1
On se trompe en croyant qu’un voyageur à longueur
de
chemin perd sa patrie : c’est souvent elle qu’il découvre le mieux qu
2
erd sa patrie : c’est souvent elle qu’il découvre
le
mieux quand il parcourt le globe et vit chez l’étranger. Non qu’il y
3
nt elle qu’il découvre le mieux quand il parcourt
le
globe et vit chez l’étranger. Non qu’il y pense toujours, mais les ho
4
e le mieux quand il parcourt le globe et vit chez
l’
étranger. Non qu’il y pense toujours, mais les hommes qu’il fréquente
5
chez l’étranger. Non qu’il y pense toujours, mais
les
hommes qu’il fréquente la voient en lui d’abord, l’en tiennent pour r
6
y pense toujours, mais les hommes qu’il fréquente
la
voient en lui d’abord, l’en tiennent pour responsable, et par l’erreu
7
hommes qu’il fréquente la voient en lui d’abord,
l’
en tiennent pour responsable, et par l’erreur la plus commune, l’en no
8
i d’abord, l’en tiennent pour responsable, et par
l’
erreur la plus commune, l’en nomment si bien le représentant qu’il lui
9
, l’en tiennent pour responsable, et par l’erreur
la
plus commune, l’en nomment si bien le représentant qu’il lui faut à l
10
our responsable, et par l’erreur la plus commune,
l’
en nomment si bien le représentant qu’il lui faut à la fin se la repré
11
ar l’erreur la plus commune, l’en nomment si bien
le
représentant qu’il lui faut à la fin se la représenter comme il n’eût
12
nomment si bien le représentant qu’il lui faut à
la
fin se la représenter comme il n’eût jamais fait en y restant. Dans s
13
i bien le représentant qu’il lui faut à la fin se
la
représenter comme il n’eût jamais fait en y restant. Dans sa cité, il
14
jamais fait en y restant. Dans sa cité, il était
d’
une famille, et pour sa famille un prénom ; à l’étranger, il devient t
15
t d’une famille, et pour sa famille un prénom ; à
l’
étranger, il devient toute une race. Serait-ce vrai ? se dit-il. Le vo
16
vient toute une race. Serait-ce vrai ? se dit-il.
Le
voient-ils mieux que moi ? Mais que voient-ils, dont je n’ai pas cons
17
et que je croyais bien quitté ? Il se retourne et
le
voilà tout étonné… Désormais, nul n’est plus curieux des apparences e
18
n’est plus curieux des apparences et des secrets
de
son pays. Il songe : c’est là-bas que le mystère m’attend, et que ne
19
secrets de son pays. Il songe : c’est là-bas que
le
mystère m’attend, et que ne vais-je pas y découvrir, à mon retour, qu
20
On lui dit : — Vous êtes Suisse ? Vous en avez
de
la chance ! Mais vous avez si peu l’air suisse. — C’est qu’il n’y a p
21
On lui dit : — Vous êtes Suisse ? Vous en avez de
la
chance ! Mais vous avez si peu l’air suisse. — C’est qu’il n’y a pas
22
Vous en avez de la chance ! Mais vous avez si peu
l’
air suisse. — C’est qu’il n’y a pas d’air suisse, ou qu’il y en a ving
23
avez si peu l’air suisse. — C’est qu’il n’y a pas
d’
air suisse, ou qu’il y en a vingt-deux. — De quelle région de la Suiss
24
a pas d’air suisse, ou qu’il y en a vingt-deux. —
De
quelle région de la Suisse êtes-vous ? De Neuchâtel ? Attendez, Neuch
25
e, ou qu’il y en a vingt-deux. — De quelle région
de
la Suisse êtes-vous ? De Neuchâtel ? Attendez, Neuchâtel, rappelez-mo
26
ou qu’il y en a vingt-deux. — De quelle région de
la
Suisse êtes-vous ? De Neuchâtel ? Attendez, Neuchâtel, rappelez-moi…
27
deux. — De quelle région de la Suisse êtes-vous ?
De
Neuchâtel ? Attendez, Neuchâtel, rappelez-moi… Ainsi je me demandai
28
oi… Ainsi je me demandais parfois ce qu’on sait
de
Neuchâtel dans le vaste monde. Je trouvais à peu près ceci : la Bible
29
demandais parfois ce qu’on sait de Neuchâtel dans
le
vaste monde. Je trouvais à peu près ceci : la Bible d’Ostervald, le c
30
ans le vaste monde. Je trouvais à peu près ceci :
la
Bible d’Ostervald, le chocolat Suchard, les montres, et le séjour de
31
ste monde. Je trouvais à peu près ceci : la Bible
d’
Ostervald, le chocolat Suchard, les montres, et le séjour de Rousseau.
32
trouvais à peu près ceci : la Bible d’Ostervald,
le
chocolat Suchard, les montres, et le séjour de Rousseau. Certains ont
33
ceci : la Bible d’Ostervald, le chocolat Suchard,
les
montres, et le séjour de Rousseau. Certains ont entendu parler du jur
34
d’Ostervald, le chocolat Suchard, les montres, et
le
séjour de Rousseau. Certains ont entendu parler du juriste Emer de Va
35
d, le chocolat Suchard, les montres, et le séjour
de
Rousseau. Certains ont entendu parler du juriste Emer de Vattel, ou d
36
parler du juriste Emer de Vattel, ou des travaux
de
Jean Piaget sur la psychologie de l’enfant. Le seul vin suisse qui se
37
Emer de Vattel, ou des travaux de Jean Piaget sur
la
psychologie de l’enfant. Le seul vin suisse qui se vende à New York,
38
ou des travaux de Jean Piaget sur la psychologie
de
l’enfant. Le seul vin suisse qui se vende à New York, mais à quel pri
39
des travaux de Jean Piaget sur la psychologie de
l’
enfant. Le seul vin suisse qui se vende à New York, mais à quel prix !
40
ux de Jean Piaget sur la psychologie de l’enfant.
Le
seul vin suisse qui se vende à New York, mais à quel prix ! c’est le
41
qui se vende à New York, mais à quel prix ! c’est
le
Neuchâtel blanc. (On voit sur l’étiquette le Trou de Bourgogne et la
42
uel prix ! c’est le Neuchâtel blanc. (On voit sur
l’
étiquette le Trou de Bourgogne et la descente des vignes vers le lac.
43
’est le Neuchâtel blanc. (On voit sur l’étiquette
le
Trou de Bourgogne et la descente des vignes vers le lac. Je pouvais d
44
Neuchâtel blanc. (On voit sur l’étiquette le Trou
de
Bourgogne et la descente des vignes vers le lac. Je pouvais dire à me
45
(On voit sur l’étiquette le Trou de Bourgogne et
la
descente des vignes vers le lac. Je pouvais dire à mes amis : là, dan
46
Trou de Bourgogne et la descente des vignes vers
le
lac. Je pouvais dire à mes amis : là, dans ces arbres, au pied de cet
47
is dire à mes amis : là, dans ces arbres, au pied
de
cette colline, j’ai passé mon adolescence.) Voilà donc ce qui atteint
48
olescence.) Voilà donc ce qui atteint chez nous à
la
« classe internationale » comme on dit dans le monde des sports. Ces
49
à la « classe internationale » comme on dit dans
le
monde des sports. Ces quelques traits épars ne font pas un portrait.
50
s épars ne font pas un portrait. Dès qu’on essaie
de
définir l’originalité de notre canton, tout devient si complexe et so
51
font pas un portrait. Dès qu’on essaie de définir
l’
originalité de notre canton, tout devient si complexe et souvent si bi
52
rtrait. Dès qu’on essaie de définir l’originalité
de
notre canton, tout devient si complexe et souvent si bizarre aux yeux
53
raditions aristocratiques à peine éteintes (moins
de
cent ans) dans la plus vieille démocratie du monde ; tant de culture
54
atiques à peine éteintes (moins de cent ans) dans
la
plus vieille démocratie du monde ; tant de culture et peu de littérat
55
peu de littérature ; tant de bon sens professé et
de
fous à soigner ; tout un petit monde de contrastes intenses, entre l’
56
ofessé et de fous à soigner ; tout un petit monde
de
contrastes intenses, entre l’austérité des montagnes au nord et les r
57
tout un petit monde de contrastes intenses, entre
l’
austérité des montagnes au nord et les rives latines au midi, la Franc
58
enses, entre l’austérité des montagnes au nord et
les
rives latines au midi, la France à l’ouest, l’Alémanie à l’est ; — to
59
s montagnes au nord et les rives latines au midi,
la
France à l’ouest, l’Alémanie à l’est ; — tout un petit monde si bien
60
au nord et les rives latines au midi, la France à
l’
ouest, l’Alémanie à l’est ; — tout un petit monde si bien cerné, si co
61
t les rives latines au midi, la France à l’ouest,
l’
Alémanie à l’est ; — tout un petit monde si bien cerné, si conscient d
62
atines au midi, la France à l’ouest, l’Alémanie à
l’
est ; — tout un petit monde si bien cerné, si conscient de lui-même, e
63
— tout un petit monde si bien cerné, si conscient
de
lui-même, et si distinct… Je me disais qu’un jour je voudrais en écri
64
fallait d’abord rentrer. Je suis rentré, c’est
la
coutume des Suisses ; reparti, revenu, et ce n’est pas fini. Comment
65
nature, peut-il produire tant de nomades ? C’est
le
secret du « Service étranger ». Ceux qui ont envie de se battre avec
66
ecret du « Service étranger ». Ceux qui ont envie
de
se battre avec la vie s’en vont ailleurs brasser leur sang, plutôt qu
67
étranger ». Ceux qui ont envie de se battre avec
la
vie s’en vont ailleurs brasser leur sang, plutôt que de troubler la p
68
s’en vont ailleurs brasser leur sang, plutôt que
de
troubler la pax helvetica, merveille inaperçue du monde moderne. Le
69
illeurs brasser leur sang, plutôt que de troubler
la
pax helvetica, merveille inaperçue du monde moderne. Le voyage, qua
70
elvetica, merveille inaperçue du monde moderne.
Le
voyage, quand j’étais enfant, c’était quitter Couvet pour Neuchâtel,
71
is enfant, c’était quitter Couvet pour Neuchâtel,
le
« Vallon » pour le « Bas », l’école pour les vacances. C’était fuir e
72
quitter Couvet pour Neuchâtel, le « Vallon » pour
le
« Bas », l’école pour les vacances. C’était fuir et trahir en son cœu
73
et pour Neuchâtel, le « Vallon » pour le « Bas »,
l’
école pour les vacances. C’était fuir et trahir en son cœur le cirque
74
âtel, le « Vallon » pour le « Bas », l’école pour
les
vacances. C’était fuir et trahir en son cœur le cirque proche des crê
75
les vacances. C’était fuir et trahir en son cœur
le
cirque proche des crêtes dentées de sapins noirs, fermer les yeux pen
76
r en son cœur le cirque proche des crêtes dentées
de
sapins noirs, fermer les yeux pendant les treize tunnels, dans le lon
77
proche des crêtes dentées de sapins noirs, fermer
les
yeux pendant les treize tunnels, dans le long courant d’air des gorge
78
dentées de sapins noirs, fermer les yeux pendant
les
treize tunnels, dans le long courant d’air des gorges, sentir qu’on d
79
fermer les yeux pendant les treize tunnels, dans
le
long courant d’air des gorges, sentir qu’on descendait vers la lumièr
80
pendant les treize tunnels, dans le long courant
d’
air des gorges, sentir qu’on descendait vers la lumière, vers le grand
81
nt d’air des gorges, sentir qu’on descendait vers
la
lumière, vers le grand lac doublant soudain le ciel au sortir du trei
82
es, sentir qu’on descendait vers la lumière, vers
le
grand lac doublant soudain le ciel au sortir du treizième tunnel, ver
83
rs la lumière, vers le grand lac doublant soudain
le
ciel au sortir du treizième tunnel, vers des parcs somptueux et secre
84
et secrets, vers tout un monde intimidant, peuplé
d’
angoisses et de facilités, vers le bonheur. Aujourd’hui, ce trajet d’a
85
s tout un monde intimidant, peuplé d’angoisses et
de
facilités, vers le bonheur. Aujourd’hui, ce trajet d’aventure, sur le
86
imidant, peuplé d’angoisses et de facilités, vers
le
bonheur. Aujourd’hui, ce trajet d’aventure, sur lequel je repasse en
87
acilités, vers le bonheur. Aujourd’hui, ce trajet
d’
aventure, sur lequel je repasse en express, n’est plus que les quinze
88
sur lequel je repasse en express, n’est plus que
les
quinze dernières minutes, la dernière cigarette d’une nuit mal dormie
89
s quinze dernières minutes, la dernière cigarette
d’
une nuit mal dormie, le moment de refermer les valises entre deux coup
90
tes, la dernière cigarette d’une nuit mal dormie,
le
moment de refermer les valises entre deux coups d’œil par la fenêtre.
91
rnière cigarette d’une nuit mal dormie, le moment
de
refermer les valises entre deux coups d’œil par la fenêtre. Tout va t
92
ette d’une nuit mal dormie, le moment de refermer
les
valises entre deux coups d’œil par la fenêtre. Tout va trop vite pour
93
e refermer les valises entre deux coups d’œil par
la
fenêtre. Tout va trop vite pour le souvenir. Voici les toits, le cloc
94
oups d’œil par la fenêtre. Tout va trop vite pour
le
souvenir. Voici les toits, le clocher de Couvet, la petite gare qu’on
95
enêtre. Tout va trop vite pour le souvenir. Voici
les
toits, le clocher de Couvet, la petite gare qu’on traverse en trois s
96
t va trop vite pour le souvenir. Voici les toits,
le
clocher de Couvet, la petite gare qu’on traverse en trois secondes —
97
ite pour le souvenir. Voici les toits, le clocher
de
Couvet, la petite gare qu’on traverse en trois secondes — disparus sa
98
souvenir. Voici les toits, le clocher de Couvet,
la
petite gare qu’on traverse en trois secondes — disparus sans laisser
99
raverse en trois secondes — disparus sans laisser
de
traces, sans rejoindre en moi leur image. Un jour, il faudra s’arrête
100
ans ce village où je suis né ; mesurer mon âge et
le
Temps. Mais la vie, mais ce train m’emportent. La parole est encore à
101
où je suis né ; mesurer mon âge et le Temps. Mais
la
vie, mais ce train m’emportent. La parole est encore à ce qui vient.
102
le Temps. Mais la vie, mais ce train m’emportent.
La
parole est encore à ce qui vient. Et voici les brumes sur le lac, les
103
nt. La parole est encore à ce qui vient. Et voici
les
brumes sur le lac, les murs de vignes séculaires, et ce toit qui dema
104
st encore à ce qui vient. Et voici les brumes sur
le
lac, les murs de vignes séculaires, et ce toit qui demande aux voyage
105
e à ce qui vient. Et voici les brumes sur le lac,
les
murs de vignes séculaires, et ce toit qui demande aux voyageurs, en g
106
i vient. Et voici les brumes sur le lac, les murs
de
vignes séculaires, et ce toit qui demande aux voyageurs, en grandes l
107
oit qui demande aux voyageurs, en grandes lettres
de
tuiles blanches : ÊTES-VOUS SAUVÉS DU PÉCHÉ ? Tout de suite les quest
108
nches : ÊTES-VOUS SAUVÉS DU PÉCHÉ ? Tout de suite
les
questions personnelles, et ce besoin de réformer le prochain… Est-ce
109
de suite les questions personnelles, et ce besoin
de
réformer le prochain… Est-ce que ceux qui vivent sous ce toit sont te
110
questions personnelles, et ce besoin de réformer
le
prochain… Est-ce que ceux qui vivent sous ce toit sont tellement sûrs
111
ceux qui vivent sous ce toit sont tellement sûrs
de
leur affaire ?
112
II
L’
irruption du souvenir est aussi mystérieuse que celle de l’invention,
113
ption du souvenir est aussi mystérieuse que celle
de
l’invention, dans notre esprit. Peu s’en faut, si j’y pense, que je n
114
on du souvenir est aussi mystérieuse que celle de
l’
invention, dans notre esprit. Peu s’en faut, si j’y pense, que je ne l
115
re esprit. Peu s’en faut, si j’y pense, que je ne
les
distingue plus. Tout se passe comme si la mémoire inventait soudain q
116
je ne les distingue plus. Tout se passe comme si
la
mémoire inventait soudain quelque forme que vient emplir le flot de l
117
inventait soudain quelque forme que vient emplir
le
flot de l’émotion, mais n’est-ce pas le même piège que posera l’inven
118
it soudain quelque forme que vient emplir le flot
de
l’émotion, mais n’est-ce pas le même piège que posera l’invention, en
119
soudain quelque forme que vient emplir le flot de
l’
émotion, mais n’est-ce pas le même piège que posera l’invention, en le
120
nt emplir le flot de l’émotion, mais n’est-ce pas
le
même piège que posera l’invention, en le tournant dans l’autre sens,
121
otion, mais n’est-ce pas le même piège que posera
l’
invention, en le tournant dans l’autre sens, comme pour se souvenir de
122
t-ce pas le même piège que posera l’invention, en
le
tournant dans l’autre sens, comme pour se souvenir de ce qui vient ?
123
ournant dans l’autre sens, comme pour se souvenir
de
ce qui vient ? D’où remontent ces rythmes de mots, cette épithète, ce
124
re sens, comme pour se souvenir de ce qui vient ?
D’
où remontent ces rythmes de mots, cette épithète, ce nœud d’idées, où
125
enir de ce qui vient ? D’où remontent ces rythmes
de
mots, cette épithète, ce nœud d’idées, où je ne reconnais rien de déj
126
tent ces rythmes de mots, cette épithète, ce nœud
d’
idées, où je ne reconnais rien de déjà lu ? Et de quel ciel me tombent
127
pithète, ce nœud d’idées, où je ne reconnais rien
de
déjà lu ? Et de quel ciel me tombent ces visions surprenantes, où je
128
d’idées, où je ne reconnais rien de déjà lu ? Et
de
quel ciel me tombent ces visions surprenantes, où je reconnais bientô
129
nais bientôt ce que j’ai déjà vécu ? Certes, dans
les
deux cas, c’est moi que je découvre, puisqu’il s’agit d’un souvenir,
130
cas, c’est moi que je découvre, puisqu’il s’agit
d’
un souvenir, d’une invention, sans autre précédent que moi. Mais la vo
131
que je découvre, puisqu’il s’agit d’un souvenir,
d’
une invention, sans autre précédent que moi. Mais la volonté n’y peut
132
une invention, sans autre précédent que moi. Mais
la
volonté n’y peut rien. Pourquoi maintenant, à cet instant précis, et
133
ment ai-je donc fait par mégarde, qui m’accorde à
la
longueur d’ondes d’un passé, d’un avenir toujours présents ? Proust a
134
onc fait par mégarde, qui m’accorde à la longueur
d’
ondes d’un passé, d’un avenir toujours présents ? Proust a surpris le
135
par mégarde, qui m’accorde à la longueur d’ondes
d’
un passé, d’un avenir toujours présents ? Proust a surpris le mécanism
136
, qui m’accorde à la longueur d’ondes d’un passé,
d’
un avenir toujours présents ? Proust a surpris le mécanisme du souveni
137
d’un avenir toujours présents ? Proust a surpris
le
mécanisme du souvenir conditionné. Il nous livre à l’accidentel, et s
138
écanisme du souvenir conditionné. Il nous livre à
l’
accidentel, et ses accidents sont petits : une madeleine trempée dans
139
ine trempée dans du thé, un pavé qui bascule sous
la
semelle. Mais les grands accidents de la vie raniment de tout autres
140
du thé, un pavé qui bascule sous la semelle. Mais
les
grands accidents de la vie raniment de tout autres mystères. Ils nous
141
ascule sous la semelle. Mais les grands accidents
de
la vie raniment de tout autres mystères. Ils nous font découvrir plus
142
ule sous la semelle. Mais les grands accidents de
la
vie raniment de tout autres mystères. Ils nous font découvrir plus qu
143
lle. Mais les grands accidents de la vie raniment
de
tout autres mystères. Ils nous font découvrir plus que nous-mêmes.
