1
(N. Y.), le 8 août 1945. Je vous écris des bords
d’
un lac où vit encore, au plus secret des bois, l’esprit d’Œil de fauco
2
où vit encore, au plus secret des bois, l’esprit
d’
Œil de faucon et du dernier des Mohicans. L’onde en est bleue comme da
3
t encore, au plus secret des bois, l’esprit d’Œil
de
faucon et du dernier des Mohicans. L’onde en est bleue comme dans mes
4
de en est bleue comme dans mes souvenirs des lacs
de
Suisse et du Tyrol. La grande galerie ouverte où je suis installé, à
5
de galerie ouverte où je suis installé, à l’ombre
d’
un rideau de pins qui sépare seul la maison du rivage, domine une jeté
6
uverte où je suis installé, à l’ombre d’un rideau
de
pins qui sépare seul la maison du rivage, domine une jetée de bois, o
7
sépare seul la maison du rivage, domine une jetée
de
bois, où parfois vient accoster en silence un canoë dont la rameuse e
8
celantes qui volent devant vos yeux par les jours
de
chaleur. Tout le monde est accouru sur la galerie, à la nouvelle, et
9
j’ai dû raconter l’histoire comme si je revenais
d’
Hiroshima, comme si j’en étais responsable… À minuit, nous en parlions
10
crains, va se généraliser.) Et chacun s’efforçait
de
montrer que l’événement ne le prenait pas au dépourvu. — Rien de neuf
11
l’événement ne le prenait pas au dépourvu. — Rien
de
neuf en somme, disait le docteur, par pose, du ton qu’il eût diagnost
12
imple, rien qu’une invention mécanique permettant
d’
appliquer pratiquement une série de résultats acquis depuis dix ans. —
13
que permettant d’appliquer pratiquement une série
de
résultats acquis depuis dix ans. — Je savais ! déclara le capitaine,
14
lock Holmes devant Watson. Il nous donnait ainsi,
d’
un mot, la clé de ses mystérieuses disparitions dans le Sud-Ouest. L’u
15
t Watson. Il nous donnait ainsi, d’un mot, la clé
de
ses mystérieuses disparitions dans le Sud-Ouest. L’une des girls avai
16
is son enfance. (Elle est née dans un tremblement
de
terre.) — C’est sacrilège, ce qu’on vient de faire, ajouta-t-elle. On
17
aliste voulut bien s’interrompre dans un problème
d’
échecs, pour remarquer que la bombe confirmait son point de vue : la s
18
mythologie, ses lois et sa matière elle-même sont
de
purs mythes, et n’ont ni plus ni moins de réalité que les conventions
19
me sont de purs mythes, et n’ont ni plus ni moins
de
réalité que les conventions d’un jeu quelconque. — N’empêche que la b
20
t ni plus ni moins de réalité que les conventions
d’
un jeu quelconque. — N’empêche que la bombe a éclaté au moment prévu !
21
re pâle et défait, disant que sa vie n’avait plus
de
sens. Les girls, enfin, parurent émues. C’est le moment que je choisi
22
émues. C’est le moment que je choisis pour parler
d’
homéopathie. Vous savez que c’est un de mes dadas. Ma thèse est simple
23
our parler d’homéopathie. Vous savez que c’est un
de
mes dadas. Ma thèse est simple. Qu’est-ce que l’homéopathie ? L’actio
24
st simple. Qu’est-ce que l’homéopathie ? L’action
d’
un remède matériellement absent. Qu’est-ce que la bombe atomique ? L’a
25
bsent. Qu’est-ce que la bombe atomique ? L’action
d’
un point de matière subitement absent. Je développai cette théorie av
26
st-ce que la bombe atomique ? L’action d’un point
de
matière subitement absent. Je développai cette théorie aventureuse a
27
Je développai cette théorie aventureuse avec plus
d’
assurance que jamais, la Bombe autorisant toutes les hardiesses. Les m
28
e, tout comme les artilleurs et bombardiers, sont
de
l’avis qu’en augmentant les doses on augmente aussi les effets. Dix p
29
us vite ou dix fois plus profondément, dix tonnes
d’
explosif feront dix fois plus de dégâts qu’une seule. Ce système matér
30
ément, dix tonnes d’explosif feront dix fois plus
de
dégâts qu’une seule. Ce système matérialiste ne mène pas très loin. À
31
surenchère épuisante. Il ne croit pas à la vertu
de
la masse, mais bien à celle du retrait. Il prend un gramme de remède
32
mais bien à celle du retrait. Il prend un gramme
de
remède et le dilue dans cent litres d’eau ; puis il dilue un gramme d
33
un gramme de remède et le dilue dans cent litres
d’
eau ; puis il dilue un gramme de cette solution dans cent autres litre
34
dans cent litres d’eau ; puis il dilue un gramme
de
cette solution dans cent autres litres, et ainsi de suite jusqu’à ce
35
cette solution dans cent autres litres, et ainsi
de
suite jusqu’à ce qu’à la nième opération on ne trouve plus trace du r
36
f, pas même une seule molécule. Il n’y a plus que
de
l’eau pure. Et cependant, cette eau n’est pas semblable à celle qui c
37
médication classique, mais un renversement total
de
ses notions. C’est la révélation d’un univers nouveau, où le moins va
38
rsement total de ses notions. C’est la révélation
d’
un univers nouveau, où le moins va produire plus, et où l’intensité ne
39
produire plus, et où l’intensité ne dépendra plus
de
l’accumulation, mais au contraire de la subtilité poussée jusqu’à l’é
40
est pas une arme perfectionnée, c’est l’intrusion
d’
une manière toute nouvelle de traiter le monde où nous vivons. J’admir
41
e, c’est l’intrusion d’une manière toute nouvelle
de
traiter le monde où nous vivons. J’admire que la plus grande explosio
42
ous vivons. J’admire que la plus grande explosion
de
l’Histoire n’ait pas été provoquée tout bêtement par la plus grande m
43
provoquée tout bêtement par la plus grande masse
d’
explosif jamais réunie in the world, mais au contraire par la scission
44
e in the world, mais au contraire par la scission
d’
un point imperceptible à l’ultramicroscope. Voilà bien l’événement, vo
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t, voilà la nouveauté, et l’une des grandes dates
de
la terre : ce n’est qu’un rien qui s’est défait. Le docteur n’avait
46
tte formule frappante pour donner tous les signes
d’
une irritation incompressible. Il a fini par me traiter de littérateur
47
ritation incompressible. Il a fini par me traiter
de
littérateur, ce qui dans la bouche d’un savant signifie : prétentieux
48
me traiter de littérateur, ce qui dans la bouche
d’
un savant signifie : prétentieux imbécile. J’ai répliqué que la techni
49
amment ajouté que les médecins n’avaient pas lieu
de
le prendre de si haut, puisqu’ils sont notoirement incapables d’expli
50
que les médecins n’avaient pas lieu de le prendre
de
si haut, puisqu’ils sont notoirement incapables d’expliquer le rhume
51
e si haut, puisqu’ils sont notoirement incapables
d’
expliquer le rhume de cerveau, et bien entendu, de le guérir. L’argume
52
sont notoirement incapables d’expliquer le rhume
de
cerveau, et bien entendu, de le guérir. L’argument ne vaut rien, mais
53
d’expliquer le rhume de cerveau, et bien entendu,
de
le guérir. L’argument ne vaut rien, mais il était minuit, et les rieu
54
inuit, et les rieurs sont allés se coucher chacun
de
son côté, et sur sa position. Ce matin, le docteur a voulu se rattrap
55
e mille dollars que je les gagne en un an. Privés
de
petit déjeuner, nous avons vainement tenté l’analyse étymologique et
56
ainement tenté l’analyse étymologique et comparée
d’
anatomie et d’atome. Ma lettre vous paraîtra frivole, je le crains. M
57
l’analyse étymologique et comparée d’anatomie et
d’
atome. Ma lettre vous paraîtra frivole, je le crains. Mais l’événemen
58
’événement, il faut l’avouer, dépasse les limites
de
la décence. Il nous laisse comme privés de réflexes, moins inquiets q
59
imites de la décence. Il nous laisse comme privés
de
réflexes, moins inquiets qu’excités, et hilares par nervosité. Quelle
60
lle que soit d’ailleurs l’attitude qu’on juge bon
d’
adopter en sa présence, il la ridiculise sans espoir. Puisse la dispar
61
la ridiculise sans espoir. Puisse la disparition
de
mon sérieux habituel vous faire sentir, par homéopathie, la gravité d
62
el vous faire sentir, par homéopathie, la gravité
de
ce qui vient de se passer. Je ne la pressens encore qu’à peine, pour
63
ke George (N. Y.), le 12 août 1945. On nous parle
d’
armistice depuis hier. Est-ce encore une de ces fausses nouvelles comm
64
parle d’armistice depuis hier. Est-ce encore une
de
ces fausses nouvelles comme cette guerre en a vu tant, qui ne font qu
65
tte guerre en a vu tant, qui ne font qu’anticiper
d’
un ou deux jours sur la réalité ? La libération de Paris a été fêtée u
66
d’un ou deux jours sur la réalité ? La libération
de
Paris a été fêtée un soir à New York, démentie le lendemain, confirmé
67
jours plus tard. Effet manqué. C’était pourtant,
d’
une manière symbolique, la date capitale de la guerre. De même la vict
68
rtant, d’une manière symbolique, la date capitale
de
la guerre. De même la victoire en Europe nous fut annoncée en deux te
69
ous fut annoncée en deux temps, laissant la foule
de
Times Square perplexe. Cela n’est pas sans conséquences pour le moral
70
e. Cela n’est pas sans conséquences pour le moral
de
la population. Rien de plus malsain que de couper court à un élan de
71
moral de la population. Rien de plus malsain que
de
couper court à un élan de soulagement collectif, après des années de
72
ien de plus malsain que de couper court à un élan
de
soulagement collectif, après des années de discipline et de souci. L’
73
n élan de soulagement collectif, après des années
de
discipline et de souci. L’explosion vitale et délirante qui devait ma
74
ment collectif, après des années de discipline et
de
souci. L’explosion vitale et délirante qui devait marquer la fin d’un
75
ion vitale et délirante qui devait marquer la fin
d’
une ère, a fait long feu. On dit que les accidents de ce genre, dans d
76
ne ère, a fait long feu. On dit que les accidents
de
ce genre, dans divers ordres, sont souvent l’origine d’une névrose… M
77
genre, dans divers ordres, sont souvent l’origine
d’
une névrose… Mais cette fois-ci, prématurée ou non, la nouvelle de la
78
ais cette fois-ci, prématurée ou non, la nouvelle
de
la fin de la guerre se trouve déclassée par la Bombe. Nous n’aurons p
79
fois-ci, prématurée ou non, la nouvelle de la fin
de
la guerre se trouve déclassée par la Bombe. Nous n’aurons pas de Onze
80
trouve déclassée par la Bombe. Nous n’aurons pas
de
Onze Novembre, parce que nous venons d’avoir un Six Août, et que c’es
81
urons pas de Onze Novembre, parce que nous venons
d’
avoir un Six Août, et que c’est à partir de la Bombe, non de la paix,
82
Six Août, et que c’est à partir de la Bombe, non
de
la paix, que l’ère nouvelle sera comptée. D’ailleurs, il s’agit moins
83
ouvelle sera comptée. D’ailleurs, il s’agit moins
de
la naissance d’une paix que de la mort subite de la guerre. Car c’est
84
ptée. D’ailleurs, il s’agit moins de la naissance
d’
une paix que de la mort subite de la guerre. Car c’est la guerre en gé
85
s, il s’agit moins de la naissance d’une paix que
de
la mort subite de la guerre. Car c’est la guerre en général qui vient
86
de la naissance d’une paix que de la mort subite
de
la guerre. Car c’est la guerre en général qui vient d’être atteinte e
87
guerre. Car c’est la guerre en général qui vient
d’
être atteinte en plein cœur. Voilà qui me frappe bien davantage que l’
88
e frappe bien davantage que l’aspect scientifique
de
l’invention, ou que l’aspect criminel de son application à 300 000 Ja
89
ntifique de l’invention, ou que l’aspect criminel
de
son application à 300 000 Japonais non prévenus. La science ira beauc
90
t oubliés dans une génération. Mais quelque chose
d’
irréparable s’est produit. La principale victime de la bombe atomique
91
’irréparable s’est produit. La principale victime
de
la bombe atomique a été la guerre, qui en est morte en trois jours. S
92
ire — c’était la guerre tout court — elle a moins
de
chances de renaître et moins d’avenir que les ordres de chevalerie. J
93
it la guerre tout court — elle a moins de chances
de
renaître et moins d’avenir que les ordres de chevalerie. Je ne dis pa
94
rt — elle a moins de chances de renaître et moins
d’
avenir que les ordres de chevalerie. Je ne dis pas que les conflits vo
95
nces de renaître et moins d’avenir que les ordres
de
chevalerie. Je ne dis pas que les conflits vont cesser ; que les fort
96
fondre, les frontières s’évanouir, les gangsters
de
tous ordres modérer leurs ardeurs ; que les microbes vont faire la pa
97
ur métier. Et que par conséquent il n’y aura plus
de
guerre au sens classique et multimillénaire du mot. « Il y aura toujo
98
ercées au centre, retraites stratégiques, mordant
de
l’infanterie, ordres du jour électrisants et grands chefs adulés par
99
des bataillons, des trajectoires et des vitesses
d’
avions, fait place aux raffinements ultramathématiques de la physique
100
s, fait place aux raffinements ultramathématiques
de
la physique post-einsteinienne. La question de compétence est tranché
101
es de la physique post-einsteinienne. La question
de
compétence est tranchée sans réplique au détriment définitif des géné
102
restance, la discipline aveugle, les grands coups
de
gueule, les traditions de corps, le génie du poker et la cravache, n’
103
eugle, les grands coups de gueule, les traditions
de
corps, le génie du poker et la cravache, n’ont pas d’emploi dans les
104
orps, le génie du poker et la cravache, n’ont pas
d’
emploi dans les laboratoires. Les capitaines au grand cœur et les armé
105
qui s’avanceraient avec une mâle vertu au-devant
de
la bombe atomique, nous reviendraient après quelques minutes sous for
106
l’appareil militaire qu’ont chanté les Déroulède
de
tous les temps, appartient en principe aux musées, depuis le 6 août.
107
ont plus servir, à l’occasion, que pour le combat
de
rues, les petites guerres civiles et autres différends d’intérêt loca
108
les petites guerres civiles et autres différends
d’
intérêt local, voire municipal, au titre de la police et des pompiers.
