1 1951, Les Libertés que nous pouvons perdre (1951). Le drame de la liberté, aujourd’hui
1 Le drame de la liberté, aujourd’hui Si l’on passe en revue tous les arguments a
2 ce milieu du xxe siècle, c’est moins le problème de la liberté qui nous importe, que son drame. De l’issue de ce drame dé
3 me de la liberté qui nous importe, que son drame. De l’issue de ce drame dépendent nos vies. Car si nous vivons aujourd’hu
4 berté qui nous importe, que son drame. De l’issue de ce drame dépendent nos vies. Car si nous vivons aujourd’hui dans l’an
5 s. Car si nous vivons aujourd’hui dans l’angoisse d’ une nouvelle guerre mondiale, c’est parce que le monde est divisé en d
6 inissent clairement que par rapport à la liberté. D’ un côté, les peuples qui se disent libres et qui entendent le rester ;
7 qui se disent libres et qui entendent le rester ; de l’autre, ceux qui vivent en régime totalitaire, et qui n’ont pas nos
8 qu’ils jugent trompeuses. Tous les autres motifs de conflit que l’on pourrait énumérer sont discutables et peu clairs. Le
9 t réparties entre les deux camps. Les conceptions de la justice sociale elle-même ne suffisent pas pour distinguer netteme
10 er nettement les adversaires : il serait possible de discuter longtemps pour savoir de quel côté du rideau de fer il y a l
11 serait possible de discuter longtemps pour savoir de quel côté du rideau de fer il y a le plus de justice sociale, théoriq
12 uter longtemps pour savoir de quel côté du rideau de fer il y a le plus de justice sociale, théorique ou pratique, promise
13 voir de quel côté du rideau de fer il y a le plus de justice sociale, théorique ou pratique, promise ou réalisée. Par cont
14 e. Par contre, ce qu’il est absolument impossible de discuter, ce qui est évident aux yeux de tous, des deux côtés, c’est
15 concrètes que nous avons ? Si nous voulons gagner d’ avance — avant une guerre, qui serait perdue par tous — cette lutte où
16 tte où nous sommes engagés, la première condition de succès, c’est de savoir ce que nous défendons. Quelles sont nos liber
17 s engagés, la première condition de succès, c’est de savoir ce que nous défendons. Quelles sont nos libertés ? Sont-elles
18 s questions. C’est là que gît la force principale de l’autre camp. Quand on nous dit : « Qu’avez-vous à opposer à l’idéolo
19 Quand on nous dit : « Vous ne pourriez défendre l’ Europe qu’en opposant à ses ennemis une idéologie plus puissante que la leur
20 désespérément une réplique, ou que nous essayons d’ improviser quelque « mystique » nouvelle, nous sommes déjà battus. Pou
21 alors à coup sûr, il faut que nous soyons en état de répondre instantanément, avec une conviction totale. Il faut que nous
22 dions ceci : « Nous n’avons pas besoin comme vous d’ une mystique qui masque les faits, nous n’avons pas besoin d’une idéol
23 que qui masque les faits, nous n’avons pas besoin d’ une idéologie, car nous avons nos libertés. Et ce n’est pas notre pass
24 u’il a conquises, et qui sont la réalité présente de nos vies, bien plus : qui sont le gage d’un avenir meilleur ! » Ce la
25 résente de nos vies, bien plus : qui sont le gage d’ un avenir meilleur ! » Ce langage seul peut nous sauver. Encore faut-i
26 sauver. Encore faut-il que nous soyons en mesure de le tenir sans équivoque, et en pleine connaissance de cause. Or beauc
27 es questions : Premièrement : pourquoi les hommes d’ aujourd’hui ont-ils peur de la liberté et sont-ils tentés d’y renoncer
28  : pourquoi les hommes d’aujourd’hui ont-ils peur de la liberté et sont-ils tentés d’y renoncer ? Secondement : quelles so
29 hui ont-ils peur de la liberté et sont-ils tentés d’ y renoncer ? Secondement : quelles sont les libertés réelles que nous
2 1951, Les Libertés que nous pouvons perdre (1951). L’anxiété de l’homme moderne
30 L’anxiété de l’homme moderne Notre première question : « Pourquoi l’homme de ce
31 ne Notre première question : « Pourquoi l’homme de ce temps a-t-il peur de la liberté ? » demanderait un long examen de
32 tion : « Pourquoi l’homme de ce temps a-t-il peur de la liberté ? » demanderait un long examen de conscience de notre civi
33 peur de la liberté ? » demanderait un long examen de conscience de notre civilisation, une analyse qui remonterait de plus
34 erté ? » demanderait un long examen de conscience de notre civilisation, une analyse qui remonterait de plusieurs siècles
35 e notre civilisation, une analyse qui remonterait de plusieurs siècles dans notre histoire, et peut-être une psychanalyse.
