1
e se ramène un beau jour à la première, dont elle
serait
un cas particulier. Les vrais mythes sont universels. L’histoire de C
2
elle serait un cas particulier. Les vrais mythes
sont
universels. L’histoire de Cendrillon peut être retrouvée chez les peu
3
es sont universels. L’histoire de Cendrillon peut
être
retrouvée chez les peuples les plus divers de tous les temps. (On en
4
s d’où remontent aux moments décisifs, quand nous
sommes
comme on dit remis en jeu, les archétypes de nos émotions les plus si
5
à tel verset de l’Évangile du jour, dont l’usage
est
alors mythique, au sens où je l’entends ici. Il m’a semblé que le rap
6
nt de ces trois mots : mythe, événement, réalité,
était
de nature à orienter le lecteur mieux qu’un discours d’apparence méth
7
aurait eu le tort, au seuil de cet ouvrage, de n’
être
pas lui-même fabuleux.
8
ssez grave. Une question qui signifie, en somme :
êtes
-vous un être capable d’aimer, ou seulement une apparence adorable ? V
9
ne question qui signifie, en somme : êtes-vous un
être
capable d’aimer, ou seulement une apparence adorable ? Voici ma quest
10
-vous la pluie ou le beau temps ? Sonnette. Vous
êtes
drôle. C’est moi qui fais la pluie et le beau temps ! Lord Artur. Ce
11
t le beau temps ! Lord Artur. Certes, la réponse
serait
sage, si seulement vous saviez ce que vous dites. Mais, en vérité, qu
12
signifient pour vous le beau temps et la pluie ?
Est
-ce que c’est rire et pleurer ? Est-ce que c’est le bonheur et la tris
13
et la pluie ? Est-ce que c’est rire et pleurer ?
Est
-ce que c’est le bonheur et la tristesse ? Est-ce que vous préférez l’
14
r ? Est-ce que c’est le bonheur et la tristesse ?
Est
-ce que vous préférez l’un à l’autre ? Sonnette. Comme vous êtes un p
15
s préférez l’un à l’autre ? Sonnette. Comme vous
êtes
un profond pédant, dans cinq minutes je ne saurai plus voir s’il fait
16
le bonheur ou la tristesse. Vous ne savez pas où
est
votre bien. Et c’est pourquoi les mots vous paraissent simples, évide
17
indifférents. Vous admettez que le « beau » temps
est
le contraire du « mauvais » temps, et vous n’avez jamais cherché ce q
18
temps, et vous n’avez jamais cherché ce que doit
être
le « bon » temps, ni si les tempêtes sont « belles ». Et vous pensez
19
ue doit être le « bon » temps, ni si les tempêtes
sont
« belles ». Et vous pensez encore que le bonheur peut exister en deho
20
ster en dehors de notre souffrance, ou même qu’il
est
le contraire de la souffrance, petite fille ! Et vos rêves composent
21
ttes vernies, quand il pleut ? Sonnette. Quand j’
étais
petite fille, j’aimais me promener à la lisière des forêts, les jambe
22
es forêts, les jambes nues sous la pluie. L’herbe
était
pleine de limaces et de petits escargots, et les framboises humides a
23
. Lord Artur. On dit souvent des femmes qu’elles
sont
naturellement païennes. Mais les peuples païens sont toujours religie
24
t naturellement païennes. Mais les peuples païens
sont
toujours religieux, alors que les femmes de ce temps sont seulement s
25
jours religieux, alors que les femmes de ce temps
sont
seulement sournoises. Sonnette. Lord Artur, vous m’amusez beaucoup.
26
tur, vous m’amusez beaucoup. Vraiment, vous devez
être
jaloux, ce soir. Quand vous cédez à votre manie de remuer des métaphy
27
ore un peu, vous finirez par démontrer qu’il faut
être
chrétien pour parler sagement de la pluie et du beau temps. Lord Art
28
d Artur. J’ai toujours estimé, Sonnette, que vous
étiez
extrêmement intelligente. Je regrette profondément que vous n’ayez pa
29
pas plus de sens qu’un oiseau. Sonnette, si vous
étiez
païenne ou si vous étiez chrétienne, vous sauriez ce que c’est que le
30
iseau. Sonnette, si vous étiez païenne ou si vous
étiez
chrétienne, vous sauriez ce que c’est que le beau temps. Si vous étie
31
s sauriez ce que c’est que le beau temps. Si vous
étiez
païenne et que vous adoriez la lumière, le beau temps vous serait un
32
t que vous adoriez la lumière, le beau temps vous
serait
un dieu rendu visible et le « bonheur » serait le nom de sa présence.
33
us serait un dieu rendu visible et le « bonheur »
serait
le nom de sa présence. Mais un jour, la lumière est morte autour de n
34
t le nom de sa présence. Mais un jour, la lumière
est
morte autour de nous, elle est morte à la surface des choses pour ren
35
n jour, la lumière est morte autour de nous, elle
est
morte à la surface des choses pour renaître au centre de l’homme. Et
36
ui dans le même temps se passe à l’intérieur d’un
être
. Ainsi tout est changé, mais peu le savent. Peu savent le chemin qui
37
emps se passe à l’intérieur d’un être. Ainsi tout
est
changé, mais peu le savent. Peu savent le chemin qui va du signe à l’
38
savent. Peu savent le chemin qui va du signe à l’
être
, le chemin de l’incarnation. Longues pluies de printemps sur la campa
39
s ? Lord Artur. … le beau mot : courtisane… Ce n’
est
pas qu’elle soit belle, peut-être, mais qu’elle pleure, qui me réchau
40
… le beau mot : courtisane… Ce n’est pas qu’elle
soit
belle, peut-être, mais qu’elle pleure, qui me réchauffe. Parce qu’ell
41
u’elle pleure, qui me réchauffe. Parce qu’elle se
tient
là, vêtue de son péché — comme une courtisane. Mais vous n’êtes qu’un
42
de son péché — comme une courtisane. Mais vous n’
êtes
qu’une petite fille.
43
t ses écailles oculaires de critique d’art : Ça n’
est
pas étonnant que votre Léda en soit réduite à se faire aimer par son
44
e d’art : Ça n’est pas étonnant que votre Léda en
soit
réduite à se faire aimer par son cygne. Quel homme voudrait d’une fem
45
Léda, après tout, c’est une femme au cygne. Elle
est
faite pour lui. Je n’en dirais pas autant d’Ellen. Pas faite pour un
46
Mais je pensais, en les voyant ensemble : ma Léda
est
bien plus « morale » en embrassant son cygne que beaucoup de femmes e
47
en parlant de votre Léda comme si elle n’eût pas
été
dans un cadre, et que vous vous trompez pareillement en parlant de le
48
pareillement en parlant de leur couple comme s’il
était
un tableau. Le peintre. Bien ! Dois-je en déduire qu’il existe une m
49
ais pas à vous voir faire. Le mari. Aussi bien n’
est
-elle pas dans mon esprit, mais dans le vôtre. S’il existe une morale
50
thétique — naturelle, je suppose que son principe
est
unique. Mais il porte en lui-même toute la diversité du monde. Car la
51
r la morale concerne la façon d’exister de chaque
être
, et non sa classification, l’homme de chair et non pas son concept.
52
açon d’exister particulière et concrète de chaque
être
, une morale qui non seulement tienne compte de cette façon d’exister,
53
! Revenons à notre Léda. J’essaie de voir. Quelle
est
, selon vous, sa façon d’exister particulière et concrète ? Quel est s
54
a façon d’exister particulière et concrète ? Quel
est
son risque ? Le mari. Vous avez répondu vous-même à la première ques
55
z répondu vous-même à la première question : Léda
est
faite pour le cygne, elle n’existe que par rapport au cygne. C’est là
56
sa morale, son esthétique et son existence. Elle
est
dans le tableau, elle ne peut en sortir, elle ne peut pas se déplier
57
eut donc la juger. Le peintre. Juger ! Tout cela
est
bel et bon, mais si l’esthétique et la morale ne sont qu’une seule et
58
bel et bon, mais si l’esthétique et la morale ne
sont
qu’une seule et même réalité, je sais bien ce que ça signifie ! Le m
59
endra ou ça ne se vendra pas. Notez que ce risque
tient
à la bêtise du public, ce n’est pas un problème esthétique. Le mari.
60
z que ce risque tient à la bêtise du public, ce n’
est
pas un problème esthétique. Le mari. Bien, calmez-vous, nous sommes
61
ème esthétique. Le mari. Bien, calmez-vous, nous
sommes
d’accord. Maintenant, si vous m’écoutez, il n’y aura plus de malenten
62
lieu où vous créez vous-même vos mesures, où vous
êtes
à la fois le créateur et le juge de vos difficultés ou de vos succès,
63
juge de vos difficultés ou de vos succès, ou vous
êtes
votre vérité, index sui et falsi… Ainsi vous existez vraiment et vous
64
i et falsi… Ainsi vous existez vraiment et vous n’
êtes
justiciable d’aucune règle extérieure à votre action. Je dirai plus.
65
e du tableau, afin de la laisser agir en lui, qui
est
la laisser entrer avec lui-même dans un rapport vivant, et donc impré
66
imprévisible. Naturellement ce rapport à son tour
est
un risque. Et alors, mais alors seulement, le jugement peut interveni
67
ais alors seulement, le jugement peut intervenir.
