur.
254
moins ce qu’on me rapporte, et je voudrais que ce
soit
vrai. Je ne vois rien de comique dans l’attitude d’un tel homme, — si
255
latant, symbolique. La supériorité d’un tel homme
tient
en ceci, qu’il s’est rendu capable d’exprimer toute sa vie d’un seul
256
supériorité d’un tel homme tient en ceci, qu’il s’
est
rendu capable d’exprimer toute sa vie d’un seul coup. Et sa sagesse,
257
t sa sagesse, peut-être aussi son ironie secrète,
est
justement d’avoir choisi de confondre son être avec un jeu, bien plus
258
te, est justement d’avoir choisi de confondre son
être
avec un jeu, bien plus, avec ce jeu où le hasard n’a point de part, e
259
le hasard n’a point de part, et où l’échec final
est
l’œuvre d’une sévère réflexion. Cela suppose une vue du monde profond
260
ne propreté d’assez grand style. Cet homme doit s’
être
purifié de cette espèce répugnante de « sérieux » qui s’attache à cer
261
« sérieux » qui fait qu’on les salue comme s’ils
étaient
quelqu’un, alors précisément qu’ils ne sont rien que le support à pei
262
ls étaient quelqu’un, alors précisément qu’ils ne
sont
rien que le support à peine comique d’une fonction respectable, d’une
263
rtune respectée. Mais pour notre maniaque, rien n’
est
sérieux, sinon le jeu, qui est l’affaire de sa vie. Et c’est pourquoi
264
e maniaque, rien n’est sérieux, sinon le jeu, qui
est
l’affaire de sa vie. Et c’est pourquoi son aventure vaut la peine d’ê
265
e. Et c’est pourquoi son aventure vaut la peine d’
être
méditée. Elle pourrait même définir le sérieux moral à l’état pur : l
266
tte histoire aussi réelle qu’on m’affirme qu’elle
est
, ni même peut-être aussi exactement typique que je la voudrais. Pourq
267
ypique que je la voudrais. Pourquoi ? Parce qu’il
est
impossible qu’un homme ne se pose jamais la question du but dernier d
268
du but dernier de sa vie. Il peut sembler que ce
soit
pourtant le cas de la plupart. En vérité, la bassesse des réponses —
269
ence éthique n’apparaît pas médiocre. Mais s’il s’
est
posé la question, il est clair que son attitude implique dès ce momen
270
as médiocre. Mais s’il s’est posé la question, il
est
clair que son attitude implique dès ce moment un sous-entendu extérie
271
ve23 la volonté de se consacrer au jeu d’échecs n’
est
plus alors qu’un défi, qu’un sarcasme, ou pire encore, n’est plus qu’
272
ors qu’un défi, qu’un sarcasme, ou pire encore, n’
est
plus qu’une évasion. L’homme ne joue pas son tout sur le mat prévisib
273
s’offrent à la même démonstration, mais celui-ci
est
le moins ambigu. Songeons aux grands obsédés de l’Histoire, Don Juan,
274
us ces profonds maniaques, — si près qu’ils aient
été
de la folie et de la souveraineté totale de leur idée, je dis qu’ils
275
’eût pas osé comparer à l’idée, quelque chose qui
fût
juste assez grand pour servir de refuge, soit terrestre ou céleste, à
276
qui fût juste assez grand pour servir de refuge,
soit
terrestre ou céleste, à leur vie individuelle, — à leur vie contre le
277
de grandeur et de réduction du désordre ; mais ce
sont
des principes humains, et par là même soumis au jugement humain. Ils
278
ls échouent toujours au cœur de l’homme même. Ils
sont
sans force contre sa division secrète. Ce que j’ai fait, ce n’est pas
279
ontre sa division secrète. Ce que j’ai fait, ce n’
est
pas moi. Je suis la différence qui subsiste indéfiniment. Je suis l’i
280
n secrète. Ce que j’ai fait, ce n’est pas moi. Je
suis
la différence qui subsiste indéfiniment. Je suis l’impureté de l’univ
281
suis la différence qui subsiste indéfiniment. Je
suis
l’impureté de l’univers que j’ai créé. La pureté du cœur, c’est voulo
282
e chose. Il faut donc, pour l’atteindre, cesser d’
être
soi-même ? L’échec final de toute grandeur humaine est prévisible dès
283
oi-même ? L’échec final de toute grandeur humaine
est
prévisible dès l’instant où l’homme s’élance vers un destin qu’il s’e
284
nstant où l’homme s’élance vers un destin qu’il s’
est
choisi, et qui est le masque de son anxiété. Mais malheur à celui qui
285
’élance vers un destin qu’il s’est choisi, et qui
est
le masque de son anxiété. Mais malheur à celui qui calcule et qui ref
286
ui refuse de partir ! Le bénéfice de l’expérience
est
dans l’échec, non pas dans la sagesse (on touche ici les limites d’un
287
ur le sérieux et le jeu Le jeu en général peut
être
défini comme une activité nettement délimitée : il commence et finit
288
ne de toute part ; le sérieux ne finit jamais, il
est
aussi long que la vie. Et de même que la vie réelle, il ne comporte a
289
des autres. Que si l’on vient à en perdre une, il
est
possible ou bien de la reprendre, ou bien de changer les règles, ou e
290
e tricher. Et par un tour habituel au serpent, ce
sont
ces conventions, ces règles inventées, et ce découpage arbitraire, qu
291
appelons maintenant la « vie sérieuse ». Aussi n’
est
-il plus guère possible de reconnaître et de séparer le sérieux et le
292
éparer le sérieux et le jeu dans nos vies, ce qui
est
vraiment de la personne et ce qui n’est que masque ou personnage. Un
293
s, ce qui est vraiment de la personne et ce qui n’
est
que masque ou personnage. Un écrivain français, dont on admire le sty
294
tait bien vu. Mais en écrivant cela, notre auteur
était
-il sérieux, ou bien ne faisait-il qu’une phrase ? Ce qui est sérieux
295
eux, ou bien ne faisait-il qu’une phrase ? Ce qui
est
sérieux reste seul important, mais tant d’hommes font les importants,
296
tants, tant d’hommes « jouent » leur sérieux : où
est
la différence ? « L’apôtre Paul avait-il un emploi officiel ? — Non,
297
n, il ne gagnait en aucune manière de l’argent. —
Était
-il au moins marié ? — Non, Paul n’était pas marié. — Mais alors, Paul
298
argent. — Était-il au moins marié ? — Non, Paul n’
était
pas marié. — Mais alors, Paul n’était pas un homme sérieux ? — Non, P
299
Non, Paul n’était pas marié. — Mais alors, Paul n’
était
pas un homme sérieux ? — Non, Paul n’était pas un homme sérieux. » Ic
300
Paul n’était pas un homme sérieux ? — Non, Paul n’
était
pas un homme sérieux. » Ici paraît la dialectique du sérieux et de l’
301
Testament que le carré au cercle. L’enseignement
est
devenu autre… » On est chrétien jusqu’à un certain point… Or « tout j
302
au cercle. L’enseignement est devenu autre… » On
est
chrétien jusqu’à un certain point… Or « tout jusqu’à un certain point
303
certain point… Or « tout jusqu’à un certain point
est
théâtral, est une prise dans le vide, une illusion. Seul, le tout ou
304
Or « tout jusqu’à un certain point est théâtral,
est
une prise dans le vide, une illusion. Seul, le tout ou rien étreint r
305
l’absolu. » La situation des chrétiens qui ne le
sont
que le dimanche, ou dans un certain secteur délimité de leur vie, dan
306
» compatible avec la vie sociale, cette situation
est
celle d’un jeu, non du sérieux. « Elle ne ressemble pas plus à la sit
307
orte au temps, et qui veut gagner dans ce temps n’
est
pas sérieuse : elle se limite. Kierkegaard la déconsidère par l’ironi
308
l’ironie de l’éternité. Car en effet, l’éternité
est
une ironie sur le temps, une ironie sous le regard de laquelle le tem
309
e nostalgie tragique. Car le « retour des temps »
est
en définitive une dernière fuite devant l’Éternité. La substance du s
310
. Car peut-être que l’acte de foi n’existe pas, n’
est
qu’une figure de rhétorique pieuse, une illusion, un mythe, un saut d
311
as trouvé la foi, ou mieux : tant que la foi, qui
est
le don de Dieu, ne m’a pas trouvé et vaincu… Avoir connu cela, c’est
312
t vouloir « une seule chose ». 4.Il faut avoir
été
au fond des choses pour vivre dans des catégories simples Mais qu’
313
pour vivre dans des catégories simples Mais qu’
est
-ce qu’aller au fond des choses ? C’est toucher les limites de notre c
314
dans une vie par l’extérieur. Entendons qu’elle n’
est
pas dans les dimensions des événements, mais seulement dans la simpli
315
ers cette fonction, parce qu’on sait bien qu’elle
est
sans force contre les passions fondamentales. Elle les condamne pour
316
icte des lois solennelles, et le plaisir de vivre
est
d’y contrevenir. On se fabrique, dans la sérénité ou la souffrance, s
317
is, je vis dans la contradiction, car la vie même
est
une contradiction. D’une part, il y a l’éternelle vérité, et de l’aut
318
que tel, ne peut pas pénétrer, — il lui faudrait
être
omniscient. Le seul lien, c’est donc la foi. (Journal). 5.« Le po
319
Dieu, c’est-à-dire si l’on ne croit pas que Dieu
est
la forme originelle et dernière du tu, on pense que Kierkegaard est l
320
nelle et dernière du tu, on pense que Kierkegaard
est
l’anarchiste pur, l’individu fou, l’isolé. Mais l’homme justement n’e
321
l’individu fou, l’isolé. Mais l’homme justement n’
est
plus seul à l’instant qu’il atteint le fond même de l’abîme de sa sol
322
aussi du plus grand paradoxe. Car la simplicité n’
est
pas cette pauvreté qu’on croit, cette clarté cartésienne, ce deux et
323
r comble, suppose que l’homme a d’abord accepté d’
être
zéro ! L’homme qui meurt devant Dieu, en tant qu’individu, renaît au
324
d’une dignité ou d’une indignité dont la mesure n’
est
pas du monde, si pourtant tout se joue dans ce monde. 6.La foi n’e
325
ourtant tout se joue dans ce monde. 6.La foi n’
est
pas une solution, mais la mise en question de nos problèmes Simple
326
uprême désaccord avec notre vie dans le monde. Qu’
est
-ce alors que la foi ? Une exagération démesurée ? Évidemment. Pour ce
327
ent saisir ne mesure plus son acte. C’est qu’il n’
est
plus différent de cet acte. Il n’est rien d’autre que cet acte, n’exi
328
’est qu’il n’est plus différent de cet acte. Il n’
est
rien d’autre que cet acte, n’existant pas hors de sa vocation. Que cr
329
qui marche dans le monde, contre le monde qui ne
sera
sauvé que par égard au solitaire, cet homme n’appartient plus à la fo
330
e, mais seulement à sa transformation. « Le monde
est
un penseur extrêmement confus qui à force d’idées ne trouve plus le t
331
mment pourrait-il avoir peur de l’idée, puisqu’il
est
cette idée, et cet ordre de Dieu ? Puisqu’il ne se craint plus ? Puis
332
u ? Puisqu’il ne se craint plus ? Puisque sa mort
est
derrière lui. Un seul donc peut être héroïque : c’est celui que la f
333
sque sa mort est derrière lui. Un seul donc peut
être
héroïque : c’est celui que la foi conduit dans la pureté immédiate. T
334
conduit dans la pureté immédiate. Tout le reste n’
est
que défi, intempérance et désespoir. « Oser à fond être soi-même, ose
335
ue défi, intempérance et désespoir. « Oser à fond
être
soi-même, oser réaliser un individu, non tel ou tel, mais celui-ci, i
336
rver leurs fidèles… Mais la question se pose : qu’
est
-ce alors qu’un fidèle ? « Nous ne pouvons pourtant pas être tous des
337
ors qu’un fidèle ? « Nous ne pouvons pourtant pas
être
tous des martyrs ! » — Réponse de Kierkegaard : « Ne vaudrait-il pas
338
uis pas. Si c’est folie que tous croient devoir l’
être
, — c’est une folie aussi que nul ne veuille l’être. » 7« Sancta si
339
tre, — c’est une folie aussi que nul ne veuille l’
être
. » 7« Sancta simplicitas » Sancta simplicitas ! prononce le ma
340
ussi son fagot — pieusement. Mais la simplicité n’
est
sainte qu’en lui, à cet instant. Celle de la vieille est innocence, r
341
nte qu’en lui, à cet instant. Celle de la vieille
est
innocence, religion naturelle et craintive. Elle appartient à la form
342
en, et même dans un sens strict, on ne peut pas l’
être
, mais il faut sans cesse le devenir. Et le problème, alors, devient c
343
croit aux lois, et il se veut déterminé. Or il l’
est
dans la mesure exacte où il l’accepte ; mais dans cette mesure même,
344
accepte ; mais dans cette mesure même, il cesse d’
être
humain. Car l’homme n’a d’existence proprement humaine que lorsqu’il
345
icipe à la transformation du monde. Autrement, il
est
animal, et soumis à la forme des choses, — à la commune dégradation.
346
tes depuis un siècle pour nous prouver que l’acte
est
impossible et que le tout de l’homme est soumis au calcul, tout cet e
347
e l’acte est impossible et que le tout de l’homme
est
soumis au calcul, tout cet effort des sciences et des sociologies éta
348
poir : l’homme moderne a perdu le « chemin ». Je
suis
le chemin, la vérité et la vie, dit le Christ. 1.La vérité est le c
349
la vérité et la vie, dit le Christ. 1.La vérité
est
le chemin Christ est la Vérité dans ce sens qu’être la vérité est
350
le Christ. 1.La vérité est le chemin Christ
est
la Vérité dans ce sens qu’être la vérité est la seule explication vra
351
e chemin Christ est la Vérité dans ce sens qu’
être
la vérité est la seule explication vraie de la vérité… Être la vérité
352
rist est la Vérité dans ce sens qu’être la vérité
est
la seule explication vraie de la vérité… Être la vérité, c’est connaî
353
rité est la seule explication vraie de la vérité…
Être
la vérité, c’est connaître la vérité, et le Christ n’aurait jamais co
354
n’aurait jamais connu la vérité s’il n’avait pas
été
la vérité ; et nul homme ne connaît davantage de vérité qu’il n’en in
355
le serpent qui se mord la queue. La foi au Christ
est
la condition nécessaire et suffisante de tout acte véritable, de tout
356
réation, de toute victoire sur la Nécessité. « Je
suis
le chemin ». Mais un chemin n’est un chemin que si l’on y marche28. S
357
écessité. « Je suis le chemin ». Mais un chemin n’
est
un chemin que si l’on y marche28. Sinon il n’est qu’un point de vue ;
358
’est un chemin que si l’on y marche28. Sinon il n’
est
qu’un point de vue ; ou bien encore le lieu d’un pur possible, et sur
359
me de ce monde, c’est croire que cette forme peut
être
transformée. Certes, nous ne pouvons agir « qu’en vertu de l’absurde
360
llons connaître maintenant que seul l’acte de foi
est
création, transformation, nouveauté pure dans le monde, vocation et p
361
ophétie de l’éternité qui vient à nous. 2.Il n’
est
d’action que prophétique Qu’est-ce que prophétiser, sinon dire la
362
ous. 2.Il n’est d’action que prophétique Qu’
est
-ce que prophétiser, sinon dire la Parole qui détermine notre avenir ?
