1 1948, Suite neuchâteloise. I
1 es qu’il fréquente la voient en lui d’abord, l’en tiennent pour responsable, et par l’erreur la plus commune, l’en nomment si bi
2 n’eût jamais fait en y restant. Dans sa cité, il était d’une famille, et pour sa famille un prénom ; à l’étranger, il devien
3 prénom ; à l’étranger, il devient toute une race. Serait -ce vrai ? se dit-il. Le voient-ils mieux que moi ? Mais que voient-il
4 etourne et le voilà tout étonné… Désormais, nul n’ est plus curieux des apparences et des secrets de son pays. Il songe : c’
5 mais je n’ai su regarder ?   On lui dit : — Vous êtes Suisse ? Vous en avez de la chance ! Mais vous avez si peu l’air suis
6 en a vingt-deux. — De quelle région de la Suisse êtes -vous ? De Neuchâtel ? Attendez, Neuchâtel, rappelez-moi…   Ainsi je m
7 ines au midi, la France à l’ouest, l’Alémanie à l’ est  ; — tout un petit monde si bien cerné, si conscient de lui-même, et s
8 écrire, mais qu’il fallait d’abord rentrer.   Je suis rentré, c’est la coutume des Suisses ; reparti, revenu, et ce n’est p
9 la coutume des Suisses ; reparti, revenu, et ce n’ est pas fini. Comment un peuple aussi jaloux des moindres traditions loca
10 inaperçue du monde moderne.   Le voyage, quand j’ étais enfant, c’était quitter Couvet pour Neuchâtel, le « Vallon » pour le
11 t d’aventure, sur lequel je repasse en express, n’ est plus que les quinze dernières minutes, la dernière cigarette d’une nu
12 sser une nuit, se réveiller dans ce village où je suis né ; mesurer mon âge et le Temps. Mais la vie, mais ce train m’emport
13 Mais la vie, mais ce train m’emportent. La parole est encore à ce qui vient. Et voici les brumes sur le lac, les murs de vi
14 rsonnelles, et ce besoin de réformer le prochain… Est -ce que ceux qui vivent sous ce toit sont tellement sûrs de leur affai
15 prochain… Est-ce que ceux qui vivent sous ce toit sont tellement sûrs de leur affaire ?  
2 1948, Suite neuchâteloise. II
16 II L’irruption du souvenir est aussi mystérieuse que celle de l’invention, dans notre esprit. Peu s’
17 rme que vient emplir le flot de l’émotion, mais n’ est -ce pas le même piège que posera l’invention, en le tournant dans l’au
18 é. Il nous livre à l’accidentel, et ses accidents sont petits : une madeleine trempée dans du thé, un pavé qui bascule sous
19 cuser. Des souvenirs ? me disais-je, mais je n’en suis pas là. (Ainsi l’on croit savoir où l’on se tient, quel âge on a, et
20 suis pas là. (Ainsi l’on croit savoir où l’on se tient , quel âge on a, et vers quoi l’on chemine. Mais au carrefour d’autres
21 re mémoire. Ces mouvements les plus profonds de l’ être nous semblent déclenchés par un destin absurde, et nous les subissons
22 ils nous rapportent à quelque chose en nous qui n’ est pas moins intime que la conscience, mais qui lui est antérieur et qui
23 pas moins intime que la conscience, mais qui lui est antérieur et qui lui survivra ; quelque chose que l’on peut désigner
24 u présent. Dans le silence d’une vaste pièce où j’ étais seul devant l’admirable visage, debout au pied du lit, prolongeant le
25 pied du lit, prolongeant le gisant, j’ai su que j’ étais d’une lignée.  
