1 1948, Suite neuchâteloise. I
1 On se trompe en croyant qu’un voyageur à longueur de chemin perd sa patrie : c’est souvent elle qu’il découvre le mieux qu
2 erd sa patrie : c’est souvent elle qu’il découvre le mieux quand il parcourt le globe et vit chez l’étranger. Non qu’il y
3 nt elle qu’il découvre le mieux quand il parcourt le globe et vit chez l’étranger. Non qu’il y pense toujours, mais les ho
4 e le mieux quand il parcourt le globe et vit chez l’ étranger. Non qu’il y pense toujours, mais les hommes qu’il fréquente
5 chez l’étranger. Non qu’il y pense toujours, mais les hommes qu’il fréquente la voient en lui d’abord, l’en tiennent pour r
6 y pense toujours, mais les hommes qu’il fréquente la voient en lui d’abord, l’en tiennent pour responsable, et par l’erreu
7 hommes qu’il fréquente la voient en lui d’abord, l’ en tiennent pour responsable, et par l’erreur la plus commune, l’en no
8 i d’abord, l’en tiennent pour responsable, et par l’ erreur la plus commune, l’en nomment si bien le représentant qu’il lui
9 , l’en tiennent pour responsable, et par l’erreur la plus commune, l’en nomment si bien le représentant qu’il lui faut à l
10 our responsable, et par l’erreur la plus commune, l’ en nomment si bien le représentant qu’il lui faut à la fin se la repré
11 ar l’erreur la plus commune, l’en nomment si bien le représentant qu’il lui faut à la fin se la représenter comme il n’eût
12 nomment si bien le représentant qu’il lui faut à la fin se la représenter comme il n’eût jamais fait en y restant. Dans s
13 i bien le représentant qu’il lui faut à la fin se la représenter comme il n’eût jamais fait en y restant. Dans sa cité, il
14 jamais fait en y restant. Dans sa cité, il était d’ une famille, et pour sa famille un prénom ; à l’étranger, il devient t
15 t d’une famille, et pour sa famille un prénom ; à l’ étranger, il devient toute une race. Serait-ce vrai ? se dit-il. Le vo
16 vient toute une race. Serait-ce vrai ? se dit-il. Le voient-ils mieux que moi ? Mais que voient-ils, dont je n’ai pas cons
17 et que je croyais bien quitté ? Il se retourne et le voilà tout étonné… Désormais, nul n’est plus curieux des apparences e
18 n’est plus curieux des apparences et des secrets de son pays. Il songe : c’est là-bas que le mystère m’attend, et que ne
19 secrets de son pays. Il songe : c’est là-bas que le mystère m’attend, et que ne vais-je pas y découvrir, à mon retour, qu
20   On lui dit : — Vous êtes Suisse ? Vous en avez de la chance ! Mais vous avez si peu l’air suisse. — C’est qu’il n’y a p
21 On lui dit : — Vous êtes Suisse ? Vous en avez de la chance ! Mais vous avez si peu l’air suisse. — C’est qu’il n’y a pas
22 Vous en avez de la chance ! Mais vous avez si peu l’ air suisse. — C’est qu’il n’y a pas d’air suisse, ou qu’il y en a ving
23 avez si peu l’air suisse. — C’est qu’il n’y a pas d’ air suisse, ou qu’il y en a vingt-deux. — De quelle région de la Suiss
24 a pas d’air suisse, ou qu’il y en a vingt-deux. — De quelle région de la Suisse êtes-vous ? De Neuchâtel ? Attendez, Neuch
25 e, ou qu’il y en a vingt-deux. — De quelle région de la Suisse êtes-vous ? De Neuchâtel ? Attendez, Neuchâtel, rappelez-mo
26 ou qu’il y en a vingt-deux. — De quelle région de la Suisse êtes-vous ? De Neuchâtel ? Attendez, Neuchâtel, rappelez-moi…
27 deux. — De quelle région de la Suisse êtes-vous ? De Neuchâtel ? Attendez, Neuchâtel, rappelez-moi…   Ainsi je me demandai
28 oi…   Ainsi je me demandais parfois ce qu’on sait de Neuchâtel dans le vaste monde. Je trouvais à peu près ceci : la Bible
29 demandais parfois ce qu’on sait de Neuchâtel dans le vaste monde. Je trouvais à peu près ceci : la Bible d’Ostervald, le c
30 ans le vaste monde. Je trouvais à peu près ceci : la Bible d’Ostervald, le chocolat Suchard, les montres, et le séjour de
31 ste monde. Je trouvais à peu près ceci : la Bible d’ Ostervald, le chocolat Suchard, les montres, et le séjour de Rousseau.
32 trouvais à peu près ceci : la Bible d’Ostervald, le chocolat Suchard, les montres, et le séjour de Rousseau. Certains ont
33 ceci : la Bible d’Ostervald, le chocolat Suchard, les montres, et le séjour de Rousseau. Certains ont entendu parler du jur
34 d’Ostervald, le chocolat Suchard, les montres, et le séjour de Rousseau. Certains ont entendu parler du juriste Emer de Va
35 d, le chocolat Suchard, les montres, et le séjour de Rousseau. Certains ont entendu parler du juriste Emer de Vattel, ou d
36 parler du juriste Emer de Vattel, ou des travaux de Jean Piaget sur la psychologie de l’enfant. Le seul vin suisse qui se
37 Emer de Vattel, ou des travaux de Jean Piaget sur la psychologie de l’enfant. Le seul vin suisse qui se vende à New York,
38 ou des travaux de Jean Piaget sur la psychologie de l’enfant. Le seul vin suisse qui se vende à New York, mais à quel pri
39 des travaux de Jean Piaget sur la psychologie de l’ enfant. Le seul vin suisse qui se vende à New York, mais à quel prix !
40 ux de Jean Piaget sur la psychologie de l’enfant. Le seul vin suisse qui se vende à New York, mais à quel prix ! c’est le
41 qui se vende à New York, mais à quel prix ! c’est le Neuchâtel blanc. (On voit sur l’étiquette le Trou de Bourgogne et la
42 uel prix ! c’est le Neuchâtel blanc. (On voit sur l’ étiquette le Trou de Bourgogne et la descente des vignes vers le lac.
43 ’est le Neuchâtel blanc. (On voit sur l’étiquette le Trou de Bourgogne et la descente des vignes vers le lac. Je pouvais d
44 Neuchâtel blanc. (On voit sur l’étiquette le Trou de Bourgogne et la descente des vignes vers le lac. Je pouvais dire à me
45 (On voit sur l’étiquette le Trou de Bourgogne et la descente des vignes vers le lac. Je pouvais dire à mes amis : là, dan
46 Trou de Bourgogne et la descente des vignes vers le lac. Je pouvais dire à mes amis : là, dans ces arbres, au pied de cet
47 is dire à mes amis : là, dans ces arbres, au pied de cette colline, j’ai passé mon adolescence.) Voilà donc ce qui atteint
48 olescence.) Voilà donc ce qui atteint chez nous à la « classe internationale » comme on dit dans le monde des sports. Ces
49 à la « classe internationale » comme on dit dans le monde des sports. Ces quelques traits épars ne font pas un portrait.
50 s épars ne font pas un portrait. Dès qu’on essaie de définir l’originalité de notre canton, tout devient si complexe et so
51 font pas un portrait. Dès qu’on essaie de définir l’ originalité de notre canton, tout devient si complexe et souvent si bi
52 rtrait. Dès qu’on essaie de définir l’originalité de notre canton, tout devient si complexe et souvent si bizarre aux yeux
53 raditions aristocratiques à peine éteintes (moins de cent ans) dans la plus vieille démocratie du monde ; tant de culture
54 atiques à peine éteintes (moins de cent ans) dans la plus vieille démocratie du monde ; tant de culture et peu de littérat
55 peu de littérature ; tant de bon sens professé et de fous à soigner ; tout un petit monde de contrastes intenses, entre l’
56 ofessé et de fous à soigner ; tout un petit monde de contrastes intenses, entre l’austérité des montagnes au nord et les r
57 tout un petit monde de contrastes intenses, entre l’ austérité des montagnes au nord et les rives latines au midi, la Franc
58 enses, entre l’austérité des montagnes au nord et les rives latines au midi, la France à l’ouest, l’Alémanie à l’est ; — to
59 s montagnes au nord et les rives latines au midi, la France à l’ouest, l’Alémanie à l’est ; — tout un petit monde si bien
60 au nord et les rives latines au midi, la France à l’ ouest, l’Alémanie à l’est ; — tout un petit monde si bien cerné, si co
61 t les rives latines au midi, la France à l’ouest, l’ Alémanie à l’est ; — tout un petit monde si bien cerné, si conscient d
62 atines au midi, la France à l’ouest, l’Alémanie à l’ est ; — tout un petit monde si bien cerné, si conscient de lui-même, e
63 — tout un petit monde si bien cerné, si conscient de lui-même, et si distinct… Je me disais qu’un jour je voudrais en écri
64 fallait d’abord rentrer.   Je suis rentré, c’est la coutume des Suisses ; reparti, revenu, et ce n’est pas fini. Comment
65 nature, peut-il produire tant de nomades ? C’est le secret du « Service étranger ». Ceux qui ont envie de se battre avec
66 ecret du « Service étranger ». Ceux qui ont envie de se battre avec la vie s’en vont ailleurs brasser leur sang, plutôt qu
67 étranger ». Ceux qui ont envie de se battre avec la vie s’en vont ailleurs brasser leur sang, plutôt que de troubler la p
68 s’en vont ailleurs brasser leur sang, plutôt que de troubler la pax helvetica, merveille inaperçue du monde moderne.   Le
69 illeurs brasser leur sang, plutôt que de troubler la pax helvetica, merveille inaperçue du monde moderne.   Le voyage, qua
70 elvetica, merveille inaperçue du monde moderne.   Le voyage, quand j’étais enfant, c’était quitter Couvet pour Neuchâtel,
71 is enfant, c’était quitter Couvet pour Neuchâtel, le « Vallon » pour le « Bas », l’école pour les vacances. C’était fuir e
72 quitter Couvet pour Neuchâtel, le « Vallon » pour le « Bas », l’école pour les vacances. C’était fuir et trahir en son cœu
73 et pour Neuchâtel, le « Vallon » pour le « Bas », l’ école pour les vacances. C’était fuir et trahir en son cœur le cirque
74 âtel, le « Vallon » pour le « Bas », l’école pour les vacances. C’était fuir et trahir en son cœur le cirque proche des crê
75 les vacances. C’était fuir et trahir en son cœur le cirque proche des crêtes dentées de sapins noirs, fermer les yeux pen
76 r en son cœur le cirque proche des crêtes dentées de sapins noirs, fermer les yeux pendant les treize tunnels, dans le lon
77 proche des crêtes dentées de sapins noirs, fermer les yeux pendant les treize tunnels, dans le long courant d’air des gorge
78 dentées de sapins noirs, fermer les yeux pendant les treize tunnels, dans le long courant d’air des gorges, sentir qu’on d
79 fermer les yeux pendant les treize tunnels, dans le long courant d’air des gorges, sentir qu’on descendait vers la lumièr
80 pendant les treize tunnels, dans le long courant d’ air des gorges, sentir qu’on descendait vers la lumière, vers le grand
81 nt d’air des gorges, sentir qu’on descendait vers la lumière, vers le grand lac doublant soudain le ciel au sortir du trei
82 es, sentir qu’on descendait vers la lumière, vers le grand lac doublant soudain le ciel au sortir du treizième tunnel, ver
83 rs la lumière, vers le grand lac doublant soudain le ciel au sortir du treizième tunnel, vers des parcs somptueux et secre
84 et secrets, vers tout un monde intimidant, peuplé d’ angoisses et de facilités, vers le bonheur. Aujourd’hui, ce trajet d’a
85 s tout un monde intimidant, peuplé d’angoisses et de facilités, vers le bonheur. Aujourd’hui, ce trajet d’aventure, sur le
86 imidant, peuplé d’angoisses et de facilités, vers le bonheur. Aujourd’hui, ce trajet d’aventure, sur lequel je repasse en
87 acilités, vers le bonheur. Aujourd’hui, ce trajet d’ aventure, sur lequel je repasse en express, n’est plus que les quinze
88 sur lequel je repasse en express, n’est plus que les quinze dernières minutes, la dernière cigarette d’une nuit mal dormie
89 s quinze dernières minutes, la dernière cigarette d’ une nuit mal dormie, le moment de refermer les valises entre deux coup
90 tes, la dernière cigarette d’une nuit mal dormie, le moment de refermer les valises entre deux coups d’œil par la fenêtre.
91 rnière cigarette d’une nuit mal dormie, le moment de refermer les valises entre deux coups d’œil par la fenêtre. Tout va t
92 ette d’une nuit mal dormie, le moment de refermer les valises entre deux coups d’œil par la fenêtre. Tout va trop vite pour
93 e refermer les valises entre deux coups d’œil par la fenêtre. Tout va trop vite pour le souvenir. Voici les toits, le cloc
94 oups d’œil par la fenêtre. Tout va trop vite pour le souvenir. Voici les toits, le clocher de Couvet, la petite gare qu’on
95 enêtre. Tout va trop vite pour le souvenir. Voici les toits, le clocher de Couvet, la petite gare qu’on traverse en trois s
96 t va trop vite pour le souvenir. Voici les toits, le clocher de Couvet, la petite gare qu’on traverse en trois secondes — 
97 ite pour le souvenir. Voici les toits, le clocher de Couvet, la petite gare qu’on traverse en trois secondes — disparus sa
98 souvenir. Voici les toits, le clocher de Couvet, la petite gare qu’on traverse en trois secondes — disparus sans laisser
99 raverse en trois secondes — disparus sans laisser de traces, sans rejoindre en moi leur image. Un jour, il faudra s’arrête
100 ans ce village où je suis né ; mesurer mon âge et le Temps. Mais la vie, mais ce train m’emportent. La parole est encore à
101 où je suis né ; mesurer mon âge et le Temps. Mais la vie, mais ce train m’emportent. La parole est encore à ce qui vient.
102 le Temps. Mais la vie, mais ce train m’emportent. La parole est encore à ce qui vient. Et voici les brumes sur le lac, les
103 nt. La parole est encore à ce qui vient. Et voici les brumes sur le lac, les murs de vignes séculaires, et ce toit qui dema
104 st encore à ce qui vient. Et voici les brumes sur le lac, les murs de vignes séculaires, et ce toit qui demande aux voyage
105 e à ce qui vient. Et voici les brumes sur le lac, les murs de vignes séculaires, et ce toit qui demande aux voyageurs, en g
106 i vient. Et voici les brumes sur le lac, les murs de vignes séculaires, et ce toit qui demande aux voyageurs, en grandes l
107 oit qui demande aux voyageurs, en grandes lettres de tuiles blanches : ÊTES-VOUS SAUVÉS DU PÉCHÉ ? Tout de suite les quest
108 nches : ÊTES-VOUS SAUVÉS DU PÉCHÉ ? Tout de suite les questions personnelles, et ce besoin de réformer le prochain… Est-ce
109 de suite les questions personnelles, et ce besoin de réformer le prochain… Est-ce que ceux qui vivent sous ce toit sont te
110 questions personnelles, et ce besoin de réformer le prochain… Est-ce que ceux qui vivent sous ce toit sont tellement sûrs
111 ceux qui vivent sous ce toit sont tellement sûrs de leur affaire ?  
2 1948, Suite neuchâteloise. II
112 II L’ irruption du souvenir est aussi mystérieuse que celle de l’invention,
113 ption du souvenir est aussi mystérieuse que celle de l’invention, dans notre esprit. Peu s’en faut, si j’y pense, que je n
114 on du souvenir est aussi mystérieuse que celle de l’ invention, dans notre esprit. Peu s’en faut, si j’y pense, que je ne l
115 re esprit. Peu s’en faut, si j’y pense, que je ne les distingue plus. Tout se passe comme si la mémoire inventait soudain q
116 je ne les distingue plus. Tout se passe comme si la mémoire inventait soudain quelque forme que vient emplir le flot de l
117 inventait soudain quelque forme que vient emplir le flot de l’émotion, mais n’est-ce pas le même piège que posera l’inven
118 it soudain quelque forme que vient emplir le flot de l’émotion, mais n’est-ce pas le même piège que posera l’invention, en
119 soudain quelque forme que vient emplir le flot de l’ émotion, mais n’est-ce pas le même piège que posera l’invention, en le
120 nt emplir le flot de l’émotion, mais n’est-ce pas le même piège que posera l’invention, en le tournant dans l’autre sens,
121 otion, mais n’est-ce pas le même piège que posera l’ invention, en le tournant dans l’autre sens, comme pour se souvenir de
122 t-ce pas le même piège que posera l’invention, en le tournant dans l’autre sens, comme pour se souvenir de ce qui vient ?
123 ournant dans l’autre sens, comme pour se souvenir de ce qui vient ? D’où remontent ces rythmes de mots, cette épithète, ce
124 re sens, comme pour se souvenir de ce qui vient ? D’ où remontent ces rythmes de mots, cette épithète, ce nœud d’idées, où
125 enir de ce qui vient ? D’où remontent ces rythmes de mots, cette épithète, ce nœud d’idées, où je ne reconnais rien de déj
126 tent ces rythmes de mots, cette épithète, ce nœud d’ idées, où je ne reconnais rien de déjà lu ? Et de quel ciel me tombent
127 pithète, ce nœud d’idées, où je ne reconnais rien de déjà lu ? Et de quel ciel me tombent ces visions surprenantes, où je
128 d’idées, où je ne reconnais rien de déjà lu ? Et de quel ciel me tombent ces visions surprenantes, où je reconnais bientô
129 nais bientôt ce que j’ai déjà vécu ? Certes, dans les deux cas, c’est moi que je découvre, puisqu’il s’agit d’un souvenir,
130 cas, c’est moi que je découvre, puisqu’il s’agit d’ un souvenir, d’une invention, sans autre précédent que moi. Mais la vo
131 que je découvre, puisqu’il s’agit d’un souvenir, d’ une invention, sans autre précédent que moi. Mais la volonté n’y peut
132 une invention, sans autre précédent que moi. Mais la volonté n’y peut rien. Pourquoi maintenant, à cet instant précis, et
133 ment ai-je donc fait par mégarde, qui m’accorde à la longueur d’ondes d’un passé, d’un avenir toujours présents ? Proust a
134 onc fait par mégarde, qui m’accorde à la longueur d’ ondes d’un passé, d’un avenir toujours présents ? Proust a surpris le
135 par mégarde, qui m’accorde à la longueur d’ondes d’ un passé, d’un avenir toujours présents ? Proust a surpris le mécanism
136 , qui m’accorde à la longueur d’ondes d’un passé, d’ un avenir toujours présents ? Proust a surpris le mécanisme du souveni
137 d’un avenir toujours présents ? Proust a surpris le mécanisme du souvenir conditionné. Il nous livre à l’accidentel, et s
138 écanisme du souvenir conditionné. Il nous livre à l’ accidentel, et ses accidents sont petits : une madeleine trempée dans
139 ine trempée dans du thé, un pavé qui bascule sous la semelle. Mais les grands accidents de la vie raniment de tout autres
140 du thé, un pavé qui bascule sous la semelle. Mais les grands accidents de la vie raniment de tout autres mystères. Ils nous
141 ascule sous la semelle. Mais les grands accidents de la vie raniment de tout autres mystères. Ils nous font découvrir plus
142 ule sous la semelle. Mais les grands accidents de la vie raniment de tout autres mystères. Ils nous font découvrir plus qu
143 lle. Mais les grands accidents de la vie raniment de tout autres mystères. Ils nous font découvrir plus que nous-mêmes.  