109
érends d’intérêt local, voire municipal, au titre
de
la police et des pompiers. Il ne faut pas se dissimuler que ce déclas
110
aut pas se dissimuler que ce déclassement brusque
de
la guerre va provoquer dans le monde entier un sentiment de vague et
111
re va provoquer dans le monde entier un sentiment
de
vague et vaste frustration. (L’Europe sera plus touchée que l’Amériqu
112
e que l’Amérique.) On ne se guérit pas facilement
de
l’ablation à chaud d’une coutume ancestrale, du goût des uniformes, d
113
ne se guérit pas facilement de l’ablation à chaud
d’
une coutume ancestrale, du goût des uniformes, du jeu des soldats de p
114
strale, du goût des uniformes, du jeu des soldats
de
plomb, et de l’usage quotidien de métaphores guerrières, intimement l
115
ût des uniformes, du jeu des soldats de plomb, et
de
l’usage quotidien de métaphores guerrières, intimement lié, depuis La
116
jeu des soldats de plomb, et de l’usage quotidien
de
métaphores guerrières, intimement lié, depuis Lancelot, à la sexualit
117
, les « grandes parades » qui firent le principal
de
notre Histoire ? Tel est l’un des problèmes psychologiques que pose a
118
psychologiques que pose au siècle la bipartition
d’
un seul atome. Il en est d’autres, dont nous avons parlé abondamment c
119
x voyages ? Ils vont mourir aussi, avec la poésie
de
la durée, de la distance et de la nostalgie. Jusqu’au jour où l’human
120
ls vont mourir aussi, avec la poésie de la durée,
de
la distance et de la nostalgie. Jusqu’au jour où l’humanité, sur les
121
si, avec la poésie de la durée, de la distance et
de
la nostalgie. Jusqu’au jour où l’humanité, sur les traces d’un grand
122
lgie. Jusqu’au jour où l’humanité, sur les traces
d’
un grand philosophe, découvrira ce luxe inouï : la lenteur au sein du
123
w York, fin septembre 1945. J’ai quitté les bords
de
mon lac. J’ai perdu cette lenteur et ce silence aimés. Je doute de le
124
perdu cette lenteur et ce silence aimés. Je doute
de
les retrouver jamais dans cet « âge atomique » dont tout le monde par
125
bien, vous pourriez le prévoir, puisqu’il s’agit
de
l’Amérique : les uns ont adopté le point de vue de la morale, les aut
126
e l’Amérique : les uns ont adopté le point de vue
de
la morale, les autres celui de l’efficience. Pasteurs, évêques, popes
127
té le point de vue de la morale, les autres celui
de
l’efficience. Pasteurs, évêques, popes, rabbins et curés ont adressé
128
st qu’il est criminel non point tant de tuer, que
de
tuer en masses, et par des procédés nouveaux. Ce clergé parle au nom
129
peur indignée, voire humiliée, qu’un grand nombre
d’
Américains ont accueilli la nouvelle de la Bombe. — Nous avons perdu l
130
and nombre d’Américains ont accueilli la nouvelle
de
la Bombe. — Nous avons perdu la face, s’écriaient-ils, nous avons mor
131
ns peut-être tuée, et nous avons sauvé un million
de
vies. Voilà du beau travail américain. — Êtes-vous sûrs, répliquent l
132
contre un débarquement. Notre presse s’est gardée
d’
insister sur les informations de ce genre. — Mais si la Bombe a fourni
133
esse s’est gardée d’insister sur les informations
de
ce genre. — Mais si la Bombe a fourni le prétexte, c’est donc elle, p
134
re, nous pensons que la guerre allait se terminer
de
toute façon. La Bombe n’a donc servi que le Mikado, et c’est pour lui
135
tué des innocents, femmes et bébés par centaines
de
milliers. — Que fallait-il donc faire à votre avis ? Détruire la bomb
136
les recherches avaient échoué ? Courir le risque
de
prolonger la guerre de quelques mois ? N’employer que les bons vieux
137
échoué ? Courir le risque de prolonger la guerre
de
quelques mois ? N’employer que les bons vieux procédés tacitement app
138
édés tacitement approuvés jusqu’ici par le clergé
de
tous les pays, comme les coups de baïonnette dans le bas-ventre et le
139
i par le clergé de tous les pays, comme les coups
de
baïonnette dans le bas-ventre et le lance-flamme qui grille son homme
140
ion dépeuplée du Japon, en invitant les seigneurs
de
Tokyo à visiter les lieux dans l’heure suivante ? Ils auraient eu leu
141
tte. Mais certains, qui ne disent rien, ont l’air
de
dire : — Parlez toujours ! Le fait est que nous l’avons, la Bombe ! E
142
es, les réalistes, et les cyniques (variété myope
de
l’espèce réaliste). Le fait brutal, c’est que ce débat n’est pas à l’
143
brutal, c’est que ce débat n’est pas à l’échelle
de
l’Histoire. Ce qui domine en vérité tous les esprits, ce n’est pas la
144
vérité tous les esprits, ce n’est pas la question
de
ce qu’il eût fallu faire, mais bien de ce qui va nous arriver. Car pe
145
a question de ce qu’il eût fallu faire, mais bien
de
ce qui va nous arriver. Car personne, sérieusement, n’ose opiner qu’i
146
sérieusement, n’ose opiner qu’il était préférable
de
détruire la Bombe et tout le Manhattan Project. C’est peut-être humil
147
dans l’état du spectateur à l’approche du climax
d’
un bon film policier. Si l’on nous privait de la Bombe, je suis sûr qu
148
imax d’un bon film policier. Si l’on nous privait
de
la Bombe, je suis sûr que la déception surpasserait de beaucoup le so
149
Bombe, je suis sûr que la déception surpasserait
de
beaucoup le soulagement. L’Histoire a parlé. Répondons. (Même si elle
150
parlé. Répondons. (Même si elle avait mieux fait
de
se taire.) Bâtard ou non, l’âge atomique est né. Vous me dites que l’
151
resque inimaginables qui vont se produire. Un âge
de
folie pure peut-être, mais c’en est fait, nous sommes embarqués. Et t
152
discussions rétrospectives sont vaines. Il s’agit
de
faire face à ce qui vient, dans l’incompétence générale.
153
ginons ! Voici la base scientifique et officielle
de
quelques idées folles que je conçois. La bombe d’Hiroshima, transport
154
de quelques idées folles que je conçois. La bombe
d’
Hiroshima, transportée par un B-29 volant à 550 km à l’heure, ne pesai
155
in nous annonce comme « certaine » la fabrication
d’
appareils volant plus vite que le son ne se propage — vous ne les ente
156
eur passage — c’est-à-dire jamais — et « capables
d’
attaquer n’importe quel point de la planète » en partant des États-Uni
157
s — et « capables d’attaquer n’importe quel point
de
la planète » en partant des États-Unis. On annonce au surplus que ce
158
des États-Unis. On annonce au surplus que ce mode
de
transport sera rapidement supplanté par le catapultage stratosphériqu
159
par le catapultage stratosphérique. Paris détruit
de
New York en 2 heures, de Berne, de Bruxelles ou de Londres en cinq mi
160
sphérique. Paris détruit de New York en 2 heures,
de
Berne, de Bruxelles ou de Londres en cinq minutes, à partir du début
161
Paris détruit de New York en 2 heures, de Berne,
de
Bruxelles ou de Londres en cinq minutes, à partir du début de la guer
162
e New York en 2 heures, de Berne, de Bruxelles ou
de
Londres en cinq minutes, à partir du début de la guerre. Le progrès,
163
ou de Londres en cinq minutes, à partir du début
de
la guerre. Le progrès, disait Baudelaire, consiste dans la réduction
164
chnique moderne préfère le mesurer à la réduction
de
la durée d’agonie d’une population. L’idéal de nos contemporains para
165
rne préfère le mesurer à la réduction de la durée
d’
agonie d’une population. L’idéal de nos contemporains paraît bien être
166
re le mesurer à la réduction de la durée d’agonie
d’
une population. L’idéal de nos contemporains paraît bien être de mouri
167
on de la durée d’agonie d’une population. L’idéal
de
nos contemporains paraît bien être de mourir sans le savoir, et sans
168
on. L’idéal de nos contemporains paraît bien être
de
mourir sans le savoir, et sans avoir le temps de dire ouf. À quoi l’o
169
de mourir sans le savoir, et sans avoir le temps
de
dire ouf. À quoi l’on pourrait opposer le utinam notus moriar 2 du po
170
utinam notus moriar 2 du poète latin. Mais trêve
de
vains regrets. Nous sommes en pleine folie. Et je décide de m’y aband
171
egrets. Nous sommes en pleine folie. Et je décide
de
m’y abandonner le temps de cette lettre. Ce qui me stupéfie, c’est la
172
ne folie. Et je décide de m’y abandonner le temps
de
cette lettre. Ce qui me stupéfie, c’est la paresse et la mollesse de
173
qui me stupéfie, c’est la paresse et la mollesse
de
l’imagination dans notre siècle. Une Emily Brontë qui ne savait rien
174
t pu vivre aucune passion véritablement partagée,
de
celles où l’être se consume et se consomme en s’engageant, nous donne
175
se consomme en s’engageant, nous donne Les Hauts
de
Hurlevent. Mais nous qui avons connu par la persécution Hitler, Stali
176
nous restons plus stupides qu’une vache au seuil
de
l’ère des miracles précis. Le xxe siècle est abruti sous trois rappo
177
deux spécialités plutôt maniaques : le maniement
de
ses machines et de son argent. (Encore n’est-il pas trop brillant sur
178
lutôt maniaques : le maniement de ses machines et
de
son argent. (Encore n’est-il pas trop brillant sur le second chef.) L
179
oins la seule qu’ils aient osé communiquer, c’est
de
faire rentrer les villes sous terre. (Réflexe de honte, si j’en crois
180
de faire rentrer les villes sous terre. (Réflexe
de
honte, si j’en crois l’expression.) L’un d’entre eux imagine de creus
181
’en crois l’expression.) L’un d’entre eux imagine
de
creuser un grand puits sous le gratte-ciel nommé Empire State qui a 4
182
e gratte-ciel nommé Empire State qui a 400 mètres
d’
altitude et cent étages. On le mettrait à la cave, pour la durée du ra
183
ière bombe serait pour New York, et mettrait hors
d’
usage en une seconde le mécanisme du rentrer sous terre. Je m’en tiens
184
rit dans une précédente lettre : la seule défense
d’
une ville est sa mobilité. J’entends bien : sa mobilité perpétuelle. A
185
t, si vous prenez les statistiques des compagnies
de
transport de ce pays, vous verrez qu’une fraction importante de la po
186
enez les statistiques des compagnies de transport
de
ce pays, vous verrez qu’une fraction importante de la population se d
187
e ce pays, vous verrez qu’une fraction importante
de
la population se déplace continuellement. Le système de défense que j
188
population se déplace continuellement. Le système
de
défense que je propose ne changerait guère cette condition. Simplemen
189
que ce soient leurs habitants. C’est une question
de
rails ou d’hélices. Car je ne doute pas que nos constructeurs d’avion
190
t leurs habitants. C’est une question de rails ou
d’
hélices. Car je ne doute pas que nos constructeurs d’avions, utilisant
191
élices. Car je ne doute pas que nos constructeurs
d’
avions, utilisant l’énergie atomique, n’arrivent à transporter des mai
192
et des tempêtes. On dispose un filet aux mailles
d’
acier, on embraye un hélicoptère, et voilà la maison qui s’envole cepe
193
sans perdre l’équilibre et que la radio ne cesse
de
ronronner. Le lendemain on se pose en Floride, sur un terrain loué d’
194
demain on se pose en Floride, sur un terrain loué
d’
avance. (Querelle dans l’air de deux maisons qui prétendent se garer a
195
ur un terrain loué d’avance. (Querelle dans l’air
de
deux maisons qui prétendent se garer au même endroit). Vous allez me
196
me dire : mais c’est affreux, nous n’aurions plus
de
racines nulle part ! Avez-vous remarqué que toute l’évolution, à part
197
evenir les paysans, seront les premiers objectifs
de
la bombe. Nous ne les abandonnerons pas pour si peu. Nous les transpo
198
es transporterons à la campagne. Il n’y aura plus
de
campagne ni de centres urbains, mais une circulation perpétuelle sur
199
ns à la campagne. Il n’y aura plus de campagne ni
de
centres urbains, mais une circulation perpétuelle sur la Terre et les
200
entimentales, sociales et politiques vont changer
de
nature radicalement, si toutefois l’Histoire dure encore (mais pour q
201
e (mais pour qu’elle dure, il nous faudra changer
de
gouvernants). Si mes arguments, jusqu’ici, n’ont pas suffi à vous con
202
très excitée par l’annonce que les vaches rouges
de
la contrée sont devenues blanches à la suite de la première expérienc
203
ues blanches à la suite de la première expérience
d’
explosion atomique au mois de juillet. » — « Carrizozo (New Mexico). U
204
première expérience d’explosion atomique au mois
de
juillet. » — « Carrizozo (New Mexico). Un chat noir est devenu à moit
205
r est devenu à moitié blanc. Un cowboy du village
de
Brigham accuse l’Atome d’avoir fait grisonner sa barbe. » — « Boston
206
c. Un cowboy du village de Brigham accuse l’Atome
d’
avoir fait grisonner sa barbe. » — « Boston (Mass.). Un savant prévoit
207
faire sauter une ville. » « Washington, D.C. Plus
de
5000 produits et procédés industriels d’usage immédiat ont été invent
208
.C. Plus de 5000 produits et procédés industriels
d’
usage immédiat ont été inventés au cours des travaux sur la bombe atom
209
rs des travaux sur la bombe atomique dans l’usine
de
Oak Ridge, Tennessee. » Mais ce ne sont là que des « faits », comme d
210
politiciens cyniques. Les faits sont les déchets
de
l’imagination. Et ceux que nous voyons aujourd’hui, et que nous étudi
211
us sous lequel nous approchons le réel. Changeons
d’
angle et le monde changera. Nous verrons d’autres « faits », nous trou
212
, je vous envoie une petite parabole que je viens
d’
écrire pour un livre en préparation. « Tout cela est très joli ! disai
213
, la seule méthode honnête, rigoureuse, éprouvée,
d’
analyse ou de construction. La seule utile, la seule qui réussisse et
214
thode honnête, rigoureuse, éprouvée, d’analyse ou
de
construction. La seule utile, la seule qui réussisse et qui progresse
215
s semblez croire que nous sommes libres désormais
de
penser n’importe quoi, et que cela changera tout. Pardon ! La science
216
uves que les superstitions seraient bien en peine
de
réfuter ou d’égaler. Elle guérit ! Elle invente des machines qui font
217
uperstitions seraient bien en peine de réfuter ou
d’
égaler. Elle guérit ! Elle invente des machines qui font déjà 1000 kil
218
! Elle vérifie par des faits éclatants, du genre
de
la bombe atomique, ses spéculations les plus “folles” ! Libre à vous
219
ses spéculations les plus “folles” ! Libre à vous
de
prendre pour but l’évocation des fées du Moyen Âge : jamais une fée n
220
pas folle, c’est qu’elle nous permet aujourd’hui
d’
aller beaucoup plus vite qu’il y a cent ans. Voilà qui est sérieux, me
221
sant le contester autour de moi, je crois prudent
de
l’accepter. J’admets aussi que l’évocation des fées ne sert à rien et
222
ant que dans quelques siècles, les hommes cessent
de
trouver amusant d’aller plus vite, et donc commencent à se demander à
223
es siècles, les hommes cessent de trouver amusant
d’
aller plus vite, et donc commencent à se demander à quoi cela sert. Su
224
pposez que leur plaisir nouveau et principal soit
d’
évoquer quelque chose comme les fées, et qu’ils y arrivent après deux
225
et qu’ils y arrivent après deux ou trois siècles
d’
application des bons esprits. Voilà le sérieux nouveau, l’utilité urge
226
, inventent mille tours sentimentaux insoupçonnés
de
notre barbarie, créent l’immobilité dont le sous-produit nommé lenteu
227
r est vénéré par quelques sectes populaires, font
de
la mort une plaisanterie d’un goût sublime qui perd son sel à être ré
228
ctes populaires, font de la mort une plaisanterie
d’
un goût sublime qui perd son sel à être répétée, étouffent d’une seule
229
ublime qui perd son sel à être répétée, étouffent
d’
une seule pensée les explosions cosmiques, etc. Libre à vous de prendr
230
ensée les explosions cosmiques, etc. Libre à vous
de
prendre pour but la construction d’un moteur atomique : jamais un mot
231
Libre à vous de prendre pour but la construction
d’
un moteur atomique : jamais un moteur atomique n’a évoqué la moindre f
232
, les généraux, et quelques vulgarisateurs en mal
d’
idées, ont trouvé deux moyens d’esquiver la question posée par la bomb
233
arisateurs en mal d’idées, ont trouvé deux moyens
d’
esquiver la question posée par la bombe atomique. Ils essaient d’encha
234
uestion posée par la bombe atomique. Ils essaient
d’
enchaîner le monstre avec des agrafes de dossiers : c’est un secret qu
235
essaient d’enchaîner le monstre avec des agrafes
de
dossiers : c’est un secret que nous garderons, c’est un dépôt sacré,
236
c’est un dépôt sacré, disent-ils. Et sans l’avis
d’
aucun savant autorisé, ils parlent de défenses possibles, si toutefois
237
sans l’avis d’aucun savant autorisé, ils parlent
de
défenses possibles, si toutefois on leur laisse le commandement. Je l
238
n expliqué dans le Times : le seul et vrai secret
de
la Bombe atomique réside dans la puissance industrielle de l’Amérique
239
be atomique réside dans la puissance industrielle
de
l’Amérique. C’est assez dire qu’il n’est que temporaire. Quant au sec
240
l n’est que temporaire. Quant au secret technique
de
la détonation, dans quelques mois les Russes l’auront, et les Françai
241
tes ou le Sénat, l’existence actuelle ou possible
de
la moindre défense effective contre un raid atomique par surprise. Vo
242
aid atomique par surprise. Voici cependant l’état
de
l’opinion américaine en cette fin d’année 1945. M. Georges Gallup vie
243
ndant l’état de l’opinion américaine en cette fin
d’
année 1945. M. Georges Gallup vient d’établir que 71 % des citoyens de
244
n cette fin d’année 1945. M. Georges Gallup vient
d’
établir que 71 % des citoyens de ce pays « refusent de livrer le contr
245
rges Gallup vient d’établir que 71 % des citoyens
de
ce pays « refusent de livrer le contrôle de la Bombe aux Nations unie
246
ablir que 71 % des citoyens de ce pays « refusent
de
livrer le contrôle de la Bombe aux Nations unies », cependant que la
247
oyens de ce pays « refusent de livrer le contrôle
de
la Bombe aux Nations unies », cependant que la même enquête révèle qu
248
t persuadés que « le secret ne peut être gardé ».
