1
Introduction L’objet de cet ouvrage
est
de décrire l’aventure occidentale de l’homme, d’en chercher les princ
2
s à l’unité finale du genre humain, quoi qu’il en
soit
de la question des origines dont nous ne savons encore à peu près rie
3
ter quelle attitude humaine, unique et cohérente,
est
susceptible d’expliquer ces deux produits en apparence indépendants.
4
estions d’où venons-nous ? et où allons-nous ? Il
est
impossible de répondre à l’une sans impliquer une réponse aux deux au
5
oup se contenteront de dire ou de penser : le moi
est
haïssable, ou : la machine est utile, mais peut nous asservir. Ces ju
6
de penser : le moi est haïssable, ou : la machine
est
utile, mais peut nous asservir. Ces jugements impliquent une prise de
7
t de sa nature même, reste insoluble si l’on s’en
tient
au seul passé. À vrai dire, il ne peut recevoir une réponse significa
8
le pris naissance ? Le jour où la première page a
été
rédigée, la première touche de couleur posée, les premières mesures n
9
allons plus loin : créés par elle. La question «
est
-ce bon ou mauvais ? » se repose à propos de chaque touche de pinceau,
10
ensemble, ce but entr’aperçu, ce sens de l’œuvre,
sont
prédéterminés dans l’acte insaisissable et par nature non repérable,
11
par nature non repérable, par lequel l’œuvre même
fut
conçue. Ils se modifieront peut-être en cours de route. Et peut-être
12
imaginait. Il n’importe : sans eux, rien n’aurait
été
fait. « Dans ma fin est mon commencement », dit un poète, traduisant
13
: sans eux, rien n’aurait été fait. « Dans ma fin
est
mon commencement », dit un poète, traduisant les mystiques. Et cela v
14
ation. L’hypothèse directrice de cet ouvrage peut
être
maintenant formulée en fonction de ces analogies. Elle consiste à pos
15
uvertes futures mais encore la nature de ce qu’on
tiendra
plus tard pour la réalité elle-même. Les résultats factuels, éthiques
16
i tu n’avais d’abord accepté de me chercher. ⁂ Ce
sont
les questions simples, celles que l’on considère comme tranchées une
17
ale d’une civilisation donnée. Cette civilisation
tient
-elle la matière pour bonne ou mauvaise ? Juge-t-elle l’individualité
18
ppellent Dieu, d’autres le Soi, ou le Total, ou l’
Être
, Ramakrishna disait : « Il n’y a aucune différence, que vous l’appeli
19
que vous l’appeliez “Toi” ou que vous pensiez “Je
suis
Lui” ». S’il n’y avait « aucune différence », il n’y aurait pas non
20
es plans, pourtant, les différences éclatent. Ce
serait
faire tort à l’homme que de nier leurs liens avec certaines options f
21
d’Occident. Contraster les contenus de ces termes
sera
l’objet de mon premier chapitre. Certains penseront qu’il est dangere
22
de mon premier chapitre. Certains penseront qu’il
est
dangereux de souligner ce qui nous distingue, au lieu de mettre en va
23
istingue, au lieu de mettre en valeur ce qui nous
est
commun ; qu’on risque ainsi de nourrir les préjugés, et de forcer, pa
24
faut voir aussi que l’union finale des esprits ne
sera
jamais acquise au prix du sacrifice de nos diversités vivantes ; elle
25
suppose bien plutôt la connaissance des raisons d’
être
de ces diversités. Vouloir les ignorer par gain de paix, les passer s
26
aix, les passer sous silence ou les minimiser, ce
serait
perdre d’avance les deux vertus majeures qui dénotent une union vérit
27
globale de l’Occident2. « La nuit, tous les chats
sont
gris », dit le proverbe. Mauvaise formule d’union, qui ne peut surviv
28
famille d’idiomes indo-européens dont le sanscrit
serait
le plus ancien témoignage. Admettons même entre l’Inde et l’Europe un
29
nte la divergence des évolutions ultérieures. À l’
Est
, l’Inde codifie les castes ; elle en ajoute même une3, multiplie les
30
ovation ou de variation individuelles ; l’au-delà
était
tenu pour plus réel que l’ici-bas, dont il convenait par suite de s’é
31
n ou de variation individuelles ; l’au-delà était
tenu
pour plus réel que l’ici-bas, dont il convenait par suite de s’évader
32
t et de l’Occident 5. — L’Orient et l’Occident ne
sont
donc pas seulement des entités géographiques faciles à situer, sinon
33
storiques, dont les mélanges et superpositions ne
seraient
d’ailleurs pas moins féconds à étudier que leur distinction progressi
34
s à étudier que leur distinction progressive. Ils
sont
cela, sans nul doute, mais ils sont beaucoup plus : deux voies de l’h
35
gressive. Ils sont cela, sans nul doute, mais ils
sont
beaucoup plus : deux voies de l’homme, deux directions maîtresses de
36
és sur ce sujet fondamental6. Le récit d’Avicenne
est
une initiation à l’Orient, monde des Formes de lumière, contrastant a
37
treprendre le voyage mystique vers l’Orient. Quel
est
ce cosmos symbolique ? À droite, l’Orient des Formes et du Soleil lev
38
nnent d’ailleurs… (Thème de l’Exil.) Et ce climat
est
un lieu de dévastation, un désert de sel, rempli de troubles, de guer
39
es, de disputes, de tumultes ; joie et beauté n’y
sont
qu’un emprunt procuré d’un lieu lointain. » Entre l’Orient et l’Occid
40
u lieu de rencontre de la matière et de la forme)
est
une circonscription intermédiaire : « C’est celle que l’on connaît le
41
uquel l’auteur rattache d’ailleurs son conte, qui
est
une vision7. Tentons maintenant de dresser une liste des caractères s
42
ccidentale. Mais, du prestige de cet Orient qui n’
est
pas celui des atlas, l’Orient réel, qui va de la Perse au Japon, béné
43
possible grandeur et d’une vérité difficile, qui
est
l’enjeu de son aventure. b) Incarnation et Excarnation. — Si nous pa
44
es, toutes les deux légitimes, de l’Ouest et de l’
Est
… (car) : le carré — ou mieux, le cube — est partout le symbole de la
45
de l’Est… (car) : le carré — ou mieux, le cube —
est
partout le symbole de la matière, et le cercle — ou la sphère — celui
46
de l’esprit. En sorte que la quadrature du cercle
est
la transformation de l’esprit en matière, ou encore la matérialisatio
47
mes de leur existence, et de les sauver là où ils
sont
, par la seule foi dans l’action du pardon, de l’amour et de la grâce
48
plus dénuée, et là découvre que la voie du salut
est
de refuser le monde, le corps et la souffrance, pour s’élever vers le
49
. Les deux mouvements — descente et remontée — ne
sont
qu’apparemment superposables ; car il s’agit en réalité dans le premi
50
le. (On perd en chemin le monde créé, sa raison d’
être
, la connaissance et la maîtrise de ses structures.) Le danger, pour l
51
ci des liens de Prakriti (le monde manifesté, qui
est
illusion) afin qu’elle aille vers l’Esprit, sachant ce qu’elle fait.
52
, si versé dans la Loi, et si maître de lui qu’il
soit
, un dieu lui-même ne peut sans le yoga atteindre la libération. » (Yo
53
fois les méfiances. Car chacun pense de l’autre :
est
-ce qu’il dit vrai ? trouve-t-il vraiment l’objet de sa recherche ? et
54
l’objet de sa recherche ? et cet objet lui-même,
est
-il vraiment réel ? S’identifier à l’Un, à la divinité, ne serait-ce p
55
ent réel ? S’identifier à l’Un, à la divinité, ne
serait
-ce pas, pense l’Occidental, une illusion psychologique chez les très
56
on psychologique chez les très rares qui disent y
être
parvenus, et pour les autres un solipsisme exténuant ?… Maîtriser les
57
t peut-être demain de la vie, pense l’Oriental, n’
est
-ce pas régner sur la Maya ? Et chacun sera tenté de tenir pour illuso
58
ntal, n’est-ce pas régner sur la Maya ? Et chacun
sera
tenté de tenir pour illusoires les « preuves » dont l’autre se prévau
59
pas régner sur la Maya ? Et chacun sera tenté de
tenir
pour illusoires les « preuves » dont l’autre se prévaut, puisqu’elles
60
puisqu’elles s’appliquent à une « réalité » qu’on
tient
elle-même pour illusion. Et il semble à chacun que les explications l
61
ications les plus sincères données par l’autre ne
sont
en vérité que des implications de son option fondamentale. Tautologie
62
cela ! c) Individu et Tradition. — Que l’Occident
soit
individualiste et l’Orient traditionaliste, il paraît difficile de le
63
personnes sur une seule bicyclette ! Ces gens ne
seront
-ils jamais seuls ? L’individu peut-il vraiment compter, dans ce groui
64
grillagées, surmontés de clochetons baroques ? Ce
sont
des temples, dit mon guide. Devant l’idole vêtue de soie précieuse et
65
liturgie, d’église organisée. L’Hindou grégaire n’
est
seul que devant le divin. L’Occidental, jaloux de sa vie privée, s’as
66
orps spiritualisé, sans Moi, ou avec un Moi qui n’
est
qu’un simple centre. L’homme magique, le corps magique n’a pas d’iron
67
des rues et des places, l’homme des supercheries,
est
de son appartenance : il forme le bord, la lisière du monde du saint,
68
n’ont plus de pointe ni de but. Le monde magique
est
en forme de Boule, infinie et tout-englobante. En Occident, le moi et
69
té et le destin, la personne même et son individu
sont
en contradiction, tension ou dissension, et ne cessent de refaire le
70
n Inde, comme celle du mystique médiéval, ne peut
être
que fuite en l’Absolu. Ainsi le moi devient conscient et se détache,
71
se perdre en son accomplissement, puisque le moi
est
voie, et que la voie consiste à libérer progressivement une âme de l’
72
à libérer progressivement une âme de l’illusion d’
être
distincte. Tout se ramène enfin à cette opposition : panthéisme ou Di
73
position : panthéisme ou Dieu personnel. Car il n’
est
pas de personne sans un Dieu qui interpelle. Et l’Orient ne connaît r
74
i interpelle. Et l’Orient ne connaît rien de tel.
Soit
qu’on pense qu’il n’y a pas de Dieu — selon le système Sankya et le b
75
Dieu — selon le système Sankya et le bouddhisme —
soit
qu’on pense, selon l’Advaïta, que Dieu n’« existe » pas mais qu’il es
76
n l’Advaïta, que Dieu n’« existe » pas mais qu’il
est
Tout, et que le Tout ou le Réel n’est que le Moi pleinement réalisé e
77
mais qu’il est Tout, et que le Tout ou le Réel n’
est
que le Moi pleinement réalisé et accompli (That Thwam Asi) — il n’y a
78
ouddhisme. Qu’il n’y ait point de Dieu, ou que Je
soit
le Tout, dans les deux cas l’Autre s’évanouit ; il n’est pas de dialo
79
Tout, dans les deux cas l’Autre s’évanouit ; il n’
est
pas de dialogue possible, ni d’appel, ni donc de vocation, ni par sui
80
ce, que vous l’appeliez Toi ou que vous disiez Je
suis
Lui. » Nous y lisons maintenant la vraie définition de l’attitude rel
81
nition de l’attitude religieuse orientale. Car il
est
bien certain que l’identité qu’elle pose évacue l’existence personnel
82
tie blanche et un point blanc la partie noire. Il
est
ainsi montré que l’élément masculin n’est pas absent de la région du
83
ire. Il est ainsi montré que l’élément masculin n’
est
pas absent de la région du yin tandis que l’élément féminin reste pré
84
es, cette relation d’inter-présence des opposés n’
est
pas moins évidente dans les zones respectives de l’Orient et de l’Occ
85
te phrase : « Écarte les choses, ô Amant, ta voie
est
fuite » ? De quelle yâna bouddhique relève celui qui a dit : « Il fau
86
nt d’un néant à un néant » ? Et à l’inverse, quel
est
le mystique chrétien qui nous rappelle « qu’après avoir écarté tout a
87
e « qu’après avoir écarté tout attachement » et s’
être
engagé sur la voie de la connaissance divine, « il faut demeurer dans
88
oix, Eckhart, et la Bhagavad-Gita. Et pourtant il
serait
faux, plus encore que banal, de répéter ici « tout est dans tout ». L
89
aux, plus encore que banal, de répéter ici « tout
est
dans tout ». La partie blanche contient un cercle noir, mais elle est
90
partie blanche contient un cercle noir, mais elle
est
blanche tout de même, et non pas grise. Que vaut un homme ? Et
91
? Et finalement, ce qu’il importe de voir, ce
sont
les résultantes majeures des complexes doctrinaux dont on vient de ra
92
aiment rien de commun, et l’usage qu’on en fait n’
est
pas du tout le même. La foule de Bénarès n’est pas la foule de Lourde
93
n’est pas du tout le même. La foule de Bénarès n’
est
pas la foule de Lourdes, même si l’on pense que Dieu reconnaîtra les
94
gnent vêtus ou nus. La croyance à la métempsycose
est
plus naturelle qu’on ne le pense à l’esprit des Occidentaux, mais ell
95
’idée de son individualité. Mon second exemple,
est
emprunté à un essai de Ernst Jünger12 : La relation que soutient l’h
96
du rang qu’il assigne au libre arbitre. Même sans
être
philosophe, il s’entend sur ce point aux distinctions les plus fines,
97
très hautes tours : deux guetteurs vêtus de blanc
étaient
en faction sur chacune d’elles. Le grand-maître voulut faire voir au
98
lité, obéissance, sacrifice, ordre et discipline,
sont
ici arrachées de leur place ; l’horreur d’un monde étranger lui monte
99
specte en l’homme un noyau de liberté auquel il n’
est
pas permis de porter atteinte. Ce qui s’y passe, et ce qui en provien
100
sous peine de devenir vain, et même vil, comme le
sont
des faveurs obtenues par contrainte. Quand ce noyau est lésé, des tou
101
s faveurs obtenues par contrainte. Quand ce noyau
est
lésé, des tourbillons de néant s’en dégagent. La réaction de nos deu
102
t. La réaction de nos deux auteurs occidentaux n’
est
pas moins significative, pour notre objet présent, que les histoires
103
qui n’a rien de bouddhique, enseigne que la mort
étant
le sort commun, tuer n’est vraiment grave qu’aux yeux de l’ignorance.
104
enseigne que la mort étant le sort commun, tuer n’
est
vraiment grave qu’aux yeux de l’ignorance. Qu’on découpe la victime e
105
a victime en tranches ou qu’on l’épargne, elle ne
sera
pas sauvée de la nécessité de renaître un millier ou cent milliers de
106
qui revient, portant sa tête sous le bras ! Qu’en
est
-il de notre Occident ? Certes, l’Europe qui croit à l’absolue valeur
107
Jünger, devant la cruauté des Orientaux ? Nous ne
sommes
pas moins cruels, mais nous le sommes autrement. Car nous le sommes d
108
x ? Nous ne sommes pas moins cruels, mais nous le
sommes
autrement. Car nous le sommes dans le drame, eux selon la magie. Null
109
ruels, mais nous le sommes autrement. Car nous le
sommes
dans le drame, eux selon la magie. Nulle « sagesse » ne nous innocent
110
notre foi nous condamne. La cruauté de l’Oriental
est
fatidique, et par suite sans mesure, sans péché, sans contradiction n
111
, sans péché, sans contradiction ni remords. Elle
est
divine, et nous sommes criminels. Si le moi n’est qu’une illusion tem
112
ontradiction ni remords. Elle est divine, et nous
sommes
criminels. Si le moi n’est qu’une illusion temporaire, celui qui tue
113
est divine, et nous sommes criminels. Si le moi n’
est
qu’une illusion temporaire, celui qui tue ne détruit rien qui compte
114
te ; mais au contraire, si le moi libre et unique
est
une réalité tenue pour inviolable, rien ne peut justifier notre délir
115
constate. Il y a des différences. Et mon propos n’
est
pas de les mettre en relief pour inciter le lecteur à des comparaison
116
il n’y a pas de camps, ni de lutte engagée, ceci
soit
dit ici une fois pour toutes. Il y a seulement deux expériences globa
117
mples dans le domaine religieux, de préférence. N’
est
-ce pas là que l’irritante question de la « supériorité » de ceci sur
118
n n’y dispose pas d’éléments mesurables, comme ce
serait
le cas au plan de l’économie ou de l’état social par exemple ? Je che
119
et leurs explications, que ces options pouvaient
être
surprises ; car on les voyait là dans leur état naissant. Qu’elles so
120
n les voyait là dans leur état naissant. Qu’elles
soient
causes premières ou effets ; qu’elles résument une série de facteurs
121
nséquences ont formé l’Occident. 1. L’Occident
étant
représenté, dans ce cas particulier, par la théologie orthodoxe des c
122
religieux de l’Inde qui conçoivent que le Tout n’
est
autre que le Je pleinement réalisé. 2. C’est l’attitude générale des
123
projettent dans un passé qui souffre tout, sauf d’
être
vérifié, un négatif du présent qu’ils refusent. 3. Celle des Sudras,
124
indigènes assujettis ; les parias ou hors-castes
étant
les « résistants » au processus d’intégration sociale. 4. Il y a peu
125
que le nombre des dieux connus du panthéon hindou
est
estimé à 33 crores, c’est-à-dire à 330 millions. 5. Je précise que d
126
de l’Europe en Occident. C’est de l’hindouisme qu’
est
issu le bouddhisme, pour recouvrir ensuite le Tibet et la Chine, la M
127
donésie, enfin le Japon. C’est du catholicisme qu’
est
issue la Réforme, pour essaimer ensuite en Amérique du Nord. À la con
128
ques. Historiquement, la première confrontation s’
est
vue retardée pendant longtemps par le barrage de l’islam, et n’a pu s
129
dent, c’est la Grèce d’Aristote, et leur Orient n’
est
pas l’Inde ou la Chine, mais celui de la mystique « illuminée » de ce
130
sien, Hamburg, 1955. 10. L’adjectif traditionnel
est
pris ici dans son sens strict, initiatique et religieux, qui ne doit
131
strict, initiatique et religieux, qui ne doit pas
être
confondu avec « conservateur », « routinier », « réactionnaire », etc
132
inier », « réactionnaire », etc. « Traditionnel »
est
celui qui estime que la tradition religieuse rend nulle et non avenue
133
et que le but de la recherche humaine ne peut pas
être
le progrès ou l’invention, mais l’identification du chercheur avec un
134
s les structures de l’Empire, comme la doctrine s’
est
informée dans les catégories de la Dialectique. Incarnation, dialecti
135
re de l’Occident. Il peut sembler parfois qu’elle
est
tout implicite dans l’événement de cette triple rencontre à tant d’ég
136
la quête de sa résolution… Pourtant l’Occident n’
est
pas né comme la réponse à un défi : il lui a manqué ce principe de co
137
ans l’espace et si proche dans l’âme collective n’
était
plus une menace, ou ne l’était pas encore14. Il ne pouvait mettre en
138
l’âme collective n’était plus une menace, ou ne l’
était
pas encore14. Il ne pouvait mettre en question la paix romaine. L’Occ
139
mettre en question la paix romaine. L’Occident n’
est
pas né comme on nous dit que naissent les grandes cultures et civilis
140
née et qui compense d’abord un sort inaccepté. Il
est
né comme une aventure, d’un fait très insolite et peu croyable, surve
141
t initial nous semble accidentel, j’entends qu’il
serait
vain d’essayer de le déduire d’une certaine situation d’ensemble ou d
142
té du monde antique : nul ne peut démontrer qu’il
soit
venu « à son heure ». Il porte à l’origine les stigmates du réel, et
143
tes du réel, et non pas les signes du mythe. Il n’
est
pas vraisemblable ; il est vrai. On ne l’attendait pas, il est là. Ai
144
signes du mythe. Il n’est pas vraisemblable ; il
est
vrai. On ne l’attendait pas, il est là. Ainsi naît l’Occident : comme
145
emblable ; il est vrai. On ne l’attendait pas, il
est
là. Ainsi naît l’Occident : comme un drame, dont on peut contester ap
146
s : le Verbe divin et la chair. « Au commencement
était
la Parole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole était Dieu… Et
147
. « Au commencement était la Parole, et la Parole
était
avec Dieu, et la Parole était Dieu… Et la Parole a été faite chair, e
148
arole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole
était
Dieu… Et la Parole a été faite chair, et elle a habité parmi nous, pl
149
vec Dieu, et la Parole était Dieu… Et la Parole a
été
faite chair, et elle a habité parmi nous, pleine de grâce et de vérit
150
a chair dans l’Histoire. L’avatar hindouiste, qui
est
la descente du dieu dans un corps d’animal ou d’homme, se répète aux
151
incarnations de Vishnu (dont neuf déjà réalisées)
sont
motivées par le déluge, la menace d’engloutissement d’un mont sacré,
152
s dieux, la rivalité de deux castes, etc. Bouddha
fut
la neuvième incarnation ; et la dixième, Kalki, sera le destructeur d
153
t la neuvième incarnation ; et la dixième, Kalki,
sera
le destructeur de notre monde radicalement dégénéré. La Bhagavad-Gita
154
e à prédominer. Ainsi le temps de l’avatar hindou
est
celui du Mythe, non de l’Histoire. L’avatar se répète, il a lieu « ch
155
tar se répète, il a lieu « chaque fois que… », il
est
cyclique, archétypal, et dans ce sens, an-historique, tandis que l’In
156
avec force saint Paul et l’Épître aux Hébreux, s’
est
opérée « une fois pour toutes ». Ce centre du Credo est donc situé ex
157
érée « une fois pour toutes ». Ce centre du Credo
est
donc situé expressément dans la durée profane, celle de l’Histoire ;
158
prend son départ la « voie » chrétienne. Et ce n’
est
pas une méthode, une ascèse, un système, ce n’est pas le cours d’un a