144 Ils nous font découvrir plus que nous-mêmes.   Je l’ ignorais encore quand on m’a proposé d’écrire ces pages sur mon pays n
145 êmes.   Je l’ignorais encore quand on m’a proposé d’ écrire ces pages sur mon pays natal. On insistait amicalement : je ven
146 stait amicalement : je venais de rentrer, c’était le moment propice… Un bouquet pour le centenaire, quelques paysages du s
147 ntrer, c’était le moment propice… Un bouquet pour le centenaire, quelques paysages du souvenir… J’hésitais, j’allais me ré
148  ? me disais-je, mais je n’en suis pas là. (Ainsi l’ on croit savoir où l’on se tient, quel âge on a, et vers quoi l’on che
149 je n’en suis pas là. (Ainsi l’on croit savoir où l’ on se tient, quel âge on a, et vers quoi l’on chemine. Mais au carrefo
150 oir où l’on se tient, quel âge on a, et vers quoi l’ on chemine. Mais au carrefour d’autres destins croisés, soudain le ryt
151 is au carrefour d’autres destins croisés, soudain le rythme change en nous aussi, rompant la prévision, cette inertie.) Di
152 , soudain le rythme change en nous aussi, rompant la prévision, cette inertie.) Dix jours plus tard mourait mon père. Et t
153 tout en moi se tourne vers ses origines, au-delà de ma propre mémoire. Ces mouvements les plus profonds de l’être nous se
154 nes, au-delà de ma propre mémoire. Ces mouvements les plus profonds de l’être nous semblent déclenchés par un destin absurd
155 propre mémoire. Ces mouvements les plus profonds de l’être nous semblent déclenchés par un destin absurde, et nous les su
156 opre mémoire. Ces mouvements les plus profonds de l’ être nous semblent déclenchés par un destin absurde, et nous les subis
157 emblent déclenchés par un destin absurde, et nous les subissons d’abord comme une force tout étrangère. Pourtant, ils nous
158 lque chose en nous qui n’est pas moins intime que la conscience, mais qui lui est antérieur et qui lui survivra ; quelque
159 antérieur et qui lui survivra ; quelque chose que l’ on peut désigner d’un mot simple, et qui figure dans l’ordre naturel c
160 i survivra ; quelque chose que l’on peut désigner d’ un mot simple, et qui figure dans l’ordre naturel comme un reflet de l
161 peut désigner d’un mot simple, et qui figure dans l’ ordre naturel comme un reflet de la communion des saints : notre histo
162 t qui figure dans l’ordre naturel comme un reflet de la communion des saints : notre histoire, le passé qui passe en chacu
163 ui figure dans l’ordre naturel comme un reflet de la communion des saints : notre histoire, le passé qui passe en chacun d
164 flet de la communion des saints : notre histoire, le passé qui passe en chacun de nous ; qui par nous, maintenant, se pass
165 ts : notre histoire, le passé qui passe en chacun de nous ; qui par nous, maintenant, se passe, lié à toute l’histoire des
166 ; qui par nous, maintenant, se passe, lié à toute l’ histoire des autres hommes ; et sans lequel il n’y aurait jamais de pl
167 tres hommes ; et sans lequel il n’y aurait jamais de plénitude du présent. Dans le silence d’une vaste pièce où j’étais se
168 l n’y aurait jamais de plénitude du présent. Dans le silence d’une vaste pièce où j’étais seul devant l’admirable visage,
169 t jamais de plénitude du présent. Dans le silence d’ une vaste pièce où j’étais seul devant l’admirable visage, debout au p
170 silence d’une vaste pièce où j’étais seul devant l’ admirable visage, debout au pied du lit, prolongeant le gisant, j’ai s
171 irable visage, debout au pied du lit, prolongeant le gisant, j’ai su que j’étais d’une lignée.  
172 u lit, prolongeant le gisant, j’ai su que j’étais d’ une lignée.  
3 1948, Suite neuchâteloise. III
173 III C’est l’un des traits les moins connus de notre pays que la continuité de ses familles, ailleur
174 III C’est l’un des traits les moins connus de notre pays que la continuité de ses familles, ailleurs rompue par des
175 ’un des traits les moins connus de notre pays que la continuité de ses familles, ailleurs rompue par des révolutions ou de
176 les moins connus de notre pays que la continuité de ses familles, ailleurs rompue par des révolutions ou de fréquents cha
177 familles, ailleurs rompue par des révolutions ou de fréquents changements de condition sociale. Nos archives sont intacte
178 e par des révolutions ou de fréquents changements de condition sociale. Nos archives sont intactes, minutieusement tenues
179 archives sont intactes, minutieusement tenues par les communes les plus modestes, et tenues depuis plusieurs siècles pour u
180 intactes, minutieusement tenues par les communes les plus modestes, et tenues depuis plusieurs siècles pour une beaucoup p
181 siècles pour une beaucoup plus grande proportion d’ habitants que dans d’autres nations de l’Europe. La plupart des citoye
182 proportion d’habitants que dans d’autres nations de l’Europe. La plupart des citoyens suisses, qu’ils soient bourgeois, o
183 oportion d’habitants que dans d’autres nations de l’ Europe. La plupart des citoyens suisses, qu’ils soient bourgeois, ouvr
184 es époques où n’atteignent, chez nos voisins, que les familles de la noblesse. La Suisse n’est pas démocratique pour avoir
185 n’atteignent, chez nos voisins, que les familles de la noblesse. La Suisse n’est pas démocratique pour avoir tardivement
186 atteignent, chez nos voisins, que les familles de la noblesse. La Suisse n’est pas démocratique pour avoir tardivement abo
187 hez nos voisins, que les familles de la noblesse. La Suisse n’est pas démocratique pour avoir tardivement aboli ce que l’o
188 démocratique pour avoir tardivement aboli ce que l’ on nomme les privilèges, mais pour les avoir étendus, dès l’origine, a
189 ue pour avoir tardivement aboli ce que l’on nomme les privilèges, mais pour les avoir étendus, dès l’origine, au plus grand
190 aboli ce que l’on nomme les privilèges, mais pour les avoir étendus, dès l’origine, au plus grand nombre.   Le « Rôle des
191 les privilèges, mais pour les avoir étendus, dès l’ origine, au plus grand nombre.   Le « Rôle des Bourgeois » de Neuchât
192 étendus, dès l’origine, au plus grand nombre.   Le « Rôle des Bourgeois » de Neuchâtel illustre cette continuité jusqu’a
193 u plus grand nombre.   Le « Rôle des Bourgeois » de Neuchâtel illustre cette continuité jusqu’au xvie , et pour beaucoup
194 nge. Voyez plutôt ces noms relevés au hasard dans le rôle de 1353 : Malifer, Conoz Bazin, Rollin d’Orouse, Perrod Tornarre
195 ez plutôt ces noms relevés au hasard dans le rôle de 1353 : Malifer, Conoz Bazin, Rollin d’Orouse, Perrod Tornarre, Jeanni
196 quyrily, Quicu… On dirait des injures en patois ! De tous ces noms si proches du latin populaire, un seul subsistera cent
197 un seul subsistera cent ans plus tard, tandis que la grande majorité des patronymes de consonance moderne et francisée, qu
198 ard, tandis que la grande majorité des patronymes de consonance moderne et francisée, qui figurent sur le rôle de 1580, on
199 consonance moderne et francisée, qui figurent sur le rôle de 1580, ont subsisté jusqu’à nos jours. Beaucoup d’autres s’y s
200 ce moderne et francisée, qui figurent sur le rôle de 1580, ont subsisté jusqu’à nos jours. Beaucoup d’autres s’y sont ajou
201 os jours. Beaucoup d’autres s’y sont ajoutés dans le cours du xixe siècle. Sur les trois-cent-soixante familles nouvellem
202 y sont ajoutés dans le cours du xixe siècle. Sur les trois-cent-soixante familles nouvellement agrégées à notre bourgeoisi
203 es nouvellement agrégées à notre bourgeoisie dans les douze ans précédant 1900, deux tiers portent des noms allemands. Elle
204 apporté un dynamisme neuf, et un accent qui défie la pudeur…   Le gouvernement et la structure sociale de la Principauté d
205 namisme neuf, et un accent qui défie la pudeur…   Le gouvernement et la structure sociale de la Principauté de Neuchâtel,
206 accent qui défie la pudeur…   Le gouvernement et la structure sociale de la Principauté de Neuchâtel, du xve siècle jusq
207 pudeur…   Le gouvernement et la structure sociale de la Principauté de Neuchâtel, du xve siècle jusqu’aux débuts du xixe
208 eur…   Le gouvernement et la structure sociale de la Principauté de Neuchâtel, du xve siècle jusqu’aux débuts du xixe , n
209 rnement et la structure sociale de la Principauté de Neuchâtel, du xve siècle jusqu’aux débuts du xixe , ne manquent pas
210 siècle jusqu’aux débuts du xixe , ne manquent pas d’ évoquer un mouvement d’horlogerie, par leur extrême complication dans
211 du xixe , ne manquent pas d’évoquer un mouvement d’ horlogerie, par leur extrême complication dans un espace aussi réduit
212 possible. William Coxe, voyageur anglais, auteur de Lettres sur l’état politique, civil et naturel de la Suisse, écrit en
213 iam Coxe, voyageur anglais, auteur de Lettres sur l’ état politique, civil et naturel de la Suisse, écrit en 1776 : « La co
214 de Lettres sur l’état politique, civil et naturel de la Suisse, écrit en 1776 : « La constitution de Neuchâtel est une mon
215 Lettres sur l’état politique, civil et naturel de la Suisse, écrit en 1776 : « La constitution de Neuchâtel est une monarc
216 civil et naturel de la Suisse, écrit en 1776 : «  La constitution de Neuchâtel est une monarchie limitée, dont la machine
217 l de la Suisse, écrit en 1776 : « La constitution de Neuchâtel est une monarchie limitée, dont la machine est mise en mouv
218 tion de Neuchâtel est une monarchie limitée, dont la machine est mise en mouvement par des ressorts si déliés, et des roua
219 et des rouages si compliqués, qu’il est difficile de distinguer avec quelque exactitude les prérogatives du Souverain des
220 t difficile de distinguer avec quelque exactitude les prérogatives du Souverain des franchises du Peuple. » Voici ce qu’il
221  » Voici ce qu’il a cru démêler, en une vingtaine de pages où perce l’étonnement. « Le Prince se fait représenter en son a
222 a cru démêler, en une vingtaine de pages où perce l’ étonnement. « Le Prince se fait représenter en son absence [car en fai
223 n une vingtaine de pages où perce l’étonnement. «  Le Prince se fait représenter en son absence [car en fait il vit à Berli
224 fait il vit à Berlin] par un Gouverneur qui jouit d’ une très-grande considération, et d’une très-petite autorité… Les Troi
225 eur qui jouit d’une très-grande considération, et d’ une très-petite autorité… Les Trois États de Neuchâtel sont le tribuna
226 nde considération, et d’une très-petite autorité… Les Trois États de Neuchâtel sont le tribunal suprême du pays. Il est com
227 etite autorité… Les Trois États de Neuchâtel sont le tribunal suprême du pays. Il est composé de douze Juges partagés en t
228 sont le tribunal suprême du pays. Il est composé de douze Juges partagés en trois divisions… Les quatre conseillers d’Éta
229 mposé de douze Juges partagés en trois divisions… Les quatre conseillers d’État les plus anciens forment la première divisi
230 rtagés en trois divisions… Les quatre conseillers d’ État les plus anciens forment la première division ; ces conseillers s
231 en trois divisions… Les quatre conseillers d’État les plus anciens forment la première division ; ces conseillers sont Nobl
232 ces conseillers sont Nobles. La seconde comprend les quatre Châtelains de Landeron Boudry, Valtravers et Thielle… Enfin la
233 Nobles. La seconde comprend les quatre Châtelains de Landeron Boudry, Valtravers et Thielle… Enfin la troisième division e
234 Thielle… Enfin la troisième division est composée de quatre conseillers de la ville de Neuchâtel. Ce Tribunal n’est, à par
235 sième division est composée de quatre conseillers de la ville de Neuchâtel. Ce Tribunal n’est, à parler régulièrement, qu’
236 me division est composée de quatre conseillers de la ville de Neuchâtel. Ce Tribunal n’est, à parler régulièrement, qu’une
237 on est composée de quatre conseillers de la ville de Neuchâtel. Ce Tribunal n’est, à parler régulièrement, qu’une Cour sup
238 ’est, à parler régulièrement, qu’une Cour suprême de Justice… » Le Conseil d’État saisi de l’administration ordinaire du g
239 régulièrement, qu’une Cour suprême de Justice… » Le Conseil d’État saisi de l’administration ordinaire du gouvernement, a
240 ent, qu’une Cour suprême de Justice… » Le Conseil d’ État saisi de l’administration ordinaire du gouvernement, a l’exercice
241 our suprême de Justice… » Le Conseil d’État saisi de l’administration ordinaire du gouvernement, a l’exercice de la Puissa
242 suprême de Justice… » Le Conseil d’État saisi de l’ administration ordinaire du gouvernement, a l’exercice de la Puissance
243 de l’administration ordinaire du gouvernement, a l’ exercice de la Puissance exécutrice. Ses membres sont à la nomination
244 istration ordinaire du gouvernement, a l’exercice de la Puissance exécutrice. Ses membres sont à la nomination du Prince…
245 ration ordinaire du gouvernement, a l’exercice de la Puissance exécutrice. Ses membres sont à la nomination du Prince… » N
246 ce de la Puissance exécutrice. Ses membres sont à la nomination du Prince… » Nulle ordonnance émanée de ce Conseil ne peut
247 a nomination du Prince… » Nulle ordonnance émanée de ce Conseil ne peut acquérir force de loi, avant d’avoir été soumise à
248 nance émanée de ce Conseil ne peut acquérir force de loi, avant d’avoir été soumise à l’examen d’un Comité composé du Cons
249 e ce Conseil ne peut acquérir force de loi, avant d’ avoir été soumise à l’examen d’un Comité composé du Conseil de Ville e
250 cquérir force de loi, avant d’avoir été soumise à l’ examen d’un Comité composé du Conseil de Ville et des Députés de Valle
251 orce de loi, avant d’avoir été soumise à l’examen d’ un Comité composé du Conseil de Ville et des Députés de Vallengin… » L
252 soumise à l’examen d’un Comité composé du Conseil de Ville et des Députés de Vallengin… » La ville de Neuchâtel jouit de p
253 Comité composé du Conseil de Ville et des Députés de Vallengin… » La ville de Neuchâtel jouit de privilèges très considéra
254 u Conseil de Ville et des Députés de Vallengin… » La ville de Neuchâtel jouit de privilèges très considérables. Elle a la
255 de Ville et des Députés de Vallengin… » La ville de Neuchâtel jouit de privilèges très considérables. Elle a la police de
256 putés de Vallengin… » La ville de Neuchâtel jouit de privilèges très considérables. Elle a la police de son territoire, et
257 el jouit de privilèges très considérables. Elle a la police de son territoire, et n’est gouvernée que par ses propres magi
258 e privilèges très considérables. Elle a la police de son territoire, et n’est gouvernée que par ses propres magistrats, di
259 cuperai point du détail des diverses subdivisions de ces deux Tribunaux, mais je ne puis m’empêcher de faire mention du co
260 de ces deux Tribunaux, mais je ne puis m’empêcher de faire mention du corps des Ministraux qui forme le Tiers État toutes
261 e faire mention du corps des Ministraux qui forme le Tiers État toutes les fois qu’il s’agit d’établir quelque loi nouvell
262 forme le Tiers État toutes les fois qu’il s’agit d’ établir quelque loi nouvelle, ou de faire des changemens aux anciennes
263 s qu’il s’agit d’établir quelque loi nouvelle, ou de faire des changemens aux anciennes. Ce corps est une sorte de Comité
264 changemens aux anciennes. Ce corps est une sorte de Comité chargé de l’administration de la police, et dont les membres s
265 nciennes. Ce corps est une sorte de Comité chargé de l’administration de la police, et dont les membres sont choisis dans
266 ennes. Ce corps est une sorte de Comité chargé de l’ administration de la police, et dont les membres sont choisis dans le
267 st une sorte de Comité chargé de l’administration de la police, et dont les membres sont choisis dans le Conseil de Ville.
268 une sorte de Comité chargé de l’administration de la police, et dont les membres sont choisis dans le Conseil de Ville. Il
269 chargé de l’administration de la police, et dont les membres sont choisis dans le Conseil de Ville. Il est composé de deux
270 la police, et dont les membres sont choisis dans le Conseil de Ville. Il est composé de deux Présidens de ce conseil, de
271 et dont les membres sont choisis dans le Conseil de Ville. Il est composé de deux Présidens de ce conseil, de quatre Maît
272 choisis dans le Conseil de Ville. Il est composé de deux Présidens de ce conseil, de quatre Maîtres-Bourgeois fournis par
273 onseil de Ville. Il est composé de deux Présidens de ce conseil, de quatre Maîtres-Bourgeois fournis par le petit Sénat, e
274 . Il est composé de deux Présidens de ce conseil, de quatre Maîtres-Bourgeois fournis par le petit Sénat, et du Banneret o
275 conseil, de quatre Maîtres-Bourgeois fournis par le petit Sénat, et du Banneret ou Gardien des libertés du Peuple… [Ce de
276 des libertés du Peuple… [Ce dernier] est élu par l’ assemblée générale des Citoyens, et demeure six ans en office. » « La
277 e des Citoyens, et demeure six ans en office. » «  La Puissance législative est divisée et répartie d’une manière si compli
278  La Puissance législative est divisée et répartie d’ une manière si compliquée qu’il serait très-difficile de dire précisém
279 manière si compliquée qu’il serait très-difficile de dire précisément où elle réside. Le détail suivant… servira peut-être
280 rès-difficile de dire précisément où elle réside. Le détail suivant… servira peut-être à débrouiller ce chaos. » Passons l
281 rvira peut-être à débrouiller ce chaos. » Passons le détail, qui tient deux pages. Coxe en conclut, non sans hésitation, q
282 pages. Coxe en conclut, non sans hésitation, que l’ autorité législative semble résider « à la fois dans le Prince, le Con
283 orité législative semble résider « à la fois dans le Prince, le Conseil d’État, et la ville de Neuchâtel, conjointement co
284 lative semble résider « à la fois dans le Prince, le Conseil d’État, et la ville de Neuchâtel, conjointement considérés  ;
285 le résider « à la fois dans le Prince, le Conseil d’ État, et la ville de Neuchâtel, conjointement considérés  ; que le Val
286 « à la fois dans le Prince, le Conseil d’État, et la ville de Neuchâtel, conjointement considérés  ; que le Vallengin a un
287 is dans le Prince, le Conseil d’État, et la ville de Neuchâtel, conjointement considérés  ; que le Vallengin a une sorte d
288 lle de Neuchâtel, conjointement considérés  ; que le Vallengin a une sorte de voix négative ; et enfin, que c’est aux Troi
289 tement considérés  ; que le Vallengin a une sorte de voix négative ; et enfin, que c’est aux Trois États qu’il appartient
290 enfin, que c’est aux Trois États qu’il appartient de proposer et de promulguer une loi ». Quant à l’esprit des lois pénale
291 t aux Trois États qu’il appartient de proposer et de promulguer une loi ». Quant à l’esprit des lois pénales, Coxe l’estim
292 t de proposer et de promulguer une loi ». Quant à l’ esprit des lois pénales, Coxe l’estime « d’une extrême douceur », et l
293 ne loi ». Quant à l’esprit des lois pénales, Coxe l’ estime « d’une extrême douceur », et les peines sont appliquées aux di
294 uant à l’esprit des lois pénales, Coxe l’estime «  d’ une extrême douceur », et les peines sont appliquées aux différents dé
295 ales, Coxe l’estime « d’une extrême douceur », et les peines sont appliquées aux différents délits avec une telle précision
296 avec une telle précision « qu’il ne reste rien à la détermination des Juges… En un mot, et pour m’exprimer sur l’esprit d
297 tion des Juges… En un mot, et pour m’exprimer sur l’ esprit de cette législation dans les termes qui l’honorent le plus, je
298 Juges… En un mot, et pour m’exprimer sur l’esprit de cette législation dans les termes qui l’honorent le plus, je vous dir
299 m’exprimer sur l’esprit de cette législation dans les termes qui l’honorent le plus, je vous dirai que la liberté des indiv
300 l’esprit de cette législation dans les termes qui l’ honorent le plus, je vous dirai que la liberté des individus est proté
301 cette législation dans les termes qui l’honorent le plus, je vous dirai que la liberté des individus est protégée par les
302 termes qui l’honorent le plus, je vous dirai que la liberté des individus est protégée par les loix de ce pays avec autan
303 rai que la liberté des individus est protégée par les loix de ce pays avec autant de sollicitude et d’efficacité que par ce
304 a liberté des individus est protégée par les loix de ce pays avec autant de sollicitude et d’efficacité que par celles de
305 est protégée par les loix de ce pays avec autant de sollicitude et d’efficacité que par celles de notre inestimable const
306 les loix de ce pays avec autant de sollicitude et d’ efficacité que par celles de notre inestimable constitution. » Qu’atte
307 ant de sollicitude et d’efficacité que par celles de notre inestimable constitution. » Qu’attendre de plus d’un Anglais ?