Est
-il moral ou esthétique ? Il est réel. Il intervient en vertu d’une ré
68
peut intervenir. Est-il moral ou esthétique ? Il
est
réel. Il intervient en vertu d’une réalité qui n’est ni dans le table
69
réel. Il intervient en vertu d’une réalité qui n’
est
ni dans le tableau ni dans mon œil, ni même précisément dans leur ren
70
m’avez suivi, vous devez voir que cette réalité n’
est
pas quelque modèle académique ni un canon universel… Le peintre. Je
71
i un canon universel… Le peintre. Je vois : ce n’
est
pas une carte postale. Pour moi, je vous l’ai dit, tout ce qui est ac
72
postale. Pour moi, je vous l’ai dit, tout ce qui
est
académique se rapporte plus ou moins à une carte postale. Notre criti
73
moins à une carte postale. Notre critique d’hier,
tenez
, nul besoin de gratter beaucoup pour trouver la carte postale au fond
74
Trois ! Pourquoi dites-vous d’une femme : « Elle
est
jolie » ?…D’une femme comme Ellen, par exemple, d’une femme qui n’est
75
femme comme Ellen, par exemple, d’une femme qui n’
est
pas la vôtre, en aucune manière… Le peintre, après un moment de réfl
76
me on dit ? Son « type de femme » ? D’ailleurs ce
sont
les peintres qui créent ces types. Rubens ou Renoir, Ingres, que sais
77
e vous les avez illustrées vous-même ! Elles n’en
sont
pas moins des cartes postales, « en couleur ». Et vous jugez à partir
78
aise humeur, s’ils ont du caractère ; ou s’ils en
sont
privés, dans la confusion permanente et la dégradation de tous leurs
79
’ignore en tant que sujet. Il croit que la beauté
est
réellement dans le corps qu’il considère, et qui lui offre, ou lui re
80
la souffrance des hommes-à-la-carte-postale. Elle
est
inconsciente aussi, naturellement, mais non point sans effets. Chez l
81
parce qu’il l’a complètement brouillée et qu’il s’
est
habitué à ce qu’il a, renonçant à toute exigence ? Le mari. Je vous
82
nt d’une façon absurde. Et comment pourrait-il en
être
autrement ? Ils persistent à juger de toutes les femmes, de toutes le
83
’art, que l’idéal n’existe pas, que le beau idéal
est
une farce, que la beauté enfin n’est pas une image mais un acte, et u
84
e beau idéal est une farce, que la beauté enfin n’
est
pas une image mais un acte, et un acte spirituel. N’allez pas même le
85
moyens le poitrail affligeant de Mme Dupont. Vous
seriez
dénoncé, on sourirait avec aigreur à votre approche, peut-être même v
86
nt pas de quoi vous leur parlez. L’homme du bourg
est
ainsi fait : tout ce qu’il ne comprend pas lui paraît attenter par qu
87
e voie secrète à la sécurité de son état. Mais il
est
trop facile de les railler, c’est déprimant, on tape dans le vide. Je
88
s sur la relativité de la beauté physique, et qui
est
cependant l’époux d’une jolie femme, permettez-moi de le dire… Le ma
89
ets pas. Je ne le permets à personne ! Ma femme n’
est
pas jolie ! Elle n’est pas non plus laide ! Elle n’est pas non plus i
90
ts à personne ! Ma femme n’est pas jolie ! Elle n’
est
pas non plus laide ! Elle n’est pas non plus indifférente ! Simplemen
91
as jolie ! Elle n’est pas non plus laide ! Elle n’
est
pas non plus indifférente ! Simplement, je ne puis souffrir que vous
92
, je ne puis souffrir que vous disiez quoi que ce
soit
sur sa beauté. Je vous le répète : la beauté n’est pas le fait d’une
93
it sur sa beauté. Je vous le répète : la beauté n’
est
pas le fait d’une image ou d’une comparaison d’images, mais d’un acte
94
rit, d’un acte tout à fait personnel. La beauté n’
est
jamais donnée hors d’une situation totale, du rapport d’un je à un to
95
concrète. Si vous ne m’avez pas compris, je vais
être
obligé de vous considérer à mon tour comme dangereux, insensé et sans
96
mme dangereux, insensé et sans pudeur. Car vous n’
êtes
pas de ceux qui renoncent. Vous êtes tout à fait moderne. Les barrièr
97
. Car vous n’êtes pas de ceux qui renoncent. Vous
êtes
tout à fait moderne. Les barrières sont faites pour que vous sautiez
98
ent. Vous êtes tout à fait moderne. Les barrières
sont
faites pour que vous sautiez par-dessus. Le peintre. Et vos théories
99
sautiez par-dessus. Le peintre. Et vos théories
sont
faites pour vous rendre la vie impossible ! Le mari. C’est peut-être
100
le ! Le mari. C’est peut-être la preuve qu’elles
sont
vraies, qu’elles rendent possible la grandeur, alors que notre vie n’
101
ndent possible la grandeur, alors que notre vie n’
est
qu’une confusion. Oui, je vous le demande maintenant, quelle est cett
102
usion. Oui, je vous le demande maintenant, quelle
est
cette façon de séparer un mari de sa femme ? Où prenez-vous le droit
103
ien allez-vous soutenir que la beauté d’un couple
est
simplement la somme des deux beautés unies pour le former ? Ce serait
104
somme des deux beautés unies pour le former ? Ce
serait
déraisonner. Non, la beauté d’un couple est un acte, comme le mariage
105
Ce serait déraisonner. Non, la beauté d’un couple
est
un acte, comme le mariage ; elle est absolument d’une autre essence q
106
d’un couple est un acte, comme le mariage ; elle
est
absolument d’une autre essence que la beauté de l’homme seul et de la
107
is voilà ce qui se passe entre nous, voilà ce qui
est
réel et unique entre nous : quand je regarde ma femme et quand je l’a
108
aime, c’est-à-dire quand je la comprends dans son
être
et dans son existence, je me sens tout entier orienté vers une réalit
109
mple et plus urgente, plus réelle. Cette beauté n’
est
pas dans le visage de ma femme ; pourtant, sans ce visage, je ne la c
110
e visage, je ne la concevrais pas. Cette beauté n’
est
pas en moi, et pourtant si j’étais différent, elle n’existerait pas p
111
. Cette beauté n’est pas en moi, et pourtant si j’
étais
différent, elle n’existerait pas pour moi. Elle nous dépasse et elle
112
Elle nous dépasse et elle a besoin de nous. Elle
est
tout autre que ce que nous sommes ensemble, mais nous ne pouvons y ac
113
soin de nous. Elle est tout autre que ce que nous
sommes
ensemble, mais nous ne pouvons y accéder qu’ensemble. Elle n’est pas
114
ais nous ne pouvons y accéder qu’ensemble. Elle n’
est
pas notre union, mais seule notre union nous l’indique, nous la désig
115
-même, et nous ordonne à sa Réalité. Et s’il n’en
était
pas ainsi, serions-nous véritablement mariés ? 1. Le peintre fait i
116
donne à sa Réalité. Et s’il n’en était pas ainsi,
serions
-nous véritablement mariés ? 1. Le peintre fait ici allusion à une c
117
nversation au cours de laquelle le mari et lui se
sont
mis d’accord sur ce point : que la morale et l’esthétique ne sont pas
118
d sur ce point : que la morale et l’esthétique ne
sont
pas deux réalités opposables, et qu’au sens plein de ces deux mots, o
119
s : The Man of Distinction, l’homme distingué. Je
suis
venu solliciter l’honneur de vous photographier pour cette série. X.
120
euil, croiser les jambes, regarder l’objectif, et
tenir
à la main un grand verre de whiskey ? L’agent. Précisément… Veuillez
121
sément… Veuillez me permettre… Ces six bouteilles
sont
un présent de notre maison. Il y a longtemps que nous désirions vous
122
pour nous. Un coup d’œil va vous assurer que vous
êtes
en bonne compagnie. X. Vous publiez donc ces portraits pour la publi
123
tout le monde adopte votre marque. Elle cessera d’
être
une marque de distinction. Vous serez perdu. L’agent. Pas du tout. S
124
le cessera d’être une marque de distinction. Vous
serez
perdu. L’agent. Pas du tout. Si ce jour béni arrive jamais, nous cha
125
ngerons simplement de slogan. Au lieu de dire : «
Soyez
distingué, buvez le Nelson », nous dirons : « Faites comme tout le mo
126
aites comme tout le monde, buvez le Nelson. » Tel
est
notre art, et je me fais fort de vous en faire bénéficier bon gré mal
127
gré mal gré. X. Ainsi vos hommes de distinction
seront
devenus des hommes de la vulgarité, des cartes postales en couleurs m
128
u’ici avec bonne grâce, et d’ailleurs le danger n’
est
pas grand. Prenez le vieil empereur d’Autriche, François-Joseph : tou
129
tement distingué. X. On affirme, en effet, qu’il
était
fort poli. La politesse est la seule qualité que je connaisse qui ren
130
me, en effet, qu’il était fort poli. La politesse
est
la seule qualité que je connaisse qui rende un homme à la fois distin
131
distingué et conforme au modèle admis. Encore ne
suis
-je pas sûr du second point. Car la conformité aux bons modèles relève
132
tion et surtout du courage, dont le premier degré
est
la maîtrise de soi. C’est en somme le début de l’héroïsme… À propos,
133
ngués, avez-vous aussi des héros ? L’agent. Nous
sommes
fiers d’avoir pris les portraits du fameux amiral Grandisson et du gé
134
andisson et du général MacAlfred. Mais comme nous
sommes
dans un pays démocratique, nous avons aussi pris quelques GI tout cou
135
s. C’était encore une contradiction. Car le héros
est
l’homme du grand courage, mais le plus grand courage cesse aussitôt d
136
e, mais le plus grand courage cesse aussitôt de l’
être
s’il est officiellement prescrit. J’ajoute qu’il est rarement bien vu
137
plus grand courage cesse aussitôt de l’être s’il
est
officiellement prescrit. J’ajoute qu’il est rarement bien vu. Peut-êt
138
s’il est officiellement prescrit. J’ajoute qu’il
est
rarement bien vu. Peut-être même faut-il aller plus loin, et déclarer
139
e même faut-il aller plus loin, et déclarer qu’il
est
de son essence d’être mal vu. Ou pire encore, de n’être jamais vu du
140
plus loin, et déclarer qu’il est de son essence d’
être
mal vu. Ou pire encore, de n’être jamais vu du tout, étant toujours u
141
e son essence d’être mal vu. Ou pire encore, de n’
être
jamais vu du tout, étant toujours unique, incomparable, et très secre
142
vu. Ou pire encore, de n’être jamais vu du tout,
étant
toujours unique, incomparable, et très secret dans ses motivations, p
143
rtainement s’il recourait à un modèle déjà connu,
fût
-ce le plus grand. L’agent. Je vois que vous êtes un amateur de parad
144
fût-ce le plus grand. L’agent. Je vois que vous
êtes
un amateur de paradoxes. Quel est selon vous le héros de l’époque ?
145
vois que vous êtes un amateur de paradoxes. Quel
est
selon vous le héros de l’époque ? X. Quelqu’un, Monsieur, dont vous
146
que des têtes de série, tandis que le héros vrai
serait
inimitable, hors série par définition, sans précédent et sans avenir,
147
e qu’il aurait lui-même produite. S’il existe, il
est
l’homme qui ne ressemble à rien, par conséquent l’homme invisible en
148
-dire remarqué justement pour quelque trait qui n’
est
pas lui et qui détourne l’attention. C’est peut-être celui qui n’a pa
149
lutôt d’un raté ou d’un orgueilleux qui refuse de
tenir
son rôle social. Si le héros n’est pas glorieux, qui le sera ? L’atte
150
ui refuse de tenir son rôle social. Si le héros n’
est
pas glorieux, qui le sera ? L’attente des masses sera trompée, nous s
151
le social. Si le héros n’est pas glorieux, qui le
sera
? L’attente des masses sera trompée, nous savons bien qu’elles ont be
152
pas glorieux, qui le sera ? L’attente des masses
sera
trompée, nous savons bien qu’elles ont besoin d’admiration. Et à mon
153
oute que c’est lui probablement qui aura le mieux
tenu
son rôle social. L’agent. Avouez que votre idée du héros manque tota
154
e nommerai plus simplement le Méconnu, vous devez
être
assez malheureux ? X. Attaque trop simple, et je garde le point. Tou
155
éconnu dans son dessein profond, à moins qu’il ne
soit
très vulgaire et ne tire vanité d’une gloire usurpée, plaquée sur lui
156
pas d’opposition, ni de difficulté sérieuse. Si j’
étais
philosophe ou prêtre, j’essaierais de convaincre le public que le vra
157
le vrai bonheur se trouve dans le salut. Le tour
serait
joué. X. Mais ceux qui vous croiraient seraient peut-être perdus, et
158
ur serait joué. X. Mais ceux qui vous croiraient
seraient
peut-être perdus, et en tous cas seraient eux-mêmes joués… Je vois qu
159
iraient seraient peut-être perdus, et en tous cas
seraient
eux-mêmes joués… Je vois que vous ne me comprenez pas. Je vous donner
160
ux, l’autre jour, me demandait son adresse. Je me
suis
fait un plaisir de la donner. C’est une pierre plate dans un cimetièr
161
croyait pas non plus que ce courage personnel pût
être
enseigné à une masse par la presse, la radio et la publicité, tant et
162
itent qui dit non dans son coin, avec passion. Il
était
tellement « distingué » qu’on affirme qu’il en est mort. On ne peut d
163
it tellement « distingué » qu’on affirme qu’il en
est
mort. On ne peut donc plus l’interviewer, voilà sa chance. Car tel qu
164
pour qu’il explique aux masses sa grande idée qui
est
que rien d’important ne peut être dit aux masses. Et le programme du
165
grande idée qui est que rien d’important ne peut
être
dit aux masses. Et le programme du Solitaire à la radio serait écouté
166
x masses. Et le programme du Solitaire à la radio
serait
écouté chaque dimanche par quarante millions de personnes avides de f
167
ême d’une ironie désespérée : « Faites comme moi,
soyez
tous l’Exception ! » L’agent. Quelle merveilleuse idée d’article ! J
168
erveilleuse idée d’article ! Je sens que la photo
sera
bonne, nous l’avons prise pendant que vous parliez de votre sujet pré
169
ant que vous parliez de votre sujet préféré. Vous
étiez
animé, dynamique, tout à fait informal — ce sera parfait ! X., ivre
170
étiez animé, dynamique, tout à fait informal — ce
sera
parfait ! X., ivre d’une rage subite, saisit une bouteille de whiske
171
our sortir.) Attendez un instant, je crois que je
tiens
mon titre : Le Héros de l’Incognito ! X. fait un geste vers la secon
172
un geste vers la seconde bouteille, mais l’agent
est
déjà sorti. Il ne lui reste plus qu’à boire, pour oublier.