144
Ils nous font découvrir plus que nous-mêmes. Je
l’
ignorais encore quand on m’a proposé d’écrire ces pages sur mon pays n
145
êmes. Je l’ignorais encore quand on m’a proposé
d’
écrire ces pages sur mon pays natal. On insistait amicalement : je ven
146
stait amicalement : je venais de rentrer, c’était
le
moment propice… Un bouquet pour le centenaire, quelques paysages du s
147
ntrer, c’était le moment propice… Un bouquet pour
le
centenaire, quelques paysages du souvenir… J’hésitais, j’allais me ré
148
? me disais-je, mais je n’en suis pas là. (Ainsi
l’
on croit savoir où l’on se tient, quel âge on a, et vers quoi l’on che
149
je n’en suis pas là. (Ainsi l’on croit savoir où
l’
on se tient, quel âge on a, et vers quoi l’on chemine. Mais au carrefo
150
oir où l’on se tient, quel âge on a, et vers quoi
l’
on chemine. Mais au carrefour d’autres destins croisés, soudain le ryt
151
is au carrefour d’autres destins croisés, soudain
le
rythme change en nous aussi, rompant la prévision, cette inertie.) Di
152
, soudain le rythme change en nous aussi, rompant
la
prévision, cette inertie.) Dix jours plus tard mourait mon père. Et t
153
tout en moi se tourne vers ses origines, au-delà
de
ma propre mémoire. Ces mouvements les plus profonds de l’être nous se
154
nes, au-delà de ma propre mémoire. Ces mouvements
les
plus profonds de l’être nous semblent déclenchés par un destin absurd
155
propre mémoire. Ces mouvements les plus profonds
de
l’être nous semblent déclenchés par un destin absurde, et nous les su
156
opre mémoire. Ces mouvements les plus profonds de
l’
être nous semblent déclenchés par un destin absurde, et nous les subis
157
emblent déclenchés par un destin absurde, et nous
les
subissons d’abord comme une force tout étrangère. Pourtant, ils nous
158
lque chose en nous qui n’est pas moins intime que
la
conscience, mais qui lui est antérieur et qui lui survivra ; quelque
159
antérieur et qui lui survivra ; quelque chose que
l’
on peut désigner d’un mot simple, et qui figure dans l’ordre naturel c
160
i survivra ; quelque chose que l’on peut désigner
d’
un mot simple, et qui figure dans l’ordre naturel comme un reflet de l
161
peut désigner d’un mot simple, et qui figure dans
l’
ordre naturel comme un reflet de la communion des saints : notre histo
162
t qui figure dans l’ordre naturel comme un reflet
de
la communion des saints : notre histoire, le passé qui passe en chacu
163
ui figure dans l’ordre naturel comme un reflet de
la
communion des saints : notre histoire, le passé qui passe en chacun d
164
flet de la communion des saints : notre histoire,
le
passé qui passe en chacun de nous ; qui par nous, maintenant, se pass
165
ts : notre histoire, le passé qui passe en chacun
de
nous ; qui par nous, maintenant, se passe, lié à toute l’histoire des
166
; qui par nous, maintenant, se passe, lié à toute
l’
histoire des autres hommes ; et sans lequel il n’y aurait jamais de pl
167
tres hommes ; et sans lequel il n’y aurait jamais
de
plénitude du présent. Dans le silence d’une vaste pièce où j’étais se
168
l n’y aurait jamais de plénitude du présent. Dans
le
silence d’une vaste pièce où j’étais seul devant l’admirable visage,
169
t jamais de plénitude du présent. Dans le silence
d’
une vaste pièce où j’étais seul devant l’admirable visage, debout au p
170
silence d’une vaste pièce où j’étais seul devant
l’
admirable visage, debout au pied du lit, prolongeant le gisant, j’ai s
171
irable visage, debout au pied du lit, prolongeant
le
gisant, j’ai su que j’étais d’une lignée.
172
u lit, prolongeant le gisant, j’ai su que j’étais
d’
une lignée.
173
III C’est l’un des traits
les
moins connus de notre pays que la continuité de ses familles, ailleur
174
III C’est l’un des traits les moins connus
de
notre pays que la continuité de ses familles, ailleurs rompue par des
175
’un des traits les moins connus de notre pays que
la
continuité de ses familles, ailleurs rompue par des révolutions ou de
176
les moins connus de notre pays que la continuité
de
ses familles, ailleurs rompue par des révolutions ou de fréquents cha
177
familles, ailleurs rompue par des révolutions ou
de
fréquents changements de condition sociale. Nos archives sont intacte
178
e par des révolutions ou de fréquents changements
de
condition sociale. Nos archives sont intactes, minutieusement tenues
179
archives sont intactes, minutieusement tenues par
les
communes les plus modestes, et tenues depuis plusieurs siècles pour u
180
intactes, minutieusement tenues par les communes
les
plus modestes, et tenues depuis plusieurs siècles pour une beaucoup p
181
siècles pour une beaucoup plus grande proportion
d’
habitants que dans d’autres nations de l’Europe. La plupart des citoye
182
proportion d’habitants que dans d’autres nations
de
l’Europe. La plupart des citoyens suisses, qu’ils soient bourgeois, o
183
oportion d’habitants que dans d’autres nations de
l’
Europe. La plupart des citoyens suisses, qu’ils soient bourgeois, ouvr
184
es époques où n’atteignent, chez nos voisins, que
les
familles de la noblesse. La Suisse n’est pas démocratique pour avoir
185
n’atteignent, chez nos voisins, que les familles
de
la noblesse. La Suisse n’est pas démocratique pour avoir tardivement
186
atteignent, chez nos voisins, que les familles de
la
noblesse. La Suisse n’est pas démocratique pour avoir tardivement abo
187
hez nos voisins, que les familles de la noblesse.
La
Suisse n’est pas démocratique pour avoir tardivement aboli ce que l’o
188
démocratique pour avoir tardivement aboli ce que
l’
on nomme les privilèges, mais pour les avoir étendus, dès l’origine, a
189
ue pour avoir tardivement aboli ce que l’on nomme
les
privilèges, mais pour les avoir étendus, dès l’origine, au plus grand
190
aboli ce que l’on nomme les privilèges, mais pour
les
avoir étendus, dès l’origine, au plus grand nombre. Le « Rôle des
191
les privilèges, mais pour les avoir étendus, dès
l’
origine, au plus grand nombre. Le « Rôle des Bourgeois » de Neuchât
192
étendus, dès l’origine, au plus grand nombre.
Le
« Rôle des Bourgeois » de Neuchâtel illustre cette continuité jusqu’a
193
u plus grand nombre. Le « Rôle des Bourgeois »
de
Neuchâtel illustre cette continuité jusqu’au xvie , et pour beaucoup
194
nge. Voyez plutôt ces noms relevés au hasard dans
le
rôle de 1353 : Malifer, Conoz Bazin, Rollin d’Orouse, Perrod Tornarre
195
ez plutôt ces noms relevés au hasard dans le rôle
de
1353 : Malifer, Conoz Bazin, Rollin d’Orouse, Perrod Tornarre, Jeanni
196
quyrily, Quicu… On dirait des injures en patois !
De
tous ces noms si proches du latin populaire, un seul subsistera cent
197
un seul subsistera cent ans plus tard, tandis que
la
grande majorité des patronymes de consonance moderne et francisée, qu
198
ard, tandis que la grande majorité des patronymes
de
consonance moderne et francisée, qui figurent sur le rôle de 1580, on
199
consonance moderne et francisée, qui figurent sur
le
rôle de 1580, ont subsisté jusqu’à nos jours. Beaucoup d’autres s’y s
200
ce moderne et francisée, qui figurent sur le rôle
de
1580, ont subsisté jusqu’à nos jours. Beaucoup d’autres s’y sont ajou
201
os jours. Beaucoup d’autres s’y sont ajoutés dans
le
cours du xixe siècle. Sur les trois-cent-soixante familles nouvellem
202
y sont ajoutés dans le cours du xixe siècle. Sur
les
trois-cent-soixante familles nouvellement agrégées à notre bourgeoisi
203
es nouvellement agrégées à notre bourgeoisie dans
les
douze ans précédant 1900, deux tiers portent des noms allemands. Elle
204
apporté un dynamisme neuf, et un accent qui défie
la
pudeur… Le gouvernement et la structure sociale de la Principauté d
205
namisme neuf, et un accent qui défie la pudeur…
Le
gouvernement et la structure sociale de la Principauté de Neuchâtel,
206
accent qui défie la pudeur… Le gouvernement et
la
structure sociale de la Principauté de Neuchâtel, du xve siècle jusq
207
pudeur… Le gouvernement et la structure sociale
de
la Principauté de Neuchâtel, du xve siècle jusqu’aux débuts du xixe
208
eur… Le gouvernement et la structure sociale de
la
Principauté de Neuchâtel, du xve siècle jusqu’aux débuts du xixe , n
209
rnement et la structure sociale de la Principauté
de
Neuchâtel, du xve siècle jusqu’aux débuts du xixe , ne manquent pas
210
siècle jusqu’aux débuts du xixe , ne manquent pas
d’
évoquer un mouvement d’horlogerie, par leur extrême complication dans
211
du xixe , ne manquent pas d’évoquer un mouvement
d’
horlogerie, par leur extrême complication dans un espace aussi réduit
212
possible. William Coxe, voyageur anglais, auteur
de
Lettres sur l’état politique, civil et naturel de la Suisse, écrit en
213
iam Coxe, voyageur anglais, auteur de Lettres sur
l’
état politique, civil et naturel de la Suisse, écrit en 1776 : « La co
214
de Lettres sur l’état politique, civil et naturel
de
la Suisse, écrit en 1776 : « La constitution de Neuchâtel est une mon
215
Lettres sur l’état politique, civil et naturel de
la
Suisse, écrit en 1776 : « La constitution de Neuchâtel est une monarc
216
civil et naturel de la Suisse, écrit en 1776 : «
La
constitution de Neuchâtel est une monarchie limitée, dont la machine
217
l de la Suisse, écrit en 1776 : « La constitution
de
Neuchâtel est une monarchie limitée, dont la machine est mise en mouv
218
tion de Neuchâtel est une monarchie limitée, dont
la
machine est mise en mouvement par des ressorts si déliés, et des roua
219
et des rouages si compliqués, qu’il est difficile
de
distinguer avec quelque exactitude les prérogatives du Souverain des
220
t difficile de distinguer avec quelque exactitude
les
prérogatives du Souverain des franchises du Peuple. » Voici ce qu’il
221
» Voici ce qu’il a cru démêler, en une vingtaine
de
pages où perce l’étonnement. « Le Prince se fait représenter en son a
222
a cru démêler, en une vingtaine de pages où perce
l’
étonnement. « Le Prince se fait représenter en son absence [car en fai
223
n une vingtaine de pages où perce l’étonnement. «
Le
Prince se fait représenter en son absence [car en fait il vit à Berli
224
fait il vit à Berlin] par un Gouverneur qui jouit
d’
une très-grande considération, et d’une très-petite autorité… Les Troi
225
eur qui jouit d’une très-grande considération, et
d’
une très-petite autorité… Les Trois États de Neuchâtel sont le tribuna
226
nde considération, et d’une très-petite autorité…
Les
Trois États de Neuchâtel sont le tribunal suprême du pays. Il est com
227
etite autorité… Les Trois États de Neuchâtel sont
le
tribunal suprême du pays. Il est composé de douze Juges partagés en t
228
sont le tribunal suprême du pays. Il est composé
de
douze Juges partagés en trois divisions… Les quatre conseillers d’Éta
229
mposé de douze Juges partagés en trois divisions…
Les
quatre conseillers d’État les plus anciens forment la première divisi
230
rtagés en trois divisions… Les quatre conseillers
d’
État les plus anciens forment la première division ; ces conseillers s
231
en trois divisions… Les quatre conseillers d’État
les
plus anciens forment la première division ; ces conseillers sont Nobl
232
ces conseillers sont Nobles. La seconde comprend
les
quatre Châtelains de Landeron Boudry, Valtravers et Thielle… Enfin la
233
Nobles. La seconde comprend les quatre Châtelains
de
Landeron Boudry, Valtravers et Thielle… Enfin la troisième division e
234
Thielle… Enfin la troisième division est composée
de
quatre conseillers de la ville de Neuchâtel. Ce Tribunal n’est, à par
235
sième division est composée de quatre conseillers
de
la ville de Neuchâtel. Ce Tribunal n’est, à parler régulièrement, qu’
236
me division est composée de quatre conseillers de
la
ville de Neuchâtel. Ce Tribunal n’est, à parler régulièrement, qu’une
237
on est composée de quatre conseillers de la ville
de
Neuchâtel. Ce Tribunal n’est, à parler régulièrement, qu’une Cour sup
238
’est, à parler régulièrement, qu’une Cour suprême
de
Justice… » Le Conseil d’État saisi de l’administration ordinaire du g
239
régulièrement, qu’une Cour suprême de Justice… »
Le
Conseil d’État saisi de l’administration ordinaire du gouvernement, a
240
ent, qu’une Cour suprême de Justice… » Le Conseil
d’
État saisi de l’administration ordinaire du gouvernement, a l’exercice
241
our suprême de Justice… » Le Conseil d’État saisi
de
l’administration ordinaire du gouvernement, a l’exercice de la Puissa
242
suprême de Justice… » Le Conseil d’État saisi de
l’
administration ordinaire du gouvernement, a l’exercice de la Puissance
243
de l’administration ordinaire du gouvernement, a
l’
exercice de la Puissance exécutrice. Ses membres sont à la nomination
244
istration ordinaire du gouvernement, a l’exercice
de
la Puissance exécutrice. Ses membres sont à la nomination du Prince…
245
ration ordinaire du gouvernement, a l’exercice de
la
Puissance exécutrice. Ses membres sont à la nomination du Prince… » N
246
ce de la Puissance exécutrice. Ses membres sont à
la
nomination du Prince… » Nulle ordonnance émanée de ce Conseil ne peut
247
a nomination du Prince… » Nulle ordonnance émanée
de
ce Conseil ne peut acquérir force de loi, avant d’avoir été soumise à
248
nance émanée de ce Conseil ne peut acquérir force
de
loi, avant d’avoir été soumise à l’examen d’un Comité composé du Cons
249
e ce Conseil ne peut acquérir force de loi, avant
d’
avoir été soumise à l’examen d’un Comité composé du Conseil de Ville e
250
cquérir force de loi, avant d’avoir été soumise à
l’
examen d’un Comité composé du Conseil de Ville et des Députés de Valle
251
orce de loi, avant d’avoir été soumise à l’examen
d’
un Comité composé du Conseil de Ville et des Députés de Vallengin… » L
252
soumise à l’examen d’un Comité composé du Conseil
de
Ville et des Députés de Vallengin… » La ville de Neuchâtel jouit de p
253
Comité composé du Conseil de Ville et des Députés
de
Vallengin… » La ville de Neuchâtel jouit de privilèges très considéra
254
u Conseil de Ville et des Députés de Vallengin… »
La
ville de Neuchâtel jouit de privilèges très considérables. Elle a la
255
de Ville et des Députés de Vallengin… » La ville
de
Neuchâtel jouit de privilèges très considérables. Elle a la police de
256
putés de Vallengin… » La ville de Neuchâtel jouit
de
privilèges très considérables. Elle a la police de son territoire, et
257
el jouit de privilèges très considérables. Elle a
la
police de son territoire, et n’est gouvernée que par ses propres magi
258
e privilèges très considérables. Elle a la police
de
son territoire, et n’est gouvernée que par ses propres magistrats, di
259
cuperai point du détail des diverses subdivisions
de
ces deux Tribunaux, mais je ne puis m’empêcher de faire mention du co
260
de ces deux Tribunaux, mais je ne puis m’empêcher
de
faire mention du corps des Ministraux qui forme le Tiers État toutes
261
e faire mention du corps des Ministraux qui forme
le
Tiers État toutes les fois qu’il s’agit d’établir quelque loi nouvell
262
forme le Tiers État toutes les fois qu’il s’agit
d’
établir quelque loi nouvelle, ou de faire des changemens aux anciennes
263
s qu’il s’agit d’établir quelque loi nouvelle, ou
de
faire des changemens aux anciennes. Ce corps est une sorte de Comité
264
changemens aux anciennes. Ce corps est une sorte
de
Comité chargé de l’administration de la police, et dont les membres s
265
nciennes. Ce corps est une sorte de Comité chargé
de
l’administration de la police, et dont les membres sont choisis dans
266
ennes. Ce corps est une sorte de Comité chargé de
l’
administration de la police, et dont les membres sont choisis dans le
267
st une sorte de Comité chargé de l’administration
de
la police, et dont les membres sont choisis dans le Conseil de Ville.
268
une sorte de Comité chargé de l’administration de
la
police, et dont les membres sont choisis dans le Conseil de Ville. Il
269
chargé de l’administration de la police, et dont
les
membres sont choisis dans le Conseil de Ville. Il est composé de deux
270
la police, et dont les membres sont choisis dans
le
Conseil de Ville. Il est composé de deux Présidens de ce conseil, de
271
et dont les membres sont choisis dans le Conseil
de
Ville. Il est composé de deux Présidens de ce conseil, de quatre Maît
272
choisis dans le Conseil de Ville. Il est composé
de
deux Présidens de ce conseil, de quatre Maîtres-Bourgeois fournis par
273
onseil de Ville. Il est composé de deux Présidens
de
ce conseil, de quatre Maîtres-Bourgeois fournis par le petit Sénat, e
274
. Il est composé de deux Présidens de ce conseil,
de
quatre Maîtres-Bourgeois fournis par le petit Sénat, et du Banneret o
275
conseil, de quatre Maîtres-Bourgeois fournis par
le
petit Sénat, et du Banneret ou Gardien des libertés du Peuple… [Ce de
276
des libertés du Peuple… [Ce dernier] est élu par
l’
assemblée générale des Citoyens, et demeure six ans en office. » « La
277
e des Citoyens, et demeure six ans en office. » «
La
Puissance législative est divisée et répartie d’une manière si compli
278
La Puissance législative est divisée et répartie
d’
une manière si compliquée qu’il serait très-difficile de dire précisém
279
manière si compliquée qu’il serait très-difficile
de
dire précisément où elle réside. Le détail suivant… servira peut-être
280
rès-difficile de dire précisément où elle réside.
Le
détail suivant… servira peut-être à débrouiller ce chaos. » Passons l
281
rvira peut-être à débrouiller ce chaos. » Passons
le
détail, qui tient deux pages. Coxe en conclut, non sans hésitation, q
282
pages. Coxe en conclut, non sans hésitation, que
l’
autorité législative semble résider « à la fois dans le Prince, le Con
283
orité législative semble résider « à la fois dans
le
Prince, le Conseil d’État, et la ville de Neuchâtel, conjointement co
284
lative semble résider « à la fois dans le Prince,
le
Conseil d’État, et la ville de Neuchâtel, conjointement considérés ;
285
le résider « à la fois dans le Prince, le Conseil
d’
État, et la ville de Neuchâtel, conjointement considérés ; que le Val
286
« à la fois dans le Prince, le Conseil d’État, et
la
ville de Neuchâtel, conjointement considérés ; que le Vallengin a un
287
is dans le Prince, le Conseil d’État, et la ville
de
Neuchâtel, conjointement considérés ; que le Vallengin a une sorte d
288
lle de Neuchâtel, conjointement considérés ; que
le
Vallengin a une sorte de voix négative ; et enfin, que c’est aux Troi
289
tement considérés ; que le Vallengin a une sorte
de
voix négative ; et enfin, que c’est aux Trois États qu’il appartient
290
enfin, que c’est aux Trois États qu’il appartient
de
proposer et de promulguer une loi ». Quant à l’esprit des lois pénale
291
t aux Trois États qu’il appartient de proposer et
de
promulguer une loi ». Quant à l’esprit des lois pénales, Coxe l’estim
292
t de proposer et de promulguer une loi ». Quant à
l’
esprit des lois pénales, Coxe l’estime « d’une extrême douceur », et l
293
ne loi ». Quant à l’esprit des lois pénales, Coxe
l’
estime « d’une extrême douceur », et les peines sont appliquées aux di
294
uant à l’esprit des lois pénales, Coxe l’estime «
d’
une extrême douceur », et les peines sont appliquées aux différents dé
295
ales, Coxe l’estime « d’une extrême douceur », et
les
peines sont appliquées aux différents délits avec une telle précision
296
avec une telle précision « qu’il ne reste rien à
la
détermination des Juges… En un mot, et pour m’exprimer sur l’esprit d
297
tion des Juges… En un mot, et pour m’exprimer sur
l’
esprit de cette législation dans les termes qui l’honorent le plus, je
298
Juges… En un mot, et pour m’exprimer sur l’esprit
de
cette législation dans les termes qui l’honorent le plus, je vous dir
299
m’exprimer sur l’esprit de cette législation dans
les
termes qui l’honorent le plus, je vous dirai que la liberté des indiv
300
l’esprit de cette législation dans les termes qui
l’
honorent le plus, je vous dirai que la liberté des individus est proté
301
cette législation dans les termes qui l’honorent
le
plus, je vous dirai que la liberté des individus est protégée par les
302
termes qui l’honorent le plus, je vous dirai que
la
liberté des individus est protégée par les loix de ce pays avec autan
303
rai que la liberté des individus est protégée par
les
loix de ce pays avec autant de sollicitude et d’efficacité que par ce
304
a liberté des individus est protégée par les loix
de
ce pays avec autant de sollicitude et d’efficacité que par celles de
305
est protégée par les loix de ce pays avec autant
de
sollicitude et d’efficacité que par celles de notre inestimable const
306
les loix de ce pays avec autant de sollicitude et
d’
efficacité que par celles de notre inestimable constitution. » Qu’atte
307
ant de sollicitude et d’efficacité que par celles
de
notre inestimable constitution. » Qu’attendre de plus d’un Anglais ?
