1 1947, Vivre en Amérique. Avertissement
1 u siècle est sans doute celle de ne point laisser nos moyens matériels de transport distancer la conscience humaine, trop é
2 arrive, et persuadé que l’amitié des deux nations doit se nouer dans l’échange de leurs vérités, après tant de caricatures.
2 1947, Vivre en Amérique. Prologue. Sentiment de l’Amérique
3 non sans plaisir, à cette suppression générale de nos cérémonies, précautions oratoires, méfiances paysannes ou réserves mo
4 is dix ou vingt ans, s’il veut devenir Américain, doit se soumettre au rite suivant : il lui faut tout d’abord quitter le pa
5 à, vont peut-être expliquer l’histoire du siècle, notre histoire réelle. Car celle-ci dépend de deux peuples — l’autre est le
6 éactions intimes et sautes d’humeur vont affecter notre sort matériel, aussi directement que naguère les crises d’un certain
3 1947, Vivre en Amérique. I. Vie politique
7 x. Je crois qu’ils sont bien moins conscients que nous . À quoi rêvent-ils ? À la vie large, toujours plus large devant eux,
8 velle frontière, leur nouveau front, dirait-on de nos jours. Et ce fut l’ère des fortunes, et des cités, et des usines colo
9 ble que provoque la rentrée massive des vétérans, doit cesser de s’isoler et doit littéralement sortir d’elle-même, en vertu
10 massive des vétérans, doit cesser de s’isoler et doit littéralement sortir d’elle-même, en vertu d’une nécessité constituti
11 écessité constitutive. Le rêve américain l’exige. Nous voici loin de nos danseurs de Broadway ? Peut-être, mais tout cela va
12 ve. Le rêve américain l’exige. Nous voici loin de nos danseurs de Broadway ? Peut-être, mais tout cela va dans le même sens
13 de poussée d’impérialisme américain ? Vos rêveurs nous paraissent terriblement pratiques, et parfaitement conscients de leur
14 au sens courant du mot. Je persiste à penser que nous avons, en Europe, quelques motifs de plus de nous en réjouir que de n
15 nous avons, en Europe, quelques motifs de plus de nous en réjouir que de nous en méfier. J’essaierai de suggérer ces motifs
16 quelques motifs de plus de nous en réjouir que de nous en méfier. J’essaierai de suggérer ces motifs au cours des chapitres
17 es motifs au cours des chapitres suivants. Car si nous regardons d’assez près comment fonctionnent l’opinion, les partis, et
18 s partis, et l’administration dans un pays donné, nous finirons bien par sentir si ce pays est sûr de lui ou non, c’est-à-di
19 le soir de l’élection présidentielle. À 9 heures, nous étions deux-cent-mille, à 11 heures, un demi-million. Le tout dans un
20 dio : voilà le problème qui se pose, voilà ce que nous avons fait, voilà ce qui reste à faire. Le président et ses secrétair
21 r les républicains et les démocrates américains à nos radicaux, conservateurs et socialistes. Ni les républicains ni les dé
22 rocessus. À chaque mesure décrétée par Roosevelt, nous voyons le centre fédéral gagner sur les tendances communautaires loca
23 récits de la guerre dans le Pacifique.) Occupons- nous de dangers plus visibles, et de quelques maux véritables. ⁂ Dans un p
24 esprit critique et du jugement. N’importe qui, de nos jours, s’il s’intitule savant, peut faire croire à l’Américain tout c
25 gereuse pour les âmes, que ne sont pour les corps nos luttes exagérées, donc ridicules. ⁂ Ces dangers seront sans doute min
26 leur général des États-Unis écrit de son côté : «  Notre gouvernement est une vaste pétaudière. » Ce fonctionnaire sait à peu
27 ès pour dire comme lui. Car son travail consiste, nous explique-t-il, à maintenir les agences de l’État dans les limites de
28 ettres de protestation, décide que les transports doivent transporter, avant même de faire vivre leurs bureaux, et nomme un tsa