D’
où je déduis que la proportion des Américains raisonnables (j’entends
249
n des Américains raisonnables (j’entends capables
de
rapprocher deux idées et d’en tirer une conclusion logique) est au pl
250
s (j’entends capables de rapprocher deux idées et
d’
en tirer une conclusion logique) est au plus de 35 %. Est-ce peu ou be
251
et d’en tirer une conclusion logique) est au plus
de
35 %. Est-ce peu ou beaucoup pour un peuple ? Je n’en jugerais qu’apr
252
les savants sérieux ne partagent point. On parle
de
radars omniscients, et de rayons qui feraient sauter la Bombe tôt apr
253
rtagent point. On parle de radars omniscients, et
de
rayons qui feraient sauter la Bombe tôt après son départ, chez l’adve
254
procédés, leur mise en œuvre supposerait un état
de
mobilisation permanente qui sous prétexte d’éviter la guerre, tuerait
255
état de mobilisation permanente qui sous prétexte
d’
éviter la guerre, tuerait la paix. Une partie de la population serait
256
e d’éviter la guerre, tuerait la paix. Une partie
de
la population serait employée à surveiller le ciel, l’autre partie à
257
t nous sommes sans défense, mais encore le secret
de
la Bombe sera demain celui de Polichinelle, et enfin si quelqu’un nou
258
is encore le secret de la Bombe sera demain celui
de
Polichinelle, et enfin si quelqu’un nous attaque, nous ne saurons pas
259
pays, disons la Suisse, manufacture une douzaine
de
bombes. Ce n’est pas une question d’argent comme on le croit — les gr
260
une douzaine de bombes. Ce n’est pas une question
d’
argent comme on le croit — les grosses dépenses ont été faites par l’A
261
tes par l’Amérique, pendant les recherches — mais
d’
ingéniosité et d’équipement technique, et vous savez que la Suisse pos
262
e, pendant les recherches — mais d’ingéniosité et
d’
équipement technique, et vous savez que la Suisse possède tout cela. E
263
tout cela. En fait, c’est à l’École polytechnique
de
Zurich que sont nés les travaux d’Einstein. Supposez maintenant que c
264
polytechnique de Zurich que sont nés les travaux
d’
Einstein. Supposez maintenant que ce petit pays, pour se tirer d’un ma
265
posez maintenant que ce petit pays, pour se tirer
d’
un mauvais pas, envoie deux ou trois bombes sur New York. (Je prends l
266
st trop tard pour échanger des notes et des coups
de
chapeau haut de forme. Voilà Moscou et Kiev en ruines dans les trois
267
nt-Louis, et détruisent Londres par simple mesure
de
précaution. Et ainsi de suite : dans le langage technique, cela s’app
268
Londres par simple mesure de précaution. Et ainsi
de
suite : dans le langage technique, cela s’appelle chain-reaction. En
269
l’expression est devenue si vraie qu’elle a cessé
de
nous frapper. Une apathie étrange me semble s’établir dans les masses
270
veille sur son « dépôt sacré ». Le monde n’a pas
de
gouvernement. Je ne suis pas sûr que les nations en aient. Et nous re
271
ous restons les bras ballants, pensant aux achats
de
Noël… J’ai trouvé quelques paires de nylons. Je sens que vous allez m
272
t aux achats de Noël… J’ai trouvé quelques paires
de
nylons. Je sens que vous allez me répondre…
273
Princeton (N. J.) le 21 octobre 1945. À une heure
de
New York, à Princeton où je suis en train de m’installer, tout respir
274
, tout respire une paix claustrale. Les bâtiments
de
l’Université, en style néo-gothique d’Oxford, dernier confort, s’espa
275
bâtiments de l’Université, en style néo-gothique
d’
Oxford, dernier confort, s’espacent dans des parcs dont l’automne enco
276
C’est dans ce cadre trop parfait, cette ambiance
d’
innocence, de sports et d’ombres vertes, que vivent et pensent quelque
277
e cadre trop parfait, cette ambiance d’innocence,
de
sports et d’ombres vertes, que vivent et pensent quelques-uns des esp
278
parfait, cette ambiance d’innocence, de sports et
d’
ombres vertes, que vivent et pensent quelques-uns des esprits qui auro
279
moi, et c’était l’un des as du très petit groupe
de
mathématiciens et de physiciens qui a mis au point la bombe atomique.
280
des as du très petit groupe de mathématiciens et
de
physiciens qui a mis au point la bombe atomique. Tout à l’heure, deva
281
ma fenêtre, un homme en sweater bleu et pantalon
de
flanelle passait les cheveux au vent — deux belles touffes blanches e
282
blanches en désordre « génial » — et c’était l’un
de
mes voisins, Albert Einstein, le patriarche du nouvel âge, le Moïse d
283
met en fuite ma petite fille. À quoi pense-t-il ?
De
ce cerveau est sortie l’équation qui est en train de bouleverser le m
284
le vois : E = mc2. L’énergie est égale au produit
de
la masse par le carré de la vitesse lumineuse. On n’a jamais tant dit
285
gie est égale au produit de la masse par le carré
de
la vitesse lumineuse. On n’a jamais tant dit en si peu de signes. Mai
286
signes. Mais je ne suis pas un physicien, et n’ai
d’
autre spécialité que de réfléchir aux conséquences générales des décou
287
pas un physicien, et n’ai d’autre spécialité que
de
réfléchir aux conséquences générales des découvertes particulières, e
288
mme partout en Amérique — mais dans notre Réserve
d’
intellectuels avec plus de compétence qu’ailleurs — la discussion sur
289
mais dans notre Réserve d’intellectuels avec plus
de
compétence qu’ailleurs — la discussion sur l’avenir de la Bombe bat s
290
mpétence qu’ailleurs — la discussion sur l’avenir
de
la Bombe bat son plein. Bien entendu, l’opinion des savants domine to
291
dents et sages. Ils se sentent accusés sourdement
d’
avoir causé 200 000 morts et créé une menace planétaire. Aussi défende
292
es serait la fin des hommes, et que le seul moyen
de
l’empêcher est un gouvernement mondial. Ils partagent mon avis sur l’
293
on avis sur l’inutilité des armées et des flottes
de
l’air ou de la mer, cependant que les généraux, les journalistes et l
294
l’inutilité des armées et des flottes de l’air ou
de
la mer, cependant que les généraux, les journalistes et les politicie
295
x, les journalistes et les politiciens continuent
de
déraisonner comme un seul homme. Le New York Times de ce matin fourni
296
éraisonner comme un seul homme. Le New York Times
de
ce matin fournit de nouveaux arguments, très puissants mais contradic
297
seul homme. Le New York Times de ce matin fournit
de
nouveaux arguments, très puissants mais contradictoires, aux deux fac
298
ue, ne peut qu’augmenter l’importance des troupes
de
terre. C’est bien l’avis qu’on attendait d’un général. Et il illustre
299
oupes de terre. C’est bien l’avis qu’on attendait
d’
un général. Et il illustre sa pensée. « Supposez, dit-il, deux savants
300
rrifiante explosion se produit dans le territoire
de
l’autre. Le processus se poursuit, jusqu’au jour où quelqu’un s’empar
301
se poursuit, jusqu’au jour où quelqu’un s’empare
d’
un des boutons : et voilà qui suppose une force armée. » Le général Ma
302
général Marshall ajoute : « Les gens qui parlent
d’
une guerre purement technique oublient le fait qu’une pareille guerre
303
s en position, il faut des troupes pour s’emparer
d’
une île qui nous servira de base de tir. » Et il conclut que les condi
304
troupes pour s’emparer d’une île qui nous servira
de
base de tir. » Et il conclut que les conditions fondamentales de la g
305
pour s’emparer d’une île qui nous servira de base
de
tir. » Et il conclut que les conditions fondamentales de la guerre n’
306
» Et il conclut que les conditions fondamentales
de
la guerre n’ont pas changé davantage qu’elles ne le firent lors de l’
307
vantage qu’elles ne le firent lors de l’invention
de
la poudre. Mais trois colonnes plus loin, sur la même page du New Yor
308
s populeux des États-Unis puisse tuer 40 millions
d’
Américains ?”, le savant a répondu : “Je crains que oui.” » Or ceci tu
309
la, me semble-t-il. Si impertinent qu’il paraisse
de
critiquer l’avis d’un militaire que le président Truman déclarait réc
310
Si impertinent qu’il paraisse de critiquer l’avis
d’
un militaire que le président Truman déclarait récemment « plus grand
311
infanterie et les chars nécessaires à la conquête
d’
une île ou des bases ennemies, il faudra plusieurs heures, sinon plusi
312
. Or au moment où ces troupes partiront, un tiers
de
la population aura été tué. Pendant le voyage, un autre tiers subira
313
ira probablement le même sort. Imaginons le moral
de
ces soldats. Ils sauront qu’ils ont peu de chances de recevoir des re
314
es soldats. Ils sauront qu’ils ont peu de chances
de
recevoir des renforts et des munitions de leur pays, plus qu’à moitié
315
chances de recevoir des renforts et des munitions
de
leur pays, plus qu’à moitié détruit. Ils verront que la guerre n’a pl
316
oitié détruit. Ils verront que la guerre n’a plus
de
sens humain. D’ailleurs l’île qu’ils iront conquérir sera déjà réduit
317
campagne en occupant le terrain. Mais dans le cas
d’
une guerre atomique, il n’est pas sûr, ni même probable, que l’agresse
318
ni même probable, que l’agresseur juge bien utile
de
venir disputer à ses victimes des ruines encore radioactives. De même
319
nt ? La guerre n’a plus d’autres secrets que ceux
de
l’industrie, qui sont ceux de la science, qui n’a d’autre désir que d
320
es secrets que ceux de l’industrie, qui sont ceux
de
la science, qui n’a d’autre désir que de les publier. Je maintiens qu
321
l’industrie, qui sont ceux de la science, qui n’a
d’
autre désir que de les publier. Je maintiens que la guerre est morte,
322
ont ceux de la science, qui n’a d’autre désir que
de
les publier. Je maintiens que la guerre est morte, la guerre des mili
323
it-il oublié, lorsqu’il parle tout tranquillement
d’
« un processus qui se poursuit » ? La discussion, comme on dit, reste
324
haitons qu’elle le reste longtemps. Car il s’agit
d’
un problème dont la preuve, si elle était jamais administrée, ne pourr
325
Vos objections à ma thèse sur l’armée et la mort
de
la guerre militaire, m’obligent à vous demander de relire mes lettres
326
e la guerre militaire, m’obligent à vous demander
de
relire mes lettres. J’avais tout réfuté d’avance. Mais je m’aperçois
327
mander de relire mes lettres. J’avais tout réfuté
d’
avance. Mais je m’aperçois que votre attitude est plus sentimentale qu
328
et qu’en vertu de cette disposition, c’est le ton
de
ma correspondance qui a seul agi sur vous, et non mes arguments. Vous
329
sur vous, et non mes arguments. Vous me reprochez
d’
exagérer, et de porter « à la légère » des jugements fort graves en vé
330
n mes arguments. Vous me reprochez d’exagérer, et
de
porter « à la légère » des jugements fort graves en vérité. Je crains
331
ue nous n’ayons plus la même notion du sérieux et
de
la gravité. Vous êtes encore préatomique. Ce n’est pas seulement un o
332
onsables du sort commun agissent exactement comme
d’
habitude, c’est-à-dire peu ou pas du tout ; quand je vois que le ciel
333
e du Congrès américain discute encore la question
de
savoir si la guerre a pris fin légalement le 14 août ou le 2 septembr
334
les savants unanimes déclarer qu’il n’existe pas
de
défense imaginable contre un raid atomique, et que cependant les géné
335
nscription obligatoire ; quand je vois les ruines
de
l’Europe, et que cependant on y fabrique des armes et on y coud des u
336
des uniformes, au lieu de rebâtir des maisons et
de
vêtir ceux qui sont nus ; quand je vois la guerre et que chacun s’y p
337
chère amie, je souris. C’est ma manière nouvelle
d’
être sérieux. Voulez-vous que je pleure toute la journée, que je rugis
338
e des airs ? Ou que j’écrive avec un style pesant
de
politicien et une logique de militaire des articles mesurés sur la fo
339
avec un style pesant de politicien et une logique
de
militaire des articles mesurés sur la folie du siècle ? Ce n’est pas
340
n’est pas une folie furieuse, hélas, il s’en faut
de
beaucoup. C’est une léthargie de l’âme accompagnée de bavardage sente
341
as, il s’en faut de beaucoup. C’est une léthargie
de
l’âme accompagnée de bavardage sentencieux, qui rappellerait l’état d
342
eaucoup. C’est une léthargie de l’âme accompagnée
de
bavardage sentencieux, qui rappellerait l’état de la société français
343
de bavardage sentencieux, qui rappellerait l’état
de
la société française à la veille de la Révolution. Tout le monde voit
344
lerait l’état de la société française à la veille
de
la Révolution. Tout le monde voit les abus, le danger imminent et l’i
345
— Oh l’ennuyeux ! Depuis le temps qu’on en parle
de
cette bombe atomique. Vous n’auriez pas d’autres sujets moins assomma
346
subite, si vous voulez, et la liquidation en gros
de
l’humanité ! — Je vois que vous n’êtes pas trop sérieux. Notez que je
347
t sur une allusion aux experts ou aux complexités
de
la politique, je n’y entends rien ni vous non plus, et j’ai des rende
348
c l’époque. Je vois que la mort en masse l’attend
d’
une heure à l’autre. Si elle s’en moque, que voulez-vous que je fasse
349
uation, qui est la suivante : Guerre. Les armées
de
terre et de mer seront privées de ravitaillement et immobilisées en m
350
est la suivante : Guerre. Les armées de terre et
de
mer seront privées de ravitaillement et immobilisées en moins d’une h
351
rre. Les armées de terre et de mer seront privées
de
ravitaillement et immobilisées en moins d’une heure. Elles ne serviro
352
rivées de ravitaillement et immobilisées en moins
d’
une heure. Elles ne serviront donc à rien. Mais on vote des budgets mi
353
ute la couleur des parements, et l’Amérique parle
d’
établir la conscription obligatoire. Politique. La victoire sur les t
354
ire. Politique. La victoire sur les totalitaires
de
nuance fasciste a mis au pouvoir dans le monde entier les totalitaire
355
au pouvoir dans le monde entier les totalitaires
de
nuance démocratique et soviétique. Quelques détails de terminologie l
356
ance démocratique et soviétique. Quelques détails
de
terminologie les séparant encore, ils ont décidé de se battre, mais c
357
terminologie les séparant encore, ils ont décidé
de
se battre, mais chacun pense que l’autre ne s’en doute pas. Ils parle
358
e que l’autre ne s’en doute pas. Ils parlent tous
de
paix, et se disputent des bases qui ne peuvent servir à rien, si ce n
359
a posé récemment la question : « Quel est le but
de
la science ? Faire sauter le monde ? Si les savants pensent vraiment
360
de son terme. » Vous trouvez que c’est le moment
d’
être sérieux ?
