1
d’horizon dépend à chaque instant de l’endroit où
nous
nous tenons, elle se déplace et change, et l’on peut dire que nous la
2
izon dépend à chaque instant de l’endroit où nous
nous
tenons, elle se déplace et change, et l’on peut dire que nous la port
3
elle se déplace et change, et l’on peut dire que
nous
la portons avec nous. Ainsi de la plupart de nos observations sur les
4
hange, et l’on peut dire que nous la portons avec
nous
. Ainsi de la plupart de nos observations sur les faits réputés object
5
nous la portons avec nous. Ainsi de la plupart de
nos
observations sur les faits réputés objectifs. Et c’est pourquoi l’eff
6
i se voit déjoué par les descriptions mêmes qu’il
nous
propose, et qui ne sont que les rébus de ce qu’il s’imaginait dissimu
7
un âge, un climat de musiques, soudain se fixe en
nos
mémoires, s’idéalise. Un « bon vieux temps » de plus, tout près de no
8
ise. Un « bon vieux temps » de plus, tout près de
nous
… Le bon vieux temps, pour nos ancêtres, c’était très loin dans le pas
9
plus, tout près de nous… Le bon vieux temps, pour
nos
ancêtres, c’était très loin dans le passé, dans la légende, si loin q
10
, ne l’avait vu. Mais déjà, pour beaucoup d’entre
nous
, ce fut simplement l’avant-guerre, les souvenirs de notre enfance. Et
11
e fut simplement l’avant-guerre, les souvenirs de
notre
enfance. Et voici que ce Temps Perdu, tout d’un coup, est encore plus
12
est-ce — aujourd’hui ? Mais oui, peut-être vivons-
nous
, ici, dans ce Paris de mars 1939, les derniers jours du bon vieux tem
13
emps européen. Jours de sursis d’une liberté dont
nous
avions à peine conscience, parce qu’elle était notre manière toute na
14
us avions à peine conscience, parce qu’elle était
notre
manière toute naturelle de respirer et de penser, d’aller et venir, e
15
r et de penser, d’aller et venir, et d’entretenir
nos
soucis, nos plaisirs personnels. Combien de temps encore, combien de
16
er, d’aller et venir, et d’entretenir nos soucis,
nos
plaisirs personnels. Combien de temps encore, combien de semaines pou
17
ien de temps encore, combien de semaines pourrons-
nous
goûter ce répit, et sentir que nous prolongeons une existence que nos
18
ines pourrons-nous goûter ce répit, et sentir que
nous
prolongeons une existence que nos fils appelleront douceur de vivre ?
19
et sentir que nous prolongeons une existence que
nos
fils appelleront douceur de vivre ? Déjà nous éprouvons que le monde
20
que nos fils appelleront douceur de vivre ? Déjà
nous
éprouvons que le monde a glissé dans une ère étrange et brutale, où c
21
et brutale, où ces formes de vie qui sont encore
les nôtres
ne peuvent plus apprivoiser le destin. Soit que les tyrans nous accab
22
t plus apprivoiser le destin. Soit que les tyrans
nous
accablent, soit qu’un sursaut nous dresse à résister, il faudra chang
23
que les tyrans nous accablent, soit qu’un sursaut
nous
dresse à résister, il faudra changer le rythme et rectifier la tenue,
24
n. Et dès lors qu’il l’a mis en question et qu’il
nous
force au réalisme à sa manière, le charme est détruit dans nos vies.
25
réalisme à sa manière, le charme est détruit dans
nos
vies. Nous sommes pareils à celui qui s’éveille et goûte encore quelq
26
sa manière, le charme est détruit dans nos vies.
Nous
sommes pareils à celui qui s’éveille et goûte encore quelques instant
27
n temps sa loi, en préservant, s’il se peut, dans
nos
cœurs, ce droit d’aimer, cette bonté humaine, plus inutile que jamais
28
vres, mais surtout : — entre l’espèce de paix que
nous
laissa l’hiver et la guerre qui revient nous avertir, au seuil de ce
29
que nous laissa l’hiver et la guerre qui revient
nous
avertir, au seuil de ce printemps qu’elle dénature. Envies d’écrire,
30
ité, à la terre ocrée, sous les pins. Pendant que
nous
choisissons ensemble quelques choux-fleurs — « N’allez pas couper les
31
s ! Il faut les cuire avec, c’est succulent ! » —
nous
entendons la TSF monologuer dans sa maisonnette blanche aux volets bl
32
e force d’Albanie. — Voyez-vous, me dit-il, pour
nous
autres, qu’est-ce que cela fait, ceux qui gouvernent ? Ça peut bien ê
33
nglais, ou tout ce que vous voudrez, pourvu qu’on
nous
laisse travailler. Qu’est-ce que cela change ? J’ai semé et taillé co
34
lus élémentaires, exigent et supposent un avenir.
Nous
l’oublions souvent, dans notre vie individuelle. Les statistiques nou
35
upposent un avenir. Nous l’oublions souvent, dans
notre
vie individuelle. Les statistiques nous le rappelleront. On constater
36
nt, dans notre vie individuelle. Les statistiques
nous
le rappelleront. On constatera l’année prochaine (s’il y en a une) qu
37
ents affectifs, ont su capter quelques secrets de
notre
existence ; cependant que les masses, créées par des puissances inhum
38
quelle mesure un écrivain a-t-il le droit, ou le
devoir
, de se montrer publiquement objectif vis-à-vis de ses propres ouvrage
39
s quelle mesure un citoyen a-t-il le droit, ou le
devoir
, de se montrer publiquement objectif vis-à-vis de sa propre nation ?
40
he ne l’écarte pas, bien au contraire. Le premier
devoir
est de ne point se laisser surprendre. » C’est qu’il ne croit plus à
41
si normal, que j’en viens à me demander si toutes
nos
crises ne seraient pas machinées par nous-mêmes, dans notre inconscie
42
es ne seraient pas machinées par nous-mêmes, dans
notre
inconscient collectif. Je puis l’avouer parce que je suis un écrivain
43
ont à coup sûr… La guerre qui vient n’augmente en
nous
ni le courage ni la peur, mais plutôt un certain cynisme. Peut-être a
44
isation permanente, préventive… Militarisation de
nos
pensées, de nos images. Hier, dans l’autobus, une petite bourgeoise a
45
te, préventive… Militarisation de nos pensées, de
nos
images. Hier, dans l’autobus, une petite bourgeoise assise devant moi
46
s matériels et spirituels, impossible ailleurs de
nos
jours, et peut-être à toute autre époque. Imaginer là-dessus un livr
47
être touchant, bizarre et pitoyable que chacun de
nous
dissimule. Alors on verrait le réel, alors on cesserait de haïr, ou d
48
l’enthousiasme déchirant les voiles, du salut qui
nous
est promis ! 21 mai 1939 Promenade au Bois avec Victoria Ocampo
49
des Plantes, et du dernier livre de Huizinga, qui
nous
parvint hier de Hollande. Nous avons passé deux belles heures dans la
50
e de Huizinga, qui nous parvint hier de Hollande.
Nous
avons passé deux belles heures dans la roseraie de Bagatelle transfig
51
n d’après-midi dorée. Échangeant des nouvelles de
nos
amis communs d’Argentine, d’Angleterre, d’Autriche, de Roumanie : la
52
a nuit de l’esprit. 24 mai 1939 Avant-hier,
nous
trouvâmes en rentrant une prodigieuse gerbe de roses rouges que V. O.
53
té même, comme la Passion despotique et fervente.
Nous
sentons bien qu’elle marquera tout ce printemps dans notre souvenir,
54
tons bien qu’elle marquera tout ce printemps dans
notre
souvenir, le dernier printemps de la paix… 5 juin 1939 Le désar
55
paix… 5 juin 1939 Le désarroi de l’époque —
nous
lisons cela partout depuis vingt ans. Comme si rien de pire n’était i
56
Et pourtant le désordre dure. Il se confond avec
notre
vie même, avec la Vie ! Certes, l’anarchie des mœurs et des idées s’a
57
se des crises sociales et politiques. Et pourtant
nous
vivons ! Et notre vie, loin de se replier dans la crainte, s’exalte a
58
iales et politiques. Et pourtant nous vivons ! Et
notre
vie, loin de se replier dans la crainte, s’exalte aux approches du pé
59
ourrit plus qu’on n’oserait l’avouer. Après tout,
nous
ne sommes pas les premiers à croire que notre époque est l’époque mêm
60
out, nous ne sommes pas les premiers à croire que
notre
époque est l’époque même de la crise. S’il est juste et salutaire de
61
r dans ce qu’elle a d’unique, dans sa réalité qui
nous
met en question, n’oublions pas que toute réalité, à toute époque de
62
onnu des paniques et des nuits plus terribles que
les nôtres
, au lendemain des grandes invasions, du ve siècle au viiie de notre
63
des grandes invasions, du ve siècle au viiie de
notre
ère, avant l’an mille, pendant les pestes noires, pendant les guerres
64
inconscience, d’une ignorance, dont la presse de
nos
jours nous prive avec acharnement. Du moins voudrait-on rappeler à to
65
nce, d’une ignorance, dont la presse de nos jours
nous
prive avec acharnement. Du moins voudrait-on rappeler à tous ces fron
66
Voilà la grande et la seule différence. Et voilà
notre
chance aussi. L’homme n’est pas fait pour vivre en état de guerre, au
67
stices établies. La menace de guerre qui pèse sur
nous
pourrait et devrait être le remède à cette paix-là. Tout dépend de l’
68
La menace de guerre qui pèse sur nous pourrait et
devrait
être le remède à cette paix-là. Tout dépend de l’usage que l’on en fa
69
ou tonifie. Dans l’atmosphère de catastrophes où
nous
vivons, une profonde ambiguïté se manifeste. Tout invite à désespérer
70
e sans menaces, sans résistances, sans vigilance.
Notre
génération trouve, au contraire, dans la connaissance du désordre et
71
a nuit aussi ! » C’est toujours le même drame que
nous
vivons, qu’il s’agisse de flèches ou d’obus. Car ce qui compte, en fi
72
a faveur de ces vicissitudes acceptées. Acceptons
notre
chance de vivre une vie plus consciente et réelle. Quoi qu’il advienn
73
esseront de venir jusqu’au Jour éternel ! Prenons
notre
régime de vie tendue : il suffit de savoir ce qui compte, et que la j
74
ir ce qui compte, et que la joie ne dépend pas de
nos
misères. J’y songeais l’autre soir, à Orléans, en entendant la Jeanne
75
évidence, la délivrance, le « malgré tout » dont
nous
vivrons ! 10 juin 1939 L’origine de toutes nos haines, l’origin
76
vivrons ! 10 juin 1939 L’origine de toutes
nos
haines, l’origine de toute amertume, c’est un bien que nous n’avons p
77
s, l’origine de toute amertume, c’est un bien que
nous
n’avons plus, c’est un amour perdu, allé ailleurs. Mais qu’il existe
78
sa perte insupportable à qui croyait le posséder.
Nos
haines… Pourquoi la haine, par exemple, de tel régime qui nous menace
79
Pourquoi la haine, par exemple, de tel régime qui
nous
menace depuis des mois ? Serait-ce à cause de la menace ? Je ne le cr
80
’y avait pas un bien, dans ce régime, un bien que
nous
avons perdu, et qu’il séquestre, s’il n’y avait que du mal en lui, no
81
u’il séquestre, s’il n’y avait que du mal en lui,
nous
n’aurions pas de haine ni d’amertume : on ne hait pas les catastrophe
82
phes, les incendies et les tremblements de terre.
