1
l de faucon et du dernier des Mohicans. L’onde en
est
bleue comme dans mes souvenirs des lacs de Suisse et du Tyrol. La gra
2
isse et du Tyrol. La grande galerie ouverte où je
suis
installé, à l’ombre d’un rideau de pins qui sépare seul la maison du
3
ient accoster en silence un canoë dont la rameuse
est
lasse. Vous ne sauriez imaginer lumière plus heureuse, ni plus paisib
4
vos yeux par les jours de chaleur. Tout le monde
est
accouru sur la galerie, à la nouvelle, et j’ai dû raconter l’histoire
5
e comme si je revenais d’Hiroshima, comme si j’en
étais
responsable. À minuit, nous en parlions encore. Le choc nous avait je
6
de explosion la hantait depuis son enfance. (Elle
est
née dans un tremblement de terre.) — C’est sacrilège, ce qu’on vient
7
bombe confirmait son point de vue : la science n’
est
qu’une mythologie, ses lois et sa matière elle-même sont de purs myth
8
’une mythologie, ses lois et sa matière elle-même
sont
de purs mythes, et n’ont ni plus ni moins de réalité que les conventi
9
. Vous savez que c’est un de mes dadas. Ma thèse
est
simple. Qu’est-ce que l’homéopathie ? L’action d’un remède matérielle
10
e c’est un de mes dadas. Ma thèse est simple. Qu’
est
-ce que l’homéopathie ? L’action d’un remède matériellement absent. Qu
11
? L’action d’un remède matériellement absent. Qu’
est
-ce que la bombe atomique ? L’action d’un point de matière subitement
12
ais-je, tout comme les artilleurs et bombardiers,
sont
de l’avis qu’en augmentant les doses on augmente aussi les effets. Di
13
plus que de l’eau pure. Et cependant, cette eau n’
est
pas semblable à celle qui coule du robinet. Elle est modifiée par l’a
14
pas semblable à celle qui coule du robinet. Elle
est
modifiée par l’absence, on dirait presque par le souvenir. Elle a pri
15
lui a retiré une substance qui d’abord lui avait
été
intimement mêlée. Vous voyez que l’homéopathie n’est pas un progrès s
16
intimement mêlée. Vous voyez que l’homéopathie n’
est
pas un progrès sur la médication classique, mais un renversement tota
17
ouissement. De même pour la bombe atomique : ce n’
est
pas une arme perfectionnée, c’est l’intrusion d’une manière toute nou
18
la plus grande explosion de l’Histoire n’ait pas
été
provoquée tout bêtement par la plus grande masse d’explosif jamais ré
19
té, et l’une des grandes dates de la terre : ce n’
est
qu’un rien qui s’est défait. Le docteur n’avait pas attendu que j’en
20
des dates de la terre : ce n’est qu’un rien qui s’
est
défait. Le docteur n’avait pas attendu que j’en fusse arrivé à cette
21
défait. Le docteur n’avait pas attendu que j’en
fusse
arrivé à cette formule frappante pour donner tous les signes d’une ir
22
ent pas lieu de le prendre de si haut, puisqu’ils
sont
notoirement incapables d’expliquer le rhume de cerveau, et bien enten
23
u, de le guérir. L’argument ne vaut rien, mais il
était
minuit, et les rieurs sont allés se coucher chacun de son côté, et su
24
ne vaut rien, mais il était minuit, et les rieurs
sont
allés se coucher chacun de son côté, et sur sa position. Ce matin, le
25
ez un nickel à chaque fois que cette plaisanterie
sera
publiée, lui ai-je dit, je vous parie mille dollars que je les gagne
26
qu’excités, et hilares par nervosité. Quelle que
soit
d’ailleurs l’attitude qu’on juge bon d’adopter en sa présence, il la
27
II La guerre
est
morte Lake George (N. Y.), le 12 août 1945. On nous parle d’armisti
28
août 1945. On nous parle d’armistice depuis hier.
Est
-ce encore une de ces fausses nouvelles comme cette guerre en a vu tan
29
x jours sur la réalité ? La libération de Paris a
été
fêtée un soir à New York, démentie le lendemain, confirmée quelques j
30
de la guerre. De même la victoire en Europe nous
fut
annoncée en deux temps, laissant la foule de Times Square perplexe. C
31
aissant la foule de Times Square perplexe. Cela n’
est
pas sans conséquences pour le moral de la population. Rien de plus ma
32
ue les accidents de ce genre, dans divers ordres,
sont
souvent l’origine d’une névrose… Mais cette fois-ci, prématurée ou no
33
r de la Bombe, non de la paix, que l’ère nouvelle
sera
comptée. D’ailleurs, il s’agit moins de la naissance d’une paix que d
34
uerre. Car c’est la guerre en général qui vient d’
être
atteinte en plein cœur. Voilà qui me frappe bien davantage que l’aspe
35
nus. La science ira beaucoup plus loin. Les morts
seront
oubliés dans une génération. Mais quelque chose d’irréparable s’est p
36
ne génération. Mais quelque chose d’irréparable s’
est
produit. La principale victime de la bombe atomique a été la guerre,
37
uit. La principale victime de la bombe atomique a
été
la guerre, qui en est morte en trois jours. Sous sa forme militaire —
38
time de la bombe atomique a été la guerre, qui en
est
morte en trois jours. Sous sa forme militaire — c’était la guerre tou
39
lus qu’à se consacrer aux sports. Que la guerre n’
est
plus leur métier. Et que par conséquent il n’y aura plus de guerre au
40
rres », nous disaient-ils. Sans doute, mais ce ne
seront
plus les leurs, les « vraies », les héroïques, costumées et casquées,
41
que post-einsteinienne. La question de compétence
est
tranchée sans réplique au détriment définitif des généraux, au bénéfi
42
entiment de vague et vaste frustration. (L’Europe
sera
plus touchée que l’Amérique.) On ne se guérit pas facilement de l’abl
43
» qui firent le principal de notre Histoire ? Tel
est
l’un des problèmes psychologiques que pose au siècle la bipartition d
44
e au siècle la bipartition d’un seul atome. Il en
est
d’autres, dont nous avons parlé abondamment ces derniers jours : les
45
leur seule défense imaginable — et la circulation
sera
dégorgée dans l’invisible stratosphère… Quant aux voyages ? Ils vont
46
ns cet « âge atomique » dont tout le monde parle.