361
novembre 1945. Cette capitale qui ne fait partie
d’
aucun des États de l’Union m’a toujours paru peu réelle : c’est comme
362
toujours paru peu réelle : c’est comme une ville
d’
exposition qu’on aurait décidé de ne pas détruire. Je m’y perds réguli
363
comme une ville d’exposition qu’on aurait décidé
de
ne pas détruire. Je m’y perds régulièrement, cherchant d’un œil anxie
364
s détruire. Je m’y perds régulièrement, cherchant
d’
un œil anxieux l’Obélisque, qui n’est même pas au centre. Faut-il vous
365
es. À Washington, ils sont tous politiques. Celui
d’
où je sors, qui est l’un des mieux courus, est aussi le plus atomique.
366
ussi le plus atomique. Parmi les sous-secrétaires
d’
État, les diplomates et les virtuoses, j’ai trouvé deux ou trois prix
367
très entourés. Une campagne atomique, disait l’un
d’
eux, orné d’une paire d’énormes sourcils blancs, laisserait environ 2
368
s. Une campagne atomique, disait l’un d’eux, orné
d’
une paire d’énormes sourcils blancs, laisserait environ 2 % de la popu
369
gne atomique, disait l’un d’eux, orné d’une paire
d’
énormes sourcils blancs, laisserait environ 2 % de la population améri
370
d’énormes sourcils blancs, laisserait environ 2 %
de
la population américaine, grattant la terre entre les ruines, pour y
371
e is perfectly dreamy ! J’observai que la panique
de
l’an mille, dont on pouvait penser que la Bombe allait renouveler l’h
372
ire sauter la Terre ? — Cela se discute… Certains
de
mes collègues ont envisagé l’hypothèse, et sont de l’avis qu’elle n’e
373
e mes collègues ont envisagé l’hypothèse, et sont
de
l’avis qu’elle n’est pas improbable. D’autres, comme moi, pensent qu’
374
oi, pensent qu’on ne fera sauter que des tranches
de
l’écorce terrestre, comme si vous peliez une orange. Les dames étaien
375
tion devint générale. Le savant se montrait plein
d’
humour. On n’avait jamais été plus plaisant à propos de massacres en m
376
e me suis mis à réfléchir, et m’étant égaré comme
de
coutume, j’ai eu le temps de trouver une ou deux conclusions, avant l
377
m’étant égaré comme de coutume, j’ai eu le temps
de
trouver une ou deux conclusions, avant la maison de mes hôtes, d’où j
378
trouver une ou deux conclusions, avant la maison
de
mes hôtes, d’où je vous écris. En fait, nous sommes devant l’an mill
379
u deux conclusions, avant la maison de mes hôtes,
d’
où je vous écris. En fait, nous sommes devant l’an mille. Tous les pr
380
des termes urgents et concrets. Quel est le sens
de
la vie si elle finit demain ? Qu’est-ce que cette mort de l’homme cau
381
e si elle finit demain ? Qu’est-ce que cette mort
de
l’homme causée par son génie ? Pourquoi l’intelligence conduit-elle a
382
J’arpentais des avenues interminables, sillonnées
de
taxis bondés. Je me disais : on discute gentiment dans les salons la
383
discute gentiment dans les salons la possibilité
de
faire sauter la planète. Les événements qui dépassent l’imagination —
384
usent plus qu’ils n’angoissent. D’ailleurs l’idée
d’
un naufrage commun ou d’une explosion unanime nous paraît plutôt rassu
385
issent. D’ailleurs l’idée d’un naufrage commun ou
d’
une explosion unanime nous paraît plutôt rassurante. C’est le danger o
386
rtout par la comparaison avec la meilleure chance
d’
autrui. Or la Bombe détruirait probablement toute possibilité de compa
387
a Bombe détruirait probablement toute possibilité
de
comparaison. Les événements mondiaux ne nous saisissent que par les f
388
s mondiaux ne nous saisissent que par les franges
de
notre vanité, ou par quelques répercussions accidentelles sur nos amo
389
laisse les hommes aussi indifférents que le sort
de
l’humanité, dont les chefs d’État parlent tant. J’ai fini par trouver
390
rentrant du Pacifique, s’y racontaient le détail
de
leurs campagnes. Aucun d’eux ne donnait l’impression de s’être battu
391
y racontaient le détail de leurs campagnes. Aucun
d’
eux ne donnait l’impression de s’être battu pour l’idéal démocratique.
392
rs campagnes. Aucun d’eux ne donnait l’impression
de
s’être battu pour l’idéal démocratique. Ils m’ont demandé le résultat
393
ux qu’on nomme les trois Grands. Ils se composent
d’
un loup déguisé en mouton et de deux moutons vêtus de leur vraie peau.
394
. Ils se composent d’un loup déguisé en mouton et
de
deux moutons vêtus de leur vraie peau. C’est donc au nom du Petit Pèr
395
n loup déguisé en mouton et de deux moutons vêtus
de
leur vraie peau. C’est donc au nom du Petit Père, et du Brave Garçon,
396
donc au nom du Petit Père, et du Brave Garçon, et
de
l’Esprit bourgeois, que la Bombe doit être administrée. Notez que si
397
eurs paraissent impuissants à décréter les moyens
d’
une paix pourtant facile à concevoir. Ne partagez-vous pas cette impre
398
asses contemporaines : que les chefs responsables
de
notre sort sont en réalité irresponsables ? Et qu’ils usurpent le nom
399
éalité irresponsables ? Et qu’ils usurpent le nom
de
gouvernants ? J’essaie de me mettre à leur place. Staline voudrait la
400
qu’ils usurpent le nom de gouvernants ? J’essaie
de
me mettre à leur place. Staline voudrait la paix, car sa Russie bless
401
re reconstruite, mais il ne renonce pas aux plans
de
Pierre le Grand. Attlee voudrait la paix, car l’Empire blessé est en
402
apital d’abord, et à la peur (elle-même créatrice
de
conflit) d’un conflit avec la Russie. Sans doute sont-ils tous les tr
403
rd, et à la peur (elle-même créatrice de conflit)
d’
un conflit avec la Russie. Sans doute sont-ils tous les trois convainc
404
ui domine en fait leur politique, c’est la vision
de
la guerre, non pas celle de la paix. Ils agissent donc comme des irre
405
ique, c’est la vision de la guerre, non pas celle
de
la paix. Ils agissent donc comme des irresponsables, provoquant ce qu
406
nt ce qu’ils veulent éviter. Et le public a l’air
de
trouver cela normal — ou ne trouve rien. J’essaie encore de les compr
407
cela normal — ou ne trouve rien. J’essaie encore
de
les comprendre avant de les traiter de criminels, qui est pourtant bi
408
aie encore de les comprendre avant de les traiter
de
criminels, qui est pourtant bien ce qu’ils ont l’air d’être, quand on
409
minels, qui est pourtant bien ce qu’ils ont l’air
d’
être, quand on voit ce qu’ils vont faire ou laisser faire de nos vies.
410
and on voit ce qu’ils vont faire ou laisser faire
de
nos vies. Irresponsables moins par incapacité — ils suffiraient aux t
411
Devant le monde à unifier, ils paraissent frappés
d’
un vertige. Ils ne voient rien. Cette absence de pensée est plus dange
412
s d’un vertige. Ils ne voient rien. Cette absence
de
pensée est plus dangereuse que n’importe quelle pensée fausse. Mais c
413
e : or ces messieurs sont absorbés par la défense
d’
intérêts locaux dits nationaux, trente visites par jour, des inaugurat
414
er les nations, la première condition requise est
de
n’être pas le chef d’une grande nation. Mais qui l’a dit, jusqu’à ce
415
mière condition requise est de n’être pas le chef
d’
une grande nation. Mais qui l’a dit, jusqu’à ce jour ? Chacun sait que
416
dit, jusqu’à ce jour ? Chacun sait que l’arbitre
d’
un match n’est jamais le capitaine d’une des équipes. Qui l’a rappelé
417
ue l’arbitre d’un match n’est jamais le capitaine
d’
une des équipes. Qui l’a rappelé au sujet des trois Grands ? Chacun sa
418
lui, et le voici chargé du monde en plus ! Ainsi
d’
Attlee et de Staline. Je les plains. Cependant s’ils s’obstinent, je s
419
voici chargé du monde en plus ! Ainsi d’Attlee et
de
Staline. Je les plains. Cependant s’ils s’obstinent, je serai forcé d
420
ains. Cependant s’ils s’obstinent, je serai forcé
de
les traiter d’usurpateurs. L’incompétence des commandants en chef n’e
421
s’ils s’obstinent, je serai forcé de les traiter
d’
usurpateurs. L’incompétence des commandants en chef n’est-elle pas jug
422
-elle pas jugée criminelle par l’opinion publique
de
leur patrie, et parfois par les tribunaux ? Je demande à mes amis amé
423
au, sorti du peuple… Mais si l’on touche à l’idée
de
Nation, voilà tous les visages qui se ferment, et les esprits en état
424
Allons-nous continuer ce jeu jusqu’à l’explosion
de
la Terre ? Allons-nous confier le destin de la planète à trois hommes
425
osion de la Terre ? Allons-nous confier le destin
de
la planète à trois hommes surchargés, débordés, qui n’ont pas une min
426
pour réfléchir, et qui représentent les intérêts
de
leur nation, alors que c’est précisément aux dépens de ces intérêts q
427
s que l’humanité pourra s’unir ? La fonction même
de
ces chefs d’État les disqualifie, en principe, pour l’entreprise dont
428
ls ne voient rien, c’est évident, car les visions
de
l’avenir naissent d’un loisir intense. Or ils ont à recevoir des dépu
429
est évident, car les visions de l’avenir naissent
d’
un loisir intense. Or ils ont à recevoir des députés… Seule une cour i
430
es députés… Seule une cour internationale, formée
d’
hommes désignés par la voix populaire, et qui n’auraient pas d’autre a
431
gnés par la voix populaire, et qui n’auraient pas
d’
autre affaire que de considérer la Planète, puis de traiter de haut av
432
ulaire, et qui n’auraient pas d’autre affaire que
de
considérer la Planète, puis de traiter de haut avec les chefs d’État…
433
’autre affaire que de considérer la Planète, puis
de
traiter de haut avec les chefs d’État… Mais c’en est trop pour aujour
434
ire que de considérer la Planète, puis de traiter
de
haut avec les chefs d’État… Mais c’en est trop pour aujourd’hui. Et c
435
la boule ! Car le fait est qu’il n’y en a qu’une
de
Boule, comme disait à peu près le regretté Willkie, et qu’une erreur
436
, serait monotone, s’il n’y avait pas les menaces
de
guerre ! Et que ferions-nous sans la Bombe ? Depuis des mois, les gra
437
grandes manchettes sur huit colonnes ont disparu
de
la première page des journaux américains. Libéré de la pression d’une
438
la première page des journaux américains. Libéré
de
la pression d’une actualité haletante qui renouvelait chaque matin de
439
ge des journaux américains. Libéré de la pression
d’
une actualité haletante qui renouvelait chaque matin depuis six ans se
440
ormes péripéties, l’esprit se sent soudain menacé
d’
ennui. Mais en même temps, c’est comme s’il s’éveillait d’une longue t
441
Mais en même temps, c’est comme s’il s’éveillait
d’
une longue torpeur stupéfiée. Le temps de réfléchir est revenu. S’il n
442
veillait d’une longue torpeur stupéfiée. Le temps
de
réfléchir est revenu. S’il n’y a rien dans le journal, cherchons dans
443
’abord une grande question : qu’est-il donc sorti
de
cette guerre ? Quelles nouveautés ? Aucune, répondent beaucoup. Rien
444
ouveautés, répondrai-je au contraire. Le triomphe
d’
un régime. Une idée. Et une arme. Ce régime, c’est la démocratie, que
445
fficielles. Cette idée, c’est l’unité des peuples
de
la planète, c’est le rêve d’un gouvernement planétaire, c’est la « pe
446
l’unité des peuples de la planète, c’est le rêve
d’
un gouvernement planétaire, c’est la « pensée globale » comme disent l
447
ent mondial court deux risques principaux : celui
d’
être trop faible pour gouverner effectivement, et celui d’être trop fo
448
rop faible pour gouverner effectivement, et celui
d’
être trop fort pour que survivent les libertés nationales ou régionale
449
s. Mais si ce gouvernement devient seul détenteur
de
la bombe atomique, il se voit doté du même coup d’une arme proportion
450
e la bombe atomique, il se voit doté du même coup
d’
une arme proportionnée à l’ampleur de sa tâche, qui est de faire la po
451
du même coup d’une arme proportionnée à l’ampleur
de
sa tâche, qui est de faire la police des nations ; et d’une arme qui
452
me proportionnée à l’ampleur de sa tâche, qui est
de
faire la police des nations ; et d’une arme qui par nature serait dém
453
âche, qui est de faire la police des nations ; et
d’
une arme qui par nature serait démesurée pour un seul peuple, tandis q
454
lle planétaire, précisément. Voici donc le danger
de
faiblesse écarté. D’autre part, le triomphe universel du principe dém
455
sel du principe démocratique fournit une garantie
de
contrôle des autorités élues, et diminue le danger d’un coup de force
456
ontrôle des autorités élues, et diminue le danger
d’
un coup de force opéré contre le pouvoir international par une des nat
457
s autorités élues, et diminue le danger d’un coup
de
force opéré contre le pouvoir international par une des nations const
458
tions constituantes : la guerre ne vient-elle pas
d’
éliminer les dictatures impérialistes ? Ces trois nouveautés, ces troi
459
Ces trois nouveautés, ces trois grands résultats
de
la lutte dont nous sortons, semblent donc converger vers un seul et m
460
. L’idée, la nécessité et la possibilité pratique
d’
un gouvernement fédéral de la planète nous sont apparues simultanément
461
la possibilité pratique d’un gouvernement fédéral
de
la planète nous sont apparues simultanément. Elles se proposent à l’e
462
nt à l’esprit avec tant de clarté qu’on est tenté
d’
y voir l’indication d’une fatalité : il n’est pas d’autre voie pratica
463
t de clarté qu’on est tenté d’y voir l’indication
d’
une fatalité : il n’est pas d’autre voie praticable, la raison nous po
464
y voir l’indication d’une fatalité : il n’est pas
d’
autre voie praticable, la raison nous pousse à la suivre, nous devons
465
que l’homme est stupide et mauvais, qu’il a peur
de
