1 1939, L’Amour et l’Occident (1956). Livre premier. Le mythe de Tristan
1 Livre premierLe mythe de Tristan 1.Triomphe du roman, et ce qu’il cache « Seigneurs, vo
2 , et ce qu’il cache « Seigneurs, vous plaît-il d’ entendre un beau conte d’amour et de mort ?… » Rien au monde ne saurai
3 Seigneurs, vous plaît-il d’entendre un beau conte d’ amour et de mort ?… » Rien au monde ne saurait nous plaire davantage.
4 vous plaît-il d’entendre un beau conte d’amour et de mort ?… » Rien au monde ne saurait nous plaire davantage. À tel point
5 Tristan de Bédier doit passer pour le type idéal de la première phrase d’un roman. C’est le trait d’un art infaillible qu
6 t passer pour le type idéal de la première phrase d’ un roman. C’est le trait d’un art infaillible qui nous jette dès le se
7 de la première phrase d’un roman. C’est le trait d’ un art infaillible qui nous jette dès le seuil du conte dans l’état pa
8 jette dès le seuil du conte dans l’état passionné d’ attente où naît l’illusion romanesque. D’où vient ce charme ? Et quell
9 assionné d’attente où naît l’illusion romanesque. D’ où vient ce charme ? Et quelles complicités cet artifice de « rhétoriq
10 t ce charme ? Et quelles complicités cet artifice de « rhétorique profonde » sait-il rejoindre dans nos cœurs ? Que l’acco
11 » sait-il rejoindre dans nos cœurs ? Que l’accord d’ amour et de mort soit celui qui émeuve en nous les résonances les plus
12 ejoindre dans nos cœurs ? Que l’accord d’amour et de mort soit celui qui émeuve en nous les résonances les plus profondes,
13 du roman. Il est d’autres raisons, plus secrètes, d’ y voir comme une définition de la conscience occidentale… Amour et mor
14 ons, plus secrètes, d’y voir comme une définition de la conscience occidentale… Amour et mort, amour mortel : si ce n’est
15 toute la poésie, c’est du moins tout ce qu’il y a de populaire, tout ce qu’il y a d’universellement émouvant dans nos litt
16 tout ce qu’il y a de populaire, tout ce qu’il y a d’ universellement émouvant dans nos littératures ; et dans nos plus viei
17 nos plus belles chansons. L’amour heureux n’a pas d’ histoire. Il n’est de roman que de l’amour mortel, c’est-à-dire de l’a
18 ons. L’amour heureux n’a pas d’histoire. Il n’est de roman que de l’amour mortel, c’est-à-dire de l’amour menacé et condam
19 heureux n’a pas d’histoire. Il n’est de roman que de l’amour mortel, c’est-à-dire de l’amour menacé et condamné par la vie
20 ’est de roman que de l’amour mortel, c’est-à-dire de l’amour menacé et condamné par la vie même. Ce qui exalte le lyrisme
21 couple. C’est moins l’amour comblé que la passion d’ amour. Et passion signifie souffrance. Voilà le fait fondamental. Mais
22 otre éducation, dans les images qui font le décor de nos vies ; enfin le besoin d’évasion exaspéré par l’ennui mécanique,
23 s qui font le décor de nos vies ; enfin le besoin d’ évasion exaspéré par l’ennui mécanique, tout en nous et autour de nous
24 nous en sommes venus à voir en elle une promesse de vie plus vivante, une puissance qui transfigure, quelque chose qui se
25 e, quelque chose qui serait au-delà du bonheur et de la souffrance, une béatitude ardente. Dans « passion » nous ne senton
26 ce qui est passionnant ». Et pourtant, la passion d’ amour signifie, de fait, un malheur. La société où nous vivons et dont
27 nant ». Et pourtant, la passion d’amour signifie, de fait, un malheur. La société où nous vivons et dont les mœurs n’ont g
28 ur-passion, neuf fois sur dix, à revêtir la forme de l’adultère. Et j’entends bien que les amants invoqueront tous les cas
29 ends bien que les amants invoqueront tous les cas d’ exception, mais la statistique est cruelle : elle réfute notre poésie.
30 us exalte à ce qui semblerait combler notre idéal de vie harmonieuse ? Serrons de plus près cette contradiction, par un ef
31 illusion. Affirmer que l’amour-passion signifie, de fait, l’adultère, c’est insister sur la réalité que notre culte de l’
32 re, c’est insister sur la réalité que notre culte de l’amour masque et transfigure à la fois ; c’est mettre au jour ce que
33 our ce que ce culte dissimule, refoule, et refuse de nommer pour nous permettre un abandon ardent à ce que nous n’osions p
34 ui est la nôtre, n’est-ce pas une première preuve de ce fait paradoxal : que nous voulons la passion et le malheur à condi
35 e seraient toutes nos littératures ? Elles vivent de la « crise du mariage ». Il est probable aussi qu’elles l’entretienne
36 , et qu’elles en tirent un répertoire inépuisable de situations comiques ou cyniques. Droit divin de la passion, psycholog
37 e de situations comiques ou cyniques. Droit divin de la passion, psychologie mondaine, succès du trio au théâtre — soit qu
38 n’est trahir le tourment innombrable et obsédant de l’amour en rupture de loi ? Ne serait-ce pas qu’on cherche à s’évader
39 ent innombrable et obsédant de l’amour en rupture de loi ? Ne serait-ce pas qu’on cherche à s’évader de son affreuse réali
40 e loi ? Ne serait-ce pas qu’on cherche à s’évader de son affreuse réalité ? Tourner la situation en mystique ou en farce,
41 ns le remords ou dans la crainte, dans le plaisir de la révolte ou l’anxiété de la tentation, il est peu d’hommes qui ne s
42 ainte, dans le plaisir de la révolte ou l’anxiété de la tentation, il est peu d’hommes qui ne se reconnaissent dans l’une
43 révolte ou l’anxiété de la tentation, il est peu d’ hommes qui ne se reconnaissent dans l’une au moins de ces catégories.
44 ommes qui ne se reconnaissent dans l’une au moins de ces catégories. Renoncements, compromis, ruptures, neurasthénies, con
45 neurasthénies, confusions irritantes et mesquines de rêves, d’obligations, de complaisances secrètes — la moitié du malheu
46 ies, confusions irritantes et mesquines de rêves, d’ obligations, de complaisances secrètes — la moitié du malheur humain s
47 irritantes et mesquines de rêves, d’obligations, de complaisances secrètes — la moitié du malheur humain se résume dans l
48 la moitié du malheur humain se résume dans le mot d’ adultère. Malgré toutes nos littératures — ou peut-être à cause d’elle
49 ré toutes nos littératures — ou peut-être à cause d’ elles justement — il peut sembler parfois qu’on n’ait encore rien dit
50 arfois qu’on n’ait encore rien dit sur la réalité de ce malheur. Et que certaines questions des plus naïves, en ce domaine
51 , sur « quelque chose » qui la ruine au cœur même de nos ambitions ? Est-ce vraiment, comme beaucoup le pensent, la concep
52 tourment, ou au contraire, est-ce une conception de l’amour dont on n’a peut-être pas vu qu’elle rend ce lien, dès le pri
53 truit que ce qui assure « le bonheur des époux ». D’ où peut venir une telle contradiction ? Si le secret de la crise du ma
54 peut venir une telle contradiction ? Si le secret de la crise du mariage est simplement l’attrait de l’interdit, d’où nous
55 t de la crise du mariage est simplement l’attrait de l’interdit, d’où nous vient ce goût du malheur ? Quelle idée de l’amo
56 u mariage est simplement l’attrait de l’interdit, d’ où nous vient ce goût du malheur ? Quelle idée de l’amour trahit-il ?
57 d’où nous vient ce goût du malheur ? Quelle idée de l’amour trahit-il ? Quel secret de notre existence, de notre esprit,
58  ? Quelle idée de l’amour trahit-il ? Quel secret de notre existence, de notre esprit, de notre histoire peut-être ? 2.
59 amour trahit-il ? Quel secret de notre existence, de notre esprit, de notre histoire peut-être ? 2.Le mythe Il exist
60 Quel secret de notre existence, de notre esprit, de notre histoire peut-être ? 2.Le mythe Il existe un grand mythe
61 2.Le mythe Il existe un grand mythe européen de l’adultère : le Roman de Tristan et Iseut. Au travers du désordre ext
62 un grand mythe européen de l’adultère : le Roman de Tristan et Iseut. Au travers du désordre extrême de nos mœurs, dans l
63 Tristan et Iseut. Au travers du désordre extrême de nos mœurs, dans la confusion des morales et des immoralismes qui en v
64 ralismes qui en vivent, aux moments les plus purs d’ un drame, il arrive qu’on voie transparaître en filigrane cette forme
65 e. Comme une grande image simple, comme une sorte de type primitif de nos tourments les plus complexes. Et de même que pou
66 de image simple, comme une sorte de type primitif de nos tourments les plus complexes. Et de même que pour se tirer des co
67 exes. Et de même que pour se tirer des confusions de notre langue, les poètes ont coutume de rapporter les mots à leurs or
68 onfusions de notre langue, les poètes ont coutume de rapporter les mots à leurs origines lointaines, c’est-à-dire à la cho
69 oudrais rapporter à ce mythe certaines confusions de nos mœurs. Étymologie des passions, moins décevante que celle des mot
70 ais d’abord, dira-t-on, est-il exact que le roman de Tristan soit un mythe ? Et dans ce cas, n’est-ce pas détruire son cha
71 dans ce cas, n’est-ce pas détruire son charme que d’ essayer de l’analyser ? Nous n’en sommes plus à croire que mythe est s
72 s, n’est-ce pas détruire son charme que d’essayer de l’analyser ? Nous n’en sommes plus à croire que mythe est synonyme d’
73 n’en sommes plus à croire que mythe est synonyme d’ irréalité ou d’illusion. Trop de mythes manifestent parmi nous une pui
74 us à croire que mythe est synonyme d’irréalité ou d’ illusion. Trop de mythes manifestent parmi nous une puissance trop inc
75 ythe est synonyme d’irréalité ou d’illusion. Trop de mythes manifestent parmi nous une puissance trop incontestable. Mais
76 it du mot oblige à le redéfinir. On pourrait dire d’ une manière générale qu’un mythe est une histoire, une fable symboliqu
77 e, simple et frappante, résumant un nombre infini de situations plus ou moins analogues. Le mythe permet de saisir d’un co
78 tuations plus ou moins analogues. Le mythe permet de saisir d’un coup d’œil certains types de relations constantes, et de
79 lus ou moins analogues. Le mythe permet de saisir d’ un coup d’œil certains types de relations constantes, et de les dégage
80 e permet de saisir d’un coup d’œil certains types de relations constantes, et de les dégager du fouillis des apparences qu
81 d’œil certains types de relations constantes, et de les dégager du fouillis des apparences quotidiennes. Dans un sens plu
82 ens plus étroit, les mythes traduisent les règles de conduite d’un groupe social ou religieux. Ils procèdent donc de l’élé
83 oit, les mythes traduisent les règles de conduite d’ un groupe social ou religieux. Ils procèdent donc de l’élément sacré a
84 un groupe social ou religieux. Ils procèdent donc de l’élément sacré autour duquel s’est constitué le groupe. (Récits symb
85 el s’est constitué le groupe. (Récits symboliques de la vie et de la mort des dieux, légendes expliquant les sacrifices ou
86 titué le groupe. (Récits symboliques de la vie et de la mort des dieux, légendes expliquant les sacrifices ou l’origine de
87 etc.). On l’a remarqué souvent : un mythe n’a pas d’ auteur. Son origine doit être obscure. Et son sens même l’est en parti
88 e. Il se présente comme l’expression tout anonyme de réalités collectives, ou plus exactement : communes. L’œuvre d’art — 
89 mythe. Sa valeur ne relève en effet que du talent de son créateur. Ce qui importe en elle, c’est justement ce qui n’import
90 , ou sa « vraisemblance », et toutes ses qualités de réussite singulière (originalité, habileté, style, etc.). Mais le ca
91 mme telle, n’a pas à proprement parler un pouvoir de contrainte sur le public. Si belle et puissante qu’elle soit, on peut
92 ut au moins, la rend inefficace. Or je me propose d’ envisager Tristan non point comme œuvre littéraire, mais comme type de
93 e œuvre littéraire, mais comme type des relations de l’homme et de la femme dans un groupe historique donné : l’élite soci
94 aire, mais comme type des relations de l’homme et de la femme dans un groupe historique donné : l’élite sociale, la sociét
95 l’élite sociale, la société courtoise et pénétrée de chevalerie du xiie et du xiiie siècle. Ce groupe est à vrai dire di
96 ngtemps. Pourtant ses lois sont encore les nôtres d’ une manière secrète et diffuse. Profanées et reniées par nos codes off
97 iées par nos codes officiels, elles sont devenues d’ autant plus contraignantes qu’elles n’ont plus de pouvoir que sur nos
98 d’autant plus contraignantes qu’elles n’ont plus de pouvoir que sur nos rêves. ⁂ Bien des traits de la légende de Tristan
99 s de pouvoir que sur nos rêves. ⁂ Bien des traits de la légende de Tristan sont de ceux qui signalent un mythe. Et d’abord
100 ue sur nos rêves. ⁂ Bien des traits de la légende de Tristan sont de ceux qui signalent un mythe. Et d’abord le fait que l
101 . ⁂ Bien des traits de la légende de Tristan sont de ceux qui signalent un mythe. Et d’abord le fait que l’auteur — à supp
102 ui nous restent sont des remaniements artistiques d’ un archétype dont on n’a pu trouver la moindre trace2. Un autre aspect
103 ouver la moindre trace2. Un autre aspect mythique de la légende de Tristan, c’est l’élément sacré qu’elle utilise3. Le pro
104 re trace2. Un autre aspect mythique de la légende de Tristan, c’est l’élément sacré qu’elle utilise3. Le progrès de l’acti
105 ’est l’élément sacré qu’elle utilise3. Le progrès de l’action, et les effets qu’elle devait exercer sur l’auditeur, dépend
106 une certaine mesure (que nous aurons à préciser) d’ un ensemble de règles et de cérémonies qui n’est autre que la coutume
107 mesure (que nous aurons à préciser) d’un ensemble de règles et de cérémonies qui n’est autre que la coutume de la chevaler
108 ous aurons à préciser) d’un ensemble de règles et de cérémonies qui n’est autre que la coutume de la chevalerie médiévale.
109 s et de cérémonies qui n’est autre que la coutume de la chevalerie médiévale. Or les « ordres » de chevalerie furent souve
110 ume de la chevalerie médiévale. Or les « ordres » de chevalerie furent souvent appelés « religions ». Chastellain, chroniq
111 t appelés « religions ». Chastellain, chroniqueur de la Bourgogne, nomme ainsi l’ordre de la Toison d’or (dernier en date)
112 chroniqueur de la Bourgogne, nomme ainsi l’ordre de la Toison d’or (dernier en date), et il en parle comme d’un mystère s
113 de la Bourgogne, nomme ainsi l’ordre de la Toison d’ or (dernier en date), et il en parle comme d’un mystère sacré, en un s
114 ison d’or (dernier en date), et il en parle comme d’ un mystère sacré, en un siècle où pourtant la chevalerie n’était plus
115 us guère qu’une survivance4. Enfin la nature même de l’obscurité que nous découvrirons dans la légende, dénote sa parenté
116 é du mythe en général ne réside pas dans sa forme d’ expression5. Elle tient d’une part au mystère de son origine, et d’aut
117 e d’expression5. Elle tient d’une part au mystère de son origine, et d’autre part à l’importance vitale des faits que le m
118 oustraire à la critique, il n’y aurait pas besoin de mythe. On pourrait se contenter d’une loi, d’un traité de morale, ou
119 ait pas besoin de mythe. On pourrait se contenter d’ une loi, d’un traité de morale, ou même d’une historiette jouant le rô
120 oin de mythe. On pourrait se contenter d’une loi, d’ un traité de morale, ou même d’une historiette jouant le rôle de résum
121 . On pourrait se contenter d’une loi, d’un traité de morale, ou même d’une historiette jouant le rôle de résumé mnémotechn
122 ntenter d’une loi, d’un traité de morale, ou même d’ une historiette jouant le rôle de résumé mnémotechnique. Point de myth
123 morale, ou même d’une historiette jouant le rôle de résumé mnémotechnique. Point de mythe tant qu’il est loisible de s’en
124 te jouant le rôle de résumé mnémotechnique. Point de mythe tant qu’il est loisible de s’en tenir aux évidences et de les e
125 technique. Point de mythe tant qu’il est loisible de s’en tenir aux évidences et de les exprimer d’une manière manifeste o
126 qu’il est loisible de s’en tenir aux évidences et de les exprimer d’une manière manifeste ou directe. Au contraire, le myt
127 le de s’en tenir aux évidences et de les exprimer d’ une manière manifeste ou directe. Au contraire, le mythe paraît lorsqu
128 e paraît lorsqu’il serait dangereux ou impossible d’ avouer clairement un certain nombre de faits sociaux ou religieux, ou
129 impossible d’avouer clairement un certain nombre de faits sociaux ou religieux, ou de relations affectives, que l’on tien
130 certain nombre de faits sociaux ou religieux, ou de relations affectives, que l’on tient cependant à conserver, ou qu’il
131 nt cependant à conserver, ou qu’il est impossible de détruire. Nous n’avons plus besoin de mythes, par exemple, pour expri
132 impossible de détruire. Nous n’avons plus besoin de mythes, par exemple, pour exprimer les vérités de la science : nous l
133 de mythes, par exemple, pour exprimer les vérités de la science : nous les considérons en effet d’une manière parfaitement
134 tés de la science : nous les considérons en effet d’ une manière parfaitement « profane », et elles ont donc tout à gagner
135 la critique individuelle. Mais nous avons besoin d’ un mythe pour exprimer le fait obscur et inavouable que la passion est
136 aîne la destruction pour ceux qui s’y abandonnent de toutes leurs forces. C’est que nous voulons sauver cette passion, et
137 ent. L’obscurité du mythe nous met donc en mesure d’ accueillir son contenu déguisé et d’en jouir par l’imagination, sans e
138 onc en mesure d’accueillir son contenu déguisé et d’ en jouir par l’imagination, sans en prendre toutefois une conscience a
139 a contradiction. Ainsi se trouvent mises à l’abri de la critique certaines réalités humaines que nous sentons ou pressento
140 ù le grand jour et la raison6 les menaceraient. ⁂ D’ origine inconnue ou mal connue — de caractère primitivement sacré — vo
141 enaceraient. ⁂ D’origine inconnue ou mal connue —  de caractère primitivement sacré — voilant le secret qu’il exprime, le R
142 oilant le secret qu’il exprime, le Roman mythique de Tristan posséderait-il au même degré les qualités contraignantes d’un
143 rait-il au même degré les qualités contraignantes d’ un vrai mythe ? Cette question ne peut être esquivée. Elle nous porte
144 esquivée. Elle nous porte au cœur du problème et de son actualité. Précisons que les règles chevaleresques qui jouaient b
145 qui jouaient bel et bien au xiiie siècle un rôle de contrainte absolue, n’interviennent dans le roman qu’à titre d’obstac
146 absolue, n’interviennent dans le roman qu’à titre d’ obstacle mythique et de figures rituelles de rhétorique. Sans elles, l
147 t dans le roman qu’à titre d’obstacle mythique et de figures rituelles de rhétorique. Sans elles, la fable n’aurait pas tr
148 titre d’obstacle mythique et de figures rituelles de rhétorique. Sans elles, la fable n’aurait pas trouvé ses prétextes à
149 r que ces « cérémonies » sociales sont des moyens de faire admettre un contenu antisocial, qui est la passion. Le mot « co
150 « contenu » prend ici toute sa force : la passion de Tristan et d’Iseut est littéralement « contenue » par les règles de l
151 end ici toute sa force : la passion de Tristan et d’ Iseut est littéralement « contenue » par les règles de la chevalerie.
152 eut est littéralement « contenue » par les règles de la chevalerie. C’est à cette condition seulement qu’elle pourra s’exp
153 t donc que les groupes constitués soient capables de lui opposer une structure fortement charpentée, pour qu’elle trouve l
154 tement charpentée, pour qu’elle trouve l’occasion de s’extérioriser sans causer les pires dégâts. Que, par la suite, le li
155 ou que le groupe soit dissocié, le mythe cessera d’ être un mythe au sens strict. Mais ce qu’il aura perdu en force contra
156 il aura perdu en force contraignante et en moyens de se communiquer sous une forme voilée et admissible, il le retrouvera
157 re que la chevalerie, même sous sa forme profanée de savoir-vivre - les usages qu’il faut observer si l’on veut être un ge
158 quotidienne, envahira le subconscient, appellera de nouvelles contraintes, se les inventera au besoin… Car nous verrons q
159 nous verrons que ce n’est pas seulement la nature de la société, mais l’ardeur même de la sombre passion qui exige un aveu
160 ement la nature de la société, mais l’ardeur même de la sombre passion qui exige un aveu masqué. Le mythe, au sens strict
161 e période où les élites faisaient un vaste effort de mise en ordre sociale et morale. Il s’agissait de « contenir », préci
162 de mise en ordre sociale et morale. Il s’agissait de « contenir », précisément, les poussées de l’instinct destructeur : c
163 issait de « contenir », précisément, les poussées de l’instinct destructeur : car la religion, en l’attaquant, l’exaspérai
164 ait. Les chroniqueurs, les sermons et les satires de ce siècle nous révèlent qu’il connut une première « crise du mariage 
165 le appelait une réaction vive. Le succès du Roman de Tristan fut donc d’ordonner la passion dans un cadre où elle pût s’ex
166 tion vive. Le succès du Roman de Tristan fut donc d’ ordonner la passion dans un cadre où elle pût s’exprimer en satisfacti
167 s. Elle est toujours aussi dangereuse pour la vie de la société. Elle tend toujours à provoquer, de la part de la société,
168 art de la société, une mise en ordre équivalente. D’ où la permanence historique non point du mythe sous sa forme première,
169 e non point du mythe sous sa forme première, mais de l’exigence mythique à laquelle répondait le Roman. Élargissant notre
170 us appellerons mythe, désormais, cette permanence d’ un type de relations et des réactions qu’il provoque. Le mythe de Tris
171 rons mythe, désormais, cette permanence d’un type de relations et des réactions qu’il provoque. Le mythe de Tristan et Ise
172 lations et des réactions qu’il provoque. Le mythe de Tristan et Iseut, ce ne sera plus seulement le Roman, mais le phénomè
173 qu’il illustre, et dont l’influence n’a pas cessé de s’étendre jusqu’à nos jours. Passion de la nature obscure, dynamisme
174 pas cessé de s’étendre jusqu’à nos jours. Passion de la nature obscure, dynamisme excité par l’esprit, possibilité préform
175 ar l’esprit, possibilité préformée à la recherche d’ une contrainte qui l’exalte, charme, terreur ou idéal : tel est le myt
176 arle Nietzsche. 3.Actualité du mythe ; raisons de notre analyse Nul besoin d’avoir lu le Tristan de Béroul, ou celui
177 du mythe ; raisons de notre analyse Nul besoin d’ avoir lu le Tristan de Béroul, ou celui de M. Bédier, ni d’avoir enten
178 besoin d’avoir lu le Tristan de Béroul, ou celui de M. Bédier, ni d’avoir entendu l’opéra de Wagner, pour subir dans la v
179 u le Tristan de Béroul, ou celui de M. Bédier, ni d’ avoir entendu l’opéra de Wagner, pour subir dans la vie quotidienne l’
180 ou celui de M. Bédier, ni d’avoir entendu l’opéra de Wagner, pour subir dans la vie quotidienne l’empire nostalgique d’un
181 ubir dans la vie quotidienne l’empire nostalgique d’ un tel mythe. Il se trahit dans la plupart de nos romans et de nos fil
182 he. Il se trahit dans la plupart de nos romans et de nos films, dans leurs succès auprès des masses, dans les complaisance
183 poètes, des mal mariés, des midinettes qui rêvent d’ amours miraculeuses. Le mythe agit partout où la passion est rêvée com
184 rophe, et non point comme une catastrophe. Il vit de la vie même de ceux qui croient que l’amour est une destinée (c’était
185 oint comme une catastrophe. Il vit de la vie même de ceux qui croient que l’amour est une destinée (c’était le philtre du
186 d sur l’homme impuissant et ravi pour le consumer d’ un feu pur ; et qu’il est plus fort et plus vrai que le bonheur, la so
187 i que le bonheur, la société et la morale. Il vit de la vie même du romantisme en nous ; il est le grand mystère de cette
188 e du romantisme en nous ; il est le grand mystère de cette religion dont les poètes du siècle passé se firent les prêtres
189 ècle passé se firent les prêtres et les inspirés. De cette influence et de sa nature mythique, la preuve est d’ailleurs im
190 es prêtres et les inspirés. De cette influence et de sa nature mythique, la preuve est d’ailleurs immédiate. Elle nous ser
191 nance du lecteur à envisager mon projet. Le Roman de Tristan nous est « sacré » dans la mesure exacte où l’on estimera que
192 timera que je commets un « sacrilège » en tentant de l’analyser. Certes, ce reproche de sacrilège revêt alors un sens bien
193 e » en tentant de l’analyser. Certes, ce reproche de sacrilège revêt alors un sens bien anodin, si l’on songe qu’il se tra
194 nce obscure et déprimée. Je ne courrai donc guère d’ autre risque que celui de voir le lecteur fermer le volume à cette pag
195 Je ne courrai donc guère d’autre risque que celui de voir le lecteur fermer le volume à cette page. (Et certes, le sens in
196 ume à cette page. (Et certes, le sens inconscient d’ un tel geste n’est rien moins que la mise à mort de l’auteur. Pourtant
197 ’un tel geste n’est rien moins que la mise à mort de l’auteur. Pourtant il demeure sans effets.) Mais si tu m’épargnes, ô
198 nt sacrée pour toi ? Ou simplement que les hommes d’ aujourd’hui ne sont pas moins débiles dans leurs passions que dans leu
199 débiles dans leurs passions que dans leurs gestes de réprobation ? À défaut d’ennemis déclarés, où sera le courage que l’o
200 s que dans leurs gestes de réprobation ? À défaut d’ ennemis déclarés, où sera le courage que l’on réclame des écrivains ?
201 me éprouvé du dépit à voir l’un des commentateurs de la légende de Tristan la définir « une épopée de l’adultère ». La for
202 dépit à voir l’un des commentateurs de la légende de Tristan la définir « une épopée de l’adultère ». La formule est sans
203 de la légende de Tristan la définir « une épopée de l’adultère ». La formule est sans doute exacte, si l’on se borne à co
204 on soutenir que la faute morale est le vrai sujet de la légende ? Le Tristan de Wagner par exemple, ne serait-il qu’un opé
205 n de Wagner par exemple, ne serait-il qu’un opéra de l’adultère ? Et l’adultère, enfin, n’est-ce que cela ? Un vilain mot 
206 , n’est-ce que cela ? Un vilain mot ? Une rupture de contrat ? C’est cela aussi, ce n’est que cela dans trop de cas ; mais
207 t ? C’est cela aussi, ce n’est que cela dans trop de cas ; mais c’est souvent bien davantage : une atmosphère tragique et
208 lème s’élargit magnifiquement — et mon cas empire d’ autant. Je dirai mes raisons de persévérer, et l’on jugera si elles so
209  et mon cas empire d’autant. Je dirai mes raisons de persévérer, et l’on jugera si elles sont diaboliques. La première est
210 La première est que nous sommes parvenus au point de désordre social où l’immoralisme se révèle plus exténuant que les mor
211 lus exténuant que les morales anciennes. Le culte de l’amour-passion s’est tellement démocratisé qu’il perd ses vertus est
212 sé qu’il perd ses vertus esthétiques et sa valeur de tragédie spirituelle. Reste une confuse et diffuse souffrance, quelqu
213 une confuse et diffuse souffrance, quelque chose d’ impur et de triste, dont il me semble qu’on ne perdra rien à profaner
214 e et diffuse souffrance, quelque chose d’impur et de triste, dont il me semble qu’on ne perdra rien à profaner les causes
215 les causes faussement sacrées : cette littérature de la passion, cette publicité qu’on lui fait, cette « vogue » d’allure
216 , cette publicité qu’on lui fait, cette « vogue » d’ allure commerciale de ce qui fut un secret religieux… Il faut s’attaqu
217 on lui fait, cette « vogue » d’allure commerciale de ce qui fut un secret religieux… Il faut s’attaquer à tout cela, fût-c
218 t cela, fût-ce même pour sauver le mythe des abus de son extrême vulgarisation. Et tant pis pour le sacrilège. La poésie a
219 e a d’autres chances. Ma seconde raison n’est pas d’ un défenseur de la beauté, même maudite, mais d’un homme qui a le goût
220 ances. Ma seconde raison n’est pas d’un défenseur de la beauté, même maudite, mais d’un homme qui a le goût d’y voir clair
221 s d’un défenseur de la beauté, même maudite, mais d’ un homme qui a le goût d’y voir clair, de prendre conscience de sa vie
222 auté, même maudite, mais d’un homme qui a le goût d’ y voir clair, de prendre conscience de sa vie et de la vie de ses cont
223 te, mais d’un homme qui a le goût d’y voir clair, de prendre conscience de sa vie et de la vie de ses contemporains. Si je
224 i a le goût d’y voir clair, de prendre conscience de sa vie et de la vie de ses contemporains. Si je m’attache au mythe de
225 ’y voir clair, de prendre conscience de sa vie et de la vie de ses contemporains. Si je m’attache au mythe de Tristan, c’e
226 air, de prendre conscience de sa vie et de la vie de ses contemporains. Si je m’attache au mythe de Tristan, c’est qu’il p
227 ie de ses contemporains. Si je m’attache au mythe de Tristan, c’est qu’il permet de dégager une raison simple de notre con
228 m’attache au mythe de Tristan, c’est qu’il permet de dégager une raison simple de notre confusion présente. C’est qu’il pe
229 , c’est qu’il permet de dégager une raison simple de notre confusion présente. C’est qu’il permet aussi de formuler certai
230 otre confusion présente. C’est qu’il permet aussi de formuler certaines relations permanentes noyées sous les vulgarités m
231 ermanentes noyées sous les vulgarités minutieuses de nos psychologies. C’est enfin qu’il permet de mettre à nu certain dil
232 ses de nos psychologies. C’est enfin qu’il permet de mettre à nu certain dilemme dont notre vie hâtive, notre culture et l
233 dont notre vie hâtive, notre culture et le ronron de nos morales sont en passe de nous faire oublier la sévère réalité. Dr
234 culture et le ronron de nos morales sont en passe de nous faire oublier la sévère réalité. Dresser le mythe de la passion
235 faire oublier la sévère réalité. Dresser le mythe de la passion dans sa violence primitive et sacrée, dans sa pureté monum
236 vaillamment entre la Norme du Jour et la Passion de la Nuit ; dresser cette figure de la Mort des Amants qu’exalte l’ango
237 r et la Passion de la Nuit ; dresser cette figure de la Mort des Amants qu’exalte l’angoissant et vampirique crescendo du
238 angoissant et vampirique crescendo du second acte de Wagner, tel est le premier objet de cet ouvrage ; et le succès qu’il
239 u second acte de Wagner, tel est le premier objet de cet ouvrage ; et le succès qu’il ambitionne, c’est d’amener un lecteu
240 et ouvrage ; et le succès qu’il ambitionne, c’est d’ amener un lecteur au seuil du choix : « J’ai voulu cela ! » ou bien :
241 suis pas sûr que la conscience claire soit utile d’ une manière générale, et en soi. Ni que les vérités utiles soient avou
242 sur la place. Mais quelle que soit « l’utilité » de mon entreprise, notre sort n’en demeure pas moins, à nous autres Occi
243 ’en demeure pas moins, à nous autres Occidentaux, de devenir de plus en plus conscients des illusions dont nous vivons. Et
244 fonction du philosophe, du moraliste, du créateur de formes idéales, est simplement d’accroître la conscience, donc la mau
245 te, du créateur de formes idéales, est simplement d’ accroître la conscience, donc la mauvaise conscience des hommes… Qui s
246 où cela peut nous mener ? Là-dessus, il est temps de passer à l’opération annoncée. La condition de sa réussite est sans d
247 ps de passer à l’opération annoncée. La condition de sa réussite est sans doute une certaine froideur avec laquelle nous l
248 ds et aveugles aux « charmes » du récit, essayons de résumer « objectivement » les faits qu’il nous rapporte et les raison
249 qu’il en propose, ou qu’il omet très curieusement de nous indiquer. 4.Le contenu manifeste du Roman de Tristan7 Amo
250 nous indiquer. 4.Le contenu manifeste du Roman de Tristan7 Amors par force vos demeine ! (Béroul.) Tristan naît d
251 a mère Blanchefleur ne survit pas à sa naissance. D’ où le nom du héros, la couleur sombre de sa vie, et le ciel bas d’orag
252 aissance. D’où le nom du héros, la couleur sombre de sa vie, et le ciel bas d’orage qui couvre la légende. Le roi Marc de
253 éros, la couleur sombre de sa vie, et le ciel bas d’ orage qui couvre la légende. Le roi Marc de Cornouailles, frère de Bla
254 e. Première prouesse ou performance : la victoire de Tristan sur le Morholt. Ce géant irlandais vient, comme le Minotaure,
255 dais vient, comme le Minotaure, exiger son tribut de jeunes filles ou de jeunes gens de Cornouailles. Tristan obtient la p
256 Minotaure, exiger son tribut de jeunes filles ou de jeunes gens de Cornouailles. Tristan obtient la permission de le comb
257 ger son tribut de jeunes filles ou de jeunes gens de Cornouailles. Tristan obtient la permission de le combattre, au momen
258 ns de Cornouailles. Tristan obtient la permission de le combattre, au moment où il pourrait être armé chevalier, donc peu
259 en a reçu un coup d’épée empoisonnée. Sans espoir de survivre à son mal, Tristan s’embarque à l’aventure dans un bateau sa
260 t le sauver. Mais le géant Morholt était le frère de cette reine, aussi Tristan se garde-t-il d’avouer son nom et l’origin
261 frère de cette reine, aussi Tristan se garde-t-il d’ avouer son nom et l’origine de son mal. Iseut, princesse royale, le so
262 istan se garde-t-il d’avouer son nom et l’origine de son mal. Iseut, princesse royale, le soigne et le guérit. C’est le Pr
263 ue. Quelques années plus tard, le roi Marc décide d’ épouser la femme dont un oiseau lui apporta un cheveu d’or. C’est Tris
264 ser la femme dont un oiseau lui apporta un cheveu d’ or. C’est Tristan qu’il envoie à la « quête » de l’inconnue. Une tempê
265 u d’or. C’est Tristan qu’il envoie à la « quête » de l’inconnue. Une tempête rejette le héros vers l’Irlande. Là, il comba
266 ui menaçait la capitale. (C’est le motif consacré de la vierge délivrée par un jeune paladin.) Blessé par le monstre, Tris
267 couvre que le blessé n’est autre que le meurtrier de son oncle. Elle saisit l’épée de Tristan et menace de le tuer dans so
268 que le meurtrier de son oncle. Elle saisit l’épée de Tristan et menace de le tuer dans son bain. Alors, il lui révèle la m
269 on oncle. Elle saisit l’épée de Tristan et menace de le tuer dans son bain. Alors, il lui révèle la mission dont le roi Ma
270 ) Tristan et la princesse voguent vers les terres de Marc. En haute mer, le vent tombe, la chaleur est pesante. Ils ont so
271 . Ils le boivent. Les voici entrés dans les voies d’ une destinée « qui jamais ne leur fauldra jour de leurs vies, car ils
272 d’une destinée « qui jamais ne leur fauldra jour de leurs vies, car ils ont beu leur destruction et leur mort ». Ils s’av
273 ’efficacité du philtre à trois ans8. Thomas, imbu de fine psychologie, et plein de méfiance pour le merveilleux, qu’il jug
274 ans8. Thomas, imbu de fine psychologie, et plein de méfiance pour le merveilleux, qu’il juge grossier, réduit autant que
275 ible l’importance du philtre, et présente l’amour de Tristan et d’Iseut comme une affection spontanée, apparue dès la scèn
276 nce du philtre, et présente l’amour de Tristan et d’ Iseut comme une affection spontanée, apparue dès la scène du bain. Eil
277 nt des barons « félons » dénoncent au roi l’amour de Tristan et d’Iseut. Tristan est banni. Mais à la faveur d’une nouvell
278 « félons » dénoncent au roi l’amour de Tristan et d’ Iseut. Tristan est banni. Mais à la faveur d’une nouvelle ruse (scène
279 n et d’Iseut. Tristan est banni. Mais à la faveur d’ une nouvelle ruse (scène du verger), il convainc Marc de son innocence
280 nouvelle ruse (scène du verger), il convainc Marc de son innocence et revient à la cour. Le nain Frocine, complice des bar
281 re les amants et leur tend un piège. Entre le lit de Tristan et celui de la reine, il sème de la « fleur de blé ». Tristan
282 r tend un piège. Entre le lit de Tristan et celui de la reine, il sème de la « fleur de blé ». Tristan, que Marc a chargé
283 e le lit de Tristan et celui de la reine, il sème de la « fleur de blé ». Tristan, que Marc a chargé d’une nouvelle missio
284 istan et celui de la reine, il sème de la « fleur de blé ». Tristan, que Marc a chargé d’une nouvelle mission, veut rejoin
285 e la « fleur de blé ». Tristan, que Marc a chargé d’ une nouvelle mission, veut rejoindre une dernière fois son amie, penda
286 ndant la nuit qui précède son départ. Il franchit d’ un saut l’espace qui sépare les deux lits. Mais une blessure récente q
287 irruption dans le dortoir. Ils voient des traces de sang sur la fleur de blé. La preuve de l’adultère est ainsi faite. Is
288 rtoir. Ils voient des traces de sang sur la fleur de blé. La preuve de l’adultère est ainsi faite. Iseut sera livrée à une
289 des traces de sang sur la fleur de blé. La preuve de l’adultère est ainsi faite. Iseut sera livrée à une troupe de lépreux
290 e est ainsi faite. Iseut sera livrée à une troupe de lépreux et Tristan condamné à mort. Il s’évade (scène de la chapelle)
291 eux et Tristan condamné à mort. Il s’évade (scène de la chapelle). Il délivre Iseut, et avec elle s’enfonce dans la forêt
292 livre Iseut, et avec elle s’enfonce dans la forêt de Morois. Trois ans durant, ils y mènent une vie « aspre et dure ». Un
293 on épée nue. Ému par ce qu’il prend pour un signe de chasteté, le roi les épargne. Sans les réveiller, il prend l’épée de
294 les épargne. Sans les réveiller, il prend l’épée de Tristan et dépose à sa place l’épée royale. Les trois ans écoulés, l
295 royale. Les trois ans écoulés, le philtre cesse d’ agir (selon Béroul et l’ancêtre commun des cinq versions). Alors seule
296 grin, par l’entremise duquel Tristan offre au roi de lui rendre sa femme. Marc promet son pardon. Les amants se séparent à
297 he du cortège royal. Iseut supplie encore Tristan de demeurer dans le pays jusqu’à ce qu’il soit certain que Marc la trait
298 qu’elle rejoindra le chevalier au premier signal de sa part, et sans que rien puisse la retenir, « ni tour, ni mur, ni fo
299 ins. Mais les barons félons veillent sur la vertu de la reine. Celle-ci demande et obtient un « jugement de Dieu » pour pr
300 reine. Celle-ci demande et obtient un « jugement de Dieu » pour prouver son innocence. Grâce à un subterfuge, elle triomp
301 n innocence. Grâce à un subterfuge, elle triomphe de l’épreuve : avant de saisir le fer rouge qui laisse intacte la main d
302 de saisir le fer rouge qui laisse intacte la main de qui n’a pas menti, elle jure n’avoir jamais été dans les bras d’aucun
303 menti, elle jure n’avoir jamais été dans les bras d’ aucun homme, hors ceux du roi son maître et du manant qui vient de l’a
304 tre et du manant qui vient de l’aider à descendre de sa barque. Le manant, c’est Tristan déguisé… Mais de nouvelles aventu
305 sa barque. Le manant, c’est Tristan déguisé… Mais de nouvelles aventures entraînent au loin le chevalier. Il croit que la
306 loin le chevalier. Il croit que la reine a cessé de l’aimer. C’est alors qu’il consent à épouser, au-delà de la mer, « po
307 mer. C’est alors qu’il consent à épouser, au-delà de la mer, « pour son nom et pour sa beauté »9, une autre Iseut, l’Iseut
308 , et son vaisseau arbore une voile blanche, signe d’ espoir. Iseut aux blanches mains guettait son arrivée. Tourmentée par
309 ourmentée par la jalousie, elle s’en vient au lit de Tristan et lui annonce que la voile est noire. Tristan meurt. Iseut l
310 cet instant, monte au château, embrasse le corps de son amant, et meurt. 5.Énigmes Résumé de la sorte, et tout « ch
311 ps de son amant, et meurt. 5.Énigmes Résumé de la sorte, et tout « charme » détruit, à considérer froidement le plus
312 it que sa donnée ni son progrès ne sont dépourvus d’ équivoque. J’ai passé quantité d’épisodes accessoires, mais aucun des
313 e sont dépourvus d’équivoque. J’ai passé quantité d’ épisodes accessoires, mais aucun des motifs allégués de l’action centr
314 sodes accessoires, mais aucun des motifs allégués de l’action centrale du Roman. Et je les ai même soulignés. On a pu voir
315 années dans la forêt, parce que le philtre cesse d’ agir ; — Tristan épouse Iseut aux blanches mains « pour son nom et pou
316 « raisons » mises à part — nous aurons l’occasion d’ y revenir — on s’aperçoit que le Roman repose sur une série de contrad
317 — on s’aperçoit que le Roman repose sur une série de contradictions énigmatiques. Une première remarque m’a frappé, faite
318 é, faite en passant par l’un des éditeurs récents de la légende : tout au long du Roman, Tristan paraît physiquement supér
319 ucune force extérieure ne saurait donc l’empêcher d’ enlever Iseut et d’obéir à son destin. Les mœurs du temps sanctionnent
320 ure ne saurait donc l’empêcher d’enlever Iseut et d’ obéir à son destin. Les mœurs du temps sanctionnent le droit du plus f
321 oindre scrupule ; et surtout s’il s’agit du droit d’ un homme sur une femme : c’est l’enjeu habituel des tournois. Pourquoi
322 uel des tournois. Pourquoi Tristan n’use-t-il pas de ce droit ? Mise en éveil par cette première question, notre méfiance
323 non moins curieuses et obscures. Pourquoi l’épée de chasteté entre les corps dans la forêt ? Les amants ont déjà péché ;
324 forêt ? Les amants ont déjà péché ; ils refusent de se repentir, à ce moment-là ; enfin ils ne prévoient nullement que le
325 ans les différentes versions, qui donne la raison de cet acte10. Pourquoi Tristan rend-il la reine à Marc, et cela même d
326 ela même dans les versions où le philtre continue d’ agir ? Si, comme certains le disent, c’est une repentance sincère qui
327 motive la séparation, pourquoi se promettent-ils de se revoir au moment même où ils acceptent de se quitter ? Pourquoi Tr
328 -ils de se revoir au moment même où ils acceptent de se quitter ? Pourquoi Tristan s’éloigne-t-il ensuite pour courir de n
329 urquoi Tristan s’éloigne-t-il ensuite pour courir de nouvelles aventures, alors qu’ils ont un rendez-vous dans la forêt ?
330 oi la reine coupable propose-t-elle un « jugement de Dieu » ? Elle sait bien que cette épreuve doit la perdre. Elle n’en t
331 pposerait à son retour auprès du roi, donc auprès d’ Iseut… D’autre part, n’est-il pas fort étrange que les poètes du xiiie
332 s du xiiie siècle, si exigeants dès qu’il s’agit d’ honneur, de fidélité au suzerain, laissent passer sans un mot de comme
333 siècle, si exigeants dès qu’il s’agit d’honneur, de fidélité au suzerain, laissent passer sans un mot de commentaire tant
334 fidélité au suzerain, laissent passer sans un mot de commentaire tant d’actions aussi peu défendables ? Comment peuvent-il
335 , laissent passer sans un mot de commentaire tant d’ actions aussi peu défendables ? Comment peuvent-ils nous présenter tel
336 mment peuvent-ils nous présenter tel qu’un modèle de chevalerie ce Tristan qui a trompé son roi par les ruses les plus cyn
337 de « félons » les barons qui défendent l’honneur de Marc ? Même si la jalousie les meut, ils n’ont du moins ni menti ni t
338 moins ni menti ni trompé, et ce n’est pas le cas de Tristan… Enfin l’on en vient à douter de la valeur même des rares mot
339 s le cas de Tristan… Enfin l’on en vient à douter de la valeur même des rares motifs allégués. En effet, si la morale de l
340 des rares motifs allégués. En effet, si la morale de la fidélité au suzerain exige que Tristan livre à Marc la fiancée qu’
341 iancée qu’il alla quérir12, on ne peut s’empêcher de penser que ces scrupules sont bien tardifs et peu sincères, puisque T
342 bien tardifs et peu sincères, puisque Tristan n’a de cesse qu’il ne rentre à la cour, auprès d’Iseut… Et ce philtre qui ce
343 an n’a de cesse qu’il ne rentre à la cour, auprès d’ Iseut… Et ce philtre qui cesse d’agir, n’était-il pas destiné aux épou
344 la cour, auprès d’Iseut… Et ce philtre qui cesse d’ agir, n’était-il pas destiné aux époux ? Alors, pourquoi limiter sa du
345 durée ? Trois ans, ce n’est guère pour le bonheur d’ un couple. Et quand Tristan épouse l’autre Iseut « pour son nom et pou
346 ieuse, et qu’il se met dans une situation qui n’a d’ autre issue que la mort ? 6.Chevalerie contre Mariage Un moderne
347 ontre Mariage Un moderne commentateur du Roman de Tristan et Iseut veut y voir un « conflit cornélien entre l’amour et
348 t le devoir ». Cette interprétation classique est d’ un aimable anachronisme. Outre qu’elle abuse de Corneille, elle paraît
349 st d’un aimable anachronisme. Outre qu’elle abuse de Corneille, elle paraît ignorer l’un de ces faits dont l’envergure éch
350 elle abuse de Corneille, elle paraît ignorer l’un de ces faits dont l’envergure échappe souvent aux prises de l’érudition
351 faits dont l’envergure échappe souvent aux prises de l’érudition scrupuleuse. Je veux parler de l’opposition qui se manife
352 prises de l’érudition scrupuleuse. Je veux parler de l’opposition qui se manifeste dès la seconde moitié du xiie siècle e
353 es premiers auteurs qui en parlent ont l’habitude de déplorer sa décadence : mais ils oublient que, telle qu’ils la souhai
354 à peine de naître dans leurs rêves. N’est-il pas de l’essence d’un idéal que l’on déplore sa décadence à l’instant même o
355 aître dans leurs rêves. N’est-il pas de l’essence d’ un idéal que l’on déplore sa décadence à l’instant même où il essaie m
356 ence à l’instant même où il essaie maladroitement de se réaliser ? D’autre part, la chance du roman n’est-elle pas d’oppos
357 ? D’autre part, la chance du roman n’est-elle pas d’ opposer la fiction d’un certain idéal de vie aux réalités tyranniques 
358 ance du roman n’est-elle pas d’opposer la fiction d’ un certain idéal de vie aux réalités tyranniques ? Plus d’une énigme q
359 -elle pas d’opposer la fiction d’un certain idéal de vie aux réalités tyranniques ? Plus d’une énigme que nous pose le Rom
360 tain idéal de vie aux réalités tyranniques ? Plus d’ une énigme que nous pose le Roman nous incite à chercher de ce côté le
361 gme que nous pose le Roman nous incite à chercher de ce côté les éléments d’une première solution. Si l’on admet que l’ave
362 an nous incite à chercher de ce côté les éléments d’ une première solution. Si l’on admet que l’aventure de Tristan devait
363 e première solution. Si l’on admet que l’aventure de Tristan devait servir à illustrer le conflit de la chevalerie et de l
364 e de Tristan devait servir à illustrer le conflit de la chevalerie et de la société féodale — donc le conflit de deux devo
365 servir à illustrer le conflit de la chevalerie et de la société féodale — donc le conflit de deux devoirs ou même, nous l’
366 alerie et de la société féodale — donc le conflit de deux devoirs ou même, nous l’avons vu page 16, le conflit de deux « r
367 oirs ou même, nous l’avons vu page 16, le conflit de deux « religions » —, l’on s’aperçoit que bien des épisodes s’éclaire
368 tes les difficultés, elle en repousse la solution d’ une manière significative. En quoi le roman breton se distingue-t-il d
369 cative. En quoi le roman breton se distingue-t-il de la chanson de geste, qu’il supplanta dès la seconde moitié du xiie s
370 i le roman breton se distingue-t-il de la chanson de geste, qu’il supplanta dès la seconde moitié du xiie siècle avec une
371 le troubadour méridional, se reconnaît le vassal d’ une Dame élue. Mais en fait, il demeure le vassal d’un seigneur. D’où
372 une Dame élue. Mais en fait, il demeure le vassal d’ un seigneur. D’où naîtront des conflits de droit, dont le Roman offre
373 Mais en fait, il demeure le vassal d’un seigneur. D’ où naîtront des conflits de droit, dont le Roman offre plus d’un exemp
374 vassal d’un seigneur. D’où naîtront des conflits de droit, dont le Roman offre plus d’un exemple. Reprenons l’épisode des
375 t des conflits de droit, dont le Roman offre plus d’ un exemple. Reprenons l’épisode des trois barons « félons ». Selon la
376 ns ». Selon la morale féodale, le vassal est tenu de dénoncer au seigneur tout ce qui lèse son droit ou son honneur : il e
377  » et loyaux. Et si l’auteur les traite cependant de félons, c’est en vertu d’un autre code évidemment, qui ne peut être q
378 autre code évidemment, qui ne peut être que celui de la chevalerie du Midi. La décision des cours d’amour de la Gascogne e
379 i de la chevalerie du Midi. La décision des cours d’ amour de la Gascogne est bien connue : félon sera celui qui révèle les
380 chevalerie du Midi. La décision des cours d’amour de la Gascogne est bien connue : félon sera celui qui révèle les secrets
381 connue : félon sera celui qui révèle les secrets de l’amour courtois. Ce seul exemple suffirait à démontrer que les auteu
382 le droit féodal. Mais nous avons d’autres raisons de le croire. La conception de la fidélité et du mariage, selon l’amour
383 vons d’autres raisons de le croire. La conception de la fidélité et du mariage, selon l’amour courtois, est seule capable
384 ariage, selon l’amour courtois, est seule capable d’ expliquer certaines contradictions frappantes du récit. Selon la thèse
385 se officiellement admise, l’amour courtois est né d’ une réaction à l’anarchie brutale des mœurs féodales. On sait que le m
386 nu pour les seigneurs une pure et simple occasion de s’enrichir, et d’annexer des terres données en dot ou espérées en hér
387 urs une pure et simple occasion de s’enrichir, et d’ annexer des terres données en dot ou espérées en héritage. Quand l’« a
388 tournait mal, on répudiait sa femme. Le prétexte de l’inceste, curieusement exploité, trouvait l’Église sans résistance :
389 trouvait l’Église sans résistance : il suffisait d’ alléguer sans trop de preuves, une parenté au quatrième degré, pour ob
390 ns résistance : il suffisait d’alléguer sans trop de preuves, une parenté au quatrième degré, pour obtenir l’annulation. À
391 our obtenir l’annulation. À ces abus, générateurs de querelles infinies et de guerres, l’amour courtois oppose une fidélit
392 À ces abus, générateurs de querelles infinies et de guerres, l’amour courtois oppose une fidélité indépendante du mariage
393 e sont pas compatibles : c’est le fameux jugement d’ une cour d’amour tenue chez la comtesse de Champagne. (Appendice 3.) S
394 compatibles : c’est le fameux jugement d’une cour d’ amour tenue chez la comtesse de Champagne. (Appendice 3.) Si Tristan,
395 et l’auteur du Roman, partagent une telle manière de voir, la félonie et l’adultère sont excusés, et plus qu’excusés, magn
396 élité à la loi supérieure du donnoi, c’est-à-dire de l’amour courtois. (Donnoi, ou domnei en provençal, désigne la relatio
397 nnoi, ou domnei en provençal, désigne la relation de vasselage instituée entre l’amant-chevalier et sa Dame, ou domina). F
398 e, on l’a vu, le Roman ne manque pas une occasion de rabaisser l’institution sociale, d’humilier le mari — roi aux oreille
399 une occasion de rabaisser l’institution sociale, d’ humilier le mari — roi aux oreilles de cheval, toujours si facilement
400 on sociale, d’humilier le mari — roi aux oreilles de cheval, toujours si facilement dupé — et de glorifier la vertu de ceu
401 illes de cheval, toujours si facilement dupé — et de glorifier la vertu de ceux qui s’aiment hors du mariage et contre lui
402 urs si facilement dupé — et de glorifier la vertu de ceux qui s’aiment hors du mariage et contre lui. Mais cette fidélité
403 pose, autant qu’au mariage, à la « satisfaction » de l’amour. « Il ne sait de donnoi vraiment rien celui qui désire l’enti
404 e, à la « satisfaction » de l’amour. « Il ne sait de donnoi vraiment rien celui qui désire l’entière possession de sa dame
405 aiment rien celui qui désire l’entière possession de sa dame. Cela n’est plus amour, qui tourne à la réalité 13. » Voilà q
406 à la réalité 13. » Voilà qui nous met sur la voie d’ une première explication d’épisodes tels que ceux de l’épée de chastet
407 i nous met sur la voie d’une première explication d’ épisodes tels que ceux de l’épée de chasteté, du retour d’Iseut à son
408 une première explication d’épisodes tels que ceux de l’épée de chasteté, du retour d’Iseut à son mari après la retraite da
409 re explication d’épisodes tels que ceux de l’épée de chasteté, du retour d’Iseut à son mari après la retraite dans le Moro
410 es tels que ceux de l’épée de chasteté, du retour d’ Iseut à son mari après la retraite dans le Morois, ou même du mariage
411 retraite dans le Morois, ou même du mariage blanc de Tristan. En effet, le « droit de la passion » au sens où l’entendent
412 du mariage blanc de Tristan. En effet, le « droit de la passion » au sens où l’entendent les modernes, permettrait à Trist
413 ù l’entendent les modernes, permettrait à Tristan d’ enlever Iseut, après qu’ils ont bu le philtre. Cependant il la livre à
414 Cependant il la livre à Marc : c’est que la règle de l’amour courtois s’oppose à ce qu’une telle passion « tourne à la réa
415 , c’est-à-dire aboutisse à l’« entière possession de sa dame ». Tristan choisira donc, dans ce cas, d’observer la fidélité
416 de sa dame ». Tristan choisira donc, dans ce cas, d’ observer la fidélité féodale, masque et complice énigmatique de la fid
417 fidélité féodale, masque et complice énigmatique de la fidélité courtoise. Il choisit en toute liberté, car nous avons ma
418 e plan féodal qu’il adopte, faire valoir le droit de la force… Étrange amour, va-t-on penser, qui se conforme aux lois qui
419 s qui le condamnent, afin de mieux se conserver ! D’ où peut venir cette préférence pour ce qui entrave la passion, pour ce
420 t pas encore répondre sur le fonds, car il s’agit de savoir pourquoi l’on préfère cet amour à l’autre, à celui qui se « ré
421 t vraisemblable, que le Roman illustre un conflit de « religions », nous avons pu préciser et cerner les principales diffi
422 pu préciser et cerner les principales difficultés de l’intrigue : mais en fin de compte, la solution se trouve simplement
423 our du roman Si l’on se reporte à notre résumé de la légende, on ne peut manquer d’être frappé de ce fait : les deux lo
424 à notre résumé de la légende, on ne peut manquer d’ être frappé de ce fait : les deux lois qui entrent en jeu, chevalerie
425 é de la légende, on ne peut manquer d’être frappé de ce fait : les deux lois qui entrent en jeu, chevalerie et morale féod
426 es seules situations où elles permettent au roman de rebondir 14. Cette remarque à son tour ne saurait constituer par elle
427 nstituer par elle-même une explication. À chacune de nos questions, il serait évidemment facile de répondre : les choses s
428 une de nos questions, il serait évidemment facile de répondre : les choses se passent ainsi parce qu’autrement il n’y aura
429 ssent ainsi parce qu’autrement il n’y aurait plus de roman. Mais cette réponse ne paraît convaincante qu’en vertu d’une co
430 convaincante qu’en vertu d’une coutume paresseuse de notre critique littéraire. En vérité, elle ne répond à rien. Elle nou
431 t pas sans danger. Elle nous met en effet au cœur de tout le problème — et sa portée dépasse sans aucun doute le cas parti
432 ortée dépasse sans aucun doute le cas particulier de notre mythe. Pour qui se place, par un effort d’abstraction, à l’exté
433 de notre mythe. Pour qui se place, par un effort d’ abstraction, à l’extérieur du phénomène commun au romancier et au lect
434 aît qu’une convention tacite, ou mieux, une sorte de complicité les lie : la volonté que le roman continue, ou comme on di
435 ndisse. Supprimez cette volonté, il n’y aura plus de vraisemblance qui tienne : c’est ce qui se passe dans le cas de l’His
436 ce qui tienne : c’est ce qui se passe dans le cas de l’Histoire scientifique. (Le lecteur d’un ouvrage « sérieux » sera d’
437 ns le cas de l’Histoire scientifique. (Le lecteur d’ un ouvrage « sérieux » sera d’autant plus exigeant qu’il sait que le d
438 ifique. (Le lecteur d’un ouvrage « sérieux » sera d’ autant plus exigeant qu’il sait que le déroulement des faits ne doit d
439 que le déroulement des faits ne doit dépendre ni de son désir ni des fantaisies de l’auteur.) Supposez au contraire cette
440 e doit dépendre ni de son désir ni des fantaisies de l’auteur.) Supposez au contraire cette volonté toute pure, il n’y aur
441 traire cette volonté toute pure, il n’y aura plus d’ invraisemblance possible : c’est le cas du conte. Entre ces deux extrê
442 du conte. Entre ces deux extrêmes, il est autant de niveaux de vraisemblance que de sujets. Ou si l’on veut : la vraisemb
443 Entre ces deux extrêmes, il est autant de niveaux de vraisemblance que de sujets. Ou si l’on veut : la vraisemblance dépen
444 es, il est autant de niveaux de vraisemblance que de sujets. Ou si l’on veut : la vraisemblance dépend, pour un ouvrage ro
445 mblance dépend, pour un ouvrage romanesque donné, de la nature des passions qu’il veut flatter. C’est dire que l’on accept
446 flatter. C’est dire que l’on acceptera le « coup de pouce » du créateur, et les entorses qu’il fait subir à la « logique 
447 et les entorses qu’il fait subir à la « logique » d’ observation courante, dans la mesure exacte où ces licences fourniront
448 on que l’on désire éprouver. Ainsi, le vrai sujet d’ une œuvre est révélé par la nature des « trucs » que l’auteur fait int
449 les obstacles extérieurs qui s’opposent à l’amour de Tristan sont dans un certain sens gratuits, c’est-à-dire qu’ils ne so
450 dre, que des artifices romanesques. Or il résulte de nos remarques au sujet de la vraisemblance, que la gratuité même des
451 des obstacles invoqués peut révéler le vrai sujet d’ une œuvre, la vraie nature de la passion qu’elle met en jeu. Il faut s
452 évéler le vrai sujet d’une œuvre, la vraie nature de la passion qu’elle met en jeu. Il faut sentir qu’ici tout est symbole
453 pose à la manière d’un rêve, et non point à celle de nos vies : les prétextes du romancier, les actions de ses deux héros,
454 os vies : les prétextes du romancier, les actions de ses deux héros, et les préférences secrètes qu’il suppose chez son le
455 faits » ne sont que les images ou les projections d’ un désir, de ce qui s’y oppose, de ce qui peut l’exalter, ou simplemen
456 ont que les images ou les projections d’un désir, de ce qui s’y oppose, de ce qui peut l’exalter, ou simplement le faire d
457 les projections d’un désir, de ce qui s’y oppose, de ce qui peut l’exalter, ou simplement le faire durer. Tout manifeste,
458 t manifeste, dans le comportement du chevalier et de la princesse, une exigence ignorée d’eux — et peut-être du romancier 
459 hevalier et de la princesse, une exigence ignorée d’ eux — et peut-être du romancier — mais plus profonde que celle de leur
460 -être du romancier — mais plus profonde que celle de leur bonheur. Pas un des obstacles qu’ils rencontrent ne se révèle, o
461 ! On peut dire qu’ils ne perdent pas une occasion de se séparer. Quand il n’y a pas d’obstacle, ils en inventent : l’épée
462 as une occasion de se séparer. Quand il n’y a pas d’ obstacle, ils en inventent : l’épée nue, le mariage de Tristan. Ils en
463 stacle, ils en inventent : l’épée nue, le mariage de Tristan. Ils en inventent comme à plaisir, — bien qu’ils en souffrent
464 et du lecteur ? Mais c’est tout un, car le démon de l’amour courtois qui inspire au cœur des amants les ruses d’où naît l
465 courtois qui inspire au cœur des amants les ruses d’ où naît leur souffrance, c’est le démon même du roman tel que l’aiment
466 l’aiment les Occidentaux. Quel est le vrai sujet de la légende ? La séparation des amants ? Oui, mais au nom de la passio
467 ? Oui, mais au nom de la passion, et pour l’amour de l’amour même qui les tourmente, pour l’exalter, pour le transfigurer
468 le transfigurer — au détriment de leur bonheur et de leur vie même… ⁂ Nous commençons à distinguer le sens secret et inqui
469 ressemble au vertige… Mais ce n’est plus l’heure de se détourner. Nous sommes atteints, nous subissons le charme, nous co
470 e. Mais la passion du philosophe n’est-elle point de méditer dans le vertige ? Il se peut que la connaissance ne soit rien
471 ige ? Il se peut que la connaissance ne soit rien d’ autre que l’effort d’un esprit qui résiste à la chute, et qui se défen
472 la connaissance ne soit rien d’autre que l’effort d’ un esprit qui résiste à la chute, et qui se défend au sein de la tenta
473 i se défend au sein de la tentation… 8.L’amour de l’amour De tous les maux, le mien diffère ; il me plaît ; je me ré
474 sein de la tentation… 8.L’amour de l’amour De tous les maux, le mien diffère ; il me plaît ; je me réjouis de lui ;
475 ux, le mien diffère ; il me plaît ; je me réjouis de lui ; mon mal est ce que je veux et ma douleur est ma santé. Je ne vo
476 x et ma douleur est ma santé. Je ne vois donc pas de quoi je me plains, car mon mal me vient de ma volonté ; c’est mon vou
477 mon vouloir qui devient mon mal ; mais j’ai tant d’ aise à vouloir ainsi que je souffre agréablement, et tant de joie dans
478 ces. Chrétien de Troyes. Il faut avoir l’audace de poser la question : Tristan aime-t-il Iseut ? Est-il aimé par elle ?
479 est point, comme l’a dit à peu près Valéry.) Rien d’ humain ne paraît rapprocher nos amants, bien au contraire. Lors de leu
480 ur première rencontre, ils n’ont que des rapports de politesse conventionnelle. Et quand Tristan revient en quête d’Iseut,
481 onventionnelle. Et quand Tristan revient en quête d’ Iseut, on se souvient que cette politesse fait place à la plus franche
482 ndresse va-t-elle naître et les unir, à la faveur de ce destin magique ? Dans tout le Roman, dans ces milliers de vers, je
483 n magique ? Dans tout le Roman, dans ces milliers de vers, je n’en ai trouvé qu’une seule trace. C’est quand ils vivent da
484 seule trace. C’est quand ils vivent dans la forêt de Morois, après l’évasion de Tristan. Aspre vie meinent et dure : Tant
485 s vivent dans la forêt de Morois, après l’évasion de Tristan. Aspre vie meinent et dure : Tant s’entr’aiment de bonne amo
486 . Aspre vie meinent et dure : Tant s’entr’aiment de bonne amor L’un par l’autre ne sent dolor. Dira-t-on que les poètes
487 l’autre ne sent dolor. Dira-t-on que les poètes de cette époque furent moins sentimentaux que nous ne le sommes devenus,
488 es devenus, et qu’ils n’éprouvaient pas le besoin d’ insister sur ce qui va de soi ? Qu’on lise alors, attentivement, le ré
489 lles, qui sont peut-être aussi les plus profondes de la légende, ce sont les deux visites que les amants font à l’ermite O
490 se confesser. Mais au lieu d’avouer leur péché et de demander l’absolution, ils s’efforcent de démontrer qu’ils n’ont aucu
491 éché et de demander l’absolution, ils s’efforcent de démontrer qu’ils n’ont aucune responsabilité dans l’aventure, puisqu’
492 ! Q’el m’aime, c’est par la poison Ge ne me pus de lié partir, N’ele de moi… Ainsi parle Tristan. Et Iseut après lui :
493 t par la poison Ge ne me pus de lié partir, N’ele de moi… Ainsi parle Tristan. Et Iseut après lui : Sire, por Dieu omnip
494 is « par-delà le bien et le mal », dans une sorte de transcendance de nos communes conditions, dans un absolu indicible, i
495 bien et le mal », dans une sorte de transcendance de nos communes conditions, dans un absolu indicible, incompatible avec
496 du bien et du mal ; elle les conduit même au-delà de l’origine de toutes valeurs morales, au-delà du plaisir et de la souf
497 mal ; elle les conduit même au-delà de l’origine de toutes valeurs morales, au-delà du plaisir et de la souffrance, au-de
498 de toutes valeurs morales, au-delà du plaisir et de la souffrance, au-delà du domaine où l’on distingue, et où les contra
499 n’appartient ni à l’un ni à l’autre, mais relève d’ une puissance étrangère, indépendante de leurs qualités, de leurs dési
500 is relève d’une puissance étrangère, indépendante de leurs qualités, de leurs désirs, au moins conscients, et de leur être
501 ssance étrangère, indépendante de leurs qualités, de leurs désirs, au moins conscients, et de leur être tel qu’ils le conn
502 ualités, de leurs désirs, au moins conscients, et de leur être tel qu’ils le connaissent. Les traits physiques et psycholo
503 nnaissent. Les traits physiques et psychologiques de cet homme et de cette femme sont parfaitement conventionnels et rhéto
504 raits physiques et psychologiques de cet homme et de cette femme sont parfaitement conventionnels et rhétoriques. Lui, c’e
505 à propos de la durée du philtre est le contraire d’ une amitié réelle. Bien plus, si l’amitié morale se fait jour, ce n’es
506 moment où la passion faiblit. Et le premier effet de cette amitié naissante n’est pas du tout d’unir davantage les amants,
507 effet de cette amitié naissante n’est pas du tout d’ unir davantage les amants, mais au contraire de leur montrer qu’ils on
508 ls ont tout intérêt à se quitter. Voyons ce point d’ un peu plus près. L’endemain de la saint Jehan Aconpli furent li troi
509 . Voyons ce point d’un peu plus près. L’endemain de la saint Jehan Aconpli furent li troi an. Tristan chassait dans la f
510 . Il regrette « le vair et le gris » et l’apparat de chevalerie, et le haut rang qu’il pourrait occuper parmi les barons d
511 haut rang qu’il pourrait occuper parmi les barons de son oncle. Il songe aussi à son amie, — pour la première fois semble-
512 lle pourrait être « en beles chambres… portendües de dras de soie ». Iseut de son côté, à la même heure conçoit les mêmes
513 rait être « en beles chambres… portendües de dras de soie ». Iseut de son côté, à la même heure conçoit les mêmes regrets.
514 les chambres… portendües de dras de soie ». Iseut de son côté, à la même heure conçoit les mêmes regrets. Le soir venu, il
515 ent : « En mal uson notre jovente… ». La décision de se séparer est bientôt prise. Tristan propose de « gerpir » en Bretag
516 de se séparer est bientôt prise. Tristan propose de « gerpir » en Bretagne. Auparavant, ils iront voir Ogrin l’ermite pou
517 oignante définition qu’un poète ait jamais donnée de la passion ! À lui seul, ce vers exprime tout, et avec une force de l
518 lui seul, ce vers exprime tout, et avec une force de langage qui fait pâlir le romantisme tout entier ! Qui nous rendra ce
519 stan reçoit la réponse favorable du roi acceptant de reprendre Iseut : Dex ! dist Tristan, quel departie ! Mot est dolenz
520 auprès de son ami ; plus heureuse dans le malheur d’ amour que dans leur vie commune du Morois… ⁂ On sait d’ailleurs que pa
521  lui par elle, elle par lui… » L’égoïsme apparent d’ un tel amour expliquerait à lui seul bien des « hasards », bien des ma
522 qu’ils aiment, c’est l’amour, c’est le fait même d’ aimer. Et ils agissent comme s’ils avaient compris que tout ce qui s’o
523 ur cœur, pour l’exalter à l’infini dans l’instant de l’obstacle absolu, qui est la mort. Tristan aime se sentir aimer, bie
524 . Et Iseut ne fait rien pour retenir Tristan près d’ elle : il lui suffit d’un rêve passionné. Ils ont besoin l’un de l’aut
525 pour retenir Tristan près d’elle : il lui suffit d’ un rêve passionné. Ils ont besoin l’un de l’autre pour brûler, mais no
526 i suffit d’un rêve passionné. Ils ont besoin l’un de l’autre pour brûler, mais non de l’autre tel qu’il est ; et non de la
527 ont besoin l’un de l’autre pour brûler, mais non de l’autre tel qu’il est ; et non de la présence de l’autre, mais bien p
528 rûler, mais non de l’autre tel qu’il est ; et non de la présence de l’autre, mais bien plutôt de son absence ! La séparat
529 de l’autre tel qu’il est ; et non de la présence de l’autre, mais bien plutôt de son absence ! La séparation des amants
530 t non de la présence de l’autre, mais bien plutôt de son absence ! La séparation des amants résulte ainsi de leur passion
531 absence ! La séparation des amants résulte ainsi de leur passion même, et de l’amour qu’ils portent à leur passion plutôt
532 des amants résulte ainsi de leur passion même, et de l’amour qu’ils portent à leur passion plutôt qu’à son contentement, p
533 à son contentement, plutôt qu’à son vivant objet. D’ où les obstacles multipliés par le Roman ; d’où l’indifférence étonnan
534 jet. D’où les obstacles multipliés par le Roman ; d’ où l’indifférence étonnante de ces complices d’un même rêve au sein du
535 liés par le Roman ; d’où l’indifférence étonnante de ces complices d’un même rêve au sein duquel chacun d’eux reste seul ;
536  ; d’où l’indifférence étonnante de ces complices d’ un même rêve au sein duquel chacun d’eux reste seul ; d’où le crescend
537 es complices d’un même rêve au sein duquel chacun d’ eux reste seul ; d’où le crescendo romanesque et la mortelle apothéose
538 ême rêve au sein duquel chacun d’eux reste seul ; d’ où le crescendo romanesque et la mortelle apothéose. Dualité irrémédia
539 » soupire Tristan. Pourtant il sent déjà, au fond de la nuit qui vient, poindre la flamme secrète, ravivée par l’absence.
540 amme secrète, ravivée par l’absence. 9.L’amour de la Mort Mais il nous faut pousser plus loin : l’amabam amare d’Aug
541 s il nous faut pousser plus loin : l’amabam amare d’ Augustin est une émouvante formule dont lui-même ne s’est pas satisfai
542 cle dont nous avons souvent parlé, et la création de l’obstacle par la passion des deux héros (confondant ici ses effets a
543 s deux héros (confondant ici ses effets avec ceux de l’exigence romanesque et de l’attente du lecteur) — cet obstacle n’es
544 ses effets avec ceux de l’exigence romanesque et de l’attente du lecteur) — cet obstacle n’est-il qu’un prétexte, nécessa
545 le n’est-il qu’un prétexte, nécessaire au progrès de la passion, ou n’est-il pas lié à la passion d’une manière beaucoup p
546 s de la passion, ou n’est-il pas lié à la passion d’ une manière beaucoup plus profonde ? N’est-il pas l’objet même de la p
547 eaucoup plus profonde ? N’est-il pas l’objet même de la passion, — si l’on descend au fond du mythe ? ⁂ Nous avons vu que
548 es revoirs successifs des amants15. Or les causes de séparation sont de deux sortes : circonstances extérieures adverses,
549 fs des amants15. Or les causes de séparation sont de deux sortes : circonstances extérieures adverses, entraves inventées
550 ventées par Tristan. Tristan ne se comportera pas de la même manière dans les deux cas. Et il n’est pas sans intérêt de dé
551 e dans les deux cas. Et il n’est pas sans intérêt de dégager cette dialectique de l’obstacle dans le Roman. Lorsque ce son
552 est pas sans intérêt de dégager cette dialectique de l’obstacle dans le Roman. Lorsque ce sont les circonstances sociales
553 tances sociales qui menacent les amants (présence de Marc, méfiance des barons, jugement de Dieu, etc.), Tristan bondit pa
554 (présence de Marc, méfiance des barons, jugement de Dieu, etc.), Tristan bondit par-dessus l’obstacle (le saut d’un lit à
555 .), Tristan bondit par-dessus l’obstacle (le saut d’ un lit à l’autre en est le symbole). Quitte à souffrir (sa blessure se
556 ’il oublie la douleur et le danger dans l’ivresse de son « déduit ». Pourtant, le sang de sa blessure le trahit. C’est la
557 ns l’ivresse de son « déduit ». Pourtant, le sang de sa blessure le trahit. C’est la « marque rouge » qui met le roi sur l
558 t la « marque rouge » qui met le roi sur la trace de l’adultère. Quant à nous, elle nous met sur la trace du dessein secre
559 laquelle Tristan le surmonte est une affirmation de la vie. En tout cela, Tristan n’obéit qu’à la coutume féodale des che
560 u’à la coutume féodale des chevaliers : il s’agit de faire preuve de « valeur », il s’agit d’être le plus fort, ou le plus
561 éodale des chevaliers : il s’agit de faire preuve de « valeur », il s’agit d’être le plus fort, ou le plus rusé. Nous avon
562 l s’agit de faire preuve de « valeur », il s’agit d’ être le plus fort, ou le plus rusé. Nous avons vu que cela le conduira
563 ut autre est l’attitude du chevalier lorsque rien d’ extérieur à eux-mêmes ne sépare plus les amants. C’est même l’inverse
564 leurs corps demeurés vêtus, c’est encore occasion de prouesse, mais cette fois-ci contre lui-même, à ses dépens. Puisqu’il
565 ement la hiérarchie des préférences du conteur et de son lecteur. L’obstacle le plus grave, c’est donc celui que l’on préf
566 n. Notons aussi qu’en cette extrémité, la volonté de se séparer revêt une valeur affective plus forte que la passion même.
567 orte que la passion même. La mort, qui est le but de la passion, la tue. Mais l’épée nue n’est pas encore l’expression déc
568 pas encore l’expression décisive du désir sombre, de la fin même de la passion (au double sens du mot fin). L’admirable ép
569 pression décisive du désir sombre, de la fin même de la passion (au double sens du mot fin). L’admirable épisode des épées
570 l’on se rappelle qu’il substitue son arme à celle de son rival. Cela signifie qu’à l’obstacle désiré et librement créé par
571 rement créé par les amants, il substitue le signe de son pouvoir social, l’obstacle légal, objectif. Tristan relève ce déf
572 bstacle légal, objectif. Tristan relève ce défi : d’ où le rebondissement de l’action. Et ici le mot prend un sens symboliq
573 . Tristan relève ce défi : d’où le rebondissement de l’action. Et ici le mot prend un sens symbolique : l’action empêche l
574 sens symbolique : l’action empêche la « passion » d’ être totale, car la passion, c’est « ce que l’on subit » — à la limite
575 d’autres termes cette action est un nouveau délai de la passion, c’est-à-dire un retard de la Mort. ⁂ On retrouvera la mêm
576 uveau délai de la passion, c’est-à-dire un retard de la Mort. ⁂ On retrouvera la même dialectique entre les deux mariages
577 lectique entre les deux mariages du Roman : celui d’ Iseut la Blonde avec le Roi, et celui d’Iseut aux blanches mains avec
578 n : celui d’Iseut la Blonde avec le Roi, et celui d’ Iseut aux blanches mains avec Tristan. Le premier de ces mariages est
579 Iseut aux blanches mains avec Tristan. Le premier de ces mariages est l’obstacle de fait. Il est symbolisé par l’existence
580 ristan. Le premier de ces mariages est l’obstacle de fait. Il est symbolisé par l’existence concrète du mari, méprisé par
581 e du mari, méprisé par l’amour courtois. Occasion de prouesse classique et de rebondissements faciles. L’existence du mari
582 amour courtois. Occasion de prouesse classique et de rebondissements faciles. L’existence du mari, l’obstacle de l’adultèr
583 ssements faciles. L’existence du mari, l’obstacle de l’adultère, c’est le premier prétexte venu, le plus naturellement ima
584 ue à plaisir ! Sans le mari, je ne donne pas plus de trois ans à l’amour de Tristan et Iseut. Et en effet, la grande sages
585 mari, je ne donne pas plus de trois ans à l’amour de Tristan et Iseut. Et en effet, la grande sagesse du vieux Béroul, c’e
586 n effet, la grande sagesse du vieux Béroul, c’est d’ avoir limité à cette durée l’action du philtre : « La mère Iseut qui l
587 re : « La mère Iseut qui le bollit. — À trois anz d’ amistié le fist. » Sans le mari, il ne resterait aux deux amants qu’à
588 tan puisse jamais épouser Iseut. Elle est le type de femme qu’on n’épouse point, car alors on cesserait de l’aimer, puisqu
589 emme qu’on n’épouse point, car alors on cesserait de l’aimer, puisqu’elle cesserait d’être ce qu’elle est. Imaginez cela :
590 rs on cesserait de l’aimer, puisqu’elle cesserait d’ être ce qu’elle est. Imaginez cela : Madame Tristan ! C’est la négatio
591 maginez cela : Madame Tristan ! C’est la négation de la passion, au moins de celle dont nous nous occupons. L’ardeur amour
592 istan ! C’est la négation de la passion, au moins de celle dont nous nous occupons. L’ardeur amoureuse spontanée, couronné
593 st une flambée qui ne peut pas survivre à l’éclat de sa consommation. Mais sa brûlure demeure inoubliable, et c’est elle q
594 mants veulent prolonger et renouveler à l’infini. D’ où les périls nouveaux qu’ils vont défier. Mais la valeur du chevalier
595 surmontés. C’est alors qu’il s’éloigne, en quête d’ aventures plus secrètes et plus profondes, l’on dirait même : plus int
596 d’Iseut aux blanches mains croit son ami amoureux de sa sœur. Cette erreur — provoquée par le nom des deux femmes — est la
597 deux femmes — est la seule « raison » du mariage de Tristan. L’on voit qu’il lui serait aisé de s’expliquer. Mais une foi
598 riage de Tristan. L’on voit qu’il lui serait aisé de s’expliquer. Mais une fois de plus, l’honneur interviendra, et au seu
599 de plus, l’honneur interviendra, et au seul titre de prétexte, pour empêcher Tristan de se dédire. C’est que l’amant press
600 au seul titre de prétexte, pour empêcher Tristan de se dédire. C’est que l’amant pressent, dans cette nouvelle épreuve qu
601 cette nouvelle épreuve qu’il s’impose, l’occasion d’ un progrès décisif. Ce mariage blanc avec une femme qu’il trouve belle
602 hasteté du chevalier marié répond à la déposition de l’épée nue entre les corps. Mais une chasteté volontaire, c’est un su
603 n suicide symbolique — (on voit ici le sens caché de l’épée). C’est une victoire de l’idéal courtois sur la robuste tradit
604 ici le sens caché de l’épée). C’est une victoire de l’idéal courtois sur la robuste tradition celtique qui affirmait l’or
605 obuste tradition celtique qui affirmait l’orgueil de vivre. C’est une manière de purification de ce qui subsistait, dans l
606 i affirmait l’orgueil de vivre. C’est une manière de purification de ce qui subsistait, dans le désir, de spontané, d’anim
607 gueil de vivre. C’est une manière de purification de ce qui subsistait, dans le désir, de spontané, d’animal et d’actif. V
608 purification de ce qui subsistait, dans le désir, de spontané, d’animal et d’actif. Victoire de la « passion » sur le dési
609 de ce qui subsistait, dans le désir, de spontané, d’ animal et d’actif. Victoire de la « passion » sur le désir. Triomphe d
610 bsistait, dans le désir, de spontané, d’animal et d’ actif. Victoire de la « passion » sur le désir. Triomphe de la mort su
611 désir, de spontané, d’animal et d’actif. Victoire de la « passion » sur le désir. Triomphe de la mort sur la vie. ⁂ Ainsi
612 Victoire de la « passion » sur le désir. Triomphe de la mort sur la vie. ⁂ Ainsi donc cette préférence accordée à l’obstac
613 ccordée à l’obstacle voulu, c’était l’affirmation de la mort, c’était un progrès vers la Mort ! Mais vers une mort d’amour
614 tait un progrès vers la Mort ! Mais vers une mort d’ amour, vers une mort volontaire au terme d’une série d’épreuves dont T
615 e mort d’amour, vers une mort volontaire au terme d’ une série d’épreuves dont Tristan sortira purifié ; vers une mort qui
616 ur, vers une mort volontaire au terme d’une série d’ épreuves dont Tristan sortira purifié ; vers une mort qui soit une tra
617 non pas un hasard brutal. Il s’agit donc toujours de ramener la fatalité extérieure à une fatalité interne, librement assu
618 librement assumée par les amants. C’est le rachat de leur destin qu’ils accomplissent en mourant par amour : c’est une rev
619 e. Et l’on assiste, in extremis, au renversement de la dialectique passion-obstacle. Vraiment ce n’est plus l’obstacle qu
620 iment ce n’est plus l’obstacle qui est au service de la passion fatale, mais au contraire il est devenu le but, la fin dés
621 elle-même. Et la passion n’a donc joué qu’un rôle d’ épreuve purificatrice on dirait presque de pénitence au service de cet
622 un rôle d’épreuve purificatrice on dirait presque de pénitence au service de cette mort qui transfigure. Nous touchons au
623 catrice on dirait presque de pénitence au service de cette mort qui transfigure. Nous touchons au secret dernier. L’amour
624 sfigure. Nous touchons au secret dernier. L’amour de l’amour même dissimulait une passion beaucoup plus terrible, une volo
625 que se « trahir » par des symboles tels que celui de l’épée nue ou de la périlleuse chasteté. Sans le savoir, les amants m
626 par des symboles tels que celui de l’épée nue ou de la périlleuse chasteté. Sans le savoir, les amants malgré eux n’ont j
627 n’ont jamais cherché que le rachat et la revanche de « ce qu’ils subissaient » — la passion initiée par le philtre. Au fon
628 on initiée par le philtre. Au fond le plus secret de leur cœur, c’était la volonté de la mort, la passion active de la Nui
629 d le plus secret de leur cœur, c’était la volonté de la mort, la passion active de la Nuit qui leur dictait ses décisions
630 c’était la volonté de la mort, la passion active de la Nuit qui leur dictait ses décisions fatales. 10.Le philtre E
631 the, la nécessité même qui l’a créé. Le sens réel de la passion est tellement effrayant et inavouable, que non seulement c
632 la vivent ne sauraient prendre aucune conscience de sa fin, mais que ceux qui la veulent dépeindre dans sa merveilleuse v
633 ans sa merveilleuse violence se voient contraints de recourir au langage trompeur des symboles. Laissons de côté, pour le
634 courir au langage trompeur des symboles. Laissons de côté, pour le moment, la question de savoir si les auteurs des cinq p
635 es. Laissons de côté, pour le moment, la question de savoir si les auteurs des cinq poèmes primitifs étaient ou non consci
636 s cinq poèmes primitifs étaient ou non conscients de la portée de leur œuvre. En tout état de cause, il convient de précis
637 primitifs étaient ou non conscients de la portée de leur œuvre. En tout état de cause, il convient de préciser le sens du
638 nscients de la portée de leur œuvre. En tout état de cause, il convient de préciser le sens du mot « trompeur » que nous v
639 de leur œuvre. En tout état de cause, il convient de préciser le sens du mot « trompeur » que nous venons d’utiliser. La v
640 ciser le sens du mot « trompeur » que nous venons d’ utiliser. La vulgarisation de la psychanalyse nous habitue à concevoir
641 ur » que nous venons d’utiliser. La vulgarisation de la psychanalyse nous habitue à concevoir qu’un désir refoulé « s’expr
642 terdite, l’amour inavouable, se créent un système de symboles, un langage hiéroglyphique, dont la conscience n’a pas la cl
643 me ce qu’il veut dire sans le dire. Il lui arrive de composer en un seul geste ou une seule métaphore à la fois l’expressi
644 ste ou une seule métaphore à la fois l’expression de l’objet désiré et l’expression de ce qui condamne ce désir. Ainsi l’i
645 is l’expression de l’objet désiré et l’expression de ce qui condamne ce désir. Ainsi l’interdiction reste affirmée, et l’o
646 ibles se voient du même coup satisfaites : besoin de parler de ce qu’on aime et besoin de le soustraire au jugement, amour
647 oient du même coup satisfaites : besoin de parler de ce qu’on aime et besoin de le soustraire au jugement, amour du risque
648 tes : besoin de parler de ce qu’on aime et besoin de le soustraire au jugement, amour du risque et instinct de prudence. I
649 ustraire au jugement, amour du risque et instinct de prudence. Interrogez celui qui use d’un tel langage, demandez-lui rai
650 et instinct de prudence. Interrogez celui qui use d’ un tel langage, demandez-lui raison de sa prédilection, pour telle ou
651 lui qui use d’un tel langage, demandez-lui raison de sa prédilection, pour telle ou telle image d’apparence bizarre, il ré
652 son de sa prédilection, pour telle ou telle image d’ apparence bizarre, il répondra que « c’est tout naturel », « qu’il n’e
653 « qu’il n’en sait rien », « qu’il n’y attache pas d’ importance ». S’il est poète, il parlera d’inspiration, ou au contrair
654 he pas d’importance ». S’il est poète, il parlera d’ inspiration, ou au contraire de rhétorique. Il ne sera jamais à court
655 ontraire de rhétorique. Il ne sera jamais à court de bonnes raisons pour démontrer qu’il n’est responsable de rien… Imagin
656 es raisons pour démontrer qu’il n’est responsable de rien… Imaginons maintenant le problème qui se posait à l’auteur du Ro
657 blème qui se posait à l’auteur du Roman primitif. De quel matériel symbolique — apte à cacher ce qu’il fallait traduire —
658 fallait traduire — disposait-il au xiie siècle ? De la magie et de la rhétorique chevaleresque. L’avantage de ces modes d
659 e — disposait-il au xiie siècle ? De la magie et de la rhétorique chevaleresque. L’avantage de ces modes d’expression sau
660 gie et de la rhétorique chevaleresque. L’avantage de ces modes d’expression saute aux yeux. La magie persuade sans donner
661 rhétorique chevaleresque. L’avantage de ces modes d’ expression saute aux yeux. La magie persuade sans donner de raisons, v
662 ion saute aux yeux. La magie persuade sans donner de raisons, voire dans la mesure où elle n’en donne point. Et la rhétori
663 , comme d’ailleurs toute rhétorique, est le moyen de faire passer pour « naturelles » les plus obscures propositions. Masq
664 us obscures propositions. Masque idéal ! Garantie de secret, mais aussi garantie d’approbation sans condition de la part d
665 e idéal ! Garantie de secret, mais aussi garantie d’ approbation sans condition de la part du lecteur de roman. La chevaler
666 ’approbation sans condition de la part du lecteur de roman. La chevalerie, c’est la règle sociale que les élites du siècle
667 la règle sociale que les élites du siècle rêvent d’ opposer aux pires « folies » dont elles se sentent menacées. La coutum
668 lies » dont elles se sentent menacées. La coutume de la chevalerie fournira donc le cadre du Roman. Et nous avons marqué,
669 nous avons marqué, en maint endroit, le caractère de « prétexte rêvé » des interdictions qu’elle impose. Pour la magie, vo
670 our la magie, voici quel sera son rôle. Il s’agit de dépeindre une passion dont la violence fascinante ne peut être accept
671 ra donc l’admirer qu’en tant qu’on l’aura libérée de toute espèce de lien visible avec l’humaine responsabilité. L’interve
672 r qu’en tant qu’on l’aura libérée de toute espèce de lien visible avec l’humaine responsabilité. L’intervention du philtre
673 sponsabilité. L’intervention du philtre, agissant d’ une manière fatale, et mieux encore bu par erreur, se révèle désormais
674 6. Qu’est-ce alors que le philtre ? C’est l’alibi de la passion. C’est ce qui permet aux malheureux amants de dire : « Vou
675 assion. C’est ce qui permet aux malheureux amants de dire : « Vous voyez que je n’y suis pour rien, vous voyez que c’est p
676 . » Et cependant, nous voyons bien qu’à la faveur de cette fatalité trompeuse, tous leurs actes sont orientés vers le dest
677 rs le destin mortel qu’ils aiment, avec une sorte d’ astucieuse résolution, avec une ruse d’autant plus infaillible qu’elle
678 une sorte d’astucieuse résolution, avec une ruse d’ autant plus infaillible qu’elle peut agir à l’abri du jugement. Nos ac
679 it ce but, mais la conscience n’a pas eu le temps d’ intervenir et de gauchir le geste spontané. Et c’est pourquoi les plus
680 la conscience n’a pas eu le temps d’intervenir et de gauchir le geste spontané. Et c’est pourquoi les plus belles scènes d
681 ent comme en toute innocence. ⁂ Il n’y aurait pas de mythe, il n’y aurait pas de roman, si Tristan et Iseut pouvaient dire
682 . ⁂ Il n’y aurait pas de mythe, il n’y aurait pas de roman, si Tristan et Iseut pouvaient dire quelle est la fin qu’ils se
683 vaient dire quelle est la fin qu’ils se préparent de toute leur volonté profonde, et plus que profonde, abyssale. Qui donc
684 déteste le Jour qui l’offusque ? et qu’il attend de tout son être l’anéantissement de son être ? Certains poètes, beaucou
685 et qu’il attend de tout son être l’anéantissement de son être ? Certains poètes, beaucoup plus tard, ont osé cet aveu supr
686 romancier désire flatter chez l’auditeur paraît, d’ ordinaire, plus débile. Il y a peu de chance qu’elle soit jamais pouss
687 ndubitable, par une mort qui la manifeste au-delà de tout repentir possible ! Certains mystiques ont fait plus qu’avouer :
688 , une force aveugle ou le Néant, qui s’emparaient de leur secret vouloir, mais le Dieu qui promet sa grâce, et la « vive f
689 le Dieu qui promet sa grâce, et la « vive flamme d’ amour » éclose aux « déserts » de la Nuit. Tristan, lui, ne peut rien
690 la « vive flamme d’amour » éclose aux « déserts » de la Nuit. Tristan, lui, ne peut rien avouer. Il veut comme s’il ne vou
691 sa fuite désespérée, dans la sublime coquetterie de sa fuite ! Et qu’il l’ignore, c’est essentiel à la grandeur exemplair
692 ’ignore, c’est essentiel à la grandeur exemplaire de sa vie. Les raisons de la Nuit ne sont pas celles du Jour, elles ne s
693 l à la grandeur exemplaire de sa vie. Les raisons de la Nuit ne sont pas celles du Jour, elles ne sont pas communicables a
694 Elles le méprisent. Tristan s’est fait prisonnier d’ un délire auprès duquel pâlissent toute sagesse, toute « vérité », et
695 toute « vérité », et la vie même. Il est au-delà de nos bonheurs, de nos souffrances. Il s’élance vers l’instant suprême
696 , et la vie même. Il est au-delà de nos bonheurs, de nos souffrances. Il s’élance vers l’instant suprême où la totale joui
697 ers l’instant suprême où la totale jouissance est de sombrer. ⁂ Les mots du Jour ne peuvent décrire la Nuit, mais la « mus
698 sir dont elle procède. Levez-vous, orages sonores de la mort de Tristan et d’Isolde ! Vieille et grave mélodie, dit le hér
699 le procède. Levez-vous, orages sonores de la mort de Tristan et d’Isolde ! Vieille et grave mélodie, dit le héros, tes son
700 vez-vous, orages sonores de la mort de Tristan et d’ Isolde ! Vieille et grave mélodie, dit le héros, tes sons lamentables
701 en plus inquiète, lorsque le fils apprit le sort de la mère… Quand mon père m’engendra et mourut, quand ma mère me donna
702 ète : — Pour désirer et pour mourir ! Pour mourir de désirer ! Il peut maudire ses astres, sa naissance, mais la musique e
703 me qui l’ai composé… Et je l’ai bu à longs traits de délice !… 11.L’amour réciproque malheureux Passion veut dire so
704 re et responsable. Aimer l’amour plus que l’objet de l’amour, aimer la passion pour elle-même, de l’amabam amare d’Augusti
705 bjet de l’amour, aimer la passion pour elle-même, de l’amabam amare d’Augustin jusqu’au romantisme moderne, c’est aimer et
706 imer la passion pour elle-même, de l’amabam amare d’ Augustin jusqu’au romantisme moderne, c’est aimer et chercher la souff
707 et chercher la souffrance. Amour-passion : désir de ce qui nous blesse, et nous anéantit par son triomphe. C’est un secre
708 n’a jamais toléré l’aveu, et qu’il n’a pas cessé de refouler, — de préserver ! Il en est peu de plus tragiques, et sa per
709 éré l’aveu, et qu’il n’a pas cessé de refouler, —  de préserver ! Il en est peu de plus tragiques, et sa persistance nous i
710 sa persistance nous invite à porter sur l’avenir de l’Europe un jugement très pessimiste. Marquons ici une incidence qui
711 développement : c’est la liaison ou la complicité de la passion, du goût de la mort qu’elle dissimule, et d’un certain mod
712 a liaison ou la complicité de la passion, du goût de la mort qu’elle dissimule, et d’un certain mode de connaître qui défi
713 passion, du goût de la mort qu’elle dissimule, et d’ un certain mode de connaître qui définirait à lui seul notre psyché oc
714 e la mort qu’elle dissimule, et d’un certain mode de connaître qui définirait à lui seul notre psyché occidentale. Pourquo
715 i seul notre psyché occidentale. Pourquoi l’homme d’ Occident veut-il subir cette passion qui le blesse et que toute sa rai
716 C’est qu’il se connaît et s’éprouve sous le coup de menaces vitales, dans la souffrance et au seuil de la mort. Le troisi
717 e menaces vitales, dans la souffrance et au seuil de la mort. Le troisième acte du drame de Wagner décrit bien davantage q
718 t au seuil de la mort. Le troisième acte du drame de Wagner décrit bien davantage qu’une catastrophe romanesque : il décri
719 romanesque : il décrit l’essentielle catastrophe de notre sadique génie, ce goût réprimé de la mort, ce goût de se connaî
720 tastrophe de notre sadique génie, ce goût réprimé de la mort, ce goût de se connaître à la limite, ce goût de la collision
721 adique génie, ce goût réprimé de la mort, ce goût de se connaître à la limite, ce goût de la collision révélatrice qui est
722 ort, ce goût de se connaître à la limite, ce goût de la collision révélatrice qui est sans doute la plus inarrachable des
723 i est sans doute la plus inarrachable des racines de l’instinct de la guerre en nous. ⁂ De cette extrémité tragique, illus
724 te la plus inarrachable des racines de l’instinct de la guerre en nous. ⁂ De cette extrémité tragique, illustrée, avouée e
725 des racines de l’instinct de la guerre en nous. ⁂ De cette extrémité tragique, illustrée, avouée et constatée par la puret
726 té du mythe originel, redescendons à l’expérience de la passion telle que la vivent les hommes d’aujourd’hui. Le succès pr
727 ence de la passion telle que la vivent les hommes d’ aujourd’hui. Le succès prodigieux du Roman de Tristan révèle en nous,
728 mmes d’aujourd’hui. Le succès prodigieux du Roman de Tristan révèle en nous, que nous le voulions ou non, une préférence i
729 e pour le malheur. Que ce malheur, selon la force de notre âme, soit la « délicieuse tristesse » et le spleen de la décade
730 me, soit la « délicieuse tristesse » et le spleen de la décadence, ou la souffrance qui transfigure, ou le défi que l’espr
731 Ce ciel aux nuées exaltées, crépuscule empourpré d’ héroïsme, n’annonce pas le Jour, mais la Nuit ! La « vraie vie est ail
732 illeurs », dit Rimbaud. Elle n’est qu’un des noms de la Mort, le seul nom par lequel nous osions l’appeler — tout en feign
733 r lequel nous osions l’appeler — tout en feignant de la repousser. Pourquoi préférons-nous à tout autre récit celui d’un a
734 Pourquoi préférons-nous à tout autre récit celui d’ un amour impossible ? C’est que nous aimons la brûlure, et la conscien
735 ’est que nous aimons la brûlure, et la conscience de ce qui brûle en nous. Liaison profonde de la souffrance et du savoir.
736 science de ce qui brûle en nous. Liaison profonde de la souffrance et du savoir. Complicité de la conscience et de la mort
737 rofonde de la souffrance et du savoir. Complicité de la conscience et de la mort ! (Hegel a pu fonder sur elle une explica
738 ance et du savoir. Complicité de la conscience et de la mort ! (Hegel a pu fonder sur elle une explication générale de not
739 gel a pu fonder sur elle une explication générale de notre esprit et même de notre Histoire.) Je définirais volontiers le
740 une explication générale de notre esprit et même de notre Histoire.) Je définirais volontiers le romantique occidental co
741 ent la douleur amoureuse, est un moyen privilégié de connaissance. Certes, cela vaut pour les meilleurs. Le grand nombre s
742 s. Le grand nombre se soucie peu de connaître, et de se connaître. Il cherche simplement l’amour le plus sensible. Mais c’
743 . Il me paraît que cela explique une bonne partie de notre psychologie. Sans traverses à l’amour, point de « roman ». Or c
744 otre psychologie. Sans traverses à l’amour, point de « roman ». Or c’est le roman qu’on aime, c’est-à-dire la conscience,
745 ience, l’intensité, les variations et les retards de la passion, son crescendo jusqu’à la catastrophe — et non point sa ra
746 du malheur qui le guette. Il y faut cette menace de la vie et des hostiles réalités qui l’éloignent dans quelque au-delà.