159
est pas une méthode, une ascèse, un système, ce n’
est
pas le cours d’un astre, tracé par d’autres astres, ni un chemin qu’i
160
n qu’il faut vivre et devenir soi-même, puisqu’il
est
une personne : « Je suis le chemin, la vérité et la vie. » Au terme
161
venir soi-même, puisqu’il est une personne : « Je
suis
le chemin, la vérité et la vie. » Au terme de la voie sera la Grâce,
162
emin, la vérité et la vie. » Au terme de la voie
sera
la Grâce, donnée par un Dieu personnel « qui nous a aimés le premier
163
nnel « qui nous a aimés le premier ». Et la Grâce
est
tout à la fois aide prévenante, pardon final, béatitude, condition de
164
l’Orient, que l’ascèse infiniment patiente16. Il
est
curieux, mais non contradictoire, au fond, que le Grec rationaliste a
165
e sur son esprit. Pour le chrétien, le paradoxe n’
est
pas seulement dans l’apparence, il est constitutif et radical : le sa
166
paradoxe n’est pas seulement dans l’apparence, il
est
constitutif et radical : le salut vient de Dieu à l’homme, il est ini
167
et radical : le salut vient de Dieu à l’homme, il
est
initié par Dieu seul, et donné par une grâce pure ; et pourtant l’hom
168
ouver et vivre le chemin ? Pour l’Orient, la voie
est
connaissance, illumination progressive (ou même instantanée, selon le
169
du chemin se confond avec celle de la Foi, qui n’
est
pas seulement la croyance, ou « la substance des choses que l’on espè
170
t sans savoir où il allait18. » L’homme de la foi
sera
l’homme en chemin, le viator, l’éternel « voyageur sur la Terre », qu
171
l espère. Il ne voit pas, il obéit. Et sa route n’
est
pas définie comme l’orbite invariable d’une étoile, mais elle est ave
172
comme l’orbite invariable d’une étoile, mais elle
est
aventure permanente : elle se crée sous les pas qui la suivent. Ainsi
173
ée sous les pas qui la suivent. Ainsi la foi, qui
est
la confiance active, est aussi l’inquiétude essentielle. Mais que dev
174
ivent. Ainsi la foi, qui est la confiance active,
est
aussi l’inquiétude essentielle. Mais que devient l’éthique en tout ce
175
e. Mais que devient l’éthique en tout ceci ? Elle
est
remplacée par l’Amour. Pour mesurer l’ampleur de cette révolution, il
176
pleur de cette révolution, il faut imaginer ce qu’
était
le sacré, ce qu’il est encore en Orient. La morale des Anciens est ba
177
, il faut imaginer ce qu’était le sacré, ce qu’il
est
encore en Orient. La morale des Anciens est basée sur le rite, et dan
178
qu’il est encore en Orient. La morale des Anciens
est
basée sur le rite, et dans le monde magique elle n’est que rite. Seul
179
asée sur le rite, et dans le monde magique elle n’
est
que rite. Seule la croyance moderne aux « lois de la science » et aux
180
peut relever ni de l’opinion, ni d’un jury. Elle
est
plutôt comme une grossière erreur de calcul, de montage ou d’aiguilla
181
e mais le châtiment restaurateur de l’ordre. Tel
est
le cadre antique, traditionnel (au sens oriental de ce mot) que le me
182
de la Foi, c’est-à-dire du Rite à l’Amour. « Tout
est
permis, mais tout n’édifie pas. » « Rien n’est impur en soi », mais «
183
ut est permis, mais tout n’édifie pas. » « Rien n’
est
impur en soi », mais « tout est pur aux purs ». Semblablement, saint
184
e pas. » « Rien n’est impur en soi », mais « tout
est
pur aux purs ». Semblablement, saint Augustin dira : « Aime Dieu et f
185
pliquent en effet que la valeur d’un acte ne peut
être
jugée par sa conformité avec les règles du sacré ou du social, mais q
186
ur, s’il édifie. « Pourquoi, en effet, ma liberté
serait
-elle jugée par une conscience étrangère ? » s’écrie saint Paul19. Cet
187
s’écrie saint Paul19. Cette liberté d’ailleurs n’
est
pas licence, puisqu’elle est orientée par l’amour même qui d’abord l’
188
liberté d’ailleurs n’est pas licence, puisqu’elle
est
orientée par l’amour même qui d’abord l’a rendue possible : elle est
189
amour même qui d’abord l’a rendue possible : elle
est
responsabilité. « Vous avez été appelés à la liberté, seulement ne fa
190
e possible : elle est responsabilité. « Vous avez
été
appelés à la liberté, seulement ne faites pas de cette liberté un pré
191
idarité du genre humain. Seul un homme en tant qu’
être
autonome peut aimer, peut agir en vertu de la foi : or, c’est précisé
192
laire de la sagesse antique. Le génie de l’Apôtre
est
d’avoir résumé les effets de l’Incarnation en un fulgurant raccourci
193
t à la Loi. Car cette Loi qu’il déclare périmée n’
est
pas seulement la Thora juive (quoi qu’il en pense) mais c’est le syst
194
e eux et de chaque homme avec lui-même. Mais ce n’
est
pas tout : la Loi était visible, elle était la mesure du monde, elle
195
me avec lui-même. Mais ce n’est pas tout : la Loi
était
visible, elle était la mesure du monde, elle cernait l’homme et le dé
196
is ce n’est pas tout : la Loi était visible, elle
était
la mesure du monde, elle cernait l’homme et le définissait par les ca
197
l’Amour transcendant et au prochain. Sa mesure n’
est
plus hors de lui, mais en lui, dans son cœur partagé ; elle n’est plu
198
lui, mais en lui, dans son cœur partagé ; elle n’
est
plus ordre, mais tension. Libéré, mais pour être à nouveau relié ; af
199
n’est plus ordre, mais tension. Libéré, mais pour
être
à nouveau relié ; affranchi au regard de la Loi, mais responsable au
200
s le péché comme dans le salut ; au monde comme n’
étant
pas du monde ; faible quand il est fort, et fort quand il est faible
201
onde comme n’étant pas du monde ; faible quand il
est
fort, et fort quand il est faible ; perdu par ses efforts pour se sau
202
onde ; faible quand il est fort, et fort quand il
est
faible ; perdu par ses efforts pour se sauver lui-même, sauvé par l’a
203
si la seconde dimension, inventée par les Grecs,
est
celle qui fonde en soi l’individu et son mode de relations, la cité,
204
sonne. ⁂ Qu’avons-nous établi jusqu’ici ? Si ce n’
est
par l’énumération des principaux mots-clés du christianisme, la diale
205
s ne définissent que la voie du chrétien, mais en
est
-il une autre en Occident ? Beaucoup d’hommes, il est vrai, sont sans
206
-il une autre en Occident ? Beaucoup d’hommes, il
est
vrai, sont sans voie, et surtout dans le monde d’aujourd’hui. Mais ce
207
tre en Occident ? Beaucoup d’hommes, il est vrai,
sont
sans voie, et surtout dans le monde d’aujourd’hui. Mais ceux qui en c
208
esprit l’Occident. Pourtant la voie chrétienne n’
est
pas tout l’Occident. Elle prend son point de départ dans le choc déci
209
if duquel nous datons notre histoire. Mais elle s’
est
engagée dans un monde bien réel, déjà fortement structuré à la fois p
210
dentale de l’homme. Certes la voie chrétienne n’y
est
pas seule active, mais elle fut décisive et reste axiale : c’est par
211
ie chrétienne n’y est pas seule active, mais elle
fut
décisive et reste axiale : c’est par rapport à elle que nous pourrons
212
ans un Dieu personnel dont le commandement unique
est
celui de l’amour : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu et ton prochain
213
le attend de nous « dans une attente ardente », d’
être
aimée et connue, et finalement rachetée par la révélation des enfants
214
n sublime avec nos buts derniers. 14. Alexandre
était
mort depuis plus de trois siècles, Attila ne devait surgir sur le Rhi
215
l’Occident des chrétiens. Le mantra des Hindous n’
est
pas le logos. Elle donne pouvoir sur l’homme, mais aussi sur les dieu
216
r sur l’homme, mais aussi sur les dieux. Le logos
est
recteur d’action ; au contraire, le mantra, formule sacrée, sert à li
217
l’Inquisition, la Terre tourne pourtant. Mais il
est
des réalités qui pâtissent d’être tues ou mal dites. Qu’on les nie, o
218
ourtant. Mais il est des réalités qui pâtissent d’
être
tues ou mal dites. Qu’on les nie, ou seulement qu’on les désigne d’un
219
cte et vague, elles cesseront de « tourner » ou d’
être
actives : ce sont celles qui importent à l’homme, parce qu’elles relè
220
s cesseront de « tourner » ou d’être actives : ce
sont
celles qui importent à l’homme, parce qu’elles relèvent de sa foi, de
221
action ou de son sentiment. Ainsi l’amour : il n’
est
pas vraiment là tant qu’il ne s’est pas « déclaré ». Nommer certaines
222
’amour : il n’est pas vraiment là tant qu’il ne s’
est
pas « déclaré ». Nommer certaines tendances, croyances ou passions, c
223
ustifie des régimes violemment inconciliables. Il
est
vrai que l’Histoire n’est pas la sémantique et qu’elle ne se fait poi
224
ment inconciliables. Il est vrai que l’Histoire n’
est
pas la sémantique et qu’elle ne se fait point à coups de définitions.
225
éfinitions. Mais elle joue sur nos confusions : n’
est
-ce pas au nom de la liberté, ou de la paix, et comme en louvoyant ave
226
s pires tyrannies ont rejoint notre temps ? Et il
est
vrai, aussi, que le monde occidental est parti sans savoir où il alla
227
l allait, comme Abraham quittant son pays ; sinon
serait
-il vraiment l’Aventure que je décris ? Certains de nos pays, qui ont
228
pourtant vécu pendant des siècles. Mais s’il peut
être
utile d’ignorer ce que l’on vit, et de ne pas déclarer où l’on va, il
229
ue l’on vit, et de ne pas déclarer où l’on va, il
est
bon de savoir d’où l’on vient. Cherchant les origines de la notion de
230
s de la notion de personne, dont j’ai dit qu’elle
était
proprement constitutive de l’Occident, je trouve les grands conciles
231
olence, de la gauche et de la droite de la nef où
sont
massées plusieurs centaines d’évêques et de docteurs, tandis que les
232
» Des rédactions improvisées à la dernière minute
sont
mises aux voix. Le vote est emporté, mais des négociations de couloir
233
à la dernière minute sont mises aux voix. Le vote
est
emporté, mais des négociations de couloirs le remettent en question l
234
éputations. On a signé des listes de présence qui
seront
plus tard contestées : sont-elles complètes, sont-elles exactes ? n’a
235
tes de présence qui seront plus tard contestées :
sont
-elles complètes, sont-elles exactes ? n’a-t-on pas ajouté des noms d’
236
ront plus tard contestées : sont-elles complètes,
sont
-elles exactes ? n’a-t-on pas ajouté des noms d’absents ? Il faut main
237
meurt sous les coups de bâton. Au soir, le dogme
est
proclamé, l’erreur de Nestorius vient d’être condamnée, et la populat
238
dogme est proclamé, l’erreur de Nestorius vient d’
être
condamnée, et la population de la ville éclate en transports d’allégr
239
es et dans l’encens des cassolettes à parfum. Tel
est
donc le spectacle offert par les premières assises du christianisme,
240
feste, proteste, exile, accuse de blasphème ou en
est
accusé, organise des guets-apens ou y tombe, mélange indiscernablemen
241
tout obscures pour le peuple chrétien. Tout cela
serait
absurde si ce n’était sublime, si ce n’était finalement bien plus int
242
peuple chrétien. Tout cela serait absurde si ce n’
était
sublime, si ce n’était finalement bien plus intelligent, bien plus sa
243
ela serait absurde si ce n’était sublime, si ce n’
était
finalement bien plus intelligent, bien plus sage et bien plus réalist
244
l’Histoire. Voilà donc l’atmosphère dans laquelle
fut
nouée la notion dont descendent nos conceptions de l’homme. En appar
245
t, vrai Dieu et vrai homme à la fois. Le problème
était
le suivant : comment nommer les relations intradivines et les relatio
246
l’homme révélées par la venue du Christ, Dieu qui
est
le Père en tant que Créateur, le Fils en tant que Rédempteur, le Sain
247
ilier. L’hellénisme avait dégagé les notions de l’
être
distinct, c’est-à-dire de l’Individu, et de la permanence de cet être
248
-à-dire de l’Individu, et de la permanence de cet
être
à travers ses modalités : essence, substance et hypostase. De leur cô
249
é de droits dans la cité : le citoyen. Tout homme
est
un individu, du simple fait qu’il est un corps distinct, mais il ne d
250
Tout homme est un individu, du simple fait qu’il
est
un corps distinct, mais il ne devient une « personne » qu’en vertu de
251
ertu des relations civiques et juridiques dont il
est
le porteur dans l’État ; d’où cet adage du droit romain : persona est
252
l’État ; d’où cet adage du droit romain : persona
est
sui juris, servus non est persona (la personne étant définie par sa v
253
droit romain : persona est sui juris, servus non
est
persona (la personne étant définie par sa valeur juridique, l’esclave
254
st sui juris, servus non est persona (la personne
étant
définie par sa valeur juridique, l’esclave n’est pas une personne). A
255
tant définie par sa valeur juridique, l’esclave n’
est
pas une personne). Ainsi l’individu n’était qu’atome, et la persona q
256
clave n’est pas une personne). Ainsi l’individu n’
était
qu’atome, et la persona que valence ; l’un existait par soi, l’autre
257
tiques et sociales élaborées par ces trois mondes
sont
entrées elles aussi en symbiose, et cela d’une manière manifeste dès
258
le et menacé, mortel et ignorant, il sait qu’il n’
est
pas dieu, ne rêve pas de le devenir, mais se sent d’autant plus décid
259
navigateur, spéculateur dans tous les ordres, il
est
à tous égards celui qui définit — l’homme du Verbe et de l’épithète,
260
toutes choses », dira Protagoras, « de celles qui
sont
en supposant qu’elles sont, de celles qui ne sont pas en supposant qu
261
goras, « de celles qui sont en supposant qu’elles
sont
, de celles qui ne sont pas en supposant qu’elles ne sont pas ». Juge
262
sont en supposant qu’elles sont, de celles qui ne
sont
pas en supposant qu’elles ne sont pas ». Juge de tout, on le voit, mê
263
e celles qui ne sont pas en supposant qu’elles ne
sont
pas ». Juge de tout, on le voit, même des dieux. D’où le sens de sa d
264
ême des dieux. D’où le sens de sa dignité, qui ne
tient
à rien qu’à lui-même, au seul fait qu’il existe, distinct. D’où son o
265
résume dans le terme viril de citoyen. L’homme ne
tient
plus sa dignité unique de quelque essence indestructible, mais du per
266
ne anarchie latente, parce que ses disciplines ne
sont
pas celles de l’âme, que naît et se répand le christianisme. Apport
267
étienne, l’esclave y trouve la dignité morale qui
était
celle de l’individu selon les Grecs, et l’honneur de servir, qui étai
268
vidu selon les Grecs, et l’honneur de servir, qui
était
celui du citoyen romain. Il devient donc un paradoxe vivant : à la fo
269
a Personne du Christ. (Cette analyse sociologique
est
homologue — soulignons-le — de l’analyse philologique de la Personne.
270
on, unit le meilleur de Rome et de la Grèce, elle
est
aussi menacée, dans le monde du péché, par un double péril simultané
271
converti. Ces antinomies, en effet, ne sauraient
être
résolues qu’en vertu de la foi, dans l’amour, et par l’obéissance abs
272
l’individualisme et du social. Et dès lors qu’il
était
issu de contradictions peut-être insurmontables dans le plan où l’his
273
le plan où l’histoire en lit les témoignages, il
était
condamné au progrès, c’est-à-dire à la recherche sans fin d’un équili
274
echerche sans fin d’un équilibre dont le secret n’
est
pas de ce monde. Car s’il est vrai que la foi doit agir dans ce monde
275
re dont le secret n’est pas de ce monde. Car s’il
est
vrai que la foi doit agir dans ce monde, elle reste un don de Dieu et
276
stoire humaine vue dans la perspective chrétienne
est
le suivant : la communauté des personnes, libérées et reliées en vert
277
érées et reliées en vertu de la foi. Cet idéal s’
est
constitué comme tel aux premiers siècles de notre ère, dans une histo
278
’a pas arrêtée, mais dont il a pris la relève. Il
est
intervenu dans une suite dialectique, non comme sa conclusion mais co
279
ycle des perpétuels retours en Aventure. Le cycle
était
— ou paraissait — déterminé par une espèce de logique, qu’on peut déd
280
i le schéma. Le clan, la tribu primitive, lie les
êtres
nés dans sa sphère par les liens du sang et de la terre où reposent l
281
litaires. Il libère les individus de l’angoisse d’
être
libres sans but. Il les encadre, les aligne, les rassure, les terrori
282
Retour des phases, mais modifiées Le Moyen Âge
est
un retour au grégarisme. Mais le sacré chrétien y combat la magie, et
283
ordres religieux nient les états. La Renaissance
est
un retour de l’hellénisme rationnel et profanateur, et déjà presque d
284
l’aventure alexandrine : la découverte du monde y
est
une conséquence de l’idée de l’infini, tout nouvellement admise, déli
285
, délivrant l’esprit ébloui du monde cloisonné qu’
était
le Moyen Âge. Mais déjà la Réforme recrée une morale du service socia
286
mérite mieux que les Rois la réaction romaine que
sera
le jacobinisme. Il s’imagine qu’il veut la fin des « privilèges » et
287
même ordre de procession, si toutefois l’on s’en
tient
aux grands ensembles. Mais chaque phase est ici plus complexe. Et d’a
288
’en tient aux grands ensembles. Mais chaque phase
est
ici plus complexe. Et d’abord de la complexité des différents passés
289
’abord de la complexité des différents passés qui
sont
les siens, car elle s’est faite aux dépens du dernier et contre lui,
290
différents passés qui sont les siens, car elle s’
est
faite aux dépens du dernier et contre lui, mais c’est au nom de l’ava
291
portent le nom de leur innovation, quand elles se
seraient
donné celui de leur modèle. Signe du conflit permanent qui les sous-t
292
l’Ouest, larges taches continues aux confins de l’
Est
et du Sud — comme ils animent nos rêves et parfois tel poète. C. G. J
293
iches Américaines. Presque tous nos intellectuels
sont
des Hellènes ou des Alexandrins. De nombreux éléments rituels du mith
294
ds pans d’histoire de l’Europe. Certes, nous n’en
sommes
plus à dessiner des cartes où l’Europe est le centre du monde — comme
295
’en sommes plus à dessiner des cartes où l’Europe
est
le centre du monde — comme cela se fit encore au xve siècle —, mais
296
la Russie n’ont pas connu la Renaissance : elles
sont
en train de passer sans transition de leur Moyen Âge à l’ère de la te
297
technique. Les USA n’ont pas eu de Moyen Âge27 et
sont
issus de l’ère rationaliste-moraliste dont procède sans conflits maje
298
ces phases successives. Cette densité d’histoire
est
un ressort puissant de l’aventure occidentale. Les deux communauté
299
Les deux communautés On me dira que l’aventure
est
sur le point de mal finir, car les régimes totalitaires risquent bien
300
litaires risquent bien d’en poser le terme. Et il
est
vrai qu’ils sont intervenus dans une phase de notre évolution qui cor
301
t bien d’en poser le terme. Et il est vrai qu’ils
sont
intervenus dans une phase de notre évolution qui correspond — un tour
302
derniers temps » et d’une fin du monde imminente
fut
d’un puissant attrait pour les esclaves de Rome, ainsi voit-on de nos
303
e de la communauté des hommes en Occident peuvent
être
résumées en termes analogues, qu’il s’agisse du début de notre être o
304
ermes analogues, qu’il s’agisse du début de notre
être
ou de ce siècle. Le christianisme apparut en effet au sein d’une soci
305
it épuisé, mais dont les formes institutionnelles
étaient
encore assez solides et vénérées peur exclure toute réforme profonde,
306
u, Galiléen ! Vicisti Galilaeus ! Mais quelle que
soit
l’issue de la lutte engagée, l’antinomie des buts et des réponses est
307
tte engagée, l’antinomie des buts et des réponses
est
claire. En ce point de la spirale ascendante où l’angoisse de l’homme
308
lement : « Cherche et tu trouveras. » (Car le but
est
dans la recherche. Et nulle recherche n’est vraiment sans but, puisqu
309
e but est dans la recherche. Et nulle recherche n’
est
vraiment sans but, puisqu’elle n’est éveillée que par l’appel du but.
310
recherche n’est vraiment sans but, puisqu’elle n’
est
éveillée que par l’appel du but. Et le but est présent dans l’appel,
311
n’est éveillée que par l’appel du but. Et le but
est
présent dans l’appel, comme la personne l’est dans sa voix.) En d’aut
312
but est présent dans l’appel, comme la personne l’
est
dans sa voix.) En d’autres termes : quand l’homme en est au point de
313
s sa voix.) En d’autres termes : quand l’homme en
est
au point de ne demander plus rien d’autre qu’un principe de communaut
314
dit Parti, le christianisme dit Église. Le Parti
est
une dictature. Il dicte à chacun son emploi, par suite son personnage
315
et tyrannise. Il combat les goûts personnels, qui
seraient
source de conflits improductifs, et même éventuellement de sabotage.
