1 1947, Doctrine fabuleuse. Orientation
1 . Et leurs fables illustrent les drames réguliers de la vie affective et spirituelle, c’est-à-dire proprement humaine, tan
2 dire proprement humaine, tandis que les équations de la physique traduisent les structures de l’énergie considérée comme o
3 quations de la physique traduisent les structures de l’énergie considérée comme objective. Ces deux approches du réel, l’u
4 ier. Les vrais mythes sont universels. L’histoire de Cendrillon peut être retrouvée chez les peuples les plus divers de to
5 t être retrouvée chez les peuples les plus divers de tous les temps. (On en a réuni cent-trente-et-une versions.) Ces peup
6 niqué entre eux mais avec la réalité constitutive de notre condition humaine, profond trésor de formes dynamiques d’où rem
7 tutive de notre condition humaine, profond trésor de formes dynamiques d’où remontent aux moments décisifs, quand nous som
8 tion humaine, profond trésor de formes dynamiques d’ où remontent aux moments décisifs, quand nous sommes comme on dit remi
9 sommes comme on dit remis en jeu, les archétypes de nos émotions les plus sincères et les plus surprenantes. Enfin les my
10 tes. Enfin les mythes révèlent les thèmes communs de situations bien différentes en apparences. C’est ainsi que l’on décou
11 insi que l’on découvre Don Juan dans le mouvement de la pensée de Nietzsche, le Supplice de Tantale dans un récit de Jean-
12 découvre Don Juan dans le mouvement de la pensée de Nietzsche, le Supplice de Tantale dans un récit de Jean-Paul. De même
13 mouvement de la pensée de Nietzsche, le Supplice de Tantale dans un récit de Jean-Paul. De même nous appliquons les dicto
14 e Nietzsche, le Supplice de Tantale dans un récit de Jean-Paul. De même nous appliquons les dictons et proverbes aux occas
15 ns les dictons et proverbes aux occasions variées de la vie quotidienne, identifiées par cette algèbre populaire. Et les p
16 es prédicateurs ramènent l’actualité à tel verset de l’Évangile du jour, dont l’usage est alors mythique, au sens où je l’
17 l’entends ici. Il m’a semblé que le rapprochement de ces trois mots : mythe, événement, réalité, était de nature à oriente
18 ces trois mots : mythe, événement, réalité, était de nature à orienter le lecteur mieux qu’un discours d’apparence méthodi
19 nature à orienter le lecteur mieux qu’un discours d’ apparence méthodique mais qui aurait eu le tort, au seuil de cet ouvra
20 e méthodique mais qui aurait eu le tort, au seuil de cet ouvrage, de n’être pas lui-même fabuleux.
21 s qui aurait eu le tort, au seuil de cet ouvrage, de n’être pas lui-même fabuleux.
2 1947, Doctrine fabuleuse. Premier dialogue sur la carte postale. La pluie et le beau temps
22 ui signifie, en somme : êtes-vous un être capable d’ aimer, ou seulement une apparence adorable ? Voici ma question : préfé
23 notre souffrance, ou même qu’il est le contraire de la souffrance, petite fille ! Et vos rêves composent toujours le même
24 ! Et vos rêves composent toujours le même paysage de carte postale en couleurs, idéal inévitable de ceux qui n’ont pas de
25 ge de carte postale en couleurs, idéal inévitable de ceux qui n’ont pas de point de vue sur le beau temps. Écoutez-moi, So
26 couleurs, idéal inévitable de ceux qui n’ont pas de point de vue sur le beau temps. Écoutez-moi, Sonnette : vos actions,
27 , Sonnette : vos actions, vos pensées, votre idée de l’amour se réfèrent en vérité à une carte postale en couleurs. Et non
28 . (Un silence.) Sans doute, Sonnette, portez-vous de ces courtes bottes vernies, quand il pleut ? Sonnette. Quand j’étais
29 s jambes nues sous la pluie. L’herbe était pleine de limaces et de petits escargots, et les framboises humides avaient un
30 sous la pluie. L’herbe était pleine de limaces et de petits escargots, et les framboises humides avaient un délicieux goût
31 t un délicieux goût fade. Je rentrais toute fière de mes genoux griffés comme ceux des garçons, et le soir quand quelqu’un
32 ens sont toujours religieux, alors que les femmes de ce temps sont seulement sournoises. Sonnette. Lord Artur, vous m’amu
33 e jaloux, ce soir. Quand vous cédez à votre manie de remuer des métaphysiques à propos de petits riens, c’est toujours par
34 rer qu’il faut être chrétien pour parler sagement de la pluie et du beau temps. Lord Artur. J’ai toujours estimé, Sonnett
35 Je regrette profondément que vous n’ayez pas plus de sens qu’un oiseau. Sonnette, si vous étiez païenne ou si vous étiez c
36 ieu rendu visible et le « bonheur » serait le nom de sa présence. Mais un jour, la lumière est morte autour de nous, elle
37 e à la surface des choses pour renaître au centre de l’homme. Et désormais, de tous les événements qui paraissent autour d
38 pour renaître au centre de l’homme. Et désormais, de tous les événements qui paraissent autour de nous, aucun n’importe, s
39 lui qui dans le même temps se passe à l’intérieur d’ un être. Ainsi tout est changé, mais peu le savent. Peu savent le chem
40 ent le chemin qui va du signe à l’être, le chemin de l’incarnation. Longues pluies de printemps sur la campagne recueillie
41 ’être, le chemin de l’incarnation. Longues pluies de printemps sur la campagne recueillie, tempêtes sur les hautes pentes
42 es hautes pentes — c’est mon beau temps, le temps de la présence. Car je sais pour quel « bien » désiré je les aime. Pourt
43 situe leur lieu, j’établis en ce lieu la demeure de mes pensées. Ainsi, nous dit la Fable, fit Myscille, habitant d’Argo
44 Ainsi, nous dit la Fable, fit Myscille, habitant d’ Argos. N’ayant pu débrouiller le sens de l’Oracle qui lui avait dit d’
45 habitant d’Argos. N’ayant pu débrouiller le sens de l’Oracle qui lui avait dit d’aller bâtir une ville là où il trouverai
46 débrouiller le sens de l’Oracle qui lui avait dit d’ aller bâtir une ville là où il trouverait la pluie et le beau temps, i
47 tisane qui pleurait, et en ce lieu bâtit la ville de Crotone. Sonnette. Dites-moi, Lord Artur, si je pleurais, quel temp
48 ui me réchauffe. Parce qu’elle se tient là, vêtue de son péché — comme une courtisane. Mais vous n’êtes qu’une petite fill
3 1947, Doctrine fabuleuse. Deuxième dialogue sur la carte postale. La beauté physique
49 et il disait en rajustant ses écailles oculaires de critique d’art : Ça n’est pas étonnant que votre Léda en soit réduite
50 se faire aimer par son cygne. Quel homme voudrait d’ une femme pareille ? Un mari. Vous lui avez répondu ?… Le peintre. N
51 t, je lui ai dit que mon cygne n’avait pas besoin de lunettes. Le mari. Vous auriez pu lui faire observer que votre Léda
52 lle est faite pour lui. Je n’en dirais pas autant d’ Ellen. Pas faite pour un critique ! Jolie, oui. Mais je pensais, en le
53 sant leur légitime et monstrueux époux ! Question de convenance comme nous le disions hier1. Je trouve leur union déplaisa
54 lez dire ? Le mari. Qu’il se trompait en parlant de votre Léda comme si elle n’eût pas été dans un cadre, et que vous vou
55 et que vous vous trompez pareillement en parlant de leur couple comme s’il était un tableau. Le peintre. Bien ! Dois-je
56 ste une morale du cadre, et une autre, une espèce de morale sans cadre, qui concernerait par exemple ce critique et sa fem
57 versité du monde. Car la morale concerne la façon d’ exister de chaque être, et non sa classification, l’homme de chair et
58 monde. Car la morale concerne la façon d’exister de chaque être, et non sa classification, l’homme de chair et non pas so
59 de chaque être, et non sa classification, l’homme de chair et non pas son concept. Le peintre. Pardonnez-moi, je ne compr
60 z-moi. Le mari. Une morale qui concerne la façon d’ exister particulière et concrète de chaque être, une morale qui non se
61 cerne la façon d’exister particulière et concrète de chaque être, une morale qui non seulement tienne compte de cette faço
62 être, une morale qui non seulement tienne compte de cette façon d’exister, mais encore ait pour seul principe de l’assure
63 le qui non seulement tienne compte de cette façon d’ exister, mais encore ait pour seul principe de l’assurer — ou plutôt d
64 çon d’exister, mais encore ait pour seul principe de l’assurer — ou plutôt d’assurer son risque permanent, si je puis dire
65 e ait pour seul principe de l’assurer — ou plutôt d’ assurer son risque permanent, si je puis dire… Mais il faudrait expliq
66 endez, attendez ! Revenons à notre Léda. J’essaie de voir. Quelle est, selon vous, sa façon d’exister particulière et conc
67 ’essaie de voir. Quelle est, selon vous, sa façon d’ exister particulière et concrète ? Quel est son risque ? Le mari. Vou
68 le ne peut en sortir, elle ne peut pas se déplier de ce riche accroupissement que j’admirais tout à l’heure. Et celui qui
69 e et se comporte en moraliste, non point en homme de sens. Au contraire, celui qui la considère dans son existence propre,
70 ans son rapport avec le cygne et dans les limites de ce cadre, celui-là la considère aussi dans son risque propre, et peut
71 la peinture au nom de vos dogmes, nous fabriquer de l’allégorie, du bergsonisme de Prix de Rome, une métaphysique pictura
72 es, nous fabriquer de l’allégorie, du bergsonisme de Prix de Rome, une métaphysique picturale et une picturalité pataphysi
73 fabriquer de l’allégorie, du bergsonisme de Prix de Rome, une métaphysique picturale et une picturalité pataphysique ! Mo
74 une picturalité pataphysique ! Moi, j’appelle ça de l’académisme. … Je me moque du beau idéal comme du bien moral. Ça ne
75 e correspond à aucune couleur connue. Je m’occupe de rapports de tons et de masses, je n’en sors pas, et il en sortira ce
76 à aucune couleur connue. Je m’occupe de rapports de tons et de masses, je n’en sors pas, et il en sortira ce qu’il en pou
77 ouleur connue. Je m’occupe de rapports de tons et de masses, je n’en sors pas, et il en sortira ce qu’il en pourra sortir,
78 z comme vous l’entendrez. Ce qui m’importe, c’est de faire jouer des valeurs et des lignes. Je ne vois là qu’un seul risqu
79 . Maintenant, si vous m’écoutez, il n’y aura plus de malentendu. Vos couleurs existent dans leurs rapports sur une toile :
80 le tableau que vous faites. C’est là votre morale de peintre, et c’est aussi le lieu de votre risque, j’entends le lieu où
81 à votre morale de peintre, et c’est aussi le lieu de votre risque, j’entends le lieu où vous créez vous-même vos mesures,
82 es, où vous êtes à la fois le créateur et le juge de vos difficultés ou de vos succès, ou vous êtes votre vérité, index su
83 fois le créateur et le juge de vos difficultés ou de vos succès, ou vous êtes votre vérité, index sui et falsi… Ainsi vous
84 vous existez vraiment et vous n’êtes justiciable d’ aucune règle extérieure à votre action. Je dirai plus. L’amateur d’art
85 térieure à votre action. Je dirai plus. L’amateur d’ art, en présence de votre tableau, bien loin de le juger selon quelque
86 rapports singuliers qui manifestent la loi intime de ce tableau. Il doit commencer, dis-je, par se soumettre à l’existence
87 plus ou moins à une carte postale. Notre critique d’ hier, tenez, nul besoin de gratter beaucoup pour trouver la carte post
88 postale. Notre critique d’hier, tenez, nul besoin de gratter beaucoup pour trouver la carte postale au fond de son esprit.
89 er beaucoup pour trouver la carte postale au fond de son esprit. Le mari. Je vais vous étonner. Le peintre. Essayez. Le
90 e mari. Tel le prestidigitateur, je vais extraire de votre tête à vous une magnifique carte postale ! Le peintre. Je comp
91 e ! deux !… Le mari. Trois ! Pourquoi dites-vous d’ une femme : « Elle est jolie » ?…D’une femme comme Ellen, par exemple,
92 t jolie » ?…D’une femme comme Ellen, par exemple, d’ une femme qui n’est pas la vôtre, en aucune manière… Le peintre, aprè
93 , en aucune manière… Le peintre, après un moment de réflexion. Difficile, à vrai dire. Ne pensez-vous pas que chacun a « 
94 chacun a « son type », comme on dit ? Son « type de femme » ? D’ailleurs ce sont les peintres qui créent ces types. Ruben
95 ur ». Et vous jugez à partir de Renoir à peu près de la même façon que votre coiffeur à partir d’une de ces cartes qui rep
96 près de la même façon que votre coiffeur à partir d’ une de ces cartes qui représentent un amoureux au teint de cire penché
97 e la même façon que votre coiffeur à partir d’une de ces cartes qui représentent un amoureux au teint de cire penché sur u
98 ces cartes qui représentent un amoureux au teint de cire penché sur une beauté bleuâtre, le tout sur fond bistré et artis
99 fond bistré et artistique. Je parle bien entendu de vos jugements désintéressés. Quand il s’agit de faire l’amour, ou seu
100 u de vos jugements désintéressés. Quand il s’agit de faire l’amour, ou seulement de faire un portrait, j’aime à croire que
101 s. Quand il s’agit de faire l’amour, ou seulement de faire un portrait, j’aime à croire que vous usez d’une mesure plus ré
102 faire un portrait, j’aime à croire que vous usez d’ une mesure plus réelle. Mais sans doute ne pourriez-vous pas la formul
103 Le peintre. Peut-être aussi n’ai-je pas du tout de « mesure réelle » ? Le mari. Il y a ainsi des hommes qui croient n’a
104 s, dans la confusion permanente et la dégradation de tous leurs préjugés. La beauté, par exemple. La beauté physique n’exi
105 i s’établit entre un sujet d’une part et un objet de l’autre, entre un homme et une femme, par exemple. Si le sujet n’a da
106 éal. Mais il n’a pas conscience, encore une fois, de projeter sur les objets cet idéal. Il constate seulement qu’aucune fe
107 ’a plus aucune exigence. Le peintre. Qui n’a pas de carte postale dans l’esprit ? ou mieux encore, quelle différence voye
108 différence voyez-vous entre un homme qui n’a pas de carte postale dans l’esprit, et n’en a jamais eu, et un homme qui n’a
109 it, et n’en a jamais eu, et un homme qui n’a plus de carte postale dans l’esprit parce qu’il l’a complètement brouillée et
110 seul homme qui n’a pas une carte postale au fond de sa vision, c’est celui qui, devant une femme, non seulement méprise d
111 elui qui, devant une femme, non seulement méprise de juger — belle ou laide — non seulement se tait, mais encore se tait f
112 t jusqu’à ce qu’il comprenne et juge le vrai sens de son trouble. Le peintre. Et alors ? Le mari. Et alors il se tait pe
113 pour eux-mêmes ? Naturellement, ils se conduisent d’ une façon absurde. Et comment pourrait-il en être autrement ? Ils pers
114 ait-il en être autrement ? Ils persistent à juger de toutes les femmes, de toutes les autres femmes, selon les canons esth
115 nt ? Ils persistent à juger de toutes les femmes, de toutes les autres femmes, selon les canons esthétiques de la masse, s
116 s les autres femmes, selon les canons esthétiques de la masse, selon le préjugé académique en cours, selon cette espèce de
117 e préjugé académique en cours, selon cette espèce de type statistique composé des traits raciaux les plus marquants et qu’
118 r même. N’allez pas dire au citoyen Durand, époux d’ une femme obèse mais rajeunie par les soins de l’art, que l’idéal n’ex
119 oux d’une femme obèse mais rajeunie par les soins de l’art, que l’idéal n’existe pas, que le beau idéal est une farce, que
120 duire par les mêmes moyens le poitrail affligeant de Mme Dupont. Vous seriez dénoncé, on sourirait avec aigreur à votre ap
121 re approche, peut-être même vous soupçonnerait-on de sadisme, ou de quelque horrible projet de subversion sociale… Le pei
122 ut-être même vous soupçonnerait-on de sadisme, ou de quelque horrible projet de subversion sociale… Le peintre. Et l’on n
123 rait-on de sadisme, ou de quelque horrible projet de subversion sociale… Le peintre. Et l’on n’aurait pas tort. Voyez-vou
124 approche, c’est plutôt parce qu’ils ne savent pas de quoi vous leur parlez. L’homme du bourg est ainsi fait : tout ce qu’i
125 t attenter par quelque voie secrète à la sécurité de son état. Mais il est trop facile de les railler, c’est déprimant, on
126 la sécurité de son état. Mais il est trop facile de les railler, c’est déprimant, on tape dans le vide. Je sais un cas bi
127 s intéressant : le vôtre. Le cas peut-être unique de l’homme qui soutient vos théories sur la relativité de la beauté phys
128 homme qui soutient vos théories sur la relativité de la beauté physique, et qui est cependant l’époux d’une jolie femme, p
129 la beauté physique, et qui est cependant l’époux d’ une jolie femme, permettez-moi de le dire… Le mari. Je ne vous le per
130 ependant l’époux d’une jolie femme, permettez-moi de le dire… Le mari. Je ne vous le permets pas. Je ne le permets à pers
131 . Je vous le répète : la beauté n’est pas le fait d’ une image ou d’une comparaison d’images, mais d’un acte de notre espri
132 pète : la beauté n’est pas le fait d’une image ou d’ une comparaison d’images, mais d’un acte de notre esprit, d’un acte to
133 ’est pas le fait d’une image ou d’une comparaison d’ images, mais d’un acte de notre esprit, d’un acte tout à fait personne
134 t d’une image ou d’une comparaison d’images, mais d’ un acte de notre esprit, d’un acte tout à fait personnel. La beauté n’
135 age ou d’une comparaison d’images, mais d’un acte de notre esprit, d’un acte tout à fait personnel. La beauté n’est jamais
136 araison d’images, mais d’un acte de notre esprit, d’ un acte tout à fait personnel. La beauté n’est jamais donnée hors d’un
137 ait personnel. La beauté n’est jamais donnée hors d’ une situation totale, du rapport d’un je à un toi au cœur d’une présen
138 is donnée hors d’une situation totale, du rapport d’ un je à un toi au cœur d’une présence concrète. Si vous ne m’avez pas
139 ation totale, du rapport d’un je à un toi au cœur d’ une présence concrète. Si vous ne m’avez pas compris, je vais être obl
140 i vous ne m’avez pas compris, je vais être obligé de vous considérer à mon tour comme dangereux, insensé et sans pudeur. C
141 reux, insensé et sans pudeur. Car vous n’êtes pas de ceux qui renoncent. Vous êtes tout à fait moderne. Les barrières sont
142 ous le demande maintenant, quelle est cette façon de séparer un mari de sa femme ? Où prenez-vous le droit de juger l’un c
143 tenant, quelle est cette façon de séparer un mari de sa femme ? Où prenez-vous le droit de juger l’un comme s’il ne formai
144 rer un mari de sa femme ? Où prenez-vous le droit de juger l’un comme s’il ne formait pas avec l’autre « une seule chair »
145 air » ? Ou bien allez-vous soutenir que la beauté d’ un couple est simplement la somme des deux beautés unies pour le forme
146 le former ? Ce serait déraisonner. Non, la beauté d’ un couple est un acte, comme le mariage ; elle est absolument d’une au
147 t un acte, comme le mariage ; elle est absolument d’ une autre essence que la beauté de l’homme seul et de la femme seule,
148 est absolument d’une autre essence que la beauté de l’homme seul et de la femme seule, elle les anéantit et les remplace
149 ne autre essence que la beauté de l’homme seul et de la femme seule, elle les anéantit et les remplace une fois pour toute
150 eux, c’est aussi mon métier, on ne se permet plus de parler des conjoints comme de deux célibataires arbitrairement juxtap
151 n ne se permet plus de parler des conjoints comme de deux célibataires arbitrairement juxtaposés. C’est pourtant ce que vo
152 lus réelle. Cette beauté n’est pas dans le visage de ma femme ; pourtant, sans ce visage, je ne la concevrais pas. Cette b
153 pas pour moi. Elle nous dépasse et elle a besoin de nous. Elle est tout autre que ce que nous sommes ensemble, mais nous
154 tre union nous l’indique, nous la désigne au-delà d’ elle-même, et nous ordonne à sa Réalité. Et s’il n’en était pas ainsi,
155 pas deux réalités opposables, et qu’au sens plein de ces deux mots, on les peut employer l’un pour l’autre. Dans l’un et l
156 pour l’autre. Dans l’un et l’autre cas, il s’agit de savoir « ce qui convient ». Mais cette convenance embrasse-t-elle des
4 1947, Doctrine fabuleuse. Troisième dialogue sur la carte postale. L’homme sans ressemblance
157 s connaissez, Monsieur, sans aucun doute la série de portraits en couleurs que publient nos grands magazines : The Man of
158 omme distingué. Je suis venu solliciter l’honneur de vous photographier pour cette série. X., une célébrité du jour. Je s
159 der l’objectif, et tenir à la main un grand verre de whiskey ? L’agent. Précisément… Veuillez me permettre… Ces six boute
160 me permettre… Ces six bouteilles sont un présent de notre maison. Il y a longtemps que nous désirions vous voir, et seuls
161 ous un homme distingué ? L’agent. Voici la liste de ceux qui ont bien voulu poser pour nous. Un coup d’œil va vous assure
162 Vous publiez donc ces portraits pour la publicité de votre boisson ? Bien. L’idée générale me paraît simple. On incite le
163 guer en imitant ? Devenir distinct en s’efforçant de ressembler ? Supposez que votre effort aboutisse, et que tout le mond
164 e tout le monde adopte votre marque. Elle cessera d’ être une marque de distinction. Vous serez perdu. L’agent. Pas du tou
165 opte votre marque. Elle cessera d’être une marque de distinction. Vous serez perdu. L’agent. Pas du tout. Si ce jour béni
166 ur béni arrive jamais, nous changerons simplement de slogan. Au lieu de dire : « Soyez distingué, buvez le Nelson », nous
167 e Nelson. » Tel est notre art, et je me fais fort de vous en faire bénéficier bon gré mal gré. X. Ainsi vos hommes de dis
168 bénéficier bon gré mal gré. X. Ainsi vos hommes de distinction seront devenus des hommes de la vulgarité, des cartes pos
169 s hommes de distinction seront devenus des hommes de la vulgarité, des cartes postales en couleurs montrant les modèles mê
170 danger n’est pas grand. Prenez le vieil empereur d’ Autriche, François-Joseph : tous les cochers d’opérettes viennoises, t
171 ur d’Autriche, François-Joseph : tous les cochers d’ opérettes viennoises, tels qu’on les voit encore dans nos films, copia
172 taient les mêmes favoris. Cela ne l’empêchait pas de rester l’empereur, et un homme parfaitement distingué. X. On affirme
173 Car la conformité aux bons modèles relève plutôt de la correction. Mais la politesse véritable relève de l’invention et s
174 la correction. Mais la politesse véritable relève de l’invention et surtout du courage, dont le premier degré est la maîtr
175 du courage, dont le premier degré est la maîtrise de soi. C’est en somme le début de l’héroïsme… À propos, dans votre gale
176 é est la maîtrise de soi. C’est en somme le début de l’héroïsme… À propos, dans votre galerie d’hommes distingués, avez-vo
177 début de l’héroïsme… À propos, dans votre galerie d’ hommes distingués, avez-vous aussi des héros ? L’agent. Nous sommes f
178 ous aussi des héros ? L’agent. Nous sommes fiers d’ avoir pris les portraits du fameux amiral Grandisson et du général Mac
179 , nous avons aussi pris quelques GI tout couverts de décorations. X. Bien entendu, ces portraits ont paru pendant la guer
180 vers les sportifs, les stars et les grands hommes d’ affaires. X. En un mot, ceux qu’on peut imiter. Pendant la guerre, on
181 rendu cet héroïsme obligatoire pour des millions de nos contemporains. C’était encore une contradiction. Car le héros est
182 ourage, mais le plus grand courage cesse aussitôt de l’être s’il est officiellement prescrit. J’ajoute qu’il est rarement
183 me faut-il aller plus loin, et déclarer qu’il est de son essence d’être mal vu. Ou pire encore, de n’être jamais vu du tou
184 r plus loin, et déclarer qu’il est de son essence d’ être mal vu. Ou pire encore, de n’être jamais vu du tout, étant toujou
185 est de son essence d’être mal vu. Ou pire encore, de n’être jamais vu du tout, étant toujours unique, incomparable, et trè
186 t justement à l’instant où un homme se voit privé de toute assurance exemplaire, jeté dans un destin sans précédent, auque
187 grand. L’agent. Je vois que vous êtes un amateur de paradoxes. Quel est selon vous le héros de l’époque ? X. Quelqu’un,
188 mateur de paradoxes. Quel est selon vous le héros de l’époque ? X. Quelqu’un, Monsieur, dont vous ne prendrez jamais le p
189 a même pas. Car l’époque ne connaît que des têtes de série, tandis que le héros vrai serait inimitable, hors série par déf
190 ant sans que rien en parût au-dehors, avec l’aide de la seule énergie qu’il aurait lui-même produite. S’il existe, il est
191 nt tout le tentait, la raison, la morale, le bien de son peuple… L’agent. Dans ce cas, je parlerais plutôt d’un raté ou d
192 euple… L’agent. Dans ce cas, je parlerais plutôt d’ un raté ou d’un orgueilleux qui refuse de tenir son rôle social. Si le
193 nt. Dans ce cas, je parlerais plutôt d’un raté ou d’ un orgueilleux qui refuse de tenir son rôle social. Si le héros n’est
194 s plutôt d’un raté ou d’un orgueilleux qui refuse de tenir son rôle social. Si le héros n’est pas glorieux, qui le sera ?
