1 1947, Vivre en Amérique. Avertissement
1 rticles pour un hebdomadaire français. L’Amérique est indescriptible. On peut en prendre mille instantanés sur la côte de l
2 e et Washington… Quand on revient à New York tout est changé. Il n’y a plus qu’à recommencer. Et trop de faits collectionné
3 ime les jeux. Ce petit jeu de société mondiale qu’ est la comparaison des peuples, deux à deux, voilà qui serait, me dis-je,
4 a comparaison des peuples, deux à deux, voilà qui serait , me dis-je, un thème possible. Jeu moins frivole d’ailleurs qu’il n’y
5 paraît, car l’une des grandes questions du siècle est sans doute celle de ne point laisser nos moyens matériels de transpor
6 s décisions graves — s’en aller ou rester… Telle, est l’origine de, ce recueil1. Je ne prétends donc pas un instant peindre
7 La table des matières non traitées dans le volume tiendrait plus de place que celle qui le termine. Mes articles n’ont d’autre un
8 des résultats. Honnêtement, j’ignore si mon livre est au total plus favorable à l’un des continents qu’à l’autre. La répons
9 atique, des vocations. J’ai choisi pour ma part d’ être agent de liaison, Européen quoi qu’il m’arrive, et persuadé que l’ami
10 ures. 1. La plupart des articles ici réunis ont été publiés en première version par les journaux et revues dont les noms
2 1947, Vivre en Amérique. Prologue. Sentiment de l’Amérique
11 e, en Allemagne et en France : quelques mois et j’ étais acclimaté. J’oubliais que le pays n’était pas le mien. C’était l’Euro
12 is et j’étais acclimaté. J’oubliais que le pays n’ était pas le mien. C’était l’Europe. C’est ici l’Amérique, et je n’ai pas f
13 en dire, tout ce que l’on peut en dire en général sera vrai selon les temps et les lieux, et tout sera contradictoire, et ri
14 l sera vrai selon les temps et les lieux, et tout sera contradictoire, et rien ne sera suffisant. New York a les plus hauts
15 es lieux, et tout sera contradictoire, et rien ne sera suffisant. New York a les plus hauts gratte-ciel du monde, c’est vrai
16 chitecte, répondit, m’assure-t-on : « Les maisons sont trop basses. » Et c’était vrai, car la plupart ont trois étages. Ains
17 i religieux n’a guère le sens du spirituel ; on y est tour à tour plus formaliste et plus sans-façons qu’en Europe ; plus a
18 l’Amérique dans ces photos et ces livres, où elle est . Et quand j’y ai débarqué, je n’ai rien reconnu de ce qu’une douzaine
19 autre chose — une autre civilisation. L’Amérique est un continent dont je tiens pour possible et même facile de parler for
20 ivilisation. L’Amérique est un continent dont je tiens pour possible et même facile de parler fort correctement sans y être
21 et même facile de parler fort correctement sans y être jamais allé ; la plupart des lieux communs qui circulent à son sujet
22 upart des lieux communs qui circulent à son sujet sont justifiés, de même que les critiques à la Duhamel et les enthousiasme
23 entement les passes de l’Hudson vers Manhattan, d’ être saisi par l’émotion d’une nouveauté qui, dans mon cas, après cinq ans
24 ne, comme celle du mythe politique et planétaire, est un immense glissement à travers le temps et l’espace. Tout glisse et
25 u fond du Pacifique. Je pense aussi à celle qui s’ était remariée croyant son mari tué en Chine. On le retrouve. Elle déclare
26 n le retrouve. Elle déclare aux reporters : « Jim est simplement épatant, mais c’est Joe que j’aimais, je l’attends, je vai
27 , je l’attends, je vais me séparer de Jim, et, je suis sûre qu’il comprendra très bien… » Un mois plus tard, Jim et Joe boiv
28 aissant, dans le rêve du bonheur d’un autre… Tout est possible. Il y en a pour tout le monde. La jalousie n’est pas américa
29 ible. Il y en a pour tout le monde. La jalousie n’ est pas américaine. Comment décrire ces légers déplacements d’accent, ver
30 , une atmosphère si différente de l’Europe ? Cela tient à des riens ; mais de ces riens multipliés dans la vie quotidienne, n
31 e aisance générale. L’Américain ne supporte pas d’ être gêné aux entournures, matériellement ou moralement. Dès l’enfance, il
32 our tout dire moins vu qu’en Europe. Parce qu’ils sont moins conscients de leur vie et d’autrui, ils me tolèrent davantage.
33 vie et d’autrui, ils me tolèrent davantage. Ce n’ est pas qu’ils m’ignorent ou le feignent, mais ils m’acceptent avant tout
34 d’efforts gaspillés pour se faire remarquer, pour être différent, car ici différent veut dire original ; et crazy, qui veut
35 inal ; et crazy, qui veut dire toqué, loufoque, n’ est pas un adjectif dépréciatif, bien au contraire, qu’on l’applique à un
36 et sortaient sans saluer, sans dire pourquoi ils étaient venus ; ils se versaient à boire, et les pieds sur une chaise, me pos
37 e la main, un so long, un bye bye négligent… Je m’ étais à peine habitué, non sans plaisir, à cette suppression générale de no
38 rien. Mais personne ne paraît s’en étonner, tant est puissant le sens des conventions publiques dans ce peuple qui, par ai
39 . Giraudoux a écrit quelque part que l’Amérique n’ est pas une nation comme les autres, mais un club. Cette remarque expliqu
40 oxe qu’on vient de relever. L’entrée dans le club est un acte public qui s’accompagne tout naturellement d’opérations conve
41 l’orgueil d’y appartenir. Mais aussitôt que vous serez un membre régulier, vous aurez tous les droits, on ne s’occupera plus
42 e qu’on ne dit pas dans les dépêches, de ce qui n’ est pas matière d’enquêtes et de reportages, de ces nuances de sentiments
43 le. Car celle-ci dépend de deux peuples — l’autre est le russe — dont toutes les réactions intimes et sautes d’humeur vont
3 1947, Vivre en Amérique. I. Vie politique
44 e politique Le rêve américain L’Amérique n’ est pas un pays de rêve, quand on y vit, mais c’est un pays de rêveurs. J
45 ide. Peu ou point de plaisanteries échangées. Ils sont ici pour rêver, pour danser. Ils rêvent dans toutes les salles de cin
46 avec un sourire de rêve heureux. Je crois qu’ils sont bien moins conscients que nous. À quoi rêvent-ils ? À la vie large, t
47 ent — c’est contraire à sa tradition — sinon pour être dépassées. Ses ancêtres ont été amenés sur les rives de l’Hudson et d
48 ion — sinon pour être dépassées. Ses ancêtres ont été amenés sur les rives de l’Hudson et du Potomac par le rêve d’un pays
49 tomac par le rêve d’un pays sans limites, et il l’ était vraiment pour ceux qui triomphaient des famines, des moustiques, des
50 conquête ? Ils se tournèrent vers l’industrie. Ce fut leur nouvelle frontière, leur nouveau front, dirait-on de nos jours.
51 leur nouveau front, dirait-on de nos jours. Et ce fut l’ère des fortunes, et des cités, et des usines colossales, puis des
52 es, puis des gratte-ciel à cent étages. « Le ciel est la limite », disait alors leur dicton favori. La terre avait été dure
53 , disait alors leur dicton favori. La terre avait été durement conquise. Le ciel fut conquis en trente ans. Encore une limi
54 ri. La terre avait été durement conquise. Le ciel fut conquis en trente ans. Encore une limite atteinte. Et les voici, vers
55 i leur esprit d’aventure ? La terre ni le ciel ne sont plus leur limite. Eh bien, disent-ils le monde est ma limite. Et c’es
56 nt plus leur limite. Eh bien, disent-ils le monde est ma limite. Et c’est pourquoi la politique américaine, désormais, va s
57 une espèce de rancœur. Je ne pense pas que le mot soit trop fort. Je parle de la majorité. Je connais beaucoup d’exceptions.
58 ger dans leurs épreuves. Les jeunes Américains se sont trouvés mêlés au grand malheur des peuples qu’ils aimaient de loin. I
59 heur des peuples qu’ils aimaient de loin. Ils ont été courageux devant l’ennemi, mais non pas devant la misère de leurs ami
60 leurs amis. Ils rentrent en disant que la France est sale et en désordre, que tout y est cher pour eux, et que les WC sont
61 que la France est sale et en désordre, que tout y est cher pour eux, et que les WC sont au milieu des places publiques. Ils
62 rdre, que tout y est cher pour eux, et que les WC sont au milieu des places publiques. Ils demandent qu’on ne leur parle plu
63 lui qui va dominer, nécessairement. Les vétérans seront absorbés par la vie quotidienne d’ici quelques années. Ils finiront b
64 , leurs concurrents… L’homme d’affaires américain est le petit-fils des pionniers qui luttaient sur la « frontière ». Il pr
65 re ». Il pressent qu’il a fait son plein ou qu’il est bien près de le faire dans les limites de son pays, from coast to coa
66 États-Unis. Il faut donc en sortir, et deux voies sont possibles : répandre les produits américains sur tous les marchés du
67 ier les échanges culturels. Or ces deux ambitions sont étroitement liées, car seule une atmosphère de démocratie mondiale pe
68 e souvenir. ⁂ Mais ce qui va venir, direz-vous, n’ est -ce pas tout simplement une grande poussée d’impérialisme américain ?