747 e durée sensible, elle ne peut être qu’un instant de grâce — le duo de Don Juan et Zerline. Ou bien l’on tombe dans une id
748 elle ne peut être qu’un instant de grâce — le duo de Don Juan et Zerline. Ou bien l’on tombe dans une idylle de carte post
749 an et Zerline. Ou bien l’on tombe dans une idylle de carte postale. L’amour heureux n’a pas d’histoire dans la littérature
750 idylle de carte postale. L’amour heureux n’a pas d’ histoire dans la littérature occidentale. Et l’amour qui n’est pas réc
751 ur un amour vrai. La grande trouvaille des poètes de l’Europe, ce qui les distingue avant tout dans la littérature mondial
752 , ce qui exprime le plus profondément l’obsession de l’Européen : connaître à travers la douleur, c’est le secret du mythe
753 re à travers la douleur, c’est le secret du mythe de Tristan, l’amour-passion à la fois partagé et combattu, anxieux d’un
754 ur-passion à la fois partagé et combattu, anxieux d’ un bonheur qu’il repousse, magnifié par sa catastrophe, — l’amour réci
755 Et il est vrai qu’ils sont, l’un envers l’autre, d’ une fidélité exemplaire. Mais le malheur, c’est que l’amour qui les « 
756 que l’amour qui les « demeine » n’est pas l’amour de l’autre tel qu’il est dans sa réalité concrète. Ils s’entr’aiment, ma
757 ais chacun n’aime l’autre qu’à partir de soi, non de l’autre. Leur malheur prend ainsi sa source dans une fausse réciproci
758 nsi sa source dans une fausse réciprocité, masque d’ un double narcissisme. À tel point qu’à certains moments, on sent perc
759 u’à certains moments, on sent percer dans l’excès de leur passion une espèce de haine de l’aimé. Wagner l’a vue, bien avan
760 nt percer dans l’excès de leur passion une espèce de haine de l’aimé. Wagner l’a vue, bien avant Freud et les modernes psy
761 dans l’excès de leur passion une espèce de haine de l’aimé. Wagner l’a vue, bien avant Freud et les modernes psychologues
762 is, le vent souffle vers la terre natale. Ô fille d’ Irlande, où t’attardes-tu ? Ce qui gonfle ma voile, sont-ce tes soupir
763 e, souffle, ô vent ! Malheur, ah ! malheur, fille d’ Irlande, amoureuse et sauvage ! Double malheur de la passion qui fuit
764 d’Irlande, amoureuse et sauvage ! Double malheur de la passion qui fuit le réel et la Norme du Jour, malheur essentiel de
765 it le réel et la Norme du Jour, malheur essentiel de l’amour : ce que l’on désire, on ne l’a pas encore — c’est la Mort —
766  — et l’on perd ce que l’on avait — la jouissance de la vie. Mais cette perte n’est pas sentie comme un appauvrissement, b
767 sement, plus magnifiquement. C’est que l’approche de la mort est l’aiguillon de la sensualité. Elle aggrave, au plein sens
768 . C’est que l’approche de la mort est l’aiguillon de la sensualité. Elle aggrave, au plein sens du terme, le désir. Elle l
769 désir. Elle l’aggrave même parfois jusqu’au désir de tuer l’autre, ou de se tuer, ou de sombrer dans un commun naufrage. Ô
770 e même parfois jusqu’au désir de tuer l’autre, ou de se tuer, ou de sombrer dans un commun naufrage. Ô vents, clamait enco
771 jusqu’au désir de tuer l’autre, ou de se tuer, ou de sombrer dans un commun naufrage. Ô vents, clamait encore Isolde, seco
772 ents, clamait encore Isolde, secouez la léthargie de cette mer rêveuse, ressuscitez des profondeurs l’implacable convoitis
773 oin de la vie qui les pousse, proies voluptueuses de forces contradictoires mais qui les précipitent au même vertige, les
774 e rejoindre qu’à l’instant qui les prive à jamais de tout espoir humain, de tout amour possible, au sein de l’obstacle abs
775 ant qui les prive à jamais de tout espoir humain, de tout amour possible, au sein de l’obstacle absolu et d’une suprême ex
776 t amour possible, au sein de l’obstacle absolu et d’ une suprême exaltation qui se détruit par son accomplissement. 12.U
777 pressentir certaines contradictions. L’hypothèse d’ une opposition, que l’auteur eût tenté d’illustrer, entre la loi de ch
778 ypothèse d’une opposition, que l’auteur eût tenté d’ illustrer, entre la loi de chevalerie et les coutumes féodales, nous a
779 que l’auteur eût tenté d’illustrer, entre la loi de chevalerie et les coutumes féodales, nous a permis de surprendre le m
780 hevalerie et les coutumes féodales, nous a permis de surprendre le mécanisme de ces contradictions. Alors a commencé notre
781 éodales, nous a permis de surprendre le mécanisme de ces contradictions. Alors a commencé notre recherche du vrai sujet de
782 s. Alors a commencé notre recherche du vrai sujet de la légende. Derrière la préférence accordée par l’auteur à la règle d
783 re la préférence accordée par l’auteur à la règle de chevalerie, il y a le goût du romanesque. Derrière le goût du romanes
784 que. Derrière le goût du romanesque, il y a celui de l’amour pour lui-même. Et cela suppose une recherche secrète de l’obs
785 r lui-même. Et cela suppose une recherche secrète de l’obstacle favorable à l’amour. Mais ce n’est encore là que le masque
786 à l’amour. Mais ce n’est encore là que le masque d’ un amour de l’obstacle en soi. Et l’obstacle suprême, c’est la mort, q
787 Mais ce n’est encore là que le masque d’un amour de l’obstacle en soi. Et l’obstacle suprême, c’est la mort, qui se révèl
788 le suprême, c’est la mort, qui se révèle au terme de l’aventure comme la vraie fin, le désir désiré dès le début de la pas
789 comme la vraie fin, le désir désiré dès le début de la passion, la revanche sur le destin qui fut subi et qui est enfin r
790 doit renier l’intime évidence. Que la sécheresse d’ une description réduite à suivre en ses détours la logique interne du
791 peine devant les preuves ; mais quoi qu’on pense d’ une interprétation que j’ai stylisée à dessein, il demeure qu’elle nou
792 lisée à dessein, il demeure qu’elle nous a permis de surprendre à l’état naissant quelques relations fondamentales qui sou
793 est une ascèse. Elle s’oppose à la vie terrestre d’ une manière d’autant plus efficace qu’elle prend la forme du désir, et
794 e. Elle s’oppose à la vie terrestre d’une manière d’ autant plus efficace qu’elle prend la forme du désir, et que ce désir,
795 amour n’est pas sans lien profond avec notre goût de la guerre. Enfin, s’il est vrai que la passion, et le besoin de la pa
796 Enfin, s’il est vrai que la passion, et le besoin de la passion sont des aspects de notre mode occidental de connaissance,
797 sion, et le besoin de la passion sont des aspects de notre mode occidental de connaissance, il faut en venir — au moins so
798 passion sont des aspects de notre mode occidental de connaissance, il faut en venir — au moins sous forme de question — à
799 peut-être, en fin de compte, la plus fondamentale de toutes. Connaître à travers la souffrance, n’est-ce pas l’acte même,
800 ouffrance, n’est-ce pas l’acte même, et l’audace, de nos mystiques les plus lucides ? Érotique au sens noble, et mystique 
801 ? Érotique au sens noble, et mystique : que l’une de l’autre soit cause ou effet, ou qu’elles aient une commune origine — 
802 ieille et grave mélodie » orchestrée par le drame de Wagner : Elle m’a interrogé un jour, et voici qu’elle me parle encore
803 répète : — Pour désirer et pour mourir. ⁂ Partant d’ un examen « physionomique » des formes et des structures du Roman, nou
804 nous venons de dégager. 2. Il est assez facile d’ éliminer, par une comparaison critique, les fantaisies individuelles d
805 elles des cinq auteurs. Dans l’analyse du contenu de la légende qu’on trouvera au chapitre 5, ces variantes seront négligé
806 circonstances passagères, ou des goûts personnels de l’auteur. 3. Voir Appendice 1. 4. Appendice 2. 5. Ce serait ici le
807 ’individu. Que le rationalisme soit passé au rang de doctrine officielle ne doit pas nous faire oublier son efficacité pro
808 par M. Joseph Bédier (dans son étude sur le poème de Thomas) entre les cinq versions du xiie siècle : Béroul, Thomas, Eil
809 an et le Roman en prose. Les versions ultérieures de Gottfried de Strasbourg et de tous les imitateurs allemands, italiens
810 ersions ultérieures de Gottfried de Strasbourg et de tous les imitateurs allemands, italiens, danois, russes, tchèques, et
811 mpte également des travaux critiques plus récents de MM. E. Muret et E. Vinaver. 8. Vers 1412-1415 : A conbien fu déter
812 erbez : La mere Yseut, qui le bollit, A trois anz d’ amistié le fist. 9. Pur belté e pur nun d’Isolt (Thomas). 10. Tout
813 anz d’amistié le fist. 9. Pur belté e pur nun d’ Isolt (Thomas). 10. Toutefois, dans l’édition Bédier du poème de Thom
814 ). 10. Toutefois, dans l’édition Bédier du poème de Thomas (t. I, p. 240), nous lisons que le veneur du roi, pénétrant da
815 s la retraite des amants « vit Tristan couché, et de l’autre côté de la grotte, Isolt. Les amants s’étaient couchés pour s
816 s amants « vit Tristan couché, et de l’autre côté de la grotte, Isolt. Les amants s’étaient couchés pour se reposer à caus
817 la forte chaleur, et dormaient ainsi séparés l’un de l’autre parce que… » Ici le texte est interrompu ! Et Bédier dit en n
818 e étoffe dont on s’habille — … Il se prête au gré de tous — Soit à la sincérité soit à la tromperie — II est toujours ce q
819 veut qu’il soit… » 12. Et qu’il avait conquise de plein droit pour lui-même en la délivrant du dragon — comme ne manque
820 e en la délivrant du dragon — comme ne manque pas de le souligner Thomas. 13. Fauriel, Histoire de la poésie provençale,
821 s de le souligner Thomas. 13. Fauriel, Histoire de la poésie provençale, I, p. 512. 14. Précisons que : 1° elles sont o
822 ’un calcul secret ; car si l’on choisissait l’une d’ elles à l’exclusion totale de l’autre, la situation se dénouerait trop
823 on choisissait l’une d’elles à l’exclusion totale de l’autre, la situation se dénouerait trop vite ; 2° elles ne sont pas
824 Mais sans cette faute initiale, il n’y aurait pas de roman du tout. 15. Rappelons ici ces étapes : Premier séjour de Tri
825 . 15. Rappelons ici ces étapes : Premier séjour de Tristan en Irlande. Ils se séparent sans s’aimer. — Second séjour : e
826 e, péché consommé ; Iseut livrée. — Tristan banni de la cour. Rendez-vous sous l’arbre. — Tristan revient à la cour. Le « 
827 en fou ; s’éloigne. — Longue séparation, mariage de Tristan. — Iseut approche et Tristan meurt. Puis mort d’Iseut. Résumo
828 tan. — Iseut approche et Tristan meurt. Puis mort d’ Iseut. Résumons encore : une seule longue période de réunion (l’aspre
829 Iseut. Résumons encore : une seule longue période de réunion (l’aspre vie) à quoi répond la longue période de séparation (
830 ion (l’aspre vie) à quoi répond la longue période de séparation (le mariage de Tristan). Auparavant : le Philtre ; à la fi
831 épond la longue période de séparation (le mariage de Tristan). Auparavant : le Philtre ; à la fin : la double Mort ; entre
832 hiltre ; à la fin : la double Mort ; entre-temps, de furtives rencontres. 16. Thomas, qui cherche à diminuer le rôle de
833 res. 16. Thomas, qui cherche à diminuer le rôle de cette « emprise » magique, se verra condamné à rendre la passion moin
834 r en ceci à Béroul il sera le premier responsable de la dégradation du mythe. 17. Dans le drame de Wagner, quand le roi s
835 le de la dégradation du mythe. 17. Dans le drame de Wagner, quand le roi surprend les amants, Tristan répond à ses questi
836 , et là où j’irai pour toujours : le vaste empire de l’éternelle nuit. Là-bas, une science unique nous est donnée : le div
2 1939, L’Amour et l’Occident (1956). Livre II. Les origines religieuses du mythe
837 ure, ou dans l’instinct, les esquisses grossières de faits « spirituels », aussitôt nous croyons tenir une explication de
838 ls », aussitôt nous croyons tenir une explication de ces faits. Le plus bas nous paraît le plus vrai. C’est la superstitio
839 us vrai. C’est la superstition du temps, la manie de « ramener » le sublime à l’infime, l’étrange erreur qui prend pour ca
840 s spiritualistes. Mais je distingue mal l’intérêt d’ un affranchissement qui consiste à « expliquer » Dostoïevski par le ha
841 l, et Nietzsche par la syphilis. Curieuse manière de libérer l’esprit, qui se « ramène » à le nier. Mais j’ai beau dire et
842 ène » à le nier. Mais j’ai beau dire et protester d’ avance : si je constate que l’instinct et le sexe connaissent une dial
843 ue spontanée, analogue à certains égards, à celle de la passion dans notre mythe, beaucoup penseront que voilà qui suffit…
844 que voilà qui suffit… Donnons une page à ce genre d’ objections. ⁂ L’obstacle dont on a vu le jeu au cours de notre analyse
845 au cours de notre analyse du mythe, n’est-il pas d’ origine toute naturelle ? Retarder le plaisir, n’est-ce pas la ruse la
846 l s’impose parfois une certaine continence, quasi d’ instinct, dans l’intérêt même de l’espèce ? Lycurgue, législateur de S
847 continence, quasi d’instinct, dans l’intérêt même de l’espèce ? Lycurgue, législateur de Sparte, imposait aux jeunes marié
848 ’intérêt même de l’espèce ? Lycurgue, législateur de Sparte, imposait aux jeunes mariés une abstinence prolongée. « C’est
849 que — qu’ils soient toujours plus forts et dispos de leur corps, et qu’en ne jouissant pas du plaisir d’aimer à cœur saoul
850 leur corps, et qu’en ne jouissant pas du plaisir d’ aimer à cœur saoul, leur amour en demeure toujours frais, et que leurs
851 obstacle instinctif à l’instinct, ayant pour fin de rendre les guerriers plus valeureux. Or la vertu d’une telle discipli
852 rendre les guerriers plus valeureux. Or la vertu d’ une telle discipline est relative à la vie même, non à l’esprit. Elle
853 obtenu. Elle ne cherche rien au-delà. L’eugénisme d’ un Lycurgue n’est nullement ascétique, puisqu’il vise au contraire à l
854 u’il vise au contraire à la meilleure propagation de l’espèce. On ne saurait voir dans ces processus vitaux autre chose qu
855 s vitaux autre chose que le support physiologique de la dialectique passionnelle. Il faut bien que la passion se serve des
856 on des lois du corps n’explique nullement l’amour d’ un Tristan, par exemple. Elle rend d’autant plus évidente l’interventi
857 ment l’amour d’un Tristan, par exemple. Elle rend d’ autant plus évidente l’intervention d’un facteur « étranger » seul cap
858 . Elle rend d’autant plus évidente l’intervention d’ un facteur « étranger » seul capable de détourner l’instinct de son bu
859 tervention d’un facteur « étranger » seul capable de détourner l’instinct de son but naturel et de transformer le désir en
860 « étranger » seul capable de détourner l’instinct de son but naturel et de transformer le désir en une aspiration indéfini
861 ble de détourner l’instinct de son but naturel et de transformer le désir en une aspiration indéfinie, c’est-à-dire sans f
862 s chez les peuplades primitives. C’est un jeu que de retrouver l’« origine » sacrée des motifs caractéristiques du Roman.
863 ée des motifs caractéristiques du Roman. La quête de la fiancée lointaine, par exemple, se rattache au cérémonial du rapt
864 t nuptial, chez les tribus exogamiques. La morale de la prouesse est une sublimation non déguisée de coutumes beaucoup plu
865 e de la prouesse est une sublimation non déguisée de coutumes beaucoup plus anciennes traduisant la nécessité d’une sélect
866 s beaucoup plus anciennes traduisant la nécessité d’ une sélection biologique. Et il n’est pas jusqu’au désir de la mort qu
867 ection biologique. Et il n’est pas jusqu’au désir de la mort que l’on ne puisse « ramener » à l’instinct de mort décrit pa
868 mort que l’on ne puisse « ramener » à l’instinct de mort décrit par Freud et par les plus récents biologistes. Mais on ne
869 e histoire européenne… L’antiquité n’a rien connu de semblable à l’amour de Tristan et d’Iseut. On sait assez que pour les
870 L’antiquité n’a rien connu de semblable à l’amour de Tristan et d’Iseut. On sait assez que pour les Grecs et les Romains,
871 a rien connu de semblable à l’amour de Tristan et d’ Iseut. On sait assez que pour les Grecs et les Romains, l’amour est un
872 ux, il leur faut pardonner comme étant malades… » D’ où vient alors cette glorification de la passion, qui est justement ce
873 t malades… » D’où vient alors cette glorification de la passion, qui est justement ce qui nous touche dans le Roman ? Parl
874 stement ce qui nous touche dans le Roman ? Parler de déviation de l’instinct, c’est ne rien dire puisqu’il s’agit de savoi
875 i nous touche dans le Roman ? Parler de déviation de l’instinct, c’est ne rien dire puisqu’il s’agit de savoir, précisémen
876 e l’instinct, c’est ne rien dire puisqu’il s’agit de savoir, précisément, quel est le facteur qui a pu causer cette déviat
877 .) Platon nous parle dans Phèdre et le Banquet d’ une fureur qui va du corps à l’âme, pour la troubler d’humeurs maligne
878 fureur qui va du corps à l’âme, pour la troubler d’ humeurs malignes. Ce n’est pas l’amour tel qu’il le loue. Mais il est
879 r tel qu’il le loue. Mais il est une autre espèce de fureur, ou de délire, qui ne s’engendre pas sans quelque divinité, ni
880 loue. Mais il est une autre espèce de fureur, ou de délire, qui ne s’engendre pas sans quelque divinité, ni ne se crée da
881 agit du dehors, un emportement, un rapt indéfini de la raison et du sens naturel. On l’appellera donc enthousiasme, ce qu
882 signifie « endieusement », car ce délire procède de la divinité et porte notre élan vers Dieu. Tel est l’amour platonicie
883 l’amour platonicien : « délire divin », transport de l’âme, folie et suprême raison. Et l’amant est auprès de l’être aimé
884 l », car l’amour est la voie qui monte par degrés d’ extase vers l’origine unique de tout ce qui existe, loin des corps et
885 i monte par degrés d’extase vers l’origine unique de tout ce qui existe, loin des corps et de la matière, loin de ce qui d
886 e unique de tout ce qui existe, loin des corps et de la matière, loin de ce qui divise et distingue, au-delà du malheur d’
887 de ce qui divise et distingue, au-delà du malheur d’ être soi et d’être deux dans l’amour même. L’Éros, c’est le Désir tota
888 se et distingue, au-delà du malheur d’être soi et d’ être deux dans l’amour même. L’Éros, c’est le Désir total, c’est l’Asp
889 é à sa plus haute puissance, à l’extrême exigence de pureté qui est l’extrême exigence d’Unité. Mais l’unité dernière est
890 ême exigence de pureté qui est l’extrême exigence d’ Unité. Mais l’unité dernière est négation de l’être actuel, dans sa so
891 gence d’Unité. Mais l’unité dernière est négation de l’être actuel, dans sa souffrante multiplicité. Ainsi l’élan suprême
892 ir aboutit à ce qui est non-désir. La dialectique d’ Éros introduit dans la vie quelque chose de tout étranger aux rythmes
893 ctique d’Éros introduit dans la vie quelque chose de tout étranger aux rythmes de l’attrait sexuel : un désir qui ne retom
894 la vie quelque chose de tout étranger aux rythmes de l’attrait sexuel : un désir qui ne retombe plus, que plus rien ne peu
895 atisfaire, qui repousse même et fuit la tentation de s’accomplir dans notre monde, parce qu’il ne veut embrasser que le To
896 le Tout. C’est le dépassement infini, l’ascension de l’homme vers son dieu. Et ce mouvement est sans retour. ⁂ Les origine
897 nsi l’Orient vint rêver dans nos vies, réveillant de très vieux souvenirs. Car au fond de notre Occident, la voix des bard
898 , réveillant de très vieux souvenirs. Car au fond de notre Occident, la voix des bardes celtes lui répondait. Je ne sais s
899 armonie ancestrale — toutes nos races sont venues d’ Orient — ou simplement si la nature humaine n’est point portée en tous
900 ques à ceux des Grecs — la quête du Graal à celle de la Toison d’or — et les doctrines de Pythagore sur la transmigration
901 es Grecs — la quête du Graal à celle de la Toison d’ or — et les doctrines de Pythagore sur la transmigration des âmes à ce
902 raal à celle de la Toison d’or — et les doctrines de Pythagore sur la transmigration des âmes à celles des druides sur l’i
903 agent des travaux récents, renforçant l’hypothèse d’ une communauté originelle des croyances religieuses en Orient et en Oc
904 ome, les Celtes avaient conquis une grande partie de l’Europe actuelle. Venus du Sud-Ouest de la Germanie et du Nord-Est d
905 à sac Rome et Delphes, et soumis tous les peuples de l’Atlantique à la mer Noire. Ils poussèrent même jusqu’en Ukraine et
906 alates), préfigurant assez exactement l’extension de l’Empire romain. Or les Celtes n’étaient pas une nation. Ils n’avaien
907 eltes n’étaient pas une nation. Ils n’avaient pas d’ autre « unité » que celle d’une civilisation, dont le principe spiritu
908 on. Ils n’avaient pas d’autre « unité » que celle d’ une civilisation, dont le principe spirituel était maintenu par le col
909 orte internationale », commune à tous les peuples d’ origine celtique, du fond de la Bretagne et de l’Irlande jusqu’en Ital
910 ne à tous les peuples d’origine celtique, du fond de la Bretagne et de l’Irlande jusqu’en Italie et en Asie Mineure. Les v
911 les d’origine celtique, du fond de la Bretagne et de l’Irlande jusqu’en Italie et en Asie Mineure. Les voyages et les renc
912 ent l’union des peuples celtiques et le sentiment de leur parenté19 ». Les druides formaient des confréries religieuses do
913 uides formaient des confréries religieuses douées de pouvoirs très étendus. Ils étaient à la fois devins, magiciens, médec
914 ecins, prêtres, confesseurs. Ils n’écrivaient pas de livres, mais donnaient un enseignement oral, en vers gnomiques, à des
915 s gnomiques, à des élèves qu’ils gardaient auprès d’ eux pendant vingt ans20. On a pu rapprocher ce collège sacerdotal d’in
916 t ans20. On a pu rapprocher ce collège sacerdotal d’ institutions tout à fait identiques chez les autres peuples indo-europ
917 euples indo-européens : mages iraniens, brahmanes de l’Inde, pontifes et flamines de Rome. Le flamen porte d’ailleurs le m
918 aniens, brahmanes de l’Inde, pontifes et flamines de Rome. Le flamen porte d’ailleurs le même nom que le brahmane 21. Il e
919 la mort. Vie aventureuse, très semblable à celle de la terre, mais épurée, et dont certains héros pouvaient revenir, sous
920 se mêler aux vivants. Par cette doctrine centrale de la survie des âmes, les Celtes s’apparentent aux Grecs. Mais toute do
921 ltes s’apparentent aux Grecs. Mais toute doctrine de l’immortalité suppose une préoccupation tragique de la mort. Les Celt
922 l’immortalité suppose une préoccupation tragique de la mort. Les Celtes, écrit Hubert, « ont cultivé certainement la méta
923 ubert, « ont cultivé certainement la métaphysique de la mort… Ils ont beaucoup rêvé sur la mort. C’était une compagne fami
924 iétant. » De même, dans leur mythologie, « l’idée de mort domine tout, et tout la découvre »22. Et cela n’est pas sans inc
925 précis avec ce que l’on a dit plus haut du mythe de Tristan, qui voile et exprime à la fois le désir de mort. D’autre par
926 Tristan, qui voile et exprime à la fois le désir de mort. D’autre part, les dieux celtiques forment deux séries opposées 
927 dieux lumineux et dieux sombres. Il nous importe de souligner ce fait du dualisme fondamental de la religion des druides.
928 orte de souligner ce fait du dualisme fondamental de la religion des druides. Car c’est ici que se révèle la convergence d
929 ues, et hindouistes avec la religion fondamentale de l’Europe. De l’Inde aux rives de l’Atlantique, nous retrouvons exprim
930 uistes avec la religion fondamentale de l’Europe. De l’Inde aux rives de l’Atlantique, nous retrouvons exprimé, dans les f
931 ion fondamentale de l’Europe. De l’Inde aux rives de l’Atlantique, nous retrouvons exprimé, dans les formes les plus diver
932 mes les plus diverses, ce même mystère du Jour et de la Nuit, et de leur lutte mortelle dans l’homme. Il est un dieu de Lu
933 verses, ce même mystère du Jour et de la Nuit, et de leur lutte mortelle dans l’homme. Il est un dieu de Lumière incréée,
934 leur lutte mortelle dans l’homme. Il est un dieu de Lumière incréée, intemporelle, et un dieu de Ténèbres, auteur du mal,
935 dieu de Lumière incréée, intemporelle, et un dieu de Ténèbres, auteur du mal, qui domine toute la Création visible. Des si
936 Création visible. Des siècles avant l’apparition de Mani, on peut déceler la même opposition dans les mythologies indo-eu
937 dont l’un au moins intéresse directement l’objet de ce livre : la conception de la femme chez les Celtes n’est pas sans r
938 e directement l’objet de ce livre : la conception de la femme chez les Celtes n’est pas sans rappeler la dialectique plato
939 st pas sans rappeler la dialectique platonicienne de l’Amour. La femme figure aux yeux des druides un être divin et prophé
940 s fée ? », dit-elle. Éros a revêtu les apparences de la Femme, symbole de l’au-delà et de cette nostalgie qui nous fait mé
941 Éros a revêtu les apparences de la Femme, symbole de l’au-delà et de cette nostalgie qui nous fait mépriser les joies terr
942 s apparences de la Femme, symbole de l’au-delà et de cette nostalgie qui nous fait mépriser les joies terrestres. Mais sym
943 sans fin. L’Essylt des légendes sacrées, « objet de contemplation, spectacle mystérieux », c’était l’invitation à désirer
944 , dira Goethe. Et Novalis : « La femme est le but de l’homme. » Ainsi l’aspiration vers la lumière prend pour symbole l’at
945 qui réside par-delà les étoiles, c’est le royaume de Dispater, le père des Ombres. Et de même, le Tristan de Wagner veut s
946 agner veut sombrer, mais pour renaître en un ciel de Lumière. La « Nuit » qu’il chante, c’est le Jour incréé. Et sa passio
947 est le Jour incréé. Et sa passion, c’est le culte d’ Éros, le Désir qui méprise Vénus, même quand il souffre volupté, même
948 même quand il croit aimer un être… On parle trop de nirvana ou de bouddhisme à propos de l’opéra wagnérien. Comme si le f
949 croit aimer un être… On parle trop de nirvana ou de bouddhisme à propos de l’opéra wagnérien. Comme si le fond païen de l
950 opos de l’opéra wagnérien. Comme si le fond païen de l’Occident n’avait pas pu fournir au magicien les éléments les plus a
951 fournir au magicien les éléments les plus actifs de son philtre ! Il est frappant de constater d’ailleurs à quel point le
952 les plus actifs de son philtre ! Il est frappant de constater d’ailleurs à quel point le celtisme originel de l’Europe a
953 ater d’ailleurs à quel point le celtisme originel de l’Europe a survécu à la conquête romaine et aux invasions germaniques
954 man et les langues romanes attestent l’importance de l’héritage celtique. Plus tard, ce furent des moines d’Irlande et de
955 éritage celtique. Plus tard, ce furent des moines d’ Irlande et de Bretagne — derniers refuges des légendes bardiques conse
956 que. Plus tard, ce furent des moines d’Irlande et de Bretagne — derniers refuges des légendes bardiques conservées justeme
957 culte des lettres. Et ceci nous amène aux abords de l’époque où se forma notre mythe… ⁂ Mais plus près de nous que Platon
958 près de nous que Platon et les druides, une sorte d’ unité mystique du monde indo-européen se dessine comme en filigrane à
959 sons le domaine géographique et historique qui va de l’Inde à la Bretagne, nous constatons qu’une religion s’y est répandu
960 nous constatons qu’une religion s’y est répandue, d’ une manière à vrai dire souterraine, dès le iiie siècle de notre ère,
961 ière à vrai dire souterraine, dès le iiie siècle de notre ère, syncrétisant l’ensemble des mythes du Jour et de la Nuit t
962 re, syncrétisant l’ensemble des mythes du Jour et de la Nuit tels qu’ils s’étaient élaborés en Perse d’abord, puis dans le
963 nichéenne. Les difficultés mêmes que l’on éprouve de nos jours à définir cette religion ne sont pas sans nous renseigner s
964 e par les pouvoirs ou les orthodoxies. On affecta de voir en elle la pire menace sociale. Ses fidèles furent massacrés, le
965 e jusqu’à nos jours émanent presque exclusivement de ses adversaires. Ensuite, il semble bien que la doctrine de Mani (qui
966 ersaires. Ensuite, il semble bien que la doctrine de Mani (qui était originaire de l’Iran) a pris, selon les peuples et le
967 ien que la doctrine de Mani (qui était originaire de l’Iran) a pris, selon les peuples et leurs croyances, des formes très
968 (Zarathustra ou Zoroastre). De plus il est permis de penser que les survivances celtiques dans le Midi languedocien offrir
969 ut doivent être retenus : 1° Le dogme fondamental de toutes les sectes manichéennes, c’est la nature divine ou angélique d
970 manichéennes, c’est la nature divine ou angélique de l’âme, prisonnière des formes créées et de la nuit de la matière. Is
971 élique de l’âme, prisonnière des formes créées et de la nuit de la matière. Issu de la lumière et des dieux Me voici en e
972 ’âme, prisonnière des formes créées et de la nuit de la matière. Issu de la lumière et des dieux Me voici en exil et sépa
973 formes créées et de la nuit de la matière. Issu de la lumière et des dieux Me voici en exil et séparé d’eux. Je suis u
974 a lumière et des dieux Me voici en exil et séparé d’ eux. Je suis un dieu, et né des dieux Mais maintenant réduit à souff
975 éduit à souffrir. Ainsi lamente le Moi spirituel d’ un disciple du sauveur Mani, dans l’hymne du Destin de l’Âme. L’élan d
976 disciple du sauveur Mani, dans l’hymne du Destin de l’Âme. L’élan de l’âme vers la Lumière n’est pas sans évoquer d’une p
977 eur Mani, dans l’hymne du Destin de l’Âme. L’élan de l’âme vers la Lumière n’est pas sans évoquer d’une part la « réminisc
978 e revenu du Ciel sur la terre, et qui se souvient de l’île des immortels. Mais cet élan est sans cesse entravé par la jalo
979 s cet élan est sans cesse entravé par la jalousie de Vénus (Dîbat dans le premier hymne cité) qui veut retenir dans la som
980 ant en proie au lumineux Désir. Tel est le combat de l’amour sexuel et de l’Amour, et il exprime l’angoisse fondamentale d
981 eux Désir. Tel est le combat de l’amour sexuel et de l’Amour, et il exprime l’angoisse fondamentale des anges déchus dans
982 ° Il est très important et significatif pour nous de remarquer à la suite d’un travail récent25 que la structure de la foi
983 et significatif pour nous de remarquer à la suite d’ un travail récent25 que la structure de la foi manichéenne « est essen
984 à la suite d’un travail récent25 que la structure de la foi manichéenne « est essentiellement lyrique ». Autrement dit, qu
985 sentiellement lyrique ». Autrement dit, qu’il est de la nature profonde de cette foi de se refuser à toute exposition rati
986 ». Autrement dit, qu’il est de la nature profonde de cette foi de se refuser à toute exposition rationaliste, impersonnell
987 dit, qu’il est de la nature profonde de cette foi de se refuser à toute exposition rationaliste, impersonnelle et « object
988 is angoissée et enthousiasmante (au sens littéral de ce terme), d’ordre essentiellement poétique. La « vérité » de la cosm
989 t enthousiasmante (au sens littéral de ce terme), d’ ordre essentiellement poétique. La « vérité » de la cosmogonie et de l
990 , d’ordre essentiellement poétique. La « vérité » de la cosmogonie et de la théogonie n’apparaît, ne se constitue que dans
991 ement poétique. La « vérité » de la cosmogonie et de la théogonie n’apparaît, ne se constitue que dans la certitude attest
992 le récitatif du psaume. » Et l’on songe au secret de Tristan, qu’il ne peut « dire » mais seulement chanter… ⁂ Toute conce
993 même ; et dans la mort le bien dernier, le rachat de la faute d’être né, la réintégration dans l’Un et dans la lumineuse i
994 ns la mort le bien dernier, le rachat de la faute d’ être né, la réintégration dans l’Un et dans la lumineuse indistinction
995 olontaire que représente l’ascèse (aspect négatif de l’illumination), nous pouvons accéder à la Lumière. Mais la fin de l’
996 ), nous pouvons accéder à la Lumière. Mais la fin de l’esprit, son but, c’est aussi la fin de la vie limitée, obscurcie pa
997 s la fin de l’esprit, son but, c’est aussi la fin de la vie limitée, obscurcie par la mutiplicité immédiate. Éros, notre D
998 désirs que pour les sacrifier. L’accomplissement de l’Amour nie tout amour terrestre. Et son Bonheur nie tout bonheur ter
999 tout bonheur terrestre. Considéré du point de vue de la vie, un tel Amour ne saurait être qu’un malheur total. Tel est le
1000 ccidental sur lequel se détache notre mythe. Mais d’ où vient qu’il s’en soit « détaché » justement ? Quelle menace, quelle
1001 duire que par le charme et la secrète incantation d’ un mythe ? 3.Agapè ou l’amour chrétien Prologue de l’Évangile de
1002 ythe ? 3.Agapè ou l’amour chrétien Prologue de l’Évangile de Jean : Au commencement était la Parole, et la Parole ét
1003 apè ou l’amour chrétien Prologue de l’Évangile de Jean : Au commencement était la Parole, et la Parole était avec Dieu,
1004 éternel, sans rémission, l’irrévocable hostilité de la Nuit terrestre et du Jour transcendant ? Non, car voici la suite d
1005 faite chair, et elle a habité parmi nous, pleine de grâce et de vérité ; et nous avons contemplé sa gloire, une gloire co
1006 , et elle a habité parmi nous, pleine de grâce et de vérité ; et nous avons contemplé sa gloire, une gloire comme la gloir
1007 s unique venu du Père. (I, 14-15.) L’incarnation de la Parole dans le monde — de la Lumière dans les Ténèbres —, tel est
1008 -15.) L’incarnation de la Parole dans le monde —  de la Lumière dans les Ténèbres —, tel est l’événement inouï qui nous dé
1009 est l’événement inouï qui nous délivre du malheur de vivre. Tel est le centre de tout le christianisme, et le foyer de l’a
1010 us délivre du malheur de vivre. Tel est le centre de tout le christianisme, et le foyer de l’amour chrétien que l’Écriture
1011 t le centre de tout le christianisme, et le foyer de l’amour chrétien que l’Écriture nomme Agapè. Événement sans précédent
1012 ent, et « naturellement » incroyable. Car le fait de l’Incarnation est la négation radicale de toute espèce de religion. I
1013 le fait de l’Incarnation est la négation radicale de toute espèce de religion. Il est le suprême scandale, non seulement p
1014 arnation est la négation radicale de toute espèce de religion. Il est le suprême scandale, non seulement pour notre raison
1015 ison qui n’admet point cette impensable confusion de l’infini et du fini, mais surtout pour l’esprit religieux naturel. To
1016 ésir unique, qui aboutit à les nier. Le but final de cette dialectique, c’est la non-vie, la mort du corps. La Nuit et le
1017 me créé qui appartient à la Nuit, ne peut trouver de salut qu’en cessant d’être, en se « perdant » au sein de la divinité.
1018 à la Nuit, ne peut trouver de salut qu’en cessant d’ être, en se « perdant » au sein de la divinité. Mais le christianisme,
1019 la divinité. Mais le christianisme, par son dogme de l’incarnation du Christ dans Jésus, renverse cette dialectique de fon
1020 du Christ dans Jésus, renverse cette dialectique de fond en comble. Au lieu que la mort soit le terme dernier, elle devie
1021 ngile appelle « mort à soi-même », c’est le début d’ une vie nouvelle, dès ici-bas. Ce n’est pas la fuite de l’esprit hors
1022 vie nouvelle, dès ici-bas. Ce n’est pas la fuite de l’esprit hors du monde, mais son retour en force au sein du monde ! U
1023 nde ! Une recréation immédiate. Une réaffirmation de la vie, non pas certes de la vie ancienne, et non pas de la vie idéal
1024 iate. Une réaffirmation de la vie, non pas certes de la vie ancienne, et non pas de la vie idéale, mais de la vie présente
1025 ie, non pas certes de la vie ancienne, et non pas de la vie idéale, mais de la vie présente que l’Esprit ressaisit. Dieu —
1026 a vie ancienne, et non pas de la vie idéale, mais de la vie présente que l’Esprit ressaisit. Dieu — le vrai Dieu — s’est f
1027 — s’est fait homme, et vrai homme. En la personne de Jésus-Christ, les ténèbres vraiment ont « reçu » la lumière. Et tout
1028 raiment ont « reçu » la lumière. Et tout homme né de femme qui croit cela, renaît de l’esprit dès maintenant : mort à soi-
1029 Et tout homme né de femme qui croit cela, renaît de l’esprit dès maintenant : mort à soi-même et mort au monde en tant qu
1030 mais, l’amour n’est plus fuite et perpétuel refus de l’acte. Il commence au-delà de la mort, mais il se retourne vers la v
1031 et perpétuel refus de l’acte. Il commence au-delà de la mort, mais il se retourne vers la vie. Et cette conversion de l’am
1032 s il se retourne vers la vie. Et cette conversion de l’amour fait apparaître le prochain. Pour l’Éros, la créature n’était
1033 re n’était qu’un prétexte illusoire, une occasion de s’enflammer ; et il fallait aussitôt s’en déprendre, puisque le but é
1034 ait aussitôt s’en déprendre, puisque le but était de brûler toujours plus, de brûler jusqu’à en mourir ! L’être particulie
1035 re, puisque le but était de brûler toujours plus, de brûler jusqu’à en mourir ! L’être particulier n’était guère qu’un déf
1036 n’était guère qu’un défaut et un obscurcissement de l’Être unique. Comment l’aimer vraiment, tel qu’il était ? Le salut n
1037 été jusqu’à les revêtir. Et revêtant la condition de l’homme pécheur et séparé, mais sans pécher et sans se diviser, l’Amo
1038 aré, mais sans pécher et sans se diviser, l’Amour de Dieu nous a ouvert une voie radicalement nouvelle : celle de la sanct
1039 s a ouvert une voie radicalement nouvelle : celle de la sanctification. Le contraire de la sublimation, qui n’était que fu
1040 uvelle : celle de la sanctification. Le contraire de la sublimation, qui n’était que fuite illusoire au-delà du concret de
1041 ui n’était que fuite illusoire au-delà du concret de la vie. Aimer devient alors une action positive, une action de transf
1042 mer devient alors une action positive, une action de transformation. Éros cherchait le dépassement à l’infini. L’amour chr
1043 r aimer Dieu, c’est obéir à Dieu qui nous ordonne de nous aimer les uns les autres. Que signifie : Aimez vos ennemis ? C’e
1044 ue signifie : Aimez vos ennemis ? C’est l’abandon de l’égoïsme, du moi de désir et d’angoisse, c’est une mort de l’homme i
1045 os ennemis ? C’est l’abandon de l’égoïsme, du moi de désir et d’angoisse, c’est une mort de l’homme isolé, mais c’est auss
1046 C’est l’abandon de l’égoïsme, du moi de désir et d’ angoisse, c’est une mort de l’homme isolé, mais c’est aussi la naissan
1047 me, du moi de désir et d’angoisse, c’est une mort de l’homme isolé, mais c’est aussi la naissance du prochain. À ceux qui
1048 chain ? Jésus répond : c’est l’homme qui a besoin de vous. Tous les rapports humains, dès cet instant, changent de sens. L
1049 s les rapports humains, dès cet instant, changent de sens. Le nouveau symbole de l’Amour, ce n’est plus la passion infinie
1050 cet instant, changent de sens. Le nouveau symbole de l’Amour, ce n’est plus la passion infinie de l’âme en quête de lumièr
1051 bole de l’Amour, ce n’est plus la passion infinie de l’âme en quête de lumière, mais c’est le mariage du Christ et de l’Ég
1052 e n’est plus la passion infinie de l’âme en quête de lumière, mais c’est le mariage du Christ et de l’Église. L’amour huma
1053 te de lumière, mais c’est le mariage du Christ et de l’Église. L’amour humain lui-même s’en trouve transformé. Tandis que
1054 r le mariage. Un tel amour, étant conçu à l’image de l’amour du Christ pour son Église (Éph., 5, 25), peut être vraiment r
1055 me l’autre tel qu’il est — au lieu d’aimer l’idée de l’amour ou sa mortelle et délicieuse brûlure. (« Il vaut mieux se mar
1056 élicieuse brûlure. (« Il vaut mieux se marier que de brûler », écrit saint Paul aux Corinthiens.) De plus, c’est un amour
1057 naît dès ici-bas, dans l’obéissance, la plénitude de son ordre. ⁂ Le dualisme du Jour et de la Nuit, poussé à son extrême
1058 plénitude de son ordre. ⁂ Le dualisme du Jour et de la Nuit, poussé à son extrême logique, aboutissait, du point de vue d
1059 son extrême logique, aboutissait, du point de vue de la vie, au malheur absolu, qui est la mort. Le christianisme n’est un
1060 e n’est un malheur mortel que pour l’homme séparé de Dieu, mais un malheur recréateur et bienheureux dès cette vie pour le
1061 lut ». 4.Orient et Occident Est-il possible de définir l’Orient et l’Occident en dehors de la géographie ? En présen
1062 nce d’un problème aussi complexe, et en l’absence de toute réponse satisfaisante, c’est l’honnêteté d’un écrivain que de s
1063 de toute réponse satisfaisante, c’est l’honnêteté d’ un écrivain que de se borner à déclarer son système personnel de référ
1064 atisfaisante, c’est l’honnêteté d’un écrivain que de se borner à déclarer son système personnel de références. Ce que j’ap
1065 que de se borner à déclarer son système personnel de références. Ce que j’appelle Orient, dans cet ouvrage, c’est une tend
1066 elle Orient, dans cet ouvrage, c’est une tendance de l’esprit humain qui a trouvé du côté de l’Asie ses plus hautes et pur
1067 lus hautes et pures expressions. J’entends parler d’ une forme de mystique à la fois dualiste dans sa vision du monde, et m
1068 t pures expressions. J’entends parler d’une forme de mystique à la fois dualiste dans sa vision du monde, et moniste dans
1069 ntale » ? À la négation du divers, à l’absorption de tous en Un, à la fusion totale avec le dieu, ou s’il n’y a pas de die
1070 la fusion totale avec le dieu, ou s’il n’y a pas de dieu, comme dans le bouddhisme, avec l’Être-Un universel. Tout cela s
1071 sel. Tout cela suppose une Sagesse, une technique de l’illumination progressive — les yogas par exemple — une montée de l’
1072 progressive — les yogas par exemple — une montée de l’individu vers l’Unité, où il se perd. Et j’appellerai « occidentale
1073  une différence qualitative infinie ». Donc point de fusion possible, ni d’union substantielle. Mais seulement une communi
1074 tive infinie ». Donc point de fusion possible, ni d’ union substantielle. Mais seulement une communion, dont le modèle est
1075 une communion, dont le modèle est dans le mariage de l’Église et de son Seigneur. Cela suppose une illumination subite, ou
1076 dont le modèle est dans le mariage de l’Église et de son Seigneur. Cela suppose une illumination subite, ou conversion, un
1077 illumination subite, ou conversion, une descente de la Grâce venant de Dieu à l’homme. Ces deux extrêmes ainsi marqués, l
1078 e, ou conversion, une descente de la Grâce venant de Dieu à l’homme. Ces deux extrêmes ainsi marqués, l’on n’aura pas de p
1079 Ces deux extrêmes ainsi marqués, l’on n’aura pas de peine à démontrer qu’il existe en Orient de nombreuses tendances occi
1080 a pas de peine à démontrer qu’il existe en Orient de nombreuses tendances occidentales ; et l’inverse. (Mais je ne fais pa
1081 veut l’union, c’est-à-dire la fusion essentielle de l’individu dans le dieu. L’individu distinct — cette erreur douloureu
1082 ticulières, elles ne représentent que des défauts de l’Être. Nous n’avons donc point de prochain. Et l’exaltation de l’Amo
1083 ue des défauts de l’Être. Nous n’avons donc point de prochain. Et l’exaltation de l’Amour sera en même temps son ascèse, l
1084 s n’avons donc point de prochain. Et l’exaltation de l’Amour sera en même temps son ascèse, la voie qui mène au-delà de la
1085 n même temps son ascèse, la voie qui mène au-delà de la vie. Agapè au contraire ne cherche pas l’union qui s’opérerait au
1086 re ne cherche pas l’union qui s’opérerait au-delà de la vie. « Dieu est au ciel, et toi tu es sur la terre. » Et ton sort
1087 » Et ton sort se joue ici-bas. Le péché n’est pas d’ être né, mais d’avoir perdu Dieu en devenant autonome. Or, nous ne tro
1088 joue ici-bas. Le péché n’est pas d’être né, mais d’ avoir perdu Dieu en devenant autonome. Or, nous ne trouverons pas Dieu
1089 e trouverons pas Dieu par une élévation indéfinie de notre désir. Nous aurons beau sublimer notre Éros, il ne sera jamais
1090 re Éros, il ne sera jamais que nous-mêmes ! Point d’ illusions ni d’optimisme humain, dans le christianisme orthodoxe. Mais
1091 sera jamais que nous-mêmes ! Point d’illusions ni d’ optimisme humain, dans le christianisme orthodoxe. Mais alors, c’est l
1092 . Dieu nous cherche et nous a trouvés par l’amour de son Fils abaissé jusqu’à nous. L’Incarnation est le signe historique
1093 squ’à nous. L’Incarnation est le signe historique d’ une création renouvelée, où le croyant se trouve réintégré par l’acte
1094 où le croyant se trouve réintégré par l’acte même de sa foi. Désormais, pardonné et sanctifié, c’est-à-dire réconcilié, l’
1095 et s’aime lui-même en vérité. Pour l’Agapè, point de fusion ni d’exaltée dissolution du moi en Dieu. L’Amour divin est l’o
1096 -même en vérité. Pour l’Agapè, point de fusion ni d’ exaltée dissolution du moi en Dieu. L’Amour divin est l’origine d’une
1097 ution du moi en Dieu. L’Amour divin est l’origine d’ une vie nouvelle, dont l’acte créateur s’appelle la communion. Et pour
1098 e à s’exalter, mais tel qu’il est dans la réalité de sa détresse et de son espérance ; et si l’Éros n’a pas de prochain — 
1099 s tel qu’il est dans la réalité de sa détresse et de son espérance ; et si l’Éros n’a pas de prochain — n’est-on pas en dr
1100 tresse et de son espérance ; et si l’Éros n’a pas de prochain — n’est-on pas en droit de conclure que cette forme d’amour
1101 ’Éros n’a pas de prochain — n’est-on pas en droit de conclure que cette forme d’amour nommée passion doit normalement se d
1102 n’est-on pas en droit de conclure que cette forme d’ amour nommée passion doit normalement se développer au sein des peuple
1103 es peuples chrétiens — historiquement les peuples d’ Occident — ne devraient pas connaître la passion, ou tout au moins la
1104 connaître la passion, ou tout au moins la traiter d’ incroyance ? Or l’Histoire nous oblige à le constater : c’est l’invers
1105 ns qu’en Orient26, et dans la Grèce contemporaine de Platon, l’amour humain est très généralement conçu comme le plaisir,
1106 où elle exerce ses ravages aux dépens du monde et de soi. L’identification des éléments religieux dont nous avions décelé
1107 s et les mœurs. Serait-ce alors dans le fait même de cette contradiction flagrante que résiderait l’explication du mythe ?
1108 ns les mœurs occidentales Pour introduire plus de clarté dans ce dédale dialectique, je proposerai le schéma suivant :
1109 rare et méprisée. Christianisme Communion (pas d’ union essentielle). Amour du prochain. (Mariage heureux.) Conflits dou
1110 nflits douloureux, passion exaltée. Le principe d’ explication de ce tableau est assez simple. Le platonisme, au temps de
1111 eux, passion exaltée. Le principe d’explication de ce tableau est assez simple. Le platonisme, au temps de Platon et dur
1112 triompha. La primitive Église fut une communauté de faibles et de méprisés. Mais à partir de Constantin, puis des empereu
1113 primitive Église fut une communauté de faibles et de méprisés. Mais à partir de Constantin, puis des empereurs carolingien
1114 ui les imposèrent par la force à tous les peuples d’ Occident. Dès lors, les vieilles croyances païennes refoulées devinren
1115 ui dans un cadre chrétien, mais privé des secours d’ une foi réelle, un tel homme, fatalement, devait sentir en lui s’exalt
1116 bare. Il était prêt à accueillir, sous le couvert de formes catholiques, toutes les reviviscences des mystiques païennes c
1117 les reviviscences des mystiques païennes capables de le « libérer ». C’est ainsi que les doctrines secrètes, dont nous avo
1118 nsi que l’amour-passion, forme terrestre du culte de l’Éros, envahit la psyché des élites mal converties et souffrant du m
1119 rmes ésotériques, se déguisa en hérésies secrètes d’ apparences plus ou moins orthodoxes. Ces hérésies se propagèrent très
1120 où nous les retrouverons un peu plus tard mêlées de la manière la plus complexe à la grande renaissance mystique. D’autre
1121 sait pas toujours l’origine et la portée mystique de valeurs qu’elle prenait pour une mode et qu’elle accommodait à ses pl
1122 ne devait pas tarder à matérialiser les préceptes d’ une religion qui pourtant s’opposait au christianisme par son refus de
1123 ourtant s’opposait au christianisme par son refus de l’Incarnation, précisément ! Je ne donnerai pour l’instant qu’un seul
1124 Je ne donnerai pour l’instant qu’un seul exemple de ce processus si typiquement occidental, et qui consiste à garder le s
1125 ental, et qui consiste à garder le signe matériel d’ une religion dont on trahit l’esprit. Platon liait l’Amour à la Beauté
1126 tendait, c’était d’abord l’essence intellectuelle de la perfection incréée : l’idée même de toute excellence. Qu’est deven
1127 llectuelle de la perfection incréée : l’idée même de toute excellence. Qu’est devenue cette doctrine parmi nous ? « Person
1128 ne saurait dire jusqu’à quelles couches profondes de l’humanité d’Occident ont pénétré les conceptions platoniciennes. L’h
1129 e jusqu’à quelles couches profondes de l’humanité d’ Occident ont pénétré les conceptions platoniciennes. L’homme le plus s
1130 oniciennes. L’homme le plus simple use couramment d’ expressions et de notions qui remontent à Platon28. » Mais il en abuse
1131 me le plus simple use couramment d’expressions et de notions qui remontent à Platon28. » Mais il en abuse dans le sens où
1132 s il en abuse dans le sens où l’incline sa nature d’ Occidental. C’est ainsi que le platonisme vulgaire nous a conduits à u
1133 sion : à cette idée que l’amour dépend avant tout de la beauté physique — alors qu’en fait cette beauté même n’est que l’a
1134 ’est que l’attribut conféré par l’amant à l’objet de son choix d’amour. L’expérience quotidienne montre bien que « l’amour
1135 tribut conféré par l’amant à l’objet de son choix d’ amour. L’expérience quotidienne montre bien que « l’amour embellit son
1136 et que la beauté « officielle » n’est pas un gage d’ être aimé. Mais le platonisme dégénéré, qui nous obsède, nous rend ave
1137 qui nous obsède, nous rend aveugles à la réalité de l’objet tel qu’il est dans sa vérité — ou bien nous la rend peu aimab
1138 rend peu aimable. Et il nous jette à la poursuite de chimères qui n’existent qu’en nous. Mais encore, d’où vient ce succès
1139 chimères qui n’existent qu’en nous. Mais encore, d’ où vient ce succès et cette permanence invincible de l’erreur héritée
1140 où vient ce succès et cette permanence invincible de l’erreur héritée d’un Platon mal compris ? C’est qu’elle trouve dans
1141 t cette permanence invincible de l’erreur héritée d’ un Platon mal compris ? C’est qu’elle trouve dans le cœur de tout homm
1142 n mal compris ? C’est qu’elle trouve dans le cœur de tout homme — et spécialement de tout Occidental — de très obscures co
1143 ouve dans le cœur de tout homme — et spécialement de tout Occidental — de très obscures complicités. Souvenons-nous du cul
1144 tout homme — et spécialement de tout Occidental — de très obscures complicités. Souvenons-nous du culte druidique pour la
1145 mme, être prophétique, « éternel féminin », « but de l’homme ». Les Celtes, déjà, tendaient donc à matérialiser l’élan div
1146 y a plus, nous le savons depuis Freud : le « type de femme » que chaque homme porte dans son cœur et qu’il assimile d’inst
1147 haque homme porte dans son cœur et qu’il assimile d’ instinct à la définition de la beauté, n’est-ce pas le souvenir de la
1148 cœur et qu’il assimile d’instinct à la définition de la beauté, n’est-ce pas le souvenir de la mère « fixé » dans sa mémoi
1149 définition de la beauté, n’est-ce pas le souvenir de la mère « fixé » dans sa mémoire secrète ? ⁂ Si telles sont bien les
1150 émoire secrète ? ⁂ Si telles sont bien les causes de la curieuse contradiction qui apparaît au xiie siècle entre les doct
1151 des contrecoups du christianisme (et spécialement de sa doctrine du mariage) dans les âmes où vivait encore un paganisme n
1152 que et contestable si nous n’étions pas en mesure de retracer les voies et moyens historiques de cette renaissance de l’Ér
1153 esure de retracer les voies et moyens historiques de cette renaissance de l’Éros. Or nous avons déjà fixé sa date : vers l
1154 voies et moyens historiques de cette renaissance de l’Éros. Or nous avons déjà fixé sa date : vers le début du xiie sièc
1155 xé sa date : vers le début du xiie siècle. (Date de naissance de l’amour-passion !)29 Et nous allons montrer qu’elle port
1156 vers le début du xiie siècle. (Date de naissance de l’amour-passion !)29 Et nous allons montrer qu’elle porte un nom par
1157 ares Que toute la poésie européenne soit issue de la poésie des troubadours au xiie siècle, c’est ce dont personne ne
1158 « Oui, entre les xie et xiie siècles, la poésie d’ où qu’elle fût (hongroise, espagnole, portugaise, allemande, sicilienn
1159 poète, ne pouvant être que troubadour, était tenu de parler — et de l’apprendre s’il ne le savait pas — le langage du trou
1160 nt être que troubadour, était tenu de parler — et de l’apprendre s’il ne le savait pas — le langage du troubadour, qui n’a
1161 t-ce que la poésie des troubadours ? L’exaltation de l’amour malheureux. « Il n’y a dans toute la lyrique occitane et la l
1162 qui toujours dit non31. » L’Europe n’a pas connu de poésie plus profondément rhétorique : non seulement dans ses formes v
1163 que celle-ci prend sa source dans un système fixe de lois, qui seront codifiées sous le nom de leys d’amors. Mais il faut
1164 me fixe de lois, qui seront codifiées sous le nom de leys d’amors. Mais il faut dire aussi que jamais rhétorique ne fut pl
1165 de lois, qui seront codifiées sous le nom de leys d’ amors. Mais il faut dire aussi que jamais rhétorique ne fut plus exalt
1166  Amor », qui est l’Éros suprême, est l’élancement de l’âme vers l’union lumineuse, au-delà de tout amour possible en cette
1167 ancement de l’âme vers l’union lumineuse, au-delà de tout amour possible en cette vie. Voilà pourquoi l’Amour suppose la c
1168 ie. Voilà pourquoi l’Amour suppose la chasteté. E d’ amor mou castitaz (d’amour vient chasteté) chante le troubadour toulou
1169 Amour suppose la chasteté. E d’amor mou castitaz ( d’ amour vient chasteté) chante le troubadour toulousain Guilhem Montanha
1170 amoureux. Le poète a gagné sa dame par la beauté de son hommage musical. Il lui jure à genoux une éternelle fidélité, com
1171 le fidélité, comme on fait à un suzerain. En gage d’ amour, la dame donnait à son paladin-poète un anneau d’or, lui enjoign
1172 ur, la dame donnait à son paladin-poète un anneau d’ or, lui enjoignait de se lever, et lui déposait un baiser sur le front
1173 son paladin-poète un anneau d’or, lui enjoignait de se lever, et lui déposait un baiser sur le front. Désormais, ces aman
1174 t. Désormais, ces amants seront liés par les lois de la cortezia : le secret, la patience, et la mesure, qui n’est pas tou
1175 et la mesure, qui n’est pas tout à fait synonyme de la chasteté, nous le verrons, mais plutôt de la retenue… Et surtout,
1176 nyme de la chasteté, nous le verrons, mais plutôt de la retenue… Et surtout, l’homme sera le servant de la femme. D’où vie
1177 e la retenue… Et surtout, l’homme sera le servant de la femme. D’où vient cette conception nouvelle de l’amour « perpétuel
1178 Et surtout, l’homme sera le servant de la femme. D’ où vient cette conception nouvelle de l’amour « perpétuellement insati
1179 de la femme. D’où vient cette conception nouvelle de l’amour « perpétuellement insatisfait », et cette louange enthousiast
1180 ait », et cette louange enthousiaste et plaintive d’ « une belle qui toujours dit non » ? Et d’où vient ce savant lyrisme q
1181 aintive d’« une belle qui toujours dit non » ? Et d’ où vient ce savant lyrisme qui tout d’un coup se trouve là pour tradui
1182 non » ? Et d’où vient ce savant lyrisme qui tout d’ un coup se trouve là pour traduire la passion nouvelle ? On ne saurait
1183 ne saurait trop souligner le caractère miraculeux de cette double naissance, si rapide : en l’espace d’une vingtaine d’ann
1184 e cette double naissance, si rapide : en l’espace d’ une vingtaine d’années, naissance d’une vision de la femme entièrement
1185 aissance, si rapide : en l’espace d’une vingtaine d’ années, naissance d’une vision de la femme entièrement contraire aux m
1186 : en l’espace d’une vingtaine d’années, naissance d’ une vision de la femme entièrement contraire aux mœurs traditionnelles
1187 d’une vingtaine d’années, naissance d’une vision de la femme entièrement contraire aux mœurs traditionnelles — la femme s
1188 aditionnelles — la femme se voit élevée au-dessus de l’homme, dont elle devient l’idéal nostalgique — et naissance d’une p
1189 t elle devient l’idéal nostalgique — et naissance d’ une poésie à formes fixes, très compliquées et raffinées, sans précéde
1190 ns toute l’Antiquité ni dans les quelques siècles de culture romane qui succèdent à la renaissance carolingienne. Ou bien
1191 tout cela « tombe du ciel », c’est-à-dire jaillit d’ une inspiration subite et collective — mais encore faudrait-il expliqu
1192 els lieux bien définis ; ou bien tout cela relève d’ une cause historique précise — mais alors il s’agit de savoir pour que
1193 e cause historique précise — mais alors il s’agit de savoir pour quelles raisons elle est demeurée obscure jusqu’à nos jou
1194 estion, et la facilité avec laquelle ils décident de n’y point répondre. Tout le monde admet aujourd’hui que la poésie pro
1195 d’hui que la poésie provençale et les conceptions de l’amour qu’elle illustre, « loin de s’expliquer par les conditions où
1196 le ne reflète aucunement la réalité, la condition de la femme n’ayant pas été, dans les institutions féodales du Midi, moi
1197 « évident » que les troubadours ne tiraient rien de la réalité sociale, il paraît non moins évident que leur conception d
1198 , il paraît non moins évident que leur conception de l’amour venait d’ailleurs. Quel pouvait être cet ailleurs ? La même q
1199  », écrit M. Jeanroy (quitte à reprocher à chacun de ces poètes pris à part de n’avoir montré aucune espèce d’originalité
1200 te à reprocher à chacun de ces poètes pris à part de n’avoir montré aucune espèce d’originalité et de s’être borné à raffi
1201 oètes pris à part de n’avoir montré aucune espèce d’ originalité et de s’être borné à raffiner des formes fixes et des lieu
1202 de n’avoir montré aucune espèce d’originalité et de s’être borné à raffiner des formes fixes et des lieux communs : mais
1203 se risque à formuler une hypothèse sur l’origine de la rhétorique courtoise, les spécialistes l’accablent des plus aigres
1204 tte énormité33 ». Diez a montré des ressemblances de forme (rythmes et coupes) entre la lyrique arabe et la lyrique proven
1205 peu de culture pour connaître cette poésie. Ainsi de chaque réponse proposée : le « sérieux » des savants paraissant consi
1206 consister surtout dans une propension à qualifier d’ énormité ou de fantaisie tout ce qui menace de donner un sens au phéno
1207 out dans une propension à qualifier d’énormité ou de fantaisie tout ce qui menace de donner un sens au phénomène qu’ils pa
1208 ier d’énormité ou de fantaisie tout ce qui menace de donner un sens au phénomène qu’ils passent leur vie à étudier. Il est
1209 ru pouvoir tout éclaircir en décelant à l’origine de la lyrique provençale des influences religieuses, néo-platoniciennes
1210 ies » ont aussitôt dressé contre elles l’ensemble de nos érudits. Wechssler s’est vu traiter de « doctrinaire » — suprême
1211 semble de nos érudits. Wechssler s’est vu traiter de « doctrinaire » — suprême injure — et plusieurs ont insinué que la qu
1212 injure — et plusieurs ont insinué que la qualité d’ Allemand de ce professeur les dispensait de réfuter un système incompa
1213 t plusieurs ont insinué que la qualité d’Allemand de ce professeur les dispensait de réfuter un système incompatible avec
1214 ualité d’Allemand de ce professeur les dispensait de réfuter un système incompatible avec le clair génie de notre race. Il
1215 futer un système incompatible avec le clair génie de notre race. Il reste donc d’une part un phénomène étrange, et d’autre
1216 d’une part un phénomène étrange, et d’autre part, de fort savantes réfutations de tout ce qui prétend l’expliquer. « Il es
1217 ge, et d’autre part, de fort savantes réfutations de tout ce qui prétend l’expliquer. « Il est également impossible — écri
1218 pliquer. « Il est également impossible — écrit un de nos professeurs — de voir dans ces chansons d’amour, qui forment les
1219 lement impossible — écrit un de nos professeurs — de voir dans ces chansons d’amour, qui forment les trois quarts de la po
1220 un de nos professeurs — de voir dans ces chansons d’ amour, qui forment les trois quarts de la poésie provençale, une image
1221 es chansons d’amour, qui forment les trois quarts de la poésie provençale, une image fidèle de la réalité et un pur assemb
1222 quarts de la poésie provençale, une image fidèle de la réalité et un pur assemblage de formules vides de sens ». Certes.
1223 e image fidèle de la réalité et un pur assemblage de formules vides de sens ». Certes. Mais là-dessus, l’auteur annonce qu
1224 la réalité et un pur assemblage de formules vides de sens ». Certes. Mais là-dessus, l’auteur annonce qu’« en historien sc
1225 qu’« en historien scrupuleux », il se garde bien de se prononcer. Ce qui revient à dire que la lyrique courtoise dont il
1226 eux et jusqu’à plus ample informé « un assemblage de formules vides de sens ». Excellent « matériel » il est vrai, pour un
1227 s ample informé « un assemblage de formules vides de sens ». Excellent « matériel » il est vrai, pour un philologue qui se
1228 liciter » les textes, fût-ce par le moindre essai de les comprendre. Je ne saurais me contenter, pour ma part, d’une hypot
1229 rendre. Je ne saurais me contenter, pour ma part, d’ une hypothèse à tel point scrupuleuse. Je me refuse à supposer un seul
1230 ul instant que les troubadours furent des faibles d’ esprit, tout juste bons à répéter sans se lasser des formules apprises
1231 me demande, après Aroux et Péladan, si le secret de toute cette poésie ne devrait pas être cherché beaucoup plus près d’e
1232 ie ne devrait pas être cherché beaucoup plus près d’ elle qu’on ne l’a fait — tout près : sur place, dans le milieu même où
1233 se trouvait déterminer les formes, même sociales, de ce milieu35. Partant de là, constatons qu’un grand fait historique do
1234 es formes, même sociales, de ce milieu35. Partant de là, constatons qu’un grand fait historique domine le xiie siècle pro
1235 ne hérésie puissante se répandait. L’on a pu dire de la religion cathare qu’elle représenta pour l’Église un péril aussi g
1236 enta pour l’Église un péril aussi grave que celui de l’arianisme. Certains ne vont-ils pas jusqu’à prétendre qu’elle fit e
1237 ’à prétendre qu’elle fit en Occident des millions de fidèles secrets, malgré la très sanglante croisade des albigeois, au
1238 e précise à l’hérésie les sectes néo-manichéennes d’ Asie Mineure et les églises bogomiles de Dalmatie et de Bulgarie. Les
1239 ichéennes d’Asie Mineure et les églises bogomiles de Dalmatie et de Bulgarie. Les « purs » ou cathares36 se rattachaient a
1240 e Mineure et les églises bogomiles de Dalmatie et de Bulgarie. Les « purs » ou cathares36 se rattachaient aux grands coura
1241 ait assez que la Gnose, de même que les doctrines de Mani ou Manès, plonge des racines dans la religion dualiste de l’Iran
1242 nès, plonge des racines dans la religion dualiste de l’Iran. Quelle était la doctrine des cathares ? On a répété très long
1243 son que l’Inquisition avait brûlé tous les livres de culte et traités de doctrine de l’Hérésie, et que les seuls témoignag
1244 n avait brûlé tous les livres de culte et traités de doctrine de l’Hérésie, et que les seuls témoignages subsistants étaie
1245 é tous les livres de culte et traités de doctrine de l’Hérésie, et que les seuls témoignages subsistants étaient les inter
1246 és » par les juges et déformés par les greffiers. De fait, la découverte et la publication, en 1939, d’un ouvrage théologi
1247 e fait, la découverte et la publication, en 1939, d’ un ouvrage théologique (tardif il est vrai) le Livre des deux Principe
1248 des deux Principes 37 s’ajoutant à la restitution d’ un Nouveau Testament et de rituels utilisés par les Hérétiques38, perm
1249 outant à la restitution d’un Nouveau Testament et de rituels utilisés par les Hérétiques38, permet aujourd’hui de connaîtr
1250 utilisés par les Hérétiques38, permet aujourd’hui de connaître dans leur ensemble et dans certaines de leurs variations, l
1251 de connaître dans leur ensemble et dans certaines de leurs variations, les dogmes de l’« Église d’Amour », nom que l’on a
1252 et dans certaines de leurs variations, les dogmes de l’« Église d’Amour », nom que l’on a donné parfois à l’hérésie aussi
1253 nes de leurs variations, les dogmes de l’« Église d’ Amour », nom que l’on a donné parfois à l’hérésie aussi dite « albigeo
1254 gine permanente et toujours tragiquement actuelle de l’attitude cathare, ou d’une manière plus générale du dualisme, dans
1255 s tragiquement actuelle de l’attitude cathare, ou d’ une manière plus générale du dualisme, dans les religions les plus div
1256 ligions les plus diverses comme dans la réflexion de millions d’individus fut et demeure le problème du Mal, tel que l’hom
1257 plus diverses comme dans la réflexion de millions d’ individus fut et demeure le problème du Mal, tel que l’homme spirituel
1258 ectique et paradoxale qui se résume dans les mots de liberté et de grâce. Plus pessimiste et d’une logique plus massive, l
1259 adoxale qui se résume dans les mots de liberté et de grâce. Plus pessimiste et d’une logique plus massive, le dualisme sta
1260 s mots de liberté et de grâce. Plus pessimiste et d’ une logique plus massive, le dualisme statue l’existence absolument hé
1261 lument hétérogène du Bien et du Mal, c’est-à-dire de deux mondes et de deux créations. En effet : Dieu est Amour, mais le
1262 du Bien et du Mal, c’est-à-dire de deux mondes et de deux créations. En effet : Dieu est Amour, mais le monde est mauvais.
1263 ais. Donc Dieu ne saurait être l’auteur du monde, de ses ténèbres et du péché qui nous enserre. Sa création première dans
1264 duire les âmes, Lucifer leur a montré « une femme d’ une beauté éclatante, qui les a enflammées de désir ». Puis il a quitt
1265 emme d’une beauté éclatante, qui les a enflammées de désir ». Puis il a quitté le Ciel avec elle, pour descendre dans la m
1266 le. Les âmes-Anges, ayant suivi Satan et la femme d’ une beauté éclatante, ont été prises dans des corps matériels, qui leu
1267 airer un sentiment fondamental chez l’homme, même de nos jours.) L’âme, dès lors, se trouve séparée de son esprit, qui res
1268 de nos jours.) L’âme, dès lors, se trouve séparée de son esprit, qui reste au Ciel. Tentée par la liberté, elle devient en
1269 par la liberté, elle devient en fait prisonnière d’ un corps aux appétits terrestres, soumis aux lois de la procréation et
1270 un corps aux appétits terrestres, soumis aux lois de la procréation et de la mort. Mais le Christ est venu parmi nous, pou
1271 terrestres, soumis aux lois de la procréation et de la mort. Mais le Christ est venu parmi nous, pour nous montrer le che
1272 rist, en cela semblable à celui des gnostiques et de Manès, ne s’est pas vraiment incarné : il n’a pris que l’apparence d’
1273 as vraiment incarné : il n’a pris que l’apparence d’ un homme. C’est ici la grande hérésie docétiste (du grec dokesis, appa
1274 résie docétiste (du grec dokesis, apparence) qui, de Marcion jusqu’à nos jours, traduit notre refus tout « naturel » d’adm
1275 à nos jours, traduit notre refus tout « naturel » d’ admettre le scandale d’un Dieu-Homme. Les cathares rejettent donc le d
1276 tre refus tout « naturel » d’admettre le scandale d’ un Dieu-Homme. Les cathares rejettent donc le dogme de l’Incarnation,
1277 Dieu-Homme. Les cathares rejettent donc le dogme de l’Incarnation, et a fortiori sa traduction romaine dans le sacrement
1278 fortiori sa traduction romaine dans le sacrement de la messe : ils le remplacent par une cène fraternelle, symbolisant de
1279 olateur : ce consolamentum devient le rite majeur de leur Église. Il se donnait, lors des cérémonies d’initiation, aux frè
1280 e leur Église. Il se donnait, lors des cérémonies d’ initiation, aux frères qui acceptaient de renoncer le monde, et s’enga
1281 rémonies d’initiation, aux frères qui acceptaient de renoncer le monde, et s’engageaient solennellement à se consacrer à D
1282 ne tuer ni manger nul animal, enfin à s’abstenir de tout contact avec leur femme, s’ils étaient mariés. Il semble qu’un j
1283 emme, s’ils étaient mariés. Il semble qu’un jeûne de quarante jours41 précédait l’initiation et qu’un autre d’égale durée
1284 nte jours41 précédait l’initiation et qu’un autre d’ égale durée lui succédait. (Plus tard, au xive siècle, ce jeûne ritue
1285 purs » jusqu’à la mort volontaire, mort par amour de Dieu, consommation du détachement suprême de toute loi matérielle.) L
1286 mour de Dieu, consommation du détachement suprême de toute loi matérielle.) Le Consolamentum était administré par les évêq
1287 au milieu du cercle des « purs », puis le baiser de paix échangé par les frères. Après quoi, l’initié devenait objet de v
1288 r les frères. Après quoi, l’initié devenait objet de vénération pour les simples croyants non encore « consolés » : il ava
1289 st-à-dire à trois « révérences ». On a vu le rôle de la Femme, appât du diable pour entraîner les âmes dans les corps. En
1290 dans le catharisme un rôle tout analogue à celui de la Pistis-Sophia chez les gnostiques. À la Femme instrument de la per
1291 Sophia chez les gnostiques. À la Femme instrument de la perdition des âmes, répond Marie, symbole de pure Lumière salvatri
1292 t de la perdition des âmes, répond Marie, symbole de pure Lumière salvatrice, Mère intacte (immatérielle) de Jésus, et sem
1293 e Lumière salvatrice, Mère intacte (immatérielle) de Jésus, et semble-t-il, Juge plein de douceur des esprits délivrés. Le
1294 mmatérielle) de Jésus, et semble-t-il, Juge plein de douceur des esprits délivrés. Les manichéens connaissaient depuis des
1295 les cathares : l’imposition des mains, le baiser de paix, et la vénération des Élus (ou « purs »). Il est important de me
1296 nération des Élus (ou « purs »). Il est important de mentionner ici la vénération manichéenne s’adressant à la « forme de
1297 a vénération manichéenne s’adressant à la « forme de lumière » qui dans chaque homme représente son propre esprit (demeuré
1298 s de la manifestation) et qui accueille l’hommage de son âme par un salut et un baiser. L’enfer étant la prison de la mati
1299 ar un salut et un baiser. L’enfer étant la prison de la matière, Lucifer, l’ange révolté, n’y peut régner que pour le temp
1300 e durera « l’erreur » des âmes. Au terme du cycle de leurs épreuves — comportant plusieurs vies, physiques ou autres, pour
1301 uminés — la création sera réintégrée dans l’unité de l’Esprit originel, les pécheurs entraînés par Satan seront sauvés, et
1302 à l’encontre du manichéisme, elle professe l’idée d’ une création unique, toute divine et toute bonne aux origines. Notons
1303 rait : comme ce fut le cas pour tant de sectes et de religions orientales — jaïnisme, bouddhisme, essénisme, gnosticisme c
1304 u imperfecti). Seuls les seconds avaient le droit de se marier et de vivre dans le monde condamné par les purs, sans s’ast
1305 euls les seconds avaient le droit de se marier et de vivre dans le monde condamné par les purs, sans s’astreindre à tous l
1306 les purs, sans s’astreindre à tous les préceptes de la morale ésotérique : mortifications corporelles, mépris de la créat
1307 e ésotérique : mortifications corporelles, mépris de la création, dissolution de tous les liens mondains. Saint Bernard de
1308 s corporelles, mépris de la création, dissolution de tous les liens mondains. Saint Bernard de Clairvaux (cité par Rahn) a
1309 a pu dire des cathares, qu’il combattit pourtant de toutes ses forces : « Il n’y a certainement pas de sermons plus chrét
1310 e toutes ses forces : « Il n’y a certainement pas de sermons plus chrétiens que les leurs, et leurs mœurs étaient pures… »
1311 es… » Ce jugement rachète en partie les calomnies de l’Inquisition. Mais on s’étonne de voir ce saint docteur qualifier de
1312 les calomnies de l’Inquisition. Mais on s’étonne de voir ce saint docteur qualifier de « chrétienne » une prédication qui
1313 is on s’étonne de voir ce saint docteur qualifier de « chrétienne » une prédication qui nie plusieurs des dogmes fondament
1314 ication qui nie plusieurs des dogmes fondamentaux de son Église. Quant à la pureté de mœurs des cathares, nous avons vu qu
1315 mes fondamentaux de son Église. Quant à la pureté de mœurs des cathares, nous avons vu qu’elle traduisait des croyances fo
1316 qu’elle traduisait des croyances fort différentes de celles qui fondent la morale chrétienne orthodoxe. La condamnation de
1317 t la morale chrétienne orthodoxe. La condamnation de la chair, où certains croient voir aujourd’hui une caractéristique ch
1318 d’hui une caractéristique chrétienne, est en fait d’ origine manichéenne et « hérétique ». Car il est essentiel de le rappe
1319 anichéenne et « hérétique ». Car il est essentiel de le rappeler ici : la « chair » dont parle saint Paul n’est pas le cor
1320 nt Paul n’est pas le corps physique, mais le tout de l’homme incroyant, corps, raison, facultés, désirs — donc l’âme aussi
1321 ires et leur dernier haut lieu, le château-temple de Montségur43 — enfin saccagea brutalement la civilisation très raffiné
1322 aient été l’âme austère et secrète. Et cependant, de cette culture et de ses doctrines fondamentales, nous sommes encore t
1323 ère et secrète. Et cependant, de cette culture et de ses doctrines fondamentales, nous sommes encore tributaires, au-delà
1324 mentales, nous sommes encore tributaires, au-delà de ce que l’on imagine… (Comme j’espère le montrer par ce livre.) 7.H
1325 considérer les troubadours comme des « croyants » de l’Église cathare, et comme des chantres de son hérésie ? Cette thèse,
1326 ants » de l’Église cathare, et comme des chantres de son hérésie ? Cette thèse, que je qualifierai de maxima par contraste
1327 de son hérésie ? Cette thèse, que je qualifierai de maxima par contraste avec celle où je crois pouvoir m’arrêter44, fut
1328 t stimulantes : car il semble également difficile de la rejeter et de l’accepter, de la démontrer et de n’y pas croire du
1329 ar il semble également difficile de la rejeter et de l’accepter, de la démontrer et de n’y pas croire du tout, et cela tie
1330 alement difficile de la rejeter et de l’accepter, de la démontrer et de n’y pas croire du tout, et cela tient à l’essence
1331 e la rejeter et de l’accepter, de la démontrer et de n’y pas croire du tout, et cela tient à l’essence même du phénomène d
1332 nt à l’essence même du phénomène dont elle essaie de rendre compte : à la fois historique et archétypique, psychique et my
1333 t croire que ces deux mouvements soient dépourvus de toute espèce de liens ? S’ils étaient demeurés sans nul rapport, ne s
1334 deux mouvements soient dépourvus de toute espèce de liens ? S’ils étaient demeurés sans nul rapport, ne serait-ce pas plu
1335 trange que tout ? Mais en revanche, quelle espèce de liens peut-on imaginer entre ces noirs cathares, que leur ascétisme c
1336 ts romanistes dans leur conclusion unanime : rien de commun entre cathares et troubadours ! Mais l’irrépressible intuition
1337 e révolution psychique du xiie siècle ! Le refus de comprendre l’un par l’autre et par un même mouvement de l’esprit l’hé
1338 prendre l’un par l’autre et par un même mouvement de l’esprit l’hérésie et l’amour courtois, n’équivaut-il pas au refus de
1339 e et l’amour courtois, n’équivaut-il pas au refus de les comprendre isolément ? ⁂ Voyons les présomptions en faveur de la
1340 nt en ruines… Les personnages les plus importants de ma terre se sont laissé corrompre. La foule a suivi leur exemple et a
1341 vécu et chanté dans ce monde-là, sans se soucier de ce que pensaient, croyaient et sentaient les seigneurs aux dépens des
1342 rs limousins (comme elle le sera bientôt par ceux de bien d’autres régions de l’Europe), se trouve être la langue du comté
1343 le sera bientôt par ceux de bien d’autres régions de l’Europe), se trouve être la langue du comté de Toulouse ! On a dit a
1344 ervation n’est pas toujours exacte — il s’en faut de beaucoup, comme on va voir ! — et de plus il se peut très bien que le
1345 révèle tout au contraire les tendances hérétiques de ces cours. Voici le début d’une chanson de Peire Vidal : Mon cœur se
1346 tendances hérétiques de ces cours. Voici le début d’ une chanson de Peire Vidal : Mon cœur se réjouit à cause du renouveau
1347 tiques de ces cours. Voici le début d’une chanson de Peire Vidal : Mon cœur se réjouit à cause du renouveau si agréable et
1348 eau si agréable et si doux, et à cause du château de Fanjeaux, qui me semble le Paradis ; car amour et joie s’y enferment,
1349 n son « cathare » ? Mais qu’est-ce que ce château de Fanjeaux ? L’une des maisons-mères des cathares ! Le plus fameux des
1350  1193 (notre poème pouvant être daté des environs de  1190), et c’est là qu’Esclarmonde de Foix, la plus grande Dame de l’h
1351 st là qu’Esclarmonde de Foix, la plus grande Dame de l’hérésie, recevra le consolamentum ! La seconde strophe ne parle que
1352 strophe ne parle que des « dames » : Je n’ai pas d’ ennemi si mortel dont je ne devienne l’ami loyal, s’il me parle des da
1353 Est-il vraiment possible, se demande le lecteur, d’ imaginer que Peire Vidal soit autre chose qu’un galant amuseur, un fla
1354 oit autre chose qu’un galant amuseur, un flatteur de femmes riches — celles qui forment son public ? Mais la suite du poèm
1355 ter pour aller en Provence : ce sont les châteaux de Laurac, de Gaillac, de Saissac et de Montréal ; ce sont les comtés de
1356 ler en Provence : ce sont les châteaux de Laurac, de Gaillac, de Saissac et de Montréal ; ce sont les comtés de l’Albigeoi
1357 nce : ce sont les châteaux de Laurac, de Gaillac, de Saissac et de Montréal ; ce sont les comtés de l’Albigeois et du Carc
1358 les châteaux de Laurac, de Gaillac, de Saissac et de Montréal ; ce sont les comtés de l’Albigeois et du Carcassès « où les
1359 c, de Saissac et de Montréal ; ce sont les comtés de l’Albigeois et du Carcassès « où les chevaliers et les femmes du pays
1360 vons que tous ces châteaux sont des foyers connus de l’hérésie, ou même des « maisons d’hérétiques » (sortes de couvents) 
1361 foyers connus de l’hérésie, ou même des « maisons d’ hérétiques » (sortes de couvents) ; que ces comtés sont notoirement ca
1362 sie, ou même des « maisons d’hérétiques » (sortes de couvents) ; que ces comtés sont notoirement cathares ; et que cette «
1363 intitule en toute innocence « remerciements pour de gracieuses hospitalités », prend ainsi le caractère imprévu d’une sor
1364 hospitalités », prend ainsi le caractère imprévu d’ une sorte de lettre pastorale ! Et pourtant, je le relis et je me frot
1365 s », prend ainsi le caractère imprévu d’une sorte de lettre pastorale ! Et pourtant, je le relis et je me frotte les yeux…
1366 yeux… Comment croire que ce ton badin, ces potins de milieu littéraire… S’agirait-il vraiment de « pures coïncidences » ?
1367 otins de milieu littéraire… S’agirait-il vraiment de « pures coïncidences » ? Ce doute et cette question renaissent à l’in
1368 s glorifient — sans toujours l’exercer — la vertu de chasteté ? Est-ce pure coïncidence si, comme les « purs », ils ne reç
1369 ncidence si, comme les « purs », ils ne reçoivent de leur Dame qu’un seul baiser d’initiation ? Et s’ils distinguent deux
1370 , ils ne reçoivent de leur Dame qu’un seul baiser d’ initiation ? Et s’ils distinguent deux degrés dans le domnei (le prega
1371 et l’entendeire) comme on distingue dans l’Église d’ Amour les « croyants » et les « parfaits » ? Et s’ils raillent les lie
1372 outes ? Et si l’on retrouve, enfin, dans certains de leurs vers, des expressions tirées de la liturgie cathare ? Il ne ser
1373 ns certains de leurs vers, des expressions tirées de la liturgie cathare ? Il ne serait que trop facile de multiplier ces
1374 a liturgie cathare ? Il ne serait que trop facile de multiplier ces questions. Voyons plutôt les arguments adverses. Tous
1375 roubadours, dira-t-on, ne furent pas dans le camp de l’hérésie. Plusieurs finirent leurs jours dans des couvents. Certes,
1376 jour où il fut accusé devant le pape Innocent III d’ avoir causé la mort de cinq-cents personnes ! D’ailleurs, quand on dém
1377 devant le pape Innocent III d’avoir causé la mort de cinq-cents personnes ! D’ailleurs, quand on démontrerait, à supposer
1378 d’entre les troubadours ignoraient les analogies de leur lyrisme et du dogme cathare, on n’aurait pas encore démontré que
1379 re, on n’aurait pas encore démontré que l’origine de ce lyrisme n’est pas hérétique. N’oublions pas qu’ils composaient leu
1380 leurs coblas et leurs sirventés selon les canons d’ une rhétorique admirablement invariable. On peut concevoir une poésie
1381 r une poésie — même très belle — qui serait faite de lieux communs dont le poète ne saurait d’où ils viennent. N’est-ce pa
1382 t faite de lieux communs dont le poète ne saurait d’ où ils viennent. N’est-ce pas, sauf la beauté, plutôt courant ? Et si
1383 Et si l’on dit : ces troubadours ne parlent point de leurs croyances dans les poésies qui nous restent — il suffit de rapp
1384 ces dans les poésies qui nous restent — il suffit de rappeler que les cathares promettaient, lors de l’initiation, de ne j
1385 les cathares promettaient, lors de l’initiation, de ne jamais trahir leur foi, et cela quelle que fût la mort dont ils se
1386 verraient menacés. C’est ainsi que les registres de l’Inquisition ne portent pas un seul aveu concernant la minesola (ou
1387 uprême initiation des « purs ». La fréquence même de cette question débattue dans les cours d’amour : « Un chevalier peut-
1388 ce même de cette question débattue dans les cours d’ amour : « Un chevalier peut-il être à la fois marié et fidèle à sa dam
1389 aient subir un apparent « mariage » avec l’Église de Rome dont ils étaient les clercs, tout en servant dans leurs « pensée
1390 t dans leurs « pensées » une autre Dame, l’Église d’ Amour… Bernard Gui, dans son Manuel de l’Inquisiteur, n’affirme-t-il p
1391 f qu’elle représentait pour eux non pas une femme de chair, mère de Jésus, mais leur Église ? Mais certains abjurèrent l’
1392 rons-les dans la très pure nudité et transparence de leur rhétorique amoureuse. ⁂ Thème de la mort, que l’on préfère aux d
1393 ransparence de leur rhétorique amoureuse. ⁂ Thème de la mort, que l’on préfère aux dons du monde : Plus m’agrée donc de m
1394 on préfère aux dons du monde : Plus m’agrée donc de mourir Que de joie vilaine jouir Car joie qui repaît vilement N’a pou
1395 dons du monde : Plus m’agrée donc de mourir Que de joie vilaine jouir Car joie qui repaît vilement N’a pouvoir ni droit
1396 Car joie qui repaît vilement N’a pouvoir ni droit de me plaire tant. Ainsi chante Aimeric de Belenoi. La « joie vilaine »
1397 i. La « joie vilaine », c’est ce qui le guérirait de son désir, si justement l’amour sans fin n’était le mal qu’il aime, l
1398 mour sans fin n’était le mal qu’il aime, la « joy d’ amor », le délire qui prévaut :         … en fait, ce fou désir M’occ
1399 t         … et ce désir Prévaut — bien que fait de délire – Sur tout autre… S’il ne veut pas mourir encore, c’est qu’il
1400 st pas assez détaché du désir, c’est qu’il craint de quitter son corps par désespoir, « mortel péché », enfin, c’est qu’il
1401 ’il ignore encore         à quoi lui peut servir De laisser en extase son âme ravir. La doctrine n’exigeait-elle pas qu’
1402 ssitude ni par peur ou douleur, mais dans un état de parfait détachement de la matière…48 ». Voici le thème de la séparati
1403 douleur, mais dans un état de parfait détachement de la matière…48 ». Voici le thème de la séparation, le leitmotiv de tou
1404 it détachement de la matière…48 ». Voici le thème de la séparation, le leitmotiv de tout l’amour courtois : Dieu ! commen
1405  ». Voici le thème de la séparation, le leitmotiv de tout l’amour courtois : Dieu ! comment se peut-il faire Que plus m’e
1406  : cette aube qui doit le réunir à son « copain » de route, et donc d’épreuves dans le monde. (Ces deux « copains », serai
1407 doit le réunir à son « copain » de route, et donc d’ épreuves dans le monde. (Ces deux « copains », seraient-ce l’âme et le
1408 ais désirant l’esprit ? Mais souvenons-nous aussi de la coutume des missionnaires cheminant deux par deux) : Roi glorieux
1409         Et bientôt viendra l’aube. Mais à la fin de la chanson, le troubadour a-t-il trahi ses vœux ? Ou bien a-t-il trou
1410 lus voir aube ni jour Car la plus belle fille qui de mère naquit La tient dedans mes bras, donc plus ne me soucie         
1411 edans mes bras, donc plus ne me soucie         Ni de jaloux ni d’aube. Ce rossignol allègrement vient de lancer le trille
1412 s, donc plus ne me soucie         Ni de jaloux ni d’ aube. Ce rossignol allègrement vient de lancer le trille dont Wagner
1413 de lancer le trille dont Wagner au deuxième acte de Tristan, fera le cri sublime de Brengaine : « Habet acht ! Habet acht
1414 au deuxième acte de Tristan, fera le cri sublime de Brengaine : « Habet acht ! Habet acht ! Schon weicht dem Tag die Nach
1415 nuit nous enveloppe ! » Tout comme dans ce début d’ une autre « aube »50 anonyme : En un verger, sous une loge d’aubépine,
1416 « aube »50 anonyme : En un verger, sous une loge d’ aubépine, la dame a tenu son ami dans ses bras jusqu’à ce que le guett
1417 oi, et que jamais le guetteur n’annonçât le lever de l’aube ! Dieu ! c’est l’aube. Qu’elle vient donc vite ! » Mais cette
1418 ous à jurer que jamais ils ne trahiront le secret de leur grande passion — comme s’il s’agissait d’une foi, et d’une foi i
1419 et de leur grande passion — comme s’il s’agissait d’ une foi, et d’une foi initiatique ? Renoncez, je vous le dis, au nom
1420 nde passion — comme s’il s’agissait d’une foi, et d’ une foi initiatique ? Renoncez, je vous le dis, au nom d’Amour et au
1421 us le tiendrai bien caché. Je mourrais plutôt que de faillir en un seul mot… Quelle est la « dame » qui mériterait ce sac
1422 « dame » qui mériterait ce sacrifice ? Ou ce cri de Guillaume de Poitiers : Par elle seule je serai sauvé ! Ou cette in
1423 elle seule je serai sauvé ! Ou cette invocation d’ Uc de Saint-Circ à une Dame sans merci : Je ne désire pas que Dieu m’
1424 ou bonheur, sinon par vous ! S’il ne s’agit que de figures de rhétorique, quel est l’esprit qui leur donna naissance ? E
1425 , sinon par vous ! S’il ne s’agit que de figures de rhétorique, quel est l’esprit qui leur donna naissance ? Et quel Amou
1426 platonicienne ? Dans sa chanson Du moindre tiers d’ Amour — celui des femmes — Guiraut de Calanson dit des deux autres tie
1427 conviennent Noblesse et Merci ; et le premier est de telle élévation qu’au-dessus du ciel plane son pouvoir. Cet Amour un
1428 en soi des grands mystiques hétérodoxes, le Dieu d’ avant la Trinité dont nous parlent la Gnose et Maître Eckhart, et plus
1429 — est l’émanation intellectuelle et féminine ? Et d’ où viendrait, sinon, l’incertitude, voire le sentiment d’équivoque don
1430 endrait, sinon, l’incertitude, voire le sentiment d’ équivoque dont on ne peut se départir à la lecture de ces poèmes amour
1431 quivoque dont on ne peut se départir à la lecture de ces poèmes amoureux ? Il s’agit bien d’une femme réelle51 — le prétex
1432 a lecture de ces poèmes amoureux ? Il s’agit bien d’ une femme réelle51 — le prétexte physique est là — mais comme dans le
1433 n’y aurait là, « tout simplement », qu’une manie d’ idéaliser la femme et l’amour naturel. Mais d’où provient donc cette m
1434 nie d’idéaliser la femme et l’amour naturel. Mais d’ où provient donc cette manie ? D’une « humeur idéalisante » ? Lisons p
1435 ur naturel. Mais d’où provient donc cette manie ? D’ une « humeur idéalisante » ? Lisons plutôt ce cantique de Peire de Rog
1436  humeur idéalisante » ? Lisons plutôt ce cantique de Peire de Rogiers : Âpre tourment je dois souffrir Pour chagrin d’ell
1437 rs : Âpre tourment je dois souffrir Pour chagrin d’ elle que j’ai si grand Mon cœur ne s’en doit point défaire Ni jamais j
1438 is rien, car ne sais vouloir qu’ELLE ! Et ce cri de Bernart de Ventadour : Elle m’a pris mon cœur, elle m’a pris moi-mêm
1439 ésir et mon cœur assoiffé ! Et ces deux strophes d’ Arnaut Daniel — un noble qui se fit jongleur errant, et dont les roman
1440 s romanistes assurent que les poèmes sont « vides de pensée » : n’y trouve-t-on pas la démarche précise de la mystique nég
1441 ensée » : n’y trouve-t-on pas la démarche précise de la mystique négative, et ses métaphores invariables ? Je l’aime et l
1442 taphores invariables ? Je l’aime et la recherche de si grand cœur que, par excès de désir, je crois que je m’enlèverai to
1443 e et la recherche de si grand cœur que, par excès de désir, je crois que je m’enlèverai tout désir si l’on peut rien perdr
1444 aimer. Car son cœur submerge le mien tout entier d’ un flot qui ne s’évapore plus… Je ne veux ni l’Empire de Rome, ni qu’o
1445 lot qui ne s’évapore plus… Je ne veux ni l’Empire de Rome, ni qu’on m’en nomme le pape, si je ne dois pas faire retour ver
1446 ruit et elle se damne. ⁂ Il est temps maintenant de pousser à l’extrême l’intuition directrice de cette recherche. Si la
1447 ant de pousser à l’extrême l’intuition directrice de cette recherche. Si la Dame n’est pas simplement l’Église d’Amour des
1448 cherche. Si la Dame n’est pas simplement l’Église d’ Amour des cathares (comme ont pu le croire Aroux et Péladan), ni la Ma
1449 phia des hérésies gnostiques (le Principe féminin de la divinité), ne serait-elle pas l’Anima, ou plus précisément encore 
1450 ou plus précisément encore : la part spirituelle de l’homme, celle que son âme emprisonnée dans le corps appelle d’un amo
1451 lle que son âme emprisonnée dans le corps appelle d’ un amour nostalgique que la mort seule pourra combler ? Dans les Képha
1452 pourra combler ? Dans les Képhalaïa ou Chapitres de Manès52, on peut lire au chapitre X comment l’élu qui a renoncé au mo
1453 le consolamentum, généralement donné à l’approche de la mort), comment il se voit de la sorte « ordonné » dans l’Esprit de
1454 onné à l’approche de la mort), comment il se voit de la sorte « ordonné » dans l’Esprit de Lumière ; comment enfin, au mom
1455 il se voit de la sorte « ordonné » dans l’Esprit de Lumière ; comment enfin, au moment de sa mort, la forme de Lumière, q
1456 e ; comment enfin, au moment de sa mort, la forme de Lumière, qui est son Esprit, lui apparaît et le console par un baiser
1457 nge lui tend la main droite et le salue également d’ un baiser d’amour ; comment enfin l’élu vénère sa propre forme de lumi
1458 la main droite et le salue également d’un baiser d’ amour ; comment enfin l’élu vénère sa propre forme de lumière, sa salv
1459 mour ; comment enfin l’élu vénère sa propre forme de lumière, sa salvatrice. Or, qu’attendait de la « Dame de ses pensées 
1460 forme de lumière, sa salvatrice. Or, qu’attendait de la « Dame de ses pensées », inaccessible par essence, toujours placée
1461 ère, sa salvatrice. Or, qu’attendait de la « Dame de ses pensées », inaccessible par essence, toujours placée « en trop ha
1462 p haut lieu » pour lui53, le troubadour souffrant de l’amour vrai ? Un seul baiser, un seul regard, un seul salut. Jaufré
1463 eul regard, un seul salut. Jaufré Rudel, au terme d’ un amour conçu pour une femme qu’il n’a jamais vue, rejoignant enfin c
1464 , rejoignant enfin cette image après la traversée d’ une mer, meurt dans les bras de la comtesse de Tripoli dès qu’il en a
1465 après la traversée d’une mer, meurt dans les bras de la comtesse de Tripoli dès qu’il en a reçu un seul baiser de paix et
1466 sse de Tripoli dès qu’il en a reçu un seul baiser de paix et le salut. Il s’agit d’une légende, mais tirée des poèmes qui
1467 eçu un seul baiser de paix et le salut. Il s’agit d’ une légende, mais tirée des poèmes qui chantent bel et bien « l’amour
1468 rée des poèmes qui chantent bel et bien « l’amour de loin ». Il y eut aussi des dames « réelles »… Mais le furent-elles, e
1469 es, en vérité, plus que cet événement psychique ? De l’énigme historique, dont plusieurs ont cru voir la solution dans l’h
1470 voir la solution dans l’hypothèse fort excitante d’ une clandestinité de l’Église hérétique, dont les poètes eussent été l
1471 ns l’hypothèse fort excitante d’une clandestinité de l’Église hérétique, dont les poètes eussent été les agents, nous pass
1472 té les agents, nous passons maintenant au mystère d’ une passion proprement religieuse, d’une conception mystique de l’homm
1473 t au mystère d’une passion proprement religieuse, d’ une conception mystique de l’homme, fortement attestée dans la vie mêm
1474 proprement religieuse, d’une conception mystique de l’homme, fortement attestée dans la vie même des âmes. Essayons à nou
1475 tée dans la vie même des âmes. Essayons à nouveau de repérer, entre les pointes et les oscillations extrêmes de cette rech
1476 r, entre les pointes et les oscillations extrêmes de cette recherche, la réalité généralement intermédiaire, donc moins « 
1477 gré moi, des conclusions dont l’importance risque de se mesurer au nombre d’objections qu’elles soulèveront. Je ne songe p
1478 dont l’importance risque de se mesurer au nombre d’ objections qu’elles soulèveront. Je ne songe pas à esquiver des critiq
1479 e j’espère fécondes. Mais le lecteur me saura gré de tenir compte des doutes qui ont dû s’élever dans son esprit, et d’ind
1480 es doutes qui ont dû s’élever dans son esprit, et d’ indiquer en bref par quelles raisons je crois pouvoir les surmonter. O
1481 e mal connue et qu’il est donc au moins prématuré d’ y voir la source (ou l’une des sources principales) du lyrisme courtoi
1482 t qu’ils suivaient cette religion, ou que c’était d’ elle qu’ils parlaient ; 3° Qu’au contraire, l’amour qu’ils exaltent n’
1483 du désir sexuel ; 4° Qu’on distingue mal comment, de la confuse combinaison de doctrines manichéennes et néo-platonicienne
1484 distingue mal comment, de la confuse combinaison de doctrines manichéennes et néo-platoniciennes, sur un fond de traditio
1485 s manichéennes et néo-platoniciennes, sur un fond de traditions celtibériques, aurait pu naître une rhétorique aussi préci
1486 çal resterait totalement obscur, comme il ressort de l’aveu même des romanistes. Or je le répète, je me refuse, pour ma pa
1487 sidérer comme absurde une poétique et une éthique de l’amour d’où sont issues, dans les siècles suivants, les plus belles
1488 me absurde une poétique et une éthique de l’amour d’ où sont issues, dans les siècles suivants, les plus belles œuvres de l
1489 dans les siècles suivants, les plus belles œuvres de la littérature occidentale. D’autre part, ce que l’on connaît aujourd
1490 contestations possibles les origines manichéennes de l’hérésie. Or, si l’on se reporte à ce qui fut dit plus haut (II, 2)
1491 nichéens en général, il apparaît qu’un supplément d’ information sur telle ou telle nuance ou altération qu’auraient reçues
1492 dogme catholique ; à quoi s’ajoutent des éléments de vocabulaire et de syntaxe dont l’origine est nettement liturgique. On
1493 à quoi s’ajoutent des éléments de vocabulaire et de syntaxe dont l’origine est nettement liturgique. On peut imaginer que
1494 tretiennent avec le néo-manichéisme des relations d’ un type analogue54. Au surplus, la tonalité hérétique des lieux commun
1495 surplus, la tonalité hérétique des lieux communs de la rhétorique courtoise devient sensible dès que l’on compare ces lie
1496 ble dès que l’on compare ces lieux communs à ceux de la poésie cléricale de l’époque. Un spécialiste aussi sceptique que J
1497 e ces lieux communs à ceux de la poésie cléricale de l’époque. Un spécialiste aussi sceptique que Jeanroy n’a pas été sans
1498 ue Jeanroy n’a pas été sans le remarquer. Parlant de la lyrique abstraite des troubadours du xiiie siècle et de la confus
1499 que abstraite des troubadours du xiiie siècle et de la confusion qu’elle favorise, de Dieu et de la Dame des pensées, il
1500 iiie siècle et de la confusion qu’elle favorise, de Dieu et de la Dame des pensées, il écrit : « Il n’y a là, dira-t-on,
1501 e et de la confusion qu’elle favorise, de Dieu et de la Dame des pensées, il écrit : « Il n’y a là, dira-t-on, que figures
1502 il écrit : « Il n’y a là, dira-t-on, que figures de rhétorique sans conséquences. Soit. Mais les théories que les troubad
1503 ourquoi n’y a-t-il dans leurs œuvres aucune trace de ce déchirement intérieur, de ce dissidio qui rend si pathétiques cert
1504 œuvres aucune trace de ce déchirement intérieur, de ce dissidio qui rend si pathétiques certains vers de Pétrarque55 » ?
