1 1939, L’Amour et l’Occident (1956). Livre premier. Le mythe de Tristan
1 d’amour et de mort ?… » Rien au monde ne saurait nous plaire davantage. À tel point que ce début du Tristan de Bédier doit
2 ge. À tel point que ce début du Tristan de Bédier doit passer pour le type idéal de la première phrase d’un roman. C’est le
3 un roman. C’est le trait d’un art infaillible qui nous jette dès le seuil du conte dans l’état passionné d’attente où naît l
4 de « rhétorique profonde » sait-il rejoindre dans nos cœurs ? Que l’accord d’amour et de mort soit celui qui émeuve en nous
5 ccord d’amour et de mort soit celui qui émeuve en nous les résonances les plus profondes, c’est un fait qu’établit à premièr
6 tout ce qu’il y a d’universellement émouvant dans nos littératures ; et dans nos plus vieilles légendes, et dans nos plus b
7 ellement émouvant dans nos littératures ; et dans nos plus vieilles légendes, et dans nos plus belles chansons. L’amour heu
8 res ; et dans nos plus vieilles légendes, et dans nos plus belles chansons. L’amour heureux n’a pas d’histoire. Il n’est de
9 oilà le fait fondamental. Mais l’enthousiasme que nous montrons pour le roman, et pour le film né du roman ; l’érotisme idéa
10 du roman ; l’érotisme idéalisé diffus dans toute notre culture, dans notre éducation, dans les images qui font le décor de n
11 me idéalisé diffus dans toute notre culture, dans notre éducation, dans les images qui font le décor de nos vies ; enfin le b
12 e éducation, dans les images qui font le décor de nos vies ; enfin le besoin d’évasion exaspéré par l’ennui mécanique, tout
13 d’évasion exaspéré par l’ennui mécanique, tout en nous et autour de nous glorifie à tel point la passion que nous en sommes
14 par l’ennui mécanique, tout en nous et autour de nous glorifie à tel point la passion que nous en sommes venus à voir en el
15 utour de nous glorifie à tel point la passion que nous en sommes venus à voir en elle une promesse de vie plus vivante, une
16 uffrance, une béatitude ardente. Dans « passion » nous ne sentons plus « ce qui souffre » mais « ce qui est passionnant ». E
17 mour signifie, de fait, un malheur. La société où nous vivons et dont les mœurs n’ont guère changé, sous ce rapport, depuis
18 on, mais la statistique est cruelle : elle réfute notre poésie. Vivons-nous dans une telle illusion, dans une telle « mystifi
19 ue est cruelle : elle réfute notre poésie. Vivons- nous dans une telle illusion, dans une telle « mystification » que nous ay
20 le illusion, dans une telle « mystification » que nous ayons vraiment oublié ce malheur ? Ou faut-il croire qu’en secret nou
21 ublié ce malheur ? Ou faut-il croire qu’en secret nous préférons ce qui nous blesse et nous exalte à ce qui semblerait combl
22 faut-il croire qu’en secret nous préférons ce qui nous blesse et nous exalte à ce qui semblerait combler notre idéal de vie
23 qu’en secret nous préférons ce qui nous blesse et nous exalte à ce qui semblerait combler notre idéal de vie harmonieuse ? S
24 blesse et nous exalte à ce qui semblerait combler notre idéal de vie harmonieuse ? Serrons de plus près cette contradiction,
25 plus près cette contradiction, par un effort qui doit paraître déplaisant, puisqu’il tend à détruire une illusion. Affirmer
26 it, l’adultère, c’est insister sur la réalité que notre culte de l’amour masque et transfigure à la fois ; c’est mettre au jo
27 ulte dissimule, refoule, et refuse de nommer pour nous permettre un abandon ardent à ce que nous n’osions pas revendiquer. L
28 er pour nous permettre un abandon ardent à ce que nous n’osions pas revendiquer. La résistance même qu’éprouvera le lecteur
29 ondent le plus souvent dans la société qui est la nôtre , n’est-ce pas une première preuve de ce fait paradoxal : que nous vou
30 as une première preuve de ce fait paradoxal : que nous voulons la passion et le malheur à condition de ne jamais avouer que
31 et le malheur à condition de ne jamais avouer que nous les voulons en tant que tels ? ⁂ Pour qui nous jugerait sur nos litté
32 ue nous les voulons en tant que tels ? ⁂ Pour qui nous jugerait sur nos littératures, l’adultère paraîtrait l’une des occupa
33 s en tant que tels ? ⁂ Pour qui nous jugerait sur nos littératures, l’adultère paraîtrait l’une des occupations les plus re
34 couples, sous un régime qui a fait du mariage un devoir et une commodité. Sans l’adultère, que seraient toutes nos littératur
35 e commodité. Sans l’adultère, que seraient toutes nos littératures ? Elles vivent de la « crise du mariage ». Il est probab
36 n se résume dans le mot d’adultère. Malgré toutes nos littératures — ou peut-être à cause d’elles justement — il peut sembl
37 ur « quelque chose » qui la ruine au cœur même de nos ambitions ? Est-ce vraiment, comme beaucoup le pensent, la conception
38 ion dite « chrétienne » du mariage qui cause tout notre tourment, ou au contraire, est-ce une conception de l’amour dont on n
39 iage est simplement l’attrait de l’interdit, d’où nous vient ce goût du malheur ? Quelle idée de l’amour trahit-il ? Quel se
40 Quelle idée de l’amour trahit-il ? Quel secret de notre existence, de notre esprit, de notre histoire peut-être ? 2.Le myt
41 ur trahit-il ? Quel secret de notre existence, de notre esprit, de notre histoire peut-être ? 2.Le mythe Il existe un g
42 el secret de notre existence, de notre esprit, de notre histoire peut-être ? 2.Le mythe Il existe un grand mythe europé
43 istan et Iseut. Au travers du désordre extrême de nos mœurs, dans la confusion des morales et des immoralismes qui en viven
44 image simple, comme une sorte de type primitif de nos tourments les plus complexes. Et de même que pour se tirer des confus
45 s. Et de même que pour se tirer des confusions de notre langue, les poètes ont coutume de rapporter les mots à leurs origines
46 rais rapporter à ce mythe certaines confusions de nos mœurs. Étymologie des passions, moins décevante que celle des mots, p
47 vante que celle des mots, puisqu’elle trouve dans notre existence — et non dans quelque science hypothétique — son immédiate
48 détruire son charme que d’essayer de l’analyser ? Nous n’en sommes plus à croire que mythe est synonyme d’irréalité ou d’ill
49 é ou d’illusion. Trop de mythes manifestent parmi nous une puissance trop incontestable. Mais l’abus que l’on fait du mot ob
50 souvent : un mythe n’a pas d’auteur. Son origine doit être obscure. Et son sens même l’est en partie. Il se présente comme
51 rofond du mythe, c’est le pouvoir qu’il prend sur nous , généralement à notre insu. Ce qui fait qu’une histoire, un événement
52 t le pouvoir qu’il prend sur nous, généralement à notre insu. Ce qui fait qu’une histoire, un événement ou même un personnage
53 c’est précisément cet empire qu’ils exercent sur nous comme malgré nous. Une œuvre d’art, comme telle, n’a pas à proprement
54 cet empire qu’ils exercent sur nous comme malgré nous . Une œuvre d’art, comme telle, n’a pas à proprement parler un pouvoir
55 s depuis longtemps. Pourtant ses lois sont encore les nôtres d’une manière secrète et diffuse. Profanées et reniées par nos codes
56 ière secrète et diffuse. Profanées et reniées par nos codes officiels, elles sont devenues d’autant plus contraignantes qu’
57 raignantes qu’elles n’ont plus de pouvoir que sur nos rêves. ⁂ Bien des traits de la légende de Tristan sont de ceux qui si
58 teur — à supposer qu’il y en eût un, et un seul — nous est totalement inconnu. Les cinq versions « originales » qui nous res
59 ent inconnu. Les cinq versions « originales » qui nous restent sont des remaniements artistiques d’un archétype dont on n’a
60 e3. Le progrès de l’action, et les effets qu’elle devait exercer sur l’auditeur, dépendent dans une certaine mesure (que nous
61 auditeur, dépendent dans une certaine mesure (que nous aurons à préciser) d’un ensemble de règles et de cérémonies qui n’est
62 vivance4. Enfin la nature même de l’obscurité que nous découvrirons dans la légende, dénote sa parenté profonde avec le myth
63 à conserver, ou qu’il est impossible de détruire. Nous n’avons plus besoin de mythes, par exemple, pour exprimer les vérités
64 xemple, pour exprimer les vérités de la science : nous les considérons en effet d’une manière parfaitement « profane », et e
65 nc tout à gagner à la critique individuelle. Mais nous avons besoin d’un mythe pour exprimer le fait obscur et inavouable qu
66 s’y abandonnent de toutes leurs forces. C’est que nous voulons sauver cette passion, et que nous chérissons ce malheur, cepe
67 est que nous voulons sauver cette passion, et que nous chérissons ce malheur, cependant que nos morales officielles et notre
68 et que nous chérissons ce malheur, cependant que nos morales officielles et notre raison les condamnent. L’obscurité du my
69 malheur, cependant que nos morales officielles et notre raison les condamnent. L’obscurité du mythe nous met donc en mesure d
70 notre raison les condamnent. L’obscurité du mythe nous met donc en mesure d’accueillir son contenu déguisé et d’en jouir par
71 ri de la critique certaines réalités humaines que nous sentons ou pressentons fondamentales. Le mythe exprime ces réalités,
72 Le mythe exprime ces réalités, dans la mesure où notre instinct l’exige, mais il les voile aussi dans la mesure où le grand
73 ythe ? Cette question ne peut être esquivée. Elle nous porte au cœur du problème et de son actualité. Précisons que les règl
74 lles contraintes, se les inventera au besoin… Car nous verrons que ce n’est pas seulement la nature de la société, mais l’ar
75 niqueurs, les sermons et les satires de ce siècle nous révèlent qu’il connut une première « crise du mariage ». Elle appelai
76 thique à laquelle répondait le Roman. Élargissant notre définition, nous appellerons mythe, désormais, cette permanence d’un
77 répondait le Roman. Élargissant notre définition, nous appellerons mythe, désormais, cette permanence d’un type de relations
78 nt l’influence n’a pas cessé de s’étendre jusqu’à nos jours. Passion de la nature obscure, dynamisme excité par l’esprit, p
79 , charme, terreur ou idéal : tel est le mythe qui nous tourmente. Qu’il ait perdu sa forme primitive voilà précisément ce qu
80 e Nietzsche. 3.Actualité du mythe ; raisons de notre analyse Nul besoin d’avoir lu le Tristan de Béroul, ou celui de M.
81 e d’un tel mythe. Il se trahit dans la plupart de nos romans et de nos films, dans leurs succès auprès des masses, dans les
82 Il se trahit dans la plupart de nos romans et de nos films, dans leurs succès auprès des masses, dans les complaisances qu
83 la morale. Il vit de la vie même du romantisme en nous  ; il est le grand mystère de cette religion dont les poètes du siècle
84 ythique, la preuve est d’ailleurs immédiate. Elle nous sera donnée ici même par une certaine répugnance du lecteur à envisag
85 cteur à envisager mon projet. Le Roman de Tristan nous est « sacré » dans la mesure exacte où l’on estimera que je commets u
86 ra si elles sont diaboliques. La première est que nous sommes parvenus au point de désordre social où l’immoralisme se révèl
87 ’est qu’il permet de dégager une raison simple de notre confusion présente. C’est qu’il permet aussi de formuler certaines re
88 anentes noyées sous les vulgarités minutieuses de nos psychologies. C’est enfin qu’il permet de mettre à nu certain dilemme
89 qu’il permet de mettre à nu certain dilemme dont notre vie hâtive, notre culture et le ronron de nos morales sont en passe d
90 ettre à nu certain dilemme dont notre vie hâtive, notre culture et le ronron de nos morales sont en passe de nous faire oubli
91 t notre vie hâtive, notre culture et le ronron de nos morales sont en passe de nous faire oublier la sévère réalité. Dresse
92 ture et le ronron de nos morales sont en passe de nous faire oublier la sévère réalité. Dresser le mythe de la passion dans
93 ureté monumentale, comme une ironie salutaire sur nos , complaisances tortueuses et sur notre impuissance à choisir vaillamm
94 alutaire sur nos, complaisances tortueuses et sur notre impuissance à choisir vaillamment entre la Norme du Jour et la Passio
95 quelle que soit « l’utilité » de mon entreprise, notre sort n’en demeure pas moins, à nous autres Occidentaux, de devenir de
96 entreprise, notre sort n’en demeure pas moins, à nous autres Occidentaux, de devenir de plus en plus conscients des illusio
97 nir de plus en plus conscients des illusions dont nous vivons. Et peut-être que la fonction du philosophe, du moraliste, du
98 aise conscience des hommes… Qui sait où cela peut nous mener ? Là-dessus, il est temps de passer à l’opération annoncée. La
99 st sans doute une certaine froideur avec laquelle nous la mènerons. Sourds et aveugles aux « charmes » du récit, essayons de
100 yons de résumer « objectivement » les faits qu’il nous rapporte et les raisons qu’il en propose, ou qu’il omet très curieuse
101 il en propose, ou qu’il omet très curieusement de nous indiquer. 4.Le contenu manifeste du Roman de Tristan7 Amors pa
102 ien de plus significatif que ces variantes, comme nous le verrons.) La faute est donc consommée. Mais Tristan reste lié par
103 uté ». Maintenant, ces « raisons » mises à part —  nous aurons l’occasion d’y revenir — on s’aperçoit que le Roman repose sur
104 oit ? Mise en éveil par cette première question, notre méfiance critique ne tarde pas à découvrir d’autres énigmes, non moin
105 ment de Dieu » ? Elle sait bien que cette épreuve doit la perdre. Elle n’en triomphe que par une ruse improvisée in extremis
106 tions aussi peu défendables ? Comment peuvent-ils nous présenter tel qu’un modèle de chevalerie ce Tristan qui a trompé son
107 y voir un « conflit cornélien entre l’amour et le devoir  ». Cette interprétation classique est d’un aimable anachronisme. Outr
108 aux réalités tyranniques ? Plus d’une énigme que nous pose le Roman nous incite à chercher de ce côté les éléments d’une pr
109 niques ? Plus d’une énigme que nous pose le Roman nous incite à chercher de ce côté les éléments d’une première solution. Si
110 solution. Si l’on admet que l’aventure de Tristan devait servir à illustrer le conflit de la chevalerie et de la société féoda
111 t de la société féodale — donc le conflit de deux devoirs ou même, nous l’avons vu page 16, le conflit de deux « religions » —,
112 éodale — donc le conflit de deux devoirs ou même, nous l’avons vu page 16, le conflit de deux « religions » —, l’on s’aperço
113 tan, les barons dénoncent Iseut au roi Marc : ils devraient donc passer pour « féaux » et loyaux. Et si l’auteur les traite cepen
114 alerie « courtoise » contre le droit féodal. Mais nous avons d’autres raisons de le croire. La conception de la fidélité et
115 us amour, qui tourne à la réalité 13. » Voilà qui nous met sur la voie d’une première explication d’épisodes tels que ceux d
116 élité courtoise. Il choisit en toute liberté, car nous avons marqué plus haut qu’étant plus fort que le Roi et les barons, i
117 ue le Roman illustre un conflit de « religions », nous avons pu préciser et cerner les principales difficultés de l’intrigue
118 ée. 7.L’amour du roman Si l’on se reporte à notre résumé de la légende, on ne peut manquer d’être frappé de ce fait : l
119 ituer par elle-même une explication. À chacune de nos questions, il serait évidemment facile de répondre : les choses se pa
120 vaincante qu’en vertu d’une coutume paresseuse de notre critique littéraire. En vérité, elle ne répond à rien. Elle nous ramè
121 ittéraire. En vérité, elle ne répond à rien. Elle nous ramène simplement à poser la question fondamentale : pourquoi faut-il
122 u’on pressent qu’elle n’est pas sans danger. Elle nous met en effet au cœur de tout le problème — et sa portée dépasse sans
123 ée dépasse sans aucun doute le cas particulier de notre mythe. Pour qui se place, par un effort d’abstraction, à l’extérieur
124 igeant qu’il sait que le déroulement des faits ne doit dépendre ni de son désir ni des fantaisies de l’auteur.) Supposez au
125 la mesure exacte où l’on partage ses intentions. Nous avons vu que les obstacles extérieurs qui s’opposent à l’amour de Tri
126 , que des artifices romanesques. Or il résulte de nos remarques au sujet de la vraisemblance, que la gratuité même des obst
127 e à la manière d’un rêve, et non point à celle de nos vies : les prétextes du romancier, les actions de ses deux héros, et
128 détriment de leur bonheur et de leur vie même… ⁂ Nous commençons à distinguer le sens secret et inquiétant du mythe : le da
129 tige… Mais ce n’est plus l’heure de se détourner. Nous sommes atteints, nous subissons le charme, nous connaissons au « tour
130 us l’heure de se détourner. Nous sommes atteints, nous subissons le charme, nous connaissons au « tourment délicieux ». Tout
131 . Nous sommes atteints, nous subissons le charme, nous connaissons au « tourment délicieux ». Toute condamnation serait vain
132 elle ? (Seules les questions « stupides » peuvent nous instruire, et tout ce qui passe pour évident cache quelque chose qui
133 près Valéry.) Rien d’humain ne paraît rapprocher nos amants, bien au contraire. Lors de leur première rencontre, ils n’ont
134 tes de cette époque furent moins sentimentaux que nous ne le sommes devenus, et qu’ils n’éprouvaient pas le besoin d’insiste
135 n et le mal », dans une sorte de transcendance de nos communes conditions, dans un absolu indicible, incompatible avec les
136 et avouent leur nouveau tourment : « En mal uson notre jovente… ». La décision de se séparer est bientôt prise. Tristan prop
137 ge qui fait pâlir le romantisme tout entier ! Qui nous rendra ce dur « patois du cœur ? ») Un dernier trait : lorsque Trista
138 par l’absence. 9.L’amour de la Mort Mais il nous faut pousser plus loin : l’amabam amare d’Augustin est une émouvante
139 lui-même ne s’est pas satisfait. L’obstacle dont nous avons souvent parlé, et la création de l’obstacle par la passion des
140 a passion, — si l’on descend au fond du mythe ? ⁂ Nous avons vu que le progrès du roman a pour principe les séparations et l
141 ui met le roi sur la trace de l’adultère. Quant à nous , elle nous met sur la trace du dessein secret des amants : leur reche
142 oi sur la trace de l’adultère. Quant à nous, elle nous met sur la trace du dessein secret des amants : leur recherche du pér
143 , il s’agit d’être le plus fort, ou le plus rusé. Nous avons vu que cela le conduirait à enlever la reine à son roi. Et que
144 la négation de la passion, au moins de celle dont nous nous occupons. L’ardeur amoureuse spontanée, couronnée et non combatt
145 gation de la passion, au moins de celle dont nous nous occupons. L’ardeur amoureuse spontanée, couronnée et non combattue, e
146 nitence au service de cette mort qui transfigure. Nous touchons au secret dernier. L’amour de l’amour même dissimulait une p
147 vient de préciser le sens du mot « trompeur » que nous venons d’utiliser. La vulgarisation de la psychanalyse nous habitue à
148 s d’utiliser. La vulgarisation de la psychanalyse nous habitue à concevoir qu’un désir refoulé « s’exprime » toujours, mais
149 la chevalerie fournira donc le cadre du Roman. Et nous avons marqué, en maint endroit, le caractère de « prétexte rêvé » des
150 oyez que c’est plus fort que moi. » Et cependant, nous voyons bien qu’à la faveur de cette fatalité trompeuse, tous leurs ac
151 faillible qu’elle peut agir à l’abri du jugement. Nos actions les moins calculées sont parfois les plus efficaces. La pierr
152 ute « vérité », et la vie même. Il est au-delà de nos bonheurs, de nos souffrances. Il s’élance vers l’instant suprême où l
153 t la vie même. Il est au-delà de nos bonheurs, de nos souffrances. Il s’élance vers l’instant suprême où la totale jouissan
154 e, mais la musique est savante, vraiment, et elle nous chante immensément le beau secret : c’est lui qui a voulu son destin 
155 er la souffrance. Amour-passion : désir de ce qui nous blesse, et nous anéantit par son triomphe. C’est un secret dont l’Occ
156 . Amour-passion : désir de ce qui nous blesse, et nous anéantit par son triomphe. C’est un secret dont l’Occident n’a jamais
157 l en est peu de plus tragiques, et sa persistance nous invite à porter sur l’avenir de l’Europe un jugement très pessimiste.