69 es et à déborder sur le monde, cette expansion ne sera pas du tout à base d’impérialisme au sens courant du mot. Je persiste
70 s donné, nous finirons bien par sentir si ce pays est sûr de lui ou non, c’est-à-dire s’il a besoin ou non d’écraser les vo
71 Les puissances dangereuses dans le monde moderne sont celles qui, comme le Reich d’Hitler, souffrent de tensions intérieure
72 xtérieur suscité pour les besoins de la cause. Ce sont les malades qu’il faut craindre, lorsqu’ils refusent d’avouer leur ma
73 ratie américaine (Écrit en novembre 1940.) J’ étais à Times Square, au cœur de Manhattan, le soir de l’élection président
74 ir de l’élection présidentielle. À 9 heures, nous étions deux-cent-mille, à 11 heures, un demi-million. Le tout dans un ordre
75 e remplis mes caves de boîtes de conserve, car ce sera , je vous le dis, la famine et le bolchévisme. » Cette dame s’occupe a
76 de propagande. La majorité avait parlé, le match était terminé, et parce que la démocratie avait tenu le coup, personne ne s
77 h était terminé, et parce que la démocratie avait tenu le coup, personne ne se sentait vraiment battu. On peut dire aujourd’
78 sans exagération que la réélection de Roosevelt a été l’une des trois épreuves de force de la démocratie du xxe siècle. La
79 ce de la démocratie du xxe siècle. La première a été perdue en France. La seconde a été gagnée en Amérique. En attendant l
80 La première a été perdue en France. La seconde a été gagnée en Amérique. En attendant le résultat de la troisième et derni
81 ns de la santé démocratique des USA. Un organisme est sain lorsqu’il est capable de cicatriser rapidement ses blessures : s
82 cratique des USA. Un organisme est sain lorsqu’il est capable de cicatriser rapidement ses blessures : signe que sa circula
83 pidement ses blessures : signe que sa circulation est bonne. Si les oppositions politiques les plus violentes se résolvent
84 a constante circulation d’idées et d’hommes qui s’ est établie dans ce pays entre le gouvernement et l’opinion publique. L’o
85 le charge officiellement de le réaliser. Nombreux sont les professeurs, les industriels, les financiers, les avocats ou les
86 r une période et pour une tâche déterminée. Il en est résulté parfois certains flottements dans la politique du New Deal, m
87 olitique du New Deal, mais ces défauts techniques sont compensés par un avantage moral considérable : un nombre croissant de
88 qualifiés participe à la vie publique. Celle-ci n’ est plus l’affaire exclusive des cliques de politiciens de métier. Elle n
89 sive des cliques de politiciens de métier. Elle n’ est plus l’affaire des partis. Chacun peut s’y intéresser, parce que chac
90 e à faire. Le président et ses secrétaires d’État tiennent des conférences régulières avec les journalistes, qui ont le droit de
91 onsable de ses réactions. Lorsqu’on sait que l’on sera pris au sérieux, on dit moins de bêtises, on se contrôle davantage. C
92 éalité, il n’y a pas de partis aux États-Unis. Il serait en effet absolument faux d’assimiler les républicains et les démocrat
93 es citoyens en deux masses à peu près égales — je serais tenté de dire : en deux teams — symbolise simplement le principe de l
94 nérales, signifie pratiquement que les États-Unis sont une démocratie sans partis. Entre le citoyen et les autorités, pas d’
95 des manifestes. Sait-on assez que les Américains sont très conscients et très jaloux de la qualité de leur esprit public ?
96 ⁂ Le vice majeur d’une grande démocratie, c’est d’ être grande. Cette question de format me paraît capitale. Pendant plusieur
97 nsez qu’on peut tout multiplier par dix et que ce sera nécessairement dix fois meilleur et dix fois plus puissant. Vous vous
98 our, les États-Unis deviendront l’État unifié. Ce sera violent. Car l’État unifié se fonde sur les masses, si la fédération
99 s-mêmes tyrans, n’obéissent qu’à la tyrannie. Que serait une tyrannie américaine ? Une brutalité panique dort au secret de l’â
100 relations mondaines ; voyez leur sentimentalisme… Est -ce que tout cela ne signifie pas qu’ils refoulent une violente barbar
101 , par accident, la revanche de la nature profonde sera simplement volcanique… Ainsi pensais-je. Et j’oubliais que les gangst
102 t j’oubliais que les gangsters de Chicago avaient été réduits par l’effort conjugué de l’Opinion et de quelques citoyens, s
103 ion et de quelques citoyens, sans que l’État s’en fût mêlé. Mais je voyais, à Chicago précisément, comme à Jersey City, et
104 r l’après-guerre. Le Grand-Gangster-qui-dort ne s’ est pas réveillé. (Sauf quand il pressentait du Japonais dans l’air, voir
105 ⁂ Dans un pays trop grand, la liberté de parole n’ est plus qu’un mot, précisément. Vous avez le droit de vous faire entendr
106 c disposer de la radio. Mais la radio demande des sommes énormes. Seules de puissantes associations peuvent y louer un petit q
107 rgent et du grand capital ! Oui, mais si la radio était gratuite, la situation serait un million de fois pire, et plus person
108 ui, mais si la radio était gratuite, la situation serait un million de fois pire, et plus personne ne s’entendrait. Je réitère
109 ui seul, tout compte fait, la liberté de parole n’ est qu’illusion et se réduit à la liberté d’expliquer le coup à ses voisi
110 la mienne n’aurait pas d’importance puisque je ne suis pas un expert ! » Ce dernier mot me tira d’affaire et m’épargna le so
111 stème. Une société qui perd le respect des élites est obligée de le compenser par le culte naïf des experts. Il en résulte
112 e et non moins inquiétante, dans un fait que l’on tient généralement pour l’un des grands succès sociaux de l’Amérique : l’ab
113 s revendications d’une avant-garde quelle qu’elle soit , assurent une paix plus dangereuse pour les âmes, que ne sont pour le
114 nt une paix plus dangereuse pour les âmes, que ne sont pour les corps nos luttes exagérées, donc ridicules. ⁂ Ces dangers se
115 s luttes exagérées, donc ridicules. ⁂ Ces dangers seront sans doute minimisés par la plupart de mes contemporains. Ils verront
116 crupules culturels démodés. Pourtant ces maladies sont plus graves à mes yeux que la question noire, la question juive et la
117 indienne en Amérique du Nord. (Et, vraiment, ce n’ est pas peu dire !) Car elles sont destinées à s’aggraver et à s’étendre
118 (Et, vraiment, ce n’est pas peu dire !) Car elles sont destinées à s’aggraver et à s’étendre avec le temps ; elles sont les
119 à s’aggraver et à s’étendre avec le temps ; elles sont les maladies intimes et spécifiques de l’idéal démocratique américain
120 que américain, tandis que le conflit des races en est une survivante négation. Oui, les États du Sud sont antinègres, et ce
121 st une survivante négation. Oui, les États du Sud sont antinègres, et ceux du Nord antisémites, et ceux de l’Ouest anti-indi
122 t ceux de l’Ouest anti-indiens ; mais leurs excès sont dénoncés comme tels, leurs préjugés tournés en ridicule, et leurs vic
123 u monde. Ce qu’il faut redouter plus que tout, ce sont les forces d’inertie qui tendent à faire de cette opinion libre, le p
124 plume d’un fermier du Middle West que l’Amérique est le seul pays décent au monde, et tandis qu’un agent d’assurances du C
125 ats-Unis écrit de son côté : « Notre gouvernement est une vaste pétaudière. » Ce fonctionnaire sait à peu près de quoi il p
126 mités successifs pour étudier cette situation. Il est concevable qu’un dixième comité ait pour objet d’examiner l’activité
127 e le tout, avec pouvoirs dictatoriaux. Ce tsar ne sera pas choisi parmi la troupe des politiciens sans emploi ou des anciens
128 oi ou des anciens ministres de n’importe quoi. Il sera plutôt un homme d’affaires dans la quarantaine, le vice-président d’u
129 oming man va nous sortir. S’il réussit, sa gloire sera grande pendant plusieurs semaines au moins, à condition que la presse
130 ndition que la presse l’ait adopté. S’il rate, il sera vidé sans autres formes qu’une lettre personnelle du président, qu’il
131 on cher Bill, au moment de me séparer de vous, je tiens à vous remercier pour les services (adjectif variable) que vous avez
132 ation. Les circonstances m’obligent, etc. Mais je serai toujours heureux de pouvoir compter sur vous en cas de besoin. » Dans
133 tats dont la victoire sur les nazis et le Japon n’ est que le premier exemple qui me vienne à l’idée. ⁂ J’ai dit désordre, p
134 ésordre, mais seulement des complexités.) Le fait est que je n’imagine pas un seul de mes contemporains qui soit capable d’
135 je n’imagine pas un seul de mes contemporains qui soit capable d’embrasser dans une seule vue les rouages du gouvernement de
136 nt a plus de pouvoir qu’un roi, dit-on. Mais ce n’ est pas beaucoup dire, de nos jours. Il choisit ses ministres et ses tsar
137 terrain) ; enfin de l’Opinion publique, car nous sommes en démocratie, et il faut bien que cela se marque quelque part et en
138 uelque manière. Or ces agences d’État à initiales sont si nombreuses (quelques milliers) ; si provisoires (elles durent de t
139 moyens intellectuels de s’y retrouver : à peine y serait -il parvenu que le tableau changerait en quelques jours. D’où la gabeg
140 es années, devant un comité du Sénat, la question fut posée de savoir si quelqu’un au monde connaissait réellement le nombr
141 projets financés par le gouvernement fédéral ont été néanmoins mis en œuvre par au moins quinze agences différentes. » Le
142 e article m’apprend qu’un cinquième du territoire est propriété du gouvernement, c’est-à-dire de trente-quatre agences et d
143 eurent en partie mystérieuses, mais quelques-unes sont formulables. Tout d’abord, l’Amérique ne possède pas d’écoles de fonc
144 en fils. Le personnel des bureaux gouvernementaux est sans cesse ventilé et renouvelé, au physique comme au figuré. Peu ou
145 s fonctionnaires d’occasion savent qu’ils peuvent être aisément révoqués, et l’acceptent non moins aisément, en principe, ca
146 cause. L’Office d’information de guerre (OWI) qui tenait le rang d’un ministère, et où j’ai travaillé pendant près de deux ans
147 minorité de fonctionnaires de métier. Le chef en fut d’abord un général, puis un commentateur de la radio. Il avait sous s
148 Trente mille en tout. Presque tous, aujourd’hui, sont retournés à leurs occupations habituelles. Cet exemple est courant, e