29 puis en avant, et voyons ce que le coming man va nous sortir. S’il réussit, sa gloire sera grande pendant plusieurs semaine
30 que l’on désigne ordinairement une situation dont notre esprit n’arrive pas à se former une image claire et cohérente. (Pour
31 roi, dit-on. Mais ce n’est pas beaucoup dire, de nos jours. Il choisit ses ministres et ses tsars. Mais il doit tenir comp
32 s. Il choisit ses ministres et ses tsars. Mais il doit tenir compte, pour ce choix, de l’équilibre des républicains, des dém
33 trois chefs des syndicats les plus puissants ; il doit tenir compte des pressure groups de Washington ; des agences et burea
34 de du terrain) ; enfin de l’Opinion publique, car nous sommes en démocratie, et il faut bien que cela se marque quelque part
35 euses (quelques milliers) ; si provisoires (elles durent de trois ans à trois mois) ; et de statut si variable (allant du rang
36 à la fatalité incontrôlable des agences. Finirons- nous tous fonctionnaires ? La société entière se transformera-t-elle en un
37 isme américain ? Et maintenant, j’en reviens à notre grande question : faut-il craindre leur impérialisme ? Et tout d’abor
38 nalistes à la manière des Européens ? Car lorsque nous parlons d’impérialisme, nous pensons à une volonté de dominer affirmé
39 opéens ? Car lorsque nous parlons d’impérialisme, nous pensons à une volonté de dominer affirmée par un chef au nom de sa na
40 ue, reine des États-Unis, devienne nationaliste à notre image ? Et qu’elle décrète d’imposer au monde entier la loi yankee ?
41 le. Le phénomène est-il probable ? Et s’il l’est, devons -nous le redouter ? Je répondrai que le phénomène est non seulement pr
42 phénomène est-il probable ? Et s’il l’est, devons- nous le redouter ? Je répondrai que le phénomène est non seulement probabl
43 ement probable, mais en train de s’accomplir sous nos yeux. Pourtant je reste persuadé qu’il ne comporte rien de redoutable
44 soi, à la morale traditionnelle, aux préjugés de notre bourgeoisie, au règlement d’une caste militaire ou aristocratique, au
45 aste militaire ou aristocratique, aux intérêts de notre État, etc., comme lorsqu’on dit dans notre Europe : ce n’est pas fran
46 êts de notre État, etc., comme lorsqu’on dit dans notre Europe : ce n’est pas français, ce n’est pas allemand, ce n’est pas a
47 e refermer sur lui leurs serres. Ils ont envie de nous faire bénéficier de leur style de vie, de leur way of life, parce qu’
48 s de cet impérialisme américain ? J’entends d’ici nos méfiants à moustaches et à cols durs : le commerce américain va nous
49 staches et à cols durs : le commerce américain va nous submerger et détruire nos coutumes d’économie paysanne ; on achètera
50 commerce américain va nous submerger et détruire nos coutumes d’économie paysanne ; on achètera nos âmes avec des frigidai
51 re nos coutumes d’économie paysanne ; on achètera nos âmes avec des frigidaires ; la sottise humanitaire enlisera nos élans
52 des frigidaires ; la sottise humanitaire enlisera nos élans spirituels ; nous serons noyés par une civilisation qui ne resp
53 ttise humanitaire enlisera nos élans spirituels ; nous serons noyés par une civilisation qui ne respecte que la quantité ; l
54 , toutes ces accusations injustes, à mon avis. Si nous vendons nos âmes contre des frigidaires, ce sera notre faute et non p
55 accusations injustes, à mon avis. Si nous vendons nos âmes contre des frigidaires, ce sera notre faute et non pas celle de
56 vendons nos âmes contre des frigidaires, ce sera notre faute et non pas celle de l’industrie américaine, qui aura mis dans u
57 ndustrie américaine, qui aura mis dans un coin de nos cuisines ces appareils où tout respire l’innocence et ronronne l’hygi