voir grand, et qu’il préfère en général ses vieux litiges locaux, qu’
466
nt les peuples une vision simple des possibilités
d’
union mondiale qui sont ouvertes désormais. Et il faut insister sans r
467
sur le fait que cette solution revêt un caractère
de
destinée : tout nous y mène, et tôt ou tard elle s’imposera, malgré n
468
si ce n’est par notre action. Ensuite, il s’agit
de
combattre les obstacles à cette union. Ils sont dans l’étroitesse de
469
stacles à cette union. Ils sont dans l’étroitesse
de
nos esprits, non pas dans la raison, ni dans les faits. Au premier ra
470
dans les faits. Au premier rang, je ne manquerai
de
vous désigner le nationalisme en plein essor, contrecoup fatal de la
471
le nationalisme en plein essor, contrecoup fatal
de
la guerre, et fièvre spécifique des grandes démocraties physiquement
472
e parle surtout pour vous, Européens, que je vois
de
loin si enclins à confondre la rigueur de l’esprit avec l’avarice de
473
je vois de loin si enclins à confondre la rigueur
de
l’esprit avec l’avarice de l’imagination, l’honneur d’une culture ave
474
à confondre la rigueur de l’esprit avec l’avarice
de
l’imagination, l’honneur d’une culture avec ses décrets d’exclusive,
475
esprit avec l’avarice de l’imagination, l’honneur
d’
une culture avec ses décrets d’exclusive, et la conscience de soi avec
476
ination, l’honneur d’une culture avec ses décrets
d’
exclusive, et la conscience de soi avec la méfiance d’autrui, voire l’
477
re avec ses décrets d’exclusive, et la conscience
de
soi avec la méfiance d’autrui, voire l’hostilité et le mépris. Car c’
478
clusive, et la conscience de soi avec la méfiance
d’
autrui, voire l’hostilité et le mépris. Car c’est de toutes ces confus
479
autrui, voire l’hostilité et le mépris. Car c’est
de
toutes ces confusions que se nourrit le virus nationaliste. Et mainte
480
t je relève dans votre lettre les termes attendus
d’
« idéalisme », d’« optimisme béat », de « fantaisies utopiques » et mê
481
votre lettre les termes attendus d’« idéalisme »,
d’
« optimisme béat », de « fantaisies utopiques » et même de « ballyhoo
482
s attendus d’« idéalisme », d’« optimisme béat »,
de
« fantaisies utopiques » et même de « ballyhoo » (je vois qu’un gars
483
misme béat », de « fantaisies utopiques » et même
de
« ballyhoo » (je vois qu’un gars de New York vous a donné des leçons
484
ues » et même de « ballyhoo » (je vois qu’un gars
de
New York vous a donné des leçons de slang !) qui caractérisent l’Amér
485
is qu’un gars de New York vous a donné des leçons
de
slang !) qui caractérisent l’Amérique aux yeux des réalistes de l’Eur
486
i caractérisent l’Amérique aux yeux des réalistes
de
l’Europe. (Mais pour autant, ils ne se font pas faute de dénoncer l’i
487
rchands et des industriels yankees. Ils se tirent
de
la contradiction en répétant : « hypocrisie anglo-saxonne ». Et les Y
488
a qu’en Amérique, on trouve parfois des occasions
de
penser aussi complexes et irritantes qu’en Europe. Je fus ce soir vis
489
e « un anarchiste catholique ». (Je le crois seul
de
son parti.) Il avait l’air un peu nerveux. Voici notre conversation.
490
crivez-vous aujourd’hui ? Lui. — Je fais le plan
d’
une trilogie sur les trois grands régimes politiques de ce siècle. Je
491
trilogie sur les trois grands régimes politiques
de
ce siècle. Je vais les caractériser par leurs armes ou méthodes favor
492
Liquidation, Évaporation ! (Il prononça ces mots
d’
un ton rageur, qui me fit éclater de rire.) Moi. — Quel beau programm
493
me ! Avouez que nous sortons enfin des petitesses
de
l’ère bourgeoise, succédant aux ténèbres du Moyen Âge. Car ces trois
494
rnes correspondent à trois conceptions grandioses
de
la vie. La crémation, c’est la purification par le feu ! La liquidati
495
n atomique, eh bien, n’est-ce pas le symbole même
de
l’idéalisme : tout monte et s’épanouit vers le ciel ! Notez que dans
496
dans ce siècle trois fois maudit. Je ne vois plus
d’
espoir sérieux nulle part. La faillite morale est universelle, chez le
497
démocrates, dans le monde entier, exception faite
de
deux pays de langue espagnole, que nous appellerons secondaires. Et v
498
ans le monde entier, exception faite de deux pays
de
langue espagnole, que nous appellerons secondaires. Et voici mon espo
499
ouvoir, entre nous, discuter le contenu véritable
de
la démocratie, sans passer aussitôt pour des fascistes. Lui. — Autan
500
plus vieille démocratie du monde, et la traitent
de
« fasciste » parce qu’elle répugne, entre autres, à la nationalisatio
501
e tous sont devenus « démocrates », dans le monde
de
1945, nous pouvons parler d’autre chose. Nous pouvons porter notre ef
502
tes », dans le monde de 1945, nous pouvons parler
d’
autre chose. Nous pouvons porter notre effort, désormais, non plus sur
503
notre effort, désormais, non plus sur la défense
d’
un mot, d’un terme vague que plus personne n’attaque, mais sur la défi
504
ort, désormais, non plus sur la défense d’un mot,
d’
un terme vague que plus personne n’attaque, mais sur la définition d’u
505
e plus personne n’attaque, mais sur la définition
d’
une réalité que ce terme symbolise et parfois dissimule : Qu’est-ce qu
506
ne signifiera rien du tout. Ou bien elle servira
d’
excuse et de prétexte cousu de fil blanc ou de fil rouge aux politique
507
ra rien du tout. Ou bien elle servira d’excuse et
de
prétexte cousu de fil blanc ou de fil rouge aux politiques les plus c
508
u bien elle servira d’excuse et de prétexte cousu
de
fil blanc ou de fil rouge aux politiques les plus contradictoires et
509
ira d’excuse et de prétexte cousu de fil blanc ou
de
fil rouge aux politiques les plus contradictoires et parfois les plus
510
us tyranniques. Moi. — Je l’avoue. Je suis sorti
de
là pour vous écrire. La prochaine fois, j’aurai sans doute réfléchi s
511
ur la liberté. N’est-ce pas le problème numéro un
de
notre temps ? Car les problèmes se posent quand les choses s’en vont…
512
le 24 novembre 1945. Puisque j’ai pris une espèce
d’
habitude de vous entretenir des lieux communs qui enchantent notre âge
513
bre 1945. Puisque j’ai pris une espèce d’habitude
de
vous entretenir des lieux communs qui enchantent notre âge, comme la
514
e gouvernement du Monde, vous ne m’en voudrez pas
de
revenir aujourd’hui sur le thème des Quatre Libertés. Sans doute vous
515
dé : vous avez l’esprit si rapide, si vite occupé
d’
autre chose. Et l’Amérique a la mémoire si courte : cela produit parfo
516
Les Quatre Libertés n’en furent pas moins le but
de
guerre idéal des Nations unies, comme elles restent l’idéal officiel
517
tions unies, comme elles restent l’idéal officiel
de
la paix. Mais j’ai remarqué qu’assez peu de personnes sont capables d
518
remarqué qu’assez peu de personnes sont capables
de
les énumérer. Il semble qu’on se soit battu pour quelque chose qui n’
519
sevelt qui les avait énoncées le premier au début
de
1942 dans son discours sur l’état de l’Union : freedom of speech, fre
520
ier au début de 1942 dans son discours sur l’état
de
l’Union : freedom of speech, freedom of religion, freedom from want,
521
un peu malaisément dans notre langue par liberté
de
parole et de religion, libération de la misère et de la crainte. Donc
522
sément dans notre langue par liberté de parole et
de
religion, libération de la misère et de la crainte. Donc les Nations
523
par liberté de parole et de religion, libération
de
la misère et de la crainte. Donc les Nations unies ayant gagné la gue
524
parole et de religion, libération de la misère et
de
la crainte. Donc les Nations unies ayant gagné la guerre, il est temp
525
Nations unies ayant gagné la guerre, il est temps
de
nous demander quel est l’état présent des libertés qui faisaient l’en
526
l’état présent des libertés qui faisaient l’enjeu
de
la lutte. La deuxième, celle du culte ou de la religion, paraît en bo
527
enjeu de la lutte. La deuxième, celle du culte ou
de
la religion, paraît en bonne voie de s’établir dans les pays récemmen
528
du culte ou de la religion, paraît en bonne voie
de
s’établir dans les pays récemment libérés, de même qu’en Russie sovié
529
ailleurs si ce progrès doit être attribué à moins
de
fanatisme de la part des masses religieuses, ou à plus d’indifférence
530
isme de la part des masses religieuses, ou à plus
d’
indifférence de la part des masses « éclairées », comme disent leurs c
531
is autres libertés, voici le tableau : la liberté
de
parole se voit partout mise en échec par des censures officielles ou
532
la Bombe, elle a multiplié par 20 000 la liberté
de
craindre le pire à chaque instant. Tout cela, nous disent non sans ra
533
ants, n’est que le résultat déplorable mais fatal
de
la guerre. (Étrange activité qui « fatalement » prolonge ou aggrave l
534
aggrave les tyrannies qu’elle avait pour seul but
d’
écraser. Mais ceci est une autre histoire.) Ma génération est-elle don
535
le s’est épuisée à combattre ? Doit-elle accepter
de
se passer d’au moins trois libertés sur quatre, avec l’espoir que ses
536
sée à combattre ? Doit-elle accepter de se passer
d’
au moins trois libertés sur quatre, avec l’espoir que ses enfants les
537
données par qui ? Sommes-nous voués à l’esclavage
d’
État par nécessité matérielle ? Vous m’en voudrez de poser ces questio
538
État par nécessité matérielle ? Vous m’en voudrez
de
poser ces questions, parce qu’elles ne paraissent comporter que des r
539
ent, par la comparaison qu’il nous oblige à faire
de
l’idéal et du présent. Je propose donc que nous changions ce qui peut
540
moment inaccessibles, par une affirmation unique
de
Liberté indivisible, qu’il ne dépend que de nous de saisir à l’instan
541
nique de Liberté indivisible, qu’il ne dépend que
de
nous de saisir à l’instant. Il n’y a pas quatre libertés. Il n’y a qu
542
Liberté indivisible, qu’il ne dépend que de nous
de
saisir à l’instant. Il n’y a pas quatre libertés. Il n’y a que la lib
543
s ; deux : ils reçoivent gratuitement les secours
de
la religion de leur choix ; trois : ils n’ont plus à se préoccuper de
544
reçoivent gratuitement les secours de la religion
de
leur choix ; trois : ils n’ont plus à se préoccuper de leur subsistan
545
ur choix ; trois : ils n’ont plus à se préoccuper
de
leur subsistance ; quatre : ils sont solidement protégés contre tous
546
sons américaines. (On leur donne même des séances
de
cinéma.) La liberté ne peut être détaillée ni débitée en tranches : e
547
Elle ne peut pas non plus être donnée. Elle exige
d’
être affirmée sur le champ, et coûte que coûte, quels que soient les o
548
y aura toujours des obstacles. Ceux qui ont peur
d’
être libres en feront leurs prétextes, comme l’ont fait les Allemands
549
iberté fondamentale dont tout dépend, c’est celle
de
se réaliser personnellement. Or nous ne pourrons jamais la recevoir d
550
nellement. Or nous ne pourrons jamais la recevoir
d’
autrui. Sans elle, les autres libertés ne comptent guère. Par elle seu
551
s si nous décidons que les obstacles à l’exercice
de
notre liberté sont fatals, nécessaires et surhumains, aussitôt nous l
552
t nous les rendrons tels, aussitôt nous cesserons
d’
être libres. Et l’État aura tous les droits, puisque nous lui laissero
553
mmes libres, si nous sommes prêts à payer le prix
de
la liberté, qui sera toujours : payer de sa personne. Un homme libre,
554
le prix de la liberté, qui sera toujours : payer
de
sa personne. Un homme libre, c’est un homme courageux, non pas un hom
555
omme courageux, non pas un homme qui aurait reçu (
de
qui ?) trois ou quatre ou trente-six libertés. On entend dire : « X e
556
rtés. On entend dire : « X est un esprit libre. »
De
qui tient-il sa liberté ? Ni de l’État, ni de la révolution, ni des s
557
n esprit libre. » De qui tient-il sa liberté ? Ni
de
l’État, ni de la révolution, ni des soviets, ni de la démocratie, et
558
. » De qui tient-il sa liberté ? Ni de l’État, ni
de
la révolution, ni des soviets, ni de la démocratie, et surtout pas de
559
e l’État, ni de la révolution, ni des soviets, ni
de
la démocratie, et surtout pas de leurs experts. Il la tient de sa vis
560
des soviets, ni de la démocratie, et surtout pas
de
leurs experts. Il la tient de sa vision seule et de son courage à lut
561
tie, et surtout pas de leurs experts. Il la tient
de
sa vision seule et de son courage à lutter pour la joindre. Lénine so
562
leurs experts. Il la tient de sa vision seule et
de
son courage à lutter pour la joindre. Lénine sous le tsarisme était p
563
ibre qu’un citoyen américain qui tourne le bouton
de
sa radio. Ils combattaient. Et nous ? Nous ne serons libres dans la p
564
New York, le 30 novembre 1945. …Que je n’ai pris
de
front presque aucun des problèmes ? (Vous pensiez, je le suppose, à l
565
émocratie.) Et que je m’amuse à jeter des pelures
d’
orange sous les pas solennels des lieux communs ? Oui, chère amie. N’o
566
? Oui, chère amie. N’oubliez pas qu’ils risquent
de
nous écraser. Mais vos critiques ne sont jamais perdues pour moi. Ell
567
nts divers » que j’observe parfois dans le public
d’
aujourd’hui : car il se féminise rapidement. La légèreté l’inquiète, n
568
ent. Et qui saura jamais pourquoi il s’écrie tout
d’
un coup : « Comme c’est profond ! » Dites-moi si tout cela n’est pas t
569
t pas très femme ? Et maintenant je vous parlerai
de
la planète. Le xxe siècle est en train de découvrir ce qu’on savait
570
ès bien compris, à savoir que la terre est ronde.