Notre
amertume et notre indignation devant le phénomène totalitaire naissen
83
s et les tremblements de terre. Notre amertume et
notre
indignation devant le phénomène totalitaire naissent d’un désir secre
84
ce de dépit amoureux de la révolution manquée par
nous
, mais séduite et violée par le voisin ; d’une nostalgie de cette comm
85
e communauté qu’ils disent avoir réinventée, dont
nous
ne sommes pas, et dont nous sentons bien qu’ils nous excluent dans l’
86
voir réinventée, dont nous ne sommes pas, et dont
nous
sentons bien qu’ils nous excluent dans l’intention d’en abuser. Ainsi
87
s ne sommes pas, et dont nous sentons bien qu’ils
nous
excluent dans l’intention d’en abuser. Ainsi l’Europe, en d’autres te
88
onter les armées régulières. 19 juin 1939 «
Notre
Führer fait une politique d’artiste ! », a proclamé M. Goebbels. Voil
89
ds où s’alimente le désir. Les délais de ce genre
nous
sont-ils mesurés par la qualité de notre espoir ? Mais quel espoir, a
90
ce genre nous sont-ils mesurés par la qualité de
notre
espoir ? Mais quel espoir, alors, pourrait rythmer toute la durée de
91
espoir, alors, pourrait rythmer toute la durée de
notre
vie, jusqu’à la mort, — sinon l’espoir d’un rendez-vous au-delà du mo
92
assez certain et assez glorieux pour disqualifier
nos
soucis, tout serait à chaque instant libre et allègre, ouvert sur la
93
… À l’œuvre donc, advienne que pourra ! Que l’été
nous
apporte — c’est probable — un nouveau serpent de mer des dictateurs,
94
nal à ce journal de petite attente. Il faut juger
notre
vie par sa fin, pour mesurer l’importance relative des événements qui
95
mesurer l’importance relative des événements qui
nous
font les gros yeux. Joie du temps retrouvé, dans l’instant d’un espoi
96
uand le seul terme redoutable est le Jugement qui
nous
délivrera ? Eh quoi ! suffisait-il d’y penser ? Non, mais il suffira
97
radio brusquement interrompit les conversations.
Nous
entendîmes la fin d’une phrase en italien, puis une fanfare joua l’hy
98
us un ciel d’angoisse et de haine ! — Malheur sur
nous
! Nuit lugubre, sans sommeil — rythmée d’armes martelées — meute foll
99
« C’est difficile de chanter ça ce soir. Les mots
nous
restent dans la gorge… » Le drame ne put être joué, la plupart des ac
100
sûr on y est ! L’impression générale, c’est qu’on
nous
a « mis dedans ». (Je dis on, je ne sais pas qui c’est. Comme le brav
101
« Je n’accuse personne, mais c’est dégoûtant ! »)
Nous
voilà faits, refaits par l’événement, plongés d’un coup dans le détai
102
, qu’on redoutait, qu’on croyait préparer, et qui
nous
trouvent sans peur et sans préparation dès l’instant qu’elles devienn
103
es grandes lignes de la guerre, et çà et là, dans
nos
frontières, des secteurs minuscules, comme au hasard, qu’on voit d’un
104
les plus stricts, mais c’est très bien ainsi, car
nous
sommes n’importe où, sans raison prévisible. J’aime beaucoup les adre
105
cordeau qu’il faut inspecter gravement. Partirons-
nous
au milieu de la nuit ? Ou passerons-nous l’hiver ici ? Plus rien ne d
106
artirons-nous au milieu de la nuit ? Ou passerons-
nous
l’hiver ici ? Plus rien ne dépend de nous. C’est notre liberté. Les h
107
sserons-nous l’hiver ici ? Plus rien ne dépend de
nous
. C’est notre liberté. Les hommes sont à la soupe. Nous dînerons dans
108
l’hiver ici ? Plus rien ne dépend de nous. C’est
notre
liberté. Les hommes sont à la soupe. Nous dînerons dans une heure au
109
C’est notre liberté. Les hommes sont à la soupe.
Nous
dînerons dans une heure au café du village. Une heure creuse à l’armé
110
eau vide, ou quelle plénitude du loisir ! Amusons-
nous
à dire un peu de quoi se fait la vie quotidienne, dans les débuts d’u
111
bois, cela peut être un des plus beaux moments de
notre
furtive existence. Surtout quand il tombe une pluie fine. Ce n’est pa
112
en, avant longtemps, dans ces champs et forêts où
nous
marchons sans suivre les chemins. (À ce petit signe nous sentons la d
113
rchons sans suivre les chemins. (À ce petit signe
nous
sentons la différence d’avec la vie civile, dans le pays des règlemen
114
vec la vie civile, dans le pays des règlements.)
Nous
vivons à côté de la population, mêlés à elle, et cependant hors de sa
115
ocons humides sur ce petit vallon du haut Jura où
nous
avons à préparer des positions. Et la neige fondait dans la boue. J’a
116
la lueur d’une lampe à pétrole. Pourquoi sommes-
nous
là, quelque part, loin de tout ce qui faisait notre vie ? Il faudrait
117
ous là, quelque part, loin de tout ce qui faisait
notre
vie ? Il faudrait essayer de répondre. L’homme n’est pas né pour fair
118
pu ? Parce que tous ils s’imaginent — ou croient
devoir
s’imaginer ! — que le bonheur et la force d’un peuple dépendent de sa
119
mise au pas militaire, de son arrogance étatique.
Nous
sommes ici à patauger parce que nos voisins se font la guerre, et s’i
120
ce étatique. Nous sommes ici à patauger parce que
nos
voisins se font la guerre, et s’ils la font, c’est parce qu’ils n’ont
121
s antisuisse de toute l’histoire. C’est donc pour
nous
la pire menace. Mais en même temps, la plus belle promesse ! Maintena
122
puisque l’autre aboutit à la guerre. Ce n’est pas
notre
orgueil qui l’imagine, ce sont les faits qui nous obligent à le recon
123
otre orgueil qui l’imagine, ce sont les faits qui
nous
obligent à le reconnaître avec une tragique évidence. Et c’est cela q
124
tre avec une tragique évidence. Et c’est cela que
nous
avons à défendre : le seul avenir possible de l’Europe. Le seul lieu
125
ou d’idéalisme. Il s’agit de voir qu’en fait, si
nous
sommes là, ce n’est pas pour défendre des fromages, des conseils d’ad
126
ndre des fromages, des conseils d’administration,
notre
confort et nos hôtels. Les fascistes feraient marcher cela aussi bien
127
, des conseils d’administration, notre confort et
nos
hôtels. Les fascistes feraient marcher cela aussi bien que nous, peut
128
es fascistes feraient marcher cela aussi bien que
nous
, peut-être mieux ! Ce n’est pas non plus pour protéger nos « lacs d’a
129
-être mieux ! Ce n’est pas non plus pour protéger
nos
« lacs d’azur » et nos « glaciers sublimes ». (Certain ministre de la
130
pas non plus pour protéger nos « lacs d’azur » et
nos
« glaciers sublimes ». (Certain ministre de la propagande se chargera
131
rès volontiers de ce travail de Heimatschutz.) Si
nous
sommes là, c’est pour exécuter la mission dont nous sommes responsabl
132
us sommes là, c’est pour exécuter la mission dont
nous
sommes responsables, depuis des siècles, devant l’Europe. D’autres se
133
brigands qui voulaient profiter de sa faiblesse.
Nous
sommes chargés de la défendre contre elle-même, de garder son trésor,
134
l est le sens de la mission spéciale qui justifie
notre
neutralité. Si nous trahissons cette mission, si nous n’en gardons pa
135
ission spéciale qui justifie notre neutralité. Si
nous
trahissons cette mission, si nous n’en gardons pas conscience, je ne
136
neutralité. Si nous trahissons cette mission, si
nous
n’en gardons pas conscience, je ne donne pas lourd de notre indépenda
137
gardons pas conscience, je ne donne pas lourd de
notre
indépendance. Berne, fin novembre 1939. (Au retour d’un voyage en
138
débraillés, de musettes et de masques à gaz. Déjà
nous
roulons lourdement. Le nom de cette gare — comme de toutes les autres
139
deux conceptions de « l’ordre » qui se partagent
notre
Europe : harmonie intérieure ou uniformité géométrique et militaire.
140
évolution actuelle. La déprimante architecture de
notre
Palais fédéral — où je corrige ces notes de voyage, ayant fini le tra
141
peu, ce soir. C’est le contraire de ce qui fonde
nos
vraies valeurs et notre raison d’être. Cette école primaire démesurée
142
e contraire de ce qui fonde nos vraies valeurs et
notre
raison d’être. Cette école primaire démesurée, c’est l’image même, en
143
image même, en pierre verdâtre, de l’esprit qu’il
nous
faut combattre si nous voulons mériter notre paix. Janvier 1940
144
erdâtre, de l’esprit qu’il nous faut combattre si
nous
voulons mériter notre paix. Janvier 1940 La section Armée et Fo
145
qu’il nous faut combattre si nous voulons mériter
notre
paix. Janvier 1940 La section Armée et Foyer de l’état-major m’
146
remarque de Napoléon sur la nature fédérative de
notre
État, et tous les trois disent la même chose.) Drôle d’occupation po
147
ssion de quelque territoire, mais la défense de «
nos
libertés » — dont je vais faire le titre du bréviaire. Il faut que ch
148
qualifier ; elle ne ressemble à aucune autre. Je
devais
avoir treize ou quinze ans lorsque j’y vins pour la première fois, de
149
t encore par des lacets immenses, passait enfin à
notre
hauteur, puis courait s’engouffrer dans les rochers, à la base d’une
150
pour cette raison même, l’origine très précise de
nos
libertés et de notre union fédérale. Quand je n’en saurais rien, j’ai
151
ême, l’origine très précise de nos libertés et de
notre
union fédérale. Quand je n’en saurais rien, j’ai lieu de supposer que
152
rminées par un roulement de tambour, voilà ce qui
doit
logiquement se produire. » Et encore, en 1889 : « Les chefs futurs se
153
n détachement serait étrange, voire haïssable, si
nous
vivions dans un monde acceptable ou simplement à la mesure de notre a
154
un monde acceptable ou simplement à la mesure de
notre
action. Je vais à lui pour me défendre contre l’écœurement qui me gue
155
naïveté politique qui trop souvent caractérisent
notre
opinion. Début de mars 1940 L’homme au poignard enguirlandé. —
156
onne n’a mieux traduit et illustré les vertus qui
devraient
nourrir, aujourd’hui, notre esprit de résistance. Ce réalisme liberta
157
ré les vertus qui devraient nourrir, aujourd’hui,
notre
esprit de résistance. Ce réalisme libertaire, cette liberté d’allure
158
crotte sur le nez, trois dans ta barbe ! »1 Mais
nous
voici mieux muselés que ces ours du duc de Milan ramenés en laisse, a
159
ils fait à la mort, dans leurs rêves, la part que
nous
fîmes à l’amour ? Urs Graf, Holbein, Hans Kluber, Grünewald, et tant
160
as de majuscule, et qu’elle est quelque chose qui
doit
brûler, flamber, et non pas rapporter du trois pour cent. Sérieuse co
161
nté ont prêché sur le thème du memento mori, mais
nous
préférons aujourd’hui l’éloge de la vie au grand air. Et tout se pass
162
i de l’épargne dans tous les domaines, tuaient en
nous
le sens métaphysique… ⁂ Sobre dans la plus libre fantaisie, mais éner
163
e d’admirer chez Manuel la plupart des vertus qui
nous
manquent. Böcklin manque de sobriété, Hodler aussi. D’où l’espèce de
164
architecture théologique, c’est à peu près ce que
nous
avons perdu par une longue suite de « libérations » qui ne laissent e
165
bien moins encore ces planches de minéralogie que
nous
bariolent les peintres d’Alpe. Ce qu’il peint, lui, c’est la terre de
166
édie « à la gloire de Dieu ». ⁂ Quand on dit chez
nous
de quelqu’un « qu’il a fait un peu tous les métiers », ce n’est pas u
167
nduire leur vie vers un but qui transcende toutes
nos
activités. Fougueux et appliqué dans sa peinture, Manuel n’hésite pas
168
té n’a plus de vraies mesures, c’est l’Église qui
doit
les refaire. Qu’elle s’y refuse, il faut la réformer. Après quoi l’on
169
pour s’excuser, comme s’il croyait au fond qu’on
devrait
tout savoir, et que pourtant… C’est la passion de la Renaissance, si
170
a mieux éclairé — écrit un chroniqueur du temps —
notre
banneret Manuel apparut parmi nous comme un flambeau brûlant et éclat
171
ur du temps — notre banneret Manuel apparut parmi
nous
comme un flambeau brûlant et éclatant. Survint alors la maladie qui n
172
brûlant et éclatant. Survint alors la maladie qui
nous
l’arrache dans sa quarante-sixième année. Le seul autoportrait qui su
173
e année. Le seul autoportrait qui subsiste de lui
nous
montre, à la fin de sa vie, un regard doux et perspicace, un visage a
174
une vie d’homme devant Dieu. 9 mars 1940 Il
nous
est né hier une fille que nous avons nommée Martine. J’inscris ici, p
175
9 mars 1940 Il nous est né hier une fille que
nous
avons nommée Martine. J’inscris ici, pour qu’elle les lise plus tard,
176
pour qu’elle les lise plus tard, les raisons qui
nous
firent adopter ce prénom. C’est un souvenir de France et de la paix f
177
n souvenir de France et de la paix française, qui
nous
émeut comme un adieu à la douceur de vivre, à la confiance. Cela se p
178
ses et des blés, aux bords du plateau de la Brie.
