1 1944, Les Personnes du drame. Introduction
1 t mesurer le degré de tension du combat spirituel l’homme devient personne, et « s’autorise » d’une vocation unique. Po
2 el. Encore n’est-il guère isolable de cette œuvre l’« autre » l’engage. Finalement nous ne voyons que l’œuvre, c’est-à-
2 1944, Les Personnes du drame. I. Sagesse et folie de la personne — 1. Le silence de Goethe
3 bel et bien dans son évolution une de ces crises l’être spirituel découvre sa forme véritable. Si, comme chez Goethe,
4 ssance, à cet acte de fécondation spirituelle par l’homme pénètre dans la réalité mystique. Et cet acte ne peut se prod
5 plus profond silence de l’esprit, dans la région seul accède celui qui sait préserver sa passion au sein d’une intermi
6 l, dès qu’il atteint les régions de haute tension la seule « orientation » qu’il adopte suffit à déterminer une suite d
7 problème de l’univers, mais bien pour rechercher tend ce problème, et ensuite se maintenir entre les limites de l’inte
8 t d’une telle rupture. Elles sont le champ même13 Rimbaud se livre à l’expérience spirituelle, où il se livre tout enti
9 3 où Rimbaud se livre à l’expérience spirituelle, il se livre tout entier. C’est là sa pureté ; mais c’est aussi ce qui
10 e nous porte en des régions nouvelles de l’esprit l’action redevient notre seul critère de cohérence. C’est dire que no
3 1944, Les Personnes du drame. I. Sagesse et folie de la personne — 2. Goethe médiateur
11 urables. Il n’est pas de grandeur perceptible, là n’existent pas de mesures. Mais où chercher, chez Goethe, les élément
12 erceptible, là où n’existent pas de mesures. Mais chercher, chez Goethe, les éléments de tension et les mesures ? Où, s
13 Goethe, les éléments de tension et les mesures ? , sinon en lui-même, je veux dire entre ce qui lui fut donné et ce qu’
14 équilibre si chèrement conquis, cette lutte enfin résident sa tension et sa grandeur propres, comment ne pas voir qu’el
15 loi la plus profonde de sa nature. Ces dix années , pour reprendre la comparaison du chêne, Goethe se fait un tronc, une
4 1944, Les Personnes du drame. I. Sagesse et folie de la personne — 3. Kierkegaard
16 promenade en ville. On le transporta à l’hôpital, il mourut paisiblement « en saluant tous les hommes ». Le seul événem
17 e le second document dans le journal de l’hôpital vint mourir Kierkegaard. Un interne a transcrit les déclarations du m
18 ndre son être avec un jeu, bien plus, avec ce jeu le hasard n’a point de part, et où l’échec final est l’œuvre d’une sé
19 s, avec ce jeu où le hasard n’a point de part, et l’échec final est l’œuvre d’une sévère réflexion. Cela suppose une vu
20 ute grandeur humaine est prévisible dès l’instant l’homme s’élance vers un destin qu’il s’est choisi, et qui est le mas
21 portants, tant d’hommes « jouent » leur sérieux : est la différence ? « L’apôtre Paul avait-il un emploi officiel ? — 
22 Archimède, hors du monde, c’est une chambre haute l’homme prie en toute droiture. »24 Un solitaire devant Dieu. Alo
23 un autre principe d’unité n’existe, au sens actif Kierkegaard emploie ce mot. Si l’on ne croit pas en Dieu, c’est-à-dir
24 veut déterminé. Or il l’est dans la mesure exacte il l’accepte ; mais dans cette mesure même, il cesse d’être humain. C
25 nous permet seule de franchir ce cercle enchanté nous maintient l’argument du démon — le serpent qui se mord la queue.