58 la glace. De même, le commerce américain ne peut nous submerger qu’au moyen de produits que nous aurons bien voulu acheter 
59 e peut nous submerger qu’au moyen de produits que nous aurons bien voulu acheter ; et si son rythme plus rapide met en péril
60 encore, la « sottise humanitaire » des États-Unis nous a fait moins de mal, semble-t-il, que « l’intelligence » inhumaine de
61 professaient le machiavélisme. De même enfin, si nous sommes un jour noyés par la quantité, ce ne sera pas la faute de la q
62 ute de la quantité, mais bien de l’abaissement de notre qualité. En résumé, ce que l’on nomme en Europe « l’américanisme » n’
63 nterviennent quand les choses vont très mal — par notre faute — et qu’ils vident les lieux en vitesse, comme des intrus, et s
64 mme des intrus, et sans remerciements, dès qu’ils nous ont tirés d’affaire. Eh quoi ! Deux ans pour débarquer ! (C’est-à-dir
65 millions d’hommes.) Eh quoi ! Trois mois déjà que nous sommes libérés, et ils infestent encore nos bars !… C’est là ce que j
66 que nous sommes libérés, et ils infestent encore nos bars !… C’est là ce que j’appellerai l’hypocrisie latine. (Un thème q
67 en aller. Mais aussitôt : ah ! bien sûr, ils vont nous laisser seuls avec toute la charge de l’occupation sur les bras ! Il
68 maladroits, disait-il en souriant, car à force de nous contrecarrer, ils vont nous obliger à faire enfin de la politique étr
69 riant, car à force de nous contrecarrer, ils vont nous obliger à faire enfin de la politique étrangère, dont nous n’avions n
70 ger à faire enfin de la politique étrangère, dont nous n’avions naguère ni le goût ni le besoin… » ⁂ Prise entre ces reproch
4 1947, Vivre en Amérique. II. Vie culturelle et religieuse
71 élection présidentielle. Dans quel autre pays de notre monde du xxe siècle verrait-on un journal de l’importance du New Yor
72 u’un radical. De quoi donc parlait-on ? Qu’allons- nous faire ? ⁂ Ce n’est pas que les journaux américains craignent la discu
73 tre en Amérique avec une belle fiancée. Rabattons- nous à la réalité : il s’agit d’un monsieur bien payé, qui parle plusieurs
74 e inexcusable de la presse du siècle dernier, que nous appelons le roman-feuilleton, et que je vois encore, en pleine périod
75 he de créer un nouvel esprit, un nouveau sens des devoirs civiques de la presse, une école de reportage, un journal type… Je me
76 lairage, aux cravates et au faux vrai luxe ; elle doit tenir compte de tant d’exigences personnelles des stars, collectives
77 st déjà Greta Garbo, symbole d’un âge. Ô Garbo de notre jeunesse, volupté du regard, Reine des neiges, Dame des rêves de l’ad
78 re à l’oreille : — Pouvez-vous céder votre table, nous avons besoin d’une table de deux dans cinq minutes ? Merci. Vous alle
79 lle encore, en robe courte de soie grise, et déjà nous choquons nos petits verres de vodka. On l’a présentée comme « Miss G…
80 robe courte de soie grise, et déjà nous choquons nos petits verres de vodka. On l’a présentée comme « Miss G… » (prononcez
81 ure à causer avec elle, sur un sofa, et plus tard nous avons soupé, assis par terre, dans une foule, mais dos à dos, et voic
82 Comme elle est gaie pour un fantôme… ⁂ Revenons à nos moutons de Hollywood. Je ne vois qu’un homme en Amérique, qui ait su
83 des drames, des ameublements ou des jardins comme nous pouvons en voir sans l’aide d’une caméra, et sur les rythmes habituel
84 ide d’une caméra, et sur les rythmes habituels de notre vie. C’est dire qu’ils oublient ou refusent de prendre avantage des p
85 s vois s’agiter sur l’écran comme des ludions qui nous rendraient visibles les mouvements délirants de l’Inconscient moderne