Est
-ce que la paix serait morte en même temps que la guerre ? Vous me dem
47
ue » dont tout le monde parle. Est-ce que la paix
serait
morte en même temps que la guerre ? Vous me demandez comment a réagi
48
es lettres à leurs journaux. Leur opinion moyenne
est
qu’il est criminel non point tant de tuer, que de tuer en masse, et p
49
à leurs journaux. Leur opinion moyenne est qu’il
est
criminel non point tant de tuer, que de tuer en masse, et par des pro
50
llion de vies. Voilà du beau travail américain. —
Êtes
-vous sûrs, répliquent les premiers, que c’est la Bombe qui a mis fin
51
qu’en se montrant. Les Japonais le nient, mais il
est
clair qu’ils ne cherchaient depuis des semaines qu’un prétexte honora
52
honorable pour capituler. L’état-major dit qu’ils
étaient
à bout de ressources, et sans défenses sérieuses contre un débarqueme
53
sérieuses contre un débarquement. Notre presse s’
est
gardée d’insister sur les informations de ce genre. — Mais si la Bom
54
, ont l’air de dire : — Parlez toujours ! Le fait
est
que nous l’avons, la Bombe ! Et nous sommes décidés à en garder le se
55
Le fait est que nous l’avons, la Bombe ! Et nous
sommes
décidés à en garder le secret. Le président, après quelques phrases p
56
ésident, après quelques phrases pieuses, semble s’
être
rangé à cet avis. Ainsi discutent les moralistes, les réalistes, et l
57
e réaliste). Le fait brutal, c’est que ce débat n’
est
pas à l’échelle de l’Histoire. Ce qui domine en vérité tous les espri
58
e. Ce qui domine en vérité tous les esprits, ce n’
est
pas la question de ce qu’il eût fallu faire, mais bien de ce qui va n
59
r. Car personne, sérieusement, n’ose opiner qu’il
était
préférable de détruire la Bombe et tout le Manhattan Project. C’est p
60
is c’est ainsi : personne ne veut que l’événement
soit
oublié, supprimé, interdit à jamais. Nous sommes tous dans l’état du
61
nt soit oublié, supprimé, interdit à jamais. Nous
sommes
tous dans l’état du spectateur à l’approche du climax d’un bon film p
62
lm policier. Si l’on nous privait de la Bombe, je
suis
sûr que la déception surpasserait de beaucoup le soulagement. L’histo
63
fait de se taire.) Bâtard ou non, l’âge atomique
est
né. Vous me dites que l’expression est ridicule. Simplement parce qu’
64
e atomique est né. Vous me dites que l’expression
est
ridicule. Simplement parce qu’elle s’est vulgarisée ? Je la trouve ju
65
pression est ridicule. Simplement parce qu’elle s’
est
vulgarisée ? Je la trouve juste, utile et nécessaire. Un âge, oui, c’
66
nécessaire. Un âge, oui, c’est bien cela et ce n’
est
pas trop dire, si l’on songe aux transformations presque inimaginable
67
oduire. Un âge de folie pure peut-être, mais c’en
est
fait, nous sommes embarqués. Et toutes nos discussions rétrospectives
68
de folie pure peut-être, mais c’en est fait, nous
sommes
embarqués. Et toutes nos discussions rétrospectives sont vaines. Il s
69
barqués. Et toutes nos discussions rétrospectives
sont
vaines. Il s’agit de faire face à ce qui vient, dans l’incompétence g
70
s. On annonce au surplus que ce mode de transport
sera
rapidement supplanté par le catapultage stratosphérique. Paris détrui
71
ulation. L’idéal de nos contemporains paraît bien
être
de mourir sans le savoir, et sans avoir le temps de dire ouf. À quoi
72
du poète latin. Mais trêve de vains regrets. Nous
sommes
en pleine folie. Et je décide de m’y abandonner le temps de cette let
73
ne passion véritablement partagée, de celles où l’
être
se consume et se consomme en s’engageant, nous donne les Hauts de Hur
74
euil de l’ère des miracles précis. Le xxe siècle
est
abruti sous trois rapports : les sens, l’esprit, et l’imagination. Il
75
orts : les sens, l’esprit, et l’imagination. Il s’
est
réduit à deux spécialités plutôt maniaques : le maniement de ses mach
76
ement de ses machines et de son argent. (Encore n’
est
-il pas trop brillant sur le second chef.) La seule idée qui soit venu
77
p brillant sur le second chef.) La seule idée qui
soit
venue à nos experts en urbanisme, du moins la seule qu’ils aient osé
78
e, car il y a tout à parier que la première bombe
serait
pour New York, et mettrait hors d’usage en une seconde le mécanisme d
79
conde le mécanisme du rentrer sous terre. Je m’en
tiens
à la suggestion qui me venait à l’esprit dans une précédente lettre :
80
précédente lettre : la seule défense d’une ville
est
sa mobilité. J’entends bien : sa mobilité perpétuelle. Ainsi l’ennemi
81
ment les maisons se déplaceraient, au lieu que ce
soient
leurs habitants. C’est une question de rails ou d’hélices. Car je ne
82
ue toute l’évolution, à partir du xixe siècle, n’
est
qu’un immense complot mondial pour couper nos racines paysannes ? La
83
s villes, dont nous pensions devenir les paysans,
seront
les premiers objectifs de la bombe. Nous ne les abandonnerons pas pou
84
esques : « Alamogordo (New Mexico). La population
est
très excitée par l’annonce que les vaches rouges de la contrée sont d
85
par l’annonce que les vaches rouges de la contrée
sont
devenues blanches à la suite de la première expérience d’explosion at
86
illet. » — « Carrizozo (New Mexico). Un chat noir
est
devenu à moitié blanc. Un cowboy du village de Brigham accuse l’atome
87
e cinq-mille produits et procédés industriels ont
été
inventés au cours des travaux sur la bombe atomique dans l’usine de O
88
shima, plusieurs femmes naguère réputées stériles
sont
aujourd’hui enceintes. Les médecins américains estiment que le fait e
89
tes. Les médecins américains estiment que le fait
est
dû à la fin des hostilités, plutôt qu’à la Bombe. » — « Alamogordo (N
90
poules qui n’avaient pas pondu depuis des mois se
sont
remises à pondre après l’expérience de juillet. » Mais ce ne sont là
91
ondre après l’expérience de juillet. » Mais ce ne
sont
là que des « faits », comme disent la science et les politiciens cyni
92
la science et les politiciens cyniques. Les faits
sont
les déchets de l’imagination. Et ceux que nous voyons aujourd’hui, et
93
ns aujourd’hui, et que nous étudions et mesurons,
sont
en réalité déterminés par l’angle obtus sous lequel nous approchons l
94
livre en préparation. Le Moteur à fées Tout cela
est
très joli ! disait le Docteur, mais quoi, la science reste la science
95
se et qui progresse. Vous semblez croire que nous
sommes
libres désormais de penser n’importe quoi, et que cela changera tout.
96
science produit des preuves que les superstitions
seraient
bien en peine de réfuter ou d’égaler. Elle guérit ! Elle invente des
97
lages. — Bien, dis-je, la preuve que la science n’
est
pas folle, c’est qu’elle nous permet aujourd’hui d’aller beaucoup plu
98
beaucoup plus vite qu’il y a cent ans. Voilà qui
est
sérieux, me dites-vous. Et voilà qui est utile, au surplus. Personne
99
oilà qui est sérieux, me dites-vous. Et voilà qui
est
utile, au surplus. Personne n’osant le contester autour de moi, je cr
100
t. Supposez que leur plaisir nouveau et principal
soit
d’évoquer quelque chose comme les fées, et qu’ils y arrivent après de
101
t l’immobilité dont le sous-produit nommé lenteur
est
vénéré par quelques sectes populaires, font de la mort une plaisanter
102
plaisanterie d’un goût sublime qui perd son sel à
être
répétée, étouffent d’une seule pensée les explosions cosmiques, etc.
103
ustrielle de l’Amérique. C’est assez dire qu’il n’
est
que temporaire. Quant au secret technique de la détonation, dans quel
104
», cependant que la même enquête révèle que 65 %
sont
persuadés que « le secret ne peut être gardé ». D’où je déduis que la
105
e que 65 % sont persuadés que « le secret ne peut
être
gardé ». D’où je déduis que la proportion des Américains raisonnables
106
deux idées et d’en tirer une conclusion logique)
est
entre 6 et 35 %. Est-ce peu ou beaucoup pour un peuple ? Je n’en juge
107
irer une conclusion logique) est entre 6 et 35 %.