173
e Ars prophetica ou D’un langage qui ne veut pas
être
clair Un critique. J’ai lu vos trois dialogues sur la Carte Posta
174
ur la Carte Postale, je les aime bien… Enfin il n’
est
pas exact que je les aime bien. Ils m’irritent et m’agacent. Mais je
175
es oublie pas. L’auteur. La mémoire des offenses
est
la plus sûre. Il me semble parfois qu’il n’est pas de louange préféra
176
es est la plus sûre. Il me semble parfois qu’il n’
est
pas de louange préférable à celle-ci : qu’on me fasse grief de mes éc
177
i me gênait, je crois, c’est qu’à mon sens vous n’
êtes
pas encore assez clair. L’auteur. Et pourquoi, je vous prie, être cl
178
ssez clair. L’auteur. Et pourquoi, je vous prie,
être
clair ? Vous n’allez pas me dire que c’est la bonne manière de se fai
179
e se faire comprendre ? Le critique. On voudrait
être
sûr que vous vous comprenez assez. L’auteur. Assez pour quoi ? Le c
180
eur. Assez pour quoi ? Le critique. Assez pour n’
être
point la dupe de vos phrases. Écrire, et surtout en français, ce n’es
181
vos phrases. Écrire, et surtout en français, ce n’
est
pas jouer du violon. Tout d’un coup vous le prenez à double corde, et
182
un peu trop tôt, qui nous surprend… L’auteur. N’
est
-ce pas toujours ainsi ? Je veux dire : tout écrivain n’est-il pas d’a
183
s toujours ainsi ? Je veux dire : tout écrivain n’
est
-il pas d’abord séduit, ou au contraire vexé par ses images ou ses idé
184
entrées. Il faudrait nous persuader que vos goûts
sont
bien des raisons, et que ces raisons sont les nôtres. Ou bien vous fa
185
s goûts sont bien des raisons, et que ces raisons
sont
les nôtres. Ou bien vous faites de la poésie, et alors vous jouez sur
186
deux précédents dialogues. Le critique. Du moins
serez
-vous en garde contre votre obscurité ? L’auteur. C’est justement ce
187
ne davantage qu’une feinte aimable. Au reste nous
sommes
entre nous et vous n’abuserez pas de mes aveux… D’autant qu’ils seron
188
vous n’abuserez pas de mes aveux… D’autant qu’ils
seront
probablement exagérés. Le critique. Que de précautions ! Vous êtes e
189
exagérés. Le critique. Que de précautions ! Vous
êtes
en train d’imiter ce héros de je ne sais quel album de Tœpffer, qui f
190
qui feint de feindre afin de mieux dissimuler. Qu’
est
-ce qu’être clair, à votre avis ? L’auteur. Dès que l’on pose cette q
191
de feindre afin de mieux dissimuler. Qu’est-ce qu’
être
clair, à votre avis ? L’auteur. Dès que l’on pose cette question, il
192
amné à des réponses ou plates ou mystérieuses. Ne
serait
-ce pas que la clarté n’est qu’une convention de langage ? J’entends :
193
ou mystérieuses. Ne serait-ce pas que la clarté n’
est
qu’une convention de langage ? J’entends : un mot de passe de la trib
194
ique. Hé quoi ! vous savez que tout notre langage
est
un système conventionnel ! L’auteur. Notre langage courant sans aucu
195
le souci de contrôler ses conventions. Mais ce n’
est
pas là le seul mode d’expression possible. Le critique. Précisément
196
ons, si vous le voulez, sur le plan du langage. N’
est
-ce pas la cohérence des raisons et à la fois l’exact ajustement de ce
197
hode du discours. La fin dernière d’un discours n’
est
autre que la cohérence, la vérité elle-même s’y trouvant ordonnée à l
198
dit, le discours cartésien n’a pas de fin qui lui
soit
transcendante. Il part de ce qu’il suppose clair et facile, et sa mar
199
de ce qu’il suppose clair et facile, et sa marche
est
une déduction. La convention d’un tel langage, c’est que tout est don
200
n. La convention d’un tel langage, c’est que tout
est
donné au départ, et qu’il s’agit de ne rien introduire dans la chaîne
201
introduire dans la chaîne des arguments qui n’ait
été
d’abord jaugé, chiffré, et défini en termes simples. À mon tour de me
202
nne. Car enfin où prend-on dans le monde rien qui
soit
« clair, simple et facile » en soi ? Le monde dans lequel nous vivons
203
i ? Le monde dans lequel nous vivons et parlons n’
est
-il pas, comme l’a dit un Russe, « le monde de l’imprécis et du non-ré
204
d’une raison sans parti pris à ce monde tel qu’il
est
donné, n’a-t-elle pas pour effet immédiat de multiplier le mystère et
205
au choix de ces données dites premières. Encore n’
est
-il pas très exact de recourir ici à l’expression d’arrière-pensée. C’
206
ère-image » qu’il faudrait dire. Le critique. Ne
serait
-il pas trop cartésien de vous demander de préciser ? L’auteur. J’ess
207
par un exemple. La méthode inventée par Descartes
est
donc devenue celle de la science. C’est elle dont usent nos physicien
208
aduisant les résultats acquis. Or ces phrases ont
été
choisies par le savant en vertu d’une double exigence : d’une part el
209
formule mathématique ; d’autre part, et voilà qui
est
remarquable, il est sous-entendu qu’elles correspondent au langage du
210
; d’autre part, et voilà qui est remarquable, il
est
sous-entendu qu’elles correspondent au langage du sens commun, aux im
211
ur les propriétés de la matière. Et ce discours n’
est
qu’un certain système d’images. S’il se distingue du parler quotidien
212
ge, vidées de leurs sens particuliers. Ce procédé
est
sans danger quand il est appliqué par les savants, la science légale
213
particuliers. Ce procédé est sans danger quand il
est
appliqué par les savants, la science légale n’étant, c’est entendu, q
214
est appliqué par les savants, la science légale n’
étant
, c’est entendu, qu’une manière de parler du réel, et sans cesse corri
215
prétendent partir de vérités élémentaires qui ne
sont
autres que des abstractions opérées sur nos formes de langage. Je vou
216
le tout, quand la fin nous échappent ! Comme s’il
était
licite, et même possible, de partir de certains éléments et de les dé
217
thodiquement l’ensemble dont ils dépendent et qui
est
leur seule mesure. Le critique. J’avoue que je vous suivrais mieux s
218
n de l’esprit : c’est une maxime populaire. On la
tient
pour tellement évidente que son rappel, au cours d’une discussion, fi
219
vant cet autre exploit : poser que le plus simple
est
aussi le plus proche, et qu’il faut commencer par là. C’est sans dout
220
lle absurdité, la magnifique carte postale ! S’il
est
une chose que l’expérience humaine me paraît avoir établie — je dirai
221
e davantage aux développements d’une pensée qui m’
est
curieusement étrangère. Vous parliez d’une vision totale ?… L’auteur
222
chemin parcouru : elle ignore tout de son but et
tiendrait
même pour une prévention fâcheuse la croyance que ce but existe en to
223
’est presque le contraire. Voilà : je sais que je
suis
dans la nuit. Je ne puis marcher que dans la confusion. Mais, si je m
224
ne peut la comprendre qu’à partir de son but. Il
est
très juste qu’elle paraisse absurde à l’observateur raisonnable. Le
225
e. Le propre d’une vision pareille, c’est qu’elle
est
incommuniquable, j’imagine ? L’auteur. Il vaut mieux dire indescript
226
uteur. Il vaut mieux dire indescriptible, et cela
tient
à sa vérité même, je veux dire à sa plénitude instantanée qui découra
227
urquoi le langage de la vision ou de la foi, s’il
était
pur, serait absolument inexplicable, et évident. Il n’y aurait plus q
228
angage de la vision ou de la foi, s’il était pur,
serait
absolument inexplicable, et évident. Il n’y aurait plus qu’à méditer
229
et pourtant exclusifs l’un de l’autre. Le premier
serait
la loi scientifique. Ses conventions sont la clarté et l’absence de c
230
emier serait la loi scientifique. Ses conventions
sont
la clarté et l’absence de contradiction. La seconde forme d’expressio
231
contradiction. La seconde forme d’expression, ce
serait
celle dont j’essayais de vous faire pressentir la limite, en parlant
232
ieux cette forme-là de la première, dont l’office
est
évidemment d’expliquer. Oui, cette opposition va nous aider : impliqu
233
précède. Voilà pourquoi le discours d’un prophète
est
le contraire d’un discours. L’événement seul lui rendra sa raison. Ai
234
ment seul lui rendra sa raison. Ainsi la parabole
est
une énigme dont le sens est dans la vision. Le critique. Comment exp
235
on. Ainsi la parabole est une énigme dont le sens
est
dans la vision. Le critique. Comment expliquez-vous le plaisir que j
236
ous ? Qui a le droit de parler en paraboles, et d’
être
obscur à la manière des prophètes ? L’auteur. Le droit ? Personne, b
237
n peut toutefois imaginer une autre attitude de l’
être
, et qui soit telle que la question du droit ne se pose plus. C’est l’
238
ois imaginer une autre attitude de l’être, et qui
soit
telle que la question du droit ne se pose plus. C’est l’attitude de l
239
et de phrases qui puissent, comme par une ironie,
être
compris en soi et dans leur lettre, mais dont le sens dernier ne puis
240
leur lettre, mais dont le sens dernier ne puisse
être
aperçu sous un angle de vision quelconque. Je dis que l’homme qui a v
241
ètes et composer des paraboles. Si ses prophéties
sont
décevantes et ses paraboles sans fruit, il n’en est pas moins un prop
242
t décevantes et ses paraboles sans fruit, il n’en
est
pas moins un prophète. Mais alors on le jugera selon sa fin. Vous m’a
243
naïveté très singulière pour endosser le risque d’
être
obscur. Passe encore pour l’homme de Patmos, qui avait vu la fin de n
244
stoire : l’ampleur de sa vision le sauve. Mais il
est
des visions moins illustres, qui n’embrassent pas le monde de haut en
245
rant inventaire. Je parle de visions furtives qui
sont
à celle de l’apôtre comme le Petit Monde au Grand Monde, signes du To
246
parler prophétique. C’est le même risque, et ce n’
est
pas la même grandeur… Les « sentinelles de Juda », les grands prophèt
247
sentinelles de Juda », les grands prophètes, ont
été
justifiés dans leur délire, mais un prophète des choses d’ici-bas, un
248
divine, quelle défense osera-t-il produire qui ne
soit
pas aussi son jugement ?
249
Comment on perd Eurydice et soi-même Stéphane
est
maniaque, comme tous les jeunes gens de sa génération. Seulement chez
250
s de sa génération. Seulement chez lui, cela ne s’
est
pas porté sur les voitures. Il préfère s’intéresser aux divers types
251
On lui sait peu de grés de sa curiosité. Cela ne
serait
rien, si elle-même ne le décevait. Sans doute est-il trop impatient,
252
ait rien, si elle-même ne le décevait. Sans doute
est
-il trop impatient, demande-t-il aux êtres plus qu’ils ne peuvent donn
253
ans doute est-il trop impatient, demande-t-il aux
êtres
plus qu’ils ne peuvent donner… D’ailleurs on ne lui doit rien, n’est-
254
peuvent donner… D’ailleurs on ne lui doit rien, n’
est
-ce pas ? Il ne tombe d’accord ; accepte d’attendre comme un enfant sa
255
s classiques. Repoussé par le monde parce qu’il n’
est
pas encore quelqu’un, Stéphane cherche à savoir ce qu’il peut être. C
256
uelqu’un, Stéphane cherche à savoir ce qu’il peut
être
. C’est une autre manie de sa génération. Mais là encore il se singula
257
as exister. Non : il a remarqué que l’époque peut
être
définie par l’abondance des autobiographies, mais aussi bien par cell
258
enre, qui l’intriguent à n’en pas finir. Quand il
est
très fatigué, il veut voir encore cette fatigue dans son regard : app
259
meil l’en délivre. Au matin il court se voir : il
est
laid. Lâchement il se prend en pitié. Ces séances lui font du mal, l’
260
sse qu’il la recherche. Il veut se voir tel qu’il
est
parmi les autres. Mais dès qu’il lui arrive par jeu de considérer son
261
à soi-même qui pourrait lui rendre la certitude d’
être
. Mais il s’épuise dans une perspective de reflets qui vont en diminua
262
sonne se dissout dans l’eau des miroirs. Stéphane
est
en train de se perdre pour avoir voulu se constater. Va-t-il découvri
263
dans l’homme moderne un besoin de vérifier qui n’
est
plus légitime dès l’instant où il se traduit par la négation de ce qu
264
e. Stéphane n’a pas eu confiance. Or la personne
est
un acte de foi : Stéphane ne sait plus ce qu’il est. Semblablement, i
265
t un acte de foi : Stéphane ne sait plus ce qu’il
est
. Semblablement, il ne sait plus aimer. (Ces jeunes gens ne veulent pa
266
ogique d’une aventure cependant plus profonde. Il
est
bon que le lecteur troublé par la crainte de n’avoir pas saisi le sen
267
un miroir, nous perdons une Eurydice. Les miroirs
sont
peut-être la mort. La mort absolue, celle qui n’est pas une vie nouve
268
t peut-être la mort. La mort absolue, celle qui n’
est
pas une vie nouvelle. La mort dans la transparence glaciale de l’évid
269
dans la transparence glaciale de l’évidence, qui
est
celle du moi séparé. Un jour, Stéphane pense avec fièvre : « Il faudr
270
t-on sous un autre visage. Oublier son visage, ne
serait
-ce pas devenir un centre de pur esprit ?… Ou plutôt — et bien mieux —
271
ir dans un regard de cette femme l’écho de ce qui
serait
lui. Et déjà il se perd dans ces yeux, mais comme on meurt dans une n
272
pète à plusieurs reprises : « Je ne sais pas : je
suis
!… Je ne sais plus… mais tu es là ! » Un peu plus tard, ce fut un jou
273
ne sais pas : je suis !… Je ne sais plus… mais tu
es
là ! » Un peu plus tard, ce fut un jour de grand soleil sur toutes le
274
sais plus… mais tu es là ! » Un peu plus tard, ce
fut
un jour de grand soleil sur toutes les verreries de la capitale. Les
275
nt Chamisso, c’est peut-être poussé par l’envie d’
être
enfin reconnu, expliqué. Car Chamisso est Français de naissance. Une
276
nvie d’être enfin reconnu, expliqué. Car Chamisso
est
Français de naissance. Une excentricité du sort a fait de lui un poèt
277
sans le savoir. Chamisso, lui, s’en étonnera. Tel
est
le calcul de l’homme sans ombre. Surprendre ce Français, c’est passer
278
un étranger s’initiant aux croyances d’un peuple,
soit
le premier saisi par ce frisson d’absurdité que l’on baptise inspirat
279
ayé de formuler le symbole enfermé dans le mythe.
