1 1951, Les Libertés que nous pouvons perdre (1951). Le drame de la liberté, aujourd’hui
1 Le drame de la liberté, aujourd’hui Si l’on passe en revue tous les arguments a
2 ce milieu du xxe siècle, c’est moins le problème de la liberté qui nous importe, que son drame. De l’issue de ce drame dé
3 me de la liberté qui nous importe, que son drame. De l’issue de ce drame dépendent nos vies. Car si nous vivons aujourd’hu
4 berté qui nous importe, que son drame. De l’issue de ce drame dépendent nos vies. Car si nous vivons aujourd’hui dans l’an
5 s. Car si nous vivons aujourd’hui dans l’angoisse d’ une nouvelle guerre mondiale, c’est parce que le monde est divisé en d
6 inissent clairement que par rapport à la liberté. D’ un côté, les peuples qui se disent libres et qui entendent le rester ;
7 qui se disent libres et qui entendent le rester ; de l’autre, ceux qui vivent en régime totalitaire, et qui n’ont pas nos
8 qu’ils jugent trompeuses. Tous les autres motifs de conflit que l’on pourrait énumérer sont discutables et peu clairs. Le
9 t réparties entre les deux camps. Les conceptions de la justice sociale elle-même ne suffisent pas pour distinguer netteme
10 er nettement les adversaires : il serait possible de discuter longtemps pour savoir de quel côté du rideau de fer il y a l
11 serait possible de discuter longtemps pour savoir de quel côté du rideau de fer il y a le plus de justice sociale, théoriq
12 uter longtemps pour savoir de quel côté du rideau de fer il y a le plus de justice sociale, théorique ou pratique, promise
13 voir de quel côté du rideau de fer il y a le plus de justice sociale, théorique ou pratique, promise ou réalisée. Par cont
14 e. Par contre, ce qu’il est absolument impossible de discuter, ce qui est évident aux yeux de tous, des deux côtés, c’est
15 concrètes que nous avons ? Si nous voulons gagner d’ avance — avant une guerre, qui serait perdue par tous — cette lutte où
16 tte où nous sommes engagés, la première condition de succès, c’est de savoir ce que nous défendons. Quelles sont nos liber
17 s engagés, la première condition de succès, c’est de savoir ce que nous défendons. Quelles sont nos libertés ? Sont-elles
18 s questions. C’est là que gît la force principale de l’autre camp. Quand on nous dit : « Qu’avez-vous à opposer à l’idéolo
19 désespérément une réplique, ou que nous essayons d’ improviser quelque « mystique » nouvelle, nous sommes déjà battus. Pou
20 alors à coup sûr, il faut que nous soyons en état de répondre instantanément, avec une conviction totale. Il faut que nous
21 dions ceci : « Nous n’avons pas besoin comme vous d’ une mystique qui masque les faits, nous n’avons pas besoin d’une idéol
22 que qui masque les faits, nous n’avons pas besoin d’ une idéologie, car nous avons nos libertés. Et ce n’est pas notre pass
23 u’il a conquises, et qui sont la réalité présente de nos vies, bien plus : qui sont le gage d’un avenir meilleur ! » Ce la
24 résente de nos vies, bien plus : qui sont le gage d’ un avenir meilleur ! » Ce langage seul peut nous sauver. Encore faut-i
25 sauver. Encore faut-il que nous soyons en mesure de le tenir sans équivoque, et en pleine connaissance de cause. Or beauc
26 es questions : Premièrement : pourquoi les hommes d’ aujourd’hui ont-ils peur de la liberté et sont-ils tentés d’y renoncer
27  : pourquoi les hommes d’aujourd’hui ont-ils peur de la liberté et sont-ils tentés d’y renoncer ? Secondement : quelles so
28 hui ont-ils peur de la liberté et sont-ils tentés d’ y renoncer ? Secondement : quelles sont les libertés réelles que nous
2 1951, Les Libertés que nous pouvons perdre (1951). L’anxiété de l’homme moderne
29 L’anxiété de l’homme moderne Notre première question : « Pourquoi l’homme de ce
30 ne Notre première question : « Pourquoi l’homme de ce temps a-t-il peur de la liberté ? » demanderait un long examen de
31 tion : « Pourquoi l’homme de ce temps a-t-il peur de la liberté ? » demanderait un long examen de conscience de notre civi
32 peur de la liberté ? » demanderait un long examen de conscience de notre civilisation, une analyse qui remonterait de plus
33 erté ? » demanderait un long examen de conscience de notre civilisation, une analyse qui remonterait de plusieurs siècles
34 e notre civilisation, une analyse qui remonterait de plusieurs siècles dans notre histoire, et peut-être une psychanalyse.