86 ts déchirants qui, bien avant la dernière guerre, nous donnèrent seuls la sensation du Blitz. Ils sont de notre temps d’une
87 onnèrent seuls la sensation du Blitz. Ils sont de notre temps d’une manière plus profonde que leur auteur, sans doute, n’eût
88 ia à Buenos Aires que j’ai rencontré Walt Disney. Nous l’attendions à déjeuner chez Victoria Ocampo, plutôt déprimés par la
89 e chose qui ne touche à la littérature, telle que nous l’entendons en Europe, que par malentendu, et très rarement. (Je ne c
90 uent. Mais le phénomène américain qui mérite tout notre intérêt d’explorateur reste à n’en pas douter celui du best-seller. P
91 ins pouvaient être observés avant la guerre, chez nous aussi, mais à une échelle qui, vue de New York, paraît exactement mic
92 exactement microscopique.) Or si cette influence doit se produire jamais, il y faudra non seulement beaucoup de temps, mais
93 ts, intelligents et bien organisés, de la part de nos offices de propagande culturelle. Car si le public des « petites revu
94 e le grand public américain sait peu de choses de nos bons écrivains. De la France, il retient quatre ou cinq noms, si disp
95 ez pas la peine d’écrire pour eux, me dit l’un de nos écrivains les plus célèbres en Amérique, vendez-leur une idée et votr
96 uivie. Vous savez bien que le lecteur moyen, chez nous , n’est pas sensible aux artifices de la logique. Ainsi accommodé, vot
97 râce à lui on vous a publié. Car l’editor connaît nos règles, et sachez-le : pour faire paraître dans un grand magazine un
98 d’excuses et de formalités, qui impatienteraient notre public, bien loin de l’amuser ou de piquer son désir de lire plus ava
99 arche. — Acceptons cum grano salis vos essais de nous comprendre par images. Ce n’est pas toujours aussi puéril… — Mais c’e
100 porains. — Toute la question est de savoir ce que nous entendons par agir. Je vois bien que vos reporters sont les meilleurs
101 à fait aussi simple que je l’avais pensé d’abord. Nos habitudes latines — ou peut-être scolaires — nous inclinent à juger b
102 Nos habitudes latines — ou peut-être scolaires — nous inclinent à juger barbare, sans examen, la préoccupation américaine d
103 n retour, l’Américain jugera vaines et vaniteuses nos précautions logiques, nos excuses au lecteur, et notre goût du style
104 ra vaines et vaniteuses nos précautions logiques, nos excuses au lecteur, et notre goût du style cultivé pour lui-même quel
105 précautions logiques, nos excuses au lecteur, et notre goût du style cultivé pour lui-même quel que soit le sujet, l’occasio
106 e l’esprit qui détermine, soit chez eux soit chez nous , non seulement une manière d’écrire mais aussi une manière de vivre,
107 in cherche au contraire à « réaliser » le réel, à nous y enfoncer, et peut-être à s’y perdre. Une description, une énumérati
108 e conclure, c’est-à-dire de juger, ce qui reste à nos yeux l’office propre de l’homme, et finalement son efficacité la moin
109 pas le public. C’est tout le problème du clerc de notre temps, écrivain, doctrinaire politique, ou prédicateur religieux. S’i
110 onale de Pologne. Et cinquante sectes. Approchons- nous de ces églises par l’extérieur : par leur histoire d’abord, puis par
111 cture politique des États-Unis reflète encore, de nos jours, le jeu complexe de ces apports confessionnels, ceux-ci se conf
112 ateur. Une promenade dans Manhattan commencera de nous en convaincre.   On m’avait dit que je verrais à New York de pauvres
113 grégation… Le chœur entonne le cantique : Ô Dieu, notre aide aux temps passés… Le président y joint sa voix. » Puis ce fut la
114 e ailleurs. « Ô Dieu, priait le chapelain, revêts notre président du manteau de l’humilité…, couronne-le des dons les plus sa
