1 1948, Suite neuchâteloise. I
1 er, passer une nuit, se réveiller dans ce village je suis né ; mesurer mon âge et le Temps. Mais la vie, mais ce train
2 1948, Suite neuchâteloise. II
2 sens, comme pour se souvenir de ce qui vient ? D’ remontent ces rythmes de mots, cette épithète, ce nœud d’idées, où je
3 rythmes de mots, cette épithète, ce nœud d’idées, je ne reconnais rien de déjà lu ? Et de quel ciel me tombent ces visi
4 de quel ciel me tombent ces visions surprenantes, je reconnais bientôt ce que j’ai déjà vécu ? Certes, dans les deux ca
5 ais je n’en suis pas là. (Ainsi l’on croit savoir l’on se tient, quel âge on a, et vers quoi l’on chemine. Mais au carr
6 ude du présent. Dans le silence d’une vaste pièce j’étais seul devant l’admirable visage, debout au pied du lit, prolon
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7 reconstituer leur ascendance jusqu’à des époques n’atteignent, chez nos voisins, que les familles de la noblesse. La S
8 ce qu’il a cru démêler, en une vingtaine de pages perce l’étonnement. « Le Prince se fait représenter en son absence [c
9 e qu’il serait très-difficile de dire précisément elle réside. Le détail suivant… servira peut-être à débrouiller ce ch
10 l estimait ces prétentions déplacées dans un pays la plus ancienne noblesse n’est pas chapitrale, où les trois quarts d
11 ù la plus ancienne noblesse n’est pas chapitrale, les trois quarts de la noblesse trouvent des paysans aux quatrième et
4 1948, Suite neuchâteloise. IV
12 rs d’État se tourne vers la vie intellectuelle. D’ septante-six ouvrages publiés par des Rougemont en Suisse, en France
13 pensé ; et ce mot d’engagement, dont on abuse, d’ l’aurais-je pris si ce n’est de sa vie — l’une des très rares vies d’
14 ’était pour mieux saisir l’enseignement d’une vie s’est fondée ma vie. Sur le fond d’une tradition qui la reliait à not
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15 , que devient ce fil rouge que je croyais tenir ? vont se perdre les sentiers de la mémoire, ces voies ouvertes à l’ima
16 ’est que d’abord je l’ai trouvée dans ma famille, tant de traditions se croisent et se marient. Pour moi comme pour tan
17 ropéen, nul besoin de quitter ce salon campagnard je suis revenu m’asseoir : il me suffit de méditer sur ses images, de
18 ez soi dans leurs légendes. Les forêts enchantées chevauchait Lancelot, sous les ciels méditants de l’Ouest celtique ;
19 himérique ne cessera de me plaire : sur ces lieux jadis des hommes dont je descends exercèrent leurs droits de seigneur
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20 VI Ces retours sur l’histoire d’un pays, je cherchais à mieux situer les miens, m’ont proposé chemin faisant q
21 quelqu’un qui chante, ou crie, après des siècles nul n’a prononcé un mot plus haut que l’autre, ou plus bas, de plus p
22 tranquille aux rives basses, peuplé de mouettes, mon regard ni ma pensée ne se heurte à rien d’accidentel ou d’étrange
7 1948, Suite neuchâteloise. VII
23 n’est jamais sans quelque douceur ?   Cherchant d’ vient cet agrément, et pourquoi dans le monde lacustre on ressent la
24 égiée. Ici le cœur et l’âme ont leur théâtre pur, tout est sens, écho, dialogue à l’infini. Ici la joie trouve un espac
25 dialogue à l’infini. Ici la joie trouve un espace se déployer sans se perdre, la méditation des ciels bas, la passion d
26 es orages complets, et la peine une baie secrète, les cris des oiseaux dans la brume s’occupent d’une vie bien différen
27 re des yeux, de comparer, de contempler sans fin, l’on a reconnu l’amour, comme il aime à s’y retrouver.   Je nage à Ba
28 e par moments, et dans l’échappée vers la plaine, l’eau rejoint presque le ciel, le petit phare de la baie de Sirmione…
29 -Orientale, nous allions ramer vers minuit, heure le crépuscule enfin se meurt dans l’aube, à l’horizon des landes et d
30 er… Tyrol, et ce lac sombre au fond de la vallée, tournoyaient des voiles inclinées… Balaton, lac de plaine aux eaux fa
31 ce les Alpes déployées au fond du ciel. Sommets d’ l’on voit l’Italie… Et le rêve s’éteint, guirlande morte, un peu de t
8 1948, Suite neuchâteloise. VIII
32 s né, certes, mais les vraies patries sont celles l’on naît à l’amour. Un portrait de notre pays, peint de là-haut, ne
33 « avancé » par tradition. Dans ma vallée natale, se réfugia Jean-Jacques, Bakounine présida, me dit-on, les réunions s
34 unine présida, me dit-on, les réunions secrètes d’ devait sortir la Première Internationale, aussitôt confisquée par Mar
35 rimer, mais patauger dans une bouillasse verbale, l’on se traîne avec de lourdes brusqueries, pour s’enliser régulièrem
36 c’est celui de l’école primaire et de la caserne, l’on se moque sans pitié des garçons qui « raffinent », c’est-à-dire