195 era trompée, nous savons bien qu’elles ont besoin d’ admiration. Et à mon tour, je me permettrai de signaler une contradict
196 oin d’admiration. Et à mon tour, je me permettrai de signaler une contradiction dans les termes, quand vous parlez d’un hé
197 contradiction dans les termes, quand vous parlez d’ un héros inconnu… X. C’est bien ici que je vous attendais. Toutes cho
198 ont trouvé tous les deux, le même jour, le secret de la bombe atomique. Mais l’un renonce à l’exploiter, brûle ses papiers
199 apiers, et s’en va tranquillement faire sa partie de billard, tandis que le second saisit sa chance de gloire et devient u
200 de billard, tandis que le second saisit sa chance de gloire et devient un héros national : vous avez publié récemment son
201 connu, mais c’est pour la raison précise qui fait de lui le héros véritable. Et j’ajoute que c’est lui probablement qui au
202 Avouez que votre idée du héros manque totalement de sex-appeal ! De plus, si vous avez vraiment comme idéal celui que vou
203 ins qu’il ne soit très vulgaire et ne tire vanité d’ une gloire usurpée, plaquée sur lui par la publicité. Mais laissons de
204 , plaquée sur lui par la publicité. Mais laissons de côté ces nuances de scrupule. La différence capitale entre celui que
205 r la publicité. Mais laissons de côté ces nuances de scrupule. La différence capitale entre celui que vous irez voir parce
206 oit au salut. L’agent. Là encore, je ne vois pas d’ opposition, ni de difficulté sérieuse. Si j’étais philosophe ou prêtre
207 agent. Là encore, je ne vois pas d’opposition, ni de difficulté sérieuse. Si j’étais philosophe ou prêtre, j’essaierais de
208 se. Si j’étais philosophe ou prêtre, j’essaierais de convaincre le public que le vrai bonheur se trouve dans le salut. Le
209 onnerai donc un exemple. Vous avez entendu parler de Kierkegaard, ce philosophe danois que tous vos magazines se croient o
210 danois que tous vos magazines se croient obligés de citer, et quelques-uns déjà se permettent d’en parler. L’un d’entre e
211 igés de citer, et quelques-uns déjà se permettent d’ en parler. L’un d’entre eux, l’autre jour, me demandait son adresse. J
212 demandait son adresse. Je me suis fait un plaisir de la donner. C’est une pierre plate dans un cimetière danois, sur laque
213 l en masse, et qu’il devienne possible en général de mélanger toutes choses impunément. Voyez-vous, cet homme Kierkegaard,
214 vous, cet homme Kierkegaard, c’était le type même de l’inadapté, du rebut social, de la vipère lubrique, du résistant qui
215 tait le type même de l’inadapté, du rebut social, de la vipère lubrique, du résistant qui refuse de comprendre, et du néga
216 l, de la vipère lubrique, du résistant qui refuse de comprendre, et du négativiste impénitent qui dit non dans son coin, a
217 e. Car tel que je vous connais, vous n’auriez pas de cesse que vous ne l’ayez traîné devant un micro pour qu’il explique a
218 plique aux masses sa grande idée qui est que rien d’ important ne peut être dit aux masses. Et le programme du Solitaire à
219 rait écouté chaque dimanche par quarante millions de personnes avides de faire comme le voisin… Imaginez ce cri suprême d’
220 imanche par quarante millions de personnes avides de faire comme le voisin… Imaginez ce cri suprême d’une ironie désespéré
221 de faire comme le voisin… Imaginez ce cri suprême d’ une ironie désespérée : « Faites comme moi, soyez tous l’Exception ! »
222 ’Exception ! » L’agent. Quelle merveilleuse idée d’ article ! Je sens que la photo sera bonne, nous l’avons prise pendant
223 onne, nous l’avons prise pendant que vous parliez de votre sujet préféré. Vous étiez animé, dynamique, tout à fait informa
224 out à fait informal — ce sera parfait ! X., ivre d’ une rage subite, saisit une bouteille de whiskey et fracasse l’apparei
225 X., ivre d’une rage subite, saisit une bouteille de whiskey et fracasse l’appareil de photo. L’agent. Je vous tire mon c
226 t une bouteille de whiskey et fracasse l’appareil de photo. L’agent. Je vous tire mon chapeau, Monsieur ! Et je parie que
227 stant, je crois que je tiens mon titre : Le Héros de l’Incognito ! X. fait un geste vers la seconde bouteille, mais l’age
5 1947, Doctrine fabuleuse. Quatrième dialogue sur la carte postale. Ars prophetica, ou. D’un langage qui ne veut pas être clair
228 dialogue sur la carte postale Ars prophetica ou D’ un langage qui ne veut pas être clair Un critique. J’ai lu vos tro
229 a plus sûre. Il me semble parfois qu’il n’est pas de louange préférable à celle-ci : qu’on me fasse grief de mes écrits. J
230 ange préférable à celle-ci : qu’on me fasse grief de mes écrits. J’y voudrais voir la preuve d’une certaine grièveté qu’il
231 grief de mes écrits. J’y voudrais voir la preuve d’ une certaine grièveté qu’ils présentent, comme cela se dit d’une bless
232 ine grièveté qu’ils présentent, comme cela se dit d’ une blessure… Le critique. Oui, oui… Mais ne tirez pas argument d’une
233 Le critique. Oui, oui… Mais ne tirez pas argument d’ une exagération de ma critique. Ce qui me gênait, je crois, c’est qu’à
234 oui… Mais ne tirez pas argument d’une exagération de ma critique. Ce qui me gênait, je crois, c’est qu’à mon sens vous n’ê
235 us n’allez pas me dire que c’est la bonne manière de se faire comprendre ? Le critique. On voudrait être sûr que vous vou
236 i ? Le critique. Assez pour n’être point la dupe de vos phrases. Écrire, et surtout en français, ce n’est pas jouer du vi
237 t en français, ce n’est pas jouer du violon. Tout d’ un coup vous le prenez à double corde, et l’on distingue mal les passa
238 et l’on distingue mal les passages, vous changez de ton et l’on voudrait savoir que vous le savez… Il me semble que vous
239 que vous le savez… Il me semble que vous manquez de méchanceté pour vos idées. Elles vous séduisent de loin et quand vous
240 e méchanceté pour vos idées. Elles vous séduisent de loin et quand vous nous les présentez, elles ont déjà votre complicit
241 es ont déjà votre complicité, je ne sais quel air de passion, un peu trop tôt, qui nous surprend… L’auteur. N’est-ce pas
242 ces raisons sont les nôtres. Ou bien vous faites de la poésie, et alors vous jouez sur des surprises, ou bien vous nous p
243 jouez sur des surprises, ou bien vous nous parlez d’ idées, et dans ce cas, il faut que nous pensions à chaque instant : « 
244 icherie. L’auteur. Voulez-vous que nous parlions de la clarté ? Je crois deviner que cela nous ramènera dans les environs
245 que cela nous ramènera dans les environs du sujet de mes deux précédents dialogues. Le critique. Du moins serez-vous en g
246 curité ? L’auteur. C’est justement ce parti pris de clarté que je voudrais proposer maintenant à votre réflexion méfiante
247 . Si vous le permettez, je m’offrirai le ridicule de défendre mon propre point de vue. Il se peut que cette maladresse m’e
248 ste nous sommes entre nous et vous n’abuserez pas de mes aveux… D’autant qu’ils seront probablement exagérés. Le critique
249 s seront probablement exagérés. Le critique. Que de précautions ! Vous êtes en train d’imiter ce héros de je ne sais quel
250 récautions ! Vous êtes en train d’imiter ce héros de je ne sais quel album de Tœpffer, qui feint de feindre afin de mieux
251 train d’imiter ce héros de je ne sais quel album de Tœpffer, qui feint de feindre afin de mieux dissimuler. Qu’est-ce qu’
252 os de je ne sais quel album de Tœpffer, qui feint de feindre afin de mieux dissimuler. Qu’est-ce qu’être clair, à votre av
253 rait-ce pas que la clarté n’est qu’une convention de langage ? J’entends : un mot de passe de la tribu, ou une espèce de s
254 qu’une convention de langage ? J’entends : un mot de passe de la tribu, ou une espèce de style garanti par l’usage… Le cr
255 nvention de langage ? J’entends : un mot de passe de la tribu, ou une espèce de style garanti par l’usage… Le critique. H
256 ends : un mot de passe de la tribu, ou une espèce de style garanti par l’usage… Le critique. Hé quoi ! vous savez que tou
257 qui se distingue du langage courant par le souci de contrôler ses conventions. Mais ce n’est pas là le seul mode d’expres
258 es conventions. Mais ce n’est pas là le seul mode d’ expression possible. Le critique. Précisément je souhaitais de vous v
259 possible. Le critique. Précisément je souhaitais de vous voir choisir entre un langage franchement poétique et ce langage
260 faudrait s’entendre tout d’abord sur la nécessité de cette clarté. Pour ma part je ne saurais concevoir ni respecter d’aut
261 Pour ma part je ne saurais concevoir ni respecter d’ autre nécessité en général que celle qu’impose la fin de toute pensée.
262 e nécessité en général que celle qu’impose la fin de toute pensée. Le critique. Restons, si vous le voulez, sur le plan d
263 rence des raisons et à la fois l’exact ajustement de ces raisons à la réalité, qui constitue la fin de l’expression ? L’a
264 de ces raisons à la réalité, qui constitue la fin de l’expression ? L’auteur. Oui, dans un monde cartésien, c’est-à-dire
265 à-dire dans le monde du discours. Car le Discours de la méthode ne définit en somme qu’une méthode du discours. La fin der
266 somme qu’une méthode du discours. La fin dernière d’ un discours n’est autre que la cohérence, la vérité elle-même s’y trou
267 rité elle-même s’y trouvant ordonnée à la logique de l’enchaînement des phrases. Autrement dit, le discours cartésien n’a
268 ses. Autrement dit, le discours cartésien n’a pas de fin qui lui soit transcendante. Il part de ce qu’il suppose clair et
269 ’a pas de fin qui lui soit transcendante. Il part de ce qu’il suppose clair et facile, et sa marche est une déduction. La
270 le, et sa marche est une déduction. La convention d’ un tel langage, c’est que tout est donné au départ, et qu’il s’agit de
271 est que tout est donné au départ, et qu’il s’agit de ne rien introduire dans la chaîne des arguments qui n’ait été d’abord
272 chiffré, et défini en termes simples. À mon tour de me défier d’une convention aussi commode. Le critique. Il me semble
273 défini en termes simples. À mon tour de me défier d’ une convention aussi commode. Le critique. Il me semble qu’il faut y
274 ’il faut y voir une garantie contre les illusions de la rhétorique flamboyante. Le romantisme a pu s’impatienter d’une all
275 que flamboyante. Le romantisme a pu s’impatienter d’ une allure aussi scrupuleuse, mais c’est qu’il a le goût de se tromper
276 ure aussi scrupuleuse, mais c’est qu’il a le goût de se tromper et de tromper. L’auteur. Pour moi, je crains une duperie
277 euse, mais c’est qu’il a le goût de se tromper et de tromper. L’auteur. Pour moi, je crains une duperie moins naïve dans
278 n’est-il pas, comme l’a dit un Russe, « le monde de l’imprécis et du non-résolu » ? Ou comme l’écrit Descartes lui-même,
279 nde des choses « mal compassées » ? L’application d’ une raison sans parti pris à ce monde tel qu’il est donné, n’a-t-elle
280 ’il est donné, n’a-t-elle pas pour effet immédiat de multiplier le mystère et les absurdités logiques ? Voyez Kafka… Je me
281 i, je vous en prie ? — la clarté et la simplicité d’ un certain nombre de postulats abstraits. Ma méfiance porte sur l’arri
282 — la clarté et la simplicité d’un certain nombre de postulats abstraits. Ma méfiance porte sur l’arrière-pensée qui prési
283 e porte sur l’arrière-pensée qui présida au choix de ces données dites premières. Encore n’est-il pas très exact de recour
284 s dites premières. Encore n’est-il pas très exact de recourir ici à l’expression d’arrière-pensée. C’est sans doute une « 
285 -il pas très exact de recourir ici à l’expression d’ arrière-pensée. C’est sans doute une « arrière-image » qu’il faudrait
286 re. Le critique. Ne serait-il pas trop cartésien de vous demander de préciser ? L’auteur. J’essaierai de le faire par un
287 Ne serait-il pas trop cartésien de vous demander de préciser ? L’auteur. J’essaierai de le faire par un exemple. La méth
288 ous demander de préciser ? L’auteur. J’essaierai de le faire par un exemple. La méthode inventée par Descartes est donc d
289 ode inventée par Descartes est donc devenue celle de la science. C’est elle dont usent nos physiciens, chimistes et mathém
290 dira-t-on. Je n’en crois rien. Ouvrez un ouvrage de science : vous y trouverez au terme de chaque analyse un certain nomb
291 un ouvrage de science : vous y trouverez au terme de chaque analyse un certain nombre de phrases traduisant les résultats
292 erez au terme de chaque analyse un certain nombre de phrases traduisant les résultats acquis. Or ces phrases ont été chois
293 ble exigence : d’une part elles doivent permettre de passer, par une espèce de symbolisme abstrait — si j’ose dire — à la
294 elles doivent permettre de passer, par une espèce de symbolisme abstrait — si j’ose dire — à la formule mathématique ; d’a
295 composent un discours cohérent sur les propriétés de la matière. Et ce discours n’est qu’un certain système d’images. S’il
296 tière. Et ce discours n’est qu’un certain système d’ images. S’il se distingue du parler quotidien, c’est avant tout par ce
297 r cette cohérence, c’est-à-dire par cette volonté d’ exclure les sens ordinairement contradictoires des mots. Ainsi les loi
298 si les lois formulées par la science, ces modèles d’ expression claire, se réfèrent en réalité à des formes courantes du la
299 réalité à des formes courantes du langage, vidées de leurs sens particuliers. Ce procédé est sans danger quand il est appl
300 nce légale n’étant, c’est entendu, qu’une manière de parler du réel, et sans cesse corrigée par les faits. Mais où je crie
301 uits par la clarté axiomatique, prétendent partir de vérités élémentaires qui ne sont autres que des abstractions opérées
302 utres que des abstractions opérées sur nos formes de langage. Je voudrais dire cela plus simplement… La tricherie d’une dé
303 voudrais dire cela plus simplement… La tricherie d’ une déduction claire consiste en ce qu’elle prétend partir d’un nombre
304 tion claire consiste en ce qu’elle prétend partir d’ un nombre limité de faits acquis, quand le tout, quand la fin nous éch
305 e en ce qu’elle prétend partir d’un nombre limité de faits acquis, quand le tout, quand la fin nous échappent ! Comme s’il
306 pent ! Comme s’il était licite, et même possible, de partir de certains éléments et de les déclarer connus, quand on ignor
307 me s’il était licite, et même possible, de partir de certains éléments et de les déclarer connus, quand on ignore méthodiq
308 même possible, de partir de certains éléments et de les déclarer connus, quand on ignore méthodiquement l’ensemble dont i
309 vous pouviez me montrer chez Descartes un exemple de ce recours aux formes du langage courant. L’auteur. Prenons la 3e rè
310 u langage courant. L’auteur. Prenons la 3e règle de sa méthode : « Conduire par ordre mes pensées en commençant par les o
311 t, derrière ce jugement, la plus étrange illusion de l’esprit : c’est une maxime populaire. On la tient pour tellement évi
312 pour tellement évidente que son rappel, au cours d’ une discussion, figure presque une insolence. Cette maxime affirme en
313 tte maxime affirme en effet la nécessité générale de « commencer par le commencement ». Descartes qui vient d’assimiler sa
314 mencer par le commencement ». Descartes qui vient d’ assimiler sans sourciller la simplicité d’un objet avec l’aisance à le
315 i vient d’assimiler sans sourciller la simplicité d’ un objet avec l’aisance à le connaître — c’est encore un tour du langa
316 le plus mauvais tour qu’on ait joué aux écrivains d’ idées ! Commencer par le commencement ! Aller du simple au compliqué !
317 er du simple au compliqué ! Que cela paraît plein de bon sens ! Le beau cliché, la belle absurdité, la magnifique carte po
318 ans vous interrompre davantage aux développements d’ une pensée qui m’est curieusement étrangère. Vous parliez d’une vision
319 ée qui m’est curieusement étrangère. Vous parliez d’ une vision totale ?… L’auteur. L’expression vous apparaît privée de s
320 e ?… L’auteur. L’expression vous apparaît privée de sens ? Mesurez donc, une bonne fois, toute l’ampleur de ma déraison.
321 s ? Mesurez donc, une bonne fois, toute l’ampleur de ma déraison. Laissez-moi parler sans contrainte mon sabir eschatologi
322 rs l’inconnu, les yeux toujours fixés sur son jeu d’ évidences. On conçoit dès lors qu’elle se meuve avec tellement de préc
323 conçoit dès lors qu’elle se meuve avec tellement de précautions, vérifiant à chaque pas le chemin parcouru : elle ignore
324 chaque pas le chemin parcouru : elle ignore tout de son but et tiendrait même pour une prévention fâcheuse la croyance qu
325 cheuse la croyance que ce but existe en tout état de cause. Pour moi, c’est presque le contraire. Voilà : je sais que je s
326 autres, je les risque dans le noir, dans la nuit de la foi ou du pressentiment, soutenu par l’espoir d’une vision renouve
327 la foi ou du pressentiment, soutenu par l’espoir d’ une vision renouvelée. Voilà le sens, l’orientation de ma démarche, et
328 e vision renouvelée. Voilà le sens, l’orientation de ma démarche, et c’est pourquoi je vous disais qu’on ne peut la compre
329 ’observateur raisonnable. Le critique. Le propre d’ une vision pareille, c’est qu’elle est incommuniquable, j’imagine ? L
330 vant les sept couleurs. C’est pourquoi le langage de la vision ou de la foi, s’il était pur, serait absolument inexplicabl
331 uleurs. C’est pourquoi le langage de la vision ou de la foi, s’il était pur, serait absolument inexplicable, et évident. I
332 er sans fin cette forme significative du tout, et de chaque partie dans le tout. Bien entendu, je ne puis avancer aucun ex
333 t. Bien entendu, je ne puis avancer aucun exemple d’ une telle perfection. Mais il fallait indiquer cette limite pour éclai
334 er — précisément — tout l’entre-deux, la pénombre de ce débat. Je vois maintenant deux espèces de langage. Ramenons-les po
335 mbre de ce débat. Je vois maintenant deux espèces de langage. Ramenons-les pour simplifier à deux modes d’expression égale
336 angage. Ramenons-les pour simplifier à deux modes d’ expression également rigoureux et pourtant exclusifs l’un de l’autre.