26 obéir à l’ordre qu’il reçoit de Dieu, — n’importe et n’importe qui, à n’importe quel ordre reçu, et sans nulle préparat
27 incarnation. Ainsi l’acte de foi détruit le temps il a lieu, mais comme la plénitude détruit le relatif. Il est ce cont
28 e pécheur seul le sait, dans l’instant de la foi, par grâce il peut rompre ce lien. « Si vous voulez interroger, interr
29 s on pourrait dire : sa patience. Car il se tient Dieu l’a mis, et ce n’est plus une dérive. Il vit dans la forme du mo
30 ’imaginer que l’acte est puissance de l’homme : d’ l’impossibilité de l’oser. Celui que la foi vient saisir sait mainten
31 ci seul sur le chemin ; mais je vois des visages, s’agitait la foule. Nous ne voyons aucun visage ailleurs que dans l’a
32 hrétienne, est au-delà de toute vraisemblance, là précisément l’on renonce à la vraisemblance. 43 » Parce qu’il faut cr
33 aucune réalité si chacun n’est pas à sa place, là la vocation de Dieu l’a mis. Supposez qu’un tel homme existe. Que va-
34 ce n’est peut-être possible que si l’on sait bien l’on va. À quoi tend la pensée de Kierkegaard ? Contre la presse et l
35 ce de Kierkegaard se limite à l’instant du choix, l’homme s’engage « en vertu de l’absurde », sur le chemin que Dieu lu
36 hète de nos malheurs, nous retournons à l’origine il se tient, nous mettons en lui notre espoir de trouver un autre che
37 re de Kierkegaard sur notre temps ! Dans un monde règne la masse, règne aussi le sérieux le plus pesant. On ne rit pas
38 ois à la seule grâce de Dieu, dans l’abîme infini tu te vois, — ou bien tu crois aussi à ce sérieux de l’existence symb
39 aurait se comparer qu’à la vocation qu’il reçoit. l’orgueil trouverait-il encore à se loger chez un être à ce point sim
40 é qu’il n’est plus qu’obéissance — dans la mesure il agit — et pénitence — dans la mesure où sa vocation le dépasse ? S
41 mesure où il agit — et pénitence — dans la mesure sa vocation le dépasse ? Si Kierkegaard condamne la foule, ce n’est p
42 antiques. Je suis sujet, mais il reste à savoir d’ vient ce je, comment il peut agir. S’agit-il d’un impérialisme du moi
43 tend au réveil. Il nous saisit à ce moment précis tous les systèmes s’évanouissent devant l’effroi du choix concret. Ma
44 ussi présence au monde. Dans ce temps de la masse nous vivons, le « solitaire devant Dieu » est aussi l’homme le plus r
5 1944, Les Personnes du drame. I. Sagesse et folie de la personne — 4. Franz Kafka, ou l’aveu de la réalité
45 dont il serait possible de sortir, dans la mesure l’on connaît ses règles. C’est ainsi que l’on a tenté d’assimiler la
46 remise en mouvement : et à partir du point précis la vision de Kafka « l’arrêtait ». « Nul ne vient au Père que par moi
47 lan — d’un saut dans la vie de la foi — le moment le corps se ramasse et feint de refuser le saut pour mieux se détendr
48 n et aggrave la conscience de l’angoisse, ce vide l’homme demeure et ne peut demeurer. Si la foi survenait dans sa vie,
49 uleuse, ironique et désespérée. II Le Château, la grâce énigmatique Au Procès répond le Château, comme à la Justi
50 s contient tous, on peut dire que ce « Château », K. n’obtient pas le droit d’entrer et dont il ne peut même pas approc
51 s Écritures. Enfin, l’antagonisme entre l’auberge descendent les Messieurs du Château, et la Chaumière où vit la famill
52 cendent les Messieurs du Château, et la Chaumière vit la famille méprisée de Barnabé, me paraît correspondre à la lutte
53 e à nos diverses facultés, et reste le seul monde nous avons à vivre. Mais bien que rien n’y soit changé en apparences,
54 c’est leur foi qui le révèle dans l’instant même elle révèle le pardon. Selon l’image de Thérèse d’Avila, souvent réin
55 able, et cependant génialement attesté par un art tout signifie que la signification suprême reste une énigme ! L’espèc
56 ussi devenir une simple école de personnalités… D’ la méfiance où beaucoup de chrétiens tiennent le sobre activisme de F
57 e simple école de personnalités… D’où la méfiance beaucoup de chrétiens tiennent le sobre activisme de Faust. Au lieu d
58 un percepteur61 ? Nous sommes ici dans un domaine l’on ne saurait imaginer de certitude non équivoque. Car c’est là le
59 pages, que par le biais de leurs expressions : là leurs expériences deviennent comparables, soit qu’elles s’opposent te
60 irituelle de l’état de lassitude et d’empêchement sont maintenus les héros du Procès. Il se peut que la tuberculose, do