36 hanalyse. En attendant, prenons tout simplement l’ Européen de la moitié du xxe siècle dans sa situation pratique. Prenons le je
37 En attendant, prenons tout simplement l’Européen de la moitié du xxe siècle dans sa situation pratique. Prenons le jeune
38 métier choisir, par exemple ? Autrefois, le fils d’ un drapier devenait drapier ; le fils d’un noble, officier ; le fils d
39 , le fils d’un drapier devenait drapier ; le fils d’ un noble, officier ; le fils d’un paysan, paysan. Aujourd’hui, il peut
40 drapier ; le fils d’un noble, officier ; le fils d’ un paysan, paysan. Aujourd’hui, il peut devenir n’importe quoi, avec u
41  : c’est ce qu’il appelle se libérer des préjugés de sa famille ou de son milieu. Il se libère donc, mais pour quoi ? Voil
42 appelle se libérer des préjugés de sa famille ou de son milieu. Il se libère donc, mais pour quoi ? Voilà le problème. Un
43 mais pour quoi ? Voilà le problème. Un sentiment d’ arbitraire le domine. La morale bourgeoise n’est plus une aide, elle n
44 se n’est plus une aide, elle ne peut plus fournir de directives bien claires. Contredite par les pratiques courantes, à ba
45 s de monnaie — mais la monnaie change constamment de valeur —, la morale a perdu sa force contraignante et son prestige. N
46 se, pratiquement, ne guident plus le grand nombre de nos contemporains. Jamais pourtant la nécessité d’orientations claire
47 e nos contemporains. Jamais pourtant la nécessité d’ orientations claires et indiscutables n’a semblé plus urgente, dans le
48 plus urgente, dans les vertigineuses complexités de la vie moderne. Voici donc notre jeune homme livré à l’anxiété, à l’i
49 ète en province. Comment s’orienter dans le choix d’ une carrière ? Et comment vivre sans un but, sans une inspiration quel
50 Réponse des dictatures C’est à cette anxiété de l’homme déraciné, isolé et désorienté, qu’ont répondu les passions co
51 nt échoué à donner à l’homme des masses une règle de vie, une discipline d’action et de pensée — sauf en temps de guerre o
52 homme des masses une règle de vie, une discipline d’ action et de pensée — sauf en temps de guerre ou de révolution — si l’
53 sses une règle de vie, une discipline d’action et de pensée — sauf en temps de guerre ou de révolution — si l’élément soci
54 discipline d’action et de pensée — sauf en temps de guerre ou de révolution — si l’élément social n’était venu se conjugu
55 ’action et de pensée — sauf en temps de guerre ou de révolution — si l’élément social n’était venu se conjuguer avec eux,
56 tous les deux fortement influencés par l’exemple de Lénine, ont eu le sombre génie de comprendre les premiers, c’est que
57 s par l’exemple de Lénine, ont eu le sombre génie de comprendre les premiers, c’est que l’homme des masses vit dans l’ango
58 c’est que l’homme des masses vit dans l’angoisse de l’insécurité, de l’arbitraire, et qu’il en est réduit à désirer qu’on
59 e des masses vit dans l’angoisse de l’insécurité, de l’arbitraire, et qu’il en est réduit à désirer qu’on le libère d’une
60 et qu’il en est réduit à désirer qu’on le libère d’ une liberté sans contenu. Ils ont compris que l’homme moderne cherche
61 justifie, sans discussion possible, sans crainte d’ erreur, le délivrant ainsi de l’angoisse de choisir et de risquer d’av
62 ssible, sans crainte d’erreur, le délivrant ainsi de l’angoisse de choisir et de risquer d’avoir à s’en repentir. Ce n’est
63 rainte d’erreur, le délivrant ainsi de l’angoisse de choisir et de risquer d’avoir à s’en repentir. Ce n’est point par méc
64 r, le délivrant ainsi de l’angoisse de choisir et de risquer d’avoir à s’en repentir. Ce n’est point par méchanceté ou par
65 rant ainsi de l’angoisse de choisir et de risquer d’ avoir à s’en repentir. Ce n’est point par méchanceté ou par perversité
66 t point par méchanceté ou par perversité que tant d’ hommes en Europe sont devenus fascistes et deviennent aujourd’hui comm
67 méchanceté ou par perversité que tant d’hommes en Europe sont devenus fascistes et deviennent aujourd’hui communistes. C’est p
68 C’est parce que ces hommes ont senti obscurément, de tout leur être, le besoin d’un principe d’unité, d’obligation et de s
69 t senti obscurément, de tout leur être, le besoin d’ un principe d’unité, d’obligation et de sécurité, que seules les dicta
70 ément, de tout leur être, le besoin d’un principe d’ unité, d’obligation et de sécurité, que seules les dictatures se décla
71 tout leur être, le besoin d’un principe d’unité, d’ obligation et de sécurité, que seules les dictatures se déclaraient pr
72 le besoin d’un principe d’unité, d’obligation et de sécurité, que seules les dictatures se déclaraient prêtes à fournir.
73 égard, elles ne comprendront pas la vraie nature de la tentation qui en résulte, la tentation totalitaire. Leur polémique
74 rance du Zéro et l’infini, il reçut trois lettres d’ étudiants lui disant en substance ceci : « Monsieur, je crois exacte v
75 c’est précisément une discipline, une efficacité de ce genre que je cherchais. » Voilà pourquoi tant d’hommes, de nos jou
76 ce genre que je cherchais. » Voilà pourquoi tant d’ hommes, de nos jours, fuyant une liberté qui les laisse sans défense e
77 que je cherchais. » Voilà pourquoi tant d’hommes, de nos jours, fuyant une liberté qui les laisse sans défense et les ango
78 n ordre tout au moins. Nous touchons là le secret de la vraie force, de la seule force de persuasion intime dont disposent
79 ns. Nous touchons là le secret de la vraie force, de la seule force de persuasion intime dont disposent les régimes totali
80 là le secret de la vraie force, de la seule force de persuasion intime dont disposent les régimes totalitaires. Illustrons
81 omment avez-vous obtenu les licences, permissions de quitter le pays, bons pour acheter un billet, certificats politiques,
82 qu’il avait tout bonnement été à l’une des gares de Paris, où il avait acheté son billet sans nulle autre formalité. Quan
83 de se sentir plus à l’aise dans notre atmosphère de liberté, y souffraient d’une sorte d’inquiétude perpétuelle. Chez eux
84 e dans notre atmosphère de liberté, y souffraient d’ une sorte d’inquiétude perpétuelle. Chez eux, tout est dicté, chaque g
85 atmosphère de liberté, y souffraient d’une sorte d’ inquiétude perpétuelle. Chez eux, tout est dicté, chaque geste, chaque
86 e. C’est un vertige. C’est épuisant ! Psychose de l’homme moderne Nous aurions tort de rire d’une pareille attitude.
87 Psychose de l’homme moderne Nous aurions tort de rire d’une pareille attitude. Elle a des motifs très profonds dans la
88 e de l’homme moderne Nous aurions tort de rire d’ une pareille attitude. Elle a des motifs très profonds dans la psychol
89 le a des motifs très profonds dans la psychologie de l’homme moderne, et cela des deux côtés du rideau de fer. Il serait f
90 l’homme moderne, et cela des deux côtés du rideau de fer. Il serait faux de croire que ledit homme moderne a le goût de l’
91 a des deux côtés du rideau de fer. Il serait faux de croire que ledit homme moderne a le goût de l’esclavage. Il cherche u
92 faux de croire que ledit homme moderne a le goût de l’esclavage. Il cherche une discipline qui le rassure. Et ce n’est pa
93 esoin dans la mesure justement où elle le délivre de sa liberté. Car sa liberté signifiait l’obligation constante du choix
94 ne l’en délivre ; elle le délivre aussi du risque d’ erreur toujours impliqué par le choix, risque augmenté par la complexi
95 isque augmenté par la complexité et l’instabilité de la vie moderne ; et finalement, la discipline le délivre du sentiment
96 finalement, la discipline le délivre du sentiment de sa culpabilité individuelle, survivance d’une morale qui ne sait plus
97 timent de sa culpabilité individuelle, survivance d’ une morale qui ne sait plus lui donner des raisons positives de vivre.