308
e inestimable constitution. » Qu’attendre de plus
d’
un Anglais ? N’oublions pas que les Trois États, le Conseil d’État,
309
ndre de plus d’un Anglais ? N’oublions pas que
les
Trois États, le Conseil d’État, le Grand Conseil, le Petit Conseil, l
310
Anglais ? N’oublions pas que les Trois États,
le
Conseil d’État, le Grand Conseil, le Petit Conseil, les Quatre-Minist
311
N’oublions pas que les Trois États, le Conseil
d’
État, le Grand Conseil, le Petit Conseil, les Quatre-Ministraux, les M
312
lions pas que les Trois États, le Conseil d’État,
le
Grand Conseil, le Petit Conseil, les Quatre-Ministraux, les Maîtres-B
313
Trois États, le Conseil d’État, le Grand Conseil,
le
Petit Conseil, les Quatre-Ministraux, les Maîtres-Bourgeois, le Banne
314
nseil d’État, le Grand Conseil, le Petit Conseil,
les
Quatre-Ministraux, les Maîtres-Bourgeois, le Banneret, le Chancelier,
315
Conseil, le Petit Conseil, les Quatre-Ministraux,
les
Maîtres-Bourgeois, le Banneret, le Chancelier, le Procureur Général e
316
il, les Quatre-Ministraux, les Maîtres-Bourgeois,
le
Banneret, le Chancelier, le Procureur Général et le Gouverneur, « con
317
e-Ministraux, les Maîtres-Bourgeois, le Banneret,
le
Chancelier, le Procureur Général et le Gouverneur, « conjointement co
318
es Maîtres-Bourgeois, le Banneret, le Chancelier,
le
Procureur Général et le Gouverneur, « conjointement considérés » avec
319
Banneret, le Chancelier, le Procureur Général et
le
Gouverneur, « conjointement considérés » avec les Trois États et les
320
le Gouverneur, « conjointement considérés » avec
les
Trois États et les députés de Valangin, les vingt et une Cours de jus
321
onjointement considérés » avec les Trois États et
les
députés de Valangin, les vingt et une Cours de justice locales, les C
322
considérés » avec les Trois États et les députés
de
Valangin, les vingt et une Cours de justice locales, les Châtelains e
323
avec les Trois États et les députés de Valangin,
les
vingt et une Cours de justice locales, les Châtelains et les Maires d
324
t les députés de Valangin, les vingt et une Cours
de
justice locales, les Châtelains et les Maires de districts, et cent a
325
angin, les vingt et une Cours de justice locales,
les
Châtelains et les Maires de districts, et cent autres emplois ou dign
326
t une Cours de justice locales, les Châtelains et
les
Maires de districts, et cent autres emplois ou dignités, exerçaient l
327
de justice locales, les Châtelains et les Maires
de
districts, et cent autres emplois ou dignités, exerçaient leurs pouvo
328
rés mais jalousement distincts, dans une capitale
de
trois-mille habitants, un pays de quarante mille bons et fidèles suje
329
ns une capitale de trois-mille habitants, un pays
de
quarante mille bons et fidèles sujets… « En 1818 déjà — écrit M. A
330
rit M. Arthur Piaget dans sa remarquable Histoire
de
la révolution neuchâteloise — le Procureur général de Rougemont… cons
331
M. Arthur Piaget dans sa remarquable Histoire de
la
révolution neuchâteloise — le Procureur général de Rougemont… considé
332
rquable Histoire de la révolution neuchâteloise —
le
Procureur général de Rougemont… considérait la monarchie comme fatale
333
— le Procureur général de Rougemont… considérait
la
monarchie comme fatalement condamnée » (II. 242). « Il jugeait ridicu
334
e » (II. 242). « Il jugeait ridicule et dangereux
l’
esprit de caste et de famille qui régnait à Neuchâtel. Dieu nous prése
335
242). « Il jugeait ridicule et dangereux l’esprit
de
caste et de famille qui régnait à Neuchâtel. Dieu nous préserve, écri
336
ugeait ridicule et dangereux l’esprit de caste et
de
famille qui régnait à Neuchâtel. Dieu nous préserve, écrivait-il, des
337
ous préserve, écrivait-il, des parvenus par droit
de
naissance et de fortune qui clabaudent contre ceux qui parviennent pa
338
rivait-il, des parvenus par droit de naissance et
de
fortune qui clabaudent contre ceux qui parviennent par droits de tale
339
clabaudent contre ceux qui parviennent par droits
de
talents et de vertus. Il estimait ces prétentions déplacées dans un p
340
tre ceux qui parviennent par droits de talents et
de
vertus. Il estimait ces prétentions déplacées dans un pays où la plus
341
stimait ces prétentions déplacées dans un pays où
la
plus ancienne noblesse n’est pas chapitrale, où les trois quarts de l
342
a plus ancienne noblesse n’est pas chapitrale, où
les
trois quarts de la noblesse trouvent des paysans aux quatrième et cin
343
oblesse n’est pas chapitrale, où les trois quarts
de
la noblesse trouvent des paysans aux quatrième et cinquième échelons
344
esse n’est pas chapitrale, où les trois quarts de
la
noblesse trouvent des paysans aux quatrième et cinquième échelons en
345
l’un des principaux artisans du « cantonnement »
de
Neuchâtel, c’est-à-dire de son inclusion, mais sans changer de régime
346
ns du « cantonnement » de Neuchâtel, c’est-à-dire
de
son inclusion, mais sans changer de régime, dans le Corps helvétique.
347
c’est-à-dire de son inclusion, mais sans changer
de
régime, dans le Corps helvétique. Dès la chute de Napoléon, et malg
348
son inclusion, mais sans changer de régime, dans
le
Corps helvétique. Dès la chute de Napoléon, et malgré la Restaurati
349
hanger de régime, dans le Corps helvétique. Dès
la
chute de Napoléon, et malgré la Restauration, l’on s’aperçut que ce b
350
régime, dans le Corps helvétique. Dès la chute
de
Napoléon, et malgré la Restauration, l’on s’aperçut que ce beau mouve
351
helvétique. Dès la chute de Napoléon, et malgré
la
Restauration, l’on s’aperçut que ce beau mouvement d’horlogerie fine
352
la chute de Napoléon, et malgré la Restauration,
l’
on s’aperçut que ce beau mouvement d’horlogerie fine retardait sans es
353
estauration, l’on s’aperçut que ce beau mouvement
d’
horlogerie fine retardait sans espoir sur l’heure du siècle, avancée p
354
ement d’horlogerie fine retardait sans espoir sur
l’
heure du siècle, avancée pour le reste de l’Europe par la Révolution,
355
t sans espoir sur l’heure du siècle, avancée pour
le
reste de l’Europe par la Révolution, puis par l’Empire, dans le sens
356
poir sur l’heure du siècle, avancée pour le reste
de
l’Europe par la Révolution, puis par l’Empire, dans le sens des droit
357
r sur l’heure du siècle, avancée pour le reste de
l’
Europe par la Révolution, puis par l’Empire, dans le sens des droits i
358
du siècle, avancée pour le reste de l’Europe par
la
Révolution, puis par l’Empire, dans le sens des droits individuels et
359
le reste de l’Europe par la Révolution, puis par
l’
Empire, dans le sens des droits individuels et de la tyrannie collecti
360
Europe par la Révolution, puis par l’Empire, dans
le
sens des droits individuels et de la tyrannie collective. La populati
361
l’Empire, dans le sens des droits individuels et
de
la tyrannie collective. La population s’accroissait, le commerce pros
362
Empire, dans le sens des droits individuels et de
la
tyrannie collective. La population s’accroissait, le commerce prospér
363
droits individuels et de la tyrannie collective.
La
population s’accroissait, le commerce prospérait, l’industrie naissai
364
tyrannie collective. La population s’accroissait,
le
commerce prospérait, l’industrie naissait, les radicaux triomphaient
365
population s’accroissait, le commerce prospérait,
l’
industrie naissait, les radicaux triomphaient partout. Il était temps
366
it, le commerce prospérait, l’industrie naissait,
les
radicaux triomphaient partout. Il était temps d’adopter l’heure de Be
367
les radicaux triomphaient partout. Il était temps
d’
adopter l’heure de Berne. Et ce fut 1848.
368
ux triomphaient partout. Il était temps d’adopter
l’
heure de Berne. Et ce fut 1848.
369
phaient partout. Il était temps d’adopter l’heure
de
Berne. Et ce fut 1848.
370
famille parmi d’autres, et qui n’a guère cherché
d’
illustration en dehors des limites de la communauté qu’elle a servie p
371
uère cherché d’illustration en dehors des limites
de
la communauté qu’elle a servie pendant cinq siècles. Dans l’ascendanc
372
e cherché d’illustration en dehors des limites de
la
communauté qu’elle a servie pendant cinq siècles. Dans l’ascendance d
373
nauté qu’elle a servie pendant cinq siècles. Dans
l’
ascendance directe de mon père, je trouve d’abord, dès la Réforme, deu
374
e pendant cinq siècles. Dans l’ascendance directe
de
mon père, je trouve d’abord, dès la Réforme, deux « ministres du sain
375
dance directe de mon père, je trouve d’abord, dès
la
Réforme, deux « ministres du saint Évangile » et deux juges. À partir
376
ngile » et deux juges. À partir du xviie siècle,
les
généalogies que j’ai pu consulter ne mentionnent plus que des charges
377
es Assises, membres du Petit Conseil, conseillers
d’
État, enfin Procureur général de la Principauté. Puis survient la révo
378
rocureur général de la Principauté. Puis survient
la
révolution dont nous allons célébrer le centenaire, et le dessaisisse
379
survient la révolution dont nous allons célébrer
le
centenaire, et le dessaisissement du patriciat ; de là cette notice s
380
ution dont nous allons célébrer le centenaire, et
le
dessaisissement du patriciat ; de là cette notice symbolique : Denis-
381
centenaire, et le dessaisissement du patriciat ;
de
là cette notice symbolique : Denis-François-Henry, rentier. (Un renti
382
hômeur riche.) Suivent mon grand-père, professeur
de
théologie, et mon père, pasteur. Cela fait, au début et à la fin, pas
383
e, et mon père, pasteur. Cela fait, au début et à
la
fin, pas mal de robes et de rabats, soit de justice, soit d’église ;
384
pasteur. Cela fait, au début et à la fin, pas mal
de
robes et de rabats, soit de justice, soit d’église ; et entre-temps p
385
a fait, au début et à la fin, pas mal de robes et
de
rabats, soit de justice, soit d’église ; et entre-temps plus de deux
386
et à la fin, pas mal de robes et de rabats, soit
de
justice, soit d’église ; et entre-temps plus de deux siècles de parti
387
mal de robes et de rabats, soit de justice, soit
d’
église ; et entre-temps plus de deux siècles de participation continue
388
t de justice, soit d’église ; et entre-temps plus
de
deux siècles de participation continuelle au gouvernement du pays. Au
389
it d’église ; et entre-temps plus de deux siècles
de
participation continuelle au gouvernement du pays. Au xixe siècle, N
390
t du pays. Au xixe siècle, Neuchâtel ayant cessé
d’
être ce qu’il conviendrait de nommer une aristocratie républicaine au
391
euchâtel ayant cessé d’être ce qu’il conviendrait
de
nommer une aristocratie républicaine au Prince lointain, cette dynast
392
e républicaine au Prince lointain, cette dynastie
de
conseillers d’État se tourne vers la vie intellectuelle. D’où septant
393
au Prince lointain, cette dynastie de conseillers
d’
État se tourne vers la vie intellectuelle. D’où septante-six ouvrages
394
tte dynastie de conseillers d’État se tourne vers
la
vie intellectuelle. D’où septante-six ouvrages publiés par des Rougem
395
lers d’État se tourne vers la vie intellectuelle.
D’
où septante-six ouvrages publiés par des Rougemont en Suisse, en Franc
396
e et en Allemagne, entre 1830 et 1900. Et cela va
d’
un essai sur Socrate et Jésus-Christ jusqu’à des Observations sur l’or
397
rate et Jésus-Christ jusqu’à des Observations sur
l’
organe détonant du Brachinus crepitans, en passant par un Précis de gé
398
du Brachinus crepitans, en passant par un Précis
de
géographie comparée et Quelques mots sur les nombres rythmiques de la
399
récis de géographie comparée et Quelques mots sur
les
nombres rythmiques de la prophétie… « L’ennui que j’aime à trouver
400
parée et Quelques mots sur les nombres rythmiques
de
la prophétie… « L’ennui que j’aime à trouver au fond de l’histoire
401
ée et Quelques mots sur les nombres rythmiques de
la
prophétie… « L’ennui que j’aime à trouver au fond de l’histoire n’
402
sur les nombres rythmiques de la prophétie… «
L’
ennui que j’aime à trouver au fond de l’histoire n’est pas du goût de
403
phétie… « L’ennui que j’aime à trouver au fond
de
l’histoire n’est pas du goût de chacun », notait Chateaubriand dans s
404
tie… « L’ennui que j’aime à trouver au fond de
l’
histoire n’est pas du goût de chacun », notait Chateaubriand dans ses
405
à trouver au fond de l’histoire n’est pas du goût
de
chacun », notait Chateaubriand dans ses Mémoires. Mais c’est par le d
406
t Chateaubriand dans ses Mémoires. Mais c’est par
le
détail qu’on connaît une famille, par une famille l’histoire d’un pay
407
détail qu’on connaît une famille, par une famille
l’
histoire d’un pays, et surtout d’un petit pays. Ainsi l’on répète volo
408
n connaît une famille, par une famille l’histoire
d’
un pays, et surtout d’un petit pays. Ainsi l’on répète volontiers que
409
par une famille l’histoire d’un pays, et surtout
d’
un petit pays. Ainsi l’on répète volontiers que la Suisse est le « car
410
oire d’un pays, et surtout d’un petit pays. Ainsi
l’
on répète volontiers que la Suisse est le « carrefour de l’Europe ». P
411
d’un petit pays. Ainsi l’on répète volontiers que
la
Suisse est le « carrefour de l’Europe ». Pour vérifier ce lieu commun
412
s. Ainsi l’on répète volontiers que la Suisse est
le
« carrefour de l’Europe ». Pour vérifier ce lieu commun, examinons de
413
épète volontiers que la Suisse est le « carrefour
de
l’Europe ». Pour vérifier ce lieu commun, examinons deux prises micro
414
te volontiers que la Suisse est le « carrefour de
l’
Europe ». Pour vérifier ce lieu commun, examinons deux prises microsco
415
aminons deux prises microscopiques prélevées dans
les
archives de ma famille. Sur les trente-deux ancêtres de mon père à la
416
prises microscopiques prélevées dans les archives
de
ma famille. Sur les trente-deux ancêtres de mon père à la cinquième g
417
es prélevées dans les archives de ma famille. Sur
les
trente-deux ancêtres de mon père à la cinquième génération, je compte
418
hives de ma famille. Sur les trente-deux ancêtres
de
mon père à la cinquième génération, je compte quatorze Neuchâtelois,
419
puis une Allemande. Et des trois autres branches
de
leur famille, au début du xixe siècle, deux sont en train de devenir
420
e l’un des traits qu’ont en commun presque toutes
les
anciennes familles de ce pays manque à la mienne : point de militaire
421
t en commun presque toutes les anciennes familles
de
ce pays manque à la mienne : point de militaires parmi les ascendants
422
es familles de ce pays manque à la mienne : point
de
militaires parmi les ascendants directs du nom de mon père. Par les f
423
ys manque à la mienne : point de militaires parmi
les
ascendants directs du nom de mon père. Par les femmes, on en trouve q
424
de militaires parmi les ascendants directs du nom
de
mon père. Par les femmes, on en trouve quelques-uns, mais là encore l
425
mi les ascendants directs du nom de mon père. Par
les
femmes, on en trouve quelques-uns, mais là encore les traditions inte
426
femmes, on en trouve quelques-uns, mais là encore
les
traditions intellectuelles et politiques restent les plus marquées. F
427
traditions intellectuelles et politiques restent
les
plus marquées. François-Antoine III, mon quadrisaïeul, épouse Henriet
428
ïeul, épouse Henriette de Montmollin : elle était
la
petite-fille du « grand Ostervald », traducteur de la Bible admiré pa
429
a petite-fille du « grand Ostervald », traducteur
de
la Bible admiré par Fénelon, auteur de vingt traités sur la morale, l
430
etite-fille du « grand Ostervald », traducteur de
la
Bible admiré par Fénelon, auteur de vingt traités sur la morale, la l
431
traducteur de la Bible admiré par Fénelon, auteur
de
vingt traités sur la morale, la liturgie et la théologie qui furent t
432
e admiré par Fénelon, auteur de vingt traités sur
la
morale, la liturgie et la théologie qui furent traduits dans toute l’
433
r Fénelon, auteur de vingt traités sur la morale,
la
liturgie et la théologie qui furent traduits dans toute l’Europe, et
434
ur de vingt traités sur la morale, la liturgie et
la
théologie qui furent traduits dans toute l’Europe, et qui le firent a
435
ie et la théologie qui furent traduits dans toute
l’
Europe, et qui le firent appeler par Newton « le plus chrétien de tous
436
e qui furent traduits dans toute l’Europe, et qui
le
firent appeler par Newton « le plus chrétien de tous les hommes », vi
437
e l’Europe, et qui le firent appeler par Newton «
le
plus chrétien de tous les hommes », vir omnium christianissimus. Mon
438
i le firent appeler par Newton « le plus chrétien
de
tous les hommes », vir omnium christianissimus. Mon trisaïeul, le Pro
439
ent appeler par Newton « le plus chrétien de tous
les
hommes », vir omnium christianissimus. Mon trisaïeul, le Procureur gé
440
es », vir omnium christianissimus. Mon trisaïeul,
le
Procureur général, épouse Charlotte d’Ostervald, arrière-petite-fille
441
pouse Charlotte d’Ostervald, arrière-petite-fille
de
l’illustre pasteur. Le fils du Procureur épouse Marie-Philippine du B
442
se Charlotte d’Ostervald, arrière-petite-fille de
l’
illustre pasteur. Le fils du Procureur épouse Marie-Philippine du Buat
443
vald, arrière-petite-fille de l’illustre pasteur.
Le
fils du Procureur épouse Marie-Philippine du Buat-Nançay, dans l’asce
444
reur épouse Marie-Philippine du Buat-Nançay, dans
l’
ascendance de laquelle je trouve deux mathématiciens et ingénieurs, un
445
arie-Philippine du Buat-Nançay, dans l’ascendance
de
laquelle je trouve deux mathématiciens et ingénieurs, un diplomate et
446
urs, un diplomate et historien, une alliance avec
la
fille de Corneille, et plus haut, dès le xiie siècle, de fréquents d
447
iplomate et historien, une alliance avec la fille
de
Corneille, et plus haut, dès le xiie siècle, de fréquents donateurs
448
nce avec la fille de Corneille, et plus haut, dès
le
xiie siècle, de fréquents donateurs à l’Abbaye de la Trappe. « N’o
449
de Corneille, et plus haut, dès le xiie siècle,
de
fréquents donateurs à l’Abbaye de la Trappe. « N’oublie jamais », m
450
ut, dès le xiie siècle, de fréquents donateurs à
l’
Abbaye de la Trappe. « N’oublie jamais », me disait un de mes oncles
451
e xiie siècle, de fréquents donateurs à l’Abbaye
de
la Trappe. « N’oublie jamais », me disait un de mes oncles, « que p
452
iie siècle, de fréquents donateurs à l’Abbaye de
la
Trappe. « N’oublie jamais », me disait un de mes oncles, « que plus
453
de la Trappe. « N’oublie jamais », me disait un
de
mes oncles, « que plus l’ancêtre dont on se réclame est éloigné, moin
454
jamais », me disait un de mes oncles, « que plus
l’
ancêtre dont on se réclame est éloigné, moins on a de chances de tenir
455
ncêtre dont on se réclame est éloigné, moins on a
de
chances de tenir de lui. » Et que valent en effet ces noms, ces souve
456
on se réclame est éloigné, moins on a de chances
de
tenir de lui. » Et que valent en effet ces noms, ces souvenirs, ces a
457
clame est éloigné, moins on a de chances de tenir
de
lui. » Et que valent en effet ces noms, ces souvenirs, ces ascendance
458
noms, ces souvenirs, ces ascendances ? Rien, dit
l’
époque, non sans irritation. Une science assez récente, mais déjà démo
459
e assez récente, mais déjà démodée, pensa réduire
l’
orgueil humain en plaçant aux racines des arbres les plus nobles, au l
460
’orgueil humain en plaçant aux racines des arbres
les
plus nobles, au lieu d’un demi-dieu, d’un héros ou d’un saint, un sin
461
s arbres les plus nobles, au lieu d’un demi-dieu,
d’
un héros ou d’un saint, un singe au naturel, en guise d’armes parlante
462
lus nobles, au lieu d’un demi-dieu, d’un héros ou
d’
un saint, un singe au naturel, en guise d’armes parlantes du beau myth
463
naturel, en guise d’armes parlantes du beau mythe
de
l’Égalité… Et pourtant si le « grand Ostervald », si Corneille, si la
464
urel, en guise d’armes parlantes du beau mythe de
l’
Égalité… Et pourtant si le « grand Ostervald », si Corneille, si la Tr
465
lantes du beau mythe de l’Égalité… Et pourtant si
le
« grand Ostervald », si Corneille, si la Trappe sont bien loin — et i
466
rtant si le « grand Ostervald », si Corneille, si
la
Trappe sont bien loin — et ils le sont — que dire du Singe ? Je me ré
467
i Corneille, si la Trappe sont bien loin — et ils
le
sont — que dire du Singe ? Je me répète la phrase de mon oncle. En
468
et ils le sont — que dire du Singe ? Je me répète
la
phrase de mon oncle. En revanche, comment ne pas croire à l’influen
469
sont — que dire du Singe ? Je me répète la phrase
de
mon oncle. En revanche, comment ne pas croire à l’influence des pro
470
mon oncle. En revanche, comment ne pas croire à
l’
influence des professions héréditaires, du rôle social tenu pendant de
471
yeux, jusque dans ses fonctions ecclésiastiques,
l’
idée du serviteur de la cité, c’est qu’en lui durait toute une race co
472
es fonctions ecclésiastiques, l’idée du serviteur
de
la cité, c’est qu’en lui durait toute une race consacrée à la chose p
473
fonctions ecclésiastiques, l’idée du serviteur de
la
cité, c’est qu’en lui durait toute une race consacrée à la chose publ
474
c’est qu’en lui durait toute une race consacrée à
la
chose publique, préférant la charge à l’honneur, l’autorité réelle au
475
une race consacrée à la chose publique, préférant
la
charge à l’honneur, l’autorité réelle au bénéfice, et le respect des
476
sacrée à la chose publique, préférant la charge à
l’
honneur, l’autorité réelle au bénéfice, et le respect des principes au
477
chose publique, préférant la charge à l’honneur,
l’
autorité réelle au bénéfice, et le respect des principes aux intérêts.