337 on également rigoureux et pourtant exclusifs l’un de l’autre. Le premier serait la loi scientifique. Ses conventions sont
338 ique. Ses conventions sont la clarté et l’absence de contradiction. La seconde forme d’expression, ce serait celle dont j’
339 é et l’absence de contradiction. La seconde forme d’ expression, ce serait celle dont j’essayais de vous faire pressentir l
340 rme d’expression, ce serait celle dont j’essayais de vous faire pressentir la limite, en parlant d’un langage inexplicable
341 is de vous faire pressentir la limite, en parlant d’ un langage inexplicable et pourtant évident. C’est peut-être le verbe
342 impliquer qui distinguera le mieux cette forme-là de la première, dont l’office est évidemment d’expliquer. Oui, cette opp
343 e-là de la première, dont l’office est évidemment d’ expliquer. Oui, cette opposition va nous aider : impliquer le réel com
344 omme tel, et non pas expliquer certaines manières de le réduire aux exigences d’un discours cohérent, voilà sans doute le
345 er certaines manières de le réduire aux exigences d’ un discours cohérent, voilà sans doute le rôle du langage parabolique.
346 voilà sans doute le rôle du langage parabolique. De là vient son obscurité. Parler en paraboles, c’est tenter d’exprimer
347 son obscurité. Parler en paraboles, c’est tenter d’ exprimer un fait ou des idées, en tenant compte du tout qui les englob
348 les englobe. Ou c’est encore se garder avec soin de les définir autrement qu’en vue de cette fin dernière vers quoi l’on
349 les faits ou les idées à quelques éléments isolés de mesure. Il s’organise tout naturellement en discours, en phrases liée
350 urellement en discours, en phrases liées par voie de conséquence. Mais si je parle en paraboles, je n’ai souci que d’une c
351 Mais si je parle en paraboles, je n’ai souci que d’ une certaine orientation. C’est à partir du terme, encore une fois, qu
352 s’éclairent et se résolvent, et non pas à partir d’ éléments que j’aurais distingués dès le départ. Une parabole se compre
353 rabole se comprend par la fin. Comme l’expédition de Colomb partant pour reconnaître une Amérique de vision. Et cette fin,
354 n de Colomb partant pour reconnaître une Amérique de vision. Et cette fin, ce terme, ce télos, tous les hiatus, toutes les
355 ismes du langage doivent l’indiquer comme au-delà d’ eux-mêmes… ce que ne sauraient faire des arguments toujours fondés sur
356 ur ce qui les précède. Voilà pourquoi le discours d’ un prophète est le contraire d’un discours. L’événement seul lui rendr
357 urquoi le discours d’un prophète est le contraire d’ un discours. L’événement seul lui rendra sa raison. Ainsi la parabole
358 liquez-vous le plaisir que je prends à la lecture de certaines paraboles dont le sens eschatologique m’échappe, je le supp
359 une petite question, voulez-vous ? Qui a le droit de parler en paraboles, et d’être obscur à la manière des prophètes ? L
360 -vous ? Qui a le droit de parler en paraboles, et d’ être obscur à la manière des prophètes ? L’auteur. Le droit ? Personn
361 t ? Personne, bien sûr ! Personne n’a aucun droit de ce genre, si l’on nomme droit la garantie formelle d’un usage. Mais i
362 e genre, si l’on nomme droit la garantie formelle d’ un usage. Mais il arrive assez souvent que l’on oublie les grandes et
363 on oublie les grandes et graves raisons qu’il y a de se taire, ou de parler seulement selon le droit et la décence, en tou
364 andes et graves raisons qu’il y a de se taire, ou de parler seulement selon le droit et la décence, en toute clarté. Il ar
365 es ou esprits relâchés, s’abandonnent aux hasards de tricheries qui les flattent. Ils appellent cela poésie. On peut toute
366 ie. On peut toutefois imaginer une autre attitude de l’être, et qui soit telle que la question du droit ne se pose plus. C
367 estion du droit ne se pose plus. C’est l’attitude de l’homme qui a vu quelque chose, ou simplement qui a cru voir, et qui
368 Une vision ne se transmet pas, c’est le contraire d’ une carte postale. Il s’agit donc de disposer l’esprit dans une certai
369 le contraire d’une carte postale. Il s’agit donc de disposer l’esprit dans une certaine orientation au moyen de mots et d
370 dans une certaine orientation au moyen de mots et de phrases qui puissent, comme par une ironie, être compris en soi et da
371 sens dernier ne puisse être aperçu sous un angle de vision quelconque. Je dis que l’homme qui a vu quelque chose doit par
372 vouerez que dans ces conditions il faut une sorte de naïveté très singulière pour endosser le risque d’être obscur. Passe
373 e naïveté très singulière pour endosser le risque d’ être obscur. Passe encore pour l’homme de Patmos, qui avait vu la fin
374 e risque d’être obscur. Passe encore pour l’homme de Patmos, qui avait vu la fin de notre Histoire : l’ampleur de sa visio
375 ncore pour l’homme de Patmos, qui avait vu la fin de notre Histoire : l’ampleur de sa vision le sauve. Mais il est des vis
376 qui avait vu la fin de notre Histoire : l’ampleur de sa vision le sauve. Mais il est des visions moins illustres, qui n’em
377 ut en bas, dans un fulgurant inventaire. Je parle de visions furtives qui sont à celle de l’apôtre comme le Petit Monde au
378 re. Je parle de visions furtives qui sont à celle de l’apôtre comme le Petit Monde au Grand Monde, signes du Tout et de la
379 le Petit Monde au Grand Monde, signes du Tout et de la Fin, mais signes seulement, résumés, prises partielles et signific
380 ’Apocalypse, comme Cuvier la préhistoire à partir d’ une vertèbre isolée. Mais l’oubli vient avec le premier doute… Petites
381 avec le premier doute… Petites visions des hommes de peu de foi, visions de la fin de nos courtes passions : la possession
382 Petites visions des hommes de peu de foi, visions de la fin de nos courtes passions : la possession, la beauté, la puissan
383 sions des hommes de peu de foi, visions de la fin de nos courtes passions : la possession, la beauté, la puissance ; il n’
384 ce n’est pas la même grandeur… Les « sentinelles de Juda », les grands prophètes, ont été justifiés dans leur délire, mai
385 iés dans leur délire, mais un prophète des choses d’ ici-bas, un prophète sans mission divine, quelle défense osera-t-il pr
6 1947, Doctrine fabuleuse. Miroirs, ou Comment on perd Eurydice et soi-même
386 Stéphane est maniaque, comme tous les jeunes gens de sa génération. Seulement chez lui, cela ne s’est pas porté sur les vo
387 aux divers types humains. On lui sait peu de grés de sa curiosité. Cela ne serait rien, si elle-même ne le décevait. Sans
388 en, n’est-ce pas ? Il ne tombe d’accord ; accepte d’ attendre comme un enfant sage que le monde lui donne, en son temps, sa
389 lui a expliqué qu’il fallait la mériter et tâcher de devenir quelqu’un. Il ne lui reste plus qu’à rentrer en lui-même. « I
390 soi, n’ayant plus où se prendre ». Ainsi parle un de nos classiques. Repoussé par le monde parce qu’il n’est pas encore qu
391 savoir ce qu’il peut être. C’est une autre manie de sa génération. Mais là encore il se singularise : il n’écrit pas de l
392 Mais là encore il se singularise : il n’écrit pas de livre pour y pourchasser un moi qui feint toujours de se cacher derri
393 ivre pour y pourchasser un moi qui feint toujours de se cacher derrière le feuillet suivant, entraîne le lecteur par ruse
394 rs. C’est pourquoi il en installe un sur sa table de travail, de façon à pouvoir s’y surprendre à tout instant. Cet exerci
395 r dans les yeux. Il varie sur son visage les jeux de lumière et de sentiments. Il découvre une sorte de rire au coin de sa
396 x. Il varie sur son visage les jeux de lumière et de sentiments. Il découvre une sorte de rire au coin de sa bouche dans l
397 e lumière et de sentiments. Il découvre une sorte de rire au coin de sa bouche dans les moments de pire découragement ; et
398 sentiments. Il découvre une sorte de rire au coin de sa bouche dans les moments de pire découragement ; et beaucoup d’autr
399 rte de rire au coin de sa bouche dans les moments de pire découragement ; et beaucoup d’autres hiatus de ce genre, qui l’i
400 pire découragement ; et beaucoup d’autres hiatus de ce genre, qui l’intriguent à n’en pas finir. Quand il est très fatigu
401 on aventure. Nous vivons dans un décor flamboyant de glaces. À chaque pas, on offre à Stéphane sa tête, son portrait en pi
402 ête, son portrait en pied. Il se voit dans l’acte de se raser, de se baigner ; son image descend en face de lui par l’asce
403 rait en pied. Il se voit dans l’acte de se raser, de se baigner ; son image descend en face de lui par l’ascenseur, elle l
404 lise chez le coiffeur. Déjà, c’est avec une sorte d’ angoisse qu’il la recherche. Il veut se voir tel qu’il est parmi les a
405 rmi les autres. Mais dès qu’il lui arrive par jeu de considérer son image comme celle d’un quelconque passant, il se sent
406 rrive par jeu de considérer son image comme celle d’ un quelconque passant, il se sent aussitôt séparé de soi-même, et si p
407 un quelconque passant, il se sent aussitôt séparé de soi-même, et si profondément différent de son apparence, qu’il doute
408 séparé de soi-même, et si profondément différent de son apparence, qu’il doute de sa réalité. Le mystère de voir ses yeux
409 fondément différent de son apparence, qu’il doute de sa réalité. Le mystère de voir ses yeux l’épouvante. Il y cherche une
410 apparence, qu’il doute de sa réalité. Le mystère de voir ses yeux l’épouvante. Il y cherche une révélation et n’y trouve
411 cherche une révélation et n’y trouve que le désir d’ une révélation. Peut-on s’hypnotiser par son propre regard ? Il n’y a
412 n à soi-même qui pourrait lui rendre la certitude d’ être. Mais il s’épuise dans une perspective de reflets qui vont en dim
413 ude d’être. Mais il s’épuise dans une perspective de reflets qui vont en diminuant vertigineusement et l’égarent dans sa n
414 ans sa nuit. Je saute quelques délires et pas mal de superstitions. Enfin cette expérience folle le mène à une découverte
415 folle le mène à une découverte sur les sept sens de laquelle il conviendra de méditer : la personne se dissout dans l’eau
416 verte sur les sept sens de laquelle il conviendra de méditer : la personne se dissout dans l’eau des miroirs. Stéphane est
417 comprend que ce qu’on dépasse ? Qu’il faut sortir de soi pour se voir en entier ? Qu’il y faut enfin du courage, et non pa
418 omplaisance, ce désir impatient et pourtant vague d’ une consolation2 gratuite. Il y a dans l’homme moderne un besoin de vé
419 2 gratuite. Il y a dans l’homme moderne un besoin de vérifier qui n’est plus légitime dès l’instant où il se traduit par l
420 me dès l’instant où il se traduit par la négation de ce qui reste invérifiable. Stéphane n’a pas eu confiance. Or la pers
421 n’a pas eu confiance. Or la personne est un acte de foi : Stéphane ne sait plus ce qu’il est. Semblablement, il ne sait p
422 vraie, se borne à décrire l’aspect psychologique d’ une aventure cependant plus profonde. Il est bon que le lecteur troubl
423 Il est bon que le lecteur troublé par la crainte de n’avoir pas saisi le sens véritable d’un texte, trouve parfois de son
424 la crainte de n’avoir pas saisi le sens véritable d’ un texte, trouve parfois de son incompréhension des marques significat
425 aisi le sens véritable d’un texte, trouve parfois de son incompréhension des marques significatives. Si le rapport intime
426 es t’échappe, ô mon lecteur, veuille y voir l’une de ces marques. Stéphane a oublié jusqu’au mot de prière. Orphée perd Eu
427 ne de ces marques. Stéphane a oublié jusqu’au mot de prière. Orphée perd Eurydice par scepticisme faible, par esprit scien
428 sprit scientifique, par doute méthodique, — manie de définir, défiance envers les dieux, avarice du cœur. À chaque regard
429 e nouvelle. La mort dans la transparence glaciale de l’évidence, qui est celle du moi séparé. Un jour, Stéphane pense avec
430 er son visage, ne serait-ce pas devenir un centre de pur esprit ?… Ou plutôt — et bien mieux — une pure réponse ? » C’est
431 ux — une pure réponse ? » C’est un premier filet d’ eau vive qui perce le sol aride : mais Stéphane n’entend pas encore gr
432 d pas encore gronder les eaux profondes. Le désir de s’hypnotiser l’irrite, toujours vaguement. Mais il fuit son propre re
433 es. Un soir, après quelques alcools et un échange de pensées au même titre avec une amie d’une beauté de plus en plus frap
434 un échange de pensées au même titre avec une amie d’ une beauté de plus en plus frappante, il croit saisir dans un regard d
435 en plus frappante, il croit saisir dans un regard de cette femme l’écho de ce qui serait lui. Et déjà il se perd dans ces
436 croit saisir dans un regard de cette femme l’écho de ce qui serait lui. Et déjà il se perd dans ces yeux, mais comme on me
437 ’ont envahi, bâillonnent sa raison et l’empêchent de protester contre le miracle. Parmi tous ses mots fous, noms, baisers,
438 ais tu es là ! » Un peu plus tard, ce fut un jour de grand soleil sur toutes les verreries de la capitale. Les fenêtres ba
439 un jour de grand soleil sur toutes les verreries de la capitale. Les fenêtres battaient. Le soleil et « la mort » se conj
7 1947, Doctrine fabuleuse. L’ombre perdue
440 , un personnage assez hagard aborde l’imagination de Chamisso, décline son nom, déclare avoir perdu son ombre. Le second r
441 rôdait depuis longtemps dans les régions obscures de la légende populaire. S’il se risque à paraître devant Chamisso, c’es
442 vant Chamisso, c’est peut-être poussé par l’envie d’ être enfin reconnu, expliqué. Car Chamisso est Français de naissance.
443 nfin reconnu, expliqué. Car Chamisso est Français de naissance. Une excentricité du sort a fait de lui un poète allemand.
444 ais de naissance. Une excentricité du sort a fait de lui un poète allemand. Les autres ont toujours cru à cette fable, mai
445 . Chamisso, lui, s’en étonnera. Tel est le calcul de l’homme sans ombre. Surprendre ce Français, c’est passer au soleil :
446 e souvent qu’un étranger s’initiant aux croyances d’ un peuple, soit le premier saisi par ce frisson d’absurdité que l’on b
447 d’un peuple, soit le premier saisi par ce frisson d’ absurdité que l’on baptise inspiration lorsqu’il excite ou crée chez c
448 excite ou crée chez celui qui l’éprouve, le désir de s’en délivrer en l’exprimant. Et c’est ainsi que Chamisso introduisit
449 o introduisit dans la conscience moderne le mythe de l’homme qui a perdu son ombre, sous les traits pathétiques et naïfs d
450 pathétiques et naïfs du célèbre Peter Schlemihl. De Chamisso à Hofmannsthal, plusieurs ont repris cette histoire. Le dern
451 mystère qui reste entier. Cependant, à voir tant d’ auteurs s’exercer l’imagination sur un sujet qui défie l’expérience, l
452 ier. L’on s’étonne qu’aucun non plus n’ait essayé de formuler le symbole enfermé dans le mythe. Serait-ce pudeur d’artiste
453 e symbole enfermé dans le mythe. Serait-ce pudeur d’ artistes ? Pudeur tout court ? Ou faut-il croire qu’ils ont écrit leur
454 u’ils ont écrit leurs contes sans jamais se poser de questions sur le sens d’un tel accident, dont à vrai dire les suites
455 tes sans jamais se poser de questions sur le sens d’ un tel accident, dont à vrai dire les suites sont assez pittoresques p
456 préfère en ignorer la cause ? L’on s’étonne enfin de ce lien entre le domaine germanique et l’expression littéraire du myt
457 le moindre n’est pas Hoffmann… L’énigme commença de m’inquiéter lors d’un séjour allemand, au cours duquel j’observai mai
458 s Hoffmann… L’énigme commença de m’inquiéter lors d’ un séjour allemand, au cours duquel j’observai maintes fois la popular
459 nnait du Strauss. Je ne connaissais pas le livret d’ Hofmannsthal, et compris mal l’intrigue de la Femme sans ombre. Je voy
460 livret d’Hofmannsthal, et compris mal l’intrigue de la Femme sans ombre. Je voyais une actrice parcourir la scène en hurl
461 n hurlant. Elle tirait après soi un grand morceau d’ étoffe qui figurait son ombre, et qui l’embarrassait. Aux entractes, o
462 et qui l’embarrassait. Aux entractes, on parlait de Freud. La musique m’ennuyait, indéfinie. (Plus tard, j’ai lu le livre
463 -ce qu’une ombre ? me demandais-je. Quelque chose d’ assez méprisable. Les Latins la ridiculisent ! C’est pour eux l’irréal
464 ux l’irréalité même. (« Il n’est plus que l’ombre de lui-même… Ce n’est rien, dit-on, c’est une ombre… ») Mais je vois bie
465 is je vois bien qu’ils exagèrent : si nous étions de purs esprits, nous ne projetterions pas d’ombre. L’ombre est la preuv
466 étions de purs esprits, nous ne projetterions pas d’ ombre. L’ombre est la preuve humiliante de la chair humiliante pour ce
467 ons pas d’ombre. L’ombre est la preuve humiliante de la chair humiliante pour ceux, du moins, qui, plaçant la Raison dans
468 ux-là qui déplorent qu’elle se fasse, aux regards de la convoitise, « opaque ». Que pouvais-je tirer de tout cela ? Rien q
469 e la convoitise, « opaque ». Que pouvais-je tirer de tout cela ? Rien qu’une évidence assez pauvre : l’ombre est le fait,
470 ence assez pauvre : l’ombre est le fait, en nous, de notre chair. Mais perdre sa chair, c’est mourir, n’en déplaise aux sp
471 , et cet « infortuné Schlemihl » n’était pas mort d’ avoir perdu son ombre… Il était même si vivant et sa présence si gênan
472 i vivant et sa présence si gênante, que je tentai de le contraindre, malgré l’auteur, aux suprêmes aveux. Il y avait la ps
473 mes aveux. Il y avait la psychanalyse. Mais avant d’ en venir à cette extrémité, on pouvait essayer d’un pédantisme moins b
474 d’en venir à cette extrémité, on pouvait essayer d’ un pédantisme moins barbare. Je rédigeai la note que voici, en m’appli
475 que voici, en m’appliquant à écarter les conseils de pitié que me dictait mon cœur. Psychologie de Peter Schlemihl P
476 de pitié que me dictait mon cœur. Psychologie de Peter Schlemihl Peter est un naïf : il croit à la fortune. Il croi
477 assure à l’homme une dignité. C’est un bourgeois, de la plus dangereuse espèce : le bourgeois pauvre qui envie les bourgeo
478 bourgeois pauvre qui envie les bourgeois riches. D’ où vient le sentiment qu’il a d’être inférieur. Le diable sait cela :
479 bourgeois riches. D’où vient le sentiment qu’il a d’ être inférieur. Le diable sait cela : c’est par là qu’il le tient. Pet
480 er lui donne son ombre contre une bourse magique, d’ où il pourra tirer un or inépuisable. Désormais riche, mais privé d’om
481 er un or inépuisable. Désormais riche, mais privé d’ ombre, il se croit le maître du monde. Point du tout : on se moque de
482 t le maître du monde. Point du tout : on se moque de lui. Comblé, le voici plus qu’avant inadmissible. Le complexe d’infér
483 le voici plus qu’avant inadmissible. Le complexe d’ infériorité à peine défait par la fortune subite, se renoue, cette foi
484 sans remède. Il ne tarde pas à tourner au délire de persécution. Tout effraye Peter et le moleste en mille manières. Les
485 re, surtout la lumière du jour, et même la clarté de la lune. Il recherche la solitude pour y mener des réflexions désespé
486 late en sanglots à l’idée du plus simple bonheur, de ce bonheur dont tous les autres semblent détenir le secret, jalouseme
487 innocence ?) Schlemihl est donc le type classique de l’homme qui perd le contact social. L’or même ne suffit pas à rétabli
488 e, surtout pour ce philistin-là. Toutes les ruses de Peter échouent devant cet obstacle dernier. Il a beau n’aller que de
489 evant cet obstacle dernier. Il a beau n’aller que de nuit aux rendez-vous avec la belle Mina. Le jour venu de signer le co
490  ! Oui, je le savais depuis longtemps, il n’a pas d’ ombre ! » Que reste-t-il à un tel homme ? Le suicide ? Rien n’est plus
491 ensée. Sa vision du monde serait exactement celle d’ un philistin sympathique, d’un philistin sans exigences, et qui veut c
492 rait exactement celle d’un philistin sympathique, d’ un philistin sans exigences, et qui veut croire à la vertu, s’il n’y a
493 veut croire à la vertu, s’il n’y avait, au centre de lui-même, cette absence. En tout pareil aux autres, sauf en ce je ne
494 essentiel, notre philistin méconnu se voit chassé de la communauté des siens. Et par sa faute ! C’est là son amertume. Ici
495 Ici intervient l’évasion. Il achète — par esprit d’ économie — une paire de bottes usagées. Mais voilà bien sa chance, ce
496 on. Il achète — par esprit d’économie — une paire de bottes usagées. Mais voilà bien sa chance, ce sont des bottes de sept
497 es. Mais voilà bien sa chance, ce sont des bottes de sept lieues ! Désormais il échappe à la vie, au voisinage et au dialo
498 qu’il imagine. Il peut même retrouver une espèce d’ activité, purement descriptive il est vrai, solitaire, presque mécaniq
499 presque mécanique : il dresse un vaste catalogue de toutes les plantes de la terre. C’est à cela qu’il s’occupe, en Théba
500 l dresse un vaste catalogue de toutes les plantes de la terre. C’est à cela qu’il s’occupe, en Thébaïde, lorsque l’auteur
501 l’auteur et le lecteur perdent sa trace. Complexe d’ infériorité, délire de persécution, perte du contact social, sentiment
502 perdent sa trace. Complexe d’infériorité, délire de persécution, perte du contact social, sentiment de culpabilité, besoi
503 e persécution, perte du contact social, sentiment de culpabilité, besoin d’évasion, activité maniaque (ou universitaire ér
504 contact social, sentiment de culpabilité, besoin d’ évasion, activité maniaque (ou universitaire érudite.) Nul doute n’est
505 en. Il savait peut-être autre chose. Tentative d’ interprétation Je reproche pour ma part à la psychanalyse de flatte
506 ion Je reproche pour ma part à la psychanalyse de flatter notre propension à localiser les symboles. Car, pour la vie s
507 boles. Car, pour la vie spirituelle, il n’est pas de lieux séparés ; l’on peut toujours passer de l’un à l’autre par quelq
508 pas de lieux séparés ; l’on peut toujours passer de l’un à l’autre par quelque ruse de la métamorphose, qui est l’acte mê
509 oujours passer de l’un à l’autre par quelque ruse de la métamorphose, qui est l’acte même de la vie. Et pourquoi dire, dès
510 lque ruse de la métamorphose, qui est l’acte même de la vie. Et pourquoi dire, dès lors : ceci est cause de cela ? Quand l
511 vie. Et pourquoi dire, dès lors : ceci est cause de cela ? Quand l’inverse est au moins aussi probable ? Et quand rien ne
512 s donner des descriptions utiles. Je retiens donc de Freud cette constatation : « Celui qui, dans un domaine quelconque, e
513 ous venons de voir que Schlemihl est le type même de l’inadapté, — celui qui ne peut « trouver sa place au soleil », et qu
514 au soleil », et qui ne subsiste dans la compagnie de ses semblables que par un subterfuge toujours menacé. D’une incompati
515 semblables que par un subterfuge toujours menacé. D’ une incompatibilité sociale aussi parfaite, nous pourrions déduire, se
516 ximum. Pour confirmer notre soupçon sur la nature de cette aberration, il conviendrait de rappeler ceci : Peter parvient à
517 ur la nature de cette aberration, il conviendrait de rappeler ceci : Peter parvient à la cacher à tous sauf aux deux femme
518 . Mais n’allons pas conclure trop vite. Les états d’ âme d’un malade ou d’un fou diffèrent-ils essentiellement des états d’
519 n’allons pas conclure trop vite. Les états d’âme d’ un malade ou d’un fou diffèrent-ils essentiellement des états d’âme d’
520 onclure trop vite. Les états d’âme d’un malade ou d’ un fou diffèrent-ils essentiellement des états d’âme d’un homme sain ?