Serait
-ce pudeur d’artistes ? Pudeur tout court ? Ou faut-il croire qu’ils o
280
ns d’un tel accident, dont à vrai dire les suites
sont
assez pittoresques pour qu’un « poète » (au sens banal) préfère en ig
281
l, et bien d’autres imitateurs, dont le moindre n’
est
pas Hoffmann… L’énigme commença de m’inquiéter lors d’un séjour allem
282
ntes fois la popularité du bonhomme Schlemihl. Je
fus
à l’Opéra. On y donnait du Strauss. Je ne connaissais pas le livret d
283
rd, j’ai lu le livre, qui me parut splendide.) Qu’
est
-ce qu’une ombre ? me demandais-je. Quelque chose d’assez méprisable.
284
lisent ! C’est pour eux l’irréalité même. (« Il n’
est
plus que l’ombre de lui-même… Ce n’est rien, dit-on, c’est une ombre…
285
e. (« Il n’est plus que l’ombre de lui-même… Ce n’
est
rien, dit-on, c’est une ombre… ») Mais je vois bien qu’ils exagèrent
286
… ») Mais je vois bien qu’ils exagèrent : si nous
étions
de purs esprits, nous ne projetterions pas d’ombre. L’ombre est la pr
287
prits, nous ne projetterions pas d’ombre. L’ombre
est
la preuve humiliante de la chair humiliante pour ceux, du moins, qui,
288
a Raison dans le monde des dieux, voudraient bien
être
pris pour des gens raisonnables. Voilà pourquoi, pensais-je, ils mépr
289
ela ? Rien qu’une évidence assez pauvre : l’ombre
est
le fait, en nous, de notre chair. Mais perdre sa chair, c’est mourir,
290
spiritualismes, et cet « infortuné Schlemihl » n’
était
pas mort d’avoir perdu son ombre… Il était même si vivant et sa prése
291
hl » n’était pas mort d’avoir perdu son ombre… Il
était
même si vivant et sa présence si gênante, que je tentai de le contrai
292
cœur. Psychologie de Peter Schlemihl Peter
est
un naïf : il croit à la fortune. Il croit surtout qu’elle seule assur
293
urgeois riches. D’où vient le sentiment qu’il a d’
être
inférieur. Le diable sait cela : c’est par là qu’il le tient. Peter l
294
ieur. Le diable sait cela : c’est par là qu’il le
tient
. Peter lui donne son ombre contre une bourse magique, d’où il pourra
295
ment, contre lui. Je dis bien le secret, car c’en
est
un pour eux, comme toutes les choses trop naturelles que l’on possède
296
nnaît, comme Adam et Ève l’innocence ?) Schlemihl
est
donc le type classique de l’homme qui perd le contact social. L’or mê
297
e : on aime Schlemihl pour tout ce qu’il a, qui n’
est
pas lui. Ce sont les femmes, bien entendu, qui le devinent. Quel est
298
emihl pour tout ce qu’il a, qui n’est pas lui. Ce
sont
les femmes, bien entendu, qui le devinent. Quel est le rapport social
299
t les femmes, bien entendu, qui le devinent. Quel
est
le rapport social le plus réel ? Admettons que ce soit le mariage, su
300
le rapport social le plus réel ? Admettons que ce
soit
le mariage, surtout pour ce philistin-là. Toutes les ruses de Peter é
301
e reste-t-il à un tel homme ? Le suicide ? Rien n’
est
plus loin de sa pensée. Sa vision du monde serait exactement celle d’
302
n’est plus loin de sa pensée. Sa vision du monde
serait
exactement celle d’un philistin sympathique, d’un philistin sans exig
303
reil aux autres, sauf en ce je ne sais quoi qui n’
est
rien et qui est l’essentiel, notre philistin méconnu se voit chassé d
304
sauf en ce je ne sais quoi qui n’est rien et qui
est
l’essentiel, notre philistin méconnu se voit chassé de la communauté
305
de bottes usagées. Mais voilà bien sa chance, ce
sont
des bottes de sept lieues ! Désormais il échappe à la vie, au voisina
306
er une espèce d’activité, purement descriptive il
est
vrai, solitaire, presque mécanique : il dresse un vaste catalogue de
307
maniaque (ou universitaire érudite.) Nul doute n’
est
plus permis : Schlemihl est « schizoïde ». Chamisso, heureusement pou
308
érudite.) Nul doute n’est plus permis : Schlemihl
est
« schizoïde ». Chamisso, heureusement pour lui, n’en savait rien. Il
309
les symboles. Car, pour la vie spirituelle, il n’
est
pas de lieux séparés ; l’on peut toujours passer de l’un à l’autre pa
310
l’autre par quelque ruse de la métamorphose, qui
est
l’acte même de la vie. Et pourquoi dire, dès lors : ceci est cause de
311
même de la vie. Et pourquoi dire, dès lors : ceci
est
cause de cela ? Quand l’inverse est au moins aussi probable ? Et quan
312
s lors : ceci est cause de cela ? Quand l’inverse
est
au moins aussi probable ? Et quand rien ne dépend à coup sûr que du t
313
tation : « Celui qui, dans un domaine quelconque,
est
considéré comme anormal au point de vue social et moral, celui-là peu
314
al au point de vue social et moral, celui-là peut
être
considéré comme anormal dans sa vie sexuelle.3 » Nous venons de voir
315
ie sexuelle.3 » Nous venons de voir que Schlemihl
est
le type même de l’inadapté, — celui qui ne peut « trouver sa place au
316
entiellement des états d’âme d’un homme sain ? Ne
sont
-ils pas plutôt de simples fixations d’état qui, normalement, ne tarde
317
e ? Plus précisément, l’état de Peter Schlemihl n’
est
-il pas comparable à celui d’un esprit ou d’un corps sains après l’amo
318
légèreté et en même temps de lourdeur, comme s’il
était
un peu en arrière des choses, lent à démêler le monde où il revient,
319
s choses à jour, et lui-même, d’où l’impression d’
être
mal défendu contre les regards qu’il rencontre ; transparent, dirait-
320
pouvait exprimer qu’un fait humain élémentaire. J’
étais
déçu de le voir se réduire à quelque chose d’aussi précis, et que mil
321
vient de l’homme et se forme d’après lui : telle
est
aussi la Liquor, qui est microcosme, elle est l’ombre intérieure. » U
322
orme d’après lui : telle est aussi la Liquor, qui
est
microcosme, elle est l’ombre intérieure. » Une étude plus poussée de
323
lle est aussi la Liquor, qui est microcosme, elle
est
l’ombre intérieure. » Une étude plus poussée de Paracelse devait bien
324
rieuses et profondes, que la portée de ce passage
était
en vérité beaucoup plus vaste que tout ce que permettait d’imaginer l
325
iroir auquel la nature se regarde en nous ». Elle
est
ainsi l’agent microcosmique, la puissance même de créativité dans tou
326
nce même de créativité dans tous les ordres. Elle
est
« ce qu’il y a de plus noble dans le corps tout entier et dans l’homm
327
a créativité : c’est à quoi se ramène tout ce qui
est
vraiment grave dans notre vie ; et la fameuse question sexuelle ne ti
328
son importance démesurée que du seul fait qu’elle
est
une image physique du pouvoir créateur en général. Comme on peut le
329
mme on peut le voir par l’examen de la pudeur, ne
serait
-ce point pour la raison qu’en beaucoup d’hommes la créativité paraît
330
voir son siège dans le seul sexe, que la pudeur s’
est
localisée là ? Ne serait-ce point pour cette raison que l’homme cherc
331
seul sexe, que la pudeur s’est localisée là ? Ne
serait
-ce point pour cette raison que l’homme cherche à le dissimuler comme
332
une excessive sincérité dans ses écrits. (Il peut
être
, d’ailleurs, au sens courant du mot, le plus « pudibond » des bourgeo
333
he son secret le plus profond, le plus sacré, qui
est
le pouvoir de création que l’on possède, c’est naturel, mais non qu’o
334
ue le corps et l’âme se distinguent, et cessent d’
être
reflets l’un de l’autre. Alors le corps a honte de sa pensée, et cell
335
r cesse-t-elle d’exister, normalement, quand deux
êtres
s’aiment ? Parce que le sexe reprend alors sa « propriété » symboliqu
336
eprend alors sa « propriété » symbolique. (Ce qui
est
honteux, douteux, non propre, c’est ce qui en moi m’est étranger.) Re
337
nteux, douteux, non propre, c’est ce qui en moi m’
est
étranger.) Revenons alors à notre mythe : la transparence, c’est l’ab
338
e d’ombre, donc de secret. Or le secret « sacré »
étant
le lien de la créativité de l’homme, celui qui a perdu son ombre se p
339
. Spirituellement ou de quelque autre sorte, il n’
est
plus un homme créateur. À l’inverse, la chasteté (corporelle et spiri
340
ue l’on appellera plus tard le vague à l’âme, qui
est
aussi bien le vague au corps. Le roman d’Hofmannsthal — contre-épreuv
341
doute que l’art de Chamisso ne « signifie » et ne
soit
au sens propre un grand art, tout effort digne de ce nom étant d’abor
342
propre un grand art, tout effort digne de ce nom
étant
d’abord une mise en ordre, un sens donné… C’est par là que Chamisso s
343
ordre, un sens donné… C’est par là que Chamisso s’
est
sauvé de lui-même : s’il a fait Schlemihl, comme on sait, en grande p
344
s de sept lieues qui traverse encore notre vie, n’
est
-ce pas l’ombre de Chamisso ? Une ombre qui a perdu son homme, cette f
345
, il n’en veut plus, il veut du vraisemblable… Il
est
retombé dans le roman insignifiant.6 3. Trois Essais sur la Thé
346
Théorie de la Sexualité. La définition de normal
est
donc ici : adapté au milieu. Vérité d’expérience, nous dit Freud, et
347
insistant sur son contraire : « l’anormal » peut
être
créateur d’un nouveau type de rapports sociaux, c’est-à-dire d’une no
348
ide, comme dans Schlemihl. Aussi bien le diable n’
est
-il pas à l’origine de l’affaire, cette fois. 5. Selon Paracelse, la
349
en l’appelle-t-il libido ? 6. Cette petite étude
était
écrite depuis un an lorsque je découvris dans les Cahiers de Barrès (
350
nt, une désespérance perpétuelle. Peter Schlemihl
est
certainement, sinon une autobiographie, au moins un essai moral que s
351
Le qualificatif « d’homme ayant perdu son ombre »
fut
trouvé par M. de Rubulles qui, le voyant dans un de ses noirs habitue
352
rde) n’explique aucune particularité du conte, il
est
permis de penser que « l’état d’âme » de Chamisso a joué dans cette a
353
r recours à ces remèdes, car définir l’amour ce n’
est
point le connaître, mais limiter sa part dans notre vie, et nul amour
354
tte méfiance ou à cette avarice anxieuse. Mais il
est
une manière imaginable de parler de l’amour sans malice : c’est de fo
355
oments une espèce d’émotion ou de gêne, non qu’il
soit
dit ni même décrit par allusions ou par symboles, mais sa présence so
356
ions ou par symboles, mais sa présence souveraine
est
annoncée par certain frémissement de l’assemblée des mots qui font la
357
font la cour : le Roi s’approche. Toute éloquence
est
amoureuse, excitée par l’amour qui la rend fleurissante. Mais l’amour
358
amour qui la rend fleurissante. Mais l’amour même
est
chose du silence. Cela dont je ne puis parler sans l’offenser dans sa
359
r, c’est ce qui m’enflamme à parler. Rien ne peut
être
dit de l’amour même, mais rien non plus n’est dit que par l’amour, si
360
ut être dit de l’amour même, mais rien non plus n’
est
dit que par l’amour, si toutefois quelque chose est vraiment dite. La
361
t dit que par l’amour, si toutefois quelque chose
est
vraiment dite. La Fable nous apprend à sa manière que l’amour est le
362
e. La Fable nous apprend à sa manière que l’amour
est
le lieu d’un mutisme sacré. Angérone, déesse du Silence : on croit qu
363
temple de la Volupté. Et certains pensent qu’elle
est
la même que la déesse Volupie. Promenons-nous aux alentours de ce col
364
s-nous aux alentours de ce colloque. La Volupté n’
est
pas le plaisir même, mais l’imagination active du désir qui lentement
365
ec le « terme » où l’esprit se libère. La volupté
serait
un phénomène analogue à celui de l’hypnose : un état de l’âme ou de l
366
un, par l’abandon chez l’autre. Que cette hypnose
soit
en quelque mesure — celle de l’esprit — indépendante de l’instinct, c
367
ns fond où elle se penche… Maintenant un seul œil
est
visible dans ce visage décomposé en ombres et lueurs lentement mouvan
368
me s’il doutait… Adolescence ! Le charme du désir
est
celui du silence : il éloigne sans fin le terme. Tu n’entends que ce
369
rompt. Tu ne sais rien que tu ne perdes. Car ce n’
est
pas le savoir que tu veux, mais la divine connaissance du présent. Or
370
ne connaissance du présent. Or cette connaissance
est
interdite. Et c’est l’approche du viol de l’interdit qui impose aux a
371
’accomplissement du plus violent amour qu’il nous
est
accordé de concevoir un absolu, mais sous la forme de l’inaccessible.