98 qui ne sait plus lui donner des raisons positives de vivre. L’homme qui se sent vaguement coupable, sans trop savoir de qu
99 qui se sent vaguement coupable, sans trop savoir de quoi et sans se l’avouer, cet homme recule naturellement devant les r
100 cet homme recule naturellement devant les risques de la liberté. Il va se cacher derrière la règle d’un parti, la règle co
101 de la liberté. Il va se cacher derrière la règle d’ un parti, la règle collective, la discipline rigide, l’infaillibilité
102 ollective, la discipline rigide, l’infaillibilité d’ un chef. C’est le chef désormais qui assumera toutes les erreurs, tous
103 entes qui le poussent puissamment en sens inverse de ses revendications de liberté et de progrès, devenues purement verbal
104 puissamment en sens inverse de ses revendications de liberté et de progrès, devenues purement verbales et routinières. Qua
105 sens inverse de ses revendications de liberté et de progrès, devenues purement verbales et routinières. Quand on lui vant
106 pas bien profondément. On n’atteint qu’une partie de son intellect, et ce sont d’autres forces qui le mènent. Contre les é
107 se l’avoue pas à lui-même. Il donne toutes sortes de raisons, pas très plausibles, pour expliquer la supériorité des dicta
108 lles le sont, ce n’est que pour une brève période de transition un peu pénible mais indispensable. Il croit enfin que ces
109 celles dont jouit l’Occident. Rien ne sert alors de lui montrer qu’en fait c’est justement le contraire qui est vrai. Car
110 t le contraire qui est vrai. Car le motif profond de sa conversion aux dictatures, celui qu’il ne peut confesser, c’est qu
111 tre lui-même aussi peut-être, contre l’arbitraire de la vie, et qu’il le trouve dans cet Ersatz de l’ordre qu’offrent les
112 ire de la vie, et qu’il le trouve dans cet Ersatz de l’ordre qu’offrent les dictatures totalitaires. Cette attitude ne sau
113 présence d’une psychose, qui atteint des millions d’ hommes en Occident, et dont nul d’entre nous n’est tout à fait indemne
114 ogique et l’évidence ; elle exige d’autres formes de traitement. Essayons de les esquisser. Premier remède : réformes s
115 lle exige d’autres formes de traitement. Essayons de les esquisser. Premier remède : réformes sociales La fuite deva
116 irconstances matérielles. Avant toute autre forme de traitement psychique, ce sont ces circonstances matérielles qu’il s’a
117 ont ces circonstances matérielles qu’il s’agirait de modifier : je veux parler de l’insécurité sociale qui règne encore da
118 lles qu’il s’agirait de modifier : je veux parler de l’insécurité sociale qui règne encore dans nos démocraties, plus ou m
119 sera pas assuré à tout homme, tant qu’il craindra de perdre d’un jour à l’autre son logement, son travail, son salaire et
120 ssuré à tout homme, tant qu’il craindra de perdre d’ un jour à l’autre son logement, son travail, son salaire et donc la fa
121 ment, son travail, son salaire et donc la faculté de former des projets, tant que l’homme moderne sera (ou simplement se s
122 érieux du mal totalitaire doit donc s’accompagner de mesures sociales, garantissant à chaque famille ou individu isolé, un
123 nt à chaque famille ou individu isolé, un minimum de sécurité matérielle. Ceux qui pensent que de telles mesures sont le c
124 imum de sécurité matérielle. Ceux qui pensent que de telles mesures sont le commencement du communisme, ceux-là confondent
125 ins que l’essentiel du traitement est une affaire d’ éducation. Éduquer un jeune homme, c’est, comme le mot l’indique dans
126 t, comme le mot l’indique dans toutes nos langues européennes , le « faire sortir », le conduire au-dehors (e-ducere). C’est lui app
127 ysiques ; puis le stade anarchique, qui est celui de l’inefficacité des efforts contradictoires et irresponsables ; enfin,
128 ntradictoires et irresponsables ; enfin, le stade de l’imitation, du conformisme pur, pour le faire accéder au sentiment d
129 nformisme pur, pour le faire accéder au sentiment de la responsabilité personnelle, c’est-à-dire, à la possibilité d’être
130 ilité personnelle, c’est-à-dire, à la possibilité d’ être libre. Le but de toute éducation digne du nom, c’est donc de rend
131 est-à-dire, à la possibilité d’être libre. Le but de toute éducation digne du nom, c’est donc de rendre un homme apte à la
132 e but de toute éducation digne du nom, c’est donc de rendre un homme apte à la liberté. Il serait vain de décréter toutes
133 rendre un homme apte à la liberté. Il serait vain de décréter toutes sortes de libertés légales ou morales pour des hommes
134 liberté. Il serait vain de décréter toutes sortes de libertés légales ou morales pour des hommes qui ne connaîtraient pas,
135 îtraient pas, qui n’auraient pas appris leur mode d’ emploi. Liberté reste un mot vide de sens et d’appel, pour qui n’a pas
136 ris leur mode d’emploi. Liberté reste un mot vide de sens et d’appel, pour qui n’a pas le goût du risque, ou n’a pas décou
137 de d’emploi. Liberté reste un mot vide de sens et d’ appel, pour qui n’a pas le goût du risque, ou n’a pas découvert sa voc
138 a pas découvert sa vocation. Et cela aussi dépend de l’éducation, pour une bonne part. Condition nécessaire : survivre
139 cessaire : survivre Cependant, l’élargissement de la sécurité matérielle, et l’éducation pour la liberté, — c’est-à-dir
140 u trois. Or, il se trouve que nous sommes menacés de l’extérieur aussi gravement que de l’intérieur. Nous sommes menacés d
141 sommes menacés de l’extérieur aussi gravement que de l’intérieur. Nous sommes menacés de l’intérieur par ce désordre profo
142 gravement que de l’intérieur. Nous sommes menacés de l’intérieur par ce désordre profond que j’ai décrit, par l’anxiété mo
143 ité qui minent et détruisent lentement notre goût de la vraie liberté. Mais nous sommes menacés de l’extérieur par quelque
144 oût de la vraie liberté. Mais nous sommes menacés de l’extérieur par quelque chose qui mettrait fin d’un coup à tous nos m