521 d’un fou diffèrent-ils essentiellement des états d’ âme d’un homme sain ? Ne sont-ils pas plutôt de simples fixations d’ét
522 fou diffèrent-ils essentiellement des états d’âme d’ un homme sain ? Ne sont-ils pas plutôt de simples fixations d’état qui
523 ts d’âme d’un homme sain ? Ne sont-ils pas plutôt de simples fixations d’état qui, normalement, ne tarderaient pas à se mu
524 ain ? Ne sont-ils pas plutôt de simples fixations d’ état qui, normalement, ne tarderaient pas à se muer en leur contraire 
525 muer en leur contraire ? Plus précisément, l’état de Peter Schlemihl n’est-il pas comparable à celui d’un esprit ou d’un c
526 e Peter Schlemihl n’est-il pas comparable à celui d’ un esprit ou d’un corps sains après l’amour ? Durant quelques moments,
527 hl n’est-il pas comparable à celui d’un esprit ou d’ un corps sains après l’amour ? Durant quelques moments, l’homme éprouv
528 t quelques moments, l’homme éprouve une sensation de vide, de légèreté et en même temps de lourdeur, comme s’il était un p
529 s moments, l’homme éprouve une sensation de vide, de légèreté et en même temps de lourdeur, comme s’il était un peu en arr
530 e sensation de vide, de légèreté et en même temps de lourdeur, comme s’il était un peu en arrière des choses, lent à démêl
531 démêler le monde où il revient, et qui l’accable de présences bizarres, parfois douces mais parfois hostiles. (Et cela pe
532 . (Et cela peut-être comme une première influence de ce qu’on nommera chez un malade, folie de la persécution.) Il arrive
533 fluence de ce qu’on nommera chez un malade, folie de la persécution.) Il arrive aussi que cet homme se sente trop lucide,
534 ucide, perçant toutes choses à jour, et lui-même, d’ où l’impression d’être mal défendu contre les regards qu’il rencontre 
535 tes choses à jour, et lui-même, d’où l’impression d’ être mal défendu contre les regards qu’il rencontre ; transparent, dir
536 es réserves qu’on voudra4, mais en nous souvenant de la question que nous posait l’origine germanique du mythe. Dès le dé
537 rimer qu’un fait humain élémentaire. J’étais déçu de le voir se réduire à quelque chose d’aussi précis, et que mille préju
538 ’étais déçu de le voir se réduire à quelque chose d’ aussi précis, et que mille préjugés, français surtout, concourent à ri
539 is surtout, concourent à ridiculiser. Un fragment de Paracelse lu par hasard à cette époque, vint heureusement me donner l
540 cette époque, vint heureusement me donner la clé d’ une interprétation autrement riche et inquiétante. Je le traduis litté
541 est l’ombre intérieure. » Une étude plus poussée de Paracelse devait bientôt m’apprendre, avec bien d’autres choses curie
542 tres choses curieuses et profondes, que la portée de ce passage était en vérité beaucoup plus vaste que tout ce que permet
543 té beaucoup plus vaste que tout ce que permettait d’ imaginer l’obtus physiologisme de ce siècle. La Liquor Vitae, selon Pa
544 e que permettait d’imaginer l’obtus physiologisme de ce siècle. La Liquor Vitae, selon Paracelse, c’est en effet le princi
545 itae, selon Paracelse, c’est en effet le principe d’ activité vitale répandu dans tous nos organes. Elle figure « le miroir
546 st ainsi l’agent microcosmique, la puissance même de créativité dans tous les ordres. Elle est « ce qu’il y a de plus nobl
547 t entier et dans l’homme ». Je la rapproche alors de ce Selbst ou Soi-même dont parle Chamisso à la fin de son conte. Voil
548 e Selbst ou Soi-même dont parle Chamisso à la fin de son conte. Voilà qui peut enfin situer le vrai problème5. La créativi
549 r en général. Comme on peut le voir par l’examen de la pudeur, ne serait-ce point pour la raison qu’en beaucoup d’hommes
550 ne serait-ce point pour la raison qu’en beaucoup d’ hommes la créativité paraît avoir son siège dans le seul sexe, que la
551 homme cherche à le dissimuler comme quelque chose de sacré, et que les fds de Noé couvrirent la nudité de leur père ivre e
552 uler comme quelque chose de sacré, et que les fds de Noé couvrirent la nudité de leur père ivre en marchant vers lui à rec
553 sacré, et que les fds de Noé couvrirent la nudité de leur père ivre en marchant vers lui à reculons ? Mais chez l’homme qu
554  ? Mais chez l’homme qui parvient à la conscience de sa mission spirituelle, le centre de la créativité paraît se déplacer
555 a conscience de sa mission spirituelle, le centre de la créativité paraît se déplacer dans le cerveau ou dans le cœur. La
556 tôt affecte la pensée, les sentiments. On parle «  d’ étalage impudique » lorsqu’un auteur exhibe une excessive sincérité da
557 e plus profond, le plus sacré, qui est le pouvoir de création que l’on possède, c’est naturel, mais non qu’on en ait honte
558 emble-t-il. En vérité la mauvaise pudeur provient de ce que le corps et l’âme se distinguent, et cessent d’être reflets l’
559 que le corps et l’âme se distinguent, et cessent d’ être reflets l’un de l’autre. Alors le corps a honte de sa pensée, et
560 me se distinguent, et cessent d’être reflets l’un de l’autre. Alors le corps a honte de sa pensée, et celle-ci des désirs
561 e reflets l’un de l’autre. Alors le corps a honte de sa pensée, et celle-ci des désirs de son corps, comme d’un embrasseme
562 orps a honte de sa pensée, et celle-ci des désirs de son corps, comme d’un embrassement sans amour ou d’un amour qui se re
563 ensée, et celle-ci des désirs de son corps, comme d’ un embrassement sans amour ou d’un amour qui se refuse à l’étreinte. E
564 son corps, comme d’un embrassement sans amour ou d’ un amour qui se refuse à l’étreinte. Et pourquoi la pudeur cesse-t-ell
565 à l’étreinte. Et pourquoi la pudeur cesse-t-elle d’ exister, normalement, quand deux êtres s’aiment ? Parce que le sexe re
566 à notre mythe : la transparence, c’est l’absence d’ ombre, donc de secret. Or le secret « sacré » étant le lien de la créa
567  : la transparence, c’est l’absence d’ombre, donc de secret. Or le secret « sacré » étant le lien de la créativité de l’ho
568 c de secret. Or le secret « sacré » étant le lien de la créativité de l’homme, celui qui a perdu son ombre se promène parm
569 e secret « sacré » étant le lien de la créativité de l’homme, celui qui a perdu son ombre se promène parmi les hommes avec
570 ombre se promène parmi les hommes avec l’angoisse de voir révélée au grand jour non son secret, mais justement l’absence e
571 r non son secret, mais justement l’absence en lui de son secret : sa transparence. Spirituellement ou de quelque autre sor
572 son secret : sa transparence. Spirituellement ou de quelque autre sorte, il n’est plus un homme créateur. À l’inverse, la
573 e son élan vers le monde. Elle le porte au-devant de tout, comme un peu en avant de lui-même, là où il peut dominer sa vie
574 et la construire avec tout son instinct à l’image d’ une vision de l’esprit. Le corps et l’âme chantent alors à l’unisson.
575 ire avec tout son instinct à l’image d’une vision de l’esprit. Le corps et l’âme chantent alors à l’unisson. L’esprit offe
576 Et l’homme a retrouvé son ombre. Suite et fin de la fable Peter Schlemihl nous apparaît maintenant une émouvante e
577 ntenant une émouvante et très précise description de l’individu romantique, dans ce qu’il a de démissionnaire, d’impuissan
578 ription de l’individu romantique, dans ce qu’il a de démissionnaire, d’impuissant à saisir le monde pour le former à son i
579 du romantique, dans ce qu’il a de démissionnaire, d’ impuissant à saisir le monde pour le former à son image, et d’évasif d
580 à saisir le monde pour le former à son image, et d’ évasif devant sa vocation : le mystère de l’incarnation. Chamisso a do
581 mage, et d’évasif devant sa vocation : le mystère de l’incarnation. Chamisso a donné à son Peter tous les traits physiques
582 é à son Peter tous les traits physiques et moraux de ce que l’on appellera plus tard le vague à l’âme, qui est aussi bien
583 e, qui est aussi bien le vague au corps. Le roman d’ Hofmannsthal — contre-épreuve — décrit le tourment d’une femme stérile
584 ofmannsthal — contre-épreuve — décrit le tourment d’ une femme stérile, l’impératrice qui a perdu son ombre et qui emprunte
585 trice qui a perdu son ombre et qui emprunte celle d’ une fille du peuple. Mais Andersen, comme on pouvait s’y attendre, fai
586 ominer l’aspect « spirituel » du mythe. Son conte de L’Ombre, c’est le symbole de la puissance de création qui vient à se
587 du mythe. Son conte de L’Ombre, c’est le symbole de la puissance de création qui vient à se détacher de l’auteur pour pre
588 onte de L’Ombre, c’est le symbole de la puissance de création qui vient à se détacher de l’auteur pour prendre corps dans
589 la puissance de création qui vient à se détacher de l’auteur pour prendre corps dans l’œuvre poétique. Et le poème ensuit
590 C’est une des gloires du romantisme allemand que d’ avoir su élever les faiblesses de l’homme, et quelques-unes de ses plu
591 sme allemand que d’avoir su élever les faiblesses de l’homme, et quelques-unes de ses plus folles illusions, à la hauteur
592 lever les faiblesses de l’homme, et quelques-unes de ses plus folles illusions, à la hauteur du mythe, ou de la Fable, plu
593 plus folles illusions, à la hauteur du mythe, ou de la Fable, plus profondément vrais que la vie (plus riches d’enseignem
594 , plus profondément vrais que la vie (plus riches d’ enseignements concrets, et d’invites à la métamorphose). Mettre en for
595 la vie (plus riches d’enseignements concrets, et d’ invites à la métamorphose). Mettre en forme ce qui nous défait, c’est
596 oxe génial, l’audace comme malgré soi recréatrice d’ un Chamisso. Les historiens de la littérature devraient se garder d’af
597 gré soi recréatrice d’un Chamisso. Les historiens de la littérature devraient se garder d’affadir une telle œuvre, n’y adm
598 historiens de la littérature devraient se garder d’ affadir une telle œuvre, n’y admirant à leur coutume qu’une fantaisie
599 rant à leur coutume qu’une fantaisie « gratuite » de l’imagination. Nul doute que l’art de Chamisso ne « signifie » et ne
600  gratuite » de l’imagination. Nul doute que l’art de Chamisso ne « signifie » et ne soit au sens propre un grand art, tout
601 it au sens propre un grand art, tout effort digne de ce nom étant d’abord une mise en ordre, un sens donné… C’est par là q
602 sens donné… C’est par là que Chamisso s’est sauvé de lui-même : s’il a fait Schlemihl, comme on sait, en grande partie à s
603 ère toutefois par ceci qu’il l’a fait, témoignant d’ un pouvoir d’invention dont la nouveauté reste entière. Et j’y songe :
604 par ceci qu’il l’a fait, témoignant d’un pouvoir d’ invention dont la nouveauté reste entière. Et j’y songe : ce Schlemihl
605 onge : ce Schlemihl éternel, ce symbole en bottes de sept lieues qui traverse encore notre vie, n’est-ce pas l’ombre de Ch
606 i traverse encore notre vie, n’est-ce pas l’ombre de Chamisso ? Une ombre qui a perdu son homme, cette fois, mais non pas
607 es profonds. C’est le siècle présent qui n’a plus d’ ombre : il ne sait même plus écrire sa Fable, il n’en veut plus, il ve
608 signifiant.6 3. Trois Essais sur la Théorie de la Sexualité. La définition de normal est donc ici : adapté au milieu
609 ais sur la Théorie de la Sexualité. La définition de normal est donc ici : adapté au milieu. Vérité d’expérience, nous dit
610 de normal est donc ici : adapté au milieu. Vérité d’ expérience, nous dit Freud, et à ce titre elle a sa valeur. Mais qui n
611 ismes « totalitaires », si l’on faisait une règle de cette constatation. On ne doit accepter une vérité de ce genre qu’en
612 ette constatation. On ne doit accepter une vérité de ce genre qu’en insistant sur son contraire : « l’anormal » peut être
613 son contraire : « l’anormal » peut être créateur d’ un nouveau type de rapports sociaux, c’est-à-dire d’une nouvelle norma
614  l’anormal » peut être créateur d’un nouveau type de rapports sociaux, c’est-à-dire d’une nouvelle normalité. 4. Dans le
615 un nouveau type de rapports sociaux, c’est-à-dire d’ une nouvelle normalité. 4. Dans le conte intitulé L’Ombre, Andersen
616 à force de rêver à une jeune femme qu’il aperçoit de sa fenêtre. « Mais dans ces climats chauds, dit Andersen, les choses
617 , à sa grande joie, qu’une nouvelle ombre partant de ses pieds commençait à croître lorsqu’il se promenait dans le soleil.
618 u’il se promenait dans le soleil. » Ici donc, pas de fixation morbide, comme dans Schlemihl. Aussi bien le diable n’est-il
619 hl. Aussi bien le diable n’est-il pas à l’origine de l’affaire, cette fois. 5. Selon Paracelse, la semence se distingue d
620 ois. 5. Selon Paracelse, la semence se distingue de la Liquor vitae « comme l’écume d’une soupe ». La créativité se purif
621 e se distingue de la Liquor vitae « comme l’écume d’ une soupe ». La créativité se purifie en l’écartant. Il paraît donc qu
622 . Il paraît donc que le freudisme ne s’occupe que de l’écume d’une soupe ? Ou bien l’appelle-t-il libido ? 6. Cette petit
623 donc que le freudisme ne s’occupe que de l’écume d’ une soupe ? Ou bien l’appelle-t-il libido ? 6. Cette petite étude éta
624 epuis un an lorsque je découvris dans les Cahiers de Barrès (tome VIII, p. 86) deux lettres d’un petit-neveu de Chamisso q
625 Cahiers de Barrès (tome VIII, p. 86) deux lettres d’ un petit-neveu de Chamisso qui paraissait infirmer par avance mon inte
626 (tome VIII, p. 86) deux lettres d’un petit-neveu de Chamisso qui paraissait infirmer par avance mon interprétation. Leur
627 l, Chamisso « laisse deviner sa destinée tragique d’ homme incomplet et sans patrie ». Voici quelques souvenirs curieux sur
628 le grand-oncle : « C’était, paraît-il, un paquet de nerfs, impressionnable à l’excès, avec un fond de tristesse en quelqu
629 de nerfs, impressionnable à l’excès, avec un fond de tristesse en quelque sorte permanent, une désespérance perpétuelle. P
630 ’âme, dirions-nous aujourd’hui. Le qualificatif «  d’ homme ayant perdu son ombre » fut trouvé par M. de Rubulles qui, le vo
631 trouvé par M. de Rubulles qui, le voyant dans un de ses noirs habituels, lui dit en riant qu’il ressemblait à un chevalie
632 ait à un chevalier ayant tout perdu, même l’ombre de lui-même. Le mot le frappa et le retint. » — Outre que cette interpré
633 ique aucune particularité du conte, il est permis de penser que « l’état d’âme » de Chamisso a joué dans cette affaire un
634 nte, il est permis de penser que « l’état d’âme » de Chamisso a joué dans cette affaire un rôle plus décisif que « l’à peu
8 1947, Doctrine fabuleuse. Angérone
635 e polémique avec le mystère, il arrive à certains de s’oublier jusqu’à donner de l’amour une ou plusieurs définitions. Ah 
636 il arrive à certains de s’oublier jusqu’à donner de l’amour une ou plusieurs définitions. Ah ! puissions-nous aimer l’amo
637 rice anxieuse. Mais il est une manière imaginable de parler de l’amour sans malice : c’est de former quelques rythmes de p
638 use. Mais il est une manière imaginable de parler de l’amour sans malice : c’est de former quelques rythmes de phrases où
639 aginable de parler de l’amour sans malice : c’est de former quelques rythmes de phrases où l’indicible jette par moments u
640 ur sans malice : c’est de former quelques rythmes de phrases où l’indicible jette par moments une espèce d’émotion ou de g
641 rases où l’indicible jette par moments une espèce d’ émotion ou de gêne, non qu’il soit dit ni même décrit par allusions ou
642 dicible jette par moments une espèce d’émotion ou de gêne, non qu’il soit dit ni même décrit par allusions ou par symboles
643 souveraine est annoncée par certain frémissement de l’assemblée des mots qui font la cour : le Roi s’approche. Toute éloq
644 ce qui m’enflamme à parler. Rien ne peut être dit de l’amour même, mais rien non plus n’est dit que par l’amour, si toutef
645 nous apprend à sa manière que l’amour est le lieu d’ un mutisme sacré. Angérone, déesse du Silence : on croit qu’elle avait
646 : on croit qu’elle avait sa statue dans le temple de la Volupté. Et certains pensent qu’elle est la même que la déesse Vol
647 e la déesse Volupie. Promenons-nous aux alentours de ce colloque. La Volupté n’est pas le plaisir même, mais l’imagination
648 gination active du désir qui lentement s’approche de son terme. Quand le désir s’empare d’un homme, il arrive qu’il le ren
649 s’approche de son terme. Quand le désir s’empare d’ un homme, il arrive qu’il le rende muet. Il arrive même que le désir s
650 me. À tel point que l’homme ne retrouvera l’usage de la parole qu’avec le « terme » où l’esprit se libère. La volupté sera
651 . La volupté serait un phénomène analogue à celui de l’hypnose : un état de l’âme ou de l’esprit rétrécissant le champ des
652 phénomène analogue à celui de l’hypnose : un état de l’âme ou de l’esprit rétrécissant le champ des facultés vers un objet
653 alogue à celui de l’hypnose : un état de l’âme ou de l’esprit rétrécissant le champ des facultés vers un objet unique et d
654 Que cette hypnose soit en quelque mesure — celle de l’esprit — indépendante de l’instinct, c’est ce qu’induisent à suppos
655 quelque mesure — celle de l’esprit — indépendante de l’instinct, c’est ce qu’induisent à supposer les deux observations su
656 observations suivantes : l’extrême concentration de l’attention sur un objet non corporel, œuvre d’art ou pensée d’un ord
657 sur un objet non corporel, œuvre d’art ou pensée d’ un ordre difficile, peut échouer comme par un court-circuit dans le pl
658 le plaisir ; tandis qu’un débauché vulgaire gémit d’ avoir perdu la volupté. L’homme du désir : il ne peut aimer qu’indéfin
659 e des yeux, dès qu’ils ont accepté tout le regard de l’autre : sentiment comparable au vertige. Le jugement peut rester li
660 ndes, elle dépasse le temps, s’approche des bords d’ une immobilité sans fond où elle se penche… Maintenant un seul œil est
661 il vient à perdre toute expression, regard absolu de l’angoisse. Si l’un s’écarte à ce moment, les voici vacillants comme
662 arte à ce moment, les voici vacillants comme hors d’ eux-mêmes. Alors il lui saisit la tête entre ses bras, et la contemple
663 ssance est interdite. Et c’est l’approche du viol de l’interdit qui impose aux amants leur silence, fascination de l’horre
664 t qui impose aux amants leur silence, fascination de l’horreur sacrée, attirance de l’effroi mortel. Dans le silence du d
665 lence, fascination de l’horreur sacrée, attirance de l’effroi mortel. Dans le silence du désir, la possession a fait une
666 du désir, la possession a fait une brusque rumeur de vagues affrontées et hostiles. Maintenant, l’onde lisse et basse d’un
667 es et hostiles. Maintenant, l’onde lisse et basse d’ un temps nouveau nous environne. Ceux qui n’aiment point la femme qu’i
668 ment du plus violent amour qu’il nous est accordé de concevoir un absolu, mais sous la forme de l’inaccessible. Atteintes
669 ccordé de concevoir un absolu, mais sous la forme de l’inaccessible. Atteintes enfin les limites de la puissance du désir,
670 me de l’inaccessible. Atteintes enfin les limites de la puissance du désir, sur la solitude égarée du couple, Éros pose en
671 ne un désespoir glacial : vous n’irez pas au-delà de votre union. Ô silence des astres ! Fondues nos âmes ? Deux corps s’e
672 se divise en ses ombres. Ainsi passent les heures d’ avant l’aube, dans le dépaysement de l’âme et les métamorphoses indici
673 nt les heures d’avant l’aube, dans le dépaysement de l’âme et les métamorphoses indicibles. Lui s’éveille parfois tout à f
674 tre, mais que cet être accède ensuite au commerce de ses semblables, qu’à son tour il les aime, les possède ! Ainsi par un
675 ur il les aime, les possède ! Ainsi par une suite de vertiges, multipliant la splendeur amoureuse, par mille étreintes suc
676 jouissance imaginaire et désespérément consciente de l’Être. L’aube point. L’esprit se tourne vers les choses et les dénom
677 L’esprit se tourne vers les choses et les dénomme d’ un regard. Un corps auprès du mien respire, mémoire pesante de l’incom
678 Un corps auprès du mien respire, mémoire pesante de l’incommensurable nuit. Nous n’irons pas au-delà de nous-mêmes. Mais
679 l’incommensurable nuit. Nous n’irons pas au-delà de nous-mêmes. Mais dans cette défaite de l’étreinte, n’est-ce point le
680 as au-delà de nous-mêmes. Mais dans cette défaite de l’étreinte, n’est-ce point le souvenir du seul désert que désormais n
681 désert que désormais nous chercherons ? Au terme de la fuite, nous ne toucherons jamais qu’un impossible fascinant. Et no
682 scinant. Et nous vivrons dès lors dans le vertige de nous détruire au contact de cet infini, plus puissant que la joie et
683 lors dans le vertige de nous détruire au contact de cet infini, plus puissant que la joie et la douleur. Dans le vertige
684 issant que la joie et la douleur. Dans le vertige de revenir toucher cet absolu, sensible à celui seul qui l’éprouve jusqu
685 à l’épouvante : l’être que nous formons au sommet de l’amour, et qui meurt dans l’instant où il naît. Tout notre platonism
686 naît. Tout notre platonisme échoue dans l’instant de l’étreinte dénouée. Alors l’amour, dirait-on, change de signe. On voi
687 treinte dénouée. Alors l’amour, dirait-on, change de signe. On voit soudain que le désir était le dialogue des corps, tand
688 a que deux philosophies : celle du désir et celle de l’acte ; ou encore, il n’y a que deux doctrines : celle du silence et
689 a que deux doctrines : celle du silence et celle de la parole. La négation du désir amoureux par l’acte même qui l’accomp
690 i l’accomplit, c’est le signe physique, originel, de l’infinie contradiction que nous souffrons. Le désir divinise, l’acte
691 acte rend à l’humain. L’amour rêvé meurt au seuil de l’amour qui sera notre tâche sérieuse. Quittons ce temple où dorment
9 1947, Doctrine fabuleuse. Contribution à l’étude du coup de foudre
692 és sur place, comme le coq est cloué sur la ligne de craie tirée devant son bec. Ce serait trop bête si ce n’était trop be
693 p bête si ce n’était trop beau. Mais rien ne sert de n’y pas croire. C’est un fait, nous l’avons subi, et nous avons tous
694 us avons tous dit : je n’y puis rien. Avec autant de sincérité, nous semblait-il, qu’un croyant décrivant sa conversion en
695 ant décrivant sa conversion en termes de grâce et de prédestination. Mais s’il est vain de nier le fait, il ne l’est point