1505 ce dissidio qui rend si pathétiques certains vers de Pétrarque55 » ? 2. Les troubadours gardent le secret. À la thèse du c
1506 t supposer chez l’homme du xiie siècle une forme de conscience qui ne pouvait être la sienne. Si l’on essaie de se replac
1507 nce qui ne pouvait être la sienne. Si l’on essaie de se replacer dans l’atmosphère du Moyen Âge, on s’aperçoit que l’absen
1508 osphère du Moyen Âge, on s’aperçoit que l’absence de signification symbolique d’une poésie serait un fait beaucoup plus sc
1509 perçoit que l’absence de signification symbolique d’ une poésie serait un fait beaucoup plus scandaleux que ne peut être à
1510 peut être à nos yeux, par exemple, le symbolisme de la Dame. Dans l’optique de l’homme médiéval, toute chose signifie aut
1511 s rêves, et cela sans qu’intervienne aucun effort de traduction conceptuelle. En d’autres termes, le médiéval n’a pas beso
1512 e. En d’autres termes, le médiéval n’a pas besoin de se formuler le sens des symboles qu’il emploie, ni d’en prendre une c
1513 e formuler le sens des symboles qu’il emploie, ni d’ en prendre une conscience distincte. Il est indemne de ce rationalisme
1514 prendre une conscience distincte. Il est indemne de ce rationalisme qui nous permet, à nous autres modernes, d’isoler et
1515 onalisme qui nous permet, à nous autres modernes, d’ isoler et d’abstraire de toute ambiance significative les objets que n
1516 nous permet, à nous autres modernes, d’isoler et d’ abstraire de toute ambiance significative les objets que nous considér
1517 , à nous autres modernes, d’isoler et d’abstraire de toute ambiance significative les objets que nous considérons56. L’un
1518 celui, entre autres, du mystique Suso : « La vie de la chrétienté médiévale est, dans toutes ses manifestations, saturée
1519 vale est, dans toutes ses manifestations, saturée de représentations religieuses. Pas de choses ou d’actions, si ordinaire
1520 ions, saturée de représentations religieuses. Pas de choses ou d’actions, si ordinaires soient-elles, dont on ne cherche c
1521 de représentations religieuses. Pas de choses ou d’ actions, si ordinaires soient-elles, dont on ne cherche constamment à
1522 e rapport avec la foi. Mais dans cette atmosphère de saturation, la tension religieuse, l’idée transcendantale, l’élan ver
1523 banalité, en choquant matérialisme à prétentions d’ au-delà. Même chez un mystique de l’envergure d’un Henri Suso, le subl
1524 me à prétentions d’au-delà. Même chez un mystique de l’envergure d’un Henri Suso, le sublime nous semble parfois frôler le
1525 s d’au-delà. Même chez un mystique de l’envergure d’ un Henri Suso, le sublime nous semble parfois frôler le ridicule. Il e
1526 uvresse. Sublime encore, quand il suit les usages de l’amour profane et célèbre le jour de l’an et le premier mai en offra
1527 ser du reste ? À table, il mange les trois quarts d’ une pomme en l’honneur de la Trinité, et le dernier quart par amour po
1528 l mange les trois quarts d’une pomme en l’honneur de la Trinité, et le dernier quart par amour pour la Mère céleste qui do
1529 il double la cinquième gorgée parce que du flanc de Jésus, coula du sang et de l’eau. Voilà la sanctification de la vie p
1530 gée parce que du flanc de Jésus, coula du sang et de l’eau. Voilà la sanctification de la vie poussée à ses extrêmes limit
1531 oula du sang et de l’eau. Voilà la sanctification de la vie poussée à ses extrêmes limites57. » Dira-t-on que l’on tombe i
1532 eu plus loin que « la naïve conscience religieuse de la multitude n’avait pas besoin de preuves intellectuelles en matière
1533 nce religieuse de la multitude n’avait pas besoin de preuves intellectuelles en matière de foi : la seule présence d’une i
1534 llectuelles en matière de foi : la seule présence d’ une image visible des choses saintes suffisait à en démontrer la vérit
1535 bolique aux yeux des initiés et des sympathisants de l’Église d’Amour. Normalement, il ne serait venu à personne cette idé
1536 yeux des initiés et des sympathisants de l’Église d’ Amour. Normalement, il ne serait venu à personne cette idée, stricteme
1537 tre valables, dussent être commentés et expliqués d’ une manière non symbolique… Une objection inverse a été faite : commen
1538 n’ait dénoncé les troubadours comme propagateurs de l’hérésie ? La réponse me paraît aisée. Il est clair que les troubado
1539 me des « croyants », et plus souvent encore comme de simples sympathisants. Ces distinctions, d’ailleurs, étaient bien moi
1540 ient bien moins tranchées qu’elles ne le seraient de nos jours. Ils chantaient, pour un public en majorité favorable à l’h
1541 blic en majorité favorable à l’hérésie, une forme d’ amour qui se trouvait correspondre (et répondre) à la situation morale
1542 tuation morale très difficile résultant à la fois de la condamnation religieuse portée sur la sexualité par les Parfaits,
1543 euse portée sur la sexualité par les Parfaits, et de la révolte naturelle contre la conception orthodoxe du mariage, récem
1544 allait de soi. Dans ce cas, le symbole se double d’ une allégorie, et prend un sens cryptographique. Je veux parler de l’é
1545 et prend un sens cryptographique. Je veux parler de l’école du trobar clus, déjà citée, et que M. Jeanroy définit en ces
1546 onsistait alors à recouvrir une pensée religieuse d’ un vêtement profane, à appliquer à l’amour divin les formules consacré
1547 es formules consacrées par l’usage à l’expression de l’amour humain58. » Le trobar clus ne serait ainsi qu’un jeu littérai
1548 avoir d’autres causes » qu’on « ne se flatte pas de débrouiller ». (Op. cit., II, p. 16). Mais le troubadour Alegret l’a
1549 avance et je lui dirai comment il me fut possible d’ y mettre deux (var. trois) mots de sens divers. » Cette manière d’embr
1550 me fut possible d’y mettre deux (var. trois) mots de sens divers. » Cette manière d’embrouiller les sens (entrebescar disa
1551 (var. trois) mots de sens divers. » Cette manière d’ embrouiller les sens (entrebescar disaient les Provençaux : entrelacer
1552 trelacer) s’expliquerait-elle par une « intention d’ intriguer l’auditeur et de lui poser une énigme » ? On peut penser que
1553 lle par une « intention d’intriguer l’auditeur et de lui poser une énigme » ? On peut penser que les troubadours étaient m
1554 dours entendaient-ils leurs propres symboles ? Et d’ une manière plus générale, quelle espèce de conscience avons-nous des
1555 s ? Et d’une manière plus générale, quelle espèce de conscience avons-nous des métaphores que nous utilisons dans nos écri
1556 poésie baignait dans l’atmosphère la plus chargée de passions. Les actions que nous rapportent les chroniqueurs du temps s
1557 s plus « surréalistes » qu’ait connues l’histoire de nos mœurs… Qu’on se rappelle ce seigneur jaloux qui tue le troubadour
1558 e ce seigneur jaloux qui tue le troubadour favori de sa femme, et fait servir le cœur de la victime sur un plat. La dame l
1559 badour favori de sa femme, et fait servir le cœur de la victime sur un plat. La dame le mange sans savoir ce que c’est. Le
1560 ets si savoureux que jamais plus ne mangerai rien d’ autre ! » et elle se jette par la fenêtre du donjon. On admettra que c
1561 gine. 3. L’Amour courtois serait une idéalisation de l’amour charnel. C’est la thèse la plus courante. On pourrait se born
1562 me médiéval procède généralement de haut en bas —  de ciel en terre — ce qui réfute les conclusions modernes déduites du pr
1563 i aussi, dans la lyrique courtoise une expression de sentiments religieux de l’époque60, Jeanroy écrit : « Dans ces affirm
1564 courtoise une expression de sentiments religieux de l’époque60, Jeanroy écrit : « Dans ces affirmations hardies, il y a d
1565 affirmations hardies, il y a du reste une erreur de fait aisée à relever : qu’à la longue, la chanson se soit vidée de so
1566 elever : qu’à la longue, la chanson se soit vidée de son contenu initial, n’ait plus été qu’un tissu de formules creuses o
1567 e son contenu initial, n’ait plus été qu’un tissu de formules creuses on le peut admettre. Mais au début et jusqu’à la fin
1568 siècle, il n’en était pas ainsi : chez les poètes de cette époque, l’expression du désir charnel est si vive et parfois si
1569 parfois si brutale qu’il est vraiment impossible de se tromper sur la nature de leurs aspirations. » Si c’est le cas, on
1570 t vraiment impossible de se tromper sur la nature de leurs aspirations. » Si c’est le cas, on se demande d’où vient la gên
1571 urs aspirations. » Si c’est le cas, on se demande d’ où vient la gêne et l’« agacement » de l’auteur lorsqu’il est obligé d
1572 se demande d’où vient la gêne et l’« agacement » de l’auteur lorsqu’il est obligé de reconnaître l’équivoque des expressi
1573 l’« agacement » de l’auteur lorsqu’il est obligé de reconnaître l’équivoque des expressions courtoises et leurs résonance
1574 tain — doit-il avouer — que les idées religieuses d’ une époque influent généralement sur la conception qu’on se fait de l’
1575 uent généralement sur la conception qu’on se fait de l’amour, et surtout que le vocabulaire de la galanterie se règle sur
1576 se fait de l’amour, et surtout que le vocabulaire de la galanterie se règle sur celui de la dévotion. Du jour où adorer de
1577 e vocabulaire de la galanterie se règle sur celui de la dévotion. Du jour où adorer devient synonyme d’aimer, cette métaph
1578 e la dévotion. Du jour où adorer devient synonyme d’ aimer, cette métaphore en entraîne une quantité d’autres. » Mais alors
1579 alors pourquoi rejeter sans discussion l’ouvrage de Wechssler, qui soutient que les « théories amoureuses du Moyen Âge ne
1580 ries amoureuses du Moyen Âge ne sont qu’un reflet de ses idées religieuses ? » Et pourquoi vouloir à tout prix que les poè
1581 ations « réalistes » et des descriptions précises de la Dame aimée, alors qu’ailleurs on leur reproche de ne recourir jama
1582 la Dame aimée, alors qu’ailleurs on leur reproche de ne recourir jamais, qu’à des épithètes stéréotypées ? Jaufré Rudel, p
1583 , dit très nettement que sa Dame est une création de son esprit, et qu’elle s’évanouit avec l’aube. Ailleurs, c’est la « p
1584 qu’il veut aimer. Cependant M. Jeanroy s’inquiète de trouver dans ses poèmes « des détails qui paraissent nous plonger dan
1585  ». Exemples donnés : « Je suis en doute au sujet d’ une chose et mon cœur est dans l’angoisse : c’est que tout ce que le f
1586 t que toute la poésie des troubadours fût l’œuvre d’ un seul auteur louant une Dame unique !) Où est alors cette expression
1587 Où est alors cette expression « vive et brutale » d’ un désir évidemment charnel ? Dans la crudité de certains termes ? Mai
1588 » d’un désir évidemment charnel ? Dans la crudité de certains termes ? Mais elle était courante et naturelle avant le puri
1589 nt est anachronique. Voici par contre un document de poids à l’appui de la thèse symboliste. Raimbaut d’Orange écrit un po
1590 e, dit-il, soyez brutaux, « donnez-leur des coups de poing sur le nez » (est-ce assez « cru » ?), forcez-les : car c’est c
1591 comporte autrement, c’est que je ne me soucie pas d’ aimer. Je ne veux pas me gêner pour les femmes, pas plus que si toutes
1592 op parler est pis que péché mortel. Or nous avons de ce même Raimbaut d’Orange d’admirables poèmes à la louange de la Dame
1593 ortel. Or nous avons de ce même Raimbaut d’Orange d’ admirables poèmes à la louange de la Dame. Et nous savons par ailleurs
1594 aimbaut d’Orange d’admirables poèmes à la louange de la Dame. Et nous savons par ailleurs que l’anneau (échangé par Trista
1595 nneau (échangé par Tristan et Iseut) est le signe d’ une fidélité qui justement n’est pas celle des corps. Soulignons enfin
1596 Soulignons enfin ce fait capital : que les vertus de la cortezia : humilité, loyauté, respect et fidélité envers la Dame,
1597 a Dame, sont ici rapportées expressément au refus de l’amour physique. Au surplus, nous verrons plus tard les poèmes de Da
1598 ue. Au surplus, nous verrons plus tard les poèmes de Dante être d’autant plus passionnés et « réalistes » dans leurs image
1599 , nous verrons plus tard les poèmes de Dante être d’ autant plus passionnés et « réalistes » dans leurs images que Béatrice
1600 Béatrice s’élèvera davantage dans une hiérarchie d’ abstractions mystiques, figurant d’abord la philosophie, puis la Scien
1601 ardents parmi les troubadours à louer les beautés de leur Dame, Arnaut Daniel et l’italien Guinizelli sont placés au chant
1602 us amène à reconnaître enfin la réelle complexité d’ un problème dont nous avons souligné jusqu’ici, non sans une volontair
1603 cru que la cortezia était une simple idéalisation de l’instinct sexuel. À l’inverse, il serait excessif de soutenir que l’
1604 ’instinct sexuel. À l’inverse, il serait excessif de soutenir que l’idéal mystique sur quoi elle se fondait à l’origine fû
1605 ervé ; ou qu’il fût en soi univoque. L’exaltation de la chasteté produit presque toujours des excès luxurieux. Sans nous a
1606 cès luxurieux. Sans nous attarder aux accusations de débauche que beaucoup ont portées contre les troubadours — l’on sait
1607 les troubadours — l’on sait au vrai peu de choses de leur vie — nous rappellerons l’exemple des sectes gnostiques, qui con
1608 particulier l’attrait des sexes, mais déduisaient de cette condamnation une morale étrangement débridée. Les carpocratiens
1609 saient le sperme62. Il est probable que des excès de ce genre se produisirent aussi chez les cathares, et plus encore chez
1610 rifiantes figurent à cet égard dans les registres de l’Inquisition. Notons toutefois qu’elles sont souvent contradictoires
1611 cepter le christianisme primitif. Et il est juste de citer ici le jugement d’un dominicain qui eut l’occasion de fouiller
1612 rimitif. Et il est juste de citer ici le jugement d’ un dominicain qui eut l’occasion de fouiller dans les archives du sain
1613 ci le jugement d’un dominicain qui eut l’occasion de fouiller dans les archives du saint Office, et qui s’exprime ainsi au
1614 ice, et qui s’exprime ainsi au sujet des cathares d’ Italie, ou patarins : « Malgré toutes mes recherches, dans les procédu
1615 à tout, leurs erreurs étaient plutôt des erreurs d’ intelligence que de sensualité 63. » Retenons donc ceci, qui nuance no
1616 urs étaient plutôt des erreurs d’intelligence que de sensualité 63. » Retenons donc ceci, qui nuance notre schéma : si les
1617 nc ceci, qui nuance notre schéma : si les erreurs de la passion — au sens précis que je donne à ce mot — sont d’origine re
1618 ion — au sens précis que je donne à ce mot — sont d’ origine religieuse et mystique, il est certain qu’elles se trouvent fl
1619 , ou comme dit Platon dans le Banquet : « l’amour de gauche. » ⁂ Tout ceci m’amène à conclure — quels qu’aient pu être mes
1620 Pour nous faciliter une représentation analogique de ce processus minimum d’inspiration et d’influence, prenons un exemple
1621 représentation analogique de ce processus minimum d’ inspiration et d’influence, prenons un exemple moderne. Un exemple don
1622 alogique de ce processus minimum d’inspiration et d’ influence, prenons un exemple moderne. Un exemple dont je crois pouvoi
1623 ment connues (au sens total) par plusieurs hommes de ma génération : je veux parler du surréalisme et de l’influence de Fr
1624 ma génération : je veux parler du surréalisme et de l’influence de Freud sur ce mouvement. Supposons l’historien futur de
1625 : je veux parler du surréalisme et de l’influence de Freud sur ce mouvement. Supposons l’historien futur de notre civilisa
1626 eud sur ce mouvement. Supposons l’historien futur de notre civilisation détruite : il a devant les yeux quelques poèmes su
1627 ration sémite. Du moins sait-on par les pamphlets de ses adversaires que cette école proposait une théorie érotique des rê
1628 araissent présenter aucun sens, et l’on se plaint de leur monotonie ; toujours les mêmes images érotiques et sanglantes, l
1629 érateur « peu sérieux » imagine alors l’hypothèse d’ une influence de la psychanalyse sur l’ensemble du surréalisme : coïnc
1630 rieux » imagine alors l’hypothèse d’une influence de la psychanalyse sur l’ensemble du surréalisme : coïncidence des dates
1631 du surréalisme : coïncidence des dates, analogie de thèmes fondamentaux… Les spécialistes du xxe siècle haussent les épa
1632 u’il n’en existe plus. — Dans ce cas, il convient de surseoir à toute hypothèse cohérente. En attendant, le bon sens suffi
1633 montrer : 1° que le peu de choses que nous savons de la psychanalyse n’autorise pas à faire de cette doctrine la source de
1634 savons de la psychanalyse n’autorise pas à faire de cette doctrine la source des textes connus. (Il semble bien que Freud
1635 nt tout un savant ; qu’il ait soutenu une théorie de la libido ; et qu’il ait pris une attitude déterministe : or le surré
1636 e littéraire avant tout ; on ne retrouve le terme de libido dans aucun des poèmes subsistants ; et ces poèmes sont de tend
1637 aucun des poèmes subsistants ; et ces poèmes sont de tendance idéaliste-anarchisante) ; 2° que les surréalistes n’ont jama
1638 alystes ; 4° qu’enfin l’on distingue mal comment, d’ une science qui se donnait pour objet l’analyse et la cure des névrose
1639 ure des névroses, aurait pu naître une rhétorique de la folie, c’est-à-dire un défi à toute science en général et à toute
1640 vaient nul besoin et n’avaient pas la possibilité de parler de libido dans leurs poèmes ; nous savons même que c’est à la
1641 besoin et n’avaient pas la possibilité de parler de libido dans leurs poèmes ; nous savons même que c’est à la faveur d’u
1642 s poèmes ; nous savons même que c’est à la faveur d’ une erreur initiale sur la portée exacte de la doctrine de Freud (déte
1643 faveur d’une erreur initiale sur la portée exacte de la doctrine de Freud (déterministe-positiviste) qu’ils ont pu en tire
1644 reur initiale sur la portée exacte de la doctrine de Freud (déterministe-positiviste) qu’ils ont pu en tirer les éléments
1645 -positiviste) qu’ils ont pu en tirer les éléments de leur lyrisme (ce dernier trait me paraît capital pour l’analogie que
1646 ns enfin qu’il a suffi que quelques-uns des chefs de cette école lisent Freud : les disciples se sont bornés à imiter la r
1647 outre, on aperçoit, par cet exemple, que l’action d’ une doctrine sur des poètes s’exerce moins par influence directe qu’à
1648 exerce moins par influence directe qu’à la faveur d’ une certaine ambiance de scandale, de snobisme et d’intérêt, suscitée
1649 ce directe qu’à la faveur d’une certaine ambiance de scandale, de snobisme et d’intérêt, suscitée par les dogmes centraux.
1650 ’à la faveur d’une certaine ambiance de scandale, de snobisme et d’intérêt, suscitée par les dogmes centraux. Ce qui expli
1651 une certaine ambiance de scandale, de snobisme et d’ intérêt, suscitée par les dogmes centraux. Ce qui explique pas mal d’e
1652 par les dogmes centraux. Ce qui explique pas mal d’ erreurs, variations et contradictions chez les poètes influencés. D’où
1653 ons et contradictions chez les poètes influencés. D’ où résulte qu’un surcroît d’informations sur la nature exacte des théo
1654 es poètes influencés. D’où résulte qu’un surcroît d’ informations sur la nature exacte des théories de Freud, loin de fourn
1655 d’informations sur la nature exacte des théories de Freud, loin de fournir aux savants futurs les apaisements qu’ils, ser
1656 ts futurs les apaisements qu’ils, seront en droit d’ attendre, paraîtra contredire la thèse de mon littérateur « peu sérieu
1657 en droit d’attendre, paraîtra contredire la thèse de mon littérateur « peu sérieux ». (Eppur ! C’est lui qui aura raison c
1658 ra raison contre les « vingtiémistes » chevronnés de son temps.) On a remarqué qu’à l’objection n° 4, je n’ai répondu jusq
1659 à l’objection n° 4, je n’ai répondu jusqu’ici que d’ une manière tout indirecte et allusive. C’est qu’elle mérite un traite
1660 au chapitre. 9.Les mystiques arabes Comment de la confuse combinaison de doctrines plus ou moins chrétiennes, manich
1661 iques arabes Comment de la confuse combinaison de doctrines plus ou moins chrétiennes, manichéennes et néo-platonicienn
1662 ? C’est l’argument que les romanistes ont coutume d’ opposer à l’interprétation religieuse de l’art courtois. Or il se trou
1663 t coutume d’opposer à l’interprétation religieuse de l’art courtois. Or il se trouve que dès le ixe siècle, une synthèse
1664 xe siècle, une synthèse non moins « improbable » de manichéisme iranien, de néo-platonisme et d’islamisme s’était bel et
1665 non moins « improbable » de manichéisme iranien, de néo-platonisme et d’islamisme s’était bel et bien opérée en Arabie, e
1666 le » de manichéisme iranien, de néo-platonisme et d’ islamisme s’était bel et bien opérée en Arabie, et de plus, s’était ex
1667 courtoises. ⁂ Lorsque Sismondi avança l’hypothèse d’ une influence arabe sur la lyrique provençale, A. W. Schlegel lui répo
1668 utenir un pareil paradoxe. Mais Schlegel prouvait de la sorte que cette double ignorance était précisément son fait. On l’
1669 it. On l’excusera d’ailleurs si l’on tient compte de l’état des études arabisantes à son époque. Des travaux plus récents
1670 ire et l’œuvre, dès le ixe siècle, dans l’islam, d’ une école de mystiques poètes qui devaient avoir plus tard pour princi
1671 re, dès le ixe siècle, dans l’islam, d’une école de mystiques poètes qui devaient avoir plus tard pour principales illust
1672 laj, Al-Ghazali et Sohrawardi d’Alep, troubadours de l’Amour suprême, chantres courtois de l’Idée voilée, objet aimé mais
1673 troubadours de l’Amour suprême, chantres courtois de l’Idée voilée, objet aimé mais en même temps symbole du Désir divin.
1674  qu’il connaissait par Plotin, Proclus et l’école d’ Athènes — un continuateur de Zoroastre. Son néo-platonisme était par a
1675 n, Proclus et l’école d’Athènes — un continuateur de Zoroastre. Son néo-platonisme était par ailleurs très fortement pénét
1676 tonisme était par ailleurs très fortement pénétré de représentations mythiques iraniennes. En particulier, il empruntait a
1677 ont s’était inspiré Manès — l’opposition du monde de la Lumière et du monde des Ténèbres, dont on a vu qu’elle est fondame
1678 rique amoureuse et chevaleresque, dont les titres de quelques traités mystiques de cette école donnent une idée : le Famil
1679 ue, dont les titres de quelques traités mystiques de cette école donnent une idée : le Familier des Amants, le Roman des S
1680 Roman des Sept Beautés… Il y a plus. À l’occasion de ces traités, les mêmes disputes théologiques se produisirent, qui dev
1681 mer Dieu (comme l’ordonne le sommaire évangélique de la Loi). Une créature finie ne peut aimer que le fini. Il en résulta
1682 i. Il en résulta que les mystiques furent obligés de recourir à des symboles dont le sens restait secret. (Ainsi la louang
1683 n, dont l’usage était interdit, devint le symbole de la divine ivresse d’amour.) Mais compte tenu de cette difficulté part
1684 interdit, devint le symbole de la divine ivresse d’ amour.) Mais compte tenu de cette difficulté particulière — qui n’est
1685 e de la divine ivresse d’amour.) Mais compte tenu de cette difficulté particulière — qui n’est d’ailleurs pas sans rapport
1686 part divine dont l’exaltation aboutît à la fusion de l’âme et de la Divinité. Or le langage érotico-religieux des poètes m
1687 dont l’exaltation aboutît à la fusion de l’âme et de la Divinité. Or le langage érotico-religieux des poètes mystiques ten
1688 tendait à établir cette confusion du Créateur et de la créature. Et l’on accusa ces poètes de manichéisme déguisé, sur la
1689 teur et de la créature. Et l’on accusa ces poètes de manichéisme déguisé, sur la foi de leur langage symbolique. Al-Hallaj
1690 usa ces poètes de manichéisme déguisé, sur la foi de leur langage symbolique. Al-Hallaj et Sohrawardi devaient même payer
1691 ique. Al-Hallaj et Sohrawardi devaient même payer de leur vie cette accusation d’hérésie65. Il est bien émouvant de consta
1692 devaient même payer de leur vie cette accusation d’ hérésie65. Il est bien émouvant de constater que tous les termes d’une
1693 ette accusation d’hérésie65. Il est bien émouvant de constater que tous les termes d’une pareille polémique s’appliquent a
1694 st bien émouvant de constater que tous les termes d’ une pareille polémique s’appliquent au cas des troubadours, et plus ta
1695 utandis, au cas des grands mystiques occidentaux, de Maître Eckhardt à Jean de la Croix. ⁂ Une brève revue des thèmes « co
1696 Croix. ⁂ Une brève revue des thèmes « courtois » de la mystique arabe fera sentir à quelles profondeurs le parallélisme t
1697 dent ainsi une communauté — comparable à l’Église d’ Amour des cathares. b) selon le manichéisme iranien, dont s’inspiraien
1698 chéisme iranien, dont s’inspiraient les mystiques de l’école illuminative de Sohrawardi une jeune fille éblouissante atten
1699 inspiraient les mystiques de l’école illuminative de Sohrawardi une jeune fille éblouissante attend le fidèle à la sortie
1700 e suis toi-même ! » Or selon certains interprètes de la mystique des troubadours, la Dame des pensées ne serait autre que
1701 serait autre que la part spirituelle et angélique de l’homme, son vrai moi. Ce qui pourrait nous orienter vers une compréh
1702 ait nous orienter vers une compréhension nouvelle de ce que nous appelions le « narcissisme de la passion » (à propos de T
1703 ouvelle de ce que nous appelions le « narcissisme de la passion » (à propos de Tristan, chap. viii du Livre Ier). c) Le F
1704 Amants est construit sur l’allégorie du « Château de l’Âme » et de ses différents étages et loges. Dans l’une de ces loges
1705 struit sur l’allégorie du « Château de l’Âme » et de ses différents étages et loges. Dans l’une de ces loges habite un per
1706 et de ses différents étages et loges. Dans l’une de ces loges habite un personnage qui se nomme l’Idée voilée. Elle « con
1707 lle « connaît les secrets qui guérissent et c’est d’ elle que l’on apprend la magie ». (L’Iseut celtique était aussi une ma
1708 seut celtique était aussi une magicienne, « objet de contemplation, spectacle mystérieux ».) Dans le Château de l’Âme habi
1709 plation, spectacle mystérieux ».) Dans le Château de l’Âme habitent d’autres personnages allégoriques, tels que Beauté, Dé
1710 r, le Bien connu : comment ne pas songer au Roman de la Rose ? Et le symbolisme chevaleresque se retrouve dans l’ouvrage d
1711 mbolisme chevaleresque se retrouve dans l’ouvrage de Nizam de Ganja : le Roman des Sept Beautés, qui conte les aventures d
1712 e Roman des Sept Beautés, qui conte les aventures de sept jeunes filles vêtues aux couleurs des planètes et que visite un
1713 te un roi-chevalier. Nous retrouverons le Château de l’Âme parmi les symboles préférés d’un Ruysbroek et d’une sainte Thér
1714 s le Château de l’Âme parmi les symboles préférés d’ un Ruysbroek et d’une sainte Thérèse… d) Dans un poème du « sultan de
1715 Âme parmi les symboles préférés d’un Ruysbroek et d’ une sainte Thérèse… d) Dans un poème du « sultan des amoureux », Omar
1716 errible qui l’envoûte : Mes concitoyens, étonnés de me voir esclave, ont dit : Pourquoi ce jeune homme a-t-il été pris de
1717 ont dit : Pourquoi ce jeune homme a-t-il été pris de folie ? Et que peuvent-ils dire de moi, sinon que je m’occupe de Nou’
1718 -t-il été pris de folie ? Et que peuvent-ils dire de moi, sinon que je m’occupe de Nou’m ? Oui, en vérité, je m’occupe de
1719 ue peuvent-ils dire de moi, sinon que je m’occupe de Nou’m ? Oui, en vérité, je m’occupe de Nou’m. Quand Nou’m me gratifie
1720 e m’occupe de Nou’m ? Oui, en vérité, je m’occupe de Nou’m. Quand Nou’m me gratifie d’un regard, cela m’est égal que Sou’d
1721 té, je m’occupe de Nou’m. Quand Nou’m me gratifie d’ un regard, cela m’est égal que Sou’da ne soit pas complaisante67. » «
1722 laisante67. » « Nou’m » est le nom conventionnel de la femme aimée, et signifie ici Dieu. Or les troubadours nommaient au
1723 Dieu. Or les troubadours nommaient aussi la Dame de leurs pensées d’un nom conventionnel ou senhal, derrière lequel nos é
1724 ubadours nommaient aussi la Dame de leurs pensées d’ un nom conventionnel ou senhal, derrière lequel nos érudits s’épuisent
1725 nt, donne le premier (Sohrawardi : le Bruissement de l’aile de Gabriel), c’est un des thèmes constants du lyrisme des trou
1726 le premier (Sohrawardi : le Bruissement de l’aile de Gabriel), c’est un des thèmes constants du lyrisme des troubadours, p
1727 thèmes constants du lyrisme des troubadours, puis de Dante et enfin de Pétrarque. Tous ces poètes attachent au « salut » d
1728 u lyrisme des troubadours, puis de Dante et enfin de Pétrarque. Tous ces poètes attachent au « salut » de la Dame une impo
1729 Pétrarque. Tous ces poètes attachent au « salut » de la Dame une importance apparemment démesurée, mais qui s’explique for
1730 ) Les mystiques arabes insistent sur la nécessité de garder le secret de l’Amour divin. Ils dénoncent sans relâche les ind
1731 es insistent sur la nécessité de garder le secret de l’Amour divin. Ils dénoncent sans relâche les indiscrets qui voudraie
1732 draient s’enquérir des mystères sans y participer de toute leur foi. À l’interrogation d’un impatient : « Qu’est-ce que le
1733 y participer de toute leur foi. À l’interrogation d’ un impatient : « Qu’est-ce que le soufisme ? », al-Hallaj répond : « N
1734 amants. » De plus, les indiscrets sont soupçonnés d’ intentions mauvaises : ce sont eux qui dénoncent les amants à l’autori
1735 provençaux apparaissent des personnages qualifiés de losengiers (médisants, indiscrets, espions) et que le troubadour couv
1736 indiscrets, espions) et que le troubadour couvre d’ invectives. Nos savants commentateurs ne savent trop que faire de ces
1737 os savants commentateurs ne savent trop que faire de ces encombrants losengiers, et tentent de s’en débarrasser en affirma
1738 e faire de ces encombrants losengiers, et tentent de s’en débarrasser en affirmant que les amants du xiie siècle tenaient
1739 nts du xiie siècle tenaient énormément au secret de leurs liaisons (ce qui les distinguerait, sans doute, des amants de t
1740 (ce qui les distinguerait, sans doute, des amants de tous les autres siècles) ? g) Enfin, la louange de la mort d’amour e
1741 tous les autres siècles) ? g) Enfin, la louange de la mort d’amour est le leitmotiv du lyrisme mystique des Arabes. Ibn-
1742 utres siècles) ? g) Enfin, la louange de la mort d’ amour est le leitmotiv du lyrisme mystique des Arabes. Ibn-al-Faridh :
1743 me mystique des Arabes. Ibn-al-Faridh : Le repos de l’amour est une fatigue, son commencement une maladie, sa fin la mort
1744 mour est une vie ; je rends grâce à ma Bien-aimée de me l’avoir offerte. Celui qui ne meurt pas de son amour ne peut en vi
1745 mée de me l’avoir offerte. Celui qui ne meurt pas de son amour ne peut en vivre. C’est ici le cri même de la mystique occ
1746 on amour ne peut en vivre. C’est ici le cri même de la mystique occidentale mais aussi du lyrisme provençal. C’est l’orai
1747 du lyrisme provençal. C’est l’oraison jaculatoire de sainte Thérèse : Je meurs de ne pas mourir ! Al-Hallaj disait : En m
1748 ’oraison jaculatoire de sainte Thérèse : Je meurs de ne pas mourir ! Al-Hallaj disait : En me tuant vous me ferez vivre,
1749 ous me ferez vivre, car pour moi c’est mourir que de vivre, et vivre que de mourir. La vie, c’est en effet le jour terrest
1750 pour moi c’est mourir que de vivre, et vivre que de mourir. La vie, c’est en effet le jour terrestre des êtres contingent
1751 ur terrestre des êtres contingents et le tourment de la matière ; mais la mort, c’est la nuit de l’illumination, l’évanoui
1752 rment de la matière ; mais la mort, c’est la nuit de l’illumination, l’évanouissement des formes illusoires, l’union de l’
1753 , l’évanouissement des formes illusoires, l’union de l’Âme et de l’Aimé, la communion avec l’Être absolu. Aussi Moïse est-
1754 sement des formes illusoires, l’union de l’Âme et de l’Aimé, la communion avec l’Être absolu. Aussi Moïse est-il pour les
1755 du plus grand Amant, puisqu’en exprimant le désir de voir Dieu sur le Sinaï, il exprima le désir de sa mort. Et l’on conço
1756 ir de voir Dieu sur le Sinaï, il exprima le désir de sa mort. Et l’on conçoit que le terme nécessaire de la voie illuminat
1757 sa mort. Et l’on conçoit que le terme nécessaire de la voie illuminative d’un Sohrawardi, d’un Hallaj, ait été le martyre
1758 t que le terme nécessaire de la voie illuminative d’ un Sohrawardi, d’un Hallaj, ait été le martyre religieux au sommet de
1759 cessaire de la voie illuminative d’un Sohrawardi, d’ un Hallaj, ait été le martyre religieux au sommet de la joy d’amour :
1760 un Hallaj, ait été le martyre religieux au sommet de la joy d’amour : Al-Hallaj se rendait au supplice en riant. Je lui d
1761 ait été le martyre religieux au sommet de la joy d’ amour : Al-Hallaj se rendait au supplice en riant. Je lui dis : Maîtr
1762 est cela ? Il répondit : Telle est la coquetterie de la Beauté attirant à elle les amoureux68. ⁂ On sait enfin que l’amour
1763 onde arabe, celle des Banou Ohdri où l’on mourait d’ amour à force d’exalter le désir chaste, selon le verset du Coran : « 
1764 e des Banou Ohdri où l’on mourait d’amour à force d’ exalter le désir chaste, selon le verset du Coran : « Celui qui aime,
1765 erset du Coran : « Celui qui aime, qui s’abstient de tout ce qui est interdit, qui garde son amour secret, et qui meurt de
1766 nterdit, qui garde son amour secret, et qui meurt de son secret, celui-là meurt martyr. » « L’amour ohdri » devint, jusqu’
1767 ohdri » devint, jusqu’en Andalousie, le nom même de l’amour qui va s’appeler courtois dans le Midi, puis remonter vers le
1768 is remonter vers le nord celtique, à la rencontre de Tristan… ⁂ Peut-on prouver que la poétique arabe a réellement influen
1769 en 1863 : « Un abîme sépare la forme et l’esprit de la poésie romane de la forme et de l’esprit de la poésie arabe. » Un
1770 e sépare la forme et l’esprit de la poésie romane de la forme et de l’esprit de la poésie arabe. » Un autre savant, Dozy,
1771 me et l’esprit de la poésie romane de la forme et de l’esprit de la poésie arabe. » Un autre savant, Dozy, déclare à cette
1772 it de la poésie romane de la forme et de l’esprit de la poésie arabe. » Un autre savant, Dozy, déclare à cette époque qu’o
1773 prouvera pas. » Ce ton péremptoire fait sourire. De Bagdad à l’Andalousie, la poésie arabe est une, par la langue et l’éc
1774 llaume de Poitiers, dans cinq sur onze des poèmes de lui qui nous restent. Les « preuves » de l’influence andalouse sur le
1775 s poèmes de lui qui nous restent. Les « preuves » de l’influence andalouse sur les poètes courtois ne sont plus à faire69.
1776 s à faire69. Et je pourrais ici remplir des pages de citations d’Arabes et de Provençaux dont nos grands spécialistes de «
1777 Et je pourrais ici remplir des pages de citations d’ Arabes et de Provençaux dont nos grands spécialistes de « l’abîme qui
1778 is ici remplir des pages de citations d’Arabes et de Provençaux dont nos grands spécialistes de « l’abîme qui sépare » aur
1779 bes et de Provençaux dont nos grands spécialistes de « l’abîme qui sépare » auraient parfois peine à deviner de quel côté
1780 îme qui sépare » auraient parfois peine à deviner de quel côté des Pyrénées elles furent écrites. La cause est entendue. M
1781 des plus extraordinaires confluences spirituelles de l’Histoire. D’une part, un grand courant religieux manichéen, qui ava
1782 ie et la France, apportant sa doctrine ésotérique de la Sophia-Maria et de l’amour pour la « forme de lumière ». D’autre p
1783 tant sa doctrine ésotérique de la Sophia-Maria et de l’amour pour la « forme de lumière ». D’autre part, une rhétorique ha
1784 de la Sophia-Maria et de l’amour pour la « forme de lumière ». D’autre part, une rhétorique hautement raffinée, avec ses
1785 aux mêmes endroits, son symbolisme enfin, remonte de l’Irak des soufis platonisants et manichéisants jusqu’à l’Espagne ara
1786 qui, semble-t-il, n’attendait plus que ces moyens de langage pour dire ce qu’elle n’osait et ne pouvait avouer ni dans la
1787 s le parler vulgaire. La poésie courtoise est née de cette rencontre. Et c’est ainsi qu’au dernier confluent des « hérésie
1788 st ainsi qu’au dernier confluent des « hérésies » de l’âme et de celles du désir, venues du même Orient par les deux rives
1789 au dernier confluent des « hérésies » de l’âme et de celles du désir, venues du même Orient par les deux rives de la mer c
1790 u désir, venues du même Orient par les deux rives de la mer civilisatrice, naquit le grand modèle occidental du langage de
1791 ice, naquit le grand modèle occidental du langage de l’amour-passion. 10.Vue d’ensemble du phénomène courtois Revena
1792 cidental du langage de l’amour-passion. 10.Vue d’ ensemble du phénomène courtois Revenant après de longues années sur
1793 ’ensemble du phénomène courtois Revenant après de longues années sur les problèmes soulevés par les pages qui précèdent
1794 par les pages qui précèdent, j’éprouve le besoin de rassembler ici tout un faisceau d’observations nouvelles. Le lecteur
1795 ouve le besoin de rassembler ici tout un faisceau d’ observations nouvelles. Le lecteur va juger si elles infirment, ou si
1796 conception religieuse, ou simplement une théorie de l’homme — et une forme lyrique déterminée. (Rapports entre le soufism
1797 sme et la poésie courtoise des Arabes ; influence de Freud sur l’école surréaliste). Les polémiques parfois fort vives pro
1798 ultipliées depuis quinze ans par les spécialistes de l’amour courtois, du catharisme et du manichéisme, et peut-être l’exp
1799 éisme, et peut-être l’expérience vécue autant que de nouvelles recherches personnelles, tout cela m’amène aujourd’hui à un
1800 s, tout cela m’amène aujourd’hui à une conception de la cortezia à peine moins « historique » que celle que j’esquissais p
1801 oute plus psychologique. Je rappelais la relation de fait (lieux et dates remarquablement identiques) entre cathares et tr
1802 is à dire : il y a là quelque chose, et l’absence de rapports entre ces gens me paraîtrait plus étonnante encore que n’imp
1803 lle hypothèse, « sérieuse » ou non, sur la nature de ces rapports. Mais je me gardais de démontrer le détail précis des in
1804 sur la nature de ces rapports. Mais je me gardais de démontrer le détail précis des influences, à la manière de beaucoup d
1805 l précis des influences, à la manière de beaucoup d’ historiens pour qui le réel n’est défini que par des documents écrits.
1806 le leur. Je ne prétends pas fonder sur pièces une de ces solutions textuelles et « scientifiques » après quoi, comme le di
1807 isant autant qu’il est possible, la problématique de l’amour courtois — parce que je la crois vitale pour l’Occident moder
1808 lques faits, comme un piège. J’éviterai à la fois d’ indiquer des relations de cause à effet, et de formuler expressément d
1809 ge. J’éviterai à la fois d’indiquer des relations de cause à effet, et de formuler expressément des conclusions que l’on p
1810 ois d’indiquer des relations de cause à effet, et de formuler expressément des conclusions que l’on pourrait citer hors du
1811 s condamnant le mariage mais fondant une « Église d’ Amour », opposée à l’Église de Rome71, envahit rapidement la France, d
1812 ondant une « Église d’Amour », opposée à l’Église de Rome71, envahit rapidement la France, de Reims au Nord et des confins
1813 l’Église de Rome71, envahit rapidement la France, de Reims au Nord et des confins de l’Italie jusqu’à l’Espagne, pour rayo
1814 dement la France, de Reims au Nord et des confins de l’Italie jusqu’à l’Espagne, pour rayonner de là sur toute l’Europe. D
1815 fins de l’Italie jusqu’à l’Espagne, pour rayonner de là sur toute l’Europe. Dans le même temps, d’autres mouvements hétéro
1816 sant aux prélats ambitieux et aux pompes sacrales de l’Église un spiritualisme épuré, ils aboutissent parfois, plus ou moi
1817 nt Bernard de Clairvaux et Abélard sont les pôles de ce drame dans l’Église, et au niveau de la spéculation. Mais hors de
1818 incompréhensibles, les oscillations s’amplifient. D’ Henri de Lausanne et Pierre de Bruys jusqu’à un Amaury de Bène et aux
1819 squ’à un Amaury de Bène et aux frères ortliebiens de Strasbourg, tous condamnent le mariage, — que par ailleurs, le pape-m
1820 ue par ailleurs, le pape-moine Grégoire VII vient d’ interdire aux prêtres. En revanche, beaucoup professent que l’homme ét
1821 beaucoup professent que l’homme étant divin, rien de ce qu’il fait avec son corps — cette part du diable — ne saurait enga
1822 ette part du diable — ne saurait engager le salut de son âme : « Point de péché au-dessous du nombril ! » précise un évêqu
1823 ne saurait engager le salut de son âme : « Point de péché au-dessous du nombril ! » précise un évêque dualiste, excusant
1824 ée par plusieurs sectes. Une forme toute nouvelle de poésie naît dans le Midi de la France, patrie cathare : elle célèbre
1825 ’idée platonicienne du principe féminin, le culte de l’Amour contre le mariage, en même temps que la chasteté. Saint Berna
1826 u Parfaits, puis oppose à la cortezia la mystique de l’Amour divin. De nombreux commentaires du Cantique des Cantiques son
1827 ppose à la cortezia la mystique de l’Amour divin. De nombreux commentaires du Cantique des Cantiques sont écrits pour les
1828 sont écrits pour les nonnes des premiers couvents de femmes, de l’abbaye de Fontevrault si proche du premier troubadour — 
1829 pour les nonnes des premiers couvents de femmes, de l’abbaye de Fontevrault si proche du premier troubadour — c’est le co
1830 nnes des premiers couvents de femmes, de l’abbaye de Fontevrault si proche du premier troubadour — c’est le comte Guillaum
1831 e comte Guillaume de Poitiers — jusqu’au Paraclet d’ Héloïse. Cette mystique épithalamique se retrouve à la fois chez Berna
1832 es courtois et en lettres, le premier grand roman d’ amour-passion de notre histoire. Jaufré Rudel va mourir dans les bras
1833 n lettres, le premier grand roman d’amour-passion de notre histoire. Jaufré Rudel va mourir dans les bras de la comtesse d
1834 re histoire. Jaufré Rudel va mourir dans les bras de la comtesse de Tripoli, « princesse lointaine » qu’il aime sans l’avo
1835 x et au temps où se nouent la légende et le mythe de la passion mortelle : Tristan. À cette montée puissante et comme univ
1836 an. À cette montée puissante et comme universelle de l’Amour et du culte de la Femme idéalisée, l’Église et le clergé ne p
1837 sante et comme universelle de l’Amour et du culte de la Femme idéalisée, l’Église et le clergé ne pouvaient manquer d’oppo
1838 lisée, l’Église et le clergé ne pouvaient manquer d’ opposer une croyance et un culte qui répondissent au même désir profon
1839 lte qui répondissent au même désir profond, surgi de l’âme collective. Il fallait « convertir » ce désir, tout en se laiss
1840 mme pour mieux le capter dans le courant puissant de l’orthodoxie72. De là les tentatives multipliées, dès le début du xii
1841 apter dans le courant puissant de l’orthodoxie72. De là les tentatives multipliées, dès le début du xiie siècle, pour ins
1842 le début du xiie siècle, pour instituer un culte de la Vierge. Marie reçoit généralement, dès cette époque, le titre de r
1843 e reçoit généralement, dès cette époque, le titre de regina cœli, et c’est en Reine désormais que l’art va la représenter.
1844 ’art va la représenter. À la « Dame des Pensées » de la cortezia, on substituera « Notre-Dame ». Et les ordres monastiques
1845 ordres chevaleresques : le moine est « chevalier de Marie ». En 1140, à Lyon, les chanoines établissent une fête de l’Imm
1846  1140, à Lyon, les chanoines établissent une fête de l’Immaculée-Conception de Notre-Dame. Saint Bernard de Clairvaux eut
1847 fameuse contre « cette fête nouvelle que l’usage de l’Église ignore, que la raison n’approuve pas, que la tradition n’aut
1848 torise point… et qui introduit la nouveauté, sœur de la superstition, fille de l’inconstance ». Et saint Thomas eut beau,
1849 duit la nouveauté, sœur de la superstition, fille de l’inconstance ». Et saint Thomas eut beau, cent ans plus tard, écrire
1850 saint Thomas eut beau, cent ans plus tard, écrire de la manière la plus précise : « Si Marie eût été conçue sans péché, el
1851 té conçue sans péché, elle n’aurait pas eu besoin d’ être rachetée par Jésus-Christ. » Le culte de la Vierge répondait à un
1852 soin d’être rachetée par Jésus-Christ. » Le culte de la Vierge répondait à une nécessité d’ordre vital pour l’Église menac
1853 » Le culte de la Vierge répondait à une nécessité d’ ordre vital pour l’Église menacée et entraînée… La papauté, plusieurs
1854 ier trait dont on verra qu’il est tout impossible de le rattacher latéralement aux précédents. C’est au xiie siècle que s
1855 tteste en Europe une modification radicale du jeu d’ échecs, originaire de l’Inde. Au lieu des quatre rois qui dominaient l
1856 modification radicale du jeu d’échecs, originaire de l’Inde. Au lieu des quatre rois qui dominaient le jeu primitif, on vo
1857 trouvant d’ailleurs réduit à sa moindre puissance d’ action réelle, tout en demeurant l’enjeu final et le personnage sacré.
1858 é. 2. Œdipe et les dieux. — Freud désigne du nom d’ Œdipe le complexe composé dans l’inconscient par l’agressivité du fils
1859 tacle à l’amour pour la mère) et par le sentiment de culpabilité qui en résulte. Le poids de l’autorité patriarcale réduit
1860 sentiment de culpabilité qui en résulte. Le poids de l’autorité patriarcale réduit le fils au conformisme social et moral 
1861 le fils au conformisme social et moral ; le poids de l’interdit lié à la mère (donc au principe féminin) inhibe l’amour :
1862 ui touche à la femme reste « impur ». Ce complexe de sentiments œdipiens est d’autant plus contraignant que la structure s
1863 « impur ». Ce complexe de sentiments œdipiens est d’ autant plus contraignant que la structure sociale est plus solide, la
1864 ouvoirs plus révéré. Imaginons maintenant un état de la société où le principe de cohésion se relâche ; où la puissance éc
1865 s maintenant un état de la société où le principe de cohésion se relâche ; où la puissance économique détenue par le père
1866 divine se divise elle-même, soit en une pluralité de dieux, comme en Grèce, soit en un couple dieu-déesse, comme en Égypte
1867 compulsion qui créait le complexe œdipien faiblit d’ autant. La haine pour le père se concentre sur le démiurge et sur son
1868 sexualité procréatrice, — tandis qu’un sentiment d’ adoration purifiée peut se porter sur le Dieu-Esprit. En même temps, l
1869 ent libéré : il peut enfin s’avouer sous la forme d’ un culte rendu à l’archétype divin de la femme, à condition que cette
1870 ous la forme d’un culte rendu à l’archétype divin de la femme, à condition que cette Déesse-Mère ne cesse pas d’être virgi
1871 e, à condition que cette Déesse-Mère ne cesse pas d’ être virginale, qu’elle échappe donc à l’interdit maintenu sur la femm
1872 e échappe donc à l’interdit maintenu sur la femme de chair. L’union mystique avec cette divinité féminine devient alors un
1873 des domaines entre tous les fils, ou « pariage », d’ où perte d’autorité du Suzerain) ; à une sorte de pré-Renaissance indi
1874 s entre tous les fils, ou « pariage », d’où perte d’ autorité du Suzerain) ; à une sorte de pré-Renaissance individualiste 
1875 d’où perte d’autorité du Suzerain) ; à une sorte de pré-Renaissance individualiste ; à l’invasion d’une religion dualiste
1876 de pré-Renaissance individualiste ; à l’invasion d’ une religion dualiste ; enfin, à cette montée puissante du culte de l’
1877 aliste ; enfin, à cette montée puissante du culte de l’Amour, dont je viens de rappeler les manifestations. Nous voici don
1878 nie dans l’Histoire) du phénomène que nous venons d’ imaginer au paragraphe précédent. Si nous cherchons à nous représenter
1879 ous représenter la situation psychique et éthique de l’homme en ce temps-là, nous constatons d’abord qu’il se trouve impli
1880 és dans le cas des simples croyants, c’est-à-dire de l’immense majorité des hérétiques. Du côté catholique, le mariage est
1881 ent, cependant qu’il repose en fait sur des bases d’ intérêt matériel et social, et se voit imposé aux époux sans qu’il soi
1882 voit imposé aux époux sans qu’il soit tenu compte de leurs sentiments. En même temps, le relâchement de l’autorité et des
1883 e leurs sentiments. En même temps, le relâchement de l’autorité et des pouvoirs ménage, comme nous l’avons vu, une possibi
1884 , comme nous l’avons vu, une possibilité nouvelle d’ admettre la femme, mais sous le couvert d’une idéalisation, voire d’un
1885 ouvelle d’admettre la femme, mais sous le couvert d’ une idéalisation, voire d’une divinisation du principe féminin. Ce qui
1886 e, mais sous le couvert d’une idéalisation, voire d’ une divinisation du principe féminin. Ce qui ne peut qu’aviver la cont
1887 ies dans leur fascinante nouveauté… C’est au cœur de cette situation inextricable, c’est comme une résultante de tant de c
1888 ituation inextricable, c’est comme une résultante de tant de confusions qui devaient s’y nouer, qu’apparaît la cortezia, «
1889 qu’apparaît la cortezia, « religion » littéraire de l’Amour chaste, de la femme idéalisée, avec sa « piété » particulière
1890 tezia, « religion » littéraire de l’Amour chaste, de la femme idéalisée, avec sa « piété » particulière, la joy d’amors, s
1891 idéalisée, avec sa « piété » particulière, la joy d’ amors, ses « rites » précis, la rhétorique des troubadours, sa morale
1892 précis, la rhétorique des troubadours, sa morale de l’hommage et du service, sa « théologie » et ses disputes théologique
1893 ans toute l’Europe. Or nous voyons cette religion de l’amour ennoblissant célébrée par les mêmes hommes qui persistent à t
1894 vent dans le même poète un adorateur enthousiaste de la Dame, qu’il exalte, et un contempteur de la femme, qu’il rabaisse 
1895 iaste de la Dame, qu’il exalte, et un contempteur de la femme, qu’il rabaisse : qu’on se rappelle seulement les vers d’un
1896 l rabaisse : qu’on se rappelle seulement les vers d’ un Marcabru ou ceux d’un Raimbaut d’Orange cités plus haut74. Chose cu
1897 rappelle seulement les vers d’un Marcabru ou ceux d’ un Raimbaut d’Orange cités plus haut74. Chose curieuse, les troubadour
1898 gnent pas ! On dirait qu’ils ont trouvé le secret d’ une conciliation vivante des inconciliables. Ils semblent refléter, ma
1899 a division des consciences (elle-même productrice de mauvaise conscience) dans la grande masse d’une société partagée non
1900 rice de mauvaise conscience) dans la grande masse d’ une société partagée non seulement entre la chair et l’esprit, mais en
1901 entre l’hérésie et l’orthodoxie, et au sein même de l’hérésie, entre l’exigence des Parfaits et la vie réelle des Croyant
1902 ssus l’un des plus sensibles interprètes modernes de la cortezia, René Nelli : « Presque toutes les dames du Carcassès, du
1903 s les dames du Carcassès, du Toulousain, du Foix, de l’Albigeois étaient « croyantes » et savaient — bien qu’elles fussent
1904 et qui leur demandaient non pas tant une illusion d’ amour sincère qu’un antipode spirituel au mariage où elles avaient été
1905 eur ajoute qu’à son avis, « il n’est pas question de voir dans la chasteté, ainsi feinte, une habitude réelle ni un reflet
1906 morale des Parfaits. Mais enfin, dit le sceptique d’ aujourd’hui, que peut bien signifier au concret cette « chasteté » prô
1907 gleurs ? Et comment expliquer le succès si rapide d’ une prétendue morale à ce point ambiguë, dans un Languedoc, une Italie
1908 logie n’occupaient tout de même pas le plus clair de la vie, et n’avaient tout de même pas supprimé toute espèce d’impulsi
1909 n’avaient tout de même pas supprimé toute espèce d’ impulsions naturelles ? Les modernes, en effet, depuis Rousseau, croie
1910 , depuis Rousseau, croient qu’il existe une sorte de nature normale, à laquelle la culture et la religion seraient venues
1911 que nous sommes, sans le savoir, menons nos vies de civilisés dans une confusion proprement insensée de religions jamais
1912 civilisés dans une confusion proprement insensée de religions jamais tout à fait mortes, et rarement tout à fait comprise
1913 et rarement tout à fait comprises et pratiquées ; de morales jadis exclusives mais qui se superposent ou se combinent à l’
1914 i se superposent ou se combinent à l’arrière-plan de nos conduites élémentaires ; de complexes ignorés mais d’autant plus
1915 à l’arrière-plan de nos conduites élémentaires ; de complexes ignorés mais d’autant plus actifs ; et d’instincts hérités
1916 onduites élémentaires ; de complexes ignorés mais d’ autant plus actifs ; et d’instincts hérités bien moins de quelque natu
1917 complexes ignorés mais d’autant plus actifs ; et d’ instincts hérités bien moins de quelque nature animale que de coutumes
1918 t plus actifs ; et d’instincts hérités bien moins de quelque nature animale que de coutumes totalement oubliées, devenues
1919 hérités bien moins de quelque nature animale que de coutumes totalement oubliées, devenues traces ou cicatrices mentales,
1920 es ou cicatrices mentales, tout inconscientes et, de ce fait, aisément confondues avec l’instinct. Elles furent tantôt des
1921 dans le temps et dans l’espace. 4. Une technique de la « chasteté ». — À partir du vie siècle se répand rapidement dans
1922 ipe cosmique féminin ; la méditation tient compte de ses « pouvoirs », la délivrance devient possible par la shakti… Dans
1923 vient elle-même une chose sacrée, une incarnation de la Mère. L’apothéose religieuse de la femme est commune d’ailleurs à
1924 ne incarnation de la Mère. L’apothéose religieuse de la femme est commune d’ailleurs à tous les courants mystiques du Moye
1925 it, par le cérémonial du yoga tantrique (contrôle de la respiration, répétitions de mantras ou formules sacrées, méditatio
1926 antrique (contrôle de la respiration, répétitions de mantras ou formules sacrées, méditation sur des mandalas ou images en
1927 ges enfermant les symboles du monde et des dieux) de transcender la condition humaine. Le tantrisme bouddhique trouve des
1928 ha yoga hindou, technique du contrôle du corps et de l’énergie vitale. C’est ainsi que certaines postures (mudras) décrite
1929 mudras) décrites par le hatha yoga ont pour but «  d’ utiliser comme moyen de divinisation et ensuite d’intégration, d’unifi
1930 hatha yoga ont pour but « d’utiliser comme moyen de divinisation et ensuite d’intégration, d’unification finale, la fonct
1931 d’utiliser comme moyen de divinisation et ensuite d’ intégration, d’unification finale, la fonction par excellence humaine,
1932 e moyen de divinisation et ensuite d’intégration, d’ unification finale, la fonction par excellence humaine, celle-là même
1933 a77 : « Pour mes dévots, je vais décrire le geste de l’Éclair (vajroli mudra) qui détruit la Ténèbre du monde et doit être
1934 onnées par le texte font allusion à une technique de l’acte sexuel sans consommation, car « celui qui garde (ou reprend) s
1935 a semence dans son corps, qu’aurait-il à craindre de la mort ? » comme le dit un upanishad. Dans le tantrisme, la maithuna
1936 ecret, obscur, à double sens, dans lequel un état de conscience est exprimé par un terme érotique78 » — ou l’inverse aussi
1937 a est un acte réel ou simplement une allégorie ». De toute manière, le but est le « suprême grand bonheur… la joie de l’an
1938 e, le but est le « suprême grand bonheur… la joie de l’anéantissement du moi ». Et cette « béatitude érotique », obtenue p
1939 otique », obtenue par l’arrêt non du plaisir mais de son effet physique, est utilisée comme expérience immédiate pour obte
1940 rappellent les textes, le dévot devient la proie de la triste loi karmique, comme n’importe quel débauché. » Mais la femm
1941 Mais la femme, dans tout cela ? Elle reste objet d’ un culte. Considérée comme « source unique de joie et de repos, l’aman
1942 bjet d’un culte. Considérée comme « source unique de joie et de repos, l’amante synthétise toute la nature féminine, elle
1943 ulte. Considérée comme « source unique de joie et de repos, l’amante synthétise toute la nature féminine, elle est mère, s
1944 isme, symbolise l’état par excellence du péché et de la mort : l’acte sexuel80. » Mais l’acte est toujours décrit comme ét
1945 Mais l’acte est toujours décrit comme étant celui de l’homme. La femme reste passive, impersonnelle, pur principe, sans vi
1946 On y accorde une grande importance à toute sorte d’ « amour » et le rituel de maithuna apparaît comme le couronnement d’un
1947 importance à toute sorte d’« amour » et le rituel de maithuna apparaît comme le couronnement d’un lent et difficile appren
1948 rituel de maithuna apparaît comme le couronnement d’ un lent et difficile apprentissage ascétique… Le néophyte doit servir
1949 s préliminaires ont pour but « l’autonomisation » de la volupté — considérée comme l’unique expérience humaine qui peut ré
1950 vie en économisant le principe vital, plutôt que de conquérir la liberté spirituelle par la déification du corps. La « ch
1951 e et la béatitude à travers une Elle qu’il s’agit de « servir » en posture humiliée, mais en gardant cette maîtrise de soi
1952 posture humiliée, mais en gardant cette maîtrise de soi dont la perte pourrait se traduire par un acte de procréation, le
1953 oi dont la perte pourrait se traduire par un acte de procréation, lequel ferait retomber le chevalier servant dans la réal
1954 vant dans la réalité fatale du Karma. 5. La joie d’ amour. — En contraste indéniable avec ces textes mystiques et cette ab
1955 hysiologique, citons maintenant quelques chansons de « légers troubadours méridionaux », grands seigneurs amateurs ou jong
1956 que les romanistes unanimes nous décrivent comme de purs « rhétoriqueurs82 ». D’Amour, je sais qu’il donne aisément gran
1957 ous décrivent comme de purs « rhétoriqueurs82 ». D’ Amour, je sais qu’il donne aisément grande joie à celui qui observe se
1958 en 1127. Dès le début du xiie siècle, ces « lois d’ Amour » sont donc déjà fixées, comme un rituel. Ce sont Mesure, Servic
1959 s conduisent à la Joie, qui est signe et garantie de Vray Amor. Voici Mesure et Patience : De courtoisie peut se vanter ce
1960 garantie de Vray Amor. Voici Mesure et Patience : De courtoisie peut se vanter celui qui sait garder Mesure… Le bien-être
1961 me fasse longtemps attendre et que je n’aie point d’ elle ce qu’elle m’a promis. (Marcabru.) Voici le Service de la Dame :
1962 qu’elle m’a promis. (Marcabru.) Voici le Service de la Dame : Prenez ma vie en hommage, belle et dure merci, pourvu que v
1963 « La soumission à l’aimée est la marque naturelle d’ un homme courtois. ») Voici la Chasteté : Celui qui se dispose à aimer
1964 Voici la Chasteté : Celui qui se dispose à aimer d’ amour sensuel se met en guerre avec lui-même, car le sot après avoir v
1965 iste contenance ! (Marcabru.) Écoutez ! Sa voix ( d’ Amour) paraîtra douce comme le chant de la lyre, si seulement vous lui
1966 ! Sa voix (d’Amour) paraîtra douce comme le chant de la lyre, si seulement vous lui coupez la queue !83. (Marcabru.) Chas
1967 oupez la queue !83. (Marcabru.) Chasteté délivre de la tyrannie du désir en portant le Désir (courtois) à l’extrême : Par
1968 rtant le Désir (courtois) à l’extrême : Par excès de désir, je crois que je me l’enlèverai, si l’on peut rien perdre à for
1969 Ibn Dawoud louait la chasteté pour son pouvoir «  d’ éterniser le désir ».) C’est au comble de l’amour (vrai) et de sa « jo
1970 ouvoir « d’éterniser le désir ».) C’est au comble de l’amour (vrai) et de sa « joie » que Jaufré Rudel se sent le plus élo
1971 le désir ».) C’est au comble de l’amour (vrai) et de sa « joie » que Jaufré Rudel se sent le plus éloigné de l’amour coupa
1972 « joie » que Jaufré Rudel se sent le plus éloigné de l’amour coupable et de son « angoisse ». Il va plus loin dans la libé
1973 el se sent le plus éloigné de l’amour coupable et de son « angoisse ». Il va plus loin dans la libération : la présence ph
1974 us loin dans la libération : la présence physique de l’objet aimé lui deviendra bientôt indifférente : J’ai une amie, mais
1975 … Nulle joie ne me plaît autant que la possession de cet amour lointain. La « joie d’Amour » n’est pas seulement libératri
1976 ue la possession de cet amour lointain. La « joie d’ Amour » n’est pas seulement libératrice du désir dominé par Mesure et
1977 é par Mesure et Prouesse, elle est aussi fontaine de Jouvence : Je veux garder (ma dame) pour me rafraîchir le cœur et ren
1978 là vivra cent ans qui réussira à posséder la joie de son amour. (Guillaume de Poitiers.) Je n’ai cité que des poètes de l
1979 llaume de Poitiers.) Je n’ai cité que des poètes de la première et de la seconde génération des troubadours (1120 à 1180
1980 .) Je n’ai cité que des poètes de la première et de la seconde génération des troubadours (1120 à 1180 environ). Au xiiie
1981 urs (1120 à 1180 environ). Au xiiie siècle, ceux de la dernière génération expliciteront ce que leurs modèles avaient cha
1982 que leurs modèles avaient chanté. « Ce n’est plus de l’amour courtois, si on le matérialise ou si la Dame se rend comme ré
1983 crit Daude de Prades, qui cependant ne craint pas de donner des précisions sur les gestes érotiques que l’on peut se perme
1984 ément les trois autres, mais il lui est difficile d’ en sortir, il vit dans la joie, celui qui peut y rester. On y accède p
1985 à sont logés dans le faubourg, lequel occupe plus de la moitié du monde. Celui que l’on nomme parfois le dernier troubadou
1986 s le dernier troubadour, Guiraut Riquier, donnera de ces vers le commentaire suivant : « Les cinq portes sont Désir, Prièr
1987 qui peuvent éclairer indirectement sur la nature de l’amour vrai ou du moins sur certains de ces aspects. Et tout d’abord
1988 a nature de l’amour vrai ou du moins sur certains de ces aspects. Et tout d’abord, dit Marcabru, « Il lie partie avec le d
1989 r ». (Et en effet, le diable n’est-il pas le père de la création matérielle… et de la procréation, selon le catharisme ?)
1990 ’est-il pas le père de la création matérielle… et de la procréation, selon le catharisme ?) Les adversaires du vrai Amour
1991 entation des désespérés. Ah ! noble Amour, source de bonté, par qui le monde entier est illuminé, je te crie merci. Contre
1992 ci. Contre ces clameurs gémissantes, défends-moi, de peur que je ne sois retenu là-bas (en enfer) ; en tous lieux je me ti
1993 ouvent des ambiguïtés ménagées par le « service » d’ amour courtois, Cercamon n’hésite pas à écrire en mettant les points s
1994 femmes et les époux. Ils vous disent qu’Amour va de travers, et c’est pourquoi les maris deviennent jaloux et les dames s
1995 u’un grand nombre abandonnent Mérite et éloignent d’ eux Jeunesse. » Quelles que soient les réalités ou l’absence de réalit
1996 e. » Quelles que soient les réalités ou l’absence de réalités « matérielles » qui aient pu correspondre, en ces temps, à d
1997 lles » qui aient pu correspondre, en ces temps, à de telles précisions de langage, la rhétorique courtoise et son système
1998 orrespondre, en ces temps, à de telles précisions de langage, la rhétorique courtoise et son système de vertus, de péchés,
1999 e langage, la rhétorique courtoise et son système de vertus, de péchés, de louanges et d’interdits, demeure un fait patent
2000 la rhétorique courtoise et son système de vertus, de péchés, de louanges et d’interdits, demeure un fait patent : il suffi
2001 ue courtoise et son système de vertus, de péchés, de louanges et d’interdits, demeure un fait patent : il suffit de lire.
2002 son système de vertus, de péchés, de louanges et d’ interdits, demeure un fait patent : il suffit de lire. Elle va servir
2003 t d’interdits, demeure un fait patent : il suffit de lire. Elle va servir aux romanciers du Nord, ceux du cycle d’Arthur,
2004 e va servir aux romanciers du Nord, ceux du cycle d’ Arthur, du Graal, et de Tristan, pour décrire des actions et des drame
2005 ers du Nord, ceux du cycle d’Arthur, du Graal, et de Tristan, pour décrire des actions et des drames, et non plus seulemen
2006 téressent dans cet ouvrage. Je lui laisse le soin d’ affirmer que telle « filiation » reste indémontrable « dans l’état act
2007 iation » reste indémontrable « dans l’état actuel de nos connaissances », reste donc incroyable jusqu’à nouvel avis. Je ch
2008 ujourd’hui pour établis. Simplement, je les crois de nature à nourrir l’imagination. Voici deux de ces faits sur quoi l’on
2009 ois de nature à nourrir l’imagination. Voici deux de ces faits sur quoi l’on peut rêver. La Pantcha Tantra, recueil de con
2010 quoi l’on peut rêver. La Pantcha Tantra, recueil de contes bouddhistes, fut traduite au vie siècle du sanscrit en pehlev
2011 ie siècle du sanscrit en pehlevi, par un médecin de Chosroès Ier, roi de Perse. De là, on peut suivre son progrès rapide
2012 vi, par un médecin de Chosroès Ier, roi de Perse. De là, on peut suivre son progrès rapide vers l’Europe à travers une sér
2013 progrès rapide vers l’Europe à travers une série de traductions en syriaque, en arabe, en latin, en espagnol, etc. Au xvi
2014 r une ancienne version arabe. Le périple du Roman de Barlaam et Josaphat est encore plus surprenant. Sous sa forme connue
2015 est encore plus surprenant. Sous sa forme connue de nos jours, c’est l’histoire romancée de l’évolution spirituelle qui c
2016 me connue de nos jours, c’est l’histoire romancée de l’évolution spirituelle qui conduit Josaphat, prince indien, à découv
2017 es grandes lignes, porte des traces indiscutables de manichéisme. Selon l’école néo-cathare française, les hérétiques du x
2018 nichéenne du Roman est attestée par les fragments de son texte original (en langage ouigour du viiie siècle) retrouvés da
2019 » (var. Yudhâsaf). Innombrables sont les exemples de relations entre l’Orient et l’Occident médiéval. J’ai choisi ces deux
2020 r courtois ressemble à l’amour encore chaste — et d’ autant plus brûlant — de la première adolescence. Il ressemble aussi à
2021 ’amour encore chaste — et d’autant plus brûlant — de la première adolescence. Il ressemble aussi à l’amour chanté par les
2022 ront repris par presque tous les grands mystiques de l’Occident. Il nous semble parfois se réduire à des fadaises sophisti
2023 i les réalités précises, mais non moins ambiguës, d’ une certaine discipline érotico-mystique dont l’Inde, la Chine et le P
2024 ai » aux divers sens du mot, et simultanément, et de plusieurs manières. Tout cela nous aide à mieux comprendre — si rien
2025 it à l’« expliquer » — l’amour courtois. Au terme de l’espèce de contre-enquête à laquelle je viens de me livrer, et compt
2026 liquer » — l’amour courtois. Au terme de l’espèce de contre-enquête à laquelle je viens de me livrer, et compte tenu des o
2027 ensées que firent à ma thèse minima les partisans d’ écoles au moins diverses, me voici ramené par une sorte de spirale au-
2028 au moins diverses, me voici ramené par une sorte de spirale au-dessus de mes premières constatations : l’amour courtois e
2029 e voici ramené par une sorte de spirale au-dessus de mes premières constatations : l’amour courtois est né au xiie siècle
2030 tois est né au xiie siècle, en pleine révolution de la psyché occidentale. Il a surgi du même mouvement qui fit remonter
2031 i du même mouvement qui fit remonter au demi-jour de la conscience et de l’expression lyrique de l’âme, le Principe Fémini
2032 qui fit remonter au demi-jour de la conscience et de l’expression lyrique de l’âme, le Principe Féminin de la shakti, le c
2033 -jour de la conscience et de l’expression lyrique de l’âme, le Principe Féminin de la shakti, le culte de la Femme, de la
2034 ’expression lyrique de l’âme, le Principe Féminin de la shakti, le culte de la Femme, de la Mère, de la Vierge. Il partici
2035 l’âme, le Principe Féminin de la shakti, le culte de la Femme, de la Mère, de la Vierge. Il participe de cette épiphanie d
2036 ncipe Féminin de la shakti, le culte de la Femme, de la Mère, de la Vierge. Il participe de cette épiphanie de l’Anima, qu
2037 n de la shakti, le culte de la Femme, de la Mère, de la Vierge. Il participe de cette épiphanie de l’Anima, qui figure à m
2038 la Femme, de la Mère, de la Vierge. Il participe de cette épiphanie de l’Anima, qui figure à mes yeux, dans l’homme occid
2039 re, de la Vierge. Il participe de cette épiphanie de l’Anima, qui figure à mes yeux, dans l’homme occidental, le retour d’
2040 re à mes yeux, dans l’homme occidental, le retour d’ un Orient symbolique. Il nous devient intelligible par certaines de se
2041 lique. Il nous devient intelligible par certaines de ses marques historiques : sa relation littéralement congénitale avec
2042 thurien — une transposition romanesque des règles de l’amour courtois et de sa rhétorique à double sens. « C’est du contac
2043 tion romanesque des règles de l’amour courtois et de sa rhétorique à double sens. « C’est du contact des légendes exotique
2044 ul ou un Chrétien de Troyes, et quelques éléments de mythologie grecque. On a longtemps polémisé sur l’autonomie relative
2045 e Midi roman qui a donné son style et sa doctrine de l’amour aux « romanciers » du cycle de la Table ronde. Et l’on peut s
2046 a doctrine de l’amour aux « romanciers » du cycle de la Table ronde. Et l’on peut suivre les voies de cette transmission d
2047 de la Table ronde. Et l’on peut suivre les voies de cette transmission dans les documents historiques. Aliénor de Poitier
2048 istoriques. Aliénor de Poitiers, quittant sa cour d’ amour languedocienne, avait épousé Louis VII, puis en l’an 1154, Henri
2049 ères anglo-normands reçurent le code et le secret de l’amour courtois87. Chrétien de Troyes déclare tenir le fond et l’esp
2050 étien de Troyes déclare tenir le fond et l’esprit de ses romans de la comtesse Marie de Champagne, fille d’Aliénor, célèbr
2051 s déclare tenir le fond et l’esprit de ses romans de la comtesse Marie de Champagne, fille d’Aliénor, célèbre par sa cour
2052 s romans de la comtesse Marie de Champagne, fille d’ Aliénor, célèbre par sa cour d’amour où le mariage fut condamné. Chrét
2053 e Champagne, fille d’Aliénor, célèbre par sa cour d’ amour où le mariage fut condamné. Chrétien avait écrit un Roman de Tri
2054 riage fut condamné. Chrétien avait écrit un Roman de Tristan dont les manuscrits sont perdus. Béroul était Normand, Thomas
2055 d, Thomas était Anglais. Et en retour, la légende de Tristan se répandit très largement dans le Midi. Cette interaction si
2056 bretons. Nous avons vu que la religion druidique, d’ où sont issues les traditions des bardes et filids, enseignait une doc
2057 ardes et filids, enseignait une doctrine dualiste de l’Univers, et faisait de la femme un symbole du divin. Et c’est dans
2058 it une doctrine dualiste de l’Univers, et faisait de la femme un symbole du divin. Et c’est dans le fonds celtibérique que
2059 e chrétienne des « purs » a puisé certains traits de sa mythologie. Que celle-ci ait revêtu chez les poètes du Nord des co
2060 la doctrine courtoise rejoignît et fît ressurgir d’ anciennes traditions autochtones, elle n’en était pas moins pour les t
2061 pas moins pour les trouvères une chose apprise : d’ où les erreurs qu’ils commirent bien souvent. Il est d’ailleurs extrêm
2062 en souvent. Il est d’ailleurs extrêmement délicat de préciser les causes et l’importance exacte de ces erreurs. Est-ce un
2063 cat de préciser les causes et l’importance exacte de ces erreurs. Est-ce un défaut d’initiation ? Est-ce une tradition imp
2064 mportance exacte de ces erreurs. Est-ce un défaut d’ initiation ? Est-ce une tradition imparfaite ? Ou encore une tendance
2065 de l’hérésie même, un essai plus ou moins sincère de retour vers l’orthodoxie88 ? Ou simplement, une « profanation » des t
2066 ’autres fins que les troubadours ? Dans l’attente de recherches plus approfondies sur tous ces points, bornons-nous à rema
2067 des troubadours, dont ils sont cependant inspirés de la manière la plus incontestable. Nous ne savons si Chrétien de Troye
2068 ons si Chrétien de Troyes a bien compris les lois d’ amour que lui enseignait Marie de Champagne. Nous ne savons dans quell
2069 lu que ses romans fussent des chroniques secrètes de l’Église persécutée (thèse de Rahn, Péladan et Aroux) ou de simples a
2070 chroniques secrètes de l’Église persécutée (thèse de Rahn, Péladan et Aroux) ou de simples allégories illustrant la morale
2071 e persécutée (thèse de Rahn, Péladan et Aroux) ou de simples allégories illustrant la morale et la mystique courtoise (com
2072 Toutes les hypothèses sont permises en l’absence de documents dont on voit bien pourquoi ils font défaut : trop d’intérêt
2073 dont on voit bien pourquoi ils font défaut : trop d’ intérêts se trouvaient ligués contre la diffusion de l’hérésie, sans p
2074 intérêts se trouvaient ligués contre la diffusion de l’hérésie, sans parler de sa volonté de demeurer ésotérique. Quoi qu’
2075 ués contre la diffusion de l’hérésie, sans parler de sa volonté de demeurer ésotérique. Quoi qu’il en soit, Chrétien de Tr
2076 diffusion de l’hérésie, sans parler de sa volonté de demeurer ésotérique. Quoi qu’il en soit, Chrétien de Troyes a notable
2077 chronique déguisée des cathares. (Parzival, fils d’ Herzeloïde, femme du Castis, chez Wolfram d’Eschenbach, serait le comt
2078 bach, serait le comte Ramon Roger Trencavel, fils d’ Adélaïde de Carcassonne et d’Alphonse le Chaste, roi d’Aragon. — Trenc
2079 oger Trencavel, fils d’Adélaïde de Carcassonne et d’ Alphonse le Chaste, roi d’Aragon. — Trencavel signifie : « qui tranche
2080 ui tranche bellement », et Wolfram traduit le nom de Parzival par « Schneid mitten durch » : « perce bellement ».) Ces deu
2081 ne se complètent89. Elles ont l’avantage décisif de rendre compte de bien des bizarreries de la légende et de son attirai
2082 89. Elles ont l’avantage décisif de rendre compte de bien des bizarreries de la légende et de son attirail symbolique. Fau
2083 décisif de rendre compte de bien des bizarreries de la légende et de son attirail symbolique. Faut-il penser, avec un tra
2084 e compte de bien des bizarreries de la légende et de son attirail symbolique. Faut-il penser, avec un transcripteur modern
2085 oyes n’était pas instruit du sens païen et secret de ces traits mystérieux qu’il rapportait90 » ? Ou bien se vit-il contra
2086 u’il rapportait90 » ? Ou bien se vit-il contraint de déguiser ce sens, en sorte que seuls les initiés pussent démêler la f
2087 du Graal le vase qui reçut le sang du Christ, et de la Table ronde une sorte d’autel pour la Sainte Cène. Cependant, même
2088 le sang du Christ, et de la Table ronde une sorte d’ autel pour la Sainte Cène. Cependant, même dans le grand roman de Lanc
2089 Sainte Cène. Cependant, même dans le grand roman de Lancelot (qui date de 1225 environ) le symbolisme et l’allégorie sont
2090 t, même dans le grand roman de Lancelot (qui date de  1225 environ) le symbolisme et l’allégorie sont évidents, si saugrenu
2091 auteur lui-même, après chaque épisode. Il est une de ces interprétations que je crois utile de citer, car l’origine cathar
2092 est une de ces interprétations que je crois utile de citer, car l’origine cathare y transparaît nettement, malgré l’ignora
2093 thare y transparaît nettement, malgré l’ignorance de l’auteur. Lancelot errant par la haute forêt parvient à un carrefour.
2094 arvient à un carrefour. Il hésite entre le chemin de gauche et celui de droite. Il s’engage dans celui de gauche, malgré l
2095 our. Il hésite entre le chemin de gauche et celui de droite. Il s’engage dans celui de gauche, malgré l’avertissement grav
2096 gauche et celui de droite. Il s’engage dans celui de gauche, malgré l’avertissement gravé sur une croix qui se dresse deva
2097 t un chevalier à l’armure blanche qui le renverse de son cheval et le dépouille de sa couronne. Lancelot tout déconfit ren
2098 che qui le renverse de son cheval et le dépouille de sa couronne. Lancelot tout déconfit rencontre un prêtre et se confess
2099 re et se confesse. « Je vous dirai la signifiance de ce qui vous est advenu, dit le prud’homme. La voie de droite que vous
2100 e qui vous est advenu, dit le prud’homme. La voie de droite que vous avez dédaignée au carrefour, était celle de la cheval
2101 que vous avez dédaignée au carrefour, était celle de la chevalerie terrienne, où vous avez longtemps triomphé ; celle de g
2102 errienne, où vous avez longtemps triomphé ; celle de gauche était la voie de la chevalerie célestielle, et il ne s’agit pl
2103 ongtemps triomphé ; celle de gauche était la voie de la chevalerie célestielle, et il ne s’agit plus là de tuer des hommes
2104 a chevalerie célestielle, et il ne s’agit plus là de tuer des hommes et d’abattre des champions par forces d’armes : il s’
2105 le, et il ne s’agit plus là de tuer des hommes et d’ abattre des champions par forces d’armes : il s’agit des choses spirit
2106 des hommes et d’abattre des champions par forces d’ armes : il s’agit des choses spirituelles. Et vous y prîtes la couronn
2107 choses spirituelles. Et vous y prîtes la couronne d’ orgueil : c’est pourquoi le chevalier vous renversa si facilement, car
2108 de commettre91. » Libre après cela aux historiens de la littérature de parler d’aventures incroyables, de merveilleux faci
2109 Libre après cela aux historiens de la littérature de parler d’aventures incroyables, de merveilleux facile, de naïvetés to
2110 s cela aux historiens de la littérature de parler d’ aventures incroyables, de merveilleux facile, de naïvetés touchantes,
2111 la littérature de parler d’aventures incroyables, de merveilleux facile, de naïvetés touchantes, de fraîcheur primitive, e
2112 r d’aventures incroyables, de merveilleux facile, de naïvetés touchantes, de fraîcheur primitive, etc. « Poèmes incohérent
2113 s, de merveilleux facile, de naïvetés touchantes, de fraîcheur primitive, etc. « Poèmes incohérents, personnages sans cara
2114 des aventures s’enchaînent à l’infini », nous dit de ces légendes l’un de leurs meilleurs adaptateurs modernes ! Ainsi s’e
2115 înent à l’infini », nous dit de ces légendes l’un de leurs meilleurs adaptateurs modernes ! Ainsi s’est répandue l’opinion
2116 notre esprit si pénétrant et averti. Un peu plus de pénétration nous ferait voir au contraire que la vraie barbarie est d
2117 conception moderne du roman, photographie truquée de faits insignifiants, alors que le roman breton procède d’une cohérenc
2118 insignifiants, alors que le roman breton procède d’ une cohérence intime dont nous avons perdu jusqu’au pressentiment. En
2119 s erreurs. Ils ont traité un thème nouveau, celui de l’amour physique, c’est-à-dire de la faute. (Et j’entends bien la fau
2120 nouveau, celui de l’amour physique, c’est-à-dire de la faute. (Et j’entends bien la faute au sens « courtois », non pas a
2121 en la faute au sens « courtois », non pas au sens de la morale chrétienne.) Les ouvrages de Chrétien de Troyes ne sont pas
2122 as au sens de la morale chrétienne.) Les ouvrages de Chrétien de Troyes ne sont pas seulement des poèmes d’amour, comme on
2123 rétien de Troyes ne sont pas seulement des poèmes d’ amour, comme on le répète, mais de véritables romans. C’est qu’à la di
2124 ment des poèmes d’amour, comme on le répète, mais de véritables romans. C’est qu’à la différence des poèmes provençaux, il
2125 ovençaux, ils s’attachent à décrire les trahisons de l’amour, au lieu d’exprimer seulement l’élan de la passion dans sa pu
2126 s de l’amour, au lieu d’exprimer seulement l’élan de la passion dans sa pureté mystique. Le point de départ de Lancelot — 
2127 n de la passion dans sa pureté mystique. Le point de départ de Lancelot — comme de Tristan — c’est le péché contre l’amour
2128 ssion dans sa pureté mystique. Le point de départ de Lancelot — comme de Tristan — c’est le péché contre l’amour courtois,
2129 mystique. Le point de départ de Lancelot — comme de Tristan — c’est le péché contre l’amour courtois, la possession physi
2130 é contre l’amour courtois, la possession physique d’ une femme réelle, la « profanation » de l’amour. Et c’est à cause de c
2131 n physique d’une femme réelle, la « profanation » de l’amour. Et c’est à cause de cette faute initiale que Lancelot ne tro
2132 t à l’initiation. Il est clair que la description de ces errements et de leurs punitions exigeait la forme du récit, et no
2133 est clair que la description de ces errements et de leurs punitions exigeait la forme du récit, et non plus de la simple
2134 punitions exigeait la forme du récit, et non plus de la simple chanson. Dans Tristan, la faute initiale est douloureusemen
2135 C’est pourquoi le roman finit « bien » — au sens de la mystique cathare — c’est-à-dire aboutit à la double mort volontair
2136 xplique par des raisons spirituelles la formation d’ un genre nouveau — le roman — qui ne deviendra proprement littéraire q
2137 au minimum, tandis que le développement tragique de la doctrine religieuse détermine à lui seul la courbe puissante et si
2138 ve incorporés des éléments religieux et mythiques d’ origine très nettement celtique, bien plus nombreux et plus exactement
2139 plus exactement identifiables que dans les romans de la Table ronde. ⁂ Hubert note très bien à propos de la littérature ga
2140 « c’est un miracle qu’elle contienne des éléments de religion brittonique : elle s’est formée dans un pays chrétien, roman
2141 miracle est cependant attesté par un grand nombre d’ incidents mis en œuvre par Béroul et Thomas, et qui ne trouvent d’expl
2142 en œuvre par Béroul et Thomas, et qui ne trouvent d’ explication que dans les récentes découvertes de l’archéologie celtiqu
2143 t d’explication que dans les récentes découvertes de l’archéologie celtique. À vrai dire, le pouvoir poétique de ces éléme
2144 ologie celtique. À vrai dire, le pouvoir poétique de ces éléments religieux était tel qu’on s’explique assez bien leur sur
2145 avait perdu la foi des druides, et oublié le sens de leurs mystères. Dans le cycle des légendes irlandaises, nous trouvons
2146 gendes irlandaises, nous trouvons un grand nombre de récits qui racontent le voyage d’un héros au pays des morts. Ce héros
2147 un grand nombre de récits qui racontent le voyage d’ un héros au pays des morts. Ce héros, Bran, Cuchulainn, ou Oisin, « es
2148 à une terre merveilleuse. « Il se lasse à la fin de ce séjour, veut revenir. C’est finalement pour mourir »94. Nous avons
2149 pour mourir »94. Nous avons là l’origine évidente de la première navigation à l’aventure de Tristan malade, en quête du ba
2150 e évidente de la première navigation à l’aventure de Tristan malade, en quête du baume magique. D’autre part, plusieurs ré
2151 du baume magique. D’autre part, plusieurs récits de ce cycle irlandais figurent les prototypes assez exacts des situation
2152 s prototypes assez exacts des situations du Roman de Tristan. Far exemple, dans l’idylle tragique de Diarmaid et Grainne,
2153 n de Tristan. Far exemple, dans l’idylle tragique de Diarmaid et Grainne, les deux amants se sauvent dans la forêt où le m
2154 rt, pour ne jamais se séparer »95. Il serait aisé de multiplier ces comparaisons littéraires. Mais certains traits de mœur
2155 es comparaisons littéraires. Mais certains traits de mœurs nous incitent à des rapprochements plus précis. On se rappelle
2156 précis. On se rappelle que Tristan, après la mort de ses parents, fut élevé à la cour du roi Marc son oncle. Or il était f
2157 Celtes, que l’on confiât les enfants « à la garde d’ un personnage qualifié dans une grande maison, la maison des hommes ».
2158 son des hommes ». Ils y recevaient l’enseignement d’ un druide, et se trouvaient mis à l’abri des femmes. « Cette instituti
2159 n qu’on appelle généralement du nom anglo-normand de fosterage s’est maintenue en pays celtique : nous trouvons les enfant
2160 s nourriciers, à l’égard desquels ils contractent de véritables liens de parenté, attestés par le fait qu’un certain nombr
2161 gard desquels ils contractent de véritables liens de parenté, attestés par le fait qu’un certain nombre de personnages por
2162 arenté, attestés par le fait qu’un certain nombre de personnages portent dans l’indication de leur filiation le nom de leu
2163 n nombre de personnages portent dans l’indication de leur filiation le nom de leur père nourricier… On recherchait comme p
2164 ortent dans l’indication de leur filiation le nom de leur père nourricier… On recherchait comme pères nourriciers soit les
2165 herchait comme pères nourriciers soit les membres de la famille maternelle, soit… des druides96. » Tristan élevé par Marc,
2166 s » du roi. (Les psychanalystes ne manqueront pas de voir dans la liaison malheureuse de Tristan et d’Iseut le résultat d’
2167 anqueront pas de voir dans la liaison malheureuse de Tristan et d’Iseut le résultat d’un complexe œdipien : à quoi s’oppos
2168 de voir dans la liaison malheureuse de Tristan et d’ Iseut le résultat d’un complexe œdipien : à quoi s’oppose toutefois le
2169 son malheureuse de Tristan et d’Iseut le résultat d’ un complexe œdipien : à quoi s’oppose toutefois le fait que les « père
2170 ez bien toléré chez les Celtes, comme l’attestent de nombreux documents.) La coutume du potlatch, don rituel ou plutôt éch
2171 coutume du potlatch, don rituel ou plutôt échange de dons ostentatoires, accompagné de surenchère, subsiste également dans
2172 plutôt échange de dons ostentatoires, accompagné de surenchère, subsiste également dans Tristan et les romans de la Table
2173 re, subsiste également dans Tristan et les romans de la Table ronde. On y voit un grand nombre d’aventures débuter par une
2174 mans de la Table ronde. On y voit un grand nombre d’ aventures débuter par une promesse « en blanc » faite par le roi à que
2175 de un don, sans dire lequel. Il s’agit en général d’ un service très périlleux. « Les tournois, note Hubert, font certainem
2176 s tournois, note Hubert, font certainement partie de ce vaste système de concurrence et de surenchère. » (II, p. 234.) Enf
2177 ert, font certainement partie de ce vaste système de concurrence et de surenchère. » (II, p. 234.) Enfin, l’on sait que le
2178 ment partie de ce vaste système de concurrence et de surenchère. » (II, p. 234.) Enfin, l’on sait que les jeunes Celtes au
2179 es hommes, devaient accomplir un exploit (meurtre d’ un étranger ou chasse glorieuse) pour acquérir le droit de se marier :
2180 anger ou chasse glorieuse) pour acquérir le droit de se marier : le combat contre le Morholt, dans Tristan, illustre exact
2181 ous ces faits rendent vraisemblable la conclusion d’ Hubert : à savoir que la mythologie celtique s’est transmise au cycle
2182 uses, mais par le culte plus profane des héros et de leurs prouesses, remplaçant peu à peu les dieux dans les légendes pop
2183 ton Paris remarquait avec profondeur que le roman de Tristan et d’Iseut rend un son particulier, qui ne se trouve guère da
2184 rquait avec profondeur que le roman de Tristan et d’ Iseut rend un son particulier, qui ne se trouve guère dans la littérat
2185 en Âge, et il l’expliquait par l’origine celtique de ces poèmes. C’est par Tristan et par Arthur que le plus clair et le p
2186 édier sut faire rendre à sa moderne transcription de la légende, est si nettement sensible à notre cœur qu’il nous met en
2187 nt sensible à notre cœur qu’il nous met en mesure d’ isoler l’élément non celtique, donc proprement courtois qui provoqua,
2188 is qui provoqua, au xiie siècle, la constitution de notre mythe. Qu’on lise l’une après l’autre une légende irlandaise et
2189 près l’autre une légende irlandaise et la légende de Béroul ou de Thomas : et l’on verra que d’un côté, c’est une fatalité
2190 une légende irlandaise et la légende de Béroul ou de Thomas : et l’on verra que d’un côté, c’est une fatalité tout extérie
2191 égende de Béroul ou de Thomas : et l’on verra que d’ un côté, c’est une fatalité tout extérieure qui provoque la catastroph
2192 xtérieure qui provoque la catastrophe, tandis que de l’autre, c’est la volonté secrète, mais infaillible, des deux amants
2193 r celtique (en dépit de la sublimation religieuse de la femme par les druides) est avant tout l’amour sensuel97. Le fait q
2194 ur religieux orthodoxe, et se voit donc contraint de s’exprimer par des symboles ésotériques, aide à comprendre que le fon
2195 e favoriser la confusion moderne entre la passion de Tristan et la pure sensualité. Quelques citations de Thomas, le plus
2196 Tristan et la pure sensualité. Quelques citations de Thomas, le plus conscient des cinq auteurs de la légende primitive, s
2197 ons de Thomas, le plus conscient des cinq auteurs de la légende primitive, suffiront à faire concevoir l’originalité du my
2198 mmenté en termes étonnamment modernes le principe de cohésion qu’apporte la mystique courtoise aux éléments religieux, soc
2199 du vieux fond breton. Ce principe, c’est l’amour de la douleur considérée comme une ascèse, le « mal aimé » des troubadou
2200 istan livré au plus cruel conflit, lorsqu’au soir de ses noces avec Iseut aux blanches mains, il ne peut se résoudre à pos
2201 , quel qu’eût été ce nom sans sa beauté, le désir de Tristan ne s’y fût pas porté. Ainsi Tristan veut se venger de sa doul
2202 e s’y fût pas porté. Ainsi Tristan veut se venger de sa douleur et de ses peines, et contre son mal, il avise un remède do
2203 té. Ainsi Tristan veut se venger de sa douleur et de ses peines, et contre son mal, il avise un remède dont il doublera so
2204 nd en aversion que le bonheur qu’il est contraint d’ avoir. Le lui eût-on refusé, il se serait lancé à sa recherche, pensan
2205 a !… Ainsi en advient-il à beaucoup de gens. Dans d’ amers déboires d’amour, angoisses, lourdes peines et tourments, ce qu’
2206 ient-il à beaucoup de gens. Dans d’amers déboires d’ amour, angoisses, lourdes peines et tourments, ce qu’ils font pour s’y
2207 aire, s’en affranchir et s’en venger les asservit d’ un lien plus inextricable encore. D’irréalisables désirs, d’impossible
2208 les asservit d’un lien plus inextricable encore. D’ irréalisables désirs, d’impossibles convoitises les conduisent à ne ri
2209 plus inextricable encore. D’irréalisables désirs, d’ impossibles convoitises les conduisent à ne rien faire dans leur détre
2210 ir98. » (Encontre désir fait volier, dit le texte de Thomas.) ⁂ Un fonds celtique de légendes religieuses — d’ailleurs trè
2211 ier, dit le texte de Thomas.) ⁂ Un fonds celtique de légendes religieuses — d’ailleurs très anciennement commun au Midi la
2212 que et au Nord irlandais et breton ; des coutumes de chevalerie féodale ; des apparences d’orthodoxie chrétienne ; une sen
2213 s coutumes de chevalerie féodale ; des apparences d’ orthodoxie chrétienne ; une sensualité parfois très complaisante ; enf
2214 e les éléments sur lesquels la doctrine hérétique de l’Amour, profondément manichéenne dans son esprit, opéra ses transmut
2215 , opéra ses transmutations. Ainsi naquit le mythe de Tristan. Loin de moi la tentation d’analyser le processus de cette mé
2216 uit le mythe de Tristan. Loin de moi la tentation d’ analyser le processus de cette métamorphose : il nous échappe doubleme
2217 Loin de moi la tentation d’analyser le processus de cette métamorphose : il nous échappe doublement, étant poétique et my
2218 poétique et mystique. Mais nous savons maintenant d’ où vient le mythe, et où il mène. Et peut-être pressentons-nous — mais
2219 du mythe, par un esprit remarquablement conscient de ses implications théologiques, fut le fait de Gottfried de Strasbourg
2220 ent de ses implications théologiques, fut le fait de Gottfried de Strasbourg, vers le début du xiiie siècle. Gottfried ét
2221 qui lisait le français (il cite souvent des vers de Thomas dans son texte), et qui se passionnait pour les grandes polémi
2222 vaux et les cathares, mais aussi Abélard, l’école de Chartres, et plusieurs hérétiques très dangereusement voisins de la «
2223 plusieurs hérétiques très dangereusement voisins de la « mystique du cœur » de l’abbé de Cluny. Théologien, poète, et con
2224 dangereusement voisins de la « mystique du cœur » de l’abbé de Cluny. Théologien, poète, et conscient de ses choix, Gottfr
2225 l’abbé de Cluny. Théologien, poète, et conscient de ses choix, Gottfried révèle beaucoup mieux que ses modèles l’importan
2226 mportance proprement religieuse du mythe dualiste de Tristan. Mais aussi, pour la même raison, il avoue mieux que tous les
2227 res cet élément fondamental du mythe : l’angoisse de la sensualité, et l’orgueil « humaniste » qui la compense. Angoisse :
2228 ant l’homme contre Dieu — sitôt qu’on aura décidé de lui céder. (Ce paradoxe annonce l’amor fati de Nietzsche.) Quand Béro
2229 dé de lui céder. (Ce paradoxe annonce l’amor fati de Nietzsche.) Quand Béroul limitait à trois ans l’action du philtre, et
2230 quand Thomas faisait du « vin herbé » un symbole de l’ivresse amoureuse, Gottfried y voit le signe d’un destin, d’une for
2231 de l’ivresse amoureuse, Gottfried y voit le signe d’ un destin, d’une force aveugle, étrangère aux personnes, d’une volonté
2232 amoureuse, Gottfried y voit le signe d’un destin, d’ une force aveugle, étrangère aux personnes, d’une volonté de la Déesse
2233 in, d’une force aveugle, étrangère aux personnes, d’ une volonté de la Déesse Minne, reviviscence de la Grande Mère des plu
2234 e aveugle, étrangère aux personnes, d’une volonté de la Déesse Minne, reviviscence de la Grande Mère des plus vieilles rel
2235 s, d’une volonté de la Déesse Minne, reviviscence de la Grande Mère des plus vieilles religions de l’humanité. Mais sitôt
2236 nce de la Grande Mère des plus vieilles religions de l’humanité. Mais sitôt absorbé, le philtre de la passion place ses vi
2237 ons de l’humanité. Mais sitôt absorbé, le philtre de la passion place ses victimes dans un au-delà de toute morale, qui ne
2238 de la passion place ses victimes dans un au-delà de toute morale, qui ne saurait être que divin. Ainsi le philtre à la fo
2239 re à la fois rive à la sexualité, qui est une loi de la vie, et contraint à la dépasser dans un hybris libérateur, au-delà
2240 ans un hybris libérateur, au-delà du seuil mortel de la dualité, de la distinction des personnes. Ce paradoxe essentiellem
2241 ibérateur, au-delà du seuil mortel de la dualité, de la distinction des personnes. Ce paradoxe essentiellement manichéen s
2242 nous dressons l’oreille — trois moments décisifs de l’action : a) il met en relief, non sans férocité, le caractère évid
2243 férocité, le caractère évidemment blasphématoire de l’épisode du Jugement par le fer rouge ; b) il remplace la forêt du
2244 ) il remplace la forêt du Morois par une « Grotte d’ Amour », la Minnegrotte, qui lui permet de comparer l’architecture d’u
2245  Grotte d’Amour », la Minnegrotte, qui lui permet de comparer l’architecture d’une église chrétienne et celle du temple de
2246 grotte, qui lui permet de comparer l’architecture d’ une église chrétienne et celle du temple de l’amour ; c) il décide qu
2247 ecture d’une église chrétienne et celle du temple de l’amour ; c) il décide que le mariage de Tristan avec Iseut aux blan
2248 temple de l’amour ; c) il décide que le mariage de Tristan avec Iseut aux blanches mains ne fut pas « blanc », mais cons
2249 à la fois plus religieux et plus sensuel que ceux de Béroul et de Thomas. Et surtout, il dit et commente ce que les Breton
2250 s religieux et plus sensuel que ceux de Béroul et de Thomas. Et surtout, il dit et commente ce que les Bretons montraient
2251 veloppe et révèle ainsi tout le catharisme latent de la légende sans auteur99. a) Le « jugement de Dieu » est une coutum
2252 t de la légende sans auteur99. a) Le « jugement de Dieu » est une coutume barbare, mais l’Église l’admettait au xiie si
2253 venait de l’appliquer, précisément, à des femmes de Cologne et de Strasbourg, à juste titre soupçonnées de catharisme. L’
2254 ppliquer, précisément, à des femmes de Cologne et de Strasbourg, à juste titre soupçonnées de catharisme. L’épreuve consis
2255 logne et de Strasbourg, à juste titre soupçonnées de catharisme. L’épreuve consistait à saisir à main nue une barre de fer
2256 ’épreuve consistait à saisir à main nue une barre de fer portée au rouge : seuls les menteurs ou les parjures étaient brûl
2257 ures étaient brûlés. On sait qu’Iseut, soupçonnée de trahir sa fidélité au roi Marc, s’offre au jugement par un mouvement
2258 au roi Marc, s’offre au jugement par un mouvement d’ orgueil et de défi démesuré. Elle jure n’avoir jamais été dans les bra
2259 s’offre au jugement par un mouvement d’orgueil et de défi démesuré. Elle jure n’avoir jamais été dans les bras d’un autre
2260 esuré. Elle jure n’avoir jamais été dans les bras d’ un autre homme que son mari, si ce n’est, ajoute-t-elle en riant, dans
2261 e : or c’était Tristan déguisé. Elle sort intacte de l’épreuve. Gottfried commente : « Ce fut ainsi chose manifeste et avé
2262 fe… Il se prête et s’adapte à tout, selon le cœur de chacun, à la sincérité comme à la tromperie… Il est toujours ce que l
2263 u poète qu’il imite bien souvent leur dialectique de la souffrance, du désir et de l’extase, quitte à en inverser les conc
2264 nt leur dialectique de la souffrance, du désir et de l’extase, quitte à en inverser les conclusions : l’extase finale n’ab
2265 lusions : l’extase finale n’aboutit point au jour de Dieu mais à la nuit de la passion, non point au salut de la personne
2266 le n’aboutit point au jour de Dieu mais à la nuit de la passion, non point au salut de la personne mais bien à sa dissolut
2267 mais à la nuit de la passion, non point au salut de la personne mais bien à sa dissolution. Tout le passage cité trahit d
2268 ndamnent, aux yeux de Gottfried et des hérétiques de son temps, l’Évangile « pur » et la gnose dualiste : le monde manifes
2269 ec une science réelle du symbolisme liturgique et de l’architecture gothique naissante. Mais sur le lit substitué à l’aute
2270 ssion. En lieu et place du miracle eucharistique, de la transsubstantiation des espèces matérielles et de la divinisation
2271 la transsubstantiation des espèces matérielles et de la divinisation de celui qui les reçoit, c’est la chair qui se fond a
2272 ion des espèces matérielles et de la divinisation de celui qui les reçoit, c’est la chair qui se fond avec l’esprit en uni
2273 sique ? l’ambiguïté profonde subsiste ici encore) de la substance de l’Amour. Or cet Amour s’oppose à la ferveur du cœur d
2274 ïté profonde subsiste ici encore) de la substance de l’Amour. Or cet Amour s’oppose à la ferveur du cœur des clunisiens da
2275 e sans amour, et que les cathares n’ont pas cessé de dénoncer comme jurata fornicatio. Il paraît au surplus possible de re
2276 jurata fornicatio. Il paraît au surplus possible de retrouver dans l’épisode de la Minnegrotte toute la dialectique qui s
2277 t au surplus possible de retrouver dans l’épisode de la Minnegrotte toute la dialectique qui sera celle des grands mystiqu
2278 ties par l’attitude dualiste et même gnostique101 de Gottfried. c) Le mariage « consommé » avec la seconde Iseut rétablit
2279 e — évité par Thomas — avec le mariage sans amour d’ Iseut la Blonde et du roi Marc. L’un et l’autre se voient stigmatisés
2280 n et l’autre se voient stigmatisés comme relevant de la nécessité temporelle et physiologique, c’est-à-dire de l’exil des
2281 cessité temporelle et physiologique, c’est-à-dire de l’exil des âmes captives dans la prison des corps. C’est ici le jugem
2282 s dans la prison des corps. C’est ici le jugement de la morale courtoise, dans toute la virulence de son manichéisme, qui
2283 t de la morale courtoise, dans toute la virulence de son manichéisme, qui triomphe du jugement de l’Église et du siècle, c
2284 ence de son manichéisme, qui triomphe du jugement de l’Église et du siècle, complices aux yeux de Gottfried et des cathare
2285 is ceci jette un jour assez étrange sur la nature de la « consommation » érotico-eucharistique opérée dans la Minnegrotte.
2286 originel, dans une vision cathare du monde. Aimer de passion pure, même sans contact physique (l’épée entre les corps et l
2287 religieux du xiie siècle, toutes les confusions de l’amour deviennent mieux que possibles : inévitables. Nous n’en somme
2288 rtis au xxe siècle, sinon ce livre n’aurait plus d’ objet. Mais on peut poser des repères. Il est bien évident que Gottfri
2289 ried de Strasbourg utilise à son gré la « matière de Bretagne », et catharise le mythe de l’amour-pour-la-mort avec une li
2290 la « matière de Bretagne », et catharise le mythe de l’amour-pour-la-mort avec une liberté dont on ignore si elle ne lui a
2291 hèmes directeurs, se prêtaient au projet du poète d’ une manière que l’on doit qualifier de proprement congénitale. Dans so
2292 et du poète d’une manière que l’on doit qualifier de proprement congénitale. Dans son essence, dans sa structure intime, d
2293 me, non moins que dans son enseignement, le mythe de Tristan se révèle comme foncièrement hérétique et dualiste. Il n’y a
2294 iste. Il reste que Gottfried explicite la légende d’ une manière toute nouvelle et grosse de conséquences. Il préfigure l’e
2295 la légende d’une manière toute nouvelle et grosse de conséquences. Il préfigure l’espèce de trahison géniale opérée par Wa
2296 et grosse de conséquences. Il préfigure l’espèce de trahison géniale opérée par Wagner six siècles et demi plus tard. Mêm
2297 mi plus tard. Même si l’on ignorait que la source de Wagner fut le poème de Gottfried, la seule comparaison des textes l’é
2298 ’on ignorait que la source de Wagner fut le poème de Gottfried, la seule comparaison des textes l’établirait : les petits
2299 essés, antithétiques, haletants, du deuxième acte de l’opéra imitent Gottfried jusqu’au pastiche102. Le célèbre duo de Tri
2300 nt Gottfried jusqu’au pastiche102. Le célèbre duo de Tristan et d’Isolde mêlant leurs noms, niant leurs noms, chantant le
2301 usqu’au pastiche102. Le célèbre duo de Tristan et d’ Isolde mêlant leurs noms, niant leurs noms, chantant le dépassement du
2302 hantant le dépassement du moi distinct, du temps, de l’espace et du malheur terrestre, est emprunté presque littéralement
2303 st le contenu philosophique et religieux du poème de Gottfried que Wagner va ressusciter par l’opération musicale. Le mond
2304 onde créé appartient au démon. Tout ce qui dépend de son empire est donc voué à la nécessité, et les corps sont voués au d
2305 et les corps sont voués au désir, dont le philtre d’ amour symbolise l’inéluctable tyrannie. L’homme n’est pas libre. Il es
2306 terminé par le démon. Mais s’il assume son destin de malheur jusqu’à la mort, qui le libère du corps, il peut atteindre au
2307 e du corps, il peut atteindre au-delà du temps et de l’espace la réalité de l’Amour, cette fusion de deux « moi » cessant
2308 eindre au-delà du temps et de l’espace la réalité de l’Amour, cette fusion de deux « moi » cessant de souffrir l’amour : l
2309 t de l’espace la réalité de l’Amour, cette fusion de deux « moi » cessant de souffrir l’amour : la Joie suprême. Ce que Wa
2310 de l’Amour, cette fusion de deux « moi » cessant de souffrir l’amour : la Joie suprême. Ce que Wagner a repris à Gottfrie
2311 pas su dire, et s’étaient curieusement contentés d’ illustrer en actions romanesques : la nostalgie religieuse-hérétique d
2312 s romanesques : la nostalgie religieuse-hérétique d’ une évasion hors de ce monde mauvais, la sensualité condamnée en même
2313 é condamnée en même temps que divinisée, l’effort de l’âme pour échapper à l’inordinatio fondamentale du Siècle, à la cont
2314 le monde créé. Ce que Wagner, en somme, a repris de Gottfried, c’est son dualisme foncier. Et c’est par là que son œuvre
2315 notre sensibilité que la restauration esthétique d’ un Bédier. 14.Premières conclusions Compte tenu du changement de
2316 remières conclusions Compte tenu du changement de registre qui s’opère dans les expressions poétiques de l’amour courto
2317 gistre qui s’opère dans les expressions poétiques de l’amour courtois, lorsqu’on passe du Midi des troubadours au Nord plu
2318 plus barbare des trouvères, nous sommes en mesure de voir dorénavant dans le chef-d’œuvre de Béroul, Thomas et Gottfried d
2319 en mesure de voir dorénavant dans le chef-d’œuvre de Béroul, Thomas et Gottfried de Strasbourg, l’aboutissement de toutes
2320 homas et Gottfried de Strasbourg, l’aboutissement de toutes nos pérégrinations. Les religions antiques, certaines mystique
2321 e qui les fit revivre en Languedoc, le contrecoup de cette hérésie dans la conscience occidentale et dans les coutumes féo
2322 r dans le mythe. Nous avons donc rejoint le Roman de Tristan et situé sa nécessité à telle date, à l’intersection de telle
2323 situé sa nécessité à telle date, à l’intersection de telles traditions hérétiques et de telles institutions qui les condam
2324 l’intersection de telles traditions hérétiques et de telles institutions qui les condamnaient farouchement, les obligeant
2325 imer en symboles équivoques et à revêtir la forme d’ un mythe. De l’ensemble de ces convergences, il est temps de tirer la
2326 oles équivoques et à revêtir la forme d’un mythe. De l’ensemble de ces convergences, il est temps de tirer la conclusion :
2327 s et à revêtir la forme d’un mythe. De l’ensemble de ces convergences, il est temps de tirer la conclusion : L’amour-passi
2328 . De l’ensemble de ces convergences, il est temps de tirer la conclusion : L’amour-passion glorifié par le mythe fut réell
2329 par le mythe fut réellement au xiie siècle, date de son apparition, une religion dans toute la force de ce terme, et spéc
2330 son apparition, une religion dans toute la force de ce terme, et spécialement une hérésie chrétienne historiquement déter
2331 ne hérésie chrétienne historiquement déterminée. D’ où l’on pourra déduire : 1° que la passion, vulgarisée de nos jours pa
2332 on pourra déduire : 1° que la passion, vulgarisée de nos jours par les romans et par le film, n’est rien d’autre que le re
2333 s jours par les romans et par le film, n’est rien d’ autre que le reflux et l’invasion anarchique dans nos vies d’une hérés
2334 le reflux et l’invasion anarchique dans nos vies d’ une hérésie spiritualiste dont nous avons perdu la clef ; 2° qu’à l’or
2335 dont nous avons perdu la clef ; 2° qu’à l’origine de notre crise du mariage, il n’y a pas moins que le conflit de deux tra
2336 ise du mariage, il n’y a pas moins que le conflit de deux traditions religieuses, c’est-à-dire une décision que nous preno
2337 esque toujours inconsciemment, en toute ignorance de cause, de fins et de risques encourus, en faveur d’une morale surviva
2338 ours inconsciemment, en toute ignorance de cause, de fins et de risques encourus, en faveur d’une morale survivante que no
2339 ciemment, en toute ignorance de cause, de fins et de risques encourus, en faveur d’une morale survivante que nous ne savon
2340 savons plus justifier. ⁂ Il s’en faut d’ailleurs de beaucoup que la passion et le mythe de la passion n’agissent que dans
2341 d’ailleurs de beaucoup que la passion et le mythe de la passion n’agissent que dans nos vies privées. La mystique d’Occide
2342 n’agissent que dans nos vies privées. La mystique d’ Occident est une autre passion dont le langage métaphorique est parfoi
2343 horique est parfois étrangement semblable à celui de l’amour courtois. Nos grandes littératures sont pour une bonne partie
2344 réfère le dire : des « profanations » successives de son contenu et de sa forme. Enfin, la guerre, en Occident, et toutes
2345 es « profanations » successives de son contenu et de sa forme. Enfin, la guerre, en Occident, et toutes les formes militai
2346 litaires, jusque vers 1914, ont gardé par le fait de leur origine chevaleresque — et pour d’autres raisons peut-être — un
2347 lélisme constant avec l’évolution du mythe. C’est de quoi l’on traitera dans les livres qui viennent. 18. Traduction d’
2348 a dans les livres qui viennent. 18. Traduction d’ Amyot. 19. H. Hubert, les Celtes, II, p. 227, 229, 274. (Le meilleur
2349 eltes, II, p. 227, 229, 274. (Le meilleur ouvrage d’ ensemble sur la civilisation, l’histoire et l’archéologie celtique.)