478
ge à l’honneur, l’autorité réelle au bénéfice, et
le
respect des principes aux intérêts. Si jamais la noblesse a valu quel
479
le respect des principes aux intérêts. Si jamais
la
noblesse a valu quelque chose, c’est quand elle a dédaigné toutes les
480
quelque chose, c’est quand elle a dédaigné toutes
les
« preuves » qui n’étaient pas celle de l’obligation. Je crois que tou
481
né toutes les « preuves » qui n’étaient pas celle
de
l’obligation. Je crois que toute autre considération sur ce sujet sem
482
toutes les « preuves » qui n’étaient pas celle de
l’
obligation. Je crois que toute autre considération sur ce sujet sembla
483
ur ce sujet semblait aux yeux de mon père indigne
d’
une pensée. Et certes, il n’en parlait jamais. Le peu que j’en dis l’e
484
d’une pensée. Et certes, il n’en parlait jamais.
Le
peu que j’en dis l’eût gêné. Mais ce sens naturel du service, il lui
485
rtes, il n’en parlait jamais. Le peu que j’en dis
l’
eût gêné. Mais ce sens naturel du service, il lui fut donné de l’exerc
486
Mais ce sens naturel du service, il lui fut donné
de
l’exercer dans d’autres dimensions humaines que celles du petit État
487
s ce sens naturel du service, il lui fut donné de
l’
exercer dans d’autres dimensions humaines que celles du petit État de
488
tres dimensions humaines que celles du petit État
de
ses aïeux, aussi riche en coutumes fort sages qu’en préjugés invétéré
489
vétérés. Il trouvait dans son héritage des vertus
de
prudence, d’ordre et d’autorité, un goût marqué pour l’argumentation
490
rouvait dans son héritage des vertus de prudence,
d’
ordre et d’autorité, un goût marqué pour l’argumentation et la dialect
491
s son héritage des vertus de prudence, d’ordre et
d’
autorité, un goût marqué pour l’argumentation et la dialectique légali
492
dence, d’ordre et d’autorité, un goût marqué pour
l’
argumentation et la dialectique légaliste, qui l’eussent conduit, en d
493
’autorité, un goût marqué pour l’argumentation et
la
dialectique légaliste, qui l’eussent conduit, en d’autres temps, vers
494
l’argumentation et la dialectique légaliste, qui
l’
eussent conduit, en d’autres temps, vers une carrière d’homme politiqu
495
ent conduit, en d’autres temps, vers une carrière
d’
homme politique ou d’homme de loi, dans un style dignified à l’anglais
496
res temps, vers une carrière d’homme politique ou
d’
homme de loi, dans un style dignified à l’anglaise. Le ministère pasto
497
s, vers une carrière d’homme politique ou d’homme
de
loi, dans un style dignified à l’anglaise. Le ministère pastoral le c
498
ique ou d’homme de loi, dans un style dignified à
l’
anglaise. Le ministère pastoral le conduisit vers de plus humbles tâch
499
mme de loi, dans un style dignified à l’anglaise.
Le
ministère pastoral le conduisit vers de plus humbles tâches, en Dieu
500
yle dignified à l’anglaise. Le ministère pastoral
le
conduisit vers de plus humbles tâches, en Dieu plus grandes, et vers
501
lus humbles tâches, en Dieu plus grandes, et vers
la
liberté de l’esprit. Sa première allégeance était l’Église, et par là
502
tâches, en Dieu plus grandes, et vers la liberté
de
l’esprit. Sa première allégeance était l’Église, et par là même l’uni
503
ches, en Dieu plus grandes, et vers la liberté de
l’
esprit. Sa première allégeance était l’Église, et par là même l’univer
504
liberté de l’esprit. Sa première allégeance était
l’
Église, et par là même l’universel, c’est-à-dire le prochain quel qu’i
505
remière allégeance était l’Église, et par là même
l’
universel, c’est-à-dire le prochain quel qu’il soit, être souvent biza
506
’Église, et par là même l’universel, c’est-à-dire
le
prochain quel qu’il soit, être souvent bizarre et mystérieux qu’il fa
507
arre et mystérieux qu’il faut comprendre avant de
l’
aider, qu’il faut aimer si l’on veut le comprendre. Sa tradition, cepe
508
comprendre avant de l’aider, qu’il faut aimer si
l’
on veut le comprendre. Sa tradition, cependant, était d’autorité, de j
509
e avant de l’aider, qu’il faut aimer si l’on veut
le
comprendre. Sa tradition, cependant, était d’autorité, de justes prop
510
eut le comprendre. Sa tradition, cependant, était
d’
autorité, de justes proportions et de raison gardée. Contradiction sec
511
endre. Sa tradition, cependant, était d’autorité,
de
justes proportions et de raison gardée. Contradiction secrète de sa v
512
ndant, était d’autorité, de justes proportions et
de
raison gardée. Contradiction secrète de sa vie et source de sa vraie
513
rtions et de raison gardée. Contradiction secrète
de
sa vie et source de sa vraie richesse. De là sa modestie frappante, s
514
gardée. Contradiction secrète de sa vie et source
de
sa vraie richesse. De là sa modestie frappante, sa tolérance acquise
515
secrète de sa vie et source de sa vraie richesse.
De
là sa modestie frappante, sa tolérance acquise non sans luttes, mais
516
nce acquise non sans luttes, mais sa fermeté dans
le
conseil ; son accueil aux idées nouvelles, mais ses convictions milit
517
foncier, mais ses brusques indignations. Il avait
le
goût classique de la claire ordonnance, mais non moins de la justice
518
brusques indignations. Il avait le goût classique
de
la claire ordonnance, mais non moins de la justice sociale, et quand
519
sques indignations. Il avait le goût classique de
la
claire ordonnance, mais non moins de la justice sociale, et quand il
520
classique de la claire ordonnance, mais non moins
de
la justice sociale, et quand il le fallait, de la protestation, sobre
521
ssique de la claire ordonnance, mais non moins de
la
justice sociale, et quand il le fallait, de la protestation, sobre, e
522
mais non moins de la justice sociale, et quand il
le
fallait, de la protestation, sobre, efficace et désintéressée. Toujou
523
ns de la justice sociale, et quand il le fallait,
de
la protestation, sobre, efficace et désintéressée. Toujours saisi d’u
524
de la justice sociale, et quand il le fallait, de
la
protestation, sobre, efficace et désintéressée. Toujours saisi d’un m
525
sobre, efficace et désintéressée. Toujours saisi
d’
un mouvement de retrait devant une charge honorifique, jamais devant l
526
e et désintéressée. Toujours saisi d’un mouvement
de
retrait devant une charge honorifique, jamais devant les risques et l
527
rait devant une charge honorifique, jamais devant
les
risques et les déboires d’un témoignage vigilant ; père, citoyen, pas
528
charge honorifique, jamais devant les risques et
les
déboires d’un témoignage vigilant ; père, citoyen, pasteur de ses tro
529
ifique, jamais devant les risques et les déboires
d’
un témoignage vigilant ; père, citoyen, pasteur de ses troupeaux, et v
530
d’un témoignage vigilant ; père, citoyen, pasteur
de
ses troupeaux, et vibrant défenseur de l’honneur protestant, il était
531
n, pasteur de ses troupeaux, et vibrant défenseur
de
l’honneur protestant, il était au plein sens du mot l’homme engagé, c
532
pasteur de ses troupeaux, et vibrant défenseur de
l’
honneur protestant, il était au plein sens du mot l’homme engagé, celu
533
honneur protestant, il était au plein sens du mot
l’
homme engagé, celui qui ne revendique rien pour soi, tout pour « la Ca
534
elui qui ne revendique rien pour soi, tout pour «
la
Cause », comme il aimait à dire. Quand il m’arrive de louer dans mes
535
ause », comme il aimait à dire. Quand il m’arrive
de
louer dans mes ouvrages le civisme des protestants, c’est à l’exemple
536
ire. Quand il m’arrive de louer dans mes ouvrages
le
civisme des protestants, c’est à l’exemple de mon père que j’ai pensé
537
l’exemple de mon père que j’ai pensé ; et ce mot
d’
engagement, dont on abuse, d’où l’aurais-je pris si ce n’est de sa vie
538
ai pensé ; et ce mot d’engagement, dont on abuse,
d’
où l’aurais-je pris si ce n’est de sa vie — l’une des très rares vies
539
nsé ; et ce mot d’engagement, dont on abuse, d’où
l’
aurais-je pris si ce n’est de sa vie — l’une des très rares vies d’hom
540
dont on abuse, d’où l’aurais-je pris si ce n’est
de
sa vie — l’une des très rares vies d’homme que j’ai connues de près,
541
si ce n’est de sa vie — l’une des très rares vies
d’
homme que j’ai connues de près, qui commandât mon absolu respect. Au
542
’une des très rares vies d’homme que j’ai connues
de
près, qui commandât mon absolu respect. Au-delà de l’exemple vivant
543
près, qui commandât mon absolu respect. Au-delà
de
l’exemple vivant, du destin vécu de mon père, qu’irais-je encore cher
544
s, qui commandât mon absolu respect. Au-delà de
l’
exemple vivant, du destin vécu de mon père, qu’irais-je encore cherche
545
ct. Au-delà de l’exemple vivant, du destin vécu
de
mon père, qu’irais-je encore chercher dans le passé ? Si j’y suis rem
546
écu de mon père, qu’irais-je encore chercher dans
le
passé ? Si j’y suis remonté, c’était pour mieux saisir l’enseignement
547
? Si j’y suis remonté, c’était pour mieux saisir
l’
enseignement d’une vie où s’est fondée ma vie. Sur le fond d’une tradi
548
remonté, c’était pour mieux saisir l’enseignement
d’
une vie où s’est fondée ma vie. Sur le fond d’une tradition qui la rel
549
nseignement d’une vie où s’est fondée ma vie. Sur
le
fond d’une tradition qui la reliait à notre histoire et à l’ancienne
550
ent d’une vie où s’est fondée ma vie. Sur le fond
d’
une tradition qui la reliait à notre histoire et à l’ancienne communau
551
st fondée ma vie. Sur le fond d’une tradition qui
la
reliait à notre histoire et à l’ancienne communauté, j’ai mieux disti
552
ne tradition qui la reliait à notre histoire et à
l’
ancienne communauté, j’ai mieux distingué, par contraste, son humanité
553
ontraste, son humanité singulière. Et maintenant,
la
fidélité même à cet exemple m’inciterait à ne point m’attarder. (J’en
554
encore comme il disait jour après jour : « Aller
de
l’avant ! ») L’honneur à rendre au père, selon le Décalogue, n’est pa
555
core comme il disait jour après jour : « Aller de
l’
avant ! ») L’honneur à rendre au père, selon le Décalogue, n’est pas u
556
disait jour après jour : « Aller de l’avant ! »)
L’
honneur à rendre au père, selon le Décalogue, n’est pas un culte des a
557
de l’avant ! ») L’honneur à rendre au père, selon
le
Décalogue, n’est pas un culte des ancêtres. Et pourtant, quelle est c
558
ent : « …afin que tes jours soient prolongés dans
le
pays que Dieu te donne » ? Il me semble aujourd’hui que pour la premi
559
r mourir centenaire !) Prolongés vers cet au-delà
de
la mémoire individuelle, le passé qui se passe en nous, et sans leque
560
ourir centenaire !) Prolongés vers cet au-delà de
la
mémoire individuelle, le passé qui se passe en nous, et sans lequel i
561
ngés vers cet au-delà de la mémoire individuelle,
le
passé qui se passe en nous, et sans lequel il n’y aurait jamais de pl
562
asse en nous, et sans lequel il n’y aurait jamais
de
plénitude du présent. Jours prolongés comme un accord qui réveille au
563
rs prolongés comme un accord qui réveille au loin
l’
harmonique et qui fait vibrer tous les temps, créant notre avenir auss
564
ille au loin l’harmonique et qui fait vibrer tous
les
temps, créant notre avenir aussi, parce qu’il ouvre l’attente ardente
565
mps, créant notre avenir aussi, parce qu’il ouvre
l’
attente ardente de sa résolution — de son pardon. Jours de nos vies, c
566
avenir aussi, parce qu’il ouvre l’attente ardente
de
sa résolution — de son pardon. Jours de nos vies, comptés de toute ét
567
qu’il ouvre l’attente ardente de sa résolution —
de
son pardon. Jours de nos vies, comptés de toute éternité, mais prolon
568
e ardente de sa résolution — de son pardon. Jours
de
nos vies, comptés de toute éternité, mais prolongés par l’acte de pié
569
ution — de son pardon. Jours de nos vies, comptés
de
toute éternité, mais prolongés par l’acte de piété à la durée des siè
570
es, comptés de toute éternité, mais prolongés par
l’
acte de piété à la durée des siècles écoulés et futurs de ce « pays qu
571
ptés de toute éternité, mais prolongés par l’acte
de
piété à la durée des siècles écoulés et futurs de ce « pays que Dieu
572
te éternité, mais prolongés par l’acte de piété à
la
durée des siècles écoulés et futurs de ce « pays que Dieu nous donne
573
de piété à la durée des siècles écoulés et futurs
de
ce « pays que Dieu nous donne ».
574
V J’ai refermé
les
livres, les mémoires. L’année finit. J’écris sans hâte. Quel silence
575
V J’ai refermé les livres,
les
mémoires. L’année finit. J’écris sans hâte. Quel silence ! Et je m’at
576
V J’ai refermé les livres, les mémoires.
L’
année finit. J’écris sans hâte. Quel silence ! Et je m’attarde à suivr
577
’attarde à suivre encore ces harmoniques, comme à
l’
écoute clandestine, l’oreille au son d’un passé qui faiblit mais qui n
578
re ces harmoniques, comme à l’écoute clandestine,
l’
oreille au son d’un passé qui faiblit mais qui n’a pas terminé son mes
579
s, comme à l’écoute clandestine, l’oreille au son
d’
un passé qui faiblit mais qui n’a pas terminé son message. Il me parle
580
né son message. Il me parle ce soir de plus loin,
d’
au-delà de mon petit pays, dans l’espace et le temps d’une plus vaste
581
sage. Il me parle ce soir de plus loin, d’au-delà
de
mon petit pays, dans l’espace et le temps d’une plus vaste patrie. Le
582
r de plus loin, d’au-delà de mon petit pays, dans
l’
espace et le temps d’une plus vaste patrie. Les perspectives changent
583
in, d’au-delà de mon petit pays, dans l’espace et
le
temps d’une plus vaste patrie. Les perspectives changent à vue, verti
584
delà de mon petit pays, dans l’espace et le temps
d’
une plus vaste patrie. Les perspectives changent à vue, vertige et gri
585
ans l’espace et le temps d’une plus vaste patrie.
Les
perspectives changent à vue, vertige et grisaille du temps. Une ligné
586
temps. Une lignée, une famille parmi d’autres… Je
la
voyais dans son canton ; mais dans la Suisse ; mais dans l’Europe, qu
587
’autres… Je la voyais dans son canton ; mais dans
la
Suisse ; mais dans l’Europe, que devient ce fil rouge que je croyais
588
dans son canton ; mais dans la Suisse ; mais dans
l’
Europe, que devient ce fil rouge que je croyais tenir ? Où vont se per
589
il rouge que je croyais tenir ? Où vont se perdre
les
sentiers de la mémoire, ces voies ouvertes à l’imagination ? Il y a
590
je croyais tenir ? Où vont se perdre les sentiers
de
la mémoire, ces voies ouvertes à l’imagination ? Il y a la petite p
591
croyais tenir ? Où vont se perdre les sentiers de
la
mémoire, ces voies ouvertes à l’imagination ? Il y a la petite patr
592
les sentiers de la mémoire, ces voies ouvertes à
l’
imagination ? Il y a la petite patrie, la terre du père, celle qu’on
593
re, ces voies ouvertes à l’imagination ? Il y a
la
petite patrie, la terre du père, celle qu’on peut parcourir en une jo
594
rtes à l’imagination ? Il y a la petite patrie,
la
terre du père, celle qu’on peut parcourir en une journée et chaque jo
595
u’on peut parcourir en une journée et chaque jour
de
la vie sans se lasser, celle qu’un regard embrasse et détaille à lois
596
n peut parcourir en une journée et chaque jour de
la
vie sans se lasser, celle qu’un regard embrasse et détaille à loisir.
597
’un regard embrasse et détaille à loisir. Au-delà
de
ses paysages et de sa proche histoire, il n’y a que l’imaginaire. Les
598
et détaille à loisir. Au-delà de ses paysages et
de
sa proche histoire, il n’y a que l’imaginaire. Les nations, les plus
599
s paysages et de sa proche histoire, il n’y a que
l’
imaginaire. Les nations, les plus vastes patries n’ont jamais été vues
600
de sa proche histoire, il n’y a que l’imaginaire.