696 de grâce et de prédestination. Mais s’il est vain de nier le fait, il ne l’est point de mettre en doute son caractère de d
697 s’il est vain de nier le fait, il ne l’est point de mettre en doute son caractère de destinée fatale. Cette espèce de pas
698 l ne l’est point de mettre en doute son caractère de destinée fatale. Cette espèce de passivité que l’on allègue, ne serai
699 te son caractère de destinée fatale. Cette espèce de passivité que l’on allègue, ne serait-elle point un alibi ? Je ne par
700 e que du vrai coup de foudre, celui qui est suivi d’ incendie. Car pour ceux que l’on attend, que l’on appelle, ils ne sont
701 attend, que l’on appelle, ils ne sont qu’éclairs de chaleur dans l’aura d’un cœur orageux. Aux portières d’un train que l
702 le, ils ne sont qu’éclairs de chaleur dans l’aura d’ un cœur orageux. Aux portières d’un train que l’on croise, entre deux
703 leur dans l’aura d’un cœur orageux. Aux portières d’ un train que l’on croise, entre deux stations de métro, dans la foule
704 s d’un train que l’on croise, entre deux stations de métro, dans la foule où se cherchent des yeux — ils se détournent aus
705 -là. Je disais à ce romancier (l’un des meilleurs de l’Allemagne d’alors) : Le mythe du coup de foudre est sans doute une
706 à ce romancier (l’un des meilleurs de l’Allemagne d’ alors) : Le mythe du coup de foudre est sans doute une astucieuse inve
707 de foudre est sans doute une astucieuse invention de Don Juan pour impressionner ses victimes. Il en a tant parlé, et vous
708 apparition fait naître en elles. Très facile que de les persuader, une fois si bien intéressées ! Car rien ne flatte comm
709 mme l’idée que l’on va vivre à son tour une scène de roman. Oui, l’idée seule a fait tous ces ravages, et non pas quelque
710 quelque dieu, ni le Destin. Il n’y aurait jamais de coup de foudre sans ce désir que vous entretenez par vos romans… Mais
711 tenez par vos romans… Mais ce n’est pas assez que d’ une complaisance acquise. Il faut encore une rencontre ménagée à la re
712 les rencontres fameuses : Tristan devant la cour d’ Irlande est reçu par la fille du roi selon l’usage et l’étiquette. Sie
713 ue cela se produise à l’improviste, comme au coin d’ un bois… Il me vient une image dont la netteté pourra faire excuser le
714 la pose… Tandis que je parlais ainsi, une espèce de gêne me vint, le sentiment de mal tomber. Il me sembla que mes propos
715 s ainsi, une espèce de gêne me vint, le sentiment de mal tomber. Il me sembla que mes propos touchaient mon interlocuteur
716 embla que mes propos touchaient mon interlocuteur d’ une manière un peu trop personnelle, et — comment dire ? — qu’il savai
717 en conclure pour ou contre vos théories. Au début de 1933, au moment où Hitler arrivait au pouvoir, on m’offrit de donner
718 moment où Hitler arrivait au pouvoir, on m’offrit de donner des conférences à Budapest. Le président de l’organisation qui
719 e donner des conférences à Budapest. Le président de l’organisation qui m’invitait était un grand banquier, ami des lettre
720 , ami des lettres. Il vint m’attendre au débarqué de l’avion et me conduisit à sa demeure. C’était l’heure du déjeuner. No
721 depuis quelques instants dans sa bibliothèque, où d’ un coup d’œil furtif j’avais remarqué mes livres, lorsque sa femme ent
722 es livres, lorsque sa femme entra en nous saluant d’ une mélodieuse formule hongroise. La présentation faite, cette dame no
723 faite, cette dame nous offrit la rituelle liqueur de pêche dont on vide trois verres d’un seul trait, en se regardant dans
724 tuelle liqueur de pêche dont on vide trois verres d’ un seul trait, en se regardant dans les yeux. Je me sentis pâlir viole
725 el public j’aurai, et quelles personnes me prient de leur réserver un dîner : bref, vous vous rappelez ce qu’était la Hong
726 avaler une seule bouchée. Est-ce vraiment l’effet de l’avion ? J’allais m’en persuader quand je m’aperçois, et cette fois-
727 bavarde encore en prenant le café, puis s’excuse d’ avoir à regagner sa banque : d’ailleurs sa femme me promènera dans Bud
728 e Musée, — à ce soir ! Il s’en va, très satisfait de lui, et de moi aussi, je crois. Nous voici seuls. Silence. Silence en
729 à ce soir ! Il s’en va, très satisfait de lui, et de moi aussi, je crois. Nous voici seuls. Silence. Silence encore dans l
730 sque rageuse. Nous traversons les grandes artères de Pest, le pont des Chaînes sur les eaux jaunes du Danube, puis ces rue
731 s sur les eaux jaunes du Danube, puis ces ruelles de Buda, qui montent sur les flancs d’un énorme rocher en pleine ville,
732 s ces ruelles de Buda, qui montent sur les flancs d’ un énorme rocher en pleine ville, que domine la statue de saint Geller
733 orme rocher en pleine ville, que domine la statue de saint Gellert, les bras en croix. Elle arrête la voiture près d’une b
734 t, les bras en croix. Elle arrête la voiture près d’ une barrière de parc public, descend, s’éloigne dans la neige bien gel
735 croix. Elle arrête la voiture près d’une barrière de parc public, descend, s’éloigne dans la neige bien gelée où ses pas l
736 s’enfoncent et se marquent. Je la rejoins. Alors d’ un geste elle désigne la ville à nos pieds : « Mon mari m’a demandé de
737 gne la ville à nos pieds : « Mon mari m’a demandé de vous montrer Budapest. Voilà, c’est Budapest. » Il n’y a rien d’autr
738 Budapest. Voilà, c’est Budapest. » Il n’y a rien d’ autre à dire. Nous remontons en voiture et descendons vers la ville. S
739 se dans un restaurant ? — Bonne idée », fait-elle d’ une voix basse, sans me regarder. Nous voici attablés devant des sandw
740 i l’un ni l’autre ne pouvons toucher à rien. Tout d’ un coup je me suis mis debout. Je fais le tour de la table, je m’arrêt
741 d’un coup je me suis mis debout. Je fais le tour de la table, je m’arrête devant elle, les bras en arrière, comme cela — 
742 s bras en arrière, comme cela — je me suis retenu de lui toucher l’épaule — et je m’entends prononcer : « Puisqu’il faut q
743 s conférences ou un dîner. Et je passais le reste de la nuit dans un bar, en compagnie d’un peintre réfugié, nommé Maria.
744 ais le reste de la nuit dans un bar, en compagnie d’ un peintre réfugié, nommé Maria. Je l’avais connu quelques années aupa
745 politique, à Berlin, que je fréquentais à l’insu de ma femme. J’étais dans un état d’exaltation extrême, à peu près incap
746 entais à l’insu de ma femme. J’étais dans un état d’ exaltation extrême, à peu près incapable de dormir, sauf quelques heur
747 n état d’exaltation extrême, à peu près incapable de dormir, sauf quelques heures pendant la matinée. Nous parlions, avec
748 pendant la matinée. Nous parlions, avec mon ami, d’ art, de religion, de politique, des perspectives du nouveau régime, et
749 t la matinée. Nous parlions, avec mon ami, d’art, de religion, de politique, des perspectives du nouveau régime, et pas du
750 Nous parlions, avec mon ami, d’art, de religion, de politique, des perspectives du nouveau régime, et pas du tout de mes
751 es perspectives du nouveau régime, et pas du tout de mes après-midi. Bien entendu. La veille de mon départ, comme nous sor
752 u tout de mes après-midi. Bien entendu. La veille de mon départ, comme nous sortions du bar, Maria et moi, une édition du
753 n nous apprend l’incendie du Reichstag. Je décide de rentrer le jour même à Berlin, et prends congé de mon ami qui se mont
754 de rentrer le jour même à Berlin, et prends congé de mon ami qui se montrait fort inquiet de mon sort. Il y avait de quoi
755 nds congé de mon ami qui se montrait fort inquiet de mon sort. Il y avait de quoi d’ailleurs, j’étais inscrit, à cette épo
756 se montrait fort inquiet de mon sort. Il y avait de quoi d’ailleurs, j’étais inscrit, à cette époque, au parti communiste
757 oir. J’arrive à Berlin le lendemain. Sur le seuil de notre villa de Zehlendorf, ma femme m’attend, grave et presque sévère
758 je l’interroge avec nervosité sur les événements de l’avant-veille. Elle répond à peine. Qu’y a-t-il ? « Avec qui m’as-tu
759 le. Elle sait. Monsieur, je puis garder un secret d’ État, vous le savez, mais je ne suis pas de ceux qui peuvent supporter
760 secret d’État, vous le savez, mais je ne suis pas de ceux qui peuvent supporter un mensonge dans leur vie intime. J’ai tou
761 leur vie intime. J’ai tout avoué sans me chercher d’ excuse. Et comme elle se taisait encore, je lui ai demandé comment ell
762 e matin même et qu’elle avait ouverte par crainte d’ un malheur. Quelques lignes sur une feuille portant l’en-tête d’un bar
763 Quelques lignes sur une feuille portant l’en-tête d’ un bar de Budapest, et disant à peu près : « Donne-moi vite de tes nou
764 lignes sur une feuille portant l’en-tête d’un bar de Budapest, et disant à peu près : « Donne-moi vite de tes nouvelles, j
765 Budapest, et disant à peu près : « Donne-moi vite de tes nouvelles, je suis inquiet, je n’oublierai jamais les nuits extra
766 nous avons encore pu passer ensemble, à la veille de ce cataclysme. » La lettre était signée « Maria ». « Un vrai drame du
767 s… Mais le destin aveugle qui présida aux fastes de votre rencontre ne perd-il pas un peu de son mystère si l’on songe qu
768 ’on songe que la femme du banquier était lectrice de romans — et sans doute de vos propres romans ?… Et ce coup de foudre,
769 banquier était lectrice de romans — et sans doute de vos propres romans ?… Et ce coup de foudre, n’est-il pas tombé d’un c
770 omans ?… Et ce coup de foudre, n’est-il pas tombé d’ un ciel qu’il convient de nommer Littérature ?
771 udre, n’est-il pas tombé d’un ciel qu’il convient de nommer Littérature ?
10 1947, Doctrine fabuleuse. Don Juan
772 Don Juan Lorsqu’il paraît brillant d’ or et de soie, dressé sur ses ergots de grand ténor, l’on est tenté de
773 Don Juan Lorsqu’il paraît brillant d’or et de soie, dressé sur ses ergots de grand ténor, l’on est tenté de ne voir
774 t brillant d’or et de soie, dressé sur ses ergots de grand ténor, l’on est tenté de ne voir en lui que le feu naturel du d
775 ssé sur ses ergots de grand ténor, l’on est tenté de ne voir en lui que le feu naturel du désir, une espèce d’animalité vé
776 ir en lui que le feu naturel du désir, une espèce d’ animalité véhémente, et comme innocente… Mais jamais la Nature n’a rie
777 innocente… Mais jamais la Nature n’a rien produit de pareil. Vous sentez bien qu’il y a du démoniaque dans son cas, une so
778 n qu’il y a du démoniaque dans son cas, une sorte de polémique anxieuse, de méchanceté et de défi : la main tendue au Comm
779 ue dans son cas, une sorte de polémique anxieuse, de méchanceté et de défi : la main tendue au Commandeur, dans le dernier
780 une sorte de polémique anxieuse, de méchanceté et de défi : la main tendue au Commandeur, dans le dernier acte de Mozart.
781 a main tendue au Commandeur, dans le dernier acte de Mozart. Non, ce n’est pas l’animal, mais l’homme, et non d’avant, mai
782 Non, ce n’est pas l’animal, mais l’homme, et non d’ avant, mais d’après la morale. Point de Don Juan ni chez les « bons sa
783 me, et non d’avant, mais d’après la morale. Point de Don Juan ni chez les « bons sauvages » ni chez les « primitifs » qu’o
784 us décrit. Don Juan suppose une société encombrée de règles précises dont elle rêve moins de se délivrer que d’abuser. Dan
785 encombrée de règles précises dont elle rêve moins de se délivrer que d’abuser. Dans le vertige de l’anarchie où il se plaî
786 précises dont elle rêve moins de se délivrer que d’ abuser. Dans le vertige de l’anarchie où il se plaît, ce grand seigneu
787 oins de se délivrer que d’abuser. Dans le vertige de l’anarchie où il se plaît, ce grand seigneur n’oublie jamais son rang
788 re. Voyez comme il se sert des femmes : incapable de les posséder, il les viole d’abord moralement pour s’imposer à l’anim
789 par le bon et le juste — contre eux. Si les lois de la morale n’existaient pas, il les inventerait pour les violer. Et c’
790 la qui nous fait pressentir la nature spirituelle de son secret, si bien masqué par le prétexte de l’instinct. Aux sommets
791 lle de son secret, si bien masqué par le prétexte de l’instinct. Aux sommets de l’esprit révolté, on verra Nietzsche, cent
792 masqué par le prétexte de l’instinct. Aux sommets de l’esprit révolté, on verra Nietzsche, cent ans plus tard, renouveler
793 aller si haut ? La recherche « toute naturelle » de l’intensité du désir ne peut-elle expliquer à elle seule cette incons
794 onstance forcenée ? Alors Don Juan serait l’homme de la première rencontre, de la plus excitante victoire ? « La nouveauté
795 Don Juan serait l’homme de la première rencontre, de la plus excitante victoire ? « La nouveauté est le tyran de notre âme
796 excitante victoire ? « La nouveauté est le tyran de notre âme », écrit le vieux Casanova. Mais déjà ce n’est plus l’homme
797 insi. La volupté du vrai sensuel commence au-delà de ces moments que Don Juan fuit à peine atteints. Faudra-t-il se résoud
798 soudre à soumettre le cas aux docteurs indiscrets de l’école viennoise ? Le beau sujet ! Ils ne l’ont pas manqué. Pour eux
799 qué. Pour eux aussi, Don Juan serait le contraire de ce que l’on croit, il souffrirait d’une anxiété secrète déjà voisine
800 le contraire de ce que l’on croit, il souffrirait d’ une anxiété secrète déjà voisine de l’impuissance. Et il est vrai que
801 il souffrirait d’une anxiété secrète déjà voisine de l’impuissance. Et il est vrai que celui qui cède à cet attrait superf
802 ur presque tous les hommes, n’évoque pas une idée de santé. Mais dans cette furie insolente, dans cette jactance batailleu
803 spirituels ? Don Juan serait par exemple le type de l’homme qui n’atteint pas au plan de la personne où pourrait se manif
804 mple le type de l’homme qui n’atteint pas au plan de la personne où pourrait se manifester ce qu’il y a d’unique dans un ê
805 a personne où pourrait se manifester ce qu’il y a d’ unique dans un être. Pourquoi ne peut-il désirer que la nouveauté dans
806 eut-être aussi qu’il n’est pas ? Celui qui a, vit de sa possession et ne l’abandonne pas pour l’incertain, — entendez : s’
807 on Juan cherchant partout son idéal, son « type » de beauté féminine (souvenir inconscient de la mère) — trop vite séduit
808 « type » de beauté féminine (souvenir inconscient de la mère) — trop vite séduit par la plus fugitive ressemblance, toujou
809 angoissé et cruel… S’il le trouvait, ce « type » de femme rêvé ! J’imagine cette métamorphose. On le voit interrompre sa
810 On le voit interrompre sa course, changer soudain de contenance, baisser la tête, s’assombrir, comme saisi d’une timidité,
811 enance, baisser la tête, s’assombrir, comme saisi d’ une timidité, et fasciné pour la première fois par la révélation d’amo
812 t fasciné pour la première fois par la révélation d’ amour, se muer en l’image de Tristan. Mais il ne trouvera pas. Il est
813 ois par la révélation d’amour, se muer en l’image de Tristan. Mais il ne trouvera pas. Il est Don Juan parce qu’on sait qu
814 sance à se fixer, soit impuissance à se déprendre d’ une image à lui-même secrète. Et de là vient sa puissance apparente, s
815 à se déprendre d’une image à lui-même secrète. Et de là vient sa puissance apparente, sa furia, son rythme dionysiaque… O
816 nysiaque… Or, si le don juanisme est une passion de l’esprit, et non pas comme nous aimions le croire une exultation de l
817 n pas comme nous aimions le croire une exultation de l’instinct, tout porte à supposer que cette passion n’est pas toujour
818 rtain équilibre social que les mœurs ont pour but de maintenir, cet équilibre étant d’ailleurs bon ou mauvais.) C’est que
819 nt d’ailleurs bon ou mauvais.) C’est que le désir de nouveauté et de changement perpétuel, dès que l’esprit insatiable l’e
820 n ou mauvais.) C’est que le désir de nouveauté et de changement perpétuel, dès que l’esprit insatiable l’excite, devient u
821 isent, sans que l’ordre des choses ait à souffrir d’ une dépense improductive. Certes Don Juan est un tricheur, et même il
822 s Don Juan est un tricheur, et même il ne vit que de cela. (La banque de pharaon était la source unique des revenus de Cas
823 icheur, et même il ne vit que de cela. (La banque de pharaon était la source unique des revenus de Casanova : symbole dont
824 que de pharaon était la source unique des revenus de Casanova : symbole dont il nous donne maintes fois la clé.) Mais une
825 e est moins dangereuse que les faiblesses subites d’ un honnête homme. On est en garde, et l’on connaît le système, entière
826 Imaginons un don juanisme plus secret, une table de pharaon où l’on mette sur les cartes des « valeurs » invisibles au li
827 ieu d’espèces sonnantes. Alors la tricherie cesse d’ être une habileté vulgaire et profitable. Elle peut devenir l’acte hér
828 et profitable. Elle peut devenir l’acte héroïque d’ une loyauté sans scrupules, toutefois considérée comme criminelle du f
829 fait qu’elle institue un nouvel ordre, par décret de rigueur subversive. Nietzsche s’est dressé face au siècle. Et l’adver
830 t l’adversaire qu’il s’est choisi, c’est l’esprit de lourdeur, notre poids naturel, notre faculté naturelle de retombement
831 eur, notre poids naturel, notre faculté naturelle de retombement dans la coutume. L’immoraliste est comme le moraliste un
832 raliste est comme le moraliste un ennemi vigilant de l’instinct : car s’il le glorifie, c’est par esprit de polémique, c’e
833 instinct : car s’il le glorifie, c’est par esprit de polémique, c’est qu’il veut forcer la nature autrement qu’on ne l’a f
834 erminé par le bon et le juste — contre eux. Il va de défi en défi, excité puis exaspéré par le silence ou les lâchetés de
835 cité puis exaspéré par le silence ou les lâchetés de l’adversaire. Les idées se retournent au caprice de l’esprit : il n’y
836 l’adversaire. Les idées se retournent au caprice de l’esprit : il n’y a plus de vérité qui tienne. Les hommes se rendent
837 retournent au caprice de l’esprit : il n’y a plus de vérité qui tienne. Les hommes se rendent ou tombent dans le doute à l
838 ou tombent dans le doute à la première séduction d’ une hypothèse scientifique. Il n’y a plus de foi qui affirme et qui ma
839 ction d’une hypothèse scientifique. Il n’y a plus de foi qui affirme et qui maintienne en vertu de l’absurde. Ah ! comme o
840 nne en vertu de l’absurde. Ah ! comme on se lasse de gagner à tout coup pour peu qu’on ait l’envie de nier des règles que
841 de gagner à tout coup pour peu qu’on ait l’envie de nier des règles que personne n’ose plus dire inviolables ! Qui donc s
842 est, dans la vie du Don Juan des vérités, l’heure de l’invitation au Commandeur ! Or Dieu se tait. Il ne relève pas le déf
843 des hauteurs. Une aube vient. C’est encore l’aube de la terre. Personne n’a parlé. Dieu est mort ! De chaque idée, de chaq
844 de la terre. Personne n’a parlé. Dieu est mort ! De chaque idée, de chaque croyance, de chaque valeur, Nietzsche a voulu
845 rsonne n’a parlé. Dieu est mort ! De chaque idée, de chaque croyance, de chaque valeur, Nietzsche a voulu violer le secret
846 eu est mort ! De chaque idée, de chaque croyance, de chaque valeur, Nietzsche a voulu violer le secret ; et leur défaite r
847 Il faut rejeter avec dégoût ce que l’on désirait de toute sa fougue ; et se rire des suiveurs, des successeurs, de ces di
848 ougue ; et se rire des suiveurs, des successeurs, de ces disciples enhardis par le triomphe ardent d’un autre, et qui déjà
849 de ces disciples enhardis par le triomphe ardent d’ un autre, et qui déjà croient pouvoir abuser de ses victimes… Mille et
850 nt d’un autre, et qui déjà croient pouvoir abuser de ses victimes… Mille et trois vérités se sont rendues, et pas une seul
851 joie du viol intellectuel. Comme Don Juan l’image de la Mère, Nietzsche poursuit l’image obscure, et à lui-même infiniment
852 ’image obscure, et à lui-même infiniment secrète, d’ une Vérité qui ne se rendrait point, mais qui le posséderait à tout ja
853 ais qui le posséderait à tout jamais, digne enfin de sa vraie Passion ! Il traque sans relâche tout ce qui bouge, tout ce
854 ouge, tout ce qui s’arrête, tout ce qui fait mine de résister… Voluptés brèves — le temps d’un aphorisme — fulgurations to
855 fait mine de résister… Voluptés brèves — le temps d’ un aphorisme — fulgurations toujours décevantes : ce n’est pas elle qu
856 e n’est pas elle qu’il vient de posséder… Ô haine de leurs vérités faibles ! La Vérité est morte ! Revivra-t-elle ? Car si
857 si ce Dieu est mort, à tout jamais, il n’y a plus d’ amour possible. Il faut inventer un amour qui permette au moins de haï
858 . Il faut inventer un amour qui permette au moins de haïr tout ce qui passe, tout ce qui cède, toute l’impudeur et la lour
859 ’impudeur et la lourdeur du monde. C’est au point de fureur dionysiaque où la joie de détruire devient douleur, et dans l’
860 . C’est au point de fureur dionysiaque où la joie de détruire devient douleur, et dans l’angoisse d’une puissance anéantie
861 e de détruire devient douleur, et dans l’angoisse d’ une puissance anéantie par son succès, que Nietzsche a rencontré souda
862 fascinante idée du Retour éternel. Devant le roc de Sils-Maria on le voit interrompre sa course, changer de contenance, e
863 s-Maria on le voit interrompre sa course, changer de contenance, et pour la première fois baisser la tête et adorer. Tout
864 ternellement ! Ainsi Nietzsche devient le Tristan d’ un Destin qu’il ne peut posséder que par l’amour éternellement lointai
865 uan ne gagnait qu’en trichant, et s’il n’y a plus de règles, on ne peut plus tricher). Voici peut-être la clé du mystère :
866 s notre grâce. Mais Nietzsche et Don Juan doutent de leur grâce. Les voici donc contraints de gagner dans le temps de leur
867 doutent de leur grâce. Les voici donc contraints de gagner dans le temps de leur vie — d’où la tricherie ; ou bien il leu
868 Les voici donc contraints de gagner dans le temps de leur vie — d’où la tricherie ; ou bien il leur faut nier la fin des t
869 contraints de gagner dans le temps de leur vie —  d’ où la tricherie ; ou bien il leur faut nier la fin des temps, le règle
870 in des temps, le règlement, le jugement dernier —  d’ où l’idée du Retour éternel. Comme je parlais de ces choses à une amie
871 — d’où l’idée du Retour éternel. Comme je parlais de ces choses à une amie : « J’ai connu, me dit-elle, un homme marié ave
872 est la tricherie ? Dans le défi, installé au cœur de la règle ?