Nous
montions vers Périgny par un sentier fort raide entre les ronces, abo
179
uceur du ciel, retrait des âmes dans leur destin.
Nous
longions cette rue silencieuse, imaginant d’y vivre un jour dans une
180
cline lentement vers la vallée, dans les vergers.
Nous
nous étions arrêtés là, hésitant sur le chemin à prendre. Et soudain
181
lentement vers la vallée, dans les vergers. Nous
nous
étions arrêtés là, hésitant sur le chemin à prendre. Et soudain nous
182
là, hésitant sur le chemin à prendre. Et soudain
nous
vîmes à nos pieds, tracé à la craie sur le sol, un grand cercle entou
183
sur le chemin à prendre. Et soudain nous vîmes à
nos
pieds, tracé à la craie sur le sol, un grand cercle entourant une ins
184
s choses de toujours. Et le moindre signe suffit.
Nous
sommes redescendus vers la vallée de l’Yerres, qui coule entre des sa
185
changé, la guerre est là, mais rien n’arrive. Et
nous
vivons dans le suspens. À moins que ce ne soit dans une chute prolong
186
redoute parfois que l’instruction publique, dans
nos
démocraties, ne réussisse qu’à élever le niveau de la bêtise moyenne.
187
ise moyenne. (Voir les magazines populaires, chez
nous
autant qu’en Amérique.) ⁂ Pourquoi les Suisses ne condamnent-ils que
188
« Le petit nuage n’est pas passé. Il passera, et
nous
serons encore une fois assis au café des Deux Magots. La vie reprendr
189
econde me dit : « Le petit nuage passera, oui… et
nous
avec ! » Selon l’humeur du jour, je donne raison à l’une ou à l’autre
190
t, c’est la certitude « qu’il passera ». Que sont
nos
petits accès de découragement, ces brumes qu’un léger vent d’avant-pr
191
gard du Règlement des comptes universels que sera
notre
jugement au dernier jour de tous les temps. Karl Barth nous le disait
192
ent au dernier jour de tous les temps. Karl Barth
nous
le disait l’autre jour à Tavannes : « Comme chrétiens, nous n’avons à
193
sait l’autre jour à Tavannes : « Comme chrétiens,
nous
n’avons à redouter que le Prince de tous les démons, et non pas tel o
194
ous les démons, et non pas tel ou tel démon qu’il
nous
délègue de temps à autre. Le combat que nous devrons peut-être engage
195
u’il nous délègue de temps à autre. Le combat que
nous
devrons peut-être engager militairement contre l’un de ces petits per
196
nous délègue de temps à autre. Le combat que nous
devrons
peut-être engager militairement contre l’un de ces petits personnages
197
t, si “total” qu’il soit, ne saurait figurer pour
nous
qu’un exercice, une première escarmouche, un entraînement pour le “co
198
ment pour le “combat final” où Christ seul pourra
nous
sauver, lorsque le Malin en personne nous accusera au Jugement dernie
199
pourra nous sauver, lorsque le Malin en personne
nous
accusera au Jugement dernier. » Voilà les dimensions réelles qu’il fa
200
er envisager. Elles ne sont pas démesurées. Elles
doivent
au contraire nous donner la vraie mesure de nos soucis, de nos miséra
201
e sont pas démesurées. Elles doivent au contraire
nous
donner la vraie mesure de nos soucis, de nos misérables cafards, de n
202
ivent au contraire nous donner la vraie mesure de
nos
soucis, de nos misérables cafards, de nos craintes dérisoires et mesq
203
ire nous donner la vraie mesure de nos soucis, de
nos
misérables cafards, de nos craintes dérisoires et mesquines. « C’est
204
sure de nos soucis, de nos misérables cafards, de
nos
craintes dérisoires et mesquines. « C’est un petit nuage, il passera.
205
ue je viens de trouver dans un livre interdit par
nos
censeurs3. L’auteur fut l’un des chefs du parti hitlérien ; écœuré, i
206
secrète de la démocratie, c’est la franchise. On
nous
répète : « Qui ne sait se taire nuit à son pays. » Fort bien. Mais il
207
Nouvelle mobilisation générale. Il m’apparaît que
notre
section Armée et Foyer n’aura plus rien à faire pendant les jours qui
208
la police qui a demandé quelques volontaires. Il
nous
expose notre tâche : prendre le commandement des pelotons chargés d’a
209
ui a demandé quelques volontaires. Il nous expose
notre
tâche : prendre le commandement des pelotons chargés d’arrêter en cas
210
ype, ramasser les papiers… La légation allemande,
nous
dit-il, est un dépôt d’armes et un blockhaus bétonné. Mais nous avons
211
st un dépôt d’armes et un blockhaus bétonné. Mais
nous
avons installé un canon dans la maison d’en face. L’ordre récemment d
212
que part dans l’Évangile. Ou faudra-t-il enterrer
nos
secrets pour d’autres, qui peut-être ne viendront jamais ? Car la car
213
r au passé. Vaudrait-il mieux qu’alors ? Saurions-
nous
mieux le vivre, augmenté du souvenir de sa perte ? Mais le passé ne r
214
— même si la guerre était gagnée, même si demain
nous
devions vivre encore… À quoi pensent-ils, ceux de la bataille ? Ont-i
215
me si la guerre était gagnée, même si demain nous
devions
vivre encore… À quoi pensent-ils, ceux de la bataille ? Ont-ils de ce
216
-ci ça y est !… Vivant un cauchemar qui est vrai,
nous
allons en désordre au réveil. La mort, le désespoir en plein midi, —
217
moi de la Suisse allemande. En sortant du studio,
nous
apprenons que Paris vient d’être bombardé pour la première fois. Dans
218
bombardé pour la première fois. Dans le train qui
nous
ramenait ce matin à Berne, je lui ai dit : « Si la France est battue,
219
nt tentés de céder à diverses pressions. Pourtant
nous
sommes les seuls à pouvoir nous défendre. Depuis plusieurs années, je
220
essions. Pourtant nous sommes les seuls à pouvoir
nous
défendre. Depuis plusieurs années, je pense au Saint-Gothard comme au
221
son bastion sacré. C’est pour le garder libre que
nos
premiers cantons ont reçu la liberté d’Empire. Or il se trouve que pr
222
12 juin 1940 Débâcle française sur la Seine.
Notre
projet me travaille. Spoerri insiste, agit, et des contacts sont pris
223
t se tait, que son deuil soit le deuil du monde !
Nous
sentons bien que nous sommes tous atteints. Quelqu’un disait : Si Par
224
il soit le deuil du monde ! Nous sentons bien que
nous
sommes tous atteints. Quelqu’un disait : Si Paris est détruit, j’en p
225
visionen ». Quelque chose d’indéfinissable et que
nous
appelions Paris. C’est ici l’impuissance tragique de ce conquérant vi
226
du Jura, et au-delà se passe la guerre. Derrière
notre
maison, des prairies montent jusqu’aux lisières de la forêt de sapins
227
s’il est bien à la mesure du tragique dans lequel
nous
baignons… L’ai fait lire au lieutenant-colonel et aux autres camarade
228
i ? — Je ne suis pas officier de carrière. — Vous
deviez
le faire quand même. Vous êtes accusé d’injures à un chef d’État étra
229
ave, c’est… très grave ! Terminé. — Terminé. Bon.
Nous
verrons cela demain matin. Arriver à sept heures tapantes au bureau,
230
rriver à sept heures tapantes au bureau, surtout.
Notre
projet du 6 juin se précise. Ph. est en train de convoquer pour le 22
231
e convoquer pour le 22 juin les dix personnes que
nous
avons « contactées » ces jours derniers. Secret bien gardé jusqu’ici.
232
rniers. Secret bien gardé jusqu’ici. Ce matin, on
nous
a informés au bureau de ce qui s’est passé la nuit dernière. C’était
233
re. C’était sérieux. Attaques de saboteurs contre
nos
aérodromes. Mais on veillait partout. À la nuit, des barricades ont é
234
heure, les nouvelles de l’action entreprise pour
notre
« défense à tout prix ». (Beaucoup de précautions sont nécessaires, c
235
ux du pays. Frais payés sur les 50.000 francs que
nous
a remis le capitaine X. : tout ce qu’il possède. On nous accuse déjà
236
remis le capitaine X. : tout ce qu’il possède. On
nous
accuse déjà d’être « fascistes », naturellement, et payés par la « gr
237
revois cette maison de Berne à deux entrées, qui
nous
servit parfois de rendez-vous ; des séances enfumées du Directoire de
238
essait vraiment comme le bastion de l’Europe dont
nous
avions rêvé, sans oser croire que quelques mois plus tard il serait u
239
serait une réalité. L’opinion s’était ressaisie.