35 En attendant, prenons tout simplement l’Européen de la moitié du xxe siècle dans sa situation pratique. Prenons le jeune
36 métier choisir, par exemple ? Autrefois, le fils d’ un drapier devenait drapier ; le fils d’un noble, officier ; le fils d
37 , le fils d’un drapier devenait drapier ; le fils d’ un noble, officier ; le fils d’un paysan, paysan. Aujourd’hui, il peut
38 drapier ; le fils d’un noble, officier ; le fils d’ un paysan, paysan. Aujourd’hui, il peut devenir n’importe quoi, avec u
39  : c’est ce qu’il appelle se libérer des préjugés de sa famille ou de son milieu. Il se libère donc, mais pour quoi ? Voil
40 appelle se libérer des préjugés de sa famille ou de son milieu. Il se libère donc, mais pour quoi ? Voilà le problème. Un
41 mais pour quoi ? Voilà le problème. Un sentiment d’ arbitraire le domine. La morale bourgeoise n’est plus une aide, elle n
42 se n’est plus une aide, elle ne peut plus fournir de directives bien claires. Contredite par les pratiques courantes, à ba
43 s de monnaie — mais la monnaie change constamment de valeur —, la morale a perdu sa force contraignante et son prestige. N
44 se, pratiquement, ne guident plus le grand nombre de nos contemporains. Jamais pourtant la nécessité d’orientations claire
45 e nos contemporains. Jamais pourtant la nécessité d’ orientations claires et indiscutables n’a semblé plus urgente, dans le
46 plus urgente, dans les vertigineuses complexités de la vie moderne. Voici donc notre jeune homme livré à l’anxiété, à l’i
47 ète en province. Comment s’orienter dans le choix d’ une carrière ? Et comment vivre sans un but, sans une inspiration quel
48 Réponse des dictatures C’est à cette anxiété de l’homme déraciné, isolé et désorienté, qu’ont répondu les passions co
49 nt échoué à donner à l’homme des masses une règle de vie, une discipline d’action et de pensée — sauf en temps de guerre o
50 homme des masses une règle de vie, une discipline d’ action et de pensée — sauf en temps de guerre ou de révolution — si l’
51 sses une règle de vie, une discipline d’action et de pensée — sauf en temps de guerre ou de révolution — si l’élément soci
52 discipline d’action et de pensée — sauf en temps de guerre ou de révolution — si l’élément social n’était venu se conjugu
53 ’action et de pensée — sauf en temps de guerre ou de révolution — si l’élément social n’était venu se conjuguer avec eux,
54 tous les deux fortement influencés par l’exemple de Lénine, ont eu le sombre génie de comprendre les premiers, c’est que
55 s par l’exemple de Lénine, ont eu le sombre génie de comprendre les premiers, c’est que l’homme des masses vit dans l’ango
56 c’est que l’homme des masses vit dans l’angoisse de l’insécurité, de l’arbitraire, et qu’il en est réduit à désirer qu’on
57 e des masses vit dans l’angoisse de l’insécurité, de l’arbitraire, et qu’il en est réduit à désirer qu’on le libère d’une
58 et qu’il en est réduit à désirer qu’on le libère d’ une liberté sans contenu. Ils ont compris que l’homme moderne cherche
59 justifie, sans discussion possible, sans crainte d’ erreur, le délivrant ainsi de l’angoisse de choisir et de risquer d’av
60 ssible, sans crainte d’erreur, le délivrant ainsi de l’angoisse de choisir et de risquer d’avoir à s’en repentir. Ce n’est
61 rainte d’erreur, le délivrant ainsi de l’angoisse de choisir et de risquer d’avoir à s’en repentir. Ce n’est point par méc
62 r, le délivrant ainsi de l’angoisse de choisir et de risquer d’avoir à s’en repentir. Ce n’est point par méchanceté ou par
63 rant ainsi de l’angoisse de choisir et de risquer d’ avoir à s’en repentir. Ce n’est point par méchanceté ou par perversité
64 t point par méchanceté ou par perversité que tant d’ hommes en Europe sont devenus fascistes et deviennent aujourd’hui comm
65 C’est parce que ces hommes ont senti obscurément, de tout leur être, le besoin d’un principe d’unité, d’obligation et de s
66 t senti obscurément, de tout leur être, le besoin d’ un principe d’unité, d’obligation et de sécurité, que seules les dicta
67 ément, de tout leur être, le besoin d’un principe d’ unité, d’obligation et de sécurité, que seules les dictatures se décla
68 tout leur être, le besoin d’un principe d’unité, d’ obligation et de sécurité, que seules les dictatures se déclaraient pr
69 le besoin d’un principe d’unité, d’obligation et de sécurité, que seules les dictatures se déclaraient prêtes à fournir.
70 égard, elles ne comprendront pas la vraie nature de la tentation qui en résulte, la tentation totalitaire. Leur polémique
71 rance du Zéro et l’infini, il reçut trois lettres d’ étudiants lui disant en substance ceci : « Monsieur, je crois exacte v
72 c’est précisément une discipline, une efficacité de ce genre que je cherchais. » Voilà pourquoi tant d’hommes, de nos jou
73 ce genre que je cherchais. » Voilà pourquoi tant d’ hommes, de nos jours, fuyant une liberté qui les laisse sans défense e
74 que je cherchais. » Voilà pourquoi tant d’hommes, de nos jours, fuyant une liberté qui les laisse sans défense et les ango
75 n ordre tout au moins. Nous touchons là le secret de la vraie force, de la seule force de persuasion intime dont disposent
76 ns. Nous touchons là le secret de la vraie force, de la seule force de persuasion intime dont disposent les régimes totali
77 là le secret de la vraie force, de la seule force de persuasion intime dont disposent les régimes totalitaires. Illustrons
78 omment avez-vous obtenu les licences, permissions de quitter le pays, bons pour acheter un billet, certificats politiques,
79 qu’il avait tout bonnement été à l’une des gares de Paris, où il avait acheté son billet sans nulle autre formalité. Quan
80 de se sentir plus à l’aise dans notre atmosphère de liberté, y souffraient d’une sorte d’inquiétude perpétuelle. Chez eux
81 e dans notre atmosphère de liberté, y souffraient d’ une sorte d’inquiétude perpétuelle. Chez eux, tout est dicté, chaque g
82 atmosphère de liberté, y souffraient d’une sorte d’ inquiétude perpétuelle. Chez eux, tout est dicté, chaque geste, chaque
83 e. C’est un vertige. C’est épuisant ! Psychose de l’homme moderne Nous aurions tort de rire d’une pareille attitude.
