1 1957, L’Aventure occidentale de l’homme. Introduction
1 Introduction L’objet de cet ouvrage est de décrire l’aventure occidentale de l’homme, d’en chercher les princ
2 s à l’unité finale du genre humain, quoi qu’il en soit de la question des origines dont nous ne savons encore à peu près rie
3 ter quelle attitude humaine, unique et cohérente, est susceptible d’expliquer ces deux produits en apparence indépendants.
4 estions d’où venons-nous ? et où allons-nous ? Il est impossible de répondre à l’une sans impliquer une réponse aux deux au
5 oup se contenteront de dire ou de penser : le moi est haïssable, ou : la machine est utile, mais peut nous asservir. Ces ju
6 de penser : le moi est haïssable, ou : la machine est utile, mais peut nous asservir. Ces jugements impliquent une prise de
7 t de sa nature même, reste insoluble si l’on s’en tient au seul passé. À vrai dire, il ne peut recevoir une réponse significa
8 le pris naissance ? Le jour où la première page a été rédigée, la première touche de couleur posée, les premières mesures n
9 allons plus loin : créés par elle. La question «  est -ce bon ou mauvais ? » se repose à propos de chaque touche de pinceau,
10 ensemble, ce but entr’aperçu, ce sens de l’œuvre, sont prédéterminés dans l’acte insaisissable et par nature non repérable,
11 par nature non repérable, par lequel l’œuvre même fut conçue. Ils se modifieront peut-être en cours de route. Et peut-être
12 imaginait. Il n’importe : sans eux, rien n’aurait été fait. « Dans ma fin est mon commencement », dit un poète, traduisant
13 : sans eux, rien n’aurait été fait. « Dans ma fin est mon commencement », dit un poète, traduisant les mystiques. Et cela v
14 ation. L’hypothèse directrice de cet ouvrage peut être maintenant formulée en fonction de ces analogies. Elle consiste à pos
15 uvertes futures mais encore la nature de ce qu’on tiendra plus tard pour la réalité elle-même. Les résultats factuels, éthiques
16 i tu n’avais d’abord accepté de me chercher. ⁂ Ce sont les questions simples, celles que l’on considère comme tranchées une
17 ale d’une civilisation donnée. Cette civilisation tient -elle la matière pour bonne ou mauvaise ? Juge-t-elle l’individualité
2 1957, L’Aventure occidentale de l’homme. Première partie. La Voie et l’Aventure — Chapitre I. Où les voies se séparent
18 ppellent Dieu, d’autres le Soi, ou le Total, ou l’ Être , Ramakrishna disait : « Il n’y a aucune différence, que vous l’appeli
19 que vous l’appeliez “Toi” ou que vous pensiez “Je suis Lui” ». S’il n’y avait « aucune différence », il n’y aurait pas non
20 es plans, pourtant, les différences éclatent. Ce serait faire tort à l’homme que de nier leurs liens avec certaines options f
21 d’Occident. Contraster les contenus de ces termes sera l’objet de mon premier chapitre. Certains penseront qu’il est dangere
22 de mon premier chapitre. Certains penseront qu’il est dangereux de souligner ce qui nous distingue, au lieu de mettre en va
23 istingue, au lieu de mettre en valeur ce qui nous est commun ; qu’on risque ainsi de nourrir les préjugés, et de forcer, pa
24 faut voir aussi que l’union finale des esprits ne sera jamais acquise au prix du sacrifice de nos diversités vivantes ; elle
25 suppose bien plutôt la connaissance des raisons d’ être de ces diversités. Vouloir les ignorer par gain de paix, les passer s
26 aix, les passer sous silence ou les minimiser, ce serait perdre d’avance les deux vertus majeures qui dénotent une union vérit
27 globale de l’Occident2. « La nuit, tous les chats sont gris », dit le proverbe. Mauvaise formule d’union, qui ne peut surviv
28 famille d’idiomes indo-européens dont le sanscrit serait le plus ancien témoignage. Admettons même entre l’Inde et l’Europe un
29 nte la divergence des évolutions ultérieures. À l’ Est , l’Inde codifie les castes ; elle en ajoute même une3, multiplie les
30 ovation ou de variation individuelles ; l’au-delà était tenu pour plus réel que l’ici-bas, dont il convenait par suite de s’é
31 n ou de variation individuelles ; l’au-delà était tenu pour plus réel que l’ici-bas, dont il convenait par suite de s’évader
32 t et de l’Occident 5. — L’Orient et l’Occident ne sont donc pas seulement des entités géographiques faciles à situer, sinon
33 storiques, dont les mélanges et superpositions ne seraient d’ailleurs pas moins féconds à étudier que leur distinction progressi
34 s à étudier que leur distinction progressive. Ils sont cela, sans nul doute, mais ils sont beaucoup plus : deux voies de l’h
35 gressive. Ils sont cela, sans nul doute, mais ils sont beaucoup plus : deux voies de l’homme, deux directions maîtresses de
36 és sur ce sujet fondamental6. Le récit d’Avicenne est une initiation à l’Orient, monde des Formes de lumière, contrastant a
37 treprendre le voyage mystique vers l’Orient. Quel est ce cosmos symbolique ? À droite, l’Orient des Formes et du Soleil lev
38 nnent d’ailleurs… (Thème de l’Exil.) Et ce climat est un lieu de dévastation, un désert de sel, rempli de troubles, de guer
39 es, de disputes, de tumultes ; joie et beauté n’y sont qu’un emprunt procuré d’un lieu lointain. » Entre l’Orient et l’Occid
40 u lieu de rencontre de la matière et de la forme) est une circonscription intermédiaire : « C’est celle que l’on connaît le
41 uquel l’auteur rattache d’ailleurs son conte, qui est une vision7. Tentons maintenant de dresser une liste des caractères s
42 ccidentale. Mais, du prestige de cet Orient qui n’ est pas celui des atlas, l’Orient réel, qui va de la Perse au Japon, béné
43 possible grandeur et d’une vérité difficile, qui est l’enjeu de son aventure. b) Incarnation et Excarnation. — Si nous pa
44 es, toutes les deux légitimes, de l’Ouest et de l’ Est … (car) : le carré — ou mieux, le cube — est partout le symbole de la
45 de l’Est… (car) : le carré — ou mieux, le cube — est partout le symbole de la matière, et le cercle — ou la sphère — celui
46 de l’esprit. En sorte que la quadrature du cercle est la transformation de l’esprit en matière, ou encore la matérialisatio
47 mes de leur existence, et de les sauver là où ils sont , par la seule foi dans l’action du pardon, de l’amour et de la grâce
48 plus dénuée, et là découvre que la voie du salut est de refuser le monde, le corps et la souffrance, pour s’élever vers le
49 . Les deux mouvements — descente et remontée — ne sont qu’apparemment superposables ; car il s’agit en réalité dans le premi
50 le. (On perd en chemin le monde créé, sa raison d’ être , la connaissance et la maîtrise de ses structures.) Le danger, pour l
51 ci des liens de Prakriti (le monde manifesté, qui est illusion) afin qu’elle aille vers l’Esprit, sachant ce qu’elle fait.