372
mes ? Deux corps s’endorment dans leur paix, et l’
être
enfin comblé ne sait plus où se prendre. Il se ramène en soi, se divi
373
qui s’égalerait à l’Infini. Se fondre en un seul
être
, mais que cet être accède ensuite au commerce de ses semblables, qu’à
374
l’Infini. Se fondre en un seul être, mais que cet
être
accède ensuite au commerce de ses semblables, qu’à son tour il les ai
375
sance imaginaire et désespérément consciente de l’
Être
. L’aube point. L’esprit se tourne vers les choses et les dénomme d’un
376
s-mêmes. Mais dans cette défaite de l’étreinte, n’
est
-ce point le souvenir du seul désert que désormais nous chercherons ?
377
celui seul qui l’éprouve jusqu’à l’épouvante : l’
être
que nous formons au sommet de l’amour, et qui meurt dans l’instant où
378
on, change de signe. On voit soudain que le désir
était
le dialogue des corps, tandis que le plaisir est solitaire, instant o
379
tait le dialogue des corps, tandis que le plaisir
est
solitaire, instant où les amants sont le plus séparés, arrachés, reti
380
e le plaisir est solitaire, instant où les amants
sont
le plus séparés, arrachés, retirés en soi. Le plaisir est la fin du d
381
lus séparés, arrachés, retirés en soi. Le plaisir
est
la fin du dialogue et non pas cette fusion rêvée. Alors paraissent la
382
le sérieux, et la réalité des vies au jour. Nous
sommes
deux. Il n’y a que deux philosophies : celle du désir et celle de l’a
383
umain. L’amour rêvé meurt au seuil de l’amour qui
sera
notre tâche sérieuse. Quittons ce temple où dorment deux idoles, et p
384
t les voilà fixés, cloués sur place, comme le coq
est
cloué sur la ligne de craie tirée devant son bec. Ce serait trop bête
385
ué sur la ligne de craie tirée devant son bec. Ce
serait
trop bête si ce n’était trop beau. Mais rien ne sert de n’y pas croir
386
tirée devant son bec. Ce serait trop bête si ce n’
était
trop beau. Mais rien ne sert de n’y pas croire. C’est un fait, nous l
387
n termes de grâce et de prédestination. Mais s’il
est
vain de nier le fait, il ne l’est point de mettre en doute son caract
388
tion. Mais s’il est vain de nier le fait, il ne l’
est
point de mettre en doute son caractère de destinée fatale. Cette espè
389
e. Cette espèce de passivité que l’on allègue, ne
serait
-elle point un alibi ? Je ne parle que du vrai coup de foudre, celui q
390
Je ne parle que du vrai coup de foudre, celui qui
est
suivi d’incendie. Car pour ceux que l’on attend, que l’on appelle, il
391
ur ceux que l’on attend, que l’on appelle, ils ne
sont
qu’éclairs de chaleur dans l’aura d’un cœur orageux. Aux portières d’
392
ai, j’aurais su t’arrêter. Le monde entier en eût
été
changé à l’instant même, sans que nul ne s’en doute. J’étais sceptiqu
393
é à l’instant même, sans que nul ne s’en doute. J’
étais
sceptique, en ce temps-là. Je disais à ce romancier (l’un des meilleu
394
l’Allemagne d’alors) : Le mythe du coup de foudre
est
sans doute une astucieuse invention de Don Juan pour impressionner se
395
sir que vous entretenez par vos romans… Mais ce n’
est
pas assez que d’une complaisance acquise. Il faut encore une rencontr
396
ntres fameuses : Tristan devant la cour d’Irlande
est
reçu par la fille du roi selon l’usage et l’étiquette. Siegfried et B
397
ent l’un vers l’autre, dans la scène du hanap, ce
sont
des officiants… Tout se passe comme si les deux amants se trouvaient
398
raire par la profonde convenance des rôles qu’ils
tiennent
dans la société, sous l’égide des plus intangibles hiérarchies. Et Do
399
st. Le président de l’organisation qui m’invitait
était
un grand banquier, ami des lettres. Il vint m’attendre au débarqué de
400
ons à table. Mon hôte bientôt s’inquiète : « Vous
êtes
pâle et vous ne mangez rien ! Vous sentiriez-vous indisposé ? » Je ba
401
éserver un dîner : bref, vous vous rappelez ce qu’
était
la Hongrie, cette hospitalité incomparable, cette liberté lyrique dan
402
en n’y fait. Je ne puis avaler une seule bouchée.
Est
-ce vraiment l’effet de l’avion ? J’allais m’en persuader quand je m’a
403
s que mon hôte ait paru remarquer que mon malaise
est
contagieux. Il bavarde encore en prenant le café, puis s’excuse d’avo
404
iture et descendons vers la ville. Soudain, je me
suis
décidé et j’articule : « Vous n’avez rien mangé au déjeuner, Madame.
405
e ne pouvons toucher à rien. Tout d’un coup je me
suis
mis debout. Je fais le tour de la table, je m’arrête devant elle, les
406
ant elle, les bras en arrière, comme cela — je me
suis
retenu de lui toucher l’épaule — et je m’entends prononcer : « Puisqu
407
e m’entends prononcer : « Puisqu’il faut que cela
soit
, eh bien… que cela soit ! » Elle se lève et me suit. Nous allons chez
408
« Puisqu’il faut que cela soit, eh bien… que cela
soit
! » Elle se lève et me suit. Nous allons chez elle. Un vertige, un so
409
, un sombre délire, et sans qu’un mot de plus ait
été
prononcé… Et ce fut ainsi, durant tout mon séjour à Budapest. L’après
410
et sans qu’un mot de plus ait été prononcé… Et ce
fut
ainsi, durant tout mon séjour à Budapest. L’après-midi, je vous le ré
411
erlin, que je fréquentais à l’insu de ma femme. J’
étais
dans un état d’exaltation extrême, à peu près incapable de dormir, sa
412
iet de mon sort. Il y avait de quoi d’ailleurs, j’
étais
inscrit, à cette époque, au parti communiste dissident. Je m’informe
413
a regarde longuement, bien en face. Aucun doute n’
est
possible. Elle sait. Monsieur, je puis garder un secret d’État, vous
414
arder un secret d’État, vous le savez, mais je ne
suis
pas de ceux qui peuvent supporter un mensonge dans leur vie intime. J
415
peu près : « Donne-moi vite de tes nouvelles, je
suis
inquiet, je n’oublierai jamais les nuits extraordinaires que nous avo
416
semble, à la veille de ce cataclysme. » La lettre
était
signée « Maria ». « Un vrai drame du destin ! » fis-je après un momen
417
on mystère si l’on songe que la femme du banquier
était
lectrice de romans — et sans doute de vos propres romans ?… Et ce cou
418
de vos propres romans ?… Et ce coup de foudre, n’
est
-il pas tombé d’un ciel qu’il convient de nommer Littérature ?
419
soie, dressé sur ses ergots de grand ténor, l’on
est
tenté de ne voir en lui que le feu naturel du désir, une espèce d’ani
420
andeur, dans le dernier acte de Mozart. Non, ce n’
est
pas l’animal, mais l’homme, et non d’avant, mais d’après la morale. P
421
s son rang. Son naturel, c’est le mépris ; rien n’
est
plus loin de la nature. Voyez comme il se sert des femmes : incapable
422
seule cette inconstance forcenée ? Alors Don Juan
serait
l’homme de la première rencontre, de la plus excitante victoire ? « L
423
e, de la plus excitante victoire ? « La nouveauté
est
le tyran de notre âme », écrit le vieux Casanova. Mais déjà ce n’est
424
re âme », écrit le vieux Casanova. Mais déjà ce n’
est
plus l’homme du plaisir qui parle ainsi. La volupté du vrai sensuel c
425
Ils ne l’ont pas manqué. Pour eux aussi, Don Juan
serait
le contraire de ce que l’on croit, il souffrirait d’une anxiété secrè
426
iété secrète déjà voisine de l’impuissance. Et il
est
vrai que celui qui cède à cet attrait superficiel que presque toutes
427
e plus loin, à des critères spirituels ? Don Juan
serait
par exemple le type de l’homme qui n’atteint pas au plan de la person
428
rrait se manifester ce qu’il y a d’unique dans un
être
. Pourquoi ne peut-il désirer que la nouveauté dans la femme ? Et pour
429
on du nouveau, du nouveau à tout prix, quel qu’il
soit
? Celui qui cherche, c’est qu’il n’a pas ; mais peut-être aussi qu’il
430
’est qu’il n’a pas ; mais peut-être aussi qu’il n’
est
pas ? Celui qui a, vit de sa possession et ne l’abandonne pas pour l’
431
ain, — entendez : s’il possède vraiment. Don Juan
serait
l’homme qui ne peut pas aimer, parce qu’aimer c’est d’abord choisir,
432
’est d’abord choisir, et pour choisir il faudrait
être
, et il n’est pas. Mais le contraire n’est pas moins vraisemblable : D
433
hoisir, et pour choisir il faudrait être, et il n’
est
pas. Mais le contraire n’est pas moins vraisemblable : Don Juan cherc
434
udrait être, et il n’est pas. Mais le contraire n’
est
pas moins vraisemblable : Don Juan cherchant partout son idéal, son «
435
n l’image de Tristan. Mais il ne trouvera pas. Il
est
Don Juan parce qu’on sait qu’il ne peut pas trouver, soit impuissance
436
Juan parce qu’on sait qu’il ne peut pas trouver,
soit
impuissance à se fixer, soit impuissance à se déprendre d’une image à
437
ne peut pas trouver, soit impuissance à se fixer,
soit
impuissance à se déprendre d’une image à lui-même secrète. Et de là v
438
, son rythme dionysiaque… Or, si le don juanisme
est
une passion de l’esprit, et non pas comme nous aimions le croire une
439
stinct, tout porte à supposer que cette passion n’
est
pas toujours liée au sexe. Et même il faut se demander si la sensuali
440
aut se demander si la sensualité, précisément, ne
serait
pas le domaine où Don Juan se révèle le moins dangereux. (Appelons ic
441
es mœurs ont pour but de maintenir, cet équilibre
étant
d’ailleurs bon ou mauvais.) C’est que le désir de nouveauté et de cha
442
ffrir d’une dépense improductive. Certes Don Juan
est
un tricheur, et même il ne vit que de cela. (La banque de pharaon éta
443
même il ne vit que de cela. (La banque de pharaon
était
la source unique des revenus de Casanova : symbole dont il nous donne
444
aintes fois la clé.) Mais une tricherie constante
est
moins dangereuse que les faiblesses subites d’un honnête homme. On es
445
que les faiblesses subites d’un honnête homme. On
est
en garde, et l’on connaît le système, entièrement relatif aux règles
446
u d’espèces sonnantes. Alors la tricherie cesse d’
être
une habileté vulgaire et profitable. Elle peut devenir l’acte héroïqu
447
re, par décret de rigueur subversive. Nietzsche s’
est
dressé face au siècle. Et l’adversaire qu’il s’est choisi, c’est l’es
448
st dressé face au siècle. Et l’adversaire qu’il s’
est
choisi, c’est l’esprit de lourdeur, notre poids naturel, notre facult
449
lle de retombement dans la coutume. L’immoraliste
est
comme le moraliste un ennemi vigilant de l’instinct : car s’il le glo
450
caprice de l’esprit : il n’y a plus de vérité qui
tienne
. Les hommes se rendent ou tombent dans le doute à la première séducti
451
t tuer pour une vertu dont on ne sait plus quelle
est
la fin ? Et toutes ces vérités qu’ils respectaient, voyez comme elles
452
rendre à Dieu et à son Fils. Déjà « le Dieu moral
est
réfuté ». Que va dire l’Autre ? C’est, dans la vie du Don Juan des vé
453
core l’aube de la terre. Personne n’a parlé. Dieu
est
mort ! De chaque idée, de chaque croyance, de chaque valeur, Nietzsch
454
e possession. Pourquoi s’attarderait-il ? Elles n’
étaient
excitantes pour l’esprit que par la fausse vertu qu’on leur prêtait.