84 Psychose de l’homme moderne Nous aurions tort de rire d’une pareille attitude. Elle a des motifs très profonds dans la
85 e de l’homme moderne Nous aurions tort de rire d’ une pareille attitude. Elle a des motifs très profonds dans la psychol
86 le a des motifs très profonds dans la psychologie de l’homme moderne, et cela des deux côtés du rideau de fer. Il serait f
87 l’homme moderne, et cela des deux côtés du rideau de fer. Il serait faux de croire que ledit homme moderne a le goût de l’
88 a des deux côtés du rideau de fer. Il serait faux de croire que ledit homme moderne a le goût de l’esclavage. Il cherche u
89 faux de croire que ledit homme moderne a le goût de l’esclavage. Il cherche une discipline qui le rassure. Et ce n’est pa
90 esoin dans la mesure justement où elle le délivre de sa liberté. Car sa liberté signifiait l’obligation constante du choix
91 ne l’en délivre ; elle le délivre aussi du risque d’ erreur toujours impliqué par le choix, risque augmenté par la complexi
92 isque augmenté par la complexité et l’instabilité de la vie moderne ; et finalement, la discipline le délivre du sentiment
93 finalement, la discipline le délivre du sentiment de sa culpabilité individuelle, survivance d’une morale qui ne sait plus
94 timent de sa culpabilité individuelle, survivance d’ une morale qui ne sait plus lui donner des raisons positives de vivre.
95 qui ne sait plus lui donner des raisons positives de vivre. L’homme qui se sent vaguement coupable, sans trop savoir de qu
96 qui se sent vaguement coupable, sans trop savoir de quoi et sans se l’avouer, cet homme recule naturellement devant les r
97 cet homme recule naturellement devant les risques de la liberté. Il va se cacher derrière la règle d’un parti, la règle co
98 de la liberté. Il va se cacher derrière la règle d’ un parti, la règle collective, la discipline rigide, l’infaillibilité
99 ollective, la discipline rigide, l’infaillibilité d’ un chef. C’est le chef désormais qui assumera toutes les erreurs, tous
100 entes qui le poussent puissamment en sens inverse de ses revendications de liberté et de progrès, devenues purement verbal
101 puissamment en sens inverse de ses revendications de liberté et de progrès, devenues purement verbales et routinières. Qua
102 sens inverse de ses revendications de liberté et de progrès, devenues purement verbales et routinières. Quand on lui vant
103 pas bien profondément. On n’atteint qu’une partie de son intellect, et ce sont d’autres forces qui le mènent. Contre les é
104 se l’avoue pas à lui-même. Il donne toutes sortes de raisons, pas très plausibles, pour expliquer la supériorité des dicta
105 lles le sont, ce n’est que pour une brève période de transition un peu pénible mais indispensable. Il croit enfin que ces
106 celles dont jouit l’Occident. Rien ne sert alors de lui montrer qu’en fait c’est justement le contraire qui est vrai. Car
107 t le contraire qui est vrai. Car le motif profond de sa conversion aux dictatures, celui qu’il ne peut confesser, c’est qu
108 tre lui-même aussi peut-être, contre l’arbitraire de la vie, et qu’il le trouve dans cet Ersatz de l’ordre qu’offrent les
109 ire de la vie, et qu’il le trouve dans cet Ersatz de l’ordre qu’offrent les dictatures totalitaires. Cette attitude ne sau
110 présence d’une psychose, qui atteint des millions d’ hommes en Occident, et dont nul d’entre nous n’est tout à fait indemne
111 ogique et l’évidence ; elle exige d’autres formes de traitement. Essayons de les esquisser. Premier remède : réformes s
112 lle exige d’autres formes de traitement. Essayons de les esquisser. Premier remède : réformes sociales La fuite deva
113 irconstances matérielles. Avant toute autre forme de traitement psychique, ce sont ces circonstances matérielles qu’il s’a
114 ont ces circonstances matérielles qu’il s’agirait de modifier : je veux parler de l’insécurité sociale qui règne encore da
115 lles qu’il s’agirait de modifier : je veux parler de l’insécurité sociale qui règne encore dans nos démocraties, plus ou m
116 sera pas assuré à tout homme, tant qu’il craindra de perdre d’un jour à l’autre son logement, son travail, son salaire et
117 ssuré à tout homme, tant qu’il craindra de perdre d’ un jour à l’autre son logement, son travail, son salaire et donc la fa
118 ment, son travail, son salaire et donc la faculté de former des projets, tant que l’homme moderne sera (ou simplement se s
119 érieux du mal totalitaire doit donc s’accompagner de mesures sociales, garantissant à chaque famille ou individu isolé, un
120 nt à chaque famille ou individu isolé, un minimum de sécurité matérielle. Ceux qui pensent que de telles mesures sont le c
121 imum de sécurité matérielle. Ceux qui pensent que de telles mesures sont le commencement du communisme, ceux-là confondent
122 ins que l’essentiel du traitement est une affaire d’ éducation. Éduquer un jeune homme, c’est, comme le mot l’indique dans
123 ysiques ; puis le stade anarchique, qui est celui de l’inefficacité des efforts contradictoires et irresponsables ; enfin,
124 ntradictoires et irresponsables ; enfin, le stade de l’imitation, du conformisme pur, pour le faire accéder au sentiment d
125 nformisme pur, pour le faire accéder au sentiment de la responsabilité personnelle, c’est-à-dire, à la possibilité d’être
126 ilité personnelle, c’est-à-dire, à la possibilité d’ être libre. Le but de toute éducation digne du nom, c’est donc de rend
127 est-à-dire, à la possibilité d’être libre. Le but de toute éducation digne du nom, c’est donc de rendre un homme apte à la
128 e but de toute éducation digne du nom, c’est donc de rendre un homme apte à la liberté. Il serait vain de décréter toutes
129 rendre un homme apte à la liberté. Il serait vain de décréter toutes sortes de libertés légales ou morales pour des hommes
130 liberté. Il serait vain de décréter toutes sortes de libertés légales ou morales pour des hommes qui ne connaîtraient pas,