52 , si versé dans la Loi, et si maître de lui qu’il soit , un dieu lui-même ne peut sans le yoga atteindre la libération. » (Yo
53 fois les méfiances. Car chacun pense de l’autre : est -ce qu’il dit vrai ? trouve-t-il vraiment l’objet de sa recherche ? et
54 l’objet de sa recherche ? et cet objet lui-même, est -il vraiment réel ? S’identifier à l’Un, à la divinité, ne serait-ce p
55 ent réel ? S’identifier à l’Un, à la divinité, ne serait -ce pas, pense l’Occidental, une illusion psychologique chez les très
56 on psychologique chez les très rares qui disent y être parvenus, et pour les autres un solipsisme exténuant ?… Maîtriser les
57 t peut-être demain de la vie, pense l’Oriental, n’ est -ce pas régner sur la Maya ? Et chacun sera tenté de tenir pour illuso
58 ntal, n’est-ce pas régner sur la Maya ? Et chacun sera tenté de tenir pour illusoires les « preuves » dont l’autre se prévau
59 pas régner sur la Maya ? Et chacun sera tenté de tenir pour illusoires les « preuves » dont l’autre se prévaut, puisqu’elles
60 puisqu’elles s’appliquent à une « réalité » qu’on tient elle-même pour illusion. Et il semble à chacun que les explications l
61 ications les plus sincères données par l’autre ne sont en vérité que des implications de son option fondamentale. Tautologie
62 cela ! c) Individu et Tradition. — Que l’Occident soit individualiste et l’Orient traditionaliste, il paraît difficile de le
63 personnes sur une seule bicyclette ! Ces gens ne seront -ils jamais seuls ? L’individu peut-il vraiment compter, dans ce groui
64 grillagées, surmontés de clochetons baroques ? Ce sont des temples, dit mon guide. Devant l’idole vêtue de soie précieuse et
65 liturgie, d’église organisée. L’Hindou grégaire n’ est seul que devant le divin. L’Occidental, jaloux de sa vie privée, s’as
66 orps spiritualisé, sans Moi, ou avec un Moi qui n’ est qu’un simple centre. L’homme magique, le corps magique n’a pas d’iron
67 des rues et des places, l’homme des supercheries, est de son appartenance : il forme le bord, la lisière du monde du saint,
68 n’ont plus de pointe ni de but. Le monde magique est en forme de Boule, infinie et tout-englobante. En Occident, le moi et
69 té et le destin, la personne même et son individu sont en contradiction, tension ou dissension, et ne cessent de refaire le
70 n Inde, comme celle du mystique médiéval, ne peut être que fuite en l’Absolu. Ainsi le moi devient conscient et se détache,
71 se perdre en son accomplissement, puisque le moi est voie, et que la voie consiste à libérer progressivement une âme de l’
72 à libérer progressivement une âme de l’illusion d’ être distincte. Tout se ramène enfin à cette opposition : panthéisme ou Di
73 position : panthéisme ou Dieu personnel. Car il n’ est pas de personne sans un Dieu qui interpelle. Et l’Orient ne connaît r
74 i interpelle. Et l’Orient ne connaît rien de tel. Soit qu’on pense qu’il n’y a pas de Dieu — selon le système Sankya et le b
75 Dieu — selon le système Sankya et le bouddhisme — soit qu’on pense, selon l’Advaïta, que Dieu n’« existe » pas mais qu’il es
76 n l’Advaïta, que Dieu n’« existe » pas mais qu’il est Tout, et que le Tout ou le Réel n’est que le Moi pleinement réalisé e
77 mais qu’il est Tout, et que le Tout ou le Réel n’ est que le Moi pleinement réalisé et accompli (That Thwam Asi) — il n’y a
78 ouddhisme. Qu’il n’y ait point de Dieu, ou que Je soit le Tout, dans les deux cas l’Autre s’évanouit ; il n’est pas de dialo
79 Tout, dans les deux cas l’Autre s’évanouit ; il n’ est pas de dialogue possible, ni d’appel, ni donc de vocation, ni par sui
80 ce, que vous l’appeliez Toi ou que vous disiez Je suis Lui. » Nous y lisons maintenant la vraie définition de l’attitude rel
81 nition de l’attitude religieuse orientale. Car il est bien certain que l’identité qu’elle pose évacue l’existence personnel
82 tie blanche et un point blanc la partie noire. Il est ainsi montré que l’élément masculin n’est pas absent de la région du
83 ire. Il est ainsi montré que l’élément masculin n’ est pas absent de la région du yin tandis que l’élément féminin reste pré
84 es, cette relation d’inter-présence des opposés n’ est pas moins évidente dans les zones respectives de l’Orient et de l’Occ
85 te phrase : « Écarte les choses, ô Amant, ta voie est fuite » ? De quelle yâna bouddhique relève celui qui a dit : « Il fau
86 nt d’un néant à un néant » ? Et à l’inverse, quel est le mystique chrétien qui nous rappelle « qu’après avoir écarté tout a
87 e « qu’après avoir écarté tout attachement » et s’ être engagé sur la voie de la connaissance divine, « il faut demeurer dans
88 oix, Eckhart, et la Bhagavad-Gita. Et pourtant il serait faux, plus encore que banal, de répéter ici « tout est dans tout ». L
89 aux, plus encore que banal, de répéter ici « tout est dans tout ». La partie blanche contient un cercle noir, mais elle est
90 partie blanche contient un cercle noir, mais elle est blanche tout de même, et non pas grise. Que vaut un homme ? Et
91  ? Et finalement, ce qu’il importe de voir, ce sont les résultantes majeures des complexes doctrinaux dont on vient de ra
92 aiment rien de commun, et l’usage qu’on en fait n’ est pas du tout le même. La foule de Bénarès n’est pas la foule de Lourde
93 n’est pas du tout le même. La foule de Bénarès n’ est pas la foule de Lourdes, même si l’on pense que Dieu reconnaîtra les
94 gnent vêtus ou nus. La croyance à la métempsycose est plus naturelle qu’on ne le pense à l’esprit des Occidentaux, mais ell
95 ’idée de son individualité. Mon second exemple, est emprunté à un essai de Ernst Jünger12 : La relation que soutient l’h
96 du rang qu’il assigne au libre arbitre. Même sans être philosophe, il s’entend sur ce point aux distinctions les plus fines,
97 très hautes tours : deux guetteurs vêtus de blanc étaient en faction sur chacune d’elles. Le grand-maître voulut faire voir au
98 lité, obéissance, sacrifice, ordre et discipline, sont ici arrachées de leur place ; l’horreur d’un monde étranger lui monte
99 specte en l’homme un noyau de liberté auquel il n’ est pas permis de porter atteinte. Ce qui s’y passe, et ce qui en provien
100 sous peine de devenir vain, et même vil, comme le sont des faveurs obtenues par contrainte. Quand ce noyau est lésé, des tou
101 s faveurs obtenues par contrainte. Quand ce noyau est lésé, des tourbillons de néant s’en dégagent. La réaction de nos deu
102 t. La réaction de nos deux auteurs occidentaux n’ est pas moins significative, pour notre objet présent, que les histoires
103 qui n’a rien de bouddhique, enseigne que la mort étant le sort commun, tuer n’est vraiment grave qu’aux yeux de l’ignorance.