11 1947, Doctrine fabuleuse. La gloire
873 ions un peu, et pensions le connaître. La lecture de ses papiers posthumes nous le révèle bien différent. Il fallait certe
874 ue trahit son journal intime. Peut-être le secret d’ une différence aussi curieuse est-il caché dans les passages de ces ca
875 nce aussi curieuse est-il caché dans les passages de ces cahiers que nous allons transcrire ici. De ces fragments de dates
876 es de ces cahiers que nous allons transcrire ici. De ces fragments de dates diverses, l’on ne verra point se dégager de co
877 que nous allons transcrire ici. De ces fragments de dates diverses, l’on ne verra point se dégager de conclusions tout à
878 de dates diverses, l’on ne verra point se dégager de conclusions tout à fait claires : il y a trop de contradictions. Mais
879 de conclusions tout à fait claires : il y a trop de contradictions. Mais c’est ce qui peut intéresser. Une attitude aussi
880 es lecteurs. Or il se peut que ce soit l’attitude de la plupart des écrivains modernes. « J’ai vécu pour la gloire, dit l
881 , si ce n’est aussi l’amour du prochain, le désir de lui être utile et de mériter ses louanges ? J’ai donc vécu pour les a
882 ’amour du prochain, le désir de lui être utile et de mériter ses louanges ? J’ai donc vécu pour les autres, et mon existen
883 vous l’appelez, le prochain, cette grande source d’ iniquité et de mal ! Le prochain, sais-tu, ce sont les paysans de Kiew
884 z, le prochain, cette grande source d’iniquité et de mal ! Le prochain, sais-tu, ce sont les paysans de Kiew, que tu rêves
885 e mal ! Le prochain, sais-tu, ce sont les paysans de Kiew, que tu rêves de combler de bienfaits. » (Tolstoï, La Guerre et
886 ais-tu, ce sont les paysans de Kiew, que tu rêves de combler de bienfaits. » (Tolstoï, La Guerre et la Paix.) Cette page m
887 sont les paysans de Kiew, que tu rêves de combler de bienfaits. » (Tolstoï, La Guerre et la Paix.) Cette page m’avait sédu
888 épris du prochain. Le prince André n’a pas trouvé de prochains, car il n’a cherché qu’un public. C’est le public qui donne
889 qui a vraiment aimé son prochain, n’en a pas reçu de gloire et n’en demandait point. Aussi ne pense-t-elle pas qu’elle a «
890 e pas qu’elle a « perdu sa vie ». Liszt, à la fin d’ un concert triomphal, s’incline et prononce à mi-voix : « Je suis le s
891 e. Et ceux qui ne la briguent point risquent fort de se rendre antipathiques. Jamais la foule n’a jugé ridicule que l’on a
892 foule n’a jugé ridicule que l’on affiche un amour de la gloire même excessif pour le talent qu’on a. La foule ne tient pou
893 glorieux que ceux qui prennent le soin de parler de leur gloire. Chateaubriand eut de la gloire, mais non Stendhal. Mme d
894 soin de parler de leur gloire. Chateaubriand eut de la gloire, mais non Stendhal. Mme de Staël en eut, mais non Constant
895 tends que son pouvoir et sa grandeur ne dépendent d’ aucune raison, et paraissent même n’en point souffrir. Fama crescit eu
896 entia famam. Toute gloire est donc aliénée. Celle d’ un Chateaubriand n’est pas à lui, ni à son œuvre, mais au public qui l
897 non point tel que me désire leur goût sentimental de « l’Art ». Mais comme tout se complique et se retourne ! Celui qui ve
898 Celui qui veut la gloire, est-ce qu’il manquerait d’ orgueil ? Serait-il plus humble que moi ? Et l’orgueilleux que je suis
899 eilleux que je suis, ne donne-t-il pas une preuve d’ amour à son audience en exigeant d’elle plus de noblesse ? Dire : je n
900 pas une preuve d’amour à son audience en exigeant d’ elle plus de noblesse ? Dire : je néglige la gloire, c’est dire : je v
901 ve d’amour à son audience en exigeant d’elle plus de noblesse ? Dire : je néglige la gloire, c’est dire : je vous néglige,
902 vous néglige, vous qui donnez la gloire pour prix d’ une complaisance. Mais c’est dire aussi : je vous aime, puisque je vou
903 veut la gloire telle que lui seul serait capable de se la décerner ? L’idée moderne de la gloire nous vient, dit-on, de l
904 serait capable de se la décerner ? L’idée moderne de la gloire nous vient, dit-on, de la Renaissance. Glorieux est celui q
905 ? L’idée moderne de la gloire nous vient, dit-on, de la Renaissance. Glorieux est celui qui s’affirme en différant, bien p
906 réquents dans l’Italie du xve siècle.) Le besoin de la gloire est donc né d’une sorte de maladie du sens social. C’est le
907 xve siècle.) Le besoin de la gloire est donc né d’ une sorte de maladie du sens social. C’est le contraire de l’amour du
908 .) Le besoin de la gloire est donc né d’une sorte de maladie du sens social. C’est le contraire de l’amour du prochain. L’
909 rte de maladie du sens social. C’est le contraire de l’amour du prochain. L’individu qui cherche la gloire n’a plus souci
910 er. Il cherche des admirateurs, des confirmateurs de son être. C’est que l’acte de s’écarter d’une communion ou d’une comm
911 , des confirmateurs de son être. C’est que l’acte de s’écarter d’une communion ou d’une communauté écarte aussi de soi, et
912 ateurs de son être. C’est que l’acte de s’écarter d’ une communion ou d’une communauté écarte aussi de soi, et l’on éprouve
913 C’est que l’acte de s’écarter d’une communion ou d’ une communauté écarte aussi de soi, et l’on éprouve alors le besoin de
914 d’une communion ou d’une communauté écarte aussi de soi, et l’on éprouve alors le besoin de se faire confirmer. Un homme
915 rte aussi de soi, et l’on éprouve alors le besoin de se faire confirmer. Un homme en communion active avec les hommes qui
916 res. Ainsi les héros et les rois sont les auteurs de leur éclat. Ils donnent et ne demandent rien. Et ce qu’ils donnent fa
917  : c’est ce que donne la foule qui fait la gloire d’ un homme.) La gloire antique était virile, comme le don. Alexandre exe
918 c’est une rumeur, c’est une publicité, une espèce d’ inflation provisoire. Elle n’est pas grande, mais exagérée, mobile, ne
919 ssentie comme flatteuse. C’est donc quelque chose de vulgaire. De fait, je ne connais pas de gloire moderne dont on ne pui
920 flatteuse. C’est donc quelque chose de vulgaire. De fait, je ne connais pas de gloire moderne dont on ne puisse démontrer
921 que chose de vulgaire. De fait, je ne connais pas de gloire moderne dont on ne puisse démontrer par quels moyens elle fut
922 quels moyens elle fut acquise : toujours au prix d’ une vulgarité. (Zones de bassesse chez d’Annunzio : c’est là, non pas
923 cquise : toujours au prix d’une vulgarité. (Zones de bassesse chez d’Annunzio : c’est là, non pas dans la beauté de son œu
924 au prix d’une vulgarité. (Zones de bassesse chez d’ Annunzio : c’est là, non pas dans la beauté de son œuvre, que s’est co
925 hez d’Annunzio : c’est là, non pas dans la beauté de son œuvre, que s’est constituée sa gloire.) Et cependant, je me suis
926 depuis toujours, moi seul. Un dieu n’a pas besoin d’ adorateurs pour rayonner et se réjouir de son être. Oui, c’est bien là
927 s besoin d’adorateurs pour rayonner et se réjouir de son être. Oui, c’est bien là le privilège d’un dieu. Et la vraie gloi
928 ouir de son être. Oui, c’est bien là le privilège d’ un dieu. Et la vraie gloire. Qu’est-ce que l’incognito ? Il y a là que
929 st-ce que l’incognito ? Il y a là quelqu’un qui a de la valeur ; on ne le sait pas. La gloire moderne, c’est à peu près l’
930 se. Mais ne serait-ce pas aussi le meilleur moyen de sauver son incognito en se donnant l’air précisément d’y renoncer ? A
931 ver son incognito en se donnant l’air précisément d’ y renoncer ? Autre avantage de la gloire : elle confère le droit d’êtr
932 t l’air précisément d’y renoncer ? Autre avantage de la gloire : elle confère le droit d’être banal. Tant pis si beaucoup
933 tre avantage de la gloire : elle confère le droit d’ être banal. Tant pis si beaucoup en abusent… Hypothèse : l’expérience
934 ucoup en abusent… Hypothèse : l’expérience intime de la gloire précède toujours sa manifestation. L’ambitieux ne vaut rien
935 peut aboutir qu’au succès. Il reste sous l’empire de la comparaison. Beaucoup d’hommes n’imaginent pas qu’on puisse avouer
936 l reste sous l’empire de la comparaison. Beaucoup d’ hommes n’imaginent pas qu’on puisse avouer sa vanité, ou bien ils croi
937 à feindre ? La plus sotte vanité étant assurément d’ essayer de faire croire qu’on n’en a point. Si l’on condamne sa propre
938 ? La plus sotte vanité étant assurément d’essayer de faire croire qu’on n’en a point. Si l’on condamne sa propre vanité, l
939 pre vanité, le mieux pour s’en débarrasser serait d’ en parler ouvertement. Comme un menteur qui dirait : « Je vous avertis
940 e, et je ne l’avoue jamais — je fais le modeste — d’ où vient cette pudeur ? Je ne veux pas la gloire pour vous éblouir, vo
941 ue je suis, et si vous appreniez un jour que j’ai de la gloire, que sauriez-vous alors d’essentiel que dès maintenant vous
942 our que j’ai de la gloire, que sauriez-vous alors d’ essentiel que dès maintenant vous ne sachiez ? Ou c’est que vous vous
943 c que « gloire », dont la prononciation, pour peu d’ emphase que j’y prête, me fait venir les larmes aux yeux ? Gloire et l
944 ord clamé, ou cet instant plutôt qui est au seuil de sa résolution fondamentale — quel est ce seuil, et que nous ouvrent,
945 ieu. Ce serait là, pourtant, ma vérité, la vérité de mon mensonge. Est-ce à cause que mon nom est : mensonge, que je voudr
946 s’oppose à ma gloire, et qui me sauve malgré moi de mon triomphe. Il n’y a qu’un seul Dieu, celui qui dit Je suis. Ce ser
947 a tout, et tout sera. Ainsi, ô Dieu, délivrez-moi de la gloire ! Mais cette prière m’émeut encore comme la gloire !
12 1947, Doctrine fabuleuse. Le nœud gordien renoué
948 n char, pénétrerait au grand galop dans le temple de Jupiter. Les quelques-uns qui le savaient étaient exclus de la compét
949 . Les quelques-uns qui le savaient étaient exclus de la compétition par leur science même : on exigeait l’innocence de l’â
950 n par leur science même : on exigeait l’innocence de l’âme. Quant au peuple, il vaquait à ses travaux. Un jour, un paysan
951 jour, un paysan nommé Gordius vient à cette ville de Phrygie. Il déclare qu’il voudrait visiter les curiosités de l’endroi
952 Il déclare qu’il voudrait visiter les curiosités de l’endroit. On lui indique le temple et la mairie. Sans hésiter, il en
953 nous attendions ! Devenu roi par hasard et grâce d’ innocence, Gordius voulut le rester par astucieuse appropriation d’art
954 ius voulut le rester par astucieuse appropriation d’ artisan. Il saute à terre, bien décidé à montrer aux gens de la ville
955 Il saute à terre, bien décidé à montrer aux gens de la ville ce qu’il sait faire. Entre les cornes de l’autel et le timon
956 de la ville ce qu’il sait faire. Entre les cornes de l’autel et le timon du char, le voilà qui se met à nouer le plus beau
957 ait jamais rêvé. Il y passe des heures indicibles d’ intensité et de concentration. C’est le temps de sa vie ! Ce nœud l’at
958 . Il y passe des heures indicibles d’intensité et de concentration. C’est le temps de sa vie ! Ce nœud l’attestera. L’inno
959 s d’intensité et de concentration. C’est le temps de sa vie ! Ce nœud l’attestera. L’innocence du prédestiné et la malice
960 et la malice du paysan s’y mêlent dans un vertige de trouvailles, dans une embrouille de génie. Les tours les plus retors
961 ns un vertige de trouvailles, dans une embrouille de génie. Les tours les plus retors de cette corde nouent à la grâce l’a
962 ne embrouille de génie. Les tours les plus retors de cette corde nouent à la grâce l’ambition, marient au luxe fou l’avari
963 u l’avarice ingénieuse, resserrent dans les liens d’ un calcul instinctif l’enthousiasme de la grandeur, et son angoisse. A
964 s les liens d’un calcul instinctif l’enthousiasme de la grandeur, et son angoisse. Ah ! le compère assez malin pour dénoue
965 il n’est pas encore né ! On ne sait rien du règne de Gordius. Mais le nœud qu’il noua devint célèbre. Un oracle nouveau ne
966 sie. Car un nœud, c’est d’abord un anneau : signe d’ alliance et de prise du pouvoir. Cercle magique et couronne royale. Si
967 ud, c’est d’abord un anneau : signe d’alliance et de prise du pouvoir. Cercle magique et couronne royale. Signe aussi de f
968 r. Cercle magique et couronne royale. Signe aussi de fécondité. Qu’une intrigue se noue, elle gouverne aussitôt les person
969 e se noue, une amitié se noue. Quand on peut dire d’ un fruit qu’il a noué, il devient graine. Celui qui sait comment se fa
970 et le refaire : il détient le secret du pouvoir. De tous les pays de la Grèce, les rêveurs de couronnes vinrent contemple
971 il détient le secret du pouvoir. De tous les pays de la Grèce, les rêveurs de couronnes vinrent contempler l’objet. Ils ve
972 ouvoir. De tous les pays de la Grèce, les rêveurs de couronnes vinrent contempler l’objet. Ils venaient s’asseoir devant l
973 pendant des heures, des jours, des mois. Combien de grandes pensées se nouèrent dans ce piège à méditations symboliques !
974 dans ce piège à méditations symboliques ! Combien de regards aussi, apparemment stupides, apprirent à déchiffrer les circo
975 pides, apprirent à déchiffrer les circonvolutions de cet emblème d’un cerveau, né d’une pensée unique et vraiment souverai
976 t à déchiffrer les circonvolutions de cet emblème d’ un cerveau, né d’une pensée unique et vraiment souveraine : la royauté
977 s circonvolutions de cet emblème d’un cerveau, né d’ une pensée unique et vraiment souveraine : la royauté dans son état na
978 iens. J’allais m’asseoir au temple, par les jours de colère intraitable. Je dardais un regard de flèche vers ce nœud de vi
979 jours de colère intraitable. Je dardais un regard de flèche vers ce nœud de vipères impassible. Des vengeances profondes s
980 able. Je dardais un regard de flèche vers ce nœud de vipères impassible. Des vengeances profondes se lovaient dans les tor
981 inées à l’intérieur de cet objet monstrueux, fait d’ une seule corde. Et je passais des heures à contempler ceux qui, à mon
982 it dans sa nature… Celui qui prévoyait la science de nos jours, et me disait : « Il n’est de science que des phénomènes qu
983 a science de nos jours, et me disait : « Il n’est de science que des phénomènes que l’on peut reproduire à volonté. Quel e
984  : C’est consolant ! (par allusion à ses malheurs d’ amour, si simples…) Et la femme de Gordius vint un jour s’acquitter d
985 à ses malheurs d’amour, si simples…) Et la femme de Gordius vint un jour s’acquitter de ses dévotions. Devant le nœud, ap
986 Et la femme de Gordius vint un jour s’acquitter de ses dévotions. Devant le nœud, après un long regard, elle dit : Ce n’
987 la ! (Elle croyait que son mari ne s’occupait que d’ elle.) Et tant d’autres qui vinrent, et qui restaient longtemps. Et nu
988 aient longtemps. Et nul ne s’en allait qu’enrichi d’ un mystère. Tel était le culte de Gordium, religion de l’inextricable.
989 llait qu’enrichi d’un mystère. Tel était le culte de Gordium, religion de l’inextricable. Alexandre impatient et tricheur
990 mystère. Tel était le culte de Gordium, religion de l’inextricable. Alexandre impatient et tricheur pénétra dans le templ
991 emple au jour dit par ses astres, trancha le nœud d’ un coup d’épée, ramassa le prix pour la durée de la saison. (Tous les
992 d d’un coup d’épée, ramassa le prix pour la durée de la saison. (Tous les joueurs perdent.) Ce coup d’épée a fondé le mond
993 .) Ce coup d’épée a fondé le monde moderne. Monde de la simplification hâtive ; de l’expérience qui détruit son objet ; de
994 onde moderne. Monde de la simplification hâtive ; de l’expérience qui détruit son objet ; de l’action efficace au détrimen
995 hâtive ; de l’expérience qui détruit son objet ; de l’action efficace au détriment du sens ; de la tricherie ; de la rupt
996 jet ; de l’action efficace au détriment du sens ; de la tricherie ; de la rupture des liens. Et depuis lors, je vais crian
997 efficace au détriment du sens ; de la tricherie ; de la rupture des liens. Et depuis lors, je vais criant : Renouez-le ! R
998 is criant : Renouez-le ! Renouez-le ! Car il y va de tout, du sens même de nos vies ! Car vous mourez, nous mourons tous d
999  ! Renouez-le ! Car il y va de tout, du sens même de nos vies ! Car vous mourez, nous mourons tous d’ennui, dans un monde
1000 de nos vies ! Car vous mourez, nous mourons tous d’ ennui, dans un monde où rien ne se noue. Car vous mourez, nous mourons
1001 ie précieuse. Elle n’existe que prise au complexe d’ une âme, dans les détours du plus profond secret noué. Et si vous simp
1002 s simplifiez vous gagnerez le monde, mais au prix d’ une âme, la vôtre. Car vous mourez, nous mourons tous à l’amour qui ne
1003 sur sa structure, mais détruit à jamais l’espoir de le refaire, de le comprendre ou de s’y laisser prendre, c’est-à-dire
1004 re, mais détruit à jamais l’espoir de le refaire, de le comprendre ou de s’y laisser prendre, c’est-à-dire de connaître ou
1005 amais l’espoir de le refaire, de le comprendre ou de s’y laisser prendre, c’est-à-dire de connaître ou d’aimer. On ne peut
1006 omprendre ou de s’y laisser prendre, c’est-à-dire de connaître ou d’aimer. On ne peut opposer au mythe du nœud gordien que
1007 s’y laisser prendre, c’est-à-dire de connaître ou d’ aimer. On ne peut opposer au mythe du nœud gordien que l’histoire du n
1008 plus-simple-du-monde. La guerre civile était près d’ éclater entre les Suisses, au xve siècle. Un messager fut envoyé à l’
1009 icitait son conseil. Il prit la corde qui servait de ceinture à sa pauvre robe. Il en fit une boucle simple et la tendit a
1010 pée pour le trancher, si chacun tire par un bout, de son côté. Quelle histoire édifiante ! dit Alexandre.