6 1944, Les Personnes du drame. II. Liberté et fatum — 5. Luther et la liberté de la personne
61 pour débrouiller et supprimer les faux problèmes la Diatribe voulait l’embarrasser63. Ensuite, ce refus total, ou mieu
62 aison, tout attachée à notre chair, à notre temps elle s’est constituée, soit capable de concevoir ce paradoxe ou ce sc
63 e, telle qu’elle se pose dans les termes extrêmes elle revêt sa vraie réalité : c’est l’Éternel qui commande — ou c’est
64 ment de la décision, et néglige les moyens termes voulait se complaire Érasme. Le problème du salut est un problème de
65 contraire, ils ne la retrouvent pas dans un plan elle reste insoluble. Érasme était encore un catholique ; son humanis
7 1944, Les Personnes du drame. III. Sincérité et authenticité — 6. Le Journal d’André Gide
66 ns encore adroit de ne point avouer l’incertitude pareil livre entraîne le jugement. Gide a tant répété : Ne jugez pas 
67 es font pressentir un drame secret, un nœud vital peut-être réside la cause des plus étranges contradictions que Gide s
68 es fenêtres par excessive défiance d’une symétrie l’on serait tenté de s’arrêter…) Faute d’un « jugement » que ces 1300
69 et toutes ces aquarelles et ces tableaux de genre s’amuse et s’attarde la maîtrise, on peut prévoir que la valeur d’un
70 eur ; mais bien durant ces périodes de dépression j’avais besoin de lui pour me ressaisir, et où je me montre dolent, g
71 on où j’avais besoin de lui pour me ressaisir, et je me montre dolent, geignant, pitoyable ». « Si plus tard on publie
72 grand profit à tirer de ces examens de conscience l’on parvient toujours à découvrir de mesquins ressorts à n’importe q
73 oliques. Gide fut élevé dans un milieu calviniste la religion paraissait se réduire à ces deux éléments que Calvin cons
74 e, dans les périodes de dépression théologique. D’ le ressentiment qu’à son égard conçoivent beaucoup de protestants de
75 ralisme néo-protestant et du dogmatisme romain. D’ son horreur congénitale des tours de passe-passe religieux. En somme,
76 réduire celles-là, par une série de choix vitaux s’exprime l’être en action, c’est-à-dire sa tendance dominante, le st
77 davantage qu’ils ne servent nos goûts naturels. D’ le danger de didactisme que nous courons tous plus ou moins. À cet ég
78 énérations qui nous suivront : je prévois le jour nos cadets nous opposeront l’exemple du probe adversaire des orthodox
8 1944, Les Personnes du drame. III. Sincérité et authenticité — 7. Vues sur Ramuz
79 es sur Ramuz Il faut dissimuler la profondeur. donc ? À la surface. Hugo de Hofmannsthal. Toute méthode féconde est
80 nscrivent aussi bien que l’allure des pentes. « D’ cette démarche qu’ils ont ; d’où encore la nécessité quelquefois de r
81 des pentes. « D’où cette démarche qu’ils ont ; d’ encore la nécessité quelquefois de refaire son pas, parce que la pent
82 b — dont Ramuz nous a traduit quelques passages — toute une théologie s’exprime entièrement par des choses, s’agît-il m
83 châtié, comme on disait dans les salons, au temps le seul tribunal vraiment redouté était celui du goût. (On le dit enc
84 ces et intérêts, instincts et conduite sociale. D’ naît une littérature d’intrigues pour laquelle il est clair que Ramuz
85 incarnation, devait le conduire à créer un milieu tout être se traduisît immédiatement par un paraître ; en sorte qu’on
86 façon concrète ; ainsi le maniement d’un outil. D’ le reproche de puérilité que lui adressent ceux qui par exemple n’hés
87 périodes qui marquent dans l’Histoire sont celles la forme d’un mythe affleure, s’incarne et devient visible75. Ce sont
88 t perce l’interrogation que la réussite couvrait. va notre or, en réalité ? (dans quelle direction principale ?) Où ten
89 en réalité ? (dans quelle direction principale ?) tend notre action centuplée par les machines ? Où tendent nos métaphy
90 Où tend notre action centuplée par les machines ? tendent nos métaphysiques et nos philosophies mal embrayées ?… Nous v
91 serait d’exprimer notre civilisation, en un temps elle se trouve brutalement mise en question, posent eux-mêmes si peu
92 oi ou dans la violence ? Le temps vient cependant la métaphysique se posera ou sera niée en termes concrets, en termes
93 t que l’on puisse éprouver devant certaines pages la simplicité touche à l’affectation, il faut admirer dans ces textes
94 cette immense et secrète réserve d’innocence », d’ peut-être un jour sortira le peuple-poète, « le peuple tous en un ».