316
x décimer ses enfants… Mais l’Église au contraire
est
une communauté de vocations personnelles, et donc imprescriptibles. E
317
ssance de la foi. Et cette foi n’a jamais cessé d’
être
le vrai recours de l’homme contre la loi, fût-elle sanctionnée par le
318
d’être le vrai recours de l’homme contre la loi,
fût
-elle sanctionnée par le pape. C’est pourquoi le christianisme, partou
319
Mais partout où l’Église agit comme un Parti, il
est
clair qu’elle trahit sa foi ; tandis que le Parti se conforme à sa lo
320
se muerait en cycle. Dans l’un et l’autre cas, ce
serait
la fin de l’Histoire. L’axe Magie, individu, cité, dissociation
321
alectiques de notre histoire occidentale pourrait
être
illustré par une surabondance de « documents » et de « faits historiq
322
toriques ». Et chacune de ces catégories pourrait
être
lue à l’œil nu dans ses témoignages plastiques : le grégarisme médiév
323
tégorie fondamentale et spécifique de l’Occident,
serait
-elle aussi la seule à ne pouvoir produire ses symboles, ses illustrat
324
ne qu’il n’en puisse aller autrement. La personne
est
appel et réponse, elle est acte et non fait ou objet, et l’analyse co
325
autrement. La personne est appel et réponse, elle
est
acte et non fait ou objet, et l’analyse complète des faits et des obj
326
ré la personne, pour la raison bien simple quelle
est
l’axe de la courbe. Elle reste équidistante de chacun de ses points,
327
action s’exerce en chacun d’eux, bien qu’elle n’y
soit
jamais objectivée, introduite ou posée comme un « fait ». Elle agit s
328
». Elle agit sur le Moyen Âge qui, sans elle, eût
été
encore plus « oriental » et n’eût peut-être pas connu le passage de l
329
erie, — et ce modèle de l’unité dans le divers qu’
est
la musique, cette plus pure création de l’Europe. Elle agit sur la Re
330
Kierkegaard (malgré Hegel et contre lui) avant d’
être
nommée et définie comme telle par les meilleurs esprits du xxe siècl
331
nspire la première théorie politique qui mérite d’
être
qualifiée d’axiale, j’entends le fédéralisme, qui combat à la fois la
332
e : j’indique quelques repères, à la volée. Et il
est
nécessaire qu’ils restent discutables, qu’ils ne prétendent qu’à l’ap
333
qu’ils ne prétendent qu’à l’approximation : cela
tient
à la définition de la personne humaine, nous l’avons vu. La personne
334
personne humaine, nous l’avons vu. La personne n’
est
jamais ici ou là, mais dans un acte, dans une tension, dans un élan —
335
ine dans la méditation sur le Dieu-homme, n’a pas
été
sans informer dans notre esprit une certaine manière de penser. Ou pe
336
t l’appeler « personnaliste », en ce sens qu’elle
est
l’homologue, dans les opérations intellectuelles, du paradoxe vivant
337
tuelles, du paradoxe vivant de la personne. Et il
est
remarquable qu’elle ait pris forme au xxe siècle, en pleine période
338
t-Esprit) ? Ensuite, comment concilier en un seul
être
historique et divin, Jésus-Christ, les deux termes, vrai homme et vra
339
t vrai Dieu ? Le résultat de ce débat fondamental
fut
la notion de Personne divine, plus tard transférée par analogie à la
340
rel qui reçoit une vocation de Dieu ; puis à tout
être
humain considéré dans sa dignité. La dialectique particulière qui se
341
théologique, dans les époques où la philosophie n’
était
encore que sa servante. Mais la philosophie se trouve à l’origine des
342
toires. J’en donnerai cinq exemples. Chaque homme
est
à la fois distinct, unique, mais lié à un corps social, à des semblab
343
mais lié à un corps social, à des semblables. Il
est
libre mais responsable. Le maximum de liberté correspondrait donc à s
344
e responsabilité. En fait, la liberté de Robinson
est
d’autant plus vide qu’elle est plus totale, tandis que la responsabil
345
iberté de Robinson est d’autant plus vide qu’elle
est
plus totale, tandis que la responsabilité maxima d’un roi idéalement
346
oi idéalement consciencieux (ou de tout homme qui
serait
entièrement absorbé par son rôle civique) ne laisse plus de place à l
347
erté et l’engagement ? Le problème de l’éducation
est
analogue : il s’agit en principe de transmettre à l’enfant le maximum
348
e ? L’avantage de l’acheteur et celui du vendeur
sont
des maxima contradictoires de l’économie de tous les peuples : en fai
349
lèbre et le plus net de maxima incompatibles nous
est
fourni par la physique. Il s’exprime par le principe d’incertitude de
350
Pères de l’Église primitive ? La parenté formelle
est
indéniable et le langage était le même. Pourtant, entre ces philosoph
351
La parenté formelle est indéniable et le langage
était
le même. Pourtant, entre ces philosophes mystiques et ces évêques mis
352
s’il s’agit de formuler un dogme), parce qu’elle
est
l’événement de la Médiation. Elle n’est nullement l’aboutissement d’u
353
e qu’elle est l’événement de la Médiation. Elle n’
est
nullement l’aboutissement d’un processus dialectique, mais le point d
354
te Médiation réalisée, impensable mais accomplie,
fut
aussi la seule plénitude parfaite de la personne. Hors de la foi en e
355
seul », dit le même Évangile qui nous ordonne : «
Soyez
parfaits comme votre Père est parfait. » Et c’est pourquoi le monde o
356
nous ordonne : « Soyez parfaits comme votre Père
est
parfait. » Et c’est pourquoi le monde occidental, qu’on ne devrait ja
357
ait jamais appeler « le monde chrétien » mais qui
fut
marqué le premier par ce signe de croix indélébile, était voué dès le
358
rqué le premier par ce signe de croix indélébile,
était
voué dès le début de son ère aux contradictions, aux conflits nés de
359
er plus loin… Et pour un Hegel qui proclame qu’il
tient
la clé et le système d’une médiation universelle par l’Idée, il y a t
360
n plus invivable. Et dans un certain sens, elle l’
est
, hors de la foi. Mais en fait, elle est soutenue par la continuelle i
361
s, elle l’est, hors de la foi. Mais en fait, elle
est
soutenue par la continuelle invention de solutions relatives et de co
362
le, originelle, de la Personne divine, ne saurait
être
résolue ni dépassée. Elle doit être assumée par la foi, au prix de ce
363
e, ne saurait être résolue ni dépassée. Elle doit
être
assumée par la foi, au prix de ce changement de l’homme lui-même que
364
nomie constitutive de la personne humaine ne peut
être
évacuée par aucune médiation théorique. La personne ne saurait être c
365
ucune médiation théorique. La personne ne saurait
être
conçue, par exemple, comme une synthèse harmonieuse d’individualisme
366
ement, afin de résoudre les contradictions qui ne
tenaient
qu’à nos catégories inadéquates33. Dans ce sens, et dans les limites
367
on vient d’indiquer, la pensée personnaliste peut
être
qualifiée de médiatrice, autant que d’instigatrice de conflits. Elle
368
ut pas assumer vraiment la responsabilité dont il
est
chargé, faute d’une liberté au moins potentielle, dont il se trouve c
369
ouve coupé par le seul fait que l’idée de liberté
est
liée dans son esprit à l’idée de l’erreur sociale, et signifie les sa
370
raie responsabilité. Ou encore : l’individualisme
étant
la tendance insulaire de l’homme, le collectivisme, sa tendance total
371
ait à la déprimer totalement. La personne ne peut
être
composée : elle est initiale ou elle n’est pas. On voit aussi dans qu
372
alement. La personne ne peut être composée : elle
est
initiale ou elle n’est pas. On voit aussi dans quelle complicité se t
373
peut être composée : elle est initiale ou elle n’
est
pas. On voit aussi dans quelle complicité se trouvent liés celui qui
374
la personne, ces deux fuyards devant la vocation,
sont
au même titre les saboteurs de l’Occident. Eux seuls, en se multiplia
375
eurs de l’Occident. Eux seuls, en se multipliant,
seraient
capables d’enliser l’Histoire, et de mettre un terme ignominieux à l’
376
nciles : comment ne pas songer aux épurations qui
seront
pratiquées 1500 ans plus tard dans une Russie dont l’esprit « byzanti
377
les tenants d’Arius. 24. Le concile de Nicée se
tint
en 325. Les grandes disputes christologiques avaient commencé dès les
378
nt » du christianisme. L’orthodoxie catholique ne
sera
définitivement assise qu’en 680, par le 6e concile de Constantinople.
379
ut en sortir que par sa mort. Ouvriers et paysans
sont
marqués au fer rouge, et rivés au lieu de leur travail. 26. À partir
380
fresques d’avant-garde. 28. L’exemple hitlérien
est
connu. Et quant aux Soviétiques : ministres, chefs de trusts, générau
381
rusts, généraux, ingénieurs, écrivains et savants
sont
leurs brahmanes ; membres du Parti, stakhanovistes, soldats, policier
382
mmerçants, artisans, leurs vaishyas ; les paysans
seraient
leurs shudras, et la foule des « déchets sociaux », opposants, ancien
383
x, Lénine et Staline, contre lesquels le militant
est
sans recours. 30. Ferdinand Lot, La Fin du monde antique, 1927. 31.
384
de même que chez Machiavel, l’individu ne cesse d’
être
soumis que pour régner, ou de tirer son épingle du jeu que pour mieux
385
ntinomies réelles exigent une transformation de l’
être
entier, qui les assume par la foi au lieu de chercher à les nier ou,
386
t la grotte de Circé dans l’Odyssée.) Et pour qui
serait
tenté de mettre en doute leur valeur religieuse et sacrée, je lui sug
387
es symptômes cliniques, comme l’obsession qu’elle
est
; ou parler de la Révolution sans la prêcher ni la maudire, mais en é
388
e d’une formule qui a fait son temps, — voilà qui
sera
ressenti comme sacrilège par l’intelligentsia occidentale, d’autant p
389
tsia occidentale, d’autant plus fortement qu’elle
sera
moins chrétienne. Il y a donc un sacré moderne. Et ces trois noms rév
390
sie et la morale courtoises, dont le thème unique
est
l’amour. Peu après (à Lyon, en 1143), les chanoines instituent le cul
391
transmission des thèmes, sujets et procédés peut
être
suivie pas à pas : nos plus grands érudits l’ont décrite. Mais le rom
392
rudits l’ont décrite. Mais le roman de Tristan ne
fut
pas imité par les seuls écrivains depuis près de huit siècles : toute
393
tige le plus efficace, l’héroïsme divinisant. Tel
fut
l’essor de la passion, du xiie siècle méridional au romantisme, et n
394
e quel fidèle endimanché aux martyrs dont le sang
fut
la semence de l’Église. Le contenu du mythe ne peut être décrit qu’en
395
semence de l’Église. Le contenu du mythe ne peut
être
décrit qu’en opposant des termes eux-mêmes ambivalents : il est exalt
396
en opposant des termes eux-mêmes ambivalents : il
est
exaltation de la vie vers la mort (mais la vie et la mort changent de
397
le langage des passionnés et des mystiques) ; il
est
impérialisme et abandon du moi (avec la même sincérité, dans le même
398
(avec la même sincérité, dans le même geste) ; il
est
intensité mais déprimante, ascèse mais luxurieuse, défi mais masochis
399
ascèse mais luxurieuse, défi mais masochiste ; il
est
discours sans fin sur l’indicible. (Le Tristan de Wagner illustre bie
400
Au regard de la Société, le mythe de la passion n’
est
que révolte et fuite. Il ne peut fomenter que l’individu égoïste et p
401
et profanateur, au sein même du monde féodal qui
est
le monde des « fidélités ». Tristan pris de passion viole tous les in
402
’il suppose l’union au sein de la distinction, il
est
normal que toutes les hérésies du xiie siècle le condamnent. Elles a
403
la Voie mystique, et l’abandon total à la passion
est
décrit comme une conversion : Alors la vraie Minne, la fougueuse dée
404
e vie. Il entra dans une vie nouvelle où tout son
être
fut changé. Il devint un autre homme35... Cette « vie nouvelle » — d
405
. Il entra dans une vie nouvelle où tout son être
fut
changé. Il devint un autre homme35... Cette « vie nouvelle » — dans
406
. Cette « vie nouvelle » — dans le monde comme n’
étant
pas du monde — n’est pas donnée à l’homme pour son plaisir : elle le
407
» — dans le monde comme n’étant pas du monde — n’
est
pas donnée à l’homme pour son plaisir : elle le saisit comme une grâc
408
idélité jusqu’à la mort divinisante, mais un seul
être
a pris la place de tous, et du monde, et de Dieu lui-même. Tout ici r
409
bien qu’en un reflet inversé. Cet amour déifié n’
est
pas le Dieu d’Amour. Il n’élit pas un homme pour le sauver, mais pour
410
pris à croire à la valeur irremplaçable d’un seul
être
. « Je pensais à toi dans mon agonie. J’ai versé telles gouttes de san
411
pparaître que dans le monde où cette croyance à l’
être
unique faisait partie de la religion de tous. Son élan fou, qui mime
412
e Bach. La « Joie suprême » d’Isolde agonisante n’
est
qu’un dernier défi au Soleil disparu derrière l’horizon jaune de la m
413
chair que pour sombrer. Mais alors la passion ne
serait
-elle pas l’échec de l’Aventure occidentale, échec fatal dès que l’âme
414
c demeure spécifiquement occidental, encore qu’il
soit
causé par un refus des options principales de l’Occident. Il ne ramèn
415
ue celui de la métempsycose. « Notre engagement n’
était
pas pris pour cette vie », dit Novalis parlant de sa fiancée perdue.
416
nt magique de l’Occident tragique, et cet abîme n’
est
autre que le vertige de l’âme en proie au refus manichéen de l’Incarn
417
’idée et la réalité de ce phénomène, je l’ai dit,
sont
inconnues dans tout l’Orient, qu’il s’agisse des empires aryens ou dr
418
isme en Asie, écrivait en 1930 Henri de Man, cela
tient
à l’absence du christianisme. Dès ce moment, d’ailleurs, un Japonais
419
les premiers touchés par l’idéologie marxiste ont
été
les intellectuels éduqués en Angleterre et les populations très ancie
420
abar. Prenons la Chine : le père de sa révolution
fut
le converti Sun Yat-sen, protestant fanatique à ses débuts… Tout port
421
violence d’une catharsis : « Les choses vieilles
sont
passées, dit saint Paul ; voici, toutes choses sont devenues nouvelle
422
nt passées, dit saint Paul ; voici, toutes choses
sont
devenues nouvelles. » Et les chefs de nos révolutions promettent des
423
’exigence de la liberté pour tout homme, quel que
soit
son rang ; le conflit de ces deux exigences, qui est la source à la f
424
son rang ; le conflit de ces deux exigences, qui
est
la source à la fois de l’instabilité de nos régimes politiques et soc
425
ire européen se détache sur le fond d’une foi qui
tient
la liberté et l’action prophétique pour plus vraies que l’Ordre du Mo
426
s la continuité vivante de ses passés, dont nul n’
est
aboli ni privé de ses temples. Elle évoque l’idée d’une Europe où viv
427
paraît même douteux que les premiers chrétiens se
soient
conduits en « révolutionnaires » au sens moderne de l’expression. Cer
428
l’Empire défaillant. Mais les premiers chrétiens
sont
restés « conformistes » à l’égard des pouvoirs établis. On ne les voi
429
tution de l’esclavage, par exemple36, lesquels ne
seront
pas abolis pour des raisons théologiques, mais militaires dans le pre
430
remonter à notre dialectique de la personne. Ce n’
est
pas la personne qui se détache d’abord du corps magique de la tribu,
431
peut naître la révolution. Deux formules d’ordre
sont
en effet concevables à ce moment. Il y a l’Église et sa fraternité fo
432
e38 dans la lutte contre l’ordre établi. L’Église
est
obéissance au Libérateur éternel, mort pour nous mais présent dans la
433
oses qu’on ne voit point ». Le Parti au contraire
est
aux ordres d’un chef dont la présence visible et matérielle est confi
434
d’un chef dont la présence visible et matérielle
est
confirmée sur tous les murs ; il réclame lui aussi la foi des militan
435
ts dans un monde idéal et futur, mais cette foi n’
est
gagée que sur le sacrifice et la mort de ses adversaires. On entre da
436
s adversaires. On entre dans l’Église parce qu’on
est
converti, donc changé ; mais on entre dans le Parti pour changer le m
437
du révolutionnaire, d’une conversion non pas de l’
être
mais du faire ; et de plus, déléguée à l’action collective. L’individ
438
au lieu de se retrouver une personne engagée, il
est
devenu le soldat politique embrigadé. Que le Parti révolutionnaire so
439
politique embrigadé. Que le Parti révolutionnaire
soit
une exacte parodie (consciente ou non) de l’Église chrétienne, voilà
440
jusqu’aux derniers replis du cervelet. Saint-Just
était
un enfant de chœur, comparé à ces Philanthropes, sinon par l’intentio
441
t les purges communistes, et son « cléricalisme »
fut
sans tache. Toutefois, les églises politiques ne copient de l’Église
442
Aucun des traits communs qu’on vient d’énumérer n’
est
proprement évangélique. C’est l’ambition théocratique, non l’Agapè, q
443
s juges. D’où la Terreur inévitable qu’il exerce,
étant
lui-même terrorisé. D’où le fait nécessaire et non accidentel — en dé
444
partisans — que la Révolution, mythe libertaire,
est
une réalité close et lugubre, une psychose de persécution, la paranoï
445
éon, Hitler, Mussolini, Staline. Ces tyrans n’ont
été
abattus que par la guerre ou par la mort. Et la plupart furent les bé
446
s que par la guerre ou par la mort. Et la plupart
furent
les bénéficiaires, non les victimes, de nos révolutions « libératrice
447
elle des disciplines d’État qui leur ont succédé,
fut
mainte fois baptisée « douceur de vivre » non seulement par ses survi
448
asochistes. L’éloquence crispée d’un Saint-Just40
était
leur idée de la « pureté », les sentences brutales d’un Lénine leur i
449
temps tenu lieu de spiritualité, et ses prestiges
sont
loin d’être épuisés. La guillotine et les camps soviétiques font part
450
ieu de spiritualité, et ses prestiges sont loin d’
être
épuisés. La guillotine et les camps soviétiques font partie de la bon
451
ous estimons froidement ses résultats, force nous
est
de constater que les révolutions européennes, sans aucune exception n
452
ption notable, ont abouti à renforcer la tyrannie
soit
d’un homme, soit d’une classe, et toujours de l’État. Adoptant les va
453
t abouti à renforcer la tyrannie soit d’un homme,
soit
d’une classe, et toujours de l’État. Adoptant les valeurs de la Passi
454
la mort ! » s’écriaient les jacobins, et la mort
était
là, celle des autres d’abord, mais la Liberté se voilait — laissant e
455
Vive la Russie ! Il proclame un nouveau mythe. Il
est
comme une invocation à un dieu nouveau, une sorte de Gott mit uns aus
456
sitôt exaucé, puisque par ce seul cri la bataille
sera
gagnée. La nation à l’état naissant, comme nous la trouvons à Valmy,
457
venir et de volonté. Toutefois, cette idéologie n’
est
pas le fait du peuple entier, mais d’un parti ; et ce parti agit par
458
l’intérieur du pays, la première tâche de l’État
sera
d’écraser les opposants, car la nation est religion et les religions,
459
’État sera d’écraser les opposants, car la nation
est
religion et les religions, en Occident, ne transigent pas, du moins d
460
la France napoléonienne. L’idéologie de la nation
est
par essence conquérante : elle veut apporter la Liberté aux autres pe
461
ilosophie du nationalisme va se constituer. Hegel
est
la contrepartie réflexive de Napoléon. Hegel se représente la nation
462
la nation comme une croisade pour l’idée. « Ce ne
sont
pas les déterminations naturelles de la nation qui lui donnent son ca
463
lui comme esprit et nature.) Cet esprit national
est
« un individu dans la marche de l’Histoire. » Il se fait par sa propr
464
us haut concept de l’Esprit ». Pour la France, ce
seront
les « immortels principes ». Pour la Prusse, l’idée de l’État. Pour l
465
synthétique, afin de mieux prouver leur raison d’
être
. Nationalisme de reflet, d’imitation, parfois plus proche du vrai pat
466
nations », et de « droit international », mais il
est
clair que ces États-nations-Individus rendent tout ordre internationa
467
es occasions décisives. Certes, l’esprit national
est
un dieu bien réel, et que l’on croit vraiment, puisqu’il peut exiger
468
ans les écoles sous le nom de « patriotisme ». Il
est
admis que tout orgueil, toute vanité, et jusqu’aux vantardises les pl
469
nce tout entière de l’homme. « L’orgueil national
est
loin de la vie quotidienne », remarque Simone Weil. La nation est un
470
ie quotidienne », remarque Simone Weil. La nation
est
un dieu lointain, qui demande beaucoup plus qu’il ne donne, infinimen
471
d’amour, la nation revendique des absolus dont il
est
manifeste qu’elle est spirituellement indigne et matériellement incap
472
endique des absolus dont il est manifeste qu’elle
est
spirituellement indigne et matériellement incapable : celui de la sou
473
de la souveraineté sans limites, par exemple, qui
est
un des attributs de Dieu ; ou celui de l’éternité, au mépris de toute
474
« France éternelle », « l’Allemagne immortelle »
sont
des expressions courantes en temps de guerre. Cette rhétorique émeut
475
rénésie pseudo-religieuse du nationalisme pouvait
être
mortelle à l’Occident, et je vois deux raisons considérables pour le
476
ci n’ont pas souhaité cette responsabilité, et ne
sont
pas équipés pour l’exercer : c’est par là qu’ils différent profondéme
477
mande pourquoi, je répondrai par cette phrase qui
est
la parabole biologique d’une vérité fondamentale de l’esprit : « Tout
478
ma seconde raison : c’est que l’Asie tout entière
est
menacée de « prendre » notre fièvre nationaliste. Certains pays en fo
479
rtel aux Polynésiens. Le nationalisme en Europe s’
est
trouvé partiellement neutralisé par la durable résistance des groupes
480
volution, Nation : ces trois maladies spécifiques
sont
les « signes particuliers » de la fiche de l’Europe au dossier de l’H
481
de l’Europe au dossier de l’Histoire. Mais ce ne
sont
pas seulement des maladies fiévreuses, ce sont aussi des hérésies ; v
482
ne sont pas seulement des maladies fiévreuses, ce
sont
aussi des hérésies ; vérités dévoyées, isolées de l’ensemble où elles
483
la résolution toujours fuyante. Toutes les trois
sont
le résultat d’une transposition abusive de réalités spirituelles soit
484
ne transposition abusive de réalités spirituelles
soit
sur l’individu, soit sur la société. Toutes les trois sont mortelles
485
ive de réalités spirituelles soit sur l’individu,
soit
sur la société. Toutes les trois sont mortelles et liées à la mort pa
486
l’individu, soit sur la société. Toutes les trois
sont
mortelles et liées à la mort par une complicité originelle. Nous le s
487
Couper ces fièvres aurait un effet dévastant : ne
serait
-ce pas nous vider d’une affectivité qui est devenue la saveur et le s
488
ne serait-ce pas nous vider d’une affectivité qui
est
devenue la saveur et le sens mêmes de la vie pour des millions de nos
489
les apparaît presque inconcevable. C’est qu’elles
tiennent
aux motifs les plus profonds de notre situation dans l’Histoire ; à l
490
oire ; à la genèse de toute notre Aventure. Elles
sont
les longues erreurs inséparables de la périlleuse Odyssée dans laquel
491
ables de la périlleuse Odyssée dans laquelle nous
sommes
nés embarqués. Un dernier trait commun à toutes les trois achèvera de
492
le But dernier de l’Aventure, qui ne peut jamais
être
saisi que par la foi. Le christianisme se distingue de la plupart des
493
râce subvienne à sa débilité et qu’ainsi le salut
soit
donné par Dieu seul, il se jette vers des buts plus prochains et sens
494
truction et sa mort ». Sacraliser des buts qui ne
sont
pas le But, c’est la formule de la révolte occidentale. Révolte contr
495
évolte contre l’Amour de Dieu et du prochain, qui
était
le commandement remplaçant toute la Loi, et l’on voudrait mais on ne
496
onner sans réserve, d’aimer dans la totalité de l’
être
, jusqu’au sacrifice éperdu. Alors je ferai d’Iseut l’absolu du désir,
497
rs je ferai d’Iseut l’absolu du désir, et elle le
sera
tant qu’un obstacle réel ou non entre elle et moi, même embrassés, em
498
ppel intime. Il pense alors : c’est Dieu qui doit
être
trop faible pour me contraindre à l’obéissance et à l’amour. La révol
499
e la force à son zénith. Mais, d’un pouvoir qu’on
tient
pour affaibli, toute exigence est ressentie comme un « abus ». Ainsi
500
pouvoir qu’on tient pour affaibli, toute exigence
est
ressentie comme un « abus ». Ainsi toutes nos révoltes imitent, même
501
on de l’Occident ». On voit maintenant qu’il n’en
est
rien. L’Occident comme ensemble historique n’a jamais été converti, e
502
. L’Occident comme ensemble historique n’a jamais
été
converti, et il ne saurait l’être, en vérité, du seul fait qu’il n’es
503
rique n’a jamais été converti, et il ne saurait l’
être
, en vérité, du seul fait qu’il n’est pas une personne. Mais le fermen
504
e saurait l’être, en vérité, du seul fait qu’il n’
est
pas une personne. Mais le ferment du christianisme originel, son exig
505
christianisée » dans ses structures qu’elle ne l’
était
avant le xiie siècle. D’où l’on ne saurait conclure, en poussant à l
506
en poussant à l’absurde, que l’incroyant moderne
est
plus « chrétien » que ne pouvait l’être un paroissien naïf du Moyen Â
507
nt moderne est plus « chrétien » que ne pouvait l’
être
un paroissien naïf du Moyen Âge, mais seulement que la dialectique fo
508
lement que la dialectique formelle de la personne
est
plus profondément active qu’on ne le pensait naguère dans l’âme de no
509
n pourrait même soutenir que le christianisme n’a
été
subversif qu’en dépit des prétentions de l’Église à imposer un ordre
510
s le souligne avec raison : « L’Empire de Byzance
était
un état plus ou moins théocratique. En Occident, il en allait tout au
511
evé les mêmes prétentions. Mais comme celles-ci n’
étaient
pas admises, elle devint militante, et tout en se développant sur le
512
out en se développant sur le plan spirituel, elle
fut
un facteur de liberté contre les abus du pouvoir temporel. Ainsi le c
513
u pouvoir temporel. Ainsi le christianisme a-t-il
été
jusqu’à encourager les aspirations libérales des adversaires de l’Égl
514
ne et sens de l’Histoire, p. 79.) 38. Tout homme
est
mon frère, quoi qu’il fasse ou pense, si je suis chrétien. Tout camar
515
e est mon frère, quoi qu’il fasse ou pense, si je
suis
chrétien. Tout camarade peut à chaque instant cesser de l’être, si je
516
. Tout camarade peut à chaque instant cesser de l’
être
, si je suis communiste. 39. Les chefs soviétiques font récrire Marx
517
ade peut à chaque instant cesser de l’être, si je
suis
communiste. 39. Les chefs soviétiques font récrire Marx lui-même, cr
518
r subsister quelque instance supérieure au Parti,
fût
-elle humaine. 40. Ce personnage s’égale aux plus grands, dans leur c
519
le, même s’ils n’y croient plus. « Ne mêlons pas,
fût
-ce une seconde, la personne grandiose de Saint-Just, au triste Marat…
520
siècle, crut pouvoir la préciser : l’homme avait
été
créé en 4004 avant J.-C., le 23 octobre, à 9 heures du matin. Les pro
521
re, à 9 heures du matin. Les professeurs d’Oxford
tenaient
pour le 23 mars, même heure et même année. Buffon écrit un peu plus t
522
est-à-dire depuis la création de l’homme, il ne s’
est
écoulé que six ou huit-mille ans. » Cuvier partage ces vues, que Sche
523
t paraître une révolution considérable. Mais ce n’
est
guère qu’un détail dénué d’intérêt pour peu que l’on considère les di
524
, l’unité de temps — le Kalpa ou Jour de Brahma —
est
de quatre-milliards-trois-cent-vingt-millions d’années solaires. Or l
525
millions d’années solaires. Or la vie d’un Brahma
est
de 108 « années », dont chaque jour et chaque nuit représentent un Ka
526
la destruction du monde et sa reconstruction, qui
sera
l’œuvre de Kalki, dernier avatar de Vishnu. En regard des ordres de g
527
maintenant ce double fait : le sens de l’Histoire
est
caractéristique de l’Occident, et il y tourne même à l’obsession si l
528
ance de l’histoire et de la personne Un fait n’
est
historique, au sens exact du terme, qu’en vertu de son unicité. S’il
529
unicité que lui confère sa vocation, autrement il
est
vu comme une répétition, grain de poussière isolé d’un univers absurd
530
d’un corps magique sans fin. Combien d’individus
sont
-ils donc nés et morts depuis qu’il y a des hommes sur cette planète ?