145 de l’extérieur par quelque chose qui mettrait fin d’ un coup à tous nos maux. Nous sommes malades, et il faut commencer not
146 -là certes ont raison ; mais ils ont souvent tort d’ oublier que l’avenir de notre santé suppose, comme première condition,
147 mais ils ont souvent tort d’oublier que l’avenir de notre santé suppose, comme première condition, de sauver notre vie pr
148 de notre santé suppose, comme première condition, de sauver notre vie présente. Parlons maintenant sans images. On nous di
149 mages. On nous dit : « Réformez socialement votre Europe , ce sera le plus sûr moyen d’y supprimer la tentation totalitaire. »
150 cialement votre Europe, ce sera le plus sûr moyen d’ y supprimer la tentation totalitaire. » Mais hélas, il ne s’agit pas s
151 litaire. » Mais hélas, il ne s’agit pas seulement d’ une tentation ! Avant que nous ayons réformé notre Europe, elle peut b
152 ne tentation ! Avant que nous ayons réformé notre Europe , elle peut bel et bien disparaître sous la réalité totalitaire ! Il f
153 ses profondes du mal interne, il faut se prémunir d’ urgence contre le danger extérieur. Il faut éduquer la jeunesse, offri
154 voici le cercle vicieux : ce qui retient beaucoup d’ Européens de s’organiser pour la défense du continent, c’est justement
155 ici le cercle vicieux : ce qui retient beaucoup d’ Européens de s’organiser pour la défense du continent, c’est justement cette ps
156 cle vicieux : ce qui retient beaucoup d’Européens de s’organiser pour la défense du continent, c’est justement cette psych
157 e ou cette névrose qui leur fait dire que « notre Europe ne vaut plus rien. » Le défaitisme européen Quand on veut noyer
158 otre Europe ne vaut plus rien. » Le défaitisme européen Quand on veut noyer son chien, on dit qu’il a la rage. De même, qu
159 qu’elle est malade. Ainsi parlent les défaitistes européens . La vérité est différente : ce ne sont pas nos libertés qui sont mala
160 s qui sont malades, mais notre sens et notre goût de la liberté. Ou plutôt, c’est le sens et le goût des défaitistes dont
161 aitistes dont nous venons de parler. Ils ont peur de la liberté, ils en sont fatigués, ils désirent secrètement des discip
162 ls ne peuvent pas l’avouer, comme ce dégoût vient d’ une névrose, ils mentent. Le mécanisme est bien connu, il est absolume
163 sens qu’ils affirment le contraire non seulement de la vérité de fait mais aussi de leurs désirs réels. Or le mensonge le
164 affirment le contraire non seulement de la vérité de fait mais aussi de leurs désirs réels. Or le mensonge le plus réussi
165 ire non seulement de la vérité de fait mais aussi de leurs désirs réels. Or le mensonge le plus réussi qu’ait inventé le d
166 songe le plus réussi qu’ait inventé le défaitisme européen , c’est celui qui consiste à dire : « Votre Europe est finie, elle n’e
167 ropéen, c’est celui qui consiste à dire : « Votre Europe est finie, elle n’est que du passé, on ne peut pas la défendre telle
168 fendre telle qu’elle est. Puisque vous n’avez pas de mystique nouvelle à nous proposer sur-le-champ, l’avenir et l’espoir
169 proposer sur-le-champ, l’avenir et l’espoir sont de l’autre côté. » Comment se peut-il que beaucoup, jeunes ou vieux, qui
170 e par les faits ? Réponse : Ceux qui disent que l’ Europe ne mérite pas qu’on la défende, ce sont ou bien des gens qui ont perd
171 en des gens que la tyrannie attire dans le secret de leur cœur.
3 1951, Les Libertés que nous pouvons perdre (1951). Libertés « formelles » et libertés « réelles »
172 de, et méritent bien qu’on les défende ! Essayons de nous imaginer ce qui se passerait dans nos vies quotidiennes, si notr
173 rait dans nos vies quotidiennes, si notre vieille Europe , que l’on dit décadente, misérable et pourrie d’injustices, se trouva
174 ope, que l’on dit décadente, misérable et pourrie d’ injustices, se trouvait demain rajeunie à grands coups de règlements d
175 tices, se trouvait demain rajeunie à grands coups de règlements dictatoriaux. On nous dit que nos libertés européennes ne
176 ements dictatoriaux. On nous dit que nos libertés européennes ne sont plus que des mots, de grands mots, qu’elles sont devenues pur
177 s libertés européennes ne sont plus que des mots, de grands mots, qu’elles sont devenues purement formelles, et que celles
178 t les dictatures seraient enfin réelles. Essayons de voir à quoi cela correspond, objectivement. Supposons tout d’abord qu
179 llusoire. Consultons alors le tableau des niveaux de vie matérielle établi par les Nations unies. Nous y lisons ceci : le
180 revenu annuel moyen par habitant est actuellement de 1453 dollars aux US, de 840 en Suisse, de 482 en France, de 308 en UR
181 habitant est actuellement de 1453 dollars aux US, de 840 en Suisse, de 482 en France, de 308 en URSS et de 300 en Pologne1
182 llement de 1453 dollars aux US, de 840 en Suisse, de 482 en France, de 308 en URSS et de 300 en Pologne1. Il faudrait en d
183 llars aux US, de 840 en Suisse, de 482 en France, de 308 en URSS et de 300 en Pologne1. Il faudrait en déduire logiquement
184 40 en Suisse, de 482 en France, de 308 en URSS et de 300 en Pologne1. Il faudrait en déduire logiquement que les libertés
185 e et par le plus grand nombre. Il s’agirait alors d’ illustrer concrètement cette distinction correcte en théorie. Prenons
186 et voyons, dans quelques cas précis, les limites de ces libertés, mais aussi ce qu’on nous offre en échange. Nos libert
187 ibertés et les leurs Nous possédons la liberté de circuler. Circuler, c’est le contraire d’être en prison ; c’est un sy
188 liberté de circuler. Circuler, c’est le contraire d’ être en prison ; c’est un symbole concret de la liberté. Qu’en est-il
189 raire d’être en prison ; c’est un symbole concret de la liberté. Qu’en est-il de ce droit en Occident ? Nous l’utilisons l
190 st un symbole concret de la liberté. Qu’en est-il de ce droit en Occident ? Nous l’utilisons largement, non seulement à l’
191 , non seulement à l’intérieur de notre pays, mais d’ un pays à l’autre, à pied, en bicyclette, en auto, en train, en avion.
