1
es qu’il fréquente la voient en lui d’abord, l’en
tiennent
pour responsable, et par l’erreur la plus commune, l’en nomment si bi
2
n’eût jamais fait en y restant. Dans sa cité, il
était
d’une famille, et pour sa famille un prénom ; à l’étranger, il devien
3
prénom ; à l’étranger, il devient toute une race.
Serait
-ce vrai ? se dit-il. Le voient-ils mieux que moi ? Mais que voient-il
4
etourne et le voilà tout étonné… Désormais, nul n’
est
plus curieux des apparences et des secrets de son pays. Il songe : c’
5
mais je n’ai su regarder ? On lui dit : — Vous
êtes
Suisse ? Vous en avez de la chance ! Mais vous avez si peu l’air suis
6
en a vingt-deux. — De quelle région de la Suisse
êtes
-vous ? De Neuchâtel ? Attendez, Neuchâtel, rappelez-moi… Ainsi je m
7
ines au midi, la France à l’ouest, l’Alémanie à l’
est
; — tout un petit monde si bien cerné, si conscient de lui-même, et s
8
écrire, mais qu’il fallait d’abord rentrer. Je
suis
rentré, c’est la coutume des Suisses ; reparti, revenu, et ce n’est p
9
la coutume des Suisses ; reparti, revenu, et ce n’
est
pas fini. Comment un peuple aussi jaloux des moindres traditions loca
10
inaperçue du monde moderne. Le voyage, quand j’
étais
enfant, c’était quitter Couvet pour Neuchâtel, le « Vallon » pour le
11
t d’aventure, sur lequel je repasse en express, n’
est
plus que les quinze dernières minutes, la dernière cigarette d’une nu
12
sser une nuit, se réveiller dans ce village où je
suis
né ; mesurer mon âge et le Temps. Mais la vie, mais ce train m’emport
13
Mais la vie, mais ce train m’emportent. La parole
est
encore à ce qui vient. Et voici les brumes sur le lac, les murs de vi
14
rsonnelles, et ce besoin de réformer le prochain…
Est
-ce que ceux qui vivent sous ce toit sont tellement sûrs de leur affai
15
prochain… Est-ce que ceux qui vivent sous ce toit
sont
tellement sûrs de leur affaire ?
16
II L’irruption du souvenir
est
aussi mystérieuse que celle de l’invention, dans notre esprit. Peu s’
17
rme que vient emplir le flot de l’émotion, mais n’
est
-ce pas le même piège que posera l’invention, en le tournant dans l’au
18
é. Il nous livre à l’accidentel, et ses accidents
sont
petits : une madeleine trempée dans du thé, un pavé qui bascule sous
19
cuser. Des souvenirs ? me disais-je, mais je n’en
suis
pas là. (Ainsi l’on croit savoir où l’on se tient, quel âge on a, et
20
suis pas là. (Ainsi l’on croit savoir où l’on se
tient
, quel âge on a, et vers quoi l’on chemine. Mais au carrefour d’autres
21
re mémoire. Ces mouvements les plus profonds de l’
être
nous semblent déclenchés par un destin absurde, et nous les subissons
22
ils nous rapportent à quelque chose en nous qui n’
est
pas moins intime que la conscience, mais qui lui est antérieur et qui
23
pas moins intime que la conscience, mais qui lui
est
antérieur et qui lui survivra ; quelque chose que l’on peut désigner
24
u présent. Dans le silence d’une vaste pièce où j’
étais
seul devant l’admirable visage, debout au pied du lit, prolongeant le
25
pied du lit, prolongeant le gisant, j’ai su que j’
étais
d’une lignée.