Notre
Ligue du Gothard, fondée sur l’idée simple d’organiser les volontés d
240
emier mouvement de Résistance, au sens que ce mot
devait
prendre un peu plus tard dans les pays occupés par Hitler. Je suis co
241
litairement moins forte et moins bien alertée. Et
notre
petit mouvement de résistance, pour « théorique » et préventif qu’il
242
, pas beaucoup dire. Me taire ou ne parler que de
notre
belle nature me semblait également intolérable, tant qu’Hitler séviss
243
ressentais que dans la lutte en cours, perdue sur
notre
continent, l’élément décisif allait venir et ne pouvait venir que d’A
244
e pincer, n’importe où, cette mince artère par où
notre
vieux monde se vide peu à peu de son élite en même temps que de ses p
245
quelconque préside aux modifications du monde que
nous
commençons d’entrevoir. Route de Lisbonne, route de l’émigration et d
246
le endormie. Tous les fauteuils sont occupés dans
notre
voiture et point de couloir libre au milieu. Des bagages à main, des
247
allemands. Tout le monde s’est tu dans l’autobus.
Nous
nous sommes arrêtés pour déjeuner dans un restaurant de Grenoble. Men
248
ands. Tout le monde s’est tu dans l’autobus. Nous
nous
sommes arrêtés pour déjeuner dans un restaurant de Grenoble. Menu par
249
. Mais à Valence, la tenancière d’une épicerie où
nous
entrons nous tend d’abord la liste des articles qu’on ne peut plus ve
250
nce, la tenancière d’une épicerie où nous entrons
nous
tend d’abord la liste des articles qu’on ne peut plus vendre : café,
251
café. Beaucoup de monde, mais peu d’animation. On
nous
sert, sous le nom de café noir, un breuvage au goût d’encre additionn
252
chaque nuit et que vous allez mourir de faim ? »
Nous
la rassurons. Tout se réduit à quelques bombes jetées par erreur sur
253
, au lendemain de la victoire (celle de 1918) : «
Nous
autres civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelle
254
re (celle de 1918) : « Nous autres civilisations,
nous
savons maintenant que nous sommes mortelles. » Oui, nous savons maint
255
autres civilisations, nous savons maintenant que
nous
sommes mortelles. » Oui, nous savons maintenant que c’est possible :
256
vons maintenant que nous sommes mortelles. » Oui,
nous
savons maintenant que c’est possible : on peut détruire une grande na
257
iècle. Il n’y aura même pas besoin de les brûler.
Nous
roulons maintenant vers l’Espagne, à travers un pays de vignes dont l
258
uveau », en espadrilles et uniformes dépareillés.
Nous
sommes ici depuis midi, la nuit approche et je ne crois plus guère au
259
cinq-cents mètres du bâtiment des douanes dont on
nous
interdit l’approche, sauf pour le contrôle des devises et des visas,
260
our le contrôle des devises et des visas, où l’on
nous
conduit par petits groupes. Ces opérations, qui se poursuivent depuis
261
pérante. Le bruit court, parmi les voyageurs, que
nous
risquons d’être refoulés à Perpignan lorsque tout sera terminé, le ch
262
r-ci ayant été atteint dès le matin. Il y a, dans
notre
convoi, quelques antifascistes notoires qui ne paraissent pas rassuré
263
a ramassée en vitesse et s’est éloigné. Partirons-
nous
? Troisième journée Barcelone sans taxis, les Ramblas presque d
264
s et sans avenir que j’ai déjà surpris en France…
Nous
devions repartir ce soir en train, mais en prenant l’avion de Madrid,
265
sans avenir que j’ai déjà surpris en France… Nous
devions
repartir ce soir en train, mais en prenant l’avion de Madrid, demain
266
mais en prenant l’avion de Madrid, demain matin,
nous
gagnerons une vingtaine d’heures. Curieuse obstination des Espagnols
267
icade — neuf heures à la douane d’entrée, et l’on
nous
en prédit autant à la sortie — et qui ne s’inquiète plus de vous une
268
s la gare ou aux alentours. Durant toute la nuit,
nous
avons fait une moyenne de trente kilomètres à l’heure. Cet express s’
269
’un seul coup sur la tablette du compartiment, et
nous
arrosent de pépins crachés à la ronde. Ici au moins, il y a de la gai
270
orte de gentillesse, malheureusement vociférante.
Nous
atteignons la frontière vers huit heures du matin, exténués et assoif
271
t le petit jeu des douanes recommence. À midi, on
nous
ouvre enfin une sorte de buffet de gare, et nous nous ruons aveugléme
272
nous ouvre enfin une sorte de buffet de gare, et
nous
nous ruons aveuglément sur des nourritures indéfinissables. Deux heur
273
ouvre enfin une sorte de buffet de gare, et nous
nous
ruons aveuglément sur des nourritures indéfinissables. Deux heures. J
274
Deux heures. Je demande au chef de train pourquoi
nous
restons là. « C’est, me dit-il, que le train a déraillé. » Et il sour
275
ier que tous les wagons sont sur les rails. Parmi
nos
compagnons de voyage, tous ne sont pas encore très rassurés : il arri
276
nt pas encore très rassurés : il arrive en effet,
nous
dit-on, qu’à la dernière minute la police retienne certaines personne
277
t est propre et gai, et les visages se détendent.
Nous
venons de quitter les terres où s’étend l’ombre du destin le plus cru
278
mbre du destin le plus cruel qu’ait jamais mérité
notre
Europe. Vers trois heures du matin, si tout va bien, nous atteindrons
279
ope. Vers trois heures du matin, si tout va bien,
nous
atteindrons Lisbonne. Où coucherons-nous ? Le Portugal a vu passer dé
280
va bien, nous atteindrons Lisbonne. Où coucherons-
nous
? Le Portugal a vu passer déjà des centaines de milliers de réfugiés,
281
de wagon-restaurant, le chef de train accepte de
nous
arrêter pour une heure dans un village. Nous dînons sur la place, à d
282
e de nous arrêter pour une heure dans un village.
Nous
dînons sur la place, à des tables rapidement dressées. Toute la popul
283
cornes traverse la place au dessert. À Lisbonne,
nous
avons trouvé une chambre immense pour nous quatre. Et le lendemain no
284
bonne, nous avons trouvé une chambre immense pour
nous
quatre. Et le lendemain nous étions accueillis dans cette Quinta tout
285
chambre immense pour nous quatre. Et le lendemain
nous
étions accueillis dans cette Quinta toute hérissée de grilles et de c
286
collines renie la guerre, oublie l’Europe. Demain
nous
embarquons pour l’Amérique. Mais ici je fais le serment d’opposer une
287
ages venant des terres abandonnées du Nord et que
nos
paysans s’efforcent d’arrêter avant qu’elles n’étouffent leurs champs
288
aître les paniques dévastatrices du ve siècle de
notre
ère. Et je songe au bastion que mon pays élève, nuit et jour, autour
289
i ne peut plus vivre que sous la cuirasse. Hâtons-
nous
, car tout peut périr. Nous qui sommes encore épargnés, ne perdons pas
290
us la cuirasse. Hâtons-nous, car tout peut périr.
Nous
qui sommes encore épargnés, ne perdons pas notre délai de grâce !
291
. Nous qui sommes encore épargnés, ne perdons pas
notre
délai de grâce ! À bord de l’Exeter, 11 septembre 1940 Les dern
292
ers barrages traversés, la passerelle relevée, et
nos
papiers enfin déposés chez le purser, nous n’avons plus devant nous q
293
vée, et nos papiers enfin déposés chez le purser,
nous
n’avons plus devant nous qu’un océan sans douanes ! Dix jours vierges
294
déposés chez le purser, nous n’avons plus devant
nous
qu’un océan sans douanes ! Dix jours vierges, dix jours durant lesque
295
peut imaginer que la police renoncera au viol de
notre
vie privée. Pourtant, certains des passagers gardent encore l’air de
296
el est le sadisme policier. De Genève à Lisbonne,
nous
avons traversé sept contrôles différents de douane et de police. Seco
297
s de douane et de police. Secondés par la chance,
nous
n’y avons passé, si je compte bien, guère plus de vingt-deux heures,
298
agers de la radio. Le monde a changé de face sous
nos
yeux, mais nous le regardions de trop près : d’heure en heure, nous n
299
io. Le monde a changé de face sous nos yeux, mais
nous
le regardions de trop près : d’heure en heure, nous n’avons rien vu.
300
us le regardions de trop près : d’heure en heure,
nous
n’avons rien vu. C’est après coup, en nous retournant, que nous avons
301
heure, nous n’avons rien vu. C’est après coup, en
nous
retournant, que nous avons entrevu l’ampleur et la rapidité des événe
302
ien vu. C’est après coup, en nous retournant, que
nous
avons entrevu l’ampleur et la rapidité des événements. Il a dit : « R
303
t. L’autre jour à Lisbonne une lady me disait : «
Nous
ne serons jamais battus, parce que nous sommes un peuple qui ne sait
304
isait : « Nous ne serons jamais battus, parce que
nous
sommes un peuple qui ne sait pas quand il est battu. » J’ai pensé aux
305
proches défilaient au hublot ! Couru sur le pont.
Nous
sommes dans les passes de l’Hudson. Une brume de chaleur tropicale bl
306
de claire et neuve : la première rue américaine !
Nous
approchons. Tournant la tête vers l’avant, un peu au-dessus de la pou
307
s, font rater l’arrivée la plus célèbre au monde.
Nous
remontions donc l’Hudson, guettant New York avec une émotion croissan
308
s haut-parleurs impérieux et lugubres ont réclamé
notre
attention. Nous n’avons plus rien vu que des grues et des mâts, penda
309
mpérieux et lugubres ont réclamé notre attention.
Nous
n’avons plus rien vu que des grues et des mâts, pendant deux heures a
310
geaient ces messieurs d’Ellis Island. Ils palpent
nos
passeports et les feuillettent avec une lenteur taciturne. Nous somme
311
s et les feuillettent avec une lenteur taciturne.
Nous
sommes tous des prévenus, des coupables sans doute. Nous sommes tous
312
mmes tous des prévenus, des coupables sans doute.
Nous
sommes tous des Européens, des gens qui viennent du pays de la guerre
313
euse. Tous les yeux sont fixés sur cette table où
nos
passeports attendent, près des tampons sacrés. C’est bien le mien qu’
314
es découpent l’espace aussi haut qu’on peut voir.
Nous
défilons lentement près de leur base. Des pans de brique rosée, ocrée
315
urs bleu sombre, et j’ai regardé mes voisins, car
nous
roulions dans un tunnel. Dans l’ensemble, les femmes m’ont paru digne
316
les femmes m’ont paru dignes de ce que le cinéma
nous
en promet — mais il suffit de trois ou quatre beautés saines ou frapp
317
Une falaise de granit se dresse près de la voie.
Nous
la passons. Sur son autre versant s’étale un cimetière d’autos décarc
318
n, fin d’octobre 1940 À une heure de New York,
nous
sommes en pleine campagne, et l’on cesse de sentir l’Amérique. Forêts
319
hington, 30 octobre 1940 Depuis le temps qu’on
nous
vante en Europe les autostrades fascistes et hitlériennes, qui semble
320
avaient raison, puisque Tuxedo Park existe, sous
nos
yeux. On y pénètre par un porche médiéval, où des agents de police ar
321
sera la famine ! Le bolchévisme ! Les gens comme
nous
seront liquidés ! » New York, 3 novembre 1940 Ville pure. — En
322
en Allemagne, lors des grands discours du Führer.
Nous
étions un million, disent les journaux, et trois-cents agents à cheva
323
! Princeton, 10 novembre 1940 Religion. —
Nous
sommes en quête d’une maison dans la banlieue de Manhattan. Les prosp
324
nt. 13 novembre 1940 Conférences. — Elles
doivent
être courtes — cinquante minutes — et garder autant que possible le t
325
gnés à la machine, dans tous les pays non latins.