Est
-ce peu ou beaucoup pour un peuple ? Je n’en jugerais qu’après un essa
108
Je n’en jugerais qu’après un essai en Europe. Il
est
clair que l’opinion publique est égarée par sa foi dans la science, q
109
i en Europe. Il est clair que l’opinion publique
est
égarée par sa foi dans la science, que les savants sérieux ne partage
110
rre, tuerait la paix. Une partie de la population
serait
employée à surveiller le ciel, l’autre partie à fabriquer les instrum
111
nne ne vivrait. La situation présente, en vérité,
est
bien plus folle qu’on ne l’imagine. Car non seulement nous sommes san
112
folle qu’on ne l’imagine. Car non seulement nous
sommes
sans défense, mais encore le secret de la Bombe sera demain celui de
113
s sans défense, mais encore le secret de la Bombe
sera
demain celui de Polichinelle, et enfin si quelqu’un nous attaque, nou
114
Suisse, manufacture une douzaine de bombes. Ce n’
est
pas une question d’argent comme on le croit — les grosses dépenses on
115
gent comme on le croit — les grosses dépenses ont
été
faites par l’Amérique, pendant les recherches — mais d’ingéniosité et
116
fait, c’est à l’École polytechnique de Zurich que
sont
nés les travaux d’Einstein. Supposez maintenant que ce petit pays, po
117
ant que les projectiles ne viennent de Russie. Il
est
trop tard pour échanger des notes et des coups de chapeau haut de for
118
cu. Un éclair tombant du ciel bleu — l’expression
est
devenue si vraie qu’elle a cessé de nous frapper. Une apathie étrange
119
comme chez ceux qui les mènent. Les trois Grands
sont
presque d’accord pour renouveler leurs petites discussions. M. Truman
120
sacré ». Le monde n’a pas de gouvernement. Je ne
suis
pas sûr que les nations en aient. Et nous restons les bras ballants,
121
1945. À une heure de New York, à Princeton où je
suis
en train de m’installer, tout respire une paix claustrale. Les bâtime
122
a petite fille. À quoi pense-t-il ? De ce cerveau
est
sortie l’équation qui est en train de bouleverser le monde. Je me la
123
se-t-il ? De ce cerveau est sortie l’équation qui
est
en train de bouleverser le monde. Je me la répète chaque fois que je
124
e chaque fois que je le vois : E = mc2. L’énergie
est
égale au produit de la masse par le carré de la vitesse lumineuse. On
125
a jamais tant dit en si peu de signes. Mais je ne
suis
pas un physicien, et n’ai d’autre spécialité que de réfléchir aux con
126
éfendent-ils tous l’idée que la guerre des bombes
serait
la fin des hommes, et que le seul moyen de l’empêcher est un gouverne
127
in des hommes, et que le seul moyen de l’empêcher
est
un gouvernement mondial. Ils partagent mon avis sur l’inutilité des a
128
service des recherches atomiques à Los Alamos, a
été
interrogé hier par un comité du Sénat. À la question : “Est-il vraise
129
ogé hier par un comité du Sénat. À la question : “
Est
-il vraisemblable qu’un seul raid atomique contre les centres populeux
130
troupes partiront, un tiers de la population aura
été
tué. Pendant le voyage, un autre tiers subira probablement le même so
131
humain. D’ailleurs, l’île qu’ils iront conquérir
sera
déjà réduite en fine poussière, si l’ennemi n’est pas stupide. Suppos
132
era déjà réduite en fine poussière, si l’ennemi n’
est
pas stupide. Supposez encore que la Russie attaque l’Amérique par la
133
n. » Mais dans le cas d’une guerre atomique, il n’
est
pas sûr, ni même probable que l’agresseur juge bien utile de venir di
134
ruines encore radioactives. De même, si la Russie
est
attaquée par l’Amérique, ou encore si l’une des deux attaque l’Europe
135
Américains pour débarquer en Europe, et leur pays
était
resté à l’abri des bombardements. Même s’il leur faut seulement deux
136
au monde, ait mystérieusement raison ; mais ce n’
est
certainement pas pour les raisons qu’il donne. Et pourquoi n’en pas d
137
lus d’autres secrets que ceux de l’industrie, qui
sont
ceux de la science, qui n’a d’autre désir que de les publier. Je main
138
ir que de les publier. Je maintiens que la guerre
est
morte, la guerre des militaires, la vraie. Parce que nous avons passé
139
r il s’agit d’un problème dont la preuve, si elle
était
jamais administrée, ne pourrait plus intéresser qu’un auditoire brusq
140
VII Tout
est
changé, personne ne bouge Princeton, 28 octobre 1945. Vos objection
141
é d’avance. Mais je m’aperçois que votre attitude
est
plus sentimentale que réaliste, et qu’en vertu de cette disposition,
142
la même notion du sérieux et de la gravité. Vous
êtes
encore préatomique. Ce n’est pas seulement un océan, mais toute une è
143
de la gravité. Vous êtes encore préatomique. Ce n’
est
pas seulement un océan, mais toute une ère qui nous sépare. Non, c’en
144
an, mais toute une ère qui nous sépare. Non, c’en
est
trop ! Écoutez-moi, venez ici et regardez avec moi. Quand je vois que
145
ici et regardez avec moi. Quand je vois que tout
est
changé dans notre monde depuis Hiroshima, et que cependant les respon
146
lieu de rebâtir des maisons et de vêtir ceux qui
sont
nus ; quand je vois la guerre et que chacun s’y prépare ; quand je vo
147
rlementaires, économistes, radoteurs à gages, ils
sont
tous fous, ne les écoutez plus ! — quand je vois que si je dis tout c
148
hère amie, je souris. C’est ma manière nouvelle d’
être
sérieux. Voulez-vous que je pleure toute la journée, que je rugisse p
149
es articles mesurés sur la folie du siècle ? Ce n’
est
pas une folie furieuse, hélas, il s’en faut de beaucoup. C’est une lé
150
clairement la situation. — C’est tout vu, nous y
sommes
, quel est votre système ? — Cherchons ensemble… — Oh l’ennuyeux ! Dep
151
a situation. — C’est tout vu, nous y sommes, quel
est
votre système ? — Cherchons ensemble… — Oh l’ennuyeux ! Depuis le tem
152
ment, oui, n’importe lequel… — Je vois que vous n’
êtes
pas trop sérieux. Notez que je flatte beaucoup, dans ces répliques, m
153
ai des rendez-vous urgents. Mon rendez-vous à moi
est
pris avec l’époque. Je vois que la mort en masse l’attend d’une heure
154
Je vous écris pour m’amuser. Je pense qui si vous
êtes
encore sérieuse et me reprochez ce ton « badin » — merci — c’est que
155
que vous n’avez pas bien saisi la situation, qui
est
la suivante : Guerre. Les armées de terre et de mer seront privées d
156
suivante : Guerre. Les armées de terre et de mer
seront
privées de ravitaillement et immobilisées en moins d’une heure. Elles
157
t des bases qui ne peuvent servir à rien, si ce n’
est
à faire la guerre. D’ailleurs, ils déplorent tous la dernière guerre,
158
e américain a posé récemment la question : « Quel
est
le but de la science ? Faire sauter le monde ? Si les savants pensent
159
nt ce qu’ils nous disent, le progrès scientifique
est
en vue de son terme. » Vous trouvez que c’est le moment d’être sérieu
160
e son terme. » Vous trouvez que c’est le moment d’
être
sérieux ?
161
ent, cherchant d’un œil anxieux l’Obélisque qui n’
est
même pas au centre. Faut-il vous donner toute la mesure du désespoir
162
a mesure du désespoir qui fond sur moi dès que je
suis
à Washington ? Je vous avouerai que je m’y réfugie dans les salons. L
163
e avait des salons littéraires. À Washington, ils
sont
tous politiques. Celui d’où je sors, qui est l’un des mieux courus, e
164
ils sont tous politiques. Celui d’où je sors, qui
est
l’un des mieux courus, est aussi le plus atomique. Parmi les sous-sec
165
elui d’où je sors, qui est l’un des mieux courus,
est
aussi le plus atomique. Parmi les sous-secrétaires d’État, les diplom
166
ins de mes collègues ont envisagé l’hypothèse, et
sont
de l’avis qu’elle n’est pas improbable. D’autres, comme moi, pensent
167
envisagé l’hypothèse, et sont de l’avis qu’elle n’
est
pas improbable. D’autres, comme moi, pensent qu’on ne fera sauter que
168
estre, comme si vous peliez une orange. Les dames
étaient
ravies, les hommes pensifs. On eût dit qu’ils réfléchissaient. La con
169
ant se montrait plein d’humour. On n’avait jamais
été
plus plaisant à propos de massacres en masse. Ce que j’aime, dans le
170
st qu’on part quand on veut. À peine sorti, je me
suis
mis à réfléchir, et m’étant égaré comme de coutume, j’ai eu le temps
171
. À peine sorti, je me suis mis à réfléchir, et m’
étant
égaré comme de coutume, j’ai eu le temps de trouver une ou deux concl
172
n de mes hôtes, d’où je vous écris. En fait, nous
sommes
devant l’An Mil. Tous les problèmes derniers nous sont posés, dans de
173
devant l’An Mil. Tous les problèmes derniers nous
sont
posés, dans des termes urgents et concrets. Quel est le sens de la vi
174
posés, dans des termes urgents et concrets. Quel
est
le sens de la vie si elle finit demain ? Qu’est-ce que cette mort de
175
l est le sens de la vie si elle finit demain ? Qu’
est
-ce que cette mort de l’homme causée par son génie ? Pourquoi l’intell
176
mpagnes. Aucun d’eux ne donnait l’impression de s’
être
battu pour l’idéal démocratique. Ils m’ont demandé le résultat du der
177
ernier match Armée-Marine. Je ne savais pas. Et j’
étais
en civil ! Voilà comment l’arrière trahit !