26
ts changements de condition sociale. Nos archives
sont
intactes, minutieusement tenues par les communes les plus modestes, e
27
l’Europe. La plupart des citoyens suisses, qu’ils
soient
bourgeois, ouvriers ou paysans, pourraient sans peine reconstituer le
28
ins, que les familles de la noblesse. La Suisse n’
est
pas démocratique pour avoir tardivement aboli ce que l’on nomme les p
29
subsisté jusqu’à nos jours. Beaucoup d’autres s’y
sont
ajoutés dans le cours du xixe siècle. Sur les trois-cent-soixante fa
30
e, écrit en 1776 : « La constitution de Neuchâtel
est
une monarchie limitée, dont la machine est mise en mouvement par des
31
châtel est une monarchie limitée, dont la machine
est
mise en mouvement par des ressorts si déliés, et des rouages si compl
32
ts si déliés, et des rouages si compliqués, qu’il
est
difficile de distinguer avec quelque exactitude les prérogatives du S
33
rès-petite autorité… Les Trois États de Neuchâtel
sont
le tribunal suprême du pays. Il est composé de douze Juges partagés e
34
de Neuchâtel sont le tribunal suprême du pays. Il
est
composé de douze Juges partagés en trois divisions… Les quatre consei
35
ns forment la première division ; ces conseillers
sont
Nobles. La seconde comprend les quatre Châtelains de Landeron Boudry,
36
altravers et Thielle… Enfin la troisième division
est
composée de quatre conseillers de la ville de Neuchâtel. Ce Tribunal
37
nseillers de la ville de Neuchâtel. Ce Tribunal n’
est
, à parler régulièrement, qu’une Cour suprême de Justice… » Le Conseil
38
’exercice de la Puissance exécutrice. Ses membres
sont
à la nomination du Prince… » Nulle ordonnance émanée de ce Conseil ne
39
seil ne peut acquérir force de loi, avant d’avoir
été
soumise à l’examen d’un Comité composé du Conseil de Ville et des Dép
40
érables. Elle a la police de son territoire, et n’
est
gouvernée que par ses propres magistrats, divisés en un Grand et un P
41
u de faire des changemens aux anciennes. Ce corps
est
une sorte de Comité chargé de l’administration de la police, et dont
42
’administration de la police, et dont les membres
sont
choisis dans le Conseil de Ville. Il est composé de deux Présidens de
43
membres sont choisis dans le Conseil de Ville. Il
est
composé de deux Présidens de ce conseil, de quatre Maîtres-Bourgeois
44
t ou Gardien des libertés du Peuple… [Ce dernier]
est
élu par l’assemblée générale des Citoyens, et demeure six ans en offi
45
e six ans en office. » « La Puissance législative
est
divisée et répartie d’une manière si compliquée qu’il serait très-dif
46
sée et répartie d’une manière si compliquée qu’il
serait
très-difficile de dire précisément où elle réside. Le détail suivant…
47
à débrouiller ce chaos. » Passons le détail, qui
tient
deux pages. Coxe en conclut, non sans hésitation, que l’autorité légi
48
l’estime « d’une extrême douceur », et les peines
sont
appliquées aux différents délits avec une telle précision « qu’il ne
49
plus, je vous dirai que la liberté des individus
est
protégée par les loix de ce pays avec autant de sollicitude et d’effi
50
acées dans un pays où la plus ancienne noblesse n’
est
pas chapitrale, où les trois quarts de la noblesse trouvent des paysa
51
ème échelons en remontant » (II. 63). Et il avait
été
, en 1814, l’un des principaux artisans du « cantonnement » de Neuchât
52
e naissait, les radicaux triomphaient partout. Il
était
temps d’adopter l’heure de Berne. Et ce fut 1848.
53
Il était temps d’adopter l’heure de Berne. Et ce
fut
1848.
54
ue : Denis-François-Henry, rentier. (Un rentier n’
est
qu’un chômeur riche.) Suivent mon grand-père, professeur de théologie
55
début et à la fin, pas mal de robes et de rabats,
soit
de justice, soit d’église ; et entre-temps plus de deux siècles de pa
56
, pas mal de robes et de rabats, soit de justice,
soit
d’église ; et entre-temps plus de deux siècles de participation conti
57
du pays. Au xixe siècle, Neuchâtel ayant cessé d’
être
ce qu’il conviendrait de nommer une aristocratie républicaine au Prin
58
nnui que j’aime à trouver au fond de l’histoire n’
est
pas du goût de chacun », notait Chateaubriand dans ses Mémoires. Mais
59
pays. Ainsi l’on répète volontiers que la Suisse
est