455
abuser de ses victimes… Mille et trois vérités se
sont
rendues, et pas une seule n’a su le retenir. Qu’importent les « contr
456
tenir. Qu’importent les « contradictions » ! Ce n’
est
pas pour bâtir un système qu’il réfute, dénonce et détruit, c’est pou
457
horisme — fulgurations toujours décevantes : ce n’
est
pas elle qu’il vient de posséder… Ô haine de leurs vérités faibles !
458
der… Ô haine de leurs vérités faibles ! La Vérité
est
morte ! Revivra-t-elle ? Car si ce Dieu est mort, à tout jamais, il n
459
érité est morte ! Revivra-t-elle ? Car si ce Dieu
est
mort, à tout jamais, il n’y a plus d’amour possible. Il faut inventer
460
sur le temps… Mais dans le temps, disait-il, Dieu
est
mort. Si Dieu est mort, c’est donc qu’il a vécu ? Dieu revivra éterne
461
dans le temps, disait-il, Dieu est mort. Si Dieu
est
mort, c’est donc qu’il a vécu ? Dieu revivra éternellement ! Ainsi Ni
462
amour. S’il gagne, c’est en violant la vérité des
êtres
. Nietzsche pose des valeurs qui détruisent les règles anciennes, mais
463
pourrons jamais que perdre. Alors : ou bien nous
serons
condamnés, ou bien nous recevrons notre grâce. Mais Nietzsche et Don
464
nu, me dit-elle, un homme marié avec lequel ayant
été
coquette en vain, il me dit en me quittant : Je vous ajoute à ma list
465
n’avait pas eues, par fidélité à la sienne. » Où
est
la tricherie ? Dans le défi, installé au cœur de la règle ?
466
ut-être le secret d’une différence aussi curieuse
est
-il caché dans les passages de ces cahiers que nous allons transcrire
467
i profondément ambiguë, vis-à-vis de la gloire, n’
est
pas sans entretenir les plus curieux malentendus entre un auteur et
468
e un auteur et ses lecteurs. Or il se peut que ce
soit
l’attitude de la plupart des écrivains modernes. « J’ai vécu pour la
469
i vécu pour la gloire, dit le prince André, et qu’
est
-ce que la gloire, si ce n’est aussi l’amour du prochain, le désir de
470
prince André, et qu’est-ce que la gloire, si ce n’
est
aussi l’amour du prochain, le désir de lui être utile et de mériter s
471
n’est aussi l’amour du prochain, le désir de lui
être
utile et de mériter ses louanges ? J’ai donc vécu pour les autres, et
472
J’ai donc vécu pour les autres, et mon existence
est
perdue, perdue sans retour ; depuis que je vis pour moi, je suis plus
473
rdue sans retour ; depuis que je vis pour moi, je
suis
plus calme… Les autres, c’est le prochain, comme la princesse Marie e
474
e d’iniquité et de mal ! Le prochain, sais-tu, ce
sont
les paysans de Kiew, que tu rêves de combler de bienfaits. » (Tolstoï
475
n’y vois plus que sophismes. Non, la gloire, ce n’
est
pas l’amour mais au contraire le mépris du prochain. Le prince André
476
triomphal, s’incline et prononce à mi-voix : « Je
suis
le serviteur du public, cela va sans dire. » C’est à cela qu’on donne
477
même excessif pour le talent qu’on a. La foule ne
tient
pour glorieux que ceux qui prennent le soin de parler de leur gloire.
478
l’on change le jugement sur la gloire. La gloire
est
donc un mythe : j’entends que son pouvoir et sa grandeur ne dépendent
479
cit eundo ; minuit praesentia famam. Toute gloire
est
donc aliénée. Celle d’un Chateaubriand n’est pas à lui, ni à son œuvr
480
oire est donc aliénée. Celle d’un Chateaubriand n’
est
pas à lui, ni à son œuvre, mais au public qui la lui prête parce que
481
c qui la lui prête parce que d’abord l’auteur s’y
est
prêté. Quant à moi, je suis trop égoïste pour me laisser aller à ce j
482
e d’abord l’auteur s’y est prêté. Quant à moi, je
suis
trop égoïste pour me laisser aller à ce jeu-là. Je me sentirais dépos
483
-là. Je me sentirais dépossédé. C’est que je veux
être
aimé pour moi-même, tel que je suis et non point tel que me désire le
484
t que je veux être aimé pour moi-même, tel que je
suis
et non point tel que me désire leur goût sentimental de « l’Art ». Ma
485
plique et se retourne ! Celui qui veut la gloire,
est
-ce qu’il manquerait d’orgueil ? Serait-il plus humble que moi ? Et l’
486
ut la gloire, est-ce qu’il manquerait d’orgueil ?
Serait
-il plus humble que moi ? Et l’orgueilleux que je suis, ne donne-t-il
487
-il plus humble que moi ? Et l’orgueilleux que je
suis
, ne donne-t-il pas une preuve d’amour à son audience en exigeant d’el
488
e, puisque je vous veux moins vulgaire que vous n’
êtes
. Celui qui ne veut pas la gloire telle que la donne une foule à qui l
489
e telle que la donne une foule à qui la flatte, n’
est
-ce pas qu’il veut la gloire telle que lui seul serait capable de se l
490
st-ce pas qu’il veut la gloire telle que lui seul
serait
capable de se la décerner ? L’idée moderne de la gloire nous vient, d
491
e nous vient, dit-on, de la Renaissance. Glorieux
est
celui qui s’affirme en différant, bien plus qu’en excellant. C’est do
492
l’Italie du xve siècle.) Le besoin de la gloire
est
donc né d’une sorte de maladie du sens social. C’est le contraire de
493
cherche des admirateurs, des confirmateurs de son
être
. C’est que l’acte de s’écarter d’une communion ou d’une communauté éc
494
ngerait pas à rechercher la gloire. Car la gloire
est
ce qui sépare. Mais il chercherait l’excellence, à son rang et selon
495
et selon ses astres. Ainsi les héros et les rois
sont
les auteurs de leur éclat. Ils donnent et ne demandent rien. Et ce qu
496
qui fait la gloire d’un homme.) La gloire antique
était
virile, comme le don. Alexandre exemplaire, plus beau que tous, plus
497
u que tous, plus fort et plus heureux que tous, n’
était
pas séparé, mais au sommet. Sa gloire était dans son destin, gagée pa
498
us, n’était pas séparé, mais au sommet. Sa gloire
était
dans son destin, gagée par une mesure universelle que ses actions com
499
mblaient exactement. Mais notre gloire ne saurait
être
mesurée : c’est une rumeur, c’est une publicité, une espèce d’inflati
500
licité, une espèce d’inflation provisoire. Elle n’
est
pas grande, mais exagérée, mobile, nerveuse, sentimentale. Et voici q
501
rée, mobile, nerveuse, sentimentale. Et voici qui
est
encore plus grave : elle est ressentie comme flatteuse. C’est donc qu
502
entale. Et voici qui est encore plus grave : elle
est
ressentie comme flatteuse. C’est donc quelque chose de vulgaire. De f
503
dont on ne puisse démontrer par quels moyens elle
fut
acquise : toujours au prix d’une vulgarité. (Zones de bassesse chez d
504
st là, non pas dans la beauté de son œuvre, que s’
est
constituée sa gloire.) Et cependant, je me suis surpris à désirer une
505
s’est constituée sa gloire.) Et cependant, je me
suis
surpris à désirer une gloire qui ne m’ennuierait pas. Non point la le
506
n d’adorateurs pour rayonner et se réjouir de son
être
. Oui, c’est bien là le privilège d’un dieu. Et la vraie gloire. Qu’es
507
là le privilège d’un dieu. Et la vraie gloire. Qu’
est
-ce que l’incognito ? Il y a là quelqu’un qui a de la valeur ; on ne l
508
oire moderne, c’est à peu près l’inverse. Mais ne
serait
-ce pas aussi le meilleur moyen de sauver son incognito en se donnant
509
e avantage de la gloire : elle confère le droit d’
être
banal. Tant pis si beaucoup en abusent… Hypothèse : l’expérience inti
510
isse avouer sa vanité, ou bien ils croient que ce
serait
naïf ; et si l’on avoue son orgueil, ils croient que c’est par vanité
511
son orgueil, ils croient que c’est par vanité… Je
suis
homme : donc vaniteux, naïf, retors, orgueilleux, etc. Quel avantage
512
c. Quel avantage à feindre ? La plus sotte vanité
étant
assurément d’essayer de faire croire qu’on n’en a point. Si l’on cond
513
sa propre vanité, le mieux pour s’en débarrasser
serait
d’en parler ouvertement. Comme un menteur qui dirait : « Je vous aver
514
r telle et telle raison aisément vérifiable. » Ce
serait
instructif et amusant. Je veux ma gloire, et je ne l’avoue jamais — j
515
j’aime et qui me connaissez. Vous savez ce que je
suis
, et si vous appreniez un jour que j’ai de la gloire, que sauriez-vous
516
es — mais non comme une erreur — je veux cela. Qu’
est
-ce donc que « gloire », dont la prononciation, pour peu d’emphase que
517
triomphal accord clamé, ou cet instant plutôt qui
est
au seuil de sa résolution fondamentale — quel est ce seuil, et que no
518
est au seuil de sa résolution fondamentale — quel
est
ce seuil, et que nous ouvrent, sur quel ciel, les symphonies ? Je n’o
519
l, les symphonies ? Je n’ose pas dire que je veux
être
Dieu. Ce serait là, pourtant, ma vérité, la vérité de mon mensonge. E
520
ies ? Je n’ose pas dire que je veux être Dieu. Ce
serait
là, pourtant, ma vérité, la vérité de mon mensonge. Est-ce à cause qu
521
, pourtant, ma vérité, la vérité de mon mensonge.
Est
-ce à cause que mon nom est : mensonge, que je voudrais la gloire et n
522
érité de mon mensonge. Est-ce à cause que mon nom
est
: mensonge, que je voudrais la gloire et ne sais pas pourquoi ? Ou n’
523
e pas savoir pourquoi… Ce que je n’ose pas savoir
est
angoisse. Angoisse est le nom du secret que je sers sans oser le serv
524
Ce que je n’ose pas savoir est angoisse. Angoisse
est
le nom du secret que je sers sans oser le servir, parce que je sais q
525
ans oser le servir, parce que je sais que son nom
est
mensonge, et que c’est moi — qui ne suis rien. Ainsi Dieu est mon ad
526
e son nom est mensonge, et que c’est moi — qui ne
suis
rien. Ainsi Dieu est mon adversaire. C’est lui seul qui s’oppose à m
527
et que c’est moi — qui ne suis rien. Ainsi Dieu
est
mon adversaire. C’est lui seul qui s’oppose à ma gloire, et qui me sa
528
omphe. Il n’y a qu’un seul Dieu, celui qui dit Je
suis
. Ce sera Dieu, ou ce sera moi. Si c’est moi, ce ne sera rien. Si c’es
529
n’y a qu’un seul Dieu, celui qui dit Je suis. Ce
sera
Dieu, ou ce sera moi. Si c’est moi, ce ne sera rien. Si c’est Dieu, j
530
Dieu, celui qui dit Je suis. Ce sera Dieu, ou ce
sera
moi. Si c’est moi, ce ne sera rien. Si c’est Dieu, je ne serai rien.