131 îtraient pas, qui n’auraient pas appris leur mode d’ emploi. Liberté reste un mot vide de sens et d’appel, pour qui n’a pas
132 ris leur mode d’emploi. Liberté reste un mot vide de sens et d’appel, pour qui n’a pas le goût du risque, ou n’a pas décou
133 de d’emploi. Liberté reste un mot vide de sens et d’ appel, pour qui n’a pas le goût du risque, ou n’a pas découvert sa voc
134 a pas découvert sa vocation. Et cela aussi dépend de l’éducation, pour une bonne part. Condition nécessaire : survivre
135 cessaire : survivre Cependant, l’élargissement de la sécurité matérielle, et l’éducation pour la liberté, — c’est-à-dir
136 u trois. Or, il se trouve que nous sommes menacés de l’extérieur aussi gravement que de l’intérieur. Nous sommes menacés d
137 sommes menacés de l’extérieur aussi gravement que de l’intérieur. Nous sommes menacés de l’intérieur par ce désordre profo
138 gravement que de l’intérieur. Nous sommes menacés de l’intérieur par ce désordre profond que j’ai décrit, par l’anxiété mo
139 ité qui minent et détruisent lentement notre goût de la vraie liberté. Mais nous sommes menacés de l’extérieur par quelque
140 oût de la vraie liberté. Mais nous sommes menacés de l’extérieur par quelque chose qui mettrait fin d’un coup à tous nos m
141 de l’extérieur par quelque chose qui mettrait fin d’ un coup à tous nos maux. Nous sommes malades, et il faut commencer not
142 -là certes ont raison ; mais ils ont souvent tort d’ oublier que l’avenir de notre santé suppose, comme première condition,
143 mais ils ont souvent tort d’oublier que l’avenir de notre santé suppose, comme première condition, de sauver notre vie pr
144 de notre santé suppose, comme première condition, de sauver notre vie présente. Parlons maintenant sans images. On nous di
145 cialement votre Europe, ce sera le plus sûr moyen d’ y supprimer la tentation totalitaire. » Mais hélas, il ne s’agit pas s
146 litaire. » Mais hélas, il ne s’agit pas seulement d’ une tentation ! Avant que nous ayons réformé notre Europe, elle peut b
147 ses profondes du mal interne, il faut se prémunir d’ urgence contre le danger extérieur. Il faut éduquer la jeunesse, offri
148 voici le cercle vicieux : ce qui retient beaucoup d’ Européens de s’organiser pour la défense du continent, c’est justement
149 cle vicieux : ce qui retient beaucoup d’Européens de s’organiser pour la défense du continent, c’est justement cette psych
150 s qui sont malades, mais notre sens et notre goût de la liberté. Ou plutôt, c’est le sens et le goût des défaitistes dont
151 aitistes dont nous venons de parler. Ils ont peur de la liberté, ils en sont fatigués, ils désirent secrètement des discip
152 ls ne peuvent pas l’avouer, comme ce dégoût vient d’ une névrose, ils mentent. Le mécanisme est bien connu, il est absolume
153 sens qu’ils affirment le contraire non seulement de la vérité de fait mais aussi de leurs désirs réels. Or le mensonge le
154 affirment le contraire non seulement de la vérité de fait mais aussi de leurs désirs réels. Or le mensonge le plus réussi
155 ire non seulement de la vérité de fait mais aussi de leurs désirs réels. Or le mensonge le plus réussi qu’ait inventé le d
156 fendre telle qu’elle est. Puisque vous n’avez pas de mystique nouvelle à nous proposer sur-le-champ, l’avenir et l’espoir
157 proposer sur-le-champ, l’avenir et l’espoir sont de l’autre côté. » Comment se peut-il que beaucoup, jeunes ou vieux, qui
158 en des gens que la tyrannie attire dans le secret de leur cœur.
3 1951, Les Libertés que nous pouvons perdre (1951). Libertés « formelles » et libertés « réelles »
159 de, et méritent bien qu’on les défende ! Essayons de nous imaginer ce qui se passerait dans nos vies quotidiennes, si notr
160 ope, que l’on dit décadente, misérable et pourrie d’ injustices, se trouvait demain rajeunie à grands coups de règlements d
161 tices, se trouvait demain rajeunie à grands coups de règlements dictatoriaux. On nous dit que nos libertés européennes ne
162 s libertés européennes ne sont plus que des mots, de grands mots, qu’elles sont devenues purement formelles, et que celles
163 t les dictatures seraient enfin réelles. Essayons de voir à quoi cela correspond, objectivement. Supposons tout d’abord qu
164 llusoire. Consultons alors le tableau des niveaux de vie matérielle établi par les Nations unies. Nous y lisons ceci : le
165 revenu annuel moyen par habitant est actuellement de 1453 dollars aux US, de 840 en Suisse, de 482 en France, de 308 en UR
166 habitant est actuellement de 1453 dollars aux US, de 840 en Suisse, de 482 en France, de 308 en URSS et de 300 en Pologne1
167 llement de 1453 dollars aux US, de 840 en Suisse, de 482 en France, de 308 en URSS et de 300 en Pologne1. Il faudrait en d
168 llars aux US, de 840 en Suisse, de 482 en France, de 308 en URSS et de 300 en Pologne1. Il faudrait en déduire logiquement
169 40 en Suisse, de 482 en France, de 308 en URSS et de 300 en Pologne1. Il faudrait en déduire logiquement que les libertés
170 e et par le plus grand nombre. Il s’agirait alors d’ illustrer concrètement cette distinction correcte en théorie. Prenons
171 et voyons, dans quelques cas précis, les limites de ces libertés, mais aussi ce qu’on nous offre en échange. Nos libert
172 ibertés et les leurs Nous possédons la liberté de circuler. Circuler, c’est le contraire d’être en prison ; c’est un sy
173 liberté de circuler. Circuler, c’est le contraire d’ être en prison ; c’est un symbole concret de la liberté. Qu’en est-il
174 raire d’être en prison ; c’est un symbole concret de la liberté. Qu’en est-il de ce droit en Occident ? Nous l’utilisons l
175 st un symbole concret de la liberté. Qu’en est-il de ce droit en Occident ? Nous l’utilisons largement, non seulement à l’
176 , non seulement à l’intérieur de notre pays, mais d’ un pays à l’autre, à pied, en bicyclette, en auto, en train, en avion.