308 e inestimable constitution. » Qu’attendre de plus d’ un Anglais ?   N’oublions pas que les Trois États, le Conseil d’État,
309 ndre de plus d’un Anglais ?   N’oublions pas que les Trois États, le Conseil d’État, le Grand Conseil, le Petit Conseil, l
310 Anglais ?   N’oublions pas que les Trois États, le Conseil d’État, le Grand Conseil, le Petit Conseil, les Quatre-Minist
311   N’oublions pas que les Trois États, le Conseil d’ État, le Grand Conseil, le Petit Conseil, les Quatre-Ministraux, les M
312 lions pas que les Trois États, le Conseil d’État, le Grand Conseil, le Petit Conseil, les Quatre-Ministraux, les Maîtres-B
313 Trois États, le Conseil d’État, le Grand Conseil, le Petit Conseil, les Quatre-Ministraux, les Maîtres-Bourgeois, le Banne
314 nseil d’État, le Grand Conseil, le Petit Conseil, les Quatre-Ministraux, les Maîtres-Bourgeois, le Banneret, le Chancelier,
315 Conseil, le Petit Conseil, les Quatre-Ministraux, les Maîtres-Bourgeois, le Banneret, le Chancelier, le Procureur Général e
316 il, les Quatre-Ministraux, les Maîtres-Bourgeois, le Banneret, le Chancelier, le Procureur Général et le Gouverneur, « con
317 e-Ministraux, les Maîtres-Bourgeois, le Banneret, le Chancelier, le Procureur Général et le Gouverneur, « conjointement co
318 es Maîtres-Bourgeois, le Banneret, le Chancelier, le Procureur Général et le Gouverneur, « conjointement considérés » avec
319 Banneret, le Chancelier, le Procureur Général et le Gouverneur, « conjointement considérés » avec les Trois États et les
320 le Gouverneur, « conjointement considérés » avec les Trois États et les députés de Valangin, les vingt et une Cours de jus
321 onjointement considérés » avec les Trois États et les députés de Valangin, les vingt et une Cours de justice locales, les C
322 considérés » avec les Trois États et les députés de Valangin, les vingt et une Cours de justice locales, les Châtelains e
323 avec les Trois États et les députés de Valangin, les vingt et une Cours de justice locales, les Châtelains et les Maires d
324 t les députés de Valangin, les vingt et une Cours de justice locales, les Châtelains et les Maires de districts, et cent a
325 angin, les vingt et une Cours de justice locales, les Châtelains et les Maires de districts, et cent autres emplois ou dign
326 t une Cours de justice locales, les Châtelains et les Maires de districts, et cent autres emplois ou dignités, exerçaient l
327 de justice locales, les Châtelains et les Maires de districts, et cent autres emplois ou dignités, exerçaient leurs pouvo
328 rés mais jalousement distincts, dans une capitale de trois-mille habitants, un pays de quarante mille bons et fidèles suje
329 ns une capitale de trois-mille habitants, un pays de quarante mille bons et fidèles sujets…   « En 1818 déjà — écrit M. A
330 rit M. Arthur Piaget dans sa remarquable Histoire de la révolution neuchâteloise — le Procureur général de Rougemont… cons
331 M. Arthur Piaget dans sa remarquable Histoire de la révolution neuchâteloise — le Procureur général de Rougemont… considé
332 rquable Histoire de la révolution neuchâteloise —  le Procureur général de Rougemont… considérait la monarchie comme fatale
333 — le Procureur général de Rougemont… considérait la monarchie comme fatalement condamnée » (II. 242). « Il jugeait ridicu
334 e » (II. 242). « Il jugeait ridicule et dangereux l’ esprit de caste et de famille qui régnait à Neuchâtel. Dieu nous prése
335 242). « Il jugeait ridicule et dangereux l’esprit de caste et de famille qui régnait à Neuchâtel. Dieu nous préserve, écri
336 ugeait ridicule et dangereux l’esprit de caste et de famille qui régnait à Neuchâtel. Dieu nous préserve, écrivait-il, des
337 ous préserve, écrivait-il, des parvenus par droit de naissance et de fortune qui clabaudent contre ceux qui parviennent pa
338 rivait-il, des parvenus par droit de naissance et de fortune qui clabaudent contre ceux qui parviennent par droits de tale
339 clabaudent contre ceux qui parviennent par droits de talents et de vertus. Il estimait ces prétentions déplacées dans un p
340 tre ceux qui parviennent par droits de talents et de vertus. Il estimait ces prétentions déplacées dans un pays où la plus
341 stimait ces prétentions déplacées dans un pays où la plus ancienne noblesse n’est pas chapitrale, où les trois quarts de l
342 a plus ancienne noblesse n’est pas chapitrale, où les trois quarts de la noblesse trouvent des paysans aux quatrième et cin
343 oblesse n’est pas chapitrale, où les trois quarts de la noblesse trouvent des paysans aux quatrième et cinquième échelons
344 esse n’est pas chapitrale, où les trois quarts de la noblesse trouvent des paysans aux quatrième et cinquième échelons en
345 l’un des principaux artisans du « cantonnement » de Neuchâtel, c’est-à-dire de son inclusion, mais sans changer de régime
346 ns du « cantonnement » de Neuchâtel, c’est-à-dire de son inclusion, mais sans changer de régime, dans le Corps helvétique.
347 c’est-à-dire de son inclusion, mais sans changer de régime, dans le Corps helvétique.   Dès la chute de Napoléon, et malg
348 son inclusion, mais sans changer de régime, dans le Corps helvétique.   Dès la chute de Napoléon, et malgré la Restaurati
349 hanger de régime, dans le Corps helvétique.   Dès la chute de Napoléon, et malgré la Restauration, l’on s’aperçut que ce b
350 régime, dans le Corps helvétique.   Dès la chute de Napoléon, et malgré la Restauration, l’on s’aperçut que ce beau mouve
351 helvétique.   Dès la chute de Napoléon, et malgré la Restauration, l’on s’aperçut que ce beau mouvement d’horlogerie fine
352 la chute de Napoléon, et malgré la Restauration, l’ on s’aperçut que ce beau mouvement d’horlogerie fine retardait sans es
353 estauration, l’on s’aperçut que ce beau mouvement d’ horlogerie fine retardait sans espoir sur l’heure du siècle, avancée p
354 ement d’horlogerie fine retardait sans espoir sur l’ heure du siècle, avancée pour le reste de l’Europe par la Révolution,
355 t sans espoir sur l’heure du siècle, avancée pour le reste de l’Europe par la Révolution, puis par l’Empire, dans le sens
356 poir sur l’heure du siècle, avancée pour le reste de l’Europe par la Révolution, puis par l’Empire, dans le sens des droit
357 r sur l’heure du siècle, avancée pour le reste de l’ Europe par la Révolution, puis par l’Empire, dans le sens des droits i
358 du siècle, avancée pour le reste de l’Europe par la Révolution, puis par l’Empire, dans le sens des droits individuels et
359 le reste de l’Europe par la Révolution, puis par l’ Empire, dans le sens des droits individuels et de la tyrannie collecti
360 Europe par la Révolution, puis par l’Empire, dans le sens des droits individuels et de la tyrannie collective. La populati
361 l’Empire, dans le sens des droits individuels et de la tyrannie collective. La population s’accroissait, le commerce pros
362 Empire, dans le sens des droits individuels et de la tyrannie collective. La population s’accroissait, le commerce prospér
363 droits individuels et de la tyrannie collective. La population s’accroissait, le commerce prospérait, l’industrie naissai
364 tyrannie collective. La population s’accroissait, le commerce prospérait, l’industrie naissait, les radicaux triomphaient
365 population s’accroissait, le commerce prospérait, l’ industrie naissait, les radicaux triomphaient partout. Il était temps
366 it, le commerce prospérait, l’industrie naissait, les radicaux triomphaient partout. Il était temps d’adopter l’heure de Be
367 les radicaux triomphaient partout. Il était temps d’ adopter l’heure de Berne. Et ce fut 1848.  
368 ux triomphaient partout. Il était temps d’adopter l’ heure de Berne. Et ce fut 1848.  
369 phaient partout. Il était temps d’adopter l’heure de Berne. Et ce fut 1848.  
4 1948, Suite neuchâteloise. IV
370 famille parmi d’autres, et qui n’a guère cherché d’ illustration en dehors des limites de la communauté qu’elle a servie p
371 uère cherché d’illustration en dehors des limites de la communauté qu’elle a servie pendant cinq siècles. Dans l’ascendanc
372 e cherché d’illustration en dehors des limites de la communauté qu’elle a servie pendant cinq siècles. Dans l’ascendance d
373 nauté qu’elle a servie pendant cinq siècles. Dans l’ ascendance directe de mon père, je trouve d’abord, dès la Réforme, deu
374 e pendant cinq siècles. Dans l’ascendance directe de mon père, je trouve d’abord, dès la Réforme, deux « ministres du sain
375 dance directe de mon père, je trouve d’abord, dès la Réforme, deux « ministres du saint Évangile » et deux juges. À partir
376 ngile » et deux juges. À partir du xviie siècle, les généalogies que j’ai pu consulter ne mentionnent plus que des charges
377 es Assises, membres du Petit Conseil, conseillers d’ État, enfin Procureur général de la Principauté. Puis survient la révo
378 rocureur général de la Principauté. Puis survient la révolution dont nous allons célébrer le centenaire, et le dessaisisse
379 survient la révolution dont nous allons célébrer le centenaire, et le dessaisissement du patriciat ; de là cette notice s
380 ution dont nous allons célébrer le centenaire, et le dessaisissement du patriciat ; de là cette notice symbolique : Denis-
381 centenaire, et le dessaisissement du patriciat ; de là cette notice symbolique : Denis-François-Henry, rentier. (Un renti
382 hômeur riche.) Suivent mon grand-père, professeur de théologie, et mon père, pasteur. Cela fait, au début et à la fin, pas
383 e, et mon père, pasteur. Cela fait, au début et à la fin, pas mal de robes et de rabats, soit de justice, soit d’église ;
384 pasteur. Cela fait, au début et à la fin, pas mal de robes et de rabats, soit de justice, soit d’église ; et entre-temps p
385 a fait, au début et à la fin, pas mal de robes et de rabats, soit de justice, soit d’église ; et entre-temps plus de deux
386 et à la fin, pas mal de robes et de rabats, soit de justice, soit d’église ; et entre-temps plus de deux siècles de parti
387 mal de robes et de rabats, soit de justice, soit d’ église ; et entre-temps plus de deux siècles de participation continue
388 t de justice, soit d’église ; et entre-temps plus de deux siècles de participation continuelle au gouvernement du pays. Au
389 it d’église ; et entre-temps plus de deux siècles de participation continuelle au gouvernement du pays. Au xixe siècle, N
390 t du pays. Au xixe siècle, Neuchâtel ayant cessé d’ être ce qu’il conviendrait de nommer une aristocratie républicaine au
391 euchâtel ayant cessé d’être ce qu’il conviendrait de nommer une aristocratie républicaine au Prince lointain, cette dynast
392 e républicaine au Prince lointain, cette dynastie de conseillers d’État se tourne vers la vie intellectuelle. D’où septant
393 au Prince lointain, cette dynastie de conseillers d’ État se tourne vers la vie intellectuelle. D’où septante-six ouvrages
394 tte dynastie de conseillers d’État se tourne vers la vie intellectuelle. D’où septante-six ouvrages publiés par des Rougem
395 lers d’État se tourne vers la vie intellectuelle. D’ où septante-six ouvrages publiés par des Rougemont en Suisse, en Franc
396 e et en Allemagne, entre 1830 et 1900. Et cela va d’ un essai sur Socrate et Jésus-Christ jusqu’à des Observations sur l’or
397 rate et Jésus-Christ jusqu’à des Observations sur l’ organe détonant du Brachinus crepitans, en passant par un Précis de gé
398 du Brachinus crepitans, en passant par un Précis de géographie comparée et Quelques mots sur les nombres rythmiques de la
399 récis de géographie comparée et Quelques mots sur les nombres rythmiques de la prophétie…   « L’ennui que j’aime à trouver
400 parée et Quelques mots sur les nombres rythmiques de la prophétie…   « L’ennui que j’aime à trouver au fond de l’histoire
401 ée et Quelques mots sur les nombres rythmiques de la prophétie…   « L’ennui que j’aime à trouver au fond de l’histoire n’
402 sur les nombres rythmiques de la prophétie…   «  L’ ennui que j’aime à trouver au fond de l’histoire n’est pas du goût de
403 phétie…   « L’ennui que j’aime à trouver au fond de l’histoire n’est pas du goût de chacun », notait Chateaubriand dans s
404 tie…   « L’ennui que j’aime à trouver au fond de l’ histoire n’est pas du goût de chacun », notait Chateaubriand dans ses
405 à trouver au fond de l’histoire n’est pas du goût de chacun », notait Chateaubriand dans ses Mémoires. Mais c’est par le d
406 t Chateaubriand dans ses Mémoires. Mais c’est par le détail qu’on connaît une famille, par une famille l’histoire d’un pay
407 détail qu’on connaît une famille, par une famille l’ histoire d’un pays, et surtout d’un petit pays. Ainsi l’on répète volo
408 n connaît une famille, par une famille l’histoire d’ un pays, et surtout d’un petit pays. Ainsi l’on répète volontiers que
409 par une famille l’histoire d’un pays, et surtout d’ un petit pays. Ainsi l’on répète volontiers que la Suisse est le « car
410 oire d’un pays, et surtout d’un petit pays. Ainsi l’ on répète volontiers que la Suisse est le « carrefour de l’Europe ». P
411 d’un petit pays. Ainsi l’on répète volontiers que la Suisse est le « carrefour de l’Europe ». Pour vérifier ce lieu commun
412 s. Ainsi l’on répète volontiers que la Suisse est le « carrefour de l’Europe ». Pour vérifier ce lieu commun, examinons de
413 épète volontiers que la Suisse est le « carrefour de l’Europe ». Pour vérifier ce lieu commun, examinons deux prises micro
414 te volontiers que la Suisse est le « carrefour de l’ Europe ». Pour vérifier ce lieu commun, examinons deux prises microsco
415 aminons deux prises microscopiques prélevées dans les archives de ma famille. Sur les trente-deux ancêtres de mon père à la
416 prises microscopiques prélevées dans les archives de ma famille. Sur les trente-deux ancêtres de mon père à la cinquième g
417 es prélevées dans les archives de ma famille. Sur les trente-deux ancêtres de mon père à la cinquième génération, je compte
418 hives de ma famille. Sur les trente-deux ancêtres de mon père à la cinquième génération, je compte quatorze Neuchâtelois,
419 puis une Allemande. Et des trois autres branches de leur famille, au début du xixe siècle, deux sont en train de devenir
420 e l’un des traits qu’ont en commun presque toutes les anciennes familles de ce pays manque à la mienne : point de militaire
421 t en commun presque toutes les anciennes familles de ce pays manque à la mienne : point de militaires parmi les ascendants
422 es familles de ce pays manque à la mienne : point de militaires parmi les ascendants directs du nom de mon père. Par les f
423 ys manque à la mienne : point de militaires parmi les ascendants directs du nom de mon père. Par les femmes, on en trouve q
424 de militaires parmi les ascendants directs du nom de mon père. Par les femmes, on en trouve quelques-uns, mais là encore l
425 mi les ascendants directs du nom de mon père. Par les femmes, on en trouve quelques-uns, mais là encore les traditions inte
426 femmes, on en trouve quelques-uns, mais là encore les traditions intellectuelles et politiques restent les plus marquées. F
427 traditions intellectuelles et politiques restent les plus marquées. François-Antoine III, mon quadrisaïeul, épouse Henriet
428 ïeul, épouse Henriette de Montmollin : elle était la petite-fille du « grand Ostervald », traducteur de la Bible admiré pa
429 a petite-fille du « grand Ostervald », traducteur de la Bible admiré par Fénelon, auteur de vingt traités sur la morale, l
430 etite-fille du « grand Ostervald », traducteur de la Bible admiré par Fénelon, auteur de vingt traités sur la morale, la l
431 traducteur de la Bible admiré par Fénelon, auteur de vingt traités sur la morale, la liturgie et la théologie qui furent t
432 e admiré par Fénelon, auteur de vingt traités sur la morale, la liturgie et la théologie qui furent traduits dans toute l’
433 r Fénelon, auteur de vingt traités sur la morale, la liturgie et la théologie qui furent traduits dans toute l’Europe, et
434 ur de vingt traités sur la morale, la liturgie et la théologie qui furent traduits dans toute l’Europe, et qui le firent a
435 ie et la théologie qui furent traduits dans toute l’ Europe, et qui le firent appeler par Newton « le plus chrétien de tous
436 e qui furent traduits dans toute l’Europe, et qui le firent appeler par Newton « le plus chrétien de tous les hommes », vi
437 e l’Europe, et qui le firent appeler par Newton «  le plus chrétien de tous les hommes », vir omnium christianissimus. Mon
438 i le firent appeler par Newton « le plus chrétien de tous les hommes », vir omnium christianissimus. Mon trisaïeul, le Pro
439 ent appeler par Newton « le plus chrétien de tous les hommes », vir omnium christianissimus. Mon trisaïeul, le Procureur gé
440 es », vir omnium christianissimus. Mon trisaïeul, le Procureur général, épouse Charlotte d’Ostervald, arrière-petite-fille
441 pouse Charlotte d’Ostervald, arrière-petite-fille de l’illustre pasteur. Le fils du Procureur épouse Marie-Philippine du B
442 se Charlotte d’Ostervald, arrière-petite-fille de l’ illustre pasteur. Le fils du Procureur épouse Marie-Philippine du Buat
443 vald, arrière-petite-fille de l’illustre pasteur. Le fils du Procureur épouse Marie-Philippine du Buat-Nançay, dans l’asce
444 reur épouse Marie-Philippine du Buat-Nançay, dans l’ ascendance de laquelle je trouve deux mathématiciens et ingénieurs, un
445 arie-Philippine du Buat-Nançay, dans l’ascendance de laquelle je trouve deux mathématiciens et ingénieurs, un diplomate et
446 urs, un diplomate et historien, une alliance avec la fille de Corneille, et plus haut, dès le xiie siècle, de fréquents d
447 iplomate et historien, une alliance avec la fille de Corneille, et plus haut, dès le xiie siècle, de fréquents donateurs
448 nce avec la fille de Corneille, et plus haut, dès le xiie siècle, de fréquents donateurs à l’Abbaye de la Trappe.   « N’o
449 de Corneille, et plus haut, dès le xiie siècle, de fréquents donateurs à l’Abbaye de la Trappe.   « N’oublie jamais », m
450 ut, dès le xiie siècle, de fréquents donateurs à l’ Abbaye de la Trappe.   « N’oublie jamais », me disait un de mes oncles
451 e xiie siècle, de fréquents donateurs à l’Abbaye de la Trappe.   « N’oublie jamais », me disait un de mes oncles, « que p
452 iie siècle, de fréquents donateurs à l’Abbaye de la Trappe.   « N’oublie jamais », me disait un de mes oncles, « que plus
453 de la Trappe.   « N’oublie jamais », me disait un de mes oncles, « que plus l’ancêtre dont on se réclame est éloigné, moin
454 jamais », me disait un de mes oncles, « que plus l’ ancêtre dont on se réclame est éloigné, moins on a de chances de tenir
455 ncêtre dont on se réclame est éloigné, moins on a de chances de tenir de lui. » Et que valent en effet ces noms, ces souve
456 on se réclame est éloigné, moins on a de chances de tenir de lui. » Et que valent en effet ces noms, ces souvenirs, ces a
457 clame est éloigné, moins on a de chances de tenir de lui. » Et que valent en effet ces noms, ces souvenirs, ces ascendance
458 noms, ces souvenirs, ces ascendances ? Rien, dit l’ époque, non sans irritation. Une science assez récente, mais déjà démo
459 e assez récente, mais déjà démodée, pensa réduire l’ orgueil humain en plaçant aux racines des arbres les plus nobles, au l
460 ’orgueil humain en plaçant aux racines des arbres les plus nobles, au lieu d’un demi-dieu, d’un héros ou d’un saint, un sin
461 s arbres les plus nobles, au lieu d’un demi-dieu, d’ un héros ou d’un saint, un singe au naturel, en guise d’armes parlante
462 lus nobles, au lieu d’un demi-dieu, d’un héros ou d’ un saint, un singe au naturel, en guise d’armes parlantes du beau myth
463 naturel, en guise d’armes parlantes du beau mythe de l’Égalité… Et pourtant si le « grand Ostervald », si Corneille, si la
464 urel, en guise d’armes parlantes du beau mythe de l’ Égalité… Et pourtant si le « grand Ostervald », si Corneille, si la Tr
465 lantes du beau mythe de l’Égalité… Et pourtant si le « grand Ostervald », si Corneille, si la Trappe sont bien loin — et i
466 rtant si le « grand Ostervald », si Corneille, si la Trappe sont bien loin — et ils le sont — que dire du Singe ? Je me ré
467 i Corneille, si la Trappe sont bien loin — et ils le sont — que dire du Singe ? Je me répète la phrase de mon oncle.   En
468 et ils le sont — que dire du Singe ? Je me répète la phrase de mon oncle.   En revanche, comment ne pas croire à l’influen
469 sont — que dire du Singe ? Je me répète la phrase de mon oncle.   En revanche, comment ne pas croire à l’influence des pro
470 mon oncle.   En revanche, comment ne pas croire à l’ influence des professions héréditaires, du rôle social tenu pendant de
471 yeux, jusque dans ses fonctions ecclésiastiques, l’ idée du serviteur de la cité, c’est qu’en lui durait toute une race co
472 es fonctions ecclésiastiques, l’idée du serviteur de la cité, c’est qu’en lui durait toute une race consacrée à la chose p
473 fonctions ecclésiastiques, l’idée du serviteur de la cité, c’est qu’en lui durait toute une race consacrée à la chose publ
474 c’est qu’en lui durait toute une race consacrée à la chose publique, préférant la charge à l’honneur, l’autorité réelle au
475 une race consacrée à la chose publique, préférant la charge à l’honneur, l’autorité réelle au bénéfice, et le respect des
476 sacrée à la chose publique, préférant la charge à l’ honneur, l’autorité réelle au bénéfice, et le respect des principes au
477 chose publique, préférant la charge à l’honneur, l’ autorité réelle au bénéfice, et le respect des principes aux intérêts.