178
vembre 1945. Notre monde du milieu du xxe siècle
est
gouverné par ceux qu’on nomme les trois Grands. Ils se composent d’un
179
rçon, et de l’Esprit Bourgeois, que la Bombe doit
être
administrée. Notez que si elle ne l’est pas, quelqu’un va nous l’admi
180
mbe doit être administrée. Notez que si elle ne l’
est
pas, quelqu’un va nous l’administrer. L’alternative est entre ces deu
181
s, quelqu’un va nous l’administrer. L’alternative
est
entre ces deux sens du verbe. Et soudain je me demande pourquoi ces t
182
raines : que les chefs responsables de notre sort
sont
en réalité irresponsables ? Et qu’ils usurpent le nom de gouvernants
183
drait la paix, car sa Russie blessée doit d’abord
être
reconstruite, mais il ne renonce pas aux plans de Pierre le Grand. At
184
and. Attlee voudrait la paix, car l’Empire blessé
est
en pleine expérience socialiste, mais il ne renonce pas à faire tuer
185
conflit) d’un conflit avec la Russie. Sans doute
sont
-ils tous les trois convaincus qu’ils aiment la paix en général, et po
186
re, avant de les traiter de ce qu’ils ont l’air d’
être
, quand on voit ce qu’ils vont faire ou laisser faire de nos vies. Irr
187
tige. Ils ne voient rien. Cette absence de pensée
est
plus dangereuse que n’importe quelle pensée fausse. Mais comment pour
188
u même trop pour un homme, tandis que le problème
est
mondial. La Bombe est un cas international, qui ne peut être résolu q
189
mme, tandis que le problème est mondial. La Bombe
est
un cas international, qui ne peut être résolu qu’à une échelle planét
190
l. La Bombe est un cas international, qui ne peut
être
résolu qu’à une échelle planétaire : or ces messieurs sont absorbés p
191
lu qu’à une échelle planétaire : or ces messieurs
sont
absorbés par la défense d’intérêts locaux dits nationaux, trente visi
192
naugurations, des banquets et des nominations. Il
est
clair que pour gouverner les nations, la première condition requise e
193
verner les nations, la première condition requise
est
de n’être pas le chef d’une grande nation. Mais qui l’a dit, jusqu’à
194
s nations, la première condition requise est de n’
être
pas le chef d’une grande nation. Mais qui l’a dit, jusqu’à ce jour ?
195
ce jour ? Chacun sait que l’arbitre d’un match n’
est
jamais le capitaine d’une des équipes. Qui l’a rappelé au sujet des t
196
Mais qui l’a dit au sujet de Truman ? L’Amérique
est
trop grande pour lui, et le voici chargé du monde en plus ! Ainsi d’A
197
s. Je les plains. Cependant s’ils s’obstinent, je
serai
forcé de les traiter d’usurpateurs. L’incompétence des commandants en
198
pateurs. L’incompétence des commandants en chef n’
est
-elle pas jugée criminelle par l’opinion publique de leur patrie, et p
199
erneurs des quarante-huit États de l’Union ? — Ce
serait
absurde, me disent-ils. — Eh quoi, c’est pourtant ce que nous offre,
200
unissant leurs peuples et non leurs chefs, qui se
sont
effacés devant un pouvoir nouveau, sorti du peuple… Mais si l’on touc
201
qui se ferment, et les esprits en état de siège.
Sommes
-nous fous ? Allons-nous continuer ce jeu jusqu’à l’explosion de la Te
202
traiter de haut avec les chefs d’État… Mais c’en
est
trop pour aujourd’hui. Et cette lettre est déjà bien pesante. Avant q
203
s c’en est trop pour aujourd’hui. Et cette lettre
est
déjà bien pesante. Avant que vous n’en receviez la suite, puissent le
204
trois Grands ne pas perdre la boule ! Car le fait
est
qu’il n’y en a qu’une de Boule, comme disait à peu près le regretté W
205
ton, 15 novembre 1945. Comme la paix, chère amie,
serait
monotone s’il n’y avait pas les menaces de guerre ! Et que ferions-no
206
e longue torpeur stupéfiée. Le temps de réfléchir
est
revenu. S’il n’y a rien dans le journal, cherchons dans notre tête. N
207
ous y trouverons d’abord une grande question : qu’
est
-il donc sorti de cette guerre ? Quelles nouveautés ? Aucune, réponden
208
t mondial court deux risques principaux : celui d’
être
trop faible pour gouverner effectivement, et celui d’être trop fort p
209
p faible pour gouverner effectivement, et celui d’
être
trop fort pour que survivent les libertés nationales ou régionales. M
210
e arme proportionnée à l’ampleur de sa tâche, qui
est
de faire la police des nations ; et d’une arme qui par nature serait
211
police des nations ; et d’une arme qui par nature
serait
démesurée pour un seul peuple, tandis qu’elle devient effective à l’é
212
ique d’un gouvernement fédéral de la planète nous
sont
apparues simultanément. Elles se proposent à l’esprit avec tant de cl
213
se proposent à l’esprit avec tant de clarté qu’on
est
tenté d’y voir l’indication d’une fatalité : il n’est pas d’autre voi
214
tenté d’y voir l’indication d’une fatalité : il n’
est
pas d’autre voie praticable, la raison nous pousse à la suivre, nous
215
nous devons donc arriver très vite au but… Telles
sont
les perspectives théoriques. L’histoire n’en a pas connu de plus vast
216
s. Mais l’histoire nous apprend aussi que l’homme
est
stupide et mauvais, qu’il a peur de voir grand, et qu’il préfère en g
217
sion simple des possibilités d’union mondiale qui
sont
ouvertes désormais. Et il faut insister sans relâche sur le fait que
218
tôt ou tard elle s’imposera, malgré nous si ce n’
est
par notre action. Ensuite, il s’agit de combattre les obstacles à cet
219
git de combattre les obstacles à cette union. Ils
sont
dans l’étroitesse de nos esprits, non pas dans la raison, ni dans les
220
iège. Vous me répondez avec sérénité que l’Europe
est
prête à faire le bien, mais que des propositions aussi simplistes que
221
er aussi complexes et irritantes qu’en Europe. Je
fus
ce soir visiter un ami qui aime à se dire « un anarchiste catholique
222
èves ! Quant à l’évaporation atomique, eh bien, n’
est
-ce pas le symbole même de l’idéalisme : tout monte et s’épanouit vers
223
s d’espoir sérieux nulle part. La faillite morale
est
universelle, chez les individus comme sur le plan international. Moi
224
espoir. Des trois régimes dont vous parliez, l’un
est
écrasé. Les deux qui restent, et qui se partagent le monde, se déclar
225
qui se disent démocrates dénoncent la Suisse, qui
est
la plus vieille démocratie du monde, et la traitent de « fasciste » p
226
es. Les Suisses peuvent répondre que cette mesure
est
précisément celle qui fut prise en premier lieu par les États fascist
227
pondre que cette mesure est précisément celle qui
fut
prise en premier lieu par les États fascistes, aussi bien que par les
228
s sourire diaboliquement, à votre tour. Mais nous
sommes
peut-être d’accord, en réalité. Puisque tous sont devenus « démocrate
229
mmes peut-être d’accord, en réalité. Puisque tous
sont
devenus « démocrates », dans le monde de 1945, nous pouvons parler d’
230
que ce terme symbolise et parfois dissimule : Qu’
est
-ce que la liberté ? Et cela nous amènera bientôt à nous demander : Qu
231
Et cela nous amènera bientôt à nous demander : Qu’
est
-ce que l’homme ? C’est le vrai débat. Si nous le reconnaissons, nous
232
fois les plus tyranniques. Moi. — Je l’avoue. Je
suis
sorti de là pour vous écrire. La prochaine fois, j’aurai sans doute r
233
is, j’aurai sans doute réfléchi sur la liberté. N’
est
-ce pas le problème numéro un de notre temps ? Car les problèmes se po
234
arfois les mêmes effets… Les Quatre Libertés n’en
furent
pas moins le but de guerre idéal des Nations unies, comme elles reste
235
aix. Mais j’ai remarqué qu’assez peu de personnes
sont
capables de les énumérer. Il semble qu’on se soit battu pour quelque
236
sont capables de les énumérer. Il semble qu’on se
soit
battu pour quelque chose qui n’était pas trop clair, ni bien facile à
237
mble qu’on se soit battu pour quelque chose qui n’
était
pas trop clair, ni bien facile à retenir dans l’esprit… Vous rappelez
238
Donc les Nations unies ayant gagné la guerre, il
est
temps de nous demander quel est l’état présent des libertés qui faisa
239
gné la guerre, il est temps de nous demander quel
est
l’état présent des libertés qui faisaient l’enjeu de la lutte. La deu
240
au Mexique, mais, dans l’ensemble, la situation n’
est
pas mauvaise. J’ignore d’ailleurs si ce progrès doit être attribué à
241
mauvaise. J’ignore d’ailleurs si ce progrès doit
être
attribué à moins de fanatisme de la part des masses religieuses, ou à
242
a, nous disent non sans raison les gouvernants, n’
est
que le résultat déplorable mais fatal de la guerre. (Étrange activité
243
qu’elle avait pour seul but d’écraser. Mais ceci
est
une autre histoire.) Ma génération est-elle donc condamnée à subir au
244
Mais ceci est une autre histoire.) Ma génération
est
-elle donc condamnée à subir au double ou au triple tout ce qu’elle s’
245
à subir au double ou au triple tout ce qu’elle s’
est
épuisée à combattre ? Doit-elle accepter de se passer d’au moins troi
246
ants les recevront plus tard, — données par qui ?