D’
où il résulte, entre autres conséquences, que si vous tirez devant vou
571
rochain tour. Cette figure signifie quelque chose
d’
important : c’est que tout le mal que nous faisons à nos voisins nous
572
s ne faisons donc qu’à nous-mêmes. Les dimensions
de
la communauté normale, pour une époque donnée, me paraissent pouvoir
573
es dans cette époque. (Vous avez ici les prémices
d’
une théorie sociologique flambant neuve.) À l’arme planétaire correspo
574
auté universelle, qui relègue les nations au rang
de
simples provinces. Laissez-vous entraîner quelques instants dans ce j
575
Tête, la Bombe, et l’Unité considérée partout et
de
tout temps comme objet rond, pomme, sphère ou sceptre d’or, que ce so
576
temps comme objet rond, pomme, sphère ou sceptre
d’
or, que ce soit l’Univers, ou l’Empire, ou l’atome. Ici les extrêmes s
577
Il semble que la dernière guerre, j’entends celle
de
39-45, a beaucoup fait pour éveiller dans les nations le sentiment de
578
fait pour éveiller dans les nations le sentiment
de
leur relativité. La guerre de Chine, cette plaisanterie de chansonnie
579
ations le sentiment de leur relativité. La guerre
de
Chine, cette plaisanterie de chansonniers du temps de Montmartre, int
580
elativité. La guerre de Chine, cette plaisanterie
de
chansonniers du temps de Montmartre, intéressa pendant dix ans, direc
581
hine, cette plaisanterie de chansonniers du temps
de
Montmartre, intéressa pendant dix ans, directement, la vie courante d
582
des habitants des Amériques Nord, Centre, Sud, et
de
l’Asie, c’est-à-dire la moitié du genre humain. L’autre moitié en sub
583
matérielle. Avant qu’elle puisse devenir un fait
de
droit, il nous faudra probablement passer par une étape intermédiaire
584
ui est celle du fait psychologique : la formation
d’
une conscience planétaire. Nous retardons, il n’y a pas de doute, nous
585
nscience planétaire. Nous retardons, il n’y a pas
de
doute, nous retardons sur nos réalités. Nous poursuivons nos existenc
586
l’on se déplace un peu, disons à quelques heures
d’
avion. Ce n’est rien de traduire une langue : les problèmes nationaux
587
, disons à quelques heures d’avion. Ce n’est rien
de
traduire une langue : les problèmes nationaux restent intraduisibles
588
mission ne se promène pas, ne voit rien, n’a pas
de
temps à perdre. C’est un raid. Nous n’apprendrons rien. Cependant qu’
589
u’un beau jour le paysan normand et le boutiquier
de
Lyon ne pourront plus boucler leurs comptes parce que les noirs se se
590
; et les mineurs du pays de Galles n’auront plus
de
viande pendant des mois, parce que les péons d’Argentine se seront en
591
s de viande pendant des mois, parce que les péons
d’
Argentine se seront enfin organisés contre les grands estancieros. Vou
592
grands estancieros. Vous pourrez toujours essayer
d’
expliquer aux victimes de la crise que ce n’est pas la faute du député
593
pourrez toujours essayer d’expliquer aux victimes
de
la crise que ce n’est pas la faute du député local ni de « l’hypocris
594
rise que ce n’est pas la faute du député local ni
de
« l’hypocrisie américaine ». Que faire ? Tout le monde ne peut pas to
595
ut comprendre. Les problèmes les plus angoissants
de
nos compagnons de planète restent pour nous terres inconnues, et psyc
596
problèmes les plus angoissants de nos compagnons
de
planète restent pour nous terres inconnues, et psychologiquement inex
597
s géographes du Moyen Âge dans les grandes marges
de
leurs cartes de l’Europe. Et pourtant nous sommes destinés à découvri
598
Moyen Âge dans les grandes marges de leurs cartes
de
l’Europe. Et pourtant nous sommes destinés à découvrir un jour que ce
599
ient nous aussi pour des lions. (Il ne manque pas
de
Persans pour se demander : Comment peut-on être Français ?) Je parlai
600
der : Comment peut-on être Français ?) Je parlais
d’
une conscience planétaire. C’est sa nécessité qu’il faut d’abord senti
601
cinéma surtout l’éveillent et la propagent, sous
de
larges rubriques créant un appel d’air. Ce n’est pas une question d’i
602
opagent, sous de larges rubriques créant un appel
d’
air. Ce n’est pas une question d’information d’abord, vous m’entendez,
603
créant un appel d’air. Ce n’est pas une question
d’
information d’abord, vous m’entendez, mais de sens, de vision, d’ouver
604
tion d’information d’abord, vous m’entendez, mais
de
sens, de vision, d’ouverture de l’esprit… Forçant à peine, je dirais
605
formation d’abord, vous m’entendez, mais de sens,
de
vision, d’ouverture de l’esprit… Forçant à peine, je dirais : c’est d
606
’abord, vous m’entendez, mais de sens, de vision,
d’
ouverture de l’esprit… Forçant à peine, je dirais : c’est d’abord une
607
m’entendez, mais de sens, de vision, d’ouverture
de
l’esprit… Forçant à peine, je dirais : c’est d’abord une question de
608
t à peine, je dirais : c’est d’abord une question
de
poésie. Est-ce un hasard si, parmi tous nos écrivains, ceux que je vo
609
le sentiment le plus direct et le plus contagieux
de
la planète sont précisément deux poètes : le Saint-John Perse de l’An
610
deux poètes : le Saint-John Perse de l’Anabase et
de
l’Exil, et Paul Claudel, notre grand écrivain « global » ? Dans leur
611
avons pour la première fois senti, sous le drapé
d’
un français riche et pur, battre le pouls mesuré de l’Asie, le cœur vi
612
’un français riche et pur, battre le pouls mesuré
de
l’Asie, le cœur violent des Amériques. Vous alliez me dire que j’oubl
613
ous alliez me dire que j’oubliais ce grand joueur
de
Boule que fut « Saint-Ex ». À Dieu ne plaise que j’oublie jamais celu
614
que j’oublie jamais celui qui le premier me parla
de
la Planète comme d’un amour et d’une souffrance intime !…
615
celui qui le premier me parla de la Planète comme
d’
un amour et d’une souffrance intime !…
616
remier me parla de la Planète comme d’un amour et
d’
une souffrance intime !…
617
ficulté que nous éprouvons tous. Un cabinet privé
de
ministère des Affaires étrangères nous paraît comme puni et humilié ;
618
paraît comme puni et humilié ; et sans ministère
de
la guerre, il nous paraît dépourvu de sérieux. Or le gouvernement mon
619
s ministère de la guerre, il nous paraît dépourvu
de
sérieux. Or le gouvernement mondial devrait se passer de ces deux min
620
eux. Or le gouvernement mondial devrait se passer
de
ces deux ministères, en vertu de sa définition. De plus, comment imag
621
ition. De plus, comment imaginer un pouvoir digne
de
ce nom, s’il ne trouvait personne en face de lui avec qui échanger de
622
’honneur du pays est en jeu, qu’on ne cédera plus
d’
une ligne, etc. ? Pour tout dire, pas de voisins, donc personne à qui
623
dera plus d’une ligne, etc. ? Pour tout dire, pas
de
voisins, donc personne à qui faire la guerre ? À quoi cela ressembler
624
e », et qui provoque ces magnifiques mouvements «
d’
union sacrée » où chacun s’écrie dans sa langue « right or wrong, my c
625
? Ne me dites pas non : votre première idée a été
de
supposer une guerre. Et cela pour essayer de vous mieux représenter c
626
été de supposer une guerre. Et cela pour essayer
de
vous mieux représenter ce qu’un pouvoir planétaire pourrait bien fair
627
r ce qu’un pouvoir planétaire pourrait bien faire
de
ses dix doigts… Pas de nations sans guerres avec d’autres nations. Je
628
étaire pourrait bien faire de ses dix doigts… Pas
de
nations sans guerres avec d’autres nations. Je perdrais mon temps et
629
vous ne voyez pas — car il supposerait une sorte
de
nation unique, sans voisins, donc sans guerre possible — cela revient
630
straction, c’est-à-dire, soyons francs, le comble
de
l’ennui, si ce n’est pas une « utopie dangereuse »… À propos de cette
631
re expression, avez-vous remarqué qu’on l’emploie
de
préférence pour dénigrer des projets de paix ? Pour qui sont-ils donc
632
l’emploie de préférence pour dénigrer des projets
de
paix ? Pour qui sont-ils donc si dangereux ? Avez-vous également rema
633
prennent la plume (comme ils disent) ont coutume
de
dénoncer sous le nom d’« éléments de désordre » les partisans de la p
634
e ils disent) ont coutume de dénoncer sous le nom
d’
« éléments de désordre » les partisans de la paix en général ? Ces gen
635
ont coutume de dénoncer sous le nom d’« éléments
de
désordre » les partisans de la paix en général ? Ces gens-là leur par
636
s le nom d’« éléments de désordre » les partisans
de
la paix en général ? Ces gens-là leur paraissent, évidemment, d’une m
637
énéral ? Ces gens-là leur paraissent, évidemment,
d’
une moralité douteuse. Quant aux lance-flammes et aux bombardiers lour
638
s lourds, et quant à ceux qui donneront le signal
de
les utiliser au service des nations, gouvernants tout d’abord et géné
639
généraux ensuite, ils représentent les « éléments
d’
ordre », à n’en pas douter. Il suffit de voir l’état présent de l’Euro
640
éléments d’ordre », à n’en pas douter. Il suffit
de
voir l’état présent de l’Europe. J’ai cru longtemps que la guerre éta
641
n’en pas douter. Il suffit de voir l’état présent
de
l’Europe. J’ai cru longtemps que la guerre était le pire désordre ima
642
e pour une vertu, étaient les véritables éléments
de
désordre ; et que l’utopie la plus dangereuse était la théorie de la
643
que l’utopie la plus dangereuse était la théorie
de
la souveraineté sans limites des nations. C’était trop simple. Un col
644
ites des nations. C’était trop simple. Un colonel
de
cavalerie à qui vous fîtes imprudemment lire ma lettre sur la mort de
645
ous fîtes imprudemment lire ma lettre sur la mort
de
la guerre3 m’écrit que je suis un primaire. Il m’assure que « à chaqu
646
i est bien la preuve que j’ai tort, et d’ailleurs
de
n’importe quoi. Il ajoute que ma lettre, dans sa forme, est « netteme
647
est « nettement péjorative vis-à-vis de l’armée,
de
la cavalerie en particulier » et que « les manieurs de cravache et jo
648
cavalerie en particulier » et que « les manieurs
de
cravache et joueurs de poker ont sans exception sauvé l’honneur en 40
649
er » et que « les manieurs de cravache et joueurs
de
poker ont sans exception sauvé l’honneur en 40 » ; bref que je suis u
650
l’honneur en 40 » ; bref que je suis un « élément
de
désordre ». (Je joins ses lignes aux miennes, pour vous prouver que j
651
uis écrié : « Vivement la Bombe ! Suprême élément
d’
ordre ! » Et ne croyez pas que je plaisantais. Car la Bombe seule peut
652
sser des armées, des souverainetés nationales, et
de
l’anarchie qu’elles entretiennent sur la planète. Je dis que la Bombe
653
lanète. Je dis que la Bombe peut nous en délivrer
de
deux manières : soit en faisant sauter le tout, soit en nous forçant
654
lisation et la culture y perdraient quelque chose
de
précieux. Nous serions tous fondus dans un magma informe de races, de
655
x. Nous serions tous fondus dans un magma informe
de
races, de langues, de religions et de coutumes, et toutes les différe
656
rions tous fondus dans un magma informe de races,
de
langues, de religions et de coutumes, et toutes les différences qui f
657
ondus dans un magma informe de races, de langues,
de
religions et de coutumes, et toutes les différences qui font le goût
658
gma informe de races, de langues, de religions et
de
coutumes, et toutes les différences qui font le goût de la vie s’évan
659
tumes, et toutes les différences qui font le goût
de
la vie s’évanouiraient sous vos beaux yeux… Rassurez-vous. Je n’appel
660
s. Je n’appelle pas le chaos. Je cherche un moyen
de
l’éviter, ou plutôt d’en sortir un peu, car nous y sommes déjà bien e
661
chaos. Je cherche un moyen de l’éviter, ou plutôt
d’
en sortir un peu, car nous y sommes déjà bien engagés. Ce sont les gue
662
i produisent les guerres… Mais je vois que ce mot
de
nation a créé entre nous une équivoque. Il a deux sens bien différent
663
parlé que du mauvais, jusqu’ici, parce que c’est
de
beaucoup le plus courant. Essayons de les distinguer. Ce qu’il y a de
664
e que c’est de beaucoup le plus courant. Essayons
de
les distinguer. Ce qu’il y a de précieux dans les nations, ce qui fai
665
courant. Essayons de les distinguer. Ce qu’il y a
de
précieux dans les nations, ce qui fait leur véritable originalité, n’
666
z ces trois éléments qui composent l’idée moderne
de
nation, et les nations réelles subsisteront intactes, comme membres d
667
les subsisteront intactes, comme membres du corps
de
l’humanité, comme foyers de rayonnement, et comme communautés de gens
668
omme membres du corps de l’humanité, comme foyers
de
rayonnement, et comme communautés de gens apparentés, soit par leurs
669
comme foyers de rayonnement, et comme communautés
de
gens apparentés, soit par leurs traditions, soit par leurs idéaux, c’
670
oyez-vous sérieusement que les Français cesseront
de
parler français, de créer leur culture, et d’habiter paisiblement leu
671
nt que les Français cesseront de parler français,
de
créer leur culture, et d’habiter paisiblement leur terre, si la Franc
672
ont de parler français, de créer leur culture, et
d’
habiter paisiblement leur terre, si la France renonce un beau jour, en
673
pas que si le gouvernement français n’a plus rien
d’
autre à faire qu’administrer le pays, il sera un meilleur gouvernement
674
d’hui les nations, dans le sens valable et fécond
de
ce mot, c’est qu’elles tendent à se confondre avec l’État, et c’est l
675
la volonté qu’ont les États-nations ainsi formés,
de
se rendre autarciques en vue de la guerre, soit qu’ils redoutent ou s
676
lité. L’État détruit nécessairement l’originalité
d’
une nation, lorsqu’il prétend réglementer ses énergies d’après un modè
677
socialistes ou capitalistes. Ce modèle est celui
de
l’État totalitaire, qui est l’état de guerre en permanence. Ainsi l’e
678
e est celui de l’État totalitaire, qui est l’état
de
guerre en permanence. Ainsi l’ennemi des nations, c’est l’État ; et l
679
le contraire prennent le mot patrie dans le sens
de
nation, le mot nation dans le sens d’État, le mot État dans le sens d
680
ans le sens de nation, le mot nation dans le sens
d’
État, le mot État dans le sens de souverain, dont ils font finalement
681
ion dans le sens d’État, le mot État dans le sens
de
souverain, dont ils font finalement un dieu, créant d’horribles confu
682
uverain, dont ils font finalement un dieu, créant
d’
horribles confusions d’idées qui se terminent en carnages périodiques.