115 ne fonction directrice. Elle leur est disputée de nos jours par la science vulgarisée, les commentateurs de radio, l’école
5 1947, Vivre en Amérique. III. Vie privée
116 importance de la sexualité. Tandis qu’en Amérique nous trouvons deux morales également admises, semble-t-il, l’une faite de
117 il, l’une faite de vices et de vertus, comme chez nous , mais l’autre étant un « sport » d’une nature différente — et c’est l
118 que en tant qu’américaine ignore le phénomène que nous nommons passion. J’écrivais dans un livre récent : « Rien de plus rar
119 vis de la passion est peut-être plus saine que la nôtre . En bref, il n’aime point à souffrir, et tient pour perversion ce goû
120 re exaltante et intéressante qui fait le sujet de nos plus beaux romans d’amour. Les obstacles au bonheur des amants, indis
121 orale nouvelle. Les difficultés sentimentales qui nous fascinent et que nous cultivons, sans nous l’avouer, lui font peur et
122 fficultés sentimentales qui nous fascinent et que nous cultivons, sans nous l’avouer, lui font peur et l’éloignent vite de l
123 es qui nous fascinent et que nous cultivons, sans nous l’avouer, lui font peur et l’éloignent vite de l’être ou des circonst
124 amour existait aux États-Unis : non, dit-elle, si nous nous suicidons au lendemain d’une rupture ou d’une trahison, c’est si
125 existait aux États-Unis : non, dit-elle, si nous nous suicidons au lendemain d’une rupture ou d’une trahison, c’est simplem
126 e rupture ou d’une trahison, c’est simplement que nous n’aimons pas à rester seuls. Du matriarcat, du mariage et des « mo
127 ent affair tout autre chose que le business comme nous disons). Le mariage à l’américaine est une institution d’un type nouv
128 libérer la femme des soucis qui l’absorbent chez nous . Il est étrange que nous parlions toujours de leur « matérialisme » à
129 cis qui l’absorbent chez nous. Il est étrange que nous parlions toujours de leur « matérialisme » à ce propos, puisque le bu
130 est d’alléger les tâches matérielles, auxquelles notre littérature prétendument « spiritualiste » rend un culte sentimental 
131 e de la femme manifeste qu’elle sait ce qu’on lui doit . Comme elle est installée dans la vie ! Elle s’y avance avec l’autori
132 ffaires comme ailleurs une efficiency sans égale. Nous sommes donc en présence d’une civilisation qui tend vers le matriarca
133 eur — « cette part de la personnalité du fils qui devait devenir l’amour d’une femme de son âge ». Mom le transmute en sentime
134 ectacle le plus inquiétant du Nouveau Monde : car nous sommes habitués à voir des hommes en masses, à la caserne ou dans une
135 le divorce américain ne saurait être, comme chez nous , la douloureuse rupture d’une longue intimité, celle-ci n’existant pa
136 ruption d’une expérience mal engagée ou négative. Nous pensons, comme toujours, à conserver4, eux à ouvrir. Le divorce est p
137 , à conserver4, eux à ouvrir. Le divorce est pour nous l’enterrement d’un bonheur, pour eux l’acte de naissance d’une vie pl
138 fort coûteuse basée sur un mensonge : l’intéressé doit en effet déclarer devant la Cour son intention bien arrêtée de vivre
139 une seconde fois. Cette éventualité, d’ailleurs, doit être envisagée très sérieusement. Chaque jour dans les courriers mond
140 ué dans la plupart des cas : « Cruauté mentale » ( nous disons : « incompatibilité d’humeur »). Mais on en trouvera d’autres,
141 dans toute sa virulence en Amérique, détermine de nos jours encore les mœurs sexuelles du Nouveau Monde. J’ajouterai qu’ell
142 ence dans le mal et de plaisir au drame qui, chez nous , pervertit la vie sexuelle et l’élève au niveau de la culture. Purita
143 cipé, le jeune Américain semblerait un peu fade à nos romanciers de l’amour. Il reste chaste ou se comporte en animal irres