478 ge à l’honneur, l’autorité réelle au bénéfice, et le respect des principes aux intérêts. Si jamais la noblesse a valu quel
479 le respect des principes aux intérêts. Si jamais la noblesse a valu quelque chose, c’est quand elle a dédaigné toutes les
480 quelque chose, c’est quand elle a dédaigné toutes les « preuves » qui n’étaient pas celle de l’obligation. Je crois que tou
481 né toutes les « preuves » qui n’étaient pas celle de l’obligation. Je crois que toute autre considération sur ce sujet sem
482 toutes les « preuves » qui n’étaient pas celle de l’ obligation. Je crois que toute autre considération sur ce sujet sembla
483 ur ce sujet semblait aux yeux de mon père indigne d’ une pensée. Et certes, il n’en parlait jamais. Le peu que j’en dis l’e
484 d’une pensée. Et certes, il n’en parlait jamais. Le peu que j’en dis l’eût gêné. Mais ce sens naturel du service, il lui
485 rtes, il n’en parlait jamais. Le peu que j’en dis l’ eût gêné. Mais ce sens naturel du service, il lui fut donné de l’exerc
486 Mais ce sens naturel du service, il lui fut donné de l’exercer dans d’autres dimensions humaines que celles du petit État
487 s ce sens naturel du service, il lui fut donné de l’ exercer dans d’autres dimensions humaines que celles du petit État de
488 tres dimensions humaines que celles du petit État de ses aïeux, aussi riche en coutumes fort sages qu’en préjugés invétéré
489 vétérés. Il trouvait dans son héritage des vertus de prudence, d’ordre et d’autorité, un goût marqué pour l’argumentation
490 rouvait dans son héritage des vertus de prudence, d’ ordre et d’autorité, un goût marqué pour l’argumentation et la dialect
491 s son héritage des vertus de prudence, d’ordre et d’ autorité, un goût marqué pour l’argumentation et la dialectique légali
492 dence, d’ordre et d’autorité, un goût marqué pour l’ argumentation et la dialectique légaliste, qui l’eussent conduit, en d
493 ’autorité, un goût marqué pour l’argumentation et la dialectique légaliste, qui l’eussent conduit, en d’autres temps, vers
494 l’argumentation et la dialectique légaliste, qui l’ eussent conduit, en d’autres temps, vers une carrière d’homme politiqu
495 ent conduit, en d’autres temps, vers une carrière d’ homme politique ou d’homme de loi, dans un style dignified à l’anglais
496 res temps, vers une carrière d’homme politique ou d’ homme de loi, dans un style dignified à l’anglaise. Le ministère pasto
497 s, vers une carrière d’homme politique ou d’homme de loi, dans un style dignified à l’anglaise. Le ministère pastoral le c
498 ique ou d’homme de loi, dans un style dignified à l’ anglaise. Le ministère pastoral le conduisit vers de plus humbles tâch
499 mme de loi, dans un style dignified à l’anglaise. Le ministère pastoral le conduisit vers de plus humbles tâches, en Dieu
500 yle dignified à l’anglaise. Le ministère pastoral le conduisit vers de plus humbles tâches, en Dieu plus grandes, et vers
501 lus humbles tâches, en Dieu plus grandes, et vers la liberté de l’esprit. Sa première allégeance était l’Église, et par là
502 tâches, en Dieu plus grandes, et vers la liberté de l’esprit. Sa première allégeance était l’Église, et par là même l’uni
503 ches, en Dieu plus grandes, et vers la liberté de l’ esprit. Sa première allégeance était l’Église, et par là même l’univer
504 liberté de l’esprit. Sa première allégeance était l’ Église, et par là même l’universel, c’est-à-dire le prochain quel qu’i
505 remière allégeance était l’Église, et par là même l’ universel, c’est-à-dire le prochain quel qu’il soit, être souvent biza
506 ’Église, et par là même l’universel, c’est-à-dire le prochain quel qu’il soit, être souvent bizarre et mystérieux qu’il fa
507 arre et mystérieux qu’il faut comprendre avant de l’ aider, qu’il faut aimer si l’on veut le comprendre. Sa tradition, cepe
508 comprendre avant de l’aider, qu’il faut aimer si l’ on veut le comprendre. Sa tradition, cependant, était d’autorité, de j
509 e avant de l’aider, qu’il faut aimer si l’on veut le comprendre. Sa tradition, cependant, était d’autorité, de justes prop
510 eut le comprendre. Sa tradition, cependant, était d’ autorité, de justes proportions et de raison gardée. Contradiction sec
511 endre. Sa tradition, cependant, était d’autorité, de justes proportions et de raison gardée. Contradiction secrète de sa v
512 ndant, était d’autorité, de justes proportions et de raison gardée. Contradiction secrète de sa vie et source de sa vraie
513 rtions et de raison gardée. Contradiction secrète de sa vie et source de sa vraie richesse. De là sa modestie frappante, s
514 gardée. Contradiction secrète de sa vie et source de sa vraie richesse. De là sa modestie frappante, sa tolérance acquise
515 secrète de sa vie et source de sa vraie richesse. De là sa modestie frappante, sa tolérance acquise non sans luttes, mais
516 nce acquise non sans luttes, mais sa fermeté dans le conseil ; son accueil aux idées nouvelles, mais ses convictions milit
517 foncier, mais ses brusques indignations. Il avait le goût classique de la claire ordonnance, mais non moins de la justice
518 brusques indignations. Il avait le goût classique de la claire ordonnance, mais non moins de la justice sociale, et quand
519 sques indignations. Il avait le goût classique de la claire ordonnance, mais non moins de la justice sociale, et quand il
520 classique de la claire ordonnance, mais non moins de la justice sociale, et quand il le fallait, de la protestation, sobre
521 ssique de la claire ordonnance, mais non moins de la justice sociale, et quand il le fallait, de la protestation, sobre, e
522 mais non moins de la justice sociale, et quand il le fallait, de la protestation, sobre, efficace et désintéressée. Toujou
523 ns de la justice sociale, et quand il le fallait, de la protestation, sobre, efficace et désintéressée. Toujours saisi d’u
524 de la justice sociale, et quand il le fallait, de la protestation, sobre, efficace et désintéressée. Toujours saisi d’un m
525 sobre, efficace et désintéressée. Toujours saisi d’ un mouvement de retrait devant une charge honorifique, jamais devant l
526 e et désintéressée. Toujours saisi d’un mouvement de retrait devant une charge honorifique, jamais devant les risques et l
527 rait devant une charge honorifique, jamais devant les risques et les déboires d’un témoignage vigilant ; père, citoyen, pas
528 charge honorifique, jamais devant les risques et les déboires d’un témoignage vigilant ; père, citoyen, pasteur de ses tro
529 ifique, jamais devant les risques et les déboires d’ un témoignage vigilant ; père, citoyen, pasteur de ses troupeaux, et v
530 d’un témoignage vigilant ; père, citoyen, pasteur de ses troupeaux, et vibrant défenseur de l’honneur protestant, il était
531 n, pasteur de ses troupeaux, et vibrant défenseur de l’honneur protestant, il était au plein sens du mot l’homme engagé, c
532 pasteur de ses troupeaux, et vibrant défenseur de l’ honneur protestant, il était au plein sens du mot l’homme engagé, celu
533 honneur protestant, il était au plein sens du mot l’ homme engagé, celui qui ne revendique rien pour soi, tout pour « la Ca
534 elui qui ne revendique rien pour soi, tout pour «  la Cause », comme il aimait à dire. Quand il m’arrive de louer dans mes
535 ause », comme il aimait à dire. Quand il m’arrive de louer dans mes ouvrages le civisme des protestants, c’est à l’exemple
536 ire. Quand il m’arrive de louer dans mes ouvrages le civisme des protestants, c’est à l’exemple de mon père que j’ai pensé
537 l’exemple de mon père que j’ai pensé ; et ce mot d’ engagement, dont on abuse, d’où l’aurais-je pris si ce n’est de sa vie
538 ai pensé ; et ce mot d’engagement, dont on abuse, d’ où l’aurais-je pris si ce n’est de sa vie — l’une des très rares vies
539 nsé ; et ce mot d’engagement, dont on abuse, d’où l’ aurais-je pris si ce n’est de sa vie — l’une des très rares vies d’hom
540 dont on abuse, d’où l’aurais-je pris si ce n’est de sa vie — l’une des très rares vies d’homme que j’ai connues de près,
541 si ce n’est de sa vie — l’une des très rares vies d’ homme que j’ai connues de près, qui commandât mon absolu respect.   Au
542 ’une des très rares vies d’homme que j’ai connues de près, qui commandât mon absolu respect.   Au-delà de l’exemple vivant
543 près, qui commandât mon absolu respect.   Au-delà de l’exemple vivant, du destin vécu de mon père, qu’irais-je encore cher
544 s, qui commandât mon absolu respect.   Au-delà de l’ exemple vivant, du destin vécu de mon père, qu’irais-je encore cherche
545 ct.   Au-delà de l’exemple vivant, du destin vécu de mon père, qu’irais-je encore chercher dans le passé ? Si j’y suis rem
546 écu de mon père, qu’irais-je encore chercher dans le passé ? Si j’y suis remonté, c’était pour mieux saisir l’enseignement
547  ? Si j’y suis remonté, c’était pour mieux saisir l’ enseignement d’une vie où s’est fondée ma vie. Sur le fond d’une tradi
548 remonté, c’était pour mieux saisir l’enseignement d’ une vie où s’est fondée ma vie. Sur le fond d’une tradition qui la rel
549 nseignement d’une vie où s’est fondée ma vie. Sur le fond d’une tradition qui la reliait à notre histoire et à l’ancienne
550 ent d’une vie où s’est fondée ma vie. Sur le fond d’ une tradition qui la reliait à notre histoire et à l’ancienne communau
551 st fondée ma vie. Sur le fond d’une tradition qui la reliait à notre histoire et à l’ancienne communauté, j’ai mieux disti
552 ne tradition qui la reliait à notre histoire et à l’ ancienne communauté, j’ai mieux distingué, par contraste, son humanité
553 ontraste, son humanité singulière. Et maintenant, la fidélité même à cet exemple m’inciterait à ne point m’attarder. (J’en
554 encore comme il disait jour après jour : « Aller de l’avant ! ») L’honneur à rendre au père, selon le Décalogue, n’est pa
555 core comme il disait jour après jour : « Aller de l’ avant ! ») L’honneur à rendre au père, selon le Décalogue, n’est pas u
556 disait jour après jour : « Aller de l’avant ! ») L’ honneur à rendre au père, selon le Décalogue, n’est pas un culte des a
557 de l’avant ! ») L’honneur à rendre au père, selon le Décalogue, n’est pas un culte des ancêtres. Et pourtant, quelle est c
558 ent : « …afin que tes jours soient prolongés dans le pays que Dieu te donne » ? Il me semble aujourd’hui que pour la premi
559 r mourir centenaire !) Prolongés vers cet au-delà de la mémoire individuelle, le passé qui se passe en nous, et sans leque
560 ourir centenaire !) Prolongés vers cet au-delà de la mémoire individuelle, le passé qui se passe en nous, et sans lequel i
561 ngés vers cet au-delà de la mémoire individuelle, le passé qui se passe en nous, et sans lequel il n’y aurait jamais de pl
562 asse en nous, et sans lequel il n’y aurait jamais de plénitude du présent. Jours prolongés comme un accord qui réveille au
563 rs prolongés comme un accord qui réveille au loin l’ harmonique et qui fait vibrer tous les temps, créant notre avenir auss
564 ille au loin l’harmonique et qui fait vibrer tous les temps, créant notre avenir aussi, parce qu’il ouvre l’attente ardente
565 mps, créant notre avenir aussi, parce qu’il ouvre l’ attente ardente de sa résolution — de son pardon. Jours de nos vies, c
566 avenir aussi, parce qu’il ouvre l’attente ardente de sa résolution — de son pardon. Jours de nos vies, comptés de toute ét
567 qu’il ouvre l’attente ardente de sa résolution —  de son pardon. Jours de nos vies, comptés de toute éternité, mais prolon
568 e ardente de sa résolution — de son pardon. Jours de nos vies, comptés de toute éternité, mais prolongés par l’acte de pié
569 ution — de son pardon. Jours de nos vies, comptés de toute éternité, mais prolongés par l’acte de piété à la durée des siè
570 es, comptés de toute éternité, mais prolongés par l’ acte de piété à la durée des siècles écoulés et futurs de ce « pays qu
571 ptés de toute éternité, mais prolongés par l’acte de piété à la durée des siècles écoulés et futurs de ce « pays que Dieu
572 te éternité, mais prolongés par l’acte de piété à la durée des siècles écoulés et futurs de ce « pays que Dieu nous donne 
573 de piété à la durée des siècles écoulés et futurs de ce « pays que Dieu nous donne ».  
5 1948, Suite neuchâteloise. V
574 V J’ai refermé les livres, les mémoires. L’année finit. J’écris sans hâte. Quel silence 
575 V J’ai refermé les livres, les mémoires. L’année finit. J’écris sans hâte. Quel silence ! Et je m’at
576 V J’ai refermé les livres, les mémoires. L’ année finit. J’écris sans hâte. Quel silence ! Et je m’attarde à suivr
577 ’attarde à suivre encore ces harmoniques, comme à l’ écoute clandestine, l’oreille au son d’un passé qui faiblit mais qui n
578 re ces harmoniques, comme à l’écoute clandestine, l’ oreille au son d’un passé qui faiblit mais qui n’a pas terminé son mes
579 s, comme à l’écoute clandestine, l’oreille au son d’ un passé qui faiblit mais qui n’a pas terminé son message. Il me parle
580 né son message. Il me parle ce soir de plus loin, d’ au-delà de mon petit pays, dans l’espace et le temps d’une plus vaste
581 sage. Il me parle ce soir de plus loin, d’au-delà de mon petit pays, dans l’espace et le temps d’une plus vaste patrie. Le
582 r de plus loin, d’au-delà de mon petit pays, dans l’ espace et le temps d’une plus vaste patrie. Les perspectives changent
583 in, d’au-delà de mon petit pays, dans l’espace et le temps d’une plus vaste patrie. Les perspectives changent à vue, verti
584 delà de mon petit pays, dans l’espace et le temps d’ une plus vaste patrie. Les perspectives changent à vue, vertige et gri
585 ans l’espace et le temps d’une plus vaste patrie. Les perspectives changent à vue, vertige et grisaille du temps. Une ligné
586 temps. Une lignée, une famille parmi d’autres… Je la voyais dans son canton ; mais dans la Suisse ; mais dans l’Europe, qu
587 ’autres… Je la voyais dans son canton ; mais dans la Suisse ; mais dans l’Europe, que devient ce fil rouge que je croyais
588 dans son canton ; mais dans la Suisse ; mais dans l’ Europe, que devient ce fil rouge que je croyais tenir ? Où vont se per
589 il rouge que je croyais tenir ? Où vont se perdre les sentiers de la mémoire, ces voies ouvertes à l’imagination ?   Il y a
590 je croyais tenir ? Où vont se perdre les sentiers de la mémoire, ces voies ouvertes à l’imagination ?   Il y a la petite p
591 croyais tenir ? Où vont se perdre les sentiers de la mémoire, ces voies ouvertes à l’imagination ?   Il y a la petite patr
592 les sentiers de la mémoire, ces voies ouvertes à l’ imagination ?   Il y a la petite patrie, la terre du père, celle qu’on
593 re, ces voies ouvertes à l’imagination ?   Il y a la petite patrie, la terre du père, celle qu’on peut parcourir en une jo
594 rtes à l’imagination ?   Il y a la petite patrie, la terre du père, celle qu’on peut parcourir en une journée et chaque jo
595 u’on peut parcourir en une journée et chaque jour de la vie sans se lasser, celle qu’un regard embrasse et détaille à lois
596 n peut parcourir en une journée et chaque jour de la vie sans se lasser, celle qu’un regard embrasse et détaille à loisir.