158 rtain mode de connaître qui définirait à lui seul notre psyché occidentale. Pourquoi l’homme d’Occident veut-il subir cette p
159 manesque : il décrit l’essentielle catastrophe de notre sadique génie, ce goût réprimé de la mort, ce goût de se connaître à
160 achable des racines de l’instinct de la guerre en nous . ⁂ De cette extrémité tragique, illustrée, avouée et constatée par la
161 e succès prodigieux du Roman de Tristan révèle en nous , que nous le voulions ou non, une préférence intime pour le malheur.
162 rodigieux du Roman de Tristan révèle en nous, que nous le voulions ou non, une préférence intime pour le malheur. Que ce mal
163 our le malheur. Que ce malheur, selon la force de notre âme, soit la « délicieuse tristesse » et le spleen de la décadence, o
164 e, ou le défi que l’esprit jette au monde, ce que nous cherchons, c’est ce qui peut nous exalter jusqu’à nous faire accéder,
165 u monde, ce que nous cherchons, c’est ce qui peut nous exalter jusqu’à nous faire accéder, malgré nous, à la « vraie vie » d
166 cherchons, c’est ce qui peut nous exalter jusqu’à nous faire accéder, malgré nous, à la « vraie vie » dont parlent les poète
167 t nous exalter jusqu’à nous faire accéder, malgré nous , à la « vraie vie » dont parlent les poètes. Mais cette « vraie vie »
168 qu’un des noms de la Mort, le seul nom par lequel nous osions l’appeler — tout en feignant de la repousser. Pourquoi préféro
169 t en feignant de la repousser. Pourquoi préférons- nous à tout autre récit celui d’un amour impossible ? C’est que nous aimon
170 tre récit celui d’un amour impossible ? C’est que nous aimons la brûlure, et la conscience de ce qui brûle en nous. Liaison
171 s la brûlure, et la conscience de ce qui brûle en nous . Liaison profonde de la souffrance et du savoir. Complicité de la con
172 a pu fonder sur elle une explication générale de notre esprit et même de notre Histoire.) Je définirais volontiers le romant
173 e explication générale de notre esprit et même de notre Histoire.) Je définirais volontiers le romantique occidental comme un
174 l me paraît que cela explique une bonne partie de notre psychologie. Sans traverses à l’amour, point de « roman ». Or c’est l
175 ophe — et non point sa rapide flambée. Considérez notre littérature. Le bonheur des amants ne nous émeut que par l’attente du
176 dérez notre littérature. Le bonheur des amants ne nous émeut que par l’attente du malheur qui le guette. Il y faut cette men
177 a nostalgie, le souvenir, et non pas la présence, nous émeuvent. La présence est inexprimable, elle ne possède aucune durée
178 ophe, — l’amour réciproque malheureux. ⁂ Arrêtons- nous sur cette formule du mythe. Amour réciproque, en ce sens que Tristan
179 e et grave mélodie Un résumé objectif du Roman nous a fait pressentir certaines contradictions. L’hypothèse d’une opposit
180 re la loi de chevalerie et les coutumes féodales, nous a permis de surprendre le mécanisme de ces contradictions. Alors a co
181 mécanisme de ces contradictions. Alors a commencé notre recherche du vrai sujet de la légende. Derrière la préférence accordé
182 est appréciable — mais dont la conscience commune doit renier l’intime évidence. Que la sécheresse d’une description réduite
183 n que j’ai stylisée à dessein, il demeure qu’elle nous a permis de surprendre à l’état naissant quelques relations fondament
184 quelques relations fondamentales qui sous-tendent nos destinées. Pour autant que l’amour-passion rénove le mythe dans nos v
185 r autant que l’amour-passion rénove le mythe dans nos vies, nous ne pouvons plus ignorer, désormais, la condamnation radica
186 ue l’amour-passion rénove le mythe dans nos vies, nous ne pouvons plus ignorer, désormais, la condamnation radicale qu’il re
187 nation radicale qu’il représente pour le mariage. Nous savons, par la fin du mythe, que la passion est une ascèse. Elle s’op
188 à son tour, se déguise en fatalité. Incidemment, nous avons indiqué qu’un tel amour n’est pas sans lien profond avec notre
189 qu’un tel amour n’est pas sans lien profond avec notre goût de la guerre. Enfin, s’il est vrai que la passion, et le besoin
190 n, et le besoin de la passion sont des aspects de notre mode occidental de connaissance, il faut en venir — au moins sous for
191 france, n’est-ce pas l’acte même, et l’audace, de nos mystiques les plus lucides ? Érotique au sens noble, et mystique : qu
192 rlent un même langage, et chantent peut-être dans notre âme la même « vieille et grave mélodie » orchestrée par le drame de W
193 onomique » des formes et des structures du Roman, nous avons pu saisir le contenu originel du mythe, dans sa pureté fruste e
194 ythe, dans sa pureté fruste et grande. Deux voies nous tentent maintenant : l’une remonte vers les arrière-plans historiques
195 ieux du mythe, — l’autre descend du mythe jusqu’à nos jours. Parcourons-les l’une après l’autre, librement. Nous ferons hal
196 s. Parcourons-les l’une après l’autre, librement. Nous ferons halte ici ou là pour vérifier telle origine nettement localisé
197 , ou telle conséquence imprévue des relations que nous venons de dégager. 2. Il est assez facile d’éliminer, par une comp
198 isme soit passé au rang de doctrine officielle ne doit pas nous faire oublier son efficacité proprement sacrilège, antisocia
199 passé au rang de doctrine officielle ne doit pas nous faire oublier son efficacité proprement sacrilège, antisociale, « dis
200 édition Bédier du poème de Thomas (t. I, p. 240), nous lisons que le veneur du roi, pénétrant dans la retraite des amants « 
201 e de l’éternelle nuit. Là-bas, une science unique nous est donnée : le divin, l’éternel, l’originel oubli… Oh ! si je pouvai
2 1939, L’Amour et l’Occident (1956). Livre II. Les origines religieuses du mythe
202 du mythe 1.L’« obstacle » naturel et sacré Nous sommes tous plus ou moins matérialistes, nous autres héritiers du xix
203 Nous sommes tous plus ou moins matérialistes, nous autres héritiers du xixe . Qu’on nous montre dans la nature, ou dans
204 érialistes, nous autres héritiers du xixe . Qu’on nous montre dans la nature, ou dans l’instinct, les esquisses grossières d
205 sses grossières de faits « spirituels », aussitôt nous croyons tenir une explication de ces faits. Le plus bas nous paraît l
206 s tenir une explication de ces faits. Le plus bas nous paraît le plus vrai. C’est la superstition du temps, la manie de « ra
207 nécessaire. C’est aussi le scrupule scientifique, nous dit-on. Il fallait cela pour affranchir l’esprit des illusions spirit
208 gue à certains égards, à celle de la passion dans notre mythe, beaucoup penseront que voilà qui suffit… Donnons une page à ce
209 ons. ⁂ L’obstacle dont on a vu le jeu au cours de notre analyse du mythe, n’est-il pas d’origine toute naturelle ? Retarder l
210 on du mythe, et encore moins sa localisation dans notre histoire européenne… L’antiquité n’a rien connu de semblable à l’amou
211 ification de la passion, qui est justement ce qui nous touche dans le Roman ? Parler de déviation de l’instinct, c’est ne ri
212 (Platonisme, druidisme, manichéisme.) Platon nous parle dans Phèdre et le Banquet d’une fureur qui va du corps à l’âme,
213 e divinité, ni ne se crée dans l’âme au-dedans de nous  : c’est une inspiration tout étrangère, un attrait qui agit du dehors
214  », car ce délire procède de la divinité et porte notre élan vers Dieu. Tel est l’amour platonicien : « délire divin », trans
215 sse même et fuit la tentation de s’accomplir dans notre monde, parce qu’il ne veut embrasser que le Tout. C’est le dépassemen
216 au monde médiéval. Ainsi l’Orient vint rêver dans nos vies, réveillant de très vieux souvenirs. Car au fond de notre Occide
217 éveillant de très vieux souvenirs. Car au fond de notre Occident, la voix des bardes celtes lui répondait. Je ne sais si c’ét
218 un écho, ou quelque harmonie ancestrale — toutes nos races sont venues d’Orient — ou simplement si la nature humaine n’est
219 es opposées : dieux lumineux et dieux sombres. Il nous importe de souligner ce fait du dualisme fondamental de la religion d
220 de l’Europe. De l’Inde aux rives de l’Atlantique, nous retrouvons exprimé, dans les formes les plus diverses, ce même mystèr
221 le Dispater gaulois… Bien d’autres rapprochements nous tentent, dont l’un au moins intéresse directement l’objet de ce livre
222 e, symbole de l’au-delà et de cette nostalgie qui nous fait mépriser les joies terrestres. Mais symbole équivoque puisqu’il
223 urtant sa nature est fuyante. « L’Éternel féminin nous entraîne », dira Goethe. Et Novalis : « La femme est le but de l’homm
224 éé, aux yeux de la chair, n’est que la Nuit. Mais notre jour, aux yeux du dieu qui réside par-delà les étoiles, c’est le roya
225 , et la rappelèrent au culte des lettres. Et ceci nous amène aux abords de l’époque où se forma notre mythe… ⁂ Mais plus prè
226 eci nous amène aux abords de l’époque où se forma notre mythe… ⁂ Mais plus près de nous que Platon et les druides, une sorte
227 oque où se forma notre mythe… ⁂ Mais plus près de nous que Platon et les druides, une sorte d’unité mystique du monde indo-e
228 ne à l’arrière-plan des hérésies du Moyen Âge. Si nous embrassons le domaine géographique et historique qui va de l’Inde à l
229 que et historique qui va de l’Inde à la Bretagne, nous constatons qu’une religion s’y est répandue, d’une manière à vrai dir
230 e à vrai dire souterraine, dès le iiie siècle de notre ère, syncrétisant l’ensemble des mythes du Jour et de la Nuit tels qu
231 héenne. Les difficultés mêmes que l’on éprouve de nos jours à définir cette religion ne sont pas sans nous renseigner sur s
232 s jours à définir cette religion ne sont pas sans nous renseigner sur sa nature profonde et sa portée humaine. D’abord elle
233 témoignages sur lesquels elle a été jugée jusqu’à nos jours émanent presque exclusivement de ses adversaires. Ensuite, il s
234 s développements qui suivront, deux faits surtout doivent être retenus : 1° Le dogme fondamental de toutes les sectes manichéen
235 ns… 2° Il est très important et significatif pour nous de remarquer à la suite d’un travail récent25 que la structure de la
236 ente l’ascèse (aspect négatif de l’illumination), nous pouvons accéder à la Lumière. Mais la fin de l’esprit, son but, c’est
237 ée, obscurcie par la mutiplicité immédiate. Éros, notre Désir suprême, n’exalte nos désirs que pour les sacrifier. L’accompli
238 té immédiate. Éros, notre Désir suprême, n’exalte nos désirs que pour les sacrifier. L’accomplissement de l’Amour nie tout
239 ganisme oriental-occidental sur lequel se détache notre mythe. Mais d’où vient qu’il s’en soit « détaché » justement ? Quelle
240 s s’avouer que par symboles trompeurs — à ne plus nous séduire que par le charme et la secrète incantation d’un mythe ? 3
241 Parole a été faite chair, et elle a habité parmi nous , pleine de grâce et de vérité ; et nous avons contemplé sa gloire, un
242 ité parmi nous, pleine de grâce et de vérité ; et nous avons contemplé sa gloire, une gloire comme la gloire du Fils unique
243 ans les Ténèbres —, tel est l’événement inouï qui nous délivre du malheur de vivre. Tel est le centre de tout le christianis
244 n. Il est le suprême scandale, non seulement pour notre raison qui n’admet point cette impensable confusion de l’infini et du
245 sa vie « finie ». Le dieu Éros exalte et sublime nos désirs, les rassemblant dans un Désir unique, qui aboutit à les nier.
246 naît — ne s’est pas détourné, au contraire : « Il nous a aimés le premier » dans notre forme et nos limitations. Il a été ju
247 u contraire : « Il nous a aimés le premier » dans notre forme et nos limitations. Il a été jusqu’à les revêtir. Et revêtant l
248  Il nous a aimés le premier » dans notre forme et nos limitations. Il a été jusqu’à les revêtir. Et revêtant la condition d
249 s sans pécher et sans se diviser, l’Amour de Dieu nous a ouvert une voie radicalement nouvelle : celle de la sanctification.
250 e présent. Car aimer Dieu, c’est obéir à Dieu qui nous ordonne de nous aimer les uns les autres. Que signifie : Aimez vos en
251 imer Dieu, c’est obéir à Dieu qui nous ordonne de nous aimer les uns les autres. Que signifie : Aimez vos ennemis ? C’est l’
252 ntale » une conception religieuse qui à vrai dire nous est venue du Proche-Orient mais qui n’a triomphé qu’en Occident : cel
253 histoire des religions.) ⁂ Maintenant, rappelons- nous qu’Éros veut l’union, c’est-à-dire la fusion essentielle de l’individ
254 L’individu distinct — cette erreur douloureuse — doit s’élever jusqu’à se perdre dans la divine perfection. Que l’homme ne
255 elles ne représentent que des défauts de l’Être. Nous n’avons donc point de prochain. Et l’exaltation de l’Amour sera en mê
256 mais d’avoir perdu Dieu en devenant autonome. Or, nous ne trouverons pas Dieu par une élévation indéfinie de notre désir. No
257 rouverons pas Dieu par une élévation indéfinie de notre désir. Nous aurons beau sublimer notre Éros, il ne sera jamais que no
258 Dieu par une élévation indéfinie de notre désir. Nous aurons beau sublimer notre Éros, il ne sera jamais que nous-mêmes ! P
259 définie de notre désir. Nous aurons beau sublimer notre Éros, il ne sera jamais que nous-mêmes ! Point d’illusions ni d’optim
260 onne Nouvelle ; et cette nouvelle, c’est que Dieu nous cherche. Et il nous trouve lorsque nous percevons sa voix, et que nou
261 ette nouvelle, c’est que Dieu nous cherche. Et il nous trouve lorsque nous percevons sa voix, et que nous répondons en obéis
262 que Dieu nous cherche. Et il nous trouve lorsque nous percevons sa voix, et que nous répondons en obéissant. Dieu nous cher
263 ous trouve lorsque nous percevons sa voix, et que nous répondons en obéissant. Dieu nous cherche et nous a trouvés par l’amo
264 sa voix, et que nous répondons en obéissant. Dieu nous cherche et nous a trouvés par l’amour de son Fils abaissé jusqu’à nou
265 nous répondons en obéissant. Dieu nous cherche et nous a trouvés par l’amour de son Fils abaissé jusqu’à nous. L’Incarnation
266 a trouvés par l’amour de son Fils abaissé jusqu’à nous . L’Incarnation est le signe historique d’une création renouvelée, où
267 e conclure que cette forme d’amour nommée passion doit normalement se développer au sein des peuples qui adorent Éros ? Et q
268 iens — historiquement les peuples d’Occident — ne devraient pas connaître la passion, ou tout au moins la traiter d’incroyance ?