149 rnés à leurs occupations habituelles. Cet exemple est courant, et c’est pourquoi je le donne. Si vous prenez au lieu de l’O
150 et l’esprit d’une bureaucratie, pour ceux qui en sont comme pour les visiteurs. ⁂ Mais je me pose tout de même la question
151 énie à rédiger de longs rapports prouvant qu’elle est indispensable. Ici et là, quelques énergumènes s’aviseront de travail
152 ès peu d’hommes que les choses marchent. Alors un être d’exception, comme vous ou moi, se demandera dans un accès de courage
153 clarée. Les bureaux à l’américaine semblent avoir été créés pour épargner aux gouvernants cette tragédie. Évitant à la fois
154 tte espèce. Mais l’Opinion publique, chez eux, en tient la place. Se pourrait-il qu’un jour prochain cette Opinion publique,
155 e se forme une conscience nationale. Le phénomène est -il probable ? Et s’il l’est, devons-nous le redouter ? Je répondrai q
156 tionale. Le phénomène est-il probable ? Et s’il l’ est , devons-nous le redouter ? Je répondrai que le phénomène est non seul
157 -nous le redouter ? Je répondrai que le phénomène est non seulement probable, mais en train de s’accomplir sous nos yeux. P
158 début de ce siècle. Ces frontières se trouvaient être deux océans, au-delà desquels régnaient le Japon et l’Europe ; et deu
159 eil et de volonté de régenter le monde, puisqu’on est au surplus victorieux et tout-puissants du premier coup. Imaginez qu’
160 si fortement que possible : It’s unamerican, ce n’ est pas américain. Nationalisme, direz-vous. Oui, mais non pas à la maniè
161 pas à la manière européenne. Car la phrase « ce n’ est pas américain » ne veut pas dire : c’est contraire à l’honneur en soi
162 tc., comme lorsqu’on dit dans notre Europe : ce n’ est pas français, ce n’est pas allemand, ce n’est pas anglais. La phrase
163 t dans notre Europe : ce n’est pas français, ce n’ est pas allemand, ce n’est pas anglais. La phrase veut dire : cette opini
164 e n’est pas français, ce n’est pas allemand, ce n’ est pas anglais. La phrase veut dire : cette opinion ou cette action ne v
165 les fait devenir vraiment Américains, quelles que soient par ailleurs leurs origines. On ne se réfère pas au passé, mais à l’a
166 un nationalisme « ouvert » et pour qui la nation est en avant, dans un élan, un rêve, une liberté future. Non pas comme ch
167 , et de lui faire subir la loi d’un village qui n’ est pas le sien. Au contraire, ce qu’il y a de rassurant dans le national
168 qu’on vient de découvrir pour son compte, et qui seront bien plus efficaces, appliqués à l’échelle mondiale. Ici l’impérialis
169 omme on vient de le voir aux Philippines. ⁂ Quels sont donc pour l’Europe les dangers de cet impérialisme américain ? J’ente
170 humanitaire enlisera nos élans spirituels ; nous serons noyés par une civilisation qui ne respecte que la quantité ; le dolla
171 ation qui ne respecte que la quantité ; le dollar sera roi, etc. Toutes ces méfiances sont sans fondements, toutes ces accus
172 é ; le dollar sera roi, etc. Toutes ces méfiances sont sans fondements, toutes ces accusations injustes, à mon avis. Si nous
173 nous vendons nos âmes contre des frigidaires, ce sera notre faute et non pas celle de l’industrie américaine, qui aura mis
174 ation semblent avouer par là que cette dernière n’ est plus très saine, qu’elle « sent » déjà. Il est grand temps qu’on la m
175 n’est plus très saine, qu’elle « sent » déjà. Il est grand temps qu’on la mette dans la glace. De même, le commerce améric
176 rapide met en péril certaines coutumes avares, ce sera tant mieux. De même encore, la « sottise humanitaire » des États-Unis
177 essaient le machiavélisme. De même enfin, si nous sommes un jour noyés par la quantité, ce ne sera pas la faute de la quantité
178 nous sommes un jour noyés par la quantité, ce ne sera pas la faute de la quantité, mais bien de l’abaissement de notre qual
179 ce que l’on nomme en Europe « l’américanisme » n’ est pas un danger américain, mais européen. Je veux dire par là que si un
180 ’une contradiction étrange. Il semble bien que ce sont les mêmes personnes qui vitupèrent l’impérialisme commercial de l’Amé
181 de l’Amérique, en Europe, l’accusent à la fois d’ être là et de n’être pas là. Quand elle fait une crise d’isolationnisme, o
182 en Europe, l’accusent à la fois d’être là et de n’ être pas là. Quand elle fait une crise d’isolationnisme, on l’accuse de my
183 ons d’hommes.) Eh quoi ! Trois mois déjà que nous sommes libérés, et ils infestent encore nos bars !… C’est là ce que j’appell
184 itique d’occupation américaine en Allemagne : ils sont trop doux, ils sont naïfs, ils ne comprennent rien aux problèmes inté
185 américaine en Allemagne : ils sont trop doux, ils sont naïfs, ils ne comprennent rien aux problèmes intérieurs de l’Europe,
186 esures proposées ou soutenues par son pays. « Ils sont bien maladroits, disait-il en souriant, car à force de nous contrecar
4 1947, Vivre en Amérique. II. Vie culturelle et religieuse
187 plus objective, du fait même que ses partis pris étaient connus et déclarés. Le directeur du journal en question censura cette
188 itique qu’on attribue par erreur à l’autruche. Je suis certain qu’il avait tort, comme la suite l’a prouvé d’ailleurs. Le di
189 nion syndicale, dont les déclarations officielles seront citées in extenso. Ainsi la controverse réelle est exposée, pièces à
190 nt citées in extenso. Ainsi la controverse réelle est exposée, pièces à l’appui, devant le lecteur. Mais ce que vous ne ver
191 les positions des parties en présence n’ayant pas été déclarées dans les termes exacts où elles s’arrêtent. Ce que l’on tro
192 empion pense ceci, Durand déclare cela, mais l’un est radical et l’autre communiste, je le savais bien, parbleu ! comme dir
193 eu ! comme dirait Gide, et je savais que quel que fût le problème posé, ils resteraient attachés « indéfectiblement », comm
194 lieu de quoi Tartempion me ressasse que Durand n’ est qu’un radical. De quoi donc parlait-on ? Qu’allons-nous faire ? ⁂ Ce
195 i donc parlait-on ? Qu’allons-nous faire ? ⁂ Ce n’ est pas que les journaux américains craignent la discussion violente, la
196 bles sur la situation. Je doute qu’un seul puisse être juste tant que l’information sera remplacée par des jugements pathéti
197 ’un seul puisse être juste tant que l’information sera remplacée par des jugements pathétiques. On me dit qu’il faudrait êtr
198 s jugements pathétiques. On me dit qu’il faudrait être à Paris pour comprendre. Je suis en Amérique, que voulez-vous ! Et le
199 t qu’il faudrait être à Paris pour comprendre. Je suis en Amérique, que voulez-vous ! Et les Américains ne comprennent pas n
200 aurez quelques nouvelles du monde. Leur simplisme est exaspérant… Mais le fait est qu’une dépêche de Paris par un correspon
201 onde. Leur simplisme est exaspérant… Mais le fait est qu’une dépêche de Paris par un correspondant américain, qui occupe ch
202 accord. ⁂ Le correspondant américain à l’étranger est une espèce humaine bien définie. Hollywood en a fait un héros qui tra
203 s de ce pays. « Journaliste », aux États-Unis, ne sera jamais une épithète dépréciative, bien au contraire. ⁂ Trois remarque
204 ports, contrairement à ce que l’on attendrait, ne tient pas plus de place que dans la presse française. Par contre, celle de
205 de pain, qu’ils mangent des brioches. » Le siècle est en révolution, l’Europe en ruines, la France en crise pour dire le mo
206 nitor, du New York Times ou du Herald Tribune. Ce sont ces grands journaux que j’avais dans l’esprit en écrivant ce qui préc
207 e Middle West, et dont les tares les plus connues sont la brutalité de langage, la haine posthume de Roosevelt, l’isolationn
208 vulgarité totale du Journal and American. Mais il est difficile d’être à la fois juste et utile en temps de crise. Et j’ai
209 du Journal and American. Mais il est difficile d’ être à la fois juste et utile en temps de crise. Et j’ai voulu courir au p
210 es, les échos de presse, et même les spectateurs, sont unanimes : Hollywood est à court d’inventions. Hollywood achète n’imp
211 t même les spectateurs, sont unanimes : Hollywood est à court d’inventions. Hollywood achète n’importe quoi, un roman non t
212 y trouve un germe, le nettoiera. Car Hollywood n’ est plus qu’une machine. Elle transforme en argent tout ce qu’elle touche
213 , à première vue. Cette technique trop parfaite n’ est obtenue qu’au prix de telles dépenses et d’une telle quantité de spéc
214 éjugés hérités de trente ans de triomphe, qu’il n’ est pas de génie assez coriace pour survivre à pareille torture au ralent
215 tout crépitant d’inventions étonnantes. Le rythme est cahotant, trop coupé, mais quand il s’établit sur une ou deux séquenc
216 marche et ronronne comme un moteur de luxe, tout est faux, tout le monde est beau, jamais on ne voit percer la trame nue d
217 e un moteur de luxe, tout est faux, tout le monde est beau, jamais on ne voit percer la trame nue du réel. Jamais un choc,
218 ent les producers, n’accepte pas que Heddy Lamarr soit mal habillée si elle joue une pauvresse, qu’Ingrid Bergman ressemble
219 qu’Ingrid Bergman ressemble à la Suédoise qu’elle est , plutôt qu’à une star comme les autres. N’insistons pas : la décadenc
220 raisons mystérieuses ou accidentelles. Ses causes sont évidentes et inéluctables ; ce sont celles-là mêmes qui firent son su
221 s. Ses causes sont évidentes et inéluctables ; ce sont celles-là mêmes qui firent son succès, et non pas d’autres. Pour mes
222 res. Pour mes cadets, d’ici dix ans, Hollywood ne sera plus qu’une légende : comme l’est déjà Greta Garbo, symbole d’un âge.
223 , Hollywood ne sera plus qu’une légende : comme l’ est déjà Greta Garbo, symbole d’un âge. Ô Garbo de notre jeunesse, volupt
224 nt sur des millions de nuits, mythe évasif, que n’ êtes -vous disparue, comme un ange au matin ? Dans ce petit restaurant fran
225 e préféré ne la voir jamais, mais j’avoue qu’elle est très jolie, malgré la minceur de ses lèvres. Un peu plus tard, c’est
226 fait parfois des souverains en voyage. Comme elle est gaie ! J’ai passé une demi-heure à causer avec elle, sur un sofa, et
227 en dire qui la rende plus réelle qu’une image. Ne serait -ce pas là son secret ? Se prêter à la fantaisie de toutes les imagina
228 fantaisie de toutes les imaginations ? Comme elle est belle et comme elle est absente ! Quelle élégance dans l’irréalité !