104 enseigne que la mort étant le sort commun, tuer n’ est vraiment grave qu’aux yeux de l’ignorance. Qu’on découpe la victime e
105 a victime en tranches ou qu’on l’épargne, elle ne sera pas sauvée de la nécessité de renaître un millier ou cent milliers de
106 qui revient, portant sa tête sous le bras ! Qu’en est -il de notre Occident ? Certes, l’Europe qui croit à l’absolue valeur
107 Jünger, devant la cruauté des Orientaux ? Nous ne sommes pas moins cruels, mais nous le sommes autrement. Car nous le sommes d
108 x ? Nous ne sommes pas moins cruels, mais nous le sommes autrement. Car nous le sommes dans le drame, eux selon la magie. Null
109 ruels, mais nous le sommes autrement. Car nous le sommes dans le drame, eux selon la magie. Nulle « sagesse » ne nous innocent
110 notre foi nous condamne. La cruauté de l’Oriental est fatidique, et par suite sans mesure, sans péché, sans contradiction n
111 , sans péché, sans contradiction ni remords. Elle est divine, et nous sommes criminels. Si le moi n’est qu’une illusion tem
112 ontradiction ni remords. Elle est divine, et nous sommes criminels. Si le moi n’est qu’une illusion temporaire, celui qui tue
113 est divine, et nous sommes criminels. Si le moi n’ est qu’une illusion temporaire, celui qui tue ne détruit rien qui compte 
114 te ; mais au contraire, si le moi libre et unique est une réalité tenue pour inviolable, rien ne peut justifier notre délir
115 constate. Il y a des différences. Et mon propos n’ est pas de les mettre en relief pour inciter le lecteur à des comparaison
116 il n’y a pas de camps, ni de lutte engagée, ceci soit dit ici une fois pour toutes. Il y a seulement deux expériences globa
117 mples dans le domaine religieux, de préférence. N’ est -ce pas là que l’irritante question de la « supériorité » de ceci sur
118 n n’y dispose pas d’éléments mesurables, comme ce serait le cas au plan de l’économie ou de l’état social par exemple ? Je che
119 et leurs explications, que ces options pouvaient être surprises ; car on les voyait là dans leur état naissant. Qu’elles so
120 n les voyait là dans leur état naissant. Qu’elles soient causes premières ou effets ; qu’elles résument une série de facteurs
121 nséquences ont formé l’Occident. 1. L’Occident étant représenté, dans ce cas particulier, par la théologie orthodoxe des c
122 religieux de l’Inde qui conçoivent que le Tout n’ est autre que le Je pleinement réalisé. 2. C’est l’attitude générale des
123 projettent dans un passé qui souffre tout, sauf d’ être vérifié, un négatif du présent qu’ils refusent. 3. Celle des Sudras,
124 indigènes assujettis ; les parias ou hors-castes étant les « résistants » au processus d’intégration sociale. 4. Il y a peu
125 que le nombre des dieux connus du panthéon hindou est estimé à 33 crores, c’est-à-dire à 330 millions. 5. Je précise que d
126 de l’Europe en Occident. C’est de l’hindouisme qu’ est issu le bouddhisme, pour recouvrir ensuite le Tibet et la Chine, la M
127 donésie, enfin le Japon. C’est du catholicisme qu’ est issue la Réforme, pour essaimer ensuite en Amérique du Nord. À la con
128 ques. Historiquement, la première confrontation s’ est vue retardée pendant longtemps par le barrage de l’islam, et n’a pu s
129 dent, c’est la Grèce d’Aristote, et leur Orient n’ est pas l’Inde ou la Chine, mais celui de la mystique « illuminée » de ce
130 sien, Hamburg, 1955. 10. L’adjectif traditionnel est pris ici dans son sens strict, initiatique et religieux, qui ne doit
131 strict, initiatique et religieux, qui ne doit pas être confondu avec « conservateur », « routinier », « réactionnaire », etc
132 inier », « réactionnaire », etc. « Traditionnel » est celui qui estime que la tradition religieuse rend nulle et non avenue
133 et que le but de la recherche humaine ne peut pas être le progrès ou l’invention, mais l’identification du chercheur avec un
3 1957, L’Aventure occidentale de l’homme. Première partie. La Voie et l’Aventure — Chapitre II. Où le drame se noue
134 s les structures de l’Empire, comme la doctrine s’ est informée dans les catégories de la Dialectique. Incarnation, dialecti
135 re de l’Occident. Il peut sembler parfois qu’elle est tout implicite dans l’événement de cette triple rencontre à tant d’ég
136 la quête de sa résolution… Pourtant l’Occident n’ est pas né comme la réponse à un défi : il lui a manqué ce principe de co
137 ans l’espace et si proche dans l’âme collective n’ était plus une menace, ou ne l’était pas encore14. Il ne pouvait mettre en
138 l’âme collective n’était plus une menace, ou ne l’ était pas encore14. Il ne pouvait mettre en question la paix romaine. L’Occ
139 mettre en question la paix romaine. L’Occident n’ est pas né comme on nous dit que naissent les grandes cultures et civilis
140 née et qui compense d’abord un sort inaccepté. Il est né comme une aventure, d’un fait très insolite et peu croyable, surve
141 t initial nous semble accidentel, j’entends qu’il serait vain d’essayer de le déduire d’une certaine situation d’ensemble ou d
142 té du monde antique : nul ne peut démontrer qu’il soit venu « à son heure ». Il porte à l’origine les stigmates du réel, et
143 tes du réel, et non pas les signes du mythe. Il n’ est pas vraisemblable ; il est vrai. On ne l’attendait pas, il est là. Ai
144 signes du mythe. Il n’est pas vraisemblable ; il est vrai. On ne l’attendait pas, il est là. Ainsi naît l’Occident : comme
145 emblable ; il est vrai. On ne l’attendait pas, il est là. Ainsi naît l’Occident : comme un drame, dont on peut contester ap
146 s : le Verbe divin et la chair. « Au commencement était la Parole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole était Dieu… Et
147 . « Au commencement était la Parole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole était Dieu… Et la Parole a été faite chair, e
148 arole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole était Dieu… Et la Parole a été faite chair, et elle a habité parmi nous, pl
149 vec Dieu, et la Parole était Dieu… Et la Parole a été faite chair, et elle a habité parmi nous, pleine de grâce et de vérit
150 a chair dans l’Histoire. L’avatar hindouiste, qui est la descente du dieu dans un corps d’animal ou d’homme, se répète aux
151 incarnations de Vishnu (dont neuf déjà réalisées) sont motivées par le déluge, la menace d’engloutissement d’un mont sacré,
152 s dieux, la rivalité de deux castes, etc. Bouddha fut la neuvième incarnation ; et la dixième, Kalki, sera le destructeur d
153 t la neuvième incarnation ; et la dixième, Kalki, sera le destructeur de notre monde radicalement dégénéré. La Bhagavad-Gita
154 e à prédominer. Ainsi le temps de l’avatar hindou est celui du Mythe, non de l’Histoire. L’avatar se répète, il a lieu « ch
155 tar se répète, il a lieu « chaque fois que… », il est cyclique, archétypal, et dans ce sens, an-historique, tandis que l’In
156 avec force saint Paul et l’Épître aux Hébreux, s’ est opérée « une fois pour toutes ». Ce centre du Credo est donc situé ex
157 érée « une fois pour toutes ». Ce centre du Credo est donc situé expressément dans la durée profane, celle de l’Histoire ;
158 prend son départ la « voie » chrétienne. Et ce n’ est pas une méthode, une ascèse, un système, ce n’est pas le cours d’un a
159 est pas une méthode, une ascèse, un système, ce n’ est pas le cours d’un astre, tracé par d’autres astres, ni un chemin qu’i
160 n qu’il faut vivre et devenir soi-même, puisqu’il est une personne : « Je suis le chemin, la vérité et la vie. » Au terme
161 venir soi-même, puisqu’il est une personne : « Je suis le chemin, la vérité et la vie. » Au terme de la voie sera la Grâce,
162 emin, la vérité et la vie. » Au terme de la voie sera la Grâce, donnée par un Dieu personnel « qui nous a aimés le premier 
163 nnel « qui nous a aimés le premier ». Et la Grâce est tout à la fois aide prévenante, pardon final, béatitude, condition de