269 au moins la traiter d’incroyance ? Or l’Histoire nous oblige à le constater : c’est l’inverse qui s’est réalisé. Nous voyon
270 le constater : c’est l’inverse qui s’est réalisé. Nous voyons qu’en Orient26, et dans la Grèce contemporaine de Platon, l’am
271 étique. « Aucuns pensent que c’est une rage… » Et nous voyons qu’en Occident, au xiie siècle, c’est le mariage qui est en b
272 soi. L’identification des éléments religieux dont nous avions décelé la présence dans le mythe nous amène donc à constater u
273 dont nous avions décelé la présence dans le mythe nous amène donc à constater une contradiction flagrante entre les doctrine
274 cours d’une foi réelle, un tel homme, fatalement, devait sentir en lui s’exalter la révolte du sang barbare. Il était prêt à a
275 r ». C’est ainsi que les doctrines secrètes, dont nous avons rappelé la parenté, ne devinrent largement vivantes en Occident
276 Elles s’insinuèrent d’une part dans le clergé, où nous les retrouverons un peu plus tard mêlées de la manière la plus comple
277 de et qu’elle accommodait à ses plaisirs. Elle ne devait pas tarder à matérialiser les préceptes d’une religion qui pourtant s
278 e excellence. Qu’est devenue cette doctrine parmi nous  ? « Personne ne saurait dire jusqu’à quelles couches profondes de l’h
279 ccidental. C’est ainsi que le platonisme vulgaire nous a conduits à une terrible confusion : à cette idée que l’amour dépend
280 age d’être aimé. Mais le platonisme dégénéré, qui nous obsède, nous rend aveugles à la réalité de l’objet tel qu’il est dans
281 mé. Mais le platonisme dégénéré, qui nous obsède, nous rend aveugles à la réalité de l’objet tel qu’il est dans sa vérité — 
282 de l’objet tel qu’il est dans sa vérité — ou bien nous la rend peu aimable. Et il nous jette à la poursuite de chimères qui
283 vérité — ou bien nous la rend peu aimable. Et il nous jette à la poursuite de chimères qui n’existent qu’en nous. Mais enco
284 e à la poursuite de chimères qui n’existent qu’en nous . Mais encore, d’où vient ce succès et cette permanence invincible de
285 idental — de très obscures complicités. Souvenons- nous du culte druidique pour la Femme, être prophétique, « éternel féminin
286 lui donner un support corporel. Mais il y a plus, nous le savons depuis Freud : le « type de femme » que chaque homme porte
287 t cela resterait bien théorique et contestable si nous n’étions pas en mesure de retracer les voies et moyens historiques de
288 ns historiques de cette renaissance de l’Éros. Or nous avons déjà fixé sa date : vers le début du xiie siècle. (Date de nai
289 le. (Date de naissance de l’amour-passion !)29 Et nous allons montrer qu’elle porte un nom par ailleurs bien connu : la cort
290 ui n’est pas tout à fait synonyme de la chasteté, nous le verrons, mais plutôt de la retenue… Et surtout, l’homme sera le se
291 quelles raisons elle est demeurée obscure jusqu’à nos jours. Ce qui est curieux au plus haut point, c’est l’embarras des ro
292 et la lyrique provençale : ce n’est pas sérieux, nous dit-on. Brinkmann et d’autres ont supposé que la poésie latine des xi
293  » ont aussitôt dressé contre elles l’ensemble de nos érudits. Wechssler s’est vu traiter de « doctrinaire » — suprême inju
294 er un système incompatible avec le clair génie de notre race. Il reste donc d’une part un phénomène étrange, et d’autre part,
295 quer. « Il est également impossible — écrit un de nos professeurs — de voir dans ces chansons d’amour, qui forment les troi
296 et Péladan, si le secret de toute cette poésie ne devrait pas être cherché beaucoup plus près d’elle qu’on ne l’a fait — tout p
297 ’auteur du monde, de ses ténèbres et du péché qui nous enserre. Sa création première dans l’ordre spirituel, puis animique,
298 er un sentiment fondamental chez l’homme, même de nos jours.) L’âme, dès lors, se trouve séparée de son esprit, qui reste a
299 tion et de la mort. Mais le Christ est venu parmi nous , pour nous montrer le chemin du retour à la Lumière. Ce Christ, en ce
300 la mort. Mais le Christ est venu parmi nous, pour nous montrer le chemin du retour à la Lumière. Ce Christ, en cela semblabl
301 grec dokesis, apparence) qui, de Marcion jusqu’à nos jours, traduit notre refus tout « naturel » d’admettre le scandale d’
302 rence) qui, de Marcion jusqu’à nos jours, traduit notre refus tout « naturel » d’admettre le scandale d’un Dieu-Homme. Les ca
303 Église. Quant à la pureté de mœurs des cathares, nous avons vu qu’elle traduisait des croyances fort différentes de celles
304 cette culture et de ses doctrines fondamentales, nous sommes encore tributaires, au-delà de ce que l’on imagine… (Comme j’e
305 montrer par ce livre.) 7.Hérésie et Poésie Doit -on considérer les troubadours comme des « croyants » de l’Église cath
306 ps, l’aube, les vergers fleuris et la Dame ? Tout notre rationalisme moderne appuie les savants romanistes dans leur conclusi
307 on des « aventureux » que j’ai cités répond, avec notre bon sens : démontrez-nous, dans ce cas, comment cathares et troubadou
308 ’ai cités répond, avec notre bon sens : démontrez- nous , dans ce cas, comment cathares et troubadours auraient pu se côtoyer
309 bert de Castres, la dirigea en personne dès 1193 ( notre poème pouvant être daté des environs de 1190), et c’est là qu’Esclarm
310 qui l’ont bien reçu et les régions qu’hélas ! il doit quitter pour aller en Provence : ce sont les châteaux de Laurac, de G
311 a foi ! ses doux ris restent dans mon cœur ! » Or nous savons que tous ces châteaux sont des foyers connus de l’hérésie, ou
312 ent point de leurs croyances dans les poésies qui nous restent — il suffit de rappeler que les cathares promettaient, lors d
313 la fois marié et fidèle à sa dame ? » — Voilà qui nous donne à penser, si l’on songe à tous les troubadours qui devaient sub
314 penser, si l’on songe à tous les troubadours qui devaient subir un apparent « mariage » avec l’Église de Rome dont ils étaient
315 tendant l’aube du jour terrestre : cette aube qui doit le réunir à son « copain » de route, et donc d’épreuves dans le monde
316 au corps, mais désirant l’esprit ? Mais souvenons- nous aussi de la coutume des missionnaires cheminant deux par deux) : Roi
317 an répond, lui aussi : « Qu’éternellement la nuit nous enveloppe ! » Tout comme dans ce début d’une autre « aube »50 anonyme
318 le ciel et toutes les étoiles », et dont Guiraut nous dit ici qu’il plane « au-dessus du ciel », n’est-ce point déjà la Div
319 ques hétérodoxes, le Dieu d’avant la Trinité dont nous parlent la Gnose et Maître Eckhart, et plus précisément encore, le Di
320 ques, le ton est réellement mystique. Les érudits nous ressassent leur formule : il n’y aurait là, « tout simplement », qu’u
321 cantique de Peire de Rogiers : Âpre tourment je dois souffrir Pour chagrin d’elle que j’ai si grand Mon cœur ne s’en doit
322 chagrin d’elle que j’ai si grand Mon cœur ne s’en doit point défaire Ni jamais joie, ni douce, ni bonne, Ne puis entrevoir e
323 re de Rome, ni qu’on m’en nomme le pape, si je ne dois pas faire retour vers elle pour qui mon cœur s’embrase et se fend. Ma
324 érétique, dont les poètes eussent été les agents, nous passons maintenant au mystère d’une passion proprement religieuse, d’
325 r me saura gré de tenir compte des doutes qui ont s’élever dans son esprit, et d’indiquer en bref par quelles raisons j
326 t et on me dira : 1° Que la religion des cathares nous est encore mal connue et qu’il est donc au moins prématuré d’y voir l
327 t liturgique. On peut imaginer que les thèmes que nous avons relevés chez les poètes provençaux entretiennent avec le néo-ma
328 ont-elles pas aux antipodes du christianisme ? Ne devaient -ils pas s’en apercevoir ? Et pourquoi n’y a-t-il dans leurs œuvres au
329 fait beaucoup plus scandaleux que ne peut être à nos yeux, par exemple, le symbolisme de la Dame. Dans l’optique de l’homm
330 distincte. Il est indemne de ce rationalisme qui nous permet, à nous autres modernes, d’isoler et d’abstraire de toute ambi
331 est indemne de ce rationalisme qui nous permet, à nous autres modernes, d’isoler et d’abstraire de toute ambiance significat
332 re de toute ambiance significative les objets que nous considérons56. L’un des meilleurs historiens des mœurs médiévales, J.
333 urs historiens des mœurs médiévales, J. Huizinga, nous propose sur ce point des exemples topiques ; celui, entre autres, du
334 stique de l’envergure d’un Henri Suso, le sublime nous semble parfois frôler le ridicule. Il est sublime quand, par piété en
335 nt moderne, que les symboles, pour être valables, dussent être commentés et expliqués d’une manière non symbolique… Une objecti
336 t bien moins tranchées qu’elles ne le seraient de nos jours. Ils chantaient, pour un public en majorité favorable à l’hérés
337 une littérature naissante », et qui au surplus «  doit avoir d’autres causes » qu’on « ne se flatte pas de débrouiller ». (O
338 plus générale, quelle espèce de conscience avons- nous des métaphores que nous utilisons dans nos écrits59 ? Il ne faudrait
339 spèce de conscience avons-nous des métaphores que nous utilisons dans nos écrits59 ? Il ne faudrait pas oublier ce que l’on
340 avons-nous des métaphores que nous utilisons dans nos écrits59 ? Il ne faudrait pas oublier ce que l’on vient de dire sur l
341 n’est donc que sur le double sens allégorique que devrait porter la question… Et enfin toute cette poésie baignait dans l’atmos
342 hère la plus chargée de passions. Les actions que nous rapportent les chroniqueurs du temps sont parmi les plus folles, les
343 lus « surréalistes » qu’ait connues l’histoire de nos mœurs… Qu’on se rappelle ce seigneur jaloux qui tue le troubadour fav
344 et leurs résonances mystiques. « Il est certain —  doit -il avouer — que les idées religieuses d’une époque influent généralem
345 uver dans ses poèmes « des détails qui paraissent nous plonger dans la réalité et que rien n’explique ». Exemples donnés : «
346 ue ! Car trop parler est pis que péché mortel. Or nous avons de ce même Raimbaut d’Orange d’admirables poèmes à la louange d
347 e d’admirables poèmes à la louange de la Dame. Et nous savons par ailleurs que l’anneau (échangé par Tristan et Iseut) est l
348 ssément au refus de l’amour physique. Au surplus, nous verrons plus tard les poèmes de Dante être d’autant plus passionnés e
349 dans le cercle des sodomistes61 ! Mais tout cela nous amène à reconnaître enfin la réelle complexité d’un problème dont nou
350 tre enfin la réelle complexité d’un problème dont nous avons souligné jusqu’ici, non sans une volontaire partialité, l’un de
351 roduit presque toujours des excès luxurieux. Sans nous attarder aux accusations de débauche que beaucoup ont portées contre
352 s — l’on sait au vrai peu de choses de leur vie — nous rappellerons l’exemple des sectes gnostiques, qui condamnaient aussi
353 mes recherches, dans les procédures dressées par nos frères, je n’ai pas trouvé que les hérétiques « consolés » se livrass
354 e sensualité 63. » Retenons donc ceci, qui nuance notre schéma : si les erreurs de la passion — au sens précis que je donne à
355 fois impliquer et expliquer bien davantage. Pour nous faciliter une représentation analogique de ce processus minimum d’ins
356 sur ce mouvement. Supposons l’historien futur de notre civilisation détruite : il a devant les yeux quelques poèmes surréali
357 suffit à démontrer : 1° que le peu de choses que nous savons de la psychanalyse n’autorise pas à faire de cette doctrine la
358 ntraire, la liberté qu’ils exaltent est celle que devaient nier tous les psychanalystes ; 4° qu’enfin l’on distingue mal comment
359 psychiatrique en particulier… Or il se trouve que nous savons exactement, nous autres hommes du xxe siècle, comment toutes
360 lier… Or il se trouve que nous savons exactement, nous autres hommes du xxe siècle, comment toutes ces choses improbables s
361 choses improbables se sont réellement produites ; nous savons que les initiateurs du mouvement surréaliste ont lu Freud et l
362 vement surréaliste ont lu Freud et l’ont vénéré ; nous savons que sans lui, leurs théories et leur lyrisme eussent été tout
363 ies et leur lyrisme eussent été tout différents ; nous savons que ces poètes n’éprouvaient nul besoin et n’avaient pas la po
364 ssibilité de parler de libido dans leurs poèmes ; nous savons même que c’est à la faveur d’une erreur initiale sur la portée
365 raît capital pour l’analogie que je propose) ; et nous savons enfin qu’il a suffi que quelques-uns des chefs de cette école
366 C’est qu’elle mérite un traitement particulier et nous engage dans un nouveau chapitre. 9.Les mystiques arabes Comment
367 dans l’islam, d’une école de mystiques poètes qui devaient avoir plus tard pour principales illustrations al-Hallaj, Al-Ghazali
368 mêmes disputes théologiques se produisirent, qui devaient renaître un peu plus tard dans le Moyen Âge occidental. Elles se comp
369 s pas sans rapport avec la situation courtoise —, nous retrouvons en Occident et dans le Proche-Orient les mêmes problèmes.