Sommes
-nous voués à l’esclavage d’État par nécessité matérielle ? Vous m’en
247
t. Je propose donc que nous changions ce qui peut
être
immédiatement changé : notre idéal, en attendant le reste. Je propose
248
se préoccuper de leur subsistance ; quatre : ils
sont
solidement protégés contre tous les périls extérieurs. Ce sont les dé
249
nt protégés contre tous les périls extérieurs. Ce
sont
les détenus des prisons américaines. (On leur donne même des séances
250
e même des séances de cinéma.) La liberté ne peut
être
détaillée ni débitée en tranches : elle est vivante. Elle ne peut pas
251
peut être détaillée ni débitée en tranches : elle
est
vivante. Elle ne peut pas non plus être donnée. Elle exige d’être aff
252
hes : elle est vivante. Elle ne peut pas non plus
être
donnée. Elle exige d’être affirmée sur-le-champ, et coûte que coûte,
253
le ne peut pas non plus être donnée. Elle exige d’
être
affirmée sur-le-champ, et coûte que coûte, quels que soient les obsta
254
irmée sur-le-champ, et coûte que coûte, quels que
soient
les obstacles. Il y aura toujours des obstacles. Ceux qui ont peur d’
255
aura toujours des obstacles. Ceux qui ont peur d’
être
libres en feront leurs prétextes, comme l’ont fait les Allemands sous
256
ne comptent guère. Par elle seule, elles peuvent
être
conquises. Nous l’affirmons et nous la démontrons par notre lutte con
257
s » qui s’y opposent sans relâche. Et cette lutte
est
toujours possible. Cette Résistance ne fait que commencer. Mais si no
258
s que les obstacles à l’exercice de notre liberté
sont
fatals, nécessaires et surhumains, aussitôt nous les rendrons tels, a
259
nous les rendrons tels, aussitôt nous cesserons d’
être
libres. Et l’État aura tous les droits, puisque nous lui laisserons t
260
serons tous les devoirs. Ce qu’il nous faut, ce n’
est
pas d’abord un monde bien arrangé autour de nous. (Les prisons sont b
261
n monde bien arrangé autour de nous. (Les prisons
sont
bien arrangées.) Ce qu’il nous faut pour être libres, uniquement et t
262
ons sont bien arrangées.) Ce qu’il nous faut pour
être
libres, uniquement et tout simplement, c’est du courage. Car nous som
263
nt et tout simplement, c’est du courage. Car nous
sommes
libres, si nous sommes prêts à payer le prix de la liberté, qui sera
264
c’est du courage. Car nous sommes libres, si nous
sommes
prêts à payer le prix de la liberté, qui sera toujours : payer de sa
265
s sommes prêts à payer le prix de la liberté, qui
sera
toujours : payer de sa personne. Un homme libre, c’est un homme coura
266
atre ou trente-six libertés. On entend dire : « X
est
un esprit libre. » De qui tient-il sa liberté ? Ni de l’État, ni de l
267
n entend dire : « X est un esprit libre. » De qui
tient
-il sa liberté ? Ni de l’État, ni de la révolution, ni des Soviets, ni
268
émocratie, et surtout pas de leurs experts. Il la
tient
de sa vision seule et de son courage à lutter pour la joindre. Lénine
269
à lutter pour la joindre. Lénine sous le tsarisme
était
plus libre qu’un fonctionnaire du parti sous Staline. Et George Washi
270
naire du parti sous Staline. Et George Washington
était
plus libre qu’un citoyen américain qui tourne le bouton de sa radio.
271
de sa radio. Ils combattaient. Et nous ? Nous ne
serons
libres dans la paix que si nous combattons encore.
272
s risquent de nous écraser. Mais vos critiques ne
sont
jamais perdues pour moi. Elles reflètent fidèlement les « mouvements
273
e féminise rapidement. La légèreté l’inquiète, ne
serait
-elle pas cynique ? Le sérieux l’endort vite. Mais il respecte la tech
274
Comme c’est profond ! » Dites-moi si tout cela n’
est
pas très femme ? Et maintenant je vous parlerai de la planète. Le xxe
275
nt je vous parlerai de la planète. Le xxe siècle
est
en train de découvrir ce qu’on savait depuis un certain temps mais qu
276
t jamais très bien compris, à savoir que la terre
est
ronde. D’où il résulte, entre autres conséquences, que si vous tirez
277
le, pour une époque donnée, me paraissent pouvoir
être
mesurées à la portée des armes connues dans cette époque. (Vous avez
278
objet rond, pomme, sphère ou sceptre d’or, que ce
soit
l’Univers, ou l’Empire, ou l’Atome. Ici les extrêmes se reflètent. Le
279
, en 1944 et 1945, si les cargos alliés n’avaient
été
trop occupés dans le Pacifique. Les Anglais eussent peut-être voté di
280
idarité pratique des différentes parties du globe
est
un fait durement établi au niveau de notre existence matérielle. Avan
281
bablement passer par une étape intermédiaire, qui
est
celle du fait psychologique : la formation d’une conscience planétair
282
ce un peu, disons à quelques heures d’avion. Ce n’
est
rien de traduire une langue : les problèmes nationaux restent intradu
283
ne peut y aller voir et sentir. Et notre époque n’
est
pas celle des voyages, mais seulement celle des « missions » comme on
284
plus boucler leurs comptes parce que les noirs se
seront
révoltés en Caroline du Sud ou à Harlem ; et les mineurs du pays de G
285
dant des mois, parce que les péons d’Argentine se
seront
enfin organisés contre les grands estancieros. Vous pourrez toujours
286
yer d’expliquer aux victimes de la crise que ce n’
est
pas la faute du député local ni de « l’hypocrisie américaine ». Que f
287
ges de leurs cartes de l’Europe. Et pourtant nous
sommes
destinés à découvrir un jour que ces lions sont des hommes, qui d’ail
288
sommes destinés à découvrir un jour que ces lions
sont
des hommes, qui d’ailleurs nous prenaient nous aussi pour des lions.