le « carrefour de l’Europe ». Pour vérifier ce lieu commun, examinons
60
s de leur famille, au début du xixe siècle, deux
sont
en train de devenir françaises et une anglaise. Voilà peut-être un ré
61
adrisaïeul, épouse Henriette de Montmollin : elle
était
la petite-fille du « grand Ostervald », traducteur de la Bible admiré
62
és sur la morale, la liturgie et la théologie qui
furent
traduits dans toute l’Europe, et qui le firent appeler par Newton « l
63
s oncles, « que plus l’ancêtre dont on se réclame
est
éloigné, moins on a de chances de tenir de lui. » Et que valent en ef
64
se réclame est éloigné, moins on a de chances de
tenir
de lui. » Et que valent en effet ces noms, ces souvenirs, ces ascenda
65
e « grand Ostervald », si Corneille, si la Trappe
sont
bien loin — et ils le sont — que dire du Singe ? Je me répète la phra
66
orneille, si la Trappe sont bien loin — et ils le
sont
— que dire du Singe ? Je me répète la phrase de mon oncle. En revan
67
ence des professions héréditaires, du rôle social
tenu
pendant des siècles ? Si mon père incarnait à mes yeux, jusque dans s
68
uand elle a dédaigné toutes les « preuves » qui n’
étaient
pas celle de l’obligation. Je crois que toute autre considération sur
69
eût gêné. Mais ce sens naturel du service, il lui
fut
donné de l’exercer dans d’autres dimensions humaines que celles du pe
70
rs la liberté de l’esprit. Sa première allégeance
était
l’Église, et par là même l’universel, c’est-à-dire le prochain quel q
71
l’universel, c’est-à-dire le prochain quel qu’il
soit
, être souvent bizarre et mystérieux qu’il faut comprendre avant de l’
72
versel, c’est-à-dire le prochain quel qu’il soit,
être
souvent bizarre et mystérieux qu’il faut comprendre avant de l’aider,
73
l’on veut le comprendre. Sa tradition, cependant,
était
d’autorité, de justes proportions et de raison gardée. Contradiction
74
et vibrant défenseur de l’honneur protestant, il
était
au plein sens du mot l’homme engagé, celui qui ne revendique rien pou
75
ent, dont on abuse, d’où l’aurais-je pris si ce n’
est
de sa vie — l’une des très rares vies d’homme que j’ai connues de prè
76
u’irais-je encore chercher dans le passé ? Si j’y
suis
remonté, c’était pour mieux saisir l’enseignement d’une vie où s’est
77
t pour mieux saisir l’enseignement d’une vie où s’
est
fondée ma vie. Sur le fond d’une tradition qui la reliait à notre his
78
L’honneur à rendre au père, selon le Décalogue, n’
est
pas un culte des ancêtres. Et pourtant, quelle est cette promesse mys
79
st pas un culte des ancêtres. Et pourtant, quelle
est
cette promesse mystérieusement liée au Cinquième Commandement : « …af
80
au Cinquième Commandement : « …afin que tes jours
soient
prolongés dans le pays que Dieu te donne » ? Il me semble aujourd’hui
81
vant. Jours prolongés, non pas multipliés. (Ce n’
est
pas une recette pour mourir centenaire !) Prolongés vers cet au-delà
82
l’Europe, que devient ce fil rouge que je croyais
tenir
? Où vont se perdre les sentiers de la mémoire, ces voies ouvertes à
83
Les nations, les plus vastes patries n’ont jamais
été
vues par personne : c’est l’esprit qui les croit comme il croit au pa
84
ra vérifier ce qu’il rêvait. Mais c’est en lui qu’
est
la réalité sans laquelle il n’eût pas bougé. Ce qu’on touche — et ce
85
on touche — et ce qu’on imagine, le pays qui nous
tient
par les pieds, par le cœur, et le rassemblement des nations invisible
86
l’un contre l’autre, et qu’entre ces amours il n’
est
que de la haine. Comment un Suisse le croirait-il ? Si je me sens pre
87
passer de la petite patrie à la plus vaste, ce n’
est
pas infidélité à ma race, à mon clos natal. C’est aimer plus loin dan
88
, nul besoin de quitter ce salon campagnard où je
suis
revenu m’asseoir : il me suffit de méditer sur ses images, de remonte
89
trace des larmes dont elle écrit souvent qu’elles
furent
baignées. L’on était vers 1830. Portrait de son grand-père, un cheval
90
elle écrit souvent qu’elles furent baignées. L’on
était
vers 1830. Portrait de son grand-père, un chevalier de Malte, membre
91
bre correspondant de l’Institut. L’un de ses fils
fut
décapité au lendemain de l’affaire de Quiberon, sous la Terreur, deux
92
uenote ; et plus haut des seigneurs dont certains
furent
