1 1939, L’Amour et l’Occident (1956). Livre premier. Le mythe de Tristan
1 e européen de l’adultère : le Roman de Tristan et Iseut . Au travers du désordre extrême de nos mœurs, dans la confusion des m
2 d ici toute sa force : la passion de Tristan et d’ Iseut est littéralement « contenue » par les règles de la chevalerie. C’est
3 réactions qu’il provoque. Le mythe de Tristan et Iseut , ce ne sera plus seulement le Roman, mais le phénomène qu’il illustre
4 de-t-il d’avouer son nom et l’origine de son mal. Iseut , princesse royale, le soigne et le guérit. C’est le Prologue. Quelque
5 par le monstre, Tristan est soigné de nouveau par Iseut . Un jour, cette princesse découvre que le blessé n’est autre que le m
6 révèle la mission dont le roi Marc l’a chargé. Et Iseut lui fait grâce, car elle veut être reine. (Selon certains auteurs, c’
7 e du philtre, et présente l’amour de Tristan et d’ Iseut comme une affection spontanée, apparue dès la scène du bain. Eilhart,
8 la mission qu’il a reçue du roi. Il conduit donc Iseut à Marc, malgré leur trahison. Brangien, substituée à Iseut par ruse,
9 arc, malgré leur trahison. Brangien, substituée à Iseut par ruse, passera la première nuit nuptiale avec le roi, sauvant ains
10 félons » dénoncent au roi l’amour de Tristan et d’ Iseut . Tristan est banni. Mais à la faveur d’une nouvelle ruse (scène du ve
11 de blé. La preuve de l’adultère est ainsi faite. Iseut sera livrée à une troupe de lépreux et Tristan condamné à mort. Il s’
12 rt. Il s’évade (scène de la chapelle). Il délivre Iseut , et avec elle s’enfonce dans la forêt de Morois. Trois ans durant, il
13 inq versions). Alors seulement Tristan se repent, Iseut se met à regretter la cour… Ils vont trouver l’ermite Ogrin, par l’en
14 amants se séparent à l’approche du cortège royal. Iseut supplie encore Tristan de demeurer dans le pays jusqu’à ce qu’il soit
15 r, « pour son nom et pour sa beauté »9, une autre Iseut , l’Iseut « aux blanches mains ». Et en effet, Tristan la laissera vie
16 son nom et pour sa beauté »9, une autre Iseut, l’ Iseut « aux blanches mains ». Et en effet, Tristan la laissera vierge, car
17 et, Tristan la laissera vierge, car il regrette «  Iseut la bloie ». Enfin, blessé à mort, et de nouveau empoisonné par cette
18 aisseau arbore une voile blanche, signe d’espoir. Iseut aux blanches mains guettait son arrivée. Tourmentée par la jalousie,
19 ui annonce que la voile est noire. Tristan meurt. Iseut la blonde débarque à cet instant, monte au château, embrasse le corps
20 réduisent à fort peu de choses : Tristan conduit Iseut au roi parce qu’il est lié par la fidélité du chevalier ; — les amant
21 ce que le philtre cesse d’agir ; — Tristan épouse Iseut aux blanches mains « pour son nom et pour sa beauté ». Maintenant, ce
22 e extérieure ne saurait donc l’empêcher d’enlever Iseut et d’obéir à son destin. Les mœurs du temps sanctionnent le droit du
23 oserait à son retour auprès du roi, donc auprès d’ Iseut … D’autre part, n’est-il pas fort étrange que les poètes du xiiie siè
24 n’a de cesse qu’il ne rentre à la cour, auprès d’ Iseut … Et ce philtre qui cesse d’agir, n’était-il pas destiné aux époux ? A
25 heur d’un couple. Et quand Tristan épouse l’autre Iseut « pour son nom et pour sa beauté » mais cependant la laisse vierge, n
26 Un moderne commentateur du Roman de Tristan et Iseut veut y voir un « conflit cornélien entre l’amour et le devoir ». Cett
27 fait pas. Or, dans Tristan, les barons dénoncent Iseut au roi Marc : ils devraient donc passer pour « féaux » et loyaux. Et
28 tels que ceux de l’épée de chasteté, du retour d’ Iseut à son mari après la retraite dans le Morois, ou même du mariage blanc
29 ent les modernes, permettrait à Tristan d’enlever Iseut , après qu’ils ont bu le philtre. Cependant il la livre à Marc : c’est
30 l’audace de poser la question : Tristan aime-t-il Iseut  ? Est-il aimé par elle ? (Seules les questions « stupides » peuvent n
31 ventionnelle. Et quand Tristan revient en quête d’ Iseut , on se souvient que cette politesse fait place à la plus franche host