289
pas de Persans pour se demander : Comment peut-on
être
Français ?) Je parlais d’une conscience planétaire. C’est sa nécessit
290
s de larges rubriques créant un appel d’air. Ce n’
est
pas une question d’information d’abord, vous m’entendez, mais de sens
291
je dirais : c’est d’abord une question de poésie.
Est
-ce un hasard si, parmi tous nos écrivains, ceux que je vois manifeste
292
e plus direct et le plus contagieux de la planète
sont
précisément deux poètes : le Saint-John Perse de l’Anabase et de l’Ex
293
eur prose et dans leurs longs versets, quel qu’en
soit
le sujet allégué, nous avons pour la première fois senti, sous le dra
294
ues. Et que dire de ce grand joueur de Boule que
fut
« Saint-Ex », le premier qui me parla de la Planète comme d’un amour
295
d’un amour et d’une angoisse intime, sinon qu’il
fut
lui aussi un poète, dans ses actes et par sa vision ?
296
ondial 10 décembre 1945. Vous me dites que ce n’
est
point par mauvaise volonté, mais que vous avez grand-peine à vous rep
297
r ? Personne à qui répondre que l’honneur du pays
est
en jeu, qu’on ne cédera plus d’une ligne, etc. ? Pour tout dire, pas
298
ens ? Ne me dites pas non : votre première idée a
été
de supposer une guerre. Et cela pour essayer de vous mieux représente
299
isent les nations, et les unes sans les autres ne
seraient
pas imaginables. Si vous me dites maintenant que c’est mon gouverneme
300
us souffrons. Autrement, le bien — ou la paix — n’
est
à nos yeux qu’une fumée, une abstraction, c’est-à-dire, soyons francs
301
yeux qu’une fumée, une abstraction, c’est-à-dire,
soyons
francs, le comble de l’ennui, si ce n’est pas une « utopie dangereuse
302
ire, soyons francs, le comble de l’ennui, si ce n’
est
pas une « utopie dangereuse »… À propos de cette dernière expression,
303
ence pour dénigrer des projets de paix ? Pour qui
sont
-ils donc si dangereux ? Avez-vous également remarqué que les militair
304
ent de l’Europe. J’ai cru longtemps que la guerre
était
le pire désordre imaginable à notre époque ; et que ceux qui la tenai
305
re imaginable à notre époque ; et que ceux qui la
tenaient
encore pour une nécessité, voire pour une vertu, étaient les véritabl
306
encore pour une nécessité, voire pour une vertu,
étaient
les véritables éléments de désordre ; et que l’utopie la plus dangere
307
de désordre ; et que l’utopie la plus dangereuse
était
la théorie de la souveraineté sans limites des nations. C’était trop
308
lettre sur la mort de la guerre 2 m’écrit que je
suis
un primaire. Il m’assure que « à chaque guerre, nous, cavaliers, avon
309
ons prouvé que nous savions nous battre », ce qui
est
bien la preuve que j’ai tort, et d’ailleurs de n’importe quoi. Il ajo
310
rte quoi. Il ajoute que ma lettre, dans sa forme,
est
« nettement péjorative vis-à-vis de l’armée, de la cavalerie en parti
311
s exception sauvé l’honneur en 40 » ; bref que je
suis
un « élément de désordre ». (Je joins ses lignes aux miennes, pour vo
312
l m’a donné une idée. En reposant sa lettre je me
suis
écrié : « Vivement la Bombe ! Suprême élément d’ordre ! » Et ne croye
313
la Bombe peut nous en délivrer de deux manières :
soit
en faisant sauter le tout, soit en nous forçant d’ici peu à fédérer l
314
e deux manières : soit en faisant sauter le tout,
soit
en nous forçant d’ici peu à fédérer les hommes au-delà des nations. V
315
humain ? Eh bien, madame, si j’ose le dire : vous
êtes
servie. 2. Voir p. 14.
316
ture y perdraient quelque chose de précieux. Nous
serions
tous fondus dans un magma informe de races, de langues, de religions
317
’éviter, ou plutôt d’en sortir un peu, car nous y
sommes
déjà bien engagés. Ce sont les guerres qui le produisent. Et ce sont
318
r un peu, car nous y sommes déjà bien engagés. Ce
sont
les guerres qui le produisent. Et ce sont les nations qui produisent
319
gés. Ce sont les guerres qui le produisent. Et ce
sont
les nations qui produisent les guerres… Mais je vois que ce mot de na
320
ations, ce qui fait leur véritable originalité, n’
est
pas défini par leur souveraineté absolue, n’est pas limité par leurs
321
n’est pas défini par leur souveraineté absolue, n’
est
pas limité par leurs frontières, et ne saurait être défendu par leurs
322
st pas limité par leurs frontières, et ne saurait
être
défendu par leurs armées. En effet, supprimez ces trois éléments qui
323
nnement, et comme communautés de gens apparentés,
soit
par leurs traditions, soit par leurs idéaux, c’est-à-dire par destin
324
és de gens apparentés, soit par leurs traditions,
soit
par leurs idéaux, c’est-à-dire par destin ou par choix. Croyez-vous s
325
s rien d’autre à faire qu’administrer le pays, il
sera
un meilleur gouvernement ? (Je vous pose ces questions simplistes pou
326
és, de se rendre autarciques en vue de la guerre,
soit
qu’ils redoutent ou souhaitent cette éventualité. L’État détruit néce
327
ses énergies d’après un modèle uniforme, qu’elles
soient
latines ou anglo-saxonnes, socialistes ou capitalistes. Ce modèle est
328
-saxonnes, socialistes ou capitalistes. Ce modèle
est
celui de l’État totalitaire, qui est l’état de guerre en permanence.
329
s. Ce modèle est celui de l’État totalitaire, qui
est
l’état de guerre en permanence. Ainsi l’ennemi des nations, c’est l’
330
mi des nations, c’est l’État ; et leur sauvegarde
serait
le gouvernement mondial. Ceux qui pensent que c’est tout le contraire
331
n carnages périodiques. Autre exemple. Pourquoi n’
est
-il question que de « nationaliser » tout ce qui peut l’être à l’intér
332
estion que de « nationaliser » tout ce qui peut l’
être
à l’intérieur des frontières, au lieu de multiplier les échanges inte
333
tives ? Vous me direz que la France, par exemple,
est
entrée dans la voie de l’étatisme parce qu’elle veut la justice socia
334
effets inéluctables. Le désir de justice sociale
est
une noble passion, la socialisation de l’industrie est une mesure éco
335
ne noble passion, la socialisation de l’industrie
est
une mesure économique partiellement souhaitable, mais je ne leur vois
336
erez me dire que le Social Register de New York n’
est
qu’un Bottin mondain, je vous dénonce dans l’Humanité.) Vous sentez q
337
l. Introduisez dans cette broyeuse automatique qu’
est
l’État-nation de la démocratie ou du marxisme, des idées libérales ou
338
belle passion de la justice sociale, le résultat
sera
le même : à l’autre bout, vous obtiendrez du totalitarisme en bâtons
339
totalitarisme en bâtons et une grêle de coups. Je
suis
sérieux. Le socialisme, non pas en soi, mais construit dans le cadre
340
re, donc à l’état de guerre larvé ou déclaré, qui
est
le pire des crimes sociaux. On ne sortira de ce cercle vicieux qu’en
341
s les nations, mais l’humanité. Car ceux-là seuls
seront
qualifiés pour arbitrer. Autrement ce n’est qu’un jeu de forces, et l
342
ls seront qualifiés pour arbitrer. Autrement ce n’
est
qu’un jeu de forces, et le premier qui tire aura gagné, quel que soit
343
rces, et le premier qui tire aura gagné, quel que
soit
le mordant de l’infanterie ou la bravoure de votre colonel. (Il n’aur
344
écembre 1945. Enfin ! Après quinze lettres nous y
sommes
. Je tiens l’aveu : « Que voulez-vous, j’aime l’armée ! », écrivez-vou
345
5. Enfin ! Après quinze lettres nous y sommes. Je
tiens
l’aveu : « Que voulez-vous, j’aime l’armée ! », écrivez-vous. Je m’en
346
si, comme presque tous les hommes parce qu’ils en
sont
, et les femmes parce qu’elles n’en sont pas. C’est le jeu par excelle
347
qu’ils en sont, et les femmes parce qu’elles n’en
sont
pas. C’est le jeu par excellence des grandes personnes, avec l’amour
348
xcellence des grandes personnes, avec l’amour qui
est
du même ordre, et qui lui emprunte d’ailleurs ses métaphores. En perd
349
puis que la cavalerie tout d’abord mise à pied, s’
est
vue motorisée sans réplique, puis tractée, puis parachutée, en attend
350
ue, puis tractée, puis parachutée, en attendant d’
être
catapultée et finalement atomisée, tout cela par les soins de simples
351
uer les formules d’intellectuels à lunettes. Tels
sont
les faits, ma chère, et peu importe à l’argument que je développe dan
352
abattra la Bombe. (Quand chacun sait que la Bombe
sera
lancée par fusée ou simplement envoyée par la poste.) Et tous en chœu
353
s en chœur proclament, comme votre colonel, qu’il
est
« inopportun et même prématuré de clamer que les armées ont fait leur
354
ainsi, dans les mêmes termes, depuis que le monde
est
monde et qu’ils y sont chargés d’assurer l’ordre. Le fait est que l’i
355
termes, depuis que le monde est monde et qu’ils y
sont
chargés d’assurer l’ordre. Le fait est que l’invention de la poudre,
356
qu’ils y sont chargés d’assurer l’ordre. Le fait
est
que l’invention de la poudre, loin de rendre inutiles leurs services,
357
e Saxe, a permis les campagnes de Napoléon. Et il
est
vrai que les bombardiers lourds ont tué beaucoup plus de civils que d
358
e l’argument suffit. Pourtant mon raisonnement se
tient
: 1. Ce sont des savants, non des généraux, qui ont construit la Bomb
359
uffit. Pourtant mon raisonnement se tient : 1. Ce
sont
des savants, non des généraux, qui ont construit la Bombe. 2. Ces sav
360
s de parade imaginable, cette fois-ci. 3. Or, ils
seraient
seuls capables d’en trouver. 4. Donc les généraux ont tort, même s’il
361
irer les conclusions urgentes ? Je sais pourquoi.