229 imaginations ? Comme elle est belle et comme elle est absente ! Quelle élégance dans l’irréalité ! Comme elle est gaie pour
230 e ! Quelle élégance dans l’irréalité ! Comme elle est gaie pour un fantôme… ⁂ Revenons à nos moutons de Hollywood. Je ne vo
231 s qu’il permet : c’est Walt Disney. Les autres en sont encore à photographier des comédies, des drames, des ameublements ou
232 , nous donnèrent seuls la sensation du Blitz. Ils sont de notre temps d’une manière plus profonde que leur auteur, sans dout
233 ur, sans doute, n’eût osé le soupçonner. Car il n’ est pas intelligent, s’il est génial. Disney, quand il se trompe n’y va p
234 le soupçonner. Car il n’est pas intelligent, s’il est génial. Disney, quand il se trompe n’y va pas de main morte. Je pense
235 ccuper ! Son mauvais goût me paraît irrémédiable, étant celui de l’Américain moyen en matière d’art et surtout de peinture. (
236 a fin de Fantasia, sur l’Ave Maria de Schubert, n’ est qu’une suite de cartes de bons vœux comme il s’en envoie des millions
237 tée par tous les nouveaux venus, et qui exige des sommes fabuleuses. Pour que ces sommes rapportent, il faut le plus grand pub
238 et qui exige des sommes fabuleuses. Pour que ces sommes rapportent, il faut le plus grand public possible. Pour satisfaire ce
239 nner gratis le moyen d’en sortir, et mon « idée » tient en trois mots : — Messieurs, sabrez vos budgets ! Essayez de faire po
240 fluer. Quant au public… Eh bien ! pendant que j’y suis , un bon conseil : ne croyez pas que le grand public déteste autant qu
241 éens, dès qu’il pourra les voir ? Tous les signes sont là. Dépêchez-vous ! Mais peut-être qu’il est trop tard, et qu’ils s’e
242 nes sont là. Dépêchez-vous ! Mais peut-être qu’il est trop tard, et qu’ils s’en doutent. L’importance des studios de New Yo
243 ur à succès, peu ou point de moyen terme, le saut est brusque, l’abîme s’ouvre béant. Car on passe de 3000 lecteurs à 300 0
244 « bons écrivains » que vous connaissez en Europe, sont dispersés aux quatre coins du continent, ne se connaissent guère entr
245 epuis le temps d’Emerson et de Thoreau, ils ne se sont jamais groupés nulle part, et n’ont fondé aucune école. John Dos Pass
246 ne sais où. Hemingway à Cuba, à Hawaï, quand ce n’ est pas à Paris. Robert Frost dans une ferme de la Nouvelle-Angleterre. R
247 t elle ressort à demi morte d’ennui. Wystan Auden est professeur dans un collège du Vermont. Glenway Wescott habite Long Is
248 ue, dans la littérature américaine. Tout le reste est promesses, ou best-sellers. Cette dernière expression domine le march
249 journaux : Hemingway et Saint-Exupéry.) Si l’on n’ est pas un best-seller, on tombe dans la catégorie des écrivains « expéri
250 par les jeunes écrivains, le premier parce qu’il est devenu un personnage officiel, le second parce qu’il fait de grosses
251 sur ces « petites revues » ou little mags. Elles sont le pôle non commercial de la vie intellectuelle. Dispersées, elles au
252 théâtrales, surtout moins tristes, parce qu’elles étaient plus proches d’un public influent. Mais le phénomène américain qui mé
253 ler. Prenons la saison 1944-1945. Trois livres se sont disputés la première place (c’est-à-dire la plus forte vente) et tous
254 est-à-dire la plus forte vente) et tous les trois étaient les premiers livres de trois femmes inconnues la veille : Betty Smith
255 Smith, et Kathleen Winsor. Je ne pense pas que ce soient des noms à retenir. Mais ce n’est pas la durée d’un nom qui compte ic
256 e pas que ce soient des noms à retenir. Mais ce n’ est pas la durée d’un nom qui compte ici, c’est son éclat instantané, le
257 t son éclat instantané, le chiffre du tirage, les sommes payées par Hollywood pour l’achat de « l’idée » et du titre d’un livr
258 nnable. L’auteur d’Autant en emporte le vent ne s’ est plus manifestée depuis son grand succès : elle se contente d’avoir in
259 de l’édition, sinon de la littérature. Les autres seront sages de l’imiter. Hemingway lui-même, ayant gagné dit-on plus d’un m
260 plus rien publié depuis six ans. Cette situation est simplement la pire que puisse rêver un écrivain. Jamais on n’a tant l
261 quences — et jamais on n’a si mal lu. Les tirages sont montés, pour les grands best-sellers, de 300 à 800 000 exemplaires au
262 art, j’entends avant la mise en vente. La qualité est en raison régulièrement inverse du succès. Et les éditeurs le savent
263 éditeurs le savent bien. Or l’éditeur américain n’ est pas « un monsieur qui aime les livres parce qu’il n’en écrit pas lui-
264 femmes nommées editors, dont la tâche officielle est de récrire les manuscrits ; personne n’échappe à leur sollicitude bro
265 le succès immédiat compte seul. Un livre qui ne s’ est pas vendu dans les six mois disparaît simplement du marché, et ne ser
266 es six mois disparaît simplement du marché, et ne sera plus réimprimé. Quant aux best-sellers d’il y a deux ou trois ans, pe
267 uteurs, comme le révélait une récente enquête. Il est clair que la seule influence bénéfique que l’Amérique puisse subir, s
268 néfique que l’Amérique puisse subir, sur ce plan, est celle de l’édition européenne, des éditeurs qui publient ce qu’ils ai
269 (Je sais bien que les vices américains pouvaient être observés avant la guerre, chez nous aussi, mais à une échelle qui, vu
270 rdelaise d’une dissidence du surréalisme, le fait est que le lecteur des best-sellers ignore tout de la littérature europée
271 coup d’autres qui le méritent moins. Mais le fait est que le grand public américain sait peu de choses de nos bons écrivain
272 retient quatre ou cinq noms, si disparates qu’il est comique de les citer, dans l’ordre de leur succès de vente : Ève Curi
273 publient leurs œuvres complètes. Que les Anglais sont édités simultanément à Londres et à New York. Que la Good neighbor po
274 ndé un papier de deux-mille mots, il les livra et fut payé, mais cinq-cents mots seulement parurent, dont plus aucun n’étai
275 -cents mots seulement parurent, dont plus aucun n’ était de lui. La signature et l’idée générale permettaient cependant d’iden
276 aible de la nature mais c’est un roseau. Les mots sont de Pascal, incontestablement. Mais je doute fort qu’il eût accepté de
277 gnificatifs de sa phrase, homme et pensant, ayant été coupés par le même editor, apparemment, qui a pris soin de mon articl
278 vous plaignez-vous ? dit-il enfin. Votre article était bon, tel qu’il fut publié. Il a paru, il a porté, trois millions de p
279 dit-il enfin. Votre article était bon, tel qu’il fut publié. Il a paru, il a porté, trois millions de personnes ont pu le
280 ns de personnes ont pu le lire. À votre place, je serais content. — Mais les interventions de l’editor ont brisé tout le détai
281 nt brisé tout le détail de l’argumentation ! — Qu’ est -ce que cela fait ? Personne ne l’eût suivie. Vous savez bien que le l
282 ous savez bien que le lecteur moyen, chez nous, n’ est pas sensible aux artifices de la logique. Ainsi accommodé, votre papi
283 azine un article d’un type différent, il faudrait être F. D. R. lui-même. — Ou Einstein ? — On le lui récrirait. — Voulez-vo
284 ots qu’on vous accorde. Et si possible, mais ce n’ est pas indispensable, terminez sur un bang, un coup de cymbale. Je simpl
285 e simplifie, je schématise évidemment. Comme vous seriez contraint de le faire, je pense, pour expliquer à un Américain les pr
286 le but et le sens du cortège. Puis la foule qui n’ est maintenue que par la plus légère force de police, jouant le rôle de l
287 is vos essais de nous comprendre par images. Ce n’ est pas toujours aussi puéril… — Mais c’est souvent encore plus mécanique
288 agir sur leurs contemporains. — Toute la question est de savoir ce que nous entendons par agir. Je vois bien que vos report
289 ntendons par agir. Je vois bien que vos reporters sont les meilleurs du monde, je veux dire les plus efficaces dans le rendu
290 celle du cinéma. Mais la raison de ces succès ne serait -elle pas que vos standards de culture sont naturellement accordés au
291 s ne serait-elle pas que vos standards de culture sont naturellement accordés au niveau d’un très bon journal ? Ce réglage p
292 ique, vos rythmes et vos procédés. Et pourtant ne serait -ce point cela, au sens propre des termes, agir ou opérer ? III J’ai r
293 etit dialogue pour faire sentir que la question n’ est pas tout à fait aussi simple que je l’avais pensé d’abord. Nos habitu
294 otre goût du style cultivé pour lui-même quel que soit le sujet, l’occasion, ou le but précis que l’on vise. Le souci primor
295 savent comment atteindre un grand public. Et s’il est un artiste authentique, il écrira intuitivement pour envoûter le lect
296 ge pas seulement au fait que ces « trois grands » furent des reporters à leurs débuts et le redeviennent à l’occasion. Ou à ce
297 e surtout au mouvement de l’esprit qui détermine, soit chez eux soit chez nous, non seulement une manière d’écrire mais auss
298 ouvement de l’esprit qui détermine, soit chez eux soit chez nous, non seulement une manière d’écrire mais aussi une manière
299 nt décrire. Il vise et tend toujours, de tout son être , à dégager un sens satisfaisant. Avant tout, il « cherche à comprendr
300 commentaire astucieux. Et le mystère humain peut être mieux saisi par un compte rendu décousu que par une patiente analyse.
301 aux dépens de son idéal même de vérité, qu’il se sera moins embarrassé d’informations en vrac et de sensations brutes, rech
302 ’au point de provoquer une réaction nouvelle de l’ être … IV Mais il faut élargir ce débat. Il dépasse de beaucoup la techniqu
303 eaucoup la technique littéraire. Le monde moderne est ainsi fait que dans tous les plans, littérature, politique et religio
304 l’atteindre, — mais alors ce que l’on transmet n’ est plus le message original ; ou bien garder la pureté du message — mais
305 e langage des masses, il augmentera ses chances d’ être entendu, mais que peut-il espérer faire entendre dans les termes que
306 ur, il court le risque de rester inefficace, de n’ être point compris, peu lu, ou refusé. L’auteur américain, et pour d’autre
307 manière plus générale tous les écrivains engagés soit au service de l’opinion soit à celui d’un parti ou d’une secte, sacri
308 es écrivains engagés soit au service de l’opinion soit à celui d’un parti ou d’une secte, sacrifient volontiers leur style i
309 échéance. Mais les plus grands, et de tout temps, sont ceux qui ont refusé ce choix, confiant à la violence involontaire du
310 j’ai tout lieu de croire qu’il existe à New York. Serait -ce cette Église du Centre Absolu dont je vois annoncée la « causerie
311 du samedi ? Remontant ces colonnes d’annonces qui tiennent une demi-page du journal, je trouve les rubriques suivantes : Société
312 e spectacle de leurs cultes.   Les États-Unis ont été fondés par des groupes successifs de colons, la plupart exilés pour c
313 exilés pour cause de religion. Tous ces pionniers étaient d’abord les fanatiques d’une foi, rejetés par l’Europe, et qui venaie
314 s ancêtres hollandais ; allemands ou suédois s’il est né luthérien ; anglais s’il est presbytérien ; et s’il est catholique
315 s ou suédois s’il est né luthérien ; anglais s’il est presbytérien ; et s’il est catholique, italiens, polonais ou irlandai
316 thérien ; anglais s’il est presbytérien ; et s’il est catholique, italiens, polonais ou irlandais. À ces différences d’orig
317 olonais ou irlandais. À ces différences d’origine sont venues s’ajouter dès le xviiie siècle des différences de classes : l
318 le des différences de classes : l’Église baptiste est largement populaire, la méthodiste aussi (elles comptent chacune 9 à
319 se protestante-épiscopale (bien moins nombreuses) sont surtout citadines et fashionable. Quant à la fameuse multiplication d
320 grandes confessions.. Ces groupes à leur tour se sont morcelés sur leurs ailes gauche et droite, en « libéraux » et « fonda
321 et « fondamentalistes ». Et plus ces groupuscules étaient restreints, plus la tendance sectaire s’y faisait virulente, entraîna
322 oudre les sectes purement locales, le processus s’ est renversé. Les groupuscules ont rejoint les groupes, qui se sont fédér
323 Les groupuscules ont rejoint les groupes, qui se sont fédérés ou qui ont fusionné. Les confessions ou dénominations traditi
324 s confessions ou dénominations traditionnelles se sont reconstituées en une dizaine de corps qui représentent la grande majo
325 es années un projet d’union organique. Quelle que soit par ailleurs l’évolution interne de cette « poussière de sectes » com
326 ces églises, d’ailleurs immenses pour la plupart, sont vénérées et fréquentées par la moitié des habitants de ces gratte-cie
327 leurs aucun inconvénient à ce qu’un lieu de culte soit moins haut qu’un building, comme une hostie est moins grosse qu’un pa
328 soit moins haut qu’un building, comme une hostie est moins grosse qu’un pain ; ils ne sont pas si enfantins que leurs crit
329 e une hostie est moins grosse qu’un pain ; ils ne sont pas si enfantins que leurs critiques. On ne m’avait pas dit non plus
330 hœur immense et froid, en mosaïque. Christ Church est méthodiste : colonnes de marbre noir, mais un autel et des retables e
331 ux livides et plus sulpiciens que nature. L’autel est dominé par des boiseries sombres, ornées de branches de sapin à Noël.