3 1948, Suite neuchâteloise. III
26 ts changements de condition sociale. Nos archives sont intactes, minutieusement tenues par les communes les plus modestes, e
27 l’Europe. La plupart des citoyens suisses, qu’ils soient bourgeois, ouvriers ou paysans, pourraient sans peine reconstituer le
28 ins, que les familles de la noblesse. La Suisse n’ est pas démocratique pour avoir tardivement aboli ce que l’on nomme les p
29 subsisté jusqu’à nos jours. Beaucoup d’autres s’y sont ajoutés dans le cours du xixe siècle. Sur les trois-cent-soixante fa
30 e, écrit en 1776 : « La constitution de Neuchâtel est une monarchie limitée, dont la machine est mise en mouvement par des
31 châtel est une monarchie limitée, dont la machine est mise en mouvement par des ressorts si déliés, et des rouages si compl
32 ts si déliés, et des rouages si compliqués, qu’il est difficile de distinguer avec quelque exactitude les prérogatives du S
33 rès-petite autorité… Les Trois États de Neuchâtel sont le tribunal suprême du pays. Il est composé de douze Juges partagés e
34 de Neuchâtel sont le tribunal suprême du pays. Il est composé de douze Juges partagés en trois divisions… Les quatre consei
35 ns forment la première division ; ces conseillers sont Nobles. La seconde comprend les quatre Châtelains de Landeron Boudry,
36 altravers et Thielle… Enfin la troisième division est composée de quatre conseillers de la ville de Neuchâtel. Ce Tribunal
37 nseillers de la ville de Neuchâtel. Ce Tribunal n’ est , à parler régulièrement, qu’une Cour suprême de Justice… » Le Conseil
38 ’exercice de la Puissance exécutrice. Ses membres sont à la nomination du Prince… » Nulle ordonnance émanée de ce Conseil ne
39 seil ne peut acquérir force de loi, avant d’avoir été soumise à l’examen d’un Comité composé du Conseil de Ville et des Dép
40 érables. Elle a la police de son territoire, et n’ est gouvernée que par ses propres magistrats, divisés en un Grand et un P
41 u de faire des changemens aux anciennes. Ce corps est une sorte de Comité chargé de l’administration de la police, et dont
42 ’administration de la police, et dont les membres sont choisis dans le Conseil de Ville. Il est composé de deux Présidens de
43 membres sont choisis dans le Conseil de Ville. Il est composé de deux Présidens de ce conseil, de quatre Maîtres-Bourgeois
44 t ou Gardien des libertés du Peuple… [Ce dernier] est élu par l’assemblée générale des Citoyens, et demeure six ans en offi
45 e six ans en office. » « La Puissance législative est divisée et répartie d’une manière si compliquée qu’il serait très-dif
46 sée et répartie d’une manière si compliquée qu’il serait très-difficile de dire précisément où elle réside. Le détail suivant…
47 à débrouiller ce chaos. » Passons le détail, qui tient deux pages. Coxe en conclut, non sans hésitation, que l’autorité légi
48 l’estime « d’une extrême douceur », et les peines sont appliquées aux différents délits avec une telle précision « qu’il ne
49 plus, je vous dirai que la liberté des individus est protégée par les loix de ce pays avec autant de sollicitude et d’effi
50 acées dans un pays où la plus ancienne noblesse n’ est pas chapitrale, où les trois quarts de la noblesse trouvent des paysa
51 ème échelons en remontant » (II. 63). Et il avait été , en 1814, l’un des principaux artisans du « cantonnement » de Neuchât
52 e naissait, les radicaux triomphaient partout. Il était temps d’adopter l’heure de Berne. Et ce fut 1848.  
53 Il était temps d’adopter l’heure de Berne. Et ce fut 1848.  
4 1948, Suite neuchâteloise. IV
54 ue : Denis-François-Henry, rentier. (Un rentier n’ est qu’un chômeur riche.) Suivent mon grand-père, professeur de théologie
55 début et à la fin, pas mal de robes et de rabats, soit de justice, soit d’église ; et entre-temps plus de deux siècles de pa
56 , pas mal de robes et de rabats, soit de justice, soit d’église ; et entre-temps plus de deux siècles de participation conti
57 du pays. Au xixe siècle, Neuchâtel ayant cessé d’ être ce qu’il conviendrait de nommer une aristocratie républicaine au Prin
58 nnui que j’aime à trouver au fond de l’histoire n’ est pas du goût de chacun », notait Chateaubriand dans ses Mémoires. Mais
59 pays. Ainsi l’on répète volontiers que la Suisse est le « carrefour de l’Europe ». Pour vérifier ce lieu commun, examinons