cathares, Miramont, Cabrol et Vestric… Portrait d’un général de la G
93
pas. Mais les seuls qui aient franchi nos limites
sont
ceux de nos théologiens, Ostervald encore, puis Godet ; et le Droit d
94
e — le roman, le poème, l’essai, le jeu d’idées —
est
restée chez nous pauvre ou nulle. Nous n’avons rien tiré de grand ou
95
roman victorien. Faut-il penser que cette culture
fut
trop mêlée, cette nature trop vantée pour nous troubler ? Que ces con
96
p vantée pour nous troubler ? Que ces contraintes
furent
ou bien trop pesantes, ou au contraire trop aisément tournées ? Je ne
97
rnées ? Je ne sais. Et tout cela, sauf la nature,
est
en train de changer rapidement. L’accent se gâte, la rhétorique n’est
98
ger rapidement. L’accent se gâte, la rhétorique n’
est
plus enseignée ni connue. L’histoire et la théologie fuient le discou
99
de Coppet, des coteaux de Cologny ou de Montreux,
furent
éclatants et parfois scandaleux. Mais la « petite histoire » littérai
100
iscrets, inaperçus et bientôt disparus. Un seul s’
est
fait remarquer, ce fut le premier en date, et les gamins de Môtiers l
101
ientôt disparus. Un seul s’est fait remarquer, ce
fut
le premier en date, et les gamins de Môtiers lui jetèrent des caillou
102
rgit à l’Europe, les successeurs de l’Arménien ne
sont
venus chez nous qu’à pas feutrés. Certains d’ailleurs avaient de bonn
103
hateaubriand, qui se souvenait sans doute d’avoir
été
jadis, pour la police française, un dénommé « Lassagne, Neuchâtelois
104
patte dans un grand seau rempli de l’eau du lac,
était
toute ma distraction. » Au même endroit de la ville, neuf ans plus ta
105
élève un monument dédié à l’Illustre Inconnu. Il
serait
en forme de banc. Qui sait quel Balzac de l’avenir, quelle Étrangère
106
enir, quelle Étrangère venue du bout du monde, ne
seraient
point tentés de s’y asseoir un jour, pour quelques heures, en face du
107
rix Nobel pour qu’on s’aperçût un beau jour qu’il
était
parmi nous, caché dans sa pèlerine. Une semaine plus tôt, chez les He
108
lépathie. J’avais écrit, dernière question : — Qu’
est
-ce que le style ? Catherine, la fille de Gide, lut sa dernière répons
109
oraliste.) Près de ces eaux, ma vie sentimentale
est
née. Et depuis lors elle est restée lacustre. « Odeur de l’eau — pour
110
ma vie sentimentale est née. Et depuis lors elle
est
restée lacustre. « Odeur de l’eau — pour toute la vie », écrivait un
111
ut-il penser que la souffrance au bord d’un lac n’
est
jamais sans quelque douceur ? Cherchant d’où vient cet agrément, et
112
t plus présente, je me dis : c’est qu’un vrai lac
est
un univers clos, si grands soient les miroirs qu’il offre aux ciels c
113
est qu’un vrai lac est un univers clos, si grands
soient
les miroirs qu’il offre aux ciels changeants, et si profonds ses loin
114
e. La pente derrière moi, l’horizon des collines,
sont
le cadre qui donne au tableau sa signification privilégiée. Ici le cœ
115
ci le cœur et l’âme ont leur théâtre pur, où tout
est
sens, écho, dialogue à l’infini. Ici la joie trouve un espace où se d
116
raison, grandiloquentes, bordent la rive. (Elles
furent
élevées, dit-on, par un ministre fou.) Cyprès au pied des Alpes, tend
117
pointues et de valses aux jardins publics — là j’
étais
seul… Rade de Genève par un beau temps cruel, qui faisait fête à des
118
scintillement des eaux sous la brume légère, tout
était
si pur et si frais qu’il semblait que le monde venait de s’éveiller,
119
rappelait un peu de tous mes autres lacs, mais il
était
surtout celui d’Œil de faucon et du Dernier des Mohicans de mon enfan
120
s je l’emporte avec les autres sans remords, s’il
est
vrai que d’aucun je n’ai su tant d’histoires et qu’il détient certain
121
x chagrins taciturnes. Souffrir auprès d’un lac n’
est
jamais sans douceur. Je suis sur la jetée, près du hangar des trams,
122
rir auprès d’un lac n’est jamais sans douceur. Je
suis
sur la jetée, près du hangar des trams, et l’eau n’est pas plus noire
123
ur la jetée, près du hangar des trams, et l’eau n’
est
pas plus noire que mon cœur humilié. Dans ce « local » empuanti de ta
124
sortant de l’école des Terreaux. Nous les garçons
tenons
notre « colloque » sur la place de l’Hôtel-de-Ville. Nous parlons ent
125
on, je ne vais pas me suicider. Je mentirai ! Je