192 l se trouve limité en fait par le prix des moyens de transport, et par le système des visas. Cependant l’on n’a jamais ent
193 e dernier pays, on exige le passeport intérieur — d’ une ville à l’autre — et que l’on n’y connaît pas le droit de sortir d
194 à l’autre — et que l’on n’y connaît pas le droit de sortir de ses frontières, sauf pour des raisons politiques. La libert
195 — et que l’on n’y connaît pas le droit de sortir de ses frontières, sauf pour des raisons politiques. La liberté de circu
196 res, sauf pour des raisons politiques. La liberté de circuler, quoique imparfaite, paraît donc « défendable », chez nous.
197 able », chez nous. Nous possédons, après cent ans de luttes menées par les mouvements syndicalistes, le droit de grève. Ce
198 menées par les mouvements syndicalistes, le droit de grève. Ce droit n’est pas seulement légal : il est utilisé dans tout
199 al : il est utilisé dans tout notre Occident — en Europe et en Amérique — avec des résultats concrets et positifs. Tous les pa
200 primé, et c’est même à cette suppression du droit de grève qu’un ouvrier reconnaîtra sans risque d’erreur que le régime qu
201 it de grève qu’un ouvrier reconnaîtra sans risque d’ erreur que le régime qui lui promet la lune prépare en vérité le moder
202 mme ne sera jamais content s’il n’a plus le droit de se dire mécontent. Or, ce droit, nous l’avons conquis. Il a valu à to
203 urable. Il est réel, chez nous. Il est inexistant de l’autre côté. Nous pourrions le perdre demain, et il faudrait vraimen
204 tier, par son salaire, par son patron, a le droit de donner son congé et de chercher du travail ailleurs. Ce droit lui ser
205 par son patron, a le droit de donner son congé et de chercher du travail ailleurs. Ce droit lui serait ôté par le régime q
206 nous que je le trouve. Autre exemple : la liberté de l’expression. On ne dira point qu’elle est parfaite en Occident, loin
207 impossibilité où se trouve aujourd’hui l’individu de se faire entendre à l’échelle démesurée de la cité moderne, alors que
208 dividu de se faire entendre à l’échelle démesurée de la cité moderne, alors que les États, les partis au pouvoir et les pu
209 le cinéma. Cependant, nous avons encore le droit de protester contre tout cela. On me dira qu’il n’est pas très efficace 
210 n m’offrirait, dans un régime totalitaire, serait de m’ôter ce dernier droit, tout le reste étant pareil ou aggravé. En fa
211 e étant pareil ou aggravé. En fait, avec le droit de protester, c’est toute la liberté de l’expression qui disparaît. Or l
212 vec le droit de protester, c’est toute la liberté de l’expression qui disparaît. Or l’homme qui perd la liberté de l’expre
213 ion qui disparaît. Or l’homme qui perd la liberté de l’expression est déjà moralement en prison. Celui qui n’ose même plus
214 me plus parler devant ses enfants sans la crainte d’ être réveillé deux jours plus tard à 5 heures du matin par la police,
215 ée. Ainsi reclus et désarmé, il est bientôt privé de tout moyen de défense contre la propagande massive. Or disons-le fran
216 us et désarmé, il est bientôt privé de tout moyen de défense contre la propagande massive. Or disons-le franchement : la p
217 qualifiée, une violence aussi grave que les coups de fouet donnés par le maître à l’esclave. En l’absence de moyens légaux
218 et donnés par le maître à l’esclave. En l’absence de moyens légaux de défense contre ce fléau, les moyens individuels doiv
219 maître à l’esclave. En l’absence de moyens légaux de défense contre ce fléau, les moyens individuels doivent être encourag
220 s-nous bien, en Occident, quelle défense efficace de l’homme et de sa dignité intime, représentent en réalité le droit de
221 n Occident, quelle défense efficace de l’homme et de sa dignité intime, représentent en réalité le droit de protester (fût
222 dignité intime, représentent en réalité le droit de protester (fût-ce tout seul dans son coin), le droit d’opposition dan
223 tester (fût-ce tout seul dans son coin), le droit d’ opposition dans la vie politique, le droit d’avoir trop de journaux et
224 roit d’opposition dans la vie politique, le droit d’ avoir trop de journaux et trop de partis, et même le droit de s’en pla
225 tion dans la vie politique, le droit d’avoir trop de journaux et trop de partis, et même le droit de s’en plaindre ou de s
226 itique, le droit d’avoir trop de journaux et trop de partis, et même le droit de s’en plaindre ou de s’en moquer ? Si nous
227 p de journaux et trop de partis, et même le droit de s’en plaindre ou de s’en moquer ? Si nous perdions demain ces droits,
228 p de partis, et même le droit de s’en plaindre ou de s’en moquer ? Si nous perdions demain ces droits, qui peuvent paraîtr
229 res, nous verrions qu’ils étaient les protecteurs de notre intégrité individuelle, devant la pire menace du siècle. Car j’
230 libertés que nous pouvons perdre : La liberté de la pensée J’avoue que dans mes jeunes et folles années, je me suis
231 jeunes et folles années, je me suis souvent moqué de cette expression. Je disais : rien au monde ne peut nous en priver ;
232 priver ; même en prison, l’homme garde la liberté de penser, de penser ce qu’il veut, de penser à ce qu’il veut. Pourquoi
233 me en prison, l’homme garde la liberté de penser, de penser ce qu’il veut, de penser à ce qu’il veut. Pourquoi lui garanti
234 de la liberté de penser, de penser ce qu’il veut, de penser à ce qu’il veut. Pourquoi lui garantir ce droit qu’on ne peut
235 lui ôter, alors qu’il s’agirait bien concrètement de lui donner nourriture et logis ? Et je parlais des « pâles libertés »
236 ais des « pâles libertés » définies par la Charte de l’Atlantique, des libertés inutiles et abstraites que l’on met en ava