531
he génial pouvait nous dire demain que la réponse
est
« de l’ordre de 300 milliards », nous en serions moins étourdis que g
532
onse est « de l’ordre de 300 milliards », nous en
serions
moins étourdis que gênés. Mais d’où viendrait notre malaise ? Comment
533
endrait notre malaise ? Comment ne pas voir qu’il
serait
intimement lié, chez ceux qui l’éprouveraient, au sens de la personne
534
ycose, à l’astrologie et aux castes. Tout cela se
tient
et se relie, tout cela est « religion » au sens premier du terme43 —
535
castes. Tout cela se tient et se relie, tout cela
est
« religion » au sens premier du terme43 — et ne laisse aucune place à
536
e de l’Histoire : il annonce la Résurrection, qui
est
victoire sur le Temps comme sur la mort. Mais c’est bien à partir de
537
haque personne devient unique et décisif, comme l’
était
sous l’Ancienne Alliance le rôle collectif d’Israël. Le dialogue de P
538
istoire, conscience nouvelle du temps des hommes,
est
née de la même rupture des grands rythmes cosmiques et des fatalités
539
la mort, qui libère et suscite la personne. Ce n’
est
pas un hasard, si le premier auteur d’une philosophie de l’Histoire —
540
’une philosophie de l’Histoire — la Civitas Dei —
fut
aussi le premier auteur d’une biographie de sa personne : les Confess
541
du temps. Voilà le fait fondamental. Car le temps
est
lié à la mort comme à la perte des paradis — Eden, âge d’or, enfance
542
, âge d’or, enfance — vécus ou imaginaires. Et il
est
lié à la menace toujours instante des catastrophes imprévisibles et a
543
dévalorise le temps vécu de la souffrance. Ce n’
est
plus la souffrance qui est vaine, dès lors qu’elle prend un sens exem
544
e la souffrance. Ce n’est plus la souffrance qui
est
vaine, dès lors qu’elle prend un sens exemplaire dans le Mythe, mais
545
es termes que saint Paul la présente. Que Dieu se
soit
manifesté comme une Personne ; par un geste sans précédent ; au temps
546
devient responsable de son temps sur la Terre. Ce
serait
intolérable si la Révélation n’apportait en même temps la certitude q
547
portait en même temps la certitude que le temps a
été
vaincu au matin de Pâques, que l’homme ne lui appartient que par la c
548
, que l’homme ne lui appartient que par la chair (
étant
au monde mais non du monde) et qu’un terme est promis à l’Histoire, e
549
(étant au monde mais non du monde) et qu’un terme
est
promis à l’Histoire, encore que nul n’en sache « le jour ni l’heure »
550
i échappe au temps et à la mort. « Si le Christ n’
est
pas ressuscité, votre foi est vaine et vous êtes encore dans vos péch
551
t. « Si le Christ n’est pas ressuscité, votre foi
est
vaine et vous êtes encore dans vos péchés. » Mais cette preuve n’est
552
n’est pas ressuscité, votre foi est vaine et vous
êtes
encore dans vos péchés. » Mais cette preuve n’est valable que pour la
553
tes encore dans vos péchés. » Mais cette preuve n’
est
valable que pour la foi parfaite, et ce recours au Transcendant, non
554
on plus au Mythe, contre la dictature du temps, n’
est
effectif que pour celui qui croit « que Dieu peut tout à tout instant
555
ant », ainsi que l’écrit Kierkegaard. Or la foi n’
est
jamais parfaite, et dans l’homme converti persiste « le vieil homme »
556
ersiste « le vieil homme ». Son mouvement naturel
sera
de chercher et d’inventer contre le temps d’autres défenses. Il essai
557
des cycles et des rythmes cosmiques de l’Histoire
sera
reprise — contre l’esprit des Pères — par les plus grands docteurs oc
558
re du temps et du progrès continu de l’Histoire n’
est
guère soutenue que par un Joachim de Flore, dont les écrits sont cond
559
enue que par un Joachim de Flore, dont les écrits
sont
condamnés ou falsifiés. Dans la conscience populaire médiévale, comme
560
’idée d’une évolution imprévisible et progressive
est
généralement éliminée par des représentations archétypiques et mythiq
561
— comme on l’a ressassé depuis les romantiques —
fut
bien plutôt dans son ensemble une longue réaction de défense contre l
562
l’Évangile. (J’ai dit plus haut que le Moyen Âge
fut
la période « orientale » de l’Europe.) Touchée en premier lieu par le
563
lieu des temps », symbole archétypique. Les temps
sont
rétrécis à quelques millénaires dont la chronologie restera symboliqu
564
’où les excès qu’on signalait plus haut). Elle ne
sera
vraiment bouleversée qu’aux débuts de notre xxe siècle. Relevons ici
565
er. C’est un mouvement exactement contraire qui s’
est
produit dans l’Occident moderne, où à l’inverse de ce qui s’était pas
566
ns l’Occident moderne, où à l’inverse de ce qui s’
était
passé durant l’intermède médiéval, l’état civil des hommes et des act
567
ne humaine. Ceci pose un problème encore neuf.
Être
ou non dans l’histoire Tout d’un coup (dans l’espace d’une quarant
568
de l’Univers, qui se répéterait à l’infini : nous
serions
dans une phase d’expansion. La cosmologie des Hindous paraît alors mo
569
torité que celle d’un précepteur. Ses « lois » ne
sont
encore que celles de la morale, et sa réalité celle d’un discours. Ma
570
elle d’un discours. Mais l’Histoire aujourd’hui n’
est
plus un conte, elle se distingue absolument de son récit. Elle ne con
571
leçons », qu’on pourrait aussi bien ignorer. Elle
est
tout autre chose : le devenir présent. Elle est plus vraie que nous,
572
e est tout autre chose : le devenir présent. Elle
est
plus vraie que nous, qui ne faisons que l’habiter pour un atome de te
573
habiter pour un atome de temps insignifiant. Elle
est
devenue le cours de la réalité, où ce qu’il y a de plus réel, c’est l
574
le cours même. Et comme ce mouvement pur « doit »
être
dépourvu d’origine et de but connaissable, on ne peut savoir son sens
575
çoit l’attribut d’exister. Ce qui résiste au sens
est
« mystification » aux yeux des théoriciens et polémistes, « sabotage
576
’action d’un pays ou de l’option d’un homme, il n’
est
donc plus question de demander si c’est « vrai ». C’est « dans le sen
577
». C’est « dans le sens de l’Histoire », ou ce n’
est
rien qui vaille… Suis-je dans l’Histoire ? es-tu dans l’Histoire ? so
578
ens de l’Histoire », ou ce n’est rien qui vaille…
Suis
-je dans l’Histoire ? es-tu dans l’Histoire ? sont-ils dans l’Histoire
579
n’est rien qui vaille… Suis-je dans l’Histoire ?
es
-tu dans l’Histoire ? sont-ils dans l’Histoire ? ainsi conjugue une bo
580
Suis-je dans l’Histoire ? es-tu dans l’Histoire ?
sont
-ils dans l’Histoire ? ainsi conjugue une bonne partie de l’intelligen
581
ligentsia occidentale du xxe siècle45. Comme il
est
clair qu’on ne peut pas « être » dans l’Histoire rédigée par des hist
582
siècle45. Comme il est clair qu’on ne peut pas «
être
» dans l’Histoire rédigée par des historiens, on voit qu’il s’agit d’
583
de l’Existence. Cette Histoire absolutisée, qui n’
est
plus connaissance des actes du passé, mais flux irrésistible entraîna
584
eut-on la distinguer encore du temps lui-même ? N’
est
-elle pas simplement une manière de le penser qui le ferme à toute tra
585
t nous interdit tout recours ? « Au monde comme n’
étant
pas du monde », disait saint Paul. Mais l’Histoire absolue veut que l
586
s l’Histoire absolue veut que l’homme tout entier
soit
uniquement du monde : elle le coupe de l’Esprit. Ce faisant, elle nie
587
couvre impuissant devant elle et en elle : rien n’
est
plus répandu que ce sentiment anxieux dans l’intelligentsia comme dan
588
seule conviction que la vocation d’un homme peut
être
plus vraie que la règle — d’où les martyrs des premiers temps du chri
589
ituer dans l’ensemble de l’Aventure occidentale ?
Est
-elle le signe annonciateur d’une fin lugubre, ou seulement d’une cris
590
r la croyance à l’action personnelle. La personne
est
agent de liberté. Cette Histoire nous conduit au fatalisme. Comment l
591
venir exclusives l’une de l’autre, alors qu’elles
sont
nées en même temps d’un même acte libérateur ? Mais d’abord, est-il s
592
e temps d’un même acte libérateur ? Mais d’abord,
est
-il sûr que la croyance moderne à l’Histoire comme devenir tout-puissa
593
moderne à l’Histoire comme devenir tout-puissant
soit
le développement normal et la suite obligée de l’attitude chrétienne
594
répandu que jamais dans le grand public : Toynbee
est
best-seller, les revues et la presse nous parlent de Sumer, du paléol
595
se mettre au passé dans un livre. Mais la réponse
est
non s’il s’agit de cette Histoire dans le « sens » de laquelle on nou
596
le « sens » de laquelle on nous dit qu’il faut «
être
» de toute nécessité, sous peine de n’être pas. Celle-ci marque un re
597
faut « être » de toute nécessité, sous peine de n’
être
pas. Celle-ci marque un recul devant le risque du temps. La conscienc
598
t le risque du temps. La conscience de l’Histoire
est
née de l’acceptation d’un temps radicalement imprévisible. Et sa fin
599
temps radicalement imprévisible. Et sa fin seule
était
certaine et serait bonne. Mais encore fallait-il croire à l’Apocalyps
600
t imprévisible. Et sa fin seule était certaine et
serait
bonne. Mais encore fallait-il croire à l’Apocalypse. D’ici là, nul so
601
manière dont il décide d’identifier au devenir l’
être
et la vérité elle-même. Solution masochiste, pour un Occidental. L’in
602
te façon je ne pourrais plus le distinguer. Je ne
suis
plus responsable, mais c’est l’Évolution, et je n’ai plus d’autre cho
603
choix que de m’en dire l’agent. Cet abandon de l’
être
entier à la Maya, sans plus rêver la délivrance du nirvana, cet enlis
604
éel du sens de la personne et de la liberté. Ce n’
est
pas qu’on n’aime plus être soi librement, ni vraiment qu’on renie la
605
et de la liberté. Ce n’est pas qu’on n’aime plus
être
soi librement, ni vraiment qu’on renie la personne : mais on ne croit
606
plus croire qu’elle puisse répondre, c’est-à-dire
être
responsable. Derrière ce masochisme, comme toujours, un sadisme. Dans
607
l’orgueil fou trouve un alibi. L’Évolution fatale
est
en réalité celle que l’on voudrait imposer. Les communistes affirment
608
oudrait imposer. Les communistes affirment qu’ils
sont
les instruments du sens inévitable de l’Histoire, légitimant la mort
609
ter son utopie. Si le sang de ses propres martyrs
fut
la semence de l’Église, c’est le sang des « païens », le sang des aut
610
temps ne va pas apporter la négation de ce que je
suis
, de ce que j’attends, de mes croyances ou de mon incroyance, ou même
611
u même de ces raisons de désespérer auxquelles je
tiens
contre le monde et contre Dieu — la négation de moi-même et du sens d
612
ir. Utopies optimistes chez les totalitaires : ce
sont
les mêmes, mais ils s’en félicitent. Et les unes comme les autres, re
613
rs au transcendant libérateur. Engendrer l’utopie
est
un mouvement de l’âme, sans doute inséparable de l’historicité initié
614
le défi du temps paraisse insurmontable. L’utopie
est
recul devant le temps ouvert, elle refuse d’affronter cette situation
615
lle refuse d’affronter cette situation béante qui
fut
celle des premiers chrétiens, mais elle en reste tributaire — et c’es
616
s que ceux de la routine. L’Histoire-devenir, qui
est
une conjuration du temps, exige des sacrifices sanglants bien plus ma
617
ais d’anticiper sur nos lendemains, et ceux-ci ne
seront
point marqués par nos hypothèses même exactes, mais par nos choix fon
618
ais par nos choix fondamentaux. Car la question n’
est
pas de savoir « ce qui arrivera », mais de savoir dès maintenant ce q
619
vera », mais de savoir dès maintenant ce que nous
sommes
disposés à laisser arriver ou à faire arriver ; la question n’est pas
620
aisser arriver ou à faire arriver ; la question n’
est
pas de supputer le sens probable d’un devenir fatal, pour nous « ajus
621
s’originer qu’en la personne. Bref, la question n’
est
pas de deviner l’Histoire, mais de la faire. Seules nos options prése
622
eaucoup48, l’option centrale de l’âme occidentale
est
décrite en des termes si lucides à mon sens, que je veux les citer en
623
orizon des archétypes et de la répétition ne peut
être
dépassé impunément que si l’on adhère à une philosophie de la liberté
624
a liberté qui n’exclut pas Dieu… Le christianisme
est
la « religion » de l’homme moderne et de l’homme historique, de celui
625
le temps continu (au lieu du temps cyclique). Il
est
même intéressant de noter que l’existence de Dieu s’imposait avec une
626
i au sens judéo-chrétien du mot (= pour Dieu tout
est
possible), l’homme détaché de l’horizon des archétypes et de la répét
627
en d’autres termes, l’“inauguration” d’un mode d’
être
nouveau et unique dans l’Univers), et d’autre part la certitude que l
628
on transhistorique, même si cette signification n’
est
pas toujours transparente pour l’actuelle condition humaine. Toute au
629
. La première société d’histoire connue en orient
fut
fondée au xixe siècle par un Anglais, Sir William Jones : la Société
630
Jones : la Société asiatique du Bengale. Et ce n’
est
guère que depuis la fin du xixe siècle qu’une science historique s’e
631
a fin du xixe siècle qu’une science historique s’
est
constituée en Inde. 43. Religio, de religare, lier ensemble. 44. L
632
nouveauté — le fait sans précédent archétypique —
est
la terreur de tous les moyens âges. Quand elle survient, quand on se
633
çais connus. Le premier accusait le second de « n’
être
pas dans l’Histoire », le second tentait de prouver qu’il y était bel
634
’Histoire », le second tentait de prouver qu’il y
était
bel et bien, avec certaines réserves. Et l’on parlait beaucoup de Heg
635
x écrivains, fermement convaincus qu’il fallait «
être
dans l’Histoire », laissaient passer l’histoire en train de se faire,
636
urope unie ou le triomphe des Soviets. Fallait-il
être
avec les communistes ou non ? C’était le vrai fond de leur débat. Cep
637
disait aux applaudissements de tous que le monde
était
vide depuis les Romains : Washington vivait pourtant, et Clive avait
638
dres rassurants ; d’autant plus rassurants qu’ils
sont
rigides, mais de là vient précisément leur malfaisance. 48. Le Myth
639
es connaissons. Deux révolutions considérables se
sont
donc produites en trois siècles dans l’image de la Terre que les Occi
640
et la seconde supprime toute apparence de centre,
soit
religieux, soit géographique. Un peu plus tard, les premiers astronom
641
pprime toute apparence de centre, soit religieux,
soit
géographique. Un peu plus tard, les premiers astronomes vont décentre
642
notre galaxie n’occupe qu’un coin perdu, comme le
sont
tous les autres : car le centre est partout et nulle part, dans l’esp
643
du, comme le sont tous les autres : car le centre
est
partout et nulle part, dans l’espace inimaginable défini par l’astrop
644
rit. La terre, une découverte européenne Il
est
facile de constater que l’exploration systématique de l’espace terres
645
on systématique de l’espace terrestre et cosmique
fut
entreprise par les Européens, et par eux seuls, et qu’elle devint, dè
646
gale, conquis et dépassé l’Indochine. Les Hindous
étaient
en relation avec l’Afrique grâce aux navigateurs arabes, et avec la C
647
ient même poussé jusqu’au golfe Persique. Mais ce
sont
les Portugais qui, au xvie siècle, venant de très loin et allant bie
648
passage tout ce trafic maritime. La flotte arabe
était
très supérieure à celle des Ibériques au xve siècle, mais ce sont po
649
ure à celle des Ibériques au xve siècle, mais ce
sont
pourtant ces derniers qui ont réussi les premiers tours du monde. Il
650
rs qui ont réussi les premiers tours du monde. Il
serait
vain de chercher à toutes les civilisations non européennes un commun
651
sons géographiques, démographiques ou techniques,
sont
de toutes les moins convaincantes : certaines vaudraient autant ou pl
652
bulations ou de leur foi. Quant aux Romains, nous
tenons
d’eux, sans nul doute, cette volonté d’étendre au monde entier nos lo
653
’amour de la Quête. Les raisons historiques enfin
sont
bien connues : la principale fut le barrage massif établi par l’islam
654
storiques enfin sont bien connues : la principale
fut
le barrage massif établi par l’islam entre l’Asie et nous, forçant no
655
le contact avec l’Europe… Les raisons historiques
sont
donc insuffisantes. Restent les raisons religieuses. Il y a la foi d’
656
ges de Thomas l’Apôtre (en 52) puis de Mar-Thomas
sont
peut-être une légende, mais l’Église jacobite est une réalité, perpét
657
ont peut-être une légende, mais l’Église jacobite
est
une réalité, perpétuée jusqu’à nos jours. Au vie siècle, ce sont des
658
, perpétuée jusqu’à nos jours. Au vie siècle, ce
sont
des moines qui rapportent à Byzance les premiers vers à soie du fabul
659
remière moitié du viie siècle, la Chine des Tang
est
évangélisée par des pèlerins nestoriens ; elle se couvre d’églises et
660
ant à l’Amérique précolombienne, les présomptions
sont
fortes en faveur de la thèse qui veut que des chrétiens nordiques et
661
, avait peau blanche et barbe blonde, venait de l’
Est
porteur d’une bonne nouvelle dont le symbole était la croix, et prédi
662
’Est porteur d’une bonne nouvelle dont le symbole
était
la croix, et prédisait « que des hommes blancs semblables à lui viend
663
blancs semblables à lui viendraient un jour de l’
Est
, par la mer » et régneraient alors sur le Mexique49. Pour des raisons
664
iracocha, dont la légende voulait aussi qu’il ait
été
porteur de croix et qu’il ait baptisé par aspersion… La vraie mission
665
un autre peuple, pendant la période historique, n’
est
venu « découvrir » l’Europe. Mais comment expliquer ce phénomène uniq
666
cet Ulysse au cœur chrétien, d’origine juive, qui
sera
fondateur d’Empire. Et son vrai nom est Cristóbal Colón50. Son vrai n
667
ive, qui sera fondateur d’Empire. Et son vrai nom
est
Cristóbal Colón50. Son vrai nom selon l’état civil, sinon de Gênes où
668
vrai nom selon l’état civil, sinon de Gênes où il
est
né, mais de la Castille qui le fera vice-roi des Indes, Grand amiral
669
noms et prénoms en accord avec la tâche qui leur
est
confiée… Il reçut donc comme prénom Cristóbal, c’est-à-dire Christum
670
’est ainsi qu’il signa souvent ; car en vérité il
fut
le premier à ouvrir les portes de l’Océan pour y faire passer notre S
671
royaumes lointains jusqu’alors inconnus… Son nom
fut
Colón, c’est-à-dire repeupleur, nom qui convient à celui grâce à qui
672
ui tant d’âmes, par la prédication de l’Évangile,
sont
allées repeupler la cité glorieuse du ciel. Il lui convient aussi pou
673
du ciel. Il lui convient aussi pour autant qu’il
fut
le premier à faire venir des gens d’Espagne (quoique pas ceux qu’il e
674
l’évangélisation des nations découvertes n’avait
été
pour l’Occident que le « prétexte » à conquérir les Amériques ? La vi
675
rope ; et les rois catholiques de Castille-Aragon
furent
enfin convaincus par son délire mystique, mais non point par l’idée d
676
fonder un Empire. En effet, l’objectif de Colón n’
était
pas de conquérir une Amérique dont il n’a jamais cru qu’elle existât,
677
l’Ouest, de convertir leur prince, qu’il croyait
être
le Grand Khan, et de rapporter assez d’or pour payer une nouvelle cro
678
ainsi délivrer Jérusalem. Ces motifs religieux ne
furent
pas seuls en cause dans son projet mégalomane, ni dans l’esprit de Fe
679
i dans l’esprit de Ferdinand et d’Isabelle ; mais
étant
seuls vraiment communs aux deux parties, ils furent aussi, et par là
680
tant seuls vraiment communs aux deux parties, ils
furent
aussi, et par là même, seuls décisifs : « Car c’était la fin et le co
681
és de nos motifs profonds et de nos fins humaines
sont
là. Il y a certes la foi d’Abraham : Colón l’exalte en un passage sub
682
ièvre, dans cet état ; tout espoir d’en réchapper
étant
mort ; […] d’une voix effrayée, pleurant et en grande hâte, j’ai appe
683
rs ; mais ils ne m’ont pas répondu. Épuisé, je me
suis
laissé aller au sommeil en gémissant : j’ai entendu une voix très com
684
issement merveilleux sur la Terre. Les Indes, qui
sont
une partie du monde si riche, Il te les a données comme tiennes ; tu
685
rtie du monde si riche, Il te les a données comme
tiennes
; tu les as données à qui tu voulais et Il t’a donné pouvoir d’en fai
686
n faire ainsi. Des entraves de la mer Océane, qui
étaient
nouées avec de si fortes chaînes, Il t’a donné les clés ; et tu as ét
687
fortes chaînes, Il t’a donné les clés ; et tu as
été
obéi en de nombreuses terres et tu as acquis grand honneur et renom p
688
e vers Lui et connais enfin ton erreur : Sa merci
est
infinie : ton âge ne sera pas un obstacle à de grandes choses : Il a
689
in ton erreur : Sa merci est infinie : ton âge ne
sera
pas un obstacle à de grandes choses : Il a de nombreux et très grands
690
lus de cent ans quand il engendra Isaac, et Sarah
était
-elle une jeune fille ? Tu réclames une aide incertaine : réponds, qui
691
après qu’Il a reçu le service, que Son intention
était
différente et que cela devait être compris d’une autre façon, et Il n
692
Son intention était différente et que cela devait
être
compris d’une autre façon, et Il ne donne pas non plus le martyre à q
693
ur prêter de la couleur à la force pure : Il s’en
tient
à la lettre ; tout ce qu’Il promet, Il le tient et au-delà : est-ce c
694
n tient à la lettre ; tout ce qu’Il promet, Il le
tient
et au-delà : est-ce coutumier ? J’ai dit ce que ton Créateur a fait p
695
; tout ce qu’Il promet, Il le tient et au-delà :
est
-ce coutumier ? J’ai dit ce que ton Créateur a fait pour toi et ce qu’
696
uf de pleurer pour mes erreurs. Celui, quel qu’il
fût
, qui parlait, termina en disant : Ne crains point. Sois confiant. Tou
697
qui parlait, termina en disant : Ne crains point.