597 ’un regard embrasse et détaille à loisir. Au-delà de ses paysages et de sa proche histoire, il n’y a que l’imaginaire. Les
598 et détaille à loisir. Au-delà de ses paysages et de sa proche histoire, il n’y a que l’imaginaire. Les nations, les plus
599 s paysages et de sa proche histoire, il n’y a que l’ imaginaire. Les nations, les plus vastes patries n’ont jamais été vues
600 de sa proche histoire, il n’y a que l’imaginaire. Les nations, les plus vastes patries n’ont jamais été vues par personne :
601 histoire, il n’y a que l’imaginaire. Les nations, les plus vastes patries n’ont jamais été vues par personne : c’est l’espr
602 atries n’ont jamais été vues par personne : c’est l’ esprit qui les croit comme il croit au passé, à la tradition, à l’aven
603 jamais été vues par personne : c’est l’esprit qui les croit comme il croit au passé, à la tradition, à l’avenir. Plus tard,
604 l’esprit qui les croit comme il croit au passé, à la tradition, à l’avenir. Plus tard, dans les archives et les voyages, d
605 croit comme il croit au passé, à la tradition, à l’ avenir. Plus tard, dans les archives et les voyages, dans l’aventure e
606 assé, à la tradition, à l’avenir. Plus tard, dans les archives et les voyages, dans l’aventure et dans l’action, il ira vér
607 tion, à l’avenir. Plus tard, dans les archives et les voyages, dans l’aventure et dans l’action, il ira vérifier ce qu’il r
608 Plus tard, dans les archives et les voyages, dans l’ aventure et dans l’action, il ira vérifier ce qu’il rêvait. Mais c’est
609 archives et les voyages, dans l’aventure et dans l’ action, il ira vérifier ce qu’il rêvait. Mais c’est en lui qu’est la r
610 érifier ce qu’il rêvait. Mais c’est en lui qu’est la réalité sans laquelle il n’eût pas bougé. Ce qu’on touche — et ce qu’
611 pas bougé. Ce qu’on touche — et ce qu’on imagine, le pays qui nous tient par les pieds, par le cœur, et le rassemblement d
612 — et ce qu’on imagine, le pays qui nous tient par les pieds, par le cœur, et le rassemblement des nations invisibles, on no
613 magine, le pays qui nous tient par les pieds, par le cœur, et le rassemblement des nations invisibles, on nous dit que tou
614 ays qui nous tient par les pieds, par le cœur, et le rassemblement des nations invisibles, on nous dit que tout les oppose
615 ment des nations invisibles, on nous dit que tout les oppose, qu’il faut choisir l’un contre l’autre, et qu’entre ces amour
616 ntre l’autre, et qu’entre ces amours il n’est que de la haine. Comment un Suisse le croirait-il ? Si je me sens presque pa
617 e l’autre, et qu’entre ces amours il n’est que de la haine. Comment un Suisse le croirait-il ? Si je me sens presque parto
618 mours il n’est que de la haine. Comment un Suisse le croirait-il ? Si je me sens presque partout chez moi dans l’Europe fr
619 -il ? Si je me sens presque partout chez moi dans l’ Europe franco-germanique, c’est que d’abord je l’ai trouvée dans ma fa
620 l’Europe franco-germanique, c’est que d’abord je l’ ai trouvée dans ma famille, où tant de traditions se croisent et se ma
621 Pour moi comme pour tant d’autres Suisses, passer de la petite patrie à la plus vaste, ce n’est pas infidélité à ma race,
622 r moi comme pour tant d’autres Suisses, passer de la petite patrie à la plus vaste, ce n’est pas infidélité à ma race, à m
623 nt d’autres Suisses, passer de la petite patrie à la plus vaste, ce n’est pas infidélité à ma race, à mon clos natal. C’es
624 ace, à mon clos natal. C’est aimer plus loin dans le même sens.   Ainsi, pour me sentir Européen, nul besoin de quitter ce
625 ens.   Ainsi, pour me sentir Européen, nul besoin de quitter ce salon campagnard où je suis revenu m’asseoir : il me suffi
626 agnard où je suis revenu m’asseoir : il me suffit de méditer sur ses images, de remonter par elles à des sources lointaine
627 asseoir : il me suffit de méditer sur ses images, de remonter par elles à des sources lointaines. Grands portraits un peu
628 , gravures piquées et daguerréotypes. Que sais-je d’ eux, qui me regardent ? Cette aïeule au visage émacié, coiffé de longu
629 regardent ? Cette aïeule au visage émacié, coiffé de longues boucles noires, j’ai lu ses lettres. Dernière d’une lignée tr
630 ues boucles noires, j’ai lu ses lettres. Dernière d’ une lignée très catholique, elle cachait ses messages au fiancé suisse
631 , elle cachait ses messages au fiancé suisse dans l’ écorce d’un arbre, au fond du parc, et devenait protestante en secret.
632 chait ses messages au fiancé suisse dans l’écorce d’ un arbre, au fond du parc, et devenait protestante en secret. J’ai lu
633 devenait protestante en secret. J’ai lu ces pages de confidences pudiques, pleines d’idéal et de mélancolie, mais sans y r
634 ’ai lu ces pages de confidences pudiques, pleines d’ idéal et de mélancolie, mais sans y retrouver la trace des larmes dont
635 pages de confidences pudiques, pleines d’idéal et de mélancolie, mais sans y retrouver la trace des larmes dont elle écrit
636 s d’idéal et de mélancolie, mais sans y retrouver la trace des larmes dont elle écrit souvent qu’elles furent baignées. L’
637 dont elle écrit souvent qu’elles furent baignées. L’ on était vers 1830. Portrait de son grand-père, un chevalier de Malte,
638 s furent baignées. L’on était vers 1830. Portrait de son grand-père, un chevalier de Malte, membre correspondant de l’Inst
639 rs 1830. Portrait de son grand-père, un chevalier de Malte, membre correspondant de l’Institut. L’un de ses fils fut décap
640 père, un chevalier de Malte, membre correspondant de l’Institut. L’un de ses fils fut décapité au lendemain de l’affaire d
641 e, un chevalier de Malte, membre correspondant de l’ Institut. L’un de ses fils fut décapité au lendemain de l’affaire de Q
642 e Malte, membre correspondant de l’Institut. L’un de ses fils fut décapité au lendemain de l’affaire de Quiberon, sous la
643 titut. L’un de ses fils fut décapité au lendemain de l’affaire de Quiberon, sous la Terreur, deux ans après que sa petite
644 ut. L’un de ses fils fut décapité au lendemain de l’ affaire de Quiberon, sous la Terreur, deux ans après que sa petite cou
645 e ses fils fut décapité au lendemain de l’affaire de Quiberon, sous la Terreur, deux ans après que sa petite cousine Charl
646 apité au lendemain de l’affaire de Quiberon, sous la Terreur, deux ans après que sa petite cousine Charlotte ait cloué dan
647 né à Boudry, tout près d’ici. Que sais-je encore de cette famille éteinte ? Du fond des âges et de la forêt normande, il
648 re de cette famille éteinte ? Du fond des âges et de la forêt normande, il m’en revient un nom de Table ronde : Lucrèce d’
649 de cette famille éteinte ? Du fond des âges et de la forêt normande, il m’en revient un nom de Table ronde : Lucrèce d’Aub
650 s et de la forêt normande, il m’en revient un nom de Table ronde : Lucrèce d’Aubray, Dame de l’Aigle et du Lac… Cette autr
651 re aïeule qui me sourit dans sa mantille, retenue d’ une main sur la gorge opulente, vint de Béziers au temps des dragonnad
652 e sourit dans sa mantille, retenue d’une main sur la gorge opulente, vint de Béziers au temps des dragonnades. Parmi ses a
653 agonnades. Parmi ses ancêtres : Mirman, défenseur de la foi huguenote ; et plus haut des seigneurs dont certains furent ca
654 nnades. Parmi ses ancêtres : Mirman, défenseur de la foi huguenote ; et plus haut des seigneurs dont certains furent catha
655 cathares, Miramont, Cabrol et Vestric… Portrait d’ un général de la Garde prussienne. Souvenirs des tantes de Dresde et d
656 éral de la Garde prussienne. Souvenirs des tantes de Dresde et de Bavière…   On se trompe en croyant qu’un voyageur, à lon
657 rde prussienne. Souvenirs des tantes de Dresde et de Bavière…   On se trompe en croyant qu’un voyageur, à longueur de chem
658 n se trompe en croyant qu’un voyageur, à longueur de chemin, perd ses ancêtres : c’est eux parfois qu’il s’en va visiter,
659 parfois qu’il s’en va visiter, quand il parcourt le globe et vit chez l’étranger. Pourtant il s’interroge : comment l’eus
660 a visiter, quand il parcourt le globe et vit chez l’ étranger. Pourtant il s’interroge : comment l’eussent-ils reçu, gens d
661 hez l’étranger. Pourtant il s’interroge : comment l’ eussent-ils reçu, gens de leur terre, lui le nomade ? Qu’y a-t-il enco
662 il s’interroge : comment l’eussent-ils reçu, gens de leur terre, lui le nomade ? Qu’y a-t-il encore entre eux et lui ? Peu
663 mment l’eussent-ils reçu, gens de leur terre, lui le nomade ? Qu’y a-t-il encore entre eux et lui ? Peu de chose, ou rien
664 ncore entre eux et lui ? Peu de chose, ou rien si l’ on veut. Rien d’autre qu’un pouvoir sans doute fictif, et que peut-êtr
665 et lui ? Peu de chose, ou rien si l’on veut. Rien d’ autre qu’un pouvoir sans doute fictif, et que peut-être ils négligèren
666 e fictif, et que peut-être ils négligèrent, celui de se sentir chez soi dans leurs légendes. Les forêts enchantées où chev
667 celui de se sentir chez soi dans leurs légendes. Les forêts enchantées où chevauchait Lancelot, sous les ciels méditants d
668 s forêts enchantées où chevauchait Lancelot, sous les ciels méditants de l’Ouest celtique ; le Midi sec et enfiévré des tro
669 où chevauchait Lancelot, sous les ciels méditants de l’Ouest celtique ; le Midi sec et enfiévré des troubadours ; et de l’
670 chevauchait Lancelot, sous les ciels méditants de l’ Ouest celtique ; le Midi sec et enfiévré des troubadours ; et de l’aut
671 t, sous les ciels méditants de l’Ouest celtique ; le Midi sec et enfiévré des troubadours ; et de l’autre côté de l’Europe
672 ue ; le Midi sec et enfiévré des troubadours ; et de l’autre côté de l’Europe, aux marches slaves, ces burgs secrets de la
673 et enfiévré des troubadours ; et de l’autre côté de l’Europe, aux marches slaves, ces burgs secrets de la Prusse-Oriental
674 enfiévré des troubadours ; et de l’autre côté de l’ Europe, aux marches slaves, ces burgs secrets de la Prusse-Orientale,
675 e l’Europe, aux marches slaves, ces burgs secrets de la Prusse-Orientale, — tant de générations aux fortunes diverses ne m
676 ’Europe, aux marches slaves, ces burgs secrets de la Prusse-Orientale, — tant de générations aux fortunes diverses ne m’en
677 ’elles ne m’y lient ? Nous ne savons presque rien de l’hérédité. Mais quand on m’aura démontré que le sentiment d’obscure
678 les ne m’y lient ? Nous ne savons presque rien de l’ hérédité. Mais quand on m’aura démontré que le sentiment d’obscure rec
679 de l’hérédité. Mais quand on m’aura démontré que le sentiment d’obscure reconnaissance qui m’a toujours saisi dans ces pr
680 é. Mais quand on m’aura démontré que le sentiment d’ obscure reconnaissance qui m’a toujours saisi dans ces provinces ne do
681 mystères du sang, une idée chimérique ne cessera de me plaire : sur ces lieux où jadis des hommes dont je descends exercè
682 s hommes dont je descends exercèrent leurs droits de seigneurs, je garde encore un droit de rêve, d’imaginaire intimité. V
683 urs droits de seigneurs, je garde encore un droit de rêve, d’imaginaire intimité. Voilà un privilège qui ne peut gêner per
684 s de seigneurs, je garde encore un droit de rêve, d’ imaginaire intimité. Voilà un privilège qui ne peut gêner personne ! P
685 ut gêner personne ! Pourquoi ceux qui vivent pour l’ avenir et dans les voies de l’ambition jalouseraient-ils ceux qui parf
686  ! Pourquoi ceux qui vivent pour l’avenir et dans les voies de l’ambition jalouseraient-ils ceux qui parfois se plaisent à
687 i ceux qui vivent pour l’avenir et dans les voies de l’ambition jalouseraient-ils ceux qui parfois se plaisent à remonter
688 eux qui vivent pour l’avenir et dans les voies de l’ ambition jalouseraient-ils ceux qui parfois se plaisent à remonter dan
689 rfois se plaisent à remonter dans leur passé pour l’ agrandir ? Leurs imaginations se valent.  
6 1948, Suite neuchâteloise. VI
690 VI Ces retours sur l’ histoire d’un pays, où je cherchais à mieux situer les miens, m’ont pr
691 VI Ces retours sur l’histoire d’ un pays, où je cherchais à mieux situer les miens, m’ont proposé chemi
692 roposé chemin faisant quelques énigmes, et permis d’ entrevoir quelques réponses. Voici pourtant un fait que je m’explique
693 nt de culture, pour tant de livres lus, relus, et de bon choix, accumulés depuis des siècles dans les maisons publiques et
694 t de bon choix, accumulés depuis des siècles dans les maisons publiques et privées ; pour tant de livres publiés, aussi, n’
695 publiés, aussi, n’a rien produit qui marque dans la langue, à part la Bible d’Ostervald. Les ouvrages distingués ne manqu
696 ’a rien produit qui marque dans la langue, à part la Bible d’Ostervald. Les ouvrages distingués ne manquent pas. Mais les
697 roduit qui marque dans la langue, à part la Bible d’ Ostervald. Les ouvrages distingués ne manquent pas. Mais les seuls qui
698 rque dans la langue, à part la Bible d’Ostervald. Les ouvrages distingués ne manquent pas. Mais les seuls qui aient franchi
699 ld. Les ouvrages distingués ne manquent pas. Mais les seuls qui aient franchi nos limites sont ceux de nos théologiens, Ost
700 les seuls qui aient franchi nos limites sont ceux de nos théologiens, Ostervald encore, puis Godet ; et le Droit des gens
701 os théologiens, Ostervald encore, puis Godet ; et le Droit des gens de Vattel. Nous avons eu d’excellents historiens : l’a
702 tervald encore, puis Godet ; et le Droit des gens de Vattel. Nous avons eu d’excellents historiens : l’auteur de la Chroni
703 t ; et le Droit des gens de Vattel. Nous avons eu d’ excellents historiens : l’auteur de la Chronique des Chanoines (apocry
704 e Vattel. Nous avons eu d’excellents historiens : l’ auteur de la Chronique des Chanoines (apocryphe), Chambrier pour l’anc
705 Nous avons eu d’excellents historiens : l’auteur de la Chronique des Chanoines (apocryphe), Chambrier pour l’ancien régim
706 us avons eu d’excellents historiens : l’auteur de la Chronique des Chanoines (apocryphe), Chambrier pour l’ancien régime,
707 ronique des Chanoines (apocryphe), Chambrier pour l’ ancien régime, Arthur Piaget pour la Révolution, Philippe Godet pour M
708 hambrier pour l’ancien régime, Arthur Piaget pour la Révolution, Philippe Godet pour Madame de Charrière. Un moraliste au
709 ste au style subtil et naturel, Félix Bovet. Mais la littérature au sens étroit du terme — le roman, le poème, l’essai, le
710 et. Mais la littérature au sens étroit du terme —  le roman, le poème, l’essai, le jeu d’idées — est restée chez nous pauvr
711 a littérature au sens étroit du terme — le roman, le poème, l’essai, le jeu d’idées — est restée chez nous pauvre ou nulle
712 ure au sens étroit du terme — le roman, le poème, l’ essai, le jeu d’idées — est restée chez nous pauvre ou nulle. Nous n’a
713 ns étroit du terme — le roman, le poème, l’essai, le jeu d’idées — est restée chez nous pauvre ou nulle. Nous n’avons rien
714 it du terme — le roman, le poème, l’essai, le jeu d’ idées — est restée chez nous pauvre ou nulle. Nous n’avons rien tiré d
715 chez nous pauvre ou nulle. Nous n’avons rien tiré de grand ou d’émouvant d’une culture solide et variée, d’une nature cont
716 uvre ou nulle. Nous n’avons rien tiré de grand ou d’ émouvant d’une culture solide et variée, d’une nature contrastée de ch
717 le. Nous n’avons rien tiré de grand ou d’émouvant d’ une culture solide et variée, d’une nature contrastée de charme et de
718 and ou d’émouvant d’une culture solide et variée, d’ une nature contrastée de charme et de tristesse, ni même de la tension
719 culture solide et variée, d’une nature contrastée de charme et de tristesse, ni même de la tension des contraintes morales
720 e et variée, d’une nature contrastée de charme et de tristesse, ni même de la tension des contraintes morales, dont vécut
721 ure contrastée de charme et de tristesse, ni même de la tension des contraintes morales, dont vécut le roman victorien. Fa
722 contrastée de charme et de tristesse, ni même de la tension des contraintes morales, dont vécut le roman victorien. Faut-
723 de la tension des contraintes morales, dont vécut le roman victorien. Faut-il penser que cette culture fut trop mêlée, cet
724 isément tournées ? Je ne sais. Et tout cela, sauf la nature, est en train de changer rapidement. L’accent se gâte, la rhét
725 uf la nature, est en train de changer rapidement. L’ accent se gâte, la rhétorique n’est plus enseignée ni connue. L’histoi
726 en train de changer rapidement. L’accent se gâte, la rhétorique n’est plus enseignée ni connue. L’histoire et la théologie
727 te, la rhétorique n’est plus enseignée ni connue. L’ histoire et la théologie fuient le discours, ignorent le style. Entend
728 que n’est plus enseignée ni connue. L’histoire et la théologie fuient le discours, ignorent le style. Entendrons-nous un j
729 gnée ni connue. L’histoire et la théologie fuient le discours, ignorent le style. Entendrons-nous un jour quelqu’un qui ch
730 oire et la théologie fuient le discours, ignorent le style. Entendrons-nous un jour quelqu’un qui chante, ou crie, après d
731 s ? J’ai vu percer quelques poètes à nos vitrines de libraires…   Les Vaudois ont produit ou toléré Constant, Alexandre Vi
732 er quelques poètes à nos vitrines de libraires…   Les Vaudois ont produit ou toléré Constant, Alexandre Vinet, Ramuz ; les
733 duit ou toléré Constant, Alexandre Vinet, Ramuz ; les Genevois Calvin, de Bèze, Rousseau, Madame de Staël, Töpffer, Amiel…
734 nt, Alexandre Vinet, Ramuz ; les Genevois Calvin, de Bèze, Rousseau, Madame de Staël, Töpffer, Amiel… Je ne parle pas des
735 e cite que ceux dont un homme cultivé, dans toute l’ Europe, connaît au moins le nom. Nous n’avons rien de ce rang-là. Les
736 me cultivé, dans toute l’Europe, connaît au moins le nom. Nous n’avons rien de ce rang-là. Les visiteurs de Lausanne, de C
737 urope, connaît au moins le nom. Nous n’avons rien de ce rang-là. Les visiteurs de Lausanne, de Coppet, des coteaux de Colo
738 au moins le nom. Nous n’avons rien de ce rang-là. Les visiteurs de Lausanne, de Coppet, des coteaux de Cologny ou de Montre
739 m. Nous n’avons rien de ce rang-là. Les visiteurs de Lausanne, de Coppet, des coteaux de Cologny ou de Montreux, furent éc
740 ns rien de ce rang-là. Les visiteurs de Lausanne, de Coppet, des coteaux de Cologny ou de Montreux, furent éclatants et pa
741 Les visiteurs de Lausanne, de Coppet, des coteaux de Cologny ou de Montreux, furent éclatants et parfois scandaleux. Mais
742 de Lausanne, de Coppet, des coteaux de Cologny ou de Montreux, furent éclatants et parfois scandaleux. Mais la « petite hi
743 eux, furent éclatants et parfois scandaleux. Mais la « petite histoire » littéraire se borne à mentionner chez nous des re
744 e se borne à mentionner chez nous des rendez-vous de voyageurs discrets, inaperçus et bientôt disparus. Un seul s’est fait
745 est fait remarquer, ce fut le premier en date, et les gamins de Môtiers lui jetèrent des cailloux. Avertis par ce précédent
746 marquer, ce fut le premier en date, et les gamins de Môtiers lui jetèrent des cailloux. Avertis par ce précédent, dont le
747 rent des cailloux. Avertis par ce précédent, dont le bruit s’élargit à l’Europe, les successeurs de l’Arménien ne sont ven
748 ertis par ce précédent, dont le bruit s’élargit à l’ Europe, les successeurs de l’Arménien ne sont venus chez nous qu’à pas
749 ce précédent, dont le bruit s’élargit à l’Europe, les successeurs de l’Arménien ne sont venus chez nous qu’à pas feutrés. C
750 nt le bruit s’élargit à l’Europe, les successeurs de l’Arménien ne sont venus chez nous qu’à pas feutrés. Certains d’aille
751 le bruit s’élargit à l’Europe, les successeurs de l’ Arménien ne sont venus chez nous qu’à pas feutrés. Certains d’ailleurs
752 ous qu’à pas feutrés. Certains d’ailleurs avaient de bonnes raisons de ne point publier leur séjour. Benjamin Constant s’e
753 és. Certains d’ailleurs avaient de bonnes raisons de ne point publier leur séjour. Benjamin Constant s’enfermait dans le m
754 r leur séjour. Benjamin Constant s’enfermait dans le manoir de Madame de Charrière, pour échapper aux cousines de Lausanne
755 our. Benjamin Constant s’enfermait dans le manoir de Madame de Charrière, pour échapper aux cousines de Lausanne et à son
756 e Madame de Charrière, pour échapper aux cousines de Lausanne et à son mariage en Allemagne. Chateaubriand, qui se souvena
757 magne. Chateaubriand, qui se souvenait sans doute d’ avoir été jadis, pour la police française, un dénommé « Lassagne, Neuc
758 i se souvenait sans doute d’avoir été jadis, pour la police française, un dénommé « Lassagne, Neuchâtelois », vint s’enfer
759 gne, Neuchâtelois », vint s’enfermer au lendemain de sa chute « dans une cabane au bord du lac ». Brève retraite, dont une
760 c ». Brève retraite, dont une phrase des Mémoires d’ outre-tombe lui suffit pour décrire l’ennui : « Un maigre chat noir, d
761 es Mémoires d’outre-tombe lui suffit pour décrire l’ ennui : « Un maigre chat noir, demi-sauvage, qui pêchait de petits poi
762 « Un maigre chat noir, demi-sauvage, qui pêchait de petits poissons en plongeant sa patte dans un grand seau rempli de l’
763 s en plongeant sa patte dans un grand seau rempli de l’eau du lac, était toute ma distraction. » Au même endroit de la vil
764 n plongeant sa patte dans un grand seau rempli de l’ eau du lac, était toute ma distraction. » Au même endroit de la ville,
765 ac, était toute ma distraction. » Au même endroit de la ville, neuf ans plus tard, Balzac rencontrera cette inconnue qui v
766 était toute ma distraction. » Au même endroit de la ville, neuf ans plus tard, Balzac rencontrera cette inconnue qui vien
767 qui vient du fond des steppes vers son génie. Et l’ on dit qu’Andersen écrivit quelques-uns de ses plus beaux contes penda
768 nie. Et l’on dit qu’Andersen écrivit quelques-uns de ses plus beaux contes pendant le séjour qu’il fit au Locle, dans la n
769 vit quelques-uns de ses plus beaux contes pendant le séjour qu’il fit au Locle, dans la neige… Neuchâtel semble se prêter
770 contes pendant le séjour qu’il fit au Locle, dans la neige… Neuchâtel semble se prêter à ces parenthèses du sort, à ces co
771 hèses du sort, à ces conjonctions clandestines, à l’ incognito de la gloire. Je voudrais qu’on y élève un monument dédié à
772 t, à ces conjonctions clandestines, à l’incognito de la gloire. Je voudrais qu’on y élève un monument dédié à l’Illustre I
773 à ces conjonctions clandestines, à l’incognito de la gloire. Je voudrais qu’on y élève un monument dédié à l’Illustre Inco
774 re. Je voudrais qu’on y élève un monument dédié à l’ Illustre Inconnu. Il serait en forme de banc. Qui sait quel Balzac de
775 Il serait en forme de banc. Qui sait quel Balzac de l’avenir, quelle Étrangère venue du bout du monde, ne seraient point
776 serait en forme de banc. Qui sait quel Balzac de l’ avenir, quelle Étrangère venue du bout du monde, ne seraient point ten
777 venue du bout du monde, ne seraient point tentés de s’y asseoir un jour, pour quelques heures, en face du lac ? Et certes
778 s, en face du lac ? Et certes, j’ai pensé à Gide, le plus fidèle de tous nos hôtes, en écrivant ces phrases sur le banc. J
779 ac ? Et certes, j’ai pensé à Gide, le plus fidèle de tous nos hôtes, en écrivant ces phrases sur le banc. Je viens de repr
780 le de tous nos hôtes, en écrivant ces phrases sur le banc. Je viens de reprendre son Journal, pour vérifier s’il y parlait
781 prendre son Journal, pour vérifier s’il y parlait de Neuchâtel. Et je tombe sur ce court passage, à la date de 1913 : « Co
782 de Neuchâtel. Et je tombe sur ce court passage, à la date de 1913 : « Combien j’aime ce lac tranquille aux rives basses, p
783 âtel. Et je tombe sur ce court passage, à la date de 1913 : « Combien j’aime ce lac tranquille aux rives basses, peuplé de
784 j’aime ce lac tranquille aux rives basses, peuplé de mouettes, où mon regard ni ma pensée ne se heurte à rien d’accidentel
785 s, où mon regard ni ma pensée ne se heurte à rien d’ accidentel ou d’étranger. Comment, moi si frileux, n’éprouvai-je ce ma
786 ni ma pensée ne se heurte à rien d’accidentel ou d’ étranger. Comment, moi si frileux, n’éprouvai-je ce matin que bien-êtr
787 à peine au-dessus du gel, n’ayant devant moi que de l’eau et de la brume ? J’habiterais ici volontiers. » Il a fallu le p
788 peine au-dessus du gel, n’ayant devant moi que de l’ eau et de la brume ? J’habiterais ici volontiers. » Il a fallu le prix
789 dessus du gel, n’ayant devant moi que de l’eau et de la brume ? J’habiterais ici volontiers. » Il a fallu le prix Nobel po
790 sus du gel, n’ayant devant moi que de l’eau et de la brume ? J’habiterais ici volontiers. » Il a fallu le prix Nobel pour
791 brume ? J’habiterais ici volontiers. » Il a fallu le prix Nobel pour qu’on s’aperçût un beau jour qu’il était parmi nous,
792 aché dans sa pèlerine. Une semaine plus tôt, chez les Heyd, nous avions joué au jeu des questions et réponses. L’un écrit t
793 me temps trois réponses. Puis on lit à haute voix les deux papiers. Jeu de hasard, ou de télépathie. J’avais écrit, dernièr
794 s. Puis on lit à haute voix les deux papiers. Jeu de hasard, ou de télépathie. J’avais écrit, dernière question : — Qu’est
795 à haute voix les deux papiers. Jeu de hasard, ou de télépathie. J’avais écrit, dernière question : — Qu’est-ce que le sty
796 ’avais écrit, dernière question : — Qu’est-ce que le style ? Catherine, la fille de Gide, lut sa dernière réponse : — L’or
797 question : — Qu’est-ce que le style ? Catherine, la fille de Gide, lut sa dernière réponse : — L’originalité de mon père.