13 1947, Doctrine fabuleuse. Le supplice de Tantale
1011 Le supplice de Tantale L’eau fuit ses lèvres, la branche fuit sa main, et le roche
1012 teur non prévenu, tout se passe comme si le désir de Tantale suffisait à repousser les objets qu’il désire, et sa crainte
1013 qu’il redoute. Quand il se penche vers la surface de la rivière où il baigne à mi-corps, quand il lève le bras vers ces fr
1014 fruits mûrs qui font ployer la branche au-dessus de son front, on dirait que son geste même déclenche un mécanisme qui l’
1015 ieu que ce coin du Tartare, où la pesante logique de la matière est abolie pour peu que l’homme se manifeste. Serait-ce un
1016 u que l’homme se manifeste. Serait-ce un pur lieu de l’esprit ? Oui, car à l’instant même où Tantale est ému, où il forme
1017 ému, où il forme un projet, où il agit, les lois de la chute des corps et de leur inertie, qui sont celles mêmes de la mo
1018 et, où il agit, les lois de la chute des corps et de leur inertie, qui sont celles mêmes de la mort, font place aux lois d
1019 s corps et de leur inertie, qui sont celles mêmes de la mort, font place aux lois des dieux, qui sont celles de l’esprit ;
1020 t, font place aux lois des dieux, qui sont celles de l’esprit ; et des dieux irrités contre l’homme, c’est-à-dire d’un esp
1021 et des dieux irrités contre l’homme, c’est-à-dire d’ un esprit coupable. Regardons bien ce paysage imaginaire, cette compos
1022 iée comme un arcane du Tarot et non moins chargée de symboles : un corps, une eau, une branche et un rocher. C’est l’homme
1023 r. C’est l’homme coupable, environné des emblèmes de sa peur et de sa convoitise, emblèmes ou signes, car tout tient ici à
1024 me coupable, environné des emblèmes de sa peur et de sa convoitise, emblèmes ou signes, car tout tient ici à des événement
1025 et tout illustre une des structures fondamentales de son être. Tantale avait commis deux crimes, dit la Fable. Admis à la
1026 r les faire goûter aux mortels. Puis, dans l’idée de défier l’Olympe et d’éprouver son omniscience, il avait tué son propr
1027 mortels. Puis, dans l’idée de défier l’Olympe et d’ éprouver son omniscience, il avait tué son propre fils Pélops, pour fa
1028 e servir sa chair à la table divine. Les liqueurs d’ immortalité sont ici comme des signes de la Grâce, dont un homme cherc
1029 liqueurs d’immortalité sont ici comme des signes de la Grâce, dont un homme chercherait à s’emparer par subterfuge, afin
1030 stre. Doutons que la philanthropie préside au vol de Tantale, quand il est assez clair qu’il jalouse les dieux, leur divin
1031 eux comme nourriture meilleure, il est surprenant d’ observer qu’elle invertit exactement le sacrifice du Fils de Dieu. Au
1032 qu’elle invertit exactement le sacrifice du Fils de Dieu. Au lieu du Père livrant son Fils aux hommes pour qu’ils le tuen
1033 pour qu’ensuite ils revivent par la consommation de son corps spirituel, un homme tue lui-même son fils, et donne sa chai
1034 r qu’ils en meurent — s’ils perdent leur divinité de s’être une fois laissé surprendre et abuser. À cette double infractio
1035 e et abuser. À cette double infraction aux grâces de l’esprit (comme je voudrais nommer les lois spirituelles), répond un
1036 n menace suspendue. Le monde païen ne conçoit pas de pardon par amour et de salut gratuit, et c’est pourquoi les châtiment
1037 monde païen ne conçoit pas de pardon par amour et de salut gratuit, et c’est pourquoi les châtiments qu’infligent les dieu
1038 ligent les dieux revêtent en général un caractère de revanche pure et simple, et comme automatique. C’est autant dire que
1039 seul avec lui-même et se ferme aux interventions d’ une transcendance, ou d’un appel venu d’ailleurs. (Les « dieux » n’éta
1040 e ferme aux interventions d’une transcendance, ou d’ un appel venu d’ailleurs. (Les « dieux » n’étant, en fait, que ses pro
1041 ses propres limites.) Dans l’histoire du supplice de Tantale, cet automatisme est si sûr qu’il autorise à des spéculations
1042 u sur sa tête, l’onde et la branche ne s’écartant de lui qu’à l’instant où il veut les atteindre, et tout cela ne tient vr
1043 a ne tient vraiment qu’à lui, qu’aux dispositions de son âme : c’est que celles-ci n’ont pas changé depuis ses crimes. Nou
1044 strent ces désirs et qui retardent, ironiquement, d’ écraser cet orgueil. Imaginons, maintenant, par impossible, que Tantal
1045 s’abandonne, et qu’il préfère soudain à son amour d’ un moi coupable et torturé, l’expiation libératrice et son délire. À l
1046 u pardon, ni au salut que lui vaudrait un instant de pur abandon — payé de sa mort, il est vrai, pour quelle indescriptibl
1047 que lui vaudrait un instant de pur abandon — payé de sa mort, il est vrai, pour quelle indescriptible renaissance ! — préf
1048 iptible renaissance ! — préfère subir le supplice de Tantale. C’est son orgueil et sa dignité d’homme : il se révolte cont
1049 plice de Tantale. C’est son orgueil et sa dignité d’ homme : il se révolte contre tout, sauf soi. C’est pourquoi rien ne ch
1050 f et à sa peur. Il est cet homme qui, dans chacun de nous, préfère le désir même douloureux, d’avoir été mille et mille fo
1051 chacun de nous, préfère le désir même douloureux, d’ avoir été mille et mille fois déçu — mais c’est encore son désir, donc
1052 — à la proie qu’il ne posséderait qu’en acceptant d’ être changé d’abord. Que lui servirait, pense-t-il, de gagner le monde
1053 re changé d’abord. Que lui servirait, pense-t-il, de gagner le monde s’il y perdait son moi ? Il est certain qu’à sa maniè
1054 voir en son lieu. À la limite, et dans la logique d’ un mythe où l’homme s’identifie à l’une de ses tendances, celui qui ga
1055 logique d’un mythe où l’homme s’identifie à l’une de ses tendances, celui qui gagne est donc toujours un autre. Et celui q
1056 i qui désire ne gagnera jamais. C’est le sophisme de l’empereur : Napoléon n’est pas un Bonaparte comblé, mais quelqu’un q
1057 is quelqu’un qui s’est substitué, sous le manteau d’ hermine, à Bonaparte. Le romantique qui rêvait d’être empereur est mor
1058 d’hermine, à Bonaparte. Le romantique qui rêvait d’ être empereur est mort le jour du couronnement. Tous nos succès, tous
1059 ute, sont ainsi à quelque degré des modifications de notre identité, des aliénations de nous-mêmes. À la limite, ils sont
1060 modifications de notre identité, des aliénations de nous-mêmes. À la limite, ils sont autant d’usurpations. Changeons mai
1061 tions de nous-mêmes. À la limite, ils sont autant d’ usurpations. Changeons maintenant de plan spirituel, et transposons le
1062 s sont autant d’usurpations. Changeons maintenant de plan spirituel, et transposons le mythe de Tantale dans un monde où l
1063 tenant de plan spirituel, et transposons le mythe de Tantale dans un monde où l’instant d’abandon ne signifie plus la mort
1064 ns le mythe de Tantale dans un monde où l’instant d’ abandon ne signifie plus la mort mais la vie et l’héritage de la vie é
1065 e signifie plus la mort mais la vie et l’héritage de la vie éternelle. J’emprunte à Jean-Paul7 une histoire étrangement pa
1066 étrangement parabolique et qui, dans le registre de l’humour profond, reproduit notre fable grecque, mais la conduit à un
1067 nt reviendront et appartiendront à celui des sept de MM. mes Neveux qui, durant la demi-heure qui suivra la lecture de la
1068 x qui, durant la demi-heure qui suivra la lecture de la présente clause, versera avant tous les autres, une ou quelques la
1069 e marchand Neupeter se demande s’il ne s’agit que d’ une mauvaise farce, indigne d’un homme de sens. Le fiscal Knol se sent
1070 s’il ne s’agit que d’une mauvaise farce, indigne d’ un homme de sens. Le fiscal Knol se sent prêt à pleurer de colère. Pas
1071 agit que d’une mauvaise farce, indigne d’un homme de sens. Le fiscal Knol se sent prêt à pleurer de colère. Pasvogel, le r
1072 me de sens. Le fiscal Knol se sent prêt à pleurer de colère. Pasvogel, le rusé libraire, essaie de se remémorer tout ce qu
1073 rer de colère. Pasvogel, le rusé libraire, essaie de se remémorer tout ce qu’il y a d’émouvant dans les livres. Klitte, qu
1074 ibraire, essaie de se remémorer tout ce qu’il y a d’ émouvant dans les livres. Klitte, qui est alsacien, jure que pour tout
1075 ure que pour tout l’or du monde, une plaisanterie de ce genre ne le ferait pas pleurer. Sur quoi l’inspecteur de police Ha
1076 une intention plus sérieuse. » L’inspecteur ouvre de gros yeux fixes, où rien ne vient. Le jeune prédicateur Flachs, lui,
1077 à se lamenter ecclésiastiquement, mais la vision de la maison de l’oncle, s’avançant vers lui sur ces flots, est bien tro
1078 r ecclésiastiquement, mais la vision de la maison de l’oncle, s’avançant vers lui sur ces flots, est bien trop réjouissant
1079 est bien trop réjouissante… Glanz, le conseiller d’ église, se met à faire une allocution, car il sait que cela le fait pl
1080 ngotes grises, puis Lazare et ses chiens, la tête de beaucoup d’êtres, les souffrances du jeune Werther, un petit champ de
1081 s, puis Lazare et ses chiens, la tête de beaucoup d’ êtres, les souffrances du jeune Werther, un petit champ de bataille, l
1082 toyablement à cause du testament, et il s’en faut de bien peu qu’il ne pleure… Le conseiller continue son discours… Soudai
1083 ment. Son émotion dûment enregistrée, il héritera de tous les biens de l’oncle, pour lui avoir dédié, entre tant d’autres,
1084 dûment enregistrée, il héritera de tous les biens de l’oncle, pour lui avoir dédié, entre tant d’autres, une seule pensée
1085 voir dédié, entre tant d’autres, une seule pensée d’ amour pur et gratuit. L’auteur du nouveau Testament n’en demande pas d
1086 nde pas davantage à l’homme pour le faire hériter de son royaume : il demande un instant de foi. Un instant d’abandon de s
1087 re hériter de son royaume : il demande un instant de foi. Un instant d’abandon de soi-même, et d’amour désintéressé. Toute
1088 oyaume : il demande un instant de foi. Un instant d’ abandon de soi-même, et d’amour désintéressé. Toute autre tentative po
1089 l demande un instant de foi. Un instant d’abandon de soi-même, et d’amour désintéressé. Toute autre tentative pour mériter
1090 tant de foi. Un instant d’abandon de soi-même, et d’ amour désintéressé. Toute autre tentative pour mériter la Vie et le Ro
1091 clenche irrésistiblement le mécanisme du supplice de Tantale, c’est-à-dire qu’elle s’annule de soi-même. Si un homme croit
1092 upplice de Tantale, c’est-à-dire qu’elle s’annule de soi-même. Si un homme croit pouvoir s’autoriser du mérite de ses œuvr
1093 . Si un homme croit pouvoir s’autoriser du mérite de ses œuvres, il ne pleurera pas : car la vision de la proie qui s’appr
1094 de ses œuvres, il ne pleurera pas : car la vision de la proie qui s’approche sera « bien trop réjouissante » pour son cœur
1095 éloignera tout aussitôt, comme la branche chargée de fruits. Si un homme veut la Vie éternelle par seule crainte de mourir
1096 un homme veut la Vie éternelle par seule crainte de mourir à cette vie temporelle, les eaux vives fuiront ses lèvres ; ca
1097  ; car il faudrait, pour y être immergé, accepter de mourir d’abord à ses propres désirs et à soi-même. (Et c’est le symbo
1098 t c’est le symbole du Baptême.) Telle est la ruse de l’Amour insondable. Admirons-en la précision miraculeuse ! Pour si pe
1099 dmirons-en la précision miraculeuse ! Pour si peu d’ égoïsme qu’il subsiste dans l’acte de porter les lèvres ou la main ver
1100 Pour si peu d’égoïsme qu’il subsiste dans l’acte de porter les lèvres ou la main vers cette eau, vers ces fruits offerts,
1101 vers cette eau, vers ces fruits offerts, l’amour de soi domine encore le pur Amour, et le plaisir anticipé suffit encore
14 1947, Doctrine fabuleuse. La fin du monde
1102 rtés que la pensée se donne lorsque, se dégageant de notre condition, elle imagine des idées qui détruisent l’homme, l’on
1103 qui détruisent l’homme, l’on rencontre sans trop d’ effroi l’idée de l’homme détruit ; l’idée de l’homme qui pense cette i
1104 l’homme, l’on rencontre sans trop d’effroi l’idée de l’homme détruit ; l’idée de l’homme qui pense cette idée, détruit ; l
1105 trop d’effroi l’idée de l’homme détruit ; l’idée de l’homme qui pense cette idée, détruit ; l’idée que vous, et qui pense
1106 rt. Si « macabre » désigne assez bien l’étrangeté de la mort des autres, cela ne saurait en aucun cas se dire de sa propre
1107 des autres, cela ne saurait en aucun cas se dire de sa propre mort, de la mienne. Et non plus, à mon sens, de la méditati
1108 e saurait en aucun cas se dire de sa propre mort, de la mienne. Et non plus, à mon sens, de la méditation que je poursuis
1109 opre mort, de la mienne. Et non plus, à mon sens, de la méditation que je poursuis entre ces phrases, dans cette matinée b
1110 nt, je puis en disposer, feindre assez facilement d’ en rire. Elle n’est pas plus forte que moi. Peut-être même n’est-elle
1111 moi. Peut-être même n’est-elle qu’une ruse cousue de fil blanc de ma vitalité : la seule pensée que mon souffle puisse, da
1112 e même n’est-elle qu’une ruse cousue de fil blanc de ma vitalité : la seule pensée que mon souffle puisse, dans quelques i
1113 e mort. Contester là-dessus serait fournir l’aveu d’ une impuissance à comprendre le mot penser dans son sens fort. Car pen
1114 t mourir. Peut-être avons-nous là le seul critère d’ une perfection intellectuelle, et l’on conçoit que son application ne
1115 t tragiques, c’est-à-dire sans appel. Ontologie de la fin Pour que nous apparaisse parfois l’étrangeté d’une telle si
1116 n Pour que nous apparaisse parfois l’étrangeté d’ une telle situation — la nôtre à tous — ne faut-il pas qu’une instance
1117 omme négligeable ; et s’y attarder serait le fait d’ une sophistique assez gratuite. Ma nature crie à l’utopie devant ma mo
1118 atuite. Ma nature crie à l’utopie devant ma mort. De là vient que l’humanité, dans son ensemble, résiste instinctivement à
1119 son ensemble, résiste instinctivement à la pensée de la Fin, refuse de toutes ses forces de la « réaliser », bien plus, s’
1120 ste instinctivement à la pensée de la Fin, refuse de toutes ses forces de la « réaliser », bien plus, s’applique à la disq
1121 la pensée de la Fin, refuse de toutes ses forces de la « réaliser », bien plus, s’applique à la disqualifier, à la rendre
1122 asser à tout jamais dans un futur indéfini. Ainsi de l’homme, ainsi de l’humanité. Pourtant un jour, tel jour ordinaire, l
1123 s dans un futur indéfini. Ainsi de l’homme, ainsi de l’humanité. Pourtant un jour, tel jour ordinaire, l’homme meurt. Pour
1124 mps nous endort bien plutôt qu’il ne nous avertit de son but. Si l’homme savait un jour ce qu’il en est de son destin et d
1125 on but. Si l’homme savait un jour ce qu’il en est de son destin et de sa liberté, s’il voyait à l’œil nu leur sens dernier
1126 e savait un jour ce qu’il en est de son destin et de sa liberté, s’il voyait à l’œil nu leur sens dernier et l’enjeu vérit
1127 à l’œil nu leur sens dernier et l’enjeu véritable de ses choix, à qui reviendrait l’empire de ce monde ? À l’Ecclésiaste o
1128 éritable de ses choix, à qui reviendrait l’empire de ce monde ? À l’Ecclésiaste ou au Jeune Homme ? Le sage ne rallierait
1129 eune Homme ? Le sage ne rallierait pas avec moins d’ envie le débauché, dont il faudrait encore plaindre l’arrière-pensée,
1130 is seulement ce qui la condamne. Ainsi, la pensée de la Fin a les meilleures raisons du monde d’être pensée ; toutefois l’
1131 ensée de la Fin a les meilleures raisons du monde d’ être pensée ; toutefois l’effort entier de notre vie la neutralise. D’
1132 u monde d’être pensée ; toutefois l’effort entier de notre vie la neutralise. D’où vient alors cette prise de conscience,
1133 efois l’effort entier de notre vie la neutralise. D’ où vient alors cette prise de conscience, d’une menace, mais aussi de
1134 lise. D’où vient alors cette prise de conscience, d’ une menace, mais aussi de l’incapacité où se trouve l’homme à penser c
1135 tte prise de conscience, d’une menace, mais aussi de l’incapacité où se trouve l’homme à penser concrètement sa fin ? D’où
1136 se trouve l’homme à penser concrètement sa fin ? D’ où vient qu’imperceptible encore au plus grand nombre, à tous les lett
1137 nombre, à tous les lettrés sans esprit, la pensée de la catastrophe s’acclimate lentement parmi nous ? D’où, sinon de la F
1138 la catastrophe s’acclimate lentement parmi nous ? D’ où, sinon de la Fin qui déjà nous pénètre, sinon de la Réalité qui m’a
1139 he s’acclimate lentement parmi nous ? D’où, sinon de la Fin qui déjà nous pénètre, sinon de la Réalité qui m’a pressé d’éc
1140 ’où, sinon de la Fin qui déjà nous pénètre, sinon de la Réalité qui m’a pressé d’écrire ces pages et qui pourrait suspendr
1141 nous pénètre, sinon de la Réalité qui m’a pressé d’ écrire ces pages et qui pourrait suspendre ici ma phrase, me jetant da
1142 tant dans mon jugement ? S’il nous vient à l’idée de penser notre mort, c’est la Mort en nous qui se pense, c’est la Crise
1143 e, c’est la Crise déjà qui affleure, nous avertit de la Fin, et l’atteste. La crise Le Bas-Empire ne fut « bas », en
1144 éalité nouvelle illuminait. Sans la vie, que dire de la mort ? Et sans la Fin, que dire de la durée ? Mais tout se mêle en
1145 e, que dire de la mort ? Et sans la Fin, que dire de la durée ? Mais tout se mêle encore confusément. Nous sommes là comme
1146 mmes là comme en rêve, empêtrés dans le sentiment d’ une urgence que nous ne parvenons pas à distinguer avec des yeux bien
1147 isse et trop peu pour agir. Ainsi le grand décret de crise qui sévit au cœur de ce siècle n’est qu’une première parole, am
1148 Ainsi le grand décret de crise qui sévit au cœur de ce siècle n’est qu’une première parole, ambiguë, de la Fin. Une premi
1149 ce siècle n’est qu’une première parole, ambiguë, de la Fin. Une première demande d’informer. Non pas encore l’Arrêt derni
1150 parole, ambiguë, de la Fin. Une première demande d’ informer. Non pas encore l’Arrêt dernier, mais déjà ce ralentissement
1151 ent qui nous fait accéder à la conscience obscure d’ un danger proche, ce crépuscule qui est peut-être une aube, et la fran
1152 épuscule qui est peut-être une aube, et la frange de cet éclat qui doit consumer toute chair. Dans cette lueur suspecte, r
1153 chair. Dans cette lueur suspecte, risque un jour d’ apparaître la face réelle de la Terre. Et déjà, par intermittence, cer
1154 pecte, risque un jour d’apparaître la face réelle de la Terre. Et déjà, par intermittence, certains ont entrevu et tenté d
1155 par intermittence, certains ont entrevu et tenté de juger les buts réels de notre marche séculaire. Que savons-nous du se
1156 ains ont entrevu et tenté de juger les buts réels de notre marche séculaire. Que savons-nous du sens de notre civilisation
1157 e notre marche séculaire. Que savons-nous du sens de notre civilisation ? Quelle est sa fin, dès l’origine, quel est son r
1158 La liberté ? Nous avons encombré la terre entière de barrières destinées à protéger sa course. L’amour ? La solidarité ? C
1159 rse. L’amour ? La solidarité ? Ce sont des idéaux de ligues, des mots qu’on n’ose plus employer qu’au dessert. La richesse
1160 es lointaines. Toutefois, elle reste liée au rêve d’ activité qui tourmente l’Occident depuis des siècles. Mais ce rêve à s
1161 e ; il faiblit, il ne couvre plus toute l’étendue de la conscience humaine… Car notre volonté n’est plus de conquérir, mai
1162 conscience humaine… Car notre volonté n’est plus de conquérir, mais seulement d’assurer la vie du plus grand nombre contr
1163 e volonté n’est plus de conquérir, mais seulement d’ assurer la vie du plus grand nombre contre les créations catastrophiqu
1164 epuis peu. Nous essayons, mais en phrases banales de moralistes tardivement ressaisis, d’évaluer les conquêtes futures. Si
1165 ases banales de moralistes tardivement ressaisis, d’ évaluer les conquêtes futures. Signe évident que nous les redoutons. (
1166 r à la mort, comme à tout acte créateur, le moins de chances. Un vaste système d’assurances s’étend sur toutes nos activit
1167 e créateur, le moins de chances. Un vaste système d’ assurances s’étend sur toutes nos activités : plans et pactes, statist
1168 tes nos activités : plans et pactes, statistiques de l’imprévu, eugénisme et longévité, clercs au pas ou stérilisés, guerr
1169 : cet effort est contre nature. Il naît au déclin de la vie, et fatalement se retourne contre elle. Nous voulons échapper
1170 mais c’est peut-être le meilleur ou le seul moyen d’ anticiper sa fin : la fin du temps, la Fin du Monde. Car il se peut qu
1171 se peut que l’assurance mondiale que nous tentons d’ organiser, aménage notre ruine collective : lorsque la terre entière s
1172 tière soumise au seul pouvoir du chiffre dépendra d’ une centrale unique, il suffira que l’Ange de la Fin saisisse les comm
1173 ndra d’une centrale unique, il suffira que l’Ange de la Fin saisisse les commandes pour accomplir le Temps… Et nous serons
1174 re attente faiblit. La primitive Église, au début de notre ère, vivait dans la pensée de la fin imminente. Mais parmi nous
1175 ise, au début de notre ère, vivait dans la pensée de la fin imminente. Mais parmi nous, qui avons cru pouvoir éliminer cet
1176 ons cru pouvoir éliminer cette dimension tragique de notre vie, voici qu’un destin ironique se charge de l’approfondir. No
1177 notre vie, voici qu’un destin ironique se charge de l’approfondir. Non pas le temps, mais notre œuvre elle-même. Pour la
1178 ’histoire du monde, nous pouvons calculer le prix de revient d’une destruction de l’humanité : la somme de nos budgets de
1179 u monde, nous pouvons calculer le prix de revient d’ une destruction de l’humanité : la somme de nos budgets de Défense nat
1180 ons calculer le prix de revient d’une destruction de l’humanité : la somme de nos budgets de Défense nationale. Avertis
1181 evient d’une destruction de l’humanité : la somme de nos budgets de Défense nationale. Avertissement Votre refuge es
1182 struction de l’humanité : la somme de nos budgets de Défense nationale. Avertissement Votre refuge est dans la masse
1183 pas mourir, et il est vrai qu’elle ne possède pas de vie réelle, et ne peut donc penser sa fin, ni rien. Elle ne peut être
1184 pensée, et l’homme en elle reste à peu près dénué de réalité, jusqu’au jour où la Fin le pense. Et c’est là son tragique e
1185 in le pense. Et c’est là son tragique et l’humour de la Fin. Tout ce qui est réel, tout ce qui manifeste la présence étern
1186 réel, tout ce qui manifeste la présence éternelle de la Fin, tout ce qui donne un sens d’éternité à vos singeries, vous l’
1187 ce éternelle de la Fin, tout ce qui donne un sens d’ éternité à vos singeries, vous l’appelez exagéré, démesuré. Écoutez-mo
1188 révéler tels qu’ils sont, où qu’ils soient. Plus d’ évasions spirituelles. L’homme fuyant la Terre où le diable sévit, se
1189 et découvre que Dieu y est plus dangereux encore, d’ une autre sorte, fulgurante. Péripétie La scène du monde vient d
1190 du monde vient de passer à une vaste conversation de la mort, sur les places et dans les grands cafés, aux lieux de popula
1191 ur les places et dans les grands cafés, aux lieux de populace et de parole rapide. Peut-être le soleil éteint se promène-t
1192 t dans les grands cafés, aux lieux de populace et de parole rapide. Peut-être le soleil éteint se promène-t-il depuis quel
1193 ité méprisante… Mais la majorité sut garder l’air de ne pas croire à sa mort proche, cet air petit. On en reviendrait bien
1194 rt proche, cet air petit. On en reviendrait bien, de cette fin du monde ! Car sinon tout apparaissait d’une indécence inex
1195 cette fin du monde ! Car sinon tout apparaissait d’ une indécence inexprimable. Depuis bientôt mille ans, l’An Mille était
1196 prix de cela justement qu’il n’était point permis d’ imaginer. Celui dont les belles manières sont apprises souffre mal qu’
1197 s peu d’entre eux possédaient la pleine assurance de l’être. L’Institut de l’opinion planétaire publia les premiers résult
1198 édaient la pleine assurance de l’être. L’Institut de l’opinion planétaire publia les premiers résultats d’une enquête-écla
1199 ’opinion planétaire publia les premiers résultats d’ une enquête-éclair : il s’agissait d’une névrose collective, d’une pou
1200 rs résultats d’une enquête-éclair : il s’agissait d’ une névrose collective, d’une poussée subite de l’instinct de mort. On
1201 -éclair : il s’agissait d’une névrose collective, d’ une poussée subite de l’instinct de mort. On proposait une cure des ma
1202 it d’une névrose collective, d’une poussée subite de l’instinct de mort. On proposait une cure des masses et la nationalis
1203 se collective, d’une poussée subite de l’instinct de mort. On proposait une cure des masses et la nationalisation des écol
1204 cure des masses et la nationalisation des écoles de psychanalyse. Un théologien répondit : « L’affection de la chair, c’e
1205 chanalyse. Un théologien répondit : « L’affection de la chair, c’est la mort. Saint Paul l’a vu bien avant Freud, et mieux
1206 eud, et mieux. Il entendait par « chair » le tout de l’homme, intelligence et belle âme comprises. Et ce n’est point que n
1207 e la chair, c’est ce qui, croit-elle, la détourne de la mort. C’est la vie telle que vous la cultivez, qui conduit à la mo
1208 l’élan mortel. Car il ne vient pas de nous, mais d’ En Face. Ici le futur nous attend, ce futur qui n’était pour nous qu’u
1209 t, notre temps, qui n’était pour nous qu’un refus de l’instant éternel. Et l’Histoire tout entière dans l’acte de ce oui,
1210 t éternel. Et l’Histoire tout entière dans l’acte de ce oui, se manifeste au Jour de tous les jours. » Comme il parlait en
1211 tière dans l’acte de ce oui, se manifeste au Jour de tous les jours. » Comme il parlait encore, une lueur d’aube apparut e
1212 s les jours. » Comme il parlait encore, une lueur d’ aube apparut et grandit autour d’eux. Toutes choses replongées dans la
1213 ncore, une lueur d’aube apparut et grandit autour d’ eux. Toutes choses replongées dans la stupeur originelle, toutes créat
1214 es créatures livrées d’un seul coup à la violence de l’acte décisif, nous allons voir paraître enfin leur justification, l
1215 supporter, le seul Amour apparaissant qui menace d’ être insoutenable : il nous trouve sans préparation. L’on ne s’était d
1216 uve sans préparation. L’on ne s’était défendu que de l’autre côté, du côté de ce monde mal fait… Parut un soleil nouveau.