164 l’Orient, que l’ascèse infiniment patiente16. Il est curieux, mais non contradictoire, au fond, que le Grec rationaliste a
165 e sur son esprit. Pour le chrétien, le paradoxe n’ est pas seulement dans l’apparence, il est constitutif et radical : le sa
166 paradoxe n’est pas seulement dans l’apparence, il est constitutif et radical : le salut vient de Dieu à l’homme, il est ini
167 et radical : le salut vient de Dieu à l’homme, il est initié par Dieu seul, et donné par une grâce pure ; et pourtant l’hom
168 ouver et vivre le chemin ? Pour l’Orient, la voie est connaissance, illumination progressive (ou même instantanée, selon le
169 du chemin se confond avec celle de la Foi, qui n’ est pas seulement la croyance, ou « la substance des choses que l’on espè
170 t sans savoir où il allait18. » L’homme de la foi sera l’homme en chemin, le viator, l’éternel « voyageur sur la Terre », qu
171 l espère. Il ne voit pas, il obéit. Et sa route n’ est pas définie comme l’orbite invariable d’une étoile, mais elle est ave
172 comme l’orbite invariable d’une étoile, mais elle est aventure permanente : elle se crée sous les pas qui la suivent. Ainsi
173 ée sous les pas qui la suivent. Ainsi la foi, qui est la confiance active, est aussi l’inquiétude essentielle. Mais que dev
174 ivent. Ainsi la foi, qui est la confiance active, est aussi l’inquiétude essentielle. Mais que devient l’éthique en tout ce
175 e. Mais que devient l’éthique en tout ceci ? Elle est remplacée par l’Amour. Pour mesurer l’ampleur de cette révolution, il
176 pleur de cette révolution, il faut imaginer ce qu’ était le sacré, ce qu’il est encore en Orient. La morale des Anciens est ba
177 , il faut imaginer ce qu’était le sacré, ce qu’il est encore en Orient. La morale des Anciens est basée sur le rite, et dan
178 qu’il est encore en Orient. La morale des Anciens est basée sur le rite, et dans le monde magique elle n’est que rite. Seul
179 asée sur le rite, et dans le monde magique elle n’ est que rite. Seule la croyance moderne aux « lois de la science » et aux
180 peut relever ni de l’opinion, ni d’un jury. Elle est plutôt comme une grossière erreur de calcul, de montage ou d’aiguilla
181 e mais le châtiment restaurateur de l’ordre. Tel est le cadre antique, traditionnel (au sens oriental de ce mot) que le me
182 de la Foi, c’est-à-dire du Rite à l’Amour. « Tout est permis, mais tout n’édifie pas. » « Rien n’est impur en soi », mais «
183 ut est permis, mais tout n’édifie pas. » « Rien n’ est impur en soi », mais « tout est pur aux purs ». Semblablement, saint
184 e pas. » « Rien n’est impur en soi », mais « tout est pur aux purs ». Semblablement, saint Augustin dira : « Aime Dieu et f
185 pliquent en effet que la valeur d’un acte ne peut être jugée par sa conformité avec les règles du sacré ou du social, mais q
186 ur, s’il édifie. « Pourquoi, en effet, ma liberté serait -elle jugée par une conscience étrangère ? » s’écrie saint Paul19. Cet
187 s’écrie saint Paul19. Cette liberté d’ailleurs n’ est pas licence, puisqu’elle est orientée par l’amour même qui d’abord l’
188 liberté d’ailleurs n’est pas licence, puisqu’elle est orientée par l’amour même qui d’abord l’a rendue possible : elle est
189 amour même qui d’abord l’a rendue possible : elle est responsabilité. « Vous avez été appelés à la liberté, seulement ne fa
190 e possible : elle est responsabilité. « Vous avez été appelés à la liberté, seulement ne faites pas de cette liberté un pré
191 idarité du genre humain. Seul un homme en tant qu’ être autonome peut aimer, peut agir en vertu de la foi : or, c’est précisé
192 laire de la sagesse antique. Le génie de l’Apôtre est d’avoir résumé les effets de l’Incarnation en un fulgurant raccourci 
193 t à la Loi. Car cette Loi qu’il déclare périmée n’ est pas seulement la Thora juive (quoi qu’il en pense) mais c’est le syst
194 e eux et de chaque homme avec lui-même. Mais ce n’ est pas tout : la Loi était visible, elle était la mesure du monde, elle
195 me avec lui-même. Mais ce n’est pas tout : la Loi était visible, elle était la mesure du monde, elle cernait l’homme et le dé
196 is ce n’est pas tout : la Loi était visible, elle était la mesure du monde, elle cernait l’homme et le définissait par les ca
197 l’Amour transcendant et au prochain. Sa mesure n’ est plus hors de lui, mais en lui, dans son cœur partagé ; elle n’est plu
198 lui, mais en lui, dans son cœur partagé ; elle n’ est plus ordre, mais tension. Libéré, mais pour être à nouveau relié ; af
199 n’est plus ordre, mais tension. Libéré, mais pour être à nouveau relié ; affranchi au regard de la Loi, mais responsable au
200 s le péché comme dans le salut ; au monde comme n’ étant pas du monde ; faible quand il est fort, et fort quand il est faible 
201 onde comme n’étant pas du monde ; faible quand il est fort, et fort quand il est faible ; perdu par ses efforts pour se sau
202 onde ; faible quand il est fort, et fort quand il est faible ; perdu par ses efforts pour se sauver lui-même, sauvé par l’a
203 si la seconde dimension, inventée par les Grecs, est celle qui fonde en soi l’individu et son mode de relations, la cité,
204 sonne. ⁂ Qu’avons-nous établi jusqu’ici ? Si ce n’ est par l’énumération des principaux mots-clés du christianisme, la diale
205 s ne définissent que la voie du chrétien, mais en est -il une autre en Occident ? Beaucoup d’hommes, il est vrai, sont sans
206 -il une autre en Occident ? Beaucoup d’hommes, il est vrai, sont sans voie, et surtout dans le monde d’aujourd’hui. Mais ce
207 tre en Occident ? Beaucoup d’hommes, il est vrai, sont sans voie, et surtout dans le monde d’aujourd’hui. Mais ceux qui en c
208 esprit l’Occident. Pourtant la voie chrétienne n’ est pas tout l’Occident. Elle prend son point de départ dans le choc déci
209 if duquel nous datons notre histoire. Mais elle s’ est engagée dans un monde bien réel, déjà fortement structuré à la fois p
210 dentale de l’homme. Certes la voie chrétienne n’y est pas seule active, mais elle fut décisive et reste axiale : c’est par
211 ie chrétienne n’y est pas seule active, mais elle fut décisive et reste axiale : c’est par rapport à elle que nous pourrons
212 ans un Dieu personnel dont le commandement unique est celui de l’amour : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu et ton prochain
213 le attend de nous « dans une attente ardente », d’ être aimée et connue, et finalement rachetée par la révélation des enfants
214 n sublime avec nos buts derniers. 14. Alexandre était mort depuis plus de trois siècles, Attila ne devait surgir sur le Rhi
215 l’Occident des chrétiens. Le mantra des Hindous n’ est pas le logos. Elle donne pouvoir sur l’homme, mais aussi sur les dieu
216 r sur l’homme, mais aussi sur les dieux. Le logos est recteur d’action ; au contraire, le mantra, formule sacrée, sert à li
4 1957, L’Aventure occidentale de l’homme. Deuxième partie. La Quête occidentale — Chapitre III. La spire et l’axe
217 l’Inquisition, la Terre tourne pourtant. Mais il est des réalités qui pâtissent d’être tues ou mal dites. Qu’on les nie, o
218 ourtant. Mais il est des réalités qui pâtissent d’ être tues ou mal dites. Qu’on les nie, ou seulement qu’on les désigne d’un
219 cte et vague, elles cesseront de « tourner » ou d’ être actives : ce sont celles qui importent à l’homme, parce qu’elles relè
220 s cesseront de « tourner » ou d’être actives : ce sont celles qui importent à l’homme, parce qu’elles relèvent de sa foi, de
221 action ou de son sentiment. Ainsi l’amour : il n’ est pas vraiment là tant qu’il ne s’est pas « déclaré ». Nommer certaines
222 ’amour : il n’est pas vraiment là tant qu’il ne s’ est pas « déclaré ». Nommer certaines tendances, croyances ou passions, c
223 ustifie des régimes violemment inconciliables. Il est vrai que l’Histoire n’est pas la sémantique et qu’elle ne se fait poi
224 ment inconciliables. Il est vrai que l’Histoire n’ est pas la sémantique et qu’elle ne se fait point à coups de définitions.