798  : — Qu’est-ce que le style ? Catherine, la fille de Gide, lut sa dernière réponse : — L’originalité de mon père. Gide s’é
799 ne, la fille de Gide, lut sa dernière réponse : —  L’ originalité de mon père. Gide s’éclaircit la voix pour observer que le
800 e Gide, lut sa dernière réponse : — L’originalité de mon père. Gide s’éclaircit la voix pour observer que le jeu devenait
801 e : — L’originalité de mon père. Gide s’éclaircit la voix pour observer que le jeu devenait bien personnel, et proposa des
802 père. Gide s’éclaircit la voix pour observer que le jeu devenait bien personnel, et proposa des bouts-rimés.  
7 1948, Suite neuchâteloise. VII
803 ien j’aimai ce lac aux rives glauques ! sans rien d’ alpestre, et dont les eaux, comme celles d’un marécage, longtemps se m
804 ux rives glauques ! sans rien d’alpestre, et dont les eaux, comme celles d’un marécage, longtemps se mêlent à la terre, et
805 s rien d’alpestre, et dont les eaux, comme celles d’ un marécage, longtemps se mêlent à la terre, et filtrent entre les ros
806 comme celles d’un marécage, longtemps se mêlent à la terre, et filtrent entre les roseaux. » (L’Immoraliste.) Près de ces
807 longtemps se mêlent à la terre, et filtrent entre les roseaux. » (L’Immoraliste.) Près de ces eaux, ma vie sentimentale es
808 ent à la terre, et filtrent entre les roseaux. » ( L’ Immoraliste.) Près de ces eaux, ma vie sentimentale est née. Et depui
809 Et depuis lors elle est restée lacustre. « Odeur de l’eau — pour toute la vie », écrivait un Paysan du Danube , et vingt
810 depuis lors elle est restée lacustre. « Odeur de l’ eau — pour toute la vie », écrivait un Paysan du Danube , et vingt an
811 st restée lacustre. « Odeur de l’eau — pour toute la vie », écrivait un Paysan du Danube , et vingt ans ne l’ont pas déme
812 , écrivait un Paysan du Danube , et vingt ans ne l’ ont pas démenti. Je dénombre mes lacs et ne puis retrouver que du bonh
813 nheur à ces souvenirs. Non qu’ils me parlent tous de jours heureux, mais la mémoire des plus amers ou des plus seuls a gar
814 Non qu’ils me parlent tous de jours heureux, mais la mémoire des plus amers ou des plus seuls a gardé le charme des eaux.
815 mémoire des plus amers ou des plus seuls a gardé le charme des eaux. Faut-il penser que la souffrance au bord d’un lac n’
816 ls a gardé le charme des eaux. Faut-il penser que la souffrance au bord d’un lac n’est jamais sans quelque douceur ?   Che
817 c n’est jamais sans quelque douceur ?   Cherchant d’ où vient cet agrément, et pourquoi dans le monde lacustre on ressent l
818 erchant d’où vient cet agrément, et pourquoi dans le monde lacustre on ressent la vie mieux qu’ailleurs, plus savoureuse e
819 nt, et pourquoi dans le monde lacustre on ressent la vie mieux qu’ailleurs, plus savoureuse et plus présente, je me dis :
820 un vrai lac est un univers clos, si grands soient les miroirs qu’il offre aux ciels changeants, et si profonds ses lointain
821 ux ciels changeants, et si profonds ses lointains de lumière. La pente derrière moi, l’horizon des collines, sont le cadre
822 ngeants, et si profonds ses lointains de lumière. La pente derrière moi, l’horizon des collines, sont le cadre qui donne a
823 ses lointains de lumière. La pente derrière moi, l’ horizon des collines, sont le cadre qui donne au tableau sa significat
824 pente derrière moi, l’horizon des collines, sont le cadre qui donne au tableau sa signification privilégiée. Ici le cœur
825 onne au tableau sa signification privilégiée. Ici le cœur et l’âme ont leur théâtre pur, où tout est sens, écho, dialogue
826 leau sa signification privilégiée. Ici le cœur et l’ âme ont leur théâtre pur, où tout est sens, écho, dialogue à l’infini.
827 r théâtre pur, où tout est sens, écho, dialogue à l’ infini. Ici la joie trouve un espace où se déployer sans se perdre, la
828 où tout est sens, écho, dialogue à l’infini. Ici la joie trouve un espace où se déployer sans se perdre, la méditation de
829 e trouve un espace où se déployer sans se perdre, la méditation des ciels bas, la passion des orages complets, et la peine
830 oyer sans se perdre, la méditation des ciels bas, la passion des orages complets, et la peine une baie secrète, où les cri
831 des ciels bas, la passion des orages complets, et la peine une baie secrète, où les cris des oiseaux dans la brume s’occup
832 orages complets, et la peine une baie secrète, où les cris des oiseaux dans la brume s’occupent d’une vie bien différente…
833 ne une baie secrète, où les cris des oiseaux dans la brume s’occupent d’une vie bien différente… Enfin la variété des obje
834 où les cris des oiseaux dans la brume s’occupent d’ une vie bien différente… Enfin la variété des objets, des lumières, de
835 brume s’occupent d’une vie bien différente… Enfin la variété des objets, des lumières, des premiers plans et des éloigneme
836 satisfait comme nul autre paysage ce goût profond de composer, de contraster, de voiler puis de découvrir, de plonger à l’
837 me nul autre paysage ce goût profond de composer, de contraster, de voiler puis de découvrir, de plonger à l’abandonnée, d
838 ysage ce goût profond de composer, de contraster, de voiler puis de découvrir, de plonger à l’abandonnée, de s’écarter, de
839 rofond de composer, de contraster, de voiler puis de découvrir, de plonger à l’abandonnée, de s’écarter, de revenir, de bo
840 oser, de contraster, de voiler puis de découvrir, de plonger à l’abandonnée, de s’écarter, de revenir, de boire des yeux,
841 raster, de voiler puis de découvrir, de plonger à l’ abandonnée, de s’écarter, de revenir, de boire des yeux, de comparer,
842 ler puis de découvrir, de plonger à l’abandonnée, de s’écarter, de revenir, de boire des yeux, de comparer, de contempler
843 couvrir, de plonger à l’abandonnée, de s’écarter, de revenir, de boire des yeux, de comparer, de contempler sans fin, où l
844 plonger à l’abandonnée, de s’écarter, de revenir, de boire des yeux, de comparer, de contempler sans fin, où l’on a reconn
845 née, de s’écarter, de revenir, de boire des yeux, de comparer, de contempler sans fin, où l’on a reconnu l’amour, comme il
846 rter, de revenir, de boire des yeux, de comparer, de contempler sans fin, où l’on a reconnu l’amour, comme il aime à s’y r
847 des yeux, de comparer, de contempler sans fin, où l’ on a reconnu l’amour, comme il aime à s’y retrouver.   Je nage à Baven
848 mparer, de contempler sans fin, où l’on a reconnu l’ amour, comme il aime à s’y retrouver.   Je nage à Baveno dans l’eau ti
849 il aime à s’y retrouver.   Je nage à Baveno dans l’ eau tiède et dorée, c’est la fin de l’après-midi, devant la proue de l
850 Je nage à Baveno dans l’eau tiède et dorée, c’est la fin de l’après-midi, devant la proue de l’Isola Bella, vaisseau de rê
851 à Baveno dans l’eau tiède et dorée, c’est la fin de l’après-midi, devant la proue de l’Isola Bella, vaisseau de rêve aux
852 Baveno dans l’eau tiède et dorée, c’est la fin de l’ après-midi, devant la proue de l’Isola Bella, vaisseau de rêve aux nom
853 de et dorée, c’est la fin de l’après-midi, devant la proue de l’Isola Bella, vaisseau de rêve aux nombreux ponts chargés d
854 ée, c’est la fin de l’après-midi, devant la proue de l’Isola Bella, vaisseau de rêve aux nombreux ponts chargés de dieux,
855 c’est la fin de l’après-midi, devant la proue de l’ Isola Bella, vaisseau de rêve aux nombreux ponts chargés de dieux, pas
856 -midi, devant la proue de l’Isola Bella, vaisseau de rêve aux nombreux ponts chargés de dieux, passagers immobiles, un bra
857 ella, vaisseau de rêve aux nombreux ponts chargés de dieux, passagers immobiles, un bras levé… J’habite au lac de Garde un
858 assagers immobiles, un bras levé… J’habite au lac de Garde un palais délabré, au-dessus de jardins en terrasses pleins de
859 bite au lac de Garde un palais délabré, au-dessus de jardins en terrasses pleins de lucioles à la nuit, quand les violoneu
860 délabré, au-dessus de jardins en terrasses pleins de lucioles à la nuit, quand les violoneux du village viennent donner la
861 ssus de jardins en terrasses pleins de lucioles à la nuit, quand les violoneux du village viennent donner la sérénade. Et
862 en terrasses pleins de lucioles à la nuit, quand les violoneux du village viennent donner la sérénade. Et nous montons à c
863 t, quand les violoneux du village viennent donner la sérénade. Et nous montons à ce balcon sur l’eau, accroché aux très ha
864 nner la sérénade. Et nous montons à ce balcon sur l’ eau, accroché aux très hautes murailles qui sans raison, grandiloquent
865 railles qui sans raison, grandiloquentes, bordent la rive. (Elles furent élevées, dit-on, par un ministre fou.) Cyprès au
866 brusque sauvagerie des hautes pentes, échevelées de châtaigniers. Contre les flancs du noir Monte Baldo coiffé de neige,
867 hautes pentes, échevelées de châtaigniers. Contre les flancs du noir Monte Baldo coiffé de neige, sur l’autre rive, un orag
868 ers. Contre les flancs du noir Monte Baldo coiffé de neige, sur l’autre rive, un orage s’illumine par moments, et dans l’é
869 re rive, un orage s’illumine par moments, et dans l’ échappée vers la plaine, où l’eau rejoint presque le ciel, le petit ph
870 e s’illumine par moments, et dans l’échappée vers la plaine, où l’eau rejoint presque le ciel, le petit phare de la baie d
871 ar moments, et dans l’échappée vers la plaine, où l’ eau rejoint presque le ciel, le petit phare de la baie de Sirmione… Su
872 échappée vers la plaine, où l’eau rejoint presque le ciel, le petit phare de la baie de Sirmione… Sur les lacs sinueux de
873 vers la plaine, où l’eau rejoint presque le ciel, le petit phare de la baie de Sirmione… Sur les lacs sinueux de la Prusse
874 où l’eau rejoint presque le ciel, le petit phare de la baie de Sirmione… Sur les lacs sinueux de la Prusse-Orientale, nou
875 l’eau rejoint presque le ciel, le petit phare de la baie de Sirmione… Sur les lacs sinueux de la Prusse-Orientale, nous a
876 ciel, le petit phare de la baie de Sirmione… Sur les lacs sinueux de la Prusse-Orientale, nous allions ramer vers minuit,
877 hare de la baie de Sirmione… Sur les lacs sinueux de la Prusse-Orientale, nous allions ramer vers minuit, heure où le crép
878 e de la baie de Sirmione… Sur les lacs sinueux de la Prusse-Orientale, nous allions ramer vers minuit, heure où le crépusc
879 ientale, nous allions ramer vers minuit, heure où le crépuscule enfin se meurt dans l’aube, à l’horizon des landes et de l
880 inuit, heure où le crépuscule enfin se meurt dans l’ aube, à l’horizon des landes et de la mer… Tyrol, et ce lac sombre au
881 re où le crépuscule enfin se meurt dans l’aube, à l’ horizon des landes et de la mer… Tyrol, et ce lac sombre au fond de la
882 n se meurt dans l’aube, à l’horizon des landes et de la mer… Tyrol, et ce lac sombre au fond de la vallée, où tournoyaient
883 e meurt dans l’aube, à l’horizon des landes et de la mer… Tyrol, et ce lac sombre au fond de la vallée, où tournoyaient de
884 des et de la mer… Tyrol, et ce lac sombre au fond de la vallée, où tournoyaient des voiles inclinées… Balaton, lac de plai
885 et de la mer… Tyrol, et ce lac sombre au fond de la vallée, où tournoyaient des voiles inclinées… Balaton, lac de plaine
886 ù tournoyaient des voiles inclinées… Balaton, lac de plaine aux eaux fades, environné de collines pointues et de valses au
887 Balaton, lac de plaine aux eaux fades, environné de collines pointues et de valses aux jardins publics — là j’étais seul…
888 aux eaux fades, environné de collines pointues et de valses aux jardins publics — là j’étais seul… Rade de Genève par un b
889 alses aux jardins publics — là j’étais seul… Rade de Genève par un beau temps cruel, qui faisait fête à des adieux… Petits
890 es adieux… Petits déjeuners suisses sur un balcon d’ hôtel à Vevey, à Montreux, patries du roman russe. Et le bleu de l’air
891 l à Vevey, à Montreux, patries du roman russe. Et le bleu de l’air matinal, l’argent transparent des montagnes, le scintil
892 y, à Montreux, patries du roman russe. Et le bleu de l’air matinal, l’argent transparent des montagnes, le scintillement d
893 à Montreux, patries du roman russe. Et le bleu de l’ air matinal, l’argent transparent des montagnes, le scintillement des
894 ries du roman russe. Et le bleu de l’air matinal, l’ argent transparent des montagnes, le scintillement des eaux sous la br
895 ’air matinal, l’argent transparent des montagnes, le scintillement des eaux sous la brume légère, tout était si pur et si
896 ent des montagnes, le scintillement des eaux sous la brume légère, tout était si pur et si frais qu’il semblait que le mon
897 tout était si pur et si frais qu’il semblait que le monde venait de s’éveiller, luisant et neuf, de la première nuit… Et
898 e le monde venait de s’éveiller, luisant et neuf, de la première nuit… Et ces deux grands étés américains, dans les demeur
899 re nuit… Et ces deux grands étés américains, dans les demeures trop vastes du Lake George, nommé jadis lac du Saint-Sacreme
900 George, nommé jadis lac du Saint-Sacrement « pour la pureté lustrale de ses eaux »… Il me rappelait un peu de tous mes aut
901 lac du Saint-Sacrement « pour la pureté lustrale de ses eaux »… Il me rappelait un peu de tous mes autres lacs, mais il é
902 tous mes autres lacs, mais il était surtout celui d’ Œil de faucon et du Dernier des Mohicans de mon enfance. Je le trouvai
903 es autres lacs, mais il était surtout celui d’Œil de faucon et du Dernier des Mohicans de mon enfance. Je le trouvais bien
904 celui d’Œil de faucon et du Dernier des Mohicans de mon enfance. Je le trouvais bien beau. Pourquoi l’ai-je quitté ? … Et
905 con et du Dernier des Mohicans de mon enfance. Je le trouvais bien beau. Pourquoi l’ai-je quitté ? … Et nous n’irons jamai
906 e mon enfance. Je le trouvais bien beau. Pourquoi l’ ai-je quitté ? … Et nous n’irons jamais au lac d’Amatitlán, au pied du
907 l’ai-je quitté ? … Et nous n’irons jamais au lac d’ Amatitlán, au pied du fabuleux volcan de Sant’Anna, mais je l’emporte
908 is au lac d’Amatitlán, au pied du fabuleux volcan de Sant’Anna, mais je l’emporte avec les autres sans remords, s’il est v
909 au pied du fabuleux volcan de Sant’Anna, mais je l’ emporte avec les autres sans remords, s’il est vrai que d’aucun je n’a
910 uleux volcan de Sant’Anna, mais je l’emporte avec les autres sans remords, s’il est vrai que d’aucun je n’ai su tant d’hist
911 e avec les autres sans remords, s’il est vrai que d’ aucun je n’ai su tant d’histoires et qu’il détient certains de mes sec
912 emords, s’il est vrai que d’aucun je n’ai su tant d’ histoires et qu’il détient certains de mes secrets.   Je dénombre mes
913 ’ai su tant d’histoires et qu’il détient certains de mes secrets.   Je dénombre mes lacs, et la mémoire encore investit d
914 tains de mes secrets.   Je dénombre mes lacs, et la mémoire encore investit du charme des eaux l’adolescence même, aux ch
915 et la mémoire encore investit du charme des eaux l’ adolescence même, aux chagrins taciturnes. Souffrir auprès d’un lac n’
916 ce même, aux chagrins taciturnes. Souffrir auprès d’ un lac n’est jamais sans douceur. Je suis sur la jetée, près du hangar
917 s d’un lac n’est jamais sans douceur. Je suis sur la jetée, près du hangar des trams, et l’eau n’est pas plus noire que mo
918 e suis sur la jetée, près du hangar des trams, et l’ eau n’est pas plus noire que mon cœur humilié. Dans ce « local » empua
919 que mon cœur humilié. Dans ce « local » empuanti de tabac de pipes et de bière renversée, je viens de subir l’épreuve d’i
920 cœur humilié. Dans ce « local » empuanti de tabac de pipes et de bière renversée, je viens de subir l’épreuve d’initiation
921 . Dans ce « local » empuanti de tabac de pipes et de bière renversée, je viens de subir l’épreuve d’initiation d’une socié
922 de pipes et de bière renversée, je viens de subir l’ épreuve d’initiation d’une société de collégiens. J’ai refusé de racon
923 t de bière renversée, je viens de subir l’épreuve d’ initiation d’une société de collégiens. J’ai refusé de raconter devant
924 nversée, je viens de subir l’épreuve d’initiation d’ une société de collégiens. J’ai refusé de raconter devant tous, debout
925 ens de subir l’épreuve d’initiation d’une société de collégiens. J’ai refusé de raconter devant tous, debout sur un tonnea
926 itiation d’une société de collégiens. J’ai refusé de raconter devant tous, debout sur un tonneau comme le veut la coutume,
927 raconter devant tous, debout sur un tonneau comme le veut la coutume, l’histoire de mes Premières Amours. On m’a conspué.