60 s de leur famille, au début du xixe siècle, deux sont en train de devenir françaises et une anglaise. Voilà peut-être un ré
61 adrisaïeul, épouse Henriette de Montmollin : elle était la petite-fille du « grand Ostervald », traducteur de la Bible admiré
62 és sur la morale, la liturgie et la théologie qui furent traduits dans toute l’Europe, et qui le firent appeler par Newton « l
63 s oncles, « que plus l’ancêtre dont on se réclame est éloigné, moins on a de chances de tenir de lui. » Et que valent en ef
64 se réclame est éloigné, moins on a de chances de tenir de lui. » Et que valent en effet ces noms, ces souvenirs, ces ascenda
65 e « grand Ostervald », si Corneille, si la Trappe sont bien loin — et ils le sont — que dire du Singe ? Je me répète la phra
66 orneille, si la Trappe sont bien loin — et ils le sont  — que dire du Singe ? Je me répète la phrase de mon oncle.   En revan
67 ence des professions héréditaires, du rôle social tenu pendant des siècles ? Si mon père incarnait à mes yeux, jusque dans s
68 uand elle a dédaigné toutes les « preuves » qui n’ étaient pas celle de l’obligation. Je crois que toute autre considération sur
69 eût gêné. Mais ce sens naturel du service, il lui fut donné de l’exercer dans d’autres dimensions humaines que celles du pe
70 rs la liberté de l’esprit. Sa première allégeance était l’Église, et par là même l’universel, c’est-à-dire le prochain quel q
71 l’universel, c’est-à-dire le prochain quel qu’il soit , être souvent bizarre et mystérieux qu’il faut comprendre avant de l’
72 versel, c’est-à-dire le prochain quel qu’il soit, être souvent bizarre et mystérieux qu’il faut comprendre avant de l’aider,
73 l’on veut le comprendre. Sa tradition, cependant, était d’autorité, de justes proportions et de raison gardée. Contradiction
74 et vibrant défenseur de l’honneur protestant, il était au plein sens du mot l’homme engagé, celui qui ne revendique rien pou
75 ent, dont on abuse, d’où l’aurais-je pris si ce n’ est de sa vie — l’une des très rares vies d’homme que j’ai connues de prè
76 u’irais-je encore chercher dans le passé ? Si j’y suis remonté, c’était pour mieux saisir l’enseignement d’une vie où s’est
77 t pour mieux saisir l’enseignement d’une vie où s’ est fondée ma vie. Sur le fond d’une tradition qui la reliait à notre his
78 L’honneur à rendre au père, selon le Décalogue, n’ est pas un culte des ancêtres. Et pourtant, quelle est cette promesse mys
79 st pas un culte des ancêtres. Et pourtant, quelle est cette promesse mystérieusement liée au Cinquième Commandement : « …af
80 au Cinquième Commandement : « …afin que tes jours soient prolongés dans le pays que Dieu te donne » ? Il me semble aujourd’hui
81 vant. Jours prolongés, non pas multipliés. (Ce n’ est pas une recette pour mourir centenaire !) Prolongés vers cet au-delà
5 1948, Suite neuchâteloise. V
82 l’Europe, que devient ce fil rouge que je croyais tenir  ? Où vont se perdre les sentiers de la mémoire, ces voies ouvertes à
83 Les nations, les plus vastes patries n’ont jamais été vues par personne : c’est l’esprit qui les croit comme il croit au pa
84 ra vérifier ce qu’il rêvait. Mais c’est en lui qu’ est la réalité sans laquelle il n’eût pas bougé. Ce qu’on touche — et ce
85 on touche — et ce qu’on imagine, le pays qui nous tient par les pieds, par le cœur, et le rassemblement des nations invisible
86 l’un contre l’autre, et qu’entre ces amours il n’ est que de la haine. Comment un Suisse le croirait-il ? Si je me sens pre
87 passer de la petite patrie à la plus vaste, ce n’ est pas infidélité à ma race, à mon clos natal. C’est aimer plus loin dan
88 , nul besoin de quitter ce salon campagnard où je suis revenu m’asseoir : il me suffit de méditer sur ses images, de remonte
89 trace des larmes dont elle écrit souvent qu’elles furent baignées. L’on était vers 1830. Portrait de son grand-père, un cheval
90 elle écrit souvent qu’elles furent baignées. L’on était vers 1830. Portrait de son grand-père, un chevalier de Malte, membre
91 bre correspondant de l’Institut. L’un de ses fils fut décapité au lendemain de l’affaire de Quiberon, sous la Terreur, deux
92 uenote ; et plus haut des seigneurs dont certains furent cathares, Miramont, Cabrol et Vestric… Portrait d’un général de la G