363
ole qui détermine notre avenir ? Mais la Parole n’
est
dite que dans la foi, la foi n’existe que dans l’acte, et cet acte de
364
créant sa lumière et son chemin29, lumière qui n’
est
pas sa lumière, chemin qui se dérobe au doute et à l’orgueil, mais qu
365
ure languit après ce commencement, et bienheureux
est
celui qui dans sa fin, possède son commencement. » Mais l’homme déchu
366
es hommes les frappent sur la bouche. Kierkegaard
fut
de ces croyants dont la vocation prophétique, pareille à celle des ho
367
arole qui les conduira au martyre. La Parole dite
est
leur chemin, leur vérité et leur vie dans ce monde ; ils meurent de l
368
oir dite, et n’ont pas d’autre tâche31. Le chemin
est
imprévisible ; le nôtre, disons-nous, n’est pas celui de ces prophète
369
hemin est imprévisible ; le nôtre, disons-nous, n’
est
pas celui de ces prophètes. Cependant la question demeure : comment a
370
ment obéir à la Parole qui prophétise ? Le chemin
est
imprévisible. Ce que nous connaissons, c’est pourtant son point de dé
371
rque de l’absolu : c’est la marque de tout ce qui
est
véritablement chrétien. » (Journal) Vend ton bien et le donne aux pau
372
quotidienne du chemin, ton chemin, sur lequel tu
es
seul, parce qu’il est la parole de ta vie, sa mesure et sa vocation,
373
n, ton chemin, sur lequel tu es seul, parce qu’il
est
la parole de ta vie, sa mesure et sa vocation, son risque à chaque in
374
Se conformer à ce pieux idéal, non seulement ce n’
est
point agir, non seulement c’est limiter par avance le rôle de la foi,
375
r et rassurant. Et pourquoi ? Parce que le chemin
est
invisible tant qu’on n’y est pas engagé. Parce que c’est un blasphème
376
Parce que le chemin est invisible tant qu’on n’y
est
pas engagé. Parce que c’est un blasphème de l’homme pieux, du moralis
377
faire un pas dans la nuit, sur ce « chemin » qui
est
le Christ présent. Il y a des abîmes entre ces deux exigences : l’abî
378
de la reconnaissance… Tout commence par la joie d’
être
aimé — et ensuite vient l’effort de plaire, constamment exalté par la
379
aire, constamment exalté par la certitude que Ton
est
aimé maintenant, et même si l’effort échoue.32 Parce qu’il est aimé
380
nant, et même si l’effort échoue.32 Parce qu’il
est
aimé maintenant, aller maintenant, par la foi, sur ce chemin qui comm
381
u, mais comme la plénitude détruit le relatif. Il
est
ce contact impensable de l’éternité avec notre durée, et l’on n’en pe
382
durée, et l’on n’en peut rien dire sinon qu’il s’
est
produit, et qu’il peut se produire sans que rien y prépare. « Car Die
383
le s’abîmerait dans l’amen éternel. Æternitas non
est
temporis successio sine fine, sed nunc stans. L’éternité a marché sur
384
’éternité a marché sur la terre : ainsi le Christ
est
le chemin. Mais nous avons refusé l’éternel et nous lui préférons nos
385
qui viennent : c’est pourquoi nous n’avons plus d’
être
que par la foi, « substance des choses espérées », et c’est pourquoi
386
, et c’est pourquoi enfin la Parole parmi nous, n’
est
que promesse et vigilante prophétie de l’invisible. De Séir, une voix
387
onvertissez-vous et revenez ! » La forme du monde
est
durée, et c’est la forme du péché, du refus de l’instant éternel, — l
388
. De quelles étranges et secrètes façons le temps
est
lié au péché, le pécheur seul le sait, dans l’instant de la foi, où p
389
oulez interroger, interrogez ! », mais la réponse
est
: « Convertissez-vous ! » À la lumière jaillie de l’acte de la foi, l
390
is un temps nouveau prend son cours, et sa mesure
est
plus mystérieuse encore. Voici : le pécheur pardonné vit dans le temp
391
t de sa durée, vit d’acte en acte. Et son temps n’
est
plus son péché, mais on pourrait dire : sa patience. Car il se tient
392
é, mais on pourrait dire : sa patience. Car il se
tient
où Dieu l’a mis, et ce n’est plus une dérive. Il vit dans la forme du
393
atience. Car il se tient où Dieu l’a mis, et ce n’
est
plus une dérive. Il vit dans la forme du monde, mais il est ce qui la
394
ne dérive. Il vit dans la forme du monde, mais il
est
ce qui la transforme. Vertige de la « vie chrétienne », cette histoir
395
r le temps en vertu de l’absurde37. Et ce courage
est
celui de la foi. Par la foi, Abraham ne perdit point Isaac ; c’est pa
396
abord qu’il le reçut.38 5.Le temps de l’acte
est
renaissance, initiation Entre la naissance et la mort toute la réa
397
naissance et la mort toute la réalité de l’homme
est
dans son acte. Tout acte est passage et tension, — passage de la mort
398
a réalité de l’homme est dans son acte. Tout acte
est
passage et tension, — passage de la mort à la vie, tension entre ce q
399
est ici qu’on touche au mystère, sans lequel tout
serait
absurde : l’acte détruit le temps puisqu’il est dans le même instant
400
erait absurde : l’acte détruit le temps puisqu’il
est
dans le même instant et la mort et la vie des êtres ou des choses qu’
401
est dans le même instant et la mort et la vie des
êtres
ou des choses qu’il promeut à l’existence ; mais détruisant le temps
402
le liant au destin personnel. Ainsi l’acte absolu
serait
création absolue, mais un acte de l’homme n’est jamais qu’une rédempt
403
erait création absolue, mais un acte de l’homme n’
est
jamais qu’une rédemption. Distinction de théologien, et qui veut prév
404
nir l’orgueil. Mais la vision de celui qui agit n’
est
point un jugement des résultats, des créatures ; elle n’est pas davan
405
un jugement des résultats, des créatures ; elle n’
est
pas davantage appréciation des causes. L’acte n’est jamais conséquenc
406
t pas davantage appréciation des causes. L’acte n’
est
jamais conséquence, il est toujours initiation. La vision de celui qu
407
n des causes. L’acte n’est jamais conséquence, il
est
toujours initiation. La vision de celui qui agit est tout entière abs
408
toujours initiation. La vision de celui qui agit
est
tout entière absorbée par l’instant, par le passage de ce qui meurt à
409
ar le héros n’a connu son succès que lorsque tout
était
fini ; et ce n’est point par le succès qu’il fut héros, mais par son
410
son succès que lorsque tout était fini ; et ce n’
est
point par le succès qu’il fut héros, mais par son entreprise.39 Le
411
tait fini ; et ce n’est point par le succès qu’il
fut
héros, mais par son entreprise.39 Le temps de l’acte vient s’inscri
412
t et de la vie a mis des marques victorieuses. Qu’
est
-ce que la personne ? C’est la vision et le visage du héros, sa vision
413
arole dont elle procède, et si la face d’un homme
est
belle, c’est parce qu’elle est un acte et un destin, une initiale de
414
la face d’un homme est belle, c’est parce qu’elle
est
un acte et un destin, une initiale de l’histoire, une effigie de la P
415
dire, nous avons toutes raisons d’en douter, s’il
est
vrai que le doute est révolte, et qu’il faut pour se l’avouer la joie
416
s raisons d’en douter, s’il est vrai que le doute
est
révolte, et qu’il faut pour se l’avouer la joie qui naît de l’acte de
417
u désespoir, qui consiste à s’imaginer que l’acte
est
puissance de l’homme : d’où l’impossibilité de l’oser. Celui que la f
418
ue la foi vient saisir sait maintenant que l’acte
est
le contraire du désespoir. Mais il le sait d’une tout autre façon que
419
ine. Parce que le rapport du désespoir à l’acte n’
est
pas seulement renversement, mais création irréversible. Et cela tient
420
renversement, mais création irréversible. Et cela
tient
à la nature de l’acte, — mieux encore à son origine. Cela tient à l’a
421
ure de l’acte, — mieux encore à son origine. Cela
tient
à l’absolu de la personne qui l’initie. Le désespéré, le douteur, ou
422
ais il sait bien qu’il n’en a pas, ou que son moi
est
désespoir, c’est-à-dire qu’il n’y croit pas et qu’il ne croit à aucun
423
ns le désir et dans la nostalgie, et son regard n’
est
pas une vision du réel, mais une manière de loucher vers les « autres
424
cet homme pourrait-il faire un acte ? Car l’acte
est
décision, rupture, isolation, quand l’être même du désespéré consiste
425
l’acte est décision, rupture, isolation, quand l’
être
même du désespéré consiste dans ses liens, dans sa croyance avec la m
426
cet homme pourrait-il faire un acte ? Car l’acte
est
immédiat, création et initiation, c’est-à-dire sobriété pure, — quand
427
initiation, c’est-à-dire sobriété pure, — quand l’
être
même du désespéré est un calcul toujours faussé par la terreur de per
428
e sobriété pure, — quand l’être même du désespéré
est
un calcul toujours faussé par la terreur de perdre ce qu’on n’a même
429
n’a même pas… Ainsi l’acte absolu, s’il l’imagine
serait
sa mort, — et c’est pourquoi il n’y croit pas. Nul n’échappe à la for
430
lu, il y a tout ce romantisme qui veut que l’acte
soit
puissance, il y a ce moi de désir qui veut que l’acte — l’instant ! —
431
moi de désir qui veut que l’acte — l’instant ! —
soit
saisi… Mais l’absolu qui vient toucher nos vies nous meut parce qu’il
432
qui vient toucher nos vies nous meut parce qu’il
est
un ordre, une Parole reçue d’ailleurs, une rupture de tout drame huma
433
le de Dieu, — la prophétie dans l’immédiat. Que s’
est
-il donc passé ? Me voici seul sur le chemin ; mais je vois des visage
434
eurs que dans l’acte d’aimer. 7.Toute vocation
est
sans précédent Car elle est prophétie justement — et c’est de la s
435
7.Toute vocation est sans précédent Car elle
est
prophétie justement — et c’est de la seule prophétie que relèvent la
436
ue n’ont pas les animaux ; c’est pourquoi l’homme
est
héroïque. Il faut noter ici un trait bien remarquable : Kierkegaard a
437
ocation et ne s’en distingue jamais. Cependant il
est
hors de doute qu’il eut conscience de cet aspect particulier de son d
438
ortée de « la masse », alors que la foi véritable
est
celle du solitaire que plus rien ne soutient, hors la foi ? « Celui q
439
igieuse, à plus forte raison l’audace chrétienne,
est
au-delà de toute vraisemblance, là où précisément l’on renonce à la v
440
r le chemin, non pas le suivre ; parce que l’acte
est
initiateur ; parce que la dignité de l’homme est de marcher dans l’in
441
est initiateur ; parce que la dignité de l’homme
est
de marcher dans l’invisible et de prophétiser « en vertu de l’absurde
442
étiser « en vertu de l’absurde. » L’homme ne peut
être
déterminé que par son Dieu ou par le « monde », il faut choisir. Il f
443
ieu ou par le « monde », il faut choisir. Il faut
être
un chrétien ou bien un philistin. Le philistin est l’homme sans vocat
444
re un chrétien ou bien un philistin. Le philistin
est
l’homme sans vocation. Il ne croit pas à l’acte et il meurt au hasard
445
i-même44. Il vit dans la forme du monde : et ce n’
est
point qu’elle soit pour lui la plus réelle, elle est seulement la moi
446
ans la forme du monde : et ce n’est point qu’elle
soit
pour lui la plus réelle, elle est seulement la moins invraisemblable.
447
point qu’elle soit pour lui la plus réelle, elle
est
seulement la moins invraisemblable. Mais le chrétien qui marche dans
448
esure que de ce qu’il transforme. Sa connaissance
est
acte et vision prophétique. La mesure du temps de sa vie réside dans
449
es pas, il ne meurt jamais par surprise ; et ce n’
est
point qu’il ait connu le jour et l’heure, mais il connaît l’instant,
450
s les plus dignes de formuler son opinion, et qui
sont
pleins d’amères protestations contre le règne de la masse et les outr
451
’individu, les Puissances anonymes et le Standard
seraient
en voie de triompher, et ce serait aux dépens de l’humain. Au sein de
452
le Standard seraient en voie de triompher, et ce
serait
aux dépens de l’humain. Au sein de cette crise, qu’on dit sans précéd
453
s titres vient-il produire à l’existence ? Car il
est
excellent de défendre son moi, surtout lorsqu’il détient plus de réal
454
e l’anonyme. Mais encore : il faudrait que ce moi
fût
fondé. Ce n’est pas évident de soi, si l’on peut dire : marxistes et
455
s encore : il faudrait que ce moi fût fondé. Ce n’
est
pas évident de soi, si l’on peut dire : marxistes et fascistes le nie
456
e disent les collectivistes ? Que le grand nombre
est
plus précieux que le petit. Que la vie de l’esprit n’est possible que
457
s précieux que le petit. Que la vie de l’esprit n’
est
possible que si l’on a d’abord assuré l’autre vie, les conditions phy
458
nditions physiques de l’existence. Que la justice
est
dans l’égalité de tous, et la vertu dans l’opinion publique. Que l’hi
459
Que la révolte, enfin, d’un seul contre la foule,
serait
la marque d’un affreux orgueil si d’abord elle ne témoignait d’un rid
460
défi collectiviste. Il soutient que le solitaire
est
plus grand que la foule anonyme ; que la vie de l’esprit n’est possib
461
d que la foule anonyme ; que la vie de l’esprit n’
est
possible que si l’on a d’abord renoncé l’autre vie ; que les lois de
462
noncé l’autre vie ; que les lois de l’histoire ne
sont
rien si l’acte de l’homme les dément ; que la foi d’un seul est plus
463
acte de l’homme les dément ; que la foi d’un seul
est
plus forte, dans son humilité et devant Dieu, — car c’est la foi — qu
464
in, et la vertu, n’ont aucune réalité si chacun n’
est
pas à sa place, là où la vocation de Dieu l’a mis. Supposez qu’un tel
465
existe. Que va-t-on faire de lui, de ce héros, n’
est
-ce pas, des valeurs de l’esprit que justement l’on fait profession de
466
ommencera par mettre en doute son sérieux : « Qui
est
le docteur Søren Kierkegaard ? C’est l’homme dépourvu de sérieux » li
467
ngs. On montrera sans trop de peine que ses idées
sont
faites pour rendre la vie impossible, puisqu’elles impliquent le mart
468
tiens, comme si la religion, de toute éternité, n’
était
pas au contraire la façon la plus sage de supporter les maux de ce ba
469
on fol orgueil ; n’a-t-il pas écrit que la presse
est
de nos jours l’obstacle décisif à la prédication du christianisme vér
470
it à Copenhague, en l’année 1855. Depuis lors, il
est
vrai, les choses ont bien changé. On dirait même qu’elles sont au pir
471
s choses ont bien changé. On dirait même qu’elles
sont
au pire, mais il faut prendre garde de laisser croire à nos contempor
472
croire à nos contemporains que ce pire ne puisse
être
aggravé, pour si peu qu’ils s’y abandonnent. 2.Qu’est-ce que l’esp
473
t ? Donc, on nous parle de sauver l’esprit. Qu’
est
-ce que l’esprit ? « L’esprit, c’est la puissance que le savoir d’un h
474
le savoir d’un homme exerce sur sa vie 46 ». Ce n’
est
pas le savoir, ce n’est pas la puissance, mais la puissance du savoir
475
rce sur sa vie 46 ». Ce n’est pas le savoir, ce n’
est
pas la puissance, mais la puissance du savoir en exercice. Qu’on ne c
476
uire à la ruine, ou peut-être même au martyre. Ne
soyez
donc pas si pressé de défendre les « droits » de l’esprit : ce n’est
477
ssé de défendre les « droits » de l’esprit : ce n’
est
pas une distinction. Et lequel d’entre nous peut dire qu’il a calculé
478
faudrait bien savoir de quoi l’on parle, et ce n’
est
peut-être possible que si l’on sait bien où l’on va. À quoi tend la p
479
opinion publique, il proteste en faveur de ce qui
est
« original » ; contre l’emportement des multitudes, il revendique la
480
font vivre, cette solitude première devant Dieu,
est
-ce bien cela que revendiquent les défenseurs du primat de l’esprit ?
481
t les défenseurs du primat de l’esprit ? L’esprit
est
drame, attaque et risque. Et l’on peut douter qu’ils y croient, ceux
482
on ferait bien d’aller à ceux pour qui l’esprit n’
est
pas une espèce de confort, mais une aventure absolue et comme un juge
483
Peut-être leur souffrance seulement. Mais s’il n’
est
pas de hiérarchie possible en ces parages, le sacrifice y tient lieu
484
le sacrifice y tient lieu de mesure, parce qu’il
est
un acte incontestable. Telle est la nouvelle grandeur, la nouvelle me
485
ure, parce qu’il est un acte incontestable. Telle
est
la nouvelle grandeur, la nouvelle mesure de l’esprit. Nous irons donc
486
ée d’un autre siècle avait tué. C’est aussi qu’il
est
devenu possible de saisir dans le déploiement des faits les plus marq
487
os malheurs, nous retournons à l’origine où il se
tient
, nous mettons en lui notre espoir de trouver un autre chemin : un che
488
mais à nous-mêmes devant Dieu. Søren Kierkegaard
est
sans doute le penseur capital de notre époque, je veux dire : l’objec
489
ion la plus absolue, la plus fondamentale qui lui
soit
faite ; une figure littéralement gênante, un rappel presque insupport
490
our apaiser ce regard qui nous perce ; et si nous
sommes
sourds à sa voix, comment étouffer le scandale de cette mort qui défi
491
ur du Progrès : car tout l’honneur de notre temps
sera
peut-être, par une compensation mystérieuse, d’avoir compris mieux qu
492
s les rangs des troupes d’assaut. Ah ! si le rire
est
le propre de l’homme, nous voici devenus bien inhumains. Il semble qu
493
as-tu souffert pour ta doctrine ? Tu souffres, il
est
vrai, mais n’est-ce point justement pour ces choses que ta doctrine t
494
ur ta doctrine ? Tu souffres, il est vrai, mais n’
est
-ce point justement pour ces choses que ta doctrine te montre vaines ?
495
la question brûlante, c’est de savoir si toi, tu
es
chrétien, — ou bien tu vitupères les sans-Dieu de Russie. Mais sais-t
496
it, exactement comme si l’Esprit n’existait pas î
Serons
-nous des témoins ou des espions craintifs ? Attendrons-nous toujours
497
il de la masse » pour affirmer que tous ses dieux
sont
des faux dieux ? Mais sont-ils des faux dieux pour nous ? Appelons-no
498
mer que tous ses dieux sont des faux dieux ? Mais
sont
-ils des faux dieux pour nous ? Appelons-nous vraiment l’esprit ? — Ma
499
l’esprit », c’est bien moins dangereux ; tous en
seront
… Deux questions — dit encore Kierkegaard — témoignent de l’esprit :
500
témoignent de l’esprit : 1) ce qu’on nous prêche,
est
-ce possible ? 2) puis-je le faire ? Deux questions témoignent de l’ab
501
uestions témoignent de l’absence de l’esprit : 1)
est
-ce réel ? 2) mon voisin Christofersen l’a-t-il fait ? l’a-t-il réelle
502
est alors que paraît le rire de Kierkegaard. Ce n’
est
pas le rire d’un Molière : Molière fait rire la foule aux dépens de l
503
peut leur faire faire tout ce qu’on veut, que ce
soit
le bien ou le mal, une seule condition leur importe : qu’ils soient t
504
le mal, une seule condition leur importe : qu’ils
soient
toujours comme tous les autres, qu’ils imitent, — et n’agissent jamai
505
l’originalité. « Voilà pourquoi la Parole de Dieu
est
telle qu’on y trouve toujours quelque passage qui dise le contraire d
506
nt bien que dans l’imitation : c’est pourquoi ils
sont
unis en elle d’une manière si touchante, et c’est ce qu’ils appellent
507
kegaard se recompose. Et l’on voit que son rire n’
est
rien que la douleur du témoin de l’Esprit, au milieu de la foule.