2350 celtique.) 20. H. d’Arbois de Jubainville, Cours de littérature celtique, I, p. 1-65. 21. J. Vendryes, Mémoires de la so
2351 celtique, I, p. 1-65. 21. J. Vendryes, Mémoires de la société linguistique, XX, 6, 265. 22. Op. cit., I, p. 18, et II,
2352 5 août 1937.) 26. Voir l’Appendice 4. 27. Droit d’ user et d’abuser des esclaves, qui ne sont pas des « personnes » pour
2353 7.) 26. Voir l’Appendice 4. 27. Droit d’user et d’ abuser des esclaves, qui ne sont pas des « personnes » pour le droit r
2354 on le verra bien par la suite. Le premier couple d’ amants « passionnés » dont l’histoire soit venue jusqu’à nous, c’est H
2355 5. On a tenté quelques explications sociologiques de la courtoisie. Elles se ramènent à des suppositions — souvent contrad
2356 ions — souvent contradictoires — sur la condition de la femme en Languedoc. Vernon Lee, par exemple, dans un essai intitul
2357 s il y avait « une énorme prépondérance numérique d’ hommes » dont peu pouvaient se marier. D’où l’idéalisation de l’objet
2358 umérique d’hommes » dont peu pouvaient se marier. D’ où l’idéalisation de l’objet d’un désir aussi difficile à satisfaire.
2359 dont peu pouvaient se marier. D’où l’idéalisation de l’objet d’un désir aussi difficile à satisfaire. On peut tenir compte
2360 uvaient se marier. D’où l’idéalisation de l’objet d’ un désir aussi difficile à satisfaire. On peut tenir compte du renseig
2361 u renseignement, mais il n’explique en somme rien de précis quant à la rhétorique courtoise. 36. Cathare vient du grec ca
2362 Cathare vient du grec catharoi, purs. 37. Liber de duobus principiis, publié par A. Dondaine, O. P., Rome 1939. Dondaine
2363 ome 1939. Dondaine et Arno Borst datent ce traité de la seconde moitié du xiiie siècle. 38. Cf. La Cène secrète, publiée
2364 Catharisme, par René Nelli, Charles Bru, chanoine De Lagger, D. Roché, L. Sommariva (1953) ; Die Katharer par Arno Borst (
2365 e exacte comme sur l’évolution et les complexités de l’hérésie. 40. Cf. Prière cathare, citée par Döllinger. Notons que l
2366 thare, citée par Döllinger. Notons que la liberté de l’homme, le pouvoir de faire le mal ou le bien, aurait ainsi pour ori
2367 ger. Notons que la liberté de l’homme, le pouvoir de faire le mal ou le bien, aurait ainsi pour origine non point Dieu, ma
2368 rre promise. Le Déluge est provoqué par une pluie de quarante jours. Dans le tantrisme bouddhique, le « service » de la Fe
2369 urs. Dans le tantrisme bouddhique, le « service » de la Femme est divisé en épreuves de quarante jours, etc., etc. Quarant
2370 le « service » de la Femme est divisé en épreuves de quarante jours, etc., etc. Quarante est le nombre de l’Épreuve. 42.
2371 quarante jours, etc., etc. Quarante est le nombre de l’Épreuve. 42. L’expression de « parfaits » ne se trouve d’ailleurs
2372 nte est le nombre de l’Épreuve. 42. L’expression de « parfaits » ne se trouve d’ailleurs que dans les registres de l’Inqu
2373  » ne se trouve d’ailleurs que dans les registres de l’Inquisition. Le terme de bonshommes (ou simplement de chrétiens) pa
2374 que dans les registres de l’Inquisition. Le terme de bonshommes (ou simplement de chrétiens) paraît avoir été utilisé par
2375 nquisition. Le terme de bonshommes (ou simplement de chrétiens) paraît avoir été utilisé par les cathares eux-mêmes, et « 
2376  » serait ironique. 43. Voir l’excellent ouvrage de Fernand Niel, Montségur, la montagne inspirée, 1955. « Si Montségur n
2377 ’ajouterai que les adversaires les plus virulents de cette hypothèse sont ceux qui n’ont pas vu le site de Montségur. Le c
2378 ette hypothèse sont ceux qui n’ont pas vu le site de Montségur. Le choc émotif profond provoqué par l’apparition formidabl
2379 ion formidable du pic sacré comporte une évidence d’ un tout autre ordre que celle que pourraient proposer des « preuves »
2380 e Poitiers, meurt en 1127. Les premières mentions d’ une Église cathare organisée et publique datent de 1160. Mais dès 1145
2381 d’une Église cathare organisée et publique datent de 1160. Mais dès 1145, selon Borst, le catharisme s’est répandu de la B
2382 ès 1145, selon Borst, le catharisme s’est répandu de la Bulgarie à l’Angleterre ! Le nom apparaît cette année-là en Allema
2383 dours ! 47. Au point que les Parfaits refusaient de s’asseoir sur un banc que venait de quitter une femme. Et cependant,
2384 quitter une femme. Et cependant, un grand nombre de femmes de la noblesse étaient cathares, et les troubadours leur dédia
2385 ne femme. Et cependant, un grand nombre de femmes de la noblesse étaient cathares, et les troubadours leur dédiaient leurs
2386 harisme, 1938), insiste lui aussi sur « le danger d’ une envolée trop rapide vers le ciel », selon les cathares, et oppose
2387 ieu, Lumière, Foi, Église, est un indice probable de catharisme chez un troubadour. Les cathares s’appliquaient à parler l
2388 ision du monde dominée par l’hostilité du Jour et de la Nuit. 51. Désignée généralement par un nom symbolique ou senhal,
2389 en 1935. 53. On sait que l’un des lieux communs de la rhétorique courtoise consiste à se plaindre « d’aimer en lieu trop
2390 la rhétorique courtoise consiste à se plaindre «  d’ aimer en lieu trop élevé ». Les érudits commentent : le pauvre troubad
2391 ». Les érudits commentent : le pauvre troubadour, de basse extraction sociale en général, s’est épris de la femme d’un hau
2392 basse extraction sociale en général, s’est épris de la femme d’un haut baron, qui le dédaigne. Certes, cela se vérifie da
2393 ction sociale en général, s’est épris de la femme d’ un haut baron, qui le dédaigne. Certes, cela se vérifie dans quelques
2394 haut pour lui, c’est évident, s’il ne s’agit que de ce monde. En vérité, la question se ramène à savoir pourquoi le poète
2395 tion se ramène à savoir pourquoi le poète choisit d’ aimer si haut, choisit l’Inaccessible. 54. On peut aussi penser que d
2396 adours (Peire Cardinal était-il hérétique ? Revue d’ Histoire des Religions, juin 1938) va jusqu’à proposer que l’on prenne
2397 nne certains poèmes des troubadours comme sources d’ études sur l’hérésie. Elle cite, à l’appui, des vers de Peire Cardenal
2398 des sur l’hérésie. Elle cite, à l’appui, des vers de Peire Cardenal qui reproduisent les termes exacts d’une Prière cathar
2399 Peire Cardenal qui reproduisent les termes exacts d’ une Prière cathare publiée par Döllinger. Exemple : « Donne-moi de pou
2400 hare publiée par Döllinger. Exemple : « Donne-moi de pouvoir aimer ceux que tu aimes » (Cardenal) et « Donne-nous d’aimer
2401 er ceux que tu aimes » (Cardenal) et « Donne-nous d’ aimer ceux que Tu aimes » (Prière). Mais il faut également relever que
2402 ans un poème où il dit : « Je ne me livre point à de stupides exploits… j’ai échappé à l’amour. » Je reviendrai sur la sit
2403 tuation paradoxale des poètes courtois contraints de louvoyer entre la double condamnation portée contre l’amour sexuel pa
2404 l jugerait absurde, c’est-à-dire qui n’aurait pas de sens religieux et de situation précise dans l’ensemble des valeurs qu
2405 ’est-à-dire qui n’aurait pas de sens religieux et de situation précise dans l’ensemble des valeurs qu’il connaît. 57. J. 
2406 uis quand ? Rudel utilisait ce procédé, et il est de la première moitié du xiie siècle, c’est-à-dire de la première génér
2407 la première moitié du xiie siècle, c’est-à-dire de la première génération des troubadours ! Donc l’un des inventeurs de
2408 ration des troubadours ! Donc l’un des inventeurs de ces « formules ». Nous tenons ici un bel exemple d’anachronisme tenda
2409 ces « formules ». Nous tenons ici un bel exemple d’ anachronisme tendancieux. On veut à tout prix que le langage des troub
2410 e langage des troubadours soit le langage naturel de l’amour humain, transposé à l’amour divin. Alors qu’historiquement, c
2411 e et authentique ? Ceci pour répondre au reproche d’ insincérité fait aux troubadours par nos érudits — reproche lui-même s
2412 eproche lui-même stéréotypé… 60. Mais catholique d’ origine, non hérétique. 61. Faudrait-il rapprocher ceci du fait que l
2413 alier courtois donnait souvent à sa Dame le titre de seigneur au masculin : mi dons (mi dominas) et en Espagne : senhor (n
2414 symbole religieux, autant ou plus que traduction de relations humaines. Toutefois, le narcissisme inhérent à tout amour d
2415 n sexuel, des déviations dont il serait difficile de nier que certains troubadours n’aient été victimes. 62. Textes tradu
2416 aussi l’Appendice 5. 65. Voici le chef principal d’ accusation, selon Massignon (Passion de al-Hallaj, p. 161) : « Adorer
2417 principal d’accusation, selon Massignon (Passion de al-Hallaj, p. 161) : « Adorer Dieu par amour seulement est le crime d
2418 agnétique du fer pour le fer, et leurs particules de lumière veulent rejoindre, comme un aimant, le foyer de lumière dont
2419 ière veulent rejoindre, comme un aimant, le foyer de lumière dont elles sont venues. » 66. H. Corbin : Introduction au Fa
2420 aj, texte relatif à la prédication et au supplice de al-Hallaj. 69. Cf. les travaux d’un auteur américain. A. R. Nykl, sa
2421 et au supplice de al-Hallaj. 69. Cf. les travaux d’ un auteur américain. A. R. Nykl, sa traduction du Collier de la colomb
2422 r américain. A. R. Nykl, sa traduction du Collier de la colombe d’Ibn Hazm — qui est une théorie de l’amour courtois arabe
2423 . R. Nykl, sa traduction du Collier de la colombe d’ Ibn Hazm — qui est une théorie de l’amour courtois arabe — et son ouvr
2424 er de la colombe d’Ibn Hazm — qui est une théorie de l’amour courtois arabe — et son ouvrage d’ensemble, Hispano-Arabic Po
2425 héorie de l’amour courtois arabe — et son ouvrage d’ ensemble, Hispano-Arabic Poetry and its relations with the old Provenc
2426 badours, Baltimore, 1946. Voir aussi les ouvrages de Louis Massignon, d’Henry Pérès, d’Émile Dermenghem, de Menendez Pidal
2427 1946. Voir aussi les ouvrages de Louis Massignon, d’ Henry Pérès, d’Émile Dermenghem, de Menendez Pidal, de Karl Appel, etc
2428 i les ouvrages de Louis Massignon, d’Henry Pérès, d’ Émile Dermenghem, de Menendez Pidal, de Karl Appel, etc., etc. 70. Il
2429 uis Massignon, d’Henry Pérès, d’Émile Dermenghem, de Menendez Pidal, de Karl Appel, etc., etc. 70. Il faut avouer que les
2430 nry Pérès, d’Émile Dermenghem, de Menendez Pidal, de Karl Appel, etc., etc. 70. Il faut avouer que les réfutations les pl
2431 le hypothèse que j’avais mentionnée au chapitre 7 de ce Livre, à savoir que les poèmes des troubadours pouvaient être — se
2432 t être — selon Rahn, Aroux et Péladan — une sorte de langage secret du catharisme. Une relecture des chapitres 8 et 9 suff
2433 ables que moi — en dépit de certaines imprudences d’ expression. (Ce sont elles, par malheur, qui ont le plus fait pour ass
2434 heur, qui ont le plus fait pour assurer le succès de l’ouvrage dans un large public pressé. Comme il arrive.) 71. Comme A
2435 Les hérétiques reprochaient à l’Église catholique d’ avoir inverti le nom même du Dieu qui est Amour. 72. Ce qui n’empêche
2436 i est Amour. 72. Ce qui n’empêchera pas l’Église de Rome, en la personne du pape Innocent III qui rêvait de « l’empire du
2437 e, en la personne du pape Innocent III qui rêvait de « l’empire du monde » et ne pouvait tolérer la défection de l’Italie
2438 ire du monde » et ne pouvait tolérer la défection de l’Italie du Nord et du Languedoc, de déclencher en 1209 la Croisade c
2439 la défection de l’Italie du Nord et du Languedoc, de déclencher en 1209 la Croisade contre les cathares : le premier génoc
2440 es : le premier génocide ou massacre systématique d’ un peuple, enregistré par notre histoire « chrétienne » de l’Occident.
2441 ple, enregistré par notre histoire « chrétienne » de l’Occident. 73. Consoler vient de consolari, formée de cum et de so
2442 cident. 73. Consoler vient de consolari, formée de cum et de solus (qui veut dire proprement : entier). Consoler signifi
2443 3. Consoler vient de consolari, formée de cum et de solus (qui veut dire proprement : entier). Consoler signifie donc éty
2444 nq sens équivalents pour un seul terme ». 79. L. De la Vallée-Poussin, Bouddhisme, Études et matériaux, 1898. 80. Eliad
2445 p. 210 et 212. 81. Id., ibid. 82. Je m’excuse de ne pouvoir citer ici que des fragments de chansons — de paroles de ch
2446 ’excuse de ne pouvoir citer ici que des fragments de chansons — de paroles de chansons ! — souvent très pauvrement traduit
2447 pouvoir citer ici que des fragments de chansons —  de paroles de chansons ! — souvent très pauvrement traduites, et privées
2448 er ici que des fragments de chansons — de paroles de chansons ! — souvent très pauvrement traduites, et privées de toute b
2449 ! — souvent très pauvrement traduites, et privées de toute beauté proprement poétique et rythmique par cette double trahis
2450 n entendu que je n’épingle ici que des dépouilles de sens… 83. Note du professeur Jeanroy : « C’est-à-dire, si vous parve
2451 ce » selon l’école Sahajiya. Cette interprétation de Guiraut Riquier est exacte. On peut s’en assurer en lisant cette phra
2452 acte. On peut s’en assurer en lisant cette phrase d’ Ælius Donatus (commentaire sur Térence, ive siècle) : Quinque lineœ s
2453 e — et Servir à tactus.) Le thème des Cinq lignes d’ amour peut être suivi à travers toute la poésie latine du Moyen Âge, j
2454 an Lemaire de Belges écrit dans ses Illustrations de Gaule : « Les nobles poètes disent que cinq lignes y a en amours… le
2455 ion, c’est celui qu’on nomme par honnêteté le don de mercy. » Le contraste avec l’amour courtois est clair. Et non moins l
2456 es cathares condamnaient la guerre et toute forme d’ homicide, légal ou non. Et en place de faux juges, faux prêtres, faux
2457 toute forme d’homicide, légal ou non. Et en place de faux juges, faux prêtres, faux reclus, et de maris trompeurs, les Inq
2458 lace de faux juges, faux prêtres, faux reclus, et de maris trompeurs, les Inquisiteurs du siècle suivant n’eussent pas man
2459 quisiteurs du siècle suivant n’eussent pas manqué de lire simplement : juges, prêtres, reclus et maris ! 86. Aliénor d’Aq
2460 édigé au commencement du xiiie siècle : c’est le De arte honeste amandi d’André Le Chapelain. 88. Chez Chrétien de Troye
2461 u xiiie siècle : c’est le De arte honeste amandi d’ André Le Chapelain. 88. Chez Chrétien de Troyes en particulier. 89.
2462 le rattachait le Graal aux rites secrets du culte d’ Adonis. Ce qui est certain, c’est qu’un symbole comme celui du roi péc
2463 Celtes peut se confondre facilement avec la coupe de la Cène. Et la lance elle-même revêt les significations les plus dive
2464 interprétation. Il s’est produit toute une série de fusions et de confusions de symboles. 90. Les Romans de la Table ro
2465 n. Il s’est produit toute une série de fusions et de confusions de symboles. 90. Les Romans de la Table ronde, nouvellem
2466 oduit toute une série de fusions et de confusions de symboles. 90. Les Romans de la Table ronde, nouvellement rédigés pa
2467 ns et de confusions de symboles. 90. Les Romans de la Table ronde, nouvellement rédigés par J. Boulenger, IV, p. 238. 9
2468 communié se donnent les uns aux autres le baiser de paix, selon le rite oriental, que les cathares paraissent avoir repri
2469 doivent traverser n’est autre que le pont Chinvat de la mythologie manichéenne, pont jeté sur la rivière infernale, et que
2470 ue seuls les élus peuvent franchir. « Il y a lieu d’ appeler manichéisant le milieu créateur de la matière de Bretagne », é
2471 a lieu d’appeler manichéisant le milieu créateur de la matière de Bretagne », écrit Anitchkof (Joachim de Flore, p. 291)
2472 ler manichéisant le milieu créateur de la matière de Bretagne », écrit Anitchkof (Joachim de Flore, p. 291) après avoir in
2473 le du Graal (dans Lumière du Graal, 1951, recueil d’ une vingtaine d’études par des auteurs divers), René Nelli formule que
2474 s Lumière du Graal, 1951, recueil d’une vingtaine d’ études par des auteurs divers), René Nelli formule quelques observatio
2475 ions qui seront utilement rapprochées du chap. 10 de ce livre II : « Cette magie érotique avait sa source d’abord dans la
2476 te, dans la foi en une force occulte qui naissait de l’élan charnel réprimé… L’amour pur, c’est celui qui reste tel dans d
2477 périlleuses, provoquées, et qui utilise l’énergie de ce Désir pour des fins plus hautes que l’accouplement. Il admettait t
2478 e »… L’amour contenu est bien le moteur intérieur de cette Quête, qui a bien tous les caractères d’une initiation à la Fém
2479 ur de cette Quête, qui a bien tous les caractères d’ une initiation à la Féminité insaisissable aux sens charnels. » L’aute
2480 94. Hubert, op. cit., Il, p. 298. 95. Histoire de Bailé au doux langage, trad. G. Dottin (L’Épopée irlandaise, Paris, 1
2481 ., II, p. 243-244. 97. Voir l’intéressante étude de M. Alexandre Haggerty-Krappe sur la Légende de « Tannhäuser » (Mercur
2482 de de M. Alexandre Haggerty-Krappe sur la Légende de « Tannhäuser » (Mercure de France, juin 1938). Le Tannhäuser du xvie
2483 xvie siècle est une tardive adaptation allemande de légendes irlando-écossaises ; il ne doit rien aux influences courtois
2484 re à ce sujet les deux gros volumes parus en 1953 de Gottfried Weber, Tristan und die Krise des Hochmittelalterlichen Welt
2485 nfiniment méticuleux (aux répétitions épuisantes) d’ un savant philologue allemand, apporte sur chacun des points touchés d
2486 ts touchés dans le présent chapitre une abondance de « preuves scientifiques » dont je m’étais fort bien passé en écrivant
2487 s fort bien passé en écrivant la première édition de ce livre, mais qui certes ne gâtent rien ! La comparaison poursuivie
2488 ! La comparaison poursuivie pendant des centaines de pages entre les conceptions religieuses de Gottfried et les doctrines
2489 taines de pages entre les conceptions religieuses de Gottfried et les doctrines d’Augustin, de Bernard, d’Hughes de Saint-
2490 eptions religieuses de Gottfried et les doctrines d’ Augustin, de Bernard, d’Hughes de Saint-Victor et d’Abélard, fait écla
2491 gieuses de Gottfried et les doctrines d’Augustin, de Bernard, d’Hughes de Saint-Victor et d’Abélard, fait éclater le catha
2492 ottfried et les doctrines d’Augustin, de Bernard, d’ Hughes de Saint-Victor et d’Abélard, fait éclater le catharisme profon
2493 Augustin, de Bernard, d’Hughes de Saint-Victor et d’ Abélard, fait éclater le catharisme profond de Gottfried, et son antic
2494 et d’Abélard, fait éclater le catharisme profond de Gottfried, et son anticatholicisme (annonciateur de la Renaissance pl
2495 Gottfried, et son anticatholicisme (annonciateur de la Renaissance plus que de Luther, à mes yeux). 100. Vers 15.733 à 1
2496 olicisme (annonciateur de la Renaissance plus que de Luther, à mes yeux). 100. Vers 15.733 à 15.747 du poème de Gottfried
2497 à mes yeux). 100. Vers 15.733 à 15.747 du poème de Gottfried. 101. Gnosticisme de Gottfried : comme les carpocratiens,
2498 à 15.747 du poème de Gottfried. 101. Gnosticisme de Gottfried : comme les carpocratiens, il semble croire que la « purgat
2499 rpocratiens, il semble croire que la « purgatio » de l’instinct tyrannique ne peut être obtenue qu’en cédant d’abord à l’i
2500 ue qu’en cédant d’abord à l’instinct, mais en vue d’ arriver à l’extase illuminative, qui conduit à l’union essentielle (no
2501 02. Et Gottfried n’a-t-il pas imité le sic et non d’ Abélard ? L’exemple de l’amour du docteur pour la Nonne n’a cessé de h
2502 -il pas imité le sic et non d’Abélard ? L’exemple de l’amour du docteur pour la Nonne n’a cessé de hanter l’auteur de la p
2503 ple de l’amour du docteur pour la Nonne n’a cessé de hanter l’auteur de la plus théologique des versions de Tristan. 103.
2504 octeur pour la Nonne n’a cessé de hanter l’auteur de la plus théologique des versions de Tristan. 103. Un seul exemple :
2505 nter l’auteur de la plus théologique des versions de Tristan. 103. Un seul exemple : Gottfried v. 18352 à 57 « Tristan un
2506 tan und ein Isot » et Wagner, II, 2, toute la fin de la scène : « nicht mehr Tristan !… nicht mehr Isolde ! »
3 1939, L’Amour et l’Occident (1956). Livre III. Passion et mystique
2507 1.Position du problème On a souvent tenté d’ expliquer le mysticisme en le « ramenant » à quelque déviation de l’am
2508 mysticisme en le « ramenant » à quelque déviation de l’amour humain, c’est-à-dire en fin de compte : à la sexualité. Or l’
2509 de compte : à la sexualité. Or l’examen du Roman de Tristan et de ses sources historiques nous a conduit à renverser le r
2510 la sexualité. Or l’examen du Roman de Tristan et de ses sources historiques nous a conduit à renverser le rapport. C’est
2511 es conclusions générales. Mais il permet au moins de reposer un problème que le xixe siècle matérialiste s’était cru en m
2512 e xixe siècle matérialiste s’était cru en mesure de trancher au détriment de la mystique. À vrai dire, je ne suis pas trè
2513 définitive et simple. Mais il me paraît important de reconnaître au moins, sa position. Qu’on parte de la passion ou de la
2514 de reconnaître au moins, sa position. Qu’on parte de la passion ou de la mystique pour tenter de ramener l’une à l’autre,
2515 moins, sa position. Qu’on parte de la passion ou de la mystique pour tenter de ramener l’une à l’autre, ce que l’on admet
2516 parte de la passion ou de la mystique pour tenter de ramener l’une à l’autre, ce que l’on admet implicitement, c’est l’exi
2517 e que l’on admet implicitement, c’est l’existence d’ un rapport quelconque entre ces deux réalités. Reste à savoir dans que
2518 ogie des métaphores mystiques et amoureuses. Mais d’ une entière analogie des mots, peut-on conclure à une entière analogie
2519 sommes-nous pas jusqu’à un certain point victimes d’ une illusion verbale ? d’une sorte de « calembour continué » ? Quand b
2520 n certain point victimes d’une illusion verbale ? d’ une sorte de « calembour continué » ? Quand bien même ce serait le cas
2521 int victimes d’une illusion verbale ? d’une sorte de « calembour continué » ? Quand bien même ce serait le cas, le problèm
2522 otre sens. a) S’il n’y avait en jeu, dans le cas de la passion, que des facteurs physiologiques, on ne comprendrait plus
2523 iologiques, on ne comprendrait plus rien au mythe de Tristan. La sexualité est une faim. Or il est de la nature d’une faim
2524 de Tristan. La sexualité est une faim. Or il est de la nature d’une faim de chercher à tout prix l’apaisement. Plus elle
2525 La sexualité est une faim. Or il est de la nature d’ une faim de chercher à tout prix l’apaisement. Plus elle est forte, mo
2526 é est une faim. Or il est de la nature d’une faim de chercher à tout prix l’apaisement. Plus elle est forte, moins elle se
2527 yons ici une passion dont la nature est justement de refuser tout ce qui pourrait la satisfaire et la guérir. Nous ne somm
2528 sommes donc pas en présence d’une faim, mais bien d’ une intoxication. Et l’on a soutenu récemment, par les preuves les plu
2529 morale, toute intoxication suppose l’intervention d’ un agent étranger, que l’instinct livré à lui-même éliminerait aussi v
2530 ement, la mystique à elle seule, rend-elle compte de la passion ? Il faudrait alors expliquer pourquoi c’est dans l’amour
2531 est toujours à l’instinct sexuel que l’on a tenté de « ramener » la mystique, et cela bien avant Freud et son école. Voici
2532 e que pose l’amour-passion : si l’on n’y voit que de la sexualité, c’est autant dire que l’on ne sait pas de quoi l’on par
2533 sexualité, c’est autant dire que l’on ne sait pas de quoi l’on parle. Si au contraire on rapporte cet amour à quelque chos
2534 u contraire on rapporte cet amour à quelque chose d’ étranger au sexe — il en résulte des choses bizarres, comme disait à p
2535 qu’il se posait au xiie siècle. C’est en partant d’ un exemple précis et d’une œuvre antérieure à l’essor de la grande mys
2536 siècle. C’est en partant d’un exemple précis et d’ une œuvre antérieure à l’essor de la grande mystique orthodoxe, que no
2537 xemple précis et d’une œuvre antérieure à l’essor de la grande mystique orthodoxe, que nous aurons les meilleures chances
2538 orthodoxe, que nous aurons les meilleures chances de surprendre à l’état naissant la dialectique des « choses bizarres »…
2539 ture mystique Nous avons constaté que le Roman de Tristan est, à bien des égards, une première « profanation » de la my
2540 , à bien des égards, une première « profanation » de la mystique courtoise et de ses sources (néo-platonisme, manichéisme,
2541 mière « profanation » de la mystique courtoise et de ses sources (néo-platonisme, manichéisme, soufisme). La mythification
2542 des complaisances bien explicables envers le goût de leurs auditeurs, moins policés que ceux du Midi. Le caractère distinc
2543 di. Le caractère distinctif du Roman est en effet de reposer sur une faute contre les lois d’amour courtois, puisque tout
2544 en effet de reposer sur une faute contre les lois d’ amour courtois, puisque tout le drame vient de l’adultère consommé. De
2545 isque tout le drame vient de l’adultère consommé. De là que nous ayons un « roman » selon la formule moderne du genre, et
2546 et si l’on considère surtout le principe interne de l’action, Tristan évoque par la plupart de ses situations romanesques
2547 part de ses situations romanesques la progression d’ une vie mystique. Certains « moments » relèvent de la pure tradition c
2548 d’une vie mystique. Certains « moments » relèvent de la pure tradition cathare, d’autres peuvent être rapprochés d’une exp
2549 adition cathare, d’autres peuvent être rapprochés d’ une expérience mystique plus générale, et qu’on retrouve identique, da
2550 niens et Arabes, voire bouddhistes). En tout état de cause, on ne saurait plus parler d’un vulgaire roman d’adultère : l’i
2551 En tout état de cause, on ne saurait plus parler d’ un vulgaire roman d’adultère : l’infidélité d’Iseut, c’est l’hérésie,
2552 se, on ne saurait plus parler d’un vulgaire roman d’ adultère : l’infidélité d’Iseut, c’est l’hérésie, c’est la vertu mysti
2553 ler d’un vulgaire roman d’adultère : l’infidélité d’ Iseut, c’est l’hérésie, c’est la vertu mystique des « purs », c’est un
2554 des « purs », c’est une vertu, selon les auteurs de la légende. Et la faute n’est pas dans l’amour, mais dans sa « réalis
2555 que se révèle toute comparaison entre deux formes de mystique — et d’autant plus qu’ici l’un des termes en présence se tro
2556 te comparaison entre deux formes de mystique — et d’ autant plus qu’ici l’un des termes en présence se trouve dénaturé par
2557 nacelle sans gouvernail ni voile, muni seulement de son épée et de sa harpe. Il part à la recherche du baume salutaire qu
2558 ouvernail ni voile, muni seulement de son épée et de sa harpe. Il part à la recherche du baume salutaire qui chassera le p
2559 cherche du baume salutaire qui chassera le poison de son sang. C’est le type même du départ mystique, de l’abandon à l’ave
2560 son sang. C’est le type même du départ mystique, de l’abandon à l’aventure surnaturelle. C’est la quête de l’âme pécheres
2561 abandon à l’aventure surnaturelle. C’est la quête de l’âme pécheresse, c’est-à-dire blessée mortellement, qui renonce aux
2562 inconnue. La poésie moderne nous a montré combien d’ exemples de ces départs à l’aventure, désespérés mais encore éloquents
2563 a poésie moderne nous a montré combien d’exemples de ces départs à l’aventure, désespérés mais encore éloquents ! Rudiment
2564 ure, désespérés mais encore éloquents ! Rudiments d’ une recherche mystique, qui ne laisse oublier ni la lyre ni l’épée sym
2565 analyse du mythe, que cette fatalité joue le rôle d’ un alibi : les amants ne se veulent responsables de rien, leur passion
2566 ’un alibi : les amants ne se veulent responsables de rien, leur passion étant inavouable tant aux yeux de la société (qui
2567 les fait mourir). C’est là l’aspect psychologique de l’aventure. Mais voici l’aspect religieux : ce hasard aussitôt irrévo
2568 p que tout semblait le préparer, c’est l’élection d’ une âme par l’Amour tout-puissant, la vocation qui la surprend comme m
2569 conduire à l’endura. Mais emporté par la violence de la première révélation, qui parfois embrase le sang, il enfreint la r
2570 le, souffle ô vent ! Malheur ! ah malheur ! fille d’ Irlande, amoureuse et sauvage ! » Toute une vie de pénitence devra mai
2571 d’Irlande, amoureuse et sauvage ! » Toute une vie de pénitence devra maintenant racheter le sacrilège. Mais le malheur ess
2572 racheter le sacrilège. Mais le malheur essentiel de cet amour n’est pas seulement la rançon du péché. L’ascèse qui rachèt
2573 it aussi et surtout délivrer l’homme du fait même d’ être né dans ce monde de ténèbres. Elle doit conduire au détachement f
2574 vrer l’homme du fait même d’être né dans ce monde de ténèbres. Elle doit conduire au détachement final et bienheureux, à l
2575 nitence a donc une signification toute différente de celle du repentir chrétien. Et bien que l’orthodoxie et l’hérésie sem
2576 onfondues dans le Roman, il est toujours possible de reconnaître, à de tels traits, la tendance réellement dominante — cel
2577 Roman, il est toujours possible de reconnaître, à de tels traits, la tendance réellement dominante — celle qui s’épanouira
2578 a mort des amants. Reprenons par exemple le récit de l’« aspre vie » dans la forêt de Morois. « Nous avons perdu le monde,
2579 exemple le récit de l’« aspre vie » dans la forêt de Morois. « Nous avons perdu le monde, et le monde nous », gémit Iseut
2580 gémit Iseut (dans le Roman en prose). Et Tristan de répondre : « Si le monde entier était orendroit avec nous, je ne verr
2581 , je ne verrois fors vous seule. » Il s’agit bien d’ une endura. Cette retraite dans la forêt, c’est une de ces périodes de
2582 e endura. Cette retraite dans la forêt, c’est une de ces périodes de jeûne et de macération dont nous connaissons le but c
2583 retraite dans la forêt, c’est une de ces périodes de jeûne et de macération dont nous connaissons le but chez les cathares
2584 s la forêt, c’est une de ces périodes de jeûne et de macération dont nous connaissons le but chez les cathares : l’absorpt
2585 nnaissons le but chez les cathares : l’absorption de toutes les facultés dans la contemplation de l’amour seul. Un trait p
2586 tion de toutes les facultés dans la contemplation de l’amour seul. Un trait profond de la passion — et de la mystique en g
2587 a contemplation de l’amour seul. Un trait profond de la passion — et de la mystique en général — paraît ici. « On est seul
2588 l’amour seul. Un trait profond de la passion — et de la mystique en général — paraît ici. « On est seul avec tout ce qu’on
2589 ’on aime », écrira plus tard Novalis, ce mystique de la Nuit et de la Lumière secrète. Cette maxime traduit d’ailleurs, pa
2590 rira plus tard Novalis, ce mystique de la Nuit et de la Lumière secrète. Cette maxime traduit d’ailleurs, parmi tant d’aut
2591 eurs, parmi tant d’autres sens possibles, un fait d’ observation purement psychologique : la passion n’est nullement cette
2592 lescents ; elle est, bien au contraire, une sorte d’ intensité nue et dénuante, oui vraiment, un amer dénuement, un appauvr
2593 i vraiment, un amer dénuement, un appauvrissement de la conscience vidée de toute diversité, une obsession de l’imaginatio
2594 uement, un appauvrissement de la conscience vidée de toute diversité, une obsession de l’imagination concentrée sur une se
2595 onscience vidée de toute diversité, une obsession de l’imagination concentrée sur une seule image, — et dès lors le monde
2596 lors le monde s’évanouit, « les autres » cessent d’ être présents, il n’y a plus ni prochain ni devoirs, ni liens qui tien
2597 les choses créées. Vraiment, comment se défendre de songer ici aux « déserts » de la Nuit obscure que décrit saint Jean d
2598 comment se défendre de songer ici aux « déserts » de la Nuit obscure que décrit saint Jean de la Croix ? « Éloigne les cho
2599 vait que Dieu et elle au monde ». A-t-on le droit d’ opérer ce rapprochement entre un génie religieux du premier ordre et u
2600 plus rudimentaires ? Certes, ce serait une sorte de blasphème s’il ne s’agissait dans le Roman que d’une passion d’amour
2601 de blasphème s’il ne s’agissait dans le Roman que d’ une passion d’amour sensuel : mais tout indique que nous sommes ici su
2602 ’il ne s’agissait dans le Roman que d’une passion d’ amour sensuel : mais tout indique que nous sommes ici sur la via mysti
2603 es « parfaits ». C’est alors le contenu des états d’ âme et leur objet, mais non leur forme, qui diffère107. (Nous allons y
2604 dissiper toute équivoque.) ⁂ Voici un autre point de comparaison. On sait combien les mystiques espagnols ont coutume d’in
2605 sait combien les mystiques espagnols ont coutume d’ insister sur le récit de leurs souffrances. Plus la lumière et l’amour
2606 ues espagnols ont coutume d’insister sur le récit de leurs souffrances. Plus la lumière et l’amour divin sont vifs, plus l
2607 morales qu’entraîne la mortification des sens et de la volonté, mais l’âme souffre séparation et réjection, dans le temps
2608 uffre séparation et réjection, dans le temps même de la plus vive ardeur de son amour. Il y aurait à citer cent pages où r
2609 ection, dans le temps même de la plus vive ardeur de son amour. Il y aurait à citer cent pages où revient la même plainte
2610 ait à citer cent pages où revient la même plainte de l’âme sur « l’abandon divin, tourment suprême ». Sur « ce vide profon
2611 ce vide profond… cruelle disette des trois sortes de biens qui peuvent consoler l’âme, savoir les temporels, les naturels,
2612 les spirituels » ; enfin, « sur cette impression de rejet qui compte parmi les peines les plus dures de l’état de purific
2613 rejet qui compte parmi les peines les plus dures de l’état de purification ». (Ibid.) Tristan n’est qu’une impure et par
2614 compte parmi les peines les plus dures de l’état de purification ». (Ibid.) Tristan n’est qu’une impure et parfois équiv
2615 est qu’une impure et parfois équivoque traduction de la mystique courtoise. (Il arrive que les situations les plus apparem
2616 gravement à partir de l’amour humain, et par voie de sublimation, non par la voie inverse, allant de l’Amour divin aux mét
2617 e de sublimation, non par la voie inverse, allant de l’Amour divin aux métaphores, qui convient pour les grands mystiques.
2618 ci dit, nous pouvons retrouver dans le mythe plus d’ un aspect des souffrances mystiques. On se souvient de la plainte du t
2619 aspect des souffrances mystiques. On se souvient de la plainte du troubadour : Dieu ! comment se peut-il faire Que plus
2620 mme Tristan si follement que lorsqu’il est séparé de sa « dame ». La psychologie la plus simple rendrait compte de ce phén
2621  ». La psychologie la plus simple rendrait compte de ce phénomène. Mais il ne sert ici que de prétexte et d’image matériel
2622 t compte de ce phénomène. Mais il ne sert ici que de prétexte et d’image matérielle pour représenter les tourments de l’as
2623 phénomène. Mais il ne sert ici que de prétexte et d’ image matérielle pour représenter les tourments de l’ascèse purificatr
2624 d’image matérielle pour représenter les tourments de l’ascèse purificatrice. Nous avons vu que les séparations des deux am
2625 Roman, répondent à une nécessité tout intérieure de la passion. Iseut est une femme aimée, mais elle est aussi autre chos
2626 imée, mais elle est aussi autre chose, le symbole de l’Amour lumineux. Quand Tristan erre au loin, il l’aime davantage, et
2627 l’aime davantage, et plus il aime, plus il endure de souffrances. Mais nous savons que c’est la souffrance qui est le vrai
2628 avons que c’est la souffrance qui est le vrai but de la séparation voulue… Nous rejoignons alors la situation mystique (pa
2629 e rejeté par l’amour. Au point qu’il doutera même de l’« amitié » d’Iseut, qu’il la tiendra un temps pour ennemie, et qu’i
2630 mour. Au point qu’il doutera même de l’« amitié » d’ Iseut, qu’il la tiendra un temps pour ennemie, et qu’il acceptera le «
2631 ovisoirement. C’est quand, le philtre ayant cessé d’ agir, Tristan et Iseut vont trouver l’ermite Ogrin dans sa cellule. Re
2632 trouver l’ermite Ogrin dans sa cellule. Rencontre de celui qui souffre pour son Dieu, et des amants qui souffrent pour un
2633 ais tandis que le roi s’approche avec son cortège de barons, les amants échangent l’anneau de l’éternelle fidélité et du s
2634 cortège de barons, les amants échangent l’anneau de l’éternelle fidélité et du secret. La soumission ne sera donc qu’appa
2635 ⁂ Pour extérieures et formelles qu’elles soient, de telles correspondances ne sauraient être, en toute honnêteté, réduite
2636 es. Mais si les formes sont pareilles, il importe de définir en quoi les contenus restent incompatibles, et quelle est la
2637 us restent incompatibles, et quelle est la nature de l’abus qui par la suite a voulu les confondre. L’on pourrait tout ram
2638 ramener à une grossière confusion du Créateur et de la créature, dans le Roman : la fameuse « divinisation de la femme »
2639 éature, dans le Roman : la fameuse « divinisation de la femme » selon la formule des manuels. Dans le cas où Iseut ne sera
2640 s que nous venons de dégager ne seraient plus que de l’ordre du langage, et spécialement de la métaphore. Je ne songe pas
2641 t plus que de l’ordre du langage, et spécialement de la métaphore. Je ne songe pas à nier cet aspect du problème, il sera
2642 la, ce serait alors tout l’arrière-plan religieux de la légende qu’il faudrait nier ou négliger, en dépit de l’évidence hi
2643 e qui est du sens du mythe, et le Roman cesserait d’ être un roman courtois ; ou bien l’amour courtois cesserait d’être ce
2644 man courtois ; ou bien l’amour courtois cesserait d’ être ce qu’il fut, pour se mettre à ressembler à ce que nos érudits co
2645 s, ce qui se trouve en question, c’est la passion d’ amour, et non l’amour purement profane et naturel. Voici, me semble-t-
2646 rel. Voici, me semble-t-il, le principe véritable de l’opposition des deux mystiques. L’orthodoxe aboutit au « mariage spi
2647 ues. L’orthodoxe aboutit au « mariage spirituel » de Dieu et de l’âme, dès cette vie, tandis que l’hérétique espère l’unio
2648 odoxe aboutit au « mariage spirituel » de Dieu et de l’âme, dès cette vie, tandis que l’hérétique espère l’union et la fus
2649 espère l’union et la fusion totale, mais au-delà de la mort des corps. Pour les cathares, il n’y avait pas de rachat poss
2650 rt des corps. Pour les cathares, il n’y avait pas de rachat possible de ce monde. Il s’en suivait — théoriquement — que l’
2651 les cathares, il n’y avait pas de rachat possible de ce monde. Il s’en suivait — théoriquement — que l’amour profane était
2652 s mystiques du Roman chercheront donc l’intensité de la passion et non son apaisement heureux. Plus leur passion est vive
2653 voient dans les actes et les œuvres qui découlent de l’état mystique les critères de sa vérité109. C’est du moins le mouve
2654 res qui découlent de l’état mystique les critères de sa vérité109. C’est du moins le mouvement constant de ceux qui ont co
2655 a vérité109. C’est du moins le mouvement constant de ceux qui ont concentré leur oraison sur le Christ incarné réellement.
2656 ’Incarnation, et ne pouvaient connaître ce retour de l’âme à une vie rénovée. « Je meurs de ne pas mourir », dit sainte Th
2657 ce retour de l’âme à une vie rénovée. « Je meurs de ne pas mourir », dit sainte Thérèse, mais c’est de ne pas mourir asse
2658 e ne pas mourir », dit sainte Thérèse, mais c’est de ne pas mourir assez pour vivre toute la vie nouvelle, et pour obéir s
2659 Jean de la Croix. Les amants se plaignent parfois de leur passion et maudissent le poison fatal, cause de leurs terribles
2660 leur passion et maudissent le poison fatal, cause de leurs terribles souffrances. « Amor par force les demeine. » Mais fin
2661 comme la révélation dernière, dans la mort. Ainsi de leur attitude envers les créatures : ils ne les retrouvent pas au-del
2662 les créatures : ils ne les retrouvent pas au-delà de leur passion et de son ascèse. Ils ignorent ce mouvement de retour au
2663 ne les retrouvent pas au-delà de leur passion et de son ascèse. Ils ignorent ce mouvement de retour au monde si caractéri
2664 ssion et de son ascèse. Ils ignorent ce mouvement de retour au monde si caractéristique du christianisme. Jean de la Croix
2665 qu’on mortifie les passions, l’âme ne reçoit plus d’ aliment des créatures ; et de cette façon, elle est remplie d’obscurit
2666 l’âme ne reçoit plus d’aliment des créatures ; et de cette façon, elle est remplie d’obscurité, et destituée des objets qu
2667 s créatures ; et de cette façon, elle est remplie d’ obscurité, et destituée des objets que les passions lui présentaient. 
2668 III). (Et l’on peut certes rapprocher ce passage de l’admirable cri de Ventadour : « Elle m’a pris le cœur, elle m’a pris
2669 t certes rapprocher ce passage de l’admirable cri de Ventadour : « Elle m’a pris le cœur, elle m’a pris moi-même, elle m’a
2670 e mon désir et mon cœur assoiffé. ») Au-delà même de cet état, Jean de la Croix connut la viduité totale, où non seulement
2671 n, et l’amour avec son objet, mais jusqu’au désir de l’amour semblent se dérober au comble de l’élan : « Vide de toute con
2672 au désir de l’amour semblent se dérober au comble de l’élan : « Vide de toute convoitise, rien ne le pousse vers le haut,
2673 semblent se dérober au comble de l’élan : « Vide de toute convoitise, rien ne le pousse vers le haut, et rien ne l’attire
2674 ximes.) Le troubadour Arnaut Daniel parlait aussi de cet « excès de désir » qui enlève « tout désir ». Mais cet état théop
2675 badour Arnaut Daniel parlait aussi de cet « excès de désir » qui enlève « tout désir ». Mais cet état théopathique n’about
2676 en termes magnifiques que l’âme pure est le lieu de rédemption des créatures dénaturées par le péché. « Toutes les créatu
2677 rées par le péché. « Toutes les créatures passent de leur vie à leur être. Toutes les créatures se portent dans ma raison
2678 l faut indiquer la dernière limite, qui est celle de l’humilité. Et là encore, la clé de l’opposition est dans le mystère
2679 qui est celle de l’humilité. Et là encore, la clé de l’opposition est dans le mystère de l’Incarnation. Le Roman est baign
2680 ncore, la clé de l’opposition est dans le mystère de l’Incarnation. Le Roman est baigné par l’atmosphère celtique de l’org
2681 on. Le Roman est baigné par l’atmosphère celtique de l’orgueil chevaleresque : c’est le désir de la prouesse qui est le mo
2682 tique de l’orgueil chevaleresque : c’est le désir de la prouesse qui est le moteur des hauts faits de Tristan. Comme tous
2683 de la prouesse qui est le moteur des hauts faits de Tristan. Comme tous les passionnés, il aime avec témérité la sensatio
2684 es passionnés, il aime avec témérité la sensation de puissance qu’il éprouve dans le risque. D’où le désir final du risque
2685 sation de puissance qu’il éprouve dans le risque. D’ où le désir final du risque pour lui-même, la passion de la passion sa
2686 e désir final du risque pour lui-même, la passion de la passion sans terme, la volonté de la mort sans retour. L’on s’aper
2687 , la passion de la passion sans terme, la volonté de la mort sans retour. L’on s’aperçoit, à cette limite, que la prouesse
2688 e limite, que la prouesse était le signe matériel d’ un processus de divinisation. Les vrais mystiques, tout au contraire,
2689 a prouesse était le signe matériel d’un processus de divinisation. Les vrais mystiques, tout au contraire, sont la prudenc
2690 Ainsi le chrétien ne se jette pas dans l’illusion d’ une mort d’amour transfigurante, mais au contraire accepte les limites
2691 rétien ne se jette pas dans l’illusion d’une mort d’ amour transfigurante, mais au contraire accepte les limites de sa terr
2692 sfigurante, mais au contraire accepte les limites de sa terrestre vocation. « Rien ne le pousse vers le haut, et rien ne l
2693 a Croix, et cela « parce qu’il se tient au centre de son humilité ». 3.Transpositions curieuses, mais inévitables To
2694 ns curieuses, mais inévitables Toute la poésie d’ Occident procède de l’amour courtois et du roman breton qui en dérive.
2695 inévitables Toute la poésie d’Occident procède de l’amour courtois et du roman breton qui en dérive. C’est à cette orig
2696 e ; et c’est dans ce vocabulaire que les amoureux d’ aujourd’hui puisent encore, en toute inconscience, leurs métaphores le
2697 le mythe romanesque avait utilisé un « matériel » d’ images, de noms et de situations tiré du fonds religieux des Celtes, d
2698 omanesque avait utilisé un « matériel » d’images, de noms et de situations tiré du fonds religieux des Celtes, donc d’une
2699 vait utilisé un « matériel » d’images, de noms et de situations tiré du fonds religieux des Celtes, donc d’une religion dé
2700 tuations tiré du fonds religieux des Celtes, donc d’ une religion déjà morte, de même notre littérature et nos passions uti
2701 seule mystique définissait le sens valable. Plus d’ une fois, l’ambiguïté du mythe nous a fait hésiter en présence de tel
2702 ésiter en présence de tel épisode : s’agissait-il d’ amour profane — selon la lettre du Roman — ou d’un symbole de l’Éros l
2703 l d’amour profane — selon la lettre du Roman — ou d’ un symbole de l’Éros lumineux, voire de l’Église d’Amour ? On conçoit
2704 fane — selon la lettre du Roman — ou d’un symbole de l’Éros lumineux, voire de l’Église d’Amour ? On conçoit donc que par
2705 Roman — ou d’un symbole de l’Éros lumineux, voire de l’Église d’Amour ? On conçoit donc que par la suite, le lecteur ignor
2706 ’un symbole de l’Éros lumineux, voire de l’Église d’ Amour ? On conçoit donc que par la suite, le lecteur ignorant des myst
2707 s ces allégories trop bien voilées. Il est facile d’ imaginer le processus. Saint Augustin écrit cette prière : « Je te che
2708 troubadour ait exprimé la même prière en feignant de l’adresser à sa Dame. L’amant habitué aux métaphores mystiques, qu’il
2709 ues, qu’il entend à leur sens profane, sera tenté de voir dans cette même phrase l’expression de la passion qu’il aime : c
2710 tenté de voir dans cette même phrase l’expression de la passion qu’il aime : celle qu’on goûte et savoure en soi, dans une
2711 lle qu’on goûte et savoure en soi, dans une sorte d’ indifférence à son objet vivant et extérieur. Ainsi nous avons vu que
2712 our-passion tend à se confondre avec l’exaltation d’ un narcissisme… Dans cette transposition objectivement mais non pas co
2713 de des métaphores utilisées dans les deux cas. Or d’ où venaient ces métaphores ? D’une mystique, comme nous l’avons vu — m
2714 s les deux cas. Or d’où venaient ces métaphores ? D’ une mystique, comme nous l’avons vu — mais déguisée, persécutée, puis
2715 te donc valable à condition qu’on change le signe de chacune de ses propositions. Par exemple, là où la science proclame q
2716 able à condition qu’on change le signe de chacune de ses propositions. Par exemple, là où la science proclame que la mysti
2717 là où la science proclame que la mystique résulte d’ une sublimation de l’instinct, il suffira de changer le sens de la rel
2718 roclame que la mystique résulte d’une sublimation de l’instinct, il suffira de changer le sens de la relation constatée, e
2719 sulte d’une sublimation de l’instinct, il suffira de changer le sens de la relation constatée, et d’écrire que « l’instinc
2720 tion de l’instinct, il suffira de changer le sens de la relation constatée, et d’écrire que « l’instinct » en question rés
2721 a de changer le sens de la relation constatée, et d’ écrire que « l’instinct » en question résulte d’une profanation de la
2722 t d’écrire que « l’instinct » en question résulte d’ une profanation de la mystique primitive. ⁂ Cependant, la conscience m
2723 ’instinct » en question résulte d’une profanation de la mystique primitive. ⁂ Cependant, la conscience moderne montre une
2724 épugnance à opérer ce renversement, qu’il est bon d’ entrer plus avant dans le mécanisme des transpositions, et même de rec
2725 ant dans le mécanisme des transpositions, et même de reconnaître la valeur de certaines objections courantes. Car enfin, d
2726 transpositions, et même de reconnaître la valeur de certaines objections courantes. Car enfin, dira-t-on, la mystique, au
2727 enfin, dira-t-on, la mystique, au moins dans une de ses tendances, ne s’est-elle pas prêtée à toutes les confusions ? N’a
2728 ons ? N’a-t-elle pas abusé la première du langage de l’Éros païen ? 4.Les Mystiques orthodoxes et le langage de la pass
2729 ïen ? 4.Les Mystiques orthodoxes et le langage de la passion Le fait central de toute vie religieuse de forme et de
2730 es et le langage de la passion Le fait central de toute vie religieuse de forme et de contenu chrétiens, c’est l’événem
2731 assion Le fait central de toute vie religieuse de forme et de contenu chrétiens, c’est l’événement de l’Incarnation. Dè
2732 fait central de toute vie religieuse de forme et de contenu chrétiens, c’est l’événement de l’Incarnation. Dès que l’on s
2733 forme et de contenu chrétiens, c’est l’événement de l’Incarnation. Dès que l’on s’écarte un tant soit peu de ce foyer, l’
2734 oit peu de ce foyer, l’on encourt le double péril de l’humanisme et de l’idéalisme. L’hérésie des cathares consistait à id
2735 r, l’on encourt le double péril de l’humanisme et de l’idéalisme. L’hérésie des cathares consistait à idéaliser tout l’Éva
2736  enthousiasme » — cette transgression des limites de l’humain, finalement irréalisable, devait se traduire, et se trahir d
2737 nt irréalisable, devait se traduire, et se trahir d’ une manière fatale, par une exaltation en termes divins de l’amour sex
2738 nière fatale, par une exaltation en termes divins de l’amour sexuel. À l’inverse, on peut observer chez les mystiques les
2739 im et soif, volonté. Exaltation en termes humains de l’amour de Dieu. Ainsi se dessinent deux grands courants que nous ret
2740 volonté. Exaltation en termes humains de l’amour de Dieu. Ainsi se dessinent deux grands courants que nous retrouverons d
2741 ée. Même chez les représentants les plus typiques de l’une et de l’autre tendance, ils coexistent presque toujours, ne fût
2742 z les représentants les plus typiques de l’une et de l’autre tendance, ils coexistent presque toujours, ne fût-ce qu’à la
2743 anière dont la tentation coexiste avec la volonté d’ obéissance chez le croyant. Historiquement parlant, il est donc malais
2744 yant. Historiquement parlant, il est donc malaisé de les isoler. Mais théologiquement, la chose est claire. Le premier cou
2745 la chose est claire. Le premier courant est celui de la mystique unitive : il tend à la fusion totale de l’âme et de la di
2746 la mystique unitive : il tend à la fusion totale de l’âme et de la divinité. Le second courant peut être appelé celui de
2747 unitive : il tend à la fusion totale de l’âme et de la divinité. Le second courant peut être appelé celui de la mystique
2748 ivinité. Le second courant peut être appelé celui de la mystique épithalamique : il tend au mariage de l’âme et de Dieu, e
2749 de la mystique épithalamique : il tend au mariage de l’âme et de Dieu, et suppose donc qu’une distinction d’essence est ma
2750 ue épithalamique : il tend au mariage de l’âme et de Dieu, et suppose donc qu’une distinction d’essence est maintenue entr
2751 me et de Dieu, et suppose donc qu’une distinction d’ essence est maintenue entre la créature et le Créateur. Quelques exemp
2752 euls valables en ce domaine110 — nous permettront de préciser tout cela sans excessives simplifications. Ils nous permettr
2753 excessives simplifications. Ils nous permettront d’ entrevoir les raisons de ce curieux phénomène : « l’abus » du langage
2754 ons. Ils nous permettront d’entrevoir les raisons de ce curieux phénomène : « l’abus » du langage amoureux en religion doi
2755 e. J’emprunterai mon premier exemple à l’ouvrage de Rudolf Otto intitulé Mystique occidentale-orientale111. L’auteur comp
2756 le111. L’auteur compare, puis oppose le fondateur de la mystique allemande au xive siècle, Maître Eckhart, et le mystique
2757 e objet, c’est que Rudolf Otto distingue l’Orient de l’Occident en ramenant leurs mystiques respectives à l’Éros et à l’Ag
2758 eurs mystiques respectives à l’Éros et à l’Agapè, d’ une manière assez analogue à celle que nous proposions ci-dessus (voir
2759 n tant que, par l’âme du croyant, elles « passent de leur vie à leur être ». La confrontation est rendue possible par le f
2760 oyen Âge une tradition mystique parallèle à celle de Sankara. « Mystique de l’ivresse sentimentale — écrit Otto — à la fav
2761 mystique parallèle à celle de Sankara. « Mystique de l’ivresse sentimentale — écrit Otto — à la faveur de laquelle le Je e
2762 l’ivresse sentimentale — écrit Otto — à la faveur de laquelle le Je et le Tu des êtres unis par une forte émotion coulent
2763 l’un dans l’autre, donnant naissance à une unité d’ être. Eckhart ne connaît ni cette ivresse ni cet amour « pathologique 
2764 e ». L’amour, pour lui, c’est la vertu chrétienne de l’Agapè, forte comme la mort, mais non point ivre ; intime, mais humb
2765 , tout particulièrement, que Eckhart se distingue d’ une manière radicale de Plotin, dont on persiste à faire son maître. P
2766 , que Eckhart se distingue d’une manière radicale de Plotin, dont on persiste à faire son maître. Plotin lui aussi prêche
2767 st l’Éros grec, qui est jouissance, et jouissance d’ une naturelle et surnaturelle Beauté… gardant jusqu’en ses plus subtil
2768 u’en ses plus subtiles sublimations quelque chose de l’Éros du Symposium platonicien, grand Daimon qui, de la ferveur de l
2769 ’Éros du Symposium platonicien, grand Daimon qui, de la ferveur de l’instinct de procréation, s’élève en se purifiant à la
2770 sium platonicien, grand Daimon qui, de la ferveur de l’instinct de procréation, s’élève en se purifiant à la ferveur divin
2771 en, grand Daimon qui, de la ferveur de l’instinct de procréation, s’élève en se purifiant à la ferveur divine, mais n’en c
2772 divine, mais n’en conserve pas moins les éléments de l’homme fervent. Pour Eckhart, la vraie voie mystique n’est pas celle
2773 raie voie mystique n’est pas celle qui, s’élevant d’ un état de sentiment, mènerait à une union suprême, au sommet d’un éla
2774 mystique n’est pas celle qui, s’élevant d’un état de sentiment, mènerait à une union suprême, au sommet d’un élan d’amour 
2775 entiment, mènerait à une union suprême, au sommet d’ un élan d’amour : L’amour n’unit point, écrit-il. Il unit bien à une
2776 mènerait à une union suprême, au sommet d’un élan d’ amour : L’amour n’unit point, écrit-il. Il unit bien à une œuvre, non
2777 t plutôt comme fournissant d’abord la possibilité d’ une Agapè authentique. Non seulement son Agapè n’a pas le moindre trai
2778 simplicité élémentaires, sans exaltation ni ajout d’ aucune sorte. » Et de cette union résultent « la confiance, la foi, l’
2779 es, sans exaltation ni ajout d’aucune sorte. » Et de cette union résultent « la confiance, la foi, l’abandon, le service »
2780 service ». Il s’agit donc plutôt, me semble-t-il, d’ une communion que d’une union, puisque, comme l’écrit ailleurs Eckhart
2781 donc plutôt, me semble-t-il, d’une communion que d’ une union, puisque, comme l’écrit ailleurs Eckhart, l’âme reste l’âme,
2782 l’âme reste l’âme, et Dieu reste Dieu113. L’acte d’ amour spirituel est initial, et non final. Pour le chrétien, la mort à
2783 Pour le chrétien, la mort à soi-même est le début d’ une vie plus réelle ici-bas, non la catastrophe de ce monde. D’ailleur
2784 d’une vie plus réelle ici-bas, non la catastrophe de ce monde. D’ailleurs Otto cite un passage d’Eckhart où il est questio
2785 ophe de ce monde. D’ailleurs Otto cite un passage d’ Eckhart où il est question non plus d’union mais bien d’égalité de l’â
2786 un passage d’Eckhart où il est question non plus d’ union mais bien d’égalité de l’âme et de Dieu : Et cette égalité de l’
2787 art où il est question non plus d’union mais bien d’ égalité de l’âme et de Dieu : Et cette égalité de l’un dans l’un et av
2788 est question non plus d’union mais bien d’égalité de l’âme et de Dieu : Et cette égalité de l’un dans l’un et avec l’un es
2789 non plus d’union mais bien d’égalité de l’âme et de Dieu : Et cette égalité de l’un dans l’un et avec l’un est source et
2790 d’égalité de l’âme et de Dieu : Et cette égalité de l’un dans l’un et avec l’un est source et origine du fleurissant resp
2791 qui figure pour Eckhart l’expression authentique de l’union divine, mais bien l’Agapè, dont ne parlent et que ne connaiss
2792 n ni Sankara. Voici donc, semble-t-il, deux pôles de la mystique universelle très nettement caractérisés. L’Orient (c’est-
2793 ns les termes mêmes par lesquels nous avons tenté de distinguer la mystique des cathares et la doctrine chrétienne de l’am
2794 a mystique des cathares et la doctrine chrétienne de l’amour. ⁂ Mais Eckhart ne fut pas en odeur de sainteté. Le pape Jean
2795 ne de l’amour. ⁂ Mais Eckhart ne fut pas en odeur de sainteté. Le pape Jean xxii condamna même ses thèses les plus hardies
2796 a même ses thèses les plus hardies dans une bulle de  1329. L’une des thèses condamnées, la dixième, est ainsi reproduite d
2797 alement en Dieu et nous nous convertissons en lui de la même manière que le pain dans le sacrement se change en corps du C
2798 e distinction. » Cette thèse, extraite des œuvres d’ Eckhart, paraît contredire formellement l’interprétation précédente. E
2799 art du côté de « l’Orient », c’est-à-dire du côté d’ une mystique essentiellement unitive, et par cela même hérétique… Ce q
2800 ecticien par excellence, et qu’il est trop facile d’ extraire de ses œuvres les vérités les plus contradictoires. Chez lui,
2801 r excellence, et qu’il est trop facile d’extraire de ses œuvres les vérités les plus contradictoires. Chez lui, a-t-on pu
2802 n sont inséparables, n’étant que les deux aspects d’ une même vérité115. » Il n’en est pas moins significatif de constater
2803 e vérité115. » Il n’en est pas moins significatif de constater que Eckhart souleva dans la mystique flamande une oppositio
2804 l’abandon des œuvres. On est toujours à l’Orient de quelqu’un ! C’est ainsi que Maître Eckhart figura l’hérésie que j’app
2805 gens qui ne veulent pas seulement être les égaux de Dieu, mais Dieu lui-même, ils sont plus méchants et plus maudits que
2806 r… Voilà ce qu’ils appellent la parfaite pauvreté d’ esprit… Mais ceux qui sont nés du Saint-Esprit et chantent ses louange
2807 s agissent. On le voit : Ruysbroek accuse Eckhart de quiétisme. Il revendique contre lui un certain activisme de l’amour.
2808 me. Il revendique contre lui un certain activisme de l’amour. C’est qu’il ne croit nullement que toute distinction entre l
2809 blable à Dieu. Elle contemple Dieu dans le miroir d’ un esprit entièrement purifié. « Nous contemplons ce que nous sommes e
2810 contemplons ; car notre essence, sans rien perdre de sa propre personnalité, est unie à la vérité divine qui respecte la d
2811 nction. » Et ailleurs : « L’abîme qui nous sépare de Dieu est perçu de nous au lieu le plus secret de nous-mêmes. Il est l
2812 urs : « L’abîme qui nous sépare de Dieu est perçu de nous au lieu le plus secret de nous-mêmes. Il est la distance essenti
2813 de Dieu est perçu de nous au lieu le plus secret de nous-mêmes. Il est la distance essentielle… » ⁂ Or voici le point qu’
2814 ssentielle… » ⁂ Or voici le point qu’il importait de mettre en lumière. Si l’âme peut s’unir essentiellement à Dieu, l’amo
2815 l’âme peut s’unir essentiellement à Dieu, l’amour de l’âme pour Dieu est un amour heureux. On peut prévoir qu’il ne sera p
2816 —, je ne sais si l’on rencontre jamais le langage de l’amour humain. » À l’inverse, si l’âme ne peut s’unir essentiellemen
2817 ’orthodoxie chrétienne, il en résulte que l’amour de l’âme pour Dieu est, dans ce sens précis, un amour réciproque malheur
2818 langage passionnel, c’est-à-dire dans le langage de l’hérésie cathare « profanisé » par la littérature et adopté par les
2819 it. Là encore, les textes confirment l’exactitude de notre schéma. C’est bien avec Ruysbroek et sa doctrine de la distinct
2820 schéma. C’est bien avec Ruysbroek et sa doctrine de la distinction essentielle qu’apparaît, dans la mystique du Nord, le
2821 l’irrésistible désir. S’efforcer continuellement de saisir l’insaisissable… Et l’objet du désir ne peut être ni abandonné
2822 onner est chose intolérable, et il est impossible de le conserver. Le silence même n’a pas assez de force pour l’étreindre
2823 le de le conserver. Le silence même n’a pas assez de force pour l’étreindre de ses mains. » Et toutes les métaphores de l’
2824 ence même n’a pas assez de force pour l’étreindre de ses mains. » Et toutes les métaphores de l’amour-passion se déversent
2825 treindre de ses mains. » Et toutes les métaphores de l’amour-passion se déversent dans la prose enflammée de Ruysbroek : i
2826 mour-passion se déversent dans la prose enflammée de Ruysbroek : immersion dans l’amour, défaillements, embrassements, our
2827 s l’amour, défaillements, embrassements, ouragans de l’impatience, brûlure d’amour qui dévore nuit et jour, orgie d’amour,
2828 embrassements, ouragans de l’impatience, brûlure d’ amour qui dévore nuit et jour, orgie d’amour, délices ruisselantes, iv
2829 e, brûlure d’amour qui dévore nuit et jour, orgie d’ amour, délices ruisselantes, ivresses, meurtrissures… « Il m’a bu l’es
2830 l’esprit et le cœur » fait dire Ruysbroek à l’une de ses béguines parlant du Christ. « Je me suis perdue dans sa bouche »,
2831 une autre. Et une troisième : « Boire les regards de l’amour et s’y engloutir enivrée… » Je me suis arrêté à l’exemple de
2832 arrêté à l’exemple de Ruysbroek pour la commodité de l’exposé : le fait historique que Maître Eckhart et son disciple se s
2833 on disciple se soient opposés sur le point précis de l’union divine, rendait possible une confrontation. Mais la lecture d
2834 us eût fourni un autre exemple non moins frappant de l’usage des thèmes courtois. On sait que saint François d’Assise avai
2835 ais dans sa jeunesse et qu’il faisait ses délices de nos romans de chevalerie. Il rêvait de devenir le « meilleur chevalie
2836 unesse et qu’il faisait ses délices de nos romans de chevalerie. Il rêvait de devenir le « meilleur chevalier du monde » o
2837 es délices de nos romans de chevalerie. Il rêvait de devenir le « meilleur chevalier du monde » ou, selon ses propres paro
2838 é du monde entier118. » Et l’on sait d’autre part de quelle manière il inaugura son ministère : sur la grande place d’Assi
2839 e il inaugura son ministère : sur la grande place d’ Assise, en présence de l’évêque et d’une foule immense, il se dépouill
2840 grande place d’Assise, en présence de l’évêque et d’ une foule immense, il se dépouilla de tous ses vêtements et se dressan
2841 l’évêque et d’une foule immense, il se dépouilla de tous ses vêtements et se dressant tout nu devant son père richement h
2842 es vers français… Le parfait dénuement avait fait de son corps l’humble serviteur de son âme ; plus d’obstacles à ses élan
2843 uement avait fait de son corps l’humble serviteur de son âme ; plus d’obstacles à ses élans vers le Souverain Bien !… Se s
2844 de son corps l’humble serviteur de son âme ; plus d’ obstacles à ses élans vers le Souverain Bien !… Se souvenant des roman
2845 !… Se souvenant des romans français, François fit de la Pauvreté sa « Dame », et s’honora d’être son « chevalier »119. Cet
2846 nçois fit de la Pauvreté sa « Dame », et s’honora d’ être son « chevalier »119. Cette forme de « dénuement », physique mais
2847 s’honora d’être son « chevalier »119. Cette forme de « dénuement », physique mais symbolique, est encore pratiquée de nos
2848 », physique mais symbolique, est encore pratiquée de nos jours par la secte des Doukhobors (« combattants spirituels ») do
2849 s au Canada voulant protester contre l’obligation de faire élever leurs enfants à l’école d’État « parcoururent les campag
2850 bligation de faire élever leurs enfants à l’école d’ État « parcoururent les campagnes complètement dévêtus et chantant des
2851 ymnes religieux120 ». On les accusa naturellement d’ exhibitionnisme et de communisme sexuel. Au xiiie siècle, on était mo
2852 On les accusa naturellement d’exhibitionnisme et de communisme sexuel. Au xiiie siècle, on était moins obtus. La chevale
2853 di de la France : par les routes, sur les places, de village en château. Les poèmes de Jacopone da Todi, « jongleur de Die
2854 sur les places, de village en château. Les poèmes de Jacopone da Todi, « jongleur de Dieu », les laudes de ses imitateurs,
2855 âteau. Les poèmes de Jacopone da Todi, « jongleur de Dieu », les laudes de ses imitateurs, les lettres de sainte Catherine
2856 acopone da Todi, « jongleur de Dieu », les laudes de ses imitateurs, les lettres de sainte Catherine de Sienne, le Livre d
2857 Dieu », les laudes de ses imitateurs, les lettres de sainte Catherine de Sienne, le Livre de la bienheureuse Angèle de Fol
2858 s lettres de sainte Catherine de Sienne, le Livre de la bienheureuse Angèle de Foligno, et tant de récits des Fioretti 121
2859 ou à son entourage, et cet « angélisme » rappelle d’ une manière précise celui des cathares. D’autres laudes, pour être plu
2860 res laudes, pour être plus évidemment catholiques d’ inspiration, n’en sont que plus « érotiques » ou « courtoises » de lan
2861 ’en sont que plus « érotiques » ou « courtoises » de langage : Mon cœur se fond comme la glace au feu lorsque étroitement
2862 itement j’embrasse mon Seigneur, criant : L’amour de l’Amour me consume, je m’unis à l’Amour, enivré d’amour. Dans les fla
2863 e l’Amour me consume, je m’unis à l’Amour, enivré d’ amour. Dans les flammes, je brûle et je languis, en criant ; en vivant
2864 , je vis. Pourtant, je n’aime pas, mais j’ai soif d’ aimer, et j’ai faim de m’unir à l’Amour122. 5.La Rhétorique courto
2865 n’aime pas, mais j’ai soif d’aimer, et j’ai faim de m’unir à l’Amour122. 5.La Rhétorique courtoise chez les mystiques
2866 uances les plus précieuses, la rhétorique entière de l’amour courtois. À défaut d’une anthologie qui tiendrait décidément
2867 rhétorique entière de l’amour courtois. À défaut d’ une anthologie qui tiendrait décidément trop de place123, bornons-nous
2868 ut d’une anthologie qui tiendrait décidément trop de place123, bornons-nous à énumérer les principaux thèmes communs aux t
2869 oubadours et aux mystiques orthodoxes : « Mourir de ne pas mourir124. » La « brûlure suave ». Le « dard d’amour » qui ble
2870 pas mourir124. » La « brûlure suave ». Le « dard d’ amour » qui blesse sans tuer. Le « salut » de l’amour. La passion qui
2871 dard d’amour » qui blesse sans tuer. Le « salut » de l’amour. La passion qui « isole » du monde et des êtres. La passion q
2872 assion qui décolore tout autre amour. Se plaindre d’ un mal que l’on préfère cependant à toute joie et à tout bien terrestr
2873 i purifie et chasse toute pensée vile. Le vouloir de l’amour se substituant au vouloir propre. Le « combat » d’amour, dont
2874 r se substituant au vouloir propre. Le « combat » d’ amour, dont il faut sortir vaincu. Le symbolisme des « châteaux », hav
2875 ir vaincu. Le symbolisme des « châteaux », havres de l’amour. Le symbolisme du « miroir », amour imparfait renvoyant à l’a
2876  cœur volé », l’« entendement ravi », le « rapt » d’ amour. L’amour considéré comme « connaissance » suprême (canoscenza en
2877 ). Sur quoi le psychologue matérialiste (cela va de Voltaire à Freud) conclut avec une bizarre assurance, et sur la foi d
2878 sur la foi du seul langage, que tout cela relève d’ une déviation sexuelle. Et l’on sait que les conclusions des savants d
2879 atérialiste sur les mystiques est plus révélateur de l’obsession de ceux qui le portent que de l’objet sur lequel on le po
2880 les mystiques est plus révélateur de l’obsession de ceux qui le portent que de l’objet sur lequel on le porte, il repose
2881 élateur de l’obsession de ceux qui le portent que de l’objet sur lequel on le porte, il repose sur une double erreur histo
2882 historique et psychologique. Car : 1° le langage de la passion — tel qu’on le retrouve chez les mystiques — n’est pas, à
2883 iques — n’est pas, à l’origine, celui des sens et de la nature, mais il est au contraire la rhétorique d’une ascèse étroit
2884 la nature, mais il est au contraire la rhétorique d’ une ascèse étroitement liée à l’hérésie méridionale du xiie siècle ;
2885 e étaient mieux avertis que quiconque des dangers de la « luxure spirituelle ». (C’est l’expression de saint Jean de la Cr
2886 de la « luxure spirituelle ». (C’est l’expression de saint Jean de la Croix.) Or tous les deux en parlent avec une liberté
2887 ait signifier, dans leur cas, le soupçon habituel de « refoulement ». ⁂ Reprenons ces deux arguments. Et tout d’abord, sou
2888 ne saurait être confondu avec la nature profonde de l’expérience qu’ils ont vécue. J. Baruzi écrit de sainte Thérèse : « 
2889 de l’expérience qu’ils ont vécue. J. Baruzi écrit de sainte Thérèse : « On a démêlé les sources de nombre de ses images… M
2890 rit de sainte Thérèse : « On a démêlé les sources de nombre de ses images… Mais trouverait-on aussi sûrement les origines
2891 nte Thérèse : « On a démêlé les sources de nombre de ses images… Mais trouverait-on aussi sûrement les origines de ce lang
2892 s… Mais trouverait-on aussi sûrement les origines de ce langage psychologique où se traduit sans doute, le plus purement,
2893 ques, et sainte Thérèse la première, se plaignent de n’avoir pas de mots nouveaux (nuevas palabras) pour louer les œuvres
2894 Thérèse la première, se plaignent de n’avoir pas de mots nouveaux (nuevas palabras) pour louer les œuvres de Dieu telles
2895 nouveaux (nuevas palabras) pour louer les œuvres de Dieu telles qu’ils les vivent dans leur âme. Et leurs silences furent
2896 ls que leurs paroles. Il ne s’agit donc, ici, que de tenir compte des éléments hérités de leur langage littéraire. Or s’il
2897 nc, ici, que de tenir compte des éléments hérités de leur langage littéraire. Or s’il faut se borner à un exemple qui est
2898 t même raffine la rhétorique courtoise. S’agit-il d’ influences littéraires ? Ou de courants hérétiques souterrains ? Ou d’
2899 ourtoise. S’agit-il d’influences littéraires ? Ou de courants hérétiques souterrains ? Ou d’une recréation autonome, qui p
2900 ires ? Ou de courants hérétiques souterrains ? Ou d’ une recréation autonome, qui pourrait s’expliquer en partie sur la bas
2901 e recomposée126 ? » Je ne pense pas que personne, de nos jours, soit en mesure de trancher toutes ces questions. Les spéci
2902 se pas que personne, de nos jours, soit en mesure de trancher toutes ces questions. Les spécialistes les mieux informés hé
2903 s mieux informés hésitent encore lorsqu’il s’agit d’ attribuer à tel mystique fort bien connu, et orthodoxe par-dessus le m
2904 uysbroek ou sainte Thérèse par exemple) l’origine de termes précis dont Jean de la Croix fait usage. Nous pouvons cependan
2905 nte Thérèse raffolait dans sa jeunesse des romans de chevalerie (voir sa Vie par elle-même, chap. ii) ; elle eut même, par
2906 ême, chap. ii) ; elle eut même, paraît-il, l’idée d’ en composer un en collaboration avec son frère Rodrigue127. » Nous sav
2907 iture intellectuelle étaient tous fortement imbus de rhétorique courtoise et chevaleresque. La question a d’ailleurs été t
2908 itée par un auteur qui offre toutes les garanties de sérieux et d’information128, et en des termes qui me paraissent trop
2909 teur qui offre toutes les garanties de sérieux et d’ information128, et en des termes qui me paraissent trop significatifs
2910 es reproduire : Si l’on se borne à la conception de l’amour dans les romans de chevalerie et dans les traités spirituels
2911 borne à la conception de l’amour dans les romans de chevalerie et dans les traités spirituels du xvie siècle, on observe
2912 es traités spirituels du xvie siècle, on observe d’ intéressantes analogies de fond et de forme. a) le noble langage d’Am
2913 vie siècle, on observe d’intéressantes analogies de fond et de forme. a) le noble langage d’Amadis, ses métaphores éroti
2914 , on observe d’intéressantes analogies de fond et de forme. a) le noble langage d’Amadis, ses métaphores érotiques, ses s
2915 alogies de fond et de forme. a) le noble langage d’ Amadis, ses métaphores érotiques, ses subtiles préciosités se retrouve
2916 , Bernardino de Laredo et Malou de Chaide [maître de sainte Thérèse], aussi bien que dans les Exclamations et le Château i
2917 le Château intérieur. b) En Espagne, les auteurs de romans de chevalerie comme ceux des traités mystiques se caractérisen
2918 intérieur. b) En Espagne, les auteurs de romans de chevalerie comme ceux des traités mystiques se caractérisent par le m
2919 ls sacrifient le sentiment du merveilleux à celui d’ une intimité plus familière et plus émouvante, comme ils tendent à met
2920 l’un et l’autre dans la même conception héroïque de l’obligation morale, de l’action et de la foi. La devise d’Amadis des
2921 même conception héroïque de l’obligation morale, de l’action et de la foi. La devise d’Amadis des Gaules et celle de sain
2922 n héroïque de l’obligation morale, de l’action et de la foi. La devise d’Amadis des Gaules et celle de sainte Thérèse pour
2923 ation morale, de l’action et de la foi. La devise d’ Amadis des Gaules et celle de sainte Thérèse pourraient être également
2924 de la foi. La devise d’Amadis des Gaules et celle de sainte Thérèse pourraient être également « aimer pour agir ». [Ici, j
2925 est pas dans les pauvres extravagances des romans de chevalerie mystique (la Gallarda Espirituel, El divino Escarraman) qu
2926 ivino Escarraman) qu’il faut chercher la synthèse de l’amour divin et de l’amour courtois, mais chez les troubadours prove
2927 ’il faut chercher la synthèse de l’amour divin et de l’amour courtois, mais chez les troubadours provençaux du xiie siècl
2928 ençaux du xiie siècle. Les plus féconds éléments de leur doctrine, de leur symbolisme et de leur terminologie passent dan
2929 ècle. Les plus féconds éléments de leur doctrine, de leur symbolisme et de leur terminologie passent dans la mystique du x
2930 éléments de leur doctrine, de leur symbolisme et de leur terminologie passent dans la mystique du xiiie siècle par l’int
2931 t François d’Assise. En se limitant à l’évolution de sainte Thérèse, on constate que les romans de chevalerie ont eu sur e
2932 ion de sainte Thérèse, on constate que les romans de chevalerie ont eu sur elle une influence psychologique, et une influe
2933 intérieur. Extraordinaire retour et assomption de l’hérésie, par le détour d’une rhétorique qu’elle a créée contre l’Ég
2934 retour et assomption de l’hérésie, par le détour d’ une rhétorique qu’elle a créée contre l’Église, et que l’Église lui re
2935 lui reprend par ses saints ! Résumons les étapes de l’aventure : l’hérésie des « parfaits » descend de l’Éros à Vénus, el
2936 e l’aventure : l’hérésie des « parfaits » descend de l’Éros à Vénus, elle va jusqu’à se confondre avec la poésie d’un amou
2937 énus, elle va jusqu’à se confondre avec la poésie d’ un amour qui serait tout profane ; les confusions qu’elle entretient d
2938 tout profane ; les confusions qu’elle entretient de la sorte flattent trop bien les désirs naturels ; peu à peu, l’hérési
2939 x yeux des mondains abusés par le charme trompeur de l’art : ils n’en gardent que la poésie ; et voici que cent ans et tro
2940 à mon avis, cette propension moderne est le signe d’ un ressentiment profond à l’endroit de la poésie, et en général, de to
2941 profond à l’endroit de la poésie, et en général, de toute activité créatrice « donc risquée — de l’esprit. Mais il convie
2942 ral, de toute activité créatrice « donc risquée —  de l’esprit. Mais il convient de préciser encore : que pour les hommes d
2943 ce « donc risquée — de l’esprit. Mais il convient de préciser encore : que pour les hommes du xvie siècle, le langage éro
2944 vrosés, héritiers du « puritanisme » embourgeoisé d’ un xixe siècle incroyant. Saint Jean de la Croix, qui décrivit en une
2945 de la Croix, qui décrivit en une page remarquable de pénétration psychologique les mouvements de la chair attirée par l’él
2946 uable de pénétration psychologique les mouvements de la chair attirée par l’élan mystique en ses débuts (Nuit obscure, I,
2947 plus qu’il ne se la dissimule la gravité relative de pareils accidents. Réciter ici les formules « sublimation » et « refo
2948 on » et « refoulement », c’est simplement refuser de savoir de quoi l’on parle. Où est le refoulement, où est la censure,
2949 refoulement », c’est simplement refuser de savoir de quoi l’on parle. Où est le refoulement, où est la censure, lorsque Th
2950 orsque Thérèse écrit à un religieux qui se plaint de ressentir une émotion des sens chaque fois qu’il entre en oraison : «
2951 est indifférent à l’oraison, et que le mieux est de n’y faire aucune attention. » De même, à l’un de ses frères qui ne po
2952 de n’y faire aucune attention. » De même, à l’un de ses frères qui ne pouvait communier sans éprouver l’émoi sexuel, et à
2953 xuel, et à qui l’on avait ordonné en conséquence, de ne plus communier qu’une fois l’an, saint Jean de la Croix conseille
2954 u’une fois l’an, saint Jean de la Croix conseille de ne pas s’inquiéter, de recevoir le sacrement chaque semaine, quoi qu’
2955 Jean de la Croix conseille de ne pas s’inquiéter, de recevoir le sacrement chaque semaine, quoi qu’il advienne — et le frè
2956 — et le frère se trouve guéri, parce qu’il cesse de craindre à l’excès. S’il faut parler encore de psychanalyse, reconnai
2957 se de craindre à l’excès. S’il faut parler encore de psychanalyse, reconnaissons que Jean de la Croix joue ici le rôle du
2958 le Cantique des Cantiques auraient pu s’exprimer d’ une autre manière. Vu notre grossièreté, je ne serais pas surprise que
2959 ndu dire à certaines personnes qu’elles évitaient de les entendre. Ô Dieu ! que notre misère est grande ! Il nous arrive c
2960 ui changent en poison tout ce qu’ils mangent… » ⁂ De la comparaison formelle des écrits d’un Eckhart, avec ceux d’un Ruysb
2961 angent… » ⁂ De la comparaison formelle des écrits d’ un Eckhart, avec ceux d’un Ruysbroek, d’une Thérèse et d’un Jean de la
2962 aison formelle des écrits d’un Eckhart, avec ceux d’ un Ruysbroek, d’une Thérèse et d’un Jean de la Croix, nous pouvons mai
2963 es écrits d’un Eckhart, avec ceux d’un Ruysbroek, d’ une Thérèse et d’un Jean de la Croix, nous pouvons maintenant tirer ce
2964 khart, avec ceux d’un Ruysbroek, d’une Thérèse et d’ un Jean de la Croix, nous pouvons maintenant tirer cette conclusion :
2965 langage courant par les mystiques n’est pas sans d’ étroites relations avec leur doctrine de l’union ou leur foi dans l’In
2966 pas sans d’étroites relations avec leur doctrine de l’union ou leur foi dans l’Incarnation. Ruysbroek, Thérèse et Jean de
2967  christocentriques ». Tout chez eux part du drame de la séparation instituée par le péché entre l’homme et son Créateur ;
2968 mme et son Créateur ; tout aboutit à des instants de communion active dans la Grâce, et c’est cela qu’ils appellent « mari
2969 la qu’ils appellent « mariage » — cette communion de l’âme élue et du Christ époux de l’Église. Mais la voie de l’homme sé
2970  cette communion de l’âme élue et du Christ époux de l’Église. Mais la voie de l’homme séparé, c’est la passion — et la pa
2971 élue et du Christ époux de l’Église. Mais la voie de l’homme séparé, c’est la passion — et la passion est partout dans leu
2972 out dans leurs œuvres, tandis qu’elle est absente de celles d’Eckhart. Voilà pourquoi ce fut la mystique orthodoxe — la mo
2973 eurs œuvres, tandis qu’elle est absente de celles d’ Eckhart. Voilà pourquoi ce fut la mystique orthodoxe — la moins suspec
2974 ce fut la mystique orthodoxe — la moins suspecte de troubles complaisances ! — qui se vit portée par l’objet même de sa f
2975 plaisances ! — qui se vit portée par l’objet même de sa foi à user, et parfois à abuser, du langage de l’amour-passion. Us
2976 de sa foi à user, et parfois à abuser, du langage de l’amour-passion. Usage et abus dont la psychologie moderne devait néc
2977 a question, et dire : le langage passionnel vient d’ une littérature courtoise née dans l’ambiance d’une certaine hérésie ;
2978 t d’une littérature courtoise née dans l’ambiance d’ une certaine hérésie ; mais cette hérésie à son tour, ne se ramène-t-e
2979 sitions physiologiques sublimées ? Rien ne permet de l’affirmer historiquement. En théorie cependant l’objection reste pos
2980 n se repose, non moins insoluble, quand il s’agit de savoir, en fin de compte, si c’est l’« esprit » ou la « matière » qui
2981 serait alors la cause première — ou au contraire d’ une sublimation de phénomènes physiologiques, lesquels seraient à la b
2982 ause première — ou au contraire d’une sublimation de phénomènes physiologiques, lesquels seraient à la base de ce qui se t
2983 mènes physiologiques, lesquels seraient à la base de ce qui se trouve exprimé ? Quelle que soit la réponse qu’on donnera,
2984 térialiste, tranche toujours le débat au bénéfice de ce qui est le plus bas. Prenons le cas des métaphores : on dit d’un g
2985 plus bas. Prenons le cas des métaphores : on dit d’ un goût qu’il est amer mais on dira aussi d’une douleur qu’elle est am
2986 n dit d’un goût qu’il est amer mais on dira aussi d’ une douleur qu’elle est amère. Comment cela peut-il s’expliquer ? Tout
2987 e monde répond, sans hésiter, que lorsqu’on parle d’ une douleur amère, on s’exprime par métaphore, au figuré. Le sens prop
2988 physique, tenue pour primitive. Il se peut. Mais d’ où le sait-on ? Les personnes qui croient cela, le croient-elles pour
2989 elles pour des raisons qu’elles seraient capables de donner ? Ont-elles donc recherché si, chronologiquement, le sens « ma
2990 erché si, chronologiquement, le sens « matériel » d’ un mot précède toujours le « spirituel », qui ne serait qu’une transpo
2991 se livre à ces recherches : on affirme sur la foi d’ un préjugé que l’on baptise bon sens ou évidence. Ce préjugé consiste
2992 réel que le spirituel ; qu’il est donc à la base de tout ; que c’est par lui que tout s’explique. Le mécanisme de ce préj
2993 e c’est par lui que tout s’explique. Le mécanisme de ce préjugé a été défini et critiqué par le Dr Minkowski131 et Arnaud
2994 critiqué par le Dr Minkowski131 et Arnaud Dandieu d’ une manière pertinente et nuancée. Selon ces deux auteurs, le sens dit
2995 ènes aussi divers ? En vérité, il n’y a pas moins d’ amertume dans la douleur que dans le goût du sel, mais ce que nous dés
2996 t l’autre par le même mot, c’est une même manière d’ être affecté, soit par les sens, soit par la pensée, dans la totalité
2997 ar les sens, soit par la pensée, dans la totalité de notre existence. Ainsi de nos métaphores amoureuses. Le moderne n’hés
2998 ensée, dans la totalité de notre existence. Ainsi de nos métaphores amoureuses. Le moderne n’hésite pas à tenir ce raisonn
2999 trait sexuel — or sainte Thérèse parle sans cesse d’ amour — donc cette mystique est une érotomane qui s’ignore. » Mais nou
3000 istorique. Résumons-le encore une fois, pour plus de clarté. Notre langage passionnel nous vient de la rhétorique des trou
3001 une dogmatique manichéenne y compose des symboles d’ attrait sexuel. Mais peu à peu, cette rhétorique se détachant de la re
3002 el. Mais peu à peu, cette rhétorique se détachant de la religion qui l’a créée, passe dans les mœurs, et devient langage c
3003 imer ses expériences ineffables, il est contraint de se servir de métaphores. Il les prend où il les trouve et telles qu’e
3004 riences ineffables, il est contraint de se servir de métaphores. Il les prend où il les trouve et telles qu’elles sont, qu
3005 iie siècle, les métaphores courantes sont celles de la rhétorique courtoise. Que les mystiques s’en emparent sans hésiter
3006 lles, mais simplement que l’expression habituelle de ces passions, créée d’ailleurs par une mystique, convient à l’express
3007 illeurs par une mystique, convient à l’expression de l’amour spirituel qu’ils vivent. Et elle convient même d’autant plus
3008 ur spirituel qu’ils vivent. Et elle convient même d’ autant plus à l’expression des rapports « malheureux » entretenus par
3009 lus complètement humanisée, c’est-à-dire détachée de l’hérésie. Car l’hérésie posait l’union possible de Dieu et de l’âme,
3010 l’hérésie. Car l’hérésie posait l’union possible de Dieu et de l’âme, ce qui entraînait le bonheur divin et le malheur de
3011 Car l’hérésie posait l’union possible de Dieu et de l’âme, ce qui entraînait le bonheur divin et le malheur de tout amour
3012 ce qui entraînait le bonheur divin et le malheur de tout amour humain ; tandis que l’orthodoxie pose que l’union est impo
3013 n et rend l’amour humain possible en ses limites. D’ où il résulte que le langage de la passion humaine selon l’hérésie cor
3014 le en ses limites. D’où il résulte que le langage de la passion humaine selon l’hérésie correspond au langage de la passio
3015 ion humaine selon l’hérésie correspond au langage de la passion divine selon l’orthodoxie. On se trouve donc en présence d
3016 ision tout arbitraire isolerait tel ou tel moment de cette dialectique permanente pour en faire la donnée première. 7.L
3017 s Cette décision tout arbitraire, il est temps de la prendre ici, et de la prendre en faveur de l’esprit, c’est-à-dire
3018 ut arbitraire, il est temps de la prendre ici, et de la prendre en faveur de l’esprit, c’est-à-dire de sa primauté. Qu’ell
3019 de la prendre en faveur de l’esprit, c’est-à-dire de sa primauté. Qu’elle soit arbitraire en fin de compte, ou ce qui revi
3020 e, avant tout compte, n’exclut pas qu’on l’appuie de raisons. J’en marquerai trois. 1° Le langage passionnel me paraît s’e
3021 esprit, en ceci qu’il exprime non pas le triomphe de la nature sur l’esprit132, mais l’excès de l’esprit sur l’instinct. «
3022 iomphe de la nature sur l’esprit132, mais l’excès de l’esprit sur l’instinct. « L’amour existe lorsque le désir est si gra
3023 e le désir est si grand qu’il dépasse les limites de l’amour naturel », disait le troubadour Guido Cavalcanti, au xiiie s
3024 ur Guido Cavalcanti, au xiiie siècle. Or le fait de dépasser les limites de l’instinct, définit l’homme en tant qu’esprit
3025 xiiie siècle. Or le fait de dépasser les limites de l’instinct, définit l’homme en tant qu’esprit. C’est ce fait seul qui
3026 ant qu’esprit. C’est ce fait seul qui nous permet de parler. Qu’est-ce que le langage en effet ? Le pouvoir de mentir auta
3027 r. Qu’est-ce que le langage en effet ? Le pouvoir de mentir autant que le pouvoir d’exprimer ce qui est. Un animal est inc
3028 ffet ? Le pouvoir de mentir autant que le pouvoir d’ exprimer ce qui est. Un animal est incapable de mentir, de dire ce que
3029 ir d’exprimer ce qui est. Un animal est incapable de mentir, de dire ce que l’instinct ne fait pas, d’aller au-delà du néc
3030 er ce qui est. Un animal est incapable de mentir, de dire ce que l’instinct ne fait pas, d’aller au-delà du nécessaire et
3031 de mentir, de dire ce que l’instinct ne fait pas, d’ aller au-delà du nécessaire et au-delà de la satisfaction. La passion,
3032 ait pas, d’aller au-delà du nécessaire et au-delà de la satisfaction. La passion, l’amour de l’amour, c’est au contraire l
3033 t au-delà de la satisfaction. La passion, l’amour de l’amour, c’est au contraire l’élan qui va au-delà de l’instinct et qu
3034 l’amour, c’est au contraire l’élan qui va au-delà de l’instinct et qui, par là, ment à l’instinct. Le responsable d’un tel
3035 et qui, par là, ment à l’instinct. Le responsable d’ un tel mensonge ne saurait être que « l’esprit ». (On sent ici à quell
3036 songe se trouvent liés. Et n’est-elle pas typique de toute passion, cette volonté de s’exprimer, de se décrire comme pour
3037 -elle pas typique de toute passion, cette volonté de s’exprimer, de se décrire comme pour mieux jouir de soi-même ? Mais a
3038 ue de toute passion, cette volonté de s’exprimer, de se décrire comme pour mieux jouir de soi-même ? Mais aussi cette conv
3039 s’exprimer, de se décrire comme pour mieux jouir de soi-même ? Mais aussi cette conviction que les autres ne comprendront
3040 peut alors que mentir pour sauver l’essence même de la passion !) 2° Si Jean de la Croix, et même Ruysbroek, et saint Fra
3041 ançois sont évidemment postérieurs à la naissance de l’amour-passion, il n’en reste pas moins que celui-ci est postérieur
3042 ais il est certain que l’érotomanie est une forme d’ intoxication, et tout nous prouve que les Eckhart, Ruysbroek, Thérèse,
3043 e, Jean de la Croix, sont exactement le contraire de ce qu’on nomme des intoxiqués. L’intoxiqué est la victime non de sa p
3044 me des intoxiqués. L’intoxiqué est la victime non de sa passion, mais de l’agent matériel qu’elle utilise pour s’exalter.
3045 ’intoxiqué est la victime non de sa passion, mais de l’agent matériel qu’elle utilise pour s’exalter. Si l’origine de cett
3046 riel qu’elle utilise pour s’exalter. Si l’origine de cette passion est un désir, conscient ou non, d’échapper à la conditi
3047 de cette passion est un désir, conscient ou non, d’ échapper à la condition terrestre insupportable, et si l’on est en dro
3048 terrestre insupportable, et si l’on est en droit d’ y voir le rudiment d’un appel mystique, il n’en reste pas moins que l’
3049 ble, et si l’on est en droit d’y voir le rudiment d’ un appel mystique, il n’en reste pas moins que l’intoxiqué est avant t
3050 as moins que l’intoxiqué est avant tout l’esclave de sa drogue. Psychologiquement, c’est un être déchu, dont les sens s’ém
3051 es, tout au contraire, insistent sur la nécessité de dépasser l’état de transe, d’accéder à une lucidité toujours plus pur
3052 re, insistent sur la nécessité de dépasser l’état de transe, d’accéder à une lucidité toujours plus pure et audacieuse, de
3053 nt sur la nécessité de dépasser l’état de transe, d’ accéder à une lucidité toujours plus pure et audacieuse, de vérifier m
3054 à une lucidité toujours plus pure et audacieuse, de vérifier même les plus hautes grâces par leurs répercussions dans la
3055 les grands mystiques s’accordent à voir le terme de leur ascension dans la liberté souveraine de l’âme. Saint Jean de la
3056 erme de leur ascension dans la liberté souveraine de l’âme. Saint Jean de la Croix et Maître Eckhart disent en termes diff
3057 er Dieu sans plus sentir son amour. C’est un état d’ indifférence parfaite, croirait-on ; en vérité, c’est le point de perf
3058 parfaite, croirait-on ; en vérité, c’est le point de perfection d’un équilibre durement conquis, d’une connaissance immédi
3059 rait-on ; en vérité, c’est le point de perfection d’ un équilibre durement conquis, d’une connaissance immédiatement active
3060 nt de perfection d’un équilibre durement conquis, d’ une connaissance immédiatement active. Au-delà des transes et au-delà
3061 édiatement active. Au-delà des transes et au-delà de l’ascèse, l’aventure mystique culmine dans un état d’extrême « désint
3062 ’ascèse, l’aventure mystique culmine dans un état d’ extrême « désintoxication » de l’âme. Dans la plus rigoureuse possessi
3063 ulmine dans un état d’extrême « désintoxication » de l’âme. Dans la plus rigoureuse possession de soi-même. Et c’est alors
3064 on » de l’âme. Dans la plus rigoureuse possession de soi-même. Et c’est alors que le mariage devient possible, qui signifi
3065 evient possible, qui signifie non plus jouissance de l’Éros, mais fécondité de l’Agapè. Ainsi la mystique orthodoxe appara
3066 fie non plus jouissance de l’Éros, mais fécondité de l’Agapè. Ainsi la mystique orthodoxe apparaît-elle enfin comme la voi
3067 llence, la meilleure discipline qui nous permette de transcender l’amour-passion jusque dans ses formes sublimées. Le cycl
3068 assion jusque dans ses formes sublimées. Le cycle de l’ascèse chrétienne ramène l’âme à l’obéissance heureuse, c’est-à-dir
3069 eureuse, c’est-à-dire à l’acceptation des limites de la créature, mais dans un esprit renouvelé, dans une liberté reconqui
3070 elé, dans une liberté reconquise. 8.Crépuscule de l’amour-passion C’est le dogme de l’Incarnation qui distingue radi
3071 8.Crépuscule de l’amour-passion C’est le dogme de l’Incarnation qui distingue radicalement la mystique orthodoxe de l’h
3072 qui distingue radicalement la mystique orthodoxe de l’hérétique. C’est lui qui donne un sens tout différent au mot amour
3073 opposent la Nuit au Jour comme le fait l’Évangile de Jean. Mais la Parole du Jour, pour eux, n’a pas revêtu la forme de la
3074 Parole du Jour, pour eux, n’a pas revêtu la forme de la Nuit : elle n’a pas « été faite chair ». Ils ne veulent pas que le
3075 eulent aller tout droit à l’Amour par l’amour, et de la Nuit au Jour sans nul intermédiaire. Sombrant alors, comme Icare e
3076 4. Mais ils ignorent que la Nuit, c’est la Colère de Dieu — répondant à notre révolte — et non pas l’œuvre d’un obscur dém
3077 — répondant à notre révolte — et non pas l’œuvre d’ un obscur démiurge. (Telle est du moins la doctrine de la Bible.) Refu
3078 obscur démiurge. (Telle est du moins la doctrine de la Bible.) Refusant que le Jour les enseigne dans cette vie et par le
3079 Jour les enseigne dans cette vie et par le moyen de la « matière », méconnaissant une Agapè qui sanctifie la créature, ig
3080 ctifie la créature, ignorant donc la vraie nature de ce qu’ils tiennent pour le péché, ils courent le risque de s’y perdre
3081 ils tiennent pour le péché, ils courent le risque de s’y perdre sans retour au moment même qu’ils croient lui échapper. Et
3082 ur au moment même qu’ils croient lui échapper. Et de là vient que la confusion était fatale entre l’Éros divinisant et l’É
3083 tale entre l’Éros divinisant et l’Éros prisonnier de l’instinct. De là vient que la passion « enthousiaste », la joy d’amo
3084 os divinisant et l’Éros prisonnier de l’instinct. De là vient que la passion « enthousiaste », la joy d’amor des troubadou
3085 là vient que la passion « enthousiaste », la joy d’ amor des troubadours, devait fatalement aboutir à la passion humaine m
3086 mort seule pouvait éteindre : ce fut la « torture d’ amour » qu’ils se mirent à aimer pour elle-même. La passion des « parf
3087 ort que la suprême sensation. Et de même, l’amour de la Dame, dès qu’il cessera d’être un symbole de l’union avec le Jour
3088 Et de même, l’amour de la Dame, dès qu’il cessera d’ être un symbole de l’union avec le Jour incréé, deviendra le symbole d
3089 r de la Dame, dès qu’il cessera d’être un symbole de l’union avec le Jour incréé, deviendra le symbole de l’impossible uni
3090 l’union avec le Jour incréé, deviendra le symbole de l’impossible union avec la femme ; gardant de ses origines mystiques
3091 ole de l’impossible union avec la femme ; gardant de ses origines mystiques on ne sait quoi de divin, de faussement transc
3092 gardant de ses origines mystiques on ne sait quoi de divin, de faussement transcendant — une illusion de gloire libératric
3093 ses origines mystiques on ne sait quoi de divin, de faussement transcendant — une illusion de gloire libératrice dont la
3094 divin, de faussement transcendant — une illusion de gloire libératrice dont la douleur serait encore le signe ! Ainsi s’o
3095 sentiment. Intoxication par l’esprit. L’histoire de la passion d’amour, dans toutes les grandes littératures, du xiiie s
3096 toxication par l’esprit. L’histoire de la passion d’ amour, dans toutes les grandes littératures, du xiiie siècle jusqu’à
3097 , du xiiie siècle jusqu’à nous, c’est l’histoire de la déchéance du mythe courtois dans la vie « profanée ». C’est le réc
3098 s figures du discours passionné, les « couleurs » de sa rhétorique ne seront jamais que les exaltations d’un crépuscule, p
3099 a rhétorique ne seront jamais que les exaltations d’ un crépuscule, promesses de gloire jamais tenues… 104. Philippe de
3100 is que les exaltations d’un crépuscule, promesses de gloire jamais tenues… 104. Philippe de Félice, Poisons sacrés, ivr
3101 es divines, essai sur quelques formes inférieures de la mystique, Paris, 1936. 105. Il y a bien l’exemple de la formica s
3102 ystique, Paris, 1936. 105. Il y a bien l’exemple de la formica sanguinea. Cet insecte entretient dans sa fourmilière un p
3103 . 107. Voir Appendice 8. 108. La Nuit obscure, de saint Jean de la Croix, II, 1, 1er verset. Trad. Hoornaert. 109. Ce
3104 ute occasion. « Pour plaire à Dieu, pour recevoir de lui de grandes grâces, il faut, et telle est sa volonté, que ces grâc
3105 asion. « Pour plaire à Dieu, pour recevoir de lui de grandes grâces, il faut, et telle est sa volonté, que ces grâces pass
3106 sa volonté, que ces grâces passent par les mains de cette humanité sacrée en laquelle il a déclaré lui-même prendre sa co
3107 (Saint Jean de la Croix, p. 613) si nous tentions de prendre une vue générale des diverses mystiques connues, « l’expérien
3108 nnues, « l’expérience mystique ne nous semblerait d’ un type homogène que dans la mesure où elle serait banale, dans la mes
3109 saisir. » 111. Gotha 1929. Seul le livre célèbre de R. Otto sur le Sacré a paru jusqu’ici en traduction française. 112.