6 1947, Vivre en Amérique. IV. Conseil à un Français pour vivre en Amérique
144 s, sont en règle générale beaucoup plus jolis que nos villas de macaron ocré, trop hautes et maigres, hérissées de pierres
145 antôt plus négligente, tantôt plus émotive que la nôtre . Si la production industrielle atteint un rythme étourdissant, ce n’e
146 péens. Or s’il existe une différence entre eux et nous , à cet égard, c’est nettement en notre défaveur. Par tradition, éduca
147 ntre eux et nous, à cet égard, c’est nettement en notre défaveur. Par tradition, éducation et situation, l’Américain est l’un
148 r, mais c’est le contraire de l’hypocrisie, et de nos mœurs. Quant à l’attitude américaine vis-à-vis de la question sexuell
149 u au contraire qu’elle est une distraction qui ne doit pas tirer à conséquence. Mais lorsqu’un comité de moralité de Hollywo
150 ilisé de penser que l’un de ces idéaux tout faits doive exclure l’autre. L’élite américaine a su les combiner, peut-être mieu
151 n moyen des États-Unis, il tend de plus en plus à nous considérer comme des gens à qui l’on ne saurait se fier, renfermés, s
152 ilisation et le degré de liberté concrète qu’elle nous ménage. Et je ne sais pas de meilleure méthode pour définir une civil
153 atalogue rapide des standards de l’Américain, que nous supposerons moyen pour l’occasion. Il est vrai que l’homme moyen n’es
154 en n’est qu’une fiction : les romanciers modernes nous l’ont assez montré, c’est leur métier. Mais ils partent de cette fict
155 combattre. Partons-en, par commodité. Et bornons- nous à quelques sujets brûlants. Les impôts. — En France, il est bien vu
156 mais il met son point d’honneur à payer ce qu’il doit , toutes déductions légales ayant été gonflées jusqu’au point d’éclate
157 (Mais c’est un mot très difficile à traduire dans notre coutume.) Je crois qu’à cet égard les jugements moraux de l’Américain
158 d’appartement. — Bien vu en Amérique. Mal vu chez nous . On dit là-bas : il sait ce qu’il veut, et il poursuit son but avec t
159 eurs, qu’il sait reconnaître à temps. On dit chez nous  : il ne sait ce qu’il veut, il essaie un peu tout, il n’arrive pas à
160 nt un homme sur son rythme vital. Sur son avenir. Nous le jugeons sur le bilan de son passé.   Passe-droits. — Les Américai
161 Cessons de faire les malins, et peut-être aurons- nous moins faim l’année prochaine. Car un gouvernement qui se sait obéi en
162 çu. C’est dans ce dernier domaine, peut-être, que nous aurions à rechercher le commun dénominateur de nos deux civilisations
163 us aurions à rechercher le commun dénominateur de nos deux civilisations…   Mais voici la statue de la Liberté, parmi les m
164 conde ne l’effleure pas, tandis qu’elle règne sur notre inconscient, résidu des plus solennelles traditions religieuses de l’
165 l lit le troisième, etc. À l’antiphone succède le Notre Père, puis le chant du Star-Spangled Banner, et enfin le serment au d
166 reste de la journée n’est guère fatigant, et les devoirs à domicile s’expédient en moins d’une demi-heure. Quant aux notes, el
167 ur la suite des hauts faits de Superman. L’enfant doit se contenter des nouvelles politiques, qu’il lit à plat ventre sur le
168 ue se cachait cette fortune qu’un juste sort vous doit et vous tient en réserve. Or vous avez beaucoup moins de chance de la
169 , ni hâbleur. Il est exact et réaliste, exempt de nos complications paysannes, de nos pudeurs d’aristocrates ruinés, de nos
170 aliste, exempt de nos complications paysannes, de nos pudeurs d’aristocrates ruinés, de nos revendications ouvrières et bou
171 ysannes, de nos pudeurs d’aristocrates ruinés, de nos revendications ouvrières et bourgeoises. Si vous ne réussissez pas,