1217 yeux devenaient forts et s’attendaient à l’éclat d’ une lueur encore plus vive. Par degré le Grand Jour éclatait, toujours
1218 quelle contenance prendre. Et la lumière ne cesse de grandir. Ils tombent déjà par rangs entiers, aveuglés et cloués sur p
1219 iers, aveuglés et cloués sur place par l’évidence de l’amour éclatant. Quelques-uns cependant continuent de marcher, riant
1220 amour éclatant. Quelques-uns cependant continuent de marcher, riant de joie aux paliers du matin, s’avançant vers Midi ave
1221 elques-uns cependant continuent de marcher, riant de joie aux paliers du matin, s’avançant vers Midi avec le naturel de ce
1222 rs du matin, s’avançant vers Midi avec le naturel de ceux qui ont la coutume de la Cour. Bien peu soutinrent les derniers
1223 s Midi avec le naturel de ceux qui ont la coutume de la Cour. Bien peu soutinrent les derniers soleils et l’agrandissement
1224 utinrent les derniers soleils et l’agrandissement de la lumière jusqu’aux limites de sa perfection, où tout ce qui voit éc
1225 l’agrandissement de la lumière jusqu’aux limites de sa perfection, où tout ce qui voit éclaire aussi, où tout œil rend ce
1226 second jugement. Chaque homme poussé à la limite de son expression, et chaque homme forcé à l’extrémité de son choix, cri
1227 n expression, et chaque homme forcé à l’extrémité de son choix, cria le « terme » de sa vie, la proféra tout entière dans
1228 rcé à l’extrémité de son choix, cria le « terme » de sa vie, la proféra tout entière dans ce cri, réponse unique à l’étern
1229 nse unique à l’éternelle sommation, somme absolue de ses journées et de ses nuits, de ses pensées et de ses gestes, de son
1230 nelle sommation, somme absolue de ses journées et de ses nuits, de ses pensées et de ses gestes, de son savoir, de ses ref
1231 n, somme absolue de ses journées et de ses nuits, de ses pensées et de ses gestes, de son savoir, de ses refus, de ses ave
1232 e ses journées et de ses nuits, de ses pensées et de ses gestes, de son savoir, de ses refus, de ses aveuglements, de sa t
1233 et de ses nuits, de ses pensées et de ses gestes, de son savoir, de ses refus, de ses aveuglements, de sa tendresse. C’est
1234 , de ses pensées et de ses gestes, de son savoir, de ses refus, de ses aveuglements, de sa tendresse. C’est ainsi que fut
1235 es et de ses gestes, de son savoir, de ses refus, de ses aveuglements, de sa tendresse. C’est ainsi que fut déclarée l’inc
1236 de son savoir, de ses refus, de ses aveuglements, de sa tendresse. C’est ainsi que fut déclarée l’incomparable qualité de
1237 est ainsi que fut déclarée l’incomparable qualité de son péché et mesuré le degré d’être de son être tel qu’il l’avait lib
1238 omparable qualité de son péché et mesuré le degré d’ être de son être tel qu’il l’avait librement fait en le vivant. L’exam
1239 le qualité de son péché et mesuré le degré d’être de son être tel qu’il l’avait librement fait en le vivant. L’examen des
1240 librement fait en le vivant. L’examen des raisons de survivre et leur introduction au titre de l’éternité occupa moins de
1241 raisons de survivre et leur introduction au titre de l’éternité occupa moins de temps qu’on n’imagine. La procédure était,
1242 introduction au titre de l’éternité occupa moins de temps qu’on n’imagine. La procédure était, en effet, des plus simples
1243 effet, des plus simples. — Témoignez, disait-on, de la vie que vous possédez. Quel est votre plus vrai désir ? Les sages
1244 ient en présence de la banalité soudain flagrante de leurs vœux, et, finalement, murmuraient d’une voix faible : — Vous sa
1245 grante de leurs vœux, et, finalement, murmuraient d’ une voix faible : — Vous savez sans doute mieux que moi. Ils renaîtrai
1246 . Ils renaîtraient plantes heureuses, par l’effet de quelque pitié. Un homme vint, comme viennent les somnambules, le corp
1247 sement nu. Il désirait un palais vide à la mesure de sa tristesse. Il devint donc une tristesse errante, empruntant la for
1248 as, et des lunettes bourrues au-dessus du sourire de la plus fervente ironie ? Qu’est-ce qu’il grommelle sous son chapeau
1249 onie ? Qu’est-ce qu’il grommelle sous son chapeau de paille8 ? « Qu’il voudrait subsister dans ce moment du choix qu’on lu
1250 sein d’un tel choix, je m’approche insondablement de Celui qui d’un choix me créa. » (Nous fûmes tous saisis d’un vertige
1251 choix, je m’approche insondablement de Celui qui d’ un choix me créa. » (Nous fûmes tous saisis d’un vertige à ce discours
1252 qui d’un choix me créa. » (Nous fûmes tous saisis d’ un vertige à ce discours d’une furieuse démesure, mais il y eut alors
1253 Nous fûmes tous saisis d’un vertige à ce discours d’ une furieuse démesure, mais il y eut alors comme un silence qui s’impo
1254 nant seul et purifié, l’on put entendre le choral d’ une angélique hilarité. Et nous sûmes que cet homme était très grand.)
1255 air a son temps, tout esprit son essor. Et chacun de nous accède au destin qu’il s’est fait, à la parfaite possession de s
1256 destin qu’il s’est fait, à la parfaite possession de soi-même, à son enfer ou à son ciel, dans la consommation de tout son
1257 , à son enfer ou à son ciel, dans la consommation de tout son être, au faîte inconcevable du désir comblé, et comblé pour
1258 Viens ! à celui qui porte avec soi la rétribution de nos œuvres » — elle est en Lui, non dans nos œuvres. Commence l’œuvre
1259 elui qui a soif vienne, que celui qui veut prenne de l’eau de la vie, gratuitement. » Car maintenant tout est payé. Tout e
1260 a soif vienne, que celui qui veut prenne de l’eau de la vie, gratuitement. » Car maintenant tout est payé. Tout est gratui
1261 armonie violente et bienheureuse du mot sacrement de toute la création, son terme monumental à la gloire du Dieu Tout-Puis
15 1947, Doctrine fabuleuse. L’eau ou L’esprit de la tempête
1262 L’eau ou L’esprit de la tempête 1. — L’Esprit dansait à la surface des eaux, car la Temp
1263 Les grandes eaux portaient à leur surface l’Arche de Paix, mais les hommes qui voulaient encore la danse pour danser furen
1264 Esprit. 5. — L’eau du Baptiste est l’eau mortelle de l’Esprit, la danse de l’Esprit dans l’âme des enfants, l’eau-mère. Et
1265 Baptiste est l’eau mortelle de l’Esprit, la danse de l’Esprit dans l’âme des enfants, l’eau-mère. Et l’homme s’y noie et y
1266 fants, l’eau-mère. Et l’homme s’y noie et y meurt de douleur, il est noyé par l’amertume non par l’eau. C’est la saveur d’
1267 oyé par l’amertume non par l’eau. C’est la saveur d’ une vie nouvelle. 6. — « Vous êtes le sel de la Terre », leur fut-il d
1268 aveur d’une vie nouvelle. 6. — « Vous êtes le sel de la Terre », leur fut-il dit. Mais l’Esprit danse dans les eaux salées
1269 y trouve qu’un désert. C’est comme un feu. Mourir de soif dans l’eau de l’amertume, là où l’ivresse est impossible, et où
1270 rt. C’est comme un feu. Mourir de soif dans l’eau de l’amertume, là où l’ivresse est impossible, et où le sel a sa saveur
1271 ’ivresse est impossible, et où le sel a sa saveur de mort, c’est la vie même de l’Esprit, mort de la vie, et vie de la dan
1272 où le sel a sa saveur de mort, c’est la vie même de l’Esprit, mort de la vie, et vie de la danse profonde. Puis il faut v
1273 veur de mort, c’est la vie même de l’Esprit, mort de la vie, et vie de la danse profonde. Puis il faut vivre sur la Terre
1274 t la vie même de l’Esprit, mort de la vie, et vie de la danse profonde. Puis il faut vivre sur la Terre au sel aigu. 8. — 
1275 se, mais ressuscité par l’Eau vive, il n’est plus d’ obole de péage. L’Esprit le porte sur les eaux, vol de colombes.
1276 ressuscité par l’Eau vive, il n’est plus d’obole de péage. L’Esprit le porte sur les eaux, vol de colombes.
1277 ole de péage. L’Esprit le porte sur les eaux, vol de colombes.
16 1947, Doctrine fabuleuse. Antée ou La terre
1278 ion du monde, subit la hantise des forts, qui est de ne point faire honneur constamment à sa force. Noblesse oblige au tou
1279 Jamais il ne se sent plus angoissé qu’à la veille d’ une épreuve mondiale, au terme du plus rigoureux des entraînements. So
1280 pendant des mois, ni vin, ni femmes, ni journées de paresse ou de promenade à l’aventure. Vie à l’horaire, chronométrée,
1281 ois, ni vin, ni femmes, ni journées de paresse ou de promenade à l’aventure. Vie à l’horaire, chronométrée, sans rien d’im
1282 venture. Vie à l’horaire, chronométrée, sans rien d’ impur. Et pourtant il se sent impur et affaibli. Allégé physiquement p
1283 ct et sa vue nette, il s’éprouve cependant chargé d’ une fièvre. Ce n’est pas l’impatience de combattre, mais au contraire
1284 nt chargé d’une fièvre. Ce n’est pas l’impatience de combattre, mais au contraire un besoin obsédant d’abandon à quelque d
1285 e combattre, mais au contraire un besoin obsédant d’ abandon à quelque délire et de dissolution incontrôlée. Ces dispositio
1286 un besoin obsédant d’abandon à quelque délire et de dissolution incontrôlée. Ces dispositions, bien connues du manager, o
1287 été qualifiées par lui, devant les journalistes, de « tendance névrotique due à l’hypersensibilité de notre ami », déclar
1288 de « tendance névrotique due à l’hypersensibilité de notre ami », déclaration qui n’a pas peu contribué à la popularité du
1289 it est qu’Antée, jusqu’ici, déployant des trésors d’ astuce à faire pâlir tous ses triomphes musculaires, a toujours réussi
1290 ssi à s’évader, pour quelques heures, à la veille d’ une épreuve décisive. Mais le lendemain il reparaît peu avant le match
1291 u avant le match, affreux à voir, le visage taché de boue, les vêtements en loques, les mains couvertes d’éraflures et les
1292 oue, les vêtements en loques, les mains couvertes d’ éraflures et les ongles rognés ou cassés. Épuisé, semble-t-il, haletan
1293 ur. (Nous donnons ici quelques Extraits des notes de l’analyste qui a bien voulu se charger du cas, sur la demande répétée
1294 r la demande répétée du manager.) « … … …Complexe d’ Œdipe : me suis vu contraint de renoncer à cette hypothèse, après deux
1295 .) « … … …Complexe d’Œdipe : me suis vu contraint de renoncer à cette hypothèse, après deux ans de travail acharné… Vie de
1296 int de renoncer à cette hypothèse, après deux ans de travail acharné… Vie des parents normale, je dirai même exemplaire9…
1297 xuelle du patient normale, sauf quelques périodes d’ abstinence prolongée, coïncidant avec les périodes d’entraînement… Lég
1298 bstinence prolongée, coïncidant avec les périodes d’ entraînement… Légère répugnance pour les géantes qu’on voudrait lui fa
1299 béton armé, des constructions métalliques… Phobie de perdre pied… Tout cela ne m’eût pas mené très loin. Mais comme il nou
1300 mené très loin. Mais comme il nous arrive parfois de le constater, c’est le patient lui-même qui a fini par me donner la c
1301 patient lui-même qui a fini par me donner la clé de son mystère. Lors d’une de nos dernières séances, je me suis risqué à
1302 a fini par me donner la clé de son mystère. Lors d’ une de nos dernières séances, je me suis risqué à une allusion courtoi
1303 i par me donner la clé de son mystère. Lors d’une de nos dernières séances, je me suis risqué à une allusion courtoise à s
1304  ! C’est tout juste le contraire ! — Le contraire de quoi ? — Le contraire de ce qu’ils disent depuis qu’ils parlent de mo
1305 ntraire ! — Le contraire de quoi ? — Le contraire de ce qu’ils disent depuis qu’ils parlent de moi, le contraire de ce qu’
1306 ntraire de ce qu’ils disent depuis qu’ils parlent de moi, le contraire de ce qu’il dit, le Petit Larousse, le contraire de
1307 disent depuis qu’ils parlent de moi, le contraire de ce qu’il dit, le Petit Larousse, le contraire de vous autres, le cont
1308 de ce qu’il dit, le Petit Larousse, le contraire de vous autres, le contraire de vos idées, le contraire de tout ! Je n’a
1309 rousse, le contraire de vous autres, le contraire de vos idées, le contraire de tout ! Je n’ai pas discuté ces derniers mo
1310 s autres, le contraire de vos idées, le contraire de tout ! Je n’ai pas discuté ces derniers mots, qui choquent mon sens d
1311 discuté ces derniers mots, qui choquent mon sens de la logique, mais j’ai quelques meubles de prix. J’ai même feint d’app
1312 on sens de la logique, mais j’ai quelques meubles de prix. J’ai même feint d’approuver ce « contraire de tout ». Au cours
1313 is j’ai quelques meubles de prix. J’ai même feint d’ approuver ce « contraire de tout ». Au cours des séances suivantes, il
1314 prix. J’ai même feint d’approuver ce « contraire de tout ». Au cours des séances suivantes, il s’est expliqué plus poséme
1315 xpliqué plus posément. Je déplore, pour la clarté de ces notes, que l’appareil conceptuel de mon client soit aussi netteme
1316 la clarté de ces notes, que l’appareil conceptuel de mon client soit aussi nettement déficient, mais mon devoir est de con
1317 it aussi nettement déficient, mais mon devoir est de consigner ou de résumer ses paroles (plusieurs expressions argotiques
1318 nt déficient, mais mon devoir est de consigner ou de résumer ses paroles (plusieurs expressions argotiques m’ont échappé)
1319 son manager)… Veut pas que je me saoule. Veut pas de vadrouille. Rien de rien. Toujours propre, qu’il me veut. Moi, quand
1320 as que je me saoule. Veut pas de vadrouille. Rien de rien. Toujours propre, qu’il me veut. Moi, quand j’ai de la terre sur
1321 . Toujours propre, qu’il me veut. Moi, quand j’ai de la terre sur les doigts, s’ils disent que je suis sale, je l’ai sec.
1322 C’est pas vrai. Ça ne coule pas comme qui dirait de la terre vers moi, c’est le contraire. C’est les saletés qui vont dan
1323 ut se décrasser le dedans, c’est pas une question de savonnette et d’eau de Cologne. Quand j’ai mes humeurs, je me sens fa
1324 e dedans, c’est pas une question de savonnette et d’ eau de Cologne. Quand j’ai mes humeurs, je me sens faible. Je suis tou
1325 ns, c’est pas une question de savonnette et d’eau de Cologne. Quand j’ai mes humeurs, je me sens faible. Je suis tout char
1326 e dors par terre, et quand je me réveille couvert de terre, le lendemain matin, je me sens propre ! La forêt, le fouillis,
1327 , pendant la nuit. Vous voyez, c’est le contraire de ce qu’on dit. Regardez les morts et toutes leurs maladies — comme ell
1328 les nettoie, la terre ! » 9. Antée est le fils de Poséidon et de la Terre. Depuis la séparation des Eaux, leurs dispute
1329 a terre ! » 9. Antée est le fils de Poséidon et de la Terre. Depuis la séparation des Eaux, leurs disputes se réduisent
1330 éparation des Eaux, leurs disputes se réduisent à de légers frottements. Les rapports entre la Terre et le Feu sont beauco
17 1947, Doctrine fabuleuse. Le feu
1331 le vide sur les têtes. Le vide est quelque chose d’ insatiable… Alors elle se mit à conter : « Les Indiens n’admettaient r
1332 dans l’Oubli. Ce n’était pas le vrai commencement de tout. Alors des prêtres leur ont dit que l’on pouvait admettre la Lum
1333 s veut pas, c’est le Vide. L’Eau a été admise. Et de l’Eau est sorti le Monstre-qui-sort-de-l’Eau, insatiable, et qui veut
1334 Et le Monstre leur fit craindre le Feu, l’ennemi de l’Eau, en leur disant que le Feu était le plus puissant de tous, dévo
1335 en leur disant que le Feu était le plus puissant de tous, dévorant tout, voulant que rien n’existe ou n’apparaisse. Et qu
1336 Vide parmi nous, la voie qui mène au Commencement de tout, qui est la vraie Fin.