370 leur langage symbolique. Al-Hallaj et Sohrawardi devaient même payer de leur vie cette accusation d’hérésie65. Il est bien émou
371 ’appliquent au cas des troubadours, et plus tard, nous le verrons, mutatis mutandis, au cas des grands mystiques occidentaux
372 gélique de l’homme, son vrai moi. Ce qui pourrait nous orienter vers une compréhension nouvelle de ce que nous appelions le
373 rienter vers une compréhension nouvelle de ce que nous appelions le « narcissisme de la passion » (à propos de Tristan, chap
374 eurs des planètes et que visite un roi-chevalier. Nous retrouverons le Château de l’Âme parmi les symboles préférés d’un Ruy
375 d’un nom conventionnel ou senhal, derrière lequel nos érudits s’épuisent à retrouver des personnages historiques… e) La sa
376 isme ? », al-Hallaj répond : « Ne t’attaque pas à Nous , regarde notre doigt que nous avons déjà teint dans le sang des amant
377 allaj répond : « Ne t’attaque pas à Nous, regarde notre doigt que nous avons déjà teint dans le sang des amants. » De plus, l
378  Ne t’attaque pas à Nous, regarde notre doigt que nous avons déjà teint dans le sang des amants. » De plus, les indiscrets s
379 spions) et que le troubadour couvre d’invectives. Nos savants commentateurs ne savent trop que faire de ces encombrants los
380 sement du lyrisme andalou aux xe et xie siècles nous est aujourd’hui bien connu. La prosodie précise du zadjal est celle-l
381 oitiers, dans cinq sur onze des poèmes de lui qui nous restent. Les « preuves » de l’influence andalouse sur les poètes cour
382 pages de citations d’Arabes et de Provençaux dont nos grands spécialistes de « l’abîme qui sépare » auraient parfois peine
383 la crois vitale pour l’Occident moderne, et pour notre conduite morale et religieuse. Je vais donc poser quelques faits, com
384 ettres, le premier grand roman d’amour-passion de notre histoire. Jaufré Rudel va mourir dans les bras de la comtesse de Trip
385 ur, dont je viens de rappeler les manifestations. Nous voici donc devant une réalisation (ou épiphanie dans l’Histoire) du p
386 n (ou épiphanie dans l’Histoire) du phénomène que nous venons d’imaginer au paragraphe précédent. Si nous cherchons à nous r
387 ous venons d’imaginer au paragraphe précédent. Si nous cherchons à nous représenter la situation psychique et éthique de l’h
388 iner au paragraphe précédent. Si nous cherchons à nous représenter la situation psychique et éthique de l’homme en ce temps-
389 n psychique et éthique de l’homme en ce temps-là, nous constatons d’abord qu’il se trouve impliqué bon gré mal gré dans la l
390 ement de l’autorité et des pouvoirs ménage, comme nous l’avons vu, une possibilité nouvelle d’admettre la femme, mais sous l
391 st comme une résultante de tant de confusions qui devaient s’y nouer, qu’apparaît la cortezia, « religion » littéraire de l’Amou
392 fait leur gloire mondaine dans toute l’Europe. Or nous voyons cette religion de l’amour ennoblissant célébrée par les mêmes
393 istent à tenir la sexualité pour « vilaine » ; et nous voyons souvent dans le même poète un adorateur enthousiaste de la Dam
394 74. Chose curieuse, les troubadours chez lesquels nous constatons cette contradiction, ne s’en plaignent pas ! On dirait qu’
395 non pas à comprendre leur vie. Car tous, tant que nous sommes, sans le savoir, menons nos vies de civilisés dans une confusi
396 ous, tant que nous sommes, sans le savoir, menons nos vies de civilisés dans une confusion proprement insensée de religions
397 e superposent ou se combinent à l’arrière-plan de nos conduites élémentaires ; de complexes ignorés mais d’autant plus acti
398 vajroli mudra) qui détruit la Ténèbre du monde et doit être tenu pour le secret des secrets. » Les précisions données par le
399 iate pour obtenir l’état nirvanique. « Autrement, nous rappellent les textes, le dévot devient la proie de la triste loi kar
400 et difficile apprentissage ascétique… Le néophyte doit servir la « femme dévote » pendant les quatre premiers mois, comme un
401 jongleurs besogneux, que les romanistes unanimes nous décrivent comme de purs « rhétoriqueurs82 ». D’Amour, je sais qu’il
402 ion » reste indémontrable « dans l’état actuel de nos connaissances », reste donc incroyable jusqu’à nouvel avis. Je cherch
403 t encore plus surprenant. Sous sa forme connue de nos jours, c’est l’histoire romancée de l’évolution spirituelle qui condu
404 iqués par le « bonhomme » Barlaam. La version qui nous est restée, en provençal du xive siècle, quoique orthodoxe dans les
405 le manichéisme bouddhiste et les hérésies du Midi doit apparaître « hautement fantaisiste et improbable » 7. En lieu et pla
406 esque tous les grands mystiques de l’Occident. Il nous semble parfois se réduire à des fadaises sophistiquées, dans le goût
407 imultanément, et de plusieurs manières. Tout cela nous aide à mieux comprendre — si rien ne suffit à l’« expliquer » — l’amo
408 occidental, le retour d’un Orient symbolique. Il nous devient intelligible par certaines de ses marques historiques : sa re
409 déclarée au concept chrétien du mariage. Mais il nous resterait indifférent s’il n’avait gardé dans nos vies, au travers de
410 ous resterait indifférent s’il n’avait gardé dans nos vies, au travers des nombreux avatars dont nous allons décrire la pro
411 ns nos vies, au travers des nombreux avatars dont nous allons décrire la procession, une virulence intime, perpétuellement n
412 on Remontons maintenant du Midi vers le nord : nous découvrons dans le roman breton — Lancelot, Tristan et tout le cycle
413 di précathare et les Celtes gaéliques et bretons. Nous avons vu que la religion druidique, d’où sont issues les traditions d
414 es plus approfondies sur tous ces points, bornons- nous à remarquer que les romans bretons sont tantôt plus « chrétiens » et
415 ant inspirés de la manière la plus incontestable. Nous ne savons si Chrétien de Troyes a bien compris les lois d’amour que l
416 is d’amour que lui enseignait Marie de Champagne. Nous ne savons dans quelle mesure il a voulu que ses romans fussent des ch
417 les froides aventures s’enchaînent à l’infini », nous dit de ces légendes l’un de leurs meilleurs adaptateurs modernes ! Ai
418 niais, dont le succès demeure incompréhensible à notre esprit si pénétrant et averti. Un peu plus de pénétration nous ferait
419 i pénétrant et averti. Un peu plus de pénétration nous ferait voir au contraire que la vraie barbarie est dans la conception
420 roman breton procède d’une cohérence intime dont nous avons perdu jusqu’au pressentiment. En vérité, tout « signifie », dan
421 .Des mythes celtiques au roman breton Tristan nous apparaît comme le plus purement courtois des romans bretons, en ce se
422 mystères. Dans le cycle des légendes irlandaises, nous trouvons un grand nombre de récits qui racontent le voyage d’un héros
423 , veut revenir. C’est finalement pour mourir »94. Nous avons là l’origine évidente de la première navigation à l’aventure de
424 aisons littéraires. Mais certains traits de mœurs nous incitent à des rapprochements plus précis. On se rappelle que Tristan
425 d de fosterage s’est maintenue en pays celtique : nous trouvons les enfants confiés à des parents nourriciers, à l’égard des
426 puberté, donc au sortir de la maison des hommes, devaient accomplir un exploit (meurtre d’un étranger ou chasse glorieuse) pour
427 iption de la légende, est si nettement sensible à notre cœur qu’il nous met en mesure d’isoler l’élément non celtique, donc p
428 nde, est si nettement sensible à notre cœur qu’il nous met en mesure d’isoler l’élément non celtique, donc proprement courto
429 qui provoqua, au xiie siècle, la constitution de notre mythe. Qu’on lise l’une après l’autre une légende irlandaise et la lé
430 te analogie reste purement formelle. Tout au plus devait -elle favoriser la confusion moderne entre la passion de Tristan et la
431 anches mains est devenue sa femme légitime, il ne doit plus et ne peut plus la désirer : « Jamais il n’eût méprisé le bien q
432 ’analyser le processus de cette métamorphose : il nous échappe doublement, étant poétique et mystique. Mais nous savons main
433 appe doublement, étant poétique et mystique. Mais nous savons maintenant d’où vient le mythe, et où il mène. Et peut-être pr
434 le mythe, et où il mène. Et peut-être pressentons- nous — mais alors c’est intraduisible — comment il peut se recréer dans un
435 s, mais il en fait ce qu’il veut. Il modifie — et nous dressons l’oreille — trois moments décisifs de l’action : a) il met
436 nc », mais consommé. Son long poème inachevé — il nous en reste près de 19 000 vers, mais la mort des amants, quoique annonc
437 et dans cet ordre le mariage. b) La Minnegrotte nous est décrite comme une église, avec une science réelle du symbolisme l
438 our deviennent mieux que possibles : inévitables. Nous n’en sommes pas sortis au xxe siècle, sinon ce livre n’aurait plus d
439 êtaient au projet du poète d’une manière que l’on doit qualifier de proprement congénitale. Dans son essence, dans sa struct
440 er. Et c’est par là que son œuvre agit encore sur nous , plus insidieuse et fascinante pour notre sensibilité que la restaura
441 core sur nous, plus insidieuse et fascinante pour notre sensibilité que la restauration esthétique d’un Bédier. 14.Premièr
442 s troubadours au Nord plus barbare des trouvères, nous sommes en mesure de voir dorénavant dans le chef-d’œuvre de Béroul, T
443 ottfried de Strasbourg, l’aboutissement de toutes nos pérégrinations. Les religions antiques, certaines mystiques du Proche
444 out cela vient sourdement retentir dans le mythe. Nous avons donc rejoint le Roman de Tristan et situé sa nécessité à telle
445 pourra déduire : 1° que la passion, vulgarisée de nos jours par les romans et par le film, n’est rien d’autre que le reflux
446 autre que le reflux et l’invasion anarchique dans nos vies d’une hérésie spiritualiste dont nous avons perdu la clef ; 2° q
447 ue dans nos vies d’une hérésie spiritualiste dont nous avons perdu la clef ; 2° qu’à l’origine de notre crise du mariage, il
448 t nous avons perdu la clef ; 2° qu’à l’origine de notre crise du mariage, il n’y a pas moins que le conflit de deux tradition
449 itions religieuses, c’est-à-dire une décision que nous prenons presque toujours inconsciemment, en toute ignorance de cause,
450 s encourus, en faveur d’une morale survivante que nous ne savons plus justifier. ⁂ Il s’en faut d’ailleurs de beaucoup que l
451 ion et le mythe de la passion n’agissent que dans nos vies privées. La mystique d’Occident est une autre passion dont le la
452 trangement semblable à celui de l’amour courtois. Nos grandes littératures sont pour une bonne partie des laïcisations du m
453 « passionnés » dont l’histoire soit venue jusqu’à nous , c’est Héloïse et Abélard dont la rencontre se situe en 1118, très pr
454 r aimer ceux que tu aimes » (Cardenal) et « Donne- nous d’aimer ceux que Tu aimes » (Prière). Mais il faut également relever
455 s ! Donc l’un des inventeurs de ces « formules ». Nous tenons ici un bel exemple d’anachronisme tendancieux. On veut à tout
456 u reproche d’insincérité fait aux troubadours par nos érudits — reproche lui-même stéréotypé… 60. Mais catholique d’origin
457 massacre systématique d’un peuple, enregistré par notre histoire « chrétienne » de l’Occident. 73. Consoler vient de consol
458 . 87. Le code « exotérique » le plus complet que nous connaissions fut rédigé au commencement du xiiie siècle : c’est le D
459 diverses selon les cultes. Je ne pense pas qu’on doive s’en tenir à une seule interprétation. Il s’est produit toute une sér
460 que le « pont évage » que les chevaliers du Graal doivent traverser n’est autre que le pont Chinvat de la mythologie manichéenn
461 allemande de légendes irlando-écossaises ; il ne doit rien aux influences courtoises. Le Montsalvat des chastes (ou cathare
3 1939, L’Amour et l’Occident (1956). Livre III. Passion et mystique
462 du Roman de Tristan et de ses sources historiques nous a conduit à renverser le rapport. C’est ici la passion mortelle qu’il
463 e à savoir dans quelle mesure ce rapprochement ne nous est pas suggéré par la seule nature du langage. On a remarqué depuis
464 nalogie des réalités qu’ils désignent ? Ne sommes- nous pas jusqu’à un certain point victimes d’une illusion verbale ? d’une
465 arquons tout de suite ce qui le rend inévitable à notre sens. a) S’il n’y avait en jeu, dans le cas de la passion, que des f
466 e quant aux objets qui peuvent la rassasier. Mais nous voyons ici une passion dont la nature est justement de refuser tout c
467 tout ce qui pourrait la satisfaire et la guérir. Nous ne sommes donc pas en présence d’une faim, mais bien d’une intoxicati
468 eu près Schopenhauer. Prenons le problème tel que nous le pose le mythe, et tel qu’il se posait au xiie siècle. C’est en pa
469 re à l’essor de la grande mystique orthodoxe, que nous aurons les meilleures chances de surprendre à l’état naissant la dial
470 zarres »… 2.Tristan : une aventure mystique Nous avons constaté que le Roman de Tristan est, à bien des égards, une pr
471 le drame vient de l’adultère consommé. De là que nous ayons un « roman » selon la formule moderne du genre, et non pas un s
472 r par la suite les conclusions trop téméraires où nous pourrions induire un lecteur non prévenu. Tristan blessé s’embarque s
473 t s’offre à une grâce inconnue. La poésie moderne nous a montré combien d’exemples de ces départs à l’aventure, désespérés m
474 défi à la société constituée ! Est-il beaucoup de nos poètes qui aient trouvé leur « amour mortel » ? Pour certains, tout s
475 oncerner. Survient l’erreur fatale du philtre bu. Nous avons vu, par l’analyse du mythe, que cette fatalité joue le rôle d’u
476 ici106. Normalement, ce premier et décisif appel devrait introduire Tristan dans la voie des macérations et le conduire à l’en
477 oureuse et sauvage ! » Toute une vie de pénitence devra maintenant racheter le sacrilège. Mais le malheur essentiel de cet am
478 du péché. L’ascèse qui rachètera la faute commise doit aussi et surtout délivrer l’homme du fait même d’être né dans ce mond
479 it même d’être né dans ce monde de ténèbres. Elle doit conduire au détachement final et bienheureux, à la mort volontaire de
480 cit de l’« aspre vie » dans la forêt de Morois. «  Nous avons perdu le monde, et le monde nous », gémit Iseut (dans le Roman
481 Morois. « Nous avons perdu le monde, et le monde nous  », gémit Iseut (dans le Roman en prose). Et Tristan de répondre : « S
482 ondre : « Si le monde entier était orendroit avec nous , je ne verrois fors vous seule. » Il s’agit bien d’une endura. Cette
483 ne de ces périodes de jeûne et de macération dont nous connaissons le but chez les cathares : l’absorption de toutes les fac
484 ent d’être présents, il n’y a plus ni prochain ni devoirs , ni liens qui tiennent, ni terre ni ciel : on est seul avec tout ce q
485 ciel : on est seul avec tout ce que l’on aime. «  Nous avons perdu le monde, et le monde nous. » C’est l’extase, la fuite pr
486 on aime. « Nous avons perdu le monde, et le monde nous . » C’est l’extase, la fuite profonde hors de toutes les choses créées
487 s siècles avant Novalis, que dans l’extase, l’âme doit penser « comme s’il n’y avait que Dieu et elle au monde ». A-t-on le
488 e passion d’amour sensuel : mais tout indique que nous sommes ici sur la via mystica des « parfaits ». C’est alors le conten
489 leur objet, mais non leur forme, qui diffère107. ( Nous allons y revenir d’ailleurs un peu plus loin, et de manière à dissipe
490 tions les plus apparemment « mystiques » du Roman doivent être interprétées — si l’on ne veut pas errer gravement à partir de l
491 ui convient pour les grands mystiques.) Ceci dit, nous pouvons retrouver dans le mythe plus d’un aspect des souffrances myst
492 résenter les tourments de l’ascèse purificatrice. Nous avons vu que les séparations des deux amants, dans le Roman, réponden
493 plus il aime, plus il endure de souffrances. Mais nous savons que c’est la souffrance qui est le vrai but de la séparation v
494 ance qui est le vrai but de la séparation voulue… Nous rejoignons alors la situation mystique (par l’autre extrême) : plus T
495 Iseut — l’autre « foi » — l’autre Église dont il doit refuser la communion ! En un seul passage du Roman, l’orthodoxie tri
496 siècles à venir —, les similitudes mystiques que nous venons de dégager ne seraient plus que de l’ordre du langage, et spéc
497 e qu’il fut, pour se mettre à ressembler à ce que nos érudits conçoivent qu’il fut. C’est autant dire qu’on ne comprendrait
498 n breton qui en dérive. C’est à cette origine que notre poésie doit son vocabulaire pseudo-mystique ; et c’est dans ce vocabu
499 en dérive. C’est à cette origine que notre poésie doit son vocabulaire pseudo-mystique ; et c’est dans ce vocabulaire que le
500 s Celtes, donc d’une religion déjà morte, de même notre littérature et nos passions utilisent par abus, et sans le savoir, un
501 religion déjà morte, de même notre littérature et nos passions utilisent par abus, et sans le savoir, un langage dont la se
502 ns valable. Plus d’une fois, l’ambiguïté du mythe nous a fait hésiter en présence de tel épisode : s’agissait-il d’amour pro
503 es fut presque fatalement amené à transposer dans notre vie profane toutes ces allégories trop bien voilées. Il est facile d’
504 différence à son objet vivant et extérieur. Ainsi nous avons vu que Tristan aime Iseut non point dans sa réalité, mais en ta
505 ù venaient ces métaphores ? D’une mystique, comme nous l’avons vu — mais déguisée, persécutée, puis oubliée. À tel point oub
506 anes comme si elles étaient toutes naturelles. Et nous ferons de même ensuite, et nos savants. Notre « science » reste donc
507 es naturelles. Et nous ferons de même ensuite, et nos savants. Notre « science » reste donc valable à condition qu’on chang
508 . Et nous ferons de même ensuite, et nos savants. Notre « science » reste donc valable à condition qu’on change le signe de c
509 des limites de l’humain, finalement irréalisable, devait se traduire, et se trahir d’une manière fatale, par une exaltation en
510 Dieu. Ainsi se dessinent deux grands courants que nous retrouverons dans la mystique universelle. Ils seront d’ailleurs rare
511 dividuels — les seuls valables en ce domaine110 —  nous permettront de préciser tout cela sans excessives simplifications. Il
512 er tout cela sans excessives simplifications. Ils nous permettront d’entrevoir les raisons de ce curieux phénomène : « l’abu
513 mène : « l’abus » du langage amoureux en religion doit être rattaché, historiquement, au courant le plus orthodoxe. J’empru
514 tique hindou Sankara. Ce qui est intéressant pour notre objet, c’est que Rudolf Otto distingue l’Orient de l’Occident en rame
515 l’Agapè, d’une manière assez analogue à celle que nous proposions ci-dessus (voir II, 4). Sankara refuse le monde et le cond
516 s’opposeraient dans les termes mêmes par lesquels nous avons tenté de distinguer la mystique des cathares et la doctrine chr
517 a dixième, est ainsi reproduite dans la bulle : «  Nous nous métamorphosons totalement en Dieu et nous nous convertissons en
518 ième, est ainsi reproduite dans la bulle : « Nous nous métamorphosons totalement en Dieu et nous nous convertissons en lui d
519 « Nous nous métamorphosons totalement en Dieu et nous nous convertissons en lui de la même manière que le pain dans le sacr
520 us nous métamorphosons totalement en Dieu et nous nous convertissons en lui de la même manière que le pain dans le sacrement
521 dans le miroir d’un esprit entièrement purifié. «  Nous contemplons ce que nous sommes et sommes ce que nous contemplons ; ca
522 it entièrement purifié. « Nous contemplons ce que nous sommes et sommes ce que nous contemplons ; car notre essence, sans ri
523 s contemplons ce que nous sommes et sommes ce que nous contemplons ; car notre essence, sans rien perdre de sa propre person
524 us sommes et sommes ce que nous contemplons ; car notre essence, sans rien perdre de sa propre personnalité, est unie à la vé
525 cte la distinction. » Et ailleurs : « L’abîme qui nous sépare de Dieu est perçu de nous au lieu le plus secret de nous-mêmes
526  : « L’abîme qui nous sépare de Dieu est perçu de nous au lieu le plus secret de nous-mêmes. Il est la distance essentielle…
527 Là encore, les textes confirment l’exactitude de notre schéma. C’est bien avec Ruysbroek et sa doctrine de la distinction es
528 des mystiques franciscains, dès le xiiie siècle, nous eût fourni un autre exemple non moins frappant de l’usage des thèmes
529 dans sa jeunesse et qu’il faisait ses délices de nos romans de chevalerie. Il rêvait de devenir le « meilleur chevalier du
530 physique mais symbolique, est encore pratiquée de nos jours par la secte des Doukhobors (« combattants spirituels ») dont l
531 irectes du lyrisme franciscain, lequel à son tour devait influencer si profondément le langage mystique des siècles suivants.