3110 ent si totalement un seul être qu’il ne reste pas d’ autre distinction que celle-ci : Lui demeure Dieu et elle demeure âme.
3111 bien dire que l’on se heurte dans tous les écrits d’ Eckhart, à une équivoque sur le sens qu’il attribue à l’union (Einung)
3112 it à croire, avec Otto, qu’il ne s’agit nullement d’ une fusion essentielle. 114. - Und diese Gleichheit aus dem Einen in
3113 e être proposée comme un critère lorsqu’il s’agit de savoir si tel mystique croyait ou non à l’union essentielle ? Dans ce
3114 à l’union essentielle ? Dans ce cas, la remarque de l’abbé Paquier servirait d’argument contre la thèse d’Otto, et nous i
3115 s ce cas, la remarque de l’abbé Paquier servirait d’ argument contre la thèse d’Otto, et nous induirait à ranger Maître Eck
3116 abbé Paquier servirait d’argument contre la thèse d’ Otto, et nous induirait à ranger Maître Eckhart parmi les hérétiques.
3117 nthologie). 119. ID., ibid., et P. Sabatier, Vie de saint François d’Assise. 120. B. de Ligt, la Paix créatrice, II, p. 
3118 int François nommait le frère Gilles « un paladin de sa Table ronde », et les miracles du saint — comme la conversion du l
3119 s miracles du saint — comme la conversion du loup de Gubbio — se produisent dans les mêmes circonstances que les prouesses
3120 rs du xiiie siècle. 122. Ciascun amante, danse de l’amour mystique. Voir aussi l’Appendice 9. 123. On en trouvera d’ai
3121 livre II et III-V, livre IV. 124. Ce cri célèbre de sainte Thérèse fait écho à celui de la franciscaine Angèle de Foligno
3122 e cri célèbre de sainte Thérèse fait écho à celui de la franciscaine Angèle de Foligno : « Je meurs du désir de mourir. »
3123 nciscaine Angèle de Foligno : « Je meurs du désir de mourir. » 125. J. Baruzi, Introduction à des recherches sur le langa
3124 Etchegoyen, L’Amour divin, essai sur les sources de sainte Thérèse, IVe partie : l’Expression de l’amour divin. 129. Tra
3125 rces de sainte Thérèse, IVe partie : l’Expression de l’amour divin. 129. Travaux de Max Nordau, Krafft-Ebing, Murisier, L
3126 ie : l’Expression de l’amour divin. 129. Travaux de Max Nordau, Krafft-Ebing, Murisier, Leuba, Freud, pour s’en tenir aux
3127 ntes telles que « aveuglé par la passion », « fou d’ amour ». 133. Surtout les épigones féminins : une Marguerite-Marie Al
3128 uiétant exemple (sa description du lit nuptial et de ce qui s’y passe !). 134. Karl Jaspers a magnifiquement exprimé cett
3129 a magnifiquement exprimé cette assomption finale de la Nuit par le Jour dans sa Philosophie. (Cf. trad. française par H. 
4 1939, L’Amour et l’Occident (1956). Livre IV. Le mythe dans la littérature
3130 péché. C’est lorsque la volonté humaine se sépare de Dieu pour être une volonté à soi, qu’elle suscite sa propre ardeur et
3131 à soi, qu’elle suscite sa propre ardeur et brûle de sa propre affection, ardeur qui lui est propre et qui n’a rien à voir
3132 ivine. Jacob Boehme. 1.D’une influence précise de la littérature sur les mœurs D’une manière générale, il est bien d
3133 luence précise de la littérature sur les mœurs D’ une manière générale, il est bien difficile de vérifier l’influence de
3134 D’une manière générale, il est bien difficile de vérifier l’influence des arts sur la vie quotidienne d’une époque. « 
3135 ifier l’influence des arts sur la vie quotidienne d’ une époque. « La musique adoucit les mœurs ? » Je n’en sais rien, et p
3136 ouvons l’habiter, mais là n’est pas son caractère d’ art. De même pour telle ou telle philosophie. Mais le cas est tout dif
3137 . Mais le cas est tout différent lorsqu’il s’agit d’ une littérature dont on peut démontrer, historiquement, qu’elle a donn
3138 ue à la passion. Si la littérature peut se vanter d’ avoir agi sur les mœurs de l’Europe, c’est à coup sûr à notre mythe qu
3139 térature peut se vanter d’avoir agi sur les mœurs de l’Europe, c’est à coup sûr à notre mythe qu’elle le doit. D’une maniè
3140 , c’est à coup sûr à notre mythe qu’elle le doit. D’ une manière plus précise : c’est à la rhétorique du mythe, héritage de
3141 récise : c’est à la rhétorique du mythe, héritage de l’amour provençal. Il n’est pas nécessaire de supposer ici quelque po
3142 age de l’amour provençal. Il n’est pas nécessaire de supposer ici quelque pouvoir magique des sons et du langage sur nos a
3143 des sons et du langage sur nos actes. L’adoption d’ un certain langage conventionnel entraîne et favorise naturellement l’
3144 tents qui se trouvent les plus aptes à s’exprimer de la sorte. C’est dans ce sens que l’on peut dire après La Rochefoucaul
3145 s que l’on peut dire après La Rochefoucauld : peu d’ hommes seraient amoureux s’ils n’avaient jamais entendu parler d’amour
3146 nt amoureux s’ils n’avaient jamais entendu parler d’ amour. ⁂ Passion et expression ne sont guère séparables. La passion pr
3147 arables. La passion prend sa source dans cet élan de l’esprit qui par ailleurs fait naître le langage. Dès qu’elle dépasse
3148 ens est significatif.) En ce domaine, il est aisé de vérifier. Les sentiments qu’éprouvent l’élite, puis les masses par im
3149 e certaine rhétorique est la condition suffisante de leur aveu, donc de leur prise de conscience. À défaut de cette rhétor
3150 ue est la condition suffisante de leur aveu, donc de leur prise de conscience. À défaut de cette rhétorique, ces sentiment
3151 que, ces sentiments existeraient sans doute, mais d’ une manière accidentelle, non reconnue, à titre d’étrangetés inavouabl
3152 d’une manière accidentelle, non reconnue, à titre d’ étrangetés inavouables, en contrebande. Mais on a toujours vu que l’in
3153 ontrebande. Mais on a toujours vu que l’invention d’ une rhétorique faisait foisonner rapidement certaines puissances laten
3154 rtaines puissances latentes du cœur. L’apparition de Werther par exemple a produit une vague de suicides. Rousseau fit boi
3155 rition de Werther par exemple a produit une vague de suicides. Rousseau fit boire du lait à toute la cour de France, et Re
3156 cides. Rousseau fit boire du lait à toute la cour de France, et René désola plusieurs générations. C’est que pour admirer
3157 t même pour se suicider, il faut être en mesure «  d’ expliquer » à soi-même ou aux autres ce qu’on sent. Plus un homme est
3158 sent. Plus un homme est sentimental, plus il y a de chances qu’il soit verbeux et bien disant. Et de même, plus un homme
3159 de même, plus un homme est passionné, plus il y a de chances qu’il réinvente les figures de la rhétorique ; qu’il redécouv
3160 lus il y a de chances qu’il réinvente les figures de la rhétorique ; qu’il redécouvre leur nécessité ; qu’il se modèle spo
3161 tion du mythe courtois dans la morale des peuples d’ Occident : l’on peut admettre qu’elle est parallèle à ses métamorphose
3162 ards et simplifications.) En esquissant la courbe de la mystique classique, nous avons pu décrire une assomption du mythe.
3163 ntenant. 2.Les deux Roses Le meilleur point de départ nous est donné par le Roman de la Rose, écrit entre les années
3164 lleur point de départ nous est donné par le Roman de la Rose, écrit entre les années 1237 et 1280 environ. Il y a cent ans
3165 sque, que Béroul et Thomas ont composé la légende de Tristan. La croisade des albigeois a saccagé la civilisation courtois
3166 derniers troubadours. Que va devenir la tradition d’ Amour ? Il semble bien que dès le xive siècle, les hérétiques répandu
3167 ute l’Europe, où l’Église les traque, aient cessé de recourir à l’expression littéraire de leur religion. Le catharisme se
3168 aient cessé de recourir à l’expression littéraire de leur religion. Le catharisme se cachera désormais dans les couches pr
3169 formes nobles, ne fournit plus les beaux symboles de la grande féodalité. Ce mutisme, d’ailleurs, n’arrête pas son progrès
3170 e, d’ailleurs, n’arrête pas son progrès. L’Église d’ Amour donnera naissance à d’innombrables sectes plus ou moins secrètes
3171 son progrès. L’Église d’Amour donnera naissance à d’ innombrables sectes plus ou moins secrètes, plus ou moins révolutionna
3172 onnaires, et dont les traits constants témoignent d’ une origine commune, d’une tradition fidèlement conservée. Toutes ces
3173 raits constants témoignent d’une origine commune, d’ une tradition fidèlement conservée. Toutes ces sectes en effet sont ca
3174 par leur spiritualisme exalté ; par leur doctrine de la « joie rayonnante » ; par leur refus des sacrements et du mariage 
3175 nts et du mariage ; par leur condamnation absolue de toute participation aux guerres ; par leur anticléricalisme ; par leu
3176 erres ; par leur anticléricalisme ; par leur goût de la pauvreté et de l’ascèse (végétarisme) ; enfin par leur esprit égal
3177 nticléricalisme ; par leur goût de la pauvreté et de l’ascèse (végétarisme) ; enfin par leur esprit égalitaire, allant par
3178 un communisme total. Nous retrouvons cet ensemble de traits non seulement chez les frères du Libre-Esprit et les ortliebie
3179 nt chez les Vaudois eux-mêmes, chez les disciples de Joachim de Flore, chez les béguines et les béguards des Pays-Bas136,
3180 dents avec une violence qui rappelle les procédés de Rome contre ses propres sectes. Mais ils ne purent ou ne voulurent le
3181 purent ou ne voulurent les anéantir totalement : de nos jours, on retrouve çà et là des communautés mennonites mêlées d’é
3182 trouve çà et là des communautés mennonites mêlées d’ éléments russes — doukhobors et khlystis — au Canada et jusqu’au Parag
3183 — au Canada et jusqu’au Paraguay. Leur conception de l’amour n’a pas varié. Plusieurs auteurs ont supposé qu’une élite clé
3184 pensent-ils expliquer mieux certaines obscurités de la littérature émanée des cercles franciscains et même parfois domini
3185 vons vu à propos des mystiques. Mais en l’absence de preuves presque impossibles à établir, je m’en tiendrai à un jugement
3186 siècle, la littérature courtoise s’est détachée de ses racines mystiques ; elle s’est alors trouvée réduite à une simple
3187 le s’est alors trouvée réduite à une simple forme d’ expression, c’est-à-dire à une rhétorique. Mais automatiquement, cette
3188 dite « réaliste ». Double mouvement dont le Roman de la Rose nous donne l’illustre témoignage. La Rose de Guillaume de Lor
3189 e partie du roman, dite courtoise — c’est l’amour de la femme idéale, vraie femme déjà mais femme inaccessible dans son ja
3190 éjà mais femme inaccessible dans son jardin givré d’ allégories. Danger, Male-Bouche et Honte défendent Bel Accueil contre
3191 est plus une ascèse mystique, mais un raffinement de l’esprit, qui doit amener l’amant à mériter le don. Au contraire, pou
3192 e. Le réalisme le plus franc succède aux fadaises de Lorris, le sensualisme au platonisme, le cynisme à l’exaltation. La R
3193 , le cynisme à l’exaltation. La Rose est emportée de haute lutte. La Nature triomphe de l’Esprit, et la raison de la passi
3194 e est emportée de haute lutte. La Nature triomphe de l’Esprit, et la raison de la passion. Chacune de ces parties aura sa
3195 tte. La Nature triomphe de l’Esprit, et la raison de la passion. Chacune de ces parties aura sa descendance. De Lorris, no
3196 de l’Esprit, et la raison de la passion. Chacune de ces parties aura sa descendance. De Lorris, nous irons par Dante — qu
3197 sion. Chacune de ces parties aura sa descendance. De Lorris, nous irons par Dante — qui peut-être le traduisit — jusqu’à P
3198 celle qui condamne la passion comme une « maladie de l’âme » — se transmettra aux parties basses de la littérature françai
3199 ie de l’âme » — se transmettra aux parties basses de la littérature française : gauloiserie, gaillardise, rationalisme, po
3200 curieusement exaspérée, naturalisme et réduction de l’homme au sexe. C’est la défense normale que l’homme païen oppose au
3201 défense normale que l’homme païen oppose au mythe de l’amour malheureux. (Peut-être, pratiquement, est-elle bien proche d’
3202 x. (Peut-être, pratiquement, est-elle bien proche d’ une vision chrétienne réaliste. Nous aurons l’occasion d’y revenir.)
3203 ision chrétienne réaliste. Nous aurons l’occasion d’ y revenir.) 3.Sicile, Italie, Béatrice et Symbole Alentour de l’
3204 3.Sicile, Italie, Béatrice et Symbole Alentour de l’an 1200, une solide amitié se noue entre Rambaut de Vaqueiras, trou
3205 laspina. Il semble bien qu’un courant très direct d’ échanges « littéraires » — si l’on veut — unisse le Midi de la France
3206 à la Lombardo-Vénétie. Une fois de plus, la carte de l’influence des troubadours se confond avec celle des hérésies. Un pe
3207 Un peu plus tard, le mouvement franciscain naîtra d’ une conjonction semblable entre les « spirituels » (mais dans l’Église
3208 estion est encore obscure. On ne trouve à la cour de Palerme qu’un seul poète provençal, et Frédéric persécute l’hérésie.
3209 que le procédé mystifiant ? On serait assez tenté de le croire, lorsqu’on voit Dante et son ami Cavalcanti s’élever contre
3210 d’Arezzo, et railler ses disciples : « Sectateurs de l’ignorance, aveugles qui veulent juger des couleurs, oies essayant d
3211 les qui veulent juger des couleurs, oies essayant de rivaliser avec l’aigle… » Au Purgatoire, Dante rencontre un de ces pa
3212 avec l’aigle… » Au Purgatoire, Dante rencontre un de ces pasticheurs infatigables, Bonagiunta de Lucques. Bonne occasion d
3213 fatigables, Bonagiunta de Lucques. Bonne occasion de définir le dolce stil nuovo, le style savant et caressant que l’école
3214 ombés dans un douteux allégorisme : ils parlaient de la dame comme d’une femme réelle, ce n’était plus que galanterie mais
3215 teux allégorisme : ils parlaient de la dame comme d’ une femme réelle, ce n’était plus que galanterie mais froide et stéréo
3216 et Cavalcanti, d’autres encore, demandaient plus de sincérité et plus de chaleur amoureuse, mais en même temps, ils saven
3217 res encore, demandaient plus de sincérité et plus de chaleur amoureuse, mais en même temps, ils savent et disent (dans ce
3218 purement symbolique. Tel est le secret paradoxal de l’amour courtois : guindé et froid quand il ne vante que la femme, ma
3219 quand il ne vante que la femme, mais tout ardent de sincérité quand il célèbre la Sagesse d’amour : c’est là vraiment que
3220 t ardent de sincérité quand il célèbre la Sagesse d’ amour : c’est là vraiment que bat son cœur. Et Dante n’est jamais plus
3221 ns son Banquet, comme le secret qu’il faut voiler d’ un « beau mensonge ». Les cathares savaient bien tout cela. Mais noton
3222 jour faisait une seule lumière, trompeuse à force d’ évidence. Maintenant nous pouvons distinguer les thèmes que le trobar
3223 s que le trobar mêlait dans la naïve transparence de ses symboles. Voici les derniers Siciliens. Cette plainte de Jacques
3224 oles. Voici les derniers Siciliens. Cette plainte de Jacques de Lentino : Mon cœur souvent meurt, et plus douloureusement
3225 n cœur souvent meurt, et plus douloureusement que de mort naturelle, pour vous Dame qu’il désire et aime plus que lui-même
3226 nte de même : Amour qui, dans ma pensée, me parle de ma Dame avec grand désir, souvent m’entretient de choses telles qu’à
3227 de ma Dame avec grand désir, souvent m’entretient de choses telles qu’à leur sujet mon intelligence s’égare. Son langage r
3228  Malheureuse que je suis ! Je ne suis pas capable de répéter ce que j’entends dire de ma Dame ! Et qui douterait encore de
3229 suis pas capable de répéter ce que j’entends dire de ma Dame ! Et qui douterait encore de la signification symbolique de l
3230 entends dire de ma Dame ! Et qui douterait encore de la signification symbolique de la Dame, lorsqu’un Guido Guinizelli en
3231 i douterait encore de la signification symbolique de la Dame, lorsqu’un Guido Guinizelli en parle comme du principe de « n
3232 qu’un Guido Guinizelli en parle comme du principe de « notre foi » : Elle passe par le chemin, si pleine de grâce et de no
3233 notre foi » : Elle passe par le chemin, si pleine de grâce et de noblesse qu’elle abaisse l’orgueil de celui qu’elle salue
3234 : Elle passe par le chemin, si pleine de grâce et de noblesse qu’elle abaisse l’orgueil de celui qu’elle salue [auquel ell
3235 de grâce et de noblesse qu’elle abaisse l’orgueil de celui qu’elle salue [auquel elle donne son salut] et, s’il n’est déjà
3236 [auquel elle donne son salut] et, s’il n’est déjà de notre foi, l’y amène. Faut-il penser que Dante n’est qu’un blasphémat
3237 ’est qu’un blasphémateur lorsqu’il écrit au seuil de la Vita Nuova, cette strophe au sublime départ : Un ange crie en l’In
3238 monde se voit une merveille en l’acte qui procède d’ une âme qui jusqu’ici rayonne. Le Ciel, qui ne manque que d’une chose
3239 qui jusqu’ici rayonne. Le Ciel, qui ne manque que d’ une chose — c’est de l’avoir —, à son Seigneur la demande, et tous les
3240 e. Le Ciel, qui ne manque que d’une chose — c’est de l’avoir —, à son Seigneur la demande, et tous les Saints implorent ce
3241 , Pitié prend notre parti, car Dieu dit, et c’est de ma Dame qu’il entend parler : — Mes bien-aimés, ores souffrez en paix
3242 ure, autant qu’il me plaira, là où se trouve plus d’ un qui s’attend à la perdre et qui dira dans l’enfer : — Ô maudits, j’
3243 i vu l’espérance des bienheureux ! S’agit-il donc de Béatrice comme femme ? Est-ce sa présence que tous les saints implore
3244 espérance des bienheureux » ? Ou s’agit-il plutôt de l’Esprit saint soutenant son Église par la charité du Christ — (la Pi
3245 matoire, c’est l’équivoque malgré tout maintenue. D’ où le débat qui oppose Orlandi et Cavalcanti : il s’agirait de définir
3246 t qui oppose Orlandi et Cavalcanti : il s’agirait de définir enfin ce dont on parle. « Cet Amour est-il vie ou mort ? » de
3247 nt le premier. Et le second répond : « Du pouvoir de l’amour provient souvent la mort… L’amour existe lorsque le désir est
3248 e le désir est si grand qu’il dépasse les limites de l’amour naturel… Comme il ne provient point de la qualité, il réfléch
3249 es de l’amour naturel… Comme il ne provient point de la qualité, il réfléchit perpétuellement sur lui-même son propre effe
3250 ion mystique. Mais encore faut-il définir le rôle de l’amour naturel dans cette perspective céleste. C’est ce qu’a fait Da
3251 , exprimant dans une petite fable la vraie nature de l’amour qu’il chante et le danger de s’arrêter aux formes terrestres
3252 vraie nature de l’amour qu’il chante et le danger de s’arrêter aux formes terrestres qui n’en sont qu’un reflet : De même
3253 ge en regardant un miroir et croit y voir l’image de ses petits qu’elle va cherchant : par ce plaisir elle oublie le chass
3254 ne poursuit point ; de même celui qui est pénétré d’ amour puise la vie dans la contemplation de sa dame, car ainsi il soul
3255 énétré d’amour puise la vie dans la contemplation de sa dame, car ainsi il soulage sa grande peine… Mais la dame n’a point
3256 l’Amour à son profit. Dans un Bestiaire moralisé de cette époque, je trouve la même fable, avec cette conclusion : Ce fau
3257 st le démon, qui nous fait voir ce qui n’est pas. De là vient que bien des hommes ont péri pour avoir tardé d’aller vers l
3258 ent que bien des hommes ont péri pour avoir tardé d’ aller vers le Seigneur. Le temps venait où les poètes succomberaient a
3259 es poètes succomberaient aux charmes du miroir et de la rhétorique profanée. Nous allons voir Pétrarque se laisser prendre
3260 re « à ce qui n’est pas », c’est-à-dire à l’image de sa Laure, qui trop longtemps — comme il gémit plus tard — le retiendr
3261 ngtemps — comme il gémit plus tard — le retiendra d’ « aller vers le Seigneur ». 4.Pétrarque, ou le rhéteur converti
3262 ment amoureux et c’est Pétrarque. Et ce qu’il y a de mieux, c’est que c’est vrai… Qu’appelle-t-on un homme simplement amou
3263 ’appelle-t-on un homme simplement amoureux ? Rien d’ analogue. Lui l’était d’une façon extraordinaire, incendiaire, solaire
3264 implement amoureux ? Rien d’analogue. Lui l’était d’ une façon extraordinaire, incendiaire, solaire139. » Voilà ce qui doit
3265 our la première fois les symboles des troubadours d’ un souffle parfaitement païen, et non plus du tout hérétique ! On est
3266 ut s’est volatilisé : il ne joue plus. Le langage de l’Amour est enfin devenu la rhétorique du cœur humain. Cette « profan
3267 ique orthodoxe. Et cette dernière ne manquera pas d’ y puiser ses meilleures métaphores. En vérité, la tentation était trop
3268 hasard.) Voici le Sonnet du premier anniversaire de l’amour de Pétrarque pour Laure : Je bénis le lieu, le temps, l’heur
3269 oici le Sonnet du premier anniversaire de l’amour de Pétrarque pour Laure : Je bénis le lieu, le temps, l’heure Où si hau
3270 e faut rendre grâce Toi qui fus jugée digne alors d’ un tel honneur. D’Elle te vient cet amoureux penser Qui tant que tu le
3271 e Toi qui fus jugée digne alors d’un tel honneur. D’ Elle te vient cet amoureux penser Qui tant que tu le suis, au plus hau
3272 ène Et te fait mépriser ce que l’homme désire140. D’ Elle te vient la grâce généreuse Qui te pousse au ciel par un droit se
3273 l par un droit sentier Et fait que je marche fier de mon espérance. Où Pétrarque triomphe, c’est quand il prend la harpe
3274 Pétrarque triomphe, c’est quand il prend la harpe de Tristan141, c’est dans le cri de la « torture délicieuse », du mal ai
3275 l prend la harpe de Tristan141, c’est dans le cri de la « torture délicieuse », du mal aimé, du plaisir qui consume : Ô t
3276 e : Ô tendres, angéliques étincelles, béatitudes De ma vie où s’allume le plaisir Qui doucement me consume et détruit. (L
3277 ir Qui doucement me consume et détruit. (Les Yeux de ma dame.) Ô mort vivante, ô mal délicieux142 Comment as-tu sur moi
3278 le je nais…143. (Sonnet 164.) Ailleurs, il parle de Laure comme de sa « bien-aimée ennemie », et gémit, tel Tristan se sé
3279 (Sonnet 164.) Ailleurs, il parle de Laure comme de sa « bien-aimée ennemie », et gémit, tel Tristan se séparant d’Iseut
3280 imée ennemie », et gémit, tel Tristan se séparant d’ Iseut lorsqu’il la rend à son époux :         Ô dure départie Pourquo
3281 époux :         Ô dure départie Pourquoi m’as-tu de mon mal éloigné ? (Sonnet 254.) Car les yeux de Laure présente     
3282 de mon mal éloigné ? (Sonnet 254.) Car les yeux de Laure présente         … allumés d’une lueur céleste M’enflamment de
3283 Car les yeux de Laure présente         … allumés d’ une lueur céleste M’enflamment de façon qu’il me plaît de brûler144. (
3284        … allumés d’une lueur céleste M’enflamment de façon qu’il me plaît de brûler144. (Triomphe de l’amour.) Mais prése
3285 ueur céleste M’enflamment de façon qu’il me plaît de brûler144. (Triomphe de l’amour.) Mais présente ou absente — ici enc
3286 t de façon qu’il me plaît de brûler144. (Triomphe de l’amour.) Mais présente ou absente — ici encore —, la femme ne sera
3287 encore —, la femme ne sera jamais que l’occasion d’ une torture qu’il préfère à tout : Je sais, suivant mon feu partout o
3288 is, suivant mon feu partout où il me fuit, Brûler de loin — de près geler. Tout l’amour romantique est dans ce dernier ve
3289 t mon feu partout où il me fuit, Brûler de loin —  de près geler. Tout l’amour romantique est dans ce dernier vers. Et le
3290 romantique est dans ce dernier vers. Et le secret de cette mélancolie, Pétrarque a su l’analyser mieux que les plus lucide
3291 su l’analyser mieux que les plus lucides victimes de ce que l’on baptisera plus tard le mal du siècle : Des autres passion
3292 eut appeler le comble des misères !) je me repais de ces peines et de ces douleurs-là avec une sorte de volupté si poignan
3293 mble des misères !) je me repais de ces peines et de ces douleurs-là avec une sorte de volupté si poignante que, si l’on v
3294 e ces peines et de ces douleurs-là avec une sorte de volupté si poignante que, si l’on vient m’en arracher, c’est malgré m
3295 iste à ce point ? Est-ce bien le cours des choses de ce monde ? Est-ce une douleur physique, ou bien quelque rigueur injus
3296 douleur physique, ou bien quelque rigueur injuste de fortune ? Pétrarque. — Rien de tout cela en particulier. C’est le « 
3297 ue rigueur injuste de fortune ? Pétrarque. — Rien de tout cela en particulier. C’est le « vague des passions » préromanti
3298 l se peut faire qu’il vive encore, quoique séparé de sa dame : Mais Amour me répond : ne te souvient-il pas que c’est là
3299 l pas que c’est là le privilège des amants déliés de toutes les qualités de l’homme146 ? ⁂ Puis il y eut cette fameuse as
3300 rivilège des amants déliés de toutes les qualités de l’homme146 ? ⁂ Puis il y eut cette fameuse ascension au Ventoux, qui
3301 et voilà qui rappelle au poète que ses « qualités d’ homme » le lient de fait à une condition pitoyable. C’est ce qu’il dit
3302 le au poète que ses « qualités d’homme » le lient de fait à une condition pitoyable. C’est ce qu’il dit dans sa Chanson de
3303 ion pitoyable. C’est ce qu’il dit dans sa Chanson de la Grande Peste, chef-d’œuvre inégalé de l’examen de conscience : Je
3304 Chanson de la Grande Peste, chef-d’œuvre inégalé de l’examen de conscience : Je vais pensant — et en pensant m’assaille
3305 la Grande Peste, chef-d’œuvre inégalé de l’examen de conscience : Je vais pensant — et en pensant m’assaille une pitié de
3306 vais pensant — et en pensant m’assaille une pitié de moi-même si forte qu’elle me conduit souvent à d’autres pleurs que ce
3307 nds ton parti avec prudence ! Prends ! Et arrache de ton cœur toute racine De ce plaisir qui heureux ne le peut jamais ren
3308 ce ! Prends ! Et arrache de ton cœur toute racine De ce plaisir qui heureux ne le peut jamais rendre… Il n’a que trop lon
3309 r à cet amour blasphématoire, à ce besoin dément d’ un plaisir que l’usage en moi a fait si fort qu’il me donne l’audace d
3310 age en moi a fait si fort qu’il me donne l’audace de négocier avec la mort ! La lucidité même d’un tel cri, où s’avoue le
3311 dace de négocier avec la mort ! La lucidité même d’ un tel cri, où s’avoue le dernier secret du mythe courtois, c’est le s
3312 dernier secret du mythe courtois, c’est le signe d’ une grâce reçue. Ce qui peut arracher à l’espoir vain, c’est la foi se
3313 la foi seule dans le pardon. Voici la conversion de l’espérance qui trouve enfin son objet véritable : Or lève-toi vers
3314 et paré ! S’il est vrai — qu’ici-bas tant joyeux de son mal votre désir s’apaise par un coup d’œil, une parole, une chans
3315 Imposer un style à la vie des passions — ce rêve de tout le Moyen Âge païen tourmenté par la loi chrétienne —, c’est la s
3316 vait donner naissance au mythe. Mais la confusion de la foi, « qui à Dieu seul est due et à lui seul convient », avec l’am
3317 ul est due et à lui seul convient », avec l’amour d’ « une chose mortelle », en fut la conséquence inévitable. Et c’est bie
3318 , en fut la conséquence inévitable. Et c’est bien de cette confusion — non de la doctrine orthodoxe — que devait résulter
3319 névitable. Et c’est bien de cette confusion — non de la doctrine orthodoxe — que devait résulter l’opposition tragique du
3320 devait résulter l’opposition tragique du corps et de l’âme. C’est la tendance ascétique, orientale — le monachisme vient d
3321 ndance ascétique, orientale — le monachisme vient d’ Orient — c’est la tendance hérétique des « parfaits » qui inspira la p
3322 bien elle, qui, peu à peu, contamina par le moyen d’ une littérature idéalisante, l’élite de la société médiévale. D’où la
3323 r le moyen d’une littérature idéalisante, l’élite de la société médiévale. D’où la réaction « réaliste » qui ne pouvait ma
3324 ure idéalisante, l’élite de la société médiévale. D’ où la réaction « réaliste » qui ne pouvait manquer de s’ensuivre. Elle
3325 ù la réaction « réaliste » qui ne pouvait manquer de s’ensuivre. Elle fut surtout sensible dans la bourgeoisie. Dès le déb
3326 . Dès le début du xiie siècle, en plein triomphe de l’amour courtois, l’on voit paraître cette tendance contraire, celle
3327 contre poésie, cynisme contre idéalisme. Le Débat de l’âme et du corps qui date précisément de cette époque est le premier
3328 e Débat de l’âme et du corps qui date précisément de cette époque est le premier témoignage d’un conflit que le mariage ch
3329 isément de cette époque est le premier témoignage d’ un conflit que le mariage chrétien était censé résoudre. On y voit l’â
3330 censé résoudre. On y voit l’âme récemment séparée de son corps adresser à son compagnon les reproches les plus amers : c’e
3331 t trop tard, au-devant du supplice éternel. Issus de ce ressentiment du corps, les fabliaux eurent un immense succès (aupr
3332 annoncent le roman comique, qui annonce le roman de mœurs, qui annonce le naturalisme polémique du dernier siècle. Mais j
3333 soient engendrés en ligne directe. Chaque moment de cette progression vers le « vrai » se trouve lié, plus étroitement qu
3334 tement qu’au précédent, à un moment correspondant de la progression vers le « précieux », et c’est de cela qu’il naît, par
3335 de la progression vers le « précieux », et c’est de cela qu’il naît, par réaction. Charles Sorel naît de l’Astrée, non de
3336 cela qu’il naît, par réaction. Charles Sorel naît de l’Astrée, non des fabliaux ; la Marianne de Marivaux naît des comédie
3337 liaux ; la Marianne de Marivaux naît des comédies de Marivaux, non de Sorel ; et Zola naît de la décomposition du romantis
3338 ne de Marivaux naît des comédies de Marivaux, non de Sorel ; et Zola naît de la décomposition du romantisme, au moins auta
3339 comédies de Marivaux, non de Sorel ; et Zola naît de la décomposition du romantisme, au moins autant, si ce n’est beaucoup
3340 , au moins autant, si ce n’est beaucoup plus, que de Balzac (considéré alors comme réaliste). Pour en revenir au xiiie si
3341 J. Huizinga147 — l’esprit gaulois aux conventions de l’amour courtois et à y voir la conception naturaliste de l’amour, en
3342 ur courtois et à y voir la conception naturaliste de l’amour, en opposition avec la conception romantique. Or la gauloiser
3343 que. La pensée érotique, pour acquérir une valeur de culture, doit être stylisée. Elle doit représenter la réalité complex
3344 a gauloiserie : la licence fantaisiste, le dédain de toutes les complications naturelles et sociales de l’amour, l’indulge
3345 e toutes les complications naturelles et sociales de l’amour, l’indulgence pour les mensonges et les égoïsmes de la vie se
3346 , l’indulgence pour les mensonges et les égoïsmes de la vie sexuelle, la vision d’une jouissance infinie, tout cela ne fai
3347 ges et les égoïsmes de la vie sexuelle, la vision d’ une jouissance infinie, tout cela ne fait que donner satisfaction au b
3348 ne fait que donner satisfaction au besoin humain de substituer à la réalité le rêve d’une vie plus heureuse. C’est encore
3349 besoin humain de substituer à la réalité le rêve d’ une vie plus heureuse. C’est encore une aspiration à la vie sublime, t
3350 du côté animal. C’est un idéal quand même : celui de la luxure. » Ce lien profond de la gauloiserie et de l’amour alambiqu
3351 uand même : celui de la luxure. » Ce lien profond de la gauloiserie et de l’amour alambiqué, on le surprend dans une satir
3352 la luxure. » Ce lien profond de la gauloiserie et de l’amour alambiqué, on le surprend dans une satire du xiiie siècle in
3353 intitulée l’Évangile des femmes : c’est une suite de quatrains dont les trois premiers vers exaltent la femme selon le mod
3354 le mode courtois, tandis que le quatrième réfute d’ un trait brutal ces éloges. Autre complicité : la gauloiserie démolit
3355 r en bas, alors que la chevalerie le ridiculisait d’ en haut, comme on peut le voir, entre autres, dans le Dit de Chiceface
3356 comme on peut le voir, entre autres, dans le Dit de Chiceface. Chiceface est le monstre fabuleux qui ne se nourrit que de
3357 ace est le monstre fabuleux qui ne se nourrit que de femmes fidèles, aussi est-il d’une maigreur effroyable, tandis que so
3358 ne se nourrit que de femmes fidèles, aussi est-il d’ une maigreur effroyable, tandis que son confrère Bigorne, lequel ne ma
3359 igorne, lequel ne mange que les maris soumis, est d’ un embonpoint sans pareil. Parallèlement à ces deux courants issus du
3360 e, en consacrant ses derniers chants à la louange de la Vierge — Notre Dame opposée à « ma » dame — mais sans varier le mo
3361 s sans varier le moins du monde ses lieux communs de poésie courtoise148. Dante a vengé d’avance les troubadours en mettan
3362 eux communs de poésie courtoise148. Dante a vengé d’ avance les troubadours en mettant en Enfer des « chevaliers de Marie »
3363 troubadours en mettant en Enfer des « chevaliers de Marie », moines italiens appelés aussi « chevaliers joyeux » à cause
3364 solue, et malgré leur saint patronage. 6.Suite de la chevalerie, jusqu’à Cervantès L’influence du roman breton est a
3365 ce du roman breton est attestée par des centaines de textes à travers les xiiie , xive et xve siècles. Elle couvre la mê
3366 rs : l’Europe entière. Les minnesänger (chanteurs de l’Amour) en Allemagne sont nourris de légendes cathares149 et par ail
3367 (chanteurs de l’Amour) en Allemagne sont nourris de légendes cathares149 et par ailleurs ne font qu’adapter du français l
3368 illeurs ne font qu’adapter du français les récits de Chrétien de Troyes. On traduit le roman de Tristan dans toutes les la
3369 récits de Chrétien de Troyes. On traduit le roman de Tristan dans toutes les langues d’Occident. L’Anglais Thomas Malory,
3370 aduit le roman de Tristan dans toutes les langues d’ Occident. L’Anglais Thomas Malory, à la fin du xve siècle, en refait
3371 se. Dante considère le cycle épique et romanesque de la France du Nord comme le modèle universel de toute prose narrative,
3372 ue de la France du Nord comme le modèle universel de toute prose narrative, et Brunetto Latini extrait de Tristan (dans sa
3373 toute prose narrative, et Brunetto Latini extrait de Tristan (dans sa Rhétorique) le portrait de la femme idéale. De là, j
3374 trait de Tristan (dans sa Rhétorique) le portrait de la femme idéale. De là, jusqu’au fond de la Norvège, de la Russie, de
3375 ns sa Rhétorique) le portrait de la femme idéale. De là, jusqu’au fond de la Norvège, de la Russie, de la Hongrie et des E
3376 portrait de la femme idéale. De là, jusqu’au fond de la Norvège, de la Russie, de la Hongrie et des Espagnes, d’innombrabl
3377 femme idéale. De là, jusqu’au fond de la Norvège, de la Russie, de la Hongrie et des Espagnes, d’innombrables imitations,
3378 De là, jusqu’au fond de la Norvège, de la Russie, de la Hongrie et des Espagnes, d’innombrables imitations, dont les Amadi
3379 ège, de la Russie, de la Hongrie et des Espagnes, d’ innombrables imitations, dont les Amadis portugais (puis espagnols, pu
3380 is auquel on pouvait s’attendre, certains auteurs de ces imitations se trouvent amenés à redécouvrir le sens original des
3381 ystiques. Mais alors ils ne peuvent se servir que d’ une mythologie toute catholique — soit prudence ou incompréhension — a
3382 n primitive. En 1554, en Espagne, paraît un livre de Hyeronimo de Sempere portant ce titre flamboyant : Libro de cavalieri
3383 mo de Sempere portant ce titre flamboyant : Libro de cavalieria celestial del pié de la rosa fragante. Le Christ y devient
3384 lamboyant : Libro de cavalieria celestial del pié de la rosa fragante. Le Christ y devient le chevalier du Lion, Satan le
3385 r du Désert, et les apôtres, les douze chevaliers de la Table ronde. L’ésotérisme manichéisant, toujours latent dans le cy
3386 Cervantès ne cite point les très nombreux romans de « chevalerie célestielle » qu’on lisait de son temps avec passion150.
3387 romans de « chevalerie célestielle » qu’on lisait de son temps avec passion150. Il ne s’en prend, dans son Quichotte, qu’a
3388 ne s’en prend, dans son Quichotte, qu’aux romans d’ aventures profanes. Cette omission est mystérieuse. Elle militerait en
3389 lle Cervantès connaissait la signification réelle de la littérature courtoise, et raillait non sans désespoir les rêveries
3390 oise, et raillait non sans désespoir les rêveries de ses contemporains, adonnés à une illusion dont ils avaient perdu le s
3391 des temps rend totalement impraticable. L’Église de Rome a triomphé. Mieux vaut dès lors se mettre du bon côté avec l’hon
3392 ngage moderne. Et en Irlande, elles vivent encore de nos jours. Je ne puis examiner ici le problème des rapports entre ce
3393 miner ici le problème des rapports entre ce fonds de légendes celtiques et la littérature anglaise populaire et savante. M
3394 ste, ait écrit un traité sur les fées, sans trace de scepticisme ou d’ironie. Nous ne savons presque rien de Shakespeare —
3395 traité sur les fées, sans trace de scepticisme ou d’ ironie. Nous ne savons presque rien de Shakespeare — mais nous avons l
3396 pticisme ou d’ironie. Nous ne savons presque rien de Shakespeare — mais nous avons le Songe d’une Nuit d’été. Et l’on dit
3397 ue rien de Shakespeare — mais nous avons le Songe d’ une Nuit d’été. Et l’on dit qu’il était catholique — mais nous avons R
3398 Shakespeare — mais nous avons le Songe d’une Nuit d’ été. Et l’on dit qu’il était catholique — mais nous avons Roméo et Jul
3399 stan de Wagner. Tant qu’on ignore à peu près tout de la vie, voire de l’identité de Shakespeare, il est vain de se demande
3400 ant qu’on ignore à peu près tout de la vie, voire de l’identité de Shakespeare, il est vain de se demander s’il connaissai
3401 re à peu près tout de la vie, voire de l’identité de Shakespeare, il est vain de se demander s’il connaissait la tradition
3402 , voire de l’identité de Shakespeare, il est vain de se demander s’il connaissait la tradition secrète des troubadours. Ma
3403 beaucoup plus grand nombre… Comment les légendes de ce temps n’auraient-elles point gardé de traces des luttes violentes
3404 légendes de ce temps n’auraient-elles point gardé de traces des luttes violentes qui opposèrent dans la cité les « patarin
3405 plus profonde que jamais, la tragédie des Amants de Vérone, c’est le voile un instant déchiré, ne laissant au souvenir de
3406 voile un instant déchiré, ne laissant au souvenir de nos yeux que l’image négative d’un éclat, « le soleil noir de la méla
3407 sant au souvenir de nos yeux que l’image négative d’ un éclat, « le soleil noir de la mélancolie ». Surgi des profondeurs d
3408 que l’image négative d’un éclat, « le soleil noir de la mélancolie ». Surgi des profondeurs de l’âme avide de tortures tra
3409 il noir de la mélancolie ». Surgi des profondeurs de l’âme avide de tortures transfigurantes, de la nuit abyssale où l’écl
3410 élancolie ». Surgi des profondeurs de l’âme avide de tortures transfigurantes, de la nuit abyssale où l’éclair de l’amour
3411 deurs de l’âme avide de tortures transfigurantes, de la nuit abyssale où l’éclair de l’amour illumine parfois une face imm
3412 transfigurantes, de la nuit abyssale où l’éclair de l’amour illumine parfois une face immobile et fascinante — ce nous-mê
3413 is une face immobile et fascinante — ce nous-même d’ horreur et de divinité auquel s’adressent nos plus beaux poèmes ; ress
3414 mmobile et fascinante — ce nous-même d’horreur et de divinité auquel s’adressent nos plus beaux poèmes ; ressuscité d’un c
3415 el s’adressent nos plus beaux poèmes ; ressuscité d’ un coup dans sa pleine stature, comme étourdi de sa jeunesse provocant
3416 é d’un coup dans sa pleine stature, comme étourdi de sa jeunesse provocante et enivrée de rhétorique, au seuil du tombeau
3417 omme étourdi de sa jeunesse provocante et enivrée de rhétorique, au seuil du tombeau de Mantoue voici le mythe de nouveau
3418 nte et enivrée de rhétorique, au seuil du tombeau de Mantoue voici le mythe de nouveau qui se dresse, à la lueur d’une tor
3419 ici le mythe de nouveau qui se dresse, à la lueur d’ une torche que tient Roméo. Juliette repose, endormie par le philtre.
3420 Juliette repose, endormie par le philtre. Le fils de Montaigu est entré, et il parle : Combien souvent les hommes sur le
3421 r ? Ô mon amour, ma femme, La mort a sucé le miel de ton haleine Et n’a pas eu de prise encore sur ta beauté Et tu n’es pa
3422 mort a sucé le miel de ton haleine Et n’a pas eu de prise encore sur ta beauté Et tu n’es pas conquise. L’enseigne de bea
3423 sur ta beauté Et tu n’es pas conquise. L’enseigne de beauté Est encore cramoisie sur tes lèvres, tes joues, Et le pâle dra
3424 sie sur tes lèvres, tes joues, Et le pâle drapeau de la mort n’est pas avancé.         … Ah ! chère Juliette Pourquoi es-
3425 rainte de cela je demeure avec toi Et plus jamais de ce palais de la nuit obscure Je ne repartirai ; ici je veux rester Av
3426 a je demeure avec toi Et plus jamais de ce palais de la nuit obscure Je ne repartirai ; ici je veux rester Avec les vers q
3427 ecouer l’influence des étoiles funestes Et sortir de cette chair lasse du monde. Mes yeux regardez une dernière fois ! Mes
3428 Sur les récifs brisants ta barque épuisée, malade de la mer ! Voilà pour mon amour ! (Il boit.) … Honnête apothicaire Ta d
3429 st rapide. En un baiser je meurs. Le consolament de la Mort vient de sceller le seul mariage qu’ait jamais pu vouloir l’É
3430 sombrie… Séparons-nous pour nous entretenir encor de ces tristesses151. ⁂ Il est certain que Milton quoique puritain subi
3431 ain que Milton quoique puritain subit l’influence de doctrines cabalistiques aussi peu « spiritualistes » que possible. Ma
3432  » contre la féodalité et le clergé ? Deux poèmes de Milton, qu’il écrivit dans sa jeunesse, l’Allegro et le Penseroso exp
3433 et le Penseroso expriment l’opposition du Jour et de la Nuit, et le choix nécessaire qu’il n’a pas encore fait. (Il ne le
3434 ne le fera sans doute jamais : du moins pas sans de telles réticences qu’il serait vain de conclure sur ce point plus net
3435 s pas sans de telles réticences qu’il serait vain de conclure sur ce point plus nettement qu’il ne l’a voulu.) Avant même
3436 nt plus nettement qu’il ne l’a voulu.) Avant même d’ embrasser la cause puritaine, Milton cherchant un sujet d’épopée avait
3437 ser la cause puritaine, Milton cherchant un sujet d’ épopée avait envisagé parfois le thème de la légende celtique d’Arthur
3438 un sujet d’épopée avait envisagé parfois le thème de la légende celtique d’Arthur et des chevaliers de la Table ronde. Dan
3439 envisagé parfois le thème de la légende celtique d’ Arthur et des chevaliers de la Table ronde. Dans son Penseroso, éloge
3440 de la légende celtique d’Arthur et des chevaliers de la Table ronde. Dans son Penseroso, éloge de la Mélancolie nocturne,
3441 iers de la Table ronde. Dans son Penseroso, éloge de la Mélancolie nocturne, s’adressant à cette « Vierge sérieuse », il l
3442 adressant à cette « Vierge sérieuse », il la prie d’ évoquer encore l’âme d’Orphée, l’époux de Canacée qui possédait la bag
3443 rge sérieuse », il la prie d’évoquer encore l’âme d’ Orphée, l’époux de Canacée qui possédait la bague et les miroirs magiq
3444 la prie d’évoquer encore l’âme d’Orphée, l’époux de Canacée qui possédait la bague et les miroirs magiques, et finalement
3445 alement les « illustres bardes », qui chantèrent d’ une voix grave et solennelle tournois et trophées remportés, forêts, e
3446 eets the ear »… Il avait étudié pour son Histoire de Bretagne la chronique arthurienne et ses légendes. Et dans le De doct
3447 chronique arthurienne et ses légendes. Et dans le De doctrina christiana, il s’était insurgé « contre la puissance créatri
3448 l s’était insurgé « contre la puissance créatrice de Dieu, contre les dogmes de la Trinité et de l’Incarnation… répudiant
3449 la puissance créatrice de Dieu, contre les dogmes de la Trinité et de l’Incarnation… répudiant les définitions théologique
3450 trice de Dieu, contre les dogmes de la Trinité et de l’Incarnation… répudiant les définitions théologiques traditionnelles
3451 nd lyrisme passionnel ? Quant au « matérialisme » de Milton, il s’oppose moins qu’on pourrait le croire à une doctrine « c
3452 n pourrait le croire à une doctrine « courtoise » de l’amour. Entre un monisme qui assimile l’esprit à la matière (ou l’in
3453 me n’est pas infranchissable, surtout sur le plan de l’éthique. L’idéalisme et le matérialisme ont d’importants présupposé
3454 de l’éthique. L’idéalisme et le matérialisme ont d’ importants présupposés communs. L’extrême de la luxure touche parfois
3455 e ont d’importants présupposés communs. L’extrême de la luxure touche parfois l’extrême de la chasteté exaltée. Et la néga
3456 . L’extrême de la luxure touche parfois l’extrême de la chasteté exaltée. Et la négation de la mort, chez Milton, le condu
3457 l’extrême de la chasteté exaltée. Et la négation de la mort, chez Milton, le conduit à des conclusions bien proches de ce
3458 Milton, le conduit à des conclusions bien proches de celles des cathares. Comme eux, Milton croit que le bon désir procède
3459 rincipes intellectuels, et qu’il doit nous purger de notre mauvais désir, de la sensualité, péché majeur. Et Fludd, son ma
3460 et qu’il doit nous purger de notre mauvais désir, de la sensualité, péché majeur. Et Fludd, son maître en occultisme, ense
3461 atière divine… Il reste cependant que la doctrine de Milton est bien plus « rationnelle » et sociale que celle des hérétiq
3462 vait-elle point favoriser les confusions extrêmes de la chair et de l’esprit qui ne manquèrent pas de se produire dans les
3463 favoriser les confusions extrêmes de la chair et de l’esprit qui ne manquèrent pas de se produire dans les sectes néo-man
3464 de la chair et de l’esprit qui ne manquèrent pas de se produire dans les sectes néo-manichéennes. 8. L’Astrée : de la
3465 ans les sectes néo-manichéennes. 8. L’Astrée : de la mystique à la psychologie L’histoire du mythe dans le Roman, au
3466 ade en pure psychologie. Le Roman devient l’objet d’ une littérature raffinée. D’Urfé, La Calprenède, Gomberville et les Sc
3467 Roman devient l’objet d’une littérature raffinée. D’ Urfé, La Calprenède, Gomberville et les Scudéry n’ont plus la moindre
3468 éry n’ont plus la moindre idée du sens ésotérique de la chevalerie légendaire. La nature symbolique des sujets qu’ils repr
3469 u’ils reprennent les induit simplement à composer d’ interminables romans à clef. Polexandre est Louis XIII, Cyrus est le G
3470 c. Le sujet du roman demeure les « contrariétés » de l’amour mais l’obstacle n’est plus la volonté de mort, si secrète et
3471 de l’amour mais l’obstacle n’est plus la volonté de mort, si secrète et métaphysique dans Tristan : c’est simplement le p
3472 physique dans Tristan : c’est simplement le point d’ honneur, manie sociale. C’est l’héroïne, ici, qui est la plus astucieu
3473 ici, qui est la plus astucieuse lorsqu’il s’agit d’ imaginer des prétextes de séparation. Elle terrorise avec délices son
3474 ucieuse lorsqu’il s’agit d’imaginer des prétextes de séparation. Elle terrorise avec délices son chevaleresque soupirant,
3475 soupirant, et l’on voit Polexandre, dans le roman de Gomberville, parcourir comme un fou les cinq parties du monde pour ap
3476 nq parties du monde pour apaiser un regard irrité de sa maîtresse. Au dénouement, il est encore à se demander si cette « r
3477 s échos mélancoliques. Il y a bien les douze lois d’ Amour, les séparations ingénieuses, l’éloge de la chasteté, voire les
3478 ois d’Amour, les séparations ingénieuses, l’éloge de la chasteté, voire les défis à une mort libératrice. Mais la dialecti
3479 une mort libératrice. Mais la dialectique sauvage de Tristan n’est plus ici que coquetterie, et le combat du Jour et de la
3480 plus ici que coquetterie, et le combat du Jour et de la Nuit se ramène à des jeux de pénombre. Entre le corps des deux ama
3481 combat du Jour et de la Nuit se ramène à des jeux de pénombre. Entre le corps des deux amants plus d’épée nue, mais la hou
3482 de pénombre. Entre le corps des deux amants plus d’ épée nue, mais la houlette dorée de Céladon ornée d’une faveur de la b
3483 ux amants plus d’épée nue, mais la houlette dorée de Céladon ornée d’une faveur de la bergère. Voici un trait qui symbolis
3484 épée nue, mais la houlette dorée de Céladon ornée d’ une faveur de la bergère. Voici un trait qui symbolise tout le reste.
3485 s la houlette dorée de Céladon ornée d’une faveur de la bergère. Voici un trait qui symbolise tout le reste. Au cinquième
3486 ise tout le reste. Au cinquième et dernier volume de ce roman que l’on n’ose nommer un roman-fleuve, puisqu’il n’est parco
3487 , puisqu’il n’est parcouru que par les sinuosités d’ un modeste ruisseau, le Lignon, Céladon désespéré appelle la mort ; As
3488 gnon, Céladon désespéré appelle la mort ; Astrée, de son côté conçoit la même pensée. Ils vont demander la fin de leurs ma
3489 conçoit la même pensée. Ils vont demander la fin de leurs maux à la Fontaine de Vérité, gardée par des lions et des licor
3490 vont demander la fin de leurs maux à la Fontaine de Vérité, gardée par des lions et des licornes : cette fontaine ne sera
3491 l’oracle, que par la mort du plus fidèle amant et de la plus fidèle amante. (Thème de Tristan : c’est le rachat de la fata
3492 fidèle amant et de la plus fidèle amante. (Thème de Tristan : c’est le rachat de la fatalité du philtre.) Céladon s’avanc
3493 idèle amante. (Thème de Tristan : c’est le rachat de la fatalité du philtre.) Céladon s’avance, mais ô miracle, les lions
3494 le ciel s’obscurcit, le tonnerre gronde, le génie de l’Amour paraît dans un nuage et annonce la fin de l’enchantement. Ast
3495 de l’Amour paraît dans un nuage et annonce la fin de l’enchantement. Astrée et Céladon évanouis (c’est une mort métaphoriq
3496 ils se réveillent, puis s’épousent. On a coutume de déclarer inexplicable le succès prodigieux de l’Astrée. Pourtant ses
3497 ume de déclarer inexplicable le succès prodigieux de l’Astrée. Pourtant ses charmes ne sont point inégaux à ceux de nos ré
3498 Pourtant ses charmes ne sont point inégaux à ceux de nos récents romans féeriques. Et la psychologie des écrivains françai
3499 psychologie des écrivains français n’a pas cessé de se complaire dans l’élégance allégorique : voir Giraudoux. La Fontain
3500 ine adorait « cette œuvre exquise ». Et Rousseau, de passage à Lyon, voulut aller visiter le Forez et rechercher sur les r
3501 esse, elle lui dit que le Forez était un bon pays de forges et qu’on y travaillait fort bien le fer. « Cette bonne femme,
3502 serrurier. » ⁂ En vérité je me sens fort capable d’ entreprendre un éloge de l’Astrée : du point de vue de l’art littérair
3503 é je me sens fort capable d’entreprendre un éloge de l’Astrée : du point de vue de l’art littéraire, c’est une réussite ca
3504 treprendre un éloge de l’Astrée : du point de vue de l’art littéraire, c’est une réussite capitale. Jamais les ressources
3505 ’est une réussite capitale. Jamais les ressources d’ une rhétorique plus savante n’ont été à ce point harmonisées. L’on n’i
3506 nt été à ce point harmonisées. L’on n’imagine pas de roman mieux écrit ; plus strictement réglé, dans son progrès, sur les
3507 strictement réglé, dans son progrès, sur les lois d’ une plus sûre esthétique. L’emploi de « personnages constants » — le b
3508 sur les lois d’une plus sûre esthétique. L’emploi de « personnages constants » — le berger, la bergère, le volage, la coqu
3509 dialectique des sentiments sa meilleure garantie de précision, et disons même de vérité. Ici c’est l’art et non « la vie 
3510 a meilleure garantie de précision, et disons même de vérité. Ici c’est l’art et non « la vie » qui mène le jeu. Nous somme
3511 i mène le jeu. Nous sommes en face d’une création de l’esprit, et non d’une confusion de reflets troubles, d’aveux plus ou
3512 sommes en face d’une création de l’esprit, et non d’ une confusion de reflets troubles, d’aveux plus ou moins indiscrets et
3513 ’une création de l’esprit, et non d’une confusion de reflets troubles, d’aveux plus ou moins indiscrets et de hasards immé
3514 prit, et non d’une confusion de reflets troubles, d’ aveux plus ou moins indiscrets et de hasards immérités (comme sont les
3515 ets troubles, d’aveux plus ou moins indiscrets et de hasards immérités (comme sont les romans d’aujourd’hui). En un mot, l
3516 ts et de hasards immérités (comme sont les romans d’ aujourd’hui). En un mot, l’Astrée est une œuvre. Elle suppose un métie
3517 Elle suppose un métier savant, et vingt-cinq ans d’ application. Le snobisme qui lui fit un succès était mieux averti que
3518 ieux averti que le nôtre. Mais aussi ce caractère d’ achèvement nous permet de poser une question nette : que vaut le succè
3519 Mais aussi ce caractère d’achèvement nous permet de poser une question nette : que vaut le succès même de l’effort littér
3520 oser une question nette : que vaut le succès même de l’effort littéraire ? Si l’on songe au mythe primitif, dont l’Astrée
3521 l’Astrée reprend tous les thèmes, l’on est frappé de constater que chez d’Urfé le tragique se dégrade en émotion, et le de
3522 les thèmes, l’on est frappé de constater que chez d’ Urfé le tragique se dégrade en émotion, et le destin en machine romane
3523 e la littérature la plus parfaite, en raison même de sa perfection, n’est qu’un sous-produit des mystiques créatrices de f
3524 n’est qu’un sous-produit des mystiques créatrices de formes et de mythes ? Et qu’elle suppose, pour fleurir et s’achever e
3525 ous-produit des mystiques créatrices de formes et de mythes ? Et qu’elle suppose, pour fleurir et s’achever en tant qu’œuv
3526 e qu’une résistance à peu près nulle aux attaques de l’esprit réaliste et de ce qu’on nomme l’intérêt civique comme il app
3527 u près nulle aux attaques de l’esprit réaliste et de ce qu’on nomme l’intérêt civique comme il apparaît de nos jours ? Alo
3528 e qu’on nomme l’intérêt civique comme il apparaît de nos jours ? Alors que les mystiques et les religions prennent au cont
3529 ns et railleries qu’on leur oppose ? Ce fut assez d’ un décret de l’officieux Boileau — le court Dialogue sur les Héros de
3530 ries qu’on leur oppose ? Ce fut assez d’un décret de l’officieux Boileau — le court Dialogue sur les Héros de Roman – pour
3531 ficieux Boileau — le court Dialogue sur les Héros de Roman – pour réduire au silence et à l’oubli, jusque dans les manuels
3532 au silence et à l’oubli, jusque dans les manuels de notre siècle, la féerie romanesque née de l’Astrée, et le roman comiq
3533 manuels de notre siècle, la féerie romanesque née de l’Astrée, et le roman comique, son parasite153. Il n’y eut plus qu’un
3534 est dans le théâtre classique — donc au cœur même d’ un ordre intolérant — que la passion devait trouver sa revanche la plu
3535 he la plus éclatante. On connaît le curieux sujet de la Place royale, comédie fort désobligeante. Alidor amant d’Angélique
3536 royale, comédie fort désobligeante. Alidor amant d’ Angélique, et aimé d’elle, « se trouve incommodé d’un amour qui l’atta
3537 désobligeante. Alidor amant d’Angélique, et aimé d’ elle, « se trouve incommodé d’un amour qui l’attache trop » et il veut
3538 ’Angélique, et aimé d’elle, « se trouve incommodé d’ un amour qui l’attache trop » et il veut faire en sorte que sa maîtres
3539 rte que sa maîtresse se donne à son ami Cléandre. D’ où l’on conclut généralement que Corneille est le premier auteur qui a
3540 qui ait échappé à l’emprise du mythe. Le cas vaut d’ être analysé. Voici comme Alidor se plaint au premier acte : Ce n’est
3541 m’aimant trop qu’elle me fait mourir : Un moment de froideur, et je pourrais guérir ; Une mauvaise œillade, un peu de jal
3542 parfaite, et sa perfection N’approche point encor de son affection ; Point de refus pour moi, point d’heures inégales : Ac
3543 n N’approche point encor de son affection ; Point de refus pour moi, point d’heures inégales : Accablé de faveurs à mon re
3544 de son affection ; Point de refus pour moi, point d’ heures inégales : Accablé de faveurs à mon repos fatales… Arrêtons ic
3545 refus pour moi, point d’heures inégales : Accablé de faveurs à mon repos fatales… Arrêtons ici la tirade : les premiers v
3546 Quoi, c’est le bonheur qui serait fatal au repos de cet étrange amant ? Et le malheur d’être trahi par Angélique le guéri
3547 tal au repos de cet étrange amant ? Et le malheur d’ être trahi par Angélique le guérirait de son amour ? Cet Alidor serait
3548 e malheur d’être trahi par Angélique le guérirait de son amour ? Cet Alidor serait un curieux monstre ! Disons plutôt qu’o
3549 isons plutôt qu’on voit trop bien ce qu’il essaie de nous dissimuler. Lui aussi, il ne veut que « brûler » ! Mais il ne pe
3550 le goût du malheur, à cette époque. « J’ai honte de souffrir les maux dont je me plains », dit-il plus bas. C’est donc la
3551 it-il plus bas. C’est donc la honte qui est cause de son mensonge. En vérité, il souffre de l’absence d’un obstacle entre
3552 est cause de son mensonge. En vérité, il souffre de l’absence d’un obstacle entre son Angélique, trop fidèle, et lui-même
3553 son mensonge. En vérité, il souffre de l’absence d’ un obstacle entre son Angélique, trop fidèle, et lui-même. Il manque u
3554 ns passés dans la forêt. Tristan avait le recours de rendre Iseut à son mari. Alidor est contraint d’inventer un rival. So
3555 de rendre Iseut à son mari. Alidor est contraint d’ inventer un rival. Souffrant de ce que plus rien ne le sépare d’Angéli
3556 idor est contraint d’inventer un rival. Souffrant de ce que plus rien ne le sépare d’Angélique, mais honteux d’avouer cett
3557 rival. Souffrant de ce que plus rien ne le sépare d’ Angélique, mais honteux d’avouer cette souffrance, il imagine de se pl
3558 plus rien ne le sépare d’Angélique, mais honteux d’ avouer cette souffrance, il imagine de se plaindre d’être trop enchaîn
3559 ais honteux d’avouer cette souffrance, il imagine de se plaindre d’être trop enchaîné par cette fidélité — alors qu’on voi
3560 vouer cette souffrance, il imagine de se plaindre d’ être trop enchaîné par cette fidélité — alors qu’on voit tout au contr
3561 lors qu’on voit tout au contraire qu’il désespère de ne point l’être assez. Il proclame un besoin d’être libre qui traduit
3562 e de ne point l’être assez. Il proclame un besoin d’ être libre qui traduit un profond désir de n’être plus même en état de
3563 besoin d’être libre qui traduit un profond désir de n’être plus même en état de désirer aucune liberté. C’est ce qui se p
3564 duit un profond désir de n’être plus même en état de désirer aucune liberté. C’est ce qui se passerait si Angélique faisai
3565 est ce qui se passerait si Angélique faisait mine de lui échapper. Mais voyez comme il est habile : Cléandre Vit-on jamai
3566 mme il est habile : Cléandre Vit-on jamais amant de la sorte enflammé Qui se tînt malheureux pour être trop aimé ? Alidor
3567 s’arrête aux sentiments vulgaires ? Il le prend de haut : méfions-nous. C’est qu’il se dispose à mentir. Il ne faut poi
3568 ’il se dispose à mentir. Il ne faut point servir d’ objet qui nous possède ; Il ne faut point nourrir d’amour qui ne nous
3569 objet qui nous possède ; Il ne faut point nourrir d’ amour qui ne nous cède : Je le hais s’il me force : et quand j’aime, j
3570 hais s’il me force : et quand j’aime, je veux Que de ma volonté dépendent tous mes vœux ; Que mon feu m’obéisse, au lieu d
3571 e classique, pensera-t-on : la volonté triomphant de la passion. Mais la suite de la comédie, même si nous ignorions les r
3572 a volonté triomphant de la passion. Mais la suite de la comédie, même si nous ignorions les ruses du mythe, nous ferait bi
3573 hautaines déclarations. « Il ne faut point servir d’ objet qui nous possède » signifie en réalité : « Le seul objet qui vai
3574 signifie en réalité : « Le seul objet qui vaille d’ être servi, c’est celui qui nous posséderait totalement et qui, par sa
3575 ers mots : « … et l’éteindre » étant pur artifice de rhétorique, destiné à persuader le lecteur, ou Cléandre, ou Corneille
3576 Corneille a tout fait pour cela. Dans la dédicace de sa pièce, il s’adresse en ces termes à un personnage inconnu : « C’es
3577 e en ces termes à un personnage inconnu : « C’est de vous que j’ai appris que l’amour d’un honnête homme doit être toujour
3578 nnu : « C’est de vous que j’ai appris que l’amour d’ un honnête homme doit être toujours volontaire ; qu’on ne doit jamais
3579 t qu’enfin la personne aimée nous a beaucoup plus d’ obligation de notre amour, alors qu’elle est toujours l’effet de notre
3580 personne aimée nous a beaucoup plus d’obligation de notre amour, alors qu’elle est toujours l’effet de notre choix et de
3581 e notre amour, alors qu’elle est toujours l’effet de notre choix et de son mérite, que quand elle vient d’une inclination
3582 rs qu’elle est toujours l’effet de notre choix et de son mérite, que quand elle vient d’une inclination aveugle, et forcée
3583 otre choix et de son mérite, que quand elle vient d’ une inclination aveugle, et forcée par quelque ascendant de naissance
3584 lination aveugle, et forcée par quelque ascendant de naissance à qui nous ne pouvons résister… On ne donne point ce qu’on
3585 bel et bon. Mais nous n’oublions pas que ce refus de la contrainte fatale, cette liberté qui fait le prix du don, c’est un
3586 rix du don, c’est une des exigences fondamentales de l’amour courtois (l’un des articles des Leys d’Amors). Et que cette e
3587 te trop fidèle se trouvent malgré eux dans l’état de mariés, à quoi notre héros veut échapper non pour l’amour de la liber
3588 à quoi notre héros veut échapper non pour l’amour de la liberté — qu’il allègue — mais pour l’amour de la passion. À tel
3589 de la liberté — qu’il allègue — mais pour l’amour de la passion. À tel prix que ce soit, il faut rompre mes chaînes De cr
3590 tel prix que ce soit, il faut rompre mes chaînes De crainte qu’un hymen, m’en ôtant le pouvoir, Fît d’un amour par force
3591 e crainte qu’un hymen, m’en ôtant le pouvoir, Fît d’ un amour par force un amour par devoir. C’est le plus pur langage cou
3592 rai chez elle encor le moindre accès Mes desseins de guérir n’auront point de succès. Ces « desseins de guérir » (entendo
3593 indre accès Mes desseins de guérir n’auront point de succès. Ces « desseins de guérir » (entendons : de brûler donc en fa
3594 guérir n’auront point de succès. Ces « desseins de guérir » (entendons : de brûler donc en fait : sa crainte de guérir !
3595 succès. Ces « desseins de guérir » (entendons : de brûler donc en fait : sa crainte de guérir !) sont en effet couronnés
3596 (entendons : de brûler donc en fait : sa crainte de guérir !) sont en effet couronnés de succès au cinquième acte. Cornei
3597 : sa crainte de guérir !) sont en effet couronnés de succès au cinquième acte. Corneille l’avoue plus tard, tout en feigna
3598 te. Corneille l’avoue plus tard, tout en feignant de s’en étonner, comme il se doit, dans un Examen de sa pièce : « Cet am
3599 de s’en étonner, comme il se doit, dans un Examen de sa pièce : « Cet amour de son repos n’empêche point qu’au cinquième a
3600 se doit, dans un Examen de sa pièce : « Cet amour de son repos n’empêche point qu’au cinquième acte (Alidor) ne se montre
3601 maîtresse, malgré la résolution qu’il avait prise de s’en défaire, et les trahisons qu’il lui a faites ; de sorte qu’il se
3602 ommencer à l’aimer que quand il lui a donné sujet de le haïr. » L’aveu est complet cette fois-ci. Mais dans le plan pureme
3603 e logique. « Cela fait, conclut-il, une inégalité de mœurs qui est vicieuse. » Ne nous étonnons point de cet aveuglement d
3604 mœurs qui est vicieuse. » Ne nous étonnons point de cet aveuglement de l’auteur sur son dessein réel, pourtant si parfait
3605 euse. » Ne nous étonnons point de cet aveuglement de l’auteur sur son dessein réel, pourtant si parfaitement mené à chef.
3606 t si parfaitement mené à chef. L’essence du mythe de l’amour malheureux, nous le savons, c’est une passion inavouable. L’o
3607 vons, c’est une passion inavouable. L’originalité de Corneille demeure d’avoir voulu combattre et nier cette passion dont
3608 on inavouable. L’originalité de Corneille demeure d’ avoir voulu combattre et nier cette passion dont il vivait, et ce myth
3609 et le Cid. Il a voulu sauver au moins le principe de la liberté, c’est-à-dire de la personne — sans lui sacrifier toutefoi
3610 au moins le principe de la liberté, c’est-à-dire de la personne — sans lui sacrifier toutefois les effets délicieux et to
3611  » (ici métaphorique). Bien mieux : cette volonté de liberté est devenue l’agent le plus efficace de la passion qu’elle pr
3612 é de liberté est devenue l’agent le plus efficace de la passion qu’elle prétendait guérir. D’où la tension inégalée de ce
3613 efficace de la passion qu’elle prétendait guérir. D’ où la tension inégalée de ce « théâtre du devoir » — comme le récitent
3614 ’elle prétendait guérir. D’où la tension inégalée de ce « théâtre du devoir » — comme le récitent et le réciteront toujour
3615 citeront toujours ceux qui ne sont guère capables de l’aimer… 10.Racine, ou le mythe déchaîné L’opposition classique
3616 e, ou le mythe déchaîné L’opposition classique de Racine et de Corneille se réduit à ceci, touchant le mythe : Racine p
3617 e déchaîné L’opposition classique de Racine et de Corneille se réduit à ceci, touchant le mythe : Racine part du philtr
3618 touchant le mythe : Racine part du philtre comme d’ un fait indiscutable privant ses victimes de toute espèce de responsab
3619 comme d’un fait indiscutable privant ses victimes de toute espèce de responsabilité : « C’est Vénus tout entière à sa proi
3620 indiscutable privant ses victimes de toute espèce de responsabilité : « C’est Vénus tout entière à sa proie attachée », — 
3621 qu’« une tyrannie dont il faut secouer le joug ». D’ où l’harmonie voluptueuse de l’un, et la dialectique tendue de l’autre
3622 ut secouer le joug ». D’où l’harmonie voluptueuse de l’un, et la dialectique tendue de l’autre ; l’un s’abandonnant au cou
3623 nie voluptueuse de l’un, et la dialectique tendue de l’autre ; l’un s’abandonnant au courant, l’autre lui résistant, bien
3624 ntraîné…) L’invitus invitam 154 qui fait le sujet de Bérénice, c’est une formule antique interprétée par un « moderne » da
3625 par un « moderne » dans la perspective courtoise de l’amour réciproque malheureux. Ainsi devient-elle la formule même de
3626 ue malheureux. Ainsi devient-elle la formule même de notre mythe. Mais Racine, dans ses premières pièces, raccourcit la po
3627 pièces, raccourcit la portée du mythe à la mesure d’ une psychologie exagérément « admissible ». « Je n’ai point poussé Bér
3628 it avec Énée, elle n’est pas obligée, comme elle, de renoncer à la vie. » L’on sent tout l’artifice et la faiblesse du « r
3629 « raisonnement » qui se voit opposé à la passion de la Nuit ! « Ce n’est point une nécessité qu’il y ait du sang et des m
3630 sions y soient excitées, et que tout s’y ressente de cette tristesse majestueuse qui fait tout le plaisir de la tragédie. 
3631 te tristesse majestueuse qui fait tout le plaisir de la tragédie. » Or cette « tristesse majestueuse qui fait tout le plai
3632 « tristesse majestueuse qui fait tout le plaisir de la tragédie », ce n’est que la moitié du mythe, son aspect diurne, so
3633 on aspect diurne, son reflet moral dans notre vie de créatures finies. Il y manque l’aspect nocturne, l’épanouissement mys
3634 ne, l’épanouissement mystique dans la vie infinie de la Nuit. Il y manque ce que l’on pourrait appeler, symétriquement, « 
3635 sans un appauvrissement métaphysique, générateur de confusions incalculables. Car enfin cette « tristesse » racinienne, s
3636 est dans le monde du jour, et qualifiée néanmoins de « plaisir », l’on ne voit pas en quoi ce serait davantage qu’une moro
3637 es, l’on est fondé à contester la vérité dernière de la croyance mystique (manichéenne) qui est à l’origine de la passion
3638 oyance mystique (manichéenne) qui est à l’origine de la passion et de son mythe : du moins faut-il bien reconnaître que ce
3639 manichéenne) qui est à l’origine de la passion et de son mythe : du moins faut-il bien reconnaître que cette croyance donn
3640 ui en résulte, c’est que l’obstacle est un masque de la mort, et que la mort est le gage d’une transfiguration, l’instant
3641 un masque de la mort, et que la mort est le gage d’ une transfiguration, l’instant où ce qui était la Nuit se révèle le Jo
3642 tait la Nuit se révèle le Jour absolu. Mais faute d’ atteindre cette limite, un Racine se condamne et nous condamne à goûte
3643 condamne et nous condamne à goûter une mélancolie de nature essentiellement trouble. L’Éros courtois voulait nous libérer
3644 ent trouble. L’Éros courtois voulait nous libérer de la vie matérielle par la mort ; et l’Agapè chrétienne veut sanctifier
3645 sait quel « plaisir », cela révèle en définitive d’ assez morbides complaisances à la défaite de l’esprit, à la résignatio
3646 itive d’assez morbides complaisances à la défaite de l’esprit, à la résignation des sens. Et déjà l’on pressent que cet ab
3647 cet abandon au « mal du siècle » (sécularisation de la passion) ne peut conduire Racine qu’au jansénisme, c’est-à-dire à
3648 Racine qu’au jansénisme, c’est-à-dire à la forme de mortification morose — d’autopunition dira Freud — qui se trouve la m
3649 c’est-à-dire à la forme de mortification morose —  d’ autopunition dira Freud — qui se trouve la mieux adaptée au tempéramen
3650 e conversion-là ne pourra s’opérer qu’à la faveur d’ une crise révélant à Racine lui-même la vraie nature de son délire. Ph
3651 crise révélant à Racine lui-même la vraie nature de son délire. Phèdre est un moment décisif non seulement dans la vie du
3652 is dans l’évolution du mythe à travers l’histoire de l’Europe. 11. Phèdre, ou le mythe « puni » Le thème de la mort
3653 . 11. Phèdre, ou le mythe « puni » Le thème de la mort est écarté dans Bérénice par une « censure » morale évidemmen
3654 par une « censure » morale évidemment chrétienne d’ origine. Racine ne peut ni ne veut être pleinement lucide. Car sa luci
3655 e plus secret, et sans se l’avouer. Mais la crise de sa passion pour une femme qui fut peut-être la Champmeslé, et les pre
3656 ut-être la Champmeslé, et les premières atteintes d’ une vraie foi vont le pousser comme malgré lui, et plus qu’il n’espéra
3657 algré lui, et plus qu’il n’espérait, aux extrêmes de l’aveu. Phèdre, c’est la revanche de la mort. Oui, Racine le sait ma
3658 ux extrêmes de l’aveu. Phèdre, c’est la revanche de la mort. Oui, Racine le sait maintenant, c’est une nécessité qu’il y
3659 arti du jour, la mort n’est plus que le châtiment de ses trop longues complaisances. C’est la passion, c’est sa propre pas
3660 assion, qu’il châtie en vouant à la mort la fille de Minos, et sa victime ! Racine, sous le couvert de son sujet antique,
3661 de Minos, et sa victime ! Racine, sous le couvert de son sujet antique, se punit doublement dans Phèdre. D’abord en faisan
3662 punit doublement dans Phèdre. D’abord en faisant de l’obstacle un inceste, c’est-à-dire une entrave qu’il n’est plus admi
3663 st-à-dire une entrave qu’il n’est plus admissible de vouloir vaincre. L’opinion — à laquelle Racine se montre si sensible 
3664 ar personnes interposées en refusant à la passion de Phèdre toute réciprocité de la part d’Hippolyte. Or Phèdre était écri
3665 était écrite pour Champmeslé, qui y tint le rôle de la reine. Et Hippolyte, c’est Racine tel que maintenant il se souhait
3666 ondant Phèdre et la femme qu’il aime, il se venge de l’objet de sa passion, et il se démontre à lui-même que cette passion
3667 re et la femme qu’il aime, il se venge de l’objet de sa passion, et il se démontre à lui-même que cette passion est condam
3668 e sans appel. Mais je l’ai dit, Racine à l’époque de Phèdre est encore en pleine crise, balançant devant la décision. D’où
3669 re en pleine crise, balançant devant la décision. D’ où la duplicité profonde de la pièce. La loi morale, la loi du jour qu
3670 nt devant la décision. D’où la duplicité profonde de la pièce. La loi morale, la loi du jour qu’il veut servir désormais,
3671 ine à rendre le jeune prince insensible à l’amour de Phèdre. Il déclare donc cet amour incestueux, encore que cette reine
3672 encore que cette reine ne soit que la belle-mère d’ Hippolyte. Mais le vieil homme, le Racine naturel, cherche à tourner c
3673 ment il s’y prend : en rendant Hippolyte amoureux d’ Aricie, dont on va voir qu’elle est une Phèdre déguisée. Le tour est t
3674 est très subtil. « Pour ce qui est du personnage d’ Hippolyte, écrit-il dans la Préface, j’avais remarqué dans les anciens
3675 rqué dans les anciens qu’on reprochait à Euripide de l’avoir représenté comme un philosophe exempt de toute imperfection :
3676 de l’avoir représenté comme un philosophe exempt de toute imperfection : ce qui faisait que la mort de ce jeune prince ca
3677 e toute imperfection : ce qui faisait que la mort de ce jeune prince causait beaucoup plus d’indignation que de pitié. J’a
3678 la mort de ce jeune prince causait beaucoup plus d’ indignation que de pitié. J’ai cru lui devoir donner quelque faiblesse
3679 ne prince causait beaucoup plus d’indignation que de pitié. J’ai cru lui devoir donner quelque faiblesse qui le rendrait u
3680 able envers son père, sans pourtant lui rien ôter de cette grandeur d’âme avec laquelle il épargne l’honneur de Phèdre, et
3681 re, sans pourtant lui rien ôter de cette grandeur d’ âme avec laquelle il épargne l’honneur de Phèdre, et se laisse opprime
3682 grandeur d’âme avec laquelle il épargne l’honneur de Phèdre, et se laisse opprimer sans l’accuser. J’appelle faiblesse la
3683 , qui est la fille et la sœur des ennemis mortels de son père. » Ainsi donc, Aricie, c’est « l’amour que le Père interdit 
3684 amour que le Père interdit » — un substitut voilé de l’amour incestueux155. (La psychanalyse nous a accoutumés à des dégui
3685 . Ici, comme dans le mythe, le « Destin » servira d’ alibi à la responsabilité de ceux qui aiment, et du même coup, à celle
3686 le « Destin » servira d’alibi à la responsabilité de ceux qui aiment, et du même coup, à celle de l’auteur. Ah ! Seigneur
3687 lité de ceux qui aiment, et du même coup, à celle de l’auteur. Ah ! Seigneur ! si notre heure est une fois marquée Le cie
3688 eur ! si notre heure est une fois marquée Le ciel de nos raisons ne sait point s’informer. (I, 1) Ce n’est pas ce ciel-là
3689 à tel point essentielle à la pièce, constitutive de la crise même d’où elle est née, qu’il serait bien vain d’en faire re
3690 ntielle à la pièce, constitutive de la crise même d’ où elle est née, qu’il serait bien vain d’en faire reproche à son aute
3691 se même d’où elle est née, qu’il serait bien vain d’ en faire reproche à son auteur. Il fallait Phèdre. Il fallait cet affl
3692 the au jour. Il fallait cette douloureuse poussée de la volonté de mort cherchant à se délivrer d’elle-même par l’impossib
3693 l fallait cette douloureuse poussée de la volonté de mort cherchant à se délivrer d’elle-même par l’impossible aveu, se re
3694 sée de la volonté de mort cherchant à se délivrer d’ elle-même par l’impossible aveu, se retenant, s’avouant enfin à l’inst
3695 tant où elle y renonçait — avec le mouvement même de la reine, à trois reprises156. Il fallait cela pour que l’amour-passi
3696 s l’apparition du mythe au xiie siècle, triomphe de la mort de l’amante, renversant toute la dialectique de Tristan et de
3697 ion du mythe au xiie siècle, triomphe de la mort de l’amante, renversant toute la dialectique de Tristan et de Roméo : E
3698 mort de l’amante, renversant toute la dialectique de Tristan et de Roméo : Et la mort à mes yeux dérobant la clarté Rend
3699 te, renversant toute la dialectique de Tristan et de Roméo : Et la mort à mes yeux dérobant la clarté Rend au jour qu’il
3700 ient toute sa pureté. — Elle expire, Seigneur ! —  D’ une action si noire Que ne peut avec elle expirer la mémoire ! Malgr
3701 que je puis assurer, c’est que je n’ai point fait de tragédie où la vertu soit plus mise au jour que dans celle-ci ; les m
3702 seule pensée du crime y est regardée avec autant d’ horreur que le crime même ; les faiblesses de l’amour y passent pour d
3703 tant d’horreur que le crime même ; les faiblesses de l’amour y passent pour de vraies faiblesses ; les passions n’y sont p
3704 e même ; les faiblesses de l’amour y passent pour de vraies faiblesses ; les passions n’y sont présentées aux yeux que pou
3705 e dont elles sont cause… » On est loin du dessein d’ « exciter les passions » pour « plaire » à un besoin de « tristesse ma
3706 xciter les passions » pour « plaire » à un besoin de « tristesse majestueuse ». On est tout près de Port-Royal. Racine, co
3707 rès de Port-Royal. Racine, comme Pétrarque, était de la race des troubadours qui trahissent l’Amour pour l’amour : presque
3708 i en religion. Mais notons-le : dans une religion de retraite — dernière injure peut-être au jour intolérable… 12.Éclip
3709 e français souffre ou bénéficie, comme on voudra, d’ une première éclipse du mythe dans les mœurs et la philosophie. La mis
3710 . La mise en ordre (pour ne pas dire mise au pas) de la société féodale par l’État-roi, entraîne des modifications assez p
3711 les coutumes. Le mariage redevient l’institution de base : il atteint un point d’équilibre où les siècles suivants auront
3712 vient l’institution de base : il atteint un point d’ équilibre où les siècles suivants auront grand-peine à se maintenir, e
3713 réelle ou supposée n’y ajoute guère qu’un élément d’ exquise perfection, de luxe heureux, dernière touche d’une fantaisie q
3714 ajoute guère qu’un élément d’exquise perfection, de luxe heureux, dernière touche d’une fantaisie qui sent presque l’impe
3715 uise perfection, de luxe heureux, dernière touche d’ une fantaisie qui sent presque l’impertinence. (Le xviiie la jugera v
3716 resque l’impertinence. (Le xviiie la jugera vite de mauvais goût.) La convenance des rangs et la conformité des « qualité
3717 bon mariage : curieuse analogie avec la Chine. Et de fait, c’est à partir de ce xviie siècle « rationnel » que nos mœurs
3718 nul paraisse y prendre garde, se rangent aux lois de la raison du siècle, reniant l’absolu chrétien. Les « mérites » et no
3719 non plus la grâce imprévisible décident désormais d’ une union, et rendront seuls « aimable » un parti soigneusement raison
3720 mable » un parti soigneusement raisonné. Triomphe de la morale jésuite. C’est le baroque classique qui vient emprisonner,
3721 classique qui vient emprisonner, dans l’artifice de ses pompes, le sentiment. Aussi bien, l’analyse de la passion telle q
3722 e ses pompes, le sentiment. Aussi bien, l’analyse de la passion telle que la conduit un Descartes, sa réduction à des caté
3723 tement distinctes, à des hiérarchies rationnelles de qualités, mérites et facultés, devait-elle aboutir nécessairement à l
3724 outir nécessairement à la dissolution du mythe et de son dynamisme originel. C’est que le mythe ne déploie son empire que
3725 nsgression du domaine où vaut la morale. ⁂ Le cas de Spinoza mériterait un chapitre, mais son influence sur les mœurs ne s
3726 iècles plus tard. (Il a fallu que les philosophes de Sturm und Drang le traduisissent en allemand pour les poètes, qui l’o
3727 dimanche.) Spinoza définit l’amour : un sentiment de joie accompagné de l’idée d’une cause extérieure. C’est juste en un s
3728 définit l’amour : un sentiment de joie accompagné de l’idée d’une cause extérieure. C’est juste en un seul cas, d’ailleurs
3729 amour : un sentiment de joie accompagné de l’idée d’ une cause extérieure. C’est juste en un seul cas, d’ailleurs le seul p
3730 ine, et nos plaisirs à nos douleurs. Il n’est pas de cause isolée qui nous détermine purement. Entre la joie et sa cause e
3731 hé, la vertu, notre corps, notre moi distinct. Et de là vient l’ardeur de la passion. Et de là vient que le désir d’union
3732 orps, notre moi distinct. Et de là vient l’ardeur de la passion. Et de là vient que le désir d’union totale se lie indisso
3733 stinct. Et de là vient l’ardeur de la passion. Et de là vient que le désir d’union totale se lie indissolublement au désir
3734 ardeur de la passion. Et de là vient que le désir d’ union totale se lie indissolublement au désir de la mort qui libère. C
3735 r d’union totale se lie indissolublement au désir de la mort qui libère. C’est parce que la passion n’existe pas sans la d
3736 e qui l’a séduite : « Je vous rends grâce du fond de mon cœur pour la désespérance où vous m’avez jetée, et méprise le rep
3737 eu ! Aimez-moi donc toujours, faites-moi souffrir de pires douleurs encore ! » Vers la fin du xviiie siècle, c’est une au
3738 u, c’est vraiment l’éclipse totale du Soleil noir de la Mélancolie. Les « qualités » et les « mérites » qui rendent « aima
3739 érites » qui rendent « aimable », selon les roués de la Régence et du règne de Louis XV, ne sont plus même d’ordre moral,
3740 able », selon les roués de la Régence et du règne de Louis XV, ne sont plus même d’ordre moral, mais intellectuel et physi
3741 égence et du règne de Louis XV, ne sont plus même d’ ordre moral, mais intellectuel et physique. La distinction de l’esprit
3742 al, mais intellectuel et physique. La distinction de l’esprit et de la chair, succédant à la séparation de l’esprit et de
3743 ectuel et physique. La distinction de l’esprit et de la chair, succédant à la séparation de l’esprit et de l’âme croyante,
3744 ’esprit et de la chair, succédant à la séparation de l’esprit et de l’âme croyante, aboutit à diviser l’être en intelligen
3745 a chair, succédant à la séparation de l’esprit et de l’âme croyante, aboutit à diviser l’être en intelligence et en sexe.