508
ée, ou pour mieux dire : de son action. Ce centre
est
« la catégorie du solitaire ». Bien des malentendus seraient ici poss
509
la catégorie du solitaire ». Bien des malentendus
seraient
ici possibles : écartons, dès le premier pas, trois mots qui faussent
510
ssent tout : anarchie, romantisme, individu. Il n’
est
que de les confronter à la réalité chrétienne de l’homme. Le solitair
511
le nomme et par là le sépare, autrement l’homme n’
est
rien qu’un exemplaire dans le troupeau. Le solitaire devant Dieu, c’e
512
fin de compte imaginaire. Car l’ordre de ce monde
est
lui-même en révolte contre l’ordre reçu de Dieu, qui sera l’Ordre du
513
-même en révolte contre l’ordre reçu de Dieu, qui
sera
l’Ordre du Royaume. Et nier une négation, c’est s’enfoncer dans le né
514
oncer dans le néant. Seule la révolte du chrétien
est
position, obéissance. Et si l’appel de Dieu isole du monde un homme,
515
« Ne vous conformez pas à ce siècle présent, mais
soyez
transformés », dit saint Paul. Le solitaire devant Dieu, c’est celui
516
aul. Le solitaire devant Dieu, c’est celui qui se
tient
à l’origine de sa réalité. Celui-là seul connaît sa fin, et l’ordre é
517
l de sa vie. Celui-là peut juger ce monde, et s’y
tenir
comme n’étant pas tenu. Il n’est pas d’autre « réaction » contre le s
518
elui-là peut juger ce monde, et s’y tenir comme n’
étant
pas tenu. Il n’est pas d’autre « réaction » contre le siècle, pas d’a
519
ut juger ce monde, et s’y tenir comme n’étant pas
tenu
. Il n’est pas d’autre « réaction » contre le siècle, pas d’autre révo
520
monde, et s’y tenir comme n’étant pas tenu. Il n’
est
pas d’autre « réaction » contre le siècle, pas d’autre révolution cré
521
réatrice. Et tous nos appels à l’esprit, s’ils ne
sont
pas ce retour au Réel, ne sont que poursuite du vent, défection, ou o
522
l’esprit, s’ils ne sont pas ce retour au Réel, ne
sont
que poursuite du vent, défection, ou orgueil fantastique. 5.Le sol
523
u passé, au collectif, à l’avenir, et tout cela n’
est
rien que fuite devant notre éternel présent, et tout cela n’est que m
524
uite devant notre éternel présent, et tout cela n’
est
que mythologie. Les dieux du siècle ont l’existence qu’on leur prête
525
cle ont l’existence qu’on leur prête : hélas ! il
serait
faux de dire qu’ils n’en ont pas. Mais encore une fois, ce n’est pas
526
e qu’ils n’en ont pas. Mais encore une fois, ce n’
est
pas échapper aux chimères publiques que de les dénoncer éloquemment e
527
isme agressif ou désespoir du démoniaque qui veut
être
soi-même « en haine de l’existence et selon sa misère ». Cette révolt
528
l’existence et selon sa misère ». Cette révolte n’
est
pas fondée dans la transformation effective du monde. Elle participe
529
peut se fonder que sur sa vocation, et il ne peut
être
lui-même que par le droit divin de la Parole qui le distingue. Suprêm
530
l’orgueil trouverait-il encore à se loger chez un
être
à ce point simplifié qu’il n’est plus qu’obéissance — dans la mesure
531
e loger chez un être à ce point simplifié qu’il n’
est
plus qu’obéissance — dans la mesure où il agit — et pénitence — dans
532
dépasse ? Si Kierkegaard condamne la foule, ce n’
est
point qu’il la craigne, ou qu’il craigne d’y perdre le pauvre moi des
533
flattons, et elle nous reconnaît pour siens. Elle
est
le lieu de rendez-vous des hommes qui se fuient, eux et leur vocation
534
ommes qui se fuient, eux et leur vocation. Elle n’
est
personne et tire de là son assurance dans le crime. « Il ne s’est pas
535
tire de là son assurance dans le crime. « Il ne s’
est
pas trouvé un seul soldat pour oser porter la main sur Caius Marius,
536
pour oser porter la main sur Caius Marius, telle
est
la vérité. Mais trois ou quatre femmes, dans l’illusion d’être une fo
537
é. Mais trois ou quatre femmes, dans l’illusion d’
être
une foule et que personne peut-être ne saurait dire qui l’avait fait
538
raient eu, ce courage ! Ô mensonge ! » La foule n’
est
rien que la fuite de chaque homme devant la responsabilité de son act
539
nt la responsabilité de son acte. « Car une foule
est
une abstraction, qui n’a pas de mains, mais chaque homme isolé a, dan
540
et lorsqu’il porte ces deux mains sur Marius, ce
sont
ses mains, non celles de son voisin et non celles de la foule qui n’a
541
et cracher au visage du Fils de Dieu ? Mais qu’il
soit
foule, il aura ce « courage », — il l’a eu. Il faut aller plus loin.
542
— il l’a eu. Il faut aller plus loin. La foule n’
est
pas dans la rue seulement. Elle est dans la pensée des hommes de ce t
543
n. La foule n’est pas dans la rue seulement. Elle
est
dans la pensée des hommes de ce temps. Le génie réaliste de Kierkegaa
544
aque fois que nous disons d’un de nos dieux qu’il
est
puissant, nous témoignons de notre démission. La foule n’a pas d’autr
545
xister devant Dieu et d’exercer le pouvoir que je
suis
. Elle n’est que ma dégradation. Et toutes les sciences qui étudient s
546
Dieu et d’exercer le pouvoir que je suis. Elle n’
est
que ma dégradation. Et toutes les sciences qui étudient ses lois, his
547
étudient ses lois, historiques ou sociologiques,
sont
comme une inversion de la théologie, — une théologie de la dégradatio
548
ue tout s’explique, que tout s’implique, afin que
soit
à tout jamais bannie la scandaleuse possibilité des actes libres de l
549
eux. Ils n’ont pas lu Hegel, bien sûr, mais Hegel
est
dans tous nos journaux, Hegel domine le marxisme et le fascisme, il d
550
t les autres dans le passé : mais qui voudrait se
tenir
dans l’instant, « sous le regard de Dieu », comme disent les chrétien
551
e regard de Dieu », comme disent les chrétiens ? (
Est
-ce facile ? ou bien même possible ? Est-ce un effet de notre choix, o
552
étiens ? (Est-ce facile ? ou bien même possible ?
Est
-ce un effet de notre choix, ou un moment de notre vie ? Ils en parlen
553
me social. « Le meilleur moyen de s’en affranchir
sera
d’en revoir l’origine. Pour voiler le présent certain, ils hypothèque
554
de providence brute, tout à fait inintelligible,
est
le simple succédané de l’intelligible providence surnaturelle53 ». Ma
555
e53 ». Mais qui ne voit que cette Âme du Monde le
tient
aussi, notre censeur, et jusque dans son scepticisme, lorsqu’il procl
556
nalistes ! « Le meilleur moyen de s’en affranchir
sera
d’en revoir l’origine. » Seul, Kierkegaard sait nous la désigner : el
557
» Seul, Kierkegaard sait nous la désigner : elle
est
dans le refus moderne de cette « catégorie du solitaire », de l’homme
558
vité : cette attitude de l’homme qui ne veut plus
être
sujet de son action, qui l’abandonne aux lois de l’Évolution. Kierkeg
559
egaard au contraire nous répète : La subjectivité
est
la vérité. La liberté, la dignité de l’homme, c’est qu’il soit le seu
560
é. La liberté, la dignité de l’homme, c’est qu’il
soit
le seul sujet de sa vie. Mais encore faut-il se garder d’entendre l’e
561
entendre l’expression au sens des romantiques. Je
suis
sujet, mais il reste à savoir d’où vient ce je, comment il peut agir.
562
ta vie. Tu te croyais un moi : témoigne que tu n’
es
pas foule, imitation et simple objet des lois du monde. La foule atte
563
jet des lois du monde. La foule attend : si tu la
suis
, elle te méprisera sans doute, mais c’est le sort commun, tu ne cours
564
son premier devoir, c’est de persévérer dans son
être
agissant : en cette extrémité, le compromis se justifie… Mais si ton
565
mité, le compromis se justifie… Mais si ton moi n’
est
pas à toi, s’il est une vocation reçue d’ailleurs, et si tu l’as reçu
566
e justifie… Mais si ton moi n’est pas à toi, s’il
est
une vocation reçue d’ailleurs, et si tu l’as reçu en vérité, tu n’as
567
s reçu en vérité, tu n’as plus à choisir, ta mort
est
derrière toi, elle n’est plus ton affaire, elle n’est plus ton angois
568
plus à choisir, ta mort est derrière toi, elle n’
est
plus ton affaire, elle n’est plus ton angoisse. Et surtout elle n’est
569
derrière toi, elle n’est plus ton affaire, elle n’
est
plus ton angoisse. Et surtout elle n’est plus cette absurdité révolta
570
, elle n’est plus ton angoisse. Et surtout elle n’
est
plus cette absurdité révoltante que rien au monde ne pourrait permett
571
e sobriété… Le croyant seul agit et seul il peut
être
sujet de son action, mais c’est qu’il est, dans l’autre sens du terme
572
l peut être sujet de son action, mais c’est qu’il
est
, dans l’autre sens du terme, assujetti à la Parole qui vit en lui. C’
573
C’est dans ce sens que la formule de Kierkegaard
est
vraie. Cette sujétion totale est seule active. Elle est aussi présenc
574
e de Kierkegaard est vraie. Cette sujétion totale
est
seule active. Elle est aussi présence au monde. Dans ce temps de la m
575
aie. Cette sujétion totale est seule active. Elle
est
aussi présence au monde. Dans ce temps de la masse où nous vivons, le
576
asse où nous vivons, le « solitaire devant Dieu »
est
aussi l’homme le plus réel, le plus présent. Parce qu’il sait qu’il e
577
t accepter de vivre hic et nunc, — quand la foule
est
ubiquité et fuite sans fin dans le passé ou l’avenir. 7.Un seul ut
578
7.Un seul utile à tous La phrase de Carlyle
est
comme, résumant l’utilitarisme de Bentham : « Étant donné un monde pl
579
est comme, résumant l’utilitarisme de Bentham : «
Étant
donné un monde plein de coquins, montrer que la vertu est le résultat
580
é un monde plein de coquins, montrer que la vertu
est
le résultat de leurs aspirations collectives. » Renversant ce rapport
581
de Kierkegaard que sa « catégorie du solitaire »
est
le seul fondement pratique d’une collectivité vraiment vivante. Cepen
582
mi nous, oserait affirmer que cette catégorie lui
soit
si familière qu’il puisse la considérer comme donnée ? La tentation e
583
puisse la considérer comme donnée ? La tentation
est
forte, de passer d’une critique des collectivités mensongères à l’uto
584
vant Dieu. D’autre part l’acte du « solitaire » n’
est
pas de ceux dont nous ayons à développer les conséquences. Ou bien il
585
s ayons à développer les conséquences. Ou bien il
est
, et c’est l’acte de Dieu ; ou bien je l’imagine et mon discours est v
586
te de Dieu ; ou bien je l’imagine et mon discours
est
vain. À qui pressent dans sa réalité brutale, dans son sérieux dernie
587
s son sérieux dernier et son risque absolu, ce qu’
est
la solitude dont Kierkegaard a témoigné, il ne paraît plus nécessaire
588
malheur de l’époque ne provient pas de ce qu’elle
est
« sans Dieu » — mais bien plutôt de ce qu’elle est sans maîtres, c’es
589
st « sans Dieu » — mais bien plutôt de ce qu’elle
est
sans maîtres, c’est-à-dire sans martyrs pour l’enseigner. C’est au se
590
aveur, c’est à lui seul que l’on peut reprocher d’
être
insipide. Rien ne sera jamais réel pour tous, si rien d’abord n’est r
591
que l’on peut reprocher d’être insipide. Rien ne
sera
jamais réel pour tous, si rien d’abord n’est réel pour un seul. Maint
592
ne sera jamais réel pour tous, si rien d’abord n’
est
réel pour un seul. Maintenant, il faut être l’impossible : il faut êt
593
bord n’est réel pour un seul. Maintenant, il faut
être
l’impossible : il faut être le solitaire. Kierkegaard peut-il nous ai
594
. Maintenant, il faut être l’impossible : il faut
être
le solitaire. Kierkegaard peut-il nous aider ? Ou bien seulement nous
595
de toutes les nôtres ? Somnium narrare vigilantis
est
, dit Sénèque. L’aveu total de notre désespoir témoigne seul de la con
596
puis l’exprimer par cette seule phrase : « Je ne
fus
pas comme les autres ». 20. Point de vue explicatif sur ma carrière
597
nos psychologues de ce qui « se fait se faisant »
est
une antilogie chrétienne au premier chef, plutôt qu’hindoue. Chez les
598
chef, plutôt qu’hindoue. Chez les Hindous, elle n’
est
encore qu’une forme de l’agitation humaine. Pour le chrétien elle sig
599
ien, la primauté d’une Personne. 29. « Ta parole
est
une lampe à mes pieds, une lumière sur mon sentier », dit le psalmist
600
» (Karl Barth). Il n’a pas de biographie. Rien ne
serait
plus ridicule que de tenter de faire la psychologie d’un prophète, ou
601
nce immédiate à la parole. Mais la ressemblance n’
est
que formelle. Le temps dont souffre Kierkegaard est engendré par l’an
602
t que formelle. Le temps dont souffre Kierkegaard
est
engendré par l’angoisse du pécheur, tandis que le temps de Schopenhau
603
e du pécheur, tandis que le temps de Schopenhauer
est
l’« idéalité » du sujet connaissant, — une chimère spiritualiste, une
604
trouve quelques notations de ce genre : « Grande
sera
ma responsabilité si je rejette une mission de cette sorte » — c’est-
605
agne, par exemple. C’est, dit-il, que sa consigne
est
de « tenir bon en souffrant ». Le presbytère de campagne serait une s
606
exemple. C’est, dit-il, que sa consigne est de «
tenir
bon en souffrant ». Le presbytère de campagne serait une solution com
607
nir bon en souffrant ». Le presbytère de campagne
serait
une solution commode, surtout au regard des souffrances qu’il sait tr
608
lise établie ». 43. Richtet selbst. 44. Ce qui
est
particulièrement affligeant dans l’existence du bourgeois, c’est qu’e
609
eant dans l’existence du bourgeois, c’est qu’elle
est
entièrement déterminée jusqu’à la mort, mais que la mort survient com
610
ournal, tome X. 47. « Là encore le clerc moderne
est
protestant », ajoute M. Benda qui, en fait de protestant, ne connaît
611
ésus dit de Lazare à l’agonie : « Cette maladie n’
est
point à la mort ». Or Jésus sait que Lazare va mourir. Ce qu’il veut
612
assistants, c’est que la seule maladie redoutable
est
le péché. 49. Stades sur le chemin de la vie. 50. L’Instant. 51.
613
L’inévitable rappel aux nécessités quotidiennes n’
est
qu’un prétexte de l’angoisse. Si la vie quotidienne est si peu dramat
614
’un prétexte de l’angoisse. Si la vie quotidienne
est
si peu dramatique, cela ne signifie pas que les questions dernières n
615
rain journalier. La fameuse « vie quotidienne » n’
est
peut-être rien d’autre qu’un dernier méfait de la « foule » dans notr
616
er à Berlin, pour s’y vouer enfin à son œuvre, il
était
déjà condamné par une tuberculose du larynx dont il mourut à Vienne e
617
et Amérique. Le regard qu’il y porte sur le monde
est
d’une précision proprement angoissante. Il considère notre vie quotid
618
dessein énigmatique. Sa passion de l’absolu moral
est
typiquement israélite, mais sa psychologie de l’angoisse s’inspire vi
619
oisse s’inspire visiblement de Kierkegaard, qu’il
fut
l’un des premiers à découvrir au xxe siècle. D’autre part, sa volont
620
certainement à son admiration pour Goethe. Rien n’
est
plus suggestif que cette rencontre en un seul homme de deux influence
621
conduit à la mort Je ne sais pas si le Procès
est
le chef-d’œuvre de Kafka, mais il est difficile d’imaginer un livre p
622
i le Procès est le chef-d’œuvre de Kafka, mais il
est
difficile d’imaginer un livre plus profond. On a même l’impression, e
623
x inspecteurs. Ces messieurs lui apprennent qu’il
est
inculpé, mais ils ne savent pas de quoi, et n’ont pas qualité pour le
624
ir. Puis on lui rend la liberté. Toute l’histoire
sera
celle non du procès, qui n’a jamais lieu, mais des préliminaires du p
625
urplus corrompue et capricieuse, dont les bureaux
sont
installés dans des faubourgs ignobles ou des galetas. Jamais K. ne pa
626
niste. Il faut se garder de croire que l’auteur s’
est
donné le bénéfice d’un mystère dont il s’amuserait à nous cacher la c
627
il s’amuserait à nous cacher la clé. Le Procès n’
est
nullement un conte. Joseph K. pose toutes les questions que le lecteu
628
is, prudemment. Mais la justice qui le poursuit n’
est
pas de celles dont on se débarrasse en acceptant ou même en refusant
629
tant ou même en refusant ses exigences. Le Procès
serait
un livre révoltant s’il n’était d’abord écrasant. Il ressemble pas ma
630
ences. Le Procès serait un livre révoltant s’il n’
était
d’abord écrasant. Il ressemble pas mal à la vie. Le réalisme de Kafka
631
ste pas à montrer, par exemple, que la goujaterie
est
le meilleur moyen de parvenir, ni à poser que les idées d’un manœuvre
632
e sa vision, et c’est au fond, sa vision même qui
est
le vrai sujet du livre. La précision presque insupportable avec laque
633
l rapporte certaines conversations banales n’a pu
être
obtenue qu’au moyen d’une suspension du jugement, qui est en elle-mêm
634
nue qu’au moyen d’une suspension du jugement, qui
est
en elle-même tout le drame du Procès. Constatation de la réalité tell
635
Procès. Constatation de la réalité telle qu’elle
est
, et en même temps, au moment où la révolte point, constatation de la
636
des hommes — y compris ceux des philosophes — ne
sont
peut-être que des tentatives pour échapper à cette vision, qui est l’
637
des tentatives pour échapper à cette vision, qui
est
l’angoisse même. Moyens tantôt puérils, tantôt subtils, pour éluder l
638
la vie réelle, pour l’assimiler à un jeu dont il
serait
possible de sortir, dans la mesure où l’on connaît ses règles. C’est
639
similer la vision de Kafka à celle du rêve. Et il
est
vrai que la complicité qui, dans le Procès, lie les juges aux avocats
640
rocès, lie les juges aux avocats et aux prévenus,
est
un trait caractéristique du rêve d’angoisse. Mais si Kafka ou son hér
641
du rêve d’angoisse. Mais si Kafka ou son héros n’
étaient
que des rêveurs, il resterait alors une évasion : se réveiller. Et le
642
ssera plus jamais qu’une liberté provisoire. Nous
sommes
tous arrêtés, il vaudrait mieux le savoir : car nous saurions alors q
643
faire pour nous sauver. (À moins qu’une main nous
soit
tendue d’ailleurs, et que quelqu’un nous aime et nous « appelle », no
644
ller de ce cauchemar universel, il faut avoir, ne
fût
-ce qu’une fois, dans l’éclair d’un pressentiment, dépassé le plan de
645
lutionnaire, de même le scandale de vivre ne peut
être
apprécié sérieusement que d’un point de vue en quelque sorte antivita
646
en quelque sorte antivital, ou transcendant. Il n’
est
d’aveux que du passé, autrement dit : du dépassé. C’est pourquoi le r
647
au travers des lacunes du réel. De quelle nature
était
la transcendance qui a conditionné la vision de Kafka ? ⁂ Dans un app
648
ami se refusait à publier — dont ce roman. Quels
étaient
les scrupules de Kafka ? « Il voulait son œuvre à l’échelle de ses pr
649
tions dernières, à exiger qu’enfin le dernier mot
soit
dit. Ignorant presque tout de Kafka, après une première lecture du Pr
650
Kafka, après une première lecture du Procès, j’en
étais
venu à me poser cette question : — Est-ce pur hasard si la théologie
651
ès, j’en étais venu à me poser cette question : —
Est
-ce pur hasard si la théologie chrétienne rend compte de presque toute
652
te de presque toutes les situations de ce livre ?