95 is son œuvre est bien au-delà de l’ère machiniste la Russie s’engage. Un trait profond de son art m’en convainc : le se
96 Ramuz. Mais presque rien sur sa personne, au sens je l’entends ici. La seule critique où se révèle un génie qui ressemb
97 e, au sens où je l’entends ici. La seule critique se révèle un génie qui ressemble au sien, je la trouve dans un dessin
98 ur personne ; elle ne commence à vrai dire que là leur personne prend fin. Elle n’est pas dans le contact aussi direct
99 e commencement de sa personne ; elle prend fin là commence pour lui l’impersonnel. Elle est dans le contact aussi direc
100 de conventions et de prudences. Ramuz commence là tous les intermédiaires sont supprimés. Goethe cherche une économie d
101 ort réactionnaire de Ramuz, dans les contingences nous sommes soit, plus qu’il n’y paraît, conforme à l’éducation goeth
102 r effort, parce que l’homme est le plus humain là les choses et les êtres attendent tout de son pouvoir restaurateur :
103 perdu de nouveau, puis retrouvé pour un instant) on a en commun un Père et une Mère, où la grande parenté des hommes e
104 n instant) où on a en commun un Père et une Mère, la grande parenté des hommes est entre-aperçue pour un instant. Car c
105 ut de sentier. Et il y a aussi cette malédiction, on sent bien qu’on est (car rien autour de nous n’est vraiment éclos,
106 confond avec celle de la personne. Dans un essai je crois distinguer l’aveu de soi le plus direct qu’ait jamais consen
107 and exemple d’une volonté tendue vers l’origine d’ procèdent à la fois les lois d’un art, la coutume d’un peuple et l’au
108 ns que Ramuz ne veut pas esquiver. Voici le temps l’homme se voit mis en demeure de déclarer ses origines et ses fins.
109 déclarer ses origines et ses fins. Voici le temps l’homme est attaqué par des puissances qui veulent son abdication tot
110 onsommer les ruptures nécessaires. Dans la mesure de tels hommes incarnent déjà les valeurs que la révolution veut inst
9 1944, Les Personnes du drame. III. Sincérité et authenticité — L’Art poétique de Claudel
111 aître. Il faut savoir ce que parler veut dire. (D’ l’on vient, où l’on va : tel est le sens.) Car le langage, parmi d’au
112 savoir ce que parler veut dire. (D’où l’on vient, l’on va : tel est le sens.) Car le langage, parmi d’autres fonctions,
113 s « courant ». Dans cette affaire, celui qui sait il va risque encore d’augmenter l’embarras, et de se faire copieuseme
114 profère son sens. » C’est un univers du discours, les objets qui « veulent dire » s’assemblent en propositions (à l’hom
115 riété. » Et son corps lui est comme « un document il suit les œuvres de l’esprit qui le remue ». Penser dans le train d
10 1944, Les Personnes du drame. IV. Une maladie de la personne — 8. Le romantisme allemand
116 réponse, et des faims ancestrales sans pâture. D’ renaît peu à peu une angoisse nouvelle, une attraction comparable au
117 « Ce qui rêve en nous, c’est l’Esprit à l’instant il descend dans la matière », mais c’est aussi « la Matière à l’insta
118 ière », mais c’est aussi « la Matière à l’instant elle s’élève jusqu’à l’esprit. » Voilà bien la profonde ambiguïté où
119 qu’à l’esprit. » Voilà bien la profonde ambiguïté naît le romantisme, et dont il vit ! Croire que le rêve ne révèle rie
120 ppose un état passionné, une certaine température toutes choses deviennent translucides, peut-être aussi une nostalgie
121 nexprimable, dit la sainte ; et le poète : « Mais trouver des mots pour dépeindre, même faiblement, la merveille de la
122 ent du langage, de toute expression littéraire. «  trouver les mots ? », gémissent-ils. La plainte est sincère et tragiq
123 ne des expériences mystiques les plus diverses, d’ naît-il, dans quel souvenir d’une patrie heureuse et perdue ? On aura
124 moins sur les causes humaines du sentiment d’exil leur passion s’éveille. Prenons l’exemple de Karl Philip Moritz : il
125 se confondre avec le fait de vivre en général. D’ l’idée qu’il doit expier la faute qu’il n’a commise que par son exist
126 ce refus, le moi perd peu à peu de sa réalité ; d’ le sentiment si fréquent chez la plupart des romantiques d’être mal a
127 ne devient proprement chrétienne que dans le cas l’être aimé, sur la mort duquel on médite, est la personne du Christ
128 voilà justement ce qui répugne aux romantiques. D’ leur fuite dans un monde dont on ne peut rien dire. D’où encore le be
129 fuite dans un monde dont on ne peut rien dire. D’ encore le besoin qu’ils éprouvent d’affirmer surabondamment que l’on
130 a contradiction vitale dont ils souffraient, et d’ naissait leur désir angoissé de perdre leur moi personnel. Mais le mo
131 t entière dans ses rapports avec le monde réel. D’ le sentiment d’une culpabilité, inacceptable et inavouable (à cause d
132 er son unité perdue dans un monde supra-personnel les limites hostiles s’effacent, où la passion peut s’épanouir, où l’
133 pra-personnel où les limites hostiles s’effacent, la passion peut s’épanouir, où l’intensité de l’émotion remplace la v
134 stiles s’effacent, où la passion peut s’épanouir, l’intensité de l’émotion remplace la vérité mesquine des juristes. Et
135 secret de la conscience allemande, dans le drame se joue le sort de chaque personne. Oui, qu’il s’agisse de l’homme se