3746 la passion n’a plus où se prendre. Et l’on parle de « passionnettes ». Le dieu d’Amour n’est plus un dur destin mais un e
3747 ndre. Et l’on parle de « passionnettes ». Le dieu d’ Amour n’est plus un dur destin mais un enfant impertinent. Presque plu
3748 ant impertinent. Presque plus rien n’est défendu. De la pudeur, obstacle naturel, on garde ce qu’il faut pour la rhétoriqu
3749 hétorique du désir, mais non plus même pour celle de l’amour. « Belle vertu, dit Mme d’Épinay, qu’on s’attache avec des ép
3750 re qu’à la « guerre en dentelles ».) Or ce siècle de la Volupté n’est pas celui de la santé sensuelle, s’il a cru se guéri
3751 es ».) Or ce siècle de la Volupté n’est pas celui de la santé sensuelle, s’il a cru se guérir du mythe. « Les femmes de ce
3752 elle, s’il a cru se guérir du mythe. « Les femmes de ce temps n’aiment pas avec le cœur, elles aiment avec la tête », dit
3753 c la tête », dit l’abbé Galiani. Des « débauchées de l’esprit », ajoute Walpole, donnant peut-être la meilleure formule du
3754 des Richelieu et des Casanova, je suis moins sûr de leur réalité que de celle du désir qui les crée. Ce désir, les Goncou
3755 s Casanova, je suis moins sûr de leur réalité que de celle du désir qui les crée. Ce désir, les Goncourt l’ont très bien a
3756 iècle : « Au lieu de lui donner les satisfactions de l’amour sensuel et de la fixer dans la volupté, l’amour la remplit d’
3757 ui donner les satisfactions de l’amour sensuel et de la fixer dans la volupté, l’amour la remplit d’inquiétudes, la pousse
3758 t de la fixer dans la volupté, l’amour la remplit d’ inquiétudes, la pousse d’essai en essai, de tentatives en tentatives,
3759 upté, l’amour la remplit d’inquiétudes, la pousse d’ essai en essai, de tentatives en tentatives, agitant devant elle, à me
3760 emplit d’inquiétudes, la pousse d’essai en essai, de tentatives en tentatives, agitant devant elle, à mesure qu’elle fait
3761 ntation des corruptions spirituelles, un mensonge d’ idéal, le caprice insaisissable des rêves de la débauche. » Un « menso
3762 songe d’idéal, le caprice insaisissable des rêves de la débauche. » Un « mensonge d’idéal », c’est bien à quoi se résumera
3763 issable des rêves de la débauche. » Un « mensonge d’ idéal », c’est bien à quoi se résumera toujours la réaction cynique co
3764 cynique contre le mythe. Nous en avons donné plus d’ un exemple. Le xviiie est trop poli pour admettre la gauloiserie : il
3765 gauloiserie : il la remplace par une affectation de facilité voluptueuse. Cette boutade, qui réduit tout l’amour au conta
3766 Cette boutade, qui réduit tout l’amour au contact de deux épidermes, j’y vois bien moins l’affirmation d’un matérialisme i
3767 deux épidermes, j’y vois bien moins l’affirmation d’ un matérialisme inhumain qu’une preuve de la secrète persistance du my
3768 irmation d’un matérialisme inhumain qu’une preuve de la secrète persistance du mythe au cœur des hommes du xviiie . Il fal
3769 viiie . Il fallait bien que subsistât quelque peu d’ illusion amoureuse et d’idéalisme diffus, pour que Chamfort ait pu jug
3770 que subsistât quelque peu d’illusion amoureuse et d’ idéalisme diffus, pour que Chamfort ait pu juger « piquant » de noter
3771 iffus, pour que Chamfort ait pu juger « piquant » de noter cette maxime et de la publier. Cela pouvait encore étonner. Ce
3772 ait pu juger « piquant » de noter cette maxime et de la publier. Cela pouvait encore étonner. Ce n’était encore, et ce ne
3773 mythe devait faire apparaître l’antithèse absolue de Tristan. Si Don Juan n’est pas, historiquement, une invention du xvii
3774 il joué par rapport à ce personnage le rôle exact de Lucifer par rapport à la Création, dans la doctrine manichéenne : c’e
3775 imprimé pour toujours ces deux traits si typiques de l’époque : la noirceur et la scélératesse. Antithèse vraiment parfait
3776 esse. Antithèse vraiment parfaite des deux vertus de l’amour chevaleresque : la candeur et la courtoisie. ⁂ Il me semble q
3777 qu’exerce sur le cœur des femmes et sur l’esprit de certains hommes le personnage mythique de Don Juan peut s’expliquer p
3778 ’esprit de certains hommes le personnage mythique de Don Juan peut s’expliquer par sa nature infiniment contradictoire. Do
3779 an, c’est à la fois l’espèce pure, la spontanéité de l’instinct, et l’esprit pur dans sa danse éperdue au-dessus de la mer
3780 , et l’esprit pur dans sa danse éperdue au-dessus de la mer des possibles. C’est l’infidélité perpétuelle, mais c’est auss
3781 tuelle, mais c’est aussi la perpétuelle recherche d’ une femme unique, jamais rejointe par l’erreur inlassable du désir. C’
3782 ur inlassable du désir. C’est l’insolente avidité d’ une jeunesse renouvelée à chaque rencontre, et c’est aussi la secrète
3783 ue rencontre, et c’est aussi la secrète faiblesse de celui qui ne peut pas posséder, parce qu’il n’est pas assez pour avoi
3784 le Don Juan du théâtre159 comme le reflet inversé de Tristan. Le contraste est d’abord dans l’allure extérieure des person
3785 u contraire, Tristan vient en scène avec l’espèce de lenteur somnambulique de celui qu’hypnotise un objet merveilleux, don
3786 t en scène avec l’espèce de lenteur somnambulique de celui qu’hypnotise un objet merveilleux, dont il n’aura jamais épuisé
3787 n, toujours aimé, ne peut jamais aimer en retour. D’ où son angoisse et sa course éperdue. L’un recherche dans l’acte d’amo
3788 et sa course éperdue. L’un recherche dans l’acte d’ amour la volupté d’une profanation, l’autre accomplit en restant chast
3789 ue. L’un recherche dans l’acte d’amour la volupté d’ une profanation, l’autre accomplit en restant chaste la « prouesse » d
3790 t chaste la « prouesse » divinisante. La tactique de Don Juan, c’est le viol, et aussitôt remportée la victoire, il abando
3791 il abandonne le terrain, il s’enfuit. Or la règle de l’amour courtois faisait du viol précisément le crime des crimes, la
3792 crime des crimes, la félonie sans rémission ; et de l’hommage un engagement jusqu’à la mort. Mais Don Juan aime le crime
3793 ime le crime en soi, et par là se rend tributaire de la morale dont il abuse. Il a grand besoin qu’elle existe pour trouve
3794 es règles, des péchés et des vertus, par la grâce d’ une vertu qui transcende le monde de la Loi. Enfin tout se ramène à ce
3795 par la grâce d’une vertu qui transcende le monde de la Loi. Enfin tout se ramène à cette opposition : Don Juan est le dém
3796 ramène à cette opposition : Don Juan est le démon de l’immanence pure, le prisonnier des apparences du monde, le martyr de
3797 le prisonnier des apparences du monde, le martyr de la sensation de plus en plus décevante et méprisable — quand Tristan
3798 e et méprisable — quand Tristan est le prisonnier d’ un au-delà du jour et de la nuit, le martyr d’un ravissement qui se mu
3799 Tristan est le prisonnier d’un au-delà du jour et de la nuit, le martyr d’un ravissement qui se mue en joie pure à la mort
3800 ier d’un au-delà du jour et de la nuit, le martyr d’ un ravissement qui se mue en joie pure à la mort. On peut noter encore
3801 e le Commandeur lui tend la main, au dernier acte de Mozart, rachetant par cet ultime défi des lâchetés qui eussent déshon
3802 ’abdique au contraire son orgueil qu’à l’approche de la mort lumineuse. Je ne leur vois qu’un trait commun : tous deux ont
3803 trait commun : tous deux ont l’épée à la main. ⁂ De la Régence à Louis XVI, Don Juan a régné sur le rêve d’une aristocrat
3804 Régence à Louis XVI, Don Juan a régné sur le rêve d’ une aristocratie déchue de l’héroïsme féodal. Un Richelieu ou un Lauzu
3805 uan a régné sur le rêve d’une aristocratie déchue de l’héroïsme féodal. Un Richelieu ou un Lauzun dans la plus haute socié
3806 te, tels sont les parangons qui prennent la place de l’idéal détruit par le xviie siècle. Ce refoulement du mythe par l’i
3807 s plus étranges retours. Parmi tant de facilités, de raffinements intellectuels ou voluptueux, de satiétés, l’un des besoi
3808 tés, de raffinements intellectuels ou voluptueux, de satiétés, l’un des besoins les plus profonds de l’homme demeure privé
3809 , de satiétés, l’un des besoins les plus profonds de l’homme demeure privé d’assouvissement, et c’est le besoin de souffri
3810 esoins les plus profonds de l’homme demeure privé d’ assouvissement, et c’est le besoin de souffrir. Un corps social qui le
3811 emeure privé d’assouvissement, et c’est le besoin de souffrir. Un corps social qui le cultive, s’alanguit, comme l’a montr
3812 uté active les souffrances qu’il interdit au cœur de subir. Point de bonté chez qui n’a pas souffert : sa fantaisie perd l
3813 ouffrances qu’il interdit au cœur de subir. Point de bonté chez qui n’a pas souffert : sa fantaisie perd le contact vital,
3814 fantaisie perd le contact vital, et tout pouvoir de « sympathie ». La femme n’est plus pour l’homme du xviiie qu’un « ob
3815 ’autre ces extrêmes : la femme-idéal, pur symbole d’ un Amour qui entraîne l’amour au-delà des formes visibles ; et la femm
3816 r au-delà des formes visibles ; et la femme-objet de plaisir, instrument plus ou moins aimable d’une sensation qui enferme
3817 bjet de plaisir, instrument plus ou moins aimable d’ une sensation qui enferme l’homme en soi… Je distingue dans la contrad
3818 ’homme en soi… Je distingue dans la contradiction de Don Juan et de Tristan, dans la tension insupportable de l’esprit qui
3819 Je distingue dans la contradiction de Don Juan et de Tristan, dans la tension insupportable de l’esprit qui vit cette cont
3820 Juan et de Tristan, dans la tension insupportable de l’esprit qui vit cette contradiction parce qu’il subit la sensualité
3821 ensualité et désire l’idéal courtois, les données de l’œuvre de Sade, et les raisons précises de sa révolte. C’est dans le
3822 t désire l’idéal courtois, les données de l’œuvre de Sade, et les raisons précises de sa révolte. C’est dans les Crimes de
3823 nnées de l’œuvre de Sade, et les raisons précises de sa révolte. C’est dans les Crimes de l’amour que Sade nous parle de s
3824 ons précises de sa révolte. C’est dans les Crimes de l’amour que Sade nous parle de son admiration pour la poésie de Pétra
3825 st dans les Crimes de l’amour que Sade nous parle de son admiration pour la poésie de Pétrarque. Admiration traditionnelle
3826 Sade nous parle de son admiration pour la poésie de Pétrarque. Admiration traditionnelle dans sa famille, depuis le maria
3827 ent l’existence du désir et des corps, la réalité d’ un « objet ». Sade, qui est un homme du xviiie , connaît trop bien sa
3828 sera la souffrance, et la souffrance est le signe d’ un rachat. Purification par le mal : péchons jusqu’à détruire les dern
3829 négliger l’objet, détruisons-le par des tortures d’ où nous tirerons encore quelque plaisir, et cela fait partie de notre
3830 erons encore quelque plaisir, et cela fait partie de notre ascèse ! Une fureur dialectique s’empare de Sade. Le meurtre se
3831 de notre ascèse ! Une fureur dialectique s’empare de Sade. Le meurtre seul peut rétablir la liberté, mais le meurtre de ce
3832 re seul peut rétablir la liberté, mais le meurtre de ce qu’on aime, puisque c’est cela qui nous enchaîne. On ne tue bien q
3833 amour, parce que lui seul est souverain. Le crime d’ amour impur sauvera la pureté. Lisons maintenant avec cette clé la déf
3834 re scrupule les ennemis qui nuisent à ses projets de grandeur ? Des lois cruelles, arbitraires, impérieuses, pourront de m
3835 ont de même assassiner chaque siècle des millions d’ individus, et nous, faibles et malheureux particuliers, nous ne pourro
3836 à nos vengeances ou à nos caprices ? Est-il rien de si barbare, de si ridiculement étrange, et ne devons-nous pas, sous l
3837 es ou à nos caprices ? Est-il rien de si barbare, de si ridiculement étrange, et ne devons-nous pas, sous le voile du plus
3838 le du plus profond mystère, nous venger amplement de cette ineptie ? » (C’est moi qui ai souligné.) Si le marquis de Sade
3839 Sade avait été interrogé sur les mobiles secrets de sa morale, il se fût sans nul doute réfugié derrière un verbiage cyni
3840 nts : ils signifient avec exactitude le contraire de leur sens littéral161. Cette glorification du sexe est une constante
3841 sexe est une constante et rationnelle profanation de la morale profanée du xviiie . C’est la « voie négative » d’un athée
3842 e profanée du xviiie . C’est la « voie négative » d’ un athée qui désespère d’échapper à ses liens, et qui défie l’amour sp
3843 est la « voie négative » d’un athée qui désespère d’ échapper à ses liens, et qui défie l’amour spirituel de se manifester
3844 apper à ses liens, et qui défie l’amour spirituel de se manifester en tuant le criminel162. Car là seulement serait la dél
3845 roubadours… 14. La Nouvelle Héloïse Paysan de Genève, Rousseau échappe à l’influence du don-juanisme citadin, mais
3846 et qui n’est autre que le pétrarquisme. Le roman de Rousseau à proprement parler n’est pas une renaissance du mythe primi
3847 arler n’est pas une renaissance du mythe primitif de Tristan. Il n’a pas la violence sauvage de la légende, et encore moin
3848 imitif de Tristan. Il n’a pas la violence sauvage de la légende, et encore moins son arrière-plan ésotérique. Ce qui revit
3849 edia, l’heureuse mélancolie cultivée par l’ermite de Vaucluse. Qu’on relise les sommaires analytiques joints par un éditeu
3850 retrouve les situations que prévoyaient les leys de cortezia. C’est le Canzoniere mis en prose — et quelque peu embourgeo
3851 (Çà et là une citation, une allusion, témoignent de la connaissance que Rousseau avait de Pétrarque, véritable inventeur
3852 témoignent de la connaissance que Rousseau avait de Pétrarque, véritable inventeur du sentiment de la nature et du lyrism
3853 it de Pétrarque, véritable inventeur du sentiment de la nature et du lyrisme de la solitude.) Avec d’Urfé, la courtoisie a
3854 inventeur du sentiment de la nature et du lyrisme de la solitude.) Avec d’Urfé, la courtoisie avait tourné en casuistique
3855 de la nature et du lyrisme de la solitude.) Avec d’ Urfé, la courtoisie avait tourné en casuistique profane. Chez Rousseau
3856 ue profane. Chez Rousseau, elle devient une sorte de piétisme raffiné. Ici encore, la décadence est manifeste. L’Héloïse q
3857 ’après un renoncement à la passion, et cette mort de Julie est chrétienne — autant qu’il peut dépendre de Rousseau. (Il in
3858 Julie est chrétienne — autant qu’il peut dépendre de Rousseau. (Il insiste longuement, dans une lettre à son éditeur, sur
3859 re à son éditeur, sur son protestantisme et celui de ses héros : mais malgré sa sincérité, l’on ne peut que suspecter un «
3860 ne peut que suspecter un « calvinisme » qui parle de l’Être suprême et paraît ignorer le Christ.) Tout cela ne m’empêchera
3861 gnorer le Christ.) Tout cela ne m’empêchera point de confesser un goût très vif pour le style de ce roman — seul comparabl
3862 point de confesser un goût très vif pour le style de ce roman — seul comparable à l’Astrée sous ce rapport — et une admira
3863 l en attribuant à l’auteur du roman les croyances de ses personnages. Si Rousseau fut le premier à décrire ces erreurs, c’
3864 qu’il en souffrit plus que d’autres et avec plus de résolution de s’y soustraire. Mais on néglige habituellement les conc
3865 frit plus que d’autres et avec plus de résolution de s’y soustraire. Mais on néglige habituellement les conclusions de l’œ
3866 e. Mais on néglige habituellement les conclusions de l’œuvre pour ne garder que le souvenir du ton, de l’émotion et de cer
3867 de l’œuvre pour ne garder que le souvenir du ton, de l’émotion et de certaines complaisances qu’entraîne le genre romanesq
3868 ne garder que le souvenir du ton, de l’émotion et de certaines complaisances qu’entraîne le genre romanesque. Il est visib
3869 ble que Rousseau, pas plus que Pétrarque à la fin de sa vie, n’est dupe de la « religion » d’amour. Qu’on relise la grande
3870 plus que Pétrarque à la fin de sa vie, n’est dupe de la « religion » d’amour. Qu’on relise la grande lettre de Julie marié
3871 à la fin de sa vie, n’est dupe de la « religion » d’ amour. Qu’on relise la grande lettre de Julie mariée (IIIe  partie, le
3872 religion » d’amour. Qu’on relise la grande lettre de Julie mariée (IIIe  partie, lettre XVIII), analysant le passé des ama
3873 ssé des amants : on ne saurait dépister avec plus de rigueur, quoique féminine, les confusions intéressées de l’Éros et de
3874 eur, quoique féminine, les confusions intéressées de l’Éros et de l’Agapè. « La vertu est si nécessaire à nos cœurs que, q
3875 féminine, les confusions intéressées de l’Éros et de l’Agapè. « La vertu est si nécessaire à nos cœurs que, quand on a une
3876 tient plus fortement peut-être, parce qu’elle est de notre choix. » Toutefois, l’on n’a pas tort d’attribuer au « climat »
3877 st de notre choix. » Toutefois, l’on n’a pas tort d’ attribuer au « climat » de la Nouvelle Héloïse, si nouveau pour le xvi
3878 fois, l’on n’a pas tort d’attribuer au « climat » de la Nouvelle Héloïse, si nouveau pour le xviiie siècle, une faculté d
3879 e, si nouveau pour le xviiie siècle, une faculté de contagion contre laquelle les conclusions de l’auteur ne pouvaient ri
3880 ulté de contagion contre laquelle les conclusions de l’auteur ne pouvaient rien. Et là, c’est bien le mythe qui reparaît,
3881 je ne t’aime plus ? Quel doute !… » Il s’effraye de l’équivoque du soupir, mais n’en conclut pas moins avec une sorte de
3882 oupir, mais n’en conclut pas moins avec une sorte de dépit à peine voilé : « J’ai pris pour toi des sentiments plus paisib
3883 les, il est vrai, mais plus affectueux et de plus de différentes espèces… Les douceurs de l’amitié tempèrent les emporteme
3884 x et de plus de différentes espèces… Les douceurs de l’amitié tempèrent les emportements de l’amour… » Le Tristan qui se r
3885 s douceurs de l’amitié tempèrent les emportements de l’amour… » Le Tristan qui se réveille en lui après la « faute » de la
3886 Tristan qui se réveille en lui après la « faute » de la possession, se passerait bien de ces douceurs paisibles… Lui aussi
3887 la « faute » de la possession, se passerait bien de ces douceurs paisibles… Lui aussi désirait brûler, et non pas rassasi
3888 er les obstacles les plus gratuits, les prétextes de séparation, les situations voluptueusement inextricables. D’où l’insi
3889 on, les situations voluptueusement inextricables. D’ où l’insistance pénible et, dès cette date, quelque peu excessive me s
3890 elque peu excessive me semble-t-il, sur la roture de Saint-Preux, laquelle est censée interdire toute possibilité d’union
3891 , laquelle est censée interdire toute possibilité d’ union légale. D’où encore l’assimilation du préjugé social et des exig
3892 ensée interdire toute possibilité d’union légale. D’ où encore l’assimilation du préjugé social et des exigences d’une vert
3893 l’assimilation du préjugé social et des exigences d’ une vertu déclarée religieuse par opportunité. Mais on distingue les m
3894 portunité. Mais on distingue les mobiles inavoués de la confusion. Au xiie siècle, c’était la loi de courtoisie qui impos
3895 de la confusion. Au xiie siècle, c’était la loi de courtoisie qui imposait la chasteté ; ici, c’est la coutume bourgeois
3896 c’est la coutume bourgeoise. Mais sous le couvert de l’une et de l’autre, c’est toujours le mythe qui agit. Dans la lettre
3897 tume bourgeoise. Mais sous le couvert de l’une et de l’autre, c’est toujours le mythe qui agit. Dans la lettre déjà citée
3898 vertu bourgeoise trop souvent invoquée. Et ainsi de suite : il serait aisé de reprendre, à propos de la Nouvelle Héloïse,
3899 vent invoquée. Et ainsi de suite : il serait aisé de reprendre, à propos de la Nouvelle Héloïse, toute notre exégèse de Tr
3900 ropos de la Nouvelle Héloïse, toute notre exégèse de Tristan, notre dialectique de l’obstacle. Il y a pourtant cette diffé
3901 toute notre exégèse de Tristan, notre dialectique de l’obstacle. Il y a pourtant cette différence capitale que Rousseau ab
3902 âme sentimental — et non mystique164 — des amants de la Nouvelle Héloïse, que le romantisme va tâcher de rejoindre une mys
3903 la Nouvelle Héloïse, que le romantisme va tâcher de rejoindre une mystique primitive qu’il ignore, mais dont il redécouvr
3904 se dégrader, s’humaniser, s’analyser en éléments de moins en moins mystérieux ; enfin Racine l’abat, non sans avoir reçu
3905 reuse blessure. Et Don Juan bondit sur la scène : de Molière à Mozart, c’est la grande éclipse du mythe. Mais à partir du
3906 a grande éclipse du mythe. Mais à partir du roman de Rousseau, qui naît comme en marge du siècle, nous allons parcourir le
3907 min en sens inverse : par Werther, cette réplique d’ Héloïse mais qui finit beaucoup plus mal — se rapprochant du modèle pr
3908 ean-Paul, à Hölderlin, à Novalis. Dans la panique de la Révolution, de la Terreur, des guerres européennes, certains aveux
3909 lin, à Novalis. Dans la panique de la Révolution, de la Terreur, des guerres européennes, certains aveux deviennent possib
3910 ouffrances osent enfin dire leur nom. L’adoration de la Nuit et de la Mort accède pour la première fois au plan de la cons
3911 nt enfin dire leur nom. L’adoration de la Nuit et de la Mort accède pour la première fois au plan de la conscience lyrique
3912 t de la Mort accède pour la première fois au plan de la conscience lyrique. Napoléon à peine vaincu, voici l’envahissement
3913 e. Napoléon à peine vaincu, voici l’envahissement de l’Europe par une plus insidieuse tyrannie. Jusqu’au jour où Wagner, d
3914 dire l’indicible, elle a forcé le dernier mystère de Tristan. Mon propos n’est point de recenser les innombrables manifest
3915 ernier mystère de Tristan. Mon propos n’est point de recenser les innombrables manifestations du mythe dans nos littératur
3916 os littératures, surtout modernes, mais seulement de poser des jalons et de réduire certaines contradictions tout apparent
3917 t modernes, mais seulement de poser des jalons et de réduire certaines contradictions tout apparentes. On me pardonnera de
3918 contradictions tout apparentes. On me pardonnera de ne point multiplier les preuves de l’évidente renaissance du thème co
3919 me pardonnera de ne point multiplier les preuves de l’évidente renaissance du thème courtois — donc de l’amour réciproque
3920 e l’évidente renaissance du thème courtois — donc de l’amour réciproque malheureux — chez tous les romantiques allemands s
3921 ur nudité même, je sens trop bien qu’ils risquent de prendre figure d’arguments, à cet endroit de notre voyage, du seul fa
3922 sens trop bien qu’ils risquent de prendre figure d’ arguments, à cet endroit de notre voyage, du seul fait de leur trop pa
3923 uent de prendre figure d’arguments, à cet endroit de notre voyage, du seul fait de leur trop parfaite convenance à nos déf
3924 ents, à cet endroit de notre voyage, du seul fait de leur trop parfaite convenance à nos définitions du mythe…) Lettre de
3925 e convenance à nos définitions du mythe…) Lettre de Diotima à Hölderlin : Hier soir, j’ai longuement réfléchi sur la pas
3926 t réfléchi sur la passion. Sans doute, la passion de l’amour suprême ne trouve jamais son accomplissement ici-bas ! Compre
3927 ’autre et la foi dans la toute-puissante divinité de l’Amour qui à jamais nous guidera, invisible, et renforcera sans cess
3928 cera sans cesse notre union166. Journal intime de Novalis : Lorsque j’étais sur le tombeau [de sa fiancée] la pensée m’
3929 time de Novalis : Lorsque j’étais sur le tombeau [ de sa fiancée] la pensée m’est venue que ma mort donnerait à l’humanité
3930 nue que ma mort donnerait à l’humanité un exemple de fidélité éternelle, et qu’elle instaurerait, en quelque sorte, la pos
3931 le instaurerait, en quelque sorte, la possibilité d’ aimer comme je l’ai fait. Lorsqu’on fuit la douleur, c’est qu’on ne ve
3932 gement n’était pas pris pour ce monde… Maximes de Novalis : Toutes les passions finissent comme une tragédie, tout ce q
3933 é finit par la mort, toute poésie a quelque chose de tragique. Une union qui est conclue même pour la mort est un mariage
3934 plus doux ; pour le vivant, la mort est une nuit de noces, un secret de doux mystères. L’ivresse des sens appartient peut
3935 vivant, la mort est une nuit de noces, un secret de doux mystères. L’ivresse des sens appartient peut-être à l’amour comm
3936 eu n’a rien à faire avec la Nature, il est le but de la Nature, l’élément avec lequel elle doit un jour s’harmoniser. Nous
3937 jour s’harmoniser. Nous sommes des esprits émanés de Dieu, des germes divins. Un jour nous deviendrons ce que notre Père e
3938 ptiale ! Et l’on devrait citer toutes les œuvres de Tieck, définissant l’amour comme « une maladie du désir, une divine l
3939 du désir, une divine langueur168… » L’exaltation de la mort volontaire, amoureuse et divinisante, voilà le thème religieu
3940 nisante, voilà le thème religieux le plus profond de cette nouvelle hérésie albigeoise que fut le romantisme allemand. La
3941 d. La mort est le but idéal des « hommes élevés » de la Loge invisible de Jean-Paul. Elle se confond avec l’amour chez Nov
3942 idéal des « hommes élevés » de la Loge invisible de Jean-Paul. Elle se confond avec l’amour chez Novalis. Elle fut pour K
3943 pour Kleist « le seul accomplissement » possible d’ une « passion d’amour suprême » à laquelle se refusait son corps. Mais
3944 e seul accomplissement » possible d’une « passion d’ amour suprême » à laquelle se refusait son corps. Mais les poètes ne s
3945 ilosophe comme Schubert spécule sur le Nachtseite de l’existence. Fichte lui-même donne la définition de l’amour-par-essen
3946 l’existence. Fichte lui-même donne la définition de l’amour-par-essence-impossible, le vrai amour qui repousse tout objet
3947 r s’élancer à l’infini. C’est, dit-il, « le désir de quelque chose d’entièrement inconnu, qui se révèle uniquement par un
3948 nfini. C’est, dit-il, « le désir de quelque chose d’ entièrement inconnu, qui se révèle uniquement par un besoin, par un ma
3949 soin, par un malaise, par un vide, à la recherche de ce qui le comblerait, mais ignorant d’où cela peut venir… » Hoffmann
3950 recherche de ce qui le comblerait, mais ignorant d’ où cela peut venir… » Hoffmann ne dit pas autre chose lorsqu’il baptis
3951 claire sans consumer, toute la félicité ineffable de la vie supérieure, germée au plus secret de l’âme. L’esprit déploie m
3952 fable de la vie supérieure, germée au plus secret de l’âme. L’esprit déploie mille antennes toutes vibrantes de désir, tis
3953 L’esprit déploie mille antennes toutes vibrantes de désir, tisse son filet autour de celle qui est apparue, et elle est à
3954 st à lui… et elle n’est jamais à lui, car la soif de son aspiration est à jamais insatiable. » C’est toute l’aventure des
3955 elle hérésie passionnelle, la transgression rêvée de toutes limites, et le suprême désir qui nie le monde. Ainsi revivent
3956 le suprême désir qui nie le monde. Ainsi revivent de tous côtés et se rassemblent les éléments épars du mythe, que Wagner
3957 our le recréer dans une synthèse définitive. Rien d’ étonnant si le premier poème inspiré par le souvenir des cathares et d
3958 ier poème inspiré par le souvenir des cathares et de leur mystique fut composé par l’un des plus purs romantiques : c’est
3959 s purs romantiques : c’est l’épopée des albigeois de Lenau. On peut y lire ces vers qui sont une sorte de profession de fo
3960 Lenau. On peut y lire ces vers qui sont une sorte de profession de foi de la « religion nouvelle » rêvée par Novalis et se
3961 y lire ces vers qui sont une sorte de profession de foi de la « religion nouvelle » rêvée par Novalis et ses amis : Elle
3962 ces vers qui sont une sorte de profession de foi de la « religion nouvelle » rêvée par Novalis et ses amis : Elle aussi,
3963 ieu ! ce cri puissant retentira Comme un tonnerre de joie à travers la nuit de printemps ! 16.Intériorisation du mythe
3964 ntira Comme un tonnerre de joie à travers la nuit de printemps ! 16.Intériorisation du mythe Le rythme intime du ro
3965 du romantisme allemand, la diastole et la systole de son cœur, c’est l’enthousiasme et la tristesse métaphysique. C’est la
3966 tesse métaphysique. C’est la dialectique abyssale de l’hérésie manichéenne, le renversement perpétuel du jour en Nuit et d
3967 nne, le renversement perpétuel du jour en Nuit et de la nuit en Jour. Le même élan qui portait l’âme vers la lumière et l’
3968 ière et l’unité divine, considéré du point de vue de ce monde n’est plus qu’un élan vers la mort, une séparation essentiel
3969 , une séparation essentielle. Tel est le tragique de l’Ironie transcendantale, ce mouvement perpétuel du romantisme, cette
3970 ours, l’endiosada des mystiques espagnols, la joy d’ amor dans son délire dionysiaque. Il en jaillit perpétuellement, au po
3971 . Il en jaillit perpétuellement, au point suprême de son élévation, des fantaisies extravagantes. Il y a une gaieté romant
3972 ntique, comme il y a un attendrissement : moments de détente, entre deux élancements contradictoires, retours au monde… C’
3973 ontradictoires, retours au monde… C’est ce moment de joie bizarre, né de l’ironie métaphysique, qui fait défaut au romanti
3974 urs au monde… C’est ce moment de joie bizarre, né de l’ironie métaphysique, qui fait défaut au romantisme français. Ici, l
3975 a trop vite au but. La France de la Révolution et de l’Empire n’a plus d’énergie disponible pour la spéculation spirituell
3976 a France de la Révolution et de l’Empire n’a plus d’ énergie disponible pour la spéculation spirituelle : elle n’a point de
3977 pour la spéculation spirituelle : elle n’a point de « religion nouvelle », point de philosophes romantiques169, peu ou po
3978  : elle n’a point de « religion nouvelle », point de philosophes romantiques169, peu ou point de métaphysique, et peu ou p
3979 point de philosophes romantiques169, peu ou point de métaphysique, et peu ou point de fantaisie — cette surabondance de l’
3980 69, peu ou point de métaphysique, et peu ou point de fantaisie — cette surabondance de l’esprit exalté par son propre dram
3981 et peu ou point de fantaisie — cette surabondance de l’esprit exalté par son propre drame. ⁂ Le romantisme en France n’aur
3982 omantisme en France n’aura guère débordé le champ de la psychologie individuelle. Il y gagne une lucidité qui le conduit p
3983 un vrai romantique : L’enthousiasme errant, fils de la pâle Nuit. Et la célèbre invocation : « Levez-vous vite, orages dé
3984 désirés qui devez emporter René dans les espaces d’ une autre vie », c’est le chant pur de la passion de la Nuit. Mais il
3985 les espaces d’une autre vie », c’est le chant pur de la passion de la Nuit. Mais il n’est point d’aube mystique à l’horizo
3986 une autre vie », c’est le chant pur de la passion de la Nuit. Mais il n’est point d’aube mystique à l’horizon spirituel, n
3987 pur de la passion de la Nuit. Mais il n’est point d’ aube mystique à l’horizon spirituel, ni de véritable joie d’amour au s
3988 t point d’aube mystique à l’horizon spirituel, ni de véritable joie d’amour au sommet de ces élancements. Le moi n’est jam
3989 tique à l’horizon spirituel, ni de véritable joie d’ amour au sommet de ces élancements. Le moi n’est jamais transcendé, il
3990 spirituel, ni de véritable joie d’amour au sommet de ces élancements. Le moi n’est jamais transcendé, il se refuse à l’ill
3991 is transcendé, il se refuse à l’illusion dernière d’ une libération cosmique. Il retombe, désenchanté, à l’analyse de sa tr
3992 on cosmique. Il retombe, désenchanté, à l’analyse de sa tristesse et de son impuissance lucide. Romantisme mûri, désabusé,
3993 ombe, désenchanté, à l’analyse de sa tristesse et de son impuissance lucide. Romantisme mûri, désabusé, l’on serait même t
3994 Romantisme mûri, désabusé, l’on serait même tenté de dire : trop rigoureux… Auprès de lui, Jean-Paul et Novalis feront tou
3995 lui, Jean-Paul et Novalis feront toujours figure d’ adolescents. Le goût de la mort, chez les Allemands, exalte la saveur
3996 lis feront toujours figure d’adolescents. Le goût de la mort, chez les Allemands, exalte la saveur de vivre : c’est peut-ê
3997 de la mort, chez les Allemands, exalte la saveur de vivre : c’est peut-être qu’il est plus « naïf », plus assuré de la ré
3998 st peut-être qu’il est plus « naïf », plus assuré de la réalité de son au-delà. Voyez-les se reprendre sans cesse aux form
3999 u’il est plus « naïf », plus assuré de la réalité de son au-delà. Voyez-les se reprendre sans cesse aux formes désirables
4000 les se reprendre sans cesse aux formes désirables de la terre, oublier, plaisanter follement, tout ardents de curiosité ;
4001 erre, oublier, plaisanter follement, tout ardents de curiosité ; d’une merveilleuse inconséquence… Ce qui appauvrit le rom
4002 plaisanter follement, tout ardents de curiosité ; d’ une merveilleuse inconséquence… Ce qui appauvrit le romantique françai
4003 70. René s’amuse un jour à effeuiller une branche de saule sur un ruisseau, attachant une idée à chaque feuille que le cou
4004 s’intéresse aux accidents qui menacent les débris de son rameau… On croit lire un poète allemand, on va retrouver la riche
4005 e et se juge ridicule : « Voilà donc à quel degré de puérilité notre superbe raison peut descendre ! » Et c’est la « super
4006 n des hommes attachent leur destinée à des choses d’ aussi peu de valeur que mes feuilles de saule ». (Le reste de la page,
4007 des choses d’aussi peu de valeur que mes feuilles de saule ». (Le reste de la page, admirable, jusqu’aux fameux orages dés
4008 de valeur que mes feuilles de saule ». (Le reste de la page, admirable, jusqu’aux fameux orages désirés171.) ⁂ « Pour ces
4009 l’amour ne sera pas longtemps félicité ineffable de la vie supérieure » dont parle E. T. A. Hoffmann ; mais plutôt cet am
4010 aciturne et toujours menacé » des plus beaux vers de Vigny. Cette absence d’intérêt naïf pour les formes quotidiennes de l
4011 acé » des plus beaux vers de Vigny. Cette absence d’ intérêt naïf pour les formes quotidiennes de la vie facilitera le déta
4012 sence d’intérêt naïf pour les formes quotidiennes de la vie facilitera le détachement de l’esprit, la purification abstrai
4013 quotidiennes de la vie facilitera le détachement de l’esprit, la purification abstraite du sentiment. Les êtres et les ch
4014 percés par un regard désabusé, cesseront bientôt d’ être les vrais obstacles. Et le mythe, appauvri de ses formes extérieu
4015 d’être les vrais obstacles. Et le mythe, appauvri de ses formes extérieures, deviendra ce qu’il est en son principe : une
4016 ené ; il reste encore des désirs et l’on n’a plus d’ illusions… On habite, avec un cœur plein, un monde vide. » Alors la fe
4017 , un monde vide. » Alors la femme elle-même cesse d’ être le symbole indispensable de la nostalgie passionnée. Dans l’Oberm
4018 e elle-même cesse d’être le symbole indispensable de la nostalgie passionnée. Dans l’Obermann de Sénancour, l’« obstacle »
4019 Iseut pour elle-même, mais seulement pour l’amour de l’Amour dont sa beauté lui offrait une image. Lui pourtant l’ignorait
4020 ame se passe en eux, entre les lois inacceptables de la vie terrestre et finie, et le désir d’une transgression de nos lim
4021 ptables de la vie terrestre et finie, et le désir d’ une transgression de nos limites, mortelle mais divinisante. Rares son
4022 rrestre et finie, et le désir d’une transgression de nos limites, mortelle mais divinisante. Rares sont toutefois les roma
4023 , exacte, et plus proche qu’on ne pourrait croire de la mystique négative. La plupart reviendront aux illusions de l’amour
4024 ue négative. La plupart reviendront aux illusions de l’amour humain, sans retrouver pourtant la forte naïveté du mythe. Il
4025 ir social, ou la vertu, ou le secret mélancolique de l’amant, ou quelque scrupule religieux, enfin le narcissisme avoué… I
4026 rdissent, et que tout élément « sacré » disparaît de la vie sociale. 17.Stendhal, ou le fiasco du sublime Homme du x
4027 dhal nous offre un exemple parfait pour l’analyse de la profanation du mythe. Voici un homme que le besoin de la passion t
4028 rofanation du mythe. Voici un homme que le besoin de la passion tourmente : il a découvert dans son « âme », c’est-à-dire
4029 mer passionnément, ce serait vivre ! Il s’imagine de très bonne foi qu’un tel besoin relève de la nature physique. (Et il
4030 imagine de très bonne foi qu’un tel besoin relève de la nature physique. (Et il a même là-dessus sa petite explication mat
4031 te du mythe dans son esprit, une habitude héritée de la culture, et spécialement de la littérature, puisque mystique et re
4032 e habitude héritée de la culture, et spécialement de la littérature, puisque mystique et religion, pour lui, sont mortes.
4033 ligion, pour lui, sont mortes. Mais il est obligé de constater que ce désir de passion, et la passion elle-même dans le mo
4034 tes. Mais il est obligé de constater que ce désir de passion, et la passion elle-même dans le monde où il vit, sont condam
4035 mnés par la raison et par le scepticisme général. D’ où le besoin qu’il éprouve de justifier ce besoin : d’où son fameux tr
4036 scepticisme général. D’où le besoin qu’il éprouve de justifier ce besoin : d’où son fameux traité De l’Amour. Aux première
4037 le besoin qu’il éprouve de justifier ce besoin : d’ où son fameux traité De l’Amour. Aux premières lignes de la préface vo
4038 e de justifier ce besoin : d’où son fameux traité De l’Amour. Aux premières lignes de la préface vous le sentez en pleine
4039 on fameux traité De l’Amour. Aux premières lignes de la préface vous le sentez en pleine polémique : « Quoiqu’il traite de
4040 e sentez en pleine polémique : « Quoiqu’il traite de l’amour, ce petit volume n’est point un roman, et surtout n’est pas a
4041 ut uniment une description exacte et scientifique d’ une sorte de folie très rare en France… » Stendhal baptise cette folie
4042 ne description exacte et scientifique d’une sorte de folie très rare en France… » Stendhal baptise cette folie : l’amour-p
4043 assion, l’amour-goût, l’amour physique et l’amour de vanité. Le premier seul trouve grâce aux yeux de l’auteur. La théorie
4044 de vanité. Le premier seul trouve grâce aux yeux de l’auteur. La théorie de la cristallisation doit l’expliquer. « Ce que
4045 eul trouve grâce aux yeux de l’auteur. La théorie de la cristallisation doit l’expliquer. « Ce que j’appelle cristallisati
4046 que j’appelle cristallisation, c’est l’opération de l’esprit qui tire de tout ce qui se présente la découverte que l’obje
4047 llisation, c’est l’opération de l’esprit qui tire de tout ce qui se présente la découverte que l’objet aimé a de nouvelles
4048 qui se présente la découverte que l’objet aimé a de nouvelles perfections. » Ainsi aux mines de sel de Salzburg, lorsqu’o
4049 imé a de nouvelles perfections. » Ainsi aux mines de sel de Salzburg, lorsqu’on jette un rameau dans l’eau profonde, on le
4050 e nouvelles perfections. » Ainsi aux mines de sel de Salzburg, lorsqu’on jette un rameau dans l’eau profonde, on le retrou
4051 profonde, on le retrouve trois mois après « garni d’ une infinité de diamants mobiles et éblouissants ». Tomber amoureux, d
4052 retrouve trois mois après « garni d’une infinité de diamants mobiles et éblouissants ». Tomber amoureux, dans cette théor
4053 ement. Et pourquoi cela ? Parce que l’on a besoin d’ aimer, et qu’on ne peut aimer que la beauté. Disons plus simplement qu
4054 mier172 que cette célèbre théorie revient à faire de l’amour passionné une simple erreur. « Non point que la passion se tr
4055 ur… Le cas Stendhal n’est pas douteux : il s’agit d’ un homme qui n’aimait pas réellement, et qui surtout ne fut pas réelle
4056 voit amené à définir l’amour comme « une maladie de l’esprit » — dans la pure tradition antique, sauf qu’il s’affirme heu
4057 e tradition antique, sauf qu’il s’affirme heureux d’ être malade. Le voici donc dans la situation d’un médecin qui étudie s
4058 ux d’être malade. Le voici donc dans la situation d’ un médecin qui étudie sur lui-même les progrès et les singularités d’u
4059 udie sur lui-même les progrès et les singularités d’ un mal qu’il ne croit pas mortel173. Une chose me frappe : sa descript
4060 ne chose me frappe : sa description est admirable de vivacité, d’exactitude, parfois de profondeur ; mais elle est totalem
4061 rappe : sa description est admirable de vivacité, d’ exactitude, parfois de profondeur ; mais elle est totalement pessimist
4062 est admirable de vivacité, d’exactitude, parfois de profondeur ; mais elle est totalement pessimiste — puisque aussi bien
4063 alement pessimiste — puisque aussi bien il s’agit d’ une erreur et dont il se désole d’être tiré. D’où peut provenir ce pes
4064 bien il s’agit d’une erreur et dont il se désole d’ être tiré. D’où peut provenir ce pessimisme incompatible avec la conce
4065 it d’une erreur et dont il se désole d’être tiré. D’ où peut provenir ce pessimisme incompatible avec la conception de la v
4066 nir ce pessimisme incompatible avec la conception de la vie qu’il s’était faite ? C’est la question qu’il ne se pose jamai
4067 en : « Le plaisir ne produit pas la moitié autant d’ impression que la douleur, ensuite, outre ce désagrément dans la quant
4068 r, ensuite, outre ce désagrément dans la quantité d’ émotion, la sympathie est au moins la moitié moins excitée par la pein
4069 excitée par la peinture du bonheur que par celle de l’infortune. » Et encore : « Une âme faite pour les passions sent d’a
4070 Un Grec ressuscité ne s’en étonnerait pas moins. D’ où nous viennent donc ce goût et ce dégoût bizarres ? Ne sont-ils pas
4071 ne se pose pas la question, n’étant pas en mesure de la résoudre. En matérialiste grossier — c’est la bonne espèce, la plu
4072 rime simplement tout problème, grâce à sa théorie de la cristallisation, donc de l’erreur. Ce qui explique la passion, à s
4073 e, grâce à sa théorie de la cristallisation, donc de l’erreur. Ce qui explique la passion, à son avis, c’est une erreur fa
4074 ène, dit-il, vient de la nature qui nous commande d’ avoir du plaisir et qui nous envoie le sang au cerveau. » Voilà donc l
4075 n amour qui, loin de se tromper, est seul capable de découvrir dans l’être aimé les qualités réelles qui s’y cachent. De p
4076 i s’y cachent. De plus, n’est-ce point là le type d’ une solution verbale ? Car dire que la passion est une erreur — elle l
4077 erreur. L’instinct ou la nature n’ont pas coutume de se tromper de la sorte… S’il y a erreur, elle ne peut venir que de l’
4078 inct ou la nature n’ont pas coutume de se tromper de la sorte… S’il y a erreur, elle ne peut venir que de l’esprit. La vér
4079 la sorte… S’il y a erreur, elle ne peut venir que de l’esprit. La vérité, c’est que Stendhal est la victime d’un phénomène
4080 rit. La vérité, c’est que Stendhal est la victime d’ un phénomène spirituel que ses croyances matérialistes ne sont plus en
4081 es croyances matérialistes ne sont plus en mesure de justifier. Victime heureuse d’ailleurs, et cela suffit à l’empêcher d
4082 heureuse d’ailleurs, et cela suffit à l’empêcher de pousser plus avant son enquête. Qu’est-ce que ce livre qu’il nous lai
4083 ce que ce livre qu’il nous laisse ? Le témoignage d’ une inquiétude qu’éprouve l’esprit lucide devant le mythe : non qu’il
4084 en Provence au xiie siècle, et reproduit le code d’ amour courtois en appendice. (Raynouard et Fauriel venaient de provoqu
4085 t conduite entre les deux sexes sur les principes de la justice… » Il finira, bien entendu, par les citer, ces anecdotes.
4086 seule qui remplis toute mon âme, suprême volupté d’ amour ! » L’homme qui a écrit cela (dans Tristan et Isolde) savait q
4087 l’erreur : qu’elle est une décision fondamentale de l’être, un choix en faveur de la Mort, si la Mort est la libération d
4088 n faveur de la Mort, si la Mort est la libération d’ un monde ordonné par le mal. Mais l’audace de cette œuvre est de celle
4089 tion d’un monde ordonné par le mal. Mais l’audace de cette œuvre est de celles qui ne peuvent être tolérées qu’à la faveur
4090 onné par le mal. Mais l’audace de cette œuvre est de celles qui ne peuvent être tolérées qu’à la faveur d’une totale mépri
4091 elles qui ne peuvent être tolérées qu’à la faveur d’ une totale méprise, organisée et entretenue par une sorte de consensus
4092 le méprise, organisée et entretenue par une sorte de consensus social, d’aveuglement tout à la fois juré et inconscient. À
4093 et entretenue par une sorte de consensus social, d’ aveuglement tout à la fois juré et inconscient. À force de l’entendre
4094 es, voilà qui est significatif au plus haut point de la nécessité sociale des mythes. (Mensonges d’autodéfense d’une socié
4095 nt de la nécessité sociale des mythes. (Mensonges d’ autodéfense d’une société qui veut sauver sa forme, tandis que les ind
4096 sité sociale des mythes. (Mensonges d’autodéfense d’ une société qui veut sauver sa forme, tandis que les individus qui la
4097 composent se prêtent obscurément, sous le couvert d’ un refus, aux passions qui tendent à sa perte.) En composant Tristan,
4098 tabou : il a tout dit, tout avoué par les paroles de son livret, et plus encore par sa musique. Il a chanté la Nuit de la
4099 t plus encore par sa musique. Il a chanté la Nuit de la dissolution des formes et des êtres, la libération du désir, l’ana
4100 pusculaire, immensément plaintive et bienheureuse de l’âme sauvée par la blessure mortelle du corps. Mais le sens maléfiqu
4101 lessure mortelle du corps. Mais le sens maléfique de ce message, il fallait le nier pour pouvoir l’accueillir, il fallait
4102 l fallait à tout prix le travestir, l’interpréter d’ une manière tolérable, c’est-à-dire au nom du bon sens. Du mystère bou
4103 -dire au nom du bon sens. Du mystère bouleversant de la Nuit et de la destruction des corps, l’on a fait la « sublimation 
4104 u bon sens. Du mystère bouleversant de la Nuit et de la destruction des corps, l’on a fait la « sublimation » d’un pauvre
4105 ruction des corps, l’on a fait la « sublimation » d’ un pauvre secret du plein jour : l’attrait des sexes, la loi tout anim
4106 t et complètement ne saurait d’ailleurs témoigner d’ une vitalité sociale exceptionnelle ; c’est plutôt la frivolité du pub
4107 ourd, et pour tout dire sa faculté exceptionnelle de ne pas entendre ce qu’on lui chante, qui ont facilité l’opération. Ai
4108 nde du jour : haine, orgueil, et violence barbare de l’honneur féodal, jusqu’au crime. Isolde veut venger l’affront subi.
4109 re à Tristan est destiné à le faire mourir : mais d’ une mort que l’Amour condamne, d’une mort selon les lois du jour et de
4110 re mourir : mais d’une mort que l’Amour condamne, d’ une mort selon les lois du jour et de la vengeance, brutale, accidente
4111 ur condamne, d’une mort selon les lois du jour et de la vengeance, brutale, accidentelle, privée de sens mystique. Or la M
4112 et de la vengeance, brutale, accidentelle, privée de sens mystique. Or la Minne suprême inspire à Brangaine l’erreur qui d
4113 aine l’erreur qui doit sauver l’Amour. Au philtre de mort, elle substitue le breuvage d’initiation. Ainsi l’étreinte uniqu
4114 r. Au philtre de mort, elle substitue le breuvage d’ initiation. Ainsi l’étreinte unique de Tristan et d’Isolde, aussitôt q
4115 le breuvage d’initiation. Ainsi l’étreinte unique de Tristan et d’Isolde, aussitôt qu’ils ont bu, c’est le baiser unique d
4116 initiation. Ainsi l’étreinte unique de Tristan et d’ Isolde, aussitôt qu’ils ont bu, c’est le baiser unique du sacrement ca
4117 rs cœurs. Les initiés pénètrent au monde nocturne de l’extase libératrice. Et le jour qui revient avec le cortège royal et
4118 , le jour ne pourra plus les ressaisir : au terme de l’épreuve qu’il va leur imposer — c’est la passion — ils ont déjà pre
4119 autre mort, celle qui est le seul accomplissement de leur amour. Le deuxième acte est le chant de la passion des âmes pris
4120 ment de leur amour. Le deuxième acte est le chant de la passion des âmes prisonnières des formes. Tous les obstacles surmo
4121 surmontés, quand les amants sont seuls enveloppés de ténèbres, c’est le désir charnel qui les sépare encore. Ils sont ense
4122 ensemble et pourtant ils sont deux. Il y a ce et de Tristan « et » Isolde qui signifie leur dualité créée. À ce moment la
4123 seule peut exprimer la certitude et la substance de cette double nostalgie d’être un. Car seule elle détient le pouvoir d
4124 rtitude et la substance de cette double nostalgie d’ être un. Car seule elle détient le pouvoir d’harmoniser la plainte de
4125 lgie d’être un. Car seule elle détient le pouvoir d’ harmoniser la plainte de deux voix, et d’en faire une plainte unique o
4126 e elle détient le pouvoir d’harmoniser la plainte de deux voix, et d’en faire une plainte unique où déjà vibre la réalité
4127 pouvoir d’harmoniser la plainte de deux voix, et d’ en faire une plainte unique où déjà vibre la réalité d’un indicible au
4128 faire une plainte unique où déjà vibre la réalité d’ un indicible au-delà d’espérance. Et c’est pourquoi le leitmotiv du du
4129 e où déjà vibre la réalité d’un indicible au-delà d’ espérance. Et c’est pourquoi le leitmotiv du duo d’amour est déjà celu
4130 ’espérance. Et c’est pourquoi le leitmotiv du duo d’ amour est déjà celui de la mort. Encore une fois revient le jour : le
4131 urquoi le leitmotiv du duo d’amour est déjà celui de la mort. Encore une fois revient le jour : le traître Mélot174 blesse
4132 aincu, elle vole au jour son apparente victoire : de cette blessure par où la vie s’écoule, elle fait le gage de la suprêm
4133 lessure par où la vie s’écoule, elle fait le gage de la suprême guérison, celle que chantera Isolde agonisante sur le cada
4134 lle que chantera Isolde agonisante sur le cadavre de Tristan, dans l’extase de la « joie la plus haute ». Initiation, pass
4135 onisante sur le cadavre de Tristan, dans l’extase de la « joie la plus haute ». Initiation, passion, accomplissement morte
4136 asquée dans les légendes médiévales par une foule d’ éléments épiques et pittoresques. ⁂ Cependant la forme d’art que Wagne
4137 nts épiques et pittoresques. ⁂ Cependant la forme d’ art que Wagner a choisie n’est pas sans recréer des possibilités de « 
4138 a choisie n’est pas sans recréer des possibilités de « méprise ». Il fallait que ce fût un opéra, pour deux raisons qui ti
4139 mythe. De même que le péché du premier homme, et de chaque homme, introduit dans le monde le temps ; de même que la faute
4140 e la faute des amants légendaires contre les lois de l’amour chaste transforme l’hymne des troubadours en un roman175 — ai
4141 Mais le drame ne peut pas tout dire, la religion de la passion étant « essentiellement lyrique ». Dès lors la musique seu
4142 lyrique ». Dès lors la musique seule sera capable d’ exprimer la dialectique transcendantale, le caractère éperdument contr
4143 ractère éperdument contradictoire, contrapuntique de la passion de la Nuit — qui est l’appel au Jour incréé. La définition
4144 ment contradictoire, contrapuntique de la passion de la Nuit — qui est l’appel au Jour incréé. La définition même de la mu
4145 ui est l’appel au Jour incréé. La définition même de la musique occidentale, c’est l’accord émouvant des contraires ; en t
4146 ; en termes de l’art : le contrepoint. Expression d’ un dualisme douloureux, permanent au niveau de la vie, mais qui s’évan
4147 is qui s’évanouit dans la grâce lumineuse au-delà de la mort physique. Or le drame achevé par la musique, c’est l’opéra. A
4148 péra. Ainsi, ce n’est point un hasard si le mythe de Tristan et celui de Don Juan n’ont pu recevoir leur expression achevé
4149 t point un hasard si le mythe de Tristan et celui de Don Juan n’ont pu recevoir leur expression achevée que dans la forme
4150 ecevoir leur expression achevée que dans la forme de l’opéra. Si Mozart et Wagner nous ont donné les chefs-d’œuvre du dram
4151 s chefs-d’œuvre du drame musical, c’est en vertu, de l’affinité originelle de ce mode d’expression et des sujets qu’ils su
4152 musical, c’est en vertu, de l’affinité originelle de ce mode d’expression et des sujets qu’ils surent choisir. La musique
4153 est en vertu, de l’affinité originelle de ce mode d’ expression et des sujets qu’ils surent choisir. La musique seule peut
4154 surent choisir. La musique seule peut bien parler de la tragédie, dont elle est la mère et la fille. Toutefois, dans le ca
4155 e est la mère et la fille. Toutefois, dans le cas de Tristan, l’élément plastique inhérent à toute mise en scène théâtrale
4156 « jour », contredisent fatalement le sens profond de l’action. Tant qu’on regarde la scène, on est victime de l’illusion d
4157 tion. Tant qu’on regarde la scène, on est victime de l’illusion des formes — et des plus ridicules. Il n’y a là, « visible
4158 ire ! L’orchestre décrit largement les dimensions d’ une tragédie tout intérieure. La morbidesse bouleversante des mélodies
4159 nière et impure langueur dans l’âme qui se guérit de vivre. Seule la lumière douloureuse du troisième acte — l’obsession j
4160 fiévreux — peut traduire à ma vue le sens profond de l’exil des amants dans l’extase. Par ce qu’il a d’artificiel, de trop
4161 e l’exil des amants dans l’extase. Par ce qu’il a d’ artificiel, de trop violent, cet éclairage annonce que le jour meurt,
4162 mants dans l’extase. Par ce qu’il a d’artificiel, de trop violent, cet éclairage annonce que le jour meurt, et que déjà l’
4163 puscule vainement exalté. ⁂ Un second lieu commun de la critique — d’ailleurs absolument contradictoire avec celui qui fai
4164 absolument contradictoire avec celui qui faisait de Tristan la glorification du désir sensuel — c’est le rappel de l’infl
4165 glorification du désir sensuel — c’est le rappel de l’influence de Schopenhauer sur Wagner. Quoi qu’en aient pu penser Ni
4166 du désir sensuel — c’est le rappel de l’influence de Schopenhauer sur Wagner. Quoi qu’en aient pu penser Nietzsche, et Wag
4167 e influence est fortement surestimée. Un créateur de la taille de Wagner ne met pas des « idées » en musique. Qu’il ait tr
4168 st fortement surestimée. Un créateur de la taille de Wagner ne met pas des « idées » en musique. Qu’il ait trouvé chez Sch
4169 minations, voilà sans doute ce qu’il faut retenir de la rencontre, et ce n’est pas d’un immense intérêt. L’ascèse, la néga
4170 ’il faut retenir de la rencontre, et ce n’est pas d’ un immense intérêt. L’ascèse, la négation du monde créé, l’identificat
4171 cèse, la négation du monde créé, l’identification de l’attrait sexuel avec le vouloir-vivre obscurcissant la connaissance,
4172 issance, toute cette mystique que l’on s’empresse de qualifier de bouddhiste, Wagner n’avait pas à l’apprendre. C’est parc
4173 e cette mystique que l’on s’empresse de qualifier de bouddhiste, Wagner n’avait pas à l’apprendre. C’est parce qu’il la po
4174 oles des minnesänger, dans la légende manichéenne de Parsival, et par-dessous l’imagerie chrétienne, dans le Saint-Graal,
4175 rre sacrée des Iraniens et des cathares, la coupe de Gwyon177, divinité celtique ! ⁂ Que Wagner ait restitué le sens perdu
4176 eltique ! ⁂ Que Wagner ait restitué le sens perdu de la légende, dans sa virulence intégrale, ce n’est point là une thèse
4177 largement déclarée par la musique et les paroles de l’opéra. Par l’opéra, le mythe connaît son achèvement. Mais ce « term
4178 es — comme presque tous les termes du vocabulaire de l’existence, décrivant l’être en situation d’agir, non les objets. Ac
4179 ire de l’existence, décrivant l’être en situation d’ agir, non les objets. Achèvement désigne l’expression totale d’un être
4180 es objets. Achèvement désigne l’expression totale d’ un être, d’un mythe ou d’une œuvre ; d’autre part, désigne leur mort.
4181 Achèvement désigne l’expression totale d’un être, d’ un mythe ou d’une œuvre ; d’autre part, désigne leur mort. Ainsi le my
4182 igne l’expression totale d’un être, d’un mythe ou d’ une œuvre ; d’autre part, désigne leur mort. Ainsi le mythe « achevé »
4183 r Wagner a vécu. Vixit Tristan ! Et s’ouvre l’ère de ses fantômes. 19.Vulgarisation du mythe Il y eut la voie poétiq
4184 jeunes Parques, des apparences à peine féminines de fuites — comme on dit que l’eau fuit d’un bassin : fissures dans le r
4185 féminines de fuites — comme on dit que l’eau fuit d’ un bassin : fissures dans le réel, fuites de rêves. C’est la tradition
4186 fuit d’un bassin : fissures dans le réel, fuites de rêves. C’est la tradition alanguie, intellectualisée, sophistiquée. V
4187 passer les belles autos, et s’indigner des excès de vitesse. Le Lys dans la Vallée, Adolphe, Dominique, Madame Bovary, T
4188 ovary, Thérèse Raquin, La Porte étroite, Un amour de Swann : étapes françaises de la dissociation psychologique, de la dég
4189 te étroite, Un amour de Swann : étapes françaises de la dissociation psychologique, de la dégradation de « l’obstacle » ex
4190 apes françaises de la dissociation psychologique, de la dégradation de « l’obstacle » extérieur, et de la reconnaissance l
4191 la dissociation psychologique, de la dégradation de « l’obstacle » extérieur, et de la reconnaissance lucide — par là mêm
4192 de la dégradation de « l’obstacle » extérieur, et de la reconnaissance lucide — par là même, antiromanesque — de sa nature
4193 nnaissance lucide — par là même, antiromanesque — de sa nature purement intime et subjective. (Religieuse dans le cas de G
4194 ent intime et subjective. (Religieuse dans le cas de Gide, quasi physique dans celui de Proust.) Parallèlement, il convien
4195 se dans le cas de Gide, quasi physique dans celui de Proust.) Parallèlement, il convient de citer le Triomphe de la Mort d
4196 dans celui de Proust.) Parallèlement, il convient de citer le Triomphe de la Mort de d’Annunzio — commentaire admirable de
4197 ) Parallèlement, il convient de citer le Triomphe de la Mort de d’Annunzio — commentaire admirable de Wagner — Anna Karéni
4198 ment, il convient de citer le Triomphe de la Mort de d’Annunzio — commentaire admirable de Wagner — Anna Karénine, et pres
4199 t, il convient de citer le Triomphe de la Mort de d’ Annunzio — commentaire admirable de Wagner — Anna Karénine, et presque
4200 de la Mort de d’Annunzio — commentaire admirable de Wagner — Anna Karénine, et presque tous les grands romans de l’ère vi
4201 Anna Karénine, et presque tous les grands romans de l’ère victorienne, et surtout des Tess d’Urberville et Jude l’Obscur 
4202 rtout des Tess d’Urberville et Jude l’Obscur ; et de nos jours les romans platonisants d’un Charles Morgan. ⁂ Mais les che
4203 ’Obscur ; et de nos jours les romans platonisants d’ un Charles Morgan. ⁂ Mais les chefs-d’œuvre, désormais, nous en appren
4204 descente du mythe dans les mœurs, que les romans de série, le théâtre à succès, enfin le film. Le vrai tragique de notre
4205 théâtre à succès, enfin le film. Le vrai tragique de notre époque est diffus dans la médiocrité. Le vrai sérieux dès lors,
4206 plique la connaissance, le rejet ou l’acceptation de ce qui meut ou émeut les masses, et de l’anonymat des grands courants
4207 cceptation de ce qui meut ou émeut les masses, et de l’anonymat des grands courants qui roulent les individus détachés, av
4208 ’esprit répugne encore à mesurer. L’envahissement de nos littératures, tant bourgeoises que « prolétariennes », par le rom
4209 que « prolétariennes », par le roman, et le roman d’ amour s’entend, traduit exactement l’envahissement de notre conscience
4210 mour s’entend, traduit exactement l’envahissement de notre conscience par le contenu totalement profané du mythe. Celui-ci
4211 ement profané du mythe. Celui-ci cesse d’ailleurs d’ être un vrai mythe dès qu’il se trouve privé de son cadre sacral, et q
4212 rs d’être un vrai mythe dès qu’il se trouve privé de son cadre sacral, et que le secret mystique qu’il exprimait en le voi
4213 des romantiques devient alors la vague obsession de luxe et d’aventures exotiques que les romans d’un Dekobra suffisent à
4214 iques devient alors la vague obsession de luxe et d’ aventures exotiques que les romans d’un Dekobra suffisent à satisfaire
4215 n de luxe et d’aventures exotiques que les romans d’ un Dekobra suffisent à satisfaire symboliquement. Que cela n’ait plus
4216 symboliquement. Que cela n’ait plus aucune espèce de sens valable, il suffit pour s’en assurer d’imaginer l’impuissance ab
4217 pèce de sens valable, il suffit pour s’en assurer d’ imaginer l’impuissance absolue où se trouvent les clients de cette lit
4218 l’impuissance absolue où se trouvent les clients de cette littérature à concevoir une réalité mystique, une ascèse, un ef
4219 evoir une réalité mystique, une ascèse, un effort de l’esprit pour s’affranchir des liens sensuels : or la passion courtoi
4220 ns sensuels : or la passion courtoise n’avait pas d’ autre but, et son langage n’avait pas d’autre clé. Perdus et oubliés c
4221 avait pas d’autre but, et son langage n’avait pas d’ autre clé. Perdus et oubliés cette clé et ce but, la passion dont le b
4222 revient nous tourmenter n’est plus qu’une maladie de l’instinct, rarement mortelle, régulièrement toxique et déprimante, t
4223 ussi dégradée et dégradante, par rapport au mythe de Tristan, que le serait par exemple l’alcoolisme par rapport à l’ivres
4224 taient les mystiques arabes. L’exemple du théâtre d’ avant-guerre détient une signification plus riche pour notre objet. La
4225 et. La bourgeoisie du Second Empire eut le mérite de faire une dernière tentative pour régulariser dans son cadre social l
4226 er dans son cadre social l’influence anarchisante de la passion. Car celle-ci survivait à toute mystique, par la grâce équ
4227 ns une certaine jeunesse tout au moins, le besoin d’ une brûlure nostalgique ; et tout cela composait une sorte de complexe
4228 re nostalgique ; et tout cela composait une sorte de complexe que l’on prenait pour la « nature » elle-même, bien qu’il ne
4229 psychologique, voire physiologique. La tentative de normalisation bourgeoise de la passion, visant à recréer une expressi
4230 logique. La tentative de normalisation bourgeoise de la passion, visant à recréer une expression conventionnelle, donc adm
4231 admissible par l’ordre social — ce fut le théâtre de Dumas à Bataille. La fameuse « pièce à trois personnages », modèle de
4232 La fameuse « pièce à trois personnages », modèle de presque tous les auteurs dramatiques d’avant-guerre, c’est simplement
4233 », modèle de presque tous les auteurs dramatiques d’ avant-guerre, c’est simplement l’adaptation du mythe de Tristan à la m
4234 nt-guerre, c’est simplement l’adaptation du mythe de Tristan à la mesure d’une société moderne. Le roi Marc est devenu le
4235 ment l’adaptation du mythe de Tristan à la mesure d’ une société moderne. Le roi Marc est devenu le Cocu ; Tristan, le jeun
4236 Iseut, l’épouse insatisfaite, oisive et lectrice de romans. Ici encore, deux morales s’affrontent. Les barons félons de l
4237 ore, deux morales s’affrontent. Les barons félons de la légende sont figurés par les tenants de la morale « conformiste ».
4238 félons de la légende sont figurés par les tenants de la morale « conformiste ». Ils défendent le mariage bourgeois, l’héri
4239 contraire triomphe régulièrement — fût-ce au prix d’ un coup de pistolet. C’est la morale du romantisme, des droits impresc
4240 morale du romantisme, des droits imprescriptibles de l’amour, et elle implique la supériorité « spirituelle » de la maître
4241 , et elle implique la supériorité « spirituelle » de la maîtresse sur l’épouse. Quant au philtre, alibi de la responsabili
4242 a maîtresse sur l’épouse. Quant au philtre, alibi de la responsabilité, on lui donne le nom romantique de « fatalité de la
4243 la responsabilité, on lui donne le nom romantique de « fatalité de la passion ». Et les tenants du conformisme n’ont pas t
4244 ité, on lui donne le nom romantique de « fatalité de la passion ». Et les tenants du conformisme n’ont pas tort de l’assim
4245 n ». Et les tenants du conformisme n’ont pas tort de l’assimiler à la « littérature » en général, terme de mépris vouant à
4246 ’assimiler à la « littérature » en général, terme de mépris vouant à une exécration globale les « tendances dissolvantes »
4247 impossibles ». Bientôt, l’on n’essaiera plus même de nier la complaisance que réclame de ses propres victimes l’élaboratio
4248 era plus même de nier la complaisance que réclame de ses propres victimes l’élaboration du vieux philtre. Elle est minutie
4249 ue dans ses ruses inconscientes, en des centaines de pages, par Marcel Proust. (Voir surtout Un Amour de Swann.) Littératu
4250 pages, par Marcel Proust. (Voir surtout Un Amour de Swann.) Littérature bourgeoise ai-je dit : ses conclusions régulièrem
4251 ulièrement antibourgeoises font partie intégrante de l’ordre social établi. L’instinct de conservation rend en effet cet o
4252 e intégrante de l’ordre social établi. L’instinct de conservation rend en effet cet ordre tolérant à l’égard de ce qui fei
4253 ffet cet ordre tolérant à l’égard de ce qui feint de le renier, mais qui en vit. Le calcul est très simple, et bien entend
4254 n rêveries voluptueuses les tendances subversives de l’esprit. La morale du mariage en souffre évidemment, mais cela n’est
4255 ariage en souffre évidemment, mais cela n’est pas d’ une gravité urgente, puisqu’on sait bien que l’institution matrimonial
4256 qui entraînent une dilapidation du « patrimoine » de la famille. (Patrimoine ne signifiant plus que fortune et propriétés.
4257 plus que fortune et propriétés.) ⁂ Cette volonté de jouir du mythe mais sans le payer trop cher, on la voit s’exprimer en
4258 riques que le film américain des premières années de l’entre-deux-guerres. C’était l’époque du happy end : tout devait abo
4259 tout devait aboutir au long baiser final sur fond de roses ou de tentures luxueuses. Or cette figure de style n’est pas sa
4260 aboutir au long baiser final sur fond de roses ou de tentures luxueuses. Or cette figure de style n’est pas sans relations
4261 e roses ou de tentures luxueuses. Or cette figure de style n’est pas sans relations avec le mythe au dernier stade de sa d
4262 pas sans relations avec le mythe au dernier stade de sa déchéance. Elle exprime à la perfection la synthèse idéale de deux
4263 . Elle exprime à la perfection la synthèse idéale de deux désirs contradictoires : désir que rien ne s’arrange et désir qu
4264 ovient précisément du fait qu’il libère le public de ses contradictions intimes. En effet : point de roman sans obstacles.
4265 c de ses contradictions intimes. En effet : point de roman sans obstacles. On les multiplie donc, sans souci d’une invrais
4266 sans obstacles. On les multiplie donc, sans souci d’ une invraisemblance que le désir de romantisme rend insensible. Ainsi,
4267 nc, sans souci d’une invraisemblance que le désir de romantisme rend insensible. Ainsi, pendant une heure ou deux le roman
4268 , dès que cela nous devient clair. Il s’agit donc de supprimer l’obstacle à temps, ce qui amène par définition la fin du r
4269 in du roman et du film ; « et ils eurent beaucoup d’ enfants » signifie qu’il n’y a plus rien à raconter ou bien c’est le b
4270 os plan, bouchant l’écran et refermant la fenêtre de l’imagination. Toutefois, l’on s’efforcera de donner à cette fin une
4271 tre de l’imagination. Toutefois, l’on s’efforcera de donner à cette fin une atmosphère « poétique » qui dissimule le passa
4272 lus qu’une nostalgie assez vulgaire, idéalisation de désirs anodins, d’ailleurs ramenés vers la jouissance des choses, c’e
4273 l’instinct, qu’elle excitait par sa volonté même de le nier. L’ambiguïté du langage mystique de l’hérésie devait faire na
4274 même de le nier. L’ambiguïté du langage mystique de l’hérésie devait faire naître, dès le xiiie siècle, une rhétorique p
4275 tre, dès le xiiie siècle, une rhétorique profane de la passion. Et c’est la diffusion de ce langage par la littérature ro
4276 ique profane de la passion. Et c’est la diffusion de ce langage par la littérature romanesque qui aboutit, au cours du der
4277 t des rôles : l’instinct devenant le vrai support d’ une rhétorique dont les figures lui prêtent désormais un semblant d’id
4278 ont les figures lui prêtent désormais un semblant d’ idéalité. 20.L’instinct glorifié Comme à la rose de Guillaume de
4279 ité. 20.L’instinct glorifié Comme à la rose de Guillaume de Lorris répond la rose de Jean de Meung, comme à la rhéto
4280 e à la rose de Guillaume de Lorris répond la rose de Jean de Meung, comme à la rhétorique cristalline de Pétrarque s’oppos
4281 Jean de Meung, comme à la rhétorique cristalline de Pétrarque s’oppose la fantasmagorie sensuelle de Boccace, le romantis
4282 de Pétrarque s’oppose la fantasmagorie sensuelle de Boccace, le romantisme a provoqué de nos jours une révolte qui se veu
4283 ie sensuelle de Boccace, le romantisme a provoqué de nos jours une révolte qui se veut « primitive ». Ce n’est plus le sen
4284 , c’est l’instinct. Je songe à une certaine école de romanciers anglo-américains, qui fleurit dans l’entre-deux-guerres, u
4285 nous disaient ces hommes : « Nous en avons assez de souffrir pour des idées, des idéaux, des petites hypocrisies idéalisé
4286 lles personne ne sait plus croire. Vous avez fait de la femme une espèce de divinité coquette, cruelle et vampirique. Vos
4287 lus croire. Vous avez fait de la femme une espèce de divinité coquette, cruelle et vampirique. Vos femmes fatales, et vos
4288 et vos femmes adultères, et vos femmes desséchées de vertu, nous ont gâté la joie de vivre. Nous nous vengerons de vos « d
4289 femmes desséchées de vertu, nous ont gâté la joie de vivre. Nous nous vengerons de vos « divines ». La femme est d’abord u
4290 us ont gâté la joie de vivre. Nous nous vengerons de vos « divines ». La femme est d’abord une femelle. Nous la ferons se
4291 rit. Et la grande innocence bestiale nous guérira de votre goût du péché, cette maladie de l’instinct génésique. Ce que vo
4292 ous guérira de votre goût du péché, cette maladie de l’instinct génésique. Ce que vous appelez morale, c’est ce qui nous r
4293 ui est la Vie. Et la vie, c’est l’instinct libéré de l’esprit, la grande puissance solaire qui broie et magnifie l’individ
4294 idu fécond, la belle brute déchaînée, etc. » L’un de ces prophètes est allé jusqu’à dire : « Je voudrais avoir autant de v
4295 st allé jusqu’à dire : « Je voudrais avoir autant de vitalité qu’une vache. » ⁂ Cette nouvelle mystique de la « Vie » a pu
4296 italité qu’une vache. » ⁂ Cette nouvelle mystique de la « Vie » a pu donner naissance à de belles œuvres littéraires. Mais
4297 le mystique de la « Vie » a pu donner naissance à de belles œuvres littéraires. Mais elle porte un nom « politique ». Je l
4298 ve, étrangement identique, aux origines profondes d’ un mouvement que nous n’avons plus à étudier ni à convaincre. Disons p
4299 xtes économiques ou doctrinaux qui lui ont permis de s’emparer du pouvoir). C’est une négation de l’au-delà dont le but n’
4300 rmis de s’emparer du pouvoir). C’est une négation de l’au-delà dont le but n’est pas de supprimer les dieux mais de s’empa
4301 t une négation de l’au-delà dont le but n’est pas de supprimer les dieux mais de s’emparer de leur pouvoir en divinisant l
4302 dont le but n’est pas de supprimer les dieux mais de s’emparer de leur pouvoir en divinisant l’ici-bas. Perdre sa personna
4303 ’est pas de supprimer les dieux mais de s’emparer de leur pouvoir en divinisant l’ici-bas. Perdre sa personnalité morale e
4304 lité morale et se retremper dans le flux cosmique de l’instinct, c’est l’idéal de nos poètes du primitivisme solaire, mais
4305 ans le flux cosmique de l’instinct, c’est l’idéal de nos poètes du primitivisme solaire, mais la pratique de cette croyanc
4306 poètes du primitivisme solaire, mais la pratique de cette croyance n’est pas de nature à nous tromper un seul instant : i
4307 ire, mais la pratique de cette croyance n’est pas de nature à nous tromper un seul instant : il n’y a pas de « belles » br
4308 ure à nous tromper un seul instant : il n’y a pas de « belles » brutes, il y a des brutes. L’idée de beauté, qu’un Lawrenc
4309 s de « belles » brutes, il y a des brutes. L’idée de beauté, qu’un Lawrence croit encore consistante, c’est l’héritage d’u
4310 wrence croit encore consistante, c’est l’héritage d’ une époque en faillite — une dette que plus personne, là-bas, n’est di
4311 là-bas, n’est disposé à reconnaître. On n’a plus de comptes à rendre à cet « esprit » platonicien. Il était cause de tout
4312 ndre à cet « esprit » platonicien. Il était cause de toute la confusion, et il l’a payé de sa vie, voilà qui est clair. Ma
4313 était cause de toute la confusion, et il l’a payé de sa vie, voilà qui est clair. Mais j’ajouterai ceci, qui est non moins
4314 » — l’on prétend s’enfoncer dans le flot primitif de l’instinct, dans le larvaire, dans le non-fait, dans l’« infait », c’
4315 dans l’infect, l’on croit retrouver l’authentique de la vie, et l’on ne fait pourtant que s’abandonner au torrent des déch
4316 pourtant que s’abandonner au torrent des déchets de l’ancienne culture et de ses mythes désagrégés. C’est qu’il n’y a plu
4317 r au torrent des déchets de l’ancienne culture et de ses mythes désagrégés. C’est qu’il n’y a plus, dans l’homme d’aujourd
4318 désagrégés. C’est qu’il n’y a plus, dans l’homme d’ aujourd’hui, d’authenticité primitive. Ce que l’on appelle hérédité, d
4319 est qu’il n’y a plus, dans l’homme d’aujourd’hui, d’ authenticité primitive. Ce que l’on appelle hérédité, dans le jargon d
4320 ive. Ce que l’on appelle hérédité, dans le jargon de notre siècle, ce que l’Église appelle péché originel, cela désigne la
4321 dessous de nos morales, ce n’est pas nous libérer de leurs interdictions, mais nous livrer à une folie qui répugnerait aux
4322 t pas revenir au réel, mais s’égarer dans la zone de terreur et dans les terrains vagues où se sont déversés tous les rebu
4323 rrains vagues où se sont déversés tous les rebuts d’ une civilisation intoxiquée. L’« authentique » dont le désir nous obsè
4324 pourrons pas le retrouver. Il n’est pas au terme d’ un mouvement d’abandon à l’instinct énervé et au ressentiment de la ch
4325 e retrouver. Il n’est pas au terme d’un mouvement d’ abandon à l’instinct énervé et au ressentiment de la chair. Il n’est p
4326 d’abandon à l’instinct énervé et au ressentiment de la chair. Il n’est pas caché mais perdu. Il ne peut qu’être recréé pa
4327 r à la sobriété. Agir, ce n’est pas s’évader hors d’ un monde déclaré diabolique. Ce n’est pas tuer ce corps gênant. Mais c
4328 conditions qui nous sont faites, dans le conflit de l’esprit et de la chair ; et c’est tenter de les surmonter non plus e
4329 nous sont faites, dans le conflit de l’esprit et de la chair ; et c’est tenter de les surmonter non plus en détruisant ma
4330 flit de l’esprit et de la chair ; et c’est tenter de les surmonter non plus en détruisant mais en mariant les deux puissan
4331 nces antagonistes. Que l’esprit vienne au secours de la chair et retrouve en elle son appui, et que la chair se soumette à
4332 tel, Éros vital — l’un appelle l’autre, et chacun d’ eux n’a pour fin véritable et pour terminaison réelle que l’autre, qu’
4333 ait détruire ! À l’infini, jusqu’à la consomption de toute vie et de tout esprit. Voilà ce que peut faire l’homme qui se p
4334 l’infini, jusqu’à la consomption de toute vie et de tout esprit. Voilà ce que peut faire l’homme qui se prend pour son di
4335 e prend pour son dieu. Voilà le mouvement dernier de la passion, dont l’exaspération s’appelle la guerre. 21.La passion
4336 passion dans tous les domaines Le mythe sacré de l’amour courtois, au xiie siècle, avait eu pour fonction sociale d’o
4337 , au xiie siècle, avait eu pour fonction sociale d’ ordonner et de purifier les puissances anarchiques de la passion. Une
4338 cle, avait eu pour fonction sociale d’ordonner et de purifier les puissances anarchiques de la passion. Une mystique trans
4339 rdonner et de purifier les puissances anarchiques de la passion. Une mystique transcendante orientait secrètement, polaris
4340 ètement, polarisait vers l’au-delà les nostalgies de l’humanité souffrante. C’était sans doute une hérésie, mais pacifique
4341 oute une hérésie, mais pacifique, et par certains de ses aspects, très favorable à l’équilibre civilisateur. Cependant, du
4342 du seul fait qu’elle s’opposait à la propagation de l’espèce et à la guerre, la société devait la persécuter. Ce fut Rome
4343 ée, l’hérésie ne devait pas tarder à se dénaturer de mille manières. Les confusions qu’elle favorisait malgré elle, cette
4344 ’elle favorisait malgré elle, cette glorification de l’amour humain qui était l’envers de sa doctrine, ce langage d’une am
4345 lorification de l’amour humain qui était l’envers de sa doctrine, ce langage d’une ambiguïté à la fois essentielle et oppo
4346 ain qui était l’envers de sa doctrine, ce langage d’ une ambiguïté à la fois essentielle et opportune, qui permettait tous
4347 bus, c’est cela qui allait échapper aux tribunaux de l’Inquisition, puis envahir la conscience européenne, même orthodoxe,
4348 ence européenne, même orthodoxe, et par une sorte d’ ironie, donner sa rhétorique passionnelle au mysticisme des plus grand
4349 squ’il n’avait pu se traduire que dans les termes de l’amour humain, bien qu’entendus au sens mystique. Ce sens évanoui, r
4350 plus en plus mystérieux, apte à séduire le besoin d’ idéal qu’avait laissé dans la conscience une connaissance mystique rép
4351 tique réprouvée, puis perdue. Telle fut la chance de la littérature en Occident ; et cela seul peut expliquer l’empire, un
4352 r les masses. Toutefois, le classicisme s’efforça d’ imposer tout au moins une forme d’art à ces puissances obscures privée
4353 cisme s’efforça d’imposer tout au moins une forme d’ art à ces puissances obscures privées de leur forme sacrée. C’est à ce
4354 une forme d’art à ces puissances obscures privées de leur forme sacrée. C’est à ces vestiges de rites que s’attaqua le rom
4355 rivées de leur forme sacrée. C’est à ces vestiges de rites que s’attaqua le romantisme. D’où la violente exaltation dès la
4356 es vestiges de rites que s’attaqua le romantisme. D’ où la violente exaltation dès la fin du xviiie siècle, de tout ce qu’
4357 violente exaltation dès la fin du xviiie siècle, de tout ce qu’avaient voulu contenir le mythe originel de Tristan, puis
4358 ut ce qu’avaient voulu contenir le mythe originel de Tristan, puis ses substituts littéraires. Le xixe siècle bourgeois v
4359 répandre dans la conscience profane l’« instinct de mort » longtemps refoulé dans l’inconscient ou canalisé dès sa source
4360 ce par un art aristocratique. Et quand les cadres de la société vinrent à craquer — sous l’effet de poussées d’un tout aut
4361 es de la société vinrent à craquer — sous l’effet de poussées d’un tout autre ordre d’ailleurs — le contenu du mythe inond
4362 iété vinrent à craquer — sous l’effet de poussées d’ un tout autre ordre d’ailleurs — le contenu du mythe inonda notre vie
4363 s plus ce que signifiait cette diffuse exaltation de l’amour. Nous la prenions pour un printemps de l’instinct et pour une
4364 on de l’amour. Nous la prenions pour un printemps de l’instinct et pour une renaissance des forces dionysiaques persécutée
4365 sme. Toute la littérature moderne entonna l’hymne de la « libération ». Mais d’où lui vient alors ce ton de désespoir ? Co
4366 oderne entonna l’hymne de la « libération ». Mais d’ où lui vient alors ce ton de désespoir ? Comment se fait-il que le rom
4367 « libération ». Mais d’où lui vient alors ce ton de désespoir ? Comment se fait-il que le roman qui triompha pendant tren
4368 qui triompha pendant trente ans, au xxe siècle, de toutes les autres formes littéraires, aboutisse à cette analyse maréc
4369 ittéraires, aboutisse à cette analyse marécageuse de nos doutes et de notre vide ? Que signifie cette libération qui nous
4370 isse à cette analyse marécageuse de nos doutes et de notre vide ? Que signifie cette libération qui nous laisse tellement
4371 virulence provisoire qu’en se mettant au service de mystiques partisanes ? Serait-ce la fin du romantisme ? Le spectacle
4372 s ? Serait-ce la fin du romantisme ? Le spectacle de nos mœurs n’autorise pas cette conclusion. Car la crise actuelle du m
4373 nt que l’on voudra, mais tout de même le triomphe d’ une passion profanée. Mais bien au-delà du mariage et du domaine de la
4374 fanée. Mais bien au-delà du mariage et du domaine de la sexualité proprement dite, le contenu du mythe et ses fantômes env
4375 iques ». C’est que nous sommes devenus incapables de faire la part du feu, d’ordonner nos désirs, de distinguer leur natur
4376 ommes devenus incapables de faire la part du feu, d’ ordonner nos désirs, de distinguer leur nature et leur fin, d’imposer
4377 s de faire la part du feu, d’ordonner nos désirs, de distinguer leur nature et leur fin, d’imposer une mesure à leurs diva
4378 os désirs, de distinguer leur nature et leur fin, d’ imposer une mesure à leurs divagations — de les exprimer en figures. L
4379 r fin, d’imposer une mesure à leurs divagations —  de les exprimer en figures. Les dernières formes de l’amour ont été bala
4380  de les exprimer en figures. Les dernières formes de l’amour ont été balayées par la guerre. Et j’insisterai sur cet exemp
4381 sur cet exemple symbolique : nous ne faisons plus de « déclarations d’amour » dans le même temps que nous admettons la gue
4382 mbolique : nous ne faisons plus de « déclarations d’ amour » dans le même temps que nous admettons la guerre sans « déclara
4383  sa conversion en rhétorique, puis la dissolution de cette rhétorique et la totale vulgarisation de son contenu, l’on peut
4384 on de cette rhétorique et la totale vulgarisation de son contenu, l’on peut en suivre les étapes dans un domaine en appare
4385 x que nous venons de parcourir : dans l’évolution de la guerre et de ses méthodes en Occident. 135. Je rappelle que j’e
4386 s de parcourir : dans l’évolution de la guerre et de ses méthodes en Occident. 135. Je rappelle que j’emploie toujours
4387 elle que j’emploie toujours ce mot au double sens de sacrilège et de laïcisation (ou « sécularisation ») — pour ne pas rec
4388 ie toujours ce mot au double sens de sacrilège et de laïcisation (ou « sécularisation ») — pour ne pas recourir à « profan
4389 isté, et Dante l’a certainement aimée. C’est donc d’ une sublimation qu’il s’agit ici, à l’inverse de ce qui se passe chez
4390 c d’une sublimation qu’il s’agit ici, à l’inverse de ce qui se passe chez de nombreux troubadours. Béatrice deviendra succ
4391 l s’agit ici, à l’inverse de ce qui se passe chez de nombreux troubadours. Béatrice deviendra successivement la Philosophi
4392 . Sainte Thérèse : « Ces grâces sont accompagnées d’ un entier détachement des créatures, quant à l’esprit… On se sent alor
4393 n se sent alors beaucoup plus étranger aux choses de la terre » et passim ! 141. Il connaissait le roman et le cite plus
4394 cite plusieurs fois. Par exemple dans le Triomphe de l’amour : « Voici ceux qui remplissent de rêverie des livres — Trista
4395 riomphe de l’amour : « Voici ceux qui remplissent de rêverie des livres — Tristan et Lancelot et les autres errants — auxq
4396 supplice, elle voudrait y passer ce qui lui reste de vie. » 144. Saint Jean de la Croix : « Ô brûlure suave ! » et tout l
4397 ix : « Ô brûlure suave ! » et tout le commentaire de ce vers dans la Vive flamme d’amour (II, 1). 145. Sainte Thérèse : «
4398 out le commentaire de ce vers dans la Vive flamme d’ amour (II, 1). 145. Sainte Thérèse : « De ce désir qui en un instant
4399 flamme d’amour (II, 1). 145. Sainte Thérèse : «  De ce désir qui en un instant pénètre l’âme entière naît une douleur qui
4400 ière naît une douleur qui la transporte au-dessus d’ elle-même et de tout le créé. Elle n’aspire qu’à mourir dans cette sol
4401 ouleur qui la transporte au-dessus d’elle-même et de tout le créé. Elle n’aspire qu’à mourir dans cette solitude. Qu’on lu
4402 Sainte Thérèse : « Quelle souveraineté que celle d’ une âme qui portée à cette hauteur par Dieu lui-même, considère toutes
4403 u xiiie siècle. 149. Voir la Croisade du Graal, d’ Otto Rahn, pour l’idée ou l’intuition, et Tristan de Gottfried Weber,
4404 d Weber, pour la démonstration dans le cas précis de Gottfried de Strasbourg. 150. Nous avons déjà relevé l’influence de
4405 asbourg. 150. Nous avons déjà relevé l’influence de cette littérature sur sainte Thérèse et les mystiques espagnols en gé
4406 ystiques espagnols en général. 151. La Tragédie de Roméo et Juliette, traduction P.-J. Jouve et G. Pitoëff. 152. Floris
4407 à Samson Agonistes.) 153. Charles Sorel, auteur de Francion, avait écrit l’Anti-Roman ou le Berger extravagant, reprenan
4408 éaliste », toutes les situations conventionnelles de l’Astrée. De même Scarron, etc. 154. « Titus, qui aimait passionnéme
4409 et qui même, à ce qu’on croyait, lui avait promis de l’épouser, la renvoya de Rome malgré lui et malgré elle, dès les prem
4410 royait, lui avait promis de l’épouser, la renvoya de Rome malgré lui et malgré elle, dès les premiers jours de son empire.
4411 malgré lui et malgré elle, dès les premiers jours de son empire. » (Suétone, traduit par Racine, préface de Bérénice.) 15
4412 n empire. » (Suétone, traduit par Racine, préface de Bérénice.) 155. Hippolyte parlant d’Aricie, acte Ier, scène 1re : « 
4413 ne, préface de Bérénice.) 155. Hippolyte parlant d’ Aricie, acte Ier, scène 1re : « Dois-je épouser ses droits contre un p
4414 nnais donc Phèdre et toute sa fureur… » et l’aveu de Thésée, au cinquième acte. 157. Nouvelle vérification de ce que nous
4415 e, au cinquième acte. 157. Nouvelle vérification de ce que nous disions à propos d’Eckhart : la mystique unitive ignore l
4416 Doctrine fabuleuse, publié en 1947. 159. Celui de Mozart plutôt que celui de Molière, beaucoup moins significatif à mon
4417 é en 1947. 159. Celui de Mozart plutôt que celui de Molière, beaucoup moins significatif à mon avis, et qui d’ailleurs n’
4418 bé de Sade, propre oncle du marquis, est l’auteur d’ un ouvrage intitulé : Remarques sur les premiers poètes français et le
4419 s premiers poètes français et les troubadours, et de trois volumes (anonymes) de Mémoires sur Pétrarque. 161. « On a de S
4420 t les troubadours, et de trois volumes (anonymes) de Mémoires sur Pétrarque. 161. « On a de Sade : Juliette ou les malheu
4421 anonymes) de Mémoires sur Pétrarque. 161. « On a de Sade : Juliette ou les malheurs de la vertu (1791), puis Justine ou l
4422 . 161. « On a de Sade : Juliette ou les malheurs de la vertu (1791), puis Justine ou les prospérités du vice. C’est le co
4423 ctement (donc en psychanalyse, le contraire aussi de ce contraire, et ainsi de suite) des Remèdes de l’une et l’autre fort
4424 yse, le contraire aussi de ce contraire, et ainsi de suite) des Remèdes de l’une et l’autre fortune de Pétrarque. » (C.-A.
4425 i de ce contraire, et ainsi de suite) des Remèdes de l’une et l’autre fortune de Pétrarque. » (C.-A. Cingria, Pétrarque.)
4426 de suite) des Remèdes de l’une et l’autre fortune de Pétrarque. » (C.-A. Cingria, Pétrarque.) 162. Voir Appendice 11. 1
4427 Appendice 11. 163. Rappelons que l’amour fameux d’ Abélard et Héloïse est le premier exemple historique de la passion don
4428 lard et Héloïse est le premier exemple historique de la passion dont nous parlons ici. Voici le Chant funèbre d’Héloïse co
4429 ion dont nous parlons ici. Voici le Chant funèbre d’ Héloïse composé (par elle-même ?) en vers latins (cité par Rémusat : A
4430 : Abélard, t. I). L’amante supplie : Soulage-moi de ma croix, Conduis vers la lumière Mon âme délivrée ! Et le chœur des
4431 œur des religieuses reprend : Qu’ils se reposent de leur labeur Et de leur douloureux amour ! Ils demandaient l’union des
4432 s reprend : Qu’ils se reposent de leur labeur Et de leur douloureux amour ! Ils demandaient l’union des habitants des cie
4433 hérétique, se rapproche sur des points essentiels de la doctrine spiritualiste des cathares. Et dans ses Lamentations, il
4434 il laisse échapper le grand cri du romantisme et de Tristan : « Amoris impulsio, culpæ justificatio. » 164. Est-ce la f
4435 eau ? Ou plutôt au symbolisme ? Beaucoup de dames d’ aujourd’hui croient que « mystique » signifie sentimental. Vitraux, pé
4436 tal. Vitraux, pénombre bleue, arpèges, somnolence de l’esprit, rêverie des sens… 165. W. Schlegel commença en 1808 une ré
4437 chlegel commença en 1808 une rédaction modernisée de Tristan. Puis Rückert, Immermann, Platen, bien d’autres, esquissèrent
4438 issèrent des Tristan (poèmes et drames). Le poème de Platen débute ainsi : « Celui dont les yeux ont une fois contemplé la
4439 re Saisons, devait représenter les quatre saisons de l’esprit : le matin, qui est l’éclairage illimité de l’univers ; le j
4440 l’esprit : le matin, qui est l’éclairage illimité de l’univers ; le jour, forme illimitée de la créature ; le soir, négati
4441 illimité de l’univers ; le jour, forme illimitée de la créature ; le soir, négation illimitée de l’existence à l’origine
4442 itée de la créature ; le soir, négation illimitée de l’existence à l’origine de l’univers ; la nuit, profondeur illimitée
4443 ir, négation illimitée de l’existence à l’origine de l’univers ; la nuit, profondeur illimitée de la connaissance de Dieu,
4444 gine de l’univers ; la nuit, profondeur illimitée de la connaissance de Dieu, existence absolue. (Cf. Ricarda Huch, les Ro
4445 la nuit, profondeur illimitée de la connaissance de Dieu, existence absolue. (Cf. Ricarda Huch, les Romantiques allemands
4446 dre un siècle pour en voir un : Bergson, disciple de Schelling. 170. Voir le Journal de Novalis, et le portrait qu’il don
4447 son, disciple de Schelling. 170. Voir le Journal de Novalis, et le portrait qu’il donne de sa fiancée perdue, Sophie von
4448 le Journal de Novalis, et le portrait qu’il donne de sa fiancée perdue, Sophie von Kühn, morte à 16 ans. Il note « ses pla
4449 s du vin ». Le Français hausse les épaules devant de tels enfantillages. 171. On lit dans le Cantique des Cantiques : « L
4450 s en scène s’obstinent à conserver (la décoration de la tente au premier acte, le lierre peint sur les murailles du burg a
4451 ques, et non pas cette interminable gesticulation de Tristan essoufflé sur sa couche, d’Isolde entravée par ses voiles… No
4452 gesticulation de Tristan essoufflé sur sa couche, d’ Isolde entravée par ses voiles… Note de 1954 : la mise en scène nouvel
4453 sa couche, d’Isolde entravée par ses voiles… Note de 1954 : la mise en scène nouvelle de Tristan à Bayreuth, œuvre de Wiel
4454 voiles… Note de 1954 : la mise en scène nouvelle de Tristan à Bayreuth, œuvre de Wieland Wagner, comble les vœux que j’ex
4455 se en scène nouvelle de Tristan à Bayreuth, œuvre de Wieland Wagner, comble les vœux que j’exprimais dans la première édit
4456 les vœux que j’exprimais dans la première édition de ce livre ; elle permet d’assister les yeux ouverts au deuxième acte.
4457 ans la première édition de ce livre ; elle permet d’ assister les yeux ouverts au deuxième acte. 177. Guyon (d’où guyon :
4458 les yeux ouverts au deuxième acte. 177. Guyon ( d’ où guyon : guide, en vieux français) c’est le Führer qui détient les s
4459 français) c’est le Führer qui détient les secrets d’ initiation à la voix divinisante. 178. Héritage, dot, « situation » d
4460 tage, dot, « situation » des conjoints, relations d’ affaires, etc. 179. Scène d’un roman de Caldwell intitulé la Route au
4461 conjoints, relations d’affaires, etc. 179. Scène d’ un roman de Caldwell intitulé la Route au tabac. 180. On connaît la p
4462 relations d’affaires, etc. 179. Scène d’un roman de Caldwell intitulé la Route au tabac. 180. On connaît la phrase d’un
4463 ulé la Route au tabac. 180. On connaît la phrase d’ un officier hitlérien : « Chaque fois que j’entends prononcer le mot G
5 1939, L’Amour et l’Occident (1956). Livre V. Amour et guerre
4464 ommes tributaires — inconsciemment bien entendu — d’ un ensemble de mœurs et de coutumes dont la mystique courtoise a créé
4465 res — inconsciemment bien entendu — d’un ensemble de mœurs et de coutumes dont la mystique courtoise a créé les symboles.
4466 ciemment bien entendu — d’un ensemble de mœurs et de coutumes dont la mystique courtoise a créé les symboles. Or passion s
4467 les. Or passion signifie souffrance. Notre notion de l’amour, enveloppant celle que nous avons de la femme, se trouve donc
4468 tion de l’amour, enveloppant celle que nous avons de la femme, se trouve donc liée à une notion de la souffrance féconde q
4469 ons de la femme, se trouve donc liée à une notion de la souffrance féconde qui flatte ou légitime obscurément, au plus sec
4470 ui flatte ou légitime obscurément, au plus secret de la conscience occidentale, le goût de la guerre. Cette liaison singul
4471 plus secret de la conscience occidentale, le goût de la guerre. Cette liaison singulière d’une certaine idée de la femme e
4472 e, le goût de la guerre. Cette liaison singulière d’ une certaine idée de la femme et d’une idée correspondante de la guerr
4473 rre. Cette liaison singulière d’une certaine idée de la femme et d’une idée correspondante de la guerre, en Occident, entr
4474 son singulière d’une certaine idée de la femme et d’ une idée correspondante de la guerre, en Occident, entraîne de profond
4475 ine idée de la femme et d’une idée correspondante de la guerre, en Occident, entraîne de profondes conséquences pour la mo
4476 orrespondante de la guerre, en Occident, entraîne de profondes conséquences pour la morale, l’éducation, la politique. Un
4477 n, la politique. Un fort gros livre ne serait pas de trop pour en démêler les aspects. On doit souhaiter que ce livre soit
4478 rit, mais sans se dissimuler l’extrême difficulté de la tâche. Car en effet, pour la mener à bien, il s’agirait de posséde
4479 Car en effet, pour la mener à bien, il s’agirait de posséder à fond la matière rapidement explorée dans les pages qui pré
4480 ntreprises depuis le xixe siècle sur la question de l’« instinct combatif » dans ses relations avec l’instinct sexuel181.