225 éfinitions. Mais elle joue sur nos confusions : n’ est -ce pas au nom de la liberté, ou de la paix, et comme en louvoyant ave
226 s pires tyrannies ont rejoint notre temps ? Et il est vrai, aussi, que le monde occidental est parti sans savoir où il alla
227 l allait, comme Abraham quittant son pays ; sinon serait -il vraiment l’Aventure que je décris ? Certains de nos pays, qui ont
228 pourtant vécu pendant des siècles. Mais s’il peut être utile d’ignorer ce que l’on vit, et de ne pas déclarer où l’on va, il
229 ue l’on vit, et de ne pas déclarer où l’on va, il est bon de savoir d’où l’on vient. Cherchant les origines de la notion de
230 s de la notion de personne, dont j’ai dit qu’elle était proprement constitutive de l’Occident, je trouve les grands conciles
231 olence, de la gauche et de la droite de la nef où sont massées plusieurs centaines d’évêques et de docteurs, tandis que les
232 » Des rédactions improvisées à la dernière minute sont mises aux voix. Le vote est emporté, mais des négociations de couloir
233 à la dernière minute sont mises aux voix. Le vote est emporté, mais des négociations de couloirs le remettent en question l
234 éputations. On a signé des listes de présence qui seront plus tard contestées : sont-elles complètes, sont-elles exactes ? n’a
235 tes de présence qui seront plus tard contestées : sont -elles complètes, sont-elles exactes ? n’a-t-on pas ajouté des noms d’
236 ront plus tard contestées : sont-elles complètes, sont -elles exactes ? n’a-t-on pas ajouté des noms d’absents ? Il faut main
237 meurt sous les coups de bâton. Au soir, le dogme est proclamé, l’erreur de Nestorius vient d’être condamnée, et la populat
238 dogme est proclamé, l’erreur de Nestorius vient d’ être condamnée, et la population de la ville éclate en transports d’allégr
239 es et dans l’encens des cassolettes à parfum. Tel est donc le spectacle offert par les premières assises du christianisme,
240 feste, proteste, exile, accuse de blasphème ou en est accusé, organise des guets-apens ou y tombe, mélange indiscernablemen
241 tout obscures pour le peuple chrétien. Tout cela serait absurde si ce n’était sublime, si ce n’était finalement bien plus int
242 peuple chrétien. Tout cela serait absurde si ce n’ était sublime, si ce n’était finalement bien plus intelligent, bien plus sa
243 ela serait absurde si ce n’était sublime, si ce n’ était finalement bien plus intelligent, bien plus sage et bien plus réalist
244 l’Histoire. Voilà donc l’atmosphère dans laquelle fut nouée la notion dont descendent nos conceptions de l’homme. En appar
245 t, vrai Dieu et vrai homme à la fois. Le problème était le suivant : comment nommer les relations intradivines et les relatio
246 l’homme révélées par la venue du Christ, Dieu qui est le Père en tant que Créateur, le Fils en tant que Rédempteur, le Sain
247 ilier. L’hellénisme avait dégagé les notions de l’ être distinct, c’est-à-dire de l’Individu, et de la permanence de cet être
248 -à-dire de l’Individu, et de la permanence de cet être à travers ses modalités : essence, substance et hypostase. De leur cô
249 é de droits dans la cité : le citoyen. Tout homme est un individu, du simple fait qu’il est un corps distinct, mais il ne d
250 Tout homme est un individu, du simple fait qu’il est un corps distinct, mais il ne devient une « personne » qu’en vertu de
251 ertu des relations civiques et juridiques dont il est le porteur dans l’État ; d’où cet adage du droit romain : persona est
252 l’État ; d’où cet adage du droit romain : persona est sui juris, servus non est persona (la personne étant définie par sa v
253 droit romain : persona est sui juris, servus non est persona (la personne étant définie par sa valeur juridique, l’esclave
254 st sui juris, servus non est persona (la personne étant définie par sa valeur juridique, l’esclave n’est pas une personne). A
255 tant définie par sa valeur juridique, l’esclave n’ est pas une personne). Ainsi l’individu n’était qu’atome, et la persona q
256 clave n’est pas une personne). Ainsi l’individu n’ était qu’atome, et la persona que valence ; l’un existait par soi, l’autre
257 tiques et sociales élaborées par ces trois mondes sont entrées elles aussi en symbiose, et cela d’une manière manifeste dès
258 le et menacé, mortel et ignorant, il sait qu’il n’ est pas dieu, ne rêve pas de le devenir, mais se sent d’autant plus décid
259 navigateur, spéculateur dans tous les ordres, il est à tous égards celui qui définit — l’homme du Verbe et de l’épithète,
260 toutes choses », dira Protagoras, « de celles qui sont en supposant qu’elles sont, de celles qui ne sont pas en supposant qu
261 goras, « de celles qui sont en supposant qu’elles sont , de celles qui ne sont pas en supposant qu’elles ne sont pas ». Juge
262 sont en supposant qu’elles sont, de celles qui ne sont pas en supposant qu’elles ne sont pas ». Juge de tout, on le voit, mê
263 e celles qui ne sont pas en supposant qu’elles ne sont pas ». Juge de tout, on le voit, même des dieux. D’où le sens de sa d
264 ême des dieux. D’où le sens de sa dignité, qui ne tient à rien qu’à lui-même, au seul fait qu’il existe, distinct. D’où son o
265 résume dans le terme viril de citoyen. L’homme ne tient plus sa dignité unique de quelque essence indestructible, mais du per
266 ne anarchie latente, parce que ses disciplines ne sont pas celles de l’âme, que naît et se répand le christianisme. Apport
267 étienne, l’esclave y trouve la dignité morale qui était celle de l’individu selon les Grecs, et l’honneur de servir, qui étai
268 vidu selon les Grecs, et l’honneur de servir, qui était celui du citoyen romain. Il devient donc un paradoxe vivant : à la fo
269 a Personne du Christ. (Cette analyse sociologique est homologue — soulignons-le — de l’analyse philologique de la Personne.