32 ié partir, N’ele de moi… Ainsi parle Tristan. Et Iseut après lui : Sire, por Dieu omnipotent, Il ne m’aime pas, ne je lui,
33  en beles chambres… portendües de dras de soie ». Iseut de son côté, à la même heure conçoit les mêmes regrets. Le soir venu,
34 ur obtenir son pardon — et celui du roi Marc pour Iseut . Ici se place le court dialogue si dramatique entre l’ermite et les d
35 a réponse favorable du roi acceptant de reprendre Iseut  : Dex ! dist Tristan, quel departie ! Mot est dolenz qui pert s’amie
36 le réponse demeure ici digne du mythe. Tristan et Iseut ne s’aiment pas, ils l’ont dit et tout le confirme. Ce qu’ils aiment,
37 aimer, bien plus qu’il n’aime Iseut la Blonde. Et Iseut ne fait rien pour retenir Tristan près d’elle : il lui suffit d’un rê
38 : celui d’Iseut la Blonde avec le Roi, et celui d’ Iseut aux blanches mains avec Tristan. Le premier de ces mariages est l’obs
39 nne pas plus de trois ans à l’amour de Tristan et Iseut . Et en effet, la grande sagesse du vieux Béroul, c’est d’avoir limité
40 r limité à cette durée l’action du philtre : « La mère Iseut qui le bollit. — À trois anz d’amistié le fist. » Sans le mari, il ne
41 ne conçoit pas que Tristan puisse jamais épouser Iseut . Elle est le type de femme qu’on n’épouse point, car alors on cessera
42 res. Lorsque Tristan soupire à voix basse après l’ Iseut perdue, le frère d’Iseut aux blanches mains croit son ami amoureux de
43 mythe, il n’y aurait pas de roman, si Tristan et Iseut pouvaient dire quelle est la fin qu’ils se préparent de toute leur vo
44 ythe. Amour réciproque, en ce sens que Tristan et Iseut « s’entr’aiment », ou du moins, qu’ils en sont persuadés. Et il est v
45 e tuer. — Navigation et philtre, péché consommé ; Iseut livrée. — Tristan banni de la cour. Rendez-vous sous l’arbre. — Trist
46 oigne. — Longue séparation, mariage de Tristan. —  Iseut approche et Tristan meurt. Puis mort d’Iseut. Résumons encore : une s
47 n. — Iseut approche et Tristan meurt. Puis mort d’ Iseut . Résumons encore : une seule longue période de réunion (l’aspre vie)
2 1939, L’Amour et l’Occident (1956). Livre II. Les origines religieuses du mythe
48 rien connu de semblable à l’amour de Tristan et d’ Iseut . On sait assez que pour les Grecs et les Romains, l’amour est une mal
49 par ailleurs que l’anneau (échangé par Tristan et Iseut ) est le signe d’une fidélité qui justement n’est pas celle des corps.
50 t et c’est d’elle que l’on apprend la magie ». (L’ Iseut celtique était aussi une magicienne, « objet de contemplation, specta
51 voir dans la liaison malheureuse de Tristan et d’ Iseut le résultat d’un complexe œdipien : à quoi s’oppose toutefois le fait
52 uait avec profondeur que le roman de Tristan et d’ Iseut rend un son particulier, qui ne se trouve guère dans la littérature d
53 s cruel conflit, lorsqu’au soir de ses noces avec Iseut aux blanches mains, il ne peut se résoudre à posséder sa femme : « Tr
54 e résoudre à posséder sa femme : « Tristan désire Iseut aux blanches mains pour son nom et pour sa beauté, car, quelle qu’eût
55 dont il doublera son tourment. » Du seul fait qu’ Iseut aux blanches mains est devenue sa femme légitime, il ne doit plus et
56 ur ; c) il décide que le mariage de Tristan avec Iseut aux blanches mains ne fut pas « blanc », mais consommé. Son long poèm
57 nteurs ou les parjures étaient brûlés. On sait qu’ Iseut , soupçonnée de trahir sa fidélité au roi Marc, s’offre au jugement pa
58 ried. c) Le mariage « consommé » avec la seconde Iseut rétablit le parallèle — évité par Thomas — avec le mariage sans amour
3 1939, L’Amour et l’Occident (1956). Livre III. Passion et mystique
59 r d’un vulgaire roman d’adultère : l’infidélité d’ Iseut , c’est l’hérésie, c’est la vertu mystique des « purs », c’est une ver
60 s avons perdu le monde, et le monde nous », gémit Iseut (dans le Roman en prose). Et Tristan de répondre : « Si le monde enti
61 nt à une nécessité tout intérieure de la passion. Iseut est une femme aimée, mais elle est aussi autre chose, le symbole de l