4481 ns ses relations avec l’instinct sexuel181. Faute de quoi, je me bornerai à soulever un certain nombre de questions, et su
4482 quoi, je me bornerai à soulever un certain nombre de questions, et surtout à le situer dans la logique du mythe, qui est m
4483 ins trompeur. Il n’est pas nécessaire par exemple de recourir aux théories de Freud pour constater que l’instinct de guerr
4484 s nécessaire par exemple de recourir aux théories de Freud pour constater que l’instinct de guerre et l’érotisme sont fond
4485 x théories de Freud pour constater que l’instinct de guerre et l’érotisme sont fondamentalement liés : les figures courant
4486 gures courantes du langage le font voir avec plus d’ évidence. Laissant donc de côté les hypothèses multiples et changeante
4487 le font voir avec plus d’évidence. Laissant donc de côté les hypothèses multiples et changeantes relatives à la genèse de
4488 à quelques rapprochements formels entre les arts d’ aimer et de guerroyer du xiie siècle jusqu’à nos jours. Mon propos ét
4489 rapprochements formels entre les arts d’aimer et de guerroyer du xiie siècle jusqu’à nos jours. Mon propos étant simplem
4490 le jusqu’à nos jours. Mon propos étant simplement de marquer un parallélisme entre l’évolution du mythe et l’évolution de
4491 lélisme entre l’évolution du mythe et l’évolution de la guerre, sans préjuger d’ailleurs de la priorité de l’une ou de l’a
4492 ’évolution de la guerre, sans préjuger d’ailleurs de la priorité de l’une ou de l’autre. 2.Langage guerrier de l’amour
4493 a guerre, sans préjuger d’ailleurs de la priorité de l’une ou de l’autre. 2.Langage guerrier de l’amour Dès l’Antiqu
4494 ns préjuger d’ailleurs de la priorité de l’une ou de l’autre. 2.Langage guerrier de l’amour Dès l’Antiquité, les poè
4495 ité de l’une ou de l’autre. 2.Langage guerrier de l’amour Dès l’Antiquité, les poètes ont usé de métaphores guerrièr
4496 de l’amour Dès l’Antiquité, les poètes ont usé de métaphores guerrières pour décrire les effets de l’amour naturel. Le
4497 de métaphores guerrières pour décrire les effets de l’amour naturel. Le dieu d’amour est un archer qui décoche des flèche
4498 ur décrire les effets de l’amour naturel. Le dieu d’ amour est un archer qui décoche des flèches mortelles. La femme se ren
4499 ert parce qu’il est le meilleur guerrier. L’enjeu de la guerre de Troie est la possession d’une femme. Et l’un des plus an
4500 il est le meilleur guerrier. L’enjeu de la guerre de Troie est la possession d’une femme. Et l’un des plus anciens romans
4501 . L’enjeu de la guerre de Troie est la possession d’ une femme. Et l’un des plus anciens romans que nous possédions, le Thé
4502 ’Héliodore (iiie siècle) parle déjà des « luttes d’ amour » et de la « délicieuse défaite » de celui « qui tombe sous les
4503 iie siècle) parle déjà des « luttes d’amour » et de la « délicieuse défaite » de celui « qui tombe sous les traits inévit
4504  luttes d’amour » et de la « délicieuse défaite » de celui « qui tombe sous les traits inévitables d’Éros ». Plutarque fai
4505 de celui « qui tombe sous les traits inévitables d’ Éros ». Plutarque fait voir que la morale sexuelle des Spartiates s’or
4506 des Spartiates s’ordonnait au rendement militaire de ce peuple. L’eugénisme de Lycurgue, et ses lois minutieuses réglant l
4507 au rendement militaire de ce peuple. L’eugénisme de Lycurgue, et ses lois minutieuses réglant les relations des époux, n’
4508 inutieuses réglant les relations des époux, n’ont d’ autre but que d’augmenter l’agressivité des soldats. Tout cela confirm
4509 nt les relations des époux, n’ont d’autre but que d’ augmenter l’agressivité des soldats. Tout cela confirme la liaison nat
4510 la liaison naturelle, c’est-à-dire physiologique, de l’instinct sexuel et de l’instinct combatif. Mais il serait vain de c
4511 est-à-dire physiologique, de l’instinct sexuel et de l’instinct combatif. Mais il serait vain de chercher des ressemblance
4512 el et de l’instinct combatif. Mais il serait vain de chercher des ressemblances entre la tactique des Anciens et leur conc
4513 entre la tactique des Anciens et leur conception de l’amour. Les deux domaines restent soumis à des lois tout à fait dist
4514 mis à des lois tout à fait distinctes, et privées de commune mesure. Il n’en va plus de même dans notre histoire à partir
4515 les. On voit alors le langage amoureux s’enrichir de tournures qui ne désignent plus seulement les gestes élémentaires du
4516 lémentaires du guerrier, mais qui sont empruntées d’ une façon très précise à l’art des batailles, à la tactique militaire
4517 se à l’art des batailles, à la tactique militaire de l’époque. Il ne s’agit plus, désormais, d’une origine commune plus ou
4518 itaire de l’époque. Il ne s’agit plus, désormais, d’ une origine commune plus ou moins obscurément ressentie, mais bien d’u
4519 ne plus ou moins obscurément ressentie, mais bien d’ un minutieux parallélisme. L’amant fait le siège de sa Dame. Il livre
4520 ’un minutieux parallélisme. L’amant fait le siège de sa Dame. Il livre d’amoureux assauts à sa vertu. Il la serre de près,
4521 lisme. L’amant fait le siège de sa Dame. Il livre d’ amoureux assauts à sa vertu. Il la serre de près, il la poursuit, il c
4522 livre d’amoureux assauts à sa vertu. Il la serre de près, il la poursuit, il cherche à vaincre les dernières défenses de
4523 suit, il cherche à vaincre les dernières défenses de sa pudeur, et à les tourner par surprise ; enfin la dame se rend à me
4524 is alors, par une curieuse inversion bien typique de la courtoisie, c’est l’amant qui sera son prisonnier en même temps qu
4525 e temps que son vainqueur. Il deviendra le vassal de cette suzeraine, selon la règle des guerres féodales, tout comme si c
4526 ite182. Il ne lui reste plus qu’à faire la preuve de sa vaillance, etc. Tout ceci pour le beau langage. Mais l’argot solda
4527 oldatesque et civil nous fournirait une profusion d’ exemples d’une verdeur encore plus significative. Et plus tard, l’intr
4528 et civil nous fournirait une profusion d’exemples d’ une verdeur encore plus significative. Et plus tard, l’introduction de
4529 introduction des armes à feu devait donner lieu à d’ innombrables plaisanteries à double sens. Ce parallélisme d’ailleurs e
4530 amment exploité par les écrivains. C’est un thème de rhétorique inépuisable, « Ô ! trop heureux capitaine, écrit Brantôme1
4531 écrit Brantôme183, qui avez combattu et tué tant d’ hommes ennemis de Dieu dans les armées et dans les villes ! Ô ! trop h
4532 3, qui avez combattu et tué tant d’hommes ennemis de Dieu dans les armées et dans les villes ! Ô ! trop heureux encore une
4533 vez combattu et vaincu à tant d’autres assauts et de reprises une si belle Dame entre les pavillons de votre lit ! » Il ne
4534 de reprises une si belle Dame entre les pavillons de votre lit ! » Il ne faudra pas s’étonner si les auteurs mystiques rep
4535 on le processus décrit plus haut, dans le domaine de l’amour divin. Francisco de Ossuna (l’un des maîtres de sainte Thérès
4536 mour divin. Francisco de Ossuna (l’un des maîtres de sainte Thérèse les plus imbus de rhétorique courtoise) écrit dans son
4537 l’un des maîtres de sainte Thérèse les plus imbus de rhétorique courtoise) écrit dans son Ley de Amor : « Ne pense pas que
4538 ns son Ley de Amor : « Ne pense pas que le combat de l’amour soit comme les autres batailles où la fureur et le fracas d’u
4539 me les autres batailles où la fureur et le fracas d’ une guerre épouvantable sévit des deux côtés, car l’amour ne combat qu
4540 bienfaits et les dons. Sa rencontre est une offre de grande efficacité. Les soupirs composent son artillerie. Sa prise de
4541 é. Les soupirs composent son artillerie. Sa prise de possession est un embrassement. Sa tuerie est de donner la vie pour l
4542 de possession est un embrassement. Sa tuerie est de donner la vie pour l’aimé. » ⁂ On a vu que la rhétorique courtoise tr
4543 urtoise traduit, à l’origine, la lutte du Jour et de la Nuit. La mort y joue un rôle central : elle est la défaite du mond
4544 ral : elle est la défaite du monde et la victoire de la vie lumineuse. Amour et mort sont reliés par l’ascèse, comme par l
4545 , ni cette complicité physiologique des instincts de combat et de procréation ne suffisent à déterminer l’usage précis des
4546 mplicité physiologique des instincts de combat et de procréation ne suffisent à déterminer l’usage précis des expressions
4547 pressions guerrières dans la littérature érotique d’ Occident. Ce qui explique tout, c’est l’existence au Moyen Âge d’une r
4548 qui explique tout, c’est l’existence au Moyen Âge d’ une règle effectivement commune à l’art d’aimer et à l’art militaire,
4549 yen Âge d’une règle effectivement commune à l’art d’ aimer et à l’art militaire, et qui s’appelle la chevalerie. 3.La ch
4550 s’appelle la chevalerie. 3.La chevalerie, loi de l’amour et de la guerre « Donner un style à l’amour », telle est,
4551 chevalerie. 3.La chevalerie, loi de l’amour et de la guerre « Donner un style à l’amour », telle est, selon J. Huizi
4552 elle est, selon J. Huizinga, l’aspiration suprême de la société médiévale dans l’ordre éthique. « C’est une nécessité soci
4553 éthique. « C’est une nécessité sociale, un besoin d’ autant plus impérieux que les mœurs sont plus féroces. Il faut élever
4554 plus féroces. Il faut élever l’amour à la hauteur d’ un rite, la violence débordante de la passion l’exige. À moins que les
4555 ur à la hauteur d’un rite, la violence débordante de la passion l’exige. À moins que les émotions ne se laissent encadrer
4556 les, c’est la barbarie. L’Église avait pour tâche de réprimer la brutalité et la licence du peuple, mais elle n’y suffisai
4557 sait pas. L’aristocratie, en dehors des préceptes de la religion, avait sa culture à elle, à savoir la courtoisie, et elle
4558 avoir la courtoisie, et elle y puisait les normes de sa conduite184. » (Nous savons en effet que la courtoisie non seuleme
4559 éviser bien des jugements sur l’unité spirituelle de la société médiévale !) Or s’il est vrai que cette morale courtoise n
4560 mœurs privées des hautes classes, qui demeuraient d’ « une rudesse étonnante », du moins joua-t-elle le rôle d’un idéal cré
4561 rudesse étonnante », du moins joua-t-elle le rôle d’ un idéal créateur de belles apparences. Elle triompha dans la littérat
4562 du moins joua-t-elle le rôle d’un idéal créateur de belles apparences. Elle triompha dans la littérature. Et par ailleurs
4563 ser à la réalité la plus violente du temps, celle de la guerre. Exemple unique d’un ars amandi, qui donne naissance à un a
4564 ente du temps, celle de la guerre. Exemple unique d’ un ars amandi, qui donne naissance à un ars bellandi. Ce n’est pas seu
4565 Ce n’est pas seulement dans le détail des règles de combat individuel que se fait sentir l’action de l’idéal chevaleresqu
4566 de combat individuel que se fait sentir l’action de l’idéal chevaleresque, mais dans la conduite même des batailles, et j
4567 malisme militaire revêt à cette époque une valeur d’ absolu religieux. Il est fréquent qu’on se laisse tuer pour respecter
4568 ’on se laisse tuer pour respecter des conventions d’ une merveilleuse extravagance. « Les chevaliers de l’ordre de l’Étoile
4569 d’une merveilleuse extravagance. « Les chevaliers de l’ordre de l’Étoile jurent que dans le combat ils ne reculeront jamai
4570 illeuse extravagance. « Les chevaliers de l’ordre de l’Étoile jurent que dans le combat ils ne reculeront jamais de plus d
4571 e dans le combat ils ne reculeront jamais de plus de quatre arpents ; sinon ils devront mourir ou se rendre. Et cette règl
4572 on en croit Froissart, coûta la vie, dès le début de l’ordre, à plus de quatre-vingts d’entre eux. » De même, les nécessit
4573 rt, coûta la vie, dès le début de l’ordre, à plus de quatre-vingts d’entre eux. » De même, les nécessités de la stratégie
4574 tre-vingts d’entre eux. » De même, les nécessités de la stratégie sont sacrifiées à celles de l’esthétique ou de l’honneur
4575 cessités de la stratégie sont sacrifiées à celles de l’esthétique ou de l’honneur courtois. « En 1415, Henri V d’Angleterr
4576 tégie sont sacrifiées à celles de l’esthétique ou de l’honneur courtois. « En 1415, Henri V d’Angleterre va à la rencontre
4577 va à la rencontre des Français avant la bataille d’ Azincourt. Par erreur, le soir, il dépasse le village que les fourrage
4578 « comme celuy qui gardoit le plus les cérémonies d’ honneur très loable » vient justement d’ordonner que les chevaliers en
4579 érémonies d’honneur très loable » vient justement d’ ordonner que les chevaliers en reconnaissance abandonnent la cotte d’a
4580 chevaliers en reconnaissance abandonnent la cotte d’ armes afin de ne pas être, en revenant, obligés de reculer en vêtement
4581 d’armes afin de ne pas être, en revenant, obligés de reculer en vêtements guerriers. Maintenant, revêtu de sa cotte d’arme
4582 eculer en vêtements guerriers. Maintenant, revêtu de sa cotte d’armes, il ne peut donc revenir sur ses pas ; il passe la n
4583 tements guerriers. Maintenant, revêtu de sa cotte d’ armes, il ne peut donc revenir sur ses pas ; il passe la nuit dans l’e
4584 mément à ce nouveau plan. » Les exemples abondent de carnages inutiles provoqués par des vœux d’une folle outrecuidance et
4585 ndent de carnages inutiles provoqués par des vœux d’ une folle outrecuidance et que l’on tente d’accomplir au plus grand de
4586 vœux d’une folle outrecuidance et que l’on tente d’ accomplir au plus grand des périls possibles. C’est bien le péril qu’o
4587 es engagements. La casuistique courtoise en offre d’ excellents. Cette casuistique « ne régit pas seulement la morale et le
4588 nte sur le droit des gens à sa naissance. « Droit de butin, droit d’attaque — fidélité à la parole donnée sont régis par d
4589 des gens à sa naissance. « Droit de butin, droit d’ attaque — fidélité à la parole donnée sont régis par des règles sembla
4590 tournoi et la chasse185 ». L’Arbre des Batailles d’ Honoré Bonet est un traité sur le droit de guerre où l’on trouve discu
4591 tailles d’Honoré Bonet est un traité sur le droit de guerre où l’on trouve discutées pêle-mêle à coups de textes bibliques
4592 guerre où l’on trouve discutées pêle-mêle à coups de textes bibliques et d’articles de droit canonique des questions de ce
4593 iscutées pêle-mêle à coups de textes bibliques et d’ articles de droit canonique des questions de ce genre : « Si l’on perd
4594 le-mêle à coups de textes bibliques et d’articles de droit canonique des questions de ce genre : « Si l’on perd dans la mê
4595 es et d’articles de droit canonique des questions de ce genre : « Si l’on perd dans la mêlée une armure empruntée, est-on
4596 d dans la mêlée une armure empruntée, est-on tenu de la rendre ? — Est-il permis de livrer bataille un jour de fête ? — Va
4597 untée, est-on tenu de la rendre ? — Est-il permis de livrer bataille un jour de fête ? — Vaut-il mieux se battre après les
4598 ndre ? — Est-il permis de livrer bataille un jour de fête ? — Vaut-il mieux se battre après les repas ou à jeun ? — Dans q
4599 pas ou à jeun ? — Dans quels cas peut-on s’évader de captivité ? » Dans un autre ouvrage, on voit deux capitaines se dispu
4600 iverselle basée sur l’union des rois, la conquête de Jérusalem et l’expulsion des Turcs. Idées chimériques mais dont l’emp
4601 . Idées chimériques mais dont l’empire ne cessera de s’exercer sur les princes jusqu’au xve siècle, en dépit des transfor
4602 usqu’au xve siècle, en dépit des transformations de tous ordres survenues entre-temps en Europe, et à l’encontre des inté
4603 i que se marque le mieux le caractère particulier de l’idéal courtois, radicalement contradictoire avec la « dure réalité 
4604 icalement contradictoire avec la « dure réalité » de l’époque : il représente un pôle d’attraction pour les aspirations sp
4605 ure réalité » de l’époque : il représente un pôle d’ attraction pour les aspirations spirituelles brimées. C’est une forme
4606 aspirations spirituelles brimées. C’est une forme d’ évasion romantique, en même temps qu’un frein aux instincts. Le formal
4607 u’un frein aux instincts. Le formalisme minutieux de la guerre s’oppose aux violences du sang féodal comme le culte de la
4608 ppose aux violences du sang féodal comme le culte de la chasteté, chez les troubadours, s’oppose à l’exaltation érotique d
4609 nsi dire l’une à côté de l’autre deux conceptions de la vie : la conception pieuse, ascétique, attire à elle tous les sent
4610 iable, se venge terriblement. Que l’un ou l’autre de ces penchants prédomine, nous avons le saint ou le pécheur ; mais en
4611 néral, ils se tiennent en équilibre instable avec d’ énormes écarts de la balance. » 4.Les tournois, ou le mythe en acte
4612 nnent en équilibre instable avec d’énormes écarts de la balance. » 4.Les tournois, ou le mythe en acte Il est pourta
4613 parfaite des instincts érotiques et guerriers et de la règle courtoise idéale : c’est le terrain nettement circonscrit de
4614 e idéale : c’est le terrain nettement circonscrit de la lice où se jouent les tournois. Là, les fureurs du sang se donnent
4615 mais sous l’égide et dans les cadres symboliques d’ une cérémonie sacrale. C’est un équivalent sportif de la fonction myth
4616 ne cérémonie sacrale. C’est un équivalent sportif de la fonction mythique du Tristan telle que nous la définissions : expr
4617 nt, de manière à la rendre acceptable au jugement de la société. Le tournoi « joue » le mythe, physiquement : — « Les tran
4618 oue » le mythe, physiquement : — « Les transports de l’amour romanesque ne devaient pas seulement être présentés sous form
4619 amatique et le sport. Celui-ci est, au Moyen Âge, de beaucoup le plus important. Le drame ne traitait encore, en général,
4620 haut point et contenait, en outre, une forte dose d’ érotisme. Partout et toujours, le sport a associé ces deux facteurs :
4621 que retournés à la simplicité grecque, le tournoi de la fin du Moyen Âge, avec ses riches ornements et sa mise en scène, p
4622 ne me paraît plus propre à restituer l’atmosphère de rêve du Roman de Tristan que les descriptions de tournois qu’on peut
4623 propre à restituer l’atmosphère de rêve du Roman de Tristan que les descriptions de tournois qu’on peut lire dans les œuv
4624 de rêve du Roman de Tristan que les descriptions de tournois qu’on peut lire dans les œuvres de Chastellain et les mémoir
4625 tions de tournois qu’on peut lire dans les œuvres de Chastellain et les mémoires d’Olivier de la Marche, tous deux histori
4626 re dans les œuvres de Chastellain et les mémoires d’ Olivier de la Marche, tous deux historiographes du fastueux et chevale
4627 istoriographes du fastueux et chevaleresque duché de Bourgogne au xve siècle. L’amour et la mort s’y marient dans un pays
4628 marient dans un paysage artificiel et symbolique de très haute mélancolie. « L’héroïsme par amour — voilà le motif romane
4629 mation immédiate du désir sensuel en un sacrifice de soi-même qui semble faire partie du domaine de l’éthique… L’expressio
4630 ce de soi-même qui semble faire partie du domaine de l’éthique… L’expression et la satisfaction du désir, qui paraissent t
4631 complissement du désir, et la délivrance est donc de toute manière assurée. » La mise en scène des tournois emprunte ses i
4632 scène des tournois emprunte ses idées aux romans de la Table ronde. Ainsi, au xve siècle, le Pas d’Armes dit de la Fonta
4633 de la Table ronde. Ainsi, au xve siècle, le Pas d’ Armes dit de la Fontaine des Pleurs est basé sur une aventure romanesq
4634 ronde. Ainsi, au xve siècle, le Pas d’Armes dit de la Fontaine des Pleurs est basé sur une aventure romanesque imaginair
4635 les conditions décrites par les chapitres du pas d’ armes. C’est à cheval qu’il faut toucher les boucliers : les chevalier
4636 er à la pèlerine » ; parfois il apparaît en héros de roman et s’appelle le chevalier au cygne, ou porte les armes de Lance
4637 appelle le chevalier au cygne, ou porte les armes de Lancelot, de Tristan ou de Palamedes… Le plus souvent, un voile de mé
4638 evalier au cygne, ou porte les armes de Lancelot, de Tristan ou de Palamedes… Le plus souvent, un voile de mélancolie est
4639 ne, ou porte les armes de Lancelot, de Tristan ou de Palamedes… Le plus souvent, un voile de mélancolie est répandu sur to
4640 ristan ou de Palamedes… Le plus souvent, un voile de mélancolie est répandu sur toute l’action : le nom de la Fontaine des
4641 élancolie est répandu sur toute l’action : le nom de la Fontaine des Pleurs est éminemment suggestif. Les écus sont blancs
4642 if. Les écus sont blancs, violets et noirs, semés de larmes blanches ; on les touche par pitié pour la « Dame des pleurs »
4643 emprise du Dragon, célébré à l’occasion du départ de sa fille Marguerite, devenue reine d’Angleterre, le roi René apparaît
4644 apparaît en noir, sur un cheval noir caparaçonné de noir, avec une lance noire et un écu de sable aux larmes d’argent… Po
4645 paraçonné de noir, avec une lance noire et un écu de sable aux larmes d’argent… Pour l’Arbre Charlemagne, les écus sont no
4646 vec une lance noire et un écu de sable aux larmes d’ argent… Pour l’Arbre Charlemagne, les écus sont noirs et violets aux l
4647 rnoi apparaît encore dans la coutume du chevalier de porter le voile ou une pièce du vêtement de sa dame, qu’il lui remet
4648 alier de porter le voile ou une pièce du vêtement de sa dame, qu’il lui remet parfois, après le combat, tout maculé de son
4649 l lui remet parfois, après le combat, tout maculé de son sang. (Ainsi fait Lancelot dans les romans de la Table ronde.) « 
4650 de son sang. (Ainsi fait Lancelot dans les romans de la Table ronde.) « L’atmosphère de passion qui entourait les tournois
4651 ans les romans de la Table ronde.) « L’atmosphère de passion qui entourait les tournois explique l’hostilité de l’Église p
4652 n qui entourait les tournois explique l’hostilité de l’Église pour ces sports. Ceux-ci provoquaient parfois d’éclatants ad
4653 ise pour ces sports. Ceux-ci provoquaient parfois d’ éclatants adultères, comme le témoigne à propos du tournois de 1389, l
4654 adultères, comme le témoigne à propos du tournois de  1389, le Religieux de Saint-Denis, et sur la foi de celui-ci Jean Juv
4655 moigne à propos du tournois de 1389, le Religieux de Saint-Denis, et sur la foi de celui-ci Jean Juvénal des Ursins. » ⁂ C
4656  1389, le Religieux de Saint-Denis, et sur la foi de celui-ci Jean Juvénal des Ursins. » ⁂ Cependant, la grande vogue des
4657 endant, la grande vogue des tournois est l’indice d’ un déclin de la chevalerie. Celle-ci se heurte dès le début du xve si
4658 rande vogue des tournois est l’indice d’un déclin de la chevalerie. Celle-ci se heurte dès le début du xve siècle (batail
4659 i se heurte dès le début du xve siècle (bataille d’ Azincourt) à des réalités de plus en plus brutales et matérielles qui
4660 la guerre, aux xive et xve siècles, était faite d’ approches furtives, d’incursions et de raids. » Cependant « vers l’an 
4661 t xve siècles, était faite d’approches furtives, d’ incursions et de raids. » Cependant « vers l’an 1400 encore, les cimie
4662 était faite d’approches furtives, d’incursions et de raids. » Cependant « vers l’an 1400 encore, les cimiers et les blason
4663 cimiers et les blasons, les bannières et les cris de guerre conservent aux combats un caractère individuel et l’apparence
4664 ux combats un caractère individuel et l’apparence d’ un noble sport. » Mais dans le courant du xve siècle, l’on se met à c
4665 les lansquenets introduisent l’usage du tambour, d’ origine orientale. « Avec son effet hypnotique et inharmonieux, le tam
4666 le tambour symbolise la transition entre l’époque de la chevalerie et celle de l’art militaire moderne ; il est un élément
4667 ansition entre l’époque de la chevalerie et celle de l’art militaire moderne ; il est un élément dans la mécanisation de l
4668 moderne ; il est un élément dans la mécanisation de la guerre. » Enfin le coup de grâce sera porté à la chevalerie par l’
4669 ans la mécanisation de la guerre. » Enfin le coup de grâce sera porté à la chevalerie par l’invention de l’artillerie. « E
4670 grâce sera porté à la chevalerie par l’invention de l’artillerie. « Et n’est-ce pas une ironie du sort qui fit que cette
4671 que cette fleur des chevaliers errants à la mode de Bourgogne, Jacques de Lalaing, fut tué par un boulet de canon ? » ⁂ I
4672 rgogne, Jacques de Lalaing, fut tué par un boulet de canon ? » ⁂ Il n’en reste pas moins que les conventions de la guerre
4673 ? » ⁂ Il n’en reste pas moins que les conventions de la guerre et de l’amour courtois ont marqué les coutumes occidentales
4674 ste pas moins que les conventions de la guerre et de l’amour courtois ont marqué les coutumes occidentales d’une empreinte
4675 our courtois ont marqué les coutumes occidentales d’ une empreinte qui ne s’effacera guère qu’au xxe siècle. L’idée de val
4676 qui ne s’effacera guère qu’au xxe siècle. L’idée de valeur individuelle, ou d’exploit guerrier, représenté par le duel et
4677 au xxe siècle. L’idée de valeur individuelle, ou d’ exploit guerrier, représenté par le duel et la « prouesse » (tournoi,
4678 at singulier des deux chefs en présence) ; l’idée de régler les batailles d’après un protocole quasi sacral ; la conceptio
4679 protocole quasi sacral ; la conception ascétique de la vie militaire (jeûnes prolongés avant l’épreuve des armes) ; les c
4680 l’épreuve des armes) ; les conventions permettant de déterminer le vainqueur (c’est par exemple celui qui passe la nuit su
4681 rotiques et militaires — tout cela ne cessera pas de déterminer les modes de guerroyer à travers les siècles suivants. Si
4682  tout cela ne cessera pas de déterminer les modes de guerroyer à travers les siècles suivants. Si bien que l’on pourra con
4683 omme relatif à un changement dans les conceptions de l’amour, ou inversement. 5.Condottieri et canons « L’Italie n’a
4684 s ; riche, bien peuplée et ne reconnaissant point de domination étrangère, elle tirait encore un nouveau lustre de la magn
4685 n étrangère, elle tirait encore un nouveau lustre de la magnificence de plusieurs de ses Princes, de la beauté d’un grand
4686 irait encore un nouveau lustre de la magnificence de plusieurs de ses Princes, de la beauté d’un grand nombre de villes cé
4687 un nouveau lustre de la magnificence de plusieurs de ses Princes, de la beauté d’un grand nombre de villes célèbres et de
4688 e de la magnificence de plusieurs de ses Princes, de la beauté d’un grand nombre de villes célèbres et de la majesté du Si
4689 ficence de plusieurs de ses Princes, de la beauté d’ un grand nombre de villes célèbres et de la majesté du Siège de la Rel
4690 rs de ses Princes, de la beauté d’un grand nombre de villes célèbres et de la majesté du Siège de la Religion. Les Science
4691 la beauté d’un grand nombre de villes célèbres et de la majesté du Siège de la Religion. Les Sciences et les Arts fleuriss
4692 Arts fleurissaient dans son sein, elle possédait de grands hommes d’État, et même d’excellents capitaines pour ce temps-l
4693 , elle possédait de grands hommes d’État, et même d’ excellents capitaines pour ce temps-là187. » Ces capitaines, c’étaient
4694 es capitaines, c’étaient les condottieri. Soldats de métier au service des Princes et des papes, ils avaient pour coutume
4695 et des papes, ils avaient pour coutume bien moins de faire la guerre que d’empêcher qu’on y tuât du monde. Ces aventuriers
4696 nt pour coutume bien moins de faire la guerre que d’ empêcher qu’on y tuât du monde. Ces aventuriers étaient avant tout d’a
4697 tuât du monde. Ces aventuriers étaient avant tout d’ avisés diplomates, d’astucieux commerçants. Ils savaient le prix d’un
4698 enturiers étaient avant tout d’avisés diplomates, d’ astucieux commerçants. Ils savaient le prix d’un soldat. Leur tactique
4699 es, d’astucieux commerçants. Ils savaient le prix d’ un soldat. Leur tactique consistait essentiellement à faire des prison
4700 réussite — ils parvenaient à battre l’adversaire d’ une manière vraiment radicale : ils détruisaient l’ensemble de ses for
4701 e vraiment radicale : ils détruisaient l’ensemble de ses forces en achetant d’un bloc son armée. Quand ils n’y arrivaient
4702 détruisaient l’ensemble de ses forces en achetant d’ un bloc son armée. Quand ils n’y arrivaient pas, il fallait se résoudr
4703 n danger : « On combat toujours à cheval, couvert d’ armes et assuré de la vie lorsqu’on se rend prisonnier… La vie des vai
4704 mbat toujours à cheval, couvert d’armes et assuré de la vie lorsqu’on se rend prisonnier… La vie des vaincus est presque t
4705 propriétés ; tout ce qu’ils ont à craindre, c’est de payer une contribution188. » Cet art de guerre exprimait dans son pla
4706 re, c’est de payer une contribution188. » Cet art de guerre exprimait dans son plan — alors considéré comme inférieur — un
4707 une « civilisation » profonde, donc le contraire d’ une « militarisation ». L’État était devenu une œuvre d’art, selon l’e
4708 était devenu une œuvre d’art, selon l’expression de Burckhardt. La guerre elle-même s’était civilisée dans toute la mesur
4709 mpagne. (Ce n’était plus d’ailleurs un « jugement de Dieu », mais le triomphe d’une personnalité.) On réprouvait l’usage d
4710 illeurs un « jugement de Dieu », mais le triomphe d’ une personnalité.) On réprouvait l’usage des armes à feu comme contrai
4711 sage des armes à feu comme contraire à la dignité de l’individu. (Le condottiere Paolo Vitelli fit même crever les yeux d’
4712 ondottiere Paolo Vitelli fit même crever les yeux d’ un de ses adversaires parce que le misérable avait osé soutenir la lég
4713 tiere Paolo Vitelli fit même crever les yeux d’un de ses adversaires parce que le misérable avait osé soutenir la légitimi
4714 que le misérable avait osé soutenir la légitimité de l’emploi des canons.) Et comment concevait-on l’amour ? Burckhardt in
4715 que les mariages se concluaient sans drame, après de très courtes fiançailles, et que le droit du mari à la fidélité de l’
4716 iançailles, et que le droit du mari à la fidélité de l’épouse ne revêtait pas ce caractère absolu qu’il avait pris dans le
4717 il avait pris dans les pays nordiques. Les femmes de la haute société recevaient une éducation aussi complète que celle de
4718 ssi complète que celle des hommes, et jouissaient d’ une entière égalité morale, à l’inverse de ce qui se passait en France
4719 ssaient d’une entière égalité morale, à l’inverse de ce qui se passait en France et dans les Allemagnes. Si par ailleurs,
4720 et vénale dans la pratique, il en allait de même de l’amour. Semblables aux hétaïres de la Grèce antique, les courtisanes
4721 llait de même de l’amour. Semblables aux hétaïres de la Grèce antique, les courtisanes jouaient un rôle parfois considérab
4722 eur culture, récitant et faisant des vers, jouant d’ un instrument, tenant conversation. Cette paganisation de la vie sexue
4723 strument, tenant conversation. Cette paganisation de la vie sexuelle dénote un recul sensible des influences courtoises, u
4724 niste. La « courtoisie » prenait son sens moderne de politesse et de civilité. Il n’était plus question de condamner la vi
4725 toisie » prenait son sens moderne de politesse et de civilité. Il n’était plus question de condamner la vie. Et « l’instin
4726 olitesse et de civilité. Il n’était plus question de condamner la vie. Et « l’instinct de mort » semblait neutralisé. ⁂ C’
4727 lus question de condamner la vie. Et « l’instinct de mort » semblait neutralisé. ⁂ C’est sur cette Italie heureuse, immora
4728 ue190 qu’allaient se jeter les troupes françaises de Charles VIII. Le tonnerre de leurs trente-six canons de bronze provoq
4729 s troupes françaises de Charles VIII. Le tonnerre de leurs trente-six canons de bronze provoqua dans la péninsule une pani
4730 rles VIII. Le tonnerre de leurs trente-six canons de bronze provoqua dans la péninsule une panique de fin du monde. « Le p
4731 de bronze provoqua dans la péninsule une panique de fin du monde. « Le passage de ce prince en Italie, dit Guichardin, fu
4732 ninsule une panique de fin du monde. « Le passage de ce prince en Italie, dit Guichardin, fut la source d’une infinité de
4733 e prince en Italie, dit Guichardin, fut la source d’ une infinité de maux et de révolutions. Les États changèrent tout à co
4734 lie, dit Guichardin, fut la source d’une infinité de maux et de révolutions. Les États changèrent tout à coup de face, les
4735 ichardin, fut la source d’une infinité de maux et de révolutions. Les États changèrent tout à coup de face, les provinces
4736 les villes détruites, et tout le pays fut inondé de sang… L’Italie apprit aussi une nouvelle mais sanglante méthode de fa
4737 apprit aussi une nouvelle mais sanglante méthode de faire la guerre… qui troubla tellement la paix et l’harmonie de nos p
4738 erre… qui troubla tellement la paix et l’harmonie de nos provinces qu’il fut depuis impossible d’y rétablir l’ordre et la
4739 onie de nos provinces qu’il fut depuis impossible d’ y rétablir l’ordre et la tranquillité191. » Ce n’était pas que les Ita
4740 était pas que les Italiens eussent ignoré l’usage de l’artillerie jusqu’à cette date, mais ils la méprisaient, comme je l’
4741 i dit, et comme le prouvent encore les invectives de l’Arioste contre les armes à feu. Au surplus, dit Guichardin, « les F
4742 es pièces qu’ils appelaient canons étaient toutes de bronze… Les décharges étaient si fréquentes et si fortes qu’elles fai
4743 ns les combats que dans les sièges… » Autre sujet d’ effroi pour l’Italie : tandis que dans la milice des condottieri « la
4744 la milice des condottieri « la plupart des hommes d’ armes étaient ou paysans ou de la lie du peuple, presque toujours suje
4745 plupart des hommes d’armes étaient ou paysans ou de la lie du peuple, presque toujours sujets d’un autre prince que celui
4746 s ou de la lie du peuple, presque toujours sujets d’ un autre prince que celui pour lequel ils faisaient la guerre », et n’
4747 et n’étaient donc animés « ni par aucun sentiment de gloire ni par aucun motif extérieur », l’armée française se présentai
4748 présentait comme une armée nationale : « Les gens d’ armes étaient presque tous sujets du Roi et gentilshommes » ce qui les
4749 ts du Roi et gentilshommes » ce qui les empêchait de « changer de maître par ambition ou par avarice ». On pressentit dès
4750 gentilshommes » ce qui les empêchait de « changer de maître par ambition ou par avarice ». On pressentit dès lors d’inévit
4751 ambition ou par avarice ». On pressentit dès lors d’ inévitables carnages. Et en effet au combat de Rappallo, tout au début
4752 ors d’inévitables carnages. Et en effet au combat de Rappallo, tout au début de la campagne, sur les 3000 hommes engagés,
4753 Et en effet au combat de Rappallo, tout au début de la campagne, sur les 3000 hommes engagés, plus de 100 furent tués : «
4754 de la campagne, sur les 3000 hommes engagés, plus de 100 furent tués : « Nombre considérable par rapport à la manière dont
4755 les Espagnols « chez lesquels peut-être un apport de sang non-occidental, ou peut-être l’habitude des spectacles de l’Inqu
4756 ccidental, ou peut-être l’habitude des spectacles de l’Inquisition avaient déchaîné les instincts démoniaques ». Artilleri
4757 linées et uniformes. Évolution qui devait aboutir de nos jours à l’annihilation de toute passion guerrière, à mesure que l
4758 qui devait aboutir de nos jours à l’annihilation de toute passion guerrière, à mesure que les hommes desservant les machi
4759 êmes des machines, n’exécutant qu’un petit nombre de mouvements automatiques, destinés à donner la mort à distance, sans c
4760 . 6.La guerre classique L’effort des hommes de guerre, aux xviie et xviiie siècles, sera de dominer le monstre méc
4761 es de guerre, aux xviie et xviiie siècles, sera de dominer le monstre mécanique, afin de sauver autant que possible le c
4762 de sauver autant que possible le caractère humain de la guerre. On ne peut pas renoncer aux inventions techniques, à l’art
4763 fications. Du moins va-t-on multiplier les règles de la tactique et de la stratégie, afin que l’intelligence, et la « vale
4764 s va-t-on multiplier les règles de la tactique et de la stratégie, afin que l’intelligence, et la « valeur » des chefs gar
4765 nt apparemment le premier rang parmi les facteurs de la lutte. La chevalerie représentait un effort pour donner un style à
4766 nserver et recréer ce style malgré l’intervention de facteurs inhumains. D’où le formalisme étonnant de l’art militaire de
4767 tyle malgré l’intervention de facteurs inhumains. D’ où le formalisme étonnant de l’art militaire de ces siècles192. Avec V
4768 e facteurs inhumains. D’où le formalisme étonnant de l’art militaire de ces siècles192. Avec Vauban, le siège d’une place
4769 s. D’où le formalisme étonnant de l’art militaire de ces siècles192. Avec Vauban, le siège d’une place forte devient une s
4770 ilitaire de ces siècles192. Avec Vauban, le siège d’ une place forte devient une sorte d’opération de l’esprit dont les pér
4771 ban, le siège d’une place forte devient une sorte d’ opération de l’esprit dont les péripéties se déroulent, on l’a bien di
4772 e d’une place forte devient une sorte d’opération de l’esprit dont les péripéties se déroulent, on l’a bien dit, comme les
4773 déroulent, on l’a bien dit, comme les cinq actes d’ une tragédie classique. « C’est alors que la guerre ressemble vraiment
4774 ors que la guerre ressemble vraiment à une partie d’ échecs. Lorsque après des manœuvres compliquées, un des adversaires a
4775 rtes — alors vient la grande bataille : du sommet de quelque coteau, où lui apparaît tout le terrain du combat, tout l’éch
4776 leur boîte ou les régiments dans leurs quartiers d’ hiver, et chacun va à ses petites affaires en attendant la partie ou l
4777 suivante193. » Chaque fois que reparaît l’élément de jeu dans la guerre, on peut en déduire que la société et sa culture f
4778 t sa culture font un effort pour recréer le mythe de la passion, c’est-à-dire pour rendre à la puissance anarchique un cad
4779 à la puissance anarchique un cadre et des moyens d’ expression rituels. Et c’est bien ce qui se vérifie dans le cas du xvi
4780 viiie siècle194. Mot étonnant, d’ailleurs repris de von der Goltz, dans un passage qu’il vaut la peine de citer : « L’err
4781 on der Goltz, dans un passage qu’il vaut la peine de citer : « L’erreur (des généraux « formalistes ») consistait à placer
4782 raux « formalistes ») consistait à placer l’objet de la guerre dans l’exécution de manœuvres finement combinées et non dan
4783 it à placer l’objet de la guerre dans l’exécution de manœuvres finement combinées et non dans l’anéantissement des forces
4784 combinées et non dans l’anéantissement des forces de l’adversaire. Le monde militaire est toujours tombé dans ces erreurs
4785 à abandonner la notion droite et simple des lois de la guerre, à spiritualiser la matière, en négligeant le sens naturel
4786 » est peut-être excessif : il ne s’agissait guère de rationaliser. Mais l’expression (méprisante !) est bien typique de la
4787 Mais l’expression (méprisante !) est bien typique de la psychologie qui apparaîtra dès la Révolution française — ce déchaî
4788 ue reprochent les stratèges modernes aux généraux de Louis XIV et de Louis XV ? C’est d’avoir essayé de faire la guerre en
4789 s stratèges modernes aux généraux de Louis XIV et de Louis XV ? C’est d’avoir essayé de faire la guerre en tuant le moins
4790 aux généraux de Louis XIV et de Louis XV ? C’est d’ avoir essayé de faire la guerre en tuant le moins d’hommes qu’ils pouv
4791 e Louis XIV et de Louis XV ? C’est d’avoir essayé de faire la guerre en tuant le moins d’hommes qu’ils pouvaient. Or c’éta
4792 avoir essayé de faire la guerre en tuant le moins d’ hommes qu’ils pouvaient. Or c’était là le triomphe d’une civilisation
4793 ommes qu’ils pouvaient. Or c’était là le triomphe d’ une civilisation dont tout l’effort tendait à ordonner la Nature, la m
4794 Nature, la matière, et leurs fatalités, aux lois de la raison humaine et de l’intérêt personnel. Illusion si l’on veut, m
4795 leurs fatalités, aux lois de la raison humaine et de l’intérêt personnel. Illusion si l’on veut, mais sans laquelle nulle
4796 pouvait faire des tragédies sans crime. Le refus de trouver belles les catastrophes, voilà qui peut définir l’âge classiq
4797 d’ailleurs secrètement désirés ; mais la grandeur de l’homme est de limiter leur champ, de les canaliser et de les utilise
4798 ètement désirés ; mais la grandeur de l’homme est de limiter leur champ, de les canaliser et de les utiliser, on dirait mê
4799 la grandeur de l’homme est de limiter leur champ, de les canaliser et de les utiliser, on dirait même de les subordonner à
4800 me est de limiter leur champ, de les canaliser et de les utiliser, on dirait même de les subordonner à une diplomatie, art
4801 les canaliser et de les utiliser, on dirait même de les subordonner à une diplomatie, art de civils. Louis XIV déclare la
4802 ait même de les subordonner à une diplomatie, art de civils. Louis XIV déclare la guerre sous des prétextes juridiques et
4803 où l’honneur national n’a rien à voir. Querelles de gendre et de beau-père au sujet de la dot promise. Et c’est de même q
4804 national n’a rien à voir. Querelles de gendre et de beau-père au sujet de la dot promise. Et c’est de même que l’on « tra
4805 iècle est le plus propre à illustrer le parallèle de l’amour et de la guerre. Il suffira de quelques touches pour l’indiqu
4806 lus propre à illustrer le parallèle de l’amour et de la guerre. Il suffira de quelques touches pour l’indiquer. Don Juan s
4807 parallèle de l’amour et de la guerre. Il suffira de quelques touches pour l’indiquer. Don Juan succède à Tristan, la volu
4808 re en même temps se « profanise » : aux Jugements de Dieu, à la chevalerie sacrée, bardée de fer, ascétique et sanglante,
4809 Jugements de Dieu, à la chevalerie sacrée, bardée de fer, ascétique et sanglante, succède une diplomatie retorse, une armé
4810 , libertins et bien décidés à sauver « la douceur de vivre ». Les légendes épiques et les romans de la Table ronde multipl
4811 ur de vivre ». Les légendes épiques et les romans de la Table ronde multiplient les récits de tueries inouïes ; la gloire
4812 s romans de la Table ronde multiplient les récits de tueries inouïes ; la gloire d’un chevalier est faite du nombre de ses
4813 iplient les récits de tueries inouïes ; la gloire d’ un chevalier est faite du nombre de ses adversaires pourfendus et déca
4814 es ; la gloire d’un chevalier est faite du nombre de ses adversaires pourfendus et décapités, et si possible tranchés en d
4815 dus et décapités, et si possible tranchés en deux de la tête aux pieds d’un formidable coup d’épée. Les exagérations sauva
4816 si possible tranchés en deux de la tête aux pieds d’ un formidable coup d’épée. Les exagérations sauvages de ces récits ne
4817 formidable coup d’épée. Les exagérations sauvages de ces récits ne laissent pas de doute sur ce qui flatte la vraie passio
4818 agérations sauvages de ces récits ne laissent pas de doute sur ce qui flatte la vraie passion de l’homme du Moyen Âge. Glo
4819 t pas de doute sur ce qui flatte la vraie passion de l’homme du Moyen Âge. Gloire du sang ! Mais le xviiie siècle considé
4820 ie siècle considéra comme une réussite glorieuse d’ avoir pris une ville assiégée en ne faisant de part et d’autre que tro
4821 use d’avoir pris une ville assiégée en ne faisant de part et d’autre que trois morts. C’est l’art savant qui est à l’honne
4822 pris une ville assiégée en ne faisant de part et d’ autre que trois morts. C’est l’art savant qui est à l’honneur. Maurice
4823 e suis point pour les batailles, surtout au début d’ une guerre. Je suis persuadé qu’un bon général pourra la faire toute s
4824 t parmi les troupes ennemies — en véritable héros de l’Astrée qu’il fut. Et cette suprême politesse devant la mort, à Font
4825 Fontenoy. ⁂ Mais voici la totale « profanation » de la guerre et de sa passion sacrée : c’est Law, le financier de la Rég
4826 s voici la totale « profanation » de la guerre et de sa passion sacrée : c’est Law, le financier de la Régence qui la prop
4827 et de sa passion sacrée : c’est Law, le financier de la Régence qui la propose, reprenant, et sans doute à son insu, la mé
4828 2 milliards pour vingt ans. Nous n’avons pas plus de cinq ans de guerre chaque vingt ans, et cette guerre en outre, nous m
4829 pour vingt ans. Nous n’avons pas plus de cinq ans de guerre chaque vingt ans, et cette guerre en outre, nous met en arrièr
4830 incertain. Avec bien du bonheur, on peut espérer de détruire 150 000 ennemis par le feu, le fer, l’eau, la faim, les fati
4831 adies. Ainsi, la destruction directe ou indirecte d’ un soldat allemand nous coûte 20 000 livres sans compter la perte sur
4832 cet attirail dispendieux, incommode et dangereux, d’ une armée permanente, ne vaudrait-il pas mieux en épargner les frais e
4833 e actuel, on perd celui qu’on avait sans profiter de celui qu’on a détruit si dispendieusement. » ⁂ Les Goncourt ont très
4834 rès bien senti l’identité foncière des phénomènes de la guerre et de l’amour au xviiie . Voici dans quels termes ils décri
4835 ’identité foncière des phénomènes de la guerre et de l’amour au xviiie . Voici dans quels termes ils décrivent la « tactiq
4836 ls termes ils décrivent la « tactique » des roués de l’époque : « C’est dans cette guerre et ce jeu de l’amour, que le siè
4837 de l’époque : « C’est dans cette guerre et ce jeu de l’amour, que le siècle révèle peut-être ses qualités les plus profond
4838 s ressources les plus secrètes, et comme un génie de duplicité tout inattendu du caractère français. Que de grands diploma
4839 plicité tout inattendu du caractère français. Que de grands diplomates, que de grands politiques sans nom, plus habiles qu
4840 caractère français. Que de grands diplomates, que de grands politiques sans nom, plus habiles que Dubois, plus insinuants
4841 s insinuants que Bernis, parmi cette petite bande d’ hommes qui font de la séduction de la femme le but de leurs pensées et
4842 ernis, parmi cette petite bande d’hommes qui font de la séduction de la femme le but de leurs pensées et la grande affaire
4843 te petite bande d’hommes qui font de la séduction de la femme le but de leurs pensées et la grande affaire de leur vie… Qu
4844 ommes qui font de la séduction de la femme le but de leurs pensées et la grande affaire de leur vie… Que de combinaisons d
4845 emme le but de leurs pensées et la grande affaire de leur vie… Que de combinaisons de romancier et de stratégiste ! Pas un
4846 urs pensées et la grande affaire de leur vie… Que de combinaisons de romancier et de stratégiste ! Pas un n’attaque une fe
4847 a grande affaire de leur vie… Que de combinaisons de romancier et de stratégiste ! Pas un n’attaque une femme sans avoir f
4848 de leur vie… Que de combinaisons de romancier et de stratégiste ! Pas un n’attaque une femme sans avoir fait ce qu’on app
4849 u dissimulé… « N’omettre rien » c’est le précepte de l’un d’eux195. » Devise de général, que les Soubise, par malheur, n’o
4850 ulé… « N’omettre rien » c’est le précepte de l’un d’ eux195. » Devise de général, que les Soubise, par malheur, n’oubliaien
4851 en » c’est le précepte de l’un d’eux195. » Devise de général, que les Soubise, par malheur, n’oubliaient guère que sur le
4852 , il y a la Révolution française et les campagnes de Bonaparte, c’est-à-dire le retour dans la guerre de la passion catast
4853 Bonaparte, c’est-à-dire le retour dans la guerre de la passion catastrophique. Du point de vue proprement militaire, qu’a
4854 e, qu’apportait la Révolution ? « Un déchaînement de passion inconnu avant elle », répond Foch. L’hérésie de l’ancienne éc
4855 sion inconnu avant elle », répond Foch. L’hérésie de l’ancienne école, précise-t-il, c’était d’avoir voulu « faire de la g
4856 érésie de l’ancienne école, précise-t-il, c’était d’ avoir voulu « faire de la guerre une science exacte, méconnaissant sa
4857 cole, précise-t-il, c’était d’avoir voulu « faire de la guerre une science exacte, méconnaissant sa nature même de drame e
4858 une science exacte, méconnaissant sa nature même de drame effrayant et passionné (Jomini) ». On sait par ailleurs quelle
4859 (Jomini) ». On sait par ailleurs quelle explosion de sentimentalisme précéda et accompagna la Révolution, phénomène beauco
4860 96. Longtemps contenue dans les formes classiques de la guerre, la violence, après le meurtre du Roi — action sacrée et ri
4861 les sociétés primitives — redevient quelque chose d’ horrifiant et d’attirant à la fois. C’est le culte et le mystère sangl
4862 mitives — redevient quelque chose d’horrifiant et d’ attirant à la fois. C’est le culte et le mystère sanglant autour duque
4863 la Nation. Or la Nation, c’est la transposition de la passion sur le plan collectif. À vrai dire, il est plus facile de
4864 e plan collectif. À vrai dire, il est plus facile de le sentir que de l’expliquer rationnellement. Toute passion, dira-t-o
4865 À vrai dire, il est plus facile de le sentir que de l’expliquer rationnellement. Toute passion, dira-t-on, suppose deux ê
4866 r la Nation… Nous savons toutefois que la passion d’ amour, par exemple, est en son fond un narcissisme, autoexaltation de
4867 e, est en son fond un narcissisme, autoexaltation de l’amant, bien plus que relation avec l’aimée. Ce que désire Tristan,
4868 l’aimée. Ce que désire Tristan, c’est la brûlure d’ amour plus que la possession d’Iseut. Car la brûlure intense et dévora
4869 , c’est la brûlure d’amour plus que la possession d’ Iseut. Car la brûlure intense et dévorante de la passion le divinise,
4870 sion d’Iseut. Car la brûlure intense et dévorante de la passion le divinise, et comme Wagner l’a vu, l’égale au monde. « M
4871 t que Dieu. Elle veut (sans le savoir) qu’au-delà de cette gloire, sa mort soit véritablement la fin de tout. L’ardeur nat
4872 e cette gloire, sa mort soit véritablement la fin de tout. L’ardeur nationaliste, elle aussi, est une autoexaltation, un a
4873 premier lieu, et qu’on proclame. Mais cette haine de l’autre, n’est-elle pas toujours présente dans les transports de l’am
4874 st-elle pas toujours présente dans les transports de l’amour-passion ? Il n’y a donc qu’un déplacement d’accent. Ensuite,
4875 l’amour-passion ? Il n’y a donc qu’un déplacement d’ accent. Ensuite, que veut la passion nationale ? L’exaltation de la fo
4876 ite, que veut la passion nationale ? L’exaltation de la force collective ne peut mener qu’à ce dilemme : ou l’impérialisme
4877 e : ou l’impérialisme triomphe — c’est l’ambition de s’égaler au monde — ou le voisin s’y oppose énergiquement, et c’est l
4878 ainsi sans se l’avouer qu’elle préfère le risque de mort, et la mort même, à l’abandon de sa passion. « La liberté ou la
4879 e le risque de mort, et la mort même, à l’abandon de sa passion. « La liberté ou la mort », hurlaient les jacobins à l’heu
4880 s, à l’heure où liberté et mort étaient bien près d’ avoir le même sens… Ainsi la nation et la Guerre sont liées comme l’Am
4881 sormais le fait national sera le facteur dominant de la guerre. « Celui qui écrit sur la stratégie et sur la tactique devr
4882 e et une tactique nationales, seules susceptibles d’ être profitables à la nation pour laquelle il écrit ». Ainsi s’exprime
4883 insi s’exprime le général von der Goltz, disciple de Clausewitz, lequel n’a cessé d’affirmer que toute la théorie prussien
4884 r Goltz, disciple de Clausewitz, lequel n’a cessé d’ affirmer que toute la théorie prussienne de la guerre devait se fonder
4885 cessé d’affirmer que toute la théorie prussienne de la guerre devait se fonder sur l’expérience des campagnes de la Révol
4886 e devait se fonder sur l’expérience des campagnes de la Révolution et de l’Empire. La bataille de Valmy fut gagnée par la
4887 ur l’expérience des campagnes de la Révolution et de l’Empire. La bataille de Valmy fut gagnée par la passion contre la « 
4888 gnes de la Révolution et de l’Empire. La bataille de Valmy fut gagnée par la passion contre la « science exacte ». C’est a
4889 assion contre la « science exacte ». C’est au cri de Vive la Nation ! que les sans-culottes repoussèrent l’armée « classiq
4890 armée « classique » des alliés. On connaît le mot de Goethe, au soir de la bataille : « De ce lieu, de ce jour, date une è
4891 des alliés. On connaît le mot de Goethe, au soir de la bataille : « De ce lieu, de ce jour, date une ère nouvelle dans l’
4892 naît le mot de Goethe, au soir de la bataille : «  De ce lieu, de ce jour, date une ère nouvelle dans l’histoire du monde. 
4893 de Goethe, au soir de la bataille : « De ce lieu, de ce jour, date une ère nouvelle dans l’histoire du monde. » Et Foch co
4894 laient consacrer à la lutte toutes les ressources de la nation ; parce qu’elles allaient se donner comme but non un intérê
4895 êt dynastique, mais la conquête ou la propagation d’ idées philosophiques… d’avantages immatériels… parce qu’elles allaient
4896 onquête ou la propagation d’idées philosophiques… d’ avantages immatériels… parce qu’elles allaient mettre en jeu des senti
4897 ntiments, des passions, c’est-à-dire des éléments de force jusqu’alors inexploités. » ⁂ Il serait assez curieux de précise
4898 qu’alors inexploités. » ⁂ Il serait assez curieux de préciser le parallèle entre les amours de Bonaparte puis de Napoléon
4899 curieux de préciser le parallèle entre les amours de Bonaparte puis de Napoléon d’une part, et les campagnes d’Italie puis
4900 r le parallèle entre les amours de Bonaparte puis de Napoléon d’une part, et les campagnes d’Italie puis d’Autriche, d’aut
4901 rte puis de Napoléon d’une part, et les campagnes d’ Italie puis d’Autriche, d’autre part. Un certain type de bataille corr
4902 poléon d’une part, et les campagnes d’Italie puis d’ Autriche, d’autre part. Un certain type de bataille correspond à la sé
4903 ie puis d’Autriche, d’autre part. Un certain type de bataille correspond à la séduction de Joséphine — c’est le coup d’aud
4904 ertain type de bataille correspond à la séduction de Joséphine — c’est le coup d’audace de l’inférieur qui jette toutes se
4905 spond à la séduction de Joséphine — c’est le coup d’ audace de l’inférieur qui jette toutes ses forces au point décisif, et
4906 a séduction de Joséphine — c’est le coup d’audace de l’inférieur qui jette toutes ses forces au point décisif, et bluffe ;
4907 orces au point décisif, et bluffe ; un autre type de bataille correspond au mariage dynastique avec l’archiduchesse Marie-
4908 e, brutale… Et il n’est pas sans intérêt non plus de noter que Waterloo fut une bataille perdue par excès de science, peut
4909 er que Waterloo fut une bataille perdue par excès de science, peut-être, ou par défaut d’élan national-révolutionnaire… Ce
4910 ue par excès de science, peut-être, ou par défaut d’ élan national-révolutionnaire… Ce qui est certain, c’est que Napoléon
4911 acteur passionnel dans la conduite des batailles. D’ où ce cri d’un des généraux qu’il venait de battre en Italie : « Il n’
4912 onnel dans la conduite des batailles. D’où ce cri d’ un des généraux qu’il venait de battre en Italie : « Il n’est pas poss
4913 ait de battre en Italie : « Il n’est pas possible de méconnaître, comme ce Bonaparte, les principes les plus élémentaires
4914 ce Bonaparte, les principes les plus élémentaires de l’art de guerre. » 9.La guerre nationale À partir de la Révolut
4915 rte, les principes les plus élémentaires de l’art de guerre. » 9.La guerre nationale À partir de la Révolution, l’on
4916 battre « avec le cœur des soldats » c’est-à-dire d’ une façon « farouche et tragique » (Foch). Il faudrait préciser : ce n
4917 och). Il faudrait préciser : ce n’est pas le cœur de chaque soldat considéré comme un héros qui décidera du sort d’une gue
4918 dat considéré comme un héros qui décidera du sort d’ une guerre, mais bien le cœur collectif, si l’on ose dire, la puissanc
4919 ctif, si l’on ose dire, la puissance passionnelle de la Nation. Les poètes romantiques jouèrent un rôle notable dans les g
4920 ntiques jouèrent un rôle notable dans les guerres de libération que mena la Prusse contre Napoléon. Et les philosophies d’
4921 na la Prusse contre Napoléon. Et les philosophies d’ essence passionnelle d’un Fichte et d’un Hegel, par exemple, furent le
4922 oléon. Et les philosophies d’essence passionnelle d’ un Fichte et d’un Hegel, par exemple, furent les premiers appuis du na
4923 hilosophies d’essence passionnelle d’un Fichte et d’ un Hegel, par exemple, furent les premiers appuis du nationalisme alle
4924 ent les premiers appuis du nationalisme allemand. D’ où le caractère de plus en plus sanglant des guerres du xixe siècle.
4925 nt des guerres du xixe siècle. Il ne s’agit plus d’ intérêts, mais de « religions » antagonistes. Or les religions ne tran
4926 xixe siècle. Il ne s’agit plus d’intérêts, mais de « religions » antagonistes. Or les religions ne transigent point, à l
4927 des intérêts : elles préfèrent la mort héroïque. ( De tous temps les guerres de religion ont été de beaucoup les plus viole
4928 rent la mort héroïque. (De tous temps les guerres de religion ont été de beaucoup les plus violentes.) Ceci vaut pour les
4929 e. (De tous temps les guerres de religion ont été de beaucoup les plus violentes.) Ceci vaut pour les trois premiers quart
4930 siècle et particulièrement pour la période qui va de  1848 à 1870. Après quoi, les passions nationales, provisoirement apai
4931 italisme et du commerce. La violence ne cesse pas de s’exercer au nom de la Nation, mais ce sont bel et bien des intérêts
4932 bien marqué le maréchal Foch, dans ses Principes de la guerre : La guerre fut nationale au début pour conquérir et gara
4933 et garantir l’indépendance des peuples : Français de  1792-93, Espagnols de 1804-1814, Russes de 1812, Allemands de 1813, E
4934 ance des peuples : Français de 1792-93, Espagnols de  1804-1814, Russes de 1812, Allemands de 1813, Europe de 1814, et comp
4935 ançais de 1792-93, Espagnols de 1804-1814, Russes de  1812, Allemands de 1813, Europe de 1814, et comporta alors ces manife
4936 Espagnols de 1804-1814, Russes de 1812, Allemands de  1813, Europe de 1814, et comporta alors ces manifestations glorieuses
4937 4-1814, Russes de 1812, Allemands de 1813, Europe de  1814, et comporta alors ces manifestations glorieuses et puissantes d
4938 alors ces manifestations glorieuses et puissantes de la passion des peuples qui s’appellent : Valmy, Saragosse, Tarancon,
4939 ité. C’est la thèse des Italiens et des Prussiens de  1866, 1870. Ce sera la thèse au nom de laquelle le roi de Prusse deve
4940 nom de laquelle le roi de Prusse devenu empereur d’ Allemagne, revendiquera les provinces allemandes de l’Autriche. Mais n
4941 ’Allemagne, revendiquera les provinces allemandes de l’Autriche. Mais nous la voyons maintenant (1903) encore nationale, e
4942 r conquérir des avantages commerciaux des traités de commerce avantageux. Après avoir été le moyen violent que les peuples
4943 ) que cette période, du point de vue des mœurs et de leur littérature, se définit par une dernière tentative de mythificat
4944 ittérature, se définit par une dernière tentative de mythification de la passion. Réaction que l’on n’oserait pas comparer
4945 finit par une dernière tentative de mythification de la passion. Réaction que l’on n’oserait pas comparer à la chevalerie,
4946 emplît la même fonction sociale (mais à la mesure de notre société). Ce n’était plus, en effet, un principe spirituel qui
4947 s « formes » et les conventions, mais des calculs d’ intérêts privés, incapables de fournir les bases d’une communauté soli
4948 s, mais des calculs d’intérêts privés, incapables de fournir les bases d’une communauté solide. La nation même que l’on in
4949 ’intérêts privés, incapables de fournir les bases d’ une communauté solide. La nation même que l’on invoquait avait perdu d
4950 de. La nation même que l’on invoquait avait perdu de son prestige romantique : le pavillon couvrait les intérêts de l’État
4951 ge romantique : le pavillon couvrait les intérêts de l’État, non les passions ou l’honneur des élites. Et l’État ne jouait
4952 État ne jouait plus guère que le rôle honorifique d’ un conseil d’administration, faisant la guerre pour des motifs bancair
4953 ant la guerre pour des motifs bancaires (conquête de Madagascar). La guerre coloniale n’est en somme que la continuation d
4954 erre coloniale n’est en somme que la continuation de la concurrence capitaliste par des moyens plus onéreux pour le pays,
4955 les classes bourgeoises, un bien bizarre mélange de sentimentalisme à fleur de nerfs et d’histoires de rentes et de dots 
4956 n bien bizarre mélange de sentimentalisme à fleur de nerfs et d’histoires de rentes et de dots : ce qu’il n’a pas cessé d’
4957 re mélange de sentimentalisme à fleur de nerfs et d’ histoires de rentes et de dots : ce qu’il n’a pas cessé d’être aujourd
4958 e sentimentalisme à fleur de nerfs et d’histoires de rentes et de dots : ce qu’il n’a pas cessé d’être aujourd’hui dans le
4959 isme à fleur de nerfs et d’histoires de rentes et de dots : ce qu’il n’a pas cessé d’être aujourd’hui dans les annonces ma
4960 res de rentes et de dots : ce qu’il n’a pas cessé d’ être aujourd’hui dans les annonces matrimoniales. La sexualité pure n’
4961  » ces petits calculs et ces « beaux sentiments » de série. (Comme une goutte d’eau « trouble » l’absinthe, et c’est pourq
4962 « beaux sentiments » de série. (Comme une goutte d’ eau « trouble » l’absinthe, et c’est pourquoi Jarry dit que l’eau est
4963 u est impure.) De même la guerre était un composé d’ excitations de l’opinion publique — qu’est-ce que la « revanche », sin
4964 De même la guerre était un composé d’excitations de l’opinion publique — qu’est-ce que la « revanche », sinon un sentimen
4965 anche », sinon un sentimentalisme national ? — et de plans commerciaux ou financiers. L’élément proprement guerrier n’y tr
4966 ir liquider sans dommages le formidable potentiel de frénésie et de grandeurs sanglantes qu’avaient accumulé en Occident d
4967 s dommages le formidable potentiel de frénésie et de grandeurs sanglantes qu’avaient accumulé en Occident des siècles de c
4968 antes qu’avaient accumulé en Occident des siècles de culture de la passion. La guerre de 1914 fut l’un des résultats les p
4969 aient accumulé en Occident des siècles de culture de la passion. La guerre de 1914 fut l’un des résultats les plus notable
4970 t des siècles de culture de la passion. La guerre de  1914 fut l’un des résultats les plus notables de cette méconnaissance
4971 de 1914 fut l’un des résultats les plus notables de cette méconnaissance du mythe. 10.La guerre totale À partir de
4972 lisme institué par la chevalerie entre les formes de l’amour et de la guerre, soit rompu. Certes, le but concret de la gue
4973 par la chevalerie entre les formes de l’amour et de la guerre, soit rompu. Certes, le but concret de la guerre fut toujou
4974 de la guerre, soit rompu. Certes, le but concret de la guerre fut toujours de forcer la résistance ennemie, en détruisant
4975 Certes, le but concret de la guerre fut toujours de forcer la résistance ennemie, en détruisant sa force armée. (Forcer l
4976 détruisant sa force armée. (Forcer la résistance de la femme par la séduction, c’est la paix ; par le viol, c’est la guer
4977 re ses défenses. Bataille rangée contre une armée de métier, siège des ouvrages fortifiés, capture du chef : un système de
4978 ouvrages fortifiés, capture du chef : un système de règles précises, donc un art, désignait le vainqueur. Et ce vainqueur
4979 ésignait le vainqueur. Et ce vainqueur triomphait d’ un vivant, d’un pays ou d’un peuple encore désirables. L’intervention
4980 ainqueur. Et ce vainqueur triomphait d’un vivant, d’ un pays ou d’un peuple encore désirables. L’intervention d’une techniq
4981 ce vainqueur triomphait d’un vivant, d’un pays ou d’ un peuple encore désirables. L’intervention d’une technique inhumaine,
4982 ou d’un peuple encore désirables. L’intervention d’ une technique inhumaine, qui met en œuvre toutes les forces d’un État,
4983 que inhumaine, qui met en œuvre toutes les forces d’ un État, changea la face de la guerre à Verdun. Car dès que la guerre
4984 uvre toutes les forces d’un État, changea la face de la guerre à Verdun. Car dès que la guerre devient « totale » — et non
4985 armées signifie l’anéantissement des forces vives de l’ennemi : des ouvriers embrigadés dans les usines, des mères qui pro
4986 usines, des mères qui procréent des soldats, bref de tous les « moyens de production », choses et personnes assimilées. La
4987 procréent des soldats, bref de tous les « moyens de production », choses et personnes assimilées. La guerre n’est plus un
4988 . La guerre n’est plus un viol mais un assassinat de l’objet convoité et hostile — c’est-à-dire un acte « total », détruis
4989 emparer. Verdun ne fut d’ailleurs qu’un prodrome de cette guerre nouvelle, puisque le procédé se limita à la destruction
4990 le procédé se limita à la destruction méthodique d’ un million de soldats, non de civils. Mais ce Kriegspiel permit de met
4991 e limita à la destruction méthodique d’un million de soldats, non de civils. Mais ce Kriegspiel permit de mettre au point
4992 struction méthodique d’un million de soldats, non de civils. Mais ce Kriegspiel permit de mettre au point un instrument qu
4993 soldats, non de civils. Mais ce Kriegspiel permit de mettre au point un instrument qui, par la suite, devait se trouver en
4994 nt qui, par la suite, devait se trouver en mesure d’ opérer sur des étendues bien plus vastes, comme Londres et Berlin ; no
4995 comme Londres et Berlin ; non plus seulement sur de la chair à canon, mais sur la chair qui fabrique les canons, ce qui e
4996 ce qui est évidemment plus efficace. La technique de la mort à grande distance ne trouve son équivalent dans nulle éthique
4997 ouve son équivalent dans nulle éthique imaginable de l’amour. C’est que la guerre échappe à l’homme et à l’instinct ; elle
4998 contact avec la civilisation technique. Une sorte de visite dirigée de l’exposition universelle des industries et arts app
4999 vilisation technique. Une sorte de visite dirigée de l’exposition universelle des industries et arts appliqués de la mort,
5000 tion universelle des industries et arts appliqués de la mort, avec démonstrations quotidiennes sur le vif. b) Cette colle
5001 des moyens destructifs, mécanisés, eut pour effet de neutraliser la passion proprement belliqueuse des combattants. Il ne
5002 elliqueuse des combattants. Il ne s’agissait plus de violence du sang, mais de brutalité quantitative, de masses lancées l
5003 . Il ne s’agissait plus de violence du sang, mais de brutalité quantitative, de masses lancées les unes contre les autres
5004 violence du sang, mais de brutalité quantitative, de masses lancées les unes contre les autres non plus par des mouvements
5005 nes contre les autres non plus par des mouvements de délire passionnel, mais bien par des intelligences calculatrices d’in
5006 el, mais bien par des intelligences calculatrices d’ ingénieurs. Désormais, l’homme n’est plus que le servant du matériel ;
5007 servant du matériel ; il passe lui-même à l’état de matériel, d’autant plus efficace qu’il sera moins humain dans ses réf
5008 atériel ; il passe lui-même à l’état de matériel, d’ autant plus efficace qu’il sera moins humain dans ses réflexes individ
5009 nde, la victoire dépend en fin de compte des lois de la mécanique plutôt que des prévisions, de la psychologie. L’instinct
5010 s lois de la mécanique plutôt que des prévisions, de la psychologie. L’instinct combatif est déçu. De 1914 à 1918, l’explo
5011 de la psychologie. L’instinct combatif est déçu. De  1914 à 1918, l’explosion habituelle de sexualité qui accompagnait les
5012 est déçu. De 1914 à 1918, l’explosion habituelle de sexualité qui accompagnait les grands conflits ne s’est guère produit
5013 iviles. En dépit des efforts du lyrisme officiel, d’ une certaine littérature et de l’imagerie populaire, le retour du perm
5014 u lyrisme officiel, d’une certaine littérature et de l’imagerie populaire, le retour du permissionnaire ne ressemble à rie
5015 mâle longtemps privé. Des témoignages sans nombre de médecins et de soldats prouvent que. la guerre du matériel s’est trad
5016 privé. Des témoignages sans nombre de médecins et de soldats prouvent que. la guerre du matériel s’est traduite en réalité
5017 et homosexualité, tel fut le résultat statistique de quatre années passées dans les tranchées. Et de là vient que pour la
5018 e de quatre années passées dans les tranchées. Et de là vient que pour la première fois, l’on ait assisté à une révolte gé
5019 rant plus l’exutoire des passions, mais une sorte d’ immense castration de l’Europe. c) La guerre totale suppose la destru
5020 des passions, mais une sorte d’immense castration de l’Europe. c) La guerre totale suppose la destruction de toutes les f
5021 rope. c) La guerre totale suppose la destruction de toutes les formes conventionnelles de la lutte. À partir de 1920, on
5022 destruction de toutes les formes conventionnelles de la lutte. À partir de 1920, on ne se soumettra plus aux « simagrées d
5023 se soumettra plus aux « simagrées diplomatiques » de l’ultimatum et de la « déclaration » de guerre. Les traités ne seront
5024 aux « simagrées diplomatiques » de l’ultimatum et de la « déclaration » de guerre. Les traités ne seront plus la solennell
5025 atiques » de l’ultimatum et de la « déclaration » de guerre. Les traités ne seront plus la solennelle conclusion des hosti
5026 t villes fortifiées, civils et militaires, moyens de destruction permis ou condamnés, tomberont. D’où résulte que la défai
5027 ns de destruction permis ou condamnés, tomberont. D’ où résulte que la défaite d’un pays ne sera plus symbolique, métaphori
5028 condamnés, tomberont. D’où résulte que la défaite d’ un pays ne sera plus symbolique, métaphorique, c’est-à-dire limitée à
5029 s signes convenus, mais sera concrètement la mort de ce pays. Encore une fois, dès que l’on abandonne l’idée de règles, la
5030 s. Encore une fois, dès que l’on abandonne l’idée de règles, la guerre ne traduit plus l’acte du viol sur le plan des nati
5031 mais bien l’acte du crime sadique, la possession d’ une victime morte, donc en fait la non-possession. Elle n’exprime plus
5032 et le transcende, mais seulement cette perversion de la passion — d’ailleurs fatale, nous l’avons vu ailleurs — qu’est le
5033 , nous l’avons vu ailleurs — qu’est le « complexe de castration ». 11.La passion transportée dans la politique Chass
5034 transportée dans la politique Chassée du champ de la guerre chevaleresque, lorsque ce champ cesse d’être clos comme doi
5035 e la guerre chevaleresque, lorsque ce champ cesse d’ être clos comme doit l’être un terrain de jeu, et qu’il n’est plus une
5036 mp cesse d’être clos comme doit l’être un terrain de jeu, et qu’il n’est plus une lice décorée de symboles, mais un secteu
5037 rain de jeu, et qu’il n’est plus une lice décorée de symboles, mais un secteur de bombardement — la passion a cherché et t
5038 lus une lice décorée de symboles, mais un secteur de bombardement — la passion a cherché et trouvé d’autres modes d’expres
5039 t — la passion a cherché et trouvé d’autres modes d’ expression en actes. Elle y était d’ailleurs contrainte par la dépréci
5040 les et privées, non moins que par la dénaturation de la guerre. D’une part, dans les pays démocratiques, les mœurs se sont
5041 lies à tel point qu’elles tendent à n’offrir plus d’ obstacles absolus, donc exaltants pour la passion ; d’autre part, dans
5042 le dressage des jeunes par l’État tend à éliminer de la vie privée toute espèce de tragique intime et de problématique sen
5043 tat tend à éliminer de la vie privée toute espèce de tragique intime et de problématique sentimentale. L’anarchie des mœur
5044 la vie privée toute espèce de tragique intime et de problématique sentimentale. L’anarchie des mœurs et l’hygiène autorit
5045 rès dans le même sens : elles déçoivent le besoin de passion, héréditaire ou acquis par la culture ; elles détendent ses r
5046 dans l’entre-deux-guerres, fut un curieux mélange d’ intellectualisme angoissé (littérature de l’inquiétude et de l’anarchi
5047 mélange d’intellectualisme angoissé (littérature de l’inquiétude et de l’anarchie bourgeoise) et de cynisme matérialiste
5048 tualisme angoissé (littérature de l’inquiétude et de l’anarchie bourgeoise) et de cynisme matérialiste (Neue Sachlichkeit
5049 e de l’inquiétude et de l’anarchie bourgeoise) et de cynisme matérialiste (Neue Sachlichkeit des Allemands). L’on vit bien
5050 t bien que la passion romantique ne trouvait plus de quoi se composer un mythe ; ne trouvait plus de résistances choisies
5051 s de quoi se composer un mythe ; ne trouvait plus de résistances choisies au sein d’une atmosphère d’orageuse et secrète d
5052 de résistances choisies au sein d’une atmosphère d’ orageuse et secrète dévotion. La crainte morbide des entraînements « n
5053 s « duperies du cœur », alliée à un désir fébrile d’ aventure, voilà le climat des principaux romans de cette période. Et c
5054 d’aventure, voilà le climat des principaux romans de cette période. Et cela signifie sans équivoque que les relations indi
5055 e les relations individuelles des sexes ont cessé d’ être le lieu par excellence où se réalise la passion. Celle-ci paraît
5056 e réalise la passion. Celle-ci paraît se détacher de son support. Nous sommes entrés dans l’ère des libidos errantes, en q
5057 entrés dans l’ère des libidos errantes, en quête d’ un théâtre nouveau. Et le premier qui s’est offert, c’est le théâtre p
5058 offert, c’est le théâtre politique. La politique de masses, telle qu’on l’a pratiquée depuis 1917, n’est que la continuat
5059 pratiquée depuis 1917, n’est que la continuation de la guerre totale par d’autres moyens (pour reprendre une fois de plus
5060 fois de plus, en l’inversant, la célèbre formule de Clausewitz). Le terme de « fronts » l’indique déjà. Et par ailleurs,
5061 sant, la célèbre formule de Clausewitz). Le terme de « fronts » l’indique déjà. Et par ailleurs, l’État totalitaire n’est
5062 par ailleurs, l’État totalitaire n’est que l’état de guerre prolongé, ou recréé, et entretenu en permanence dans la nation
5063 is si la guerre totale anéantit toute possibilité de passion, la politique ne fait que transposer les passions individuell
5064 elle (ou lui) qui assume désormais la dialectique de l’obstacle exaltant, de l’ascèse et de la course inconsciente à la mo
5065 désormais la dialectique de l’obstacle exaltant, de l’ascèse et de la course inconsciente à la mort héroïque, divinisante
5066 ialectique de l’obstacle exaltant, de l’ascèse et de la course inconsciente à la mort héroïque, divinisante. Tandis qu’à l
5067 rsonnels, à l’extérieur et au sommet le potentiel de passion s’accroît de jour en jour. L’eugénisme triomphe dans la moral
5068 ur et au sommet le potentiel de passion s’accroît de jour en jour. L’eugénisme triomphe dans la morale qui concerne les ci
5069 yens : et l’eugénisme est la négation rationnelle de toute espèce d’aventure privée. Mais cela ne peut qu’augmenter la ten
5070 nisme est la négation rationnelle de toute espèce d’ aventure privée. Mais cela ne peut qu’augmenter la tension de l’ensemb
5071 privée. Mais cela ne peut qu’augmenter la tension de l’ensemble, personnifié dans la Nation. De 1933 à 1939, l’État-nation
5072 ension de l’ensemble, personnifié dans la Nation. De  1933 à 1939, l’État-nation d’Hitler dit aux Allemands : Procréez ! — 
5073 ux Allemands : Procréez ! — et c’est une négation de la passion ; mais il dit aux peuples voisins : — Nous sommes trop nom
5074 muler au sommet. Or il est clair que ces volontés de puissance affrontées — il y a déjà plusieurs États totalitaires — ne
5075 r l’autre l’obstacle. Le but réel, tacite, fatal, de ces exaltations totalitaires est donc la guerre, qui signifie la mort
5076 signifie la mort. Et comme on le voit dans le cas de la passion d’amour, ce but est non seulement nié avec vigueur par les
5077 rt. Et comme on le voit dans le cas de la passion d’ amour, ce but est non seulement nié avec vigueur par les intéressés, m
5078 ’on exalte y trouve son sens réel. Il serait aisé de multiplier les preuves de ce nouveau parallélisme entre la politique
5079 ns réel. Il serait aisé de multiplier les preuves de ce nouveau parallélisme entre la politique et la passion. L’ascèse co
5080 ules réagissent au dictateur, dans un pays donné, de la même manière que la femme, dans ce pays, réagit aux sollicitations
5081 la femme, dans ce pays, réagit aux sollicitations de l’homme. J’écrivais en 1938 : « Le Français s’étonne des succès d’Hit
5082 ivais en 1938 : « Le Français s’étonne des succès d’ Hitler auprès de la masse germanique, mais il ne s’étonnerait pas moin
5083 atins, faire la cour à une femme c’est l’étourdir de paroles flatteuses : ainsi nos hommes politiques quand ils courtisent
5084 e enfin le destin et affirme qu’il est ce destin… De la sorte, il délivre la foule de la responsabilité de ses actes, donc
5085 l est ce destin… De la sorte, il délivre la foule de la responsabilité de ses actes, donc du sentiment oppressant de sa cu
5086 a sorte, il délivre la foule de la responsabilité de ses actes, donc du sentiment oppressant de sa culpabilité morale. Ell
5087 bilité de ses actes, donc du sentiment oppressant de sa culpabilité morale. Elle se rend au sauveur terrible et le nomme s
5088 le terme populaire désignant en Allemagne l’acte d’ épouser, c’est freien, verbe qui signifie littéralement : libérer… Hit
5089 a plus facilement dans le domaine des sentiments… De tous temps, la force qui a mis en mouvement les révolutions les plus
5090 iolentes a résidé bien moins dans la proclamation d’ une idée scientifique qui s’emparait des foules que dans un fanatisme
5091 qui les emballait follement. (Mein Kampf). Oui, «  de tous temps » ce fut ainsi. Mais la nouveauté de notre temps, c’est qu
5092 « de tous temps » ce fut ainsi. Mais la nouveauté de notre temps, c’est que l’action passionnelle sur les masses, telle qu
5093 telle que la définit Hitler, se double désormais d’ une action rationalisante sur les individus. En outre, cette action n’
5094 elconque, mais par le chef qui incarne la Nation. D’ où la puissance sans précédent du transfert qui s’opère du privé au pu
5095 public. Quel Wagner surhumain sera donc en mesure d’ orchestrer la grandiose catastrophe de la passion devenue totalitaire 
5096 c en mesure d’orchestrer la grandiose catastrophe de la passion devenue totalitaire ? ⁂ Ceci nous mène au seuil d’une conc
5097 n devenue totalitaire ? ⁂ Ceci nous mène au seuil d’ une conclusion que j’étais loin de prévoir en commençant ce livre. Que
5098 e. Que l’on suive l’évolution du mythe occidental de la passion dans l’histoire de la littérature ou dans l’histoire des m
5099 du mythe occidental de la passion dans l’histoire de la littérature ou dans l’histoire des méthodes de la guerre, c’est la
5100 de la littérature ou dans l’histoire des méthodes de la guerre, c’est la même courbe qui apparaît. Et l’on aboutit pareill
5101 ’on aboutit pareillement à cet aspect trop ignoré de la crise de notre époque, qui est la dissolution des formes instituée
5102 pareillement à cet aspect trop ignoré de la crise de notre époque, qui est la dissolution des formes instituées par la che
5103 stituées par la chevalerie. C’est dans le domaine de la guerre, où toute évolution est pratiquement irréversible — alors q
5104 a des « retours » littéraires — que la nécessité d’ une solution nouvelle est apparue en premier lieu. Cette solution s’ap
5105 totalitaire. C’est la réponse du xxe siècle, né de la guerre, à la menace permanente que la passion et l’instinct de mor
5106 la menace permanente que la passion et l’instinct de mort font peser sur toute société. La réponse du xiie siècle avait é
5107 lassique200. La réponse du xviiie fut le cynisme de Don Juan et l’ironie rationaliste. Mais le romantisme ne fut pas une
5108 ces nocturnes du mythe n’ait été un dernier moyen de le déprimer par un excès voulu. Quoi qu’il en soit, cette défense éta
5109 se répandirent dans les domaines les plus divers, d’ où résulta une dissociation, au sens précis de relâchement des liens s
5110 rs, d’où résulta une dissociation, au sens précis de relâchement des liens sociaux. La première guerre européenne fut le j
5111 ux. La première guerre européenne fut le jugement d’ un monde qui avait cru pouvoir abandonner les formes, et libérer d’une
5112 ait cru pouvoir abandonner les formes, et libérer d’ une manière anarchique le « contenu » mortel du mythe. Cependant, je n
5113 mythe. Cependant, je ne pense pas que le drainage de toute passion par la nation soit autre chose qu’une mesure de détress
5114 sion par la nation soit autre chose qu’une mesure de détresse. C’est repousser la menace immédiate, mais l’aggraver alors
5115 omplexe des hommes, même militarisés. Des mesures de police ne font pas une culture, des slogans ne font pas une morale. E
5116 e quotidienne des hommes, il subsiste encore trop de jeu, trop d’angoisse et trop de possible. Rien n’est réellement résol
5117 des hommes, il subsiste encore trop de jeu, trop d’ angoisse et trop de possible. Rien n’est réellement résolu. Dès lors :
5118 siste encore trop de jeu, trop d’angoisse et trop de possible. Rien n’est réellement résolu. Dès lors : Ou bien ce sera la
5119 désintégration physique et morale, et le problème de la passion sera supprimé avec la civilisation qui l’a fait naître ; O
5120 tra dans les pays totalitaires, comme il ne cesse de nous travailler dans nos sociétés libérales. C’est l’éventualité de l
5121 dans nos sociétés libérales. C’est l’éventualité de la paix que j’envisagerai dans les deux livres terminaux : le premier
5122 181. On en aura un aperçu en lisant les ouvrages de Freud, et L’Instinct combatif de Pierre Bovet. 182. Défaite se dit
5123 ant les ouvrages de Freud, et L’Instinct combatif de Pierre Bovet. 182. Défaite se dit en allemand Niederlage, littérale
5124 en allemand Niederlage, littéralement : position de qui gît à terre, de qui est couché au-dessous. (Cf. l’expression « av
5125 age, littéralement : position de qui gît à terre, de qui est couché au-dessous. (Cf. l’expression « avoir le dessous ».) R
5126 voir le dessous ».) Rappelons aussi le symbolisme de la Tour assiégée dans le Roman de la Rose, et l’expression « se faire
5127 i le symbolisme de la Tour assiégée dans le Roman de la Rose, et l’expression « se faire des alliés dans la place ». 183.
5128 ion autant que par l’intelligence et la fécondité de ses vues critiques renouvelle notre conception du Moyen Âge en nous f
5129 ns la vie quotidienne des bourgeois et des nobles de l’époque. Les passages entre guillemets de ce chapitre et du suivant
5130 nobles de l’époque. Les passages entre guillemets de ce chapitre et du suivant sont des citations de la traduction françai
5131 s de ce chapitre et du suivant sont des citations de la traduction française (Paris, 1932). 185. Qu’on se reporte à notre
5132 . 185. Qu’on se reporte à notre analyse du mythe de Tristan : on y trouvera quelques illustrations typiques de ce passage
5133 n : on y trouvera quelques illustrations typiques de ce passage (barons « félons », jugement par le fer, justification tan
5134 lons », jugement par le fer, justification tantôt de l’adultère tantôt de la séparation des amants). 186. Je serais assez
5135 le fer, justification tantôt de l’adultère tantôt de la séparation des amants). 186. Je serais assez tenté de voir dans l
5136 paration des amants). 186. Je serais assez tenté de voir dans la fonction dramatique du tournoi l’une des origines de la
5137 fonction dramatique du tournoi l’une des origines de la tragédie moderne. Celle-ci s’est constituée précisément à l’époque
5138 précisément à l’époque où les tournois passaient de mode, et où se dissociaient leurs éléments guerrier, sportif et théât
5139 ique que comportait le tournoi, mais satisfaisant d’ autant mieux le besoin d’émotion sentimentale et spirituelle. 187. G
5140 urnoi, mais satisfaisant d’autant mieux le besoin d’ émotion sentimentale et spirituelle. 187. Guichardin, Histoire des G
5141 rituelle. 187. Guichardin, Histoire des Guerres d’ Italie, I, p. 2. 188. Cité par Fred Bérence, Raphaël ou la puissance
5142 8. Cité par Fred Bérence, Raphaël ou la puissance de l’esprit. 189. Die Kultur der Renaissance, VI, p. 1. 190. Il est j
5143 naissance, VI, p. 1. 190. Il est juste toutefois de rappeler qu’on tuait facilement dans ce pays. Mais le meurtre y resta
5144 ans le monde militarisé, l’individu se voit privé de cette possibilité passionnelle, transférée à la seule collectivité. C
5145 a suite des dévastations qui marquèrent la guerre de Trente Ans, les armées s’imposèrent « des règles et des limites qui r
5146 oral et à une nécessité pratique ». Il s’agissait d’ éviter des dépenses excessives — les hommes coûtant cher — et de ne pa
5147 épenses excessives — les hommes coûtant cher — et de ne pas effrayer les peuples au point de rendre impossible tout recrut
5148 cher — et de ne pas effrayer les peuples au point de rendre impossible tout recrutement des volontaires… 193. J. Boulenge
5149 r, Le Grand Siècle. 194. F. Foch , les Principes de la Guerre (1903, réédité en 1929). 195. E. et J. de Goncourt, la Fem
5150 compagna la Terreur, voir le très curieux ouvrage d’ André Monglond, le Préromantisme français. 197. Je parle de cette cho
5151 nglond, le Préromantisme français. 197. Je parle de cette chose abstraite et frappante, irréelle mais signifiante, qu’est
5152 iante, qu’est la moyenne des expressions typiques de l’amour à une époque donnée — aussi irréelle et aussi signifiante dan
5153 ne sont pas toute l’époque — dans chacune il y a de tout — mais qui sont d’une époque plutôt que d’une autre. Je ne dis r
5154 que — dans chacune il y a de tout — mais qui sont d’ une époque plutôt que d’une autre. Je ne dis rien de plus ni rien de m
5155 a de tout — mais qui sont d’une époque plutôt que d’ une autre. Je ne dis rien de plus ni rien de moins. 198. Conclusion d
5156 t que d’une autre. Je ne dis rien de plus ni rien de moins. 198. Conclusion de l’enquête menée sous la conduite de Magnus
5157 s rien de plus ni rien de moins. 198. Conclusion de l’enquête menée sous la conduite de Magnus Hirschfeld par une douzain
5158 8. Conclusion de l’enquête menée sous la conduite de Magnus Hirschfeld par une douzaine de savants allemands et autrichien
5159 la conduite de Magnus Hirschfeld par une douzaine de savants allemands et autrichiens, et publiée sous le titre de Sitteng
5160 llemands et autrichiens, et publiée sous le titre de Sittengeschichte des Weltkriegs (Histoire des mœurs pendant la guerre
5161 , éprouvant que la guerre totale est une négation de la passion guerrière, se jette alors dans des aventures absurdes, qu’
5162 Guerre notre mère d’Ernst Jünger et les Réprouvés d’ Ernst von Salomon). On va se battre pour le plaisir, ou plutôt pour le
5163 e, Chine). C’est la débauche désespérée et vénale de celui qu’a déçu la passion. Revanche sadique. 200. Bachofen (auteur
6 1939, L’Amour et l’Occident (1956). Livre VI. Le mythe contre le mariage
5164 Deux morales s’affrontaient au Moyen Âge : celle de la société christianisée, et celle de la courtoisie hérétique. L’une
5165 Âge : celle de la société christianisée, et celle de la courtoisie hérétique. L’une impliquait le mariage, dont elle fit m
5166 même un sacrement ; l’autre exaltait un ensemble de valeurs d’où résultait — en principe tout au moins — la condamnation
5167 crement ; l’autre exaltait un ensemble de valeurs d’ où résultait — en principe tout au moins — la condamnation du mariage.
5168 rouvait donc sanctifier les intérêts fondamentaux de l’espèce et les intérêts de la cité. Celui qui contrevenait à ce trip
5169 intérêts fondamentaux de l’espèce et les intérêts de la cité. Celui qui contrevenait à ce triple engagement ne se rendait
5170 ou méprisable. La synthèse catholique s’efforçait de marier l’eau et le feu, car on pouvait tirer des Écritures et des Pèr
5171 s thèses les plus contradictoires sur la sainteté de la procréation — loi de l’espèce — et sur la sainteté de la virginité
5172 dictoires sur la sainteté de la procréation — loi de l’espèce — et sur la sainteté de la virginité — loi de l’esprit. Pour
5173 rocréation — loi de l’espèce — et sur la sainteté de la virginité — loi de l’esprit. Pour l’Ancien Testament, par exemple,
5174 espèce — et sur la sainteté de la virginité — loi de l’esprit. Pour l’Ancien Testament, par exemple, une descendance nombr
5175 par exemple, une descendance nombreuse est signe d’ élection, tandis que pour saint Paul, celui qui reste vierge « fait mi
5176 nt, comme n’étant établi par aucun texte univoque de l’Évangile201. Elle condamnait la procréation comme relevant de la lo
5177 01. Elle condamnait la procréation comme relevant de la loi du Prince des ténèbres, c’est-à-dire du Démiurge auteur du mon
5178 du vouloir-vivre collectif202. Mais le fondement de ces trois refus était en vérité la doctrine de l’Amour, c’est-à-dire
5179 nt de ces trois refus était en vérité la doctrine de l’Amour, c’est-à-dire de l’Éros divinisant, en conflit éternel et ang
5180 it en vérité la doctrine de l’Amour, c’est-à-dire de l’Éros divinisant, en conflit éternel et angoissé avec la créature de
5181 , en conflit éternel et angoissé avec la créature de chair et ses instincts asservissants. L’apparition de la passion d’Am
5182 hair et ses instincts asservissants. L’apparition de la passion d’Amour devait donc transformer radicalement le jugement p
5183 stincts asservissants. L’apparition de la passion d’ Amour devait donc transformer radicalement le jugement porté sur l’adu
5184 é. Mais nous avons montré que le symbole courtois de l’amour pour une Dame (spirituelle), amour évidemment incompatible av
5185 èmes provençaux et des romans bretons, l’adultère de Tristan reste une faute203, mais il se trouve revêtir en même temps l
5186 mais il se trouve revêtir en même temps l’aspect d’ une aventure plus belle que la morale. Ce qui, pour le croyant maniché
5187 anichéen, était l’expression dramatique du combat de la foi et du monde, devient alors pour le lecteur une « poésie » équi
5188 sie » équivoque et brûlante. Poésie toute profane d’ apparences, dont la puissance de séduction s’accroît encore du fait qu
5189 sie toute profane d’apparences, dont la puissance de séduction s’accroît encore du fait que l’on ignore la signification m
5190 du fait que l’on ignore la signification mystique de ses symboles, et que ceux-ci ne paraissent plus révélateurs que d’un
5191 et que ceux-ci ne paraissent plus révélateurs que d’ un mystère vague et flatteur. Comment expliquer autrement qu’à partir
5192 ieu qu’à des commentaires édifiants sur le danger de pécher et le remords, devient soudain vertu mystique (dans le symbole
5193 rectement la crise actuelle du mariage au conflit de l’orthodoxie et d’une hérésie médiévale. Car cette dernière, comme te
5194 actuelle du mariage au conflit de l’orthodoxie et d’ une hérésie médiévale. Car cette dernière, comme telle, n’existe plus 
5195 r qu’elle ne joue plus un rôle direct dans la vie de nos sociétés, qu’elle a tant contribué à former. Ce qui explique, à m
5196 rmer. Ce qui explique, à mon sens, l’état présent de dé-moralisation générale, c’est la confuse dissension au sein de laqu
5197 onfuse dissension au sein de laquelle nous vivons de deux morales, dont l’une est héritée de l’orthodoxie religieuse, mais
5198 us vivons de deux morales, dont l’une est héritée de l’orthodoxie religieuse, mais ne s’appuie plus sur une foi vivante, e
5199 plus sur une foi vivante, et dont l’autre dérive d’ une hérésie dont l’expression « essentiellement lyrique » nous parvien
5200 i les forces en présence : d’une part, une morale de l’espèce et de la société en général, mais plus ou moins empreinte de
5201 présence : d’une part, une morale de l’espèce et de la société en général, mais plus ou moins empreinte de religion — c’e
5202 société en général, mais plus ou moins empreinte de religion — c’est ce que l’on nomme la morale bourgeoise ; d’autre par
5203 passionnelle ou romanesque. Tous les adolescents de la bourgeoisie occidentale sont élevés dans l’idée du mariage, mais e
5204 es. Leurs origines et leurs finalités s’excluent. De leur coexistence dans nos vies surgissent sans fin des problèmes inso
5205 n d’autres temps, ce fut la fonction du mythe que d’ ordonner cette anarchie latente et de la composer symboliquement dans
5206 du mythe que d’ordonner cette anarchie latente et de la composer symboliquement dans nos catégories morales. Rôle d’exutoi
5207 symboliquement dans nos catégories morales. Rôle d’ exutoire, rôle civilisateur. Mais le mythe s’est déprimé et profané en
5208 ses éléments plastiques. Si maintenant il tentait de se recomposer, on pressent qu’il ne trouverait plus de résistances as
5209 recomposer, on pressent qu’il ne trouverait plus de résistances assez solides pour lui servir de masque et de prétexte. U
5210 plus de résistances assez solides pour lui servir de masque et de prétexte. Une immense littérature paraît chaque mois sur
5211 tances assez solides pour lui servir de masque et de prétexte. Une immense littérature paraît chaque mois sur la « crise d
5212 Mais je doute fort qu’il en résulte aucune espèce de solution pratique : car seul le mythe, c’est-à-dire l’inconscience, p
5213 science, pourrait fournir à la passion une espèce de modus vivendi, et tous ces livres, aggravant au contraire notre consc
5214 ibuent à le rendre insoluble. Ils sont les signes de la crise, mais aussi de notre impuissance à la réduire dans les cadre
5215 uble. Ils sont les signes de la crise, mais aussi de notre impuissance à la réduire dans les cadres actuels. L’institution
5216 atrimoniale se fondait en effet sur trois groupes de valeurs qui lui fournissaient ses « contraintes » — et c’est précisém
5217  contraintes » — et c’est précisément dans le jeu de ces contraintes que le mythe puisait ses moyens d’expression (comme o
5218 e ces contraintes que le mythe puisait ses moyens d’ expression (comme on l’a vu au livre I). Or voici que ces contraintes
5219 , chez les peuples païens, s’est toujours entouré d’ un rituel dont nos institutions gardèrent longtemps les éléments : rit
5220 itutions gardèrent longtemps les éléments : rites de l’achat, du rapt, de la quête et de l’exorcisme. Mais de nos jours, l
5221 ngtemps les éléments : rites de l’achat, du rapt, de la quête et de l’exorcisme. Mais de nos jours, la dot perd de son imp
5222 ments : rites de l’achat, du rapt, de la quête et de l’exorcisme. Mais de nos jours, la dot perd de son importance, par su
5223 hat, du rapt, de la quête et de l’exorcisme. Mais de nos jours, la dot perd de son importance, par suite de l’instabilité
5224 et de l’exorcisme. Mais de nos jours, la dot perd de son importance, par suite de l’instabilité économique. Les coutumes r
5225 es paysannes. La demande en mariage, avec échange de visites en haut de forme et « déclaration » officielle, est aussi dém
5226 mande en mariage, avec échange de visites en haut de forme et « déclaration » officielle, est aussi démodée que les crinol
5227 s n’éprouve plus même le besoin « superstitieux » d’ aller se faire bénir par un prêtre. 2. — Contraintes sociales. — Les
5228 être. 2. — Contraintes sociales. — Les questions de rang, de sang, d’intérêts familiaux et même d’argent, sont en train d
5229 — Contraintes sociales. — Les questions de rang, de sang, d’intérêts familiaux et même d’argent, sont en train de passer
5230 intes sociales. — Les questions de rang, de sang, d’ intérêts familiaux et même d’argent, sont en train de passer au second
5231 ns de rang, de sang, d’intérêts familiaux et même d’ argent, sont en train de passer au second plan dans les pays démocrati
5232 e plus en plus le choix réciproque des conjoints. D’ où le nombre croissant des divorces. En même temps, les cérémonies épi
5233 s se simplifient ou disparaissent. Il est curieux de noter que des coutumes d’origine lointaine et sacrée telles que la « 
5234 aissent. Il est curieux de noter que des coutumes d’ origine lointaine et sacrée telles que la « quasi-publicité du lit nup
5235 es originels, mais les rites gardaient pour effet de socialiser l’acte du mariage, de l’intégrer dans l’existence communau
5236 aient pour effet de socialiser l’acte du mariage, de l’intégrer dans l’existence communautaire. À partir du xviiie siècle
5237 À partir du xviiie siècle, le thème du « Coucher de la mariée » n’est plus qu’une occasion d’anodines galanteries pictura
5238 Coucher de la mariée » n’est plus qu’une occasion d’ anodines galanteries picturales. De nos jours enfin, le « voyage de no
5239 u’une occasion d’anodines galanteries picturales. De nos jours enfin, le « voyage de noces », pour autant qu’il subsiste e
5240 eries picturales. De nos jours enfin, le « voyage de noces », pour autant qu’il subsiste et garde une signification, repré
5241 signification, représente bien plutôt une volonté de s’évader de l’ambiance sociale et de souligner le caractère privé de
5242 n, représente bien plutôt une volonté de s’évader de l’ambiance sociale et de souligner le caractère privé de ce qu’on app
5243 une volonté de s’évader de l’ambiance sociale et de souligner le caractère privé de ce qu’on appelle le bonheur des époux
5244 biance sociale et de souligner le caractère privé de ce qu’on appelle le bonheur des époux. 3. — Contraintes religieuses.
5245 à-dire qu’il ne tient aucun compte des variations de tempérament, de caractère, de goûts et de conditions externes qui ne
5246 tient aucun compte des variations de tempérament, de caractère, de goûts et de conditions externes qui ne manqueront pas d
5247 mpte des variations de tempérament, de caractère, de goûts et de conditions externes qui ne manqueront pas de se produire
5248 iations de tempérament, de caractère, de goûts et de conditions externes qui ne manqueront pas de se produire un jour ou l
5249 s et de conditions externes qui ne manqueront pas de se produire un jour ou l’autre dans la vie du couple. Or c’est de tou
5250 n jour ou l’autre dans la vie du couple. Or c’est de tout cela, justement, que les modernes font dépendre leur « bonheur »
5251 des obstacles institutionnels entraîne une chute de tension morale d’où résulte une immense confusion. L’adultère devient
5252 titutionnels entraîne une chute de tension morale d’ où résulte une immense confusion. L’adultère devient un sujet de délic
5253 ne immense confusion. L’adultère devient un sujet de délicates analyses psychologiques, ou de plaisanteries vaudevillesque
5254 un sujet de délicates analyses psychologiques, ou de plaisanteries vaudevillesques. La fidélité dans le mariage paraît lég
5255 ge paraît légèrement ridicule : elle prend figure de conformisme. Il n’y a plus, à proprement parler, conflit de deux mora
5256 isme. Il n’y a plus, à proprement parler, conflit de deux morales hostiles — et par suite plus de mythe possible — mais on
5257 flit de deux morales hostiles — et par suite plus de mythe possible — mais on approche d’un état de neutralisation mutuell
5258 r suite plus de mythe possible — mais on approche d’ un état de neutralisation mutuelle au terme de la consomption des viei
5259 us de mythe possible — mais on approche d’un état de neutralisation mutuelle au terme de la consomption des vieilles valeu
5260 che d’un état de neutralisation mutuelle au terme de la consomption des vieilles valeurs non transcendées mais déprimées.
5261 2.Idée moderne du bonheur Le mariage cessant d’ être garanti par un système de contraintes sociales ne peut plus se fo
5262 Le mariage cessant d’être garanti par un système de contraintes sociales ne peut plus se fonder, désormais, que sur des d
5263 as le plus favorable. Or s’il est assez difficile de définir en général le bonheur, le problème devient insoluble dès que
5264 t insoluble dès que s’y ajoute la volonté moderne d’ être le maître de son bonheur, ou ce qui revient peut-être au même, de
5265 ue s’y ajoute la volonté moderne d’être le maître de son bonheur, ou ce qui revient peut-être au même, de sentir de quoi i
5266 son bonheur, ou ce qui revient peut-être au même, de sentir de quoi il est fait, de l’analyser et de le goûter afin de pou
5267 r, ou ce qui revient peut-être au même, de sentir de quoi il est fait, de l’analyser et de le goûter afin de pouvoir l’amé
5268 peut-être au même, de sentir de quoi il est fait, de l’analyser et de le goûter afin de pouvoir l’améliorer par des retouc
5269 , de sentir de quoi il est fait, de l’analyser et de le goûter afin de pouvoir l’améliorer par des retouches bien calculée
5270 nheur, répètent les prêches des magazines, dépend de ceci, exige cela — et ceci ou cela, c’est toujours quelque chose qu’i
5271 t toujours quelque chose qu’il faut acquérir, par de l’argent le plus souvent. Le résultat de cette propagande est à la fo
5272 rir, par de l’argent le plus souvent. Le résultat de cette propagande est à la fois de nous obséder par l’idée d’un bonheu
5273 nt. Le résultat de cette propagande est à la fois de nous obséder par l’idée d’un bonheur facile, et du même coup de nous
5274 opagande est à la fois de nous obséder par l’idée d’ un bonheur facile, et du même coup de nous rendre inaptes à le posséde
5275 r par l’idée d’un bonheur facile, et du même coup de nous rendre inaptes à le posséder. Car tout ce qu’on nous propose nou
5276 e qu’on nous propose nous introduit dans le monde de la comparaison, où nul bonheur ne saurait s’établir, tant que l’homme
5277 t meurt dans la revendication. C’est qu’il dépend de l’être et non de l’avoir : les moralistes de tous les temps l’ont rép
5278 evendication. C’est qu’il dépend de l’être et non de l’avoir : les moralistes de tous les temps l’ont répété, et notre tem
5279 pend de l’être et non de l’avoir : les moralistes de tous les temps l’ont répété, et notre temps n’apporte rien qui doive
5280 temps n’apporte rien qui doive nous faire changer d’ avis. Tout bonheur que l’on veut sentir, que l’on veut tenir à sa merc
5281 ur » suppose de la part des modernes une capacité d’ ennui presque morbide — ou l’intention secrète de tricher. Il est prob
5282 d’ennui presque morbide — ou l’intention secrète de tricher. Il est probable que cette intention ou cet espoir expliquent
5283 lle on se marie encore « sans y croire ». Le rêve de la passion possible agit comme une distraction permanente, anesthésia
5284 distraction permanente, anesthésiant les révoltes de l’ennui. On n’ignore pas que la passion serait un malheur — mais on p
5285 dans nos vies l’idée moderne du bonheur. Cela va de toute manière à la ruine du mariage en tant qu’institution sociale dé
5286 qui les traitait comme des égaux. C’est peut-être de là que nous vient, par le canal de la littérature, cette idée toute m
5287 ’est peut-être de là que nous vient, par le canal de la littérature, cette idée toute moderne et romantique que la passion
5288 u-dessus des lois et des coutumes. Celui qui aime de passion accède à une humanité plus haute, où les barrières sociales s
5289 e mécano épouser l’héritière204. De même, le Prix de Beauté a quelque chance de devenir comtesse ou milliardaire. C’est un
5290 e204. De même, le Prix de Beauté a quelque chance de devenir comtesse ou milliardaire. C’est une « adaptation » moderne — 
5291 langage du cinéma, seul adéquat en l’occurrence — de la primauté de l’amour sur l’ordre social établi. Que la passion prof
5292 ma, seul adéquat en l’occurrence — de la primauté de l’amour sur l’ordre social établi. Que la passion profane soit une ab
5293 la passion profane soit une absurdité, une forme d’ intoxication, une « maladie de l’âme », comme pensaient les Anciens, t
5294 bsurdité, une forme d’intoxication, une « maladie de l’âme », comme pensaient les Anciens, tout le monde est prêt à le rec
5295 et cette nuance est décisive. Le moderne, l’homme de la passion, attend de l’amour fatal quelque révélation, sur lui-même
5296 cisive. Le moderne, l’homme de la passion, attend de l’amour fatal quelque révélation, sur lui-même ou la vie en général :
5297 ur lui-même ou la vie en général : dernier relent de la mystique primitive. De la poésie à l’anecdote piquante, la passion
5298 énéral : dernier relent de la mystique primitive. De la poésie à l’anecdote piquante, la passion c’est toujours l’aventure
5299 nture. C’est ce qui va changer ma vie, l’enrichir d’ imprévu, de risques exaltants, de jouissances toujours plus violentes
5300 t ce qui va changer ma vie, l’enrichir d’imprévu, de risques exaltants, de jouissances toujours plus violentes ou flatteus
5301 vie, l’enrichir d’imprévu, de risques exaltants, de jouissances toujours plus violentes ou flatteuses. C’est tout le poss
5302  ? — la plus « naturelle » pensera-t-on… Illusion de liberté. Et illusion de plénitude. Je nommerai libre un homme qui se
5303  » pensera-t-on… Illusion de liberté. Et illusion de plénitude. Je nommerai libre un homme qui se possède. Mais l’homme de
5304 merai libre un homme qui se possède. Mais l’homme de la passion cherche au contraire à être possédé, dépossédé, jeté hors
5305 é, dépossédé, jeté hors de soi, dans l’extase. Et de fait, c’est déjà sa nostalgie qui le « démeine » — dont il ignore l’o
5306  dont il ignore l’origine et la fin. Son illusion de liberté repose sur cette double ignorance. Le passionné, c’est l’homm
5307 sionné, c’est l’homme qui veut trouver son « type de femme » et n’aimer qu’elle. Souvenez-vous du rêve de Nerval, l’appari
5308 le. Souvenez-vous du rêve de Nerval, l’apparition d’ une noble Dame dans le paysage des souvenirs d’enfance : Blonde, aux
5309 on d’une noble Dame dans le paysage des souvenirs d’ enfance : Blonde, aux yeux noirs, en ses habits anciens Que dans une
5310 tre J’ai déjà vue, et dont je me souviens… Image de la mère, sans nul doute, et la psychanalyse nous apprend quels empêch
5311 nts tragiques cela peut signifier. Mais l’exemple d’ un poète ne vaut rien ou vaut trop. J’entends décrire une illusion app
5312 ommes du xxe siècle : or plus encore que l’image de la Mère, ce qui les tyrannise, c’est la « beauté standard ». De nos j
5313 qui les tyrannise, c’est la « beauté standard ». De nos jours — et ce n’est qu’un début — un homme qui se prend de passio
5314 — et ce n’est qu’un début — un homme qui se prend de passion pour une femme qu’il est seul à voir belle, est présumé neura
5315 ra soigner.) Certes, la standardisation des types de femmes admis pour « beaux » se produit normalement dans chaque généra
5316 dans chaque génération, de même que chaque époque de la mode préfère soit la tête, soit le buste, soit la croupe, soit la
5317 e sportive. Mais le panurgisme esthétique atteint de nos jours une puissance inconnue, développée par tous les moyens tech
5318 ues, et parfois politiques, en sorte que le choix d’ un type de femme échappe de plus en plus au mystère personnel, et se t
5319 rfois politiques, en sorte que le choix d’un type de femme échappe de plus en plus au mystère personnel, et se trouve déte
5320 é par Hollywood — ou par l’État. Double influence de la beauté-standard : elle définit d’avance l’objet de la passion — dé
5321 le influence de la beauté-standard : elle définit d’ avance l’objet de la passion — dépersonnalisé dans cette mesure — et d
5322 a beauté-standard : elle définit d’avance l’objet de la passion — dépersonnalisé dans cette mesure — et disqualifie le mar
5323 à la star la plus obsédante. Ainsi la « liberté » de la passion relève des statistiques publicitaires. L’homme qui croit d
5324 icitaires. L’homme qui croit désirer « son » type de femme se trouve intimement déterminé par des facteurs de mode ou de c
5325 e se trouve intimement déterminé par des facteurs de mode ou de commerce, c’est-à-dire par la nouveauté. 4.Épouser Iseu
5326 intimement déterminé par des facteurs de mode ou de commerce, c’est-à-dire par la nouveauté. 4.Épouser Iseut ? Supp
5327 entre ce qu’il aime et ce que le film le persuade d’ aimer. Il rencontre cette femme, il la reconnaît. C’est elle, la femme
5328 ette femme, il la reconnaît. C’est elle, la femme de son désir et, de sa plus secrète nostalgie, l’Iseut du rêve205 ; elle
5329 reconnaît. C’est elle, la femme de son désir et, de sa plus secrète nostalgie, l’Iseut du rêve205 ; elle est mariée, natu
5330 e sera la « vraie vie », ce sera l’épanouissement de ce Tristan qu’il porte en soi comme son génie caché ! Et plus rien ne
5331 a couronne s’il est roi.) Voilà le vrai « mariage d’ amour » moderne : le mariage avec la passion ! Mais aussitôt paraît un
5332 eut, c’est toujours l’étrangère, l’étrangeté même de la femme, et tout ce qu’il y a d’éternellement fuyant, évanouissant e
5333 ’étrangeté même de la femme, et tout ce qu’il y a d’ éternellement fuyant, évanouissant et presque hostile dans un être, ce
5334 ui invite à la poursuite et qui éveille l’avidité de posséder, plus délicieuse que toute possession au cœur de l’homme en
5335 der, plus délicieuse que toute possession au cœur de l’homme en proie au mythe. C’est la femme-dont-on-est-séparé : on la
5336 désirer et pour exalter ce désir aux proportions d’ une passion consciente, intense, infiniment intéressante… Or c’est la
5337 , où plus rien ne s’oppose à leur union, le génie de la passion dépose entre leurs corps une épée nue. Descendons quelques
5338 endons quelques siècles et toute l’échelle qui va de l’héroïsme religieux à la confusion sans grandeur où se débattent les
5339 emme perd son « attrait », parce qu’il n’est plus d’ obstacles entre elle et lui. Pitoyables victimes d’un mythe dont l’hor
5340 ’obstacles entre elle et lui. Pitoyables victimes d’ un mythe dont l’horizon mystique s’est refermé depuis longtemps. Pour
5341 espace et le temps sans lesquelles il n’est point de « créatures » — alors que le seul but de l’amour infini ne peut être
5342 st point de « créatures » — alors que le seul but de l’amour infini ne peut être que le divin : Dieu, notre idée de Dieu,
5343 fini ne peut être que le divin : Dieu, notre idée de Dieu, ou le Moi déifié. Mais pour celui que le mythe vient tourmenter
5344 tourmenter sans lui révéler son secret, il n’est d’ au-delà de la passion que dans une passion nouvelle — dans le tourment
5345 r sans lui révéler son secret, il n’est d’au-delà de la passion que dans une passion nouvelle — dans le tourment nouveau d
5346 s une passion nouvelle — dans le tourment nouveau de la poursuite d’apparences toujours plus fugitives. Il était de la nat
5347 uvelle — dans le tourment nouveau de la poursuite d’ apparences toujours plus fugitives. Il était de la nature essentielle
5348 te d’apparences toujours plus fugitives. Il était de la nature essentielle de la passion mystique d’être sans fin – et c’e
5349 plus fugitives. Il était de la nature essentielle de la passion mystique d’être sans fin – et c’est par là que cette passi
5350 t de la nature essentielle de la passion mystique d’ être sans fin – et c’est par là que cette passion se détachait des ryt
5351 moderne, ce n’est plus que le retour sempiternel d’ une ardeur constamment déçue. Le mythe décrivait une fatalité dont ses
5352 dénoue en infidélité. Qui ne sent la dégradation d’ un Tristan qui a plusieurs Iseut ? Pourtant ce n’est pas lui qu’il con
5353 Iseut ? Pourtant ce n’est pas lui qu’il convient d’ accuser, mais il est la victime d’un ordre social où les obstacles se
5354 qu’il convient d’accuser, mais il est la victime d’ un ordre social où les obstacles se sont dégradés. Ils cèdent trop vit
5355 . Sans cesse, il faut recommencer cette ascension de l’âme dressée contre le monde. Mais alors le Tristan moderne glisse v
5356 oderne glisse vers le type contraire du Don Juan, de l’homme aux amours successives. Les catégories se détruisent, l’avent
5357 à cette consomption. Mais Don Juan ne connaît pas d’ Iseut, ni de passion inaccessible, ni de passé ni d’avenir, ni de déch
5358 omption. Mais Don Juan ne connaît pas d’Iseut, ni de passion inaccessible, ni de passé ni d’avenir, ni de déchirements vol
5359 nnaît pas d’Iseut, ni de passion inaccessible, ni de passé ni d’avenir, ni de déchirements voluptueux. Il vit toujours dan
5360 Iseut, ni de passion inaccessible, ni de passé ni d’ avenir, ni de déchirements voluptueux. Il vit toujours dans l’immédiat
5361 passion inaccessible, ni de passé ni d’avenir, ni de déchirements voluptueux. Il vit toujours dans l’immédiat, il n’a jama
5362 toujours dans l’immédiat, il n’a jamais le temps d’ aimer — d’attendre et de se souvenir — et rien de ce qu’il désire ne l
5363 dans l’immédiat, il n’a jamais le temps d’aimer —  d’ attendre et de se souvenir — et rien de ce qu’il désire ne lui résiste
5364 t, il n’a jamais le temps d’aimer — d’attendre et de se souvenir — et rien de ce qu’il désire ne lui résiste, puisqu’il n’
5365 d’aimer — d’attendre et de se souvenir — et rien de ce qu’il désire ne lui résiste, puisqu’il n’aime pas ce qui lui résis
5366 l n’aime pas ce qui lui résiste. ⁂ Aimer, au sens de la passion, c’est alors le contraire de vivre ! C’est un appauvrissem
5367 , au sens de la passion, c’est alors le contraire de vivre ! C’est un appauvrissement de l’être, une ascèse sans au-delà,
5368 le contraire de vivre ! C’est un appauvrissement de l’être, une ascèse sans au-delà, une impuissance à aimer le présent s
5369 t, une fuite sans fin devant la possession. Aimer d’ amour-passion signifiait « vivre » pour Tristan, car la vraie vie qu’i
5370 et du film apparaissent comme les signes certains d’ une décadence de la personne chez les modernes, et d’une espèce de mal
5371 aissent comme les signes certains d’une décadence de la personne chez les modernes, et d’une espèce de maladie de l’être.