Les
nations, les plus vastes patries n’ont jamais été vues par personne :
601
histoire, il n’y a que l’imaginaire. Les nations,
les
plus vastes patries n’ont jamais été vues par personne : c’est l’espr
602
atries n’ont jamais été vues par personne : c’est
l’
esprit qui les croit comme il croit au passé, à la tradition, à l’aven
603
jamais été vues par personne : c’est l’esprit qui
les
croit comme il croit au passé, à la tradition, à l’avenir. Plus tard,
604
l’esprit qui les croit comme il croit au passé, à
la
tradition, à l’avenir. Plus tard, dans les archives et les voyages, d
605
croit comme il croit au passé, à la tradition, à
l’
avenir. Plus tard, dans les archives et les voyages, dans l’aventure e
606
assé, à la tradition, à l’avenir. Plus tard, dans
les
archives et les voyages, dans l’aventure et dans l’action, il ira vér
607
tion, à l’avenir. Plus tard, dans les archives et
les
voyages, dans l’aventure et dans l’action, il ira vérifier ce qu’il r
608
Plus tard, dans les archives et les voyages, dans
l’
aventure et dans l’action, il ira vérifier ce qu’il rêvait. Mais c’est
609
archives et les voyages, dans l’aventure et dans
l’
action, il ira vérifier ce qu’il rêvait. Mais c’est en lui qu’est la r
610
érifier ce qu’il rêvait. Mais c’est en lui qu’est
la
réalité sans laquelle il n’eût pas bougé. Ce qu’on touche — et ce qu’
611
pas bougé. Ce qu’on touche — et ce qu’on imagine,
le
pays qui nous tient par les pieds, par le cœur, et le rassemblement d
612
— et ce qu’on imagine, le pays qui nous tient par
les
pieds, par le cœur, et le rassemblement des nations invisibles, on no
613
magine, le pays qui nous tient par les pieds, par
le
cœur, et le rassemblement des nations invisibles, on nous dit que tou
614
ays qui nous tient par les pieds, par le cœur, et
le
rassemblement des nations invisibles, on nous dit que tout les oppose
615
ment des nations invisibles, on nous dit que tout
les
oppose, qu’il faut choisir l’un contre l’autre, et qu’entre ces amour
616
ntre l’autre, et qu’entre ces amours il n’est que
de
la haine. Comment un Suisse le croirait-il ? Si je me sens presque pa
617
e l’autre, et qu’entre ces amours il n’est que de
la
haine. Comment un Suisse le croirait-il ? Si je me sens presque parto
618
mours il n’est que de la haine. Comment un Suisse
le
croirait-il ? Si je me sens presque partout chez moi dans l’Europe fr
619
-il ? Si je me sens presque partout chez moi dans
l’
Europe franco-germanique, c’est que d’abord je l’ai trouvée dans ma fa
620
l’Europe franco-germanique, c’est que d’abord je
l’
ai trouvée dans ma famille, où tant de traditions se croisent et se ma
621
Pour moi comme pour tant d’autres Suisses, passer
de
la petite patrie à la plus vaste, ce n’est pas infidélité à ma race,
622
r moi comme pour tant d’autres Suisses, passer de
la
petite patrie à la plus vaste, ce n’est pas infidélité à ma race, à m
623
nt d’autres Suisses, passer de la petite patrie à
la
plus vaste, ce n’est pas infidélité à ma race, à mon clos natal. C’es
624
ace, à mon clos natal. C’est aimer plus loin dans
le
même sens. Ainsi, pour me sentir Européen, nul besoin de quitter ce
625
ens. Ainsi, pour me sentir Européen, nul besoin
de
quitter ce salon campagnard où je suis revenu m’asseoir : il me suffi
626
agnard où je suis revenu m’asseoir : il me suffit
de
méditer sur ses images, de remonter par elles à des sources lointaine
627
asseoir : il me suffit de méditer sur ses images,
de
remonter par elles à des sources lointaines. Grands portraits un peu
628
, gravures piquées et daguerréotypes. Que sais-je
d’
eux, qui me regardent ? Cette aïeule au visage émacié, coiffé de longu
629
regardent ? Cette aïeule au visage émacié, coiffé
de
longues boucles noires, j’ai lu ses lettres. Dernière d’une lignée tr
630
ues boucles noires, j’ai lu ses lettres. Dernière
d’
une lignée très catholique, elle cachait ses messages au fiancé suisse
631
, elle cachait ses messages au fiancé suisse dans
l’
écorce d’un arbre, au fond du parc, et devenait protestante en secret.
632
chait ses messages au fiancé suisse dans l’écorce
d’
un arbre, au fond du parc, et devenait protestante en secret. J’ai lu
633
devenait protestante en secret. J’ai lu ces pages
de
confidences pudiques, pleines d’idéal et de mélancolie, mais sans y r
634
’ai lu ces pages de confidences pudiques, pleines
d’
idéal et de mélancolie, mais sans y retrouver la trace des larmes dont
635
pages de confidences pudiques, pleines d’idéal et
de
mélancolie, mais sans y retrouver la trace des larmes dont elle écrit
636
s d’idéal et de mélancolie, mais sans y retrouver
la
trace des larmes dont elle écrit souvent qu’elles furent baignées. L’
637
dont elle écrit souvent qu’elles furent baignées.
L’
on était vers 1830. Portrait de son grand-père, un chevalier de Malte,
638
s furent baignées. L’on était vers 1830. Portrait
de
son grand-père, un chevalier de Malte, membre correspondant de l’Inst
639
rs 1830. Portrait de son grand-père, un chevalier
de
Malte, membre correspondant de l’Institut. L’un de ses fils fut décap
640
père, un chevalier de Malte, membre correspondant
de
l’Institut. L’un de ses fils fut décapité au lendemain de l’affaire d
641
e, un chevalier de Malte, membre correspondant de
l’
Institut. L’un de ses fils fut décapité au lendemain de l’affaire de Q
642
e Malte, membre correspondant de l’Institut. L’un
de
ses fils fut décapité au lendemain de l’affaire de Quiberon, sous la
643
titut. L’un de ses fils fut décapité au lendemain
de
l’affaire de Quiberon, sous la Terreur, deux ans après que sa petite
644
ut. L’un de ses fils fut décapité au lendemain de
l’
affaire de Quiberon, sous la Terreur, deux ans après que sa petite cou
645
e ses fils fut décapité au lendemain de l’affaire
de
Quiberon, sous la Terreur, deux ans après que sa petite cousine Charl
646
apité au lendemain de l’affaire de Quiberon, sous
la
Terreur, deux ans après que sa petite cousine Charlotte ait cloué dan
647
né à Boudry, tout près d’ici. Que sais-je encore
de
cette famille éteinte ? Du fond des âges et de la forêt normande, il
648
re de cette famille éteinte ? Du fond des âges et
de
la forêt normande, il m’en revient un nom de Table ronde : Lucrèce d’
649
de cette famille éteinte ? Du fond des âges et de
la
forêt normande, il m’en revient un nom de Table ronde : Lucrèce d’Aub
650
s et de la forêt normande, il m’en revient un nom
de
Table ronde : Lucrèce d’Aubray, Dame de l’Aigle et du Lac… Cette autr
651
re aïeule qui me sourit dans sa mantille, retenue
d’
une main sur la gorge opulente, vint de Béziers au temps des dragonnad
652
e sourit dans sa mantille, retenue d’une main sur
la
gorge opulente, vint de Béziers au temps des dragonnades. Parmi ses a
653
agonnades. Parmi ses ancêtres : Mirman, défenseur
de
la foi huguenote ; et plus haut des seigneurs dont certains furent ca
654
nnades. Parmi ses ancêtres : Mirman, défenseur de
la
foi huguenote ; et plus haut des seigneurs dont certains furent catha
655
cathares, Miramont, Cabrol et Vestric… Portrait
d’
un général de la Garde prussienne. Souvenirs des tantes de Dresde et d
656
éral de la Garde prussienne. Souvenirs des tantes
de
Dresde et de Bavière… On se trompe en croyant qu’un voyageur, à lon
657
rde prussienne. Souvenirs des tantes de Dresde et
de
Bavière… On se trompe en croyant qu’un voyageur, à longueur de chem
658
n se trompe en croyant qu’un voyageur, à longueur
de
chemin, perd ses ancêtres : c’est eux parfois qu’il s’en va visiter,
659
parfois qu’il s’en va visiter, quand il parcourt
le
globe et vit chez l’étranger. Pourtant il s’interroge : comment l’eus
660
a visiter, quand il parcourt le globe et vit chez
l’
étranger. Pourtant il s’interroge : comment l’eussent-ils reçu, gens d
661
hez l’étranger. Pourtant il s’interroge : comment
l’
eussent-ils reçu, gens de leur terre, lui le nomade ? Qu’y a-t-il enco
662
il s’interroge : comment l’eussent-ils reçu, gens
de
leur terre, lui le nomade ? Qu’y a-t-il encore entre eux et lui ? Peu
663
mment l’eussent-ils reçu, gens de leur terre, lui
le
nomade ? Qu’y a-t-il encore entre eux et lui ? Peu de chose, ou rien
664
ncore entre eux et lui ? Peu de chose, ou rien si
l’
on veut. Rien d’autre qu’un pouvoir sans doute fictif, et que peut-êtr
665
et lui ? Peu de chose, ou rien si l’on veut. Rien
d’
autre qu’un pouvoir sans doute fictif, et que peut-être ils négligèren
666
e fictif, et que peut-être ils négligèrent, celui
de
se sentir chez soi dans leurs légendes. Les forêts enchantées où chev
667
celui de se sentir chez soi dans leurs légendes.
Les
forêts enchantées où chevauchait Lancelot, sous les ciels méditants d
668
s forêts enchantées où chevauchait Lancelot, sous
les
ciels méditants de l’Ouest celtique ; le Midi sec et enfiévré des tro
669
où chevauchait Lancelot, sous les ciels méditants
de
l’Ouest celtique ; le Midi sec et enfiévré des troubadours ; et de l’
670
chevauchait Lancelot, sous les ciels méditants de
l’
Ouest celtique ; le Midi sec et enfiévré des troubadours ; et de l’aut
671
t, sous les ciels méditants de l’Ouest celtique ;
le
Midi sec et enfiévré des troubadours ; et de l’autre côté de l’Europe
672
ue ; le Midi sec et enfiévré des troubadours ; et
de
l’autre côté de l’Europe, aux marches slaves, ces burgs secrets de la
673
et enfiévré des troubadours ; et de l’autre côté
de
l’Europe, aux marches slaves, ces burgs secrets de la Prusse-Oriental
674
enfiévré des troubadours ; et de l’autre côté de
l’
Europe, aux marches slaves, ces burgs secrets de la Prusse-Orientale,
675
e l’Europe, aux marches slaves, ces burgs secrets
de
la Prusse-Orientale, — tant de générations aux fortunes diverses ne m
676
’Europe, aux marches slaves, ces burgs secrets de
la
Prusse-Orientale, — tant de générations aux fortunes diverses ne m’en
677
’elles ne m’y lient ? Nous ne savons presque rien
de
l’hérédité. Mais quand on m’aura démontré que le sentiment d’obscure
678
les ne m’y lient ? Nous ne savons presque rien de
l’
hérédité. Mais quand on m’aura démontré que le sentiment d’obscure rec
679
de l’hérédité. Mais quand on m’aura démontré que
le
sentiment d’obscure reconnaissance qui m’a toujours saisi dans ces pr
680
é. Mais quand on m’aura démontré que le sentiment
d’
obscure reconnaissance qui m’a toujours saisi dans ces provinces ne do
681
mystères du sang, une idée chimérique ne cessera
de
me plaire : sur ces lieux où jadis des hommes dont je descends exercè
682
s hommes dont je descends exercèrent leurs droits
de
seigneurs, je garde encore un droit de rêve, d’imaginaire intimité. V
683
urs droits de seigneurs, je garde encore un droit
de
rêve, d’imaginaire intimité. Voilà un privilège qui ne peut gêner per
684
s de seigneurs, je garde encore un droit de rêve,
d’
imaginaire intimité. Voilà un privilège qui ne peut gêner personne ! P
685
ut gêner personne ! Pourquoi ceux qui vivent pour
l’
avenir et dans les voies de l’ambition jalouseraient-ils ceux qui parf
686
! Pourquoi ceux qui vivent pour l’avenir et dans
les
voies de l’ambition jalouseraient-ils ceux qui parfois se plaisent à
687
i ceux qui vivent pour l’avenir et dans les voies
de
l’ambition jalouseraient-ils ceux qui parfois se plaisent à remonter
688
eux qui vivent pour l’avenir et dans les voies de
l’
ambition jalouseraient-ils ceux qui parfois se plaisent à remonter dan
689
rfois se plaisent à remonter dans leur passé pour
l’
agrandir ? Leurs imaginations se valent.
690
VI Ces retours sur
l’
histoire d’un pays, où je cherchais à mieux situer les miens, m’ont pr
691
VI Ces retours sur l’histoire
d’
un pays, où je cherchais à mieux situer les miens, m’ont proposé chemi
692
roposé chemin faisant quelques énigmes, et permis
d’
entrevoir quelques réponses. Voici pourtant un fait que je m’explique
693
nt de culture, pour tant de livres lus, relus, et
de
bon choix, accumulés depuis des siècles dans les maisons publiques et
694
t de bon choix, accumulés depuis des siècles dans
les
maisons publiques et privées ; pour tant de livres publiés, aussi, n’
695
publiés, aussi, n’a rien produit qui marque dans
la
langue, à part la Bible d’Ostervald. Les ouvrages distingués ne manqu
696
’a rien produit qui marque dans la langue, à part
la
Bible d’Ostervald. Les ouvrages distingués ne manquent pas. Mais les
697
roduit qui marque dans la langue, à part la Bible
d’
Ostervald. Les ouvrages distingués ne manquent pas. Mais les seuls qui
698
rque dans la langue, à part la Bible d’Ostervald.
Les
ouvrages distingués ne manquent pas. Mais les seuls qui aient franchi
699
ld. Les ouvrages distingués ne manquent pas. Mais
les
seuls qui aient franchi nos limites sont ceux de nos théologiens, Ost
700
les seuls qui aient franchi nos limites sont ceux
de
nos théologiens, Ostervald encore, puis Godet ; et le Droit des gens
701
os théologiens, Ostervald encore, puis Godet ; et
le
Droit des gens de Vattel. Nous avons eu d’excellents historiens : l’a
702
tervald encore, puis Godet ; et le Droit des gens
de
Vattel. Nous avons eu d’excellents historiens : l’auteur de la Chroni
703
t ; et le Droit des gens de Vattel. Nous avons eu
d’
excellents historiens : l’auteur de la Chronique des Chanoines (apocry
704
e Vattel. Nous avons eu d’excellents historiens :
l’
auteur de la Chronique des Chanoines (apocryphe), Chambrier pour l’anc
705
Nous avons eu d’excellents historiens : l’auteur
de
la Chronique des Chanoines (apocryphe), Chambrier pour l’ancien régim
706
us avons eu d’excellents historiens : l’auteur de
la
Chronique des Chanoines (apocryphe), Chambrier pour l’ancien régime,
707
ronique des Chanoines (apocryphe), Chambrier pour
l’
ancien régime, Arthur Piaget pour la Révolution, Philippe Godet pour M
708
hambrier pour l’ancien régime, Arthur Piaget pour
la
Révolution, Philippe Godet pour Madame de Charrière. Un moraliste au
709
ste au style subtil et naturel, Félix Bovet. Mais
la
littérature au sens étroit du terme — le roman, le poème, l’essai, le
710
et. Mais la littérature au sens étroit du terme —
le
roman, le poème, l’essai, le jeu d’idées — est restée chez nous pauvr
711
a littérature au sens étroit du terme — le roman,
le
poème, l’essai, le jeu d’idées — est restée chez nous pauvre ou nulle
712
ure au sens étroit du terme — le roman, le poème,
l’
essai, le jeu d’idées — est restée chez nous pauvre ou nulle. Nous n’a
713
ns étroit du terme — le roman, le poème, l’essai,
le
jeu d’idées — est restée chez nous pauvre ou nulle. Nous n’avons rien
714
it du terme — le roman, le poème, l’essai, le jeu
d’
idées — est restée chez nous pauvre ou nulle. Nous n’avons rien tiré d
715
chez nous pauvre ou nulle. Nous n’avons rien tiré
de
grand ou d’émouvant d’une culture solide et variée, d’une nature cont
716
uvre ou nulle. Nous n’avons rien tiré de grand ou
d’
émouvant d’une culture solide et variée, d’une nature contrastée de ch
717
le. Nous n’avons rien tiré de grand ou d’émouvant
d’
une culture solide et variée, d’une nature contrastée de charme et de
718
and ou d’émouvant d’une culture solide et variée,
d’
une nature contrastée de charme et de tristesse, ni même de la tension
719
culture solide et variée, d’une nature contrastée
de
charme et de tristesse, ni même de la tension des contraintes morales
720
e et variée, d’une nature contrastée de charme et
de
tristesse, ni même de la tension des contraintes morales, dont vécut
721
ure contrastée de charme et de tristesse, ni même
de
la tension des contraintes morales, dont vécut le roman victorien. Fa
722
contrastée de charme et de tristesse, ni même de
la
tension des contraintes morales, dont vécut le roman victorien. Faut-
723
de la tension des contraintes morales, dont vécut
le
roman victorien. Faut-il penser que cette culture fut trop mêlée, cet
724
isément tournées ? Je ne sais. Et tout cela, sauf
la
nature, est en train de changer rapidement. L’accent se gâte, la rhét
725
uf la nature, est en train de changer rapidement.
L’
accent se gâte, la rhétorique n’est plus enseignée ni connue. L’histoi
726
en train de changer rapidement. L’accent se gâte,
la
rhétorique n’est plus enseignée ni connue. L’histoire et la théologie
727
te, la rhétorique n’est plus enseignée ni connue.
L’
histoire et la théologie fuient le discours, ignorent le style. Entend
728
que n’est plus enseignée ni connue. L’histoire et
la
théologie fuient le discours, ignorent le style. Entendrons-nous un j
729
gnée ni connue. L’histoire et la théologie fuient
le
discours, ignorent le style. Entendrons-nous un jour quelqu’un qui ch
730
oire et la théologie fuient le discours, ignorent
le
style. Entendrons-nous un jour quelqu’un qui chante, ou crie, après d
731
s ? J’ai vu percer quelques poètes à nos vitrines
de
libraires… Les Vaudois ont produit ou toléré Constant, Alexandre Vi
732
er quelques poètes à nos vitrines de libraires…
Les
Vaudois ont produit ou toléré Constant, Alexandre Vinet, Ramuz ; les
733
duit ou toléré Constant, Alexandre Vinet, Ramuz ;
les
Genevois Calvin, de Bèze, Rousseau, Madame de Staël, Töpffer, Amiel…
734
nt, Alexandre Vinet, Ramuz ; les Genevois Calvin,
de
Bèze, Rousseau, Madame de Staël, Töpffer, Amiel… Je ne parle pas des
735
e cite que ceux dont un homme cultivé, dans toute
l’
Europe, connaît au moins le nom. Nous n’avons rien de ce rang-là. Les
736
me cultivé, dans toute l’Europe, connaît au moins
le
nom. Nous n’avons rien de ce rang-là. Les visiteurs de Lausanne, de C
737
urope, connaît au moins le nom. Nous n’avons rien
de
ce rang-là. Les visiteurs de Lausanne, de Coppet, des coteaux de Colo
738
au moins le nom. Nous n’avons rien de ce rang-là.
