1 1946, Journal des deux mondes. Journal d’attente
1 e ce printemps qu’elle dénature. Envies d’écrire, sans contenus. Envies de noter des idées détachées, des petits faits sans
2 es de noter des idées détachées, des petits faits sans signification, ou plutôt ne signifiant rien qui puisse être aussitôt
3 que des fragments. Le « journaliste » est l’homme sans lendemain. 5 avril 1939 Ce chef d’État offre, dit-on, d’évacuer
4 mon esprit en petits problèmes de langage. Il est sans cesse question d’achat et de vente, et je remarque que l’acheteur et
5 re n’était imaginable. Comme si le désordre était sans précédent et sans lendemain prévisible. Et pourtant le désordre dure.
6 ble. Comme si le désordre était sans précédent et sans lendemain prévisible. Et pourtant le désordre dure. Il se confond ave
7 istoire des hommes, est apparue comme une réalité sans précédent, à ceux du moins qui osaient la vivre avec lucidité. L’Euro
8 x dans le vide… L’homme n’est pas fait pour vivre sans menaces, sans résistances, sans vigilance. Notre génération trouve, a
9 … L’homme n’est pas fait pour vivre sans menaces, sans résistances, sans vigilance. Notre génération trouve, au contraire, d
10 s fait pour vivre sans menaces, sans résistances, sans vigilance. Notre génération trouve, au contraire, dans la connaissanc
11 nce d’une grandeur qui, elle aussi, pourrait être sans précédent. Comme toute génération sérieusement avertie par les faits
12  ! Il y a la joie, qui est la plus forte ! Il y a Dieu  ! Il y a Dieu qui est le plus fort ! » C’était l’invincible évidence,
13 oie, qui est la plus forte ! Il y a Dieu ! Il y a Dieu qui est le plus fort ! » C’était l’invincible évidence, la délivrance
14 de son attente ardente ? Si j’y croyais vraiment, sans cesse, je serais heureux sans cesse et en tout lieu ! Si tout dépenda
15 y croyais vraiment, sans cesse, je serais heureux sans cesse et en tout lieu ! Si tout dépendait d’un avenir assez certain e
2 1946, Journal des deux mondes. Intermède
16 et de haine ! — Malheur sur nous ! Nuit lugubre, sans sommeil — rythmée d’armes martelées — meute folle, meurtrière — ô rum
3 1946, Journal des deux mondes. Puisque je suis un militaire…
17 ait, qu’on croyait préparer, et qui nous trouvent sans peur et sans préparation dès l’instant qu’elles deviennent présentes,
18 oyait préparer, et qui nous trouvent sans peur et sans préparation dès l’instant qu’elles deviennent présentes, cessent d’êt
19 e du Livre… Je ne puis pas dire où cela se trouve sans contrevenir aux ordres les plus stricts, mais c’est très bien ainsi,
20 st très bien ainsi, car nous sommes n’importe où, sans raison prévisible. J’aime beaucoup les adresses militaires en Suisse.
21 guère qu’un embêtement dont on se préserve comme sans y penser. On ouvre un parapluie, on passe un imperméable, on s’isole
22 iment charnel, on l’accepte avec toute la nature, sans préjugés ni fausse pudeur. Couché dans l’herbe grasse, écrasé par son
23 ie ?) Il est bien. Merveilleusement bien. Libéré. Sans passé, sans avenir. Tout le présent limité par ces herbes où circulen
24 bien. Merveilleusement bien. Libéré. Sans passé, sans avenir. Tout le présent limité par ces herbes où circulent des bestio
25 temps, dans ces champs et forêts où nous marchons sans suivre les chemins. (À ce petit signe nous sentons la différence d’av
26 lacées et sur mon casque. Les hommes me regardent sans bouger, ne rient même pas. J’entends cette phrase grommelée : « On se
27 . L’homme n’est pas né pour faire n’importe quoi, sans rien comprendre. À quelques kilomètres d’ici commencent les tranchées
28 dans l’épaisse nuit des campagnes. Mais une nuit sans clair de lune, sans arbres et sans abois dans le lointain. On y rôde
29 des campagnes. Mais une nuit sans clair de lune, sans arbres et sans abois dans le lointain. On y rôde en frôlant les murs,
30 Mais une nuit sans clair de lune, sans arbres et sans abois dans le lointain. On y rôde en frôlant les murs, heurtant des c
31 les murs, heurtant des corps, guettant des phares sans reflet sur le macadam. Tout au bas, tout au fond de l’ombre, dans la
32 cœur de l’Europe, je ne m’en suis jamais approché sans ressentir une émotion que j’essaie en vain de qualifier ; elle ne res