177 l se trouve limité en fait par le prix des moyens de transport, et par le système des visas. Cependant l’on n’a jamais ent
178 e dernier pays, on exige le passeport intérieur — d’ une ville à l’autre — et que l’on n’y connaît pas le droit de sortir d
179 à l’autre — et que l’on n’y connaît pas le droit de sortir de ses frontières, sauf pour des raisons politiques. La libert
180 — et que l’on n’y connaît pas le droit de sortir de ses frontières, sauf pour des raisons politiques. La liberté de circu
181 res, sauf pour des raisons politiques. La liberté de circuler, quoique imparfaite, paraît donc « défendable », chez nous.
182 able », chez nous. Nous possédons, après cent ans de luttes menées par les mouvements syndicalistes, le droit de grève. Ce
183 menées par les mouvements syndicalistes, le droit de grève. Ce droit n’est pas seulement légal : il est utilisé dans tout
184 primé, et c’est même à cette suppression du droit de grève qu’un ouvrier reconnaîtra sans risque d’erreur que le régime qu
185 it de grève qu’un ouvrier reconnaîtra sans risque d’ erreur que le régime qui lui promet la lune prépare en vérité le moder
186 mme ne sera jamais content s’il n’a plus le droit de se dire mécontent. Or, ce droit, nous l’avons conquis. Il a valu à to
187 urable. Il est réel, chez nous. Il est inexistant de l’autre côté. Nous pourrions le perdre demain, et il faudrait vraimen
188 tier, par son salaire, par son patron, a le droit de donner son congé et de chercher du travail ailleurs. Ce droit lui ser
189 par son patron, a le droit de donner son congé et de chercher du travail ailleurs. Ce droit lui serait ôté par le régime q
190 nous que je le trouve. Autre exemple : la liberté de l’expression. On ne dira point qu’elle est parfaite en Occident, loin
191 impossibilité où se trouve aujourd’hui l’individu de se faire entendre à l’échelle démesurée de la cité moderne, alors que
192 dividu de se faire entendre à l’échelle démesurée de la cité moderne, alors que les États, les partis au pouvoir et les pu
193 le cinéma. Cependant, nous avons encore le droit de protester contre tout cela. On me dira qu’il n’est pas très efficace 
194 n m’offrirait, dans un régime totalitaire, serait de m’ôter ce dernier droit, tout le reste étant pareil ou aggravé. En fa
195 e étant pareil ou aggravé. En fait, avec le droit de protester, c’est toute la liberté de l’expression qui disparaît. Or l
196 vec le droit de protester, c’est toute la liberté de l’expression qui disparaît. Or l’homme qui perd la liberté de l’expre
197 ion qui disparaît. Or l’homme qui perd la liberté de l’expression est déjà moralement en prison. Celui qui n’ose même plus
198 me plus parler devant ses enfants sans la crainte d’ être réveillé deux jours plus tard à 5 heures du matin par la police,
199 ée. Ainsi reclus et désarmé, il est bientôt privé de tout moyen de défense contre la propagande massive. Or disons-le fran
200 us et désarmé, il est bientôt privé de tout moyen de défense contre la propagande massive. Or disons-le franchement : la p
201 qualifiée, une violence aussi grave que les coups de fouet donnés par le maître à l’esclave. En l’absence de moyens légaux
202 et donnés par le maître à l’esclave. En l’absence de moyens légaux de défense contre ce fléau, les moyens individuels doiv
203 maître à l’esclave. En l’absence de moyens légaux de défense contre ce fléau, les moyens individuels doivent être encourag
204 s-nous bien, en Occident, quelle défense efficace de l’homme et de sa dignité intime, représentent en réalité le droit de
205 n Occident, quelle défense efficace de l’homme et de sa dignité intime, représentent en réalité le droit de protester (fût
206 dignité intime, représentent en réalité le droit de protester (fût-ce tout seul dans son coin), le droit d’opposition dan
207 tester (fût-ce tout seul dans son coin), le droit d’ opposition dans la vie politique, le droit d’avoir trop de journaux et
208 roit d’opposition dans la vie politique, le droit d’ avoir trop de journaux et trop de partis, et même le droit de s’en pla
209 tion dans la vie politique, le droit d’avoir trop de journaux et trop de partis, et même le droit de s’en plaindre ou de s
210 itique, le droit d’avoir trop de journaux et trop de partis, et même le droit de s’en plaindre ou de s’en moquer ? Si nous
211 p de journaux et trop de partis, et même le droit de s’en plaindre ou de s’en moquer ? Si nous perdions demain ces droits,
212 p de partis, et même le droit de s’en plaindre ou de s’en moquer ? Si nous perdions demain ces droits, qui peuvent paraîtr
213 res, nous verrions qu’ils étaient les protecteurs de notre intégrité individuelle, devant la pire menace du siècle. Car j’
214 libertés que nous pouvons perdre : La liberté de la pensée J’avoue que dans mes jeunes et folles années, je me suis
215 jeunes et folles années, je me suis souvent moqué de cette expression. Je disais : rien au monde ne peut nous en priver ;
216 priver ; même en prison, l’homme garde la liberté de penser, de penser ce qu’il veut, de penser à ce qu’il veut. Pourquoi
217 me en prison, l’homme garde la liberté de penser, de penser ce qu’il veut, de penser à ce qu’il veut. Pourquoi lui garanti
218 de la liberté de penser, de penser ce qu’il veut, de penser à ce qu’il veut. Pourquoi lui garantir ce droit qu’on ne peut
219 lui ôter, alors qu’il s’agirait bien concrètement de lui donner nourriture et logis ? Et je parlais des « pâles libertés »