Nous
autres vieux maniaques tenons au coupe-papier. 15 novembre 1940
326
Trouvé la maison, signé le bail sur l’heure et
nous
nous installons demain, avec des meubles d’occasion achetés pour un p
327
ouvé la maison, signé le bail sur l’heure et nous
nous
installons demain, avec des meubles d’occasion achetés pour un prix d
328
ser en 1940. Forest Hills, 30 novembre 1940
Notre
propriétaire est un médecin des chiens. Il vient sonner vers les huit
329
se chargent eux-mêmes du message. Le dimanche, on
nous
transmet les cultes des principales confessions religieuses, mais là
330
artisanat se maintiendrait-il ? Il est fondé chez
nous
sur le goût de l’objet, mais aussi, avouons-le, sur la disette et le
331
i étaient venus parlaient du Noël de la France et
nous
mangions nos chocolats comme si nous les avions volés… Début de ja
332
s parlaient du Noël de la France et nous mangions
nos
chocolats comme si nous les avions volés… Début de janvier 1941
333
la France et nous mangions nos chocolats comme si
nous
les avions volés… Début de janvier 1941 Éditeurs. — Vu mon édi
334
allant à la caisse toucher un petit chèque qu’on
doit
feindre d’avoir mérité, bien qu’on sache qu’il n’a pas le moindre rap
335
ités de la vie américaine, disciples réticents de
nos
écoles d’Europe, cherchant une méthode de pensée plutôt que des fonde
336
brusquerie de leurs jugements et un style tough (
nous
dirions « dur » ou « vache ») leur défaut de responsabilité. Tout cel
337
jugent en général trop formalistes ou rhétoriques
nos
poèmes et nos essais. Une jeune romancière me disait : « Vous autres
338
ral trop formalistes ou rhétoriques nos poèmes et
nos
essais. Une jeune romancière me disait : « Vous autres Européens, vou
339
it trop. Le savent-ils eux-mêmes ? L’exigence que
nous
gardons encore de dégager, d’expliciter un sens, leur apparaît vaguem
340
En tant que citoyen, me dit-il, il serait de mon
devoir
de publier ce livre. Mais en tant qu’éditeur, ce serait un suicide. —
341
inion gouverne ? La vraie Cinquième Colonne, dans
nos
démocraties, je vous le dis, c’est la paresse d’esprit ! Cet éditeur
342
le dis, c’est la paresse d’esprit ! Cet éditeur
doit
publier le livre sur la Suisse que je projette à l’usage des Américai
343
Vous savez traiter vos affaires sans canons. Vous
nous
avez admis, et nous avons, bien entendu, à nous tenir bien tranquille
344
os affaires sans canons. Vous nous avez admis, et
nous
avons, bien entendu, à nous tenir bien tranquilles. La démocratie est
345
s nous avez admis, et nous avons, bien entendu, à
nous
tenir bien tranquilles. La démocratie est chez vous la religion de ce
346
hée, et d’excellents amis la disent justifiée par
notre
situation précaire au cœur de l’Axe. S’ils ont raison, je leur serais
347
s-je utile, si je ne suis pas moi ? D’autre part,
nos
chances de nous battre paraissent très faibles, sinon nulles… Commenc
348
je ne suis pas moi ? D’autre part, nos chances de
nous
battre paraissent très faibles, sinon nulles… Commencé l’article prom
349
ns à me poser au sujet d’un de mes livres dont il
devra
parler au séminaire de littérature. Que veut-il donc savoir ? Simplem
350
cafétéria — un restaurant très bon marché où l’on
doit
se munir d’un plateau, de services et d’assiettes pris sur la pile, p
351
sens logique, la rapidité du raisonnement, etc.)
doit
donner un chiffre total supérieur à 135. Le génie, s’il est physicien
352
la ville. Tout au long de la route assez étroite,
nos
phares illuminèrent des files d’autos arrêtées au bord du talus, tous
353
et ils s’y tiennent ; sans plus d’hypocrisie que
nous
aux nôtres. ⁂ Visite à Wellesley College, université de jeunes fille
354
du pont, sinon dans les hauts draps de brume qui
nous
serrent, le reflet de nos propres lueurs. Je me suis enfermé dans ma
355
uts draps de brume qui nous serrent, le reflet de
nos
propres lueurs. Je me suis enfermé dans ma cabine. Je constate que j’
356
pense rester seul pendant les dix-sept jours que
doit
durer la traversée. Les fils qui me liaient aux autres et que les aut
357
inavouable de libération. Avouons-la, et couchons-
nous
. 21 juillet 1941, en mer Nuit des tropiques. Tout à l’avant du
358
r se ferme. Une irrésistible euphorie règne parmi
notre
communauté d’inconnus d’hier, plongés dans tous les charmes de la pai
359
be, — à cette même heure en France, et en Russie…
Nous
le savons tous. Que sert de comparer ? Quel sens ? Il y a des roses d
360
la machine où l’on joue par quarters (25 cents).
Nous
décidons de partager profits et pertes. Je joue deux pièces et gagne
361
rd. Sur les trois tours, elle en a gagné deux, et
nous
étions plus d’une centaine de joueurs. Or elle n’est pas seulement la
362
es catalogues de timbres-poste de mon enfance. On
nous
y montre des maisonnettes coupées en deux du faîte au sol, les moitié
363
par milliers, pendant toute une nuit d’insomnie.
Nous
entrons dans l’hiver du Sud. Sur le pont déserté, un couple passe et
364
antos. Je les retrouve au bar. Et de quoi parlons-
nous
? De Neuchâtel, bien entendu, où ils étaient il y a trois mois, et de
365
il l’avertir ou me taire ? D’après ses signes, il
doit
avoir un accident entre le 28 et le 31 de ce mois. » J’ai décidé de n
366
stingue Ortega, et ce grand écrivain que l’Europe
doit
connaître, J.-L. Borgès, et tant d’autres du groupe de Sur, l’honneur
367
’avant-veille de ma conférence sur le diable dans
notre
siècle, un reporter américain chez qui je dînais me proposa d’aller v
368
r le directeur d’El Mundo, grand journal du soir.
Nous
entrons à minuit dans son bureau. Il me tend un verre de whisky et un
369
et une coupure de journal : c’est un article qui
doit
paraître le lendemain, où l’on discute mes idées sur le diable. — Qu
370
ous ? Je n’ai pas encore écrit ma conférence ? —
Nous
savons tout, prenez ce fauteuil. — Vous en savez donc plus que moi.
371
irculation l’objet que vous voyez. Chaque employé
doit
le toucher et signer la feuille de contrôle. Et sitôt la chose faite,
372
bien, monsieur, c’était pire que sans rien ! J’ai
dû
les jeter par la fenêtre. Il me raconte encore quelques histoires du
373
re quelques histoires du diable. Je prends congé,
nous
déjeunerons ensemble, c’est convenu, et j’exprime le souhait de l’ent
374
e. — Non, monsieur, je ne crois pas, je regrette…
Nous
parlerons encore du diable. C’est ainsi. Entre nous, rien n’est plus
375
us parlerons encore du diable. C’est ainsi. Entre
nous
, rien n’est plus important ! ⁂ Nueva Helvecia. — Dans la pampa à que
376
t dans une très vaste halle décorée d’écussons de
nos
vingt-deux cantons, et le banquet commence incontinent. Nous sommes u
377
deux cantons, et le banquet commence incontinent.
Nous
sommes une bonne centaine, assis à trois longues tables qu’on a dress
378
ût un village de ce nom-là) où il est né en 1847.
Nous
nous comprenons par sourires, aidés des quelques mots de schwyzer düt
379
village de ce nom-là) où il est né en 1847. Nous
nous
comprenons par sourires, aidés des quelques mots de schwyzer dütsch d
380
ersement des saisons paraît si confondant dès que
nous
dépassons le Tropique du Capricorne. Ici, Noël tombe en été, le Midi
381
e américain atteint ici son paroxysme. Mais c’est
nous
qui l’appelons gaspillage. Pour eux, c’est un usage normal de l’abond
382
nsieur avait vu, du temps des parents de Madame !
Nous
ne faisons que pour une personne, mais dans ce temps-là, c’était pour
383
tiennent l’école de l’estancia. Ces jeunes filles
nous
ont accueillis avec une aimable réserve, un maté et des disques de ja
384
sont eux-mêmes qui refusent les améliorations que
nous
leur proposons. Ils sont heureux dans leur état. ») Le premier meneur
385
presque désert, et ses stewards qui me rappellent
notre
croisière du mois d’août, restée fameuse. Ils ont l’air de penser, ma
386
t. Le petit gratte-ciel du Retiro va disparaître.
Nous
montons vers l’hiver américain. 7 novembre 1941, en mer Saudad
387
de m’est donné, par cette chambre d’hôtel, dirons-
nous
(comme une tranchée peut signifier la guerre, sinon ses causes). J’ai
388
Si cet Hitler gagnait la guerre, pensez-vous que
notre
vie américaine en serait vraiment fort changée ? — Madame, il faudra
389
erchait une maison à vendre, et dans une ferme où
nous
entrons pour quêter quelque information, on nous dit : « Pas la peine
390
nous entrons pour quêter quelque information, on
nous
dit : « Pas la peine, c’est la guerre. Les Japonais attaquent à Pearl
391
a guerre. Les Japonais attaquent à Pearl Harbour.
Nous
venons de l’entendre à la radio. » Une fois de plus, la vie qui chang
392
eune Européen. Le « premier jour de guerre » pour
nous
, c’est déjà presque une routine… 1er août 1914, 2 septembre 1939. L’a
393
9. L’alerte de Munich, aussi. Et quel jour sommes-
nous
, aujourd’hui ? Eh bien ce sera le 7 décembre 1941. Si vous voulez sav
394
n rentrant à New York, à la gare de Pennsylvanie.