237 s et abstraites que l’on met en avant pour éviter de faire face aux problèmes gênants. J’avais entièrement tort. Je ne cro
238 , si nous ne sommes plus propriétaires et auteurs de nos propres pensées. Si nous perdons le droit et le pouvoir de penser
239 s pensées. Si nous perdons le droit et le pouvoir de penser ce qu’il nous plaît, comme il nous plaît — que ce soit d’aille
240 et des produits chimiques (le penthotal) capables de nous faire penser dans le sens voulu par l’État. Ceux qui ont lu le c
241 voulu par l’État. Ceux qui ont lu le chef-d’œuvre de George Orwell 1984, savent très bien de quoi l’on parle ici, ou ceux
242 f-d’œuvre de George Orwell 1984, savent très bien de quoi l’on parle ici, ou ceux qui ont lu Le Zéro et l’infini de Koestl
243 parle ici, ou ceux qui ont lu Le Zéro et l’infini de Koestler, ou la Vingt-Cinquième Heure de Gheorghiu, ou simplement les
244 l’infini de Koestler, ou la Vingt-Cinquième Heure de Gheorghiu, ou simplement les études des physiologistes qui prouvent q
245 siologistes qui prouvent qu’en pinçant le cerveau d’ un nouveau-né au bon endroit, on peut lui faire penser ou ne pas pense
246 ou ne pas penser ce qu’on veut. Il ne s’agit pas d’ anticipations. L’Enfer des hommes dépossédés de leur propre pensée exi
247 as d’anticipations. L’Enfer des hommes dépossédés de leur propre pensée existe près de nous : sa propagande l’appelle un p
248 s et des fours crématoires, la valeur primordiale de l’habeas corpus. Il découvre soudain que la liberté humaine par excel
249 l’a dit récemment Ignazio Silone, c’est le droit de chaque homme à son âme — habeas animam ! — et nous pouvons le perdre.
250 la Pologne font partie. Il y a toutes les raisons de penser que les chiffres réels concernant ces deux derniers pays sont
4 1951, Les Libertés que nous pouvons perdre (1951). Contre-offensive de la liberté
251 Contre-offensive de la liberté Nous avons formulé jusqu’ici deux thèses principales. La
252 . La seconde, c’est que nous possédons un capital de libertés réelles dont nous n’avons plus même conscience. Il en résult
253 es, dont ils se disent qu’elles les délivreraient de leurs problèmes individuels : ainsi la guerre, les dictatures, les tr
254 ls : ainsi la guerre, les dictatures, les troupes de choc militaires et politiques, ou simplement l’anonymat collectiviste
255 révolutions et par nos sciences, décorent du nom de « mystiques puissantes » de simples propagandes qui nous promettent l
256 nces, décorent du nom de « mystiques puissantes » de simples propagandes qui nous promettent le paradis et la grandeur, la
257 absence par des slogans. Nous n’avons nul besoin d’ une mystique « aussi puissante » ou « plus puissante » que les leurs.
258 ées, nous verrons que l’avenir et le progrès sont de notre côté. Et alors, nous voudrons sauver notre présent ! Nos forc
259 La première, c’est le trésor vivant des droits de toute nature conquis par notre Histoire et par toutes nos histoires n
260 ps, n’ait point imaginé une seule liberté que les Européens n’aient voulu vivre. À des degrés divers, parfois jusqu’à l’excès, no
261 us haut et des douzaines d’autres en plus : droit de circuler, de travailler, de faire la grève, de créer des coopératives
262 s douzaines d’autres en plus : droit de circuler, de travailler, de faire la grève, de créer des coopératives, des syndica
263 utres en plus : droit de circuler, de travailler, de faire la grève, de créer des coopératives, des syndicats, des société
264 it de circuler, de travailler, de faire la grève, de créer des coopératives, des syndicats, des sociétés d’entraide ; de c
265 éer des coopératives, des syndicats, des sociétés d’ entraide ; de changer d’habitation, de condition sociale, de professio
266 ratives, des syndicats, des sociétés d’entraide ; de changer d’habitation, de condition sociale, de profession ; droit d’e
267 s syndicats, des sociétés d’entraide ; de changer d’ habitation, de condition sociale, de profession ; droit d’exprimer tou
268 es sociétés d’entraide ; de changer d’habitation, de condition sociale, de profession ; droit d’exprimer toutes les sagess
269  ; de changer d’habitation, de condition sociale, de profession ; droit d’exprimer toutes les sagesses et toutes les folie
270 tion, de condition sociale, de profession ; droit d’ exprimer toutes les sagesses et toutes les folies concevables ; droit
271 utes les folies concevables ; droit à la religion de notre choix, et droit de n’en choisir aucune ; droit d’élire ceux que
272 es ; droit à la religion de notre choix, et droit de n’en choisir aucune ; droit d’élire ceux que nous voulons et de les t
273 re choix, et droit de n’en choisir aucune ; droit d’ élire ceux que nous voulons et de les traiter ensuite de scélérats ; d
274 r aucune ; droit d’élire ceux que nous voulons et de les traiter ensuite de scélérats ; droit de protester, d’écrire au Ti
275 e ceux que nous voulons et de les traiter ensuite de scélérats ; droit de protester, d’écrire au Times, ou à la Feuille lo
276 ns et de les traiter ensuite de scélérats ; droit de protester, d’écrire au Times, ou à la Feuille locale, de faire campag
277 raiter ensuite de scélérats ; droit de protester, d’ écrire au Times, ou à la Feuille locale, de faire campagne pour n’impo
278 ester, d’écrire au Times, ou à la Feuille locale, de faire campagne pour n’importe quoi et le contraire ; droit d’exiger q
279 pagne pour n’importe quoi et le contraire ; droit d’ exiger que les douaniers mettent des gants blancs avant de fouiller no
280 ants blancs avant de fouiller nos valises ; droit d’ entrer dans n’importe quels magasin, marché, café, ou restaurant, et d
281 te quels magasin, marché, café, ou restaurant, et de composer le menu de notre choix ; droit d’élever nos enfants selon no