Est
-ce pur hasard si elle nous offre les formules qui paraissent le mieux
653
sachions ou non, nous avons tous failli, et nous
sommes
tous, virtuellement, des prévenus : ce point de départ du Procès se t
654
se trouve dans les épîtres de saint Paul56. Quel
est
alors le Juge impitoyable ? C’est le Dieu qui donna la Loi, le Dieu d
655
Dieu qui donna la Loi, le Dieu des Juifs « qui ne
tient
pas le coupable pour innocent. » Pourquoi demeure-t-il inaccessible ?
656
naccessible ? Parce qu’il réside au ciel, et nous
sommes
sur la terre : l’instance suprême existe et délibère au-delà de toute
657
fier ? Dans cet état d’impuissance tragique, nous
sommes
prêts à saisir la moindre invite du mystère. Voici les avocats marron
658
ante. Et peu à peu nous croyons pressentir qu’ils
sont
de mèche avec le Juge ! Du moins nous le laissent-ils entendre. C’est
659
ant que nous n’avons aucun moyen de vérifier s’il
est
fondé. Prêtres et mages, derniers appuis de l’homme contre Dieu ! À v
660
appuis de l’homme contre Dieu ! À vrai dire, ils
sont
impuissants, prévenus eux-mêmes, et fort peu renseignés… Faut-il pous
661
Parce qu’il ne connaît pas celui qui a dit : « Je
suis
le chemin. » ⁂ Imaginons en guise de contre-épreuve que Josef K. puis
662
ils que Dieu devient pour nous le Père et cesse d’
être
le Juge lointain. Mais alors l’acquittement est possible et la grâce
663
’être le Juge lointain. Mais alors l’acquittement
est
possible et la grâce peut être accordée ! « Je suis le chemin », a di
664
lors l’acquittement est possible et la grâce peut
être
accordée ! « Je suis le chemin », a dit le Médiateur. Mais alors, l’a
665
st possible et la grâce peut être accordée ! « Je
suis
le chemin », a dit le Médiateur. Mais alors, l’acte aussi est possibl
666
n », a dit le Médiateur. Mais alors, l’acte aussi
est
possible, et l’obéissance praticable ! Ainsi la foi au Christ est bie
667
l’obéissance praticable ! Ainsi la foi au Christ
est
bien l’issue, la possibilité donnée à l’homme de marcher, d’échapper
668
ce de la Loi, c’est-à-dire dans le désespoir, qui
est
l’absence reconnue de la foi. Tout ce qui précède pourrait être compr
669
reconnue de la foi. Tout ce qui précède pourrait
être
compris comme une illustration de l’état de péché révélé par l’instan
670
nversion. Cette vision de l’homme arrêté pourrait
être
un regard en arrière vers l’humanité en révolte et qui a perdu le che
671
de Kafka traduirait la situation de l’homme qui n’
est
plus soutenu, mais au contraire obscurément troublé par une certaine
672
le d’y croire, il la refoule. Et dès lors, elle n’
est
plus en lui ce qui éclaire et ce qui rassure, mais ce qui sourdement
673
ir conscience claire du péché, du vrai péché, qui
est
bien moins la faute morale que le refus d’aimer Dieu en Christ. Si la
674
yens moraux : il connaîtrait que l’acquittement n’
est
mérité que par celui précisément qui renonce à le mériter. La conscie
675
oncrètement la repentance. Or celle-ci ne saurait
être
provoquée que par la certitude du pardon… Mais justement la foi ne su
676
de l’homme à Dieu, si l’on ne croit pas qu’elle a
été
établie, en sens inverse, de Dieu à l’homme, par la venue du Christ d
677
d’avance. Cette conscience au sein de l’angoisse
est
un moment spirituel que l’on retrouve en toute conversion. Kierkegaar
678
au, comme à la Justice, la Grâce. Mais la Justice
était
inexorable : la Grâce demeure donc incertaine. C’est la conclusion du
679
pêche son action d’aboutir. « K », cette fois-ci,
est
arpenteur. On l’a convoqué au château qui domine un village de montag
680
érir certaines complicités parmi ceux qu’il croit
être
en relation avec les bureaux du château. Parfois il reçoit un message
681
aux. On le félicite pour son travail, quand il en
est
à se ronger d’inaction ; ou bien on lui fait espérer, en termes vague
682
la moindre démarche épuisante… Ici le symbolisme
est
peut-être plus clair, et plus exactement déterminant qu’il ne l’était
683
clair, et plus exactement déterminant qu’il ne l’
était
dans le Procès. Non point que chaque incident puisse être interprété,
684
s le Procès. Non point que chaque incident puisse
être
interprété, beaucoup n’ayant probablement d’autre raison que de créer
685
e la certitude mes hypothèses théologiques : « Qu’
est
-ce en effet que ce « Château » avec ses étranges dossiers, son indéch
686
ure les interprétations moins vastes, qui peuvent
être
parfaitement exactes mais qui sont encloses dans celle-ci comme des t
687
s, qui peuvent être parfaitement exactes mais qui
sont
encloses dans celle-ci comme des tiroirs intérieurs d’un coffret chin
688
dont il ne peut même pas approcher comme il faut,
est
exactement la « grâce » au sens des théologiens, le gouvernement de D
689
u ont tous les caractères de cet autre message qu’
est
la Bible, selon Kierkegaard : il sera toujours loisible de douter de
690
e message qu’est la Bible, selon Kierkegaard : il
sera
toujours loisible de douter de leur authenticité, on ignore même leur
691
ux coutumes ancestrales, mais Barnabé le réprouvé
est
en fin de compte le seul à obtenir des communications presque directe
692
accomplie dans l’Histoire. Et certes, ce doute-là
sera
toujours inséparable de la foi, dans le concret d’une vie chrétienne.
693
r la vue, par la certitude naturelle. Et même, il
est
si difficile de concevoir une foi vivante privée de doute, qu’on sera
694
concevoir une foi vivante privée de doute, qu’on
serait
tenté de tenir le doute pour une preuve dialectique de la foi. L’extr
695
oi vivante privée de doute, qu’on serait tenté de
tenir
le doute pour une preuve dialectique de la foi. L’extraordinaire, che
696
et en même temps il s’y sent mal à l’aise : tout
est
bien vu, et de quels yeux impitoyables aux illusions de la routine ou
697
illusions de la routine ou des morales, mais tout
est
vu à partir du vertige, et non pas de l’amour accepté. Le « saut » do
698
amour accepté. Le « saut » dont parle Kierkegaard
est
constamment imaginé, mais jamais fait. Il n’y a pas de fait accompli
699
sthume, devait se terminer sur un échec de K. qui
serait
mort d’épuisement sans avoir obtenu rien de certain. « Autour de son
700
de Kafka vient confirmer cette interprétation. N’
est
-il pas curieusement émouvant qu’un esprit à ce point lucide et scrupu
701
la tension spirituelle la plus vertigineuse qu’il
soit
donné de vivre à un Occidental ? Oui, Kierkegaard et Goethe sont, à m
702
ivre à un Occidental ? Oui, Kierkegaard et Goethe
sont
, à mes yeux, les plus géniales personnifications d’une éthique fondée
703
sionnément conquis par Faust… C’est pourquoi il m’
est
capital de situer l’œuvre de Kafka par rapport aux deux maîtres qu’il
704
vre de Kafka par rapport aux deux maîtres qu’il s’
était
choisis, et qu’il n’a pas cessé de cultiver, semble-t-il, simultanéme
705
anément. ⁂ Dire que le sens du transcendant divin
est
, chez Kafka, presque physique, c’est risquer une contradiction dans l
706
nde où nous avons à vivre. Mais bien que rien n’y
soit
changé en apparences, tout y prend justement l’air d’apparences, part
707
uelque sophisme irréductible et irritant. Ou bien
serait
-ce que tout cela signifie et suppose autre chose ? Mais il est imposs
708
ut cela signifie et suppose autre chose ? Mais il
est
impossible de savoir quoi : personne n’a traversé le voile et les mes
709
traversé le voile et les messages interceptés ne
sont
pas clairs… La transcendance, dans notre vie, ne saurait se manifeste
710
en connaissance de cause révélée, — le péché — n’
est
chez Kafka qu’un sentiment diffus mais en même temps inéluctable. La
711
nt, dans le détail concret de la vie défectueuse,
est
proprement intolérable. Ou plutôt il ne serait tolérable que pour cel
712
euse, est proprement intolérable. Ou plutôt il ne
serait
tolérable que pour celui qui aurait saisi, ne fût-ce qu’une fois la p
713
ait tolérable que pour celui qui aurait saisi, ne
fût
-ce qu’une fois la promesse de sa délivrance. De fait, on ne voit guèr
714
el qu’il le voit si physiquement insupportable, n’
est
-ce pas pour exciter en lui la volonté d’une décision équivalant à l’a
715
r ailleurs que dans l’éthique de l’immanence, qui
est
l’éthique du Second Faust. Le héros du Procès, Josef K. s’était vu co
716
e du Second Faust. Le héros du Procès, Josef K. s’
était
vu condamné par la Justice, faute d’un avocat venu d’en haut. Dans le
717
on pas pour entrer au ciel mais simplement pour n’
être
pas rejeté de la commune condition humaine. Il imitera les philistins
718
ès lors y agir et s’y promener comme si de rien n’
était
. Il avait « l’air d’un percepteur » et il était un témoin de la foi,
719
n’était. Il avait « l’air d’un percepteur » et il
était
un témoin de la foi, au nom de l’absurde accepté, qui se muait alors
720
sagesse goethéenne. Cette morale peut sans doute
être
adoptée, dans sa forme, par un croyant ; mais elle peut aussi subsist
721
alités… D’où la méfiance où beaucoup de chrétiens
tiennent
le sobre activisme de Faust. Au lieu d’y voir une modestie virile, et
722
nce. Mais en fin de compte, une telle ambiguïté n’
est
-elle pas le fait de toute morale, de toute sagesse, même chrétienne d
723
oi a l’air d’un percepteur : qui peut jurer qu’il
est
, en fait, autre chose qu’un percepteur61 ? Nous sommes ici dans un do
724
t, en fait, autre chose qu’un percepteur61 ? Nous
sommes
ici dans un domaine où l’on ne saurait imaginer de certitude non équi
725
là le domaine de la foi. Et la foi seule — qui n’
est
pas vérifiable — peut vérifier l’œuvre faite en son nom. Tout ce que
726
: là où leurs expériences deviennent comparables,
soit
qu’elles s’opposent terme à terme, ou que leurs formules se recoupent
727
upent. Mais il ne faut pas oublier que Kafka ne s’
est
jamais expliqué, et qu’il est mort sans avoir pu donner l’équivalent
728
lier que Kafka ne s’est jamais expliqué, et qu’il
est
mort sans avoir pu donner l’équivalent des Entretiens de Goethe, ou d
729
erkegaard sur son activité d’auteur. Si donc nous
fûmes
parfois tentés d’inférer de ces trois œuvres géniales je ne sais quel
730
lles traduisent ou trahissent, l’exemple de Kafka
est
le plus propre à nous rappeler l’avertissement apostolique : « Le Sei
731
nous ne les connaissons, voire qu’eux-mêmes ne se
sont
connus. 55. Par exemple : la métamorphose subite d’un jeune homme
732
tuelle de l’état de lassitude et d’empêchement où
sont
maintenus les héros du Procès. Il se peut que la tuberculose, dont Ka
733
te prédisposition physiologique. 58. Kierkegaard
est
revenu maintes fois sur cette idée : que la Bible doit être lue comme
734
u maintes fois sur cette idée : que la Bible doit
être
lue comme une lettre qui nous est personnellement adressée, et non pa
735
la Bible doit être lue comme une lettre qui nous
est
personnellement adressée, et non pas comme un récit purement objectif
736
ver. 60. Qu’on lise bien K. et non Kafka. Il ne
serait
pas licite d’assimiler l’expérience intime de l’auteur à celle qu’il
737
l’auteur à celle qu’il fait subir à son héros. Je
suis
certain qu’en fin de compte, Kafka reste beaucoup plus proche de Kier
738
able de soupçonner que sa morale de bipède puisse
être
un renoncement au vol d’Icare, cette folie ne l’ayant jamais tenté le
739
la personne Dire qu’on ignore Luther en France
serait
exagérer, mais dans le sens contraire de celui qu’on imagine. Car on
740
on prétend, sans l’avoir jamais lu, savoir qui il
fut
, qui il est. Certains ont parcouru les Propos de table, présentés au
741
sans l’avoir jamais lu, savoir qui il fut, qui il
est
. Certains ont parcouru les Propos de table, présentés au public franç
742
ois grossières, de platitudes, de contradictions.
Est
-ce avec cela que s’est faite la Réforme ? D’autres, moins exigeants,
743
itudes, de contradictions. Est-ce avec cela que s’
est
faite la Réforme ? D’autres, moins exigeants, n’hésitent pas à souten
744
s exigeants, n’hésitent pas à soutenir que Luther
fut
un démagogue, un exploiteur de l’éternel ressentiment de la race alle
745
me si Luther avait créé le germanisme. Comme s’il
était
l’ancêtre non de Niemöller, chrétien et luthérien, mais de Hitler, pa
746
te en donne une assez juste idée : « En somme, qu’
est
-ce que Luther ? Un moine qui a voulu se marier »… L’ignorance ou la
747
plan théologique, ou mieux, dans la totalité de l’
être
, revient à celle d’un christianisme mitigé de respect humain, et d’un
748
connais aucun de mes livres pour adéquat, si ce n’
est
peut-être le De servo arbitrio et le Catéchisme. » Nous voici donc, a
749
ent dernier de sa responsabilité. Car la personne
est
dans la vie de l’individu à la fois l’élément libérateur — par rappor
750
. En d’autres termes, la liberté de la personne n’
est
pas un attribut de l’individu en soi, mais elle lui est attribuée par
751
s un attribut de l’individu en soi, mais elle lui
est
attribuée par un appel gratuit du libre Esprit. Si l’homme naturel n’
752
pel gratuit du libre Esprit. Si l’homme naturel n’
est
pas libre d’accéder à la liberté, cette liberté peut lui être donnée
753
re d’accéder à la liberté, cette liberté peut lui
être
donnée par la puissance vocative de Dieu62. Telle est la thèse fondam
754
donnée par la puissance vocative de Dieu62. Telle
est
la thèse fondamentale du De servo arbitrio, écrit en 1525 pour réfute
755
pamphlet, encore que le volume matériel du Traité
soit
bien écrasant pour le genre. Mais on s’aperçoit sans tarder que la di
756
ec Érasme et sa Diatribe (souvent personnifiée) n’
est
en fait que le support apparent d’une réflexion de plus grande enverg
757
s de l’humaniste et du sceptique que se vantait d’
être
Érasme, Luther en vient, de proche en proche, à ressaisir et reposer
758
les de la Réforme : justification par la foi, qui
est
don gratuit et œuvre de Dieu seul ; opposition de cette justice de Di
759
on » de l’homme « entre les mains de Dieu. » Tels
sont
les thèmes qu’illustre cet ouvrage. S’ils n’y sont pas traités en for
760
ont les thèmes qu’illustre cet ouvrage. S’ils n’y
sont
pas traités en forme, c’est qu’ils ne constituent pas un système, au
761
rès étroitement les uns les autres, et ne peuvent
être
mieux saisis que dans l’unique et perpétuelle question que nous posen
762
ble. Ils renvoient tous à une réalité dont ils ne
sont
que les reflets diversement réfractés par nos mots. Ils renvoient tou
763
la ? » Si tu le crois, si tu as reçu la foi, il n’
est
plus rien de « difficile » dans les assertions de Luther, ni dans sa
764
que les grandes thèses pauliniennes de la Réforme
soient
acceptées (ou simplement connues !) par nos contemporains, même chrét
765
dire de Paul, bien plus ancien ! — tous ceux qui
tiennent
la prédestination pour un dogme immoral ou périmé ; ceux qui traduise
766
Paix aux hommes de bonne volonté », tous ceux-là
sont
, en fait, avec Érasme et son armée de « grands docteurs de tous les s
767
un point de vue purement esthétique, ces qualités
sont
assez rares et chez Luther assez flagrantes, pour qu’un lecteur qui r
768
rantes, pour qu’un lecteur qui refuse l’essentiel
soit
tout de même attiré et subjugué par le style, par le ton de l’ouvrage
769
ment (comme dirait le jargon d’aujourd’hui), tout
est
fait dans notre Traité pour heurter de front le lecteur incroyant, ou
770
es apôtres. D’abord le langage scolastique, qui n’
est
pas du tout luthérien, mais que Luther est obligé d’utiliser pour déb
771
qui n’est pas du tout luthérien, mais que Luther
est
obligé d’utiliser pour débrouiller et supprimer les faux problèmes où
772
èce de considération psychologique. (Un tel homme
est
bien trop vivant pour faire de la psychologie, trop engagé dans le ré
773
nisme, de l’Église. L’humanisme laïque, autonome,
est
simplement nié comme une absurdité, une contradiction dans les termes
774
inévitable, et qui consiste à affirmer que Luther
est
« déterministe ». Mais le sérieux théologique est chose trop rare, et
775
est « déterministe ». Mais le sérieux théologique
est
chose trop rare, et pour beaucoup trop difficile à concevoir, pour qu
776
un simple rappel de l’ordre dans lequel ce Traité
fut
pensé. Je tenterai donc d’esquisser, tout au moins, le dialogue d’une
777
Nous refusons de jouer si d’avance le vainqueur a
été
désigné par un arbitre qui ne tient pas compte de nos exploits ! Un
778
es règles du jeu ? Qui t’a fait croire que ta vie
était
une partie à jouer entre toi et le monde, par exemple ; ou encore ent
779
J’ai besoin de le croire pour agir. L. — Mais qu’
est
-ce qu’agir ? Est-ce vraiment toi qui agis ? Ou n’es-tu pas toi-même a
780
e croire pour agir. L. — Mais qu’est-ce qu’agir ?