Nous
y fûmes. La bannière étoilée pendait immensément du dôme perdu dans l
395
livre et ferais bien de ne plus m’en échapper. Je
devais
aller chez des amis après le dîner. J’entre au hasard dans un petit r
396
nue. La salle étroite et profonde paraît vide. Il
doit
être environ neuf heures et demie. J’hésite sur le seuil : va-t-on me
397
es de suie s’écrasent sur mon papier, la verrière
doit
être fendue ou mal jointe. Raccommodé avec un ligament de ficelle ver
398
mme le monde est une vitrine, en bonne partie, il
doit
être possible de déterminer le degré de fortune ou d’infortune d’un a
399
et le dimanche matin j’annonce subitement que je
dois
rentrer en ville pour une affaire pressante. En vérité j’ignorais que
400
usant de noter, pour plus tard, la composition de
notre
équipe en termes de gazette littéraire. L’ancien rédacteur en chef de
401
cinq heures au fond de la grande salle. Il vient
nous
prêter sa voix noble, agrémentée d’un léger sifflement, mais il garde
402
à la polycopie, avant d’être remis aux speakers,
nous
trouvons un moment pour causer. Et souvent nous parlons des fêtes que
403
, nous trouvons un moment pour causer. Et souvent
nous
parlons des fêtes que nous rêvons d’organiser. Celle par exemple qui
404
our causer. Et souvent nous parlons des fêtes que
nous
rêvons d’organiser. Celle par exemple qui devrait durer trois jours d
405
ue nous rêvons d’organiser. Celle par exemple qui
devrait
durer trois jours dans une vaste demeure aux portes condamnées, où ch
406
êve de compensation, si l’on voit dans quel cadre
nous
sommes en train de causer. Trente machines à écrire dans cette salle,
407
le avions, et la promesse du général Marshall : «
Nous
débarquerons en France. » Juillet 1942 Saint-John Perse 12. —
408
semaine dernière, il gelait presque. L’Américain
doit
conserver sa garde-robe entière et tout son équipement d’appareils él
409
ungles qui couvrent neuf dixièmes des continents…
Notre
terre est à peine habitable, dans l’ensemble ! Et dans les régions pl
410
et la révolution. Seul pays dont tous les manuels
nous
apprennent dès l’enfance — et nul ne s’en étonne — qu’il possède un c
411
nète, est une exception surprenante. Tout ce que
nos
pères considéraient comme simple, typique, évident et « normal », la
412
ds le mot puissance au sens de potentiel. Si elle
doit
cesser demain de tirer d’un privilège unique les créations qu’on atte
413
eut être qu’une plage, un loisir sur la plage, et
nous
l’avons ici. New York, 2 septembre 1942 Quoi de plus sale qu’un
414
? Il faut être fou pour rentrer… Mais à l’Office,
notre
travail s’intensifie, et les échos nous en reviennent de France. Leur
415
’Office, notre travail s’intensifie, et les échos
nous
en reviennent de France. Leur dire là-bas, dire à la Résistance, que
416
ine… Mais dire aussi les revers et les défaites :
notre
consigne de véracité est absolue. Washington part de l’idée juste qu’
417
en montrant ce dessin : c’est moi ! » Le soir, il
nous
lit les fragments d’un livre énorme (« Je vais vous lire mon œuvre po
418
s beau. Tard dans la nuit je me retire épuisé (je
dois
rentrer pour neuf heures à New York), mais il vient encore dans ma ch
419
re 1942 Débarquement allié en Afrique du Nord.
Nous
n’avons pas quitté le bureau pendant une trentaine d’heures. Émotion
420
r la France, à l’instant même où le GQG américain
nous
fait savoir qu’on peut y aller. Bevin House, fin octobre 1942 D
421
ais libre encore de remonter la rue. L’occupation
doit
achever la ressemblance et la pousser jusqu’à l’identité. 9. Quarti
422
s’agit du livre intitulé La Part du diable , qui
devait
paraître à New York à la fin de 1942, dans une première version. La s
423
0, auteur d’Éloges, d’Anabase et de l’Exil. 13.
Nous
annoncions chaque semaine, à cette époque, le résultat de l’effort sp
424
Intermède … mais sachez-le :
nous
n’étions pas absents de vous plus que de nous-mêmes. Vous étiez « occ
425
s plus que de nous-mêmes. Vous étiez « occupés »,
nous
étions en exil, et les uns comme les autres dans l’inaccepté, dans la
426
au pire moment, à l’heure de moindre résistance.
Notre
angoisse était de penser : parlerons-nous encore le même langage au j
427
tance. Notre angoisse était de penser : parlerons-
nous
encore le même langage au jour de ce retour en France,— dans quelle F
428
nce,— dans quelle France, et dans quelle Europe ?
Nous
étions soumis à l’érosion de l’exil, moins brutale, certes, mais plus
429
vous ré êtes plus l’invité mais un client, et qui
devrait
s’arranger pour payer. Et quand vous n’avez plus d’argent, c’est tout
430
s’occuper de chacun de vous. Et c’est bien vrai.
Nous
étions trop nombreux. En France, en Suisse aussi, avant la guerre, no
431
eux. En France, en Suisse aussi, avant la guerre,
nous
trouvions qu’il y avait trop de juifs réfugiés. Des gens frappés par
432
ù que ce soit, il y en a toujours trop. Cependant
notre
sort vous paraissait enviable, à juste titre. Les pires tourments de
433
. Autant dire qu’on les tient pour moins sérieux.
Nous
étions mal placés pour discuter cela, donc en somme pour défendre l’e
434
ait pourtant tout ce qu’il restait à défendre par
nous
, dans l’exil…
435
oles de l’âme que forment les châteaux au fond de
nos
mémoires. L’idéal de l’Américain serait sans doute la maison d’une se
436
s le comportement américain, et de le comparer au
nôtre
: car il n’y a guère moins d’Européens que d’Américains dans nos bure
437
y a guère moins d’Européens que d’Américains dans
nos
bureaux. La correction soigneuse de l’exposé et le méthodisme un peu
438
se m’est fournie par les dactylos et secrétaires.
Nos
Françaises, avec naturel, font des prodiges de vitesse précise, et tr
439
e vitesse précise, et trouvent encore le temps de
nous
signaler les tours de phrase qui leur paraissent fautifs. Les América
440
gence mais la mémoire. Faute de mémoire, le singe
doit
chaque matin redécouvrir ce qu’il apprit la veille. Il se voit condam
441
es de la mémorisation, — l’Amérique où les livres
durent
six mois ; où l’on néglige l’enseignement de l’Histoire ; où l’actual
442
des frigidaires ou vers des comptes en banque qui
doivent
être remplis. Comment supporterait-elle l’épreuve d’une guerre qui ra
443
garants infaillibles d’un bonheur qui lui serait
dû
. L’échec pour lui — guerre, privations, retards — n’est pas une décep
444
’au saisissement du suprême. De fait, qu’opposons-
nous
à l’exaltation totalitaire ? Pas une idée, ni même un rêve. Pas une v
445
rfois la crainte vague de perdre une liberté dont
nous
ne savons plus formuler les conditions… Avril 1943 Restriction
446
révèlent souples et disciplinées. Il est vrai que
nous
manquons de peu de choses encore. Mais la disette se produit par à-co
447
seulement leur nom, vous pensez aussitôt qu’elles
doivent
être jolies, jeunes et riches. Je croyais à un bluff, mais non : je v
448
le Pacifique ou en Europe me semblent minces. Je
devrais
passer un an dans un camp d’entraînement, et d’ici là… Ou bien l’on m
449
ent à toutes ces coquetteries de style imitées de
nos
auteurs anciens qu’on trouvait à chaque ligne chez Valéry, chez Gide
450
nce à des modèles anciens. (Que de pastiches dans
nos
lettres modernes !) Bien écrire, c’est régler ses moyens sur la fin q
451
er, selon les cas. ⁂ Défaut commun à presque tous
nos
bons auteurs français contemporains : n’importe qui dira qu’ils « écr
452
blanc. On y est fort sensible à Paris. Cependant
nous
vivons au xxe siècle, et je voudrais un style qui supporte le transp
453
ou d’un Goethe ; d’un Valéry et d’un Gide, parmi
nous
. La gloire est devenue le droit d’énoncer des banalités mais qui ne p
454
sont les réalités d’un monde tout artificiel que
nous
, les hommes, avons bâti selon nos caprices, nos passions et nos raiso
455
artificiel que nous, les hommes, avons bâti selon
nos
caprices, nos passions et nos raisons folles. Si nous changions un jo
456
nous, les hommes, avons bâti selon nos caprices,
nos
passions et nos raisons folles. Si nous changions un jour de goûts et
457
s, avons bâti selon nos caprices, nos passions et
nos
raisons folles. Si nous changions un jour de goûts et d’ambition, ce
458
caprices, nos passions et nos raisons folles. Si
nous
changions un jour de goûts et d’ambition, ce paysage se transformerai
459
’alléger sur des terres plus nues, j’ai senti que
nous
passions un seuil, comme on le sent un peu après Valence quand on des
460
on descend vers le Midi. Pendant une heure encore
nous
avons traversé des plateaux légèrement vallonnés où galopaient des tr
461
et quelques cavaliers en redingote rouge. Et puis
nous
avons ralenti pour prendre une petite route sinueuse où l’on croisait
462
de posséder mettons deux-cents fois plus qu’un de
nos
grands millionnaires se traduit par certains avantages sensibles, ou
463
nt cette forme d’imagination qui manque le plus à
nos
élites : l’intuition des mythes de notre âge et de leur dynamisme pro
464
le plus à nos élites : l’intuition des mythes de
notre
âge et de leur dynamisme profond. Existe-t-il une seule femme en Euro
465
moyens pareils au service d’une si ferme vision ?
Nous
répétons que l’Amérique est barbare. Mais qu’avons-nous fait de la fo
466
épétons que l’Amérique est barbare. Mais qu’avons-
nous
fait de la force ? Nous la laissons à la brute hitlérienne. Et qu’avo
467
st barbare. Mais qu’avons-nous fait de la force ?
Nous
la laissons à la brute hitlérienne. Et qu’avons-nous fait de l’esprit
468
s la laissons à la brute hitlérienne. Et qu’avons-
nous
fait de l’esprit ? L’inefficacité par excellence. « Trop intelligent
469
Londres et même à Berlin. Or la langue française
nous
apprend que celui qui ne peut rien, fût-il un grand esprit, s’appelle
470
supprime les droits de recours et de révolte qui
nous
sont encore impartis : il prétend distribuer lui-même les vocations,
471
ur la réalité et sur la liberté des vocations. Je
dois
mon œuvre à la communauté, c’est un service qu’on ne saurait chiffrer
472
ait chiffrer, je le lui donne. En retour, elle me
doit
les moyens de mon travail. Si j’exige trop, j’en serai le premier gên
473
moins cher que vos guerres. 21 octobre 1943
Nous
avons inventé un jeu de cartes — une manière entièrement nouvelle de
474
que personne ne voit plus sur les cartes à jouer.
Nous
nous sommes inspirés librement des recherches — non encore publiées —
475
ersonne ne voit plus sur les cartes à jouer. Nous
nous
sommes inspirés librement des recherches — non encore publiées — de C
476
usqu’à l’horizon bleu des Appalaches. Pendant que
nous
roulons sur une route de campagne, au creux des haies, le ciel se cou
477
nt de la porte dont un battant s’entrouvre devant
nous
. Trois grands longs chiens sortent, le museau bas, et l’un vient vomi
478
ens sortent, le museau bas, et l’un vient vomir à
nos
pieds des morceaux de cire mal mâchés. Une servante les poursuit armé
479
Georges Washington. (C’est une pièce de musée que
nous
allons voir, remisée sous la colonnade des écuries.) Nous pénétrons d
480
ons voir, remisée sous la colonnade des écuries.)
Nous
pénétrons dans un vestibule sombre. La maîtresse de maison est sortie
481
aîtresse de maison est sortie à cheval. Promenons-
nous
en l’attendant. L’odeur des chiens imprègne les corridors. Dans un fu
482
s blondes boivent des whiskies, sans se déranger.
Nous
traversons toute la maison, puis une large galerie ouverte, encombrée
483
ceaux, les coussins de velours rouge sont moisis.