Les
visiteurs de Lausanne, de Coppet, des coteaux de Cologny ou de Montre
739
m. Nous n’avons rien de ce rang-là. Les visiteurs
de
Lausanne, de Coppet, des coteaux de Cologny ou de Montreux, furent éc
740
ns rien de ce rang-là. Les visiteurs de Lausanne,
de
Coppet, des coteaux de Cologny ou de Montreux, furent éclatants et pa
741
Les visiteurs de Lausanne, de Coppet, des coteaux
de
Cologny ou de Montreux, furent éclatants et parfois scandaleux. Mais
742
de Lausanne, de Coppet, des coteaux de Cologny ou
de
Montreux, furent éclatants et parfois scandaleux. Mais la « petite hi
743
eux, furent éclatants et parfois scandaleux. Mais
la
« petite histoire » littéraire se borne à mentionner chez nous des re
744
e se borne à mentionner chez nous des rendez-vous
de
voyageurs discrets, inaperçus et bientôt disparus. Un seul s’est fait
745
est fait remarquer, ce fut le premier en date, et
les
gamins de Môtiers lui jetèrent des cailloux. Avertis par ce précédent
746
marquer, ce fut le premier en date, et les gamins
de
Môtiers lui jetèrent des cailloux. Avertis par ce précédent, dont le
747
rent des cailloux. Avertis par ce précédent, dont
le
bruit s’élargit à l’Europe, les successeurs de l’Arménien ne sont ven
748
ertis par ce précédent, dont le bruit s’élargit à
l’
Europe, les successeurs de l’Arménien ne sont venus chez nous qu’à pas
749
ce précédent, dont le bruit s’élargit à l’Europe,
les
successeurs de l’Arménien ne sont venus chez nous qu’à pas feutrés. C
750
nt le bruit s’élargit à l’Europe, les successeurs
de
l’Arménien ne sont venus chez nous qu’à pas feutrés. Certains d’aille
751
le bruit s’élargit à l’Europe, les successeurs de
l’
Arménien ne sont venus chez nous qu’à pas feutrés. Certains d’ailleurs
752
ous qu’à pas feutrés. Certains d’ailleurs avaient
de
bonnes raisons de ne point publier leur séjour. Benjamin Constant s’e
753
és. Certains d’ailleurs avaient de bonnes raisons
de
ne point publier leur séjour. Benjamin Constant s’enfermait dans le m
754
r leur séjour. Benjamin Constant s’enfermait dans
le
manoir de Madame de Charrière, pour échapper aux cousines de Lausanne
755
our. Benjamin Constant s’enfermait dans le manoir
de
Madame de Charrière, pour échapper aux cousines de Lausanne et à son
756
e Madame de Charrière, pour échapper aux cousines
de
Lausanne et à son mariage en Allemagne. Chateaubriand, qui se souvena
757
magne. Chateaubriand, qui se souvenait sans doute
d’
avoir été jadis, pour la police française, un dénommé « Lassagne, Neuc
758
i se souvenait sans doute d’avoir été jadis, pour
la
police française, un dénommé « Lassagne, Neuchâtelois », vint s’enfer
759
gne, Neuchâtelois », vint s’enfermer au lendemain
de
sa chute « dans une cabane au bord du lac ». Brève retraite, dont une
760
c ». Brève retraite, dont une phrase des Mémoires
d’
outre-tombe lui suffit pour décrire l’ennui : « Un maigre chat noir, d
761
es Mémoires d’outre-tombe lui suffit pour décrire
l’
ennui : « Un maigre chat noir, demi-sauvage, qui pêchait de petits poi
762
« Un maigre chat noir, demi-sauvage, qui pêchait
de
petits poissons en plongeant sa patte dans un grand seau rempli de l’
763
s en plongeant sa patte dans un grand seau rempli
de
l’eau du lac, était toute ma distraction. » Au même endroit de la vil
764
n plongeant sa patte dans un grand seau rempli de
l’
eau du lac, était toute ma distraction. » Au même endroit de la ville,
765
ac, était toute ma distraction. » Au même endroit
de
la ville, neuf ans plus tard, Balzac rencontrera cette inconnue qui v
766
était toute ma distraction. » Au même endroit de
la
ville, neuf ans plus tard, Balzac rencontrera cette inconnue qui vien
767
qui vient du fond des steppes vers son génie. Et
l’
on dit qu’Andersen écrivit quelques-uns de ses plus beaux contes penda
768
nie. Et l’on dit qu’Andersen écrivit quelques-uns
de
ses plus beaux contes pendant le séjour qu’il fit au Locle, dans la n
769
vit quelques-uns de ses plus beaux contes pendant
le
séjour qu’il fit au Locle, dans la neige… Neuchâtel semble se prêter
770
contes pendant le séjour qu’il fit au Locle, dans
la
neige… Neuchâtel semble se prêter à ces parenthèses du sort, à ces co
771
hèses du sort, à ces conjonctions clandestines, à
l’
incognito de la gloire. Je voudrais qu’on y élève un monument dédié à
772
t, à ces conjonctions clandestines, à l’incognito
de
la gloire. Je voudrais qu’on y élève un monument dédié à l’Illustre I
773
à ces conjonctions clandestines, à l’incognito de
la
gloire. Je voudrais qu’on y élève un monument dédié à l’Illustre Inco
774
re. Je voudrais qu’on y élève un monument dédié à
l’
Illustre Inconnu. Il serait en forme de banc. Qui sait quel Balzac de
775
Il serait en forme de banc. Qui sait quel Balzac
de
l’avenir, quelle Étrangère venue du bout du monde, ne seraient point
776
serait en forme de banc. Qui sait quel Balzac de
l’
avenir, quelle Étrangère venue du bout du monde, ne seraient point ten
777
venue du bout du monde, ne seraient point tentés
de
s’y asseoir un jour, pour quelques heures, en face du lac ? Et certes
778
s, en face du lac ? Et certes, j’ai pensé à Gide,
le
plus fidèle de tous nos hôtes, en écrivant ces phrases sur le banc. J
779
ac ? Et certes, j’ai pensé à Gide, le plus fidèle
de
tous nos hôtes, en écrivant ces phrases sur le banc. Je viens de repr
780
le de tous nos hôtes, en écrivant ces phrases sur
le
banc. Je viens de reprendre son Journal, pour vérifier s’il y parlait
781
prendre son Journal, pour vérifier s’il y parlait
de
Neuchâtel. Et je tombe sur ce court passage, à la date de 1913 : « Co
782
de Neuchâtel. Et je tombe sur ce court passage, à
la
date de 1913 : « Combien j’aime ce lac tranquille aux rives basses, p
783
âtel. Et je tombe sur ce court passage, à la date
de
1913 : « Combien j’aime ce lac tranquille aux rives basses, peuplé de
784
j’aime ce lac tranquille aux rives basses, peuplé
de
mouettes, où mon regard ni ma pensée ne se heurte à rien d’accidentel
785
s, où mon regard ni ma pensée ne se heurte à rien
d’
accidentel ou d’étranger. Comment, moi si frileux, n’éprouvai-je ce ma
786
ni ma pensée ne se heurte à rien d’accidentel ou
d’
étranger. Comment, moi si frileux, n’éprouvai-je ce matin que bien-êtr
787
à peine au-dessus du gel, n’ayant devant moi que
de
l’eau et de la brume ? J’habiterais ici volontiers. » Il a fallu le p
788
peine au-dessus du gel, n’ayant devant moi que de
l’
eau et de la brume ? J’habiterais ici volontiers. » Il a fallu le prix
789
dessus du gel, n’ayant devant moi que de l’eau et
de
la brume ? J’habiterais ici volontiers. » Il a fallu le prix Nobel po
790
sus du gel, n’ayant devant moi que de l’eau et de
la
brume ? J’habiterais ici volontiers. » Il a fallu le prix Nobel pour
791
brume ? J’habiterais ici volontiers. » Il a fallu
le
prix Nobel pour qu’on s’aperçût un beau jour qu’il était parmi nous,
792
aché dans sa pèlerine. Une semaine plus tôt, chez
les
Heyd, nous avions joué au jeu des questions et réponses. L’un écrit t
793
me temps trois réponses. Puis on lit à haute voix
les
deux papiers. Jeu de hasard, ou de télépathie. J’avais écrit, dernièr
794
s. Puis on lit à haute voix les deux papiers. Jeu
de
hasard, ou de télépathie. J’avais écrit, dernière question : — Qu’est
795
à haute voix les deux papiers. Jeu de hasard, ou
de
télépathie. J’avais écrit, dernière question : — Qu’est-ce que le sty
796
’avais écrit, dernière question : — Qu’est-ce que
le
style ? Catherine, la fille de Gide, lut sa dernière réponse : — L’or
797
question : — Qu’est-ce que le style ? Catherine,
la
fille de Gide, lut sa dernière réponse : — L’originalité de mon père.
798
: — Qu’est-ce que le style ? Catherine, la fille
de
Gide, lut sa dernière réponse : — L’originalité de mon père. Gide s’é
799
ne, la fille de Gide, lut sa dernière réponse : —
L’
originalité de mon père. Gide s’éclaircit la voix pour observer que le
800
e Gide, lut sa dernière réponse : — L’originalité
de
mon père. Gide s’éclaircit la voix pour observer que le jeu devenait
801
e : — L’originalité de mon père. Gide s’éclaircit
la
voix pour observer que le jeu devenait bien personnel, et proposa des
802
père. Gide s’éclaircit la voix pour observer que
le
jeu devenait bien personnel, et proposa des bouts-rimés.
803
ien j’aimai ce lac aux rives glauques ! sans rien
d’
alpestre, et dont les eaux, comme celles d’un marécage, longtemps se m
804
ux rives glauques ! sans rien d’alpestre, et dont
les
eaux, comme celles d’un marécage, longtemps se mêlent à la terre, et
805
s rien d’alpestre, et dont les eaux, comme celles
d’
un marécage, longtemps se mêlent à la terre, et filtrent entre les ros
806
comme celles d’un marécage, longtemps se mêlent à
la
terre, et filtrent entre les roseaux. » (L’Immoraliste.) Près de ces
807
longtemps se mêlent à la terre, et filtrent entre
les
roseaux. » (L’Immoraliste.) Près de ces eaux, ma vie sentimentale es
808
ent à la terre, et filtrent entre les roseaux. » (
L’
Immoraliste.) Près de ces eaux, ma vie sentimentale est née. Et depui
809
Et depuis lors elle est restée lacustre. « Odeur
de
l’eau — pour toute la vie », écrivait un Paysan du Danube , et vingt
810
depuis lors elle est restée lacustre. « Odeur de
l’
eau — pour toute la vie », écrivait un Paysan du Danube , et vingt an
811
st restée lacustre. « Odeur de l’eau — pour toute
la
vie », écrivait un Paysan du Danube , et vingt ans ne l’ont pas déme
812
, écrivait un Paysan du Danube , et vingt ans ne
l’
ont pas démenti. Je dénombre mes lacs et ne puis retrouver que du bonh
813
nheur à ces souvenirs. Non qu’ils me parlent tous
de
jours heureux, mais la mémoire des plus amers ou des plus seuls a gar
814
Non qu’ils me parlent tous de jours heureux, mais
la
mémoire des plus amers ou des plus seuls a gardé le charme des eaux.
815
mémoire des plus amers ou des plus seuls a gardé
le
charme des eaux. Faut-il penser que la souffrance au bord d’un lac n’
816
ls a gardé le charme des eaux. Faut-il penser que
la
souffrance au bord d’un lac n’est jamais sans quelque douceur ? Che
817
c n’est jamais sans quelque douceur ? Cherchant
d’
où vient cet agrément, et pourquoi dans le monde lacustre on ressent l
818
erchant d’où vient cet agrément, et pourquoi dans
le
monde lacustre on ressent la vie mieux qu’ailleurs, plus savoureuse e
819
nt, et pourquoi dans le monde lacustre on ressent
la
vie mieux qu’ailleurs, plus savoureuse et plus présente, je me dis :
820
un vrai lac est un univers clos, si grands soient
les
miroirs qu’il offre aux ciels changeants, et si profonds ses lointain
821
ux ciels changeants, et si profonds ses lointains
de
lumière. La pente derrière moi, l’horizon des collines, sont le cadre
822
ngeants, et si profonds ses lointains de lumière.
La
pente derrière moi, l’horizon des collines, sont le cadre qui donne a
823
ses lointains de lumière. La pente derrière moi,
l’
horizon des collines, sont le cadre qui donne au tableau sa significat
824
pente derrière moi, l’horizon des collines, sont
le
cadre qui donne au tableau sa signification privilégiée. Ici le cœur
825
onne au tableau sa signification privilégiée. Ici
le
cœur et l’âme ont leur théâtre pur, où tout est sens, écho, dialogue
826
leau sa signification privilégiée. Ici le cœur et
l’
âme ont leur théâtre pur, où tout est sens, écho, dialogue à l’infini.
827
r théâtre pur, où tout est sens, écho, dialogue à
l’
infini. Ici la joie trouve un espace où se déployer sans se perdre, la
828
où tout est sens, écho, dialogue à l’infini. Ici
la
joie trouve un espace où se déployer sans se perdre, la méditation de
829
e trouve un espace où se déployer sans se perdre,
la
méditation des ciels bas, la passion des orages complets, et la peine
830
oyer sans se perdre, la méditation des ciels bas,
la
passion des orages complets, et la peine une baie secrète, où les cri
831
des ciels bas, la passion des orages complets, et
la
peine une baie secrète, où les cris des oiseaux dans la brume s’occup
832
orages complets, et la peine une baie secrète, où
les
cris des oiseaux dans la brume s’occupent d’une vie bien différente…
833
ne une baie secrète, où les cris des oiseaux dans
la
brume s’occupent d’une vie bien différente… Enfin la variété des obje
834
où les cris des oiseaux dans la brume s’occupent
d’
une vie bien différente… Enfin la variété des objets, des lumières, de
835
brume s’occupent d’une vie bien différente… Enfin
la
variété des objets, des lumières, des premiers plans et des éloigneme
836
satisfait comme nul autre paysage ce goût profond
de
composer, de contraster, de voiler puis de découvrir, de plonger à l’
837
me nul autre paysage ce goût profond de composer,
de
contraster, de voiler puis de découvrir, de plonger à l’abandonnée, d
838
ysage ce goût profond de composer, de contraster,
de
voiler puis de découvrir, de plonger à l’abandonnée, de s’écarter, de
839
rofond de composer, de contraster, de voiler puis
de
découvrir, de plonger à l’abandonnée, de s’écarter, de revenir, de bo
840
oser, de contraster, de voiler puis de découvrir,
de
plonger à l’abandonnée, de s’écarter, de revenir, de boire des yeux,
841
raster, de voiler puis de découvrir, de plonger à
l’
abandonnée, de s’écarter, de revenir, de boire des yeux, de comparer,
842
ler puis de découvrir, de plonger à l’abandonnée,
de
s’écarter, de revenir, de boire des yeux, de comparer, de contempler
843
couvrir, de plonger à l’abandonnée, de s’écarter,
de
revenir, de boire des yeux, de comparer, de contempler sans fin, où l
844
plonger à l’abandonnée, de s’écarter, de revenir,
de
boire des yeux, de comparer, de contempler sans fin, où l’on a reconn
845
née, de s’écarter, de revenir, de boire des yeux,
de
comparer, de contempler sans fin, où l’on a reconnu l’amour, comme il
846
rter, de revenir, de boire des yeux, de comparer,
de
contempler sans fin, où l’on a reconnu l’amour, comme il aime à s’y r
847
des yeux, de comparer, de contempler sans fin, où
l’
on a reconnu l’amour, comme il aime à s’y retrouver. Je nage à Baven
848
mparer, de contempler sans fin, où l’on a reconnu
l’
amour, comme il aime à s’y retrouver. Je nage à Baveno dans l’eau ti
849
il aime à s’y retrouver. Je nage à Baveno dans
l’
eau tiède et dorée, c’est la fin de l’après-midi, devant la proue de l
850
Je nage à Baveno dans l’eau tiède et dorée, c’est
la
fin de l’après-midi, devant la proue de l’Isola Bella, vaisseau de rê
851
à Baveno dans l’eau tiède et dorée, c’est la fin
de
l’après-midi, devant la proue de l’Isola Bella, vaisseau de rêve aux
852
Baveno dans l’eau tiède et dorée, c’est la fin de
l’
après-midi, devant la proue de l’Isola Bella, vaisseau de rêve aux nom
853
de et dorée, c’est la fin de l’après-midi, devant
la
proue de l’Isola Bella, vaisseau de rêve aux nombreux ponts chargés d
854
ée, c’est la fin de l’après-midi, devant la proue
de
l’Isola Bella, vaisseau de rêve aux nombreux ponts chargés de dieux,
855
c’est la fin de l’après-midi, devant la proue de
l’
Isola Bella, vaisseau de rêve aux nombreux ponts chargés de dieux, pas
856
-midi, devant la proue de l’Isola Bella, vaisseau
de
rêve aux nombreux ponts chargés de dieux, passagers immobiles, un bra
857
ella, vaisseau de rêve aux nombreux ponts chargés
de
dieux, passagers immobiles, un bras levé… J’habite au lac de Garde un
858
assagers immobiles, un bras levé… J’habite au lac
de
Garde un palais délabré, au-dessus de jardins en terrasses pleins de
859
bite au lac de Garde un palais délabré, au-dessus
de
jardins en terrasses pleins de lucioles à la nuit, quand les violoneu
860
délabré, au-dessus de jardins en terrasses pleins
de
lucioles à la nuit, quand les violoneux du village viennent donner la
861
ssus de jardins en terrasses pleins de lucioles à
la
nuit, quand les violoneux du village viennent donner la sérénade. Et
862
en terrasses pleins de lucioles à la nuit, quand
les
violoneux du village viennent donner la sérénade. Et nous montons à c
863
t, quand les violoneux du village viennent donner
la
sérénade. Et nous montons à ce balcon sur l’eau, accroché aux très ha
864
nner la sérénade. Et nous montons à ce balcon sur
l’
eau, accroché aux très hautes murailles qui sans raison, grandiloquent
865
railles qui sans raison, grandiloquentes, bordent
la
rive. (Elles furent élevées, dit-on, par un ministre fou.) Cyprès au
866
brusque sauvagerie des hautes pentes, échevelées
de
châtaigniers. Contre les flancs du noir Monte Baldo coiffé de neige,
867
hautes pentes, échevelées de châtaigniers. Contre
les
flancs du noir Monte Baldo coiffé de neige, sur l’autre rive, un orag
868
ers. Contre les flancs du noir Monte Baldo coiffé
de
neige, sur l’autre rive, un orage s’illumine par moments, et dans l’é
869
re rive, un orage s’illumine par moments, et dans
l’
échappée vers la plaine, où l’eau rejoint presque le ciel, le petit ph
870
e s’illumine par moments, et dans l’échappée vers
la
plaine, où l’eau rejoint presque le ciel, le petit phare de la baie d
871
ar moments, et dans l’échappée vers la plaine, où
l’
eau rejoint presque le ciel, le petit phare de la baie de Sirmione… Su
872
échappée vers la plaine, où l’eau rejoint presque
le
ciel, le petit phare de la baie de Sirmione… Sur les lacs sinueux de
873
vers la plaine, où l’eau rejoint presque le ciel,
le
petit phare de la baie de Sirmione… Sur les lacs sinueux de la Prusse
874
où l’eau rejoint presque le ciel, le petit phare
de
la baie de Sirmione… Sur les lacs sinueux de la Prusse-Orientale, nou
875
l’eau rejoint presque le ciel, le petit phare de
la
baie de Sirmione… Sur les lacs sinueux de la Prusse-Orientale, nous a
876
ciel, le petit phare de la baie de Sirmione… Sur
les
lacs sinueux de la Prusse-Orientale, nous allions ramer vers minuit,
877
hare de la baie de Sirmione… Sur les lacs sinueux
de
la Prusse-Orientale, nous allions ramer vers minuit, heure où le crép
878
e de la baie de Sirmione… Sur les lacs sinueux de
la
Prusse-Orientale, nous allions ramer vers minuit, heure où le crépusc
879
ientale, nous allions ramer vers minuit, heure où
le
crépuscule enfin se meurt dans l’aube, à l’horizon des landes et de l
880
inuit, heure où le crépuscule enfin se meurt dans
l’
aube, à l’horizon des landes et de la mer… Tyrol, et ce lac sombre au
881
re où le crépuscule enfin se meurt dans l’aube, à
l’
horizon des landes et de la mer… Tyrol, et ce lac sombre au fond de la
882
n se meurt dans l’aube, à l’horizon des landes et
de
la mer… Tyrol, et ce lac sombre au fond de la vallée, où tournoyaient
883
e meurt dans l’aube, à l’horizon des landes et de
la
mer… Tyrol, et ce lac sombre au fond de la vallée, où tournoyaient de
884
des et de la mer… Tyrol, et ce lac sombre au fond
de
la vallée, où tournoyaient des voiles inclinées… Balaton, lac de plai
885
et de la mer… Tyrol, et ce lac sombre au fond de
la
vallée, où tournoyaient des voiles inclinées… Balaton, lac de plaine
886
ù tournoyaient des voiles inclinées… Balaton, lac
de
plaine aux eaux fades, environné de collines pointues et de valses au
887
Balaton, lac de plaine aux eaux fades, environné
de
collines pointues et de valses aux jardins publics — là j’étais seul…
888
aux eaux fades, environné de collines pointues et
de
valses aux jardins publics — là j’étais seul… Rade de Genève par un b
889
alses aux jardins publics — là j’étais seul… Rade
de
Genève par un beau temps cruel, qui faisait fête à des adieux… Petits
890
es adieux… Petits déjeuners suisses sur un balcon
d’
hôtel à Vevey, à Montreux, patries du roman russe. Et le bleu de l’air
891
l à Vevey, à Montreux, patries du roman russe. Et
le
bleu de l’air matinal, l’argent transparent des montagnes, le scintil
892
y, à Montreux, patries du roman russe. Et le bleu
de
l’air matinal, l’argent transparent des montagnes, le scintillement d
893
à Montreux, patries du roman russe. Et le bleu de
l’
air matinal, l’argent transparent des montagnes, le scintillement des
894
ries du roman russe. Et le bleu de l’air matinal,
l’
argent transparent des montagnes, le scintillement des eaux sous la br
895
’air matinal, l’argent transparent des montagnes,
le
scintillement des eaux sous la brume légère, tout était si pur et si
896
ent des montagnes, le scintillement des eaux sous
la
brume légère, tout était si pur et si frais qu’il semblait que le mon
897
tout était si pur et si frais qu’il semblait que
le
monde venait de s’éveiller, luisant et neuf, de la première nuit… Et
898
e le monde venait de s’éveiller, luisant et neuf,
de
la première nuit… Et ces deux grands étés américains, dans les demeur
899
re nuit… Et ces deux grands étés américains, dans
les
demeures trop vastes du Lake George, nommé jadis lac du Saint-Sacreme
900
George, nommé jadis lac du Saint-Sacrement « pour
la
pureté lustrale de ses eaux »… Il me rappelait un peu de tous mes aut
901
lac du Saint-Sacrement « pour la pureté lustrale
de
ses eaux »… Il me rappelait un peu de tous mes autres lacs, mais il é
902
tous mes autres lacs, mais il était surtout celui
d’
Œil de faucon et du Dernier des Mohicans de mon enfance. Je le trouvai
903
es autres lacs, mais il était surtout celui d’Œil
de
faucon et du Dernier des Mohicans de mon enfance. Je le trouvais bien
904
celui d’Œil de faucon et du Dernier des Mohicans
de
mon enfance. Je le trouvais bien beau. Pourquoi l’ai-je quitté ? … Et
905
con et du Dernier des Mohicans de mon enfance. Je
le
trouvais bien beau. Pourquoi l’ai-je quitté ? … Et nous n’irons jamai
906
e mon enfance. Je le trouvais bien beau. Pourquoi
l’
ai-je quitté ? … Et nous n’irons jamais au lac d’Amatitlán, au pied du
907
l’ai-je quitté ? … Et nous n’irons jamais au lac
d’
Amatitlán, au pied du fabuleux volcan de Sant’Anna, mais je l’emporte
908
is au lac d’Amatitlán, au pied du fabuleux volcan
de
Sant’Anna, mais je l’emporte avec les autres sans remords, s’il est v
909
au pied du fabuleux volcan de Sant’Anna, mais je
l’
emporte avec les autres sans remords, s’il est vrai que d’aucun je n’a
910
uleux volcan de Sant’Anna, mais je l’emporte avec
les
autres sans remords, s’il est vrai que d’aucun je n’ai su tant d’hist
911
e avec les autres sans remords, s’il est vrai que
d’
aucun je n’ai su tant d’histoires et qu’il détient certains de mes sec
912
emords, s’il est vrai que d’aucun je n’ai su tant
d’
histoires et qu’il détient certains de mes secrets. Je dénombre mes
913
’ai su tant d’histoires et qu’il détient certains
de
mes secrets. Je dénombre mes lacs, et la mémoire encore investit d
914
tains de mes secrets. Je dénombre mes lacs, et
la
mémoire encore investit du charme des eaux l’adolescence même, aux ch
915
et la mémoire encore investit du charme des eaux
l’
adolescence même, aux chagrins taciturnes. Souffrir auprès d’un lac n’
916
ce même, aux chagrins taciturnes. Souffrir auprès
d’
un lac n’est jamais sans douceur. Je suis sur la jetée, près du hangar
917
s d’un lac n’est jamais sans douceur. Je suis sur
la
jetée, près du hangar des trams, et l’eau n’est pas plus noire que mo
918
e suis sur la jetée, près du hangar des trams, et
l’
eau n’est pas plus noire que mon cœur humilié. Dans ce « local » empua
919
que mon cœur humilié. Dans ce « local » empuanti
de
tabac de pipes et de bière renversée, je viens de subir l’épreuve d’i
920
cœur humilié. Dans ce « local » empuanti de tabac
de
pipes et de bière renversée, je viens de subir l’épreuve d’initiation
921
. Dans ce « local » empuanti de tabac de pipes et
de
bière renversée, je viens de subir l’épreuve d’initiation d’une socié
922
de pipes et de bière renversée, je viens de subir
l’
épreuve d’initiation d’une société de collégiens. J’ai refusé de racon
923
t de bière renversée, je viens de subir l’épreuve
d’
initiation d’une société de collégiens. J’ai refusé de raconter devant
924
nversée, je viens de subir l’épreuve d’initiation
d’
une société de collégiens. J’ai refusé de raconter devant tous, debout
925
ens de subir l’épreuve d’initiation d’une société
de
collégiens. J’ai refusé de raconter devant tous, debout sur un tonnea
926
itiation d’une société de collégiens. J’ai refusé
de
raconter devant tous, debout sur un tonneau comme le veut la coutume,
927
raconter devant tous, debout sur un tonneau comme
le
veut la coutume, l’histoire de mes Premières Amours. On m’a conspué.