suis
assis sur un banc près du port, la promenade est déserte et mon cœur
126
suis assis sur un banc près du port, la promenade
est
déserte et mon cœur assoiffé. Personne ne passe jamais, voilà la vie
127
’attends, je lui dirais : c’est un malentendu. Je
suis
dépareillé, passons, passez Madame… J’ai 19 ans. Je n’aime encore que
128
s tard, aux mêmes lieux, elle se réserve… Elle ne
sera
plus jamais tout à fait comme avant.) Ce soir, elle est encore d’une
129
us jamais tout à fait comme avant.) Ce soir, elle
est
encore d’une présence envoûtante. Le soleil s’est caché derrière le T
130
est encore d’une présence envoûtante. Le soleil s’
est
caché derrière le Trou de Bourgogne. La grande rougeur du lac s’est r
131
le Trou de Bourgogne. La grande rougeur du lac s’
est
retirée, de vague en vague vers l’autre rive. Elle caresse en passant
132
plaine, luttant contre un vent impétueux. L’orage
est
imminent. Notre héros, qui paraît âgé d’une vingtaine d’années, se di
133
r ces rivages désertés par le crépuscule ? Quelle
est
cette hâte inconnue, qu’il se flattait de n’éprouver jamais, bien au
134
e crier : « J’accours ! Attends !… » Ah ! mais qu’
est
-ce qu’il m’arrive ? se dit-il. Il faut en avoir le cœur net. (Tout so
135
e de la main au tronc d’un pin. Ce qui lui arrive
est
solennel, comme l’attente du pays sous le ciel orageux. Oui, c’est bi
136
ands mots impossibles, dans un fol abandon, et ce
sera
vrai. Comme tout est facile et violent quand les portes du cœur ont c
137
dans un fol abandon, et ce sera vrai. Comme tout
est
facile et violent quand les portes du cœur ont cédé ! Le lac était d’
138
iolent quand les portes du cœur ont cédé ! Le lac
était
d’un bleu très sombre, le ciel bas, des éclairs de chaleur palpitaien
139
cu sous les sapins, dans les vallées du Jura. J’y
suis
né, certes, mais les vraies patries sont celles où l’on naît à l’amou
140
ura. J’y suis né, certes, mais les vraies patries
sont
celles où l’on naît à l’amour. Un portrait de notre pays, peint de là
141
es paysans huguenots des Cévennes et du Languedoc
sont
en réalité des musulmans, qu’il suffit de les voir, tout noirs dans l
142
’hui nos meilleurs socialistes. C’est un pays qui
est
« avancé » par tradition. Dans ma vallée natale, où se réfugia Jean-J
143
èvre frémissait, immobile et terrorisé. Nous nous
sommes
regardés un moment, de tout près. Un seul geste rapide eût suffi pour
144
iné par l’aubaine et plus encore ému par ce petit
être
tremblant. C’était trop beau… Le lièvre détala. Combien d’occasions m
145
merveilleuses ai-je laissées détaler depuis ! Ce
sont
peut-être celles qui m’ont le plus appris. Ma gloire ou mon plaisir e
146
Je me borne à l’autocritique. Et par exemple, il
est
de mon devoir de citoyen conscient et responsable d’élever une solenn
147
is pas m’occuper de nos fautes de français, elles
sont
moins graves, et je ne crois pas que nous en commettions beaucoup plu
148
, ils n’en peuvent rien ; dans lequel s’encoubler
est
plaisant, meilleur temps utile, le reste mauvais ou atroce.) Mais l’a
149
« sur la rue » ou « en rue », diraient-ils). Ce n’
est
plus dire, ce n’est plus s’exprimer, mais patauger dans une bouillass
150
en rue », diraient-ils). Ce n’est plus dire, ce n’
est
plus s’exprimer, mais patauger dans une bouillasse verbale, où l’on s
151
Je sais bien que l’influence du suisse allemand y
est
pour beaucoup, et qu’on ne peut pas déplacer le canton de Berne. Mais
152
eu d’aisance. Cette émulation par le bas pourrait
être
arrêtée par les instituteurs. Il suffirait de renverser la mode, et d
153
Valéry : « Honneur des Hommes, Saint Langage ! »
serait
la devise de cette croisade, dont le succès embellirait notre existen
154
ion au centenaire que l’on va célébrer. Voilà qui
est
fait selon mes moyens, qui sont ceux d’un monteur et ajusteur de mots
155
élébrer. Voilà qui est fait selon mes moyens, qui
sont
ceux d’un monteur et ajusteur de mots, par métier soucieux de langage
156
peut-être utile, si l’on songe que ce centenaire
est
celui d’une libération, et qu’un peuple n’est vraiment libre que s’il
157
ire est celui d’une libération, et qu’un peuple n’
est
vraiment libre que s’il possède et maîtrise d’abord, dans la force et