6 1948, Suite neuchâteloise. VI
93 pas. Mais les seuls qui aient franchi nos limites sont ceux de nos théologiens, Ostervald encore, puis Godet ; et le Droit d
94 e — le roman, le poème, l’essai, le jeu d’idées — est restée chez nous pauvre ou nulle. Nous n’avons rien tiré de grand ou
95 roman victorien. Faut-il penser que cette culture fut trop mêlée, cette nature trop vantée pour nous troubler ? Que ces con
96 p vantée pour nous troubler ? Que ces contraintes furent ou bien trop pesantes, ou au contraire trop aisément tournées ? Je ne
97 rnées ? Je ne sais. Et tout cela, sauf la nature, est en train de changer rapidement. L’accent se gâte, la rhétorique n’est
98 ger rapidement. L’accent se gâte, la rhétorique n’ est plus enseignée ni connue. L’histoire et la théologie fuient le discou
99 de Coppet, des coteaux de Cologny ou de Montreux, furent éclatants et parfois scandaleux. Mais la « petite histoire » littérai
100 iscrets, inaperçus et bientôt disparus. Un seul s’ est fait remarquer, ce fut le premier en date, et les gamins de Môtiers l
101 ientôt disparus. Un seul s’est fait remarquer, ce fut le premier en date, et les gamins de Môtiers lui jetèrent des caillou
102 rgit à l’Europe, les successeurs de l’Arménien ne sont venus chez nous qu’à pas feutrés. Certains d’ailleurs avaient de bonn
103 hateaubriand, qui se souvenait sans doute d’avoir été jadis, pour la police française, un dénommé « Lassagne, Neuchâtelois 
104 patte dans un grand seau rempli de l’eau du lac, était toute ma distraction. » Au même endroit de la ville, neuf ans plus ta
105 élève un monument dédié à l’Illustre Inconnu. Il serait en forme de banc. Qui sait quel Balzac de l’avenir, quelle Étrangère
106 enir, quelle Étrangère venue du bout du monde, ne seraient point tentés de s’y asseoir un jour, pour quelques heures, en face du
107 rix Nobel pour qu’on s’aperçût un beau jour qu’il était parmi nous, caché dans sa pèlerine. Une semaine plus tôt, chez les He
108 lépathie. J’avais écrit, dernière question : — Qu’ est -ce que le style ? Catherine, la fille de Gide, lut sa dernière répons
7 1948, Suite neuchâteloise. VII
109 oraliste.) Près de ces eaux, ma vie sentimentale est née. Et depuis lors elle est restée lacustre. « Odeur de l’eau — pour
110 ma vie sentimentale est née. Et depuis lors elle est restée lacustre. « Odeur de l’eau — pour toute la vie », écrivait un
111 ut-il penser que la souffrance au bord d’un lac n’ est jamais sans quelque douceur ?   Cherchant d’où vient cet agrément, et
112 t plus présente, je me dis : c’est qu’un vrai lac est un univers clos, si grands soient les miroirs qu’il offre aux ciels c
113 est qu’un vrai lac est un univers clos, si grands soient les miroirs qu’il offre aux ciels changeants, et si profonds ses loin
114 e. La pente derrière moi, l’horizon des collines, sont le cadre qui donne au tableau sa signification privilégiée. Ici le cœ
115 ci le cœur et l’âme ont leur théâtre pur, où tout est sens, écho, dialogue à l’infini. Ici la joie trouve un espace où se d
116 raison, grandiloquentes, bordent la rive. (Elles furent élevées, dit-on, par un ministre fou.) Cyprès au pied des Alpes, tend
117 pointues et de valses aux jardins publics — là j’ étais seul… Rade de Genève par un beau temps cruel, qui faisait fête à des
118 scintillement des eaux sous la brume légère, tout était si pur et si frais qu’il semblait que le monde venait de s’éveiller,
119 rappelait un peu de tous mes autres lacs, mais il était surtout celui d’Œil de faucon et du Dernier des Mohicans de mon enfan
120 s je l’emporte avec les autres sans remords, s’il est vrai que d’aucun je n’ai su tant d’histoires et qu’il détient certain
121 x chagrins taciturnes. Souffrir auprès d’un lac n’ est jamais sans douceur. Je suis sur la jetée, près du hangar des trams,
122 rir auprès d’un lac n’est jamais sans douceur. Je suis sur la jetée, près du hangar des trams, et l’eau n’est pas plus noire
123 ur la jetée, près du hangar des trams, et l’eau n’ est pas plus noire que mon cœur humilié. Dans ce « local » empuanti de ta
124 sortant de l’école des Terreaux. Nous les garçons tenons notre « colloque » sur la place de l’Hôtel-de-Ville. Nous parlons ent