Tenez
-vous bien : c’est parce que la guerre nous plaît, et que nous sommes
362
c’est parce que la guerre nous plaît, et que nous
sommes
portés par cette passion à nous rendre sourds et aveugles devant tout
363
raine parce qu’au secret de notre conscience elle
est
liée à l’idée de guerre. Des millénaires de guerre nous ont intoxiqué
364
te sur ces derniers mots. Notre goût de la guerre
est
si bien refoulé que tous, sans exception, jurent qu’ils n’aiment que
365
ice ? Pour qui ? Pour quoi ? Jamais l’humanité ne
fut
moins préparée pour la paix, car jamais elle ne fut plus dépourvue de
366
t moins préparée pour la paix, car jamais elle ne
fut
plus dépourvue de respect pour les vertus que l’esprit seul sait port
367
t vivre s’il n’y a plus de paroxysmes ? La guerre
était
pour nous la grande permission, le grand ajournement de nos problèmes
368
ns sans le savoir, pour une raison précise : elle
était
l’état d’exception proclamé sur la terre entière et dans tous les dom
369
râce. Telle la Fête chez les primitifs, la guerre
était
le « Grand Temps » de l’humanité moderne, la seule excuse que notre e
370
plutôt nous allons l’avoir. Deux grands coups ont
été
frappés, annonçant le lever du rideau. Encore un, plus qu’un seul — e
371
ien se produire avant la fin de l’an prochain. Je
tiens
ma petite information d’un physicien des plus remarquables. Il n’en f
372
presse que des essais de bombe atomique allaient
être
tentés sur l’Océan, notre savant a cru de son devoir d’avertir aussit
373
marée tel que le déluge, en comparaison, n’aurait
été
qu’un bain de pied. Le gouvernement américain ayant également annoncé
374
rit aussitôt que, d’après ses calculs, la réponse
était
simple : cela donnerait une idée fort approchée de la fin du monde. C
375
pprochée de la fin du monde. C’est à quoi nous en
sommes
, et c’est comique. On avait tout prévu sauf le comique, à propos de l
376
Personne non plus n’ose protester. Car ces essais
seront
faits « dans un but militaire ». Nous sommes donc dans le domaine du
377
sais seront faits « dans un but militaire ». Nous
sommes
donc dans le domaine du sacré. Glissez mortels, mourez sans insister…
378
ait là quelque consolation. L’amertume de mourir
est
aussi faite de l’idée qu’on manquera la suite de l’histoire. C’est pe
379
t-être pourquoi les tout premiers chrétiens, s’il
est
vrai qu’ils croyaient le jugement imminent, mouraient avec une grande
380
stère : nous ne mourrons pas tous, mais tous nous
serons
changés, en un instant, en un clin d’œil, à la dernière trompette. »
381
onde se calcule désormais. Ses données immédiates
sont
dans tous nos journaux. Entre nous, qu’est-ce que cela nous ferait ?
382
iates sont dans tous nos journaux. Entre nous, qu’
est
-ce que cela nous ferait ? Ce serait la fin de la douleur du monde. Ce
383
. Entre nous, qu’est-ce que cela nous ferait ? Ce
serait
la fin de la douleur du monde. Certains jours, il me semble que la fo
384
e a compris que la somme des souffrances humaines
est
devenue si grande, avec notre progrès, qu’il y a bien plus de gens au
385
« Viens, douce mort ! » ce beau choral de Bach, n’
est
-ce pas le soupir enfantin que l’on croit parfois distinguer, très bas
386
paix ou la mort Fin décembre 1945. Notre monde
est
sans doute perdu, et c’est la raison de Noël. Dans cette nuit la plus
387
ce qu’il n’y avait plus qu’à désespérer, l’espoir
est
né. Démonstration d’une puissance indémontrable, et dont la touche ne
388
sance indémontrable, et dont la touche ne saurait
être
enregistrée que par le tout de l’homme qu’elle suscite : voilà pourqu
389
nts, et nos fonctions mentales ou sensorielles en
seront
toujours incapables. Ce drôle de petit cri dans la paille m’indique t
390
ent que les formules d’Einstein que notre univers
est
fini, et que les seuls messages d’espoir qui passent encore sont ceux
391
ue les seuls messages d’espoir qui passent encore
sont
ceux qui vont de personne à personne. Me voici libéré de mes dernière
392
: 1. Donner la Bombe aux petits pays pour qu’ils
soient
protégés contre les grands. Ces derniers fourniraient ainsi la preuve
393
la police des nations. Deux chambres universelles
seraient
élues, l’une formée de délégués des États, l’autre de députés des peu
394
tes : équilibrer les budgets de guerre, etc. Ce n’
est
pas qu’une angoisse diffuse ne soit sensible dans les populations et
395
rre, etc. Ce n’est pas qu’une angoisse diffuse ne
soit
sensible dans les populations et chez beaucoup de bons esprits, mais
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bons esprits, mais une paralysie sans précédent s’
est
emparée des volontés. Vous-même, je le sens, je ne vous ai pas convai
397
c’est dans ce pays que la première bombe vient d’
être
construite. Exagérée sans doute et dépassant la mesure de ce que l’on
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de ce que l’on connaissait avant le 6 août, elle
est
là, parce que l’homme l’a mise là. Et votre sens de la mesure peut se
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rivent encore à se battre. Admettons que la bombe
soit
moins puissante que les savants autorisés ne l’affirment. Admettons q
400
uerre militaire y prospère d’autant mieux qu’elle
sera
dotée d’une arme de plus. Admettons que l’on invente une parade à la
401
Pensez-vous que les effets de la prochaine guerre
seront
très différents de ceux que j’ai prévus ? La souffrance sera pire, l’
402
ifférents de ceux que j’ai prévus ? La souffrance
sera
pire, l’agonie de la terre un peu plus longue, la fin de l’humanité n
403
’aura pas de lignes pures, parce que nos choix ne
sont
pas si francs, et que nos chefs savent à peine ce qu’ils jouent. Une
404
tables d’où sortiront quelques vœux incolores. Il
est
évident que les nations souveraines s’en moqueront. Il est évident qu
405
nt que les nations souveraines s’en moqueront. Il
est
évident que l’une d’entre elles, Bombe en main, essaiera d’imposer sa
406
outes les autres. (Inutile même de la nommer.) Il
est
évident que les peuples se révolteront contre cette nation et son rég
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ontre cette nation et son régime, tôt ou tard. Il
est
évident que si l’on continue à penser comme on pense aujourd’hui, cel
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d’hui, cela finira dans l’explosion totale. Et il
est
évident que la grande majorité des hommes se refuse à ces évidences.