270 on, unit le meilleur de Rome et de la Grèce, elle est aussi menacée, dans le monde du péché, par un double péril simultané 
271 converti. Ces antinomies, en effet, ne sauraient être résolues qu’en vertu de la foi, dans l’amour, et par l’obéissance abs
272 l’individualisme et du social. Et dès lors qu’il était issu de contradictions peut-être insurmontables dans le plan où l’his
273 le plan où l’histoire en lit les témoignages, il était condamné au progrès, c’est-à-dire à la recherche sans fin d’un équili
274 echerche sans fin d’un équilibre dont le secret n’ est pas de ce monde. Car s’il est vrai que la foi doit agir dans ce monde
275 re dont le secret n’est pas de ce monde. Car s’il est vrai que la foi doit agir dans ce monde, elle reste un don de Dieu et
276 stoire humaine vue dans la perspective chrétienne est le suivant : la communauté des personnes, libérées et reliées en vert
277 érées et reliées en vertu de la foi. Cet idéal s’ est constitué comme tel aux premiers siècles de notre ère, dans une histo
278 ’a pas arrêtée, mais dont il a pris la relève. Il est intervenu dans une suite dialectique, non comme sa conclusion mais co
279 ycle des perpétuels retours en Aventure. Le cycle était — ou paraissait — déterminé par une espèce de logique, qu’on peut déd
280 i le schéma. Le clan, la tribu primitive, lie les êtres nés dans sa sphère par les liens du sang et de la terre où reposent l
281 litaires. Il libère les individus de l’angoisse d’ être libres sans but. Il les encadre, les aligne, les rassure, les terrori
282 Retour des phases, mais modifiées Le Moyen Âge est un retour au grégarisme. Mais le sacré chrétien y combat la magie, et
283 ordres religieux nient les états. La Renaissance est un retour de l’hellénisme rationnel et profanateur, et déjà presque d
284 l’aventure alexandrine : la découverte du monde y est une conséquence de l’idée de l’infini, tout nouvellement admise, déli
285 , délivrant l’esprit ébloui du monde cloisonné qu’ était le Moyen Âge. Mais déjà la Réforme recrée une morale du service socia
286 mérite mieux que les Rois la réaction romaine que sera le jacobinisme. Il s’imagine qu’il veut la fin des « privilèges » et
287 même ordre de procession, si toutefois l’on s’en tient aux grands ensembles. Mais chaque phase est ici plus complexe. Et d’a
288 ’en tient aux grands ensembles. Mais chaque phase est ici plus complexe. Et d’abord de la complexité des différents passés
289 ’abord de la complexité des différents passés qui sont les siens, car elle s’est faite aux dépens du dernier et contre lui,
290 différents passés qui sont les siens, car elle s’ est faite aux dépens du dernier et contre lui, mais c’est au nom de l’ava
291 portent le nom de leur innovation, quand elles se seraient donné celui de leur modèle. Signe du conflit permanent qui les sous-t
292 l’Ouest, larges taches continues aux confins de l’ Est et du Sud — comme ils animent nos rêves et parfois tel poète. C. G. J
293 iches Américaines. Presque tous nos intellectuels sont des Hellènes ou des Alexandrins. De nombreux éléments rituels du mith
294 ds pans d’histoire de l’Europe. Certes, nous n’en sommes plus à dessiner des cartes où l’Europe est le centre du monde — comme
295 ’en sommes plus à dessiner des cartes où l’Europe est le centre du monde — comme cela se fit encore au xve siècle —, mais
296 la Russie n’ont pas connu la Renaissance : elles sont en train de passer sans transition de leur Moyen Âge à l’ère de la te
297 technique. Les USA n’ont pas eu de Moyen Âge27 et sont issus de l’ère rationaliste-moraliste dont procède sans conflits maje
298 ces phases successives. Cette densité d’histoire est un ressort puissant de l’aventure occidentale. Les deux communauté
299 Les deux communautés On me dira que l’aventure est sur le point de mal finir, car les régimes totalitaires risquent bien
300 litaires risquent bien d’en poser le terme. Et il est vrai qu’ils sont intervenus dans une phase de notre évolution qui cor
301 t bien d’en poser le terme. Et il est vrai qu’ils sont intervenus dans une phase de notre évolution qui correspond — un tour
302  derniers temps » et d’une fin du monde imminente fut d’un puissant attrait pour les esclaves de Rome, ainsi voit-on de nos
303 e de la communauté des hommes en Occident peuvent être résumées en termes analogues, qu’il s’agisse du début de notre être o
304 ermes analogues, qu’il s’agisse du début de notre être ou de ce siècle. Le christianisme apparut en effet au sein d’une soci
305 it épuisé, mais dont les formes institutionnelles étaient encore assez solides et vénérées peur exclure toute réforme profonde,
306 u, Galiléen ! Vicisti Galilaeus ! Mais quelle que soit l’issue de la lutte engagée, l’antinomie des buts et des réponses est
307 tte engagée, l’antinomie des buts et des réponses est claire. En ce point de la spirale ascendante où l’angoisse de l’homme
308 lement : « Cherche et tu trouveras. » (Car le but est dans la recherche. Et nulle recherche n’est vraiment sans but, puisqu
309 e but est dans la recherche. Et nulle recherche n’ est vraiment sans but, puisqu’elle n’est éveillée que par l’appel du but.
310 recherche n’est vraiment sans but, puisqu’elle n’ est éveillée que par l’appel du but. Et le but est présent dans l’appel,
311 n’est éveillée que par l’appel du but. Et le but est présent dans l’appel, comme la personne l’est dans sa voix.) En d’aut
312 but est présent dans l’appel, comme la personne l’ est dans sa voix.) En d’autres termes : quand l’homme en est au point de
313 s sa voix.) En d’autres termes : quand l’homme en est au point de ne demander plus rien d’autre qu’un principe de communaut
314 dit Parti, le christianisme dit Église. Le Parti est une dictature. Il dicte à chacun son emploi, par suite son personnage
315 et tyrannise. Il combat les goûts personnels, qui seraient source de conflits improductifs, et même éventuellement de sabotage.