172 ’à la mort. Plus question du savon. Brossez-vous. Nous ne posons pas de question de principe à propos de ce produit utile et
173 fabrication et dans la répartition de l’article, nous étudions ces deux questions, et prenons les mesures nécessaires pour
174 s pour les résoudre, non pas pour qu’on en parle. Notre tendance est de nous en remettre à une agence d’État, qui généralemen
175 on pas pour qu’on en parle. Notre tendance est de nous en remettre à une agence d’État, qui généralement fait le travail à l
176 uisqu’il a reçu ses pouvoirs au moment même où il devrait en faire un usage maximum, de toute urgence. Ainsi le système françai
177 e, et qui ne sait pas où l’on cache les dossiers, doit juger plus sagement en 24 heures que le vieux routier n’avait su le f
178 ire éprouvé de la tradition dite nationale… Et si nous ne sommes pas là pour consentir un prêt, payant la casse, vous parlez
179 onsentir un prêt, payant la casse, vous parlez de notre hypocrisie… Avec tout cela, je me demande bien pourquoi nous adorons
180 isie… Avec tout cela, je me demande bien pourquoi nous adorons la France comme une femme ! Pour sa grâce et pour ses faibles
181 gueur, un certain équilibre élégant et hardi, qui nous en imposent encore… Nous faisons à la France un crédit démesuré, plus
182 re élégant et hardi, qui nous en imposent encore… Nous faisons à la France un crédit démesuré, plus qu’à nul autre pays au m
183 les négociations, comme le fut votre Herriot, que nous respectons. Et cessez de répéter sur notre compte des sottises pittor
184 ot, que nous respectons. Et cessez de répéter sur notre compte des sottises pittoresques ou méprisantes. Nous sommes adultes.
185 compte des sottises pittoresques ou méprisantes. Nous sommes adultes. 16.Comment un Américain moyen voit le monde Que
186 éter, mais aussi en majorité protestantes, ce qui doit rassurer. Ils ont donné nos meilleurs immigrants, ceux qui ont fondé
187 protestantes, ce qui doit rassurer. Ils ont donné nos meilleurs immigrants, ceux qui ont fondé nos vieilles familles. Quels
188 onné nos meilleurs immigrants, ceux qui ont fondé nos vieilles familles. Quels sont les pays qui marchent mal et qui nous c
189 lles. Quels sont les pays qui marchent mal et qui nous créent le plus d’ennuis ? L’Espagne et le Portugal, parce que ce sont
190 sissent matériellement, elles n’achèteront jamais notre respect. L’Europe Centrale et les Balkans, livrés aux Russes, qui les
191 iper, puisque ce sont leurs colonies. L’Allemagne nous plaît mieux que la Pologne : pays de blonds et les noirs sont suspect
192 et les noirs sont suspects, tous les villains de nos films ont les cheveux noirs. De plus l’Allemand est propre et travail
193 re-grand-mère était du Wurtemberg. Les Italiens ? Nous en aurons bientôt autant chez nous qu’il en reste là-bas. Nous aimion
194 Les Italiens ? Nous en aurons bientôt autant chez nous qu’il en reste là-bas. Nous aimions beaucoup La Guardia, que nous bap
195 s bientôt autant chez nous qu’il en reste là-bas. Nous aimions beaucoup La Guardia, que nous baptisions la Fleurette. Nous n
196 ste là-bas. Nous aimions beaucoup La Guardia, que nous baptisions la Fleurette. Nous n’avons jamais admiré Mussolini, comme
197 oup La Guardia, que nous baptisions la Fleurette. Nous n’avons jamais admiré Mussolini, comme l’ont fait les bourgeois d’Eur
198 oujours prêts à se battre. Oui, l’Europe, ce sont nos Balkans. Mais il y a l’Amérique du Sud, il y a les Russes, il y a l’A
199 ont ils font montre, même quand ils viennent chez nous . Cette moitié de moi n’irait peut-être pas jusqu’à demander une guerr
200 mitié de ce grand peuple des plaines qui se met à nous ressembler si curieusement. Nous n’avons guère plus que lui le sens d