5372 ne décadence de la personne chez les modernes, et d’ une espèce de maladie de l’être. Presque toutes les complications qui
5373 de la personne chez les modernes, et d’une espèce de maladie de l’être. Presque toutes les complications qui servent d’int
5374 nne chez les modernes, et d’une espèce de maladie de l’être. Presque toutes les complications qui servent d’intrigues à no
5375 tre. Presque toutes les complications qui servent d’ intrigues à nos auteurs se ramènent au schéma monotone des ruses de la
5376 auteurs se ramènent au schéma monotone des ruses de la passion pour s’« entretenir », — des ruses d’une passion débile po
5377 de la passion pour s’« entretenir », — des ruses d’ une passion débile pour s’inventer de plus secrets obstacles. Je songe
5378 plus secrets obstacles. Je songe à la psychologie de la jalousie, qui envahit nos analyses : jalousie désirée, provoquée,
5379 n — n’aboutit pas. On retombe sans cesse au monde de la comparaison, qui est le monde de la jalousie. « Hommes et femmes d
5380 esse au monde de la comparaison, qui est le monde de la jalousie. « Hommes et femmes dès qu’ils passent leur seuil souffre
5381 et femmes dès qu’ils passent leur seuil souffrent de jalousie », dit un poème tibétain206. C’est que, passant « leur seuil
5382 in206. C’est que, passant « leur seuil », sortant de leur être propre et du présent tel qu’il leur est donné, incapables d
5383 t du présent tel qu’il leur est donné, incapables d’ accepter l’autre tel qu’il est, parce qu’il faudrait tout d’abord s’ac
5384 r, qualités dont ils se sentent privés, et motifs de comparaisons qui toujours tournent à leur détriment. Le mari souffre
5385 l. Il a perdu la seule chose nécessaire : le sens de la fidélité. Car voici la fidélité : c’est l’acceptation décisive d’u
5386 voici la fidélité : c’est l’acceptation décisive d’ un être en soi, limité et réel, que l’on choisit non comme prétexte à
5387 non comme prétexte à s’exalter, ou comme « objet de contemplation », mais comme une existence incomparable et autonome à
5388 incomparable et autonome à son côté, une exigence d’ amour actif. ⁂ Je n’entends pas ici attaquer la passion : je me borne
5389 comment cette passion développe un certain nombre de fatalités psychologiques dont les effets ne sont plus contestables. Q
5390 ne sont plus contestables. Que l’on soit partisan de l’une ou de l’autre, il faut admettre que la passion ruine l’idée mêm
5391 contestables. Que l’on soit partisan de l’une ou de l’autre, il faut admettre que la passion ruine l’idée même du mariage
5392 mariage dans une époque où l’on tente la gageure de fonder le mariage, précisément, sur les valeurs élaborées par une éth
5393 sément, sur les valeurs élaborées par une éthique de la passion. Certes, il serait excessif d’estimer que la plupart de no
5394 éthique de la passion. Certes, il serait excessif d’ estimer que la plupart de nos contemporains sont en proie au délire de
5395 part de nos contemporains sont en proie au délire de Tristan. Bien peu ont assez soif pour boire le philtre, et j’en vois
5396 ythe primitif, c’est pourtant là qu’est le secret de l’inquiétude qui tourmente aujourd’hui les couples. Rien ne répugne a
5397 ne répugne autant à un esprit moderne que l’idée d’ une limitation volontairement assumée ; et rien ne le flatte davantage
5398 ée ; et rien ne le flatte davantage que le mirage d’ infini dépassement entretenu par le souvenir du mythe. Essayer de pren
5399 ement entretenu par le souvenir du mythe. Essayer de prendre conscience de la nature du phénomène, c’est à quoi se résume
5400 souvenir du mythe. Essayer de prendre conscience de la nature du phénomène, c’est à quoi se résume l’ambition des analyse
5401 spirituel que fait courir à la personne l’éthique de l’évasion, qui est née du mythe.) D’où les multiples tentatives de « 
5402 ne l’éthique de l’évasion, qui est née du mythe.) D’ où les multiples tentatives de « restauration » du mariage auxquelles
5403 est née du mythe.) D’où les multiples tentatives de « restauration » du mariage auxquelles nous avons assisté depuis la P
5404 assisté depuis la Première Guerre mondiale, début de l’ère totalitaire. Les Églises font un honorable effort de redéfiniti
5405 totalitaire. Les Églises font un honorable effort de redéfinition de l’institution et des devoirs moraux qu’elle implique2
5406 Églises font un honorable effort de redéfinition de l’institution et des devoirs moraux qu’elle implique207. Les humanist
5407 lique207. Les humanistes reprennent les arguments d’ un Goethe ou d’un Engels en faveur du mariage : selon le premier, il f
5408 umanistes reprennent les arguments d’un Goethe ou d’ un Engels en faveur du mariage : selon le premier, il faut y voir la g
5409 lon le premier, il faut y voir la grande conquête de la culture occidentale, et le fondement solide de toute vie personnel
5410 de la culture occidentale, et le fondement solide de toute vie personnelle ; selon le second, l’union monogamique serait l
5411 s sexes, dans une société libérée des contraintes de classes et d’argent. D’autres enfin s’efforcent de fonder une science
5412 une société libérée des contraintes de classes et d’ argent. D’autres enfin s’efforcent de fonder une science des rapports
5413 e classes et d’argent. D’autres enfin s’efforcent de fonder une science des rapports conjugaux. Jung analyse le « conflit
5414 les « névroses » qui seraient à l’origine du mal ( d’ où l’on déduit que la médecine mentale guérirait tout). Van de Velde o
5415 lgarisée des phénomènes sexuels. L’abondance même de ces recherches208 et de ces recettes me rend sceptique quant à leur e
5416 sexuels. L’abondance même de ces recherches208 et de ces recettes me rend sceptique quant à leur efficacité : elle révèle
5417 l’étendue du désastre, sans apporter les éléments d’ une révolution à sa mesure. En outre, il est frappant de constater que
5418 révolution à sa mesure. En outre, il est frappant de constater que presque tous ces sages auteurs donnent quelques lignes
5419 ages auteurs donnent quelques lignes à la louange de la passion, ou tout au moins affectent de la tolérer : pour des raiso
5420 louange de la passion, ou tout au moins affectent de la tolérer : pour des raisons trop faciles à concevoir, on craint d’a
5421 r des raisons trop faciles à concevoir, on craint d’ attaquer le lecteur dans ses croyances les plus intimes et les plus so
5422 intimes et les plus solidement ancrées. On a peur de paraître « puritain ». On s’efforce de faire la part du feu, et l’on
5423 On a peur de paraître « puritain ». On s’efforce de faire la part du feu, et l’on va même parfois jusqu’à ce paradoxe de
5424 feu, et l’on va même parfois jusqu’à ce paradoxe de présenter la passion amoureuse comme le couronnement d’un hymen idéal
5425 senter la passion amoureuse comme le couronnement d’ un hymen idéalement réalisé (d’après les recettes). Personne, que je s
5426 a encore osé dire que l’amour tel qu’on l’imagine de nos jours est la négation pure et simple du mariage que l’on prétend
5427 e sait pas au juste ce qu’est l’amour-passion, ni d’ où il vient, ni où il va. On sent bien qu’il y a là quelque chose d’in
5428 où il va. On sent bien qu’il y a là quelque chose d’ inquiétant, mais on a peur, en le combattant, de parler comme un phili
5429 e d’inquiétant, mais on a peur, en le combattant, de parler comme un philistin. (Ce qui se produirait fatalement !) Ainsi
5430 agner la confiance ; on ne remonte pas le courant de toute l’époque ; la passion a toujours existé, elle existera donc tou
5431 C’est même à cause de cela que vous ne ferez rien de sérieux. Et comme il faut pourtant que quelque chose se fasse, la seu
5432 n qui se pose à l’historien, au sociologue, c’est de savoir quel mécanisme va se déclencher pour rétablir la situation — o
5433 tion — ou quel réflexe collectif. ⁂ Deux exemples de grande envergure nous indiquent un type de réponse, une solution peut
5434 emples de grande envergure nous indiquent un type de réponse, une solution peut-être inévitable. La Russie de la Révolutio
5435 e la Révolution connut un « déchaînement » sexuel de la jeunesse que l’on serait tenté de juger sans précédent dans notre
5436 ent » sexuel de la jeunesse que l’on serait tenté de juger sans précédent dans notre histoire européenne209. Quant au mari
5437 traduisit dans la réalité par une généralisation de l’union libre, de l’avortement, de l’abandon des enfants, bref de tou
5438 réalité par une généralisation de l’union libre, de l’avortement, de l’abandon des enfants, bref de tout ce qu’on croyait
5439 généralisation de l’union libre, de l’avortement, de l’abandon des enfants, bref de tout ce qu’on croyait contraire aux pr
5440 , de l’avortement, de l’abandon des enfants, bref de tout ce qu’on croyait contraire aux préjugés réactionnaires, qu’on se
5441 re des mœurs, et il proteste avec toute l’énergie d’ un « révolutionnaire professionnel » — donc puritain — contre cette an
5442 n — contre cette anarchie sexuelle qu’il qualifie de « petite-bourgeoise ». (On n’ignore pas le sens marxiste de l’express
5443 e-bourgeoise ». (On n’ignore pas le sens marxiste de l’expression.) Vingt ans plus tard, le « redressement des mœurs » s’e
5444 ar quelque sursaut vertueux, non par l’initiative d’ une ligue philanthropique, mais par les soins d’une dictature exacteme
5445 e d’une ligue philanthropique, mais par les soins d’ une dictature exactement consciente des conditions de sa durée. Stalin
5446 ne dictature exactement consciente des conditions de sa durée. Staline s’est assigné pour but prochain de refaire des cadr
5447 sa durée. Staline s’est assigné pour but prochain de refaire des cadres à sa nation. Car sans cadres, l’économie périclita
5448 sion précisément que l’on entendait « liquider ». D’ où l’absolue nécessité de restaurer les bases sociales, c’est-à-dire l
5449 entendait « liquider ». D’où l’absolue nécessité de restaurer les bases sociales, c’est-à-dire l’élément statique et stab
5450 emier chef qu’est la famille. Ce fut le mécanisme de la dictature productiviste qui contraignit l’État dit socialiste à éd
5451 raignit l’État dit socialiste à édicter une série de lois contre le divorce (qu’on rendit beaucoup plus onéreux), contre l
5452 n des enfants nés hors mariage. La rigueur subite de ces lois, le choc psychologique qu’elles provoquèrent, la propagande,
5453 elles provoquèrent, la propagande, et les mesures de contrôle policier de la vie privée, changèrent notablement l’ambiance
5454 a propagande, et les mesures de contrôle policier de la vie privée, changèrent notablement l’ambiance morale de la Russie
5455 privée, changèrent notablement l’ambiance morale de la Russie aux environs de l’année 1936. Le mariage se trouva restauré
5456 ement l’ambiance morale de la Russie aux environs de l’année 1936. Le mariage se trouva restauré sur des bases strictement
5457 lèmes individuels tendaient à perdre toute espèce de dignité, de légitimité, de virulence anarchisante. L’Allemagne d’avan
5458 duels tendaient à perdre toute espèce de dignité, de légitimité, de virulence anarchisante. L’Allemagne d’avant Hitler att
5459 à perdre toute espèce de dignité, de légitimité, de virulence anarchisante. L’Allemagne d’avant Hitler atteignit-elle un
5460 égitimité, de virulence anarchisante. L’Allemagne d’ avant Hitler atteignit-elle un stade d’anarchie sexuelle comparable à
5461 ’Allemagne d’avant Hitler atteignit-elle un stade d’ anarchie sexuelle comparable à celui de la Russie jusqu’à Staline ? Le
5462 e un stade d’anarchie sexuelle comparable à celui de la Russie jusqu’à Staline ? Le processus de ruine des obstacles socia
5463 celui de la Russie jusqu’à Staline ? Le processus de ruine des obstacles sociaux, pour s’y être développé sans violences e
5464 it que plus gravement miné l’éthique matrimoniale de la jeunesse. La décadence du mythe de la passion dans la patrie du ro
5465 atrimoniale de la jeunesse. La décadence du mythe de la passion dans la patrie du romantisme entraînait d’autre part des c
5466 onséquences bien plus complexes que chez nous, et d’ apparences fort hétéroclites. Le cynisme morbide de l’après-guerre all
5467 ’apparences fort hétéroclites. Le cynisme morbide de l’après-guerre allemande, la Neue Sachlichkeit des avant-gardes litté
5468 rimes dits « politiques » exécutés par des ligues de jeunes gens, certaines formes de naturisme, les « fiançailles d’essai
5469 s par des ligues de jeunes gens, certaines formes de naturisme, les « fiançailles d’essai » élevées au rang de coutume nor
5470 certaines formes de naturisme, les « fiançailles d’ essai » élevées au rang de coutume normale parmi les étudiants, le sér
5471 isme, les « fiançailles d’essai » élevées au rang de coutume normale parmi les étudiants, le sérieux accordé aux conflits
5472 sionnels « à trois » ou « à quatre » — renouvelés de la Lucinde de Schlegel — autant de signes de la panique sexuelle prov
5473 » — renouvelés de la Lucinde de Schlegel — autant de signes de la panique sexuelle provoquée par la décadence des contrain
5474 elés de la Lucinde de Schlegel — autant de signes de la panique sexuelle provoquée par la décadence des contraintes matrim
5475 cadence des contraintes matrimoniales et du mythe de l’amour mortel. Déjà l’on voyait affleurer le fond du désespoir et d’
5476 éjà l’on voyait affleurer le fond du désespoir et d’ anarchie intime que suppose toute morale du « bonheur » strictement in
5477 t militaire, devait se donner pour première tâche de surmonter cette crise de mœurs. On commença par opposer à l’idéal ant
5478 nner pour première tâche de surmonter cette crise de mœurs. On commença par opposer à l’idéal antisocial de « bonheur » et
5479 urs. On commença par opposer à l’idéal antisocial de « bonheur » et de « vie dangereuse » un idéal collectiviste. Gemeinnu
5480 ar opposer à l’idéal antisocial de « bonheur » et de « vie dangereuse » un idéal collectiviste. Gemeinnutz geht vor Eigenn
5481 ul objet légitime et possible à la passion l’idée de nation symbolisée par le Führer. D’abord on priva la femme de son aur
5482 mbolisée par le Führer. D’abord on priva la femme de son auréole romantique : on la réduisit à sa fonction matrimoniale :
5483 uatre ou cinq ans). Puis on en vint à des mesures d’ ordre eugénique. On ouvrit une « école de fiancées » pour les futures
5484 mesures d’ordre eugénique. On ouvrit une « école de fiancées » pour les futures femmes des S. S. (Schutz Staffeln : escou
5485 res femmes des S. S. (Schutz Staffeln : escouades de protection du régime, troupe sélectionnée incarnant l’idéal racial).
5486 ’idéal racial). Ces femmes devaient être blondes, de sang aryen, et mesurer au moins 1 m. 73. Ainsi le « type de femme » s
5487 yen, et mesurer au moins 1 m. 73. Ainsi le « type de femme » se trouva prescrit non par les souvenirs inconscients, ni par
5488 res mais par la section scientifique du ministère de la propagande. En 1938, on institua des écoles analogues pour toutes
5489 s dorénavant « au nom de l’État ». Le but dernier de l’entreprise ne faisait pas de doute : on en viendrait à n’autoriser
5490  ». Le but dernier de l’entreprise ne faisait pas de doute : on en viendrait à n’autoriser plus que les unions contractées
5491 dividuels, donc des passions. À chacun sa « fiche de mariage ». Alors la science matrimoniale eût trouvé sa juste applicat
5492 ale eût trouvé sa juste application dans l’esprit de Lycurgue et de Sparte : on en eût fait l’un des chapitres de la prépa
5493 sa juste application dans l’esprit de Lycurgue et de Sparte : on en eût fait l’un des chapitres de la préparation militair
5494 et de Sparte : on en eût fait l’un des chapitres de la préparation militaire. ⁂ L’expérience stalinienne a échoué, si l’o
5495 ienne a échoué, si l’on en croit les descriptions de l’état présent des mœurs de la jeunesse en URSS. Le nazisme appartien
5496 roit les descriptions de l’état présent des mœurs de la jeunesse en URSS. Le nazisme appartient au passé. Pourtant la tent
5497 ation totalitaire subsiste. Il n’est pas interdit d’ imaginer qu’un jour nos démocraties y succombent, au nom d’une « scien
5498 craties y succombent, au nom d’une « science » ou d’ une hygiène sociologique. La pratique forcée de l’eugénisme peut réuss
5499 ou d’une hygiène sociologique. La pratique forcée de l’eugénisme peut réussir, là où toutes nos morales échouent, entraîna
5500 tion du besoin « spirituel », et donc artificiel, de la passion. Alors le cycle de l’amour courtois sera fermé. L’Europe d
5501 et donc artificiel, de la passion. Alors le cycle de l’amour courtois sera fermé. L’Europe de la passion aura vécu. Un Occ
5502 le cycle de l’amour courtois sera fermé. L’Europe de la passion aura vécu. Un Occident nouveau, imprévisible, naîtra dans
5503 évisible, naîtra dans les laboratoires. 6.Sens de la crise Pour mieux voir notre état, regardons l’Amérique — cette
5504 tat, regardons l’Amérique — cette Europe délivrée de ses routines, mais aussi de ses freins traditionnels. Nulle autre civ
5505 cette Europe délivrée de ses routines, mais aussi de ses freins traditionnels. Nulle autre civilisation connue, depuis prè
5506 vec cette naïve assurance l’entreprise périlleuse de faire coïncider le mariage et « l’amour » ainsi compris, et de baser
5507 cider le mariage et « l’amour » ainsi compris, et de baser le premier sur le second. Pendant une grève des téléphones, en 
5508 ne grève des téléphones, en 1947, les opératrices de la petite ville de White Plains reçurent l’appel suivant : « Mon amie
5509 ones, en 1947, les opératrices de la petite ville de White Plains reçurent l’appel suivant : « Mon amie et moi voulons nou
5510 on amie et moi voulons nous marier. Nous essayons de trouver un juge de paix. N’est-ce pas une urgence »211 ? Les opératri
5511 ire l’intitula : L’Amour est classé parmi les cas d’ urgence. Ce petit fait banal illustre des croyances toutes naturelles
5512 là qu’il nous intéresse. Il montre que les termes d’ « amour » et de mariage sont pratiquement équivalents ; que si l’on « 
5513 ntéresse. Il montre que les termes d’« amour » et de mariage sont pratiquement équivalents ; que si l’on « aime » il faut
5514 ; qu’enfin « l’amour » doit normalement triompher de tous les obstacles, ainsi que le font voir journellement films, roman
5515 voir journellement films, romans et comic-strips. De fait, si l’amour romanesque triomphe d’une quantité d’obstacles, il e
5516 c-strips. De fait, si l’amour romanesque triomphe d’ une quantité d’obstacles, il en est un contre lequel il se brisera pre
5517 it, si l’amour romanesque triomphe d’une quantité d’ obstacles, il en est un contre lequel il se brisera presque toujours :
5518 une institution faite pour durer — ou il n’a pas de sens. Voilà le premier secret de la crise actuelle, crise qui peut se
5519 — ou il n’a pas de sens. Voilà le premier secret de la crise actuelle, crise qui peut se mesurer simplement par les stati
5520 i peut se mesurer simplement par les statistiques de divorce, où l’Amérique tient le premier rang. Vouloir fonder le maria
5521 ier rang. Vouloir fonder le mariage sur une forme d’ amour instable par définition, c’est travailler en fait pour l’État de
5522 travailler en fait pour l’État de Nevada. Exiger de n’importe quel film, fût-il sur la bombe atomique, qu’il tienne une c
5523 la bombe atomique, qu’il tienne une certaine dose de la drogue romanesque (plus encore qu’érotique) nommé love interest, c
5524 ore qu’érotique) nommé love interest, c’est faire de la publicité pour les microbes, non pour le remède, de la maladie du
5525 publicité pour les microbes, non pour le remède, de la maladie du mariage. La romance se nourrit d’obstacles, de brèves e
5526 , de la maladie du mariage. La romance se nourrit d’ obstacles, de brèves excitations et de séparations ; le mariage, au co
5527 ie du mariage. La romance se nourrit d’obstacles, de brèves excitations et de séparations ; le mariage, au contraire, est
5528 se nourrit d’obstacles, de brèves excitations et de séparations ; le mariage, au contraire, est fait d’accoutumance, de p
5529 séparations ; le mariage, au contraire, est fait d’ accoutumance, de proximité quotidienne. La romance veut « l’amour de l
5530 e mariage, au contraire, est fait d’accoutumance, de proximité quotidienne. La romance veut « l’amour de loin » des trouba
5531 proximité quotidienne. La romance veut « l’amour de loin » des troubadours ; le mariage, l’amour du « prochain ». Si donc
5532 du « prochain ». Si donc l’on s’est marié à cause d’ une romance, une fois celle-ci évaporée, il est normal qu’à la premièr
5533 orée, il est normal qu’à la première constatation d’ un conflit de caractères ou de goûts, l’on se demande : pourquoi suis-
5534 normal qu’à la première constatation d’un conflit de caractères ou de goûts, l’on se demande : pourquoi suis-je marié ? Et
5535 emière constatation d’un conflit de caractères ou de goûts, l’on se demande : pourquoi suis-je marié ? Et il est non moins
5536 our la romance, l’on admette la première occasion de tomber amoureux de quelqu’un d’autre. Et il est parfaitement logique
5537 n admette la première occasion de tomber amoureux de quelqu’un d’autre. Et il est parfaitement logique qu’on décide aussit
5538 première occasion de tomber amoureux de quelqu’un d’ autre. Et il est parfaitement logique qu’on décide aussitôt de divorce
5539 il est parfaitement logique qu’on décide aussitôt de divorcer pour trouver dans le nouvel « amour », qui entraîne un nouve
5540 ntraîne un nouveau mariage, une nouvelle promesse de bonheur ; les trois mots étant synonymes. Ainsi, guérissant son ennui
5541 serment. Il le cherche au contraire par le moyen d’ une nouvelle « expérience », considérée comme telle, et d’ailleurs aff
5542 ’ailleurs affectée dès le départ des mêmes motifs d’ échec que celles qui ont précédé. C’est pourquoi le divorce revêt en A
5543 ne rupture créant un désordre social, et la perte d’ un capital de souvenirs et d’expériences communes, l’Américain a plutô
5544 éant un désordre social, et la perte d’un capital de souvenirs et d’expériences communes, l’Américain a plutôt l’impressio
5545 social, et la perte d’un capital de souvenirs et d’ expériences communes, l’Américain a plutôt l’impression qu’il met de l
5546 unes, l’Américain a plutôt l’impression qu’il met de l’ordre dans sa vie et qu’il s’ouvre un nouvel avenir. L’économie de
5547 vie et qu’il s’ouvre un nouvel avenir. L’économie de l’épargne, une fois de plus, s’oppose ici à celle du gaspillage, comm
5548 ’oppose ici à celle du gaspillage, comme le souci de préserver le passé à celui de faire table rase pour construire quelqu
5549 age, comme le souci de préserver le passé à celui de faire table rase pour construire quelque chose de plus net, sans comp
5550 n est ennemi des compromis, il est contradictoire de se marier. Et si l’on veut tirer une traite sur son avenir, il est fo
5551 une traite sur son avenir, il est fort imprudent de suggérer d’avance qu’on se réserve le droit de ne point l’honorer ; c
5552 sur son avenir, il est fort imprudent de suggérer d’ avance qu’on se réserve le droit de ne point l’honorer ; comme le fit
5553 nt de suggérer d’avance qu’on se réserve le droit de ne point l’honorer ; comme le fit cette jeune milliardaire disant aux
5554 e milliardaire disant aux journalistes, la veille de son mariage : « C’est merveilleux de se marier pour la première fois 
5555 s, la veille de son mariage : « C’est merveilleux de se marier pour la première fois ! » (Un an plus tard, elle divorçait.
5556 d, elle divorçait.) Sur quoi, plusieurs proposent d’ interdire le divorce, ou de le rendre au moins très difficile. Mais c’
5557 i, plusieurs proposent d’interdire le divorce, ou de le rendre au moins très difficile. Mais c’est le mariage, à mon avis,
5558 r le conclure, au dédain des convenances démodées de milieu social et religieux, d’éducation et de fortune. On pourrait ce
5559 nvenances démodées de milieu social et religieux, d’ éducation et de fortune. On pourrait certes imaginer de nouvelles cond
5560 ées de milieu social et religieux, d’éducation et de fortune. On pourrait certes imaginer de nouvelles conditions à rempli
5561 cation et de fortune. On pourrait certes imaginer de nouvelles conditions à remplir par les candidats au mariage — cette v
5562 e à toute alliance humaine ses meilleures chances de durer : buts et rythmes de vie, vocations comparées, caractères et te
5563 ses meilleures chances de durer : buts et rythmes de vie, vocations comparées, caractères et tempéraments. Si l’on veut le
5564 mariage, c’est-à-dire la durée, il serait normal d’ en assurer les conditions. Mais ces réformes n’auraient que peu d’effe
5565 conditions. Mais ces réformes n’auraient que peu d’ effet dans un monde qui a gardé, sinon la vraie passion, du moins la n
5566 dé, sinon la vraie passion, du moins la nostalgie de la passion, devenue congénitale à l’homme occidental. Le mariage qui
5567 ur les convenances sociales, donc du point de vue de l’individu, sur le hasard, avait au moins autant de chances que le ma
5568 l’individu, sur le hasard, avait au moins autant de chances que le mariage fondé sur « l’amour » seul. Mais toute l’évolu
5569 ondé sur « l’amour » seul. Mais toute l’évolution de l’Occident va de la sagesse tribale au risque individuel ; elle est i
5570 r » seul. Mais toute l’évolution de l’Occident va de la sagesse tribale au risque individuel ; elle est irréversible et il
5571 du mariage, en Europe comme en Amérique, résulte d’ une pluralité de causes profondes ou prochaines, dont le culte de la r
5572 Europe comme en Amérique, résulte d’une pluralité de causes profondes ou prochaines, dont le culte de la romance n’est qu’
5573 de causes profondes ou prochaines, dont le culte de la romance n’est qu’un exemple. (Mais je me devais de le souligner da
5574 a romance n’est qu’un exemple. (Mais je me devais de le souligner dans cet ouvrage.) La recherche du bonheur individuel pr
5575 l primant sur la stabilité sociale, et le respect de l’évolution psychologique primant sur le sens du serment, peuvent êtr
5576 et dans d’autres domaines, ou à d’autres niveaux de la réalité, tantôt sociale, tantôt psychique. L’émancipation de la fe
5577 tantôt sociale, tantôt psychique. L’émancipation de la femme (son entrée dans la vie professionnelle et sa revendication
5578 e dans la vie professionnelle et sa revendication d’ égalité) est un facteur non négligeable de la crise. La vulgarisation
5579 ication d’égalité) est un facteur non négligeable de la crise. La vulgarisation des connaissances psychologiques en est un
5580 e du xxe siècle, même très sommairement informés de l’existence des complexes freudiens, du jeu des refoulements et de l’
5581 s complexes freudiens, du jeu des refoulements et de l’origine des névroses, sont portés à plus d’exigence que leurs ancêt
5582 et de l’origine des névroses, sont portés à plus d’ exigence que leurs ancêtres quant au mariage et à la vie matrimoniale.
5583 dont les premiers balbutiements ont déjà modifié d’ une manière perceptible la conscience de l’Occidental. Enfin, certains
5584 à modifié d’une manière perceptible la conscience de l’Occidental. Enfin, certains signes annoncent un phénomène plus prof
5585 du xiie siècle, et que je qualifiais au livre II de « remontée de la shakti ». Le puissant renouveau de la mariologie dan
5586 e, et que je qualifiais au livre II de « remontée de la shakti ». Le puissant renouveau de la mariologie dans l’Église cat
5587 « remontée de la shakti ». Le puissant renouveau de la mariologie dans l’Église catholique et ses masses populaires ; les
5588 ses masses populaires ; les travaux tout récents de C. G. Jung et de son école sur la Sophia, Sagesse et Vierge-Mère éter
5589 aires ; les travaux tout récents de C. G. Jung et de son école sur la Sophia, Sagesse et Vierge-Mère éternelle212 ; et par
5590 ailleurs (vraiment ailleurs !) dans l’avant-garde de la littérature européenne, le regain d’intérêt pour le catharisme, l’
5591 ant-garde de la littérature européenne, le regain d’ intérêt pour le catharisme, l’exaltation de la « Femme-Enfant » salvat
5592 regain d’intérêt pour le catharisme, l’exaltation de la « Femme-Enfant » salvatrice de l’homme rationnel, ou l’annonce rép
5593 e, l’exaltation de la « Femme-Enfant » salvatrice de l’homme rationnel, ou l’annonce répétée d’une revanche imminente du p
5594 atrice de l’homme rationnel, ou l’annonce répétée d’ une revanche imminente du principe féminin sur le patriarcat213 — tout
5595 cat213 — tout cela fait pressentir la possibilité d’ une vaste évolution de la psyché moderne, dont le principe et le sens
5596 t pressentir la possibilité d’une vaste évolution de la psyché moderne, dont le principe et le sens nous demeurent cachés,
5597 mais qui donnera peut-être aux historiens futurs de notre société occidentale, la clé d’une crise dont nous ne voyons enc
5598 riens futurs de notre société occidentale, la clé d’ une crise dont nous ne voyons encore que les symptômes superficiels, s
5599 « résoudre » les contradictions qu’endurent tant d’ hommes et de femmes dans leur mariage. Des synthèses se préparent, peu
5600 » les contradictions qu’endurent tant d’hommes et de femmes dans leur mariage. Des synthèses se préparent, peut-être, obsc
5601 individuelle. Toute solution que je serais tenté de proposer, fût-elle jugée « la bonne » par le siècle à venir, serait a
5602 par le siècle à venir, serait aujourd’hui frappée d’ inefficacité, ou si elle pouvait agir, ferait plus de mal que de bien.
5603 nefficacité, ou si elle pouvait agir, ferait plus de mal que de bien. Si je l’avais trouvée, et si j’avais le pouvoir de l
5604 , ou si elle pouvait agir, ferait plus de mal que de bien. Si je l’avais trouvée, et si j’avais le pouvoir de l’imposer à
5605 . Si je l’avais trouvée, et si j’avais le pouvoir de l’imposer à mes contemporains, je me garderais d’en rien faire. C’est
5606 de l’imposer à mes contemporains, je me garderais d’ en rien faire. C’est qu’une crise de cet ordre n’est pas un accident.
5607 me garderais d’en rien faire. C’est qu’une crise de cet ordre n’est pas un accident. Tenter de la couper, comme on le fai
5608 crise de cet ordre n’est pas un accident. Tenter de la couper, comme on le fait d’une fièvre, serait bien moins la guérir
5609 n accident. Tenter de la couper, comme on le fait d’ une fièvre, serait bien moins la guérir que nous priver de nos chances
5610 èvre, serait bien moins la guérir que nous priver de nos chances d’en comprendre un jour le secret. Et ce serait en même t
5611 en moins la guérir que nous priver de nos chances d’ en comprendre un jour le secret. Et ce serait en même temps une sorte
5612 r le secret. Et ce serait en même temps une sorte de tricherie, soit que la solution n’apporte en vérité qu’en essai de re
5613 t que la solution n’apporte en vérité qu’en essai de retour à l’équilibre ancien, dont la crise même dénonce toute la préc
5614 e sauraient être évalués tant que le sens général de la crise nous échappe. Il s’agit bien plutôt de déchiffrer le message
5615 l de la crise nous échappe. Il s’agit bien plutôt de déchiffrer le message et de décoder patiemment les nouvelles ambiguës
5616 Il s’agit bien plutôt de déchiffrer le message et de décoder patiemment les nouvelles ambiguës que la crise nous apporte s
5617 voltes, nos illusions naïves, nos péchés. Essayer de résoudre notre crise du mariage par des mesures morales, sociales ou
5618 sociales ou scientifiques, déduites du seul désir d’ arrêter les dégâts, ne serait-ce pas lui dénier arbitrairement le cara
5619 nt le caractère qu’elle semble bien avoir : celui de la recherche, presque aveugle encore, d’un nouvel équilibre du couple
5620  : celui de la recherche, presque aveugle encore, d’ un nouvel équilibre du couple. Équilibre tendu entre les exigences tou
5621 es toujours simultanées, contraires et légitimes, de la stabilité et de l’évolution, de l’espèce et de l’individu, enfin d
5622 nées, contraires et légitimes, de la stabilité et de l’évolution, de l’espèce et de l’individu, enfin de l’accomplissement
5623 et légitimes, de la stabilité et de l’évolution, de l’espèce et de l’individu, enfin de l’accomplissement de la personne
5624 de la stabilité et de l’évolution, de l’espèce et de l’individu, enfin de l’accomplissement de la personne et de l’Absolu
5625 l’évolution, de l’espèce et de l’individu, enfin de l’accomplissement de la personne et de l’Absolu qui seul la juge et l
5626 pèce et de l’individu, enfin de l’accomplissement de la personne et de l’Absolu qui seul la juge et la suscite. 201. Vo
5627 idu, enfin de l’accomplissement de la personne et de l’Absolu qui seul la juge et la suscite. 201. Voir sur ce point :
5628 ique se justifierait soit par le récit du miracle de Cana (« simple hypothèse », dit l’auteur) ; soit par le passage où Jé
5629 parer ce que Dieu a uni ; soit par des entretiens de Jésus ressuscité et de ses disciples « que les évangélistes et les Ac
5630  ; soit par des entretiens de Jésus ressuscité et de ses disciples « que les évangélistes et les Actes mentionnent sans le
5631 hares, nous l’avons vu, le véritable crime, c’est d’ avoir « consommé » dans la chair cet adultère. 204. L’aventure fameus
5632 s la chair cet adultère. 204. L’aventure fameuse de la princesse de C… donna lieu au début du siècle à toute une littérat
5633 toute une littérature romanesque. Quant au thème de l’ouvrier ou du chauffeur qui « mérite » la fille du patron, il fut a
5634 film allemand, sous l’hitlérisme. 205. Le titre d’ un roman de Max Brod, Die Frau nach der man sichsehnt (la femme que l’
5635 and, sous l’hitlérisme. 205. Le titre d’un roman de Max Brod, Die Frau nach der man sichsehnt (la femme que l’on désire,
5636 man sichsehnt (la femme que l’on désire, la femme de notre nostalgie) est la meilleure définition d’Iseut. L’amour-passion
5637 e de notre nostalgie) est la meilleure définition d’ Iseut. L’amour-passion veut « la Princesse lointaine » tandis que l’am
5638 répondu à la décision des évêques anglicans dite de Lambeth. Les Congrès œcuméniques de Stockholm et d’Oxford (toutes les
5639 nglicans dite de Lambeth. Les Congrès œcuméniques de Stockholm et d’Oxford (toutes les Églises non romaines) ont également
5640 Lambeth. Les Congrès œcuméniques de Stockholm et d’ Oxford (toutes les Églises non romaines) ont également touché le probl
5641 ement touché le problème. 208. Il serait curieux de retrouver quel est l’auteur — évidemment moderne — qui a parlé le pre
5642 eur — évidemment moderne — qui a parlé le premier d’ un « problème sexuel ». Fourier peut-être ? Ou Proudhon ? Cela doit se
5643 aux environs des années 1820-1830, pour une série de raisons sociologiques et économiques que je ne saurais exposer ici.
5644 désigne. C’est une combinaison à doses variables de sentimentalisme et de sexualité, de jeu et de tragique à bon marché,
5645 mbinaison à doses variables de sentimentalisme et de sexualité, de jeu et de tragique à bon marché, de glamour et de désir
5646 ses variables de sentimentalisme et de sexualité, de jeu et de tragique à bon marché, de glamour et de désir instinctif, d
5647 les de sentimentalisme et de sexualité, de jeu et de tragique à bon marché, de glamour et de désir instinctif, de morale c
5648 de sexualité, de jeu et de tragique à bon marché, de glamour et de désir instinctif, de morale conformiste et d’aventure p
5649 de jeu et de tragique à bon marché, de glamour et de désir instinctif, de morale conformiste et d’aventure personnelle. C’
5650 à bon marché, de glamour et de désir instinctif, de morale conformiste et d’aventure personnelle. C’est Hollywood. 211.
5651 et de désir instinctif, de morale conformiste et d’ aventure personnelle. C’est Hollywood. 211. - My girl and I want to
5652 fied as an emergency. 212. Cf. Antwort auf Hiob, de C. G. Jung (1952), ouvrage dans lequel l’auteur n’hésite pas à écrire
5653 pas à écrire que la proclamation en 1950 du dogme de l’Assomption de la Vierge marque l’événement religieux le plus import
5654 la proclamation en 1950 du dogme de l’Assomption de la Vierge marque l’événement religieux le plus important depuis la Ré
5655 s important depuis la Réforme. Voir aussi l’étude d’ Henry Corbin sur la Sophia éternelle, in Revue de Culture européenne,
5656 d’Henry Corbin sur la Sophia éternelle, in Revue de Culture européenne, 5, 1953. 213. Voir notamment, outre les ouvrages
5657 e et l’amour courtois, des livres comme Arcane 17 d’ André Breton, les romans lyriques de Julien Gracq, les recherches de R
5658 mme Arcane 17 d’André Breton, les romans lyriques de Julien Gracq, les recherches de Robert Graves sur la Grande Déesse, e
5659 s romans lyriques de Julien Gracq, les recherches de Robert Graves sur la Grande Déesse, et d’Adrian Turel sur le matriarc
5660 herches de Robert Graves sur la Grande Déesse, et d’ Adrian Turel sur le matriarcat.
7 1939, L’Amour et l’Occident (1956). Livre VII. L’amour action, ou de la fidélité
5661 Livre VIIL’amour action, ou de la fidélité 1.Nécessité d’un parti pris À l’heure où cet ouvra
5662 L’amour action, ou de la fidélité 1.Nécessité d’ un parti pris À l’heure où cet ouvrage touche à sa conclusion, il m
5663 core. L’aveu sera jugé insolite. Mais je pressens d’ assez profondes raisons de le consentir. J’ai voulu décrire la passion
5664 olite. Mais je pressens d’assez profondes raisons de le consentir. J’ai voulu décrire la passion comme une entité historiq
5665 n décrire la passion ? On ne décrit pas une forme d’ existence sans y participer, fût-ce même par une révolte contre la déc
5666 ui se définirait elle-même comme une condamnation de la passion : il suffit, pour l’apercevoir, d’observer que la passion,
5667 ion de la passion : il suffit, pour l’apercevoir, d’ observer que la passion, quelle qu’elle soit, ne peut ni ne veut « avo
5668 on, dès l’instant qu’on parle raison. Car l’homme de la passion est justement celui qui choisit d’être dans son tort, aux
5669 mme de la passion est justement celui qui choisit d’ être dans son tort, aux yeux du monde — et dans ce tort majeur, irrévo
5670 e tort majeur, irrévocable, que signifie le choix de la mort contre la vie. Et comment échapper au démon que l’on fixe ? P
5671 iolence spirituelle qui tuât mieux que la passion d’ amour : celle au moins de l’orthodoxie contre l’hérésie primitive, mai
5672 uât mieux que la passion d’amour : celle au moins de l’orthodoxie contre l’hérésie primitive, mais encore plus agressive,
5673 ns doute, puisqu’il n’est plus question pour nous de recourir au bras séculier. (Sans compter que la Croisade, au total, f
5674 avant tout et après tout, à l’origine et à la fin de la passion, il n’y a pas une « erreur » sur l’homme ou Dieu — a forti
5675 rreur « morale » — mais une décision fondamentale de l’homme, qui veut être lui-même son dieu214. La passion brûle dans no
5676 eté du moraliste qui prétendait détourner l’homme de cette voie mortelle, divinisante, en lui « prouvant » qu’elle débouch
5677 dans sa perte, en lui opposant toutes les raisons de la terre, et les conseils de tous nos arts de vivre, quand c’est la t
5678 t toutes les raisons de la terre, et les conseils de tous nos arts de vivre, quand c’est la terre qui est méprisée, et la
5679 ons de la terre, et les conseils de tous nos arts de vivre, quand c’est la terre qui est méprisée, et la vie qui est la fa
5680 e tuer autrement qu’il ne veut l’être, c’est bien de cela, de cela seul qu’il s’agit, pour qui veut surpasser la passion.
5681 trement qu’il ne veut l’être, c’est bien de cela, de cela seul qu’il s’agit, pour qui veut surpasser la passion. Quant à s
5682 era, c’est son hygiène. Il y a toutes les raisons de le prévoir, dans une époque où l’on confond thérapeutique et sotériol
5683 l’on confond thérapeutique et sotériologie (lois de l’hygiène et doctrine du salut). À vues humaines, la guérison de nos
5684 doctrine du salut). À vues humaines, la guérison de nos passions viendra de l’État, ce Sauveur anonyme qui assumera le po
5685 l’État, ce Sauveur anonyme qui assumera le poids de toutes nos fautes, et de la faute initiale de vivre, pour les glorifi
5686 me qui assumera le poids de toutes nos fautes, et de la faute initiale de vivre, pour les glorifier dans la guerre au nom
5687 ids de toutes nos fautes, et de la faute initiale de vivre, pour les glorifier dans la guerre au nom de l’innocence du Peu
5688 i, ici et maintenant, le problème ne comporte pas d’ échappatoire dans le temps à venir. S’il n’est peut-être pas possible
5689 e pas possible à l’homme — à un homme déterminé — de connaître ses propres désirs et de sonder en vérité ses préférences l
5690 me déterminé — de connaître ses propres désirs et de sonder en vérité ses préférences les plus secrètes, du moins peut-il
5691 c un parti pris tout personnel que je vais tenter de définir maintenant, et après coup, tel que je le reconnais dans ma vi
5692 ce. 2.Critique du mariage Si je ne vois pas de raison qui tienne contre la passion véritable, il m’apparaît en secon
5693 meilleurs esprits demeurent absolument valables. De tout temps, les raisons du philistin ont eu mauvaise conscience devan
5694 use « paix du foyer » n’existe guère qu’au niveau d’ une certaine éloquence moyenne, politicienne, bourgeoise ou édifiante.
5695 iale, vous verrez que cela va, neuf fois sur dix, de l’agitation des petits soins à la criaillerie délirante. Enregistrez
5696 délirante. Enregistrez sur disque, au hasard, un de ces entretiens « paisibles » qui agrémentent le « foyer domestique »
5697 isibles » qui agrémentent le « foyer domestique » d’ un bourgeois ou d’un ouvrier : la censure pour un coup trouverait à se
5698 mentent le « foyer domestique » d’un bourgeois ou d’ un ouvrier : la censure pour un coup trouverait à se justifier. Oui, l
5699 larent au nom de leur vocation qu’il faut choisir de faire des livres ou des enfants : aut liberi aut libri disait Nietzsc
5700 e étant la suprême valeur du « stade esthétique » de la vie ; puis la surmonte en exaltant le mariage, suprême valeur du «
5701 et le romantique, et leur donner raison au point de leur faire honte d’avoir parfois douté d’eux-mêmes ; mais à la fin, i
5702 t leur donner raison au point de leur faire honte d’ avoir parfois douté d’eux-mêmes ; mais à la fin, il n’écrase pas seule
5703 u point de leur faire honte d’avoir parfois douté d’ eux-mêmes ; mais à la fin, il n’écrase pas seulement ce philistin qui
5704 écrase pas seulement ce philistin qui se contente d’ épouser la veuve du brasseur, ou ce jeune fou qui aime la fille du roi
5705 re leur moralisme ; et les croyants aux arguments de saint Paul, qui valent contre leur humanisme. Que dit l’Apôtre ? Je p
5706 it l’Apôtre ? Je pense qu’il est bon pour l’homme de ne point toucher de femme. Toutefois, pour éviter l’impudicité, que c
5707 se qu’il est bon pour l’homme de ne point toucher de femme. Toutefois, pour éviter l’impudicité, que chacun ait sa femme e
5708 rps, mais c’est la femme. Ne vous privez pas l’un de l’autre, si ce n’est d’un commun accord pour un temps, afin de vaquer
5709 . Ne vous privez pas l’un de l’autre, si ce n’est d’ un commun accord pour un temps, afin de vaquer à la prière ; puis reto
5710 n de vaquer à la prière ; puis retournez ensemble de peur que Satan ne vous tente par votre incontinence. Je dis cela par
5711 ais pas un ordre… Car il vaut mieux se marier que de brûler… Que chacun marche selon la part que le Seigneur lui a faite,
5712 Seigneur lui a faite, selon l’appel qu’il a reçu de Dieu… Que chacun, frères, demeure devant Dieu dans l’état où il était
5713 sant du monde comme n’en usant pas, car la figure de ce monde passe. (I, Cor., 7, 1-32.) Et voici le coup de grâce : Celu
5714 onde passe. (I, Cor., 7, 1-32.) Et voici le coup de grâce : Celui qui n’est pas marié s’inquiète des choses du Seigneur,
5715 rié s’inquiète des choses du Seigneur, des moyens de plaire au Seigneur, et celui qui est marié s’inquiète des choses du m
5716 marié s’inquiète des choses du monde, des moyens de plaire à sa femme. (V. 32) ⁂ Tout ce qu’on peut dire contre le maria
5717 r, pour ceux qui croient. Il n’est possible alors d’ affirmer le mariage qu’au-delà des deux premières critiques et en chem
5718 intenant sans cesse présente l’exigence inhumaine de perfection, comme une question perpétuelle, un aiguillon qui empêche
5719 ne question perpétuelle, un aiguillon qui empêche de retomber sous le coup des objections humaines. Si j’oublie cet au-del
5720 s. Si j’oublie cet au-delà du mariage, mais aussi de tout ordre humain, qui s’appelle le Royaume de Dieu : (« Il n’y aura
5721 si de tout ordre humain, qui s’appelle le Royaume de Dieu : (« Il n’y aura plus ni hommes ni femmes »), je borne ma vision
5722 il ne me reste que la révolte contre ma condition de créature ; et au contraire, si je l’atteins trop aisément, je deviend
5723 ris dans les rets sociaux, et incapable désormais de concevoir les vérités « cruelles » de l’esprit, dont parle Nietzsche.
5724 e désormais de concevoir les vérités « cruelles » de l’esprit, dont parle Nietzsche. Mais si je sais que l’Apôtre a raison
5725 ision Si l’on songe à ce que signifie le choix d’ une femme pour toute la vie, l’on en vient à cette conclusion : choisi
5726 populaire et bourgeoise recommande au jeune homme de « réfléchir » avant de prendre une décision : elle l’entretient ainsi
5727 e l’entretient ainsi dans l’illusion que le choix d’ une femme dépend d’un certain nombre de raisons qu’il serait possible
5728 i dans l’illusion que le choix d’une femme dépend d’ un certain nombre de raisons qu’il serait possible de peser. Cette err
5729 e le choix d’une femme dépend d’un certain nombre de raisons qu’il serait possible de peser. Cette erreur du bon sens est
5730 n certain nombre de raisons qu’il serait possible de peser. Cette erreur du bon sens est tout à fait grossière. Vous aurez
5731 est tout à fait grossière. Vous aurez beau tenter de mettre au départ toutes les chances de votre côté — et je suppose que
5732 eau tenter de mettre au départ toutes les chances de votre côté — et je suppose que la vie vous laisse le temps de calcule
5733 é — et je suppose que la vie vous laisse le temps de calculer — jamais vous ne pourrez prévoir votre future évolution, et
5734 oir votre future évolution, et encore moins celle de l’épouse choisie, encore bien moins celle du couple formé. Les facteu
5735 si leur nombre était fini) et que vous disposiez d’ une telle science de l’humain que leurs valeurs vous soient connues et
5736 t fini) et que vous disposiez d’une telle science de l’humain que leurs valeurs vous soient connues et leur hiérarchie évi
5737 e évidente, encore ne sauriez-vous prévoir la fin d’ une union faite en connaissance de causes. Il a fallu, dit-on, plusieu
5738 prévoir la fin d’une union faite en connaissance de causes. Il a fallu, dit-on, plusieurs centaines de millénaires à la n
5739 e causes. Il a fallu, dit-on, plusieurs centaines de millénaires à la nature pour sélectionner les espèces qui nous parais
5740 araissent adaptées. Et nous aurions la prétention de résoudre d’un coup, en une seule vie, le problème de l’adaptation de
5741 aptées. Et nous aurions la prétention de résoudre d’ un coup, en une seule vie, le problème de l’adaptation de deux êtres p
5742 résoudre d’un coup, en une seule vie, le problème de l’adaptation de deux êtres physiques et moraux des plus hautement org
5743 up, en une seule vie, le problème de l’adaptation de deux êtres physiques et moraux des plus hautement organisés ! (C’est
5744 qu’un troisième essai le rapprochera sensiblement de son « bonheur ». Alors que tout nous montre que cent-mille essais ne
5745 remiers éléments, tout balbutiants et empiriques, d’ une science du « mariage heureux ». Il faut le reconnaître honnêtement
5746 osé par la nécessité pratique du mariage apparaît d’ autant plus insoluble que l’on tient davantage à le « résoudre » au se
5747 ent davantage à le « résoudre » au sens rationnel de ce terme. Certes, il y a du sophisme dans mon raisonnement : car tout
5748 ophisme dans mon raisonnement : car tout se passe d’ ordinaire comme si le bonheur des époux dépendait en réalité d’un nomb
5749 omme si le bonheur des époux dépendait en réalité d’ un nombre fini de facteurs : caractère, physique, fortune, rang social
5750 r des époux dépendait en réalité d’un nombre fini de facteurs : caractère, physique, fortune, rang social… Mais pour peu q
5751 ncite les jeunes fiancés à calculer leurs chances de bonheur, on détourne leur attention du problème proprement éthique. E
5752 ention du problème proprement éthique. En tentant de réduire ou de dissimuler le caractère de pari que revêt objectivement
5753 lème proprement éthique. En tentant de réduire ou de dissimuler le caractère de pari que revêt objectivement un choix de c
5754 tentant de réduire ou de dissimuler le caractère de pari que revêt objectivement un choix de cet ordre, on donne à croire
5755 aractère de pari que revêt objectivement un choix de cet ordre, on donne à croire que tout se ramène à une sagesse, à un s
5756 e qu’imparfait, et provisoire, devrait se doubler d’ une garantie. Et la seule garantie concevable est dans la force de la
5757 Et la seule garantie concevable est dans la force de la décision en vertu de laquelle on s’engage pour toute la vie « advi
5758 esure où l’on se persuade qu’il s’agit avant tout de calcul. D’où je conclus qu’il serait plus conforme à l’essence du mar
5759 on se persuade qu’il s’agit avant tout de calcul. D’ où je conclus qu’il serait plus conforme à l’essence du mariage, et au
5760 plus conforme à l’essence du mariage, et au réel, d’ enseigner aux jeunes gens que leur choix relève toujours d’une sorte d
5761 er aux jeunes gens que leur choix relève toujours d’ une sorte d’arbitraire, dont ils s’engagent à assumer les suites, heur
5762 s gens que leur choix relève toujours d’une sorte d’ arbitraire, dont ils s’engagent à assumer les suites, heureuses ou non
5763 reuses ou non. Ce n’est pas là un éloge du « coup de tête » : car tant que l’on peut calculer, j’admets qu’il est stupide
5764 ue l’on peut calculer, j’admets qu’il est stupide de s’en priver. Mais je dis que la garantie d’une union raisonnable dans
5765 upide de s’en priver. Mais je dis que la garantie d’ une union raisonnable dans les apparences n’est jamais dans ces appare
5766 apparences. Elle est dans l’événement irrationnel d’ une décision prise en dépit de tout, et qui fonde une nouvelle existen
5767 n’est pas dire à Mlle Untel : « Vous êtes l’idéal de mes rêves, vous comblez et au-delà tous mes désirs, vous êtes l’Iseut
5768 êtes l’Iseut toute belle et désirable — et munie d’ une dot adéquate — dont je veux être le Tristan. » Car ce serait là me
5769 il faut n’avoir connu que peu de solitude et peu d’ angoisse, très peu de solitaire angoisse.) Seule une décision de cet o
5770 ès peu de solitaire angoisse.) Seule une décision de cet ordre, irrationnelle mais non sentimentale, sobre mais sans aucun
5771 ntale, sobre mais sans aucun cynisme, peut servir de point de départ à une fidélité réelle ; et je ne dis pas à une fidéli
5772 bre mais sans aucun cynisme, peut servir de point de départ à une fidélité réelle ; et je ne dis pas à une fidélité qui so
5773 je ne dis pas à une fidélité qui soit une recette de « bonheur », mais bien à une fidélité qui soit possible, n’étant pas
5774 lité On fausse l’éthique du mariage en faisant de la promesse de fidélité un problème, alors que le problème ne devrait
5775 se l’éthique du mariage en faisant de la promesse de fidélité un problème, alors que le problème ne devrait se poser qu’à
5776 e on fausse la théologie en partant du « problème de Dieu » — exactement comme si l’on ne croyait pas — alors que le seul
5777 croyait pas — alors que le seul vrai problème est de savoir comment Lui obéir.) Car la fidélité est sans raisons — ou elle
5778 le n’est pas — comme tout ce qui porte une chance de grandeur. (Comme la passion !) Les moralistes et certains sociologues
5779 Les moralistes et certains sociologues ont essayé de prouver que la monogamie est naturelle, et de plus qu’elle est saluta
5780 la raison et l’intérêt : quand ils n’auront plus de passions, quand ils cesseront de préférer l’erreur comme telle, quand
5781 ls n’auront plus de passions, quand ils cesseront de préférer l’erreur comme telle, quand ils cesseront de mériter cet inq
5782 référer l’erreur comme telle, quand ils cesseront de mériter cet inquiétant nom d’homme, au sens actuel. Car pour ceux du
5783 quand ils cesseront de mériter cet inquiétant nom d’ homme, au sens actuel. Car pour ceux du siècle présent, je pense que l
5784 leur langage, la fidélité conjugale est le succès d’ un effort « inhumain ». Leur revendication fondamentale, leur religion
5785 ». Leur revendication fondamentale, leur religion de la Vie, s’y oppose diamétralement. Ils considèrent la fidélité comme
5786 stention prudente… Ou encore ils y voient l’effet d’ une impuissance à vivre largement ; d’un goût mesquin pour le confort
5787 ent l’effet d’une impuissance à vivre largement ; d’ un goût mesquin pour le confort et le conforme ; d’un défaut d’imagina
5788 ’un goût mesquin pour le confort et le conforme ; d’ un défaut d’imagination ; d’une timidité méprisable ; d’un calcul d’in
5789 quin pour le confort et le conforme ; d’un défaut d’ imagination ; d’une timidité méprisable ; d’un calcul d’intérêt sordid
5790 fort et le conforme ; d’un défaut d’imagination ; d’ une timidité méprisable ; d’un calcul d’intérêt sordide… L’habitude de
5791 éfaut d’imagination ; d’une timidité méprisable ; d’ un calcul d’intérêt sordide… L’habitude des modernes, leur nature acqu
5792 ination ; d’une timidité méprisable ; d’un calcul d’ intérêt sordide… L’habitude des modernes, leur nature acquise, c’est d
5793 habitude des modernes, leur nature acquise, c’est d’ exploiter chaque situation au maximum et pour elle-même, sans plus se
5794 jouissance qu’on en tire. Seul un respect acquis de l’ordre social soutient encore en fait, l’idée de fidélité. Mais l’ob
5795 de l’ordre social soutient encore en fait, l’idée de fidélité. Mais l’obstacle n’est pas sérieux, on le tourne de tous les
5796 . Mais l’obstacle n’est pas sérieux, on le tourne de tous les côtés. Voyez les excuses invoquées par le mari qui trompe sa
5797 trompe sa femme ; il dit tantôt : « Cela n’a pas d’ importance, cela ne change rien à nos rapports, c’est une passade, une
5798 rtant que toutes vos petites morales et garanties de bonheur bourgeois ! » Du cynisme au tragique romantique, il n’y a pas
5799 » Du cynisme au tragique romantique, il n’y a pas de contradiction profonde, nous l’avons vu216. Dans les deux cas, il s’a
5800 nous l’avons vu216. Dans les deux cas, il s’agit de s’évader hors de tout engagement concret, considéré comme une odieuse
5801 gie rationaliste ou hédoniste, je ne parlerai que d’ une fidélité observée en vertu de l’absurde, parce qu’on s’y est engag
5802 e commune en la valeur révélatrice du spontané et de la multiplicité des expériences. Elle nie que l’être aimé doive réuni
5803 être ou pour rester aimable, le plus grand nombre de qualités possible. Elle nie que le but de la fidélité soit le bonheur
5804 nombre de qualités possible. Elle nie que le but de la fidélité soit le bonheur. Elle affirme scandaleusement que c’est a
5805 rité que l’on croit, et en second lieu la volonté de faire une œuvre. Car la fidélité n’est pas du tout une espèce de cons
5806 vre. Car la fidélité n’est pas du tout une espèce de conservatisme. Elle est plutôt une construction. « Absurde » au moins
5807 au moins autant que la passion, elle se distingue de la passion par un refus constant de subir ses rêves, par un besoin co
5808 se distingue de la passion par un refus constant de subir ses rêves, par un besoin constant d’agir pour l’être aimé, par
5809 nstant de subir ses rêves, par un besoin constant d’ agir pour l’être aimé, par une constante prise sur le réel, qu’elle ch
5810 le s’édifie à la manière d’une œuvre, à la faveur d’ une œuvre, et aux mêmes conditions, dont la première est la fidélité à
5811 osent un parti pris217, une attitude fondamentale de créateur. Ainsi, dans la plus humble vie, la promesse de fidélité int
5812 teur. Ainsi, dans la plus humble vie, la promesse de fidélité introduit une chance de faire œuvre, et de s’élever au plan
5813 vie, la promesse de fidélité introduit une chance de faire œuvre, et de s’élever au plan de la personne. (À condition bien
5814 fidélité introduit une chance de faire œuvre, et de s’élever au plan de la personne. (À condition bien entendu que cette
5815 une chance de faire œuvre, et de s’élever au plan de la personne. (À condition bien entendu que cette promesse ne soit pas
5816 as faite pour des « raisons » que l’on se réserve de répudier un jour, quand elles cesseront de paraître raisonnables ! Si
5817 éserve de répudier un jour, quand elles cesseront de paraître raisonnables ! Si la promesse du mariage est le type même de
5818 bles ! Si la promesse du mariage est le type même de l’acte sérieux, c’est dans la mesure où elle est faite une fois pour
5819 e la plus déshéritée, détient sa chance immédiate de grandeur, et c’est dans la fidélité « absurde » qu’elle pourra la réa
5820 r : quand il y aurait toutes les raisons du monde de dire oui à cette passion éblouissante, — dire non en vertu de l’absur
5821 u de l’absurde, en vertu d’une promesse ancienne, d’ une déraison humaine, d’une raison de foi, d’une promesse faite à Dieu
5822 d’une promesse ancienne, d’une déraison humaine, d’ une raison de foi, d’une promesse faite à Dieu, gagée par Dieu… (Et pe
5823 se ancienne, d’une déraison humaine, d’une raison de foi, d’une promesse faite à Dieu, gagée par Dieu… (Et peut-être, plus
5824 nne, d’une déraison humaine, d’une raison de foi, d’ une promesse faite à Dieu, gagée par Dieu… (Et peut-être, plus tard, a
5825 compense la perte : nous sommes ici dans un ordre de grandeur où nos mesures et nos équivalences n’ont plus cours). Mais s
5826 -nous encore imaginer une grandeur qui n’ait rien de romantique ? Et qui soit le contraire d’une ardeur exaltée ? La fidél
5827 ait rien de romantique ? Et qui soit le contraire d’ une ardeur exaltée ? La fidélité dont je parle est une folie, mais la
5828 lie, mais la plus sobre et quotidienne. Une folie de sobriété qui mime assez bien la raison — et qui n’est pas un héroïsme
5829 èle. (Pour ne rien dire des successives fidélités de nos « liaisons », et de tous ces Tristans qui ne sont au vrai que des
5830 des successives fidélités de nos « liaisons », et de tous ces Tristans qui ne sont au vrai que des Don Juan au ralenti.) O
5831 econnu dans sa femme une Iseut ? Lorsque l’amant de la légende manichéenne a traversé les grandes épreuves d’initiation,
5832 gende manichéenne a traversé les grandes épreuves d’ initiation, souvenez-vous de la « jeune fille éblouissante » qui l’acc
5833 les grandes épreuves d’initiation, souvenez-vous de la « jeune fille éblouissante » qui l’accueille par ces paroles : « J
5834 le par ces paroles : « Je suis toi-même ! » Ainsi de la fidélité du mythe, et de Tristan. C’est un narcissisme mystique, m
5835 is toi-même ! » Ainsi de la fidélité du mythe, et de Tristan. C’est un narcissisme mystique, mais qui s’ignore, naturellem
5836 an n’aime pas Iseut mais l’amour même, et au-delà de cet amour, la mort, c’est-à-dire la seule délivrance du moi coupable
5837 us profonde et secrète passion. Le mythe s’empare de l’« instinct de mort » inséparable de toute vie créée, et il le trans
5838 ecrète passion. Le mythe s’empare de l’« instinct de mort » inséparable de toute vie créée, et il le transfigure en lui do
5839 he s’empare de l’« instinct de mort » inséparable de toute vie créée, et il le transfigure en lui donnant un but essentiel
5840 re, mépriser son bonheur, c’est alors une manière de se sauver et d’accéder à une vie supérieure, la « joie suprême » d’Is
5841 bonheur, c’est alors une manière de se sauver et d’ accéder à une vie supérieure, la « joie suprême » d’Isolde agonisante.
5842 accéder à une vie supérieure, la « joie suprême » d’ Isolde agonisante. Fidélité qui consume la vie, mais qui consume aussi
5843 faute, et divinise un moi purifié, « innocent » ! De ces origines mystiques, la « fidélité passionnée » n’a gardé parmi no
5844 passionnée » n’a gardé parmi nous que l’illusion d’ accéder à une vie plus ardente. Mais l’empire de cette illusion trahit
5845 n d’accéder à une vie plus ardente. Mais l’empire de cette illusion trahit encore l’obscure survivance de la religion prim
5846 cette illusion trahit encore l’obscure survivance de la religion primitive. Religion antérieure à notre « instinct » moder
5847 nstinct » moderne, et qui détient l’intime secret de la passion, au-delà de ce que les psychologues peuvent y lire. « Not
5848 ui détient l’intime secret de la passion, au-delà de ce que les psychologues peuvent y lire. « Notre engagement n’était p
5849 nt à sa fiancée perdue. C’est l’émouvante formule de la fidélité courtoise ; une négation sans retour de la vie. Mais la f
5850 la fidélité courtoise ; une négation sans retour de la vie. Mais la fidélité dans le mariage est au contraire un engageme
5851 ntraire un engagement pris pour ce monde. Partant d’ une déraison « mystique » (si l’on veut), indifférente, sinon hostile
5852 aime voue sa fidélité. Et tandis que la fidélité de Tristan était un perpétuel refus, une volonté d’exclure et de nier la
5853 de Tristan était un perpétuel refus, une volonté d’ exclure et de nier la création dans sa diversité, d’empêcher le monde
5854 tait un perpétuel refus, une volonté d’exclure et de nier la création dans sa diversité, d’empêcher le monde d’envahir l’â
5855 exclure et de nier la création dans sa diversité, d’ empêcher le monde d’envahir l’âme, la fidélité des époux est l’accueil
5856 a création dans sa diversité, d’empêcher le monde d’ envahir l’âme, la fidélité des époux est l’accueil de la créature, la
5857 nvahir l’âme, la fidélité des époux est l’accueil de la créature, la volonté d’accepter l’autre tel qu’il est, dans son in
5858 es époux est l’accueil de la créature, la volonté d’ accepter l’autre tel qu’il est, dans son intime singularité. Insistons
5859 t ; elle ne peut être qu’une action. Se contenter de ne pas tromper sa femme serait une preuve d’indigence et non d’amour.
5860 nter de ne pas tromper sa femme serait une preuve d’ indigence et non d’amour. La fidélité veut bien plus : elle veut le bi
5861 per sa femme serait une preuve d’indigence et non d’ amour. La fidélité veut bien plus : elle veut le bien de l’être aimé,
5862 r. La fidélité veut bien plus : elle veut le bien de l’être aimé, et lorsqu’elle agit pour ce bien, elle crée devant elle
5863 l’autre, que le moi rejoint sa personne — au-delà de son propre bonheur. Ainsi la personne des époux est une mutuelle créa
5864 tuelle création, elle est le double aboutissement de « l’amour-action ». Ce qui niait l’individu et son naturel égoïsme, c
5865 uvrira que la fidélité dans le mariage est la loi d’ une vie nouvelle ; et non point de la vie naturelle (ce serait la poly
5866 iage est la loi d’une vie nouvelle ; et non point de la vie naturelle (ce serait la polygamie) — et non plus de la vie pou
5867 naturelle (ce serait la polygamie) — et non plus de la vie pour la mort (c’était la passion de Tristan). L’amour de Trist
5868 n plus de la vie pour la mort (c’était la passion de Tristan). L’amour de Tristan et d’Iseut c’était l’angoisse d’être deu
5869 la mort (c’était la passion de Tristan). L’amour de Tristan et d’Iseut c’était l’angoisse d’être deux ; et son aboutissem
5870 ait la passion de Tristan). L’amour de Tristan et d’ Iseut c’était l’angoisse d’être deux ; et son aboutissement suprême, c
5871 L’amour de Tristan et d’Iseut c’était l’angoisse d’ être deux ; et son aboutissement suprême, c’était la chute dans l’illi
5872 les visages, les destins singuliers : « Non plus d’ Isolde, plus de Tristan, plus aucun nom qui nous sépare ! » Il faut qu
5873 es destins singuliers : « Non plus d’Isolde, plus de Tristan, plus aucun nom qui nous sépare ! » Il faut que l’autre cesse
5874 nom qui nous sépare ! » Il faut que l’autre cesse d’ être l’autre, donc ne soit plus, pour qu’il cesse de me faire souffrir
5875 être l’autre, donc ne soit plus, pour qu’il cesse de me faire souffrir, et qu’il n’y ait plus que « moi-le-monde » ! Mais
5876 i-le-monde » ! Mais l’amour du mariage est la fin de l’angoisse, l’acceptation de l’être limité, aimé parce qu’il m’appell
5877 u mariage est la fin de l’angoisse, l’acceptation de l’être limité, aimé parce qu’il m’appelle à le créer, et qu’il se tou
5878 (Il y a toujours une telle menace dans l’échange de plaisir d’une « liaison »). Mais combien d’hommes savent-ils la diffé
5879 ujours une telle menace dans l’échange de plaisir d’ une « liaison »). Mais combien d’hommes savent-ils la différence entre
5880 hange de plaisir d’une « liaison »). Mais combien d’ hommes savent-ils la différence entre une obsession que l’on subit et
5881 age ne saurait honnêtement s’appliquer à l’avenir d’ un état où l’on se trouve aujourd’hui ; mais il peut et il doit impliq
5882 ’hui ; mais il peut et il doit impliquer l’avenir d’ actes conscients que l’on assume : aimer, rester fidèle, éduquer ses e
5883 nt différents les sens du mot aimer dans le monde de l’Éros et dans le monde de l’Agapè. On le voit mieux encore si l’on c
5884 ot aimer dans le monde de l’Éros et dans le monde de l’Agapè. On le voit mieux encore si l’on constate que le Dieu de l’Éc
5885 n constate que le Dieu de l’Écriture nous ordonne d’ aimer. Le premier commandement du Décalogue : « Tu aimeras le Seigneur
5886 du Décalogue : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta pensée » ne saurait co
5887 Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta pensée » ne saurait concerner que des ac
5888 ur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta pensée » ne saurait concerner que des actes. Il serait total
5889 erner que des actes. Il serait totalement absurde d’ exiger de l’homme un état de sentiment. L’impératif : « Aime Dieu et t
5890 des actes. Il serait totalement absurde d’exiger de l’homme un état de sentiment. L’impératif : « Aime Dieu et ton procha
5891 it totalement absurde d’exiger de l’homme un état de sentiment. L’impératif : « Aime Dieu et ton prochain comme toi-même »
5892 ton prochain comme toi-même » crée des structures de relations actives. L’impératif : « Sois amoureux ! » serait vide de s
5893 es. L’impératif : « Sois amoureux ! » serait vide de sens ; ou s’il était réalisable, priverait l’homme de sa liberté.
5894 ens ; ou s’il était réalisable, priverait l’homme de sa liberté. 5.Éros sauvé par Agapè Alors l’amour de charité, l’
5895 berté. 5.Éros sauvé par Agapè Alors l’amour de charité, l’amour chrétien, qui est Agapè, paraît enfin, dans sa plein
5896 in, dans sa pleine stature : il est l’affirmation de l’être en acte. Et c’est Éros, l’amour-passion, l’amour païen, qui a
5897 i a répandu dans notre monde occidental le poison de l’ascèse idéaliste — tout ce qu’un Nietzsche injustement reproche au
5898 , et non pas Agapè, qui a glorifié notre instinct de mort, et qui a voulu l’« idéaliser ». Mais Agapè se venge d’Éros en l
5899 qui a voulu l’« idéaliser ». Mais Agapè se venge d’ Éros en le sauvant. Car Agapè ne sait pas détruire et ne veut même pas
5900 la mort parce qu’il veut exalter la vie au-dessus de notre condition finie et limitée de créatures. Ainsi le même mouvemen
5901 vie au-dessus de notre condition finie et limitée de créatures. Ainsi le même mouvement qui fait que nous adorons la vie n
5902 négation. C’est la profonde misère, le désespoir d’ Éros, sa servitude inexprimable : — en l’exprimant, Agapè l’en délivre
5903 que la vie terrestre et temporelle ne mérite pas d’ être adorée, ni même tuée, mais peut être acceptée dans l’obéissance à
5904 à la mort. Mais l’homme qui croit à la révélation de l’Agapè voit soudain le cercle s’ouvrir : il est délivré par la foi d
5905 in le cercle s’ouvrir : il est délivré par la foi de sa religion naturelle. Il peut maintenant espérer autre chose, il sai
5906 hé. Et voici que l’Éros à son tour se voit relevé de sa fonction mortelle et délivré de son destin. Dès qu’il cesse d’être
5907 se voit relevé de sa fonction mortelle et délivré de son destin. Dès qu’il cesse d’être un dieu, il cesse d’être un démon
5908 ortelle et délivré de son destin. Dès qu’il cesse d’ être un dieu, il cesse d’être un démon 218. Et il retrouve sa juste pl
5909 destin. Dès qu’il cesse d’être un dieu, il cesse d’ être un démon 218. Et il retrouve sa juste place dans l’économie provi
5910 etrouve sa juste place dans l’économie provisoire de la Création, de l’humain. Le païen ne pouvait autrement que de faire
5911 place dans l’économie provisoire de la Création, de l’humain. Le païen ne pouvait autrement que de faire un dieu de l’Éro
5912 n, de l’humain. Le païen ne pouvait autrement que de faire un dieu de l’Éros : c’était son pouvoir le plus fort, le plus d
5913 e païen ne pouvait autrement que de faire un dieu de l’Éros : c’était son pouvoir le plus fort, le plus dangereux et le pl
5914 plus mystérieux, le plus profondément lié au fait de vivre. Toutes les religions païennes divinisent le Désir. Toutes cher
5915 devient aussitôt, et par là même, le pire ennemi de la vie, la séduction du Rien. Mais dès lors que le Verbe s’est fait c
5916 eu qui l’a aimé le premier, et qui s’est approché de lui. Le salut n’est plus au-delà, toujours plus haut dans l’ascension
5917 ? Il perd sa puissance absolue quand nous cessons de le diviniser. Et c’est ce qu’atteste l’expérience de la fidélité dans
5918 le diviniser. Et c’est ce qu’atteste l’expérience de la fidélité dans le mariage. Car cette fidélité se fonde justement su
5919 é se fonde justement sur le refus initial et juré de « cultiver » les illusions de la passion, de leur rendre un culte sec
5920 fus initial et juré de « cultiver » les illusions de la passion, de leur rendre un culte secret, et d’en attendre un mysté
5921 juré de « cultiver » les illusions de la passion, de leur rendre un culte secret, et d’en attendre un mystérieux surcroît
5922 de la passion, de leur rendre un culte secret, et d’ en attendre un mystérieux surcroît de vie. J’essaierai de le faire con
5923 e secret, et d’en attendre un mystérieux surcroît de vie. J’essaierai de le faire concevoir par l’examen d’un fait connu.
5924 tendre un mystérieux surcroît de vie. J’essaierai de le faire concevoir par l’examen d’un fait connu. Le christianisme a p
5925 e. J’essaierai de le faire concevoir par l’examen d’ un fait connu. Le christianisme a proclamé l’égalité parfaite des sexe
5926 a proclamé l’égalité parfaite des sexes, et cela de la manière la plus précise : La femme n’a pas autorité sur son propre
5927 t la femme. (I. Cor., 7.) La femme étant l’égale de l’homme, elle ne peut donc être « le but de l’homme219 ». En même tem
5928 égale de l’homme, elle ne peut donc être « le but de l’homme219 ». En même temps, elle échappe à l’abaissement bestial qui
5929 abaissement bestial qui tôt ou tard est la rançon d’ une divinisation de la créature. Mais cette égalité ne doit pas être e
5930 qui tôt ou tard est la rançon d’une divinisation de la créature. Mais cette égalité ne doit pas être entendue au sens mod
5931 moderne et revendicateur. Elle procède du mystère de l’amour. Elle n’est que le signe et la démonstration du triomphe d’Ag
5932 ’est que le signe et la démonstration du triomphe d’ Agapè sur Éros. Car l’amour réellement réciproque exige et crée l’égal
5933 our réellement réciproque exige et crée l’égalité de ceux qui s’aiment. Dieu manifeste son amour pour l’homme en exigeant
5934 t saint comme Dieu est saint. Et l’homme témoigne de son amour pour une femme en la traitant comme une personne humaine to
5935 e une personne humaine totale — non comme une fée de la légende, mi-déesse mi-bacchante, rêve et sexe. Mais remontons de c
5936 déesse mi-bacchante, rêve et sexe. Mais remontons de ces prémisses générales à la psychologie la plus concrète de la relat
5937 isses générales à la psychologie la plus concrète de la relation des égaux. L’exercice de la fidélité envers une femme acc
5938 lus concrète de la relation des égaux. L’exercice de la fidélité envers une femme accoutume à considérer les autres femmes
5939 ne femme accoutume à considérer les autres femmes d’ une manière tout à fait nouvelle, inconnue du monde de l’Éros : comme
5940 e manière tout à fait nouvelle, inconnue du monde de l’Éros : comme des personnes, non plus comme des reflets ou des objet
5941 xercice spirituel » développe des facultés neuves de jugement, de possession de soi et de respect220. Au contraire de l’ho
5942 tuel » développe des facultés neuves de jugement, de possession de soi et de respect220. Au contraire de l’homme érotique,
5943 pe des facultés neuves de jugement, de possession de soi et de respect220. Au contraire de l’homme érotique, l’homme de la
5944 ultés neuves de jugement, de possession de soi et de respect220. Au contraire de l’homme érotique, l’homme de la fidélité
5945 ect220. Au contraire de l’homme érotique, l’homme de la fidélité ne cherche plus à voir dans une femme seulement ce corps
5946 ent, à peine tenté, le mystère difficile et grave d’ une existence autonome, étrangère, d’une vie totale dont il n’a désiré
5947 ile et grave d’une existence autonome, étrangère, d’ une vie totale dont il n’a désiré vraiment qu’un illusoire ou fugitif
5948 dité qu’elle développe. L’empire du mythe faiblit d’ autant ; et s’il reste improbable qu’il s’abolisse jamais sans laisser
5949 e improbable qu’il s’abolisse jamais sans laisser de traces dans le cœur d’un homme moderne, intoxiqué d’images — du moins
5950 olisse jamais sans laisser de traces dans le cœur d’ un homme moderne, intoxiqué d’images — du moins perd-il son efficace :
5951 traces dans le cœur d’un homme moderne, intoxiqué d’ images — du moins perd-il son efficace : ce n’est plus lui qui détermi
5952 up de foudre », et encore moins à la « fatalité » de la passion. Le « coup de foudre » est sans doute une légende accrédit
5953 de accréditée par Don Juan, comme la « fatalité » de la passion est accréditée par Tristan. Excuse et alibi qui ne peuvent
5954 rompé, parce qu’il y trouve son intérêt ; figures de rhétorique romanesque, et acceptables à ce titre, mais qu’il serait a
5955 ables à ce titre, mais qu’il serait assez absurde de confondre avec des vérités psychologiques. Notre analyse du mythe nou
5956 i l’on aime croire à la fatalité, qui est l’alibi de la culpabilité : « Ce n’est pas moi qui ai commis la faute, je n’y ét
5957 ce de ma personne. » Pieux mensonge221 du servant d’ Éros. Mais de combien de complaisances secrètes se compose une « fatal
5958 onne. » Pieux mensonge221 du servant d’Éros. Mais de combien de complaisances secrètes se compose une « fatalité » ! Quant
5959 ux mensonge221 du servant d’Éros. Mais de combien de complaisances secrètes se compose une « fatalité » ! Quant au coup de
5960 coup de foudre, il est censé justifier les écarts de Don Juan. Toute la littérature nous engage à y voir la preuve d’une t
5961 ute la littérature nous engage à y voir la preuve d’ une très puissante nature sensuelle. Don Juan, l’homme des coups de fo
5962 nte nature sensuelle. Don Juan, l’homme des coups de foudre et de la vie « orageuse », serait une sorte de surhomme, de su
5963 nsuelle. Don Juan, l’homme des coups de foudre et de la vie « orageuse », serait une sorte de surhomme, de surmâle. Mythe
5964 oudre et de la vie « orageuse », serait une sorte de surhomme, de surmâle. Mythe d’une puissance indéfinie et qui domine l
5965 a vie « orageuse », serait une sorte de surhomme, de surmâle. Mythe d’une puissance indéfinie et qui domine les contingenc
5966 , serait une sorte de surhomme, de surmâle. Mythe d’ une puissance indéfinie et qui domine les contingences morales. Mais a
5967 s, on peut être certain qu’un pareil mythe est né de rêves compensateurs — soit d’une fidélité contrainte et détestée, soi
5968 pareil mythe est né de rêves compensateurs — soit d’ une fidélité contrainte et détestée, soit d’une jalousie masochiste, s
5969  soit d’une fidélité contrainte et détestée, soit d’ une jalousie masochiste, soit enfin d’un début d’impuissance. Et en ef
5970 estée, soit d’une jalousie masochiste, soit enfin d’ un début d’impuissance. Et en effet, la conduite de Don Juan est bien
5971 d’une jalousie masochiste, soit enfin d’un début d’ impuissance. Et en effet, la conduite de Don Juan est bien typique d’u
5972 ’un début d’impuissance. Et en effet, la conduite de Don Juan est bien typique d’une certaine déficience sexuelle. C’est d
5973 n effet, la conduite de Don Juan est bien typique d’ une certaine déficience sexuelle. C’est dans l’état de fatigue général
5974 e certaine déficience sexuelle. C’est dans l’état de fatigue générale, et sexuellement localisée, que le corps se voit por
5975 iots. Par contre, dans un état normal du corps et de l’esprit, le risque de coup de foudre est à peu près éliminé. Il appa
5976 un état normal du corps et de l’esprit, le risque de coup de foudre est à peu près éliminé. Il apparaît ainsi que la monog
5977 st la meilleure garantie du plaisir, c’est-à-dire de l’Éros purement charnel, et non du tout divinisé222. ⁂ On objecte alo
5978 rs que le mariage ne serait plus que le « tombeau de l’amour ». Mais c’est encore le mythe, naturellement, qui nous le fai
5979 ment, qui nous le fait croire, avec son obsession de l’amour contrarié. Il serait plus vrai de dire après Benedetto Croce
5980 session de l’amour contrarié. Il serait plus vrai de dire après Benedetto Croce que « le mariage est le tombeau de l’amour
5981 s Benedetto Croce que « le mariage est le tombeau de l’amour sauvage223 » (et plus communément du sentimentalisme). L’amou
5982 uvage et naturel se manifeste par le viol, preuve d’ amour chez tous les barbares. Mais le viol, comme la polygamie, révèle
5983 ie, révèle que l’homme n’est pas encore en mesure de concevoir la réalité de la personne chez la femme. C’est autant dire
5984 ’est pas encore en mesure de concevoir la réalité de la personne chez la femme. C’est autant dire qu’il ne sait pas encore
5985 e aimer. Le viol et la polygamie privent la femme de sa qualité d’égale — en la réduisant à son sexe. L’amour sauvage dépe
5986 ol et la polygamie privent la femme de sa qualité d’ égale — en la réduisant à son sexe. L’amour sauvage dépersonnalise les
5987 omine, ce n’est pas faute de « passion » (au sens de tempérament) mais c’est qu’il aime, justement, et qu’en vertu de cet
5988 justement, et qu’en vertu de cet amour, il refuse de s’imposer, il se refuse à une violence qui nie et détruit la personne
5989 sonne. Il prouve ainsi qu’il veut d’abord le bien de l’autre. Son égoïsme passe par l’autre. On admettra que c’est une rév
5990 t dépasser la formule toute négative et privative de Croce, et définir enfin le mariage comme cette institution qui contie
5991 r la morale, mais par l’amour. 6.Les paradoxes de l’Occident Ces quelques remarques sur la passion et le mariage met
5992 iage mettent en lumière l’opposition fondamentale de l’Éros et de l’Agapè, c’est-à-dire des deux religions qui se disputen
5993 en lumière l’opposition fondamentale de l’Éros et de l’Agapè, c’est-à-dire des deux religions qui se disputent notre Occid
5994 qui se disputent notre Occident. La connaissance de ce conflit, de ses origines historiques et psychologiques, de son enj
5995 nt notre Occident. La connaissance de ce conflit, de ses origines historiques et psychologiques, de son enjeu spirituel, m
5996 t, de ses origines historiques et psychologiques, de son enjeu spirituel, me paraît devoir entraîner la révision d’un cert
5997 spirituel, me paraît devoir entraîner la révision d’ un certain nombre de jugements courants, dans le domaine de l’éthique
5998 devoir entraîner la révision d’un certain nombre de jugements courants, dans le domaine de l’éthique d’abord, mais aussi
5999 ain nombre de jugements courants, dans le domaine de l’éthique d’abord, mais aussi dans celui de la culture et de sa philo
6000 maine de l’éthique d’abord, mais aussi dans celui de la culture et de sa philosophie. Au terme de cet ouvrage, il suffira
6001 e d’abord, mais aussi dans celui de la culture et de sa philosophie. Au terme de cet ouvrage, il suffira sans doute de dég
6002 elui de la culture et de sa philosophie. Au terme de cet ouvrage, il suffira sans doute de dégager le principe de correcti
6003 e. Au terme de cet ouvrage, il suffira sans doute de dégager le principe de correction que nos recherches sur la passion p
6004 age, il suffira sans doute de dégager le principe de correction que nos recherches sur la passion peuvent établir. ⁂ Les O
6005 y voient l’héritage du christianisme et le secret de notre dynamisme. Et il est vrai que ces trois termes : christianisme,
6006 namisme, correspondent aux trois traits dominants de la psyché occidentale. De là vient l’impression d’évidence qu’entraîn
6007 trois traits dominants de la psyché occidentale. De là vient l’impression d’évidence qu’entraînent de pareils jugements.
6008 e la psyché occidentale. De là vient l’impression d’ évidence qu’entraînent de pareils jugements. Cependant, si les conclus
6009 De là vient l’impression d’évidence qu’entraînent de pareils jugements. Cependant, si les conclusions de notre examen du m
6010 pareils jugements. Cependant, si les conclusions de notre examen du mythe courtois sont justes, il faudra corriger sensib
6011 justes, il faudra corriger sensiblement ce schéma de l’Occident chrétien. Tout d’abord : ce n’est pas le christianisme qui
6012 a fait naître la passion, mais c’est une hérésie d’ origine orientale. Cette hérésie s’est répandue d’abord dans les contr
6013 ous-produit du christianisme » ou le « changement d’ adresse d’une force que le christianisme a réveillée et orientée vers
6014 t du christianisme » ou le « changement d’adresse d’ une force que le christianisme a réveillée et orientée vers Dieu224. »
6015 tée vers Dieu224. » Il est plutôt le sous-produit de la religion manichéenne. Plus exactement, il est né de la complicité
6016 religion manichéenne. Plus exactement, il est né de la complicité de cette religion avec nos plus vieilles croyances, et
6017 enne. Plus exactement, il est né de la complicité de cette religion avec nos plus vieilles croyances, et du conflit de l’h
6018 n avec nos plus vieilles croyances, et du conflit de l’hérésie qui en résulta avec l’orthodoxie chrétienne. Première corre
6019 avec l’orthodoxie chrétienne. Première correction d’ importance. Ensuite, il est urgent de rappeler que le fameux « dynamis
6020 e correction d’importance. Ensuite, il est urgent de rappeler que le fameux « dynamisme occidental » procède de deux sourc
6021 er que le fameux « dynamisme occidental » procède de deux sources distinctes. Si c’est notre délire guerrier que l’on ente
6022 ner par ce terme, nous avons vu qu’il se rattache de la manière la plus précise, historiquement, à la passion. Comme la pa
6023 iquement, à la passion. Comme la passion, le goût de la guerre procède d’une conception de la vie ardente qui est un masqu
6024 n. Comme la passion, le goût de la guerre procède d’ une conception de la vie ardente qui est un masque du désir de mort. D
6025 on, le goût de la guerre procède d’une conception de la vie ardente qui est un masque du désir de mort. Dynamisme inverti,
6026 tion de la vie ardente qui est un masque du désir de mort. Dynamisme inverti, et autodestructeur. Mais l’autre aspect du d
6027 itude humaine qu’il révèle est l’antithèse exacte de la passion : c’est une affirmation de la valeur des choses créées, de
6028 hèse exacte de la passion : c’est une affirmation de la valeur des choses créées, de la matière, et une application de l’e
6029 t une affirmation de la valeur des choses créées, de la matière, et une application de l’esprit au monde visible. La passi
6030 choses créées, de la matière, et une application de l’esprit au monde visible. La passion ni la foi hérétique dont elle e
6031 raient proposer comme but à notre vie la maîtrise de la Nature, puisque c’est là le but et la fonction originelle du Démiu
6032 le du Démiurge, et puisque le salut est justement d’ échapper à sa loi démoniaque225. Faut-il voir à la source de cet aspec
6033 à sa loi démoniaque225. Faut-il voir à la source de cet aspect le plus réel de l’activisme européen une sorte de tempéram
6034 ut-il voir à la source de cet aspect le plus réel de l’activisme européen une sorte de tempérament continental ? Ou quelqu
6035 ct le plus réel de l’activisme européen une sorte de tempérament continental ? Ou quelque influence indirecte de l’ambitio
6036 ment continental ? Ou quelque influence indirecte de l’ambition chrétienne définie par l’Apôtre (Romains, 8), et qui tendr
6037 ve, troublée par le péché ? La volonté chrétienne de transformer le pécheur dans son âme et dans sa conduite a entraîné en
6038 et dans sa conduite a entraîné en Occident l’idée de transformer le milieu humain (d’où le mythe de la révolution), et l’i
6039 Occident l’idée de transformer le milieu humain ( d’ où le mythe de la révolution), et l’idée de transformer le milieu natu
6040 ée de transformer le milieu humain (d’où le mythe de la révolution), et l’idée de transformer le milieu naturel (d’où la t
6041 umain (d’où le mythe de la révolution), et l’idée de transformer le milieu naturel (d’où la technique). Reste à savoir si
6042 ion), et l’idée de transformer le milieu naturel ( d’ où la technique). Reste à savoir si le christianisme, accueilli par le
6043 ais la réponse n’importe pas ici : il nous suffit de marquer que les éléments occidentaux-chrétiens (c’est-à-dire créateur
6044 ntés par une volonté exactement contraire à celle de la passion. Ce qui peut induire en erreur, et ce qui a introduit de f
6045 qui peut induire en erreur, et ce qui a introduit de fait une fatale erreur dans l’activisme moderne, c’est la collusion d
6046 reur dans l’activisme moderne, c’est la collusion de la guerre et de notre génie technique. À partir de la Révolution, la
6047 visme moderne, c’est la collusion de la guerre et de notre génie technique. À partir de la Révolution, la guerre devenant
6048 rre devenant « nationale » exige la collaboration de toutes les forces créatrices, et en particulier de la technique. C’es
6049 e toutes les forces créatrices, et en particulier de la technique. C’est alors la passion (guerrière) qui va devenir le pr
6050 on (guerrière) qui va devenir le principal moteur de la recherche mécanique : on l’a bien vu depuis 1915. Mais cette union
6051 is cette union tout à fait monstrueuse des forces de mort et des forces créatrices va dénaturer à la fois la guerre, et le
6052 épètent tant de publicistes — qui est responsable de la catastrophe. L’esprit catastrophique de l’Occident n’est pas chrét
6053 nsable de la catastrophe. L’esprit catastrophique de l’Occident n’est pas chrétien226. Il est tout au contraire manichéen.
6054 s cultivé la religion para ou même antichrétienne de la passion. ⁂ Faut-il conclure que la passion serait la tentation ori
6055 lure que la passion serait la tentation orientale de l’Occident ? S’il est vrai qu’elle ne s’est développée dans notre his
6056 e et xiiie siècles, et par l’impulsion décisive de l’hérésie méridionale, il apparaît que c’est du Proche-Orient et de l
6057 ionale, il apparaît que c’est du Proche-Orient et de l’Iran, sources certaines de l’hérésie, que nous sont venues nos « mo
6058 du Proche-Orient et de l’Iran, sources certaines de l’hérésie, que nous sont venues nos « mortelles » croyances. Mais dir
6059 nt pas produit les mêmes effets parmi les peuples de l’Orient ? C’est qu’elles n’y ont pas trouvé les mêmes obstacles. Ai
6060 mes obstacles. Ainsi notre chance dramatique est d’ avoir résisté à la passion par des moyens prédestinés à l’exalter. Tel
6061 és à l’exalter. Telle fut la tentation permanente d’ où jaillirent nos plus belles créations. Mais ce qui produit la vie pr
6062 un accent se déplace pour que le dynamisme change de signe. ⁂ C’est en fin de compte dans l’attitude religieuse des Occide
6063 ccidentaux, et dans l’institution la plus typique de leur morale : le mariage, qu’il sera désormais possible de repérer av
6064 orale : le mariage, qu’il sera désormais possible de repérer avec assez de précision ce déplacement d’accent dont tout dép
6065 ’il sera désormais possible de repérer avec assez de précision ce déplacement d’accent dont tout dépend. Il est certain qu
6066 de repérer avec assez de précision ce déplacement d’ accent dont tout dépend. Il est certain que l’Occidental christianisé
6067 ertain que l’Occidental christianisé se distingue de l’Oriental par son pouvoir d’approfondir l’être créé dans ce qu’il a
6068 ianisé se distingue de l’Oriental par son pouvoir d’ approfondir l’être créé dans ce qu’il a de particulier. C’est tout le
6069 pouvoir d’approfondir l’être créé dans ce qu’il a de particulier. C’est tout le secret de notre fidélité. La sagesse orien
6070 s ce qu’il a de particulier. C’est tout le secret de notre fidélité. La sagesse orientale cherche la connaissance dans l’a
6071 essive du divers. Nous, nous cherchons la densité de l’être dans la personne distincte, sans cesse approfondie comme telle
6072 distincte, sans cesse approfondie comme telle. «  D’ autant plus nous connaissons les choses particulières, d’autant plus n
6073 t plus nous connaissons les choses particulières, d’ autant plus nous connaissons Dieu », dit Spinoza. Cette attitude, qui
6074 t, définit en même temps les conditions profondes de la fidélité, de la personne, du mariage — et du refus de la passion.
6075 me temps les conditions profondes de la fidélité, de la personne, du mariage — et du refus de la passion. Elle suppose l’a
6076 idélité, de la personne, du mariage — et du refus de la passion. Elle suppose l’acceptation du différent, et donc de l’inc
6077 Elle suppose l’acceptation du différent, et donc de l’incomplet, la prise sur le concret dans ses limitations. Le chrétie
6078 moderne du mariage est le signe le moins trompeur d’ une décadence occidentale. Il en est d’autres, certes, dans les domain
6079 s les plus divers : le culte du nombre, la poésie de l’évasion, l’envahissement de la culture par les passions nationalist
6080 u nombre, la poésie de l’évasion, l’envahissement de la culture par les passions nationalistes : tout ce qui tend à ruiner
6081 appent souvent aux prises individuelles. Le signe de la crise du mariage nous parle et nous avertit mieux : aucun n’est pl
6082 otidien, plus intimement vérifiable. 7.Au-delà de la tragédie Cet ouvrage, à bien des égards, peut apparaître comme
6083 à bien des égards, peut apparaître comme le bilan d’ une décadence : mythe dégradé, mariage en crise, formes et conventions
6084 aux domaines où il peut entraîner la destruction de notre civilisation. Tout cela est, tout cela nous menace, et d’autant
6085 isation. Tout cela est, tout cela nous menace, et d’ autant plus qu’on voudrait le nier. Cependant, à plusieurs reprises, l
6086 Cependant, à plusieurs reprises, la connaissance de ces périls nous a fait entrevoir des possibilités de les surmonter. P
6087 ces périls nous a fait entrevoir des possibilités de les surmonter. Par exemple, il se peut que l’Europe, après une crise
6088 osé qu’elle n’y succombe point), retrouve le sens d’ une fidélité gagée au moins sur des institutions solides, à la mesure
6089 u moins sur des institutions solides, à la mesure de la personne. Il se peut que les excès mêmes de la passion provoquent
6090 re de la personne. Il se peut que les excès mêmes de la passion provoquent des résistances, c’est-à-dire des formes nouvel
6091 ais après tout, n’est-ce pas encore une tentation de la passion que ce souci des lendemains qui obsède aujourd’hui tant de
6092 monde nous importe bien moins que la connaissance de nos devoirs présents. Car « la figure de ce monde passe », mais notre
6093 aissance de nos devoirs présents. Car « la figure de ce monde passe », mais notre vocation est toujours hic et nunc, dans
6094 re vocation est toujours hic et nunc, dans l’acte de l’Éternel où notre espoir se fonde. ⁂ Deux thèmes de réflexions, amor
6095 l’Éternel où notre espoir se fonde. ⁂ Deux thèmes de réflexions, amorcés çà et là dans ces pages, pourront en constituer l
6096 t en constituer la conclusion ouverte. J’ai tenté de débrouiller certains problèmes posés en termes d’histoire et de psych
6097 certains problèmes posés en termes d’histoire et de psychologie : mais les constatations tout objectives auxquelles je me
6098 lemme passion-fidélité peut nous le faire croire. De fait, on ne connaît jamais que les problèmes dont on pressent au moin
6099 au moins la solution, le dépassement. Or le moyen de dépasser notre dilemme ne saurait être la pure et simple négation de
6100 ilemme ne saurait être la pure et simple négation de l’un de ses termes. Je l’ai dit et j’y insiste encore : condamner la
6101 e saurait être la pure et simple négation de l’un de ses termes. Je l’ai dit et j’y insiste encore : condamner la passion
6102 ncipe, ce serait vouloir supprimer l’un des pôles de notre tension créatrice. De fait cela n’est pas possible. Le philisti
6103 primer l’un des pôles de notre tension créatrice. De fait cela n’est pas possible. Le philistin qui « condamne » de la sor
6104 n’est pas possible. Le philistin qui « condamne » de la sorte et à priori toute passion, c’est qu’il n’en a connu aucune,
6105 e-là le seul progrès concevable est dans la crise de sa sécurité, c’est-à-dire dans le drame passionnel227. Mais au-delà d
6106 -à-dire dans le drame passionnel227. Mais au-delà de la passion vécue jusqu’à l’impasse mortelle, que pouvons-nous désorma
6107 thèmes que je vais esquisser indiquent deux voies de dépassement, dans la ligne de cet ouvrage, mais au-delà du schématism
6108 ndiquent deux voies de dépassement, dans la ligne de cet ouvrage, mais au-delà du schématisme inhérent à tout exposé. ⁂ Le
6109 l’événement qui devint pour Kierkegaard le point de départ de toute sa réflexion, fut la rupture de ses fiançailles avec
6110 nt qui devint pour Kierkegaard le point de départ de toute sa réflexion, fut la rupture de ses fiançailles avec Régine. La
6111 t de départ de toute sa réflexion, fut la rupture de ses fiançailles avec Régine. La cause intime de cette rupture nous de
6112 e de ses fiançailles avec Régine. La cause intime de cette rupture nous demeure en partie mystérieuse : c’est « le secret 
6113 de. Ici l’obstacle indispensable à la passion est d’ une nature à tel point subjective, singulière et incomparable, qu’on n
6114 ait en pressentir la gravité sans invoquer la foi de Kierkegaard. Selon lui, l’homme fini et pécheur ne saurait entretenir
6115 qui est l’Éternel et le Saint — que des relations d’ amour mortellement malheureux. « Dieu crée tout ex nihilo » et celui q
6116 le réduire à néant ». Du point de vue du monde et de la vie naturelle, Dieu apparaît alors comme « mon ennemi mortel ». No
6117 heurtons ici à l’extrême limite, à l’origine pure de la passion — mais du même coup nous sommes jetés au cœur même de la f
6118  mais du même coup nous sommes jetés au cœur même de la foi chrétienne ! Car voici : cet homme mort au monde, tué par l’am
6119 ant et vivre dans le monde comme s’il n’avait pas d’ autre tâche ni plus urgente ni plus haute. Ce « chevalier de la foi »,
6120 che ni plus urgente ni plus haute. Ce « chevalier de la foi », quand on le rencontre, n’a l’air de rien de surhumain : « i
6121 ier de la foi », quand on le rencontre, n’a l’air de rien de surhumain : « il ressemble à un percepteur » et se conduit co
6122 a foi », quand on le rencontre, n’a l’air de rien de surhumain : « il ressemble à un percepteur » et se conduit comme n’im
6123 suite, c’est en vertu de l’absurde (c’est-à-dire de la foi). Il fait sans cesse le saut dans l’infini, mais avec une tell
6124 ans le fini, et qu’on ne remarque en lui rien que de fini228 »… Ainsi l’extrême de la passion, la mort d’amour, initie une
6125 que en lui rien que de fini228 »… Ainsi l’extrême de la passion, la mort d’amour, initie une vie nouvelle, où la passion n
6126 fini228 »… Ainsi l’extrême de la passion, la mort d’ amour, initie une vie nouvelle, où la passion ne cesse d’être présente
6127 , initie une vie nouvelle, où la passion ne cesse d’ être présente, mais sous l’incognito le plus jaloux : car elle est bie
6128 s que royale, elle est divine. Et dans l’analogie de la foi, l’on peut alors concevoir que la passion — quel que soit l’or
6129 au-delà réel, et son salut, que par cette action d’ obéissance qui est la vie de fidélité. Vivre alors « comme tout le mon
6130 que par cette action d’obéissance qui est la vie de fidélité. Vivre alors « comme tout le monde », mais « en vertu de l’a
6131  ressaisir » le monde fini que dans la conscience de sa perte, infiniment féconde pour son génie ; il ne recouvra pas Régi
6132 ; il ne recouvra pas Régine, mais ne cessa jamais de l’aimer et de lui dédier toute son œuvre. Et c’est peut-être que cett
6133 ra pas Régine, mais ne cessa jamais de l’aimer et de lui dédier toute son œuvre. Et c’est peut-être que cette œuvre était
6134 Et c’est peut-être que cette œuvre était le lieu de sa fidélité la plus réelle. Pourquoi chercher ailleurs que dans la vo
6135 vocation vraiment unique du Solitaire, le secret de son échec humain ? D’autres reçoivent une autre vocation, épousent Ré
6136 rtu de l’absurde ». Et ils s’étonnent chaque jour de leur bonheur. (Ces choses-là sont trop simples et totales pour qu’un
6137 re la question qu’elles nous posent et la réponse de notre vie.) ⁂ Le second thème que j’esquisserai n’est peut-être pas d
6138 econd thème que j’esquisserai n’est peut-être pas d’ une nature essentiellement hétérogène. Peut-être même doit-il être con
6139 re conçu comme un aspect particulier du mouvement de retour de la passion, tel que l’a décrit Kierkegaard. Au sommet de l’
6140 omme un aspect particulier du mouvement de retour de la passion, tel que l’a décrit Kierkegaard. Au sommet de l’ascension
6141 assion, tel que l’a décrit Kierkegaard. Au sommet de l’ascension spirituelle qu’il nous raconte dans le langage de la plus
6142 on spirituelle qu’il nous raconte dans le langage de la plus ardente passion, saint Jean de la Croix connaît que l’âme att
6143 ean de la Croix connaît que l’âme atteint un état de présence parfaite à l’objet aimant de l’amour, et c’est ce qu’il nomm
6144 int un état de présence parfaite à l’objet aimant de l’amour, et c’est ce qu’il nomme le mariage mystique. L’âme se compor
6145 rte alors à l’endroit de son amour avec une sorte d’ indifférence quasi divine. Elle est au-delà du doute et de la distinct
6146 érence quasi divine. Elle est au-delà du doute et de la distinction ressentie comme un déchirement ; elle ne désire plus r
6147 ui dans la dualité, qui n’est plus qu’un dialogue de grâce et d’obéissance. Et le désir de la plus haute passion se voit a
6148 ualité, qui n’est plus qu’un dialogue de grâce et d’ obéissance. Et le désir de la plus haute passion se voit alors comblé
6149 un dialogue de grâce et d’obéissance. Et le désir de la plus haute passion se voit alors comblé sans cesse dans l’acte mêm
6150 se voit alors comblé sans cesse dans l’acte même d’ obéir, en sorte qu’il n’est plus en l’âme de brûlure, ni même de consc
6151 même d’obéir, en sorte qu’il n’est plus en l’âme de brûlure, ni même de conscience de l’amour, mais seulement la sobriété
6152 rte qu’il n’est plus en l’âme de brûlure, ni même de conscience de l’amour, mais seulement la sobriété heureuse de l’agir.
6153 t plus en l’âme de brûlure, ni même de conscience de l’amour, mais seulement la sobriété heureuse de l’agir. Dans l’analog
6154 e de l’amour, mais seulement la sobriété heureuse de l’agir. Dans l’analogie de la foi, l’on peut alors concevoir que la p
6155 t la sobriété heureuse de l’agir. Dans l’analogie de la foi, l’on peut alors concevoir que la passion, née du mortel désir
6156 ors concevoir que la passion, née du mortel désir d’ union mystique, ne saurait être dépassée et accomplie que par la renco
6157 t être dépassée et accomplie que par la rencontre d’ un autre, par l’admission de sa vie étrangère, de sa personne à tout j
6158 que par la rencontre d’un autre, par l’admission de sa vie étrangère, de sa personne à tout jamais distincte, mais qui of
6159 d’un autre, par l’admission de sa vie étrangère, de sa personne à tout jamais distincte, mais qui offre une alliance sans
6160 nse, la nostalgie comblée par la présence cessent d’ appeler un bonheur sensible, cessent de souffrir, acceptent notre jour
6161 ce cessent d’appeler un bonheur sensible, cessent de souffrir, acceptent notre jour. Et alors le mariage est possible. Nou
6162 dernière fois pourtant nous reprendrons un parti de sobriété. Les mariés ne sont pas des saints, et le péché n’est pas co
6163 ure. Nous sommes sans fin ni cesse dans le combat de la nature et de la grâce. Sans fin ni cesse, malheureux puis heureux.
6164 sans fin ni cesse dans le combat de la nature et de la grâce. Sans fin ni cesse, malheureux puis heureux. Mais l’horizon
6165 on n’est plus le même. Une fidélité gardée au Nom de ce qui ne change pas comme nous, révèle peu a peu son mystère : c’est
6166 , révèle peu a peu son mystère : c’est qu’au-delà de la tragédie, il y a de nouveau le bonheur. Un bonheur qui ressemble à
6167 ion : 1954.) 214. Je m’en tiens au cas-limite de Tristan. Il y a des cas de passion dans le mariage chrétien ; et des
6168 en tiens au cas-limite de Tristan. Il y a des cas de passion dans le mariage chrétien ; et des états de mariage dans la pa
6169 e passion dans le mariage chrétien ; et des états de mariage dans la passion… 215. Plus on s’écarte de l’espèce pour se r
6170 e mariage dans la passion… 215. Plus on s’écarte de l’espèce pour se rapprocher de la personne, plus le choix devient sin
6171 . Plus on s’écarte de l’espèce pour se rapprocher de la personne, plus le choix devient singulier. À cette personnalisatio
6172 choix devient singulier. À cette personnalisation de l’être aimé correspond d’ailleurs une spécification croissante de l’i
6173 orrespond d’ailleurs une spécification croissante de l’instinct, à mesure que l’homme se virilise : c’est l’argument du Dr
6174 ue la passion une évasion hors du réel, une façon de l’idéaliser. 217. J’emploie ce terme au sens actif et littéral, par
6175 littéral, par opposition au sens devenu courant, de « préjugé », de « parti imité ». 218. Voir le remarquable essai de R
6176 pposition au sens devenu courant, de « préjugé », de « parti imité ». 218. Voir le remarquable essai de R. de Pury, Éros
6177 « parti imité ». 218. Voir le remarquable essai de R. de Pury, Éros et Agapè dans le recueil collectif intitulé Problème
6178 gapè dans le recueil collectif intitulé Problèmes de la sexualité (collection « Présences ») : « Un chrétien peut et doit
6179 ’est pas le péché ; le péché c’est la sublimation d’ Éros ». 219. Comme le croira cependant Novalis, renouvelant la mystiq
6180 En ce que l’on reconnaît dans un être la totalité d’ une personne. La personne, selon la fameuse définition kantienne, c’es
6181 ent. 221. Sur la liaison absolument fondamentale de la passion et du mensonge, voir supra chap. 10, livre I et p. 143. 2
6182 riage ne saurait être fondé sur des « arguments » de ce genre. Il s’agit ici, simplement, d’un fait d’observation qui réfu
6183 guments » de ce genre. Il s’agit ici, simplement, d’ un fait d’observation qui réfute les croyances courantes, nées du myth
6184 de ce genre. Il s’agit ici, simplement, d’un fait d’ observation qui réfute les croyances courantes, nées du mythe de Trist
6185 qui réfute les croyances courantes, nées du mythe de Tristan et de son négatif donjuanesque. Mais cette « raison » est tou
6186 croyances courantes, nées du mythe de Tristan et de son négatif donjuanesque. Mais cette « raison » est tout à fait ineff
6187 i préfère le mythe et veut croire aux révélations de la passion. 223. B. Croce, Etica e Politica. 224. Léo Ferrero, Dése
6188 itica. 224. Léo Ferrero, Désespoirs. Le problème de la passion est admirablement défini par ce petit livre dans ses donné
6189 ice 4.) 225. « L’idée antique du travail indigne de l’homme libre se retrouve dans la chevalerie », écrit Henri Pirenne,
6190 ns la chevalerie », écrit Henri Pirenne, Histoire de l’Europe, p. 113. 226. Il y a l’Apocalypse, dira-t-on. Mais les cata
6191 la désincarnation, qui est le salut ; mais l’acte de la grâce fait par Dieu. 227. Faut-il aller encore plus loin que Kie
6192 le dépassement du « stade éthique » ? Il m’arrive de le pressentir, et de penser : du point de vue de la foi, il n’y a san
6193 tade éthique » ? Il m’arrive de le pressentir, et de penser : du point de vue de la foi, il n’y a sans doute aucun profit
6194 de le pressentir, et de penser : du point de vue de la foi, il n’y a sans doute aucun profit au « règlement des mœurs » p
6195 s mœurs » pour les non-chrétiens. C’est une façon de les mettre, au contraire, à l’abri du désespoir réel, humain, qui les
6196 el, humain, qui les conduirait à la foi. Une cure d’ âme comprise non pas au sens d’une hygiène morale bourgeoise, mais au
6197 à la foi. Une cure d’âme comprise non pas au sens d’ une hygiène morale bourgeoise, mais au sens chrétien — la guérison à o
6198 e non chrétien qu’il traverse tout le « bonheur » de la passion. Or on s’efforce de le retenir en deçà. Si bien que le seu
6199 out le « bonheur » de la passion. Or on s’efforce de le retenir en deçà. Si bien que le seul au-delà concret qu’il soit en
6200 en que le seul au-delà concret qu’il soit en état de désirer, d’imaginer, c’est le « dérèglement des passions ». Mais voil
6201 ul au-delà concret qu’il soit en état de désirer, d’ imaginer, c’est le « dérèglement des passions ». Mais voilà ce qu’il f
6202 Tremblement, traduit d’après la version allemande de E. Geismar et R. Marx.