316 x décimer ses enfants… Mais l’Église au contraire est une communauté de vocations personnelles, et donc imprescriptibles. E
317 ssance de la foi. Et cette foi n’a jamais cessé d’ être le vrai recours de l’homme contre la loi, fût-elle sanctionnée par le
318 d’être le vrai recours de l’homme contre la loi, fût -elle sanctionnée par le pape. C’est pourquoi le christianisme, partou
319 Mais partout où l’Église agit comme un Parti, il est clair qu’elle trahit sa foi ; tandis que le Parti se conforme à sa lo
320 se muerait en cycle. Dans l’un et l’autre cas, ce serait la fin de l’Histoire. L’axe Magie, individu, cité, dissociation
321 alectiques de notre histoire occidentale pourrait être illustré par une surabondance de « documents » et de « faits historiq
322 toriques ». Et chacune de ces catégories pourrait être lue à l’œil nu dans ses témoignages plastiques : le grégarisme médiév
323 tégorie fondamentale et spécifique de l’Occident, serait -elle aussi la seule à ne pouvoir produire ses symboles, ses illustrat
324 ne qu’il n’en puisse aller autrement. La personne est appel et réponse, elle est acte et non fait ou objet, et l’analyse co
325 autrement. La personne est appel et réponse, elle est acte et non fait ou objet, et l’analyse complète des faits et des obj
326 ré la personne, pour la raison bien simple quelle est l’axe de la courbe. Elle reste équidistante de chacun de ses points,
327 action s’exerce en chacun d’eux, bien qu’elle n’y soit jamais objectivée, introduite ou posée comme un « fait ». Elle agit s
328 ». Elle agit sur le Moyen Âge qui, sans elle, eût été encore plus « oriental » et n’eût peut-être pas connu le passage de l
329 erie, — et ce modèle de l’unité dans le divers qu’ est la musique, cette plus pure création de l’Europe. Elle agit sur la Re
330 Kierkegaard (malgré Hegel et contre lui) avant d’ être nommée et définie comme telle par les meilleurs esprits du xxe siècl
331 nspire la première théorie politique qui mérite d’ être qualifiée d’axiale, j’entends le fédéralisme, qui combat à la fois la
332 e : j’indique quelques repères, à la volée. Et il est nécessaire qu’ils restent discutables, qu’ils ne prétendent qu’à l’ap
333 qu’ils ne prétendent qu’à l’approximation : cela tient à la définition de la personne humaine, nous l’avons vu. La personne
334 personne humaine, nous l’avons vu. La personne n’ est jamais ici ou là, mais dans un acte, dans une tension, dans un élan —
335 ine dans la méditation sur le Dieu-homme, n’a pas été sans informer dans notre esprit une certaine manière de penser. Ou pe
336 t l’appeler « personnaliste », en ce sens qu’elle est l’homologue, dans les opérations intellectuelles, du paradoxe vivant
337 tuelles, du paradoxe vivant de la personne. Et il est remarquable qu’elle ait pris forme au xxe siècle, en pleine période
338 t-Esprit) ? Ensuite, comment concilier en un seul être historique et divin, Jésus-Christ, les deux termes, vrai homme et vra
339 t vrai Dieu ? Le résultat de ce débat fondamental fut la notion de Personne divine, plus tard transférée par analogie à la
340 rel qui reçoit une vocation de Dieu ; puis à tout être humain considéré dans sa dignité. La dialectique particulière qui se
341 théologique, dans les époques où la philosophie n’ était encore que sa servante. Mais la philosophie se trouve à l’origine des
342 toires. J’en donnerai cinq exemples. Chaque homme est à la fois distinct, unique, mais lié à un corps social, à des semblab
343 mais lié à un corps social, à des semblables. Il est libre mais responsable. Le maximum de liberté correspondrait donc à s
344 e responsabilité. En fait, la liberté de Robinson est d’autant plus vide qu’elle est plus totale, tandis que la responsabil
345 iberté de Robinson est d’autant plus vide qu’elle est plus totale, tandis que la responsabilité maxima d’un roi idéalement
346 oi idéalement consciencieux (ou de tout homme qui serait entièrement absorbé par son rôle civique) ne laisse plus de place à l
347 erté et l’engagement ? Le problème de l’éducation est analogue : il s’agit en principe de transmettre à l’enfant le maximum
348 e ? L’avantage de l’acheteur et celui du vendeur sont des maxima contradictoires de l’économie de tous les peuples : en fai
349 lèbre et le plus net de maxima incompatibles nous est fourni par la physique. Il s’exprime par le principe d’incertitude de
350 Pères de l’Église primitive ? La parenté formelle est indéniable et le langage était le même. Pourtant, entre ces philosoph
351 La parenté formelle est indéniable et le langage était le même. Pourtant, entre ces philosophes mystiques et ces évêques mis
352 s’il s’agit de formuler un dogme), parce qu’elle est l’événement de la Médiation. Elle n’est nullement l’aboutissement d’u
353 e qu’elle est l’événement de la Médiation. Elle n’ est nullement l’aboutissement d’un processus dialectique, mais le point d
354 te Médiation réalisée, impensable mais accomplie, fut aussi la seule plénitude parfaite de la personne. Hors de la foi en e
355 seul », dit le même Évangile qui nous ordonne : «  Soyez parfaits comme votre Père est parfait. » Et c’est pourquoi le monde o
356 nous ordonne : « Soyez parfaits comme votre Père est parfait. » Et c’est pourquoi le monde occidental, qu’on ne devrait ja
357 ait jamais appeler « le monde chrétien » mais qui fut marqué le premier par ce signe de croix indélébile, était voué dès le
358 rqué le premier par ce signe de croix indélébile, était voué dès le début de son ère aux contradictions, aux conflits nés de
359 er plus loin… Et pour un Hegel qui proclame qu’il tient la clé et le système d’une médiation universelle par l’Idée, il y a t
360 n plus invivable. Et dans un certain sens, elle l’ est , hors de la foi. Mais en fait, elle est soutenue par la continuelle i
361 s, elle l’est, hors de la foi. Mais en fait, elle est soutenue par la continuelle invention de solutions relatives et de co
362 le, originelle, de la Personne divine, ne saurait être résolue ni dépassée. Elle doit être assumée par la foi, au prix de ce
363 e, ne saurait être résolue ni dépassée. Elle doit être assumée par la foi, au prix de ce changement de l’homme lui-même que
364 nomie constitutive de la personne humaine ne peut être évacuée par aucune médiation théorique. La personne ne saurait être c
365 ucune médiation théorique. La personne ne saurait être conçue, par exemple, comme une synthèse harmonieuse d’individualisme
366 ement, afin de résoudre les contradictions qui ne tenaient qu’à nos catégories inadéquates33. Dans ce sens, et dans les limites
367 on vient d’indiquer, la pensée personnaliste peut être qualifiée de médiatrice, autant que d’instigatrice de conflits. Elle
368 ut pas assumer vraiment la responsabilité dont il est chargé, faute d’une liberté au moins potentielle, dont il se trouve c
369 ouve coupé par le seul fait que l’idée de liberté est liée dans son esprit à l’idée de l’erreur sociale, et signifie les sa
370 raie responsabilité. Ou encore : l’individualisme étant la tendance insulaire de l’homme, le collectivisme, sa tendance total
371 ait à la déprimer totalement. La personne ne peut être composée : elle est initiale ou elle n’est pas. On voit aussi dans qu
372 alement. La personne ne peut être composée : elle est initiale ou elle n’est pas. On voit aussi dans quelle complicité se t
373 peut être composée : elle est initiale ou elle n’ est pas. On voit aussi dans quelle complicité se trouvent liés celui qui
374 la personne, ces deux fuyards devant la vocation, sont au même titre les saboteurs de l’Occident. Eux seuls, en se multiplia
375 eurs de l’Occident. Eux seuls, en se multipliant, seraient capables d’enliser l’Histoire, et de mettre un terme ignominieux à l’
376 nciles : comment ne pas songer aux épurations qui seront pratiquées 1500 ans plus tard dans une Russie dont l’esprit « byzanti
377 les tenants d’Arius. 24. Le concile de Nicée se tint en 325. Les grandes disputes christologiques avaient commencé dès les
378 nt » du christianisme. L’orthodoxie catholique ne sera définitivement assise qu’en 680, par le 6e concile de Constantinople.