332 iscrètement archéologiques. Le peuple américain —  est -il puéril ou sain ? — adore plus que tout autre les costumes et la be
333 el, vous vous croirez chez les Romains, mais vous serez chez les anglicans si l’officiant est en surplis, ou chez les luthéri
334 mais vous serez chez les anglicans si l’officiant est en surplis, ou chez les luthériens s’il est en robe noire. Chez les p
335 ciant est en surplis, ou chez les luthériens s’il est en robe noire. Chez les presbytériens, on distribue la Cène sur les p
336 une découverte sur les États-Unis : c’est qu’il n’ est pas de pays moderne où la religion tienne dans la vie publique une pl
337 st qu’il n’est pas de pays moderne où la religion tienne dans la vie publique une place plus importante et plus visible. Il fa
338 ne place plus importante et plus visible. Il faut être un Européen pour s’en étonner, me dit-on. De fait, pour un Américain
339 t-on. De fait, pour un Américain qui connaît tant soit peu son histoire, rien n’apparaît plus naturel. Ce grand empire a com
340 re a commencé par les prières des émigrants. Il s’ est fondé sur des groupes religieux qui constituèrent ses premières commu
341 et pour lesquels croyant et citoyen se trouvaient être , en fait, des synonymes. On peut apprécier diversement cette interpén
342 pays, remarquons-le, où les Églises ont toujours été séparées de l’État). Je me bornerai pour aujourd’hui à la décrire com
343 un fait, un grand fait qui mérite d’autant plus d’ être connu et médité qu’il s’est vu curieusement négligé par presque. tous
344 rite d’autant plus d’être connu et médité qu’il s’ est vu curieusement négligé par presque. tous les bons observateurs europ
345 ges qui forment l’opinion moyenne du pays. Ce qui est étonnant, c’est précisément que cela n’étonne personne ici. Je songe
346 uide de quartier, d’aspect commercial. Une page y est réservée aux lieux de cultes. En tête : « Préservez votre privilège a
347 ue de cadres traditionnels, et dont la population est si nomade encore, la vraie cellule sociale, c’est la paroisse. Plus s
348 de lord Halifax comme ambassadeur aux États-Unis est particulièrement approuvé, parce que, dit-on, sa piété profonde lui g
349 « l’Inauguration ». La veille, le président avait été harangué par des pasteurs et des prêtres des trois grandes religions.
350 s passés… Le président y joint sa voix. » Puis ce fut la prestation de serment, à la tribune élevée sur les marches du Capi
351 gural terminé, et à peine les applaudissements se sont -ils apaisés, une voix forte prononce : « Au nom du Père, du Fils et d
352 er et de les détailler le lendemain, c’est qu’ils sont réellement essentiels à la compréhension de la démocratie américaine.
353 la compréhension de la démocratie américaine. Il est important de savoir que les grandes cérémonies civiques et politiques
354 e civique et privée sans lesquels nulle société n’ est possible. Il ne s’agissait pas de « moralisme » (les ismes n’apparais
355 t d’une lutte pour l’existence, et les pasteurs y tenaient une fonction directrice. Elle leur est disputée de nos jours par la s
356 urs y tenaient une fonction directrice. Elle leur est disputée de nos jours par la science vulgarisée, les commentateurs de
357 Mais ils en ont gardé le pli : leur christianisme est avant tout une force sociale, un moyen d’assurer une vie décente et d
358 parait à la mort plus qu’à la vie.) ⁂ La paroisse était la commune. Aujourd’hui, le plus petit village compte deux ou trois é
359 ux ou trois églises différentes, et les paroisses sont devenues des clubs. Elles offrent à leurs membres des relations socia
360 à leur fameuse efficiency. Sa fonction principale sera donc de parler, et ce n’est pas le dimanche qu’il parlera le plus, ca
361 fonction principale sera donc de parler, et ce n’ est pas le dimanche qu’il parlera le plus, car son sermon ne dépasse pas
362 nnues par l’église possède une valeur religieuse, est la religion même, à leurs yeux. Ce qui implique que le christianisme
363 leurs yeux. Ce qui implique que le christianisme est la meilleure manière de vivre, un idéal qu’il faut mettre en pratique
364 que pour jouir du paradis terrestre que pourrait être l’Amérique, si seulement tous ses habitants se décidaient à mener une
365 souvent, avec une visible ferveur. Et la musique est belle, et les voix justes, et l’ordonnance du culte sans défaut. Au s
366 l’ordonnance du culte sans défaut. Au surplus, ce sont de braves gens, plus généreux que les Européens, plus indulgents dans
367 s-je. Les choristes de Christ Church (méthodiste) sont vêtus de robes et de barrettes de velours rouge, et siègent en demi-c
368 religieux » des correspondances et des signes. Qu’ est -ce que le péché, pour eux ? L’inefficacité et l’inadaptation sociale,
369 iale, résultats d’une mauvaise hygiène morale. Qu’ est -ce que la grâce ? Un optimisme fondamental. La transcendance ? Un ter
370 ts élevés parviendraient à éliminer. ⁂ Personne n’ est juge même d’une seule âme, même de la sienne. Et je viens de parler e
371 s du « chrétien moyen », quand tout chrétien réel est par définition une personne unique, un être exceptionnel. On ne saura
372 n réel est par définition une personne unique, un être exceptionnel. On ne saurait aller beaucoup plus loin. Mais, sans prét
373 êcher le pur message de la foi, mais alors elle n’ est plus dans le monde, qui s’organise sans elle et ne l’entend plus. Ou
374 kegaard répondrait que les masses comme telles ne seront jamais chrétiennes, et que la grâce prend les hommes un à un, comme d
375 ste plus qu’à noter que Kierkegaard, précisément, est entièrement traduit en Amérique, et que j’ai trouvé partout des étudi
5 1947, Vivre en Amérique. III. Vie privée
376 Le flirt en public (outdoor love-making) vient d’ être interdit à la station aéronavale de San Diego, Californie, tant pour
377 ction du genre communément appelé necking 3. S’il est vrai que tout le monde s’accorde à reconnaître qu’il s’agit là d’un p
378 git là d’un passe-temps absorbant et plaisant, il est non moins généralement admis que ce n’est pas un sport public et diur
379 ant, il est non moins généralement admis que ce n’ est pas un sport public et diurne. Cette petite nouvelle, parue dans le
380 Amérique vis-à-vis du problème des sexes. Si vous tenez entre vos mains ce texte, comme un graphologue intuitif tient une let
381 vos mains ce texte, comme un graphologue intuitif tient une lettre à peine regardée, et que vous tentez de formuler ce qu’il
382 de civilisation, j’imagine que vos conclusions ne seront point trop différentes de celles que je voudrais dégager d’un séjour
383 Amérique. Les mœurs sexuelles de l’Europe peuvent être définies comme un jeu très complexe opposant un ensemble de règles so
384 es détruire. Les mœurs sexuelles de l’Amérique ne sont point si faciles à définir. Comment expliquer le contraste entre le p
385 vices et de vertus, comme chez nous, mais l’autre étant un « sport » d’une nature différente — et c’est la seconde que j’essa
386 uée par la croyance en la valeur unique de chaque être . Il suppose un objet irremplaçable et comme prédestiné par un acte di
387 stres, et religieusement convaincu que le bonheur est le but de la vie : n’est-ce point écrit dans sa Constitution ? Son at
388 convaincu que le bonheur est le but de la vie : n’ est -ce point écrit dans sa Constitution ? Son attitude vis-à-vis de la pa
389 nstitution ? Son attitude vis-à-vis de la passion est peut-être plus saine que la nôtre. En bref, il n’aime point à souffri
390 la nôtre. En bref, il n’aime point à souffrir, et tient pour perversion ce goût de la torture exaltante et intéressante qui f
391 spensables au développement d’une grande passion, sont à ses yeux autant de preuves que l’affaire est mal engagée et qu’il f
392 , sont à ses yeux autant de preuves que l’affaire est mal engagée et qu’il ferait bien d’y renoncer. Si quelque drame se no
393 lexe et qui menace de tirer à conséquence : telle est la grande maxime de sa morale nouvelle. Les difficultés sentimentales
394 l’avouer, lui font peur et l’éloignent vite de l’ être ou des circonstances qui les causent. Il n’a pas le goût de la durée
395 . C’est tout de suite ou jamais. C’est OK ou ce n’ est rien. Si ce n’est pas vous ce soir, c’était donc une erreur. Ils ne c
396 ite ou jamais. C’est OK ou ce n’est rien. Si ce n’ est pas vous ce soir, c’était donc une erreur. Ils ne croient guère à la
397 eur. Ils ne croient guère à la valeur unique d’un être — et il est vrai qu’il faut beaucoup de soins, de temps perdu, de com
398 roient guère à la valeur unique d’un être — et il est vrai qu’il faut beaucoup de soins, de temps perdu, de complaisance et
399 de folies pour composer une telle croyance. Nul n’ est irremplaçable dans un monde aussi vaste, et où les déplacements sont
400 dans un monde aussi vaste, et où les déplacements sont si faciles… Au vrai, l’amour-passion ne saurait exister dans une civi
401 de à l’échec nulle dignité spirituelle, et qui ne tient pour vrai que ce qui réussit. Or, l’échec n’est pour eux qu’une perte
402 tient pour vrai que ce qui réussit. Or, l’échec n’ est pour eux qu’une perte sèche et non la condition d’un approfondissemen
403 ess comme nous disons). Le mariage à l’américaine est une institution d’un type nouveau. Il se fonde sur l’égalité économiq
404 gent, en règle générale, mais c’est, la femme qui tient les cordons de la bourse, en l’occurrence le carnet de chèques. Elle
405 tout simplement, dans toute la vie, et le foyer n’ est qu’une partie de ses domaines. Il s’agit de l’aménager pour qu’il fon
406 , point d’esclavage des routines domestiques : ce serait être esclave de ses machines. Si ces dernières se multiplient dans un
407 d’esclavage des routines domestiques : ce serait être esclave de ses machines. Si ces dernières se multiplient dans une cui
408 la femme des soucis qui l’absorbent chez nous. Il est étrange que nous parlions toujours de leur « matérialisme » à ce prop
409 e propos, puisque le but de ces perfectionnements est d’alléger les tâches matérielles, auxquelles notre littérature préten
410 ifeste qu’elle sait ce qu’on lui doit. Comme elle est installée dans la vie ! Elle s’y avance avec l’autorité, souvent poli
411 es trois quarts de la fortune privée en Amérique, soit que le système de l’héritage les favorise, soit qu’elles montrent en
412 , soit que le système de l’héritage les favorise, soit qu’elles montrent en affaires comme ailleurs une efficiency sans égal
413 es comme ailleurs une efficiency sans égale. Nous sommes donc en présence d’une civilisation qui tend vers le matriarcat, dans
414 es bases vraiment profondes. Et cette psychologie tient dans un mot, dans moins qu’un mot, dans l’abréviation familière pour
415 n du foyer, dans ces trois lettres fatidiques qui sont le secret de millions de drames matrimoniaux, sexuels et psychiques :
416 » comme la Gorgone du matriarcat américain. « Mom est partout, elle est tout et dans tous, et d’elle dépend le reste des Ét
417 du matriarcat américain. « Mom est partout, elle est tout et dans tous, et d’elle dépend le reste des États-Unis. Déguisée
418 chère vieille Mom, votre Mom aimante, etc., elle est la fiancée à tous les enterrements, le cadavre à tous les mariages. »
419 sert, elle l’endort et le semonce. Au culte qu’il est censé lui rendre, elle répond dans le meilleur des cas par cette espè
420 ue le suzerain jadis accordait au vassal. Et ce n’ est point qu’elle soit moins capable qu’une autre d’amour, de tendresse o
421 is accordait au vassal. Et ce n’est point qu’elle soit moins capable qu’une autre d’amour, de tendresse ou même d’aveugle dé
422 évouement. Mais l’attitude de l’homme à son égard est faite pour éveiller en elle le goût de la liberté et de l’autonomie,
423 le le plus inquiétant du Nouveau Monde : car nous sommes habitués à voir des hommes en masses, à la caserne ou dans une réunio
424 avait qu’un goût modéré pour la femme, dont il ne serait que la conquête plus ou moins résignée ou satisfaite. Certains ménage
425 ue la femme couche les enfants, et tous les repas sont pris dans la petite cuisine blanche, parfois ornée d’un bar, toujours
426 le rôle de la machine numéro un dans la maison — soient ceux qui offrent le plus de garanties contre le divorce américain.