Sois
confiant. Toutes ces tribulations sont écrites sur du marbre et ne so
698
ins point. Sois confiant. Toutes ces tribulations
sont
écrites sur du marbre et ne sont pas sans cause. Il y a donc la foi.
699
ces tribulations sont écrites sur du marbre et ne
sont
pas sans cause. Il y a donc la foi. Mais est-elle pure ? Sans elle,
700
ne sont pas sans cause. Il y a donc la foi. Mais
est
-elle pure ? Sans elle, il ne serait pas ce qu’il est devenu, mais n’a
701
onc la foi. Mais est-elle pure ? Sans elle, il ne
serait
pas ce qu’il est devenu, mais n’a-t-il pas suivi d’autres appels obsc
702
-elle pure ? Sans elle, il ne serait pas ce qu’il
est
devenu, mais n’a-t-il pas suivi d’autres appels obscurs ? L’ambition
703
soif d’un Inconnu dont les merveilles absurdes ne
seront
peut-être pas toutes catholiques, les complaisances passionnées qu’év
704
eille l’idée de l’or même au cœur d’un Croisé… Il
est
bon de partir sans savoir où l’on va, mauvais de rêver des voies qu’o
705
innommé. Qui peut juger ? Toute aventure humaine
est
aussi une erreur ; celle de Colón ne fut pas moins prodigieuse que le
706
humaine est aussi une erreur ; celle de Colón ne
fut
pas moins prodigieuse que le succès qui en résulta. Sa science de cos
707
succès qui en résulta. Sa science de cosmographe
est
un complexe d’erreurs — comme le début de toutes nos sciences sans ex
708
a Terre » ; et du livre apocryphe d’Esdras, où il
est
dit que les mers n’occupent que la septième partie de la Terre ; et d
709
uel confirme ces croyances. Toutes ces preuves ne
sont
telles, à ses yeux, que dans la mesure où elles concordent avec son r
710
té, mais différente de celle qu’il attendait, tel
fut
le périple de Colon, cette parabole vivante, ambiguë et grandiose, de
711
encore, sincèrement, que le vrai motif d’un acte
est
toujours le plus bas52, ceux-là « ramènent » toute l’entreprise des I
712
ession de l’or et de la conquête. Mais ces motifs
sont
trop universels pour expliquer la Découverte européenne. L’amiral de
713
Découverte européenne. L’amiral de la mer Océane
était
certes obsédé par l’Or. Pourtant l’or était loin de signifier à ses y
714
céane était certes obsédé par l’Or. Pourtant l’or
était
loin de signifier à ses yeux ce qu’il peut signifier aux yeux de ses
715
peut signifier aux yeux de ses détracteurs. L’or
était
tout d’abord un symbole, comme pour l’alchimie médiévale : « Il est f
716
n symbole, comme pour l’alchimie médiévale : « Il
est
fort excellent », nous dit Colon, et « celui qui le possède fait tout
717
eut même élever des âmes jusqu’au Paradis ». L’or
était
ensuite un moyen de libérer Jérusalem. Enfin, Colón s’imaginait qu’en
718
: en quoi il se trompait, car l’appui qu’il reçut
fut
accordé pour des motifs bien différents. Et quant à l’esprit de conqu
719
n différents. Et quant à l’esprit de conquête, il
est
vrai que le départ de Colón suit de peu l’achèvement de la Reconquist
720
us ouvrir le Nouveau Monde. Le centre du monde
est
dans l’homme Jamais Colón n’a su ce qu’il avait trouvé, et que c’é
721
ouveau le monde que nous ne cessons de découvrir.
Sommes
-nous vraiment conscients, à notre tour, de la nature et de la portée
722
e ? Le produit brut de l’entreprise des Espagnols
fut
l’or, aussitôt lié à l’esclavage. Et pour ceux qui n’aiment pas l’Amé
723
urs de l’espace infini et de cet autre infini qui
est
dans le microcosme. Il fallait que l’homme découvre l’homme, pour mie
724
itant de la production stakhanoviste ? La liberté
serait
-elle devenue plus grande en allant de Rousseau vers Marx ? Aurait-ell
725
n voit maintenant pourquoi l’Europe et l’Amérique
sont
devenues le Musée du monde. Leurs collections, leurs bibliothèques, l
726
ies de la Terre, évoque l’effort persévérant d’un
être
immense qui essaie de se remémorer son existence. Pourtant, rien ne s
727
de se remémorer son existence. Pourtant, rien ne
serait
plus faux que d’en inférer je ne sais quel vieillissement de l’Occide
728
ssement de l’Occident. Restituer le néolithique n’
est
pas « se tourner vers le passé », car il s’agit encore d’exploration.
729
passé », car il s’agit encore d’exploration. Ce n’
est
pas fuir le présent mais le remettre en question, et cette vaillance
730
mais le remettre en question, et cette vaillance
est
juvénile. Car un même mouvement de l’esprit nous porte à fouiller les
731
er, c’est tenter d’interdire les possibles qui ne
seraient
pas déjà dans le plan qu’on projette, c’est ainsi condamner le futur
732
u’on projette, c’est ainsi condamner le futur à n’
être
rien de plus que le passé, où l’aujourd’hui tombera ce soir. Celui qu
733
assé, où l’aujourd’hui tombera ce soir. Celui qui
tient
« les Indes et le Cathay » pour le vrai but de sa recherche, sa chanc
734
y » pour le vrai but de sa recherche, sa chance n’
est
plus que dans l’erreur ou dans l’échec. Quant à l’homme de la foi, n
735
or, sachons qu’il pense à délivrer Jérusalem, qui
est
pour lui le centre du monde et l’Ithaque de son Odyssée : la patrie d
736
iations du nom : Colombo, Colomo, Colom, Colón, y
sont
étudiées et définies avec précision. C’est à ce livre que j’emprunte
737
supposer que la navigation interplanétaire, qui n’
est
encore qu’un rêve pour cette génération, se réalise au xxie siècle,
738
t-on rendre compte du fait certain que la Science
est
liée à l’Occident, si l’on partait encore du vieux conflit entre la s
739
même temps que la liberté, sujet de conflits ? N’
est
-elle pas englobée par ce qu’elle veut nier ? La seule question sérieu
740
os vies, procède des options de Nicée. Le rapport
est
-il positif, dialectique, ou purement négatif ? Les aspects négatifs
741
, ou purement négatif ? Les aspects négatifs ont
été
soulignés par deux siècles de polémiques aujourd’hui déprimées et sté
742
polémiques aujourd’hui déprimées et stériles. Il
est
temps de renouveler la question et de rappeler les aspects positifs :
743
ion et de rappeler les aspects positifs : ceux-ci
sont
à la fois plus « nouveaux » (voire choquants) pour les esprits encore
744
de pensée en tension, ou mieux par tensions, qui
sera
jusqu’à nous la marque et le ressort de l’esprit de recherche occiden
745
La pensée par tensions. — Le dogme du Dieu-homme
fut
le problème crucial de la spéculation des Pères et de leurs conciles.
746
la spéculation des Pères et de leurs conciles. Il
fut
aussi le modèle suprême de la polarité impensable mais vraie, qui exi
747
e nos catégories intellectuelles. Si Jésus-Christ
est
à la foi « vrai Dieu » et « vrai homme » en une seule et même Personn
748
et même Personne, et si cette Personne à son tour
est
à la fois vraiment distincte et vraiment reliée au sein de la Trinité
749
e, le « scandale » des réalités contradictoires s’
est
propagé ou transposé : dès l’instant qu’il était accepté au sommet, i
750
s’est propagé ou transposé : dès l’instant qu’il
était
accepté au sommet, il devenait difficile de le refuser en droit dans
751
bordonnés. Mais la transposition n’a pas toujours
été
légitime : il s’en faut de beaucoup. Au couple d’opposés vrai Dieu-vr
752
enfin la foi et la religion naturelle. Mais qu’en
est
-il des autres couples d’opposés qui se sont multipliés dans notre his
753
qu’en est-il des autres couples d’opposés qui se
sont
multipliés dans notre histoire ? La plupart mettent en jeu des réalit
754
près ni de loin, aux deux termes originaux. S’il
est
vrai que l’opposition entre l’Église et l’Empire (guelfes et gibelins
755
même type de tension nécessaire (les deux termes
sont
vrais, contradictoires, mais essentiels) que la théologie avait élabo
756
commune origine, dont le grand modèle historique
fut
montré comme objet de la foi par les Pères du concile de Nicée, mais
757
ue ce passage de la christologie à la psychologie
soit
légitime — ni les théologiens ni les savants ne devraient l’accepter
758
t renaît sans fin ni cesse de cette tension. S’il
est
vrai que le secret de la synthèse est de « comprendre » les incompati
759
nsion. S’il est vrai que le secret de la synthèse
est
de « comprendre » les incompatibles, cela ne peut se produire que dan
760
. Aussi longtemps que les aspects contradictoires
sont
vus séparément par des esprits divers, il n’y a, dans l’ensemble d’un
761
s, monismes séquestrés, scepticismes stériles. Ce
fut
le cas de l’Antiquité. Ou bien l’on pose, comme les sagesses d’Orient
762
rient, l’identité des contraires apparents : tout
est
dans tout, bien sûr, mais la science n’a pas lieu. Or, la physique ac
763
la science n’a pas lieu. Or, la physique actuelle
est
caractérisée par la reconnaissance de ses incompatibles : le problème
764
incompatibles : le problème onde ou corpuscule en
est
l’exemple le plus pur55. Certes, il s’agit de phénomènes de même natu
765
es d’analyse employées. Mais la forme du problème
est
typique ; elle évoque une analogie dont les savants, sans doute, ont
766
dans lesquels on pourrait retrouver — et ce jeu n’
est
peut-être pas vain — l’équivalent des hérésies les plus connues, dual
767
ophysites, arianistes ou docétistes, l’orthodoxie
étant
alors représentée par MM. Einstein et de Broglie, non moins acharnés
768
’esquisser en partant de la christologie pourrait
être
faite à partir de la doctrine trinitaire. De Nicée à saint Augustin,
769
es qui, finalement détaché de son objet primitif,
est
devenu une forme de notre esprit56. b) La valorisation du monde mani
770
lui-même a choisi de se manifester en elles ? Il
est
bien vrai que le but dernier de l’homme est de connaître Dieu, mais D
771
? Il est bien vrai que le but dernier de l’homme
est
de connaître Dieu, mais Dieu lui-même s’est rendu connaissable dans l
772
homme est de connaître Dieu, mais Dieu lui-même s’
est
rendu connaissable dans la chair. Et il est vrai aussi que « l’Esprit
773
ême s’est rendu connaissable dans la chair. Et il
est
vrai aussi que « l’Esprit seul vivifie, la chair ne sert de rien », m
774
ir ; c’est « ici-bas », sans évasion possible, qu’
est
le lieu de son obéissance. Et il est vrai enfin que « la chair n’héri
775
possible, qu’est le lieu de son obéissance. Et il
est
vrai enfin que « la chair n’héritera pas du Royaume des cieux », et q
776
n’héritera pas du Royaume des cieux », et qu’elle
est
aujourd’hui sous le règne de la Loi, donc du péché et de la mort, mai
777
des fils de Dieu… avec l’espérance qu’elle aussi
sera
affranchie de la servitude de la corruption, pour avoir part à la lib
778
par elle pour affronter un monde dont la réalité
est
attestée par Dieu, et qui attend son salut de l’homme sauvé. Il est t
779
ieu, et qui attend son salut de l’homme sauvé. Il
est
très important que Kepler ait écrit : « Les œuvres de Dieu sont digne
780
rtant que Kepler ait écrit : « Les œuvres de Dieu
sont
dignes d’être contemplées. » Ne voir là qu’une phrase édifiante inter
781
er ait écrit : « Les œuvres de Dieu sont dignes d’
être
contemplées. » Ne voir là qu’une phrase édifiante interdirait de comp
782
faire de physique. Certes, beaucoup d’athées ont
été
physiciens, mais le mouvement créateur de la science — comme il est a
783
is le mouvement créateur de la science — comme il
est
avéré par l’histoire des génies — procède d’une confiance intuitive d
784
ésurrection. Dès lors le témoignage de nos sens n’
est
pas vain : il est certes affecté d’erreur par le péché, mais il peut
785
ors le témoignage de nos sens n’est pas vain : il
est
certes affecté d’erreur par le péché, mais il peut être corrigé par l
786
ertes affecté d’erreur par le péché, mais il peut
être
corrigé par l’expérience, corrigeant à son tour les rêveries de la ra
787
e notre œil et la lumière, quoique mystérieuse, n’
est
plus une illusion ; et le cosmos n’est pas une fantasmagorie privée d
788
érieuse, n’est plus une illusion ; et le cosmos n’
est
pas une fantasmagorie privée de cohérence, d’ordre et de sens, mais i
789
s, dans une profonde complicité de l’espérance, d’
être
à son tour interprété et révélé… Celui qui estime vraiment que le mon
790
et révélé… Celui qui estime vraiment que le monde
est
absurde, on sent qu’il peut en faire de la littérature, mais non de l
791
Einstein confirmera l’intuition de Descartes, qui
fut
aussi celle de Newton et de Kepler58. c) Les vertus scientifiques. —
792
tre idée, implique une intention, trahit un sens,
est
intéressante et valable : « Dieu est aussi présent dans l’intestin d’
793
hit un sens, est intéressante et valable : « Dieu
est
aussi présent dans l’intestin d’un pou », déclare Luther — inaugurant
794
ires leur ont manqué. Au contraire, le chrétien a
été
capable de faire avancer cette science, grâce à son christianisme et
795
’immensité de l’expérience possible, le Grec s’en
tient
à des images cosmiques fermées, à la beauté du cosmos tel qu’il le co
796
ralysant ainsi la science. Entièrement différente
est
l’impulsion moderne, qui veut que l’on reste ouvert sans réserve au t
797
ichie, et poursuivre ce processus à l’infini sans
être
comblée jamais. La science moderne est née d’une rationalité qui, loi
798
fini sans être comblée jamais. La science moderne
est
née d’une rationalité qui, loin de se refermer sur elle-même, reste o
799
vient le courage qu’elle suppose ? De la foi, qui
est
confiance en Dieu. Car « Si Dieu est le créateur du monde, il est dés
800
la foi, qui est confiance en Dieu. Car « Si Dieu
est
le créateur du monde, il est désormais responsable de ce qu’est le mo
801
Dieu. Car « Si Dieu est le créateur du monde, il
est
désormais responsable de ce qu’est le monde et de ce qui s’y passe ».
802
r du monde, il est désormais responsable de ce qu’
est
le monde et de ce qui s’y passe ». Il y a donc un sens, et il vaut la
803
e du réel, qui pourtant vient de Dieu. […] Dieu n’
est
pas l’objet d’une foi véritable s’il ne peut pas supporter d’être mis
804
d’une foi véritable s’il ne peut pas supporter d’
être
mis en question par les faits ; et toute quête de Dieu se rend en mêm
805
ions. C’est un trait particulier du savant que de
tenir
pour suspecte toute pensée qui d’avance le satisfait et le convainc.
806
de la vérité. Car la vérité, pour la foi, ne peut
être
que celle de Dieu, même quand elle semble nuire au groupe, à la tribu
807
religions de l’Orient, le christianisme pourrait
être
qualifié de matérialisme, en tant que son dogme central postule la ré
808
On vient de voir, au surplus, comment la science
est
liée à l’attitude et à la dialectique fondamentales du christianisme.