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n nous ressasse à longueur de journée qu’elle « n’
est
pas prête pour un gouvernement mondial ». Est-ce qu’on lui demande si
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« n’est pas prête pour un gouvernement mondial ».
Est
-ce qu’on lui demande si elle est prête pour la mort ? L’humanité, ce
411
ement mondial ». Est-ce qu’on lui demande si elle
est
prête pour la mort ? L’humanité, ce sont des gens comme vous et moi.
412
e si elle est prête pour la mort ? L’humanité, ce
sont
des gens comme vous et moi. Quand vous me dites qu’elle n’est pas prê
413
comme vous et moi. Quand vous me dites qu’elle n’
est
pas prête pour la paix, cela veut dire que vous d’abord, vous refusez
414
pour la mort, et vous en rendez responsable. Tout
tient
à chacun de nous. Et nous en sommes au point où il devient difficile
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ponsable. Tout tient à chacun de nous. Et nous en
sommes
au point où il devient difficile de le cacher. Nos alibis ne trompent
416
e principe du pessimisme actif. Et comment ne m’y
tiendrais
-je pas, quand je sais que l’enjeu n’est point de ceux que la défaite,
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m’y tiendrais-je pas, quand je sais que l’enjeu n’
est
point de ceux que la défaite, mais la désertion seule puisse me faire
418
nous fassions sauter la Terre, elle sautera et ce
sera
très bien. Au-delà de ce « clin d’œil », il nous attend. P.-S. — Un d
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mot, et dire que j’allais l’oublier ! La Bombe, n’
est
pas dangereuse du tout. C’est un objet. Ce qui est horriblement dange
420
st pas dangereuse du tout. C’est un objet. Ce qui
est
horriblement dangereux, c’est l’homme. C’est lui qui a fait la Bombe
421
se prépare à l’employer. Le contrôle de la Bombe
est
une absurdité. On nomme des comités pour la retenir ! C’est comme si
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anquille, elle ne fera rien, c’est clair. Elle se
tiendra
bien coite dans sa caisse. Qu’on ne nous raconte donc pas d’histoires
423
u mois de mai ou de juillet, deux ou trois bombes
seraient
jetées sur une flotte sacrifiée de cent bâtiments de guerre, dont plu
424
artir pour l’île de Bikini. L’objet de la mission
est
d’établir un relevé complet de tous les êtres vivants sur l’île. C’es
425
ssion est d’établir un relevé complet de tous les
êtres
vivants sur l’île. C’est une mission fort analogue à celle que Noé re
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temps avant le déluge. Cette fois-ci, les travaux
seront
filmés. 2. Au jour J, les cent bâtiments de la flotte de guerre réuni
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ront leurs équipages complets. Mais ces équipages
seront
entièrement composés d’animaux. Deux-cents chèvres, deux-cents cochon
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chèvres, deux-cents cochons et quatre-mille rats
seront
à leur poste de combat, sur les tourelles, dans les chambres de machi
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e. Voici. L’on a remarqué que la peau des cochons
est
fort semblable à celle de l’homme. La sensibilité de l’une peut rense
430
utre. Aussi bien nos marins ou capitaines cochons
seront
-ils revêtus pour l’occasion d’uniformes réguliers de la marine, endui
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r les rayons gamma. Ceux-ci, comme vous le savez,
sont
réputés mortels. On verra bien comment ces cochons-là se comportent s
432
le feu, et savent mourir. Deux bateaux-hôpital se
tiendront
prêts à recueillir les victimes, s’il en reste. Quel que soit le résu
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recueillir les victimes, s’il en reste. Quel que
soit
le résultat de l’opération, sur lequel nos savants se perdent en conj
434
Pour la première fois dans l’Histoire, l’uniforme
sera
porté par des cochons, au sens le plus scientifique de ce terme. Quan
435
e de ce terme. Quand je vous disais que la guerre
est
morte, « la guerre des militaires, la vraie » ! Quand je vous disais
436
e » ! Quand je vous disais que ses règles sacrées
sont
toutes violées sans exception par l’usage de la Bombe atomique… J’avo
437
aguère. Les savants, eux, ne l’ont pas raté. Ce n’
est
pas ma faute, c’est fait. Et c’en est fait — même si l’on renonce à l
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raté. Ce n’est pas ma faute, c’est fait. Et c’en
est
fait — même si l’on renonce à l’expérience pour des raisons de politi
439
la peine de remarquer enfin que pas une voix ne s’
est
élevée, du côté des fervents de l’armée, pour protester contre une pr
440
ment éclatante. Au contraire, toute la résistance
est
venue, si je puis dire, du côté opposé. C’est la Ligue protectrice de
441
navires les membres du Congrès et du Sénat qui se
seront
déclarés en faveur du déluge synthétique de Bikini…
442
es meilleurs critiques militaires de l’époque. Il
fut
en Angleterre le champion de la guerre mécanique et des engins blindé
443
la bataille “atomique”, le nombre des combattants
est
réduit à un strict minimum. Ce principe deviendra absolu quand la bom
444
viendra absolu quand la bombe-fusée atomique aura
été
mise au point. Alors le soldat ne sera plus que le spectateur effrayé
445
omique aura été mise au point. Alors le soldat ne
sera
plus que le spectateur effrayé d’une guerre menée par des robots. D’a
446
este encore des vivants sur terre, une conférence
sera
très certainement organisée pour décider qui est le vainqueur et qui
447
sera très certainement organisée pour décider qui
est
le vainqueur et qui est le vaincu. »
448
rganisée pour décider qui est le vainqueur et qui
est
le vaincu. »
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résume à peu près dans les termes suivants : « Il
est
bien naturel que l’événement d’Hiroshima nous ait jetés pour quelque
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ais les mois ont passé, et rien ne se passe. Dieu
soit
loué, nous avons repris nos sens. Et beaucoup d’entre nous pressenten
451
aucoup d’entre nous pressentent déjà que la Bombe
est
en train de se dégonfler, pour ainsi dire. Après tout, nous devions l
452
nt riposter, et la valeur militaire de cette arme
était
loin de compenser, même à ses yeux, le risque moral qu’il eût couru à
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qu’il eût couru à l’employer. Le cas de la Bombe
est
différent. Je vous répète qu’elle supprimera la possibilité de ripost
454
nous-mêmes de nos actes. Si l’emploi de la Bombe
est
décisif, il n’y a pas de punition à redouter. Il est donc clair qu’on
455
décisif, il n’y a pas de punition à redouter. Il
est
donc clair qu’on l’emploiera.
456
Appendice IVLa vérité n’
est
plus du côté des canons J’ai entendu des philosophes staliniens, c’
457
staliniens, c’était en 1939, soutenir que Hegel s’
était
trompé en croyant que Napoléon allait mettre un terme à l’Histoire, p
458
es en magasin, dont certaines, nous affirme-t-on,
sont
mille fois plus puissantes que celle d’Hiroshima. Il est donc clair p
459
le fois plus puissantes que celle d’Hiroshima. Il
est
donc clair pour un enfant que la vérité a changé de camp, et qu’elle
460
tade mental de ces « chercheurs de Dieu » dont il
était
souvent question au temps de la Russie des tsars. Mais les États-Unis
461
, en direction de Moscou qui sait fort bien qu’il
est
dangereux de l’avoir et de n’en point faire usage. Cette « vérité » n
462
et de n’en point faire usage. Cette « vérité » n’
est
donc qu’une personne déplacée dans notre siècle, pitoyable caricature