928 devant tous, debout sur un tonneau comme le veut la coutume, l’histoire de mes Premières Amours. On m’a conspué. J’ai sei
929 , debout sur un tonneau comme le veut la coutume, l’ histoire de mes Premières Amours. On m’a conspué. J’ai seize ans. C’es
930 r un tonneau comme le veut la coutume, l’histoire de mes Premières Amours. On m’a conspué. J’ai seize ans. C’est horrible.
931 rrible. Mon seul amour doit rester mon secret. Je la guette à midi, quand elle descend dans le cortège des jeunes filles s
932 ret. Je la guette à midi, quand elle descend dans le cortège des jeunes filles sortant de l’école des Terreaux. Nous les g
933 descend dans le cortège des jeunes filles sortant de l’école des Terreaux. Nous les garçons tenons notre « colloque » sur
934 cend dans le cortège des jeunes filles sortant de l’ école des Terreaux. Nous les garçons tenons notre « colloque » sur la
935 unes filles sortant de l’école des Terreaux. Nous les garçons tenons notre « colloque » sur la place de l’Hôtel-de-Ville. N
936 x. Nous les garçons tenons notre « colloque » sur la place de l’Hôtel-de-Ville. Nous parlons entre nous d’un air grave, d’
937 es garçons tenons notre « colloque » sur la place de l’Hôtel-de-Ville. Nous parlons entre nous d’un air grave, d’un air de
938 garçons tenons notre « colloque » sur la place de l’ Hôtel-de-Ville. Nous parlons entre nous d’un air grave, d’un air de ne
939 lace de l’Hôtel-de-Ville. Nous parlons entre nous d’ un air grave, d’un air de ne pas regarder les filles qui passent, mais
940 de-Ville. Nous parlons entre nous d’un air grave, d’ un air de ne pas regarder les filles qui passent, mais je la vois veni
941 Nous parlons entre nous d’un air grave, d’un air de ne pas regarder les filles qui passent, mais je la vois venir de loin
942 nous d’un air grave, d’un air de ne pas regarder les filles qui passent, mais je la vois venir de loin. Elle porte un gran
943 e ne pas regarder les filles qui passent, mais je la vois venir de loin. Elle porte un grand chapeau flottant d’un rose so
944 nir de loin. Elle porte un grand chapeau flottant d’ un rose sombre. Tout la distingue infiniment du troupeau bavardant de
945 un grand chapeau flottant d’un rose sombre. Tout la distingue infiniment du troupeau bavardant de ses compagnes. Si je re
946 out la distingue infiniment du troupeau bavardant de ses compagnes. Si je rencontrais ses yeux, que deviendrais-je, et si
947 -je, et si elle devinait mon sentiment ? Pourtant la semaine prochaine, l’épreuve recommencera. Odeur de l’eau qui dort, p
948 it mon sentiment ? Pourtant la semaine prochaine, l’ épreuve recommencera. Odeur de l’eau qui dort, pénétrante, amicale. Un
949 semaine prochaine, l’épreuve recommencera. Odeur de l’eau qui dort, pénétrante, amicale. Un poisson saute et ride un mome
950 maine prochaine, l’épreuve recommencera. Odeur de l’ eau qui dort, pénétrante, amicale. Un poisson saute et ride un moment
951 ante, amicale. Un poisson saute et ride un moment le miroir… Non, je ne vais pas me suicider. Je mentirai ! Je suis assis
952 ntirai ! Je suis assis sur un banc près du port, la promenade est déserte et mon cœur assoiffé. Personne ne passe jamais,
953 on cœur assoiffé. Personne ne passe jamais, voilà la vie ! Mais si ce soir une femme venait à moi comme le miracle que j’a
954 ie ! Mais si ce soir une femme venait à moi comme le miracle que j’attends, je lui dirais : c’est un malentendu. Je suis d
955 passez Madame… J’ai 19 ans. Je n’aime encore que la nature, et ma solitude avec elle. Et vraiment, à cet âge, elle me l’a
956 litude avec elle. Et vraiment, à cet âge, elle me l’ a bien rendu. (Quand on revient la voir à deux, plus tard, aux mêmes l
957 et âge, elle me l’a bien rendu. (Quand on revient la voir à deux, plus tard, aux mêmes lieux, elle se réserve… Elle ne ser
958 out à fait comme avant.) Ce soir, elle est encore d’ une présence envoûtante. Le soleil s’est caché derrière le Trou de Bou
959 soir, elle est encore d’une présence envoûtante. Le soleil s’est caché derrière le Trou de Bourgogne. La grande rougeur d
960 ésence envoûtante. Le soleil s’est caché derrière le Trou de Bourgogne. La grande rougeur du lac s’est retirée, de vague e
961 nvoûtante. Le soleil s’est caché derrière le Trou de Bourgogne. La grande rougeur du lac s’est retirée, de vague en vague
962 soleil s’est caché derrière le Trou de Bourgogne. La grande rougeur du lac s’est retirée, de vague en vague vers l’autre r
963 ourgogne. La grande rougeur du lac s’est retirée, de vague en vague vers l’autre rive. Elle caresse en passant l’épaule de
964 vague vers l’autre rive. Elle caresse en passant l’ épaule des collines, elle monte, elle embrase longtemps d’une sereine
965 des collines, elle monte, elle embrase longtemps d’ une sereine incandescence les Alpes déployées au fond du ciel. Sommets
966 lle embrase longtemps d’une sereine incandescence les Alpes déployées au fond du ciel. Sommets d’où l’on voit l’Italie… Et
967 ence les Alpes déployées au fond du ciel. Sommets d’ où l’on voit l’Italie… Et le rêve s’éteint, guirlande morte, un peu de
968 les Alpes déployées au fond du ciel. Sommets d’où l’ on voit l’Italie… Et le rêve s’éteint, guirlande morte, un peu de temp
969 déployées au fond du ciel. Sommets d’où l’on voit l’ Italie… Et le rêve s’éteint, guirlande morte, un peu de temps diaphane
970 fond du ciel. Sommets d’où l’on voit l’Italie… Et le rêve s’éteint, guirlande morte, un peu de temps diaphane à l’horizon.
971 eint, guirlande morte, un peu de temps diaphane à l’ horizon. Paysage emphatique et sombre, tout cerné de prodiges sévères,
972 horizon. Paysage emphatique et sombre, tout cerné de prodiges sévères, et l’œil ne s’en évade au bas du ciel — vers l’oues
973 que et sombre, tout cerné de prodiges sévères, et l’ œil ne s’en évade au bas du ciel — vers l’ouest — que par cet or loint
974 res, et l’œil ne s’en évade au bas du ciel — vers l’ ouest — que par cet or lointain que l’eau n’a point doublé, déjà prise
975 ciel — vers l’ouest — que par cet or lointain que l’ eau n’a point doublé, déjà prise de nuit, rêvant jusqu’à mes pieds.  
976 r lointain que l’eau n’a point doublé, déjà prise de nuit, rêvant jusqu’à mes pieds.   Par une chaude soirée du mois d’aoû
977 usqu’à mes pieds.   Par une chaude soirée du mois d’ août 192., un jeune homme, simplement vêtu d’un pantalon de flanelle g
978 mois d’août 192., un jeune homme, simplement vêtu d’ un pantalon de flanelle grise et d’un chandail au col roulé, pédale à
979 2., un jeune homme, simplement vêtu d’un pantalon de flanelle grise et d’un chandail au col roulé, pédale à longues pesées
980 implement vêtu d’un pantalon de flanelle grise et d’ un chandail au col roulé, pédale à longues pesées sur le chemin de la
981 handail au col roulé, pédale à longues pesées sur le chemin de la plaine, luttant contre un vent impétueux. L’orage est im
982 col roulé, pédale à longues pesées sur le chemin de la plaine, luttant contre un vent impétueux. L’orage est imminent. No
983 l roulé, pédale à longues pesées sur le chemin de la plaine, luttant contre un vent impétueux. L’orage est imminent. Notre
984 n de la plaine, luttant contre un vent impétueux. L’ orage est imminent. Notre héros, qui paraît âgé d’une vingtaine d’anné
985 L’orage est imminent. Notre héros, qui paraît âgé d’ une vingtaine d’années, se dirige vers le lac qu’on aperçoit entre les
986 nent. Notre héros, qui paraît âgé d’une vingtaine d’ années, se dirige vers le lac qu’on aperçoit entre les peupliers, et d
987 raît âgé d’une vingtaine d’années, se dirige vers le lac qu’on aperçoit entre les peupliers, et dont les longues vagues li
988 nnées, se dirige vers le lac qu’on aperçoit entre les peupliers, et dont les longues vagues limoneuses accablent sans relâc
989 e lac qu’on aperçoit entre les peupliers, et dont les longues vagues limoneuses accablent sans relâche les roseaux de la ba
990 longues vagues limoneuses accablent sans relâche les roseaux de la baie. Des nuées menaçantes courent très bas, tirant des
991 ues limoneuses accablent sans relâche les roseaux de la baie. Des nuées menaçantes courent très bas, tirant des pluies au
992 limoneuses accablent sans relâche les roseaux de la baie. Des nuées menaçantes courent très bas, tirant des pluies au lar
993 courent très bas, tirant des pluies au large, et le cœur du jeune homme bondit dans sa poitrine, exalté par l’effort et l
994 u jeune homme bondit dans sa poitrine, exalté par l’ effort et la vitesse. Mais soudain la tempête a fait silence autour de
995 e bondit dans sa poitrine, exalté par l’effort et la vitesse. Mais soudain la tempête a fait silence autour de lui, et seu
996 , exalté par l’effort et la vitesse. Mais soudain la tempête a fait silence autour de lui, et seul reste distinct le bruit
997 ait silence autour de lui, et seul reste distinct le bruit profond des vagues. Il roule maintenant dans l’ombre tiède et a
998 ruit profond des vagues. Il roule maintenant dans l’ ombre tiède et abritée d’un bois de pins. Que vient-il donc chercher s
999 Il roule maintenant dans l’ombre tiède et abritée d’ un bois de pins. Que vient-il donc chercher sur ces rivages désertés p
1000 aintenant dans l’ombre tiède et abritée d’un bois de pins. Que vient-il donc chercher sur ces rivages désertés par le crép
1001 ent-il donc chercher sur ces rivages désertés par le crépuscule ? Quelle est cette hâte inconnue, qu’il se flattait de n’é
1002 Quelle est cette hâte inconnue, qu’il se flattait de n’éprouver jamais, bien au contraire, avant un rendez-vous ? Cette en
1003 au contraire, avant un rendez-vous ? Cette envie de crier : « J’accours ! Attends !… » Ah ! mais qu’est-ce qu’il m’arrive
1004 t-ce qu’il m’arrive ? se dit-il. Il faut en avoir le cœur net. (Tout son orgueil réside en la maîtrise de soi, idéal de sp
1005 en avoir le cœur net. (Tout son orgueil réside en la maîtrise de soi, idéal de sportif plus que de puritain.) Il ralentit,
1006 cœur net. (Tout son orgueil réside en la maîtrise de soi, idéal de sportif plus que de puritain.) Il ralentit, pose un pie
1007 t son orgueil réside en la maîtrise de soi, idéal de sportif plus que de puritain.) Il ralentit, pose un pied sur le sol,
1008 en la maîtrise de soi, idéal de sportif plus que de puritain.) Il ralentit, pose un pied sur le sol, et s’appuie de la ma
1009 s que de puritain.) Il ralentit, pose un pied sur le sol, et s’appuie de la main au tronc d’un pin. Ce qui lui arrive est
1010 Il ralentit, pose un pied sur le sol, et s’appuie de la main au tronc d’un pin. Ce qui lui arrive est solennel, comme l’at
1011 ralentit, pose un pied sur le sol, et s’appuie de la main au tronc d’un pin. Ce qui lui arrive est solennel, comme l’atten
1012 pied sur le sol, et s’appuie de la main au tronc d’ un pin. Ce qui lui arrive est solennel, comme l’attente du pays sous l
1013 c d’un pin. Ce qui lui arrive est solennel, comme l’ attente du pays sous le ciel orageux. Oui, c’est bien cela qu’il sent,
1014 arrive est solennel, comme l’attente du pays sous le ciel orageux. Oui, c’est bien cela qu’il sent, il ne peut s’y tromper
1015 st bien cela qu’il sent, il ne peut s’y tromper : la brûlure douce au cœur, le sang plus vite, le soulèvement plus ample d
1016 l ne peut s’y tromper : la brûlure douce au cœur, le sang plus vite, le soulèvement plus ample de la respiration. Tout ce
1017 er : la brûlure douce au cœur, le sang plus vite, le soulèvement plus ample de la respiration. Tout ce que disent les poèt
1018 œur, le sang plus vite, le soulèvement plus ample de la respiration. Tout ce que disent les poètes qu’il dédaigne, tous le
1019 , le sang plus vite, le soulèvement plus ample de la respiration. Tout ce que disent les poètes qu’il dédaigne, tous leurs
1020 plus ample de la respiration. Tout ce que disent les poètes qu’il dédaigne, tous leurs clichés, c’était donc vrai ? Il ne
1021 hés, c’était donc vrai ? Il ne sait quelle ardeur le pénètre… Mais il sent qu’il va dire les grands mots impossibles, dans
1022 lle ardeur le pénètre… Mais il sent qu’il va dire les grands mots impossibles, dans un fol abandon, et ce sera vrai. Comme
1023 sera vrai. Comme tout est facile et violent quand les portes du cœur ont cédé ! Le lac était d’un bleu très sombre, le ciel
1024 le et violent quand les portes du cœur ont cédé ! Le lac était d’un bleu très sombre, le ciel bas, des éclairs de chaleur
1025 quand les portes du cœur ont cédé ! Le lac était d’ un bleu très sombre, le ciel bas, des éclairs de chaleur palpitaient d
1026 ur ont cédé ! Le lac était d’un bleu très sombre, le ciel bas, des éclairs de chaleur palpitaient dans la nue, et le jeune
1027 t d’un bleu très sombre, le ciel bas, des éclairs de chaleur palpitaient dans la nue, et le jeune homme savait en repartan
1028 ciel bas, des éclairs de chaleur palpitaient dans la nue, et le jeune homme savait en repartant sur le sentier obscur, ver
1029 es éclairs de chaleur palpitaient dans la nue, et le jeune homme savait en repartant sur le sentier obscur, vers les rosea
1030 la nue, et le jeune homme savait en repartant sur le sentier obscur, vers les roseaux, qu’avant le rendez-vous ce qui l’av
1031 e savait en repartant sur le sentier obscur, vers les roseaux, qu’avant le rendez-vous ce qui l’avait rejoint, c’était cett
1032 sur le sentier obscur, vers les roseaux, qu’avant le rendez-vous ce qui l’avait rejoint, c’était cette chose absurde et ma
1033 vers les roseaux, qu’avant le rendez-vous ce qui l’ avait rejoint, c’était cette chose absurde et magnifique, entre haut m
1034 ut mal et bien suprême, qu’on nomme si légèrement l’ amour.  
8 1948, Suite neuchâteloise. VIII
1035 VIII On peut écrire aussi contre les lacs, ces endormeurs, et porter sa louange à des lieux plus sévères.
1036 à des lieux plus sévères. Mais plutôt il convient d’ alterner ces agréments et ces vertus. Qui nous parlera des forêts ? Po
1037 es forêts ? Pour ma part, j’ai trop peu vécu sous les sapins, dans les vallées du Jura. J’y suis né, certes, mais les vraie
1038 ma part, j’ai trop peu vécu sous les sapins, dans les vallées du Jura. J’y suis né, certes, mais les vraies patries sont ce
1039 ns les vallées du Jura. J’y suis né, certes, mais les vraies patries sont celles où l’on naît à l’amour. Un portrait de not
1040 é, certes, mais les vraies patries sont celles où l’ on naît à l’amour. Un portrait de notre pays, peint de là-haut, ne res
1041 ais les vraies patries sont celles où l’on naît à l’ amour. Un portrait de notre pays, peint de là-haut, ne ressemblerait g
1042 s sont celles où l’on naît à l’amour. Un portrait de notre pays, peint de là-haut, ne ressemblerait guère à mes esquisses.