282 rché, café, ou restaurant, et de composer le menu de notre choix ; droit d’élever nos enfants selon nos principes, — et to
283 nt, et de composer le menu de notre choix ; droit d’ élever nos enfants selon nos principes, — et tous les droits non codif
284 ute quoique les plus inconscients, comme le droit d’ applaudir ou de siffler selon ses goûts, de prendre à la radio le post
285 plus inconscients, comme le droit d’applaudir ou de siffler selon ses goûts, de prendre à la radio le poste qu’on préfère
286 droit d’applaudir ou de siffler selon ses goûts, de prendre à la radio le poste qu’on préfère, et de tourner le bouton si
287 de prendre à la radio le poste qu’on préfère, et de tourner le bouton si l’on s’ennuie, sans être dénoncé par les voisins
288 uie, sans être dénoncé par les voisins ; le droit d’ aimer et de haïr, le droit d’épouser qui l’on veut… Il n’est pas un s
289 tre dénoncé par les voisins ; le droit d’aimer et de haïr, le droit d’épouser qui l’on veut… Il n’est pas un seul de ces
290 s voisins ; le droit d’aimer et de haïr, le droit d’ épouser qui l’on veut… Il n’est pas un seul de ces droits que les dic
291 it d’épouser qui l’on veut… Il n’est pas un seul de ces droits que les dictatures n’aient attaqué ou supprimé, n’aient dé
292 des peuples libres qui vivent à l’ouest du rideau de fer ; parmi lesquels près de 300 millions d’Européens, dont la masse
293 deau de fer ; parmi lesquels près de 300 millions d’ Européens, dont la masse représente bien plus que la Russie et deux fo
294 au de fer ; parmi lesquels près de 300 millions d’ Européens , dont la masse représente bien plus que la Russie et deux fois plus q
295 sé, mais un présent ; bien plus, ils sont le gage d’ un grand avenir. Voilà l’espoir des hommes. Il est chez nous ! L’es
296 e dont nous disposons, et l’une des plus typiques de l’Occident, n’est autre que l’esprit critique. On nous dit qu’il se p
297 plus jeunes générations. On se lamente sur l’état de la jeunesse d’Europe, on déploie ce qu’on nomme son nihilisme. Si l’o
298 érations. On se lamente sur l’état de la jeunesse d’ Europe, on déploie ce qu’on nomme son nihilisme. Si l’on veut dire par
299 ations. On se lamente sur l’état de la jeunesse d’ Europe , on déploie ce qu’on nomme son nihilisme. Si l’on veut dire par là qu
300 lus pour aucune idéologie, je serais tenté plutôt de l’en féliciter. Si cette jeunesse qui a vu les camps comme résultat d
301 t les pires tyrannies comme produit des mystiques de « libération », n’avait pas décidé de ne plus croire à rien qu’aux ré
302 s mystiques de « libération », n’avait pas décidé de ne plus croire à rien qu’aux réalités immédiates, alors seulement je
303 chrétienne elle-même doit aujourd’hui se réjouir d’ un tel scepticisme, voir en lui son meilleur allié contre les mystific
304 l’inquiétude du monde moderne ? » Je serais tenté de lui dire : l’esprit critique. Car cet esprit nous renvoie sobrement à
305 quiétudes personnelles, qui ne se satisfont point de réponses collectives. L’Occident n’est pas une Église, n’est pas une
306 dent n’est pas une Église, n’est pas une doctrine de salut, comme les partis totalitaires voudraient le devenir à bon marc
307 ir à bon marché. L’Occident est une somme immense de réalités, de réponses, de questions, de contradictions. Cette prodigi
308 hé. L’Occident est une somme immense de réalités, de réponses, de questions, de contradictions. Cette prodigieuse diversit
309 t est une somme immense de réalités, de réponses, de questions, de contradictions. Cette prodigieuse diversité peut angois
310 e immense de réalités, de réponses, de questions, de contradictions. Cette prodigieuse diversité peut angoisser. Mais elle
311 ngoisser. Mais elle est d’autre part la condition de nos libertés et de l’esprit créateur. C’est à cause d’elle que l’Occi
312 est d’autre part la condition de nos libertés et de l’esprit créateur. C’est à cause d’elle que l’Occident demeure l’espo
313 s libertés et de l’esprit créateur. C’est à cause d’ elle que l’Occident demeure l’espoir de l’homme qui pense, qui juge et
314 st à cause d’elle que l’Occident demeure l’espoir de l’homme qui pense, qui juge et qui sent par lui-même. Et cet homme es
315 -même. Et cet homme est le but du Progrès, le but de toute communauté digne du nom. La personne J’en viens ici à not
316 me force : la personne. Voilà la création majeure de l’Occident. L’idée de la personne est certainement la plus originale,
317 . Voilà la création majeure de l’Occident. L’idée de la personne est certainement la plus originale, la plus profonde auss
318 ale, la plus profonde aussi qu’ait élaborée notre Europe . La personne, c’est l’individu chargé d’une vocation qui le distingue
319 otre Europe. La personne, c’est l’individu chargé d’ une vocation qui le distingue de la masse, mais le relie pratiquement
320 l’individu chargé d’une vocation qui le distingue de la masse, mais le relie pratiquement à la communauté. C’est l’homme q
321 nauté. C’est l’homme qui se veut intégral, maître de lui et de sa propre pensée, et par là même conscient de ce qu’il doit
322 st l’homme qui se veut intégral, maître de lui et de sa propre pensée, et par là même conscient de ce qu’il doit au procha
323 et de sa propre pensée, et par là même conscient de ce qu’il doit au prochain. C’est l’homme total, que je veux opposer à
324 qui n’ont pas eu eux-mêmes des raisons efficaces de résister à la mise au pas par l’État. Avec l’idée de la personne l’Eu
325 résister à la mise au pas par l’État. Avec l’idée de la personne l’Europe est née ; avec elle, elle mourrait. J’indique to
326 e au pas par l’État. Avec l’idée de la personne l’ Europe est née ; avec elle, elle mourrait. J’indique tout de suite que le ma