33 avec l’esprit, — avec la profondeur et la hauteur sans quoi toute vie demeure plate et basse. ⁂ Quanto bella giovinezza Che
34 ans la couleur ou cernent brutalement des figures sans mystère. Manuel est un nerveux, mais de ferme écriture : un imaginati
35 eux, mais de ferme écriture : un imaginatif, mais sans excitation ; un homme qui prend les choses telles qu’elles sont, ni v
36 le sceau des poèmes qu’il dédie « à la gloire de Dieu  ». ⁂ Quand on dit chez nous de quelqu’un « qu’il a fait un peu tous l
37 ait exactement ce que vaut une vie d’homme devant Dieu . 9 mars 1940 Il nous est né hier une fille que nous avons nommé
38 vivre un jour dans une fermette aux volets pâles, sans adresse, au ras de la plaine. Un peu avant la sortie du village, la r
4 1946, Journal des deux mondes. Anecdotes et aphorismes
39 le défaut de grandes vertus ? Pourquoi disent-ils sans cesse de leur voisin : il boit trop, il court trop, il parle trop, il
40 e chose terrible que de tomber entre les mains du Dieu vivant ! » ⁂ Pourquoi l’époque présente est-elle une basse époque spi
41 lusion rapide, où suis-je ? Déjà tout recommence, sans relâche, et cet acharnement des choses contre moi, voulant quoi, sans
42 acharnement des choses contre moi, voulant quoi, sans relâche ? voulant ma mort à moi. C’est sérieux, cette fois-ci ça y es
43 rect, le danger d’avoir une idée et de l’exprimer sans précautions, avant d’avoir calculé la dépense… 12 juin 1940 Déb
44 te : elle s’est éteinte. Désert de hautes pierres sans âme, cimetière… L’envahisseur avait prophétisé : le 15 juin j’entrera
45 ssent pas spécialement frappés. Cela passera donc sans histoires. Vers la fin de la matinée, téléphone de M. Oui, il y aura
46 te, vérifications, petits retards, noms à retenir sans les noter, etc. Ce qui m’étonne, dans l’action, c’est cela : elle n’e
5 1946, Journal des deux mondes. Intermède
47 mme le bastion de l’Europe dont nous avions rêvé, sans oser croire que quelques mois plus tard il serait une réalité. L’opin
6 1946, Journal des deux mondes. La route de Lisbonne
48 poche une cigarette. Douanes suisse et française sans histoire : on s’en tire avec trois heures d’attente. Et voici la Fran
49 artirons-nous ? Troisième journée Barcelone sans taxis, les Ramblas presque déserts, et, dans le port, un petit bateau
50 me du peuple, ces regards méditants, désabusés et sans avenir que j’ai déjà surpris en France… Nous devions repartir ce soir
51 et tenteront de prendre celui de demain soir — et sans avoir dîné, faute de restaurant dans la gare ou aux alentours. Durant
52 dre ? n’aurait-on pas quelques chambres à louer ? Sans eux, l’on oublierait la guerre, sur ces terrasses incendiées de roses
53 purser, nous n’avons plus devant nous qu’un océan sans douanes ! Dix jours vierges, dix jours durant lesquels on peut imagin
54 e la gauche, lui répondit avec un demi-sourire et sans retirer son mégot, que de l’autre côté on savait tout cela, et qu’au
55 en », où l’on se présente généralement tout nu et sans préparation. Reçu de justesse. Passez à l’épreuve suivante. Docile, j
7 1946, Journal des deux mondes. Premiers contacts avec le Nouveau Monde
56 mon chapeau, où le contrôleur l’a pris et replacé sans me déranger dans la lecture de mon journal. Il n’y a que deux classes
57 le déferlement des larges carrosseries. On passe sans ralentir Philadelphie puis Baltimore, cités de trente kilomètres de c
58 i sa femme le néglige. Il s’en va tout d’un coup, sans adieu ni raison, en souhaitant, well, que la situation s’arrange. La
59 leurs se voient donc relégués dans une opposition sans portée politique, spectateurs irrités de la vie américaine, disciples
60 uent. C’est vrai. Vous savez traiter vos affaires sans canons. Vous nous avez admis, et nous avons, bien entendu, à nous ten
61 de vos enfants, et la déperdition de vos énergies sans direction, et le dégonflement de vos crédits, et la stupidité de vos
62 a fait cristalliser ce projet, et je la rapporte sans y rien changer : excellente entrée en matière6. 16 février 1941
63 jour à New York. Écrit une cinquantaine de pages, sans ratures, sur les sujets les plus variés. En outre, terminé, tapé avec
64 l’avait découpé en rectangles égaux, et l’absorba sans le regarder, comme on résout un petit problème de logique pure. Il po