1043 naît à l’amour. Un portrait de notre pays, peint de là-haut, ne ressemblerait guère à mes esquisses. Au lieu de la lumièr
1044 e ressemblerait guère à mes esquisses. Au lieu de la lumière souvent voilée du lac, on y verrait un éclairage cru, des omb
1045 cru, des ombres longues et givrées, des couchants d’ incendie sur les menées moroses des hauts plateaux boisés de noir. Ils
1046 longues et givrées, des couchants d’incendie sur les menées moroses des hauts plateaux boisés de noir. Ils vont jusqu’au T
1047 sur les menées moroses des hauts plateaux boisés de noir. Ils vont jusqu’au Tibet, me disait un jour Ramuz (dont la géogr
1048 ont jusqu’au Tibet, me disait un jour Ramuz (dont la géographie se passait bien d’atlas). C’est la même civilisation, les
1049 un jour Ramuz (dont la géographie se passait bien d’ atlas). C’est la même civilisation, les mêmes fumées sur les tourbière
1050 ont la géographie se passait bien d’atlas). C’est la même civilisation, les mêmes fumées sur les tourbières, les mêmes cha
1051 assait bien d’atlas). C’est la même civilisation, les mêmes fumées sur les tourbières, les mêmes chants tristes, la même vi
1052 C’est la même civilisation, les mêmes fumées sur les tourbières, les mêmes chants tristes, la même vie intérieure… Il me d
1053 ivilisation, les mêmes fumées sur les tourbières, les mêmes chants tristes, la même vie intérieure… Il me disait aussi que
1054 ées sur les tourbières, les mêmes chants tristes, la même vie intérieure… Il me disait aussi que les paysans huguenots des
1055 s, la même vie intérieure… Il me disait aussi que les paysans huguenots des Cévennes et du Languedoc sont en réalité des mu
1056 uedoc sont en réalité des musulmans, qu’il suffit de les voir, tout noirs dans leurs cuisines, fatalistes et irréductibles
1057 oc sont en réalité des musulmans, qu’il suffit de les voir, tout noirs dans leurs cuisines, fatalistes et irréductibles… J’
1058 qui ouvrent des voies. Je garde ma méfiance pour l’ espèce de mensonge qui rend la vie plus petite que nature, sous prétex
1059 ent des voies. Je garde ma méfiance pour l’espèce de mensonge qui rend la vie plus petite que nature, sous prétexte d’exac
1060 de ma méfiance pour l’espèce de mensonge qui rend la vie plus petite que nature, sous prétexte d’exactitude. Pays des horl
1061 rend la vie plus petite que nature, sous prétexte d’ exactitude. Pays des horlogers à domicile, des longues veillées, des i
1062 es longues veillées, des inventions pratiques, et de beaucoup de dignité cordiale dans le commerce quotidien, c’est le Nor
1063 ratiques, et de beaucoup de dignité cordiale dans le commerce quotidien, c’est le Nord du canton qui a gagné et nous a fai
1064 ignité cordiale dans le commerce quotidien, c’est le Nord du canton qui a gagné et nous a faits républicains, voilà cent a
1065 fugia Jean-Jacques, Bakounine présida, me dit-on, les réunions secrètes d’où devait sortir la Première Internationale, auss
1066 kounine présida, me dit-on, les réunions secrètes d’ où devait sortir la Première Internationale, aussitôt confisquée par M
1067 e Internationale, aussitôt confisquée par Marx.   De cette enfance il me reste un cauchemar, l’école primaire, dont j’ai p
1068 arx.   De cette enfance il me reste un cauchemar, l’ école primaire, dont j’ai parlé ailleurs ; l’idée que mon village ne r
1069 mar, l’école primaire, dont j’ai parlé ailleurs ; l’ idée que mon village ne ressemble à aucun autre ; une connaissance int
1070 ressemble à aucun autre ; une connaissance intime de la neige ; le désir des pays chauds ; et un petit lièvre. Je me souvi
1071 semble à aucun autre ; une connaissance intime de la neige ; le désir des pays chauds ; et un petit lièvre. Je me souviens
1072 cun autre ; une connaissance intime de la neige ; le désir des pays chauds ; et un petit lièvre. Je me souviens de ce reto
1073 pays chauds ; et un petit lièvre. Je me souviens de ce retour du Creux-du-Van, à travers les grands pâturages parsemés de
1074 souviens de ce retour du Creux-du-Van, à travers les grands pâturages parsemés de sapins majestueux et coupés çà et là de
1075 x-du-Van, à travers les grands pâturages parsemés de sapins majestueux et coupés çà et là de murs bas faits de grosses pie
1076 parsemés de sapins majestueux et coupés çà et là de murs bas faits de grosses pierres entassées avec art. Nous passions l
1077 s majestueux et coupés çà et là de murs bas faits de grosses pierres entassées avec art. Nous passions les clédars (beau m
1078 grosses pierres entassées avec art. Nous passions les clédars (beau mot celtique, l’un des rares qui subsistent chez nous)
1079 ique, l’un des rares qui subsistent chez nous) et les refermions avec soin, pour que les vaches n’aillent point changer de
1080 chez nous) et les refermions avec soin, pour que les vaches n’aillent point changer de propriétaire. Nous marchions à gran
1081 soin, pour que les vaches n’aillent point changer de propriétaire. Nous marchions à grandes enjambées, joyeux de sentir no
1082 taire. Nous marchions à grandes enjambées, joyeux de sentir nos gros talons cloutés mordre dans le sol élastique. Soudain
1083 eux de sentir nos gros talons cloutés mordre dans le sol élastique. Soudain je suspendis mon pas : au bout de mon pied, da
1084 ndis mon pas : au bout de mon pied, dans un creux d’ herbe, un petit lièvre frémissait, immobile et terrorisé. Nous nous so
1085 t terrorisé. Nous nous sommes regardés un moment, de tout près. Un seul geste rapide eût suffi pour l’attraper par les ore
1086 de tout près. Un seul geste rapide eût suffi pour l’ attraper par les oreilles. J’imaginai en une seconde la gloire que me
1087 n seul geste rapide eût suffi pour l’attraper par les oreilles. J’imaginai en une seconde la gloire que me vaudrait cette a
1088 raper par les oreilles. J’imaginai en une seconde la gloire que me vaudrait cette aventure, ma rentrée triomphale à la mai
1089 vaudrait cette aventure, ma rentrée triomphale à la maison. (Faut-il avouer que je la regrette encore ?) Mais je restais
1090 ée triomphale à la maison. (Faut-il avouer que je la regrette encore ?) Mais je restais là sans mouvement, fasciné par l’a
1091 ?) Mais je restais là sans mouvement, fasciné par l’ aubaine et plus encore ému par ce petit être tremblant. C’était trop b
1092 u par ce petit être tremblant. C’était trop beau… Le lièvre détala. Combien d’occasions merveilleuses ai-je laissées détal
1093 ant. C’était trop beau… Le lièvre détala. Combien d’ occasions merveilleuses ai-je laissées détaler depuis ! Ce sont peut-ê
1094 taler depuis ! Ce sont peut-être celles qui m’ont le plus appris. Ma gloire ou mon plaisir en ont pâti, mais j’en tire une
1095 is j’en tire une satisfaction plus secrète et qui les vaut bien. Chaque fois qu’une chance offerte un instant fuit d’un bon
1096 Chaque fois qu’une chance offerte un instant fuit d’ un bond parce qu’un scrupule ou un respect, ou quelque obscure sagesse
1097 lièvre ! et poursuis mon chemin plus léger. Si je l’ avais attrapé, m’en souviendrais-je encore ? Je n’en parlerais pas ici
1098 .   Des Montagnes au lac, cependant, malgré tous les contrastes qu’on a vus, c’est bien le même peuple et c’est le même ac
1099 algré tous les contrastes qu’on a vus, c’est bien le même peuple et c’est le même accent. J’entends les mêmes allures, le
1100 s qu’on a vus, c’est bien le même peuple et c’est le même accent. J’entends les mêmes allures, le même accent de l’âme, du
1101 le même peuple et c’est le même accent. J’entends les mêmes allures, le même accent de l’âme, du cœur et de la poignée de m
1102 ’est le même accent. J’entends les mêmes allures, le même accent de l’âme, du cœur et de la poignée de main ; mais hélas !
1103 cent. J’entends les mêmes allures, le même accent de l’âme, du cœur et de la poignée de main ; mais hélas ! aussi du langa
1104 t. J’entends les mêmes allures, le même accent de l’ âme, du cœur et de la poignée de main ; mais hélas ! aussi du langage.
1105 êmes allures, le même accent de l’âme, du cœur et de la poignée de main ; mais hélas ! aussi du langage. Et à ce propos… L
1106 s allures, le même accent de l’âme, du cœur et de la poignée de main ; mais hélas ! aussi du langage. Et à ce propos… L’op
1107  ; mais hélas ! aussi du langage. Et à ce propos… L’ opinion publique, de nos jours, veut que si l’on parle de son pays et
1108 i du langage. Et à ce propos… L’opinion publique, de nos jours, veut que si l’on parle de son pays et de son peuple on les
1109 os… L’opinion publique, de nos jours, veut que si l’ on parle de son pays et de son peuple on les loue sans aucune retenue,
1110 on publique, de nos jours, veut que si l’on parle de son pays et de son peuple on les loue sans aucune retenue, et cette v
1111 nos jours, veut que si l’on parle de son pays et de son peuple on les loue sans aucune retenue, et cette vanité collectiv
1112 que si l’on parle de son pays et de son peuple on les loue sans aucune retenue, et cette vanité collective s’appelle, on ne
1113 e, on ne sait pourquoi, patriotisme ; mais que si l’ on parle de soi, on confesse uniquement ses faiblesses, et cela s’appe
1114 it pourquoi, patriotisme ; mais que si l’on parle de soi, on confesse uniquement ses faiblesses, et cela s’appelle sincéri
1115 es, et cela s’appelle sincérité. (Quand il s’agit de la famille, ce moyen terme entre l’individu et la patrie, on ne sait
1116 et cela s’appelle sincérité. (Quand il s’agit de la famille, ce moyen terme entre l’individu et la patrie, on ne sait plu
1117 and il s’agit de la famille, ce moyen terme entre l’ individu et la patrie, on ne sait plus sur quel pied danser.) Pour moi
1118 de la famille, ce moyen terme entre l’individu et la patrie, on ne sait plus sur quel pied danser.) Pour moi, j’ai pris le
1119 t plus sur quel pied danser.) Pour moi, j’ai pris le parti de laisser les étrangers vanter nos vertus bien connues et déco
1120 r quel pied danser.) Pour moi, j’ai pris le parti de laisser les étrangers vanter nos vertus bien connues et découvrir cel
1121 danser.) Pour moi, j’ai pris le parti de laisser les étrangers vanter nos vertus bien connues et découvrir celles que nous
1122 découvrir celles que nous ignorons. Je me borne à l’ autocritique. Et par exemple, il est de mon devoir de citoyen conscien
1123 me borne à l’autocritique. Et par exemple, il est de mon devoir de citoyen conscient et responsable d’élever une solennell
1124 utocritique. Et par exemple, il est de mon devoir de citoyen conscient et responsable d’élever une solennelle protestation
1125 de mon devoir de citoyen conscient et responsable d’ élever une solennelle protestation contre l’accent de mes compatriotes
1126 sable d’élever une solennelle protestation contre l’ accent de mes compatriotes, celui qu’ils ont pris de nos jours et que
1127 lever une solennelle protestation contre l’accent de mes compatriotes, celui qu’ils ont pris de nos jours et que leurs pèr
1128 accent de mes compatriotes, celui qu’ils ont pris de nos jours et que leurs pères n’ont pas connu, l’accent le plus navran
1129 de nos jours et que leurs pères n’ont pas connu, l’ accent le plus navrant de tout le domaine français, de Québec à Menton
1130 ours et que leurs pères n’ont pas connu, l’accent le plus navrant de tout le domaine français, de Québec à Menton, de Brux
1131 s pères n’ont pas connu, l’accent le plus navrant de tout le domaine français, de Québec à Menton, de Bruxelles à Port-Bou
1132 n’ont pas connu, l’accent le plus navrant de tout le domaine français, de Québec à Menton, de Bruxelles à Port-Bou. Je ne
1133 cent le plus navrant de tout le domaine français, de Québec à Menton, de Bruxelles à Port-Bou. Je ne vais pas m’occuper de
1134 de tout le domaine français, de Québec à Menton, de Bruxelles à Port-Bou. Je ne vais pas m’occuper de nos fautes de franç
1135 de Bruxelles à Port-Bou. Je ne vais pas m’occuper de nos fautes de français, elles sont moins graves, et je ne crois pas q
1136 Port-Bou. Je ne vais pas m’occuper de nos fautes de français, elles sont moins graves, et je ne crois pas que nous en com
1137 ois pas que nous en commettions beaucoup plus que les Parisiens : simplement à d’autres endroits. (Exercice pour enfants de
1138 rcice pour enfants des écoles du canton. Corrigez le verbe suivant : J’ai l’ennui, tu t’encoubles, il aurait meilleur temp
1139 coles du canton. Corrigez le verbe suivant : J’ai l’ ennui, tu t’encoubles, il aurait meilleur temps, on veut d’jà bien ça
1140 tu t’encoubles, il aurait meilleur temps, on veut d’ jà bien ça faire, vous voyez pas jour, ils n’en peuvent rien ; dans le
1141 l s’encoubler est plaisant, meilleur temps utile, le reste mauvais ou atroce.) Mais l’accent, c’est bien autre chose. C’es
1142 ur temps utile, le reste mauvais ou atroce.) Mais l’ accent, c’est bien autre chose. C’est à quoi l’étranger juge un peuple
1143 is l’accent, c’est bien autre chose. C’est à quoi l’ étranger juge un peuple au passage, et l’estime sympathique ou non. To
1144 t à quoi l’étranger juge un peuple au passage, et l’ estime sympathique ou non. Tout le monde aime les Vaudois, les Marseil
1145 t l’estime sympathique ou non. Tout le monde aime les Vaudois, les Marseillais, s’amuse des Canadiens, tolère les Belges, e
1146 mpathique ou non. Tout le monde aime les Vaudois, les Marseillais, s’amuse des Canadiens, tolère les Belges, et se moque à
1147 s, les Marseillais, s’amuse des Canadiens, tolère les Belges, et se moque à l’occasion des Auvergnats, mais grimace de doul
1148 e des Canadiens, tolère les Belges, et se moque à l’ occasion des Auvergnats, mais grimace de douleur à nous entendre. Écou
1149 e moque à l’occasion des Auvergnats, mais grimace de douleur à nous entendre. Écoutez les jeunes gens dans la rue (« sur l
1150 mais grimace de douleur à nous entendre. Écoutez les jeunes gens dans la rue (« sur la rue » ou « en rue », diraient-ils).
1151 eur à nous entendre. Écoutez les jeunes gens dans la rue (« sur la rue » ou « en rue », diraient-ils). Ce n’est plus dire,
1152 endre. Écoutez les jeunes gens dans la rue (« sur la rue » ou « en rue », diraient-ils). Ce n’est plus dire, ce n’est plus
1153 er, mais patauger dans une bouillasse verbale, où l’ on se traîne avec de lourdes brusqueries, pour s’enliser régulièrement
1154 ns une bouillasse verbale, où l’on se traîne avec de lourdes brusqueries, pour s’enliser régulièrement avant d’avoir attei
1155 s brusqueries, pour s’enliser régulièrement avant d’ avoir atteint la fin d’une phrase. Je sais bien que l’influence du sui
1156 our s’enliser régulièrement avant d’avoir atteint la fin d’une phrase. Je sais bien que l’influence du suisse allemand y e
1157 nliser régulièrement avant d’avoir atteint la fin d’ une phrase. Je sais bien que l’influence du suisse allemand y est pour
1158 oir atteint la fin d’une phrase. Je sais bien que l’ influence du suisse allemand y est pour beaucoup, et qu’on ne peut pas
1159 est pour beaucoup, et qu’on ne peut pas déplacer le canton de Berne. Mais je me souviens aussi de l’état d’esprit qui ent
1160 beaucoup, et qu’on ne peut pas déplacer le canton de Berne. Mais je me souviens aussi de l’état d’esprit qui entretient ce
1161 cer le canton de Berne. Mais je me souviens aussi de l’état d’esprit qui entretient cet état de choses et qui ne cesse de
1162 le canton de Berne. Mais je me souviens aussi de l’ état d’esprit qui entretient cet état de choses et qui ne cesse de l’a
1163 qui entretient cet état de choses et qui ne cesse de l’aggraver : c’est celui de l’école primaire et de la caserne, où l’o
1164 entretient cet état de choses et qui ne cesse de l’ aggraver : c’est celui de l’école primaire et de la caserne, où l’on s
1165 hoses et qui ne cesse de l’aggraver : c’est celui de l’école primaire et de la caserne, où l’on se moque sans pitié des ga
1166 es et qui ne cesse de l’aggraver : c’est celui de l’ école primaire et de la caserne, où l’on se moque sans pitié des garço
1167 e l’aggraver : c’est celui de l’école primaire et de la caserne, où l’on se moque sans pitié des garçons qui « raffinent »
1168 ’aggraver : c’est celui de l’école primaire et de la caserne, où l’on se moque sans pitié des garçons qui « raffinent », c
1169 st celui de l’école primaire et de la caserne, où l’ on se moque sans pitié des garçons qui « raffinent », c’est-à-dire par
1170 i « raffinent », c’est-à-dire parlent avec un peu d’ aisance. Cette émulation par le bas pourrait être arrêtée par les inst
1171 arlent avec un peu d’aisance. Cette émulation par le bas pourrait être arrêtée par les instituteurs. Il suffirait de renve
1172 te émulation par le bas pourrait être arrêtée par les instituteurs. Il suffirait de renverser la mode, et de statuer qu’à p
1173 t être arrêtée par les instituteurs. Il suffirait de renverser la mode, et de statuer qu’à partir d’aujourd’hui l’on va se
1174 e par les instituteurs. Il suffirait de renverser la mode, et de statuer qu’à partir d’aujourd’hui l’on va se moquer douce
1175 stituteurs. Il suffirait de renverser la mode, et de statuer qu’à partir d’aujourd’hui l’on va se moquer doucement de ceux
1176 t de renverser la mode, et de statuer qu’à partir d’ aujourd’hui l’on va se moquer doucement de ceux qui parlent mal, au li
1177 la mode, et de statuer qu’à partir d’aujourd’hui l’ on va se moquer doucement de ceux qui parlent mal, au lieu de tourner
1178 partir d’aujourd’hui l’on va se moquer doucement de ceux qui parlent mal, au lieu de tourner en ridicule ceux qui essaien
1179 au lieu de tourner en ridicule ceux qui essaient de bien dire, d’articuler nettement, de maîtriser leurs moyens d’express
1180 urner en ridicule ceux qui essaient de bien dire, d’ articuler nettement, de maîtriser leurs moyens d’expression. Le vers f
1181 qui essaient de bien dire, d’articuler nettement, de maîtriser leurs moyens d’expression. Le vers fameux de Valéry : « Hon
1182 d’articuler nettement, de maîtriser leurs moyens d’ expression. Le vers fameux de Valéry : « Honneur des Hommes, Saint Lan
1183 ettement, de maîtriser leurs moyens d’expression. Le vers fameux de Valéry : « Honneur des Hommes, Saint Langage ! » serai
1184 îtriser leurs moyens d’expression. Le vers fameux de Valéry : « Honneur des Hommes, Saint Langage ! » serait la devise de
1185  : « Honneur des Hommes, Saint Langage ! » serait la devise de cette croisade, dont le succès embellirait notre existence
1186 ur des Hommes, Saint Langage ! » serait la devise de cette croisade, dont le succès embellirait notre existence mieux qu’u
1187 gage ! » serait la devise de cette croisade, dont le succès embellirait notre existence mieux qu’une « plage » ou qu’un mo
1188 erai ces remarques un peu vives si elles attirent l’ attention de nos éducateurs sur une disgrâce que l’habitude risque de
1189 arques un peu vives si elles attirent l’attention de nos éducateurs sur une disgrâce que l’habitude risque de rendre insen
1190 ’attention de nos éducateurs sur une disgrâce que l’ habitude risque de rendre insensible à certains. Dans ce domaine, fair
1191 éducateurs sur une disgrâce que l’habitude risque de rendre insensible à certains. Dans ce domaine, faire attention suffir
1192 à prévenir et à guérir. Il convenait qu’au terme de ces pages j’apporte aussi ma petite contribution au centenaire que l’
1193 te aussi ma petite contribution au centenaire que l’ on va célébrer. Voilà qui est fait selon mes moyens, qui sont ceux d’u
1194 oilà qui est fait selon mes moyens, qui sont ceux d’ un monteur et ajusteur de mots, par métier soucieux de langage. Cadeau
1195 es moyens, qui sont ceux d’un monteur et ajusteur de mots, par métier soucieux de langage. Cadeau modeste mais peut-être u
1196 monteur et ajusteur de mots, par métier soucieux de langage. Cadeau modeste mais peut-être utile, si l’on songe que ce ce
1197 langage. Cadeau modeste mais peut-être utile, si l’ on songe que ce centenaire est celui d’une libération, et qu’un peuple
1198 utile, si l’on songe que ce centenaire est celui d’ une libération, et qu’un peuple n’est vraiment libre que s’il possède
1199 libre que s’il possède et maîtrise d’abord, dans la force et la grâce du terme, la liberté de l’expression.
1200 ’il possède et maîtrise d’abord, dans la force et la grâce du terme, la liberté de l’expression.
1201 rise d’abord, dans la force et la grâce du terme, la liberté de l’expression.
1202 d, dans la force et la grâce du terme, la liberté de l’expression.
1203 dans la force et la grâce du terme, la liberté de l’ expression.