220 ais des « pâles libertés » définies par la Charte de l’Atlantique, des libertés inutiles et abstraites que l’on met en ava
221 s et abstraites que l’on met en avant pour éviter de faire face aux problèmes gênants. J’avais entièrement tort. Je ne cro
222 , si nous ne sommes plus propriétaires et auteurs de nos propres pensées. Si nous perdons le droit et le pouvoir de penser
223 s pensées. Si nous perdons le droit et le pouvoir de penser ce qu’il nous plaît, comme il nous plaît — que ce soit d’aille
224 et des produits chimiques (le penthotal) capables de nous faire penser dans le sens voulu par l’État. Ceux qui ont lu le c
225 voulu par l’État. Ceux qui ont lu le chef-d’œuvre de George Orwell 1984, savent très bien de quoi l’on parle ici, ou ceux
226 f-d’œuvre de George Orwell 1984, savent très bien de quoi l’on parle ici, ou ceux qui ont lu Le Zéro et l’infini de Koestl
227 parle ici, ou ceux qui ont lu Le Zéro et l’infini de Koestler, ou la Vingt-Cinquième Heure de Gheorghiu, ou simplement les
228 l’infini de Koestler, ou la Vingt-Cinquième Heure de Gheorghiu, ou simplement les études des physiologistes qui prouvent q
229 siologistes qui prouvent qu’en pinçant le cerveau d’ un nouveau-né au bon endroit, on peut lui faire penser ou ne pas pense
230 ou ne pas penser ce qu’on veut. Il ne s’agit pas d’ anticipations. L’Enfer des hommes dépossédés de leur propre pensée exi
231 as d’anticipations. L’Enfer des hommes dépossédés de leur propre pensée existe près de nous : sa propagande l’appelle un p
232 s et des fours crématoires, la valeur primordiale de l’habeas corpus. Il découvre soudain que la liberté humaine par excel
233 l’a dit récemment Ignazio Silone, c’est le droit de chaque homme à son âme — habeas animam ! — et nous pouvons le perdre.
234 la Pologne font partie. Il y a toutes les raisons de penser que les chiffres réels concernant ces deux derniers pays sont
4 1951, Les Libertés que nous pouvons perdre (1951). Contre-offensive de la liberté
235 Contre-offensive de la liberté Nous avons formulé jusqu’ici deux thèses principales. La
236 . La seconde, c’est que nous possédons un capital de libertés réelles dont nous n’avons plus même conscience. Il en résult
237 es, dont ils se disent qu’elles les délivreraient de leurs problèmes individuels : ainsi la guerre, les dictatures, les tr
238 ls : ainsi la guerre, les dictatures, les troupes de choc militaires et politiques, ou simplement l’anonymat collectiviste
239 révolutions et par nos sciences, décorent du nom de « mystiques puissantes » de simples propagandes qui nous promettent l
240 nces, décorent du nom de « mystiques puissantes » de simples propagandes qui nous promettent le paradis et la grandeur, la
241 absence par des slogans. Nous n’avons nul besoin d’ une mystique « aussi puissante » ou « plus puissante » que les leurs.
242 ées, nous verrons que l’avenir et le progrès sont de notre côté. Et alors, nous voudrons sauver notre présent ! Nos forc
243 La première, c’est le trésor vivant des droits de toute nature conquis par notre Histoire et par toutes nos histoires n
244 us haut et des douzaines d’autres en plus : droit de circuler, de travailler, de faire la grève, de créer des coopératives
245 s douzaines d’autres en plus : droit de circuler, de travailler, de faire la grève, de créer des coopératives, des syndica
246 utres en plus : droit de circuler, de travailler, de faire la grève, de créer des coopératives, des syndicats, des société
247 it de circuler, de travailler, de faire la grève, de créer des coopératives, des syndicats, des sociétés d’entraide ; de c
248 éer des coopératives, des syndicats, des sociétés d’ entraide ; de changer d’habitation, de condition sociale, de professio
249 ratives, des syndicats, des sociétés d’entraide ; de changer d’habitation, de condition sociale, de profession ; droit d’e
250 s syndicats, des sociétés d’entraide ; de changer d’ habitation, de condition sociale, de profession ; droit d’exprimer tou
251 es sociétés d’entraide ; de changer d’habitation, de condition sociale, de profession ; droit d’exprimer toutes les sagess
252  ; de changer d’habitation, de condition sociale, de profession ; droit d’exprimer toutes les sagesses et toutes les folie
253 tion, de condition sociale, de profession ; droit d’ exprimer toutes les sagesses et toutes les folies concevables ; droit
254 utes les folies concevables ; droit à la religion de notre choix, et droit de n’en choisir aucune ; droit d’élire ceux que
255 es ; droit à la religion de notre choix, et droit de n’en choisir aucune ; droit d’élire ceux que nous voulons et de les t
256 re choix, et droit de n’en choisir aucune ; droit d’ élire ceux que nous voulons et de les traiter ensuite de scélérats ; d
257 r aucune ; droit d’élire ceux que nous voulons et de les traiter ensuite de scélérats ; droit de protester, d’écrire au Ti
258 e ceux que nous voulons et de les traiter ensuite de scélérats ; droit de protester, d’écrire au Times, ou à la Feuille lo
259 ns et de les traiter ensuite de scélérats ; droit de protester, d’écrire au Times, ou à la Feuille locale, de faire campag
260 raiter ensuite de scélérats ; droit de protester, d’ écrire au Times, ou à la Feuille locale, de faire campagne pour n’impo
261 ester, d’écrire au Times, ou à la Feuille locale, de faire campagne pour n’importe quoi et le contraire ; droit d’exiger q