928
devant tous, debout sur un tonneau comme le veut
la
coutume, l’histoire de mes Premières Amours. On m’a conspué. J’ai sei
929
, debout sur un tonneau comme le veut la coutume,
l’
histoire de mes Premières Amours. On m’a conspué. J’ai seize ans. C’es
930
r un tonneau comme le veut la coutume, l’histoire
de
mes Premières Amours. On m’a conspué. J’ai seize ans. C’est horrible.
931
rrible. Mon seul amour doit rester mon secret. Je
la
guette à midi, quand elle descend dans le cortège des jeunes filles s
932
ret. Je la guette à midi, quand elle descend dans
le
cortège des jeunes filles sortant de l’école des Terreaux. Nous les g
933
descend dans le cortège des jeunes filles sortant
de
l’école des Terreaux. Nous les garçons tenons notre « colloque » sur
934
cend dans le cortège des jeunes filles sortant de
l’
école des Terreaux. Nous les garçons tenons notre « colloque » sur la
935
unes filles sortant de l’école des Terreaux. Nous
les
garçons tenons notre « colloque » sur la place de l’Hôtel-de-Ville. N
936
x. Nous les garçons tenons notre « colloque » sur
la
place de l’Hôtel-de-Ville. Nous parlons entre nous d’un air grave, d’
937
es garçons tenons notre « colloque » sur la place
de
l’Hôtel-de-Ville. Nous parlons entre nous d’un air grave, d’un air de
938
garçons tenons notre « colloque » sur la place de
l’
Hôtel-de-Ville. Nous parlons entre nous d’un air grave, d’un air de ne
939
lace de l’Hôtel-de-Ville. Nous parlons entre nous
d’
un air grave, d’un air de ne pas regarder les filles qui passent, mais
940
de-Ville. Nous parlons entre nous d’un air grave,
d’
un air de ne pas regarder les filles qui passent, mais je la vois veni
941
Nous parlons entre nous d’un air grave, d’un air
de
ne pas regarder les filles qui passent, mais je la vois venir de loin
942
nous d’un air grave, d’un air de ne pas regarder
les
filles qui passent, mais je la vois venir de loin. Elle porte un gran
943
e ne pas regarder les filles qui passent, mais je
la
vois venir de loin. Elle porte un grand chapeau flottant d’un rose so
944
nir de loin. Elle porte un grand chapeau flottant
d’
un rose sombre. Tout la distingue infiniment du troupeau bavardant de
945
un grand chapeau flottant d’un rose sombre. Tout
la
distingue infiniment du troupeau bavardant de ses compagnes. Si je re
946
out la distingue infiniment du troupeau bavardant
de
ses compagnes. Si je rencontrais ses yeux, que deviendrais-je, et si
947
-je, et si elle devinait mon sentiment ? Pourtant
la
semaine prochaine, l’épreuve recommencera. Odeur de l’eau qui dort, p
948
it mon sentiment ? Pourtant la semaine prochaine,
l’
épreuve recommencera. Odeur de l’eau qui dort, pénétrante, amicale. Un
949
semaine prochaine, l’épreuve recommencera. Odeur
de
l’eau qui dort, pénétrante, amicale. Un poisson saute et ride un mome
950
maine prochaine, l’épreuve recommencera. Odeur de
l’
eau qui dort, pénétrante, amicale. Un poisson saute et ride un moment
951
ante, amicale. Un poisson saute et ride un moment
le
miroir… Non, je ne vais pas me suicider. Je mentirai ! Je suis assis
952
ntirai ! Je suis assis sur un banc près du port,
la
promenade est déserte et mon cœur assoiffé. Personne ne passe jamais,
953
on cœur assoiffé. Personne ne passe jamais, voilà
la
vie ! Mais si ce soir une femme venait à moi comme le miracle que j’a
954
ie ! Mais si ce soir une femme venait à moi comme
le
miracle que j’attends, je lui dirais : c’est un malentendu. Je suis d
955
passez Madame… J’ai 19 ans. Je n’aime encore que
la
nature, et ma solitude avec elle. Et vraiment, à cet âge, elle me l’a
956
litude avec elle. Et vraiment, à cet âge, elle me
l’
a bien rendu. (Quand on revient la voir à deux, plus tard, aux mêmes l
957
et âge, elle me l’a bien rendu. (Quand on revient
la
voir à deux, plus tard, aux mêmes lieux, elle se réserve… Elle ne ser
958
out à fait comme avant.) Ce soir, elle est encore
d’
une présence envoûtante. Le soleil s’est caché derrière le Trou de Bou
959
soir, elle est encore d’une présence envoûtante.
Le
soleil s’est caché derrière le Trou de Bourgogne. La grande rougeur d
960
ésence envoûtante. Le soleil s’est caché derrière
le
Trou de Bourgogne. La grande rougeur du lac s’est retirée, de vague e
961
nvoûtante. Le soleil s’est caché derrière le Trou
de
Bourgogne. La grande rougeur du lac s’est retirée, de vague en vague
962
soleil s’est caché derrière le Trou de Bourgogne.
La
grande rougeur du lac s’est retirée, de vague en vague vers l’autre r
963
ourgogne. La grande rougeur du lac s’est retirée,
de
vague en vague vers l’autre rive. Elle caresse en passant l’épaule de
964
vague vers l’autre rive. Elle caresse en passant
l’
épaule des collines, elle monte, elle embrase longtemps d’une sereine
965
des collines, elle monte, elle embrase longtemps
d’
une sereine incandescence les Alpes déployées au fond du ciel. Sommets
966
lle embrase longtemps d’une sereine incandescence
les
Alpes déployées au fond du ciel. Sommets d’où l’on voit l’Italie… Et
967
ence les Alpes déployées au fond du ciel. Sommets
d’
où l’on voit l’Italie… Et le rêve s’éteint, guirlande morte, un peu de
968
les Alpes déployées au fond du ciel. Sommets d’où
l’
on voit l’Italie… Et le rêve s’éteint, guirlande morte, un peu de temp
969
déployées au fond du ciel. Sommets d’où l’on voit
l’
Italie… Et le rêve s’éteint, guirlande morte, un peu de temps diaphane
970
fond du ciel. Sommets d’où l’on voit l’Italie… Et
le
rêve s’éteint, guirlande morte, un peu de temps diaphane à l’horizon.
971
eint, guirlande morte, un peu de temps diaphane à
l’
horizon. Paysage emphatique et sombre, tout cerné de prodiges sévères,
972
horizon. Paysage emphatique et sombre, tout cerné
de
prodiges sévères, et l’œil ne s’en évade au bas du ciel — vers l’oues
973
que et sombre, tout cerné de prodiges sévères, et
l’
œil ne s’en évade au bas du ciel — vers l’ouest — que par cet or loint
974
res, et l’œil ne s’en évade au bas du ciel — vers
l’
ouest — que par cet or lointain que l’eau n’a point doublé, déjà prise
975
ciel — vers l’ouest — que par cet or lointain que
l’
eau n’a point doublé, déjà prise de nuit, rêvant jusqu’à mes pieds.
976
r lointain que l’eau n’a point doublé, déjà prise
de
nuit, rêvant jusqu’à mes pieds. Par une chaude soirée du mois d’aoû
977
usqu’à mes pieds. Par une chaude soirée du mois
d’
août 192., un jeune homme, simplement vêtu d’un pantalon de flanelle g
978
mois d’août 192., un jeune homme, simplement vêtu
d’
un pantalon de flanelle grise et d’un chandail au col roulé, pédale à
979
2., un jeune homme, simplement vêtu d’un pantalon
de
flanelle grise et d’un chandail au col roulé, pédale à longues pesées
980
implement vêtu d’un pantalon de flanelle grise et
d’
un chandail au col roulé, pédale à longues pesées sur le chemin de la
981
handail au col roulé, pédale à longues pesées sur
le
chemin de la plaine, luttant contre un vent impétueux. L’orage est im
982
col roulé, pédale à longues pesées sur le chemin
de
la plaine, luttant contre un vent impétueux. L’orage est imminent. No
983
l roulé, pédale à longues pesées sur le chemin de
la
plaine, luttant contre un vent impétueux. L’orage est imminent. Notre
984
n de la plaine, luttant contre un vent impétueux.
L’
orage est imminent. Notre héros, qui paraît âgé d’une vingtaine d’anné
985
L’orage est imminent. Notre héros, qui paraît âgé
d’
une vingtaine d’années, se dirige vers le lac qu’on aperçoit entre les
986
nent. Notre héros, qui paraît âgé d’une vingtaine
d’
années, se dirige vers le lac qu’on aperçoit entre les peupliers, et d
987
raît âgé d’une vingtaine d’années, se dirige vers
le
lac qu’on aperçoit entre les peupliers, et dont les longues vagues li
988
nnées, se dirige vers le lac qu’on aperçoit entre
les
peupliers, et dont les longues vagues limoneuses accablent sans relâc
989
e lac qu’on aperçoit entre les peupliers, et dont
les
longues vagues limoneuses accablent sans relâche les roseaux de la ba
990
longues vagues limoneuses accablent sans relâche
les
roseaux de la baie. Des nuées menaçantes courent très bas, tirant des
991
ues limoneuses accablent sans relâche les roseaux
de
la baie. Des nuées menaçantes courent très bas, tirant des pluies au
992
limoneuses accablent sans relâche les roseaux de
la
baie. Des nuées menaçantes courent très bas, tirant des pluies au lar
993
courent très bas, tirant des pluies au large, et
le
cœur du jeune homme bondit dans sa poitrine, exalté par l’effort et l
994
u jeune homme bondit dans sa poitrine, exalté par
l’
effort et la vitesse. Mais soudain la tempête a fait silence autour de
995
e bondit dans sa poitrine, exalté par l’effort et
la
vitesse. Mais soudain la tempête a fait silence autour de lui, et seu
996
, exalté par l’effort et la vitesse. Mais soudain
la
tempête a fait silence autour de lui, et seul reste distinct le bruit
997
ait silence autour de lui, et seul reste distinct
le
bruit profond des vagues. Il roule maintenant dans l’ombre tiède et a
998
ruit profond des vagues. Il roule maintenant dans
l’
ombre tiède et abritée d’un bois de pins. Que vient-il donc chercher s
999
Il roule maintenant dans l’ombre tiède et abritée
d’
un bois de pins. Que vient-il donc chercher sur ces rivages désertés p
1000
aintenant dans l’ombre tiède et abritée d’un bois
de
pins. Que vient-il donc chercher sur ces rivages désertés par le crép
1001
ent-il donc chercher sur ces rivages désertés par
le
crépuscule ? Quelle est cette hâte inconnue, qu’il se flattait de n’é
1002
Quelle est cette hâte inconnue, qu’il se flattait
de
n’éprouver jamais, bien au contraire, avant un rendez-vous ? Cette en
1003
au contraire, avant un rendez-vous ? Cette envie
de
crier : « J’accours ! Attends !… » Ah ! mais qu’est-ce qu’il m’arrive
1004
t-ce qu’il m’arrive ? se dit-il. Il faut en avoir
le
cœur net. (Tout son orgueil réside en la maîtrise de soi, idéal de sp
1005
en avoir le cœur net. (Tout son orgueil réside en
la
maîtrise de soi, idéal de sportif plus que de puritain.) Il ralentit,
1006
cœur net. (Tout son orgueil réside en la maîtrise
de
soi, idéal de sportif plus que de puritain.) Il ralentit, pose un pie
1007
t son orgueil réside en la maîtrise de soi, idéal
de
sportif plus que de puritain.) Il ralentit, pose un pied sur le sol,
1008
en la maîtrise de soi, idéal de sportif plus que
de
puritain.) Il ralentit, pose un pied sur le sol, et s’appuie de la ma
1009
s que de puritain.) Il ralentit, pose un pied sur
le
sol, et s’appuie de la main au tronc d’un pin. Ce qui lui arrive est
1010
Il ralentit, pose un pied sur le sol, et s’appuie
de
la main au tronc d’un pin. Ce qui lui arrive est solennel, comme l’at
1011
ralentit, pose un pied sur le sol, et s’appuie de
la
main au tronc d’un pin. Ce qui lui arrive est solennel, comme l’atten
1012
pied sur le sol, et s’appuie de la main au tronc
d’
un pin. Ce qui lui arrive est solennel, comme l’attente du pays sous l
1013
c d’un pin. Ce qui lui arrive est solennel, comme
l’
attente du pays sous le ciel orageux. Oui, c’est bien cela qu’il sent,
1014
arrive est solennel, comme l’attente du pays sous
le
ciel orageux. Oui, c’est bien cela qu’il sent, il ne peut s’y tromper
1015
st bien cela qu’il sent, il ne peut s’y tromper :
la
brûlure douce au cœur, le sang plus vite, le soulèvement plus ample d
1016
l ne peut s’y tromper : la brûlure douce au cœur,
le
sang plus vite, le soulèvement plus ample de la respiration. Tout ce
1017
er : la brûlure douce au cœur, le sang plus vite,
le
soulèvement plus ample de la respiration. Tout ce que disent les poèt
1018
œur, le sang plus vite, le soulèvement plus ample
de
la respiration. Tout ce que disent les poètes qu’il dédaigne, tous le
1019
, le sang plus vite, le soulèvement plus ample de
la
respiration. Tout ce que disent les poètes qu’il dédaigne, tous leurs
1020
plus ample de la respiration. Tout ce que disent
les
poètes qu’il dédaigne, tous leurs clichés, c’était donc vrai ? Il ne
1021
hés, c’était donc vrai ? Il ne sait quelle ardeur
le
pénètre… Mais il sent qu’il va dire les grands mots impossibles, dans
1022
lle ardeur le pénètre… Mais il sent qu’il va dire
les
grands mots impossibles, dans un fol abandon, et ce sera vrai. Comme
1023
sera vrai. Comme tout est facile et violent quand
les
portes du cœur ont cédé ! Le lac était d’un bleu très sombre, le ciel
1024
le et violent quand les portes du cœur ont cédé !
Le
lac était d’un bleu très sombre, le ciel bas, des éclairs de chaleur
1025
quand les portes du cœur ont cédé ! Le lac était
d’
un bleu très sombre, le ciel bas, des éclairs de chaleur palpitaient d
1026
ur ont cédé ! Le lac était d’un bleu très sombre,
le
ciel bas, des éclairs de chaleur palpitaient dans la nue, et le jeune
1027
t d’un bleu très sombre, le ciel bas, des éclairs
de
chaleur palpitaient dans la nue, et le jeune homme savait en repartan
1028
ciel bas, des éclairs de chaleur palpitaient dans
la
nue, et le jeune homme savait en repartant sur le sentier obscur, ver
1029
es éclairs de chaleur palpitaient dans la nue, et
le
jeune homme savait en repartant sur le sentier obscur, vers les rosea
1030
la nue, et le jeune homme savait en repartant sur
le
sentier obscur, vers les roseaux, qu’avant le rendez-vous ce qui l’av
1031
e savait en repartant sur le sentier obscur, vers
les
roseaux, qu’avant le rendez-vous ce qui l’avait rejoint, c’était cett
1032
sur le sentier obscur, vers les roseaux, qu’avant
le
rendez-vous ce qui l’avait rejoint, c’était cette chose absurde et ma
1033
vers les roseaux, qu’avant le rendez-vous ce qui
l’
avait rejoint, c’était cette chose absurde et magnifique, entre haut m
1034
ut mal et bien suprême, qu’on nomme si légèrement
l’
amour.
1035
VIII On peut écrire aussi contre
les
lacs, ces endormeurs, et porter sa louange à des lieux plus sévères.
1036
à des lieux plus sévères. Mais plutôt il convient
d’
alterner ces agréments et ces vertus. Qui nous parlera des forêts ? Po
1037
es forêts ? Pour ma part, j’ai trop peu vécu sous
les
sapins, dans les vallées du Jura. J’y suis né, certes, mais les vraie
1038
ma part, j’ai trop peu vécu sous les sapins, dans
les
vallées du Jura. J’y suis né, certes, mais les vraies patries sont ce
1039
ns les vallées du Jura. J’y suis né, certes, mais
les
vraies patries sont celles où l’on naît à l’amour. Un portrait de not
1040
é, certes, mais les vraies patries sont celles où
l’
on naît à l’amour. Un portrait de notre pays, peint de là-haut, ne res
1041
ais les vraies patries sont celles où l’on naît à
l’
amour. Un portrait de notre pays, peint de là-haut, ne ressemblerait g
1042
s sont celles où l’on naît à l’amour. Un portrait
de
notre pays, peint de là-haut, ne ressemblerait guère à mes esquisses.