683
finalement un dieu, créant d’horribles confusions
d’
idées qui se terminent en carnages périodiques. Autre exemple. Pourquo
684
es. Autre exemple. Pourquoi n’est-il question que
de
« nationaliser » tout ce qui peut l’être à l’intérieur des frontières
685
ertains pays ont préféré payer le prix exorbitant
de
l’autarcie, plutôt que de se mettre hors d’état de faire la guerre, e
686
ayer le prix exorbitant de l’autarcie, plutôt que
de
se mettre hors d’état de faire la guerre, en se liant à des économies
687
itant de l’autarcie, plutôt que de se mettre hors
d’
état de faire la guerre, en se liant à des économies voisines. Mais re
688
e l’autarcie, plutôt que de se mettre hors d’état
de
faire la guerre, en se liant à des économies voisines. Mais remarquez
689
re tirer parti du prestige qui s’attache à l’idée
de
nation… En fait, on étatise la nation. Que penser de ces États-natio
690
ation… En fait, on étatise la nation. Que penser
de
ces États-nations, de plus en plus nombreux, qui se referment sur eux
691
êmes et sur leur budget militaire, qui se bardent
de
protections à la frontière, comme autrefois, en attendant que la Bomb
692
e la France, par exemple, est entrée dans la voie
de
l’étatisme parce qu’elle veut la justice sociale, et que cela n’a rie
693
des motifs que des effets inéluctables. Le désir
de
justice sociale est une noble passion, la socialisation de l’industri
694
e sociale est une noble passion, la socialisation
de
l’industrie est une mesure économique partiellement souhaitable, mais
695
e partiellement souhaitable, mais je ne leur vois
de
commun, a priori, que trois syllabes. Cependant l’on revendique la so
696
ntient ces trois syllabes sacrées, et l’on traite
de
fasciste celui qui demande à voir. (La prochaine fois que vous oserez
697
nationalisation pour masquer le fait qu’il s’agit
d’
une étatisation. Je n’en ai qu’au cadre national. Introduisez dans cet
698
s cette broyeuse automatique qu’est l’État-nation
de
la démocratie ou du marxisme, des idées libérales ou du planisme, ou
699
bérales ou du planisme, ou même une belle passion
de
la justice sociale, le résultat sera le même : à l’autre bout, vous o
700
btiendrez du totalitarisme en bâtons et une grêle
de
coups. Je suis sérieux. Le socialisme, non pas en soi, mais construit
701
écessairement à l’État totalitaire, donc à l’état
de
guerre larvé ou déclaré, qui est le pire des crimes sociaux. On ne so
702
qui est le pire des crimes sociaux. On ne sortira
de
ce cercle vicieux qu’en supprimant ce qui permet la guerre, ou la pro
703
ts-nations. Par quel moyen ? En remettant le soin
de
diriger les affaires internationales à des hommes qui ne représentent
704
ifiés pour arbitrer. Autrement ce n’est qu’un jeu
de
force, et le premier qui tire aura gagné, quel que soit le mordant de
705
ier qui tire aura gagné, quel que soit le mordant
de
l’infanterie ou la bravoure de votre colonel. (Il n’aura pas d’advers
706
ue soit le mordant de l’infanterie ou la bravoure
de
votre colonel. (Il n’aura pas d’adversaires à combattre à 2000 km à l
707
e ou la bravoure de votre colonel. (Il n’aura pas
d’
adversaires à combattre à 2000 km à la ronde, sauf s’il saute à cheval
708
XVILe goût
de
la guerre Princeton (N. J.), le 19 décembre 1945. Enfin ! Après qui
709
ions, la paix, la Bombe, et le colonel, procèdent
d’
un esprit subversif, imbu de paradoxes et vaguement diabolique ; d’un
710
le colonel, procèdent d’un esprit subversif, imbu
de
paradoxes et vaguement diabolique ; d’un mot : antimilitariste. Vidon
711
rsif, imbu de paradoxes et vaguement diabolique ;
d’
un mot : antimilitariste. Vidons en quelques mots cette querelle démod
712
hommes perdront quelques vertus et quelques vices
de
caractère dont ils ne se montraient pas peu fiers, et que les femmes
713
ique, puis tractée, puis parachutée, en attendant
d’
être catapultée et finalement atomisée, tout cela par les soins de sim
714
e et finalement atomisée, tout cela par les soins
de
simples mécaniciens, dirigés par des ingénieurs, lesquels ne font qu’
715
ieurs, lesquels ne font qu’appliquer les formules
d’
intellectuels à lunettes. Tels sont les faits, ma chère, et peu import
716
e à l’argument que je développe dans ces lettres,
de
savoir si j’aime ou n’aime pas le métier des armes : il ne sert plus
717
s pressé. Il se passe que les militaires refusent
d’
en démordre d’un poil et de rien comprendre à la Bombe. Elle augmente
718
e passe que les militaires refusent d’en démordre
d’
un poil et de rien comprendre à la Bombe. Elle augmente l’importance d
719
es militaires refusent d’en démordre d’un poil et
de
rien comprendre à la Bombe. Elle augmente l’importance de l’infanteri
720
comprendre à la Bombe. Elle augmente l’importance
de
l’infanterie, dit un général d’infanterie. Elle rend les armées de te
721
ente l’importance de l’infanterie, dit un général
d’
infanterie. Elle rend les armées de terre inutiles, réplique un amiral
722
dit un général d’infanterie. Elle rend les armées
de
terre inutiles, réplique un amiral, mais elle décuple l’importance de
723
éplique un amiral, mais elle décuple l’importance
de
la marine. Seule l’aviation demeure indispensable, déclare un marécha
724
iation demeure indispensable, déclare un maréchal
de
l’air, car c’est elle qui portera ou abattra la bombe. (Quand chacun
725
colonel, qu’il est « inopportun et même prématuré
de
clamer que les armées ont fait leur temps ». Or ces messieurs parlent
726
s que le monde est monde et qu’ils y sont chargés
d’
assurer l’ordre. Le fait est que l’invention de la poudre, loin de ren
727
és d’assurer l’ordre. Le fait est que l’invention
de
la poudre, loin de rendre inutiles leurs services, a permis la guerre
728
endre inutiles leurs services, a permis la guerre
de
Trente Ans. Et je vois bien que le système de l’armée populaire, tric
729
rre de Trente Ans. Et je vois bien que le système
de
l’armée populaire, trichant avec les règles du jeu que jouait encore
730
c les règles du jeu que jouait encore le maréchal
de
Saxe, a permis les campagnes de Napoléon. Et il est vrai que les bomb
731
ncore le maréchal de Saxe, a permis les campagnes
de
Napoléon. Et il est vrai que les bombardiers lourds ont tué beaucoup
732
que les bombardiers lourds ont tué beaucoup plus
de
civils que de militaires, ce qui a permis la guerre dont on dit que n
733
rdiers lourds ont tué beaucoup plus de civils que
de
militaires, ce qui a permis la guerre dont on dit que nous sortons. E
734
ortunes, prématurées et utopiques, risquant ainsi
de
saper le moral des cadres. Voilà pourquoi, si je crie « au loup ! » l
735
oi, si je crie « au loup ! » le colonel me traite
d’
élément de désordre, et pense que l’argument suffit. Pourtant mon rais
736
crie « au loup ! » le colonel me traite d’élément
de
désordre, et pense que l’argument suffit. Pourtant mon raisonnement s
737
Ces savants affirment et prouvent qu’il n’y a pas
de
parade imaginable, cette fois-ci. 3. Or ils seraient seuls capables d
738
cette fois-ci. 3. Or ils seraient seuls capables
d’
en trouver. 4. Donc les généraux ont tort, même s’ils ont eu cent fois
739
même s’ils ont eu cent fois raison dans le passé.
D’
où il résulte logiquement tout ce que je vous ai dit dans mes précéden
740
pouvoir mondial. Maintenant, pour quelles raisons
d’
apparence mystérieuse refuse-t-on de se rendre à de telles évidences ?
741
elles raisons d’apparence mystérieuse refuse-t-on
de
se rendre à de telles évidences ? Et d’en tirer les conclusions urgen
742
’apparence mystérieuse refuse-t-on de se rendre à
de
telles évidences ? Et d’en tirer les conclusions urgentes ? Je sais p
743
fuse-t-on de se rendre à de telles évidences ? Et
d’
en tirer les conclusions urgentes ? Je sais pourquoi. Tenez-vous bien
744
ndre sourds et aveugles devant tout ce qui menace
de
la rendre impossible. Ainsi nous défendons l’idée de nation souverain
745
la rendre impossible. Ainsi nous défendons l’idée
de
nation souveraine parce qu’au secret de notre conscience elle est lié
746
ns l’idée de nation souveraine parce qu’au secret
de
notre conscience elle est liée à l’idée de guerre. Des millénaires de
747
secret de notre conscience elle est liée à l’idée
de
guerre. Des millénaires de guerre nous ont intoxiqués. Et la fureur i
748
elle est liée à l’idée de guerre. Des millénaires
de
guerre nous ont intoxiqués. Et la fureur instantanée que provoque, ch
749
r instantanée que provoque, chez beaucoup, l’idée
de
désarmement, ne s’explique point par des raisons, qu’ils refusent d’a
750
point par des raisons, qu’ils refusent d’ailleurs
de
donner, mais par une passion pure et simple, qu’ils n’oseraient pas m
751
ouer. J’insiste sur ces derniers mots. Notre goût
de
la guerre est si bien refoulé que tous, sans exception, jurent qu’ils
752
t que la paix. Si c’était vrai, il n’y aurait pas
de
guerres. J’écrivais là-dessus, il y a deux ans déjà, une page que je
753
jà, une page que je vais vous recopier plutôt que
de
la paraphraser : « Viendra la paix… Et peut-être vient-elle pour des
754
être vient-elle pour des siècles. (Il y aura trop
d’
avions du même côté.) Mais comment l’homme compensera-t-il l’absence d
755
.) Mais comment l’homme compensera-t-il l’absence
de
guerre ? Voici la tragédie nouvelle : nous avons tout prévu contre un
756
ble pour demain. Hitler battu, nous n’aurons plus
d’
Ennemi. Une dimension de la vie nous fera défaut. Imaginons les conséq
757
battu, nous n’aurons plus d’Ennemi. Une dimension
de
la vie nous fera défaut. Imaginons les conséquences de cette déceptio
758
vie nous fera défaut. Imaginons les conséquences
de
cette déception planétaire. Le seul type d’héroïsme que l’Occident ai
759
ences de cette déception planétaire. Le seul type
d’
héroïsme que l’Occident ait su concevoir (depuis qu’il n’allume plus d
760
dent ait su concevoir (depuis qu’il n’allume plus
de
bûchers pour les chrétiens et que ceux-ci tolèrent les hérétiques) c’
761
alles pour la Patrie ou le Parti. S’il n’y a plus
de
guerres, qui fera des héros ? Qui réveillera le sens du sacrifice ? P
762
ur la paix, car jamais elle ne fut plus dépourvue
de
respect pour les vertus que l’esprit seul sait porter jusqu’au paroxy
763
qu’au paroxysme. Et comment vivre s’il n’y a plus
de
paroxysmes ? La guerre était pour nous la grande permission, le grand
764
r nous la grande permission, le grand ajournement
de
nos problèmes, la justification par l’opinion publique de l’irrespons
765
roblèmes, la justification par l’opinion publique
de
l’irresponsabilité universelle. Nous l’aimions sans le savoir, pour u
766
mé sur la terre entière et dans tous les domaines
de
l’existence publique. Elle figurait pour nous l’équivalent de la Fête
767
ce publique. Elle figurait pour nous l’équivalent
de
la Fête chez les peuples anciens, elle en avait les attributs les plu
768
des lois morales (tu tueras, tu voleras, tu diras
de
faux témoignages avec honneur) ; suspension du droit ; dépenses sans
769
humains ; déguisements ; cortèges ; déchaînement
de
passions collectives ; disqualification temporaire des conflits indiv
770
ion temporaire des conflits individuels. Je parle
d’
un état d’exception comme on dirait état de siège ou état de grâce. Te
771
les primitifs, la guerre était le « Grand Temps »
de
l’humanité moderne, la seule excuse que notre esprit pût accepter pou
772
notre esprit pût accepter pour suspendre le cours
d’
une existence de plus en plus conforme aux prévisions des grandes comp
773
us conforme aux prévisions des grandes compagnies
d’
assurances. Quelle fête immense faudra-t-il à ce siècle pour lui faire
774
-t-il à ce siècle pour lui faire oublier son goût
de
la guerre ? Quels drames nouveaux pour remplacer, sur la scène vide,
775
— et puis probablement… mes lettres n’auront plus
d’
objet.
776
n du monde pourrait bien se produire avant la fin
de
l’an prochain. Je tiens ma petite information d’un physicien des plus
777
de l’an prochain. Je tiens ma petite information
d’
un physicien des plus remarquables. Il n’en fait pas de secret, mais n
778
physicien des plus remarquables. Il n’en fait pas
de
secret, mais ne la publiez pas : le colonel dirait encore que c’est «
779
ayant fait annoncer par la presse que des essais
de
bombe atomique allaient être tentés sur l’Océan, notre savant a cru d
780
aient être tentés sur l’Océan, notre savant a cru
de
son devoir d’avertir aussitôt Washington. D’après ses calculs, disait
781
tés sur l’Océan, notre savant a cru de son devoir
d’
avertir aussitôt Washington. D’après ses calculs, disait-il, cet essai
782
e Déluge, en comparaison, n’aurait été qu’un bain
de
pied. Le gouvernement américain ayant également annoncé son intention
783
t américain ayant également annoncé son intention
de
jeter une bombe sur la calotte polaire, pour voir ce que cela donnera
784
t simple : cela donnerait une idée fort approchée
de
la fin du monde. C’est à quoi nous en sommes, et c’est comique. On av
785
’ordre universel que nous allons courir le risque
d’
inonder ou de brûler la terre entière. Personne ne rit. Personne non p
786
sel que nous allons courir le risque d’inonder ou
de
brûler la terre entière. Personne ne rit. Personne non plus n’ose pro
787
ourez sans insister… En somme, j’aurais bien tort
de
ricaner. Tout le monde sait que le monde finira. Et qui ne voudrait f
788
le qu’il y ait là quelque consolation. L’amertume
de
mourir est aussi faite de l’idée qu’on manquera la suite de l’histoir
789
consolation. L’amertume de mourir est aussi faite
de
l’idée qu’on manquera la suite de l’histoire. C’est peut-être pourquo
790
est aussi faite de l’idée qu’on manquera la suite
de
l’histoire. C’est peut-être pourquoi les tout premiers chrétiens, s’i
791
t avec une grande facilité sous la main des nazis
de
l’époque. Saint Paul écrit aux croyants de Corinthe : « Voici, je vou
792
nazis de l’époque. Saint Paul écrit aux croyants
de
Corinthe : « Voici, je vous dis un mystère : nous ne mourrons pas tou
793
écrivant l’âge matérialiste où nous vivons, l’âge
de
l’extrême solidification des seules réalités qui nous restent sensibl
794
lum in favilla. Le Moyen Âge pensait qu’une pluie
de
feu suffirait à réduire la surface de la Terre et la vermine humaine
795
u’une pluie de feu suffirait à réduire la surface
de
la Terre et la vermine humaine qui s’y livre à ses vices. La Renaissa
796
nouveau Déluge. Léonard le figure dans une série
de
dessins, où l’on peut voir un raz-de-marée soulever dans ses volutes
797
qu’est-ce que cela nous ferait ? Ce serait la fin
de
la douleur du monde. Certains jours, il me semble que la folie des pe
798
des peuples, des gouvernants, des militaires, et
de
tous les irresponsables qui nous mènent, obéit secrètement au bon sen
799
i grande, avec notre Progrès, qu’il y a bien plus
de
gens au monde qui souhaitent d’en finir avec la vie, que de gens qui
800
’il y a bien plus de gens au monde qui souhaitent
d’
en finir avec la vie, que de gens qui voudraient qu’elle dure encore.