262 pagne pour n’importe quoi et le contraire ; droit d’ exiger que les douaniers mettent des gants blancs avant de fouiller no
263 ants blancs avant de fouiller nos valises ; droit d’ entrer dans n’importe quels magasin, marché, café, ou restaurant, et d
264 te quels magasin, marché, café, ou restaurant, et de composer le menu de notre choix ; droit d’élever nos enfants selon no
265 rché, café, ou restaurant, et de composer le menu de notre choix ; droit d’élever nos enfants selon nos principes, — et to
266 nt, et de composer le menu de notre choix ; droit d’ élever nos enfants selon nos principes, — et tous les droits non codif
267 ute quoique les plus inconscients, comme le droit d’ applaudir ou de siffler selon ses goûts, de prendre à la radio le post
268 plus inconscients, comme le droit d’applaudir ou de siffler selon ses goûts, de prendre à la radio le poste qu’on préfère
269 droit d’applaudir ou de siffler selon ses goûts, de prendre à la radio le poste qu’on préfère, et de tourner le bouton si
270 de prendre à la radio le poste qu’on préfère, et de tourner le bouton si l’on s’ennuie, sans être dénoncé par les voisins
271 uie, sans être dénoncé par les voisins ; le droit d’ aimer et de haïr, le droit d’épouser qui l’on veut… Il n’est pas un s
272 tre dénoncé par les voisins ; le droit d’aimer et de haïr, le droit d’épouser qui l’on veut… Il n’est pas un seul de ces
273 s voisins ; le droit d’aimer et de haïr, le droit d’ épouser qui l’on veut… Il n’est pas un seul de ces droits que les dic
274 it d’épouser qui l’on veut… Il n’est pas un seul de ces droits que les dictatures n’aient attaqué ou supprimé, n’aient dé
275 des peuples libres qui vivent à l’ouest du rideau de fer ; parmi lesquels près de 300 millions d’Européens, dont la masse
276 deau de fer ; parmi lesquels près de 300 millions d’ Européens, dont la masse représente bien plus que la Russie et deux fo
277 sé, mais un présent ; bien plus, ils sont le gage d’ un grand avenir. Voilà l’espoir des hommes. Il est chez nous ! L’es
278 e dont nous disposons, et l’une des plus typiques de l’Occident, n’est autre que l’esprit critique. On nous dit qu’il se p
279 plus jeunes générations. On se lamente sur l’état de la jeunesse d’Europe, on déploie ce qu’on nomme son nihilisme. Si l’o
280 érations. On se lamente sur l’état de la jeunesse d’ Europe, on déploie ce qu’on nomme son nihilisme. Si l’on veut dire par
281 lus pour aucune idéologie, je serais tenté plutôt de l’en féliciter. Si cette jeunesse qui a vu les camps comme résultat d
282 t les pires tyrannies comme produit des mystiques de « libération », n’avait pas décidé de ne plus croire à rien qu’aux ré
283 s mystiques de « libération », n’avait pas décidé de ne plus croire à rien qu’aux réalités immédiates, alors seulement je
284 chrétienne elle-même doit aujourd’hui se réjouir d’ un tel scepticisme, voir en lui son meilleur allié contre les mystific
285 l’inquiétude du monde moderne ? » Je serais tenté de lui dire : l’esprit critique. Car cet esprit nous renvoie sobrement à
286 quiétudes personnelles, qui ne se satisfont point de réponses collectives. L’Occident n’est pas une Église, n’est pas une
287 dent n’est pas une Église, n’est pas une doctrine de salut, comme les partis totalitaires voudraient le devenir à bon marc
288 ir à bon marché. L’Occident est une somme immense de réalités, de réponses, de questions, de contradictions. Cette prodigi
289 hé. L’Occident est une somme immense de réalités, de réponses, de questions, de contradictions. Cette prodigieuse diversit
290 t est une somme immense de réalités, de réponses, de questions, de contradictions. Cette prodigieuse diversité peut angois
291 e immense de réalités, de réponses, de questions, de contradictions. Cette prodigieuse diversité peut angoisser. Mais elle
292 ngoisser. Mais elle est d’autre part la condition de nos libertés et de l’esprit créateur. C’est à cause d’elle que l’Occi
293 est d’autre part la condition de nos libertés et de l’esprit créateur. C’est à cause d’elle que l’Occident demeure l’espo
294 s libertés et de l’esprit créateur. C’est à cause d’ elle que l’Occident demeure l’espoir de l’homme qui pense, qui juge et
295 st à cause d’elle que l’Occident demeure l’espoir de l’homme qui pense, qui juge et qui sent par lui-même. Et cet homme es
296 -même. Et cet homme est le but du Progrès, le but de toute communauté digne du nom. La personne J’en viens ici à not
297 me force : la personne. Voilà la création majeure de l’Occident. L’idée de la personne est certainement la plus originale,
298 . Voilà la création majeure de l’Occident. L’idée de la personne est certainement la plus originale, la plus profonde auss
299 otre Europe. La personne, c’est l’individu chargé d’ une vocation qui le distingue de la masse, mais le relie pratiquement
300 l’individu chargé d’une vocation qui le distingue de la masse, mais le relie pratiquement à la communauté. C’est l’homme q
301 nauté. C’est l’homme qui se veut intégral, maître de lui et de sa propre pensée, et par là même conscient de ce qu’il doit
302 st l’homme qui se veut intégral, maître de lui et de sa propre pensée, et par là même conscient de ce qu’il doit au procha
303 et de sa propre pensée, et par là même conscient de ce qu’il doit au prochain. C’est l’homme total, que je veux opposer à