Nous
redescendons. Le ciel est devenu noir. Du portique, entre les hautes
484
n coup de vent violent a jeté contre la façade et
nos
visages un tourbillon de feuilles et de grosses gouttes obliques. Ent
485
s décapitées, ou renversées dans les branchages —
nous
arrivons au coin d’un bâtiment de ferme. C’est le chenil. Le parc s’a
486
s loin, en silhouette sur la crête d’une colline,
nous
voyons deux chevaux au galop. Ils disparaissent dans un vallonnement,
487
ans un vallonnement, et maintenant remontent vers
nous
sans ralentir. Une femme en jaune, suivie d’un homme. Comme ils s’app
488
n fin sweater jaune. Elle rit, jette la pomme, et
nous
salue de la main. Le jeune homme mince, immobile sur son cheval, nous
489
n. Le jeune homme mince, immobile sur son cheval,
nous
considère avec hostilité. Il a les yeux d’un bleu très pâle et dur. I
490
u très pâle et dur. Il n’a pas salué. Son silence
nous
supprime. C’est sans doute le nouvel intendant. — « Je vous retrouve
491
des entrent et vont s’asseoir un peu à l’écart de
notre
groupe. Un autre homme apporte un plateau. On le renvoie chercher des
492
bien ? m’ont demandé mes amis dans la voiture qui
nous
emporte sous la pluie, qu’en pensez-vous ? — Well… pour la première f
493
Chacun s’imagine que la guerre va faire surgir de
nos
décombres quelques œuvres de premier plan, beaucoup d’idées nouvelles
494
un souhaite que l’épreuve balaye les préjugés qui
nous
encombraient l’âme, paralysaient le cœur, faussaient l’intelligence.
495
elligence. Je crains qu’il n’en soit rien, voyant
nos
émigrés et lisant quelques-uns de leurs écrits. Quant à l’Europe, si
496
resque automatique. « Un monde nouveau surgira de
nos
ruines » — un monde meilleur, bien entendu. C’est un rêve de compensa
497
par une évolution fatale au défaut d’invention de
nos
esprits. Et qui donc parmi nous se soucie d’inventer ? Une atonie mon
498
aut d’invention de nos esprits. Et qui donc parmi
nous
se soucie d’inventer ? Une atonie mondiale répond à l’événement. Nous
499
enter ? Une atonie mondiale répond à l’événement.
Nous
aurons peu pensé, pendant la guerre. Les hommes politiques de ce temp
500
mal à pousser leurs efforts au maximum. La guerre
nous
porte. Elle est le temps de l’effort aisé parce qu’imposé. Nous auro
501
e est le temps de l’effort aisé parce qu’imposé.
Nous
aurons peu pensé, pendant la guerre. Le principal de nos conversation
502
ons peu pensé, pendant la guerre. Le principal de
nos
conversations était fourni par les journaux et la radio. Heureux celu
503
rs, ce n’était qu’aux dépens de sa signification.
Nous
aurons peu senti, peu réfléchi. Nous attendions, dans la rumeur des c
504
gnification. Nous aurons peu senti, peu réfléchi.
Nous
attendions, dans la rumeur des commentaires et des regrets, et des vi
505
e. Ceux qui sont morts n’en savaient pas plus que
nous
. Les héros. Et moi ? Si je ne suis pas héros, c’est que je suis père
506
foi de ses vedettes. À leurs yeux, tout Français
devait
ressembler aux types d’humanité que représentaient dans le monde les
507
hui, dans sa véritable grandeur. Les journaux qui
nous
donnent à New York des nouvelles de la Résistance nous parlent du peu
508
donnent à New York des nouvelles de la Résistance
nous
parlent du peuple de France ; les récits et les témoignages clandesti
509
e ; les récits et les témoignages clandestins qui
nous
parviennent de plus en plus nombreux nous parlent du peuple de France
510
ins qui nous parviennent de plus en plus nombreux
nous
parlent du peuple de France ; et des films tournés à Hollywood ou à L
511
Londres sur l’épopée secrète de la Résistance ne
nous
montrent encore que le peuple de France, pour la première fois à l’ét
512
parmi les signes. Sédiments séculaires, socles de
nos
patries ! Monuments que l’on ne voit plus, mais qui renvoient l’écho
513
voit plus, mais qui renvoient l’écho familier de
nos
pas. Et ces rues qui tournaient doucement vers une place plantée d’ar
514
stionnait, répondait. La force était au secret de
nos
vies, nouée parfois dans une rancune obscure, ou bien dans la contemp
515
’un vieil arbre — il était vieux déjà du temps de
notre
enfance, et notre possession la plus tenace, il nous réduisait au sil
516
il était vieux déjà du temps de notre enfance, et
notre
possession la plus tenace, il nous réduisait au silence. La force éta
517
e enfance, et notre possession la plus tenace, il
nous
réduisait au silence. La force était chanson fredonnée sur le seuil,
518
rte secousse. Enfin la certitude de l’arrêt, mais
nous
étions encore tout étourdis. Je n’ai vraiment « réalisé » que ça y ét
519
es grandes manchettes après douze ans ? Qu’allons-
nous
devenir ? Maintenant que de nouveau les choses anciennes sont là, non
520
ertes, mais celle-ci en tout cas : que de nouveau
notre
avenir dépend de nous. Et notre mort. La mort était si simple et absu
521
tout cas : que de nouveau notre avenir dépend de
nous
. Et notre mort. La mort était si simple et absurde en série. Elle ten
522
: que de nouveau notre avenir dépend de nous. Et
notre
mort. La mort était si simple et absurde en série. Elle tenait de la
523
la loterie, non plus de la tragédie intime. Elle
nous
était distribuée à la volée. Il va falloir se remettre à la mûrir cha
524
sérieuse et lente, et chargée d’un sens inconnu.
Nous
roulions tous ensemble dans une descente aux vertiges variés et passi
525
ir. Et plus d’Ennemi numéro Un, après douze ans.
Nous
étions « conditionnés » pour la mort en grande série et soudain, nous
526
ionnés » pour la mort en grande série et soudain,
nous
trouvons le tiroir vide — la vie à faire. Sommes-nous donc une généra
527
trouvons le tiroir vide — la vie à faire. Sommes-
nous
donc une génération sacrifiée, qui aura perdu ses belles années à s’a
528
ru ? Oui, si le danger a vraiment disparu ; et si
nous
ne savons rien tirer de cette épreuve de nos forces. Or presque aucun
529
si nous ne savons rien tirer de cette épreuve de
nos
forces. Or presque aucun danger n’a vraiment disparu. Et je ne vois p
530
ns. Tout ce qu’il paraît sensé de dire, c’est que
notre
génération n’aura lutté en vain que si elle cesse de lutter. Lake
531
méthodiste. Un curé canadien prêche en français :
nous
sommes ici un peu plus près de Montréal que de New York. L’hôtel se n
532
er dans l’État, la pancarte porte aujourd’hui : «
Nous
sommes catholiques et protestants. » Les rives, les îles s’ornent de
533
isémitisme. — Un voisin de l’été dernier est venu
nous
rendre visite et nous conter les événements de la région. (Je ne dis
534
n de l’été dernier est venu nous rendre visite et
nous
conter les événements de la région. (Je ne dis pas les potins, car sa
535
rmi ces événements locaux, le plus marquant, pour
notre
ami, paraît être la vente d’un grand hôtel à une nouvelle direction j
536
cher aux chrétiens qui s’égarent chez eux ? Pour
nous
, c’est dix dollars de plus que pour un Juif ! — Mais cet hôtel, si je
537
l’État, extrêmement bien fréquenté. — C’est donc
nous
qui avons commencé. Et les mesures prises par ce Juif sont de bonne g
538
nt conformes au génie juif, tel que l’ont façonné
nos
persécutions. Au lieu d’interdire brutalement l’entrée de l’hôtel à c
539
l’entrée de l’hôtel à ceux de l’autre race, comme
nous
le faisons, il se borne à les écœurer tout en tirant son petit profit
540
le ridicule ; quand on les tue. Mais le fait que
notre
ami l’ait cependant dite aussi spontanément prouve qu’un effort est e
541
« bon Allemand », dit-il, est le plus dangereux.
Nous
avons en commun, par ailleurs, quelques très bons amis allemands réfu
542
ugiés à New York depuis la guerre ou depuis 1933.
Nous
n’en sortirons donc jamais par ce biais-là. Abandonnons toute prétent
543
en Allemagne et aujourd’hui, aux yeux de ceux qui
doivent
en décider. Une anecdote la résumera, que je viens de voir citée par
544
régime hitlérien, par d’écrasantes majorités ? Il
doit
donc bien y avoir des nazis en Allemagne et même en assez grande quan
545
l’ai observé : les Allemands ne mentent pas comme
nous
. Et c’est un fait fondamental dont il convient de tenir compte quand
546
oblème allemand ». Ils mentent avec sincérité, et
nous
mentons avec mauvaise conscience. Quand nous mentons, nous savons bie
547
, et nous mentons avec mauvaise conscience. Quand
nous
mentons, nous savons bien que la vérité ne change pas pour si peu. El
548
ons avec mauvaise conscience. Quand nous mentons,
nous
savons bien que la vérité ne change pas pour si peu. Elle subsiste in
549
change pas pour si peu. Elle subsiste intacte et
nous
juge. Eux croient, s’ils changent d’avis par « intérêt vital », que t
550
e du village, et que j’en paraissais fort ennuyé,
nos
voisins vinrent un soir nous en offrir, et c’est ainsi que nous avons
551
raissais fort ennuyé, nos voisins vinrent un soir
nous
en offrir, et c’est ainsi que nous avons fait connaissance. Deux femm
552
inrent un soir nous en offrir, et c’est ainsi que
nous
avons fait connaissance. Deux femmes d’âge moyen et leurs maris se pa
553
leurs maris se partagent une maison que les pins
nous
cachent, à deux-cents pas, plus petite que la nôtre, donc plus commod
554
ous cachent, à deux-cents pas, plus petite que la
nôtre
, donc plus commode et plus confortable à leur sens. (Seuls les Europé
555
ais Américains moyens, concluent-ils en souriant.
Nous
leur avons offert des boissons, et nous nous appelons par nos prénoms
556
souriant. Nous leur avons offert des boissons, et
nous
nous appelons par nos prénoms, sans avoir jamais bien compris nos nom
557
ant. Nous leur avons offert des boissons, et nous
nous
appelons par nos prénoms, sans avoir jamais bien compris nos noms de
558
ns offert des boissons, et nous nous appelons par
nos
prénoms, sans avoir jamais bien compris nos noms de famille. L’autre
559
s par nos prénoms, sans avoir jamais bien compris
nos
noms de famille. L’autre jour, Robert m’a conduit à Albany, pour m’év
560
s doute d’origine indienne. « Personne ne connaît
notre
ville, me dit Robert, et pourtant elle avait les plus grandes filatur
561
e rappelle la Souabe, le Wurtemberg. Et justement
nous
arrivons devant une maison de bois peinte en jaune clair, ornée de gé
562
le West, et de la partie nord de la Pennsylvanie.
Nous
traversons maintenant la ville pour aller au bureau de Robert. Plusie
563
une église orthodoxe ? Oui, dit Robert, l’une de
nos
deux églises ukrainiennes. La moitié de la population de Cohoes est s
564
sie ? Non, il y a trop d’autos. Robert revient et
nous
roulons vers Albany. À la sortie de la ville il me montre un terrain
565
un terrain d’aviation : — C’est moi qui ai fondé
notre
Air-Club, il y a quinze ans, j’étais tout jeune. J’ai eu jusqu’à tren
566
ohoes à une ville du même nombre d’habitants chez
nous
; de comparer Robert à un Robert d’Europe, de même niveau social et d
567
rope, de même niveau social et de même éducation.
Nous
ne manquons pas de petits bourgeois pieux et honnêtes, mais ils n’ont
568
ils n’ont pas le sens du risque et de la vitesse.