532 . Si plus longtemps tu demeures en cette boue, tu devras rester toujours dans les ténèbres. lit-on dans une des laudes attribu
533 ise chez les mystiques espagnols Si maintenant nous parcourons les textes des grands mystiques espagnols, sainte Thérèse
534 hérèse et saint Jean de la Croix au xvie siècle, nous y retrouvons, jusque dans ses nuances les plus précieuses, la rhétori
535 ui tiendrait décidément trop de place123, bornons- nous à énumérer les principaux thèmes communs aux troubadours et aux mysti
536 lusions des savants du xixe siècle sont devenues nos préjugés courants. Mais sans compter que le jugement matérialiste sur
537 eux, le mieux connu, et celui qui a le plus égaré nos savants, le fait est que sainte Thérèse utilise constamment, et même
538 expliquer en partie sur la base des remarques que nous faisions au précédent chapitre ? « Comment savoir, écrit J. Baruzi, s
539 ecomposée126 ? » Je ne pense pas que personne, de nos jours, soit en mesure de trancher toutes ces questions. Les spécialis
540 e termes précis dont Jean de la Croix fait usage. Nous pouvons cependant, pour sainte Thérèse, retrouver quelques sources ce
541 un en collaboration avec son frère Rodrigue127. » Nous savons d’autre part que les auteurs religieux dont elle faisait sa no
542 cle, le langage érotique était plus innocent qu’à nos yeux. C’est nous qui sommes des névrosés, héritiers du « puritanisme 
543 érotique était plus innocent qu’à nos yeux. C’est nous qui sommes des névrosés, héritiers du « puritanisme » embourgeoisé d’
544 es auraient pu s’exprimer d’une autre manière. Vu notre grossièreté, je ne serais pas surprise que cela nous vînt à l’esprit.
545 e grossièreté, je ne serais pas surprise que cela nous vînt à l’esprit. J’ai même entendu dire à certaines personnes qu’elle
546 qu’elles évitaient de les entendre. Ô Dieu ! que notre misère est grande ! Il nous arrive comme à ces animaux venimeux qui c
547 tendre. Ô Dieu ! que notre misère est grande ! Il nous arrive comme à ces animaux venimeux qui changent en poison tout ce qu
548 uysbroek, d’une Thérèse et d’un Jean de la Croix, nous pouvons maintenant tirer cette conclusion : la nature des métaphores
549 assion. Usage et abus dont la psychologie moderne devait nécessairement tirer des conclusions conformes à son bon sens, mais q
550 exemple, dans le cas du langage mystique : sommes- nous en présence d’une matérialisation du spirituel — et celui-ci serait a
551 n donnera, une chose demeure certaine : c’est que nous sommes en présence de deux facteurs qui n’existent jamais l’un sans l
552 s la douleur que dans le goût du sel, mais ce que nous désignons dans l’un et l’autre par le même mot, c’est une même manièr
553 les sens, soit par la pensée, dans la totalité de notre existence. Ainsi de nos métaphores amoureuses. Le moderne n’hésite pa
554 ée, dans la totalité de notre existence. Ainsi de nos métaphores amoureuses. Le moderne n’hésite pas à tenir ce raisonnemen
555 e mystique est une érotomane qui s’ignore. » Mais nous avons vu que sainte Thérèse n’ignore rien, et qu’au contraire, les am
556 s qui s’ignorent… Ainsi les arguments s’annulent. Nous ne savons rien des origines premières. Ce que nous avons pu dégager,
557 ous ne savons rien des origines premières. Ce que nous avons pu dégager, c’est uniquement le jeu des deux facteurs dans l’év
558 Résumons-le encore une fois, pour plus de clarté. Notre langage passionnel nous vient de la rhétorique des troubadours. Rhéto
559 is, pour plus de clarté. Notre langage passionnel nous vient de la rhétorique des troubadours. Rhétorique ambiguë par excell
560 l’homme en tant qu’esprit. C’est ce fait seul qui nous permet de parler. Qu’est-ce que le langage en effet ? Le pouvoir de m
561 se peut que les épigones des grands mystiques133 nous apparaissent parfois comme des érotomanes qui s’ignorent. Mais il est
562 ’érotomanie est une forme d’intoxication, et tout nous prouve que les Eckhart, Ruysbroek, Thérèse, Jean de la Croix, sont ex
563 ative par excellence, la meilleure discipline qui nous permette de transcender l’amour-passion jusque dans ses formes sublim
564 e veulent pas que le Jour parfait se communique à nous au travers de la vie. (Ils ne croient pas l’humanité du Christ.) Ils
565 ue la Nuit, c’est la Colère de Dieu — répondant à notre révolte — et non pas l’œuvre d’un obscur démiurge. (Telle est du moin
566 « enthousiaste », la joy d’amor des troubadours, devait fatalement aboutir à la passion humaine malheureuse. Cet amour imposs
567 es grandes littératures, du xiiie siècle jusqu’à nous , c’est l’histoire de la déchéance du mythe courtois dans la vie « pro
568 oté J. Baruzi (Saint Jean de la Croix, p. 613) si nous tentions de prendre une vue générale des diverses mystiques connues,
569 ses mystiques connues, « l’expérience mystique ne nous semblerait d’un type homogène que dans la mesure où elle serait banal
570 a mesure où elle serait banale, dans la mesure où nous échouerions à la saisir. » 111. Gotha 1929. Seul le livre célèbre de
571 r servirait d’argument contre la thèse d’Otto, et nous induirait à ranger Maître Eckhart parmi les hérétiques. 117. Un trou
572 Fioretti sous une forme narrative consacrée, qui devait évidemment souligner le parallélisme, avec la chevalerie, aux yeux de
4 1939, L’Amour et l’Occident (1956). Livre IV. Le mythe dans la littérature
573 bien être son action ? L’architecture, au moins, nous pouvons l’habiter, mais là n’est pas son caractère d’art. De même pou
574 agi sur les mœurs de l’Europe, c’est à coup sûr à notre mythe qu’elle le doit. D’une manière plus précise : c’est à la rhétor
575 Europe, c’est à coup sûr à notre mythe qu’elle le doit . D’une manière plus précise : c’est à la rhétorique du mythe, héritag
576 uelque pouvoir magique des sons et du langage sur nos actes. L’adoption d’un certain langage conventionnel entraîne et favo
577 En esquissant la courbe de la mystique classique, nous avons pu décrire une assomption du mythe. C’était la voie montante et
578 mption du mythe. C’était la voie montante et elle nous a conduits à une dissolution libératrice du « charme ». La littératur
579 e, ou pour mieux dire : sa « profanation135 » que nous allons décrire maintenant. 2.Les deux Roses Le meilleur point d
580 2.Les deux Roses Le meilleur point de départ nous est donné par le Roman de la Rose, écrit entre les années 1237 et 128
581 aire, allant parfois jusqu’à un communisme total. Nous retrouvons cet ensemble de traits non seulement chez les frères du Li
582 rent ou ne voulurent les anéantir totalement : de nos jours, on retrouve çà et là des communautés mennonites mêlées d’éléme
583 induire à des rapprochements souvent troublants : nous l’avons vu à propos des mystiques. Mais en l’absence de preuves presq
584 écrivait. Ce procédé, bientôt ressenti comme tel, devait engendrer normalement une réaction dite « réaliste ». Double mouvemen
585 iste ». Double mouvement dont le Roman de la Rose nous donne l’illustre témoignage. La Rose de Guillaume de Lorris — dans la
586 se mystique, mais un raffinement de l’esprit, qui doit amener l’amant à mériter le don. Au contraire, pour Jean de Meung, qu
587 ne de ces parties aura sa descendance. De Lorris, nous irons par Dante — qui peut-être le traduisit — jusqu’à Pétrarque et b
588 lle bien proche d’une vision chrétienne réaliste. Nous aurons l’occasion d’y revenir.) 3.Sicile, Italie, Béatrice et Symb
589 lumière, trompeuse à force d’évidence. Maintenant nous pouvons distinguer les thèmes que le trobar mêlait dans la naïve tran
590 Guido Guinizelli en parle comme du principe de «  notre foi » : Elle passe par le chemin, si pleine de grâce et de noblesse q
591 quel elle donne son salut] et, s’il n’est déjà de notre foi, l’y amène. Faut-il penser que Dante n’est qu’un blasphémateur lo
592 Saints implorent cette faveur. Seule, Pitié prend notre parti, car Dieu dit, et c’est de ma Dame qu’il entend parler : — Mes
593 ous aient pu recevoir la Vie nouvelle138 ? Ce qui doit paraître ici-bas blasphématoire, c’est l’équivoque malgré tout mainte
594 ec cette conclusion : Ce fauve, à mon avis, c’est nous  ; ses petits, qu’un chasseur lui a pris, ce sont les vertus, et le ch
595 nt les vertus, et le chasseur c’est le démon, qui nous fait voir ce qui n’est pas. De là vient que bien des hommes ont péri
596 x charmes du miroir et de la rhétorique profanée. Nous allons voir Pétrarque se laisser prendre « à ce qui n’est pas », c’es
597 chose mortelle avec une foi Qui à Dieu seul est due et à lui seul convient… « Tout le monde, et sur le moindre rocher q
598 rdinaire, incendiaire, solaire139. » Voilà ce qui doit étonner chez Pétrarque : cette inoubliable passion animant pour la pr
599 ue du cœur humain. Cette « profanation » radicale doit faire naître, on a vu pourquoi (au livre II), une poésie plus adéquat
600 rouve sans gouvernail en haute mer. (Sonnet 132) Nous connaissons bien cette barque — où comme l’autre il emporte sa lyre —
601 chose mortelle, avec une foi qui à Dieu seul est due et à lui seul convient est plus interdit à qui plus désire honneur !
602 la loi chrétienne —, c’est la secrète volonté qui devait donner naissance au mythe. Mais la confusion de la foi, « qui à Dieu
603 ais la confusion de la foi, « qui à Dieu seul est due et à lui seul convient », avec l’amour d’« une chose mortelle », en f
604 te confusion — non de la doctrine orthodoxe — que devait résulter l’opposition tragique du corps et de l’âme. C’est la tendanc
605 ée érotique, pour acquérir une valeur de culture, doit être stylisée. Elle doit représenter la réalité complexe et pénible s
606 r une valeur de culture, doit être stylisée. Elle doit représenter la réalité complexe et pénible sous une forme simplifiée
607 t ses derniers chants à la louange de la Vierge —  Notre Dame opposée à « ma » dame — mais sans varier le moins du monde ses l
608 Amadis portugais (puis espagnols, puis français) nous offrent le meilleur exemple au xve et au xvie siècles. Par un phéno
609 ge moderne. Et en Irlande, elles vivent encore de nos jours. Je ne puis examiner ici le problème des rapports entre ce fond
610 les fées, sans trace de scepticisme ou d’ironie. Nous ne savons presque rien de Shakespeare — mais nous avons le Songe d’un
611 Nous ne savons presque rien de Shakespeare — mais nous avons le Songe d’une Nuit d’été. Et l’on dit qu’il était catholique —
612 d’été. Et l’on dit qu’il était catholique — mais nous avons Roméo et Juliette qui est la seule tragédie courtoise, et la pl
613 le un instant déchiré, ne laissant au souvenir de nos yeux que l’image négative d’un éclat, « le soleil noir de la mélancol
614 -même d’horreur et de divinité auquel s’adressent nos plus beaux poèmes ; ressuscité d’un coup dans sa pleine stature, comm
615 ! chère Juliette Pourquoi es-tu si belle encore ? Dois -je penser Que la mort non substantielle est amoureuse Et que le monst
616 t le Prince, rendu à son règne sévère : Ce matin nous apporte une paix assombrie… Séparons-nous pour nous entretenir encor
617 e matin nous apporte une paix assombrie… Séparons- nous pour nous entretenir encor de ces tristesses151. ⁂ Il est certain qu
618 us apporte une paix assombrie… Séparons-nous pour nous entretenir encor de ces tristesses151. ⁂ Il est certain que Milton q
619 me : n’est-ce point la même et unique hérésie que nous trouvons partout et en tous temps à l’origine du grand lyrisme passio
620 sir procède des principes intellectuels, et qu’il doit nous purger de notre mauvais désir, de la sensualité, péché majeur. E
621 rocède des principes intellectuels, et qu’il doit nous purger de notre mauvais désir, de la sensualité, péché majeur. Et Flu
622 cipes intellectuels, et qu’il doit nous purger de notre mauvais désir, de la sensualité, péché majeur. Et Fludd, son maître e
623 me un « remède contre l’incontinence ».) Aussi ne devait -elle point favoriser les confusions extrêmes de la chair et de l’espr
624 rtant ses charmes ne sont point inégaux à ceux de nos récents romans féeriques. Et la psychologie des écrivains français n’
625 fer. « Cette bonne femme, écrit-il tristement, a me prendre pour un apprenti serrurier. » ⁂ En vérité je me sens fort
626 ci c’est l’art et non « la vie » qui mène le jeu. Nous sommes en face d’une création de l’esprit, et non d’une confusion de
627 isme qui lui fit un succès était mieux averti que le nôtre . Mais aussi ce caractère d’achèvement nous permet de poser une questi
628 ue le nôtre. Mais aussi ce caractère d’achèvement nous permet de poser une question nette : que vaut le succès même de l’eff
629 u’on nomme l’intérêt civique comme il apparaît de nos jours ? Alors que les mystiques et les religions prennent au contrair
630 silence et à l’oubli, jusque dans les manuels de notre siècle, la féerie romanesque née de l’Astrée, et le roman comique, so
631 cœur même d’un ordre intolérant — que la passion devait trouver sa revanche la plus éclatante. On connaît le curieux sujet de
632 la tirade : les premiers vers suffisent à attirer notre méfiance. Quoi, c’est le bonheur qui serait fatal au repos de cet étr
633 ns plutôt qu’on voit trop bien ce qu’il essaie de nous dissimuler. Lui aussi, il ne veut que « brûler » ! Mais il ne peut l’
634 iments vulgaires ? Il le prend de haut : méfions- nous . C’est qu’il se dispose à mentir. Il ne faut point servir d’objet qu
635 se à mentir. Il ne faut point servir d’objet qui nous possède ; Il ne faut point nourrir d’amour qui ne nous cède : Je le h
636 possède ; Il ne faut point nourrir d’amour qui ne nous cède : Je le hais s’il me force : et quand j’aime, je veux Que de ma
637 la passion. Mais la suite de la comédie, même si nous ignorions les ruses du mythe, nous ferait bien voir que la vraie volo
638 médie, même si nous ignorions les ruses du mythe, nous ferait bien voir que la vraie volonté du personnage est exactement op
639 clarations. « Il ne faut point servir d’objet qui nous possède » signifie en réalité : « Le seul objet qui vaille d’être ser
640 ul objet qui vaille d’être servi, c’est celui qui nous posséderait totalement et qui, par sa fuite même, nous enflammerait s
641 posséderait totalement et qui, par sa fuite même, nous enflammerait sans cesse davantage — car c’est là notre gré véritable.