201 nes qui se met à nous ressembler si curieusement. Nous n’avons guère plus que lui le sens de la vie privée, nous avons le mê
202 vons guère plus que lui le sens de la vie privée, nous avons le même goût de la production en masse et sans y regarder de tr
203 eries. On dit que c’est la question de l’Asie qui nous sépare. Car en réalité, nous touchons à l’Asie. Nous sommes une puiss
204 estion de l’Asie qui nous sépare. Car en réalité, nous touchons à l’Asie. Nous sommes une puissance maritime, et cela compen
205 s sépare. Car en réalité, nous touchons à l’Asie. Nous sommes une puissance maritime, et cela compense la proximité géograph
206 géographique de la Russie. Pourquoi donc aurions- nous organisé, par les soins de la marine de guerre, et comme pour démontr
207 lair avertissement aux Russes. La Chine est un de nos grands marchés, le Japon un de nos gros clients. C’est là que les cho
208 hine est un de nos grands marchés, le Japon un de nos gros clients. C’est là que les choses pourraient se gâter… Quant à no
209 st là que les choses pourraient se gâter… Quant à nos bons voisins « Latins », je ne sais pourquoi, chaque fois que nous le
210 « Latins », je ne sais pourquoi, chaque fois que nous leur serrons la main, ils pincent les lèvres, comme, si l’on venait d
211 ne belle énergie et beaucoup moins de naïveté que nous ne le pensons, ils embrassent mieux que nous la confusion du siècle,
212 que nous ne le pensons, ils embrassent mieux que nous la confusion du siècle, ils y sont installés carrément, et ils l’expl
213 ce active dans une culture. Les meilleurs d’entre nous les ont encore, tandis que les masses, chez eux les fuient, et que le
214 urs élites ne s’en approchent qu’en hésitant. Ils nous sont supérieurs à tant d’autres égards ; saurons-nous garder au moins
215 sont supérieurs à tant d’autres égards ; saurons- nous garder au moins cela ? Le goût de la complexité. La tendance général
216 ve à la réussite est le signe d’une vue bornée de notre condition humaine, de même que le goût des formes parfaitement arrond
217 qui a l’air gothique quand plus rien ne l’est en nous ni autour d’elle. Un peuple, s’il éduque son sens des formes, cesse d
218 t. Sachez que les Américains ont beaucoup mieux à nous donner que des frigidaires, des capitaux et des avions. Ils ont libér
219 aires, des capitaux et des avions. Ils ont libéré nos villages. Libérons-nous à leur contact, à leur exemple, de l’esprit v
220 des avions. Ils ont libéré nos villages. Libérons- nous à leur contact, à leur exemple, de l’esprit villageois. Apprenons d’e
221 urer le vaincu. Apprenons d’eux à tenir parole, à nous laver, à boire du lait, à être à l’heure, à ne pas couper les files p
222 elles sont raisonnables, à faire crédit, à payer nos impôts, à exiger des fonctionnaires décents, à trouver les gens drôle
223 utôt que ridicules s’ils ont d’autres allures que nous . Apprenons d’eux la valeur créatrice d’un certain gaspillage lyrique,
224 e lyrique, dans tous les domaines de la vie ; car notre économie minutieuse des moyens, surestimée par l’École et l’État, et
225 , à tous risques, d’un idéal même imparfait ; car notre rigorisme intellectuel masque souvent des lâchetés de frileux. Enfin,
226 souci d’être dignes non seulement d’un passé qui nous a faits, mais surtout d’un avenir qu’il dépend de nous de faire. Cett
227 a faits, mais surtout d’un avenir qu’il dépend de nous de faire. Cette attitude détient le secret de la liberté. Car il n’es
7 1947, Vivre en Amérique. Épilogue. La route américaine
228 rd des pneus qui mordent le béton. En cinq heures nous aurons couvert les 400 kilomètres qui séparent le centre de New York