531
Ce sera Dieu, ou ce sera moi. Si c’est moi, ce ne
sera
rien. Si c’est Dieu, je ne serai rien. Si Dieu me tue, il sera tout,
532
c’est moi, ce ne sera rien. Si c’est Dieu, je ne
serai
rien. Si Dieu me tue, il sera tout, et tout sera. Ainsi, ô Dieu, déli
533
c’est Dieu, je ne serai rien. Si Dieu me tue, il
sera
tout, et tout sera. Ainsi, ô Dieu, délivrez-moi de la gloire ! Mais c
534
serai rien. Si Dieu me tue, il sera tout, et tout
sera
. Ainsi, ô Dieu, délivrez-moi de la gloire ! Mais cette prière m’émeut
535
nœud gordien renoué Un oracle avait annoncé que
serait
roi celui qui, debout sur son char, pénétrerait au grand galop dans l
536
mple de Jupiter. Les quelques-uns qui le savaient
étaient
exclus de la compétition par leur science même : on exigeait l’innoce
537
dénouer ce chef-d’œuvre brut, par Jupiter ! il n’
est
pas encore né ! On ne sait rien du règne de Gordius. Mais le nœud qu’
538
sant le nœud d’après nature, l’aimant parce qu’il
était
dans sa nature… Celui qui prévoyait la science de nos jours, et me di
539
it la science de nos jours, et me disait : « Il n’
est
de science que des phénomènes que l’on peut reproduire à volonté. Que
540
énomènes que l’on peut reproduire à volonté. Quel
est
ce nœud, réel, unique, inimitable, cet objet devant moi indubitable,
541
Elle n’en veut pas. Et si personne n’en veut, il
est
à moi ! Je le prends : il est ma liberté… » Celui qui murmurait parfo
542
sonne n’en veut, il est à moi ! Je le prends : il
est
ma liberté… » Celui qui murmurait parfois : C’est consolant ! (par al
543
nt le nœud, après un long regard, elle dit : Ce n’
est
pas si ressemblant que cela ! (Elle croyait que son mari ne s’occupai
544
t nul ne s’en allait qu’enrichi d’un mystère. Tel
était
le culte de Gordium, religion de l’inextricable. Alexandre impatient
545
du nœud-le-plus-simple-du-monde. La guerre civile
était
près d’éclater entre les Suisses, au xve siècle. Un messager fut env
546
er entre les Suisses, au xve siècle. Un messager
fut
envoyé à l’Ermite qui vivait dans les Alpes et qui détenait, sans nul
547
n du Tartare, où la pesante logique de la matière
est
abolie pour peu que l’homme se manifeste. Serait-ce un pur lieu de l’
548
ère est abolie pour peu que l’homme se manifeste.
Serait
-ce un pur lieu de l’esprit ? Oui, car à l’instant même où Tantale est
549
e l’esprit ? Oui, car à l’instant même où Tantale
est
ému, où il forme un projet, où il agit, les lois de la chute des corp
550
ois de la chute des corps et de leur inertie, qui
sont
celles mêmes de la mort, font place aux lois des dieux, qui sont cell
551
es de la mort, font place aux lois des dieux, qui
sont
celles de l’esprit ; et des dieux irrités contre l’homme, c’est-à-dir
552
et de sa convoitise, emblèmes ou signes, car tout
tient
ici à des événements intérieurs. Tout tient à l’homme et tout illustr
553
tout tient ici à des événements intérieurs. Tout
tient
à l’homme et tout illustre une des structures fondamentales de son êt
554
illustre une des structures fondamentales de son
être
. Tantale avait commis deux crimes, dit la Fable. Admis à la table des
555
air à la table divine. Les liqueurs d’immortalité
sont
ici comme des signes de la Grâce, dont un homme chercherait à s’empar
556
philanthropie préside au vol de Tantale, quand il
est
assez clair qu’il jalouse les dieux, leur divination, leur puissance,
557
ensuite aux dieux comme nourriture meilleure, il
est
surprenant d’observer qu’elle invertit exactement le sacrifice du Fil
558
ils en meurent — s’ils perdent leur divinité de s’
être
une fois laissé surprendre et abuser. À cette double infraction aux g
559
répond un châtiment dont on croit deviner qu’il n’
est
qu’une double réfraction du crime dans l’ordre humain. Parce qu’il a
560
, ou d’un appel venu d’ailleurs. (Les « dieux » n’
étant
, en fait, que ses propres limites.) Dans l’histoire du supplice de Ta
561
’histoire du supplice de Tantale, cet automatisme
est
si sûr qu’il autorise à des spéculations précises, encore que fantast
562
instant où il veut les atteindre, et tout cela ne
tient
vraiment qu’à lui, qu’aux dispositions de son âme : c’est que celles-
563
t un instant de pur abandon — payé de sa mort, il
est
vrai, pour quelle indescriptible renaissance ! — préfère subir le sup
564
la légende, à sa faim, à sa soif et à sa peur. Il
est
cet homme qui, dans chacun de nous, préfère le désir même douloureux,
565
e nous, préfère le désir même douloureux, d’avoir
été
mille et mille fois déçu — mais c’est encore son désir, donc lui-même
566
à la proie qu’il ne posséderait qu’en acceptant d’
être
changé d’abord. Que lui servirait, pense-t-il, de gagner le monde s’i
567
l, de gagner le monde s’il y perdait son moi ? Il
est
certain qu’à sa manière il a raison. Car à gagner, l’on perd toujours
568
ividu qui aurait désiré si longtemps que tout son
être
en fût devenu attente, espoir et nostalgie. Cet être-là mourrait néce
569
i aurait désiré si longtemps que tout son être en
fût
devenu attente, espoir et nostalgie. Cet être-là mourrait nécessairem
570
e en fût devenu attente, espoir et nostalgie. Cet
être
-là mourrait nécessairement, et par définition, du don reçu. Ou encore
571
t, et par définition, du don reçu. Ou encore : un
être
nouveau surgirait dans l’instant du don, pour le recevoir en son lieu
572
entifie à l’une de ses tendances, celui qui gagne
est
donc toujours un autre. Et celui qui désire ne gagnera jamais. C’est
573
ais. C’est le sophisme de l’empereur : Napoléon n’
est
pas un Bonaparte comblé, mais quelqu’un qui s’est substitué, sous le
574
est pas un Bonaparte comblé, mais quelqu’un qui s’
est
substitué, sous le manteau d’hermine, à Bonaparte. Le romantique qui
575
’hermine, à Bonaparte. Le romantique qui rêvait d’
être
empereur est mort le jour du couronnement. Tous nos succès, tous nos
576
naparte. Le romantique qui rêvait d’être empereur
est
mort le jour du couronnement. Tous nos succès, tous nos actes sans do
577
ment. Tous nos succès, tous nos actes sans doute,
sont
ainsi à quelque degré des modifications de notre identité, des aliéna
578
, des aliénations de nous-mêmes. À la limite, ils
sont
autant d’usurpations. Changeons maintenant de plan spirituel, et tran
579
rouve ainsi conçue : « Tous mes biens tels qu’ils
sont
et vont reviendront et appartiendront à celui des sept de MM. mes Nev
580
era le protocole. Si tous restent secs, mes biens
seront
donnés au légataire universel dont le nom va suivre. » À ce point, le
581
qu’il y a d’émouvant dans les livres. Klitte, qui
est
alsacien, jure que pour tout l’or du monde, une plaisanterie de ce ge
582
ue s’il parvient à pleurer à force de rire, ce ne
sera
qu’un vol pur et simple, mais l’Alsacien proteste que s’il rit, « c’e
583
rien ne vient. Le jeune prédicateur Flachs, lui,
serait
tout disposé à se lamenter ecclésiastiquement, mais la vision de la m
584
on de l’oncle, s’avançant vers lui sur ces flots,
est
bien trop réjouissante… Glanz, le conseiller d’église, se met à faire
585
puis Lazare et ses chiens, la tête de beaucoup d’
êtres
, les souffrances du jeune Werther, un petit champ de bataille, lui-mê
586
ra pas : car la vision de la proie qui s’approche
sera
« bien trop réjouissante » pour son cœur, et le Royaume convoité s’él
587
ives fuiront ses lèvres ; car il faudrait, pour y
être
immergé, accepter de mourir d’abord à ses propres désirs et à soi-mêm
588
soi-même. (Et c’est le symbole du Baptême.) Telle
est
la ruse de l’Amour insondable. Admirons-en la précision miraculeuse !
589
ruit ; l’idée que vous, et qui pensez, un jour ne
serez
plus, un jour serez un mort. Si « macabre » désigne assez bien l’étra
590
us, et qui pensez, un jour ne serez plus, un jour
serez
un mort. Si « macabre » désigne assez bien l’étrangeté de la mort des
591
avant midi, pour moi ? Je ne sens pas que l’idée
soit
tragique : elle m’appartient, je puis en disposer, feindre assez faci
592
poser, feindre assez facilement d’en rire. Elle n’
est
pas plus forte que moi. Peut-être même n’est-elle qu’une ruse cousue
593
le n’est pas plus forte que moi. Peut-être même n’
est
-elle qu’une ruse cousue de fil blanc de ma vitalité : la seule pensée
594
jamais pu penser notre mort. Contester là-dessus
serait
fournir l’aveu d’une impuissance à comprendre le mot penser dans son
595
son sens fort. Car penser sa mort réellement, ce
serait
aussitôt mourir. Peut-être avons-nous là le seul critère d’une perfec
596
le, et l’on conçoit que son application ne puisse
être
ni rapportée ni répétée. Perfection et Mort en ceci se confondent, qu
597
erfection et Mort en ceci se confondent, qu’elles
sont
absolument tragiques, c’est-à-dire sans appel. Ontologie de la fin
598
e mort dans le vif, ce phénomène doit normalement
être
aperçu comme négligeable ; et s’y attarder serait le fait d’une sophi
599
t être aperçu comme négligeable ; et s’y attarder
serait
le fait d’une sophistique assez gratuite. Ma nature crie à l’utopie d
600
jour, tel jour ordinaire, l’homme meurt. Pourquoi
suis
-je donc ici à remuer ces choses ? Il est vrai que ce sont les seules
601
ourquoi suis-je donc ici à remuer ces choses ? Il
est
vrai que ce sont les seules dont l’intérêt grandisse avec le temps, s
602
donc ici à remuer ces choses ? Il est vrai que ce
sont
les seules dont l’intérêt grandisse avec le temps, si l’on admet que
603
de son but. Si l’homme savait un jour ce qu’il en
est
de son destin et de sa liberté, s’il voyait à l’œil nu leur sens dern
604
ensée, l’impuissance à choisir sans retour. Vivre
est
impur, qu’on sache ou non où va la vie, et c’est pourquoi les bonnes
605
sée de la Fin a les meilleures raisons du monde d’
être
pensée ; toutefois l’effort entier de notre vie la neutralise. D’où v
606
in, et l’atteste. La crise Le Bas-Empire ne
fut
« bas », en son temps, qu’aux yeux de ceux qu’une réalité nouvelle il
607
urée ? Mais tout se mêle encore confusément. Nous
sommes
là comme en rêve, empêtrés dans le sentiment d’une urgence que nous n
608
décret de crise qui sévit au cœur de ce siècle n’
est
qu’une première parole, ambiguë, de la Fin. Une première demande d’in
609
nce obscure d’un danger proche, ce crépuscule qui
est
peut-être une aube, et la frange de cet éclat qui doit consumer toute
610
avons-nous du sens de notre civilisation ? Quelle
est
sa fin, dès l’origine, quel est son rêve ? La grandeur ? Nous avons d
611
lisation ? Quelle est sa fin, dès l’origine, quel
est
son rêve ? La grandeur ? Nous avons détruit toute mesure, et plus rie
612
? Nous avons détruit toute mesure, et plus rien n’
est
grand ni petit, mais toute chose sans répit nous provoque à la dépass
613
protéger sa course. L’amour ? La solidarité ? Ce
sont
des idéaux de ligues, des mots qu’on n’ose plus employer qu’au desser
614
oyer qu’au dessert. La richesse ? Voici qu’elle n’
est
plus à la portée des mains humaines, elle n’est plus qu’un symbole ch
615
n’est plus à la portée des mains humaines, elle n’
est
plus qu’un symbole chiffré désignant des puissances lointaines. Toute
616
due de la conscience humaine… Car notre volonté n’
est
plus de conquérir, mais seulement d’assurer la vie du plus grand nomb
617
renons à vivre, et non plus à mourir : cet effort
est
contre nature. Il naît au déclin de la vie, et fatalement se retourne
618
se les commandes pour accomplir le Temps… Et nous
serons
pris au dépourvu, comme nulle autre génération. Car, tandis que le te
619
fense nationale. Avertissement Votre refuge
est