427 x des intéressés, le divorce américain ne saurait être , comme chez nous, la douloureuse rupture d’une longue intimité, celle
428 toujours, à conserver4, eux à ouvrir. Le divorce est pour nous l’enterrement d’un bonheur, pour eux l’acte de naissance d’
429 se remarier. Il arrive que le nouveau mariage ne soit séparé du divorce que par le temps de changer de salle, et c’est le m
430 utre porte — qui légalisera les deux actes. Telle est du moins la coutume de Reno. Reno n’est pas une légende pittoresque,
431 es. Telle est du moins la coutume de Reno. Reno n’ est pas une légende pittoresque, mais une nécessité pratique créée par le
432 tat de New York, la seule cause admise de divorce est le flagrant délit d’adultère. Autant dire que le divorce est impossib
433 rant délit d’adultère. Autant dire que le divorce est impossible, à moins que l’on accepte d’en passer par une odieuse mise
434 tatée » dans une chambre d’hôtel. Le seul recours est donc le voyage de Reno, comédie fort coûteuse basée sur un mensonge :
435 ns le Nevada. Il y reste six semaines, à l’hôtel, est alors déclaré résident, obtient son divorce en un quart d’heure, se r
436 seconde fois. Cette éventualité, d’ailleurs, doit être envisagée très sérieusement. Chaque jour dans les courriers mondains
437 tout parce qu’elle amuse. Vous penserez que ce n’ est pas sérieux, et peut-être aurez-vous raison. Si grave que soit un tel
438 eux, et peut-être aurez-vous raison. Si grave que soit un tel jugement, j’incline à croire que la facilité avec laquelle l’A
439 our la première fois ! » Deux ans plus tard, elle était à Reno et se remariait, « elle pour la seconde fois, lui pour la quat
440 a première définition : le divorce à l’américaine est considéré avant tout comme la mise en ordre de deux vies. Derrière to
441 infime minorité. Boston, son ancienne citadelle, est aujourd’hui en majorité catholique. Les Juifs, les Noirs, les Irlanda
442 ois quarts au moins de la population de New York, sont indemnes de toute trace directe d’éducation puritaine au foyer. Mais
443 les standards moraux créés par les Pionniers leur sont transmis sous la forme atténuée de l’American way of life, à l’école,
444 récemment naturalisés. On leur inculque à tous qu’ être un Américain, c’est être un homme « décent » ; et comme je demandais
445 leur inculque à tous qu’être un Américain, c’est être un homme « décent » ; et comme je demandais à quelques étudiants ce q
446 entendaient par là, l’un d’eux me dit : « Décent est l’homme qui tient parole et se tient propre, à tous égards. » Cette v
447 là, l’un d’eux me dit : « Décent est l’homme qui tient parole et se tient propre, à tous égards. » Cette volonté de vivre un
448 dit : « Décent est l’homme qui tient parole et se tient propre, à tous égards. » Cette volonté de vivre une vie nette se comb
449 ous ses tabous. On ne pense plus que la « chair » soit le Mal, ni ses désirs des signes de malédiction divine. Peu ou point
450 mmait libertinage. L’Américain, me semble-t-il, n’ est pas vicieux. Il est moral ou sans morale, mais bien rarement immorali
451 ’Américain, me semble-t-il, n’est pas vicieux. Il est moral ou sans morale, mais bien rarement immoraliste. Ce qu’il ignore
452 romans européens les moins pensables en Amérique seraient sans doute Adolphe et Les Liaisons dangereuses. Ajoutons-y la poésie
453 ais il me paraît vain de l’écrire, car l’Amérique est en pleine transition, à cet égard plus qu’à tout autre. Il convient d
454 lée quelques remarques dont on reconnaît qu’elles sont par nature discutables. Certains critiques américains déclarent que l
455 américains déclarent que la jeunesse de leur pays est sex-obsessed, mais il se peut qu’elle soit tout simplement sexy, et q
456 ur pays est sex-obsessed, mais il se peut qu’elle soit tout simplement sexy, et que l’obsession n’existe que chez lesdits cr
457 américaines, c’est qu’on y pressent un avenir qui sera sans doute celui de la Russie soviétique et d’une partie de la jeunes
458 moins, trop volontaire et rationnel pour que l’on soit en droit d’y voir une « révolte des instincts », ou d’y dénoncer je n
459 uelle « vague de barbarie nouvelle ». Le danger n’ est sans doute pas là. Car il est très possible qu’au contraire de ce que
460 elle ». Le danger n’est sans doute pas là. Car il est très possible qu’au contraire de ce que pensent la jeunesse américain
461 , la violence primitive et la santé de l’instinct soient justement les vraies créatrices de tabous, et que la suppression de c
462 ue la morale bourgeoise, issue des puritains, ait été l’une des plus perverses qu’ait jamais secrétée l’humanité, et que sa
463 t de faire « comme si » l’instinct sexuel pouvait être passé sous silence ou nié ; les sexologues qui tenteront follement de
464 e voie saine et quelques disciplines praticables, sera vraiment le génie du siècle et l’objet d’une grâce spéciale. Or c’est
465 ’une grâce spéciale. Or c’est bien ce qu’il pense être , étant Américain. Je ne l’observe pas sans inquiétude ; non plus sans
466 râce spéciale. Or c’est bien ce qu’il pense être, étant Américain. Je ne l’observe pas sans inquiétude ; non plus sans beauco
6 1947, Vivre en Amérique. IV. Conseil à un Français pour vivre en Amérique
467 ls « premiers possesseurs du bois et du rocher », sont des anciens Européens. Des gens qui ont voulu oublier leur patrie (pa
468 ez, ne pensez plus, avec le proverbe latin, qu’il est doux et honorable de mourir pour la terre des ancêtres, mais, au cont
469 la terre des ancêtres, mais, au contraire, qu’il est décent de vivre pour sa descendance. Les deux pays tournés vers l’ave
470 ration américaine et la Confédération soviétique, sont aujourd’hui ceux qui paraissent craindre le plus l’intrusion des Euro
471 ion des Européens. Pour entrer dans l’un, il faut être communiste ; pour entrer dans l’autre il faut surtout ne pas l’être,
472 pour entrer dans l’autre il faut surtout ne pas l’ être , mais cela ne suffit pas. N’oubliez jamais que l’Amérique est un pays
473 la ne suffit pas. N’oubliez jamais que l’Amérique est un pays d’immigration, non de tourisme. Elle exige, quand vous y entr
474 les six mois. C’est « entre ou sors ». Mais elle est aussi un pays en défense contre l’immigration. De ceux qui veulent y
475 ée, enfin toutes les preuves imaginables que vous êtes solvable, et de plus soluble dans l’américanisme. Après quoi commence
476 ation de naissance, vous entrerez. Ou plutôt vous serez admis à vous présenter pour entrer. Car les visas ne signifient rien
477 souvent de vous indiquer.) L’Immigration Service est un pouvoir pratiquement autonome, comme la police. S’il décide, pour
478 près un stage dans la prison d’Ellis Island, vous serez déporté ou longtemps détenu, sans trop savoir pourquoi, et dans des c
479 Un Chinois pensera de même que tous les Parisiens sont interchangeables. Ces ressemblances universelles n’existent que dans
480 t au premier abord que l’étrangeté justement, qui est le seul trait qu’elles possèdent en commun. De fait, New York est une
481 t qu’elles possèdent en commun. De fait, New York est une ville de contrastes violents, de population composite à l’extrême
482 ple, ne ressemble à l’Europe. Toutes les maisons sont pareilles, fabriquées en série. On se trompe de porte en croyant rent
483 ueillent par une allée de grandes dalles propres, sont en règle générale beaucoup plus jolis que nos villas de macaron ocré,
484 barrières de barbelés rébarbatives. Ces cottages sont d’une infinie variété d’architecture, et s’ils se ressemblent tous à
485 taires qui se font bâtir une maison à leur idée a été centuplé depuis une quinzaine d’années, grâce aux mesures du New Deal
486 ut ailleurs, dans la vie quotidienne, l’Américain est plus lent que le Français. L’homme d’affaires arrivé se reconnaît à u
487 industrielle atteint un rythme étourdissant, ce n’ est pas que les ouvriers travaillent fiévreusement, c’est que l’organisat
488 availlent fiévreusement, c’est que l’organisation est bonne. Et dans ces ascenseurs express qui ne mettent que trente secon
489 s décorent luxueusement leurs églises, mais elles sont pleines. Ils ont beaucoup plus d’autos que les Français, parce qu’ell
490 oup plus d’autos que les Français, parce qu’elles sont moins chères qu’en France et que les distances sont plus grandes. Ils
491 nt moins chères qu’en France et que les distances sont plus grandes. Ils parlent constamment d’argent, sans la moindre pudeu
492 que vous y pensez constamment, en le cachant. Ils sont matérialistes, vous aussi. La différence est qu’ils ont mieux réussi
493 Ils sont matérialistes, vous aussi. La différence est qu’ils ont mieux réussi dans ce domaine. De plus, ils pensent que vou
494 éricaine. L’expression suppose que les Américains seraient notablement plus hypocrites que les Européens. Or s’il existe une dif
495 ar tradition, éducation et situation, l’Américain est l’un des êtres les plus ouverts et les plus francs de la planète. Il
496 éducation et situation, l’Américain est l’un des êtres les plus ouverts et les plus francs de la planète. Il ne vous cachera
497  mais c’est bien à cela que vous pensiez — elle n’ est hypocrite qu’au niveau des standards collectifs. Je m’explique. Les v
498 ue. Les vieux et les villageois de certains États sont demeurés puritains ; la jeunesse et la bourgeoisie des villes, au con
499 ent plus aucun tabou. Ni les uns ni les autres ne sont hypocrites lorsqu’ils affirment que la sexualité est le péché, ou au
500 hypocrites lorsqu’ils affirment que la sexualité est le péché, ou au contraire qu’elle est une distraction qui ne doit pas