1043
naît à l’amour. Un portrait de notre pays, peint
de
là-haut, ne ressemblerait guère à mes esquisses. Au lieu de la lumièr
1044
e ressemblerait guère à mes esquisses. Au lieu de
la
lumière souvent voilée du lac, on y verrait un éclairage cru, des omb
1045
cru, des ombres longues et givrées, des couchants
d’
incendie sur les menées moroses des hauts plateaux boisés de noir. Ils
1046
longues et givrées, des couchants d’incendie sur
les
menées moroses des hauts plateaux boisés de noir. Ils vont jusqu’au T
1047
sur les menées moroses des hauts plateaux boisés
de
noir. Ils vont jusqu’au Tibet, me disait un jour Ramuz (dont la géogr
1048
ont jusqu’au Tibet, me disait un jour Ramuz (dont
la
géographie se passait bien d’atlas). C’est la même civilisation, les
1049
un jour Ramuz (dont la géographie se passait bien
d’
atlas). C’est la même civilisation, les mêmes fumées sur les tourbière
1050
ont la géographie se passait bien d’atlas). C’est
la
même civilisation, les mêmes fumées sur les tourbières, les mêmes cha
1051
assait bien d’atlas). C’est la même civilisation,
les
mêmes fumées sur les tourbières, les mêmes chants tristes, la même vi
1052
C’est la même civilisation, les mêmes fumées sur
les
tourbières, les mêmes chants tristes, la même vie intérieure… Il me d
1053
ivilisation, les mêmes fumées sur les tourbières,
les
mêmes chants tristes, la même vie intérieure… Il me disait aussi que
1054
ées sur les tourbières, les mêmes chants tristes,
la
même vie intérieure… Il me disait aussi que les paysans huguenots des
1055
s, la même vie intérieure… Il me disait aussi que
les
paysans huguenots des Cévennes et du Languedoc sont en réalité des mu
1056
uedoc sont en réalité des musulmans, qu’il suffit
de
les voir, tout noirs dans leurs cuisines, fatalistes et irréductibles
1057
oc sont en réalité des musulmans, qu’il suffit de
les
voir, tout noirs dans leurs cuisines, fatalistes et irréductibles… J’
1058
qui ouvrent des voies. Je garde ma méfiance pour
l’
espèce de mensonge qui rend la vie plus petite que nature, sous prétex
1059
ent des voies. Je garde ma méfiance pour l’espèce
de
mensonge qui rend la vie plus petite que nature, sous prétexte d’exac
1060
de ma méfiance pour l’espèce de mensonge qui rend
la
vie plus petite que nature, sous prétexte d’exactitude. Pays des horl
1061
rend la vie plus petite que nature, sous prétexte
d’
exactitude. Pays des horlogers à domicile, des longues veillées, des i
1062
es longues veillées, des inventions pratiques, et
de
beaucoup de dignité cordiale dans le commerce quotidien, c’est le Nor
1063
ratiques, et de beaucoup de dignité cordiale dans
le
commerce quotidien, c’est le Nord du canton qui a gagné et nous a fai
1064
ignité cordiale dans le commerce quotidien, c’est
le
Nord du canton qui a gagné et nous a faits républicains, voilà cent a
1065
fugia Jean-Jacques, Bakounine présida, me dit-on,
les
réunions secrètes d’où devait sortir la Première Internationale, auss
1066
kounine présida, me dit-on, les réunions secrètes
d’
où devait sortir la Première Internationale, aussitôt confisquée par M
1067
e Internationale, aussitôt confisquée par Marx.
De
cette enfance il me reste un cauchemar, l’école primaire, dont j’ai p
1068
arx. De cette enfance il me reste un cauchemar,
l’
école primaire, dont j’ai parlé ailleurs ; l’idée que mon village ne r
1069
mar, l’école primaire, dont j’ai parlé ailleurs ;
l’
idée que mon village ne ressemble à aucun autre ; une connaissance int
1070
ressemble à aucun autre ; une connaissance intime
de
la neige ; le désir des pays chauds ; et un petit lièvre. Je me souvi
1071
semble à aucun autre ; une connaissance intime de
la
neige ; le désir des pays chauds ; et un petit lièvre. Je me souviens
1072
cun autre ; une connaissance intime de la neige ;
le
désir des pays chauds ; et un petit lièvre. Je me souviens de ce reto
1073
pays chauds ; et un petit lièvre. Je me souviens
de
ce retour du Creux-du-Van, à travers les grands pâturages parsemés de
1074
souviens de ce retour du Creux-du-Van, à travers
les
grands pâturages parsemés de sapins majestueux et coupés çà et là de
1075
x-du-Van, à travers les grands pâturages parsemés
de
sapins majestueux et coupés çà et là de murs bas faits de grosses pie
1076
parsemés de sapins majestueux et coupés çà et là
de
murs bas faits de grosses pierres entassées avec art. Nous passions l
1077
s majestueux et coupés çà et là de murs bas faits
de
grosses pierres entassées avec art. Nous passions les clédars (beau m
1078
grosses pierres entassées avec art. Nous passions
les
clédars (beau mot celtique, l’un des rares qui subsistent chez nous)
1079
ique, l’un des rares qui subsistent chez nous) et
les
refermions avec soin, pour que les vaches n’aillent point changer de
1080
chez nous) et les refermions avec soin, pour que
les
vaches n’aillent point changer de propriétaire. Nous marchions à gran
1081
soin, pour que les vaches n’aillent point changer
de
propriétaire. Nous marchions à grandes enjambées, joyeux de sentir no
1082
taire. Nous marchions à grandes enjambées, joyeux
de
sentir nos gros talons cloutés mordre dans le sol élastique. Soudain
1083
eux de sentir nos gros talons cloutés mordre dans
le
sol élastique. Soudain je suspendis mon pas : au bout de mon pied, da
1084
ndis mon pas : au bout de mon pied, dans un creux
d’
herbe, un petit lièvre frémissait, immobile et terrorisé. Nous nous so
1085
t terrorisé. Nous nous sommes regardés un moment,
de
tout près. Un seul geste rapide eût suffi pour l’attraper par les ore
1086
de tout près. Un seul geste rapide eût suffi pour
l’
attraper par les oreilles. J’imaginai en une seconde la gloire que me
1087
n seul geste rapide eût suffi pour l’attraper par
les
oreilles. J’imaginai en une seconde la gloire que me vaudrait cette a
1088
raper par les oreilles. J’imaginai en une seconde
la
gloire que me vaudrait cette aventure, ma rentrée triomphale à la mai
1089
vaudrait cette aventure, ma rentrée triomphale à
la
maison. (Faut-il avouer que je la regrette encore ?) Mais je restais
1090
ée triomphale à la maison. (Faut-il avouer que je
la
regrette encore ?) Mais je restais là sans mouvement, fasciné par l’a
1091
?) Mais je restais là sans mouvement, fasciné par
l’
aubaine et plus encore ému par ce petit être tremblant. C’était trop b
1092
u par ce petit être tremblant. C’était trop beau…
Le
lièvre détala. Combien d’occasions merveilleuses ai-je laissées détal
1093
ant. C’était trop beau… Le lièvre détala. Combien
d’
occasions merveilleuses ai-je laissées détaler depuis ! Ce sont peut-ê
1094
taler depuis ! Ce sont peut-être celles qui m’ont
le
plus appris. Ma gloire ou mon plaisir en ont pâti, mais j’en tire une
1095
is j’en tire une satisfaction plus secrète et qui
les
vaut bien. Chaque fois qu’une chance offerte un instant fuit d’un bon
1096
Chaque fois qu’une chance offerte un instant fuit
d’
un bond parce qu’un scrupule ou un respect, ou quelque obscure sagesse
1097
lièvre ! et poursuis mon chemin plus léger. Si je
l’
avais attrapé, m’en souviendrais-je encore ? Je n’en parlerais pas ici
1098
. Des Montagnes au lac, cependant, malgré tous
les
contrastes qu’on a vus, c’est bien le même peuple et c’est le même ac
1099
algré tous les contrastes qu’on a vus, c’est bien
le
même peuple et c’est le même accent. J’entends les mêmes allures, le
1100
s qu’on a vus, c’est bien le même peuple et c’est
le
même accent. J’entends les mêmes allures, le même accent de l’âme, du
1101
le même peuple et c’est le même accent. J’entends
les
mêmes allures, le même accent de l’âme, du cœur et de la poignée de m
1102
’est le même accent. J’entends les mêmes allures,
le
même accent de l’âme, du cœur et de la poignée de main ; mais hélas !
1103
cent. J’entends les mêmes allures, le même accent
de
l’âme, du cœur et de la poignée de main ; mais hélas ! aussi du langa
1104
t. J’entends les mêmes allures, le même accent de
l’
âme, du cœur et de la poignée de main ; mais hélas ! aussi du langage.
1105
êmes allures, le même accent de l’âme, du cœur et
de
la poignée de main ; mais hélas ! aussi du langage. Et à ce propos… L
1106
s allures, le même accent de l’âme, du cœur et de
la
poignée de main ; mais hélas ! aussi du langage. Et à ce propos… L’op
1107
; mais hélas ! aussi du langage. Et à ce propos…
L’
opinion publique, de nos jours, veut que si l’on parle de son pays et
1108
i du langage. Et à ce propos… L’opinion publique,
de
nos jours, veut que si l’on parle de son pays et de son peuple on les
1109
os… L’opinion publique, de nos jours, veut que si
l’
on parle de son pays et de son peuple on les loue sans aucune retenue,
1110
on publique, de nos jours, veut que si l’on parle
de
son pays et de son peuple on les loue sans aucune retenue, et cette v
1111
nos jours, veut que si l’on parle de son pays et
de
son peuple on les loue sans aucune retenue, et cette vanité collectiv
1112
que si l’on parle de son pays et de son peuple on
les
loue sans aucune retenue, et cette vanité collective s’appelle, on ne
1113
e, on ne sait pourquoi, patriotisme ; mais que si
l’
on parle de soi, on confesse uniquement ses faiblesses, et cela s’appe
1114
it pourquoi, patriotisme ; mais que si l’on parle
de
soi, on confesse uniquement ses faiblesses, et cela s’appelle sincéri
1115
es, et cela s’appelle sincérité. (Quand il s’agit
de
la famille, ce moyen terme entre l’individu et la patrie, on ne sait
1116
et cela s’appelle sincérité. (Quand il s’agit de
la
famille, ce moyen terme entre l’individu et la patrie, on ne sait plu
1117
and il s’agit de la famille, ce moyen terme entre
l’
individu et la patrie, on ne sait plus sur quel pied danser.) Pour moi
1118
de la famille, ce moyen terme entre l’individu et
la
patrie, on ne sait plus sur quel pied danser.) Pour moi, j’ai pris le
1119
t plus sur quel pied danser.) Pour moi, j’ai pris
le
parti de laisser les étrangers vanter nos vertus bien connues et déco
1120
r quel pied danser.) Pour moi, j’ai pris le parti
de
laisser les étrangers vanter nos vertus bien connues et découvrir cel
1121
danser.) Pour moi, j’ai pris le parti de laisser
les
étrangers vanter nos vertus bien connues et découvrir celles que nous
1122
découvrir celles que nous ignorons. Je me borne à
l’
autocritique. Et par exemple, il est de mon devoir de citoyen conscien
1123
me borne à l’autocritique. Et par exemple, il est
de
mon devoir de citoyen conscient et responsable d’élever une solennell
1124
utocritique. Et par exemple, il est de mon devoir
de
citoyen conscient et responsable d’élever une solennelle protestation
1125
de mon devoir de citoyen conscient et responsable
d’
élever une solennelle protestation contre l’accent de mes compatriotes
1126
sable d’élever une solennelle protestation contre
l’
accent de mes compatriotes, celui qu’ils ont pris de nos jours et que
1127
lever une solennelle protestation contre l’accent
de
mes compatriotes, celui qu’ils ont pris de nos jours et que leurs pèr
1128
accent de mes compatriotes, celui qu’ils ont pris
de
nos jours et que leurs pères n’ont pas connu, l’accent le plus navran
1129
de nos jours et que leurs pères n’ont pas connu,
l’
accent le plus navrant de tout le domaine français, de Québec à Menton
1130
ours et que leurs pères n’ont pas connu, l’accent
le
plus navrant de tout le domaine français, de Québec à Menton, de Brux
1131
s pères n’ont pas connu, l’accent le plus navrant
de
tout le domaine français, de Québec à Menton, de Bruxelles à Port-Bou
1132
n’ont pas connu, l’accent le plus navrant de tout
le
domaine français, de Québec à Menton, de Bruxelles à Port-Bou. Je ne
1133
cent le plus navrant de tout le domaine français,
de
Québec à Menton, de Bruxelles à Port-Bou. Je ne vais pas m’occuper de
1134
de tout le domaine français, de Québec à Menton,
de
Bruxelles à Port-Bou. Je ne vais pas m’occuper de nos fautes de franç
1135
de Bruxelles à Port-Bou. Je ne vais pas m’occuper
de
nos fautes de français, elles sont moins graves, et je ne crois pas q
1136
Port-Bou. Je ne vais pas m’occuper de nos fautes
de
français, elles sont moins graves, et je ne crois pas que nous en com
1137
ois pas que nous en commettions beaucoup plus que
les
Parisiens : simplement à d’autres endroits. (Exercice pour enfants de
1138
rcice pour enfants des écoles du canton. Corrigez
le
verbe suivant : J’ai l’ennui, tu t’encoubles, il aurait meilleur temp
1139
coles du canton. Corrigez le verbe suivant : J’ai
l’
ennui, tu t’encoubles, il aurait meilleur temps, on veut d’jà bien ça
1140
tu t’encoubles, il aurait meilleur temps, on veut
d’
jà bien ça faire, vous voyez pas jour, ils n’en peuvent rien ; dans le
1141
l s’encoubler est plaisant, meilleur temps utile,
le
reste mauvais ou atroce.) Mais l’accent, c’est bien autre chose. C’es
1142
ur temps utile, le reste mauvais ou atroce.) Mais
l’
accent, c’est bien autre chose. C’est à quoi l’étranger juge un peuple
1143
is l’accent, c’est bien autre chose. C’est à quoi
l’
étranger juge un peuple au passage, et l’estime sympathique ou non. To
1144
t à quoi l’étranger juge un peuple au passage, et
l’
estime sympathique ou non. Tout le monde aime les Vaudois, les Marseil
1145
t l’estime sympathique ou non. Tout le monde aime
les
Vaudois, les Marseillais, s’amuse des Canadiens, tolère les Belges, e
1146
mpathique ou non. Tout le monde aime les Vaudois,
les
Marseillais, s’amuse des Canadiens, tolère les Belges, et se moque à
1147
s, les Marseillais, s’amuse des Canadiens, tolère
les
Belges, et se moque à l’occasion des Auvergnats, mais grimace de doul
1148
e des Canadiens, tolère les Belges, et se moque à
l’
occasion des Auvergnats, mais grimace de douleur à nous entendre. Écou
1149
e moque à l’occasion des Auvergnats, mais grimace
de
douleur à nous entendre. Écoutez les jeunes gens dans la rue (« sur l
1150
mais grimace de douleur à nous entendre. Écoutez
les
jeunes gens dans la rue (« sur la rue » ou « en rue », diraient-ils).
1151
eur à nous entendre. Écoutez les jeunes gens dans
la
rue (« sur la rue » ou « en rue », diraient-ils). Ce n’est plus dire,
1152
endre. Écoutez les jeunes gens dans la rue (« sur
la
rue » ou « en rue », diraient-ils). Ce n’est plus dire, ce n’est plus
1153
er, mais patauger dans une bouillasse verbale, où
l’
on se traîne avec de lourdes brusqueries, pour s’enliser régulièrement
1154
ns une bouillasse verbale, où l’on se traîne avec
de
lourdes brusqueries, pour s’enliser régulièrement avant d’avoir attei
1155
s brusqueries, pour s’enliser régulièrement avant
d’
avoir atteint la fin d’une phrase. Je sais bien que l’influence du sui
1156
our s’enliser régulièrement avant d’avoir atteint
la
fin d’une phrase. Je sais bien que l’influence du suisse allemand y e
1157
nliser régulièrement avant d’avoir atteint la fin
d’
une phrase. Je sais bien que l’influence du suisse allemand y est pour
1158
oir atteint la fin d’une phrase. Je sais bien que
l’
influence du suisse allemand y est pour beaucoup, et qu’on ne peut pas
1159
est pour beaucoup, et qu’on ne peut pas déplacer
le
canton de Berne. Mais je me souviens aussi de l’état d’esprit qui ent
1160
beaucoup, et qu’on ne peut pas déplacer le canton
de
Berne. Mais je me souviens aussi de l’état d’esprit qui entretient ce
1161
cer le canton de Berne. Mais je me souviens aussi
de
l’état d’esprit qui entretient cet état de choses et qui ne cesse de
1162
le canton de Berne. Mais je me souviens aussi de
l’
état d’esprit qui entretient cet état de choses et qui ne cesse de l’a
1163
qui entretient cet état de choses et qui ne cesse
de
l’aggraver : c’est celui de l’école primaire et de la caserne, où l’o
1164
entretient cet état de choses et qui ne cesse de
l’
aggraver : c’est celui de l’école primaire et de la caserne, où l’on s
1165
hoses et qui ne cesse de l’aggraver : c’est celui
de
l’école primaire et de la caserne, où l’on se moque sans pitié des ga
1166
es et qui ne cesse de l’aggraver : c’est celui de
l’
école primaire et de la caserne, où l’on se moque sans pitié des garço
1167
e l’aggraver : c’est celui de l’école primaire et
de
la caserne, où l’on se moque sans pitié des garçons qui « raffinent »
1168
’aggraver : c’est celui de l’école primaire et de
la
caserne, où l’on se moque sans pitié des garçons qui « raffinent », c
1169
st celui de l’école primaire et de la caserne, où
l’
on se moque sans pitié des garçons qui « raffinent », c’est-à-dire par
1170
i « raffinent », c’est-à-dire parlent avec un peu
d’
aisance. Cette émulation par le bas pourrait être arrêtée par les inst
1171
arlent avec un peu d’aisance. Cette émulation par
le
bas pourrait être arrêtée par les instituteurs. Il suffirait de renve
1172
te émulation par le bas pourrait être arrêtée par
les
instituteurs. Il suffirait de renverser la mode, et de statuer qu’à p
1173
t être arrêtée par les instituteurs. Il suffirait
de
renverser la mode, et de statuer qu’à partir d’aujourd’hui l’on va se
1174
e par les instituteurs. Il suffirait de renverser
la
mode, et de statuer qu’à partir d’aujourd’hui l’on va se moquer douce
1175
stituteurs. Il suffirait de renverser la mode, et
de
statuer qu’à partir d’aujourd’hui l’on va se moquer doucement de ceux
1176
t de renverser la mode, et de statuer qu’à partir
d’
aujourd’hui l’on va se moquer doucement de ceux qui parlent mal, au li
1177
la mode, et de statuer qu’à partir d’aujourd’hui
l’
on va se moquer doucement de ceux qui parlent mal, au lieu de tourner
1178
partir d’aujourd’hui l’on va se moquer doucement
de
ceux qui parlent mal, au lieu de tourner en ridicule ceux qui essaien
1179
au lieu de tourner en ridicule ceux qui essaient
de
bien dire, d’articuler nettement, de maîtriser leurs moyens d’express
1180
urner en ridicule ceux qui essaient de bien dire,
d’
articuler nettement, de maîtriser leurs moyens d’expression. Le vers f
1181
qui essaient de bien dire, d’articuler nettement,
de
maîtriser leurs moyens d’expression. Le vers fameux de Valéry : « Hon
1182
d’articuler nettement, de maîtriser leurs moyens
d’
expression. Le vers fameux de Valéry : « Honneur des Hommes, Saint Lan
1183
ettement, de maîtriser leurs moyens d’expression.
Le
vers fameux de Valéry : « Honneur des Hommes, Saint Langage ! » serai
1184
îtriser leurs moyens d’expression. Le vers fameux
de
Valéry : « Honneur des Hommes, Saint Langage ! » serait la devise de
1185
: « Honneur des Hommes, Saint Langage ! » serait
la
devise de cette croisade, dont le succès embellirait notre existence
1186
ur des Hommes, Saint Langage ! » serait la devise
de
cette croisade, dont le succès embellirait notre existence mieux qu’u
1187
gage ! » serait la devise de cette croisade, dont
le
succès embellirait notre existence mieux qu’une « plage » ou qu’un mo
1188
erai ces remarques un peu vives si elles attirent
l’
attention de nos éducateurs sur une disgrâce que l’habitude risque de
1189
arques un peu vives si elles attirent l’attention
de
nos éducateurs sur une disgrâce que l’habitude risque de rendre insen
1190
’attention de nos éducateurs sur une disgrâce que
l’
habitude risque de rendre insensible à certains. Dans ce domaine, fair
1191
éducateurs sur une disgrâce que l’habitude risque
de
rendre insensible à certains. Dans ce domaine, faire attention suffir
1192
à prévenir et à guérir. Il convenait qu’au terme
de
ces pages j’apporte aussi ma petite contribution au centenaire que l’
1193
te aussi ma petite contribution au centenaire que
l’
on va célébrer. Voilà qui est fait selon mes moyens, qui sont ceux d’u
1194
oilà qui est fait selon mes moyens, qui sont ceux
d’
un monteur et ajusteur de mots, par métier soucieux de langage. Cadeau
1195
es moyens, qui sont ceux d’un monteur et ajusteur
de
mots, par métier soucieux de langage. Cadeau modeste mais peut-être u
1196
monteur et ajusteur de mots, par métier soucieux
de
langage. Cadeau modeste mais peut-être utile, si l’on songe que ce ce
1197
langage. Cadeau modeste mais peut-être utile, si
l’
on songe que ce centenaire est celui d’une libération, et qu’un peuple
1198
utile, si l’on songe que ce centenaire est celui
d’
une libération, et qu’un peuple n’est vraiment libre que s’il possède
1199
libre que s’il possède et maîtrise d’abord, dans
la
force et la grâce du terme, la liberté de l’expression.
1200
’il possède et maîtrise d’abord, dans la force et
la
grâce du terme, la liberté de l’expression.
1201
rise d’abord, dans la force et la grâce du terme,
la
liberté de l’expression.
1202
d, dans la force et la grâce du terme, la liberté
de
l’expression.
1203
dans la force et la grâce du terme, la liberté de
l’
expression.