Est
-ce vraiment toi qui agis ? Ou n’es-tu pas toi-même agi par de puissan
781
-ce qu’agir ? Est-ce vraiment toi qui agis ? Ou n’
es
-tu pas toi-même agi par de puissantes forces sociales, historiques, e
782
C. M. — Il me suffit de vouloir l’affirmer. L. —
Soit
, c’est une hypothèse de travail… Pour moi, je crois que Dieu connaît
783
actions passées, présentes et futures ; car elles
sont
dans le temps, Dieu dans l’éternité qui est avant le temps, qui est e
784
lles sont dans le temps, Dieu dans l’éternité qui
est
avant le temps, qui est en lui, et qui est encore après lui. Au regar
785
Dieu dans l’éternité qui est avant le temps, qui
est
en lui, et qui est encore après lui. Au regard de Dieu donc, « tout e
786
té qui est avant le temps, qui est en lui, et qui
est
encore après lui. Au regard de Dieu donc, « tout est accompli » — dep
787
encore après lui. Au regard de Dieu donc, « tout
est
accompli » — depuis la mort du Christ sur la croix. Non seulement pré
788
les fais librement, et tu viens me dire qu’elles
sont
prévues ! Et prévues par un Dieu éternel, qui dès lors se joue de moi
789
u’elle s’en formait… Nietzsche l’a bien vu : ce n’
est
que le « Dieu moral » qui est passible de réfutation. Mais tu affirme
790
l’a bien vu : ce n’est que le « Dieu moral » qui
est
passible de réfutation. Mais tu affirmes que si Dieu prévoit tout, tu
791
on. Mais tu affirmes que si Dieu prévoit tout, tu
es
alors dispensé d’agir, et que ce n’est plus la peine de faire aucun e
792
it tout, tu es alors dispensé d’agir, et que ce n’
est
plus la peine de faire aucun effort. C’est peut-être mal raisonner. S
793
’est peut-être mal raisonner. Si ton effort aussi
était
prévu ? Pourrais-tu ne pas le fournir ? Et si tu décidais : « Je suis
794
s-tu ne pas le fournir ? Et si tu décidais : « Je
suis
, donc Dieu n’est pas ! »64 qui t’assurerait que cet acte de révolte é
795
rnir ? Et si tu décidais : « Je suis, donc Dieu n’
est
pas ! »64 qui t’assurerait que cet acte de révolte échappe à l’éterne
796
te que Dieu, vraiment n’existe plus pour toi ? Il
est
une double prédestination : l’une au salut, l’autre à la damnation. Ê
797
ination : l’une au salut, l’autre à la damnation.
Être
damné, ne serait-ce pas justement être rivé au temps sans fin, et ref
798
au salut, l’autre à la damnation. Être damné, ne
serait
-ce pas justement être rivé au temps sans fin, et refuser l’éternité q
799
damnation. Être damné, ne serait-ce pas justement
être
rivé au temps sans fin, et refuser l’éternité qui vient nous délivrer
800
t nous délivrer du temps ? C. M. — Mais mon temps
est
vivant et plein de nouveauté, de création ! Ton éternité immobile c’e
801
maginer que morte. Mais la Bible nous dit qu’elle
est
la Vie, et notre vie présente n’est qu’une mort à ses yeux. Qui nous
802
s dit qu’elle est la Vie, et notre vie présente n’
est
qu’une mort à ses yeux. Qui nous prouve que l’éternité est quelque ch
803
e mort à ses yeux. Qui nous prouve que l’éternité
est
quelque chose d’immobile, de statique ? Qui nous dit qu’elle n’est pa
804
d’immobile, de statique ? Qui nous dit qu’elle n’
est
pas au contraire la source de tout acte et de toute création, une inv
805
t attachée à notre chair, à notre temps où elle s’
est
constituée, soit capable de concevoir ce paradoxe ou ce scandale d’un
806
re chair, à notre temps où elle s’est constituée,
soit
capable de concevoir ce paradoxe ou ce scandale d’une éternité seule
807
ystère plus profond que notre vie, et la raison n’
est
qu’un faible élément de notre vie. C’est un mystère que le croyant pr
808
e paradoxe et ce mystère : croire que « l’Éternel
est
vivant », croire que sa volonté — qui a tout prévu — peut aussi tout
809
un instant aux yeux de l’homme, sans que rien ne
soit
changé de ce qu’a décidé Dieu, de ce qu’il décide ou de ce qu’il déci
810
era ? Car l’Éternel ne connaît pas de temps, il n’
est
pas lié comme nous à une succession. Mais au contraire, nos divers te
811
emps et successions procèdent de l’Éternel et lui
sont
liés : nous venons de lui, nous retournons à lui, il est en nous lors
812
s : nous venons de lui, nous retournons à lui, il
est
en nous lorsque l’Esprit dit la Parole dans notre cœur. Quelle étrang
813
n nous ferait croire qu’une décision de l’Éternel
est
une décision dans le passé ! Alors que c’est elle seule qui définit n
814
que c’est elle seule qui définit notre présent !
Est
-ce que nos objections philosophiques et notre crainte du « fatalisme
815
’as rien prouvé. L. — On ne prouve rien de ce qui
est
essentiel, mais on l’accepte ou le refuse, en vertu d’une décision pu
816
une fois acceptés le Credo et son fondement, qui
est
la Parole dite en nous par l’Esprit et attestée par l’Écriture, — or
817
rit et attestée par l’Écriture, — or cette Parole
est
Christ lui-même — il me paraît que l’opinion de Luther n’est pas suje
818
lui-même — il me paraît que l’opinion de Luther n’
est
pas sujette à de sérieuses objections. Et la démonstration purement b
819
’un paradoxe que Luther n’a pas inventé, mais qui
est
au cœur même de l’Évangile. L’apôtre Paul l’a formulé avant toute tra
820
r cet extrémisme évangélique, que les sophistes n’
étaient
que trop portés à corriger et à humaniser, au risque d’« évacuer la C
821
hrist ait dû mourir pour nous sauver — et la mort
est
un acte extrême, non pas une médiation flatteuse et humaniste —, cela
822
voulait se complaire Érasme. Le problème du salut
est
un problème de vie ou de mort. Or ce problème est seul en cause pour
823
est un problème de vie ou de mort. Or ce problème
est
seul en cause pour le théologien fidèle. Et tout est clair lorsque l’
824
seul en cause pour le théologien fidèle. Et tout
est
clair lorsque l’on a compris que Luther ne nie pas du tout notre facu
825
t qu’elle puisse suffire à nous obtenir le salut,
étant
elle-même soumise au mal. Tout le reste est psychologie, littérature
826
ut, étant elle-même soumise au mal. Tout le reste
est
psychologie, littérature et scolastique67. Il n’en reste pas moins q
827
jusqu’au désespoir, en sorte que je souhaitais n’
être
pas né, avant que j’eusse reconnu combien salutaire était ce désespoi
828
s né, avant que j’eusse reconnu combien salutaire
était
ce désespoir et combien proche de la grâce ». Car en effet : « C’est
829
plus haut degré de la foi, de croire que ce Dieu
est
clément, qui sauve si peu d’hommes et en damne un si grand nombre ; e
830
s et en damne un si grand nombre ; et que ce Dieu
est
juste, dont la volonté nous rend nécessairement damnables… Mais quoi
831
à comprendre par la raison de quelle manière Dieu
est
miséricordieux et juste, alors qu’il montre une si terrible colère et
832
injustice, qu’aurions-nous besoin de la foi ?… Ce
serait
un Dieu stupide qui révélerait aux hommes (en Christ) une justice qu’
833
pas dans un plan où elle reste insoluble. Érasme
était
encore un catholique ; son humanisme mesuré l’empêche de voir le vrai
834
er au nihilisme qui l’étreint dès lors que « Dieu
est
mort », ou qu’il l’a « tué », il imagine le Retour éternel. Et comme
835
e luthérien et du paradoxe nietzschéen ne saurait
être
ramenée à quelque influence inconsciente, encore bien moins à une coï
836
her adore une Providence dont la Parole vivante s’
est
incarnée. Renversement du devoir de la Loi — qui nous condamne, car n
837
du devoir de la Loi — qui nous condamne, car nous
sommes
asservis — en un pouvoir d’aimer qui nous libère, et qui est le conte
838
s — en un pouvoir d’aimer qui nous libère, et qui
est
le contenu de la Grâce : « Emmanuel ! Dieu avec nous ! » 62. Le pa
839
u mais de la personne du chrétien : « Le chrétien
est
un maître libre sur toutes choses, et n’est soumis à personne. Le chr
840
étien est un maître libre sur toutes choses, et n’
est
soumis à personne. Le chrétien est en toutes choses un serviteur, et
841
s choses, et n’est soumis à personne. Le chrétien
est
en toutes choses un serviteur, et dépend de tout le monde ». L’éditio
842
rahit l’esprit systématique dont l’ouvrage entier
est
inspiré, par le jeu tout artificiel et tout arbitraire des antithèses
843
hrasé. I Cor. IX : « Bien que libre en tout je me
suis
fait le serviteur de tous. » L’antithèse « arbitraire et artificielle
844
ous. » L’antithèse « arbitraire et artificielle »
est
donc de saint Paul. 63. Luther avertit à chaque fois : « Nécessité c
845
ur cette idée : qu’une décision éternelle de Dieu
est
une décision qui a été prise avant nos actes, — il y a très longtemps
846
décision éternelle de Dieu est une décision qui a
été
prise avant nos actes, — il y a très longtemps — « de toute éternité,
847
ur Grisar.) Autant dire que la religion de Luther
serait
la religion du péché ! Autant dire, d’autre part, que la liberté chré
848
» destructeur de toute liberté ! Ce genre d’abus
est
trop fréquent pour que je puisse le passer sous silence. (Il s’agissa
849
6.Le Journal d’André Gide I Il ne
serait
guère honnête, et moins encore adroit de ne point avouer l’incertitud
850
res par excessive défiance d’une symétrie où l’on
serait
tenté de s’arrêter…) Faute d’un « jugement » que ces 1300 pages s’app
851
qui séduit, ce qui fascine dans ce Journal, ce n’
est
rien qui puisse être défini séparément — style, sujets abordés, rythm
852
fascine dans ce Journal, ce n’est rien qui puisse
être
défini séparément — style, sujets abordés, rythme, idées, anecdotes —
853
e puis évoquer que l’exemple de Goethe, dont ce n’
est
pas telle œuvre ou telle action que j’aime, mais bien le paysage vita
854
que l’on prend à lire le Journal d’André Gide. Il
est
probable que, du seul point de vue de l’art, cet intérêt demeure impu
855
concertées avouaient peut-être beaucoup mieux. Il
est
probable aussi que le journal est un genre littéraire inférieur, pour
856
ucoup mieux. Il est probable aussi que le journal
est
un genre littéraire inférieur, pour cette raison qu’il est toujours t
857
nre littéraire inférieur, pour cette raison qu’il
est
toujours trop facilement intéressant. Je ne le conçois, comme œuvre d
858
ne de moi une idée assez fausse. Je ne l’ai point
tenu
durant les longues périodes d’équilibre, de santé, de bonheur ; mais
859
ait éviter Gide, plus jalousement qu’aucun autre.
Est
-ce vraiment pour le diminuer qu’il anticipe sur ce risque ? Ou pour d
860
l leur rend par avance toutes ses armes ? Mais ce
serait
un mauvais calcul. Aux yeux d’un lecteur prévenu, tant de naturel pou
861
une pose raffinée. J’imaginerais plutôt que Gide
est
fasciné par l’obstacle qu’il veut éviter. Son horreur du malentendu l
862
sations des morales et des jugements tout faits n’
est
plus seulement émouvant : il revêt la valeur d’une expérience crucial
863
et du journal intime en particulier. La passion d’
être
complètement vrai finit par altérer le naturel ; mais par son excès m
864
, Stendhal). D’autres fois, l’œuvre et le journal
sont
simplement des manières différentes de poursuivre une même confidence
865
ne même confidence. On ne sait plus si le journal
est
en marge de l’œuvre, ou si l’œuvre n’est qu’un moment privilégié de c
866
journal est en marge de l’œuvre, ou si l’œuvre n’
est
qu’un moment privilégié de ce journal. Alors le vrai portrait de l’au
867
ce journal. Alors le vrai portrait de l’auteur n’
est
plus dans l’œuvre ni dans le journal, mais dans leur mutuelle réfract
868
nous y livre de lui-même68 — il se peut qu’elles
soient
dites dans les Cahiers d’André Walter, et surtout dans La Porte Étroi
869
u seul journal. « Les choses les plus importantes
sont
celles que souvent je n’ai pas cru devoir dire — parce qu’elles me pa
870
n se veuille en relatant ses journées, comment ne
serait
-on pas tenté de dire surtout ce qui a frappé, ce qui est bizarre, ce
871
pas tenté de dire surtout ce qui a frappé, ce qui
est
bizarre, ce qui fait exception justement. Et comment ne céderait-on p
872
s rosse que nature. Gide lui-même, à ce jeu, ne s’
est
pas épargné : « Je ne suis qu’un petit garçon qui s’amuse — doublé d’
873
ui-même, à ce jeu, ne s’est pas épargné : « Je ne
suis
qu’un petit garçon qui s’amuse — doublé d’un pasteur protestant qui l
874
it ? Cercle vicieux de la sincérité. Ou bien l’on
est
banal — pour rétablir les quotidiennes proportions — ou bien l’on ne
875
telle pensée ou de tel acte exceptionnel. Mais ne
serait
-ce pas alors au détriment de tout élan lyrique, de tout grand style d
876
une véracité stérile ? ⁂ Les journaux d’écrivains
sont
toujours vrais, mais d’une vérité indirecte, et parfois même négative
877
désir de compenser ou de parfaire ce qui n’a pas
été
vécu. (« J’avais besoin de lui pour me ressaisir. ») La vie réelle n’
878
s manqués… Il s’agirait de savoir si la vraie vie
est
dans ce qu’on fait, ou dans ce qu’on pense de ses actions. ⁂ Mais voi
879
ubliant ce qui va de soi : l’autoportrait de Gide
est
aussi ressemblant. On l’y retrouve aussi au naturel, avec toutes ses
880
usqu’à quel point « l’antichristianisme » de Gide
est
chrétien dans ses déterminations ? Je crois qu’on s’est trop laissé p
881
rétien dans ses déterminations ? Je crois qu’on s’
est
trop laissé prendre à sa perpétuelle polémique contre les convertis-c
882
drait voir que, pour lui, le problème religieux s’
est
posé dans des termes qui échappent, presque nécessairement, à la soll
883
sairement, à la sollicitude des catholiques. Gide
fut
élevé dans un milieu calviniste où la religion paraissait se réduire
884
qui inspire et qualifie nos actions quotidiennes,
fussent
-elles non conformistes. Mais toute morale a bientôt fait de se muer à
885
») Ceci explique que le souci central de Gide ait
été
de débarrasser son christianisme de toutes les adjonctions « humaines
886
u de la conversion trop facile. « Le catholicisme
est
inadmissible. Le protestantisme est intolérable. Et je me sens profon
887
catholicisme est inadmissible. Le protestantisme
est
intolérable. Et je me sens profondément chrétien. » Ou encore : « Je
888
sens profondément chrétien. » Ou encore : « Je ne
suis
ni protestant, ni catholique ; je suis chrétien, tout simplement. » P
889
: « Je ne suis ni protestant, ni catholique ; je
suis
chrétien, tout simplement. » Position caractéristique du protestantis
890
Ce qui me retient (d’entrer dans l’Église), ce n’
est
pas la libre-pensée, c’est l’Évangile. » Mais n’y a-t-il pas chez Gid
891
ine), un attachement à sa vérité propre qui, lui,
est
moins évangélique qu’individualiste, ou même rationaliste. Certes je
892
Kierkegaard. Gide répugne à paraître plus qu’il n’
est
, à affirmer plus qu’il ne croit. Il décrit X, « forcé de s’asseoir au
893
iment… » Kierkegaard, lui aussi, répétait : je ne
suis
pas chrétien. Mais c’était par désir de sauver une conception pure de
894
int d’autorité ; et si j’en reconnaissais une, ce
serait
celle de l’Église » (donc de Rome). Allons donc ! Pour un protestant,
895
me). Allons donc ! Pour un protestant, ce dilemme
est
aussi choquant que le serait pour un Anglais ou pour un Scandinave le
896
protestant, ce dilemme est aussi choquant que le
serait
pour un Anglais ou pour un Scandinave le dilemme entre l’anarchie et
897
me totalitaire. Assimiler l’autorité au romanisme
est
d’ailleurs une erreur des plus courantes, en France surtout, et même
898
e. Insister, discuter, citer sources et faits, ce
serait
encore de la sincérité, face à l’objet ; mais cela nuirait à l’élan s
899
tification : en somme, elle insinue que la morale
est
fausse, et que nos contradictions sont légitimes. Elle porte ainsi, m
900
e la morale est fausse, et que nos contradictions
sont
légitimes. Elle porte ainsi, malgré son intention, des jugements de v
901
Tout existe dans l’homme, dit-elle, mais tout n’y
est
pas d’égale valeur. Et ce n’est pas hypocrisie, bien au contraire, qu
902
le, mais tout n’y est pas d’égale valeur. Et ce n’
est
pas hypocrisie, bien au contraire, que de déclarer ses valeurs. Nos c
903
, que de déclarer ses valeurs. Nos contradictions
sont
réelles, nos hiérarchies éthiques ne le sont pas moins, mais celles-c
904
ions sont réelles, nos hiérarchies éthiques ne le
sont
pas moins, mais celles-ci tendent à réduire celles-là, par une série
905
-là, par une série de choix vitaux où s’exprime l’
être
en action, c’est-à-dire sa tendance dominante, le style de son existe
906
élargi qu’il conviendrait de répéter que le style
est
de l’homme même. Il est en nous le trait révélateur d’une unité inten
907
t de répéter que le style est de l’homme même. Il
est
en nous le trait révélateur d’une unité intentionnelle, d’un parti pr
908
tionnelle, d’un parti pris aussi sincère, si ce n’
est
plus, que la pluralité des pulsions instinctives. Fixer, en les notan
909
e déformer. Car une introspection microscopique n’
est
pas sans action sur la vie ; elle introduit dans les combinaisons à é
910
ucidité qui modifie les données naturelles. Or il
est
très curieux de remarquer que Gide adopte dans sa vie — telle que la
911
eption de la sincérité, alors que toute son œuvre
est
dominée par la seconde. Toute l’esthétique de Gide — son style écrit
912
châtiée, réglant une œuvre dont le grand message
est
qu’il faut se libérer des règles. Gide, à l’interviewer fictif qui lu
913
e, à l’interviewer fictif qui lui demandait ce qu’
est
l’éthique, répond : Une dépendance de l’esthétique. Or non seulement
914
e pour les détails les plus subtils de l’écriture
est
attesté par cent pages du Journal. Je n’oublie pas qu’il a coupé les
915
un puritain à se laisser aller. Et si le puritain
est
un styliste de la morale, Gide reste un puritain du style. Peut-être
916
orale, Gide reste un puritain du style. Peut-être
tenons
-nous ici le principe de l’intime hiérarchie révélatrice de sa personn
917
’intime hiérarchie révélatrice de sa personne. Ce
serait
la tension instituée entre une exigence esthétique dont le principe e
918
ée entre une exigence esthétique dont le principe
est
proprement « moral », et une éthique qui se voudrait « immoraliste ».