501 a sexualité est le péché, ou au contraire qu’elle est une distraction qui ne doit pas tirer à conséquence. Mais lorsqu’un c
502 te » aux yeux des deux partis et de l’Europe. Ce sont des barbares. Oui, si la civilisation consiste essentiellement en cec
503 ls le pensent, consiste essentiellement en ceci : être une personne décente (c’est-à-dire qui tient sa parole et se tient pr
504 eci : être une personne décente (c’est-à-dire qui tient sa parole et se tient propre), s’instruire, aider les voisins et prép
505 e décente (c’est-à-dire qui tient sa parole et se tient propre), s’instruire, aider les voisins et préparer des conditions de
506 ail de la vie quotidienne des deux continents. Il serait peu civilisé de penser que l’un de ces idéaux tout faits doive exclur
507 érants, pour tout dire peu civilisés. Mon objet n’ est pas de juger, mais de décrire et d’avertir les candidats à la travers
508 définir une civilisation que de rechercher ce qui est « bien vu » ou « mal vu » par ses usagers. Tentons ici un catalogue r
509 n, que nous supposerons moyen pour l’occasion. Il est vrai que l’homme moyen n’est qu’une fiction : les romanciers modernes
510 pour l’occasion. Il est vrai que l’homme moyen n’ est qu’une fiction : les romanciers modernes nous l’ont assez montré, c’e
511 ues sujets brûlants. Les impôts. — En France, il est bien vu de tricher avec le fisc. Non seulement on le fait, mais on s’
512 er ce qu’il doit, toutes déductions légales ayant été gonflées jusqu’au point d’éclatement. (Ceci avec l’aide bienveillante
513 de sa religion, et qui pour lui vaut plus que les sommes qu’en trichant il eût sauvées.   L’argent en général. — Tout le mond
514 t. C’est qu’on n’y attache aucune pudeur. Et ce n’ est pas qu’on y tienne plus qu’en France, mais simplement la richesse est
515 ’y attache aucune pudeur. Et ce n’est pas qu’on y tienne plus qu’en France, mais simplement la richesse est « bien vue », tand
516 ne plus qu’en France, mais simplement la richesse est « bien vue », tandis qu’elle se cache en Europe. Nul jansénisme n’a p
517 pour vous. En Europe, au contraire, il affecte d’ être « bousculé », « surchargé ». Il voit une preuve de son importance dan
518 si vous ne faites partie d’aucune église, ce qui est autant dire d’aucun club, vous serez mal vu de la population. Et soup
519 église, ce qui est autant dire d’aucun club, vous serez mal vu de la population. Et soupçonné avant tout autre, en cas de bag
520 emble que les chrétiens, pratiquants ou croyants, sont plutôt l’exception. On les excuse, ou bien ils ont à se faire excuser
521 rversité. Il s’agit avant tout, là-bas, de ne pas être involved, ou compromis. (Mais c’est un mot très difficile à traduire
522 u’à cet égard les jugements moraux de l’Américain sont exactement inverses des nôtres. Le sauteur est bien vu, ou n’est pas
523 n sont exactement inverses des nôtres. Le sauteur est bien vu, ou n’est pas vu du tout. Mais qu’il insiste sur un attacheme
524 inverses des nôtres. Le sauteur est bien vu, ou n’ est pas vu du tout. Mais qu’il insiste sur un attachement, et la Morale e
525 , et il poursuit son but avec ténacité, quels que soient les obstacles rencontrés, ou les erreurs, qu’il sait reconnaître à te
526 e pas à se fixer. « Avoir fait tous les métiers » est un éloge à leurs yeux. Ils jugent un homme sur son rythme vital. Sur
527 méricains vous apprendront, par voie de fait s’il est besoin, à ne jamais couper une file. C’est vulgaire. Ce n’est pas dém
528 à ne jamais couper une file. C’est vulgaire. Ce n’ est pas démocratique. (Soulignons fortement l’équivalence des deux jugeme
529 ain qui lui a soumis un manuscrit : « Votre livre est superbement écrit, c’est une œuvre excellente et dont je vous félicit
530 ue l’Américain ne demande pas d’abord qu’un livre soit bon en soi, mais qu’il soit efficace et opportun, selon les prévision
531 s d’abord qu’un livre soit bon en soi, mais qu’il soit efficace et opportun, selon les prévisions établies pour les six ou d
532 ue-t-elle la recette des succès de l’an dernier ? Est -elle de taille à les déclasser d’un seul coup ? Enfin, sera-t-elle ac
533 de taille à les déclasser d’un seul coup ? Enfin, sera-t -elle achetée par Hollywood ? Et il vous pose tout tranquillement cett
534 pose tout tranquillement cette question : « Vous êtes écrivain ? Comment vous vendez-vous ? »   Encore une fois, je ne voud
535 ger, mais tout simplement faire mieux voir ce qui est bien vu, ce qui est mal vu ; et qui est parfois, ne l’oublions pas, m
536 ement faire mieux voir ce qui est bien vu, ce qui est mal vu ; et qui est parfois, ne l’oublions pas, moins important que c
537 ir ce qui est bien vu, ce qui est mal vu ; et qui est parfois, ne l’oublions pas, moins important que ce qui passe inaperçu
538 ra l’impossible pour vous cacher sa richesse s’il est riche, sa pauvreté s’il est pauvre, sa vie privée en général, et ne v
539 cher sa richesse s’il est riche, sa pauvreté s’il est pauvre, sa vie privée en général, et ne vous rencontrera qu’au café.
540 ncontre par hasard, on ne se demande pas ce qu’on est devenu, on rit, on boit, on ne s’étonne de rien, tout glisse et passe
541 onne de rien, tout glisse et passe, il y a tant d’ êtres sur la terre, tant de hasards, tant de manières de vivre, de bonnes e
542 . 7.Comment ils prennent la vie Le Français est profondément sérieux, c’est même à mon avis l’espèce d’homme la plus
543 rtains Américains pressentent enfin que la France est le pays du sérieux sobre, de l’intransigeance réaliste, des provincia
544 glo-Saxon puritain du type dynamique, alors qu’il est en réalité et neuf fois sur dix, bien plus près du Méridional par son
545 ridional par son goût de l’exagération — Tartarin serait bien épaté — son humeur communicative, et son insouciance lyrique. Se
546 le plus rapide du monde. L’industrie française a tenu le coup, elle se remonte même si rapidement qu’elle bat déjà l’améric
547 dépassé, c’est comme si tous les avions de série étaient déjà faits ; il en est fatigué d’avance, et passe à l’invention suiva
548 us les avions de série étaient déjà faits ; il en est fatigué d’avance, et passe à l’invention suivante. Vue d’Amérique, l
549 ésidences luxueuses de la campagne ou de la ville sont régulièrement — sauf dans le Sud — de style Tudor, de style Renaissan
550 eoises en France. Quant aux gratte-ciel, l’ère en est bien passée. Sauf à New York, ils ne sont pas rentables. 10.Commen
551 l’ère en est bien passée. Sauf à New York, ils ne sont pas rentables. 10.Comment ils sont scrupuleux ou non L’Américai
552 ork, ils ne sont pas rentables. 10.Comment ils sont scrupuleux ou non L’Américain ne pardonne pas une erreur de 2 cent
553 l’excès ? Fumez-vous ? Avez-vous d’autres vices ? Êtes -vous partisan de doctrines tendant au renversement des institutions a
554 ons américaines ? » Vous pouvez répondre que vous êtes alcoolique et anarchiste, on vous laissera entrer. Mais si vous dites
555 vous dites sous la foi du serment, que vous ne l’ êtes pas, et que votre vie plus tard prouve que vous l’êtes, l’amende ou l
556 pas, et que votre vie plus tard prouve que vous l’ êtes , l’amende ou la peine de prison seront triplées. Tout repose ici sur
557 e que vous l’êtes, l’amende ou la peine de prison seront triplées. Tout repose ici sur la parole donnée, seul fondement d’une
558 de se produire jamais, puisqu’aucun journaliste n’ est admis à enquêter sur les mystères d’Ellis Island. 11.Comment ils s
559 Français, élevé dans l’idée que dulce et decorum est pro patria mori, accepte de se faire tuer non point par fanatisme, re
560 aut en matériel — que les batteries d’en face ont été écrasées. Cette folie apparente de l’Européen dénote un certain degré
561 les directeurs d’école.) Le reste de la journée n’ est guère fatigant, et les devoirs à domicile s’expédient en moins d’une
562 moins d’une demi-heure. Quant aux notes, elles ne sont pas chiffrées. C’est : excellent, bon, suffisant ou défectueux. Et el
563 t l’intérêt pris aux leçons. Les petits étrangers sont mal vus, et fréquemment persécutés, sous l’œil apparemment aveugle de
564 iquement, ils ont démissionné. Souvent, les rôles sont renversés. Les enfants préfèrent le Herald Tribune au Times, parce qu
565 Occasion de conflits hebdomadaires, car le père s’ est jeté le premier sur la suite des hauts faits de Superman. L’enfant do
566 er et lire, et même de leur donner des ordres, ne serait -ce pas un système nouveau, qu’il serait criminel d’ignorer ? 13.Co
567 rdres, ne serait-ce pas un système nouveau, qu’il serait criminel d’ignorer ? 13.Comment vous réussirez ou non en Amérique
568 te idée, réfutée par toutes les statistiques, lui est inculquée dès le Kindergarten. Le cinéma l’entretient et l’exporte. V
569 cette fortune qu’un juste sort vous doit et vous tient en réserve. Or vous avez beaucoup moins de chance de la trouver qu’un
570 z mal l’anglais. Vous vous fâchez trop vite. Vous tenez à ceci plutôt qu’à cela. Vous travaillez trop bien ou peut-être trop
571 availlez trop bien ou peut-être trop vite. Vous n’ êtes pas ponctuel. Vous croyez aux passe-droits et aux coupe-file. Vous pr
572 . De plus, les hommes se méfieront de vous, s’ils sont mariés, à cause de la réputation que leurs femmes vous font sur la fo
573 de la moustache de Menjou, et de l’intérêt réel —  soit dit à votre honneur — que vous portez au sexe faible. J’ai vu des Fra
574 attribue chez eux à l’homme d’affaires américain. Soyez calmes, sans froideur mesquine, n’essayez pas d’en imposer. Supprimez
575 rendre un temps précieux », car en effet le temps est précieux. Dites d’entrée de jeu ce qui vous amène, ce que vous savez