642 enflammerait sans cesse davantage — car c’est là notre gré véritable. » Les deux derniers mots : « … et l’éteindre » étant p
643 us que j’ai appris que l’amour d’un honnête homme doit être toujours volontaire ; qu’on ne doit jamais aimer en un point qu’
644 te homme doit être toujours volontaire ; qu’on ne doit jamais aimer en un point qu’on ne puisse n’aimer pas ; que, si on vie
645 t secouer le joug ; et qu’enfin la personne aimée nous a beaucoup plus d’obligation de notre amour, alors qu’elle est toujou
646 rsonne aimée nous a beaucoup plus d’obligation de notre amour, alors qu’elle est toujours l’effet de notre choix et de son mé
647 otre amour, alors qu’elle est toujours l’effet de notre choix et de son mérite, que quand elle vient d’une inclination aveugl
648 t forcée par quelque ascendant de naissance à qui nous ne pouvons résister… On ne donne point ce qu’on ne saurait nous refus
649 s résister… On ne donne point ce qu’on ne saurait nous refuser. » Voici qui est bel et bon. Mais nous n’oublions pas que ce
650 it nous refuser. » Voici qui est bel et bon. Mais nous n’oublions pas que ce refus de la contrainte fatale, cette liberté qu
651 trouvent malgré eux dans l’état de mariés, à quoi notre héros veut échapper non pour l’amour de la liberté — qu’il allègue —
652 le pouvoir, Fît d’un amour par force un amour par devoir . C’est le plus pur langage courtois. Mais voyez la curieuse contradi
653 rd, tout en feignant de s’en étonner, comme il se doit , dans un Examen de sa pièce : « Cet amour de son repos n’empêche poin
654 il, une inégalité de mœurs qui est vicieuse. » Ne nous étonnons point de cet aveuglement de l’auteur sur son dessein réel, p
655 à chef. L’essence du mythe de l’amour malheureux, nous le savons, c’est une passion inavouable. L’originalité de Corneille d
656 érir. D’où la tension inégalée de ce « théâtre du devoir  » — comme le récitent et le réciteront toujours ceux qui ne sont guèr
657 malheureux. Ainsi devient-elle la formule même de notre mythe. Mais Racine, dans ses premières pièces, raccourcit la portée d
658 u mythe, son aspect diurne, son reflet moral dans notre vie de créatures finies. Il y manque l’aspect nocturne, l’épanouissem
659 ’atteindre cette limite, un Racine se condamne et nous condamne à goûter une mélancolie de nature essentiellement trouble. L
660 essentiellement trouble. L’Éros courtois voulait nous libérer de la vie matérielle par la mort ; et l’Agapè chrétienne veut
661 s » par Racine, cette « tristesse » à laquelle il nous invite à prendre on ne sait quel « plaisir », cela révèle en définiti
662 oup plus d’indignation que de pitié. J’ai cru lui devoir donner quelque faiblesse qui le rendrait un peu coupable envers son p
663 voilé de l’amour incestueux155. (La psychanalyse nous a accoutumés à des déguisements plus savants !) Mais ce n’est pas l’i
664 me coup, à celle de l’auteur. Ah ! Seigneur ! si notre heure est une fois marquée Le ciel de nos raisons ne sait point s’inf
665  ! si notre heure est une fois marquée Le ciel de nos raisons ne sait point s’informer. (I, 1) Ce n’est pas ce ciel-là qu’
666 st à partir de ce xviie siècle « rationnel » que nos mœurs se séparent des croyances religieuses (comme l’avait proposé Co
667 es rationnelles de qualités, mérites et facultés, devait -elle aboutir nécessairement à la dissolution du mythe et de son dynam
668 tique : si la cause extérieure est un Dieu auquel notre âme pourrait s’identifier157. Mais Spinoza néglige « l’obstacle ». Da
669 ais Spinoza néglige « l’obstacle ». Dans le fait, nos passions humaines sont toujours liées à des passions contraires, notr
670 es sont toujours liées à des passions contraires, notre amour toujours lié à notre haine, et nos plaisirs à nos douleurs. Il
671 s passions contraires, notre amour toujours lié à notre haine, et nos plaisirs à nos douleurs. Il n’est pas de cause isolée q
672 aires, notre amour toujours lié à notre haine, et nos plaisirs à nos douleurs. Il n’est pas de cause isolée qui nous déterm
673 our toujours lié à notre haine, et nos plaisirs à nos douleurs. Il n’est pas de cause isolée qui nous détermine purement. E
674 à nos douleurs. Il n’est pas de cause isolée qui nous détermine purement. Entre la joie et sa cause extérieure il y a toujo
675 uelque obstacle : la société, le péché, la vertu, notre corps, notre moi distinct. Et de là vient l’ardeur de la passion. Et
676 le : la société, le péché, la vertu, notre corps, notre moi distinct. Et de là vient l’ardeur de la passion. Et de là vient q
677 e la passion n’existe pas sans la douleur qu’elle nous rend désirable notre perte. Écoutons la Religieuse portugaise, Marian
678 e pas sans la douleur qu’elle nous rend désirable notre perte. Écoutons la Religieuse portugaise, Mariana Alcaforado, comme e
679 ne autre femme qui dira : « Je vous aime comme on doit aimer : dans le désespoir » (Julie de Lespinasse). ⁂ Mais le xviiie
680 plus tard, le sang coulera sous la Terreur ; mais nous n’en sommes encore qu’à la « guerre en dentelles ».) Or ce siècle de
681 era toujours la réaction cynique contre le mythe. Nous en avons donné plus d’un exemple. Le xviiie est trop poli pour admet
682 que l’on vient de considérer, l’éclipse du mythe devait faire apparaître l’antithèse absolue de Tristan. Si Don Juan n’est pa
683 parce qu’il n’est pas assez pour avoir… Mais cela nous entraînerait à quelques développements qu’il vaut mieux réserver pour
684 évolte. C’est dans les Crimes de l’amour que Sade nous parle de son admiration pour la poésie de Pétrarque. Admiration tradi
685 iger l’objet, détruisons-le par des tortures d’où nous tirerons encore quelque plaisir, et cela fait partie de notre ascèse 
686 ns encore quelque plaisir, et cela fait partie de notre ascèse ! Une fureur dialectique s’empare de Sade. Le meurtre seul peu
687 meurtre de ce qu’on aime, puisque c’est cela qui nous enchaîne. On ne tue bien que son amour, parce que lui seul est souver
688 ssiner chaque siècle des millions d’individus, et nous , faibles et malheureux particuliers, nous ne pourrons pas sacrifier u
689 dus, et nous, faibles et malheureux particuliers, nous ne pourrons pas sacrifier un seul être à nos vengeances ou à nos capr
690 rs, nous ne pourrons pas sacrifier un seul être à nos vengeances ou à nos caprices ? Est-il rien de si barbare, de si ridic
691 pas sacrifier un seul être à nos vengeances ou à nos caprices ? Est-il rien de si barbare, de si ridiculement étrange, et
692 de si barbare, de si ridiculement étrange, et ne devons -nous pas, sous le voile du plus profond mystère, nous venger amplemen
693 barbare, de si ridiculement étrange, et ne devons- nous pas, sous le voile du plus profond mystère, nous venger amplement de
694 -nous pas, sous le voile du plus profond mystère, nous venger amplement de cette ineptie ? » (C’est moi qui ai souligné.) Si
695 e. L’Héloïse qui vécut au xiie siècle163 et dont nous possédons les lettres à Abélard, évoque Iseut, Juliette et Mlle de Le
696 ros et de l’Agapè. « La vertu est si nécessaire à nos cœurs que, quand on a une fois abandonné la véritable, on s’en fait e
697 nt plus fortement peut-être, parce qu’elle est de notre choix. » Toutefois, l’on n’a pas tort d’attribuer au « climat » de la
698 reprendre, à propos de la Nouvelle Héloïse, toute notre exégèse de Tristan, notre dialectique de l’obstacle. Il y a pourtant
699 Nouvelle Héloïse, toute notre exégèse de Tristan, notre dialectique de l’obstacle. Il y a pourtant cette différence capitale
700 rarque et l’Astrée jusqu’à la tragédie classique, nous avons vu le mythe se dégrader, s’humaniser, s’analyser en éléments de
701 n de Rousseau, qui naît comme en marge du siècle, nous allons parcourir le même chemin en sens inverse : par Werther, cette
702 ser les innombrables manifestations du mythe dans nos littératures, surtout modernes, mais seulement de poser des jalons et
703 t de prendre figure d’arguments, à cet endroit de notre voyage, du seul fait de leur trop parfaite convenance à nos définitio
704 , du seul fait de leur trop parfaite convenance à nos définitions du mythe…) Lettre de Diotima à Hölderlin : Hier soir, j
705 st si vrai !) Voilà le seul accomplissement. Mais nous avons des devoirs sacrés en ce bas monde. Il ne nous reste plus rien
706 oilà le seul accomplissement. Mais nous avons des devoirs sacrés en ce bas monde. Il ne nous reste plus rien que la confiance l
707 s avons des devoirs sacrés en ce bas monde. Il ne nous reste plus rien que la confiance la plus parfaite l’un dans l’autre e
708 toute-puissante divinité de l’Amour qui à jamais nous guidera, invisible, et renforcera sans cesse notre union166. Journ
709 nous guidera, invisible, et renforcera sans cesse notre union166. Journal intime de Novalis : Lorsque j’étais sur le tombe
710 r, c’est qu’on ne veut plus aimer. Celui qui aime devra ressentir éternellement le vide qui l’environne, et garder sa blessur
711 erve cette douleur qui m’est indiciblement chère… Notre engagement n’était pas pris pour ce monde… Maximes de Novalis : To
712 est conclue même pour la mort est un mariage qui nous donne une compagne pour la Nuit. C’est dans la mort que l’amour est l
713 tes qui rendent un son proprement manichéen : On doit séparer Dieu et la Nature, Dieu n’a rien à faire avec la Nature, il e
714 t le but de la Nature, l’élément avec lequel elle doit un jour s’harmoniser. Nous sommes des esprits émanés de Dieu, des ger
715 ément avec lequel elle doit un jour s’harmoniser. Nous sommes des esprits émanés de Dieu, des germes divins. Un jour nous de
716 sprits émanés de Dieu, des germes divins. Un jour nous deviendrons ce que notre Père est lui-même167. Et dans les Hymnes à
717 es germes divins. Un jour nous deviendrons ce que notre Père est lui-même167. Et dans les Hymnes à la Nuit, où l’Éros ténébr
718 troitement à toi, et que dure alors éternellement notre nuit nuptiale ! Et l’on devrait citer toutes les œuvres de Tieck, dé
719 lors éternellement notre nuit nuptiale ! Et l’on devrait citer toutes les œuvres de Tieck, définissant l’amour comme « une mal
720 ses amis : Elle aussi, l’ère du Christ, que Dieu nous voile, Passera, la Nouvelle Alliance sera rompue ; Alors nous concevr
721 Passera, la Nouvelle Alliance sera rompue ; Alors nous concevrons Dieu comme l’Esprit. Alors se célébrera l’Alliance éternel
722 nvocation : « Levez-vous vite, orages désirés qui devez emporter René dans les espaces d’une autre vie », c’est le chant pur
723 ridicule : « Voilà donc à quel degré de puérilité notre superbe raison peut descendre ! » Et c’est la « superbe raison » qui
724 ni se dissoudre, ni se posséder ni être possédé. Nous savions que Tristan n’aimait pas Iseut pour elle-même, mais seulement
725 stre et finie, et le désir d’une transgression de nos limites, mortelle mais divinisante. Rares sont toutefois les romantiq
726 cide) c’est tantôt le mariage et l’honneur, ou le devoir social, ou la vertu, ou le secret mélancolique de l’amant, ou quelque
727 illeurs une société des plus sceptiques, Stendhal nous offre un exemple parfait pour l’analyse de la profanation du mythe. V
728 eux de l’auteur. La théorie de la cristallisation doit l’expliquer. « Ce que j’appelle cristallisation, c’est l’opération de
729 émotion qu’elles excitent. » Voilà qui est vrai : nous aimons la douleur, et le bonheur nous ennuie un peu… Cela vous paraît
730 est vrai : nous aimons la douleur, et le bonheur nous ennuie un peu… Cela vous paraît tout naturel ? Et pourtant un Hindou,
731 rec ressuscité ne s’en étonnerait pas moins. D’où nous viennent donc ce goût et ce dégoût bizarres ? Ne sont-ils pas contre
732 r, « Ce phénomène, dit-il, vient de la nature qui nous commande d’avoir du plaisir et qui nous envoie le sang au cerveau. »
733 ature qui nous commande d’avoir du plaisir et qui nous envoie le sang au cerveau. » Voilà donc le jugement obscurci, et qui
734 s avant son enquête. Qu’est-ce que ce livre qu’il nous laisse ? Le témoignage d’une inquiétude qu’éprouve l’esprit lucide de
735 la Minne suprême inspire à Brangaine l’erreur qui doit sauver l’Amour. Au philtre de mort, elle substitue le breuvage d’init
736 que dans la forme de l’opéra. Si Mozart et Wagner nous ont donné les chefs-d’œuvre du drame musical, c’est en vertu, de l’af
737 ut des Tess d’Urberville et Jude l’Obscur ; et de nos jours les romans platonisants d’un Charles Morgan. ⁂ Mais les chefs-d
738 rles Morgan. ⁂ Mais les chefs-d’œuvre, désormais, nous en apprennent moins sur la descente du mythe dans les mœurs, que les
739 âtre à succès, enfin le film. Le vrai tragique de notre époque est diffus dans la médiocrité. Le vrai sérieux dès lors, impli
740 prit répugne encore à mesurer. L’envahissement de nos littératures, tant bourgeoises que « prolétariennes », par le roman,
741 r s’entend, traduit exactement l’envahissement de notre conscience par le contenu totalement profané du mythe. Celui-ci cesse
742 clé et ce but, la passion dont le besoin revient nous tourmenter n’est plus qu’une maladie de l’instinct, rarement mortelle
743 -guerre détient une signification plus riche pour notre objet. La bourgeoisie du Second Empire eut le mérite de faire une der
744 eux-guerres. C’était l’époque du happy end : tout devait aboutir au long baiser final sur fond de roses ou de tentures luxueus
745 ant une heure ou deux le roman pourra rebondir et notre cœur haleter, et c’est ce que nous cherchons. Mais l’obstacle signifi
746 a rebondir et notre cœur haleter, et c’est ce que nous cherchons. Mais l’obstacle signifie, à la limite, la mort, le renonce
747 le renoncement aux biens terrestres. C’est ce que nous ne voulons plus, dès que cela nous devient clair. Il s’agit donc de s
748 . C’est ce que nous ne voulons plus, dès que cela nous devient clair. Il s’agit donc de supprimer l’obstacle à temps, ce qui
749 ier. L’ambiguïté du langage mystique de l’hérésie devait faire naître, dès le xiiie siècle, une rhétorique profane de la pass
750 sensuelle de Boccace, le romantisme a provoqué de nos jours une révolte qui se veut « primitive ». Ce n’est plus le sentime
751 e, un Caldwell, et leurs imitateurs. Voici ce que nous disaient ces hommes : « Nous en avons assez de souffrir pour des idée
752 ateurs. Voici ce que nous disaient ces hommes : «  Nous en avons assez de souffrir pour des idées, des idéaux, des petites hy
753 mes adultères, et vos femmes desséchées de vertu, nous ont gâté la joie de vivre. Nous nous vengerons de vos « divines ». La
754 séchées de vertu, nous ont gâté la joie de vivre. Nous nous vengerons de vos « divines ». La femme est d’abord une femelle.