62 ur. Au point qu’il doutera même de l’« amitié » d’ Iseut , qu’il la tiendra un temps pour ennemie, et qu’il acceptera le « mari
63 qu’il acceptera le « mariage blanc » avec l’autre Iseut — l’autre « foi » — l’autre Église dont il doit refuser la communion 
64 quand, le philtre ayant cessé d’agir, Tristan et Iseut vont trouver l’ermite Ogrin dans sa cellule. Rencontre de celui qui s
65 e repentent (c’est la première et dernière fois). Iseut va revenir à l’époux légitime — l’hérésie rentrer au giron. Mais tand
66 me » selon la formule des manuels. Dans le cas où Iseut ne serait qu’une belle femme — comme le croiront les siècles à venir 
67 t extérieur. Ainsi nous avons vu que Tristan aime Iseut non point dans sa réalité, mais en tant qu’elle éveille en lui la brû
4 1939, L’Amour et l’Occident (1956). Livre IV. Le mythe dans la littérature
68 ée ennemie », et gémit, tel Tristan se séparant d’ Iseut lorsqu’il la rend à son époux :         Ô dure départie Pourquoi m’a
69 dans la forêt. Tristan avait le recours de rendre Iseut à son mari. Alidor est contraint d’inventer un rival. Souffrant de ce
70 dont nous possédons les lettres à Abélard, évoque Iseut , Juliette et Mlle de Lespinasse, beaucoup plus que Julie d’Étange. Et
71 re possédé. Nous savions que Tristan n’aimait pas Iseut pour elle-même, mais seulement pour l’amour de l’Amour dont sa beauté
72 le Cocu ; Tristan, le jeune premier, ou gigolo ; Iseut , l’épouse insatisfaite, oisive et lectrice de romans. Ici encore, deu
5 1939, L’Amour et l’Occident (1956). Livre V. Amour et guerre
73 c’est la brûlure d’amour plus que la possession d’ Iseut . Car la brûlure intense et dévorante de la passion le divinise, et co
6 1939, L’Amour et l’Occident (1956). Livre VI. Le mythe contre le mariage
74 et se rend méprisable. Mais Tristan, s’il enlève Iseut , vit un roman, et se rend admirable… Ce qui était « faute » et ne pou
75 erce, c’est-à-dire par la nouveauté. 4.Épouser Iseut  ? Supposons maintenant que, malgré tout, l’homme parvienne à se fi
76 de son désir et, de sa plus secrète nostalgie, l’ Iseut du rêve205 ; elle est mariée, naturellement. Qu’elle divorce, et il l
77 blic) : l’amant comblé va-t-il encore aimer cette Iseut une fois épousée ? Une nostalgie que l’on chérissait est-elle encore
78 est-elle encore désirable une fois rejointe ? Car Iseut , c’est toujours l’étrangère, l’étrangeté même de la femme, et tout ce
79 uffrir, et faire souffrir. Lorsque Tristan emmène Iseut dans la forêt, où plus rien ne s’oppose à leur union, le génie de la
80 que s’est refermé depuis longtemps. Pour Tristan, Iseut n’était rien que le symbole du Désir lumineux : son au-delà, c’était
81 ératrice des liens terrestres. Il fallait donc qu’ Iseut fût l’Impossible, car tout amour possible nous ramène à ces liens, no
82 sent la dégradation d’un Tristan qui a plusieurs Iseut  ? Pourtant ce n’est pas lui qu’il convient d’accuser, mais il est la
83 cette consomption. Mais Don Juan ne connaît pas d’ Iseut , ni de passion inaccessible, ni de passé ni d’avenir, ni de déchireme
84 de notre nostalgie) est la meilleure définition d’ Iseut . L’amour-passion veut « la Princesse lointaine » tandis que l’amour c
7 1939, L’Amour et l’Occident (1956). Livre VII. L’amour action, ou de la fidélité
85 du point de vue des romantiques — si l’on croit à Iseut  — soit du point de vue du clerc parfait — si l’on croit à son œuvre —
86 s comblez et au-delà tous mes désirs, vous êtes l’ Iseut toute belle et désirable — et munie d’une dot adéquate — dont je veux
87 simplement celui qui a reconnu dans sa femme une Iseut  ? Lorsque l’amant de la légende manichéenne a traversé les grandes é
88 s courtoises nous a révélé que Tristan n’aime pas Iseut mais l’amour même, et au-delà de cet amour, la mort, c’est-à-dire la
89 être symbolique, ce beau prétexte, qui s’appelle Iseut , mais à sa plus profonde et secrète passion. Le mythe s’empare de l’«
90 t la passion de Tristan). L’amour de Tristan et d’ Iseut c’était l’angoisse d’être deux ; et son aboutissement suprême, c’étai