809
x débuts de notre siècle, la majorité des savants
tiendra
pour l’attitude matérialiste contre l’ensemble des croyants. Finaleme
810
le matérialisme devenu système général de pensée,
sera
décrété doctrine d’État par l’URSS. Mais tandis que dans ce pays, l’h
811
en Église, le déclin de son prestige en Occident
est
précisément amorcé par la défection des savants. Il est remarquable q
812
écisément amorcé par la défection des savants. Il
est
remarquable que le christianisme ait été menacé d’abord par une hérés
813
ants. Il est remarquable que le christianisme ait
été
menacé d’abord par une hérésie toute contraire : je veux parler du do
814
oute contraire : je veux parler du docétisme, qui
tenait
le corps du Christ pour une simple apparence, et l’Esprit pour la seu
815
plupart des grandes hérésies des premiers siècles
sont
très nettement spiritualistes, ce qui indique bien que l’orthodoxie c
816
, ce qui indique bien que l’orthodoxie chrétienne
était
ressentie comme trop matérialiste, dans un monde encore tout pénétré
817
a donné libre cours à l’extrémisme occidental que
fut
le matérialisme sous ses formes diverses : mécaniste, moniste, ou « d
818
vant dont le spiritualisme, puis le matérialisme,
sont
deux manières de s’évader, l’une par en haut et l’autre par en bas. M
819
ses prétentions à l’objectivité, le matérialisme
est
demeuré, du moins chez ses théoriciens, un point de vue typiquement p
820
dément marqué au signe de la croix, il ne pouvait
être
senti que sous la forme d’un manichéisme inversé, comme on le voit pa
821
credo, il semble bien que l’élément polémique ait
été
moins déterminant que l’espèce de fascination qu’exerçaient les progr
822
ence du spirituel, pour que le fond de la matière
fût
percé et qu’une nouvelle lumière encore diffuse, apparût de l’autre c
823
ntre la matière et quelque autre chose. » Et ce n’
est
pas seulement entre la matière et « autre chose », ou entre l’énergie
824
’on ne sait quoi, que la frontière intelligible s’
est
évanouie ; mais c’est aussi entre le vivant et l’inerte, entre le som
825
lité dans tous les cas et dans tous les domaines,
est
fournie par les seules expériences qu’on peut reproduire à volonté, t
826
es qu’on peut reproduire à volonté, toutes choses
étant
d’ailleurs matériellement égales62. L’expression de « preuve matériel
827
solue, mettant fin à toute discussion. La science
était
censée garantir ce point de vue, au nom duquel on pouvait écarter tou
828
mais dont la forme et la complexité structurelle
sont
si clairement définies par les lois des ondes, que beaucoup de choses
829
que beaucoup de choses se passent comme si elles
étaient
des êtres substantiels et durables63. » Voilà ce qui reste de la mati
830
p de choses se passent comme si elles étaient des
êtres
substantiels et durables63. » Voilà ce qui reste de la matière aux ye
831
science d’aujourd’hui. Si la base du matérialisme
était
moins la matière classique que la négation de l’Esprit, il n’en reste
832
este pas moins que ses arguments scientifiques se
sont
évanouis avec les caractères classiques de la matière ; car celle-ci
833
ent les attributs que les matérialistes pensaient
être
ceux de l’Esprit : l’ubiquité, l’invisibilité, une certaine indétermi
834
que le matérialisme vulgarisé, survivant à ce qui
fut
sa base, n’est plus guère qu’une superstition. Il entretient religieu
835
isme vulgarisé, survivant à ce qui fut sa base, n’
est
plus guère qu’une superstition. Il entretient religieusement des atti
836
esprit paraît fort compromise. Si le matérialiste
est
à bon droit gêné par le fait que la science subtilise sa matière, que
837
ait de la liberté jusque dans la matière : mais n’
était
-ce pas admettre du même coup qu’il y aurait aussi de la détermination
838
rgie, puis entre l’énergie et quelque chose qui n’
est
plus exprimable qu’en formules mathématiques, et qui semble, par suit
839
rmais, peut fonder son jugement sur des faits qui
sont
« démontrés par la science », au lieu que le médiéval se voyait oblig
840
fondées dans l’erreur. Mais comme cet homme moyen
serait
fort incapable de vérifier les faits affirmés par la science, cela re
841
matière, au lieu de celle de l’esprit. Ce choix n’
est
donc pas scientifique, mais proprement théologique : c’est l’hérésie
842
logique : c’est l’hérésie que j’ai décrite. Qu’en
est
-il du choix des savants ? Beaucoup d’entre eux, et non des moindres,
843
Beaucoup d’entre eux, et non des moindres, ayant
été
conduits par leurs travaux bien au-delà de la superstition matérialis
844
qu’ils qualifient de panthéiste. Car si le cosmos
est
vraiment l’infini à la fois dans le temps et dans l’espace — comme l’
845
i plusieurs astronomes en renom — ou si le cosmos
est
pratiquement fini, mais cependant illimité, comme le pense curieuseme
846
divin prend alors les noms les plus bizarres : il
est
tantôt la forme archétypique organisant les ondes créatrices de la ma
847
, le choix théologique reste aussi apparent qu’il
est
inévitable. Et il opère en général sur d’assez grossières confusions
848
e la transcendance, dès l’instant que la première
est
conçue comme le système total des lois d’un Univers par ailleurs inim
849
résent de l’Aventure occidentale, dont la science
est
la pointe extrême en notre siècle, notre image du monde s’évanouit. E
850
déjà échappé à nos sens. Dépassée la matière, qui
était
pourtant devenue l’objet principal de la science, nous butons contre
851
à partir de l’hydrogène. Le noyau de l’hydrogène
est
un proton. Cet ultime substrat de l’Univers physique est un « nœud d’
852
proton. Cet ultime substrat de l’Univers physique
est
un « nœud d’énergie » qui se produit dans un « champ » au sein duquel
853
uels archétypes formateurs… Le monde phénoménal n’
est
plus qu’une apparence flottant sur l’océan sans rivages et sans fond
854
galaxie. Mais dans quoi tout cela se meut-il ? Il
est
vrai que la question n’a pas de sens : rien « au monde » ne peut y ré
855
ode einsteinienne revient à constater que la Maya
est
tout, et qu’il est fou de penser à n’importe quoi d’autre, c’est qu’a
856
evient à constater que la Maya est tout, et qu’il
est
fou de penser à n’importe quoi d’autre, c’est qu’alors il est fou de
857
enser à n’importe quoi d’autre, c’est qu’alors il
est
fou de penser Dieu, mais aussi de penser Liberté. Le refus qu’on oppo
858
ppose à ma question dernière dissimule un refus d’
être
mis en question par autre chose que le monde et la mathématique. Tout
859
uestion : elle nous juge et pose nos limites, qui
sont
celles du savoir humain, mais elle pose en même temps l’existence de
860
au Cosmos. Mais le Dieu que prient les chrétiens
est
celui qui s’est fait connaître par cela justement que la science ne c
861
le Dieu que prient les chrétiens est celui qui s’
est
fait connaître par cela justement que la science ne connaît pas, et n
862
donnée par sa révélation en Jésus-Christ : « Dieu
est
Amour. » (Dans le contexte ardu que l’on vient d’explorer, le mot pre
863
s. Certains incompatibles aujourd’hui reconnus ne
sont
peut-être qu’apparents : ainsi le fait que la masse combinée des neut
864
utrons et des protons composant le noyau atomique
est
toujours inférieure à la masse totale de ce noyau (le défaut de masse
865
à la masse totale de ce noyau (le défaut de masse
étant
représenté, croit-on, par l’énergie de liaison des particules). D’aut
866
iaison des particules). D’autres incompatibles ne
tiennent
peut-être qu’à l’insuffisance provisoire de nos mesures : ainsi le fa
867
ces produits extrêmes de la philosophie idéaliste
seraient
demeurés impensables sur tout autre arrière-plan que celui de la dogm
868
57. Rappelons que « la chair » selon saint Paul n’
est
pas seulement le corps physique, mais l’homme naturel tout entier, le
869
llect-âme volitive et affective. L’erreur moderne
est
générale à ce sujet : elle en vient souvent à l’excès d’identifier la
870
et poussée jusqu’à l’absolu. Une doctrine ne peut
être
qualifiée d’hérétique que si elle a pris son point de départ dans le
871
point de départ dans le complexe orthodoxe, et s’
est
développée contre lui. 61. L’homme de science moyen du xixe siècle
872
ui. 61. L’homme de science moyen du xixe siècle
est
moins hostile qu’indifférent au christianisme, dont il est loin de so
873
hostile qu’indifférent au christianisme, dont il
est
loin de soupçonner que sa propre situation puisse encore être tributa
874
soupçonner que sa propre situation puisse encore
être
tributaire. Est-ce bien sa faute ? Et la théologie du temps — je pens
875
a propre situation puisse encore être tributaire.
Est
-ce bien sa faute ? Et la théologie du temps — je pense surtout à cell
876
t-elle grand-chose à lui offrir ? Elle n’a jamais
été
plus éloignée des grandes affirmations de Nicée. Elle fait de l’histo
877
jectif, le motif personnel, le but dernier, etc.,
étaient
considérés, au mieux, comme facteurs nuls. 63. Erwin Schrödinger, «
878
te. 64. En un sens, la superstition scientifique
est
plus aveugle que celle qu’on reprochait au Moyen Âge. Car les vérités
879
u Moyen Âge. Car les vérités théologiques d’alors
étaient
plus à la portée du croyant moyen que les théories de la mécanique on
880
e ondulatoire ou de la physique des quantas ne le
sont
du moderne qui ne croit qu’à la Science. 65. Cf. O. L. Reiser, « The
881
nos caractères nationaux. La question qui se pose
est
alors de savoir si l’Occident qui pense n’a pas pris l’habitude, depu
882
dénonce la « dépersonnalisation » de l’homme qui
serait
liée à la production en série. On prédit le règne des robots. On va j
883
de la chaise électrique, mais n’importe, la cause
est
noble et l’angoisse qu’on traduit, réelle et populaire. Derrière cett
884
« L’envahissement de nos vies par les machines »
est
freiné par le prix des appareils, non par la plainte des écrivains. I
885
oncé à briser les machines, et les bourgeois s’en
sont
toujours gardé. Et quant à ceux qui ont décidé de « sortir du monde »
886
se remettre à tisser leurs vêtements, etc., il n’
est
rien sorti de durable de leurs petites communautés de retraite. Cepen
887
ntribue de la sorte à entretenir la « crise » qui
est
le thème préféré de nos meilleurs esprits. Et pourtant, bien qu’elle
888
sse devant l’ère des machines et de la Bombe n’en
est
pas moins révélatrice de notre condition occidentale. Il s’agit, une
889
se distingue de l’Occident. Les jonques chinoises
sont
supérieures aux caravelles de Colomb, l’architecture hindoue ne le cè
890
s de sa pensée. D’autres prétendent que l’homme n’
était
poussé que par l’envie d’améliorer son sort ou d’amasser plus de nour
891
— a-t-il vraiment rêvé de dominer la Nature ? Il
est
baigné par elle et il y participe. Comment pourrait-elle menacer « le
892
le le tue, mais c’est d’elle qu’il vit. Tout cela
est
accepté comme allant de soi, comme « naturel » précisément. Quand l’e
893
ent. Quand l’esprit de l’homme entre en jeu, ce n’
est
pas pour attaquer cette Nature animée d’intentions qui sont loin d’êt
894
our attaquer cette Nature animée d’intentions qui
sont
loin d’être toutes malveillantes : c’est pour négocier avec elle, pou
895
cette Nature animée d’intentions qui sont loin d’
être
toutes malveillantes : c’est pour négocier avec elle, pour traiter av
896
69. Bien plus qu’une « volonté de puissance » qui
serait
une relation de force à sens unique, inimaginable à ce stade, sentons
897
le besoin de jouer, mais au sens fort du mot, qui
est
un sens religieux. La civilisation apparaît en même temps que les out
898
ême, le plus souvent, n’en rend pas compte : tout
est
magie à l’origine, tout est dialogue avec les forces naturelles qu’il
899
end pas compte : tout est magie à l’origine, tout
est
dialogue avec les forces naturelles qu’il faut séduire tout en leur o
900
les peuples anciens. L’histoire des inventions n’
est
pas celle de « besoins » qui auraient existé avant elles. Sa logique
901
s » qui auraient existé avant elles. Sa logique n’
est
pas celle de l’utile, mais du jeu70. Or qui dit jeu dit règles fixes.
902
rées entre l’homme et les forces naturelles. Ce n’
est
donc pas des « lois » de la Nature qu’on a peur, mais au contraire de
903
ou ses rêves éveillés. C’est du rêve de voler qu’
est
né l’avion ; et du rêve de partir au hasard sur les routes qu’est née
904
et du rêve de partir au hasard sur les routes qu’
est
née l’auto71. L’histoire des inventions non faites, ou non « utilisée
905
roue que pour faire des jouets ? Et pourquoi l’or
fut
-il pur ornement, jamais monnaie, chez tant de peuples ? À cause de le
906
y voit que ses songes, et que les âmes des choses
sont
les reflets de son âme. Plongé dans la Nature, il la sent la plus for
907
stance entre la Nature et sa vie — cette distance
est
le « milieu » dans lequel il existe —, l’esprit conçoit un Bien disti
908
mourir… Ce qui s’oppose et résiste à ce Bien, ce
sont
alors les servitudes de la Nature, la nécessité animale de tuer pour
909
concevront Dieu comme semblable à leur Bien : il
sera
bon, juste, parfait et immortel, sa toute-puissance n’étant mise en é
910
juste, parfait et immortel, sa toute-puissance n’
étant
mise en échec que par le principe démoniaque, assimilé dès lors à la
911
ilé dès lors à la Nature. Le Dieu du Bien ne peut
être
auteur du Mal. La Nature est donc l’œuvre d’un Autre. On a reconnu ce
912
ieu du Bien ne peut être auteur du Mal. La Nature
est
donc l’œuvre d’un Autre. On a reconnu cette attitude manichéenne qui
913
», c’est-à-dire en fait un dualisme. Car l’homme
est
conçu désormais comme une âme enfermée dans un corps. Il ne sera jama
914
rmais comme une âme enfermée dans un corps. Il ne
sera
jamais libre et vraiment bon que s’il parvient à s’évader de la chair
915
. Toute magie expulsée de la Nature, la technique
est
en train de la domestiquer, pour la première fois dans l’Histoire. Dé
916
ransports rapides, télécommunications). L’homme n’
est
pas encore, il s’en faut, au terme parfait de l’entreprise, mais il a
917
us grands fauves, la vermine et quelques insectes
sont
vaincus.) D’autre part, nous nous découvrons les tout premiers contem
918
s que pendant le premier tiers de ce siècle. Tels
sont
bien les faits, dans l’ensemble. Mais il serait faux de penser que le
919
els sont bien les faits, dans l’ensemble. Mais il
serait
faux de penser que les peuples d’Occident aient jamais cherché et vou
920
nce à l’industrie de l’auto, qu’on oublie qu’elle
est
née d’un fantasme (au sens précis de la psychanalyse). D’où vient don
921
chanalyse). D’où vient donc la technique, si ce n’
est
pas de nos besoins matériels et utilitaires, qui n’entrent en jeu qu’
922
à tel moment donné de l’Aventure occidentale. Il
serait
vain de chercher le pourquoi de la passion d’inventer, qui est d’ordr
923
hercher le pourquoi de la passion d’inventer, qui
est
d’ordre poétique (au sens premier du terme) et qui est de l’homme en
924
’ordre poétique (au sens premier du terme) et qui
est
de l’homme en général. Mais quelque chose d’unique se produisit en Eu
925
ion et de l’Empire. Trois forces, donc, dont deux
sont
créatrices, et la troisième instrumentale. Pour la science, la chose
926
chose va de soi : mathématiques, physique, chimie
sont
à l’origine immédiate des inventions majeures de la technique. Mais e
927
savons aujourd’hui que le rêve des alchimistes n’
était
pas de faire de l’or pour s’enrichir, mais bien d’opérer le grand œuv
928
ies modernes. Léonard Euler, piétiste de Bâle, ne
fut
pas seulement le plus grand mathématicien de son siècle, mais l’inven
929
grand mythe de l’ère moderne : le Faust de Goethe
est
d’abord alchimiste, mais il termine son aventure humaine (conditionné
930
moderne que l’on devait dénommer capitalisme, se
soit
emparé de ces données, le contraire eût été surprenant. Mais le capit
931
, se soit emparé de ces données, le contraire eût
été
surprenant. Mais le capitalisme n’a rien créé : il a financé le « Pro
932
nd de l’ère technique naît du fait que ses dons n’
étaient
pas attendus. Prise de court par un phénomène qui l’étonnait merveill
933
ochaine, la société occidentale du xixe siècle s’
est
doublement trompée sur les fins de la technique et la manière de s’en
934
ficiels. Ces erreurs monstrueuses, au départ, ont
été
lourdement payées — et le sont encore — par le prolétariat industriel
935
ses, au départ, ont été lourdement payées — et le
sont
encore — par le prolétariat industriel, qui a subi tous les « frais h
936
idèrent avec un croissant pessimisme. Ce décalage
est
significatif. En 1835, Andrew Ure, dans sa Philosophy of Manufactures
937
, de vouloir, tandis que l’homme, faible et pâle,
est
l’humble serviteur de ces géants d’acier… J’admirais tristement ; il
938
ces géants d’acier… J’admirais tristement ; il m’
était
impossible de ne pas voir en même temps ces pitoyables visages d’homm
939
ux de rééducation. Au xxe siècle, la situation s’
est
retournée. Les ouvriers américains et scandinaves ont chez eux les pr
940
le « mouvement irrésistible de l’Histoire » leur
est
de plus en plus favorable. Cependant que les bourgeois cultivés, atte
941
core que les valeurs se trouvent inversées : ce n’
est
plus la Nature qui représente le Mal, mais c’est l’œuvre de l’homme,
942
pirituelle. C’est battre la table à laquelle on s’
est
heurté. Mais c’est aussi cacher ses doutes intimes derrière une oppor
943
derrière une opportune « fatalité ». Les machines
sont
plus fortes que nous, c’est entendu (le marteau est plus dur que la m
944
t plus fortes que nous, c’est entendu (le marteau
est
plus dur que la main, les murs de la maison plus résistants que nos c
945
que nos corps). Mais si vous ne priez plus, ce n’
est
tout de même pas leur faute. Retour à l’axe Au contraire du bou
946
é de la Nature. La doctrine de l’Incarnation, qui
est
son fondement toujours actuel, le lui interdirait à elle seule. La Na
947
, le lui interdirait à elle seule. La Nature doit
être
sauvée, par le moyen de l’homme sauvé, ayant été soumise à la corrupt
948
être sauvée, par le moyen de l’homme sauvé, ayant
été
soumise à la corruption non de son gré, mais à cause du péché76. Il s
949
e l’homme pour la soumettre aux volontés humaines
sera
bon, s’il fait partie de l’effort divin dans l’homme ; très mauvais,
950
mauvais, s’il procède de notre orgueil. Le mal n’
est
pas dans les choses mais dans l’homme. Il est lié à notre liberté. Il
951
l n’est pas dans les choses mais dans l’homme. Il
est
lié à notre liberté. Il tient à notre condition, comme l’envers tient
952
mais dans l’homme. Il est lié à notre liberté. Il
tient
à notre condition, comme l’envers tient à l’endroit. Il est dans notr
953
berté. Il tient à notre condition, comme l’envers
tient
à l’endroit. Il est dans notre esprit, n’existe pas ailleurs, et c’es
954
e condition, comme l’envers tient à l’endroit. Il
est
dans notre esprit, n’existe pas ailleurs, et c’est là qu’il faut le c
955
ers le salut. Cessons donc de projeter le mal qui
est
en nous sur les choses, machines ou Nature, douées d’intentions auton
956
te de distinguer. 1° L’idée chrétienne que le mal
est
dans l’homme, et que la Nature est innocente, leur fait craindre que
957
nne que le mal est dans l’homme, et que la Nature
est
innocente, leur fait craindre que la technique augmente la capacité h
958
te, l’un et l’autre unilatéraux. 2° L’idée du Mal
est
projetée à nouveau non plus sur la Nature mais bien sur la Technique
959
’écrivais au lendemain d’Hiroshima : « La Bombe n’
est
pas dangereuse du tout. C’est un objet. Ce qui est horriblement dange
960
st pas dangereuse du tout. C’est un objet. Ce qui
est
horriblement dangereux, c’est l’homme. C’est lui qui a fait la Bombe
961
se prépare à l’employer. Le contrôle de la Bombe
est
une absurdité. On nomme des Comités pour la retenir ! C’est comme si
962
anquille, elle ne fera rien, c’est clair. Elle se
tiendra
coite dans sa caisse. Qu’on ne nous raconte donc pas d’histoires. Ce
963
Erreur sur le téléphone. L’esclavage du téléphone
est
un des clichés de l’époque. Mais le téléphone, simple appareil, n’a j
964
que chose que vous ne désirez pas manquer. Vous n’
êtes
donc esclaves que de vous-même. Erreur sur la belle voiture. Cet hom
965
Erreur sur la belle voiture. Cet homme, dit-on,
est
un esclave de sa voiture. Voyez les soins dont il l’entoure ! Il voya
966
les nations soumises au communisme, mais le crime
serait
le même s’il n’y en avait qu’un seul. Voilà le sérieux de la chose :
967
e sans âme », mais dans le fait que des hommes ne
sont
plus que les « compléments vivants d’un mécanisme mort ». Or, ce n’es
968
mpléments vivants d’un mécanisme mort ». Or, ce n’
est
pas ce mécanisme mort qui peut en être responsable. Ce n’est pas la m
969
». Or, ce n’est pas ce mécanisme mort qui peut en
être
responsable. Ce n’est pas la machine qui rend un homme esclave : ce s
970
mécanisme mort qui peut en être responsable. Ce n’
est
pas la machine qui rend un homme esclave : ce sont certains comportem
971
est pas la machine qui rend un homme esclave : ce
sont
certains comportements que d’autres hommes imposent à l’ouvrier, moin
972
ent calculé. C’est alors du rendement que l’homme
est
esclave, quel que soit le régime qui l’exige, capitaliste ou communis
973
rs du rendement que l’homme est esclave, quel que
soit
le régime qui l’exige, capitaliste ou communiste. Taylor a conçu l’ou
974
semer de la neige sur les villes accablées par l’
été
; l’avion bombarde nos cités. Les découvertes géniales d’Einstein abo
975
? Imagine-t-on quelque invention qui ne pourrait
être
utilisée que pour le bien ? Je dis que ce serait une invention du dia
976
it être utilisée que pour le bien ? Je dis que ce
serait
une invention du diable : elle priverait l’homme de sa liberté, voulu
977
de plainte du xxe siècle contre la technique eût
été
justifiée, cent ans plus tôt, contre l’usine ignoble où l’ouvrier pou
978
es Polynésiens de Gauguin. C’est le Moyen Âge qui
était
loin de la Nature : il la craignait80. L’âge classique la jugeait mal
979
ent. Le goût de s’étaler au soleil sur les plages
est
contemporain de l’auto. La technique naissante a créé le prolétariat
980
ndition et du décor hideux de son existence. Ce n’
est
pas la scolastique qui a supprimé l’institution de l’esclavage en Eur
981
ge des chevaux au moyen d’un licol rigide). Ce ne
sont
pas nos protestations contre le travail à la chaîne qui libéreront le
982
robots. L’usine sans ouvriers, réalité prochaine,
est
la solution du problème de « l’ouvrier esclave de la machine ». Mais
983
ue devient un danger véritable ; non pas elle, il
est
vrai, mais l’homme qui parle ainsi. Ernst Jünger a bien vu que la tec
984
e tend alors vers une morale nihiliste, sa maxime
étant
celle d’une action « sans pourquoi ni vers quoi »81, sans cause ni bu
985
atigue mentale ; et cet oubli des buts derniers n’
est
qu’un immense lapsus révélateur : il trahit une angoisse devant les p
986
e, désormais, pour régler le phénomène technique,
sera
donc la morale sociale, définie par les grands États. L’oubli des but
987
ture humaine conduit alors à la Technocratie, qui
est