919
choix. ⁂ Règles et choix — convenir et créer — ce
sont
les conditions de toute culture. Toutefois, j’ai dit la méfiance d’ar
920
la sienne ma génération littéraire. Notre culture
est
beaucoup plus philosophique — je simplifie — que littéraire. Non poin
921
ilégié : celui des lettres et de leur morale, qui
est
l’esthétique. Les problèmes qui nous sont posés nous contraignent par
922
ale, qui est l’esthétique. Les problèmes qui nous
sont
posés nous contraignent parfois davantage qu’ils ne servent nos goûts
923
araît que la leçon de Gide, pour ceux de mon âge,
est
moins urgente dans l’ordre de l’éthique que dans celui de l’esthétiqu
924
ur n’abandonner point les positions auxquelles on
tient
, et qui ne sont pas exactement les siennes…
925
oint les positions auxquelles on tient, et qui ne
sont
pas exactement les siennes…
926
ace. Hugo de Hofmannsthal. Toute méthode féconde
est
basée sur une intuition des faits qu’elle veut appréhender. Dans cett
927
s qu’elle veut appréhender. Dans cette mesure, il
est
exact de dire qu’elle s’ordonne par avance à sa fin. On n’imagine pas
928
te personne ne comportent aucun système : mais il
est
si totalement exprimé qu’on ne peut plus le distinguer des formes qu’
929
inguer des formes qu’il propose à notre vue. Il s’
est
transformé en domaine. Il faut le lire comme un visage. Qu’est-ce qu’
930
é en domaine. Il faut le lire comme un visage. Qu’
est
-ce qu’un domaine, qu’est-ce qu’une propriété réelle, sinon l’extensio
931
lire comme un visage. Qu’est-ce qu’un domaine, qu’
est
-ce qu’une propriété réelle, sinon l’extension dans l’espace d’une loi
932
’aille pas chercher derrière les phénomènes : ils
sont
eux-mêmes enseignement », dit Goethe. Il n’y a rien à voir sous les a
933
s formes en même temps que notre œil. « La vérité
est
une pensée matérialisée, la vérité doit exister non seulement en nous
934
s un relief et un volume. Elle doit non seulement
être
vue, mais touchée et puis embrassée, puis finalement soulevée, ayant
935
nt : « Si c’était vrai, ça se verrait. 71 » Telle
est
la loi nouvelle et la réalité d’une ère dominée par ce fait historiqu
936
i, ça se verrait… Ainsi la clé de toute création
est
dans le visage de l’homme. Qu’un homme détienne un pouvoir créateur,
937
ur voir. Encore faut-il en croire ses yeux…) Il n’
est
d’esprit que dans l’action qui saisit une forme pour la transformer.
938
. Ni dans le ciel. L’esprit n’a pas de siège : il
est
passage, prise et saisissement. L’esprit se manifeste dans la main qu
939
tir des bois dans le rose du lever du jour et ils
sont
roses dans le ciel rose, avec des gouttes de rosée qui leur pendent à
940
’eux. Et l’on verrait alors que ces bonshommes ne
sont
point décrits « de l’extérieur » — comme le voudrait certaine formule
941
udrait certaine formule naturaliste — mais qu’ils
sont
décrits dans leur forme, ce qui n’est pas du tout la même chose. La f
942
ais qu’ils sont décrits dans leur forme, ce qui n’
est
pas du tout la même chose. La forme humaine, si l’homme est authentiq
943
tout la même chose. La forme humaine, si l’homme
est
authentique, est microcosme d’un pays, d’un paysage et d’un ensemble
944
se. La forme humaine, si l’homme est authentique,
est
microcosme d’un pays, d’un paysage et d’un ensemble de coutumes. Les
945
». C’est comme lui quand il écrit. Car sa vision
est
harmonie avec ces formes, et son langage avec les rythmes qu’elles tr
946
’elles traduisent. Une forme, une image vivante :
est
-ce extérieur ou intérieur ? L’artiste répondra : ni l’un ni l’autre.
947
’artiste répondra : ni l’un ni l’autre. Car il se
tient
, avec son imagination, dans cette région qui n’est ni du dedans ni du
948
nt, avec son imagination, dans cette région qui n’
est
ni du dedans ni du dehors, qui est contact, et littéralement drame en
949
e région qui n’est ni du dedans ni du dehors, qui
est
contact, et littéralement drame entre la vision et l’objet, entre la
950
ngible, le matériel lisible et significatif. Nous
sommes
au foyer permanent de l’incarnation des images — ou de la création im
951
ret chez un homme.) ⁂ « Car le phénomène de l’art
est
un phénomène d’incarnation (ce que l’école ne comprend pas) ». Toute
952
in français, de tradition classique, comme ils le
sont
tous plus ou moins, s’excuse de l’emploi qu’il fait, par occasion, d’
953
es duperies qu’ils recouvrent. Les mots abstraits
sont
nécessaires à une certaine circulation d’idées qui représentent les c
954
billets représentent l’or de la réserve. Le mot n’
est
rien qu’un droit de l’esprit aux choses. Mais s’il n’y a plus de chos
955
: celui de l’étymologie. Car le sens étymologique
est
toujours lié à une chose (ou à une action sur les choses). Utiliser l
956
son état naissant, dont la chimie nous dit qu’il
est
l’état de virulence extrême. Les journalistes et l’école ont déconten
957
d’assise occupée à juger des meurtres dont le vol
est
le mobile. Je dis qu’il ferait un bien meilleur travail éducatif. Car
958
l’argent et les bienfaits qui en découlent.) Si j’
étais
dictateur, je nommerais Ramuz président de ce tribunal. Et nous aurio
959
ns, au temps où le seul tribunal vraiment redouté
était
celui du goût. (On le dit encore de nos jours, mais le goût n’est plu
960
t. (On le dit encore de nos jours, mais le goût n’
est
plus que poncif.) La même volonté d’incarnation se manifeste dans l’a
961
ntérieur d’une même phrase. Je ne crois pas qu’il
soit
possible de les ramener à une loi, ni même à un usage régulier ; ou p
962
llèle d’attitudes et de faits visibles ; l’accent
étant
porté sur la causalité, et les faits se réduisant peu à peu au rôle d
963
i d’une approximative reconstruction des âmes. Il
est
entendu désormais qu’un auteur qui n’utilise que des faits se range d
964
r autre chose que ce qu’elle montre. Elle ne peut
être
interprétée que par ses relations organiques à d’autres formes. Et c’
965
ci plus de concepts, plus d’idées générales. Tout
est
images et complexes d’images. Tout est mythe. Ainsi la mythologie, ch
966
ales. Tout est images et complexes d’images. Tout
est
mythe. Ainsi la mythologie, chez Ramuz, déloge l’analyse abstraite de
967
d’une société donnée, bien définie. Il ne saurait
être
question d’une société bourgeoise et citadine : celle-ci reste, en pr
968
naît une littérature d’intrigues pour laquelle il
est
clair que Ramuz n’est par doué. Mais la forme même que revêt chez Ram
969
’intrigues pour laquelle il est clair que Ramuz n’
est
par doué. Mais la forme même que revêt chez Ramuz la faculté d’imagin
970
ion, devait le conduire à créer un milieu où tout
être
se traduisît immédiatement par un paraître ; en sorte qu’on pût faire
971
union et en conflit vital avec les éléments. Ce n’
est
point là un art « d’après le peuple », mais on dirait plus justement
972
e celle du pays de Vaud : non pas la grecque, qui
est
scolaire — pour eux — mais la biblique, qui est vivante.) Ainsi tous
973
i est scolaire — pour eux — mais la biblique, qui
est
vivante.) Ainsi tous parlent un même langage, qu’ils l’inscrivent sur
974
les événements actuels — cela se passe un jour d’
été
de 1918 — sont expliqués à la lumière des Écritures. La Fin des temps
975
s actuels — cela se passe un jour d’été de 1918 —
sont
expliqués à la lumière des Écritures. La Fin des temps est proche, il
976
qués à la lumière des Écritures. La Fin des temps
est
proche, il faut en témoigner. Caille pénètre dans les cours de ferme,
977
ge s’amasse. Vers le soir il éclate tragiquement.
Est
-ce la Fin ? Grande heure de terreur et de prière… Puis, « la page du
978
e terreur et de prière… Puis, « la page du ciel a
été
tournée », ils se relèvent. « Il paraît bien qu’on n’est pas morts !
979
rnée », ils se relèvent. « Il paraît bien qu’on n’
est
pas morts ! » Le monde renaît dans une soirée pure et le baiser d’un
980
te monotonie73. Un art dont la mesure ne doit pas
être
cherchée dans le pittoresque, ni dans l’ingéniosité, ni dans l’harmon
981
s du récit, surimpressions, changements de temps,
sont
ici largement mis en œuvre ; mais avec une probité particulière. La s
982
bité particulière. La surimpression par exemple n’
est
jamais pour Ramuz ce qu’elle fut pour d’autres : un moyen de créer du
983
on par exemple n’est jamais pour Ramuz ce qu’elle
fut
pour d’autres : un moyen de créer du mystère en brouillant les plans
984
du mystère en brouillant les plans du réel ; elle
est
au contraire un moyen de rendre plus totale la vision. Tout indique,
985
au sérieux l’intrigue d’un roman bourgeois. On s’
est
trop arrêté à l’insolite du style chez Ramuz. Ce qu’il a d’insolite,
986
du style chez Ramuz. Ce qu’il a d’insolite, ce n’
est
point tant sa forme que les vertus qu’elle suppose : la sobriété, la
987
ssi « l’actualité » singulière d’un tel livre. Il
est
des sujets éternels, ou mieux, perpétuels — sujets d’étonnement perpé
988
ujets d’étonnement perpétuel — et la Fin du Monde
est
l’un d’eux. Un vrai mythe, c’est-à-dire un événement perpétuellement
989
e date. Les périodes qui marquent dans l’Histoire
sont
celles où la forme d’un mythe affleure, s’incarne et devient visible7
990
ythe affleure, s’incarne et devient visible75. Ce
sont
les périodes de crise. Or toute crise est un jugement, c’est-à-dire u
991
75. Ce sont les périodes de crise. Or toute crise
est
un jugement, c’est-à-dire un arrêt dans une forme. Cela se voit par l
992
hes et qui les réalise dans sa vision — cet homme
sera
toujours en puissance d’aujourd’hui, enraciné profondément dans une p
993
permanente actualité. IIRamuz idéologue Il
est
remarquable que ceux dont la fonction serait d’exprimer notre civilis
994
e Il est remarquable que ceux dont la fonction
serait
d’exprimer notre civilisation, en un temps où elle se trouve brutalem
995
Ramuz (sur le Travail), débute ainsi : « Pourquoi
est
-ce qu’on travaille ? Parce qu’on y est forcé. Pourquoi y est-on forcé
996
« Pourquoi est-ce qu’on travaille ? Parce qu’on y
est
forcé. Pourquoi y est-on forcé ? » Je vois que cet article en vient à
997
n travaille ? Parce qu’on y est forcé. Pourquoi y
est
-on forcé ? » Je vois que cet article en vient à formuler le dilemme e
998
e entre sociologie et métaphysique, qui se trouve
être
le dilemme urgent de l’heure. Et je m’inquiète ; non pas de ces quest
999
e brillants essais sur le monde actuel et futur ?
Est
-ce le fait d’une disposition trop romantique que d’avoir cru distingu
1000
e vue pratiquement bouleversant ? D’autre part, n’
est
-ce point le fait d’un certain manque de tact intellectuel que de pose
1001
s vient cependant où la métaphysique se posera ou
sera
niée en termes concrets, en termes de nourriture par exemple, non plu
1002
sa grandeur, c’est-à-dire dans l’élémentaire : un
être
qui est nu, qui a froid, qui a faim, qui a été jeté au sein d’une nat
1003
ur, c’est-à-dire dans l’élémentaire : un être qui
est
nu, qui a froid, qui a faim, qui a été jeté au sein d’une nature host
1004
n être qui est nu, qui a froid, qui a faim, qui a
été
jeté au sein d’une nature hostile, de sorte qu’il lui faut sans cesse
1005
le dialogue avec son public et l’époque. Quel que
soit
l’agacement que l’on puisse éprouver devant certaines pages où la sim
1006
il échappe entièrement et de toutes les façons, n’
étant
pas même révolutionnaire, au sens politique de ce terme, parce qu’il
1007
naire, au sens politique de ce terme, parce qu’il
est
vraiment radical76. Et ce n’est pas qu’il ait jamais craint de tirer
1008
erme, parce qu’il est vraiment radical76. Et ce n’
est
pas qu’il ait jamais craint de tirer sur ces racines, mais il a vu qu
1009
t de tirer sur ces racines, mais il a vu qu’elles
tenaient
bon, qu’elles tenaient trop de terre embrassée, et par elle un pays e
1010
nes, mais il a vu qu’elles tenaient bon, qu’elles
tenaient
trop de terre embrassée, et par elle un pays et son peuple. Car « c’e
1011
c’est le pays des ressemblances. Regarde, tout y
tient
ensemble fortement, comme dans le tableau d’un grand peintre. » Il a
1012
concret dans un ordre élargi. Cette élaboration n’
est
pas de celles dont un écrivain d’aujourd’hui puisse faire l’économie7
1013
sse faire l’économie77. L’a-t-il menée à chef, on
est
frappé de voir que toute une idéologie s’y trouve incluse et déjà déf
1014
ce mythe purement cérébral ? « Je ne distingue l’
être
qu’aux racines de l’élémentaire », écrivait-il dans Six Cahiers. Parl
1015
la joie, ce point vraiment commun, parce qu’il «
est
au-delà de la vie ». C’est le communisme qui règne au Jugement dernie
1016
ait aux Origines, car la Fin et le Commencement «
sont
en ressemblance et voisinage ». Ce regard rajeuni, ces gestes rudimen
1017
e-poète, « le peuple tous en un ». Mais son œuvre
est
bien au-delà de l’ère machiniste où la Russie s’engage. Un trait prof
1018
art m’en convainc : le sens de la vénération, qui
est
aussi le sens de la lenteur des choses. Personne, en Occident, n’a sa
1019
ages du Grand Printemps. Personne plus que lui ne
serait
digne de revendiquer la qualité de « communiste » si les mots conserv
1020
, il n’en resterait pas moins, par le fait de son
être
même, une protestation contre l’orthodoxie matérialiste. Quand on pos
1021
et le sens de la communauté, — indissolubles — on
est
une objection vivante à tout individualisme, à tout collectivisme, à
1022
, à tout collectivisme, à tout « isme ». Quand on
est
à ce point possédé par la vie particulière des choses et des êtres, o
1023
possédé par la vie particulière des choses et des
êtres
, on n’a pas besoin d’arguments pour faire sentir l’absurdité des « lo
1024
oir tout aussi bien que Taille de l’homme : Ramuz
est
présent à ce monde, — eux, ils essaient de le recomposer au sein de s
1025
s de l’Histoire, il faut dire simplement qu’elles
sont
vraies pour eux-mêmes et pour tous ceux de leur croyance. On ne calcu
1026
avec des quantités mortes. Ceux qui se vantent d’
être
calculables ont très probablement raison : c’est une constatation de
1027
tière » sur laquelle tout se fonde, que Staline s’
est
vu contraint, pour en finir, de fixer la saine doctrine par un ukase
1028
ens. C’est à peu près, l’ukase en moins, ce qui s’
est
passé chez les bourgeois au sujet du mot « esprit ».) Le vrai matéria
1029
idée de l’homme dans sa tête, nous dirons que ce
sont
les deux moitiés d’une figure. Mais cette figure est un autoportrait.