327 it. J’indique tout de suite que le mal spécifique de la personne, c’est l’individualisme, qui a fait tant de ravages chez
328 reaucrates russes, ou que la « sottise qui paye » de Hollywood ! Dans l’idée de la personne s’enracine toute liberté concr
329 a « sottise qui paye » de Hollywood ! Dans l’idée de la personne s’enracine toute liberté concrète, créatrice et vécue. Au
330 concrète, créatrice et vécue. Au contraire, c’est de la masse homogène, uniforme, que naissent toutes les modernes tyranni
331 is que masse égale contrainte. Il n’y aura jamais de liberté « en masse ». Il n’y aura jamais de liberté réelle que dans l
332 amais de liberté « en masse ». Il n’y aura jamais de liberté réelle que dans le besoin, le droit et la passion de différer
333 réelle que dans le besoin, le droit et la passion de différer de son voisin, de courir sa propre aventure, de créer par sa
334 ans le besoin, le droit et la passion de différer de son voisin, de courir sa propre aventure, de créer par sa vie ce qu’o
335 le droit et la passion de différer de son voisin, de courir sa propre aventure, de créer par sa vie ce qu’on n’a jamais vu
336 érer de son voisin, de courir sa propre aventure, de créer par sa vie ce qu’on n’a jamais vu, et d’accomplir ainsi, en sec
337 e, de créer par sa vie ce qu’on n’a jamais vu, et d’ accomplir ainsi, en secret bien souvent, une vocation qui n’a pas de c
338 en secret bien souvent, une vocation qui n’a pas de comptes à rendre aux hommes, et encore bien moins à l’État, parce qu’
339 t « immédiate à Dieu ». Telle est bien la passion de l’homme européen. Elle le met à la pointe du genre humain. Dans cette
340 te à Dieu ». Telle est bien la passion de l’homme européen . Elle le met à la pointe du genre humain. Dans cette passion de diffé
341 t à la pointe du genre humain. Dans cette passion de différer les uns des autres, nous trouvons tous, nous les Européens,
342 les uns des autres, nous trouvons tous, nous les Européens , notre commune dignité et notre risque le plus cher. L’homme total
343 une chose au monde pour laquelle on ne peut faire de propagande au sens moderne, c’est justement la liberté, puisqu’elle c
344 c’est justement la liberté, puisqu’elle cesserait d’ être la liberté si l’on tentait de l’imposer. Mais on peut et l’on doi
345 ’elle cesserait d’être la liberté si l’on tentait de l’imposer. Mais on peut et l’on doit prendre conscience de ses condit
346 ser. Mais on peut et l’on doit prendre conscience de ses conditions, de ses risques. Je crois à la vertu de la prise de co
347 t l’on doit prendre conscience de ses conditions, de ses risques. Je crois à la vertu de la prise de conscience : c’est d’
348 s conditions, de ses risques. Je crois à la vertu de la prise de conscience : c’est d’une part le début de la guérison, qu
349 a prise de conscience : c’est d’une part le début de la guérison, quand le mal est d’ordre psychique ; c’est d’autre part
350 ne part le début de la guérison, quand le mal est d’ ordre psychique ; c’est d’autre part une source de confiance en soi, q
351 d’ordre psychique ; c’est d’autre part une source de confiance en soi, quand les faits objectifs sont meilleurs que notre
352 pensait. Rendus conscients des forces véritables de l’Europe et de l’Occident, nous serons en mesure, aussitôt, de renver
353 ait. Rendus conscients des forces véritables de l’ Europe et de l’Occident, nous serons en mesure, aussitôt, de renverser l’abs
354 s conscients des forces véritables de l’Europe et de l’Occident, nous serons en mesure, aussitôt, de renverser l’absurde s
355 t de l’Occident, nous serons en mesure, aussitôt, de renverser l’absurde situation volontairement créée par les mystiques
356 irement créée par les mystiques adverses. Au défi de la propagande, répondons tranquillement par des faits. Nous pouvons p
357 bertés. Nous pouvons aussi les sauver en décidant de les répandre. Si nous voyons les faits, et savons les faire voir, nou
358 s l’initiative. C’est l’autre camp qui sera forcé de se mettre sur la défensive, contre le rayonnement de nos vraies liber
359 se mettre sur la défensive, contre le rayonnement de nos vraies libertés. Or le meilleur moyen de les faire rayonner, c’es
360 ment de nos vraies libertés. Or le meilleur moyen de les faire rayonner, c’est de les faire passer du plan des faits à cel
361 Or le meilleur moyen de les faire rayonner, c’est de les faire passer du plan des faits à celui de nos consciences et de n
362 est de les faire passer du plan des faits à celui de nos consciences et de nos volontés ; c’est d’appeler toutes nos force
363 r du plan des faits à celui de nos consciences et de nos volontés ; c’est d’appeler toutes nos forces éparses à se fédérer
364 lui de nos consciences et de nos volontés ; c’est d’ appeler toutes nos forces éparses à se fédérer solidement, non point à
365 n s’établit à Strasbourg ou ailleurs, nous dotant d’ instruments modernes et puissants (politiques, scientifiques, économiq
366 , scientifiques, économiques, sociaux) au service de la vocation commune à tous nos peuples, le monde entier verra que l’E
367 e à tous nos peuples, le monde entier verra que l’ Europe c’est l’espoir, qu’elle a pris sur les autres toute l’avance que perm
368 es sont nos chances ? je dirai qu’elles dépendent de chacun de nous, — beaucoup plus que d’un général américain. Chaque pe
369 s chances ? je dirai qu’elles dépendent de chacun de nous, — beaucoup plus que d’un général américain. Chaque personne fai
370 dépendent de chacun de nous, — beaucoup plus que d’ un général américain. Chaque personne fait obstacle à la fatalité. Lév
371 ittons la lutte. Léviathan, c’est la somme exacte de nos petites démissions personnelles. Et c’est pourquoi je conclurai,