le gouvernement des moyens sur les fins. (Les « exigences de la techn
988
été, et l’État seul représentant la Société, il n’
est
plus de recours contre ses décisions.) L’évolution vers des sociétés
989
es en dividendes, le technocrate ne cessera pas d’
être
le maître des moyens, mais son prestige s’évanouira dans la mesure mê
990
« sérieux » changera de camp. Celui dont le rôle
sera
d’administrer l’immense usine sans ouvriers régnera souverainement su
991
rison du mal technique par la technique elle-même
est
-elle une utopie ? Voyons d’abord dans quelle mesure elle est déjà réa
992
e utopie ? Voyons d’abord dans quelle mesure elle
est
déjà réalisée. Le niveau de vie moyen en Europe a passé de 1 en 1800
993
1800 à 15 en 1950, nous dit-on. (On précise qu’il
est
10 fois plus élevé en 1954 qu’en 1880.) Ces chiffres, je l’avoue, me
994
u : la notion même d’un « niveau de vie moyen » n’
est
pas bien claire, et le devient encore moins quand on le multiplie. (Q
995
us-produit de la technique, dont le but principal
est
encore de fournir plus d’objets et plus de bénéfices. Pourtant, ce «
996
lus de bénéfices. Pourtant, ce « sous-produit » n’
était
-il pas d’abord l’une des arrière-pensées de l’invention technique ? E
997
certain point de saturation des besoins naturels
soit
atteint. La technique a multiplié les hommes dont elle augmentait les
998
rs pendant ce laps de temps. Un deuxième but, qui
est
d’assurer la subsistance d’une humanité qui s’augmente de 70 000 âmes
999
objectifs proprement humains de la technique. Ce
sont
maintenant les moyens à trouver qui devront s’adapter à cette fin rec
1000
e comme auparavant. Ces moyens à trouver, nous en
tenons
les principes : énergie nucléaire, photosynthèse, automation, plans à
1001
semaine, pour que tous nos besoins « matériels »
soient
satisfaits (et bien mieux qu’aujourd’hui) : alimentation et transport
1002
que peut tout compromettre dans l’œuf. Mais l’œuf
est
là, portant son germe et notre avenir : cet avenir qu’il nous faut ac
1003
es refouler parce qu’ils donnent le vertige. Nous
sommes
au seuil des temps où la culture va devenir le sérieux de la vie. (El
1004
devenir le sérieux de la vie. (Elle l’a toujours
été
, mais cela se verra.) Jusqu’ici, c’était le travail qui occupait l’es
1005
diennes. La question « Que faire de ma vie ? » ne
sera
plus réprimée par cette réponse, plusieurs fois millénaire : « La gag
1006
plusieurs fois millénaire : « La gagner ! » Elle
sera
subitement mise à nu. Je n’entends pas peindre ici quelque utopie qui
1007
évoir, qu’en vertu de nos libres décisions. (Ce n’
est
pas l’invention de la roue qui compte en soi, mais bien l’usage qu’un
1008
t, jouets et ornements chez les Aztèques.) Ce qui
est
certain, c’est que le progrès technique va faire un saut sans précéde
1009
ns se manifesteront d’une manière transparente et
seront
suivis d’effets presque immédiats. Ce sont ces vœux et ces orientatio
1010
e et seront suivis d’effets presque immédiats. Ce
sont
ces vœux et ces orientations que l’on peut essayer d’induire de notre
1011
la suite. Une expérience un peu plus longue nous
est
donnée par les populations du cercle arctique (Suède et Norvège), con
1012
onférences, causeries et discussions publiques se
tiennent
par dizaines de milliers dans nos pays démocratiques ; et l’instructi
1013
os pays démocratiques ; et l’instruction publique
est
heureusement doublée par des centaines d’ouvrages de vulgarisation qu
1014
us mène vers une ère religieuse. Car la culture n’
est
en fin de compte qu’un prisme diffracteur du sentiment religieux dans
1015
ment, en Occident comme en Orient. (En fait, elle
est
surtout — et devrait être — accession à la vérité, et peu importent l
1016
n Orient. (En fait, elle est surtout — et devrait
être
— accession à la vérité, et peu importent les moyens.) On voit donc m
1017
ère technique conduirait aux religions. L’ascèse
était
en fait une résistance à la technique sous ses formes primitives, com
1018
que sous ses formes primitives, comme la mystique
était
un mouvement de dépassement ou de retrait en deçà du dogme formulé ;
1019
u dogme et de la liturgie dans la culture dont il
est
imprégné. Voilà pourquoi la connaissance des dogmes et des options pr
1020
dogmes et des options premières de nos religions
sera
demain la première condition des hérésies et gnoses qui vont paraître
1021
ballon qui ne demande qu’à « s’élever » dès qu’il
est
délivré des soucis quotidiens. La preuve qu’il n’en est rien, c’est q
1022
livré des soucis quotidiens. La preuve qu’il n’en
est
rien, c’est que nos plus grands mystiques ont vécu dans les pires con
1023
religieuses deviendront plus sérieuses que ne le
sont
aujourd’hui les questions matérielles, les « lois » économiques, les
1024
jours, prouve que l’appât du gain ou du confort n’
est
presque jamais leur motif. (Cf. D. Brinkmann, Mensch und Technik, 194
1025
tion » de la cuisson des aliments !) Dès lors, il
est
lié, pour avoir partagé un même repas rituel avec les hommes. 70. Le
1026
les hommes. 70. Les automates du xviiie siècle
sont
pur jeu. Ils sont pourtant les ancêtres de nos robots d’usine, indisp
1027
Les automates du xviiie siècle sont pur jeu. Ils
sont
pourtant les ancêtres de nos robots d’usine, indispensables pour mani
1028
à construire une « locomotive routière », qui ne
fût
pas astreinte à suivre la loi rigide des « voies ferrées » et ses hor
1029
e. 72. En 1833, Thiers déclare que la locomotive
est
« une simple construction d’amusette scientifique ». 73. Sur l’entre
1030
s plus ou moins « délirants », dont le mysticisme
fut
décisif en ce qui concerne la plupart de nos progrès techniques. Noto
1031
ux grands mystiques de cette époque se trouvaient
être
des ingénieurs des mines : Swedenborg et Novalis. 74. Le modèle qui
1032
ervit à Goethe pour écrire la fin du second Faust
fut
l’ingénieur anglais W. A. Madocks, constructeur de digues sur la côte
1033
e prolétaires, appliqué aux ouvriers d’industrie,
fut
introduit par Sismondi dès 1819. Trente ans plus tard, Marx pouvait d
1034
ine psychanalyse, aux yeux de laquelle le mal qui
est
dans l’homme peut être « ramené » à des inadaptations éthico-sociales
1035
yeux de laquelle le mal qui est dans l’homme peut
être
« ramené » à des inadaptations éthico-sociales. Ce qui ne fait que re
1036
lté. Ou bien c’est la morale, produit humain, qui
est
« mal » : on revient au néo-manichéisme. Ou bien c’est la Nature qui
1037
t au néo-manichéisme. Ou bien c’est la Nature qui
serait
mauvaise : manichéisme. Mais bien et mal supposent une Autorité suprê
1038
torité suprême qui juge : si l’on refuse Dieu, ce
sera
la Société. C’est accepter la conception totalitaire dans son princip
1039
nture médiévales concernent les vergers. Le reste
était
terreur. 81. « Ein Minimum an Warum und Wofür », Ernst Jünger, Der
1040
s, entraîne et suppose un progrès culturel (qu’il
soit
appelé loisir ou travail). 83. L’Encyclopédie de 1765 définit le lo
1041
e temps vuide. » Elle suppose donc que le travail
est
le vrai temps, le temps plein. Cette hiérarchie des valeurs a dominé
1042
a le devenir dès que les bénéfices de l’industrie
seront
distribués aux ouvriers non seulement sous la forme d’une diminution
1043
urs vins ni la qualité de leur air : ces « vues »
sont
donc autant de fausses-nouvelles-vraisemblables, les plus dangereuses
1044
ris affiché pour les questions religieuses n’aura
été
qu’un phénomène transitoire de notre civilisation occidentale. (Voir
1045
e de la parisienne, au xxe siècle, se crurent et
furent
dans une large mesure antireligieuses ou a-religieuses. Le surréalism
1046
gieuses ou a-religieuses. Le surréalisme français
fut
le signal d’une première révolte contre la conception « rationaliste
1047
s » d’une éthique protestante-libérale — quel que
soit
par ailleurs son athéisme. Le retour aux problèmes religieux dans la
1048
lèmes religieux dans la littérature occidentale s’
est
amorcé dès 1919, et n’a pas cessé de s’amplifier. 86. Nos sectes ori
1049
préjuger du résultat de ses entreprises, qui peut
être
aussi bien ce « bonheur » dont parle la Constitution américaine qu’un
1050
s oscillations du pendule s’amplifient, voilà qui
est
certain. Les guerres du siècle ont tué plus d’hommes que toutes les a
1051
tres guerres de notre Histoire, mais l’humanité s’
est
accrue sur un rythme sans précédent. La désunion des nations de l’Eur
1052
récise en même temps. Le christianisme n’a jamais
été
plus puissamment combattu, soit par l’État totalitaire, soit par des
1053
ianisme n’a jamais été plus puissamment combattu,
soit
par l’État totalitaire, soit par des conceptions du monde tirées de l
1054
uissamment combattu, soit par l’État totalitaire,
soit
par des conceptions du monde tirées de la Science ; jamais non plus o
1055
smos. Quant aux ambivalences de la science, elles
sont
liées, nous l’avons vu plus haut, à l’essence de cette discipline à l
1056
diplomatie des États. Tout cela sans que personne
soit
encore en mesure de trancher la question confusément posée de savoir
1057
nté la crise de l’idée du Progrès. Évolution n’
est
plus synonyme de progrès L’idée d’évolution est une forme de pensé
1058
st plus synonyme de progrès L’idée d’évolution
est
une forme de pensée qui affleure avec puissance, en Occident, au débu
1059
l’évolution de la science de Sumer à nos jours »,
sont
devenues des expressions aussi courantes que « l’évolution des espèce
1060
s 1793. Les deux termes d’évolution et de progrès
seront
synonymes pendant le xixe siècle, et ceci définit l’optimisme foncie
1061
ait la croyance au Progrès88. Le progrès linéaire
était
nécessairement une conception optimiste. L’évolution laisse place à d
1062
contrarier l’ascension continue du Progrès. Nous
serions
par exemple « gagnés de vitesse par la technique », qui dès lors nous
1063
sages angoissés. Mais cette attitude pessimiste n’
est
pas moins utopique que celle qui prévalait du temps des enthousiastes
1064
es d’une théorie mathématique ? La Bombe atomique
est
sortie de E = mc2 . Fallait-il empêcher Einstein de faire connaître s
1065
Bombe H, d’autre part (à plus longue échéance il
est
vrai), les moyens de subvenir aux besoins d’énergie d’une humanité qu
1066
l’idée de Progrès, contre l’idée d’Évolution, qui
est
un retour inconscient (par angoisse) aux formes de pensée cycliques.
1067
urope a dominé le monde pendant des siècles. Elle
est
encore, à notre époque, celle qu’on imite partout même quand on la co
1068
qu’on imite partout même quand on la combat. Elle
est
donc encore la plus forte. Pourtant, si on la compare à d’autres, pas
1069
’en distingue par deux grands traits généralement
tenus
pour des causes de faiblesse : je veux parler d’une inquiétude fondam
1070
its déplorent depuis des siècles ? Ils ne peuvent
être
accidentels. Je pense même qu’ils remontent aux sources vives de notr
1071
sources vives de notre civilisation, et qu’ils en
sont
inséparables. Je les rattache à nos plus grandes traditions : le chri
1072
iétude provient de notre foi, et nos incertitudes
sont
créées par la nature même de nos certitudes. Ce paradoxe s’explique d
1073
te, pas même un seul » et que pourtant il devrait
être
saint. Il sait que le péché consiste à être séparé de la Vérité vivan
1074
vrait être saint. Il sait que le péché consiste à
être
séparé de la Vérité vivante, et que tous les hommes sont pécheurs. Il
1075
paré de la Vérité vivante, et que tous les hommes
sont
pécheurs. Il cherche donc. Il cherche à se rapprocher de la Vérité et
1076
a sainteté. Dans cet effort sans fin ni cesse, il
est
pourtant soutenu par sa foi dans la grâce. Il est donc un inquiet per
1077
est pourtant soutenu par sa foi dans la grâce. Il
est
donc un inquiet perpétuel, mais qui sait les raisons de son inquiétud
1078
t les raisons de son inquiétude ; il sait qu’elle
est
normale, et non désespérée, puisqu’elle est produite par sa foi, c’es
1079
’elle est normale, et non désespérée, puisqu’elle
est
produite par sa foi, c’est-à-dire par sa certitude. Prenons ensuite l
1080
« vérités » qu’établissent les écoles successives
sont
relatives et provisoires, ont été dépassées l’une après l’autre, et q
1081
es successives sont relatives et provisoires, ont
été
dépassées l’une après l’autre, et que pourtant la raison d’être de la
1082
l’une après l’autre, et que pourtant la raison d’
être
de la Science est de saisir des vérités certaines. Dans cet effort sa
1083
e, et que pourtant la raison d’être de la Science
est
de saisir des vérités certaines. Dans cet effort sans fin ni cesse —
1084
e — pour s’approcher d’un but toujours fuyant, il
est
soutenu par sa confiance en la raison et l’expérience vérifiante. La
1085
ertitudes que l’on croyait acquises, d’autre part
est
le gage d’un progrès vers le vrai. Ainsi donc, du désordre vers un ce
1086
recherche à la pleine possession de la vérité. On
serait
tenté de répondre qu’il en est bien ainsi, quand on entend les intell
1087
e la vérité. On serait tenté de répondre qu’il en
est
bien ainsi, quand on entend les intellectuels libéraux d’aujourd’hui
1088
rvances le reproche, à leurs yeux rédhibitoire, d’
être
des hommes « qui ont cessé de chercher » et « qui se croient les déte
1089
croient les détenteurs de la vérité absolue ». Il
serait
peut-être erroné d’en déduire que l’Occidental nie l’existence d’une
1090
sse vraiment y accéder. (L’Hindou le croit.) S’il
est
tenté de s’en persuader parfois, c’est en présence de certaines grand
1091
té totale, également valable pour tous, et qui ne
serait
plus à découvrir au sens actif et créateur du mot, mais seulement à i
1092
ps que l’idée du Progrès, certains progrès qui ne
sont
pas illusoires. J’en donnerai deux exemples précis. Les religions ori
1093
s qu’aucune ait jamais réussi. L’Occident, lui, s’
est
contenté de mettre en pratique les modestes recettes d’une hygiène sc
1094
puis cent ans, l’âge moyen des Occidentaux. Et ce
sont
les premières applications de cette hygiène absolument profane qui re
1095
tion simplifiée de la démocratie occidentale : ce
serait
la suppression légale des castes et de l’esclavage organisé. Condamné
1096
justifié par saint Thomas d’Aquin, l’esclavage ne
fut
rétabli qu’en 1452 par une bulle du pape Calixte III autorisant Henri
1097
ession. Mais qui oserait dire que le problème ait
été
complètement résolu, puisque les libéraux et les chrétiens aux USA tr
1098
ste qu’au cœur du monde occidental, l’esclavage n’
est
plus qu’un souvenir, puisque la condition prolétarienne, qui en fut l
1099
venir, puisque la condition prolétarienne, qui en
fut
l’image moderne à notre honte, y pourrait être supprimée dans peu de
1100
en fut l’image moderne à notre honte, y pourrait
être
supprimée dans peu de temps par l’évolution de la technique. Une conc
1101
c’est que le système des castes et de l’esclavage
est
le système normal des sociétés qui pensent avoir et représenter la Vé
1102
Chrétien conséquent, ou sceptique, l’Occidental n’
est
pas dans ce cas. Buts occidentaux du progrès L’intérêt de l’His
1103
oire pour l’Occident, c’est le Progrès. Mais quel
est
l’intérêt du Progrès ? C’est qu’il y ait plus de sens dans nos vies p
1104
personnelles : plus de joie à avoir ce qu’on a, à
être
ce qu’on est, à faire ce que l’on veut, à aimer ce que l’on aime, don
1105
plus de joie à avoir ce qu’on a, à être ce qu’on
est
, à faire ce que l’on veut, à aimer ce que l’on aime, donc plus de lib
1106
subjectives et généralement inavouées. Si le but
est
l’accroissement constant de l’autonomie personnelle — que chacun puis
1107
isse de mieux en mieux réaliser sa vocation, donc
être
libre — ce but n’étant nullement celui de l’URSS, expressément collec
1108
réaliser sa vocation, donc être libre — ce but n’
étant
nullement celui de l’URSS, expressément collectiviste, et la praxis p
1109
iés de « mystification ».) Si au contraire le but
est
l’accroissement de la quantité de biens consommables et du pouvoir d’
1110
d’achat individuel, le pays le plus progressiste
est
sans conteste les USA, l’un des plus arriérés restant l’URSS après pl
1111
s de trente ans de travail forcé. Si enfin le but
est
l’accroissement des règlements d’État, du pouvoir d’une doctrine d’Ét
1112
, donc pratiquement de l’entropie sociale, l’URSS
est
alors au premier rang, ouvrant la voie. Ce qui a pris le nom de « pro
1113
qui a pris le nom de « progressisme » depuis 1945
est
donc à l’évidence des faits, une antiphrase. Quand on compare la loi
1114
les intellectuels qui se disent « progressistes »
sont
violemment hostiles à la nation qui a fait et qui respecte la deuxièm
1115
se du Progrès » vit de telles confusions, si elle
est
née bien avant, comme on l’a vu. Il y aurait pourtant lieu de poser d
1116
oint de vue des spiritualistes, l’URSS et les USA
sont
régressifs, encore que les seconds tolèrent bien des folies, dans l’o
1117
in croit mieux au sien, mais le mythe des Soviets
est
mieux cru hors de l’URSS. Du point de vue de la personne enfin : l’Eu
1118
ent à des antinomies flagrantes aussitôt qu’elles
sont
appliquées. Définition par la technique : produire toujours plus de m
1119
toujours frustrée va s’inventer d’autres moyens d’
être
trompée. Mais les grandes hérésies et les gnoses de demain, politique
1120
ente d’en mesurer les effets historiques. Il n’en
serait
pas moins vain d’imaginer qu’on puisse l’éliminer ou l’oublier. Admet
1121
Mais l’Europe, responsable de l’idée du Progrès,
est
responsable aussi de sa rectification. Toutes les « hérésies du Progr
1122
rectification. Toutes les « hérésies du Progrès »
sont
bel et bien nées en Europe, encore qu’elles n’aient vraiment déployé
1123
omme extraites de leur contexte original, elles n’
étaient
plus mises en échec par trop de coutumes anciennes ou de limitations
1124
core le sens d’un équilibre intime : si ce sens n’
était
pas blessé, rien ne réagirait ; s’il est blessé et réagit, c’est qu’i
1125
sens n’était pas blessé, rien ne réagirait ; s’il
est
blessé et réagit, c’est qu’il existe. J’essaierai donc d’en définir l
1126
ident. Forme de pensée et d’amour, car tout amour
est
à la fois du même et de l’autre, du prochain et de soi, de l’homme et
1127
de Quelqu’un qui transcende l’homme : tout amour
est
paradoxal. Et si l’on essaie d’échapper à ce paradoxe essentiel, l’am
1128
de la liberté. Si le génie profond de l’Europe n’
est
pas cette forme paradoxale d’amour actif, l’Europe ne mérite plus qu’
1129
ntent tous un grand trait commun : ils ne peuvent
être
surmontés par la réduction d’un de leurs termes et ils ne souffrent p
1130
ple. Mais la technique ne cesse pas pour autant d’
être
en tension avec d’autres aspects de notre existence. L’illusion serai
1131
c d’autres aspects de notre existence. L’illusion
serait
alors d’imaginer un état stable, un arrêt de l’Aventure. Cet état ne
1132
ble, un arrêt de l’Aventure. Cet état ne pourrait
être
acquis qu’au prix d’une répression soit de l’essor technique (interdi
1133
pourrait être acquis qu’au prix d’une répression
soit
de l’essor technique (interdiction des recherches nucléaires, par exe
1134
rdiction des recherches nucléaires, par exemple),
soit
des bénéfices « bouleversants » qui peuvent en résulter à bref délai
1135
ppliquer l’idée de progrès à des domaines où ce n’
est
pas l’évolution mais l’instant et l’acte qui comptent. Je donnerai l’
1136
ui comptent. Je donnerai l’exemple des arts. S’il
est
vrai que la relativité d’Einstein représente un progrès sur la physiq
1137
ysique newtonienne, et si le cerveau électronique
est
un progrès sur l’automate de Vaucanson, il n’en résulte pas que la de
1138
ne peut « dépasser » Mozart : il se suffit. Il n’
est
pas une étape transitoire dans une recherche collective jamais finie,
1139
niers de l’Histoire et de la chronologie, nous en
sommes
arrivés au point de nous figurer que l’extrême avant-garde équivaut a
1140
araît en soi supérieur à ressembler à quoi que ce
soit
, surtout lorsqu’il s’agit de ressembler aux chefs-d’œuvre. C’est se r
1141
que l’on déclare « dépassé ». C’est s’interdire d’
être
vraiment de son temps, d’être vraiment moderne, comme le furent sans
1142
C’est s’interdire d’être vraiment de son temps, d’
être
vraiment moderne, comme le furent sans le vouloir tous les siècles et
1143
t de son temps, d’être vraiment moderne, comme le
furent
sans le vouloir tous les siècles et tous les artistes avant nous. Cet
1144
ue, fondé dans une croyance abusive à l’Histoire,
est
en train d’appauvrir ou de paralyser des milliers de jeunes peintres,
1145
ent-ils avec anxiété. Certes, le goût de différer
est
l’une des marques permanentes de l’Occident : mais il n’est vraiment
1146
des marques permanentes de l’Occident : mais il n’
est
vraiment créateur que s’il traduit spontanément la personne et sa voc
1147
duit spontanément la personne et sa vocation ; il
est
stérile et caricatural quand il se fait systématique et prétend procé
1148
re. Il n’y a pas de progrès dans les arts, qui ne
sont
pas faits de « courants », mais d’œuvres signifiantes. L’Orient l’a t
1149
sa vertu en nous copiant. La mesure du grand art
est
l’amour, non le procédé d’expression ; le sublime, non la différence
1150
te variation provisoirement curieuse… Mais ceci n’
est
qu’une parenthèse. Purifiée de ses illusions les plus courantes, on v
1151
gissement du risque humain. Mais il importe ici d’
être
bien clair quant au sens du mot risque dans cette définition. Le risq
1152
ue dans cette définition. Le risque dont je parle
est
dialectique : il consiste en une double possibilité, et il la crée. I
1153
ouveaux défis. Le danger qui apparaît d’un côté n’
est
plus un risque véritable, s’il met un point final au développement hu
1154
personne. Dans ce sens, le vrai risque d’Ulysse n’
est
pas le naufrage définitif, mais la poursuite de sa navigation à trave
1155
profondes. Prenons un exemple brûlant. La bombe H
est
un « risque » et plus grand que celui de la bombe A ; elle n’est pas
1156
» et plus grand que celui de la bombe A ; elle n’
est
pas un progrès pour autant, et son interdiction dans les deux camps n
1157
t son interdiction dans les deux camps ne saurait
être
considérée comme un acte réactionnaire. Le progrès suppose au contrai
1158
du Progrès, dans la définition que j’en propose,
sont
analogues à celles de la personne. Les paradoxes et les tensions, les
1159
les que l’on a reconnues dans le cours du Progrès
sont
nées avec notre notion de la personne, elle-même issue des débats tri
1160
trices de l’Occident. C’est pourquoi la personne
est
seule juge, et mesure à la fois, du Progrès. Si ce dernier mérite vra
1161
s de mieux devenir la personne que nous pourrions
être
? La réponse ne saurait dépendre d’une enquête. La personne n’est jam
1162
ne saurait dépendre d’une enquête. La personne n’
est
jamais mesurable : elle mesure. Elle n’est donc pas objet de statisti
1163
onne n’est jamais mesurable : elle mesure. Elle n’
est
donc pas objet de statistiques ; et par définition elle échappera tou
1164
ersonnel devient plus fréquent et plus ample — ce
serait
la seule preuve du Progrès — et si la liberté gagne sur ses ennemis ?