1030
les deux moitiés d’une figure. Mais cette figure
est
un autoportrait. Comment les autres la voient-ils ? C’est aux critiqu
1031
ky. Cette interprétation à la volée d’une figure,
est
à mes yeux plus significative dans sa déformation délibérée, que les
1032
t pas seulement dans la marge de ce croquis. Elle
est
encore dans le beau trait qui ondule de l’œil droit au menton de Ramu
1033
plusieurs « traits » de Petrouchka. La moustache
est
noircie par une plume habituée à tracer comme au pinceau d’épaisses b
1034
e manuscrit des Noces. Quant au nez d’aigle, ce n’
est
guère celui que les photos du modèle nous montrent. Le nez est d’ordi
1035
ui que les photos du modèle nous montrent. Le nez
est
d’ordinaire l’élément le plus impersonnel dans un visage, le plus rac
1036
, le plus racial ou animal. Celui de ce croquis n’
est
que l’indication d’un instinct prédateur peut-être russe, nullement v
1037
ironnement d’objets qui le délimitent. Le visage
est
vision et expression : œil et bouche ; il est aussi élaboration et ex
1038
age est vision et expression : œil et bouche ; il
est
aussi élaboration et exécution : front et menton. Si vous voulez déco
1039
ux yeux : la personne n’a pas d’autre siège, elle
est
ce complexe de tensions, cette équation fondamentale de l’être. La pr
1040
exe de tensions, cette équation fondamentale de l’
être
. La première impression qu’on reçoit de ce portrait serait trop faibl
1041
a première impression qu’on reçoit de ce portrait
serait
trop faiblement traduite par le mot de méfiance : il faudrait parler
1042
e purement moral. La dissimulation dans un visage
est
, au contraire, un fait physiologique. Stravinsky l’a souligné en exag
1043
ent de la paupière supérieure. Le regard de Ramuz
est
direct, mais volontairement limité, rabattu. Ce n’est pas là l’œil d’
1044
direct, mais volontairement limité, rabattu. Ce n’
est
pas là l’œil d’un idéaliste ; mais d’un homme qui choisit parmi les c
1045
is d’un homme qui choisit parmi les choses qui se
tiennent
à hauteur d’homme, et qui résistent à la pénétration d’un regard ferm
1046
bonté, qui préfère se montrer rébarbative. (Elle
est
aussi, je crois, cette bonté naturelle, dans le renflement de la joue
1047
nflement de la joue au niveau de la bouche.) Quel
est
, en somme, le rôle de l’expression, sinon de montrer surtout ce qui s
1048
ent mesurées. Ainsi la dissimulation de ce visage
est
style. Maintenant, les objets. Tout ce que le résumé critique de la f
1049
tique d’un certain réalisme populaire, dont Ramuz
est
peut-être le seul à avoir su montrer la nécessaire dignité. Le sens d
1050
cessaire dignité. Le sens de l’objet, chez Ramuz,
est
lié à son sens goethéen du symbole. Il ne va pas au pittoresque dans
1051
oresque dans les choses, mais au particulier, qui
est
la substance du général. La partie n’a de sens et d’authenticité qu’a
1052
ur de drames historiques.) Quant au chapeau, ce n’
est
point par hasard que Stravinsky l’a si bien dessiné. Ce chapeau est t
1053
rd que Stravinsky l’a si bien dessiné. Ce chapeau
est
tout un programme, au sens agressif du terme. C’est le chapeau plat d
1054
tes en réaction contre le bon goût helvétique. Il
est
la part des contingences dans cette curieuse ellipse d’un visage.
1055
ai dire que là où leur personne prend fin. Elle n’
est
pas dans le contact aussi direct que possible avec l’objet ; elle est
1056
act aussi direct que possible avec l’objet ; elle
est
dans la suppression de tout contact avec l’objet. On croit voir tran
1057
d fin là où commence pour lui l’impersonnel. Elle
est
dans le contact aussi direct que possible avec l’objet ; elle est dan
1058
act aussi direct que possible avec l’objet ; elle
est
dans la volonté, dans l’amour, dans la création du contact avec l’obj
1059
ifférence capitale que, chez Goethe, le contact n’
est
jamais « aussi direct que possible ». Goethe sait mal le grec, et con
1060
ces. Ramuz commence là où tous les intermédiaires
sont
supprimés. Goethe cherche une économie des moyens, qui permette d’all
1061
faut pas oublier que la culture de notre temps n’
est
plus du tout ce qu’elle était au temps de Goethe. Plus encore que sa
1062
ture de notre temps n’est plus du tout ce qu’elle
était
au temps de Goethe. Plus encore que sa valeur, c’est sa fin qui est d
1063
ethe. Plus encore que sa valeur, c’est sa fin qui
est
devenue contestable. Il se peut que l’effort réactionnaire de Ramuz,
1064
tionnaire de Ramuz, dans les contingences où nous
sommes
soit, plus qu’il n’y paraît, conforme à l’éducation goethéenne. Il se
1065
re de Ramuz, dans les contingences où nous sommes
soit
, plus qu’il n’y paraît, conforme à l’éducation goethéenne. Il se peut
1066
couvrir que le « gazouillis » des oiseaux pouvait
être
et était souvent le plus brutal des tintamarres, « un bruit de vitres
1067
que le « gazouillis » des oiseaux pouvait être et
était
souvent le plus brutal des tintamarres, « un bruit de vitres cassées,
1068
coups de pioche ou de marteau. » Les glaciers ne
sont
pas « sublimes » comme on chante dans les écoles suisses. Et il est f
1069
» comme on chante dans les écoles suisses. Et il
est
faux de « chanter » la montagne : les montagnards l’appellent « le ma
1070
n réaction contre l’académisme. Si puissantes que
soient
les conventions dans un pays, elles ne peuvent pas nourrir une réacti
1071
uvent pas nourrir une réaction créatrice. Et ce n’
est
point en haine de la facilité qu’un homme recherchera jamais l’effort
1072
e proprette, leur idéal du bon-écolier-type, ce n’
est
jamais au nom d’un naturisme romantique78. C’est parce que toutes ces
1073
ort même, pour lui, garantit la réalité. L’effort
est
le concret de l’homme79. Saisir les choses et les êtres, tels qu’ils
1074
le concret de l’homme79. Saisir les choses et les
êtres
, tels qu’ils sont et tels qu’ils se montrent, dégradés, désunis, info
1075
me79. Saisir les choses et les êtres, tels qu’ils
sont
et tels qu’ils se montrent, dégradés, désunis, informes ; et par l’ef
1076
fort d’une imagination qui retrouve leur raison d’
être
, les pousser jusqu’à l’expression de leur nature primitive, produire
1077
n de sa personne en exercice. « Je ne distingue l’
être
qu’aux racines de l’élémentaire ». Parce que le critère du réel c’est
1078
brute exige le plus dur effort, parce que l’homme
est
le plus humain là où les choses et les êtres attendent tout de son po
1079
’homme est le plus humain là où les choses et les
êtres
attendent tout de son pouvoir restaurateur : leur nom, leur nombre et
1080
e importance extrême, non seulement parce qu’elle
est
la plus clairvoyante que Ramuz ait écrite sur son art, mais aussi par
1081
eu près seule dans son œuvre, une perspective qui
est
je crois, celle de sa plénitude. Par-delà tous les pays, il y a peu
1082
Père et une Mère, où la grande parenté des hommes
est
entre-aperçue pour un instant. Car c’est à la réapercevoir que tenden
1083
i de suite à l’infini, de sorte que pour finir on
est
chacun tout seul sur son petit bout de sentier. Et il y a aussi cette
1084
a aussi cette malédiction, où on sent bien qu’on
est
(car rien autour de nous n’est vraiment éclos, vraiment abouti ; aucu
1085
on sent bien qu’on est (car rien autour de nous n’
est
vraiment éclos, vraiment abouti ; aucune musique n’est parfaite, aucu
1086
raiment éclos, vraiment abouti ; aucune musique n’
est
parfaite, aucun livre n’est parfait, aucun tableau n’est parfait ; et
1087
ti ; aucune musique n’est parfaite, aucun livre n’
est
parfait, aucun tableau n’est parfait ; et tout travail d’abord est du
1088
faite, aucun livre n’est parfait, aucun tableau n’
est
parfait ; et tout travail d’abord est dur, tout travail difficile, to
1089
n tableau n’est parfait ; et tout travail d’abord
est
dur, tout travail difficile, tout travail, toute espèce de travail se
1090
ntre nous-mêmes et contre Quelqu’un, tout travail
est
malédiction), — jusqu’à ce que tout à coup, par une espèce de renvers
1091
(c’est Une Main) je lis ceci : « Certains hommes
tiennent
pour un gain tout ce qui leur rapporte une facilité ; moi je ne tiens
1092
out ce qui leur rapporte une facilité ; moi je ne
tiens
pour un gain que ce qui m’apporte un exemple. » Comment, ici encore,
1093
une cheminée qui tire mal. J’aime les choses qui
sont
à leur façon, tandis que je suis à la mienne. » ⁂ Je vois, j’ai tenté
1094
e les choses qui sont à leur façon, tandis que je
suis
à la mienne. » ⁂ Je vois, j’ai tenté de faire voir comment Ramuz exis
1095
Ramuz existe à sa façon. Je vois que son pouvoir
est
sa présence active au monde. Toute résistance nous oblige à être prés
1096
e active au monde. Toute résistance nous oblige à
être
présent. Je vois ce grand exemple d’une volonté tendue vers l’origine
1097
la coutume d’un peuple et l’authentique raison d’
être
, l’identité d’une personne. Je vois, j’apprends, j’entends la voix d’
1098
vois, j’apprends, j’entends la voix d’un homme. N’
est
-ce pas assez ? Cette voix n’est-elle pas émouvante ? — Oui, c’est bea
1099
oix d’un homme. N’est-ce pas assez ? Cette voix n’
est
-elle pas émouvante ? — Oui, c’est beaucoup, la voix d’un homme. C’est
1100
chappe à nos prises. Ainsi fait Goethe ; et telle
est
sa vertu. Mais notre siècle pose d’autres questions, des questions qu
1101
s origines et ses fins. Voici le temps où l’homme
est
attaqué par des puissances qui veulent son abdication totale, — ou sa
1102
enant il y va de notre tout. La question dernière
est
posée : celle de notre origine décisive. Le silence perd alors son po
1103
re chose que de nous. « Tout notre embrassement n’
est
qu’une question81 ». Or une question ne peut être sérieuse que si l’o
1104
’est qu’une question81 ». Or une question ne peut
être
sérieuse que si l’on sait que la réponse existe. Il fallait nous appr
1105
cet embrassement, cette saisie des choses et des
êtres
, cette présence au monde et à soi-même, — l’originalité de l’homme «
1106
squ’au tenue. Le fondement dernier de la personne
est
témoignage. Témoigner, c’est risquer en dépit de tout et de soi, ce q
1107
détournant l’attention de l’acte — car tout acte
est
particulier — pour la porter sur l’intention qui relève du général. A
1108
tention qui relève du général. Ainsi le moralisme
fut
une doctrine abstraite du concret. Mais ses racines plongent dans la
1109
ce que l’on fait se voit. L’acte le plus secret,
fût
-il même un silence, laisse une trace au visage de l’homme, modifie sa
1110
’homme, modifie sa forme existante. « La figure a
été
faite sur la vérité et la vérité a été reconnue sur la figure » (Pasc
1111
a figure a été faite sur la vérité et la vérité a
été
reconnue sur la figure » (Pascal, cité par Ramuz). 72. C’est là ce q
1112
ce qu’il appelle sa vie intérieure, surtout s’il
est
résolument laïque. Rien n’est plus facile à concevoir, dans notre éta
1113
ieure, surtout s’il est résolument laïque. Rien n’
est
plus facile à concevoir, dans notre état social, qu’un patriote qui,
1114
étranger pour les mettre à l’abri du fisc. Ce qui
est
difficile, c’est de justifier une telle conduite… C’est alors que le
1115
74. Dans les essais de Ramuz, ses tics de langage
sont
très apparents : excès de et, de il y a que, de singulièrement (pris
1116
75. On pourrait soutenir que l’époque 1900-1910
fut
« inactuelle » pour la grande masse de ceux qui la vécurent. Et qu’el
1117
’œuvre de Sorel et de Lénine. 76. Cette attitude
est
assez goethéenne. Un sens puissant de l’organique empêchera toujours
1118
autorisation » (Art poétique). Les philosophes y
sont
contraints professionnellement pourrait-on dire. Mais la plupart des
1119
tifs » comme on semble le croire : il ne faut pas
être
seulement un primitif, il faut être aussi un primitif. » Et d’ailleur
1120
l ne faut pas être seulement un primitif, il faut
être
aussi un primitif. » Et d’ailleurs la nature dont il parle n’est pas
1121
imitif. » Et d’ailleurs la nature dont il parle n’
est
pas la Nature du Rousseauisme, mais la nature des choses. 79. Pour a
1122
t poétique de Claudel La création tout entière
est
un discours adressé à la créature au moyen de la créature : car un jo
1123
nstance atténuante, au bénéfice du maladroit s’il
est
aimable. Ou bien c’est l’ornement de nos loisirs. Mais Claudel dit :
1124
de nos loisirs. Mais Claudel dit : l’art poétique
est
art de faire. Un gémissement célèbre, chez les clercs, déplore l’anti
1125
à-dire qu’il choisit de choisir, car l’étymologie
est
trop loin d’être une science pour que l’adoption même d’une « origine
1126
isit de choisir, car l’étymologie est trop loin d’
être
une science pour que l’adoption même d’une « origine » soit autre cho
1127
cience pour que l’adoption même d’une « origine »
soit
autre chose qu’un choix délibéré, — quand ce n’est pas un profond cal
1128
it autre chose qu’un choix délibéré, — quand ce n’
est
pas un profond calembour. « Il est permis à chacun de se servir de te
1129
, — quand ce n’est pas un profond calembour. « Il
est
permis à chacun de se servir de tel son qu’il lui plaît pour exprimer
1130
se de la Logique de Port-Royal, dont Claudel s’il
est
réaliste doit récuser la principale82, peut néanmoins servir à précis
1131
aux divers jargons de son temps ; c’est que l’une
est
une langue « avertie », posant un perpétuel avertissement, tandis que
1132
érale. Claudel montre partout son parti pris, qui
est
de s’en tenir aux origines, et à cette origine, entre plusieurs proba
1133
el montre partout son parti pris, qui est de s’en
tenir
aux origines, et à cette origine, entre plusieurs probables, qui lui
1134
he de la chose et du geste. Poésie, de poiein, ce
sera
: faire. Connaître, de cognoscere, sera : co-naître. Il faut savoir c
1135
oiein, ce sera : faire. Connaître, de cognoscere,
sera
: co-naître. Il faut savoir ce que parler veut dire. (D’où l’on vient
1136
ler veut dire. (D’où l’on vient, où l’on va : tel
est
le sens.) Car le langage, parmi d’autres fonctions, a celle-là de per
1137
les signaux. Les autres (voyez leurs journaux) se
sont
jetés dans un énorme embouteillage, il n’y a plus qu’à se laisser pou
1138
, c’est un sur-place exaspérant, tous les moteurs
sont
débrayés) ce sens partout évanouissant n’en est pas moins le sens « c
1139
sont débrayés) ce sens partout évanouissant n’en
est
pas moins le sens « commun » — voire même, par antiphrase, le sens «
1140
! Mais l’usure des mots les édente, notre langage
est
débrayé. Comment rétablir le contact ? Claudel n’écrira pas : je vais
1141
vais vous expliquer cela clairement, mais : « Tel
est
le mystère qu’il s’agit de reporter sur le papier de l’encre la plus
1142
té »), la plénitude, le rassemblement de tous les
êtres
, le branle-bas de toute la création vers son achèvement intelligible,
1143
ssi dans le monde d’aujourd’hui, se condamner à n’
être
pas compris. Paradoxe d’un génie « catholique », isolé de la foule de
1144
justement sa volonté de catholicité ! ⁂ Non qu’il
soit
méconnu, bien sûr. Mais parmi tant d’admirateurs, combien connaissent
1145
aisit l’auditeur le plus profane de Tête d’or. Ce
serait
aggraver d’une sottise cette Séparation, notre péché, contre laquelle
1146
t un monde en recréation perpétuelle, et tout s’y
tient
parce que chaque être y agit pour tout ce qu’il n’est pas. « Tout che
1147
n perpétuelle, et tout s’y tient parce que chaque
être
y agit pour tout ce qu’il n’est pas. « Tout cherche partout sa fin, c
1148
parce que chaque être y agit pour tout ce qu’il n’
est
pas. « Tout cherche partout sa fin, complément ou efférence, sa part
1149
cessité que de la fin totale qu’il glorifie. Ce n’
est
pas notre monde tel qu’il est 84 mais notre monde tel qu’il est sauvé
1150
u’il glorifie. Ce n’est pas notre monde tel qu’il
est
84 mais notre monde tel qu’il est sauvé, relié solidement par la Prom
1151
monde tel qu’il est 84 mais notre monde tel qu’il
est
sauvé, relié solidement par la Promesse et remis en marche vers elle,
1152
e. Diviser, séparer, isoler, faire scission, ce n’
est
pas seulement cartésien ; et Descartes n’a fait qu’enregistrer les ef
1153
t de la Création. « Et c’est pourquoi une fin lui
fut
en effet donnée » — qui est sa mort. Mais l’œuvre du poète, la vocati
1154
pourquoi une fin lui fut en effet donnée » — qui
est
sa mort. Mais l’œuvre du poète, la vocation de l’homme, la charité co
1155
la révélation des enfants de Dieu, parce que ce n’
est
pas de son propre gré qu’elle a été assujettie à vanité » (Rom. VIII,
1156
arce que ce n’est pas de son propre gré qu’elle a
été
assujettie à vanité » (Rom. VIII, 19-20). Ne fût-ce que par son style
1157
été assujettie à vanité » (Rom. VIII, 19-20). Ne
fût
-ce que par son style, et l’intention, partout, qu’il manifeste avec p
1158
verselle. Qu’on parle alors de procédé, si l’on y
tient
, mais il faut en comprendre l’office. Traiter chaque mot selon la cho
1159
la source continue qu’il contient en lui dans son
être
: son geste n’est plus que la traduction, dans l’univers matériel, du
1160
qu’il contient en lui dans son être : son geste n’
est
plus que la traduction, dans l’univers matériel, du sanglot de l’orig
1161
voici donc « chargés du rôle d’origine ». L’homme
est
le « sceau de l’authenticité ». Il est, par son action recréatrice, u
1162
». L’homme est le « sceau de l’authenticité ». Il
est
, par son action recréatrice, une étymologie vivante de tout ce qui es
1163
ecréatrice, une étymologie vivante de tout ce qui
est
. Et maintenant, pour se connaître il lui suffit d’agir sa vocation. D
1164
uments dont il a la propriété. » Et son corps lui
est
comme « un document où il suit les œuvres de l’esprit qui le remue ».