801
monde qui souhaitent d’en finir avec la vie, que
de
gens qui voudraient qu’elle dure encore. Comme si l’humanité, au scru
802
é commune… « Viens, douce mort ! » ce beau choral
de
Bach, n’est-ce pas le soupir enfantin que l’on croit parfois distingu
803
une voix du rêve, dans les intervalles effrayants
de
la cacophonie mondiale ? Je ne vous en dis pas plus ce soir. Demain,
804
XVIIILa paix ou la mort Princeton (N. J.), fin
d’
année 1945. Notre monde est sans doute perdu, et c’est la raison de No
805
re monde est sans doute perdu, et c’est la raison
de
Noël. Dans cette nuit la plus longue de l’année, parce qu’il n’y avai
806
la raison de Noël. Dans cette nuit la plus longue
de
l’année, parce qu’il n’y avait plus qu’à désespérer, l’espoir est né.
807
s qu’à désespérer, l’espoir est né. Démonstration
d’
une puissance indémontrable, et dont la touche ne saurait être enregis
808
ouche ne saurait être enregistrée que par le tout
de
l’homme qu’elle suscite : voilà pourquoi nos instruments, et nos fonc
809
sorielles en seront toujours incapables. Ce drôle
de
petit cri dans la paille m’indique tout autrement que les formules d’
810
paille m’indique tout autrement que les formules
d’
Einstein que notre univers est fini, et que les seuls messages d’espoi
811
notre univers est fini, et que les seuls messages
d’
espoir qui passent encore sont ceux qui vont de personne à personne. M
812
es d’espoir qui passent encore sont ceux qui vont
de
personne à personne. Me voici libéré de mes dernières craintes, et to
813
qui vont de personne à personne. Me voici libéré
de
mes dernières craintes, et tout libre d’imaginer, de choisir et de m’
814
i libéré de mes dernières craintes, et tout libre
d’
imaginer, de choisir et de m’orienter personnellement vers la paix ou
815
mes dernières craintes, et tout libre d’imaginer,
de
choisir et de m’orienter personnellement vers la paix ou la mort. Dis
816
craintes, et tout libre d’imaginer, de choisir et
de
m’orienter personnellement vers la paix ou la mort. Disposition favor
817
des réflexions réalistes. Parmi tous les projets
de
contrôle de la Bombe que l’on a suggérés depuis six mois, j’en retien
818
ons réalistes. Parmi tous les projets de contrôle
de
la Bombe que l’on a suggérés depuis six mois, j’en retiens deux : 1.
819
es derniers fourniraient ainsi la preuve par neuf
de
leurs bonnes intentions. 2. Donner la Bombe au gouvernement mondial,
820
hambres universelles seraient élues, l’une formée
de
délégués des États, l’autre de députés des peuples. (Je prends le mod
821
lues, l’une formée de délégués des États, l’autre
de
députés des peuples. (Je prends le modèle courant. Il faudrait l’ajus
822
des recherches scientifiques, Défense des droits
de
la personne, Transports planétaires. (Rien que de raisonnable, comme
823
de la personne, Transports planétaires. (Rien que
de
raisonnable, comme vous le voyez. On trouverait mieux, en s’appliquan
824
s idées pratiques et raisonnables que l’on traite
de
folies, à l’âge où l’on prépare dans le monde entier, à la demande gé
825
a aux affaires courantes : équilibrer les budgets
de
guerre, etc. Ce n’est pas qu’une angoisse diffuse ne soit sensible da
826
géré. Vous pensez que j’ai cédé au goût américain
de
la sensation, du biggest in the world. Et de vrai, c’est dans ce pays
827
cain de la sensation, du biggest in the world. Et
de
vrai, c’est dans ce pays que la première Bombe vient d’être construit
828
i, c’est dans ce pays que la première Bombe vient
d’
être construite. Exagérée sans doute et dépassant la mesure de ce que
829
ruite. Exagérée sans doute et dépassant la mesure
de
ce que l’on connaissait avant le 6 août, elle est là, parce que l’hom
830
là, parce que l’homme l’a mise là. Et votre sens
de
la mesure peut se rebeller comme l’esprit devant la mort… Mais admett
831
forme, donc condenser, donc augmenter la réalité
de
l’objet ou de la situation. C’est donc toujours « exagérer » les trai
832
ondenser, donc augmenter la réalité de l’objet ou
de
la situation. C’est donc toujours « exagérer » les traits ou phénomèn
833
ettons que les armées retiennent une bonne partie
de
leur utilité au service des nations et de leur vertu d’ordre. Admetto
834
partie de leur utilité au service des nations et
de
leur vertu d’ordre. Admettons qu’elles arrivent encore à se battre. A
835
r utilité au service des nations et de leur vertu
d’
ordre. Admettons qu’elles arrivent encore à se battre. Admettons que l
836
risés ne l’affirment. Admettons qu’il n’y ait pas
de
raz-de-marée, ni d’autres accidents d’ampleur continentale. Admettons
837
’y ait pas de raz-de-marée, ni d’autres accidents
d’
ampleur continentale. Admettons que notre globe dure longtemps encore,
838
mps encore, et que la guerre militaire y prospère
d’
autant mieux qu’elle sera dotée d’une arme de plus. Admettons que l’on
839
aire y prospère d’autant mieux qu’elle sera dotée
d’
une arme de plus. Admettons que l’on invente une parade à la Bombe, se
840
ntage des coups tirés… Pensez-vous que les effets
de
la prochaine guerre seront très différents de ceux que j’ai prévus ?
841
ets de la prochaine guerre seront très différents
de
ceux que j’ai prévus ? La souffrance sera pire, l’agonie de la terre
842
e j’ai prévus ? La souffrance sera pire, l’agonie
de
la terre un peu plus longue, la fin de l’humanité non moins certaine,
843
, l’agonie de la terre un peu plus longue, la fin
de
l’humanité non moins certaine, le triomphe des éléments d’ordre aussi
844
nité non moins certaine, le triomphe des éléments
d’
ordre aussi énigmatique, et sans témoins. Je reconnais volontiers que
845
ngtemps. Les choses ne se passeront peut-être pas
de
la manière soudaine et dramatique qu’un certain goût de l’antithèse m
846
manière soudaine et dramatique qu’un certain goût
de
l’antithèse m’incline parfois à souhaiter. La tragédie n’aura pas de
847
cline parfois à souhaiter. La tragédie n’aura pas
de
lignes pures, parce que nos choix ne sont pas si francs, et que nos c
848
chefs savent à peine ce qu’ils jouent. Une espèce
d’
organisation mondiale ouvrira des bureaux confortables d’où sortiront
849
isation mondiale ouvrira des bureaux confortables
d’
où sortiront quelques vœux incolores. Il est évident que les nations s
850
que l’une d’entre elles, Bombe en main, essaiera
d’
imposer sa paix à toutes les autres. (Inutile même de la nommer.) Il e
851
mposer sa paix à toutes les autres. (Inutile même
de
la nommer.) Il est évident que les peuples se révolteront contre cett
852
fuse à ces évidences. On nous ressasse à longueur
de
journée qu’elle « n’est pas prête pour un gouvernement mondial ». Est
853
ix, cela veut dire que vous d’abord, vous refusez
de
faire le choix de la paix, parce que ses moyens vous déplaisent. Mais
854
que vous d’abord, vous refusez de faire le choix
de
la paix, parce que ses moyens vous déplaisent. Mais en refusant de ch
855
que ses moyens vous déplaisent. Mais en refusant
de
choisir la paix, vous votez tacitement pour la mort, et vous en rende
856
t vous en rendez responsable. Tout tient à chacun
de
nous. Et nous en sommes au point où il devient difficile de le cacher
857
t nous en sommes au point où il devient difficile
de
le cacher. Nos alibis ne trompent plus que nous-mêmes. Pour moi, je p
858
ais-je pas, quand je sais que l’enjeu n’est point
de
ceux que la défaite, mais la désertion seule puisse me faire perdre ?
859
e ? Je me rappelle cette voix, dans Isaïe, criant
de
Séir au prophète : « Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? Sentinelle,
860
nt de Séir au prophète : « Sentinelle, que dis-tu
de
la nuit ? Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? » La sentinelle a répon
861
e, que dis-tu de la nuit ? Sentinelle, que dis-tu
de
la nuit ? » La sentinelle a répondu : « Le matin vient et la nuit aus
862
matin vient et la nuit aussi. » Je n’ai pas fini
d’
aimer ce cri. Les citations de la Bible vous irritent. Et vous me dire
863
» Je n’ai pas fini d’aimer ce cri. Les citations
de
la Bible vous irritent. Et vous me direz : que fait Dieu dans tout ce
864
Terre, elle sautera et ce sera très bien. Au-delà
de
ce « clin d’œil », il nous attend. P.-S. — Un dernier mot, et dire qu
865
Bombe et qui se prépare à l’employer. Le contrôle
de
la Bombe est une absurdité. On nomme des Comités pour la retenir ! C’
866
des Comités pour la retenir ! C’est comme si tout
d’
un coup on se jetait sur une chaise pour l’empêcher d’aller casser les
867
coup on se jetait sur une chaise pour l’empêcher
d’
aller casser les vases de Chine. Si on laisse la Bombe tranquille, ell
868
e chaise pour l’empêcher d’aller casser les vases
de
Chine. Si on laisse la Bombe tranquille, elle ne fera rien, c’est cla
869
te dans sa caisse. Qu’on ne nous raconte donc pas
d’
histoires. Ce qu’il nous faut, c’est un contrôle de l’homme.
870
’histoires. Ce qu’il nous faut, c’est un contrôle
de
l’homme.
871
annoncer une expérience sensationnelle : au mois
de
mai ou de juillet, une ou deux bombes seraient jetées sur une flotte
872
une expérience sensationnelle : au mois de mai ou
de
juillet, une ou deux bombes seraient jetées sur une flotte de cent bâ
873
une ou deux bombes seraient jetées sur une flotte
de
cent bâtiments de guerre réunie dans la baie de Bikini, Pacifique. Pa
874
seraient jetées sur une flotte de cent bâtiments
de
guerre réunie dans la baie de Bikini, Pacifique. Parmi tous les détai
875
détails publiés par la presse sur les préparatifs
de
l’expérience, j’en retiens deux. Une mission de savants américains fo
876
s de l’expérience, j’en retiens deux. Une mission
de
savants américains formée de quatorze biologistes, botanistes et océa
877
ns deux. Une mission de savants américains formée
de
quatorze biologistes, botanistes et océanographes, et de deux commerç
878
orze biologistes, botanistes et océanographes, et
de
deux commerçants en poisson (mieux payés que les savants, dit-on) vie
879
on) vient de partir pour l’île de Bikini. L’objet
de
la mission est d’établir un relevé complet de tous les êtres vivants
880
r pour l’île de Bikini. L’objet de la mission est
d’
établir un relevé complet de tous les êtres vivants sur l’île. C’est u
881
jet de la mission est d’établir un relevé complet
de
tous les êtres vivants sur l’île. C’est une mission fort analogue que
882
vaux seront filmés. Au jour J, les cent bâtiments
de
la flotte de guerre réunis dans la baie de Bikini pour subir l’épreuv
883
ilmés. Au jour J, les cent bâtiments de la flotte
de
guerre réunis dans la baie de Bikini pour subir l’épreuve atomique au
884
s. Mais ces équipages seront entièrement composés
d’
animaux. Deux-cents chèvres, deux-cents cochons et quatre-mille rats s
885
cochons et quatre-mille rats seront à leur poste
de
combat, sur les tourelles, dans les chambres de machines et sur les p
886
e de combat, sur les tourelles, dans les chambres
de
machines et sur les ponts. Et ceci encore nous ramène, irrésistibleme
887
ncore nous ramène, irrésistiblement, à la légende
de
l’Arche de Noé. Souvenez-vous d’autre part des prédictions de notre p
888
ramène, irrésistiblement, à la légende de l’Arche
de
Noé. Souvenez-vous d’autre part des prédictions de notre physicien to
889
e Noé. Souvenez-vous d’autre part des prédictions
de
notre physicien touchant la probabilité d’une fin du monde par raz-de
890
ctions de notre physicien touchant la probabilité
d’
une fin du monde par raz-de-marée (voir lettre xvii ). Une précision s
891
part à ma lettre deuxième, où j’annonçais la mort
de
la guerre militaire. Voici. L’on a remarqué que la peau des cochons e
892
ue la peau des cochons est fort semblable à celle
de
l’homme. La sensibilité de l’une peut renseigner sur celle de l’autre
893
fort semblable à celle de l’homme. La sensibilité
de
l’une peut renseigner sur celle de l’autre. Aussi bien nos marins ou
894
La sensibilité de l’une peut renseigner sur celle
de
l’autre. Aussi bien nos marins ou capitaines cochons seront-ils revêt
895
taines cochons seront-ils revêtus pour l’occasion
d’
uniformes réguliers de la marine, enduits ou imprégnés d’une substance
896
ils revêtus pour l’occasion d’uniformes réguliers
de
la marine, enduits ou imprégnés d’une substance capable d’absorber le
897
rmes réguliers de la marine, enduits ou imprégnés
d’
une substance capable d’absorber les rayons gamma. Ceux-ci, comme vous
898
ine, enduits ou imprégnés d’une substance capable
d’
absorber les rayons gamma. Ceux-ci, comme vous le savez, sont réputés
899
feu, et savent mourir. Quel que soit le résultat
de
l’opération, sur lequel nos savants se perdent en conjectures, j’en t
900
rté par des cochons, au sens le plus scientifique
de
ce terme. Quand je vous disais que la guerre est morte, « la guerre d
901
es sont toutes violées sans exception par l’usage
de
la bombe atomique… J’avoue que je n’avais pas pensé à l’uniforme et a
902
renonce à l’expérience. Avec la flotte sacrifiée
de
Bikini, c’est le prestige de l’uniforme, symboliquement, qui va sombr
903
la flotte sacrifiée de Bikini, c’est le prestige
de
l’uniforme, symboliquement, qui va sombrer. Il vaut la peine de remar
904
symboliquement, qui va sombrer. Il vaut la peine
de
remarquer enfin que pas une voix ne s’est élevée du côté des fervents
905
pas une voix ne s’est élevée du côté des fervents
de
l’Armée, pour protester contre une profanation si littéralement éclat
906
té opposé. C’est la Ligue protectrice des animaux
d’
un des États de l’Est de l’Amérique qui a pris l’initiative d’un mouve
907
ts de l’Est de l’Amérique qui a pris l’initiative
d’
un mouvement d’opinion contre les essais projetés. Cette Ligue demande
908
l’Amérique qui a pris l’initiative d’un mouvement
d’
opinion contre les essais projetés. Cette Ligue demande qu’au lieu de
909
Cette Ligue demande qu’au lieu de sacrifier tant
d’
innocentes victimes, et dans une posture si ridicule, on place sur les
910
qui se seront déclarés en faveur de l’expérience
de
Bikini…