576 devant un refus : les seuls échecs irrémédiables sont ceux qu’on a l’air de subir en pensant : voilà bien ma chance ! Si vo
577 subir en pensant : voilà bien ma chance ! Si vous êtes passionné pour la politique, c’est-à-dire pour le jeu des partis, cac
578 z-le. Cette manie française inquiéterait. Si vous êtes pauvre ou riche, ne le cachez pas. Cela se saurait. (Point de secret
579 ques.) Sur le chapitre de l’argent, l’Américain n’ est point naïf, ni hâbleur. Il est exact et réaliste, exempt de nos compl
580 ent, l’Américain n’est point naïf, ni hâbleur. Il est exact et réaliste, exempt de nos complications paysannes, de nos pude
581 gens, ni les choses, mais vous seul : alors vous serez Américain, et vous aurez une chance de réussir. Aux femmes de toute c
582 compte en banque et une police d’assurance. Vous serez alors à toute épreuve, et respectée. 14.Comment on y devient fou
583 York surtout, vous prenez une telle habitude de n’ être pas regardé, pas vu, et pas jugé, que vous en profitez naturellement
584 s ont changé autour d’eux. Les cadres sociaux n’y sont plus, pour les maintenir dans une routine protectrice. La femme voit
585 r devant elle une liberté qui l’étourdit, et tout est disposé pour qu’elle en use. Marques de son autonomie : un job, un co
586 un monde qui paraît dépourvu de repères. Ce qu’il tenait pour sa valeur bien personnelle ne trouve pas court ici, n’est donc q
587 aleur bien personnelle ne trouve pas court ici, n’ est donc qu’un handicap. Il se voit plongé dans une foule où son bien et
588 n et son mal passent inaperçus, et en tout cas ne sont pas pris au tragique. « Un homme en vaut un autre », lui dit-on. Il l
589 artition des huiles et savons par l’État, et vous serez bientôt en plein délire : tous les partis nommeront des commissions p
590 inmise moscoutaire. Ces commissions d’ailleurs ne seront occupées qu’à clamer, la cravate en bataille, des résolutions farouch
591 udre, non pas pour qu’on en parle. Notre tendance est de nous en remettre à une agence d’État, qui généralement fait le tra
592 ntait environ les 9/10 de la production. Le job a été bien fait : l’Allemagne et le Japon ont été battus. Et les agences de
593 job a été bien fait : l’Allemagne et le Japon ont été battus. Et les agences de contrôle des prix, de la main-d’œuvre et de
594 tte des partis. C’est pourquoi les partis ne s’en sont point occupés, et n’ont point jugé nécessaire de proclamer l’union sa
595 , dans les commissions du Congrès et du Sénat, se sont bornés à des échanges d’arguments souvent brutaux, au cours d’enquête
596 stration de ces agences. Peu importe : le travail était fait. En France, les partis s’arrangent en général pour rendre tous l
597 s aussi insolubles que leurs principes respectifs sont incompatibles. Cela conduit à des crises mortelles. Alors les chefs d
598 n sacrée, et délèguent tout pouvoir à l’État, qui est en l’espèce un nouveau chef de gouvernement. Ce dernier, pris au dépo
599 en chef et son remplacement à la dernière seconde soit par un antifasciste convaincu, soit par un bénéficiaire éprouvé de la
600 nière seconde soit par un antifasciste convaincu, soit par un bénéficiaire éprouvé de la tradition dite nationale… Et si nou
601 uvé de la tradition dite nationale… Et si nous ne sommes pas là pour consentir un prêt, payant la casse, vous parlez de notre
602 er. C’est d’ailleurs très facile, me semble-t-il. Soyez honnêtes dans les négociations, comme le fut votre Herriot, que nous
603 l. Soyez honnêtes dans les négociations, comme le fut votre Herriot, que nous respectons. Et cessez de répéter sur notre co
604 te des sottises pittoresques ou méprisantes. Nous sommes adultes. 16.Comment un Américain moyen voit le monde Quels sont
605 Comment un Américain moyen voit le monde Quels sont , se dit-il, les pays qui marchent le mieux en Europe ? Les États sca
606 la Suisse, la Hollande, et la Grande-Bretagne. Ce sont des démocraties en majorité socialistes, ce qui peut inquiéter, mais
607 , ceux qui ont fondé nos vieilles familles. Quels sont les pays qui marchent mal et qui nous créent le plus d’ennuis ? L’Esp
608 d’ennuis ? L’Espagne et le Portugal, parce que ce sont des dictatures, et peu importe qu’elles réussissent matériellement, e
609 és aux Russes, qui les mettent au pillage, ce qui est peu rationnel : ils feraient mieux de les équiper, puisque ce sont le
610 l : ils feraient mieux de les équiper, puisque ce sont leurs colonies. L’Allemagne nous plaît mieux que la Pologne : pays de
611 ieux que la Pologne : pays de blonds et les noirs sont suspects, tous les villains de nos films ont les cheveux noirs. De pl
612 s films ont les cheveux noirs. De plus l’Allemand est propre et travailleur, et mon arrière-grand-mère était du Wurtemberg.
613 propre et travailleur, et mon arrière-grand-mère était du Wurtemberg. Les Italiens ? Nous en aurons bientôt autant chez nous
614 i, comme l’ont fait les bourgeois d’Europe : ce n’ était pas un regular guy. Le Vatican a la plus vieille diplomatie secrète d
615 et toujours prêts à se battre. Oui, l’Europe, ce sont nos Balkans. Mais il y a l’Amérique du Sud, il y a les Russes, il y a
616 d’ouvrir leurs frontières, de l’esclavage où ils tiennent leur presse, et de l’orgueil de parvenus de l’industrie et des scienc
617 are. Car en réalité, nous touchons à l’Asie. Nous sommes une puissance maritime, et cela compense la proximité géographique de
618 était un clair avertissement aux Russes. La Chine est un de nos grands marchés, le Japon un de nos gros clients. C’est là q
619 trois de leurs États, les dernières élections se sont passées presque sans coups de fusil. Peut-être atteindront-ils bientô
620 : Liberté, Prospérité et Poursuite du Bonheur, ce sont là mes trois idéaux. Et je ne les vois réalisés qu’en Amérique. 17
621 rique ! Car le contraire, chaque fois, peut aussi être vrai. Car ces rêveurs sont aussi, et souvent, de vieux cornichons à l
622 haque fois, peut aussi être vrai. Car ces rêveurs sont aussi, et souvent, de vieux cornichons à lunettes, aux lèvres minces,
623 matisés munis d’une « grille désodorisante »… Ils sont modernes. Car avec une belle énergie et beaucoup moins de naïveté que
624 sent mieux que nous la confusion du siècle, ils y sont installés carrément, et ils l’exploitent non sans une sorte de bon se
625 lites ne s’en approchent qu’en hésitant. Ils nous sont supérieurs à tant d’autres égards ; saurons-nous garder au moins cela
626 éométriser, typique d’une civilisation mécanisée, est signe de lourdeur d’esprit, de paresse d’âme, d’appauvrissement de la
627 nt spirituel. La croyance exclusive à la réussite est le signe d’une vue bornée de notre condition humaine, de même que le
628 église qui a l’air gothique quand plus rien ne l’ est en nous ni autour d’elle. Un peuple, s’il éduque son sens des formes,
629 ffres et se sent aussitôt rassuré. Mais un fait n’ est qu’un signe dans une équation, une lettre ou une virgule dans une phr
630 on ne peut le lire qu’avec tout le contexte. S’en tenir aux faits seuls, aux faits bruts, c’est une timidité de l’esprit qui
631 s détestent celui qui vient les réveiller. Ils le tiennent pour pervers et masochiste. Et il est vrai que la conscience s’éveill
632 Ils le tiennent pour pervers et masochiste. Et il est vrai que la conscience s’éveille généralement dans la douleur, mais i
633 ’ingéniait à rendre étanche, — inconsciemment. Ce sont là des secousses extérieures. Qui sait si une loi de l’esprit ne les
634 quentes que les poussées intimes de la conscience sont plus méthodiquement refoulées ? Qui sait quels malheurs historiques u
635 gagner sans écœurer le vaincu. Apprenons d’eux à tenir parole, à nous laver, à boire du lait, à être à l’heure, à ne pas cou
636 à tenir parole, à nous laver, à boire du lait, à être à l’heure, à ne pas couper les files par principe, à observer les règ
637 bserver les règles du jeu dans la mesure où elles sont raisonnables, à faire crédit, à payer nos impôts, à exiger des foncti
638 tés de frileux. Enfin, apprenons d’eux le souci d’ être dignes non seulement d’un passé qui nous a faits, mais surtout d’un a
639 ttitude détient le secret de la liberté. Car il n’ est de liberté réelle qu’en avant, dans tous les ordres, à chaque instant
640 transatlantiques américains et français ont tous été transformés pendant la guerre en transports de troupes. Tels quels, i
641 servent aujourd’hui aux civils. Comme la demande est forte, les compagnies de navigation ne se pressent pas trop d’amélior
642 vant-guerre. Ces camps de concentration flottants sont donc d’un excellent rapport. Quant aux avions, toutes les places y so
643 nt rapport. Quant aux avions, toutes les places y sont prises plusieurs mois à l’avance, et l’on ne vous permettra d’y empor
7 1947, Vivre en Amérique. Épilogue. La route américaine
644 life, littéralement : de sa route de vie. Ce qui est pour le Latin concept, forme arrêtée, devient chez eux chemin, voie e
645 pour le réaliser. Les autostrades américaines ne sont pas une réclame politique, ni même un expédient pour lutter contre le
646 un expédient pour lutter contre le chômage. Elles sont le produit du rêve et de la vitalité inépuisable d’un peuple libre, e
647 , séparées par une large bande gazonnée où l’on s’ est ingénié à conserver, ici et là, un grand arbre isolé, témoin de la Pr
648 é d’une curiosité rêveuse. Mais soudain le regard est pris par un panneau rutilant sur la droite, puis mitraillé à bout por
649 lui créent enfin des cadres. Quand cette surface sera suffisamment organisée, vers quoi pourra bien se tourner l’effort col
650 les masses elles-mêmes comprendront-elles qu’il n’ est qu’un seul infini véritable : celui que chacun porte en soi, celui de