dans la masse et son Histoire. Vous vous dites en secret qu’elle ne p
620
dites en secret qu’elle ne peut pas mourir, et il
est
vrai qu’elle ne possède pas de vie réelle, et ne peut donc penser sa
621
ne peut donc penser sa fin, ni rien. Elle ne peut
être
en soi pensée, et l’homme en elle reste à peu près dénué de réalité,
622
à son tragique et l’humour de la Fin. Tout ce qui
est
réel, tout ce qui manifeste la présence éternelle de la Fin, tout ce
623
ez-moi : s’il se trouvait que le monde réellement
fût
perdu, quel que soit le désir que vous avez qu’il dure, et la persuas
624
uvait que le monde réellement fût perdu, quel que
soit
le désir que vous avez qu’il dure, et la persuasion où vous vous entr
625
ue vous ? S’il se trouvait que la vérité actuelle
fût
totalement démesurée ? Qui périrait dans la honte et la rage ? Ceux q
626
utes pentes. Car celui seul qui accepte la mort n’
est
pas le jouet du vertige. Le temps vient où les hommes n’auront plus à
627
défendre, mais seulement à se révéler tels qu’ils
sont
, où qu’ils soient. Plus d’évasions spirituelles. L’homme fuyant la Te
628
eulement à se révéler tels qu’ils sont, où qu’ils
soient
. Plus d’évasions spirituelles. L’homme fuyant la Terre où le diable s
629
e réfugie sur les hauteurs et découvre que Dieu y
est
plus dangereux encore, d’une autre sorte, fulgurante. Péripétie
630
aut croire, aujourd’hui, que cela se peut. Cela s’
est
produit comme un rêve, ou comme la colère soudain là, ou le printemps
631
ps, ou chaque soir la nuit. (Une première lampe s’
est
allumée. Quelqu’un dit : « Elle est là. ») Premier jugement, par l
632
mière lampe s’est allumée. Quelqu’un dit : « Elle
est
là. ») Premier jugement, par la lumière La fin du monde, irréfu
633
nexprimable. Depuis bientôt mille ans, l’An Mille
était
passé — « et toutes ses prières perdues ! » — mais ils savaient que r
634
et à jamais qu’au prix de cela justement qu’il n’
était
point permis d’imaginer. Celui dont les belles manières sont apprises
635
permis d’imaginer. Celui dont les belles manières
sont
apprises souffre mal qu’on y passe outre, et très peu d’entre eux pos
636
d’entre eux possédaient la pleine assurance de l’
être
. L’Institut de l’opinion planétaire publia les premiers résultats d’u
637
mme, intelligence et belle âme comprises. Et ce n’
est
point que nous aimions la mort comme telle. Bien au contraire, ce qu’
638
ultivez, qui conduit à la mort et la mérite. Nous
sommes
tout simplement au jour du Jugement. Il sera porté aussi bien sur vot
639
us sommes tout simplement au jour du Jugement. Il
sera
porté aussi bien sur votre élan vital que sur l’élan mortel. Car il n
640
En Face. Ici le futur nous attend, ce futur qui n’
était
pour nous qu’un recul devant le présent. Ici le temps dit oui pour la
641
nt qui le juge et l’accomplit, notre temps, qui n’
était
pour nous qu’un refus de l’instant éternel. Et l’Histoire tout entièr
642
lons voir paraître enfin leur justification, leur
être
. Voici l’instant où les hommes s’aperçoivent que leurs efforts et leu
643
forts et leurs soucis se tournaient vers ce qui n’
est
rien, vers une Absence douloureuse, alors que c’est la seule Présence
644
ouloureuse, alors que c’est la seule Présence qui
est
terrible en sa splendeur et difficile à supporter, le seul Amour appa
645
upporter, le seul Amour apparaissant qui menace d’
être
insoutenable : il nous trouve sans préparation. L’on ne s’était défen
646
able : il nous trouve sans préparation. L’on ne s’
était
défendu que de l’autre côté, du côté de ce monde mal fait… Parut un s
647
lus vaste et blanc dans l’univers entier. Ils se
sont
tout d’abord sentis gênés, balourds, ne sachant trop quelle contenanc
648
ù tout œil rend ce qu’il reçoit, où le grand jour
est
tout en tous. Ce premier Jugement fut la Salutation. Second jugeme
649
grand jour est tout en tous. Ce premier Jugement
fut
la Salutation. Second jugement ou sommation Voici le principe d
650
es aveuglements, de sa tendresse. C’est ainsi que
fut
déclarée l’incomparable qualité de son péché et mesuré le degré d’êtr
651
parable qualité de son péché et mesuré le degré d’
être
de son être tel qu’il l’avait librement fait en le vivant. L’examen d
652
ité de son péché et mesuré le degré d’être de son
être
tel qu’il l’avait librement fait en le vivant. L’examen des raisons d
653
cupa moins de temps qu’on n’imagine. La procédure
était
, en effet, des plus simples. — Témoignez, disait-on, de la vie que v
654
nez, disait-on, de la vie que vous possédez. Quel
est
votre plus vrai désir ? Les sages répondaient : — Nul ne possède vrai
655
des joies qu’il rencontrait ; et son désir ainsi
fut
exaucé. Un autre voulait vivre abondamment au sein d’une perpétuelle
656
’une perpétuelle pauvreté. Devint soleil. Et quel
est
celui qui s’approche avec son parapluie mal fermé sous le bras, et de
657
dessus du sourire de la plus fervente ironie ? Qu’
est
-ce qu’il grommelle sous son chapeau de paille8 ? « Qu’il voudrait sub
658
ablement de Celui qui d’un choix me créa. » (Nous
fûmes
tous saisis d’un vertige à ce discours d’une furieuse démesure, mais
659
e angélique hilarité. Et nous sûmes que cet homme
était
très grand.) Troisième jugement ou le pardon Toute chose a son
660
essor. Et chacun de nous accède au destin qu’il s’
est
fait, à la parfaite possession de soi-même, à son enfer ou à son ciel
661
r ou à son ciel, dans la consommation de tout son
être
, au faîte inconcevable du désir comblé, et comblé pour l’éternité. «
662
te avec soi la rétribution de nos œuvres » — elle
est
en Lui, non dans nos œuvres. Commence l’œuvre du Pardon. « Et que cel
663
au de la vie, gratuitement. » Car maintenant tout
est
payé. Tout est gratuit. Et c’est alors que toutes les voix des juste
664
ratuitement. » Car maintenant tout est payé. Tout
est
gratuit. Et c’est alors que toutes les voix des justes confondues cl
665
l’Esprit descendit sur les eaux, et que sa danse
fut
noyée dans la substance sous-marine, la Tempête devint l’âme des eaux
666
hommes qui voulaient encore la danse pour danser
furent
noyés : ils allèrent la chercher dans cette profondeur où l’Esprit po
667
le psalmiste, la douleur l’a noyé, et son salut n’
est
plus que dans la mort par l’eau. L’amertume acceptée jusqu’à la mort
668
fie et le rend à l’Esprit. 5. — L’eau du Baptiste
est
l’eau mortelle de l’Esprit, la danse de l’Esprit dans l’âme des enfan
669
re. Et l’homme s’y noie et y meurt de douleur, il
est
noyé par l’amertume non par l’eau. C’est la saveur d’une vie nouvelle
670
. C’est la saveur d’une vie nouvelle. 6. — « Vous
êtes
le sel de la Terre », leur fut-il dit. Mais l’Esprit danse dans les e
671
elle. 6. — « Vous êtes le sel de la Terre », leur
fut
-il dit. Mais l’Esprit danse dans les eaux salées. Méditez le symbole
672
ertume et dans la danse. 7. — Les grandes eaux ne
sont
pas pour nos soifs, car l’assoiffé n’y trouve qu’un désert. C’est com
673
de soif dans l’eau de l’amertume, là où l’ivresse
est
impossible, et où le sel a sa saveur de mort, c’est la vie même de l’
674
uitement. L’amertume acceptée, la mort par l’eau,
est
le prix du Royaume, un don pur. 9. — Ainsi pour l’homme deux fois né,
675
ns la danse, mais ressuscité par l’Eau vive, il n’
est
plus d’obole de péage. L’Esprit le porte sur les eaux, vol de colombe
676
hampion du monde, subit la hantise des forts, qui
est
de ne point faire honneur constamment à sa force. Noblesse oblige au
677
oblige au tout ou rien : s’il perd une fois, c’en
est
fini. Jamais il ne se sent plus angoissé qu’à la veille d’une épreuve
678
il s’éprouve cependant chargé d’une fièvre. Ce n’
est
pas l’impatience de combattre, mais au contraire un besoin obsédant d
679
e. Ces dispositions, bien connues du manager, ont
été
qualifiées par lui, devant les journalistes, de « tendance névrotique
680
du champion. La foule moderne adore que ses héros
soient
un peu détraqués, ces faiblesses les rendant plus humains, selon le l
681
t plus humains, selon le langage courant. Le fait
est
qu’Antée, jusqu’ici, déployant des trésors d’astuce à faire pâlir tou
682
répétée du manager.) « … … …Complexe d’Œdipe : me
suis
vu contraint de renoncer à cette hypothèse, après deux ans de travail
683
stère. Lors d’une de nos dernières séances, je me
suis
risqué à une allusion courtoise à sa légende bien connue. Il est entr
684
e allusion courtoise à sa légende bien connue. Il
est
entré dans une fureur terrible, a cassé le canapé en deux comme une a
685
e de tout ». Au cours des séances suivantes, il s’
est
expliqué plus posément. Je déplore, pour la clarté de ces notes, que
686
es notes, que l’appareil conceptuel de mon client
soit
aussi nettement déficient, mais mon devoir est de consigner ou de rés
687
t soit aussi nettement déficient, mais mon devoir
est
de consigner ou de résumer ses paroles (plusieurs expressions argotiq
688
i de la terre sur les doigts, s’ils disent que je
suis
sale, je l’ai sec. Je me lave. Avec la terre je me lave… C’est le con
689
ne. Quand j’ai mes humeurs, je me sens faible. Je
suis
tout chargé. Ça me donne sur les nerfs. Plus qu’il m’isole dans mes b
690
fermente dans le sang. Les humeurs, comme on dit,
est
-ce qu’on sait seulement ce que c’est, les humeurs ? C’est toujours da
691
re. Je me dis : tu ne pourras plus cette fois, tu
es
trop nerveux. Je deviens comme fou ! Mais le bon Dieu m’aime, je fini
692
me elle vous les nettoie, la terre ! » 9. Antée
est
le fils de Poséidon et de la Terre. Depuis la séparation des Eaux, le
693
rottements. Les rapports entre la Terre et le Feu
sont
beaucoup plus dramatiques.
694
stoire, car il met le vide sur les têtes. Le vide
est
quelque chose d’insatiable… Alors elle se mit à conter : « Les Indien
695
. Sauf le Sommeil, le plus profond Oubli, où l’on
était
en n’étant pas. Pour le joindre, il fallait se jeter dans l’Abîme. To
696
ommeil, le plus profond Oubli, où l’on était en n’
étant
pas. Pour le joindre, il fallait se jeter dans l’Abîme. Tout ce qui n
697
, il fallait se jeter dans l’Abîme. Tout ce qui n’
était
que précipice était admis. Mais bientôt ils ont vu que le vide, et l’
698
r dans l’Abîme. Tout ce qui n’était que précipice
était
admis. Mais bientôt ils ont vu que le vide, et l’abîme, et le précipi
699
ient pas se rejoindre vraiment dans l’Oubli. Ce n’
était
pas le vrai commencement de tout. Alors des prêtres leur ont dit que
700
l’on pouvait admettre la Lumière. Que la Lumière
était
comme le Vide. Puis d’autres prêtres ont trouvé que la lumière signif
701
corps et ne les veut pas, c’est le Vide. L’Eau a
été
admise. Et de l’Eau est sorti le Monstre-qui-sort-de-l’Eau, insatiabl
702
s, c’est le Vide. L’Eau a été admise. Et de l’Eau
est
sorti le Monstre-qui-sort-de-l’Eau, insatiable, et qui veut tout mang
703
qui veut tout manger. C’était le Vide, le Monstre
fut
admis. Et le Monstre leur fit craindre le Feu, l’ennemi de l’Eau, en
704
Feu, l’ennemi de l’Eau, en leur disant que le Feu
était
le plus puissant de tous, dévorant tout, voulant que rien n’existe ou
705
s : c’était le Néant le plus fort. Et la prière a
été
inventée, avec des chants, pour apprivoiser Flamme et Feu. Les femmes
706
r cuire les aliments sous les Tropiques. Le Feu n’
était
que l’invité qui détruisait forêts, gens et maisons, étant admis… » N
707
l’invité qui détruisait forêts, gens et maisons,
étant
admis… » Nous regardions le feu dans la cheminée. Je pensais à l’amou
708
us, la voie qui mène au Commencement de tout, qui
est
la vraie Fin.