755 es de vertu, nous ont gâté la joie de vivre. Nous nous vengerons de vos « divines ». La femme est d’abord une femelle. Nous
756 os « divines ». La femme est d’abord une femelle. Nous la ferons se traîner sur le ventre vers le mâle dominateur179. Au lie
757 dominateur179. Au lieu de chanter la courtoisie, nous chanterons les ruses du désir animal, l’emprise totale du sexe sur l’
758 exe sur l’esprit. Et la grande innocence bestiale nous guérira de votre goût du péché, cette maladie de l’instinct génésique
759 nésique. Ce que vous appelez morale, c’est ce qui nous rend méchants, tristes et honteux. Ce que vous appelez l’ordure, voil
760 . Ce que vous appelez l’ordure, voilà ce qui peut nous purifier. Vos tabous sont des sacrilèges contre la vraie divinité, qu
761 ntique, aux origines profondes d’un mouvement que nous n’avons plus à étudier ni à convaincre. Disons pour fixer les idées q
762 le flux cosmique de l’instinct, c’est l’idéal de nos poètes du primitivisme solaire, mais la pratique de cette croyance n’
763 pratique de cette croyance n’est pas de nature à nous tromper un seul instant : il n’y a pas de « belles » brutes, il y a d
764 . Ce que l’on appelle hérédité, dans le jargon de notre siècle, ce que l’Église appelle péché originel, cela désigne la perte
765 ne la perte irrémédiable du contact immédiat avec nos origines. Et dès lors, redescendre au-dessous de nos morales, ce n’es
766 origines. Et dès lors, redescendre au-dessous de nos morales, ce n’est pas nous libérer de leurs interdictions, mais nous
767 descendre au-dessous de nos morales, ce n’est pas nous libérer de leurs interdictions, mais nous livrer à une folie qui répu
768 est pas nous libérer de leurs interdictions, mais nous livrer à une folie qui répugnerait aux bêtes fauves. Descendre au-des
769 ar l’esprit (même si l’esprit, comme je le crois, nous engageait dans les voies irréelles) ce n’est pas revenir au réel, mai
770 ation intoxiquée. L’« authentique » dont le désir nous obsède, nous ne pourrons pas le retrouver. Il n’est pas au terme d’un
771 uée. L’« authentique » dont le désir nous obsède, nous ne pourrons pas le retrouver. Il n’est pas au terme d’un mouvement d’
772 son revolver contre l’esprit sous prétexte qu’il nous a trompés180. Agir, en vérité, c’est accepter les conditions qui nous
773 gir, en vérité, c’est accepter les conditions qui nous sont faites, dans le conflit de l’esprit et de la chair ; et c’est te
774 ropagation de l’espèce et à la guerre, la société devait la persécuter. Ce fut Rome qui porta le fer et le feu dans les provin
775 . Traquée, refoulée et désorganisée, l’hérésie ne devait pas tarder à se dénaturer de mille manières. Les confusions qu’elle f
776 ui, restait une rhétorique. Elle pouvait exprimer nos instincts naturels, mais non sans les dévier, tout insensiblement, ve
777 des cultures, que la littérature a exercé jusqu’à nos jours sur l’élite et plus tard sur les masses. Toutefois, le classici
778 tre ordre d’ailleurs — le contenu du mythe inonda notre vie quotidienne. Nous ne savions plus ce que signifiait cette diffuse
779 le contenu du mythe inonda notre vie quotidienne. Nous ne savions plus ce que signifiait cette diffuse exaltation de l’amour
780 e signifiait cette diffuse exaltation de l’amour. Nous la prenions pour un printemps de l’instinct et pour une renaissance d
781 éraires, aboutisse à cette analyse marécageuse de nos doutes et de notre vide ? Que signifie cette libération qui nous lais
782 e à cette analyse marécageuse de nos doutes et de notre vide ? Que signifie cette libération qui nous laisse tellement démuni
783 de notre vide ? Que signifie cette libération qui nous laisse tellement démunis devant la propagande des butors ? Ne voit-on
784 Serait-ce la fin du romantisme ? Le spectacle de nos mœurs n’autorise pas cette conclusion. Car la crise actuelle du maria
785 on » et déjà s’exalte en « mystiques ». C’est que nous sommes devenus incapables de faire la part du feu, d’ordonner nos dés
786 us incapables de faire la part du feu, d’ordonner nos désirs, de distinguer leur nature et leur fin, d’imposer une mesure à
787 rre. Et j’insisterai sur cet exemple symbolique : nous ne faisons plus de « déclarations d’amour » dans le même temps que no
788 e « déclarations d’amour » dans le même temps que nous admettons la guerre sans « déclaration » préalable. Nous revenons au
789 mettons la guerre sans « déclaration » préalable. Nous revenons au stade du rapt, du viol, mais sans les rites qui accompagn
790 un domaine en apparence fort étranger à ceux que nous venons de parcourir : dans l’évolution de la guerre et de ses méthode
791 s le cas précis de Gottfried de Strasbourg. 150. Nous avons déjà relevé l’influence de cette littérature sur sainte Thérèse
792 ppolyte parlant d’Aricie, acte Ier, scène 1re : «  Dois -je épouser ses droits contre un père irrité ? » 156. La confession d
793 uième acte. 157. Nouvelle vérification de ce que nous disions à propos d’Eckhart : la mystique unitive ignore la passion di
794 le premier exemple historique de la passion dont nous parlons ici. Voici le Chant funèbre d’Héloïse composé (par elle-même 
795 œuvre du peintre Otto Runge, les Quatre Saisons, devait représenter les quatre saisons de l’esprit : le matin, qui est l’écla
796 la durée. 176. Surtout les décors réalistes que nos metteurs en scène s’obstinent à conserver (la décoration de la tente
5 1939, L’Amour et l’Occident (1956). Livre V. Amour et guerre
797 , telle est la voie du romantisme occidental ; et nous y sommes tous engagés pour autant que nous sommes tributaires — incon
798 l ; et nous y sommes tous engagés pour autant que nous sommes tributaires — inconsciemment bien entendu — d’un ensemble de m
799 réé les symboles. Or passion signifie souffrance. Notre notion de l’amour, enveloppant celle que nous avons de la femme, se t
800 e. Notre notion de l’amour, enveloppant celle que nous avons de la femme, se trouve donc liée à une notion de la souffrance
801 erait pas de trop pour en démêler les aspects. On doit souhaiter que ce livre soit écrit, mais sans se dissimuler l’extrême
802 s d’aimer et de guerroyer du xiie siècle jusqu’à nos jours. Mon propos étant simplement de marquer un parallélisme entre l
803 d’une femme. Et l’un des plus anciens romans que nous possédions, le Théagène et Chariclée d’Héliodore (iiie siècle) parle
804 s de commune mesure. Il n’en va plus de même dans notre histoire à partir des xiie et xiiie siècles. On voit alors le langa
805 e beau langage. Mais l’argot soldatesque et civil nous fournirait une profusion d’exemples d’une verdeur encore plus signifi
806 ive. Et plus tard, l’introduction des armes à feu devait donner lieu à d’innombrables plaisanteries à double sens. Ce parallél
807 t elle y puisait les normes de sa conduite184. » ( Nous savons en effet que la courtoisie non seulement ne devait rien à l’Ég
808 avons en effet que la courtoisie non seulement ne devait rien à l’Église, mais s’opposait à sa morale. Voilà qui peut nous inc
809 lise, mais s’opposait à sa morale. Voilà qui peut nous inciter à réviser bien des jugements sur l’unité spirituelle de la so
810 ront jamais de plus de quatre arpents ; sinon ils devront mourir ou se rendre. Et cette règle étrange, si l’on en croit Froissa
811 . Que l’un ou l’autre de ces penchants prédomine, nous avons le saint ou le pécheur ; mais en général, ils se tiennent en éq
812 rtif de la fonction mythique du Tristan telle que nous la définissions : exprimer la passion dans toute sa force, mais en la
813 ent : — « Les transports de l’amour romanesque ne devaient pas seulement être présentés sous forme de lecture, mais surtout donn
814 éroïsme par amour — voilà le motif romanesque qui doit apparaître partout et toujours. C’est la transformation immédiate du
815 e… qui troubla tellement la paix et l’harmonie de nos provinces qu’il fut depuis impossible d’y rétablir l’ordre et la tran
816 troupes disciplinées et uniformes. Évolution qui devait aboutir de nos jours à l’annihilation de toute passion guerrière, à m
817 ées et uniformes. Évolution qui devait aboutir de nos jours à l’annihilation de toute passion guerrière, à mesure que les h
818 dans le cas du xviie siècle : qu’on se reporte à nos chapitres sur l’Astrée et sur la tragédie classique. ⁂ « C’est ici la
819 ure ne sont proprement concevables. Racine aussi, nous l’avons vu, croyait qu’on pouvait faire des tragédies sans crime. Le
820 llions par an ; c’est 2 milliards pour vingt ans. Nous n’avons pas plus de cinq ans de guerre chaque vingt ans, et cette gue
821 uerre chaque vingt ans, et cette guerre en outre, nous met en arrière de 1 milliard au moins. Voilà donc 3 milliards qu’il n
822 1 milliard au moins. Voilà donc 3 milliards qu’il nous en coûte pour guerroyer cinq ans. Quel en est le résultat ? Car le su
823 ruction directe ou indirecte d’un soldat allemand nous coûte 20 000 livres sans compter la perte sur notre population, qui n
824 ous coûte 20 000 livres sans compter la perte sur notre population, qui n’est réparée qu’au bout de vingt-cinq ans. Au lieu d
825 à qui s’adresse la passion assumée par la Nation… Nous savons toutefois que la passion d’amour, par exemple, est en son fond
826 lui qui écrit sur la stratégie et sur la tactique devrait s’astreindre à n’enseigner qu’une stratégie et une tactique nationale
827 rmer que toute la théorie prussienne de la guerre devait se fonder sur l’expérience des campagnes de la Révolution et de l’Emp
828 uera les provinces allemandes de l’Autriche. Mais nous la voyons maintenant (1903) encore nationale, et cela pour conquérir
829 lît la même fonction sociale (mais à la mesure de notre société). Ce n’était plus, en effet, un principe spirituel qui inspir
830 mettre au point un instrument qui, par la suite, devait se trouver en mesure d’opérer sur des étendues bien plus vastes, comm
831 es campagnes : elle a même porté leur nom jusqu’à nos jours. Mais depuis 1914, l’on assiste à son urbanisation. Pour une bo
832 tte perversion de la passion — d’ailleurs fatale, nous l’avons vu ailleurs — qu’est le « complexe de castration ». 11.La
833 eresque, lorsque ce champ cesse d’être clos comme doit l’être un terrain de jeu, et qu’il n’est plus une lice décorée de sym
834 sion. Celle-ci paraît se détacher de son support. Nous sommes entrés dans l’ère des libidos errantes, en quête d’un théâtre
835 la passion ; mais il dit aux peuples voisins : —  Nous sommes trop nombreux dans nos frontières, j’exige donc des terres nou
836 euples voisins : — Nous sommes trop nombreux dans nos frontières, j’exige donc des terres nouvelles ! — et c’est la nouvell
837 me c’est l’étourdir de paroles flatteuses : ainsi nos hommes politiques quand ils courtisent une assemblée électorale. Hitl
838 e tous temps » ce fut ainsi. Mais la nouveauté de notre temps, c’est que l’action passionnelle sur les masses, telle que la d
839 trophe de la passion devenue totalitaire ? ⁂ Ceci nous mène au seuil d’une conclusion que j’étais loin de prévoir en commenç
840 eillement à cet aspect trop ignoré de la crise de notre époque, qui est la dissolution des formes instituées par la chevaleri
841 dans les pays totalitaires, comme il ne cesse de nous travailler dans nos sociétés libérales. C’est l’éventualité de la pai
842 taires, comme il ne cesse de nous travailler dans nos sociétés libérales. C’est l’éventualité de la paix que j’envisagerai
843 er situant le conflit du mythe et du mariage dans nos mœurs, le second décrivant une attitude que je donne bien moins pour
844 et la fécondité de ses vues critiques renouvelle notre conception du Moyen Âge en nous faisant pénétrer par mille chemins da
845 iques renouvelle notre conception du Moyen Âge en nous faisant pénétrer par mille chemins dans la vie quotidienne des bourge
846 française (Paris, 1932). 185. Qu’on se reporte à notre analyse du mythe de Tristan : on y trouvera quelques illustrations ty
847 en tant qu’absurdes et inhumaines (voir La Guerre notre mère d’Ernst Jünger et les Réprouvés d’Ernst von Salomon). On va se b
6 1939, L’Amour et l’Occident (1956). Livre VI. Le mythe contre le mariage
848 asservissants. L’apparition de la passion d’Amour devait donc transformer radicalement le jugement porté sur l’adultère. Certe
849 squ’au contraire elle ordonnait la chasteté. Mais nous avons montré que le symbole courtois de l’amour pour une Dame (spirit
850 mment incompatible avec le mariage dans la chair, devait amener des confusions inextricables. Pour l’amateur non initié des po
851 u’elle ne joue plus un rôle direct dans la vie de nos sociétés, qu’elle a tant contribué à former. Ce qui explique, à mon s
852 , c’est la confuse dissension au sein de laquelle nous vivons de deux morales, dont l’une est héritée de l’orthodoxie religi
853 sie dont l’expression « essentiellement lyrique » nous parvient totalement profanée, et par suite dénaturée. Voici les force
854 la passion est l’épreuve suprême, que tout homme doit un jour connaître, et que la vie ne saurait être à plein vécue que pa
855 rs finalités s’excluent. De leur coexistence dans nos vies surgissent sans fin des problèmes insolubles, et ce conflit mena
856 lubles, et ce conflit menace en permanence toutes nos « sécurités » sociales. En d’autres temps, ce fut la fonction du myth
857 hie latente et de la composer symboliquement dans nos catégories morales. Rôle d’exutoire, rôle civilisateur. Mais le mythe
858 vendi, et tous ces livres, aggravant au contraire notre conscience du problème, contribuent à le rendre insoluble. Ils sont l
859 e. Ils sont les signes de la crise, mais aussi de notre impuissance à la réduire dans les cadres actuels. L’institution matri
860 s païens, s’est toujours entouré d’un rituel dont nos institutions gardèrent longtemps les éléments : rites de l’achat, du
861 , du rapt, de la quête et de l’exorcisme. Mais de nos jours, la dot perd de son importance, par suite de l’instabilité écon
862 ne occasion d’anodines galanteries picturales. De nos jours enfin, le « voyage de noces », pour autant qu’il subsiste et ga
863 que les modernes font dépendre leur « bonheur » ( nous reviendrons tout à l’heure sur cette notion centrale). Cette déprécia
864 Le résultat de cette propagande est à la fois de nous obséder par l’idée d’un bonheur facile, et du même coup de nous rendr
865 ar l’idée d’un bonheur facile, et du même coup de nous rendre inaptes à le posséder. Car tout ce qu’on nous propose nous int
866 s rendre inaptes à le posséder. Car tout ce qu’on nous propose nous introduit dans le monde de la comparaison, où nul bonheu
867 tes à le posséder. Car tout ce qu’on nous propose nous introduit dans le monde de la comparaison, où nul bonheur ne saurait
868 les moralistes de tous les temps l’ont répété, et notre temps n’apporte rien qui doive nous faire changer d’avis. Tout bonheu
869 s l’ont répété, et notre temps n’apporte rien qui doive nous faire changer d’avis. Tout bonheur que l’on veut sentir, que l’o
870 t répété, et notre temps n’apporte rien qui doive nous faire changer d’avis. Tout bonheur que l’on veut sentir, que l’on veu
871 la passion : tel est le dilemme qu’introduit dans nos vies l’idée moderne du bonheur. Cela va de toute manière à la ruine d
872 aitait comme des égaux. C’est peut-être de là que nous vient, par le canal de la littérature, cette idée toute moderne et ro
873 e que la passion est une noblesse morale, qu’elle nous met au-dessus des lois et des coutumes. Celui qui aime de passion acc
874 eut plus le croire, à l’âge du film et du roman —  nous sommes tous plus ou moins intoxiqués — et cette nuance est décisive.
875 ge de la mère, sans nul doute, et la psychanalyse nous apprend quels empêchements tragiques cela peut signifier. Mais l’exem
876 i les tyrannise, c’est la « beauté standard ». De nos jours — et ce n’est qu’un début — un homme qui se prend de passion po
877 portive. Mais le panurgisme esthétique atteint de nos jours une puissance inconnue, développée par tous les moyens techniqu
878 e innombrable et écœurante littérature romanesque nous peint ce type du mari qui redoute la « platitude », le train-train de
879 u’Iseut fût l’Impossible, car tout amour possible nous ramène à ces liens, nous réduit aux limites dans l’espace et le temps
880 car tout amour possible nous ramène à ces liens, nous réduit aux limites dans l’espace et le temps sans lesquelles il n’est
881 l’amour infini ne peut être que le divin : Dieu, notre idée de Dieu, ou le Moi déifié. Mais pour celui que le mythe vient to
882 il appelait, c’était la mort transfigurante. Mais nous avons perdu la transcendance. La mort n’est plus qu’une lente consomp
883 ente consomption. À cette lumière, que jette sur nos psychologies la connaissance du mythe primitif, les succès du roman e
884 outes les complications qui servent d’intrigues à nos auteurs se ramènent au schéma monotone des ruses de la passion pour s
885 onge à la psychologie de la jalousie, qui envahit nos analyses : jalousie désirée, provoquée, sournoisement favorisée, et n
886 s, il serait excessif d’estimer que la plupart de nos contemporains sont en proie au délire de Tristan. Bien peu ont assez
887 es m’ont porté déjà aux limites du désobligeant : nous aimons trop nos illusions pour souffrir même qu’on nous les nomme…
888 jà aux limites du désobligeant : nous aimons trop nos illusions pour souffrir même qu’on nous les nomme… 5.De l’anarchie
889 imons trop nos illusions pour souffrir même qu’on nous les nomme… 5.De l’anarchie à l’eugénisme Cependant, l’anarchie
890 tatives de « restauration » du mariage auxquelles nous avons assisté depuis la Première Guerre mondiale, début de l’ère tota
891 le effort de redéfinition de l’institution et des devoirs moraux qu’elle implique207. Les humanistes reprennent les arguments d
892 ncore osé dire que l’amour tel qu’on l’imagine de nos jours est la négation pure et simple du mariage que l’on prétend fond
893 toujours existé, elle existera donc toujours, et nous ne sommes pas des Don Quichotte… » Je le crois bien ! C’est même à ca
894 xe collectif. ⁂ Deux exemples de grande envergure nous indiquent un type de réponse, une solution peut-être inévitable. La R
895 ue l’on serait tenté de juger sans précédent dans notre histoire européenne209. Quant au mariage, il fut en principe balayé d
896 art des conséquences bien plus complexes que chez nous , et d’apparences fort hétéroclites. Le cynisme morbide de l’après-gue
897 dait se fonder sur une base raciste et militaire, devait se donner pour première tâche de surmonter cette crise de mœurs. On c
898 électionnée incarnant l’idéal racial). Ces femmes devaient être blondes, de sang aryen, et mesurer au moins 1 m. 73. Ainsi le « 
899 iste. Il n’est pas interdit d’imaginer qu’un jour nos démocraties y succombent, au nom d’une « science » ou d’une hygiène s
900 forcée de l’eugénisme peut réussir, là où toutes nos morales échouent, entraînant l’effective abolition du besoin « spirit
901 atoires. 6.Sens de la crise Pour mieux voir notre état, regardons l’Amérique — cette Europe délivrée de ses routines, m
902 urent l’appel suivant : « Mon amie et moi voulons nous marier. Nous essayons de trouver un juge de paix. N’est-ce pas une ur
903 suivant : « Mon amie et moi voulons nous marier. Nous essayons de trouver un juge de paix. N’est-ce pas une urgence »211 ?