304 qui n’ont pas eu eux-mêmes des raisons efficaces de résister à la mise au pas par l’État. Avec l’idée de la personne l’Eu
305 résister à la mise au pas par l’État. Avec l’idée de la personne l’Europe est née ; avec elle, elle mourrait. J’indique to
306 it. J’indique tout de suite que le mal spécifique de la personne, c’est l’individualisme, qui a fait tant de ravages chez
307 reaucrates russes, ou que la « sottise qui paye » de Hollywood ! Dans l’idée de la personne s’enracine toute liberté concr
308 a « sottise qui paye » de Hollywood ! Dans l’idée de la personne s’enracine toute liberté concrète, créatrice et vécue. Au
309 concrète, créatrice et vécue. Au contraire, c’est de la masse homogène, uniforme, que naissent toutes les modernes tyranni
310 is que masse égale contrainte. Il n’y aura jamais de liberté « en masse ». Il n’y aura jamais de liberté réelle que dans l
311 amais de liberté « en masse ». Il n’y aura jamais de liberté réelle que dans le besoin, le droit et la passion de différer
312 réelle que dans le besoin, le droit et la passion de différer de son voisin, de courir sa propre aventure, de créer par sa
313 ans le besoin, le droit et la passion de différer de son voisin, de courir sa propre aventure, de créer par sa vie ce qu’o
314 le droit et la passion de différer de son voisin, de courir sa propre aventure, de créer par sa vie ce qu’on n’a jamais vu
315 érer de son voisin, de courir sa propre aventure, de créer par sa vie ce qu’on n’a jamais vu, et d’accomplir ainsi, en sec
316 e, de créer par sa vie ce qu’on n’a jamais vu, et d’ accomplir ainsi, en secret bien souvent, une vocation qui n’a pas de c
317 en secret bien souvent, une vocation qui n’a pas de comptes à rendre aux hommes, et encore bien moins à l’État, parce qu’
318 t « immédiate à Dieu ». Telle est bien la passion de l’homme européen. Elle le met à la pointe du genre humain. Dans cette
319 t à la pointe du genre humain. Dans cette passion de différer les uns des autres, nous trouvons tous, nous les Européens,
320 une chose au monde pour laquelle on ne peut faire de propagande au sens moderne, c’est justement la liberté, puisqu’elle c
321 c’est justement la liberté, puisqu’elle cesserait d’ être la liberté si l’on tentait de l’imposer. Mais on peut et l’on doi
322 ’elle cesserait d’être la liberté si l’on tentait de l’imposer. Mais on peut et l’on doit prendre conscience de ses condit
323 ser. Mais on peut et l’on doit prendre conscience de ses conditions, de ses risques. Je crois à la vertu de la prise de co
324 t l’on doit prendre conscience de ses conditions, de ses risques. Je crois à la vertu de la prise de conscience : c’est d’
325 s conditions, de ses risques. Je crois à la vertu de la prise de conscience : c’est d’une part le début de la guérison, qu
326 a prise de conscience : c’est d’une part le début de la guérison, quand le mal est d’ordre psychique ; c’est d’autre part
327 ne part le début de la guérison, quand le mal est d’ ordre psychique ; c’est d’autre part une source de confiance en soi, q
328 d’ordre psychique ; c’est d’autre part une source de confiance en soi, quand les faits objectifs sont meilleurs que notre
329 pensait. Rendus conscients des forces véritables de l’Europe et de l’Occident, nous serons en mesure, aussitôt, de renver
330 s conscients des forces véritables de l’Europe et de l’Occident, nous serons en mesure, aussitôt, de renverser l’absurde s
331 t de l’Occident, nous serons en mesure, aussitôt, de renverser l’absurde situation volontairement créée par les mystiques
332 irement créée par les mystiques adverses. Au défi de la propagande, répondons tranquillement par des faits. Nous pouvons p
333 bertés. Nous pouvons aussi les sauver en décidant de les répandre. Si nous voyons les faits, et savons les faire voir, nou
334 s l’initiative. C’est l’autre camp qui sera forcé de se mettre sur la défensive, contre le rayonnement de nos vraies liber
335 se mettre sur la défensive, contre le rayonnement de nos vraies libertés. Or le meilleur moyen de les faire rayonner, c’es
336 ment de nos vraies libertés. Or le meilleur moyen de les faire rayonner, c’est de les faire passer du plan des faits à cel
337 Or le meilleur moyen de les faire rayonner, c’est de les faire passer du plan des faits à celui de nos consciences et de n
338 est de les faire passer du plan des faits à celui de nos consciences et de nos volontés ; c’est d’appeler toutes nos force
339 r du plan des faits à celui de nos consciences et de nos volontés ; c’est d’appeler toutes nos forces éparses à se fédérer
340 lui de nos consciences et de nos volontés ; c’est d’ appeler toutes nos forces éparses à se fédérer solidement, non point à
341 n s’établit à Strasbourg ou ailleurs, nous dotant d’ instruments modernes et puissants (politiques, scientifiques, économiq
342 , scientifiques, économiques, sociaux) au service de la vocation commune à tous nos peuples, le monde entier verra que l’E
343 es sont nos chances ? je dirai qu’elles dépendent de chacun de nous, — beaucoup plus que d’un général américain. Chaque pe
344 s chances ? je dirai qu’elles dépendent de chacun de nous, — beaucoup plus que d’un général américain. Chaque personne fai
345 dépendent de chacun de nous, — beaucoup plus que d’ un général américain. Chaque personne fait obstacle à la fatalité. Lév
346 ittons la lutte. Léviathan, c’est la somme exacte de nos petites démissions personnelles. Et c’est pourquoi je conclurai,