125 on, je ne vais pas me suicider. Je mentirai ! Je suis assis sur un banc près du port, la promenade est déserte et mon cœur
126 suis assis sur un banc près du port, la promenade est déserte et mon cœur assoiffé. Personne ne passe jamais, voilà la vie 
127 ’attends, je lui dirais : c’est un malentendu. Je suis dépareillé, passons, passez Madame… J’ai 19 ans. Je n’aime encore que
128 s tard, aux mêmes lieux, elle se réserve… Elle ne sera plus jamais tout à fait comme avant.) Ce soir, elle est encore d’une
129 us jamais tout à fait comme avant.) Ce soir, elle est encore d’une présence envoûtante. Le soleil s’est caché derrière le T
130 est encore d’une présence envoûtante. Le soleil s’ est caché derrière le Trou de Bourgogne. La grande rougeur du lac s’est r
131 le Trou de Bourgogne. La grande rougeur du lac s’ est retirée, de vague en vague vers l’autre rive. Elle caresse en passant
132 plaine, luttant contre un vent impétueux. L’orage est imminent. Notre héros, qui paraît âgé d’une vingtaine d’années, se di
133 r ces rivages désertés par le crépuscule ? Quelle est cette hâte inconnue, qu’il se flattait de n’éprouver jamais, bien au
134 e crier : « J’accours ! Attends !… » Ah ! mais qu’ est -ce qu’il m’arrive ? se dit-il. Il faut en avoir le cœur net. (Tout so
135 e de la main au tronc d’un pin. Ce qui lui arrive est solennel, comme l’attente du pays sous le ciel orageux. Oui, c’est bi
136 ands mots impossibles, dans un fol abandon, et ce sera vrai. Comme tout est facile et violent quand les portes du cœur ont c
137 dans un fol abandon, et ce sera vrai. Comme tout est facile et violent quand les portes du cœur ont cédé ! Le lac était d’
138 iolent quand les portes du cœur ont cédé ! Le lac était d’un bleu très sombre, le ciel bas, des éclairs de chaleur palpitaien
8 1948, Suite neuchâteloise. VIII
139 cu sous les sapins, dans les vallées du Jura. J’y suis né, certes, mais les vraies patries sont celles où l’on naît à l’amou
140 ura. J’y suis né, certes, mais les vraies patries sont celles où l’on naît à l’amour. Un portrait de notre pays, peint de là
141 es paysans huguenots des Cévennes et du Languedoc sont en réalité des musulmans, qu’il suffit de les voir, tout noirs dans l
142 ’hui nos meilleurs socialistes. C’est un pays qui est « avancé » par tradition. Dans ma vallée natale, où se réfugia Jean-J
143 èvre frémissait, immobile et terrorisé. Nous nous sommes regardés un moment, de tout près. Un seul geste rapide eût suffi pour
144 iné par l’aubaine et plus encore ému par ce petit être tremblant. C’était trop beau… Le lièvre détala. Combien d’occasions m
145 merveilleuses ai-je laissées détaler depuis ! Ce sont peut-être celles qui m’ont le plus appris. Ma gloire ou mon plaisir e
146 Je me borne à l’autocritique. Et par exemple, il est de mon devoir de citoyen conscient et responsable d’élever une solenn
147 is pas m’occuper de nos fautes de français, elles sont moins graves, et je ne crois pas que nous en commettions beaucoup plu
148 , ils n’en peuvent rien ; dans lequel s’encoubler est plaisant, meilleur temps utile, le reste mauvais ou atroce.) Mais l’a
149 « sur la rue » ou « en rue », diraient-ils). Ce n’ est plus dire, ce n’est plus s’exprimer, mais patauger dans une bouillass
150 en rue », diraient-ils). Ce n’est plus dire, ce n’ est plus s’exprimer, mais patauger dans une bouillasse verbale, où l’on s
151 Je sais bien que l’influence du suisse allemand y est pour beaucoup, et qu’on ne peut pas déplacer le canton de Berne. Mais
152 eu d’aisance. Cette émulation par le bas pourrait être arrêtée par les instituteurs. Il suffirait de renverser la mode, et d
153 Valéry : « Honneur des Hommes, Saint Langage ! » serait la devise de cette croisade, dont le succès embellirait notre existen
154 ion au centenaire que l’on va célébrer. Voilà qui est fait selon mes moyens, qui sont ceux d’un monteur et ajusteur de mots
155 élébrer. Voilà qui est fait selon mes moyens, qui sont ceux d’un monteur et ajusteur de mots, par métier soucieux de langage
156 peut-être utile, si l’on songe que ce centenaire est celui d’une libération, et qu’un peuple n’est vraiment libre que s’il
157 ire est celui d’une libération, et qu’un peuple n’ est vraiment libre que s’il possède et maîtrise d’abord, dans la force et