904 naturelles pour un Américain : c’est par là qu’il nous intéresse. Il montre que les termes d’« amour » et de mariage sont pr
905 faut se marier sur l’heure ; qu’enfin « l’amour » doit normalement triompher de tous les obstacles, ainsi que le font voir j
906 te de la romance n’est qu’un exemple. (Mais je me devais de le souligner dans cet ouvrage.) La recherche du bonheur individuel
907 de la psyché moderne, dont le principe et le sens nous demeurent cachés, mais qui donnera peut-être aux historiens futurs de
908 is qui donnera peut-être aux historiens futurs de notre société occidentale, la clé d’une crise dont nous ne voyons encore qu
909 otre société occidentale, la clé d’une crise dont nous ne voyons encore que les symptômes superficiels, sporadiques et incoh
910 ait d’une fièvre, serait bien moins la guérir que nous priver de nos chances d’en comprendre un jour le secret. Et ce serait
911 e, serait bien moins la guérir que nous priver de nos chances d’en comprendre un jour le secret. Et ce serait en même temps
912 être évalués tant que le sens général de la crise nous échappe. Il s’agit bien plutôt de déchiffrer le message et de décoder
913 er patiemment les nouvelles ambiguës que la crise nous apporte sur nous-mêmes, sur nos vœux secrets, sur la tendance réelle,
914 uës que la crise nous apporte sur nous-mêmes, sur nos vœux secrets, sur la tendance réelle, peut-être créatrice, que tradui
915 elle, peut-être créatrice, que traduisent parfois nos révoltes, nos illusions naïves, nos péchés. Essayer de résoudre notre
916 e créatrice, que traduisent parfois nos révoltes, nos illusions naïves, nos péchés. Essayer de résoudre notre crise du mari
917 isent parfois nos révoltes, nos illusions naïves, nos péchés. Essayer de résoudre notre crise du mariage par des mesures mo
918 illusions naïves, nos péchés. Essayer de résoudre notre crise du mariage par des mesures morales, sociales ou scientifiques,
919 t par le passage où Jésus proclame que l’homme ne doit pas séparer ce que Dieu a uni ; soit par des entretiens de Jésus ress
920 t. Tandis que du point de vue des vrais cathares, nous l’avons vu, le véritable crime, c’est d’avoir « consommé » dans la ch
921 sichsehnt (la femme que l’on désire, la femme de notre nostalgie) est la meilleure définition d’Iseut. L’amour-passion veut
922 sexuel ». Fourier peut-être ? Ou Proudhon ? Cela doit se placer aux environs des années 1820-1830, pour une série de raison
7 1939, L’Amour et l’Occident (1956). Livre VII. L’amour action, ou de la fidélité
923 e, sans doute, puisqu’il n’est plus question pour nous de recourir au bras séculier. (Sans compter que la Croisade, au total
924 être lui-même son dieu214. La passion brûle dans notre cœur sitôt que le serpent au sang froid — le cynique pur — insinue sa
925 les raisons de la terre, et les conseils de tous nos arts de vivre, quand c’est la terre qui est méprisée, et la vie qui e
926 ctrine du salut). À vues humaines, la guérison de nos passions viendra de l’État, ce Sauveur anonyme qui assumera le poids
927 e Sauveur anonyme qui assumera le poids de toutes nos fautes, et de la faute initiale de vivre, pour les glorifier dans la
928 uprême obstacle du « stade religieux », puisqu’il nous lie au temps, précisément, quand la foi veut l’éternité ! Que répondr
929 , mais l’homme pieux qui estimait que la religion devait être un amour heureux, un mariage avec sa vertu. Car l’amour du péche
930 e passion chrétienne est la seule vérité, et tous nos « devoirs » humains (dont le bonheur) ne peuvent que nous en détourne
931 ion chrétienne est la seule vérité, et tous nos «  devoirs  » humains (dont le bonheur) ne peuvent que nous en détourner. Kierkeg
932 evoirs » humains (dont le bonheur) ne peuvent que nous en détourner. Kierkegaard condamna d’abord les pasteurs qui refusaien
933 t dire contre le mariage est vrai, par conséquent doit être dit, soit du point de vue des romantiques — si l’on croit à Iseu
934 res à la nature pour sélectionner les espèces qui nous paraissent adaptées. Et nous aurions la prétention de résoudre d’un c
935 nner les espèces qui nous paraissent adaptées. Et nous aurions la prétention de résoudre d’un coup, en une seule vie, le pro
936 a sensiblement de son « bonheur ». Alors que tout nous montre que cent-mille essais ne seraient pas encore assez pour consti
937 faut le reconnaître honnêtement : le problème qui nous est posé par la nécessité pratique du mariage apparaît d’autant plus
938 voir ne pouvant être qu’imparfait, et provisoire, devrait se doubler d’une garantie. Et la seule garantie concevable est dans l
939 de fidélité un problème, alors que le problème ne devrait se poser qu’à partir de cette promesse, considérée comme absolue. La
940 st salutaire. Cela se discute à l’infini… Et cela nous sera des plus utiles dès que les hommes se régleront sur la raison et
941  Cela n’a pas d’importance, cela ne change rien à nos rapports, c’est une passade, une erreur sans lendemain », et tantôt :
942 mantique, il n’y a pas de contradiction profonde, nous l’avons vu216. Dans les deux cas, il s’agit de s’évader hors de tout
943 plicité des expériences. Elle nie que l’être aimé doive réunir, pour être ou pour rester aimable, le plus grand nombre de qua
944 il se peut aussi que rien ne compense la perte : nous sommes ici dans un ordre de grandeur où nos mesures et nos équivalenc
945 te : nous sommes ici dans un ordre de grandeur où nos mesures et nos équivalences n’ont plus cours). Mais savons-nous encor
946 s ici dans un ordre de grandeur où nos mesures et nos équivalences n’ont plus cours). Mais savons-nous encore imaginer une
947 t nos équivalences n’ont plus cours). Mais savons- nous encore imaginer une grandeur qui n’ait rien de romantique ? Et qui so
948 . (Pour ne rien dire des successives fidélités de nos « liaisons », et de tous ces Tristans qui ne sont au vrai que des Don
949 r pour l’autre. L’analyse des légendes courtoises nous a révélé que Tristan n’aime pas Iseut mais l’amour même, et au-delà d
950 iques, la « fidélité passionnée » n’a gardé parmi nous que l’illusion d’accéder à une vie plus ardente. Mais l’empire de cet
951 e de la religion primitive. Religion antérieure à notre « instinct » moderne, et qui détient l’intime secret de la passion, a
952 elà de ce que les psychologues peuvent y lire. «  Notre engagement n’était pas pris pour ce monde », écrivait Novalis songean
953 lus d’Isolde, plus de Tristan, plus aucun nom qui nous sépare ! » Il faut que l’autre cesse d’être l’autre, donc ne soit plu
954 l se tourne avec moi vers le jour afin d’attester notre alliance. ⁂ Une vie qui m’est alliée — pour toute la vie, voilà le mi
955 ù l’on se trouve aujourd’hui ; mais il peut et il doit impliquer l’avenir d’actes conscients que l’on assume : aimer, rester
956 encore si l’on constate que le Dieu de l’Écriture nous ordonne d’aimer. Le premier commandement du Décalogue : « Tu aimeras
957 ’amour-passion, l’amour païen, qui a répandu dans notre monde occidental le poison de l’ascèse idéaliste — tout ce qu’un Niet
958 sme. C’est Éros, et non pas Agapè, qui a glorifié notre instinct de mort, et qui a voulu l’« idéaliser ». Mais Agapè se venge
959 mort parce qu’il veut exalter la vie au-dessus de notre condition finie et limitée de créatures. Ainsi le même mouvement qui
960 e créatures. Ainsi le même mouvement qui fait que nous adorons la vie nous précipite dans sa négation. C’est la profonde mis
961 e même mouvement qui fait que nous adorons la vie nous précipite dans sa négation. C’est la profonde misère, le désespoir d’
962 nce à l’Éternel. Car après tout c’est ici-bas que notre sort se joue. C’est sur la terre qu’il faut aimer. Au-delà, il n’y au
963 s dès lors que le Verbe s’est fait chair et qu’il nous a parlé en mots humains, nous avons appris cette nouvelle : ce n’est
964 fait chair et qu’il nous a parlé en mots humains, nous avons appris cette nouvelle : ce n’est pas l’homme qui doit se délivr
965 appris cette nouvelle : ce n’est pas l’homme qui doit se délivrer lui-même, c’est Dieu qui l’a aimé le premier, et qui s’es
966 s, dans l’obéissance à la Parole. ⁂ Et qu’aurions- nous alors à craindre du désir ? Il perd sa puissance absolue quand nous c
967 dre du désir ? Il perd sa puissance absolue quand nous cessons de le diviniser. Et c’est ce qu’atteste l’expérience de la fi
968 ivinisation de la créature. Mais cette égalité ne doit pas être entendue au sens moderne et revendicateur. Elle procède du m
969 rde de confondre avec des vérités psychologiques. Notre analyse du mythe nous a fait voir pourquoi l’on aime croire à la fata
970 es vérités psychologiques. Notre analyse du mythe nous a fait voir pourquoi l’on aime croire à la fatalité, qui est l’alibi
971 fier les écarts de Don Juan. Toute la littérature nous engage à y voir la preuve d’une très puissante nature sensuelle. Don
972 ». Mais c’est encore le mythe, naturellement, qui nous le fait croire, avec son obsession de l’amour contrarié. Il serait pl
973 On admettra que c’est une révolution sérieuse. Et nous pourrons maintenant dépasser la formule toute négative et privative d
974 c’est-à-dire des deux religions qui se disputent notre Occident. La connaissance de ce conflit, de ses origines historiques
975 psychologiques, de son enjeu spirituel, me paraît devoir entraîner la révision d’un certain nombre de jugements courants, dans
976 ns doute de dégager le principe de correction que nos recherches sur la passion peuvent établir. ⁂ Les Orientaux caractéris
977 oient l’héritage du christianisme et le secret de notre dynamisme. Et il est vrai que ces trois termes : christianisme, passi
978 reils jugements. Cependant, si les conclusions de notre examen du mythe courtois sont justes, il faudra corriger sensiblement
979 il est né de la complicité de cette religion avec nos plus vieilles croyances, et du conflit de l’hérésie qui en résulta av
980 al » procède de deux sources distinctes. Si c’est notre délire guerrier que l’on entend désigner par ce terme, nous avons vu
981 e guerrier que l’on entend désigner par ce terme, nous avons vu qu’il se rattache de la manière la plus précise, historiquem
982 l’autre aspect du dynamisme occidental, j’entends notre génie technique, ne saurait être un seul instant ramené à la passion.
983 nt elle est née ne sauraient proposer comme but à notre vie la maîtrise de la Nature, puisque c’est là le but et la fonction
984 es effets. Mais la réponse n’importe pas ici : il nous suffit de marquer que les éléments occidentaux-chrétiens (c’est-à-dir
985 me moderne, c’est la collusion de la guerre et de notre génie technique. À partir de la Révolution, la guerre devenant « nati
986  ? S’il est vrai qu’elle ne s’est développée dans notre histoire et nos cultures qu’à partir des xiie et xiiie siècles, et
987 u’elle ne s’est développée dans notre histoire et nos cultures qu’à partir des xiie et xiiie siècles, et par l’impulsion
988 et de l’Iran, sources certaines de l’hérésie, que nous sont venues nos « mortelles » croyances. Mais dira-t-on, ces mêmes cr
989 rces certaines de l’hérésie, que nous sont venues nos « mortelles » croyances. Mais dira-t-on, ces mêmes croyances n’ont pa
990 es n’y ont pas trouvé les mêmes obstacles. Ainsi notre chance dramatique est d’avoir résisté à la passion par des moyens pré
991 Telle fut la tentation permanente d’où jaillirent nos plus belles créations. Mais ce qui produit la vie produit aussi la mo
992 e qu’il a de particulier. C’est tout le secret de notre fidélité. La sagesse orientale cherche la connaissance dans l’aboliti
993 naissance dans l’abolition progressive du divers. Nous , nous cherchons la densité de l’être dans la personne distincte, sans
994 nce dans l’abolition progressive du divers. Nous, nous cherchons la densité de l’être dans la personne distincte, sans cesse
995 ns cesse approfondie comme telle. « D’autant plus nous connaissons les choses particulières, d’autant plus nous connaissons
996 nnaissons les choses particulières, d’autant plus nous connaissons Dieu », dit Spinoza. Cette attitude, qui définit mon Occi
997 t donne des chances nouvelles à la passion. C’est notre vie et notre mort. Et c’est pourquoi la crise moderne du mariage est
998 hances nouvelles à la passion. C’est notre vie et notre mort. Et c’est pourquoi la crise moderne du mariage est le signe le m
999 es individuelles. Le signe de la crise du mariage nous parle et nous avertit mieux : aucun n’est plus sensible et quotidien,
1000 es. Le signe de la crise du mariage nous parle et nous avertit mieux : aucun n’est plus sensible et quotidien, plus intimeme
1001 x domaines où il peut entraîner la destruction de notre civilisation. Tout cela est, tout cela nous menace, et d’autant plus
1002 n de notre civilisation. Tout cela est, tout cela nous menace, et d’autant plus qu’on voudrait le nier. Cependant, à plusieu
1003 plusieurs reprises, la connaissance de ces périls nous a fait entrevoir des possibilités de les surmonter. Par exemple, il s
1004 endemains qui obsède aujourd’hui tant de fronts ? Notre vie ne se joue pas dans l’au-delà temporel, mais dans les décisions t
1005 dans les décisions toujours actuelles qui fondent notre fidélité. Quoi qu’il arrive, heur ou malheur, le sort du monde nous i
1006 i qu’il arrive, heur ou malheur, le sort du monde nous importe bien moins que la connaissance de nos devoirs présents. Car «
1007 de nous importe bien moins que la connaissance de nos devoirs présents. Car « la figure de ce monde passe », mais notre voc
1008 ous importe bien moins que la connaissance de nos devoirs présents. Car « la figure de ce monde passe », mais notre vocation es
1009 ésents. Car « la figure de ce monde passe », mais notre vocation est toujours hic et nunc, dans l’acte de l’Éternel où notre
1010 toujours hic et nunc, dans l’acte de l’Éternel où notre espoir se fonde. ⁂ Deux thèmes de réflexions, amorcés çà et là dans c
1011 si simpliste que le dilemme passion-fidélité peut nous le faire croire. De fait, on ne connaît jamais que les problèmes dont
1012 solution, le dépassement. Or le moyen de dépasser notre dilemme ne saurait être la pure et simple négation de l’un de ses ter
1013 pe, ce serait vouloir supprimer l’un des pôles de notre tension créatrice. De fait cela n’est pas possible. Le philistin qui
1014 ion vécue jusqu’à l’impasse mortelle, que pouvons- nous désormais entrevoir ? Les deux thèmes que je vais esquisser indiquent
1015 un drame personnel dont les données biographiques nous sont suffisamment connues. On sait que l’événement qui devint pour Ki
1016 les avec Régine. La cause intime de cette rupture nous demeure en partie mystérieuse : c’est « le secret » essentiellement i
1017 Dieu apparaît alors comme « mon ennemi mortel ». Nous nous heurtons ici à l’extrême limite, à l’origine pure de la passion
1018 apparaît alors comme « mon ennemi mortel ». Nous nous heurtons ici à l’extrême limite, à l’origine pure de la passion — mai
1019 l’origine pure de la passion — mais du même coup nous sommes jetés au cœur même de la foi chrétienne ! Car voici : cet homm
1020 cet homme mort au monde, tué par l’amour infini, devra marcher maintenant et vivre dans le monde comme s’il n’avait pas d’au
1021 enne mettre ses délais entre la question qu’elles nous posent et la réponse de notre vie.) ⁂ Le second thème que j’esquisser
1022 la question qu’elles nous posent et la réponse de notre vie.) ⁂ Le second thème que j’esquisserai n’est peut-être pas d’une n
1023 nature essentiellement hétérogène. Peut-être même doit -il être conçu comme un aspect particulier du mouvement de retour de l
1024 gaard. Au sommet de l’ascension spirituelle qu’il nous raconte dans le langage de la plus ardente passion, saint Jean de la
1025 bonheur sensible, cessent de souffrir, acceptent notre jour. Et alors le mariage est possible. Nous sommes deux dans le cont
1026 ent notre jour. Et alors le mariage est possible. Nous sommes deux dans le contentement. ⁂ Une dernière fois pourtant nous r
1027 ans le contentement. ⁂ Une dernière fois pourtant nous reprendrons un parti de sobriété. Les mariés ne sont pas des saints,
1028 t un beau jour pour adopter une vérité meilleure. Nous sommes sans fin ni cesse dans le combat de la nature et de la grâce.
1029 élité gardée au Nom de ce qui ne change pas comme nous , révèle peu a peu son mystère : c’est qu’au-delà de la tragédie, il y
1030 collection « Présences ») : « Un chrétien peut et doit accepter Éros en tant qu’Éros, et justement pas en tant qu’Éros subli
1031 ais les catastrophes qu’elle annonce représentent notre châtiment et non pas notre délivrance. Ce n’est pas la mort, la désin
1032 e annonce représentent notre châtiment et non pas notre délivrance. Ce n’est pas la mort, la désincarnation, qui est le salut
1033 guérison à obtenir, c’est que l’infidèle croie — devrait conduire à désirer pour l’homme non chrétien qu’il traverse tout le «
1034 e le renoncement à la loi ainsi comprise qui peut nous conduire à la foi. 228. Crainte et Tremblement, traduit d’après la