1165
i donc j’affirme ici ma foi dans le Progrès, ce n’
est
pas au terme logique d’une expertise plus ou moins compétente de notr
1166
ui-même et sur le cosmos où il existe, bien qu’il
soit
proprement occidental par ses origines historiques, ne m’en paraît pa
1167
ses exigences les plus pures. À ce titre, il peut
être
accepté par l’Orient. Et je n’en connais point d’autre qui ménage mie
1168
voir un jour s’unir la Voie et l’Aventure. 88.
Est
-il besoin de rappeler ici les œuvres de Spengler et de Toynbee, qui o
1169
et bouddhistes, et les livres sacrés de la Chine
sont
particulièrement riches en exemples de cet ordre. L’idée que la sexua
1170
onne. Aimer Dieu et le prochain — comme soi-même.
Être
au monde — comme n’en étant pas. Être libre — et pourtant responsable
1171
hain — comme soi-même. Être au monde — comme n’en
étant
pas. Être libre — et pourtant responsable. Être dans l’histoire — et
1172
e soi-même. Être au monde — comme n’en étant pas.
Être
libre — et pourtant responsable. Être dans l’histoire — et la faire.
1173
étant pas. Être libre — et pourtant responsable.
Être
dans l’histoire — et la faire. Être un Individu autonome — mais dans
1174
responsable. Être dans l’histoire — et la faire.
Être
un Individu autonome — mais dans une société organisée. Trouver des c
1175
Chapitre XLe drame occidental Ce livre n’
est
sans doute qu’un signe, entre mille autres, de la prise de conscience
1176
il arrive toujours, une telle prise de conscience
est
motivée par un arrêt de l’action normale : échec brutal, mise en ques
1177
emprisonnement, confrontation avec la mort. Telle
est
bien notre situation. (Et je parle surtout pour l’Europe, mais les Am
1178
ce qu’elle représentait et de ce qu’elle pourrait
être
encore. Elle découvre sa vocation qu’elle avait si souvent trahie, dè
1179
qu’elle avait si souvent trahie, dès lors qu’elle
est
mise au défi de s’unir pour revivre ou de descendre aux catacombes de
1180
ors connus. S’il a cru que c’était le monde, il s’
est
trompé. Mais cette erreur ne peut être la nôtre. Qu’a fait l’Europe d
1181
monde, il s’est trompé. Mais cette erreur ne peut
être
la nôtre. Qu’a fait l’Europe du xve siècle jusqu’à nos jours ? Elle
1182
e monde du xxe siècle une autre civilisation qui
soit
en état de surpasser celle qu’a répandue l’Occident ? L’URSS et la Ch
1183
’un recul politique de l’Occident ? Et si l’on se
tient
au plan des religions : le christianisme n’a pas conquis le monde ent
1184
christianisme n’a pas conquis le monde entier, il
est
même en recul dans l’empire communiste, mais il a rayonné — seul dans
1185
ique où nous vivons depuis 1914, et dont le foyer
est
le lieu même d’où partit l’Aventure : l’Europe. Choisissant trois sym
1186
ble à tout essai d’union sur le plan politique, n’
est
encore que le fait d’élites restreintes, et d’ailleurs curieusement h
1187
et d’ailleurs curieusement hétérogènes. Quel que
soit
le succès, prochain ou retardé, de l’action pour unir l’Europe — il e
1188
n ou retardé, de l’action pour unir l’Europe — il
est
beaucoup trop tôt pour en juger, après quelques années d’efforts mal
1189
c’est le fait en lui-même qu’une telle action se
soit
manifestée à tel moment de l’évolution de l’Occident. Dans une perspe
1190
mondiale, deux attitudes bien différentes peuvent
être
prises devant l’Europe actuelle — désunie et battant en retraite. On
1191
». Mais on peut penser au contraire que l’Europe
est
la mieux placée pour chercher et trouver les remèdes aux maladies née
1192
al. Voilà pourquoi les partisans de l’Europe unie
sont
convaincus qu’ils servent tout l’humain, quand ils luttent, chez eux
1193
e fédérée, reprenant sa place dans l’histoire, ne
sera
pas la suprême solution ni l’accomplissement de la Quête. Mais leur e
1194
eur humaine de leur action. Pareil combat ne peut
être
perdu — quelle qu’en soit l’issue collective — que par celui qui l’ab
1195
. Pareil combat ne peut être perdu — quelle qu’en
soit
l’issue collective — que par celui qui l’abandonne. Sécession du p
1196
tion dont ils rendent le régime, si libéral qu’il
soit
, responsable de leur condition. Tous les peuples civilisés ont connu
1197
éditaire. Jamais cependant le prolétariat n’avait
été
créé aussi directement par le principe même du progrès, ni en contrad
1198
grante avec les idéaux d’une Société. Le scandale
étant
apparu avec la même soudaineté que la technique, aux débuts du xixe
1199
e la technique, aux débuts du xixe siècle, il en
est
résulté que l’Europe, la première, en a pris une conscience non point
1200
la suppression de la condition prolétarienne. Il
est
typique de l’Occident qu’une ambition de ce genre y ait été conçue, p
1201
e de l’Occident qu’une ambition de ce genre y ait
été
conçue, puis considérée par beaucoup comme à la fois juste et réalisa
1202
semble d’un peuple, et que ce progrès à rebours n’
est
obtenu qu’au prix de l’asservissement de tous à quelques chefs, dont
1203
uccès dépend de plusieurs conditions que l’Europe
est
encore bien loin de réaliser. Il exige en effet que l’Europe, dans se
1204
l’éducation : charisme et chance de l’Europe. Il
est
clair que les USA ont résolu les deux premiers problèmes — mais à moi
1205
arfois suppléer — mettons une fois sur deux, ce n’
est
pas si mal — à l’absence d’idéaux directeurs des gouvernants et techn
1206
s, quand il s’agit de mesures dont le mécanisme n’
est
pas bien compris par la masse mais dont les intentions finales, même
1207
dont les intentions finales, même inconscientes,
sont
pressenties. Toutefois, ceci n’est vrai que sous deux conditions. La
1208
nconscientes, sont pressenties. Toutefois, ceci n’
est
vrai que sous deux conditions. La première étant que l’électeur n’ait
1209
n’est vrai que sous deux conditions. La première
étant
que l’électeur n’ait à juger que de problèmes à sa portée : aménageme
1210
s de corriger le défaut d’informations techniques
est
moins facile à définir. Il s’agit d’une question de confiance — d’une
1211
librement accordée (non par décision d’un parti)
soit
à un homme soit au régime. Car l’homme ou le régime auxquels on fait
1212
dée (non par décision d’un parti) soit à un homme
soit
au régime. Car l’homme ou le régime auxquels on fait confiance se sen
1213
— nord de l’Europe, Suisse, USA — qui se trouvent
être
en même temps, notons-le, les pays qui ont subi le moins de révolutio
1214
s et italiens qui votent régulièrement pour le PC
sont
simplement des mécontents : ils se prononcent contre le régime en gén
1215
prononcent contre le régime en général, comme on
est
anticlérical une fois pour toutes. Une minorité convaincue vote au co
1216
t personnel, risque et santé de la démocratie, ne
sera
pas franchement cultivé, le communisme (ou ses succédanés fascistes)
1217
verselle moscovite. Stratégiquement, le pronostic
est
différent. Le stalinisme n’apporte pas un message plus libérateur, pl
1218
t de libre recherche, vie de la Science, laquelle
est
à son tour indispensable au progrès de la technique, faute de quoi nu
1219
régimes les plus variés. Il n’a jamais renoncé à
être
missionnaire, à témoigner auprès de tous les peuples de sa vérité inv
1220
mais cessé d’offrir à tous les hommes, quelle que
soit
leur race ou leur classe, ou leur degré d’évolution, la possibilité d
1221
nc gagner à long terme — bien qu’un tel pronostic
soit
encore tributaire de nos très courtes vues humaines. (En fait, il a «
1222
Dire que l’empire de Che-Huang-Ti dans sa légende
était
la grande puissance du monde, ce n’est rien dire, puisqu’il n’existai
1223
légende était la grande puissance du monde, ce n’
est
rien dire, puisqu’il n’existait pas alors de monde mesurable et fini.
1224
les rythmes des civilisations et de leurs nations
sont
destinés à s’accorder : par la guerre bien souvent puisque l’homme n’
1225
er : par la guerre bien souvent puisque l’homme n’
est
pas bon, mais vers la paix quand l’accord s’établit par l’échange des
1226
es vices dans la lutte. Les rythmes de l’histoire
sont
dictés aujourd’hui par deux puissances antagonistes mais qui se resse
1227
t déjà en deux moitiés. Comment les accorder ? Ce
serait
faire une synthèse de la foi et de l’utopie. On peut prévoir que l’ut
1228
On peut prévoir que l’utopie, échouant longtemps,
sera
vaincue. Ou bien que l’Occident, lassé de sa liberté, le cède un jour
1229
la fin de ce siècle, et je vois que le problème n’
est
plus du tout capitalisme ou communisme, USA ou URSS. Il y a le camp d
1230
de guerre froide a passé au second plan, ou bien
est
oubliée. La situation de l’URSS (aidée par l’Occident ?) s’est amélio
1231
La situation de l’URSS (aidée par l’Occident ?) s’
est
améliorée à ce point que les Russes sont désormais dans le camp des h
1232
dent ?) s’est améliorée à ce point que les Russes
sont
désormais dans le camp des haves, confrontés à la Chine, chef du camp
1233
, riche et minoritaire. Mais déjà les deux termes
sont
en train de changer. L’Occident, découvrant le loisir, se tourne vers
1234
mbigu, du Progrès technique et social ? 91. Ce
sont
aussi les pays où le sens du groupe privé, spontanément formé par des
1235
jusqu’à ce siècle, le dialogue a toujours échoué,
soit
qu’il ait tourné court à peine amorcé, soit qu’il ait aussitôt dégéné
1236
houé, soit qu’il ait tourné court à peine amorcé,
soit
qu’il ait aussitôt dégénéré en poussées militaires alternées92, créan
1237
ion de Plan Carpin a échoué. Jean de Montecorvino
est
arrivé trop tard au rendez-vous avec le vieux Kubilai Khan, fils d’un
1238
institution. Les études orientales en Occident ne
sont
devenues systématiques qu’avec le romantisme allemand. Peu après, l’i
1239
ts anarchiques dans tous les ordres. Tout échange
est
ambivalent. Il peut détruire autant que féconder. L’adoption de nos m
1240
ence à soupçonner que ces autres sciences peuvent
être
« vraies » aussi, et même devenir vitales. L’Aventure s’approchant de
1241
rer l’autre (mais au prix de sacrifices dont il n’
est
pas du tout certain qu’ils seraient féconds), ou bien il faut cherche
1242
crifices dont il n’est pas du tout certain qu’ils
seraient
féconds), ou bien il faut chercher un principe transcendant, dont un
1243
n certain pragmatisme courant m’objecte ici qu’il
serait
dangereux de vouloir confronter les principes, qu’il est plus sûr et
1244
gereux de vouloir confronter les principes, qu’il
est
plus sûr et plus facile de prendre pour base d’une entente ce que l’o
1245
lles. » Il peut sembler pourtant que le contraire
est
vrai, que ce sont les repus qui n’écoutent pas, et que l’angoisse est
1246
embler pourtant que le contraire est vrai, que ce
sont
les repus qui n’écoutent pas, et que l’angoisse est mère de la pensée
1247
t les repus qui n’écoutent pas, et que l’angoisse
est
mère de la pensée. Si les anciens Hindous, les Sumériens, les Égyptie
1248
faim ! » il n’y aurait pas de civilisation. Nous
serions
sans moyens techniques de remédier à la famine. Mais il y a plus. Ado
1249
pensée le trouvent beaucoup plus démuni que ne le
fut
l’Occident devant ces mêmes défis. Nous étions en défense contre beau
1250
ne le fut l’Occident devant ces mêmes défis. Nous
étions
en défense contre beaucoup d’abus, et cela en vertu même des concepti
1251
parce qu’ils s’accroissent trop vite, ou bien ils
sont
contraints d’adopter nos méthodes, et avec elles, mais sans le savoir
1252
savoir ni l’assumer, un ensemble d’options qui ne
sont
pas orientales. Transcender cette alternative, ruineuse pour l’âme ou
1253
uineuse pour l’âme ou pour les corps, au choix, n’
est
pas l’affaire des experts commerciaux, ni des hommes politiques, ni m
1254
s’instituer qu’au niveau des options de base, qui
sont
d’ordre métaphysique. Difficulté du dialogue Prenons un exemple
1255
précis : celui de l’aide technique que l’Occident
est
requis d’apporter à l’Asie. « Il faut analyser les relations intimes
1256
manisme et de l’évolution de l’idéal de l’homme n’
est
qu’une caricature ; il faut prendre des mesures efficaces pour liquid
1257
phrase mérite un examen sérieux. On nous disait (
soit
en Orient, soit dans les cercles occidentaux qui aiment à parler de n
1258
n examen sérieux. On nous disait (soit en Orient,
soit
dans les cercles occidentaux qui aiment à parler de notre décadence)
1259
Vous avez négligé l’Esprit et l’Âme, vos valeurs
sont
matérialistes et vous ne croyez qu’à la technique. » On nous dit aujo
1260
iques. » Et certes nous ne le refuserons pas : ce
serait
contraire à nos valeurs comme à nos absolus chrétiens. Mais nos techn
1261
nos absolus chrétiens. Mais nos techniques aussi
sont
nées de ces valeurs, que vous avez longtemps rejetées. Vous avez préf
1262
ère et les corps. Cette préférence fondamentale n’
est
pas sans liens avec les maux physiques dont vous souffrez. Vous exige
1263
us sauver des résultats de vos croyances que vous
tenez
encore pour supérieures. N’y a-t-il pas là quelque injustice profond
1264
N’y a-t-il pas là quelque injustice profonde ? N’
est
-il pas temps de reconnaître que nos valeurs n’étaient en somme pas si
1265
est-il pas temps de reconnaître que nos valeurs n’
étaient
en somme pas si mauvaises, puisque les résultats qui en découlent log
1266
uisque les résultats qui en découlent logiquement
sont
seuls capables de guérir des maux permis ou tolérés par votre spiritu
1267
x permis ou tolérés par votre spiritualité, qui n’
était
en somme pas si bonne ? À quoi d’autres swamis, plus orthodoxes (et c
1268
ent pas de répondre qu’en effet, l’Esprit ne peut
être
atteint par ce qui atteint les corps, dont les besoins ne sauraient ê
1269
atteint les corps, dont les besoins ne sauraient
être
tenus pour primordiaux. Les vérités de l’Orient gardent donc leur ple
1270
int les corps, dont les besoins ne sauraient être
tenus
pour primordiaux. Les vérités de l’Orient gardent donc leur plein dro
1271
de l’unité. La conception occidentale de l’unité
est
essentiellement exclusive, tandis que l’orientale est inclusive. L’un
1272
essentiellement exclusive, tandis que l’orientale
est
inclusive. L’unité invoquée par les épîtres pauliniennes était synony
1273
ve. L’unité invoquée par les épîtres pauliniennes
était
synonyme de l’Amour, de l’absence de partis hostiles et d’oppositions
1274
hostiles et d’oppositions fanatiques ; mais elle
est
devenue dans l’Église, dès le temps des conciles, et sans nul doute p
1275
ion des hérésies. En fait, le dogme de l’Église s’
est
créé à coups d’anathèmes. Si l’on regarde de près l’Enchiridion du P.
1276
, dit l’Église catholique. Et les réformateurs ne
seront
pas moins exclusifs, encore qu’ils simplifient le système de référenc
1277
essinent. La preuve de « réalité » par la matière
est
en train d’être dépassée en Occident, tandis que la cosmogonie tradit
1278
euve de « réalité » par la matière est en train d’
être
dépassée en Occident, tandis que la cosmogonie traditionnelle des Hin
1279
sent de l’Aventure occidentale, on dirait qu’il n’
est
plus qu’un seul des rêves constants de l’humanité qui ne soit pas thé
1280
’un seul des rêves constants de l’humanité qui ne
soit
pas théoriquement réalisable : connaître l’au-delà de la mort. Mais p
1281
les pensées, tuer ou guérir sans contact… — tout
est
là, ou peut l’être bientôt. Déjà nous volons, transmutons les métaux,
1282
ou guérir sans contact… — tout est là, ou peut l’
être
bientôt. Déjà nous volons, transmutons les métaux, dépassons la vites
1283
oriques de réalisation de bien d’autres rêves. Il
serait
surprenant que tel d’entre eux se révèle à jamais utopique, et démont
1284
se révèle à jamais utopique, et démontrer qu’il l’
est
représenterait déjà une découverte aussi intéressante que celles qui
1285
ros et au total, tout se passe comme si nos rêves
étaient
les gages de nos futures réalités, et représentaient ainsi une sorte
1286
e anticipée des choses à venir ; comme si l’homme
était
en puissance de tout ce qu’il peut imaginer ; comme si la vérité deva
1287
devait devenir un jour ce que nous rêvons qu’elle
est
, et cela seul. L’homme est défini par ses rêves qui, bien plus que l’
1288
ue nous rêvons qu’elle est, et cela seul. L’homme
est
défini par ses rêves qui, bien plus que l’action, façonnent son réel.
1289
plus que l’action, façonnent son réel. Mais quel
est
le rêve oriental ? Nous voulions contrôler la physis, eux la psyché.
1290
hénomènes, ou de certaines conceptions que l’Asie
tient
pour vraies : la magie, le contrôle des sources de la pensée, l’idéal
1291
la conscience occidentale — la science-fiction en
est
le signe indubitable — au moment où le danger qui nous guette n’est p
1292
itable — au moment où le danger qui nous guette n’
est
plus celui d’échouer dans notre effort constant, mais au contraire de
1293
tié de l’humanité ; et les réalités vécues qui en
sont
nées. On ne peut comparer deux rêves de cette nature, mais bien leurs
1294
et savants, la technique. Le rêve des sages de l’
Est
conduit-il au salut, à la paix véritable de l’âme ? C’est la question
1295
conde prévu) ; dans les deux cas, l’effet probant
est
de nature tangible ou mesurable. Mais la preuve par l’effet spirituel
1296
st entendu : on avait tout arrangé pour cela ! Qu’
est
-ce que cela prouve, sinon ce que nous savions déjà ? Serrons encore d
1297
terre, même lorsqu’ils enseignaient que la vie n’
est
qu’illusion. Mais aucun ne devint immortel. Nous cherchons plutôt les
1298
n un mot, qui ont permis au problème de se poser,
sont
précisément les qualités et attitudes qui prédisposent le moins à l’u
1299
rer au grand nombre. Au moment même où l’Occident
serait
en mesure d’en instituer les conditions pour tous, il se voit appauvr
1300
techniques et en oublie ses valeurs propres, qui
seraient
celles dont nous aurions le plus grand besoin… ⁂ Je vois bien ce qui
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n conflit dans son plan : il faut passer au-delà,
soit
dans le temps et l’espace, soit dans les dimensions spirituelles. L’a
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t passer au-delà, soit dans le temps et l’espace,
soit
dans les dimensions spirituelles. L’au-delà des crises occidentales p
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u xiie siècle dans le Midi de la France, mais ne
sont
pas connues comme telles, à cette époque. 94. Ramakrishna est le mie
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es comme telles, à cette époque. 94. Ramakrishna
est
le mieux connu d’entre eux en Europe (voir sa biographie par R. Rolla
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bord d’où elle vient, et comment, jusqu’ici, elle
est
allée. On verra que la Question même est spécifique de l’Occident. To
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ci, elle est allée. On verra que la Question même
est
spécifique de l’Occident. Toute réponse décisive annoncerait donc la
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trouver lui-même, dès lors qu’il sait qu’il n’en
est
point de vraiment générale et transposable — il quitterait en esprit
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ce blanche, aventureuse moitié du monde. La Quête
est
notre forme d’exister. Et pourtant, songeant à l’Orient, j’invoquerai
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at l’oppose au parti plus nombreux de ceux qui le
tenaient
pour mort et condamné. Et soudain la Sagesse éternelle apparaît, Mine