1165
ILe Rêve et la mystique La conscience claire
est
la première conquête spirituelle des hommes angoissés par le mystère
1166
e chaos panique. Mais cette victoire, lorsqu’elle
est
trop complète laisse l’homme sur un sentiment de déception et d’indic
1167
t d’indicible appauvrissement. Le monde rationnel
est
rassurant, mais beaucoup de questions y demeurent sans réponse, et de
1168
tion comparable au vertige, vers ces régions de l’
être
obscur que le bon sens et la philosophie prétendaient mettre au ban d
1169
Et tandis que dans sa panique l’homme primitif s’
était
tourné vers la raison libératrice, au terme des époques appauvries de
1170
entaires après un siècle de science positiviste.
Est
-il vrai que la nuit et le rêve n’aient rien à révéler qui importe au
1171
rêve n’aient rien à révéler qui importe au jour ?
Est
-il vrai que la passion, l’angoisse et la folie soient moins réelles q
1172
st-il vrai que la passion, l’angoisse et la folie
soient
moins réelles que nos sagesses tyranniques ? « Songe est mensonge » d
1173
ns réelles que nos sagesses tyranniques ? « Songe
est
mensonge » décrétait la raison. Mais elle nous a laissés sur notre fa
1174
radis et des terreurs d’une intensité séduisante.
Serait
-il le signe, ou l’entrée, d’une vérité supérieure ? Telle est la ques
1175
gne, ou l’entrée, d’une vérité supérieure ? Telle
est
la question que posèrent les premiers romantiques allemands. « Ils ad
1176
t tous, écrit Albert Béguin85, que la vie obscure
est
en incessante communication avec une autre réalité, plus vaste, antér
1177
t supérieure à la vie individuelle ». Mais quelle
est
cette réalité ? Notre Nature profonde ou la Divinité ? « Plus nous no
1178
plus nous pénétrons dans la nature des choses qui
sont
hors de nous », affirme un des théoriciens du romantisme, Ignaz Troxl
1179
. Mais encore : s’agit-il vraiment des choses qui
sont
hors de nous, ou bien seulement des choses qui, en nous, étaient rest
1180
nous, ou bien seulement des choses qui, en nous,
étaient
restées secrètes pour la conscience ? Tieck pose très nettement la qu
1181
songes nous appartiennent ». Quand nous rêvons «
est
-ce nous qui nous jouons de nous-mêmes, ou bien une main d’en haut bra
1182
si un principe spirituel, étranger à nous-mêmes,
était
le mobile de ces irruptions soudaines d’images inconnues, qui se jett
1183
et si saisissante ? » De là à penser que le rêve
est
un « vestige du divin », il n’y a que l’épaisseur d’un scrupule d’ort
1184
sse la difficulté et le choix : pour lui, le rêve
est
« tantôt un écho du supra-terrestre dans le terrestre, tantôt un refl
1185
re que le rêve ne révèle rien que nos secrets, ce
serait
tomber dans le freudisme. Croire qu’il révèle aussi un monde supérieu
1186
pour des poètes — tout nous porte à penser qu’ils
sont
plus proches des mystiques que des psychanalystes. Lorsqu’ils se dema
1187
sychanalystes. Lorsqu’ils se demandent si le rêve
est
connaissance ou illusion, et si c’est « l’Autre », ou le moi sombre q
1188
cial de toute définition de la personne. Car nous
sommes
constamment tentés d’assimiler le Moi profond et ses secrètes impulsi
1189
ns à la Parole qui vient d’ailleurs, et qui seule
est
vraiment vocation. Un philosophe de la personne verra donc le plus gr
1190
la poésie romantique de même que la surréaliste,
est
à l’affût des « surprises pleines de sens » dont nous parlent aussi l
1191
poète Jean-Paul, insistent sur un fait que Freud
sera
le premier à mettre en pleine valeur : c’est que l’esprit abandonné a
1192
s un langage métaphorique et régulier, comme s’il
était
soumis, en ce domaine, à des lois plus précises et plus constantes qu
1193
onscrit du rêve. Les romantiques, d’ailleurs, ont
été
bien au-delà, dans leur exploration de l’Inconscient. Le songe, pour
1194
ploration de l’Inconscient. Le songe, pour eux, n’
est
que la « porte » ouvrant sur le monde ineffable qui est proprement le
1195
e la « porte » ouvrant sur le monde ineffable qui
est
proprement le domaine des mystiques. Toute expérience mystique ou rom
1196
hme), dont on ne peut rien dire, et qui cependant
est
la source de tout ce que l’on dit. C’est l’ineffable, l’indicible, le
1197
re, à tenter de le cerner par des figures, qui, n’
étant
jamais suffisantes, doivent être inépuisablement multipliées. Disons-
1198
figures, qui, n’étant jamais suffisantes, doivent
être
inépuisablement multipliées. Disons-le sans la moindre irrévérence :
1199
es. Disons-le sans la moindre irrévérence : nul n’
est
plus verbeux qu’un mystique, si ce n’est un romantique allemand. Car
1200
: nul n’est plus verbeux qu’un mystique, si ce n’
est
un romantique allemand. Car l’un et l’autre ont l’ambition de communi
1201
e définir comme l’indicible. Dès lors, la plainte
sera
la même, qu’il s’agisse d’une Thérèse d’Avila ou simplement d’un Ludw
1202
ù trouver les mots ? », gémissent-ils. La plainte
est
sincère et tragique, mais combien de mots leur fera-t-elle accumuler
1203
ra-t-elle accumuler pour dire que rien ne saurait
être
dit… Et pourtant si : romantiques et mystiques sont persuadés que, no
1204
re dit… Et pourtant si : romantiques et mystiques
sont
persuadés que, nonobstant leur impuissance à traduire l’inconscient o
1205
ublie l’origine mystique. « Le poète et le rêveur
sont
passifs, ils écoutent le langage d’une voix qui leur est intérieure e
1206
sifs, ils écoutent le langage d’une voix qui leur
est
intérieure et pourtant étrangère, qui s’élève dans les profondeurs d’
1207
l’écho d’un discours divin. »87 Alors le doute n’
est
plus permis : l’analogie purement formelle que nous décrivions jusqu’
1208
ont la nuit des songes, chantée par les poètes, n’
était
que le symbole et le signe physique88. C’est « le royaume de l’Être q
1209
e et le signe physique88. C’est « le royaume de l’
Être
qui se confond avec le royaume du Néant, l’éternité enfin conquise et
1210
ineffable », la « contemplation sans objet ». Il
est
donc légitime de suivre Albert Béguin dans cette conclusion : « La gr
1211
voir ajouté foi aux pouvoirs irrationnels et de s’
être
dévoué corps et âme à la grande nostalgie de l’être en exil. » IIL
1212
re dévoué corps et âme à la grande nostalgie de l’
être
en exil. » IIL’Être en exil Ce sentiment d’exil que nous trouvo
1213
lus singulier dans la vie de l’esprit humain, qui
est
l’engagement sur la via mystica ? S’il est permis — comme on l’admet
1214
n, qui est l’engagement sur la via mystica ? S’il
est
permis — comme on l’admet un peu trop facilement de nos jours — de ti
1215
ste, en plein xviiie siècle rationaliste, Moritz
fut
l’un des tous premiers à se tourner vers l’étude des rêves. Il s’y tr
1216
urement humains ?) Le point de départ paraît bien
être
une blessure qu’il reçut de la vie, un choc qui l’a laissé béant sur
1217
moi détesté … qu’il dût désormais inexorablement
être
lui-même … cette idée le plongea peu à peu dans un désespoir qui l’am
1218
-y garde : ce moi détesté, c’est la fatalité de l’
être
individuel, charnel, créé, et lié à toute la création. C’est par lui
1219
r le monde. L’incapacité d’accepter le monde réel
est
signe d’une incapacité de s’accepter soi-même, — à cause de cette ble
1220
ent si fréquent chez la plupart des romantiques d’
être
mal assuré de sa propre identité, et d’avoir à la rechercher précisém
1221
héros d’un de ses romans : « Il lui parut qu’il s’
était
échappé entièrement à lui-même et qu’il lui fallait avant toute démar
1222
lus de saisir la pensée salvatrice. » C’est qu’il
est
un souvenir interdit, trop douloureux pour être revécu. Le moi malade
1223
il est un souvenir interdit, trop douloureux pour
être
revécu. Le moi malade échoue à se ressaisir dans la mémoire, puisque
1224
r dans la mémoire, puisque la cause de sa maladie
est
justement ce qu’il ne peut se remémorer, cette blessure qui est à l’o
1225
ce qu’il ne peut se remémorer, cette blessure qui
est
à l’origine de la conscience divisée. Comment alors sortir du cercle,
1226
r la vie totale dans sa bienheureuse unité ? Ce n’
est
plus possible ici-bas, dans la prison du moi coupable et douloureux.
1227
d’un retour au monde perdu à la « vraie vie » qui
est
« ailleurs » comme dit Rimbaud. Vie d’expansion indéfinie dans l’Univ
1228
ncore, et plus précise, le rêve ou la via mystica
sont
des moyens de récupérer le monde perdu. Ce qu’il faut souligner ici,
1229
dance à la dilatation panthéiste ou mystique de l’
être
revêt presque toujours la forme d’un vœu de mort. Le sommeil préfigur
1230
te romantique ; et la mort progressive à soi-même
est
l’ambition de tous les vrais mystiques. Mais pourquoi voudrait-on mou
1231
réponse. En effet, la blessure dont ils souffrent
est
presque toujours symbolisée par la perte d’un être aimé. Passer dans
1232
est presque toujours symbolisée par la perte d’un
être
aimé. Passer dans l’autre monde, c’est retrouver la morte ! « L’expér
1233
t retrouver la morte ! « L’expérience typique qui
est
celle de Jean-Paul à la mort de ses amis, de Novalis perdant Sophie v
1234
it dès l’enfance, lorsqu’il s’interroge sur ce qu’
est
devenue sa petite sœur : le vœu de retrouver la morte, de communier a
1235
ence d’outre-tombe91. » Le rêve ou la via mystica
seront
cette existence d’outre-tombe, vécue dès ici-bas d’une manière indici
1236
evient proprement chrétienne que dans le cas où l’
être
aimé, sur la mort duquel on médite, est la personne du Christ crucifi
1237
cas où l’être aimé, sur la mort duquel on médite,
est
la personne du Christ crucifié, — ou se confond avec elle indiscernab
1238
elle indiscernablement. Les romantiques n’ont pas
été
si loin dans la voie des sublimations — sauf peut-être Jean-Paul et N
1239
uelle ils parviennent en de très rares instants n’
est
plus alors qu’un moyen de jouir d’une « sensation voluptueuse » (comm
1240
ne équivoque dont il y a lieu de craindre qu’elle
soit
intéressée. Au contraire, s’exprimer, c’est toujours s’avouer, c’est
1241
sonne. Le paradoxe de l’expression d’un Indicible
est
tellement essentiel au romantisme qu’il explique, à n’en pas douter,
1242
res achevées. En effet le mouvement de ces poètes
est
inverse de celui du créateur. Créer, c’est donner forme, et ils voudr
1243
ur sans le trahir et se trahir ? Ainsi leur œuvre
est
à l’image de la contradiction vitale dont ils souffraient, et d’où na
1244
perdre leur moi personnel. Mais le moi personnel
est
l’Ombre créatrice de l’individu naturel. Revenons une dernière fois s
1245
ne dernière fois sur nos définitions. La personne
est
en nous l’être spirituel, responsable d’une vocation, et trouvant là
1246
is sur nos définitions. La personne est en nous l’
être
spirituel, responsable d’une vocation, et trouvant là son unité en dé
1247
ons dont peut souffrir l’individu, c’est-à-dire l’
être
naturel. L’individu est entièrement déterminé par l’espèce, le milieu
1248
individu, c’est-à-dire l’être naturel. L’individu
est
entièrement déterminé par l’espèce, le milieu, l’histoire, les qualit
1249
il a héritées et les blessures qu’il a subies. Il
est
emprisonné dans ces données, et c’est en vain qu’il chercherait à y é
1250
rouvera sous des espèces méconnaissables et qu’il
sera
tenté de croire divines. Et il est juste que les premières touches de
1251
bles et qu’il sera tenté de croire divines. Et il
est
juste que les premières touches de l’Esprit rendent le moi sensible à
1252
l la reçoive, et qu’il l’accepte consciemment, ce
sera
pour lui l’introduction à une liberté toute nouvelle. Dès ce moment i
1253
mblable à celle de ces pseudo ou prémystiques que
furent
les poètes du rêve : il se dévoue à quelque chose qui le dépasse, il
1254
umer son moi coupable — parce que dorénavant ce n’
est
pas cela qui compte, mais l’œuvre à faire et Celui qui l’ordonne. Alo
1255
on rejoint ici l’enseignement évangélique : ce ne
sont
pas des extases indicibles qui sont promises aux vrais croyants, mais
1256
lique : ce ne sont pas des extases indicibles qui
sont
promises aux vrais croyants, mais au contraire il leur est demandé d’
1257
ses aux vrais croyants, mais au contraire il leur
est
demandé d’agir et d’annoncer leur foi. « C’est en confessant de la bo
1258
de toute existence dans le monde. Mais si la foi
est
la santé du Solitaire, elle est aussi ce qui le remet en communion av
1259
e. Mais si la foi est la santé du Solitaire, elle
est
aussi ce qui le remet en communion avec son prochain devant Dieu. Si
1260
e masses en termes d’étiologie de la personne, ce
serait
fournir la nécessaire contrepartie des analyses kierkegaardiennes. Es
1261
out que les écrits d’un Novalis ou d’un Jean Paul
soient
à sa source, ce serait absurde et injurieux pour ces poètes. Mais je
1262
Novalis ou d’un Jean Paul soient à sa source, ce
serait
absurde et injurieux pour ces poètes. Mais je dis que nous pouvons re
1263
ns retrouver au niveau inférieur et collectif qui
est
celui de la psychologie naziste, des processus fort analogues à ceux
1264
e de l’orgueil national). C’est le monde qui doit
être
mal fait, car nous y sommes brimés, nous qui pourtant sommes les fils
1265
C’est le monde qui doit être mal fait, car nous y
sommes
brimés, nous qui pourtant sommes les fils des vertueux Germains ! Et
1266
fait, car nous y sommes brimés, nous qui pourtant
sommes
les fils des vertueux Germains ! Et de ce sentiment de culpabilité, r
1267
surance nationale. La vraie Allemagne ne peut pas
être
celle qui a subi la « blessure ». Il faut donc la chercher ailleurs :
1268
ndividu conscient ; on lui a dit que sa vraie vie
était
entre les mains du Parti, d’un démiurge anonyme et obscur dont il n’a
1269
nt les vrais ressorts du régime hitlérien. Nous n’
étions
plus en présence de Bismarck, mais d’un peuple envoûté par son rêve ;
1270
é à quelque chose de plus vrai que la vie, et qui
était
sa mission millénaire. « Chez nous, proclamait Goebbels, on n’impose
1271
nte une opinion juste… D’ailleurs notre politique
est
une politique d’artistes. Le Führer est un artiste de la politique. L
1272
politique est une politique d’artistes. Le Führer
est
un artiste de la politique. Les autres hommes d’État sont seulement d
1273
artiste de la politique. Les autres hommes d’État
sont
seulement des manœuvres. Son État à lui est le produit d’une imaginat
1274
État sont seulement des manœuvres. Son État à lui
est
le produit d’une imagination géniale »92. Une politique « d’artistes
1275
en plus que politique, et dont les causes doivent
être
recherchées au plus secret de la conscience allemande, dans le drame
1276
s’agisse de l’homme seul ou des masses, ce drame
sera
toujours le même : c’est l’affrontement d’une religion de l’Inconscie
1277
dans ce chapitre. 86. L’abus freudien me paraît
être
d’individualiser le sens de ces symboles et d’en tirer une clé des so
1278
une clé des songes purement sexuelle. C. G. Jung
est
sans doute plus près de la réalité quand il retrouve dans les figures
1279
88. En effet pour les romantiques, « le sommeil
est
une préfiguration de la mort », et c’est uniquement dans la mort que