Nous
avons bien des fanatiques de l’aviation, mais ce ne sont pas des agen
569
te ville, aux images que par Hollywood l’Amérique
nous
propose d’elle-même, et qu’elle s’efforce d’imiter. 8 août 1945
570
de la terre en est changée, mais combien de temps
nous
faudra-t-il pour le comprendre ? Si nous n’y arrivons pas très vite,
571
de temps nous faudra-t-il pour le comprendre ? Si
nous
n’y arrivons pas très vite, nous n’y arriverons sans doute jamais : n
572
comprendre ? Si nous n’y arrivons pas très vite,
nous
n’y arriverons sans doute jamais : nous sauterons comme des imbéciles
573
rès vite, nous n’y arriverons sans doute jamais :
nous
sauterons comme des imbéciles. Il ne nous reste qu’une alternative :
574
mais : nous sauterons comme des imbéciles. Il ne
nous
reste qu’une alternative : le Monde uni ou l’Autre monde. Le dire tou
575
ires cessantes — si l’on veut simplement qu’elles
durent
ensuite17. 12 août 1945 C’était l’heure du cocktail sur notre g
576
12 août 1945 C’était l’heure du cocktail sur
notre
grande galerie, une fin d’après-midi dorée. Le lac n’avait jamais été
577
rée. Le lac n’avait jamais été plus pur et calme.
Nous
parlions peu et nous étions heureux. À sept heures une sourde explosi
578
amais été plus pur et calme. Nous parlions peu et
nous
étions heureux. À sept heures une sourde explosion s’est longuement r
579
pleurait. Et le jeune capitaine parachutiste qui
devait
repartir pour l’attaque du Japon : — Je vivrai donc !… Les autres se
580
Mon appartement ayant été vendu pendant l’été, je
dois
le quitter dans quelques jours. Il n’y a rien à louer dans toute la v
581
e.) Les boîtes à lettres portent des noms en cek,
nous
sommes dans le quartier slovaque. Je gravis l’escalier jusqu’au trois
582
… — Pourquoi jeune ? Elle a dit son âge ? — Oh !
nous
savons, nous avons l’habitude. Le 4, un jeune homme qui arrivait de C
583
jeune ? Elle a dit son âge ? — Oh ! nous savons,
nous
avons l’habitude. Le 4, un jeune homme qui arrivait de Chicago. C’est
584
git d’une ivrogne ou d’une évangéliste qui maudit
nos
vices… 15 décembre 1945 Saison de Noël à New York. — Le 1er dé
585
nt officiellement le Yuletide, la saison de Noël.
Nous
sommes le 15 et les rayons de jouets sont déjà presque vides à New Yo
586
istoire de l’hôtel — à partir de $ 20 la place ».
Nous
fûmes hier chez Schwartz, grand magasin de jouets de la Cinquième Ave
587
puis ses yeux s’écarquillèrent largement : devant
nous
venait d’apparaître une jeune femme au visage anguleux et couvert de
588
, dit-elle en lui pinçant la joue, et la vendeuse
nous
planta là. Il neigeait sur la Cinquième Avenue, sur les paquets enrub
589
d meeting. Sur le coup de minuit, le 31 décembre,
nous
perdrons le meilleur maire de New York. Tammany reviendra au pouvoir.
590
l », qualités préférées de l’Américain. Déjà l’on
nous
annonce de Hollywood un superfilm sur la bombe atomique, où le love i
591
e, et de l’antiaméricanisme de l’Europe, pour que
nous
comprenions que les hommes ont fort peu de bonne volonté ? La plupart
592
reportages sur l’Amérique que publient en Europe
nos
journalistes me paraissent arbitraires et contestables, même s’ils so
593
intime ou d’un visage bien-aimé. Prenons-en donc
notre
parti. Sauf si l’on se borne à la géographie, ces entités ne souffren
594
me contenter de répondre : c’est plutôt vous qui
devriez
sortir, sous peine de ne pas comprendre la réalité mondiale. Après to
595
semaines encore, du côté où les jeunes Européens
devraient
aller s’il s’agissait pour eux de partir. Je vois les avantages de l’
596
remment, puisqu’on pose le problème. Supposez que
nous
soyons libres de circuler à notre guise. Je répondrais sans hésiter :
597
me. Supposez que nous soyons libres de circuler à
notre
guise. Je répondrais sans hésiter : il ne s’agit ni de choisir une te
598
au xxe siècle, en tenant compte des réalités que
nous
avons créées ou laissé s’imposer ; de la rapidité des transports, par
599
vite que c’est un faux dilemme. Le fait est là :
nous
allons en dix heures de Lisbonne à New York, ou de New York au Pacifi
600
ork au Pacifique. Un très long voyage aujourd’hui
nous
ramènerait nécessairement au point de départ, après un petit tour de
601
point de départ, après un petit tour de planète.
Nous
changeons de continent comme on part en week-end. Le mot partir a don
602
vécu. Mais ce qui naît, ce qui peut naître parmi
nous
, c’est un amour plus large de l’humain, une conception de la fidélité
603
on des visas, de ces anachronismes scandaleux qui
nous
empêchent de rejoindre le siècle, de l’habiter et d’user de ses dons.
604
et d’user de ses dons. Forçons les gouvernants à
nous
répondre : à quoi servent ces barrages de tampons ? Comment peut-on l
605
nts. Ils rendent vains les progrès matériels dont
notre
basse époque pourrait encore s’enorgueillir. Ils représentent dans l’
606
la Fatalité Imbécile. Pourquoi donc les acceptons-
nous
, comme des moutons, sans qu’une voix ne proteste ? Février 1946
607
rridors et dans le vestibule qui sent le fruit de
notre
ancienne maison de campagne, et mon pied reconnaît cette brique près
608
’était déjà presque l’été. Cinq heures plus tard,
nous
avons rejoint l’hiver, un ouragan de neige horizontale, sur le désert
609
le désert des forêts canadiennes aux lacs gelés.
Nous
dûmes passer toute une nuit dans les lugubres baraquements de la base
610
ésert des forêts canadiennes aux lacs gelés. Nous
dûmes
passer toute une nuit dans les lugubres baraquements de la base de Ga
611
ase de Gander, à Terre-Neuve. Une aurore boréale
nous
avait arrêtés, non point que sa beauté nous eût cloués sur place, mai
612
réale nous avait arrêtés, non point que sa beauté
nous
eût cloués sur place, mais parce qu’elle provoquait des tempêtes magn
613
ement dénouée dans les hauteurs du ciel arctique,
nous
montâmes en spirale à 5000 mètres, au-dessus d’une mer morte de glace
614
on s’élance pour franchir l’Océan d’un seul bond.
Nous
volons à tire-d’aile vers l’Irlande ». Mais ce cliché et ces jolies s
615
d de l’avion, attendre que la boule au-dessous de
nous
ait tourné jusqu’au point désiré, pour y descendre et s’y poser. Rien
616
t qui en est à la troisième journée du trajet que
nous
ferons à rebours en trois heures. Nous sommes partis tout au début d
617
rajet que nous ferons à rebours en trois heures.
Nous
sommes partis tout au début de la matinée. Voici déjà l’après-midi, v
618
matinée. Voici déjà l’après-midi, voici le soir,
nous
volons contre le soleil et le temps coule deux fois plus vite. La str
619
feu sur l’horizon follement lointain, tandis que
nous
survolons des profondeurs multipliées, cavernes d’ombre et gonflement
620
ux approches de l’Irlande vient la nuit. Derrière
nous
, tout est flamme et or. Mais un toit d’ombre épaisse descend obliquem
621
bliquement, rejoint la mer, ferme le monde devant
nous
. En deux minutes nous sommes passés de la gloire aux ténèbres denses.
622
mer, ferme le monde devant nous. En deux minutes
nous
sommes passés de la gloire aux ténèbres denses. Il n’y a plus que, to
623
ténèbres denses. Il n’y a plus que, tout près sur
nos
têtes, les lampes en veilleuses, et le ronron assourdi des moteurs. U
624
nent. 2 avril 1946 Les oiseaux de Paris. —
Nous
roulons dans un petit autobus, du terrain d’Orly vers Paris. Sept ans
625
epuis que je l’ai quitté… Par quelle porte allons-
nous
entrer ? Je ne puis pas distinguer les noms des rues sur ces maisons
626
quand je me croyais encore dans la banlieue… Déjà
nous
descendons une rue déserte et provinciale. C’était cela, le boulevard
627
vard Saint-Michel ? Mais sur les quais, où le car
nous
dépose, j’ai retrouvé les grandes mesures de Paris. Dans quel silence
628
uel silence, à quatre heures du matin. Trouverons-
nous
quelques chambres pour le reste de la nuit ? Deux jeunes Américains d
629
is pas à Paris. Et c’est bien un de ces tours que
nous
jouent les cauchemars, de rapetisser méchamment tous les êtres, d’eff
630
. L’Europe ancienne s’est rétrécie à la mesure de
nos
frontières. En une semaine, aux deux bouts de mon voyage, je viens de
631
iciels, ne se risquait à prononcer : « Messieurs,
nous
voici réunis pour célébrer une défaite victorieuse. On a parlé de fun
632
attendant une vraie Ligue des Peuples, préparons-
nous
à de nombreux voyages. La SDN ressemble à l’ONU comme le négatif d’un
633
ché au positif de la photo que l’on va proposer à
notre
admiration. Elle tient ses dernières assises dans le pays qui lui off
634
cène ne sont pas représentés dans cette enceinte.
Nous
laissons à la Suisse minuscule un gigantesque palais vide, pour nous
635
Suisse minuscule un gigantesque palais vide, pour
nous
ruer vers la grande Amérique où l’on ne trouve pas une chambre à loue
636
doxe de la crise des logements ! Mais qu’importe.
Notre
idée se « développe » comme on le dit en photographie. Nous partons p
637
se « développe » comme on le dit en photographie.
Nous
partons pour une ligue meilleure. Et plus heureux que Moïse, nous nou
638
r une ligue meilleure. Et plus heureux que Moïse,
nous
nous sentons certains d’entrer dans l’ère de la Terre unifiée, qui ét
639
ligue meilleure. Et plus heureux que Moïse, nous
nous
sentons certains d’entrer dans l’ère de la Terre unifiée, qui était l
640
ns l’ère de la Terre unifiée, qui était le but de
nos
travaux diserts. Nous y touchons, messieurs, vraiment — il ne s’en fa
641
unifiée, qui était le but de nos travaux diserts.
Nous
y touchons, messieurs, vraiment — il ne s’en faut que d’un atome… »
642
dans ma vie, sinon dans l’histoire du monde ; car
nous
sommes loin d’avoir quitté la guerre. « Journal d’un habitant de la p
643
u sien : car le même sort paradoxal a décrété que
nous
fussions au centre du conflit tout en restant en marge des batailles.
644
r sérieusement pour la suite, pour l’heure où ils
devront
« donner ». Le premier devoir d’une réserve est de maintenir ses forc
645
our l’heure où ils devront « donner ». Le premier
devoir
d’une réserve est de maintenir ses forces intactes et alertées. Intac
646
aintenir ses forces intactes et alertées. Intacts
nous
le sommes, relativement. Alertés, je n’en suis pas sûr. L’ennui, avec
647
pparences, les subsistances de l’ordre masquent à
nos
vues immédiates toute l’ampleur de la catastrophe. Il y a des trains
648
es et des paroles tenues, la poste fonctionne, on
nous
promet un peu plus de charbon pour cet hiver ; des millions de femmes
649
fois… La couche est mince et partout déchirée qui
nous
sépare du désordre profond. Mais ce n’est pas en Suisse qu’on voit ce