65 conventions de leur morale, et ils s’y tiennent ; sans plus d’hypocrisie que nous aux nôtres. ⁂ Visite à Wellesley College,
66 n, en pareil cas, comme on les sent physiquement, sans recours, les liens secrets entre le style que l’on écrit et celui que
8 1946, Journal des deux mondes. Voyage en Argentine
67 é dans ma cabine. Je constate que j’y puis écrire sans malaise. Mais je n’ai guère à écrire : je suis trop seul. Et je pense
68 étiez resté chez vous durant les jours critiques, sans bouger pied ni patte, l’accident vous serait arrivé sur un autre plan
69 entre autres. Eh bien, monsieur, c’était pire que sans rien ! J’ai dû les jeter par la fenêtre. Il me raconte encore quelque
70 hwyzer dütsch dont le séjour de Berne m’enrichit. Sans relâche, mon assiette se remplit de quartiers de viande de cinq ou si
71 ne cour : cela s’appelle un asado. On en mourrait sans le maté, dont on suce quelques petites gorgées brûlantes et amères, e
72 u’on entrevoit les mœurs de ce gratin, d’ailleurs sans titres de noblesse, sauf par alliances. Le divorce étant interdit, le
73 oi-même, quand on ne peut plus se retrouver qu’en Dieu . (Quand on est rapporté à l’Éternel.) ⁂ Sur un horizon d’incendie, ce
74 est la vraie. Il vient de passer le portail comme sans le voir, le cheval au pas ayant poussé le battant d’une patte. Il a l
75 in au sombrero : « Buenas tardes, señor ! » comme sans me voir, mais je ne me suis jamais senti mieux salué. ⁂ Le ciel ent
76 s, le vieux ranch de Rosas, couvert de chaume et, sans nul doute, hanté par les victimes du célèbre tyran. (C’était lui qui
77 ns le but. Alors elle s’est retournée vers moi et sans merci, m’a collé toute la gerbe dans les bras, puis s’est enfuie. C’e
9 1946, Journal des deux mondes. Solitudes et amitiés
78 ais en les regardant à tous les drames intimes et sans issue que la guerre vient suspendre et annuler. À tous ceux pour lesq
79 it si la guerre n’arrange pas autant de situation sans espoir qu’elle n’en crée ? Fin décembre 1941, 5, West 16th Street
80 te. À deux heures aujourd’hui, je me suis enfermé sans plus bouger, entre mon fauteuil et ma table — les deux bras du fauteu
81 ’autre restaurant dans ce quartier. Je suis monté sans dîner chez mes amis. Je n’en ai pas de plus charmants dans toute la v
82 récrire tout mon livre. Je ne puis entendre Bach sans avoir honte d’écrire. Comment frapper les mots d’une touche aussi all
83 e de dire vrai ? Et comment les séduire au rythme sans défaut, sans relâche et sans repentir, d’une pensée qui soit digne en
84 i ? Et comment les séduire au rythme sans défaut, sans relâche et sans repentir, d’une pensée qui soit digne encore d’être p
85 es séduire au rythme sans défaut, sans relâche et sans repentir, d’une pensée qui soit digne encore d’être pensée, d’être re
86 atelier au mois et n’ai donc plus qu’à déguerpir sans insister. 16 avril 1942, 11 West 52th Street Emménagé dans une
87 r un livre et que l’esprit reste tout excité mais sans objet sur lequel se jeter, il en fait voir de toutes les couleurs aux
88 se de documents, les feuillette rapidement, comme sans regarder, sort une page d’un petit geste nerveux : « Voilà ce que vou
89 Huit heures et demie. L’équipe de nuit s’installe sans bruit dans les bureaux presque déserts. Téléphone de Bernstein, il vo
90 tombe des arbres et du ciel. Aux régions polaires sans été. Au faux printemps perpétuel de carte postale qui baigne la cuvet
91 sse le loisir d’être humain, au lieu de le forcer sans trêve à défendre sa vie d’animal ? J’en vois un, c’est peut-être le s
10 1946, Journal des deux mondes. L’Amérique en guerre
92 nt, qui se transformerait le soir en lit, et d’où sans se lever l’on atteindrait le téléphone, la poignée du frigidaire, les
93 en d’acquis. Et justement parce qu’il expérimente sans relâche, il n’a pas l’expérience du monde. L’Amérique, ennemie de la
94 fantine, et qu’on prend pour moderne ; l’Amérique sans passé vivant ni traditions instrumentales, s’imagine qu’elle invente
95 ditions instrumentales, s’imagine qu’elle invente sans cesse : mais en fait elle ne trouve ses repères et ses appuis que dan
96 se rapprochant ainsi de l’homme, ce qui n’est pas sans inquiéter, surtout en Russie soviétique. On prend dix singes. On les
97 e coup. Mars 1943 In petto. — Ce n’est pas sans écœurement que je me vois contraint de transmettre à l’Europe occupée
98 parasites. Il faut sauter dans le vif d’un sujet, sans précautions de langage ni fausse humilité. Puis s’efforcer de suivre
99 cer de suivre la ligne de plus grande efficacité, sans la moindre bavure savante pour l’élégance. ⁂ Que serait-ce d’être un
100 a rivière, une proue grise et ses canons glissait sans bruit, un énorme croiseur défilait, tout l’équipage en fête saluant N
11 1946, Journal des deux mondes. Virginie
101 jeunes auteurs, qui leur assure le minimum vital sans les lier. Enfin des « œuvres » innombrables, une Université, et la Cr
102 jeunes femmes très blondes boivent des whiskies, sans se déranger. Nous traversons toute la maison, puis une large galerie
103 n vallonnement, et maintenant remontent vers nous sans ralentir. Une femme en jaune, suivie d’un homme. Comme ils s’approche
104 avez soif ? » Les coups de tonnerre se succèdent sans répit, et parfois les lumières vacillent, baissent, remontent… Paraît
105 la première fois à l’étranger. Le peuple anonyme, sans vedettes, et que voici enfin devenu la vraie vedette, malgré lui. Je
106 dont j’aie vécu la vie. Seulement, il est sérieux sans pose, avec pudeur, préférant affecter la blague ou le scepticisme plu
12 1946, Journal des deux mondes. Le choc de la paix
107 emble avoir lu parfois que l’Amérique est un pays sans traditions ni religion, où toutes les races se mêlent, où l’argent se
108 boissons, et nous nous appelons par nos prénoms, sans avoir jamais bien compris nos noms de famille. L’autre jour, Robert m
109 ste. Une petite ville internationale de province, sans grand avenir, qui vit déjà sur son passé d’un siècle… Robert me dépos
110 d’un parcours rectiligne d’un kilomètre et demi, sans changer de largeur. (Seuls les trottoirs se rétrécissent.) Cette rue,
111 our y entrer. De la cuisine on passe par une baie sans porte dans le frontroom, qui donne sur la rue. De l’autre côté de la
112 l’autre côté de la cuisine, deux petites chambres sans fenêtres ni portes, suivies d’une autre pièce plus large sur la cour.
113 (la chambre est glacée), je m’installe à ma table sans retirer mon manteau, et je décroche mon téléphone. — Messages pour mo
114 , car tout se sait. Des haut-parleurs répandaient sans relâche l’Adeste Fideles et des carols transformés en jazz hot par le
115 chets extérieurs où l’on peut déposer de l’argent sans descendre de sa voiture. Déjà les biches et les daims sont amenés dan
116 de Noël aux « hommes de bonne volonté », répétant sans scrupules avec M. Romains une grave erreur de traduction. Car l’Évang
117 mplement : « Paix sur la terre, bonne volonté (de Dieu ) envers les hommes ». Est-il besoin de la bombe, et des grèves, et de
118 s questions sont déprimantes, parce qu’elles sont sans objet réel. Tout ce que l’on peut penser de l’Europe en général et de
13 1946, Journal des deux mondes. Journal d’un retour
119 s libres de circuler à notre guise. Je répondrais sans hésiter : il ne s’agit ni de choisir une terre et ses morts contre le
120 eaux différents. Mais je n’y serais jamais arrivé sans l’appui de ma Légation. 27 mars 1946 Entre les deux mondes. — 
121 en ne donne une idée de l’immobilité comme ce vol sans repères en plein ciel, à 130 mètres à la seconde, sans vibration ni c
122 repères en plein ciel, à 130 mètres à la seconde, sans vibration ni courant d’air, et sans nul signe apparent de mouvement.
123 à la seconde, sans vibration ni courant d’air, et sans nul signe apparent de mouvement. Les uns écrivent, d’autres déjeunent
124 et-coquet scolaire 1910 que l’imagination se rend sans condition après la plus rapide reconnaissance des lieux. J’ai revu de
125 jour de sa liquidation publique, dans son palais sans patine, sans fantômes. Pourtant cette grande figure voûtée qui lui re
126 iquidation publique, dans son palais sans patine, sans fantômes. Pourtant cette grande figure voûtée qui lui ressemblait à s
127 iers de salle, un ton d’obsèques officielles mais sans tristesse. Ce fut une glorieuse journée, comme disent les Anglo-Saxon
14 1946, Journal des deux mondes. Le mauvais temps qui vient
128 que je voudrais dire de la Suisse n’est donc pas sans me concerner sur plus d’un point. Souffrir, en soi, n’est pas toujour