379 ut en sortir que par sa mort. Ouvriers et paysans sont marqués au fer rouge, et rivés au lieu de leur travail. 26. À partir
380 fresques d’avant-garde. 28. L’exemple hitlérien est connu. Et quant aux Soviétiques : ministres, chefs de trusts, générau
381 rusts, généraux, ingénieurs, écrivains et savants sont leurs brahmanes ; membres du Parti, stakhanovistes, soldats, policier
382 mmerçants, artisans, leurs vaishyas ; les paysans seraient leurs shudras, et la foule des « déchets sociaux », opposants, ancien
383 x, Lénine et Staline, contre lesquels le militant est sans recours. 30. Ferdinand Lot, La Fin du monde antique, 1927. 31.
384 de même que chez Machiavel, l’individu ne cesse d’ être soumis que pour régner, ou de tirer son épingle du jeu que pour mieux
385 ntinomies réelles exigent une transformation de l’ être entier, qui les assume par la foi au lieu de chercher à les nier ou,
5 1957, L’Aventure occidentale de l’homme. Deuxième partie. La Quête occidentale — Chapitre IV. Le Château aventureux
386 t la grotte de Circé dans l’Odyssée.) Et pour qui serait tenté de mettre en doute leur valeur religieuse et sacrée, je lui sug
387 es symptômes cliniques, comme l’obsession qu’elle est  ; ou parler de la Révolution sans la prêcher ni la maudire, mais en é
388 e d’une formule qui a fait son temps, — voilà qui sera ressenti comme sacrilège par l’intelligentsia occidentale, d’autant p
389 tsia occidentale, d’autant plus fortement qu’elle sera moins chrétienne. Il y a donc un sacré moderne. Et ces trois noms rév
390 sie et la morale courtoises, dont le thème unique est l’amour. Peu après (à Lyon, en 1143), les chanoines instituent le cul
391 transmission des thèmes, sujets et procédés peut être suivie pas à pas : nos plus grands érudits l’ont décrite. Mais le rom
392 rudits l’ont décrite. Mais le roman de Tristan ne fut pas imité par les seuls écrivains depuis près de huit siècles : toute
393 tige le plus efficace, l’héroïsme divinisant. Tel fut l’essor de la passion, du xiie siècle méridional au romantisme, et n
394 e quel fidèle endimanché aux martyrs dont le sang fut la semence de l’Église. Le contenu du mythe ne peut être décrit qu’en
395 semence de l’Église. Le contenu du mythe ne peut être décrit qu’en opposant des termes eux-mêmes ambivalents : il est exalt
396 en opposant des termes eux-mêmes ambivalents : il est exaltation de la vie vers la mort (mais la vie et la mort changent de
397 le langage des passionnés et des mystiques) ; il est impérialisme et abandon du moi (avec la même sincérité, dans le même
398 (avec la même sincérité, dans le même geste) ; il est intensité mais déprimante, ascèse mais luxurieuse, défi mais masochis
399 ascèse mais luxurieuse, défi mais masochiste ; il est discours sans fin sur l’indicible. (Le Tristan de Wagner illustre bie
400 Au regard de la Société, le mythe de la passion n’ est que révolte et fuite. Il ne peut fomenter que l’individu égoïste et p
401 et profanateur, au sein même du monde féodal qui est le monde des « fidélités ». Tristan pris de passion viole tous les in
402 ’il suppose l’union au sein de la distinction, il est normal que toutes les hérésies du xiie siècle le condamnent. Elles a
403 la Voie mystique, et l’abandon total à la passion est décrit comme une conversion : Alors la vraie Minne, la fougueuse dée
404 e vie. Il entra dans une vie nouvelle où tout son être fut changé. Il devint un autre homme35... Cette « vie nouvelle » — d
405 . Il entra dans une vie nouvelle où tout son être fut changé. Il devint un autre homme35... Cette « vie nouvelle » — dans
406 . Cette « vie nouvelle » — dans le monde comme n’ étant pas du monde — n’est pas donnée à l’homme pour son plaisir : elle le
407  » — dans le monde comme n’étant pas du monde — n’ est pas donnée à l’homme pour son plaisir : elle le saisit comme une grâc
408 idélité jusqu’à la mort divinisante, mais un seul être a pris la place de tous, et du monde, et de Dieu lui-même. Tout ici r
409 bien qu’en un reflet inversé. Cet amour déifié n’ est pas le Dieu d’Amour. Il n’élit pas un homme pour le sauver, mais pour
410 pris à croire à la valeur irremplaçable d’un seul être . « Je pensais à toi dans mon agonie. J’ai versé telles gouttes de san
411 pparaître que dans le monde où cette croyance à l’ être unique faisait partie de la religion de tous. Son élan fou, qui mime
412 e Bach. La « Joie suprême » d’Isolde agonisante n’ est qu’un dernier défi au Soleil disparu derrière l’horizon jaune de la m
413 chair que pour sombrer. Mais alors la passion ne serait -elle pas l’échec de l’Aventure occidentale, échec fatal dès que l’âme
414 c demeure spécifiquement occidental, encore qu’il soit causé par un refus des options principales de l’Occident. Il ne ramèn
415 ue celui de la métempsycose. « Notre engagement n’ était pas pris pour cette vie », dit Novalis parlant de sa fiancée perdue.
416 nt magique de l’Occident tragique, et cet abîme n’ est autre que le vertige de l’âme en proie au refus manichéen de l’Incarn
417 ’idée et la réalité de ce phénomène, je l’ai dit, sont inconnues dans tout l’Orient, qu’il s’agisse des empires aryens ou dr
418 isme en Asie, écrivait en 1930 Henri de Man, cela tient à l’absence du christianisme. Dès ce moment, d’ailleurs, un Japonais
419 les premiers touchés par l’idéologie marxiste ont été les intellectuels éduqués en Angleterre et les populations très ancie
420 abar. Prenons la Chine : le père de sa révolution fut le converti Sun Yat-sen, protestant fanatique à ses débuts… Tout port
421 violence d’une catharsis : « Les choses vieilles sont passées, dit saint Paul ; voici, toutes choses sont devenues nouvelle
422 nt passées, dit saint Paul ; voici, toutes choses sont devenues nouvelles. » Et les chefs de nos révolutions promettent des
423 ’exigence de la liberté pour tout homme, quel que soit son rang ; le conflit de ces deux exigences, qui est la source à la f
424 son rang ; le conflit de ces deux exigences, qui est la source à la fois de l’instabilité de nos régimes politiques et soc
425 ire européen se détache sur le fond d’une foi qui tient la liberté et l’action prophétique pour plus vraies que l’Ordre du Mo
426 s la continuité vivante de ses passés, dont nul n’ est aboli ni privé de ses temples. Elle évoque l’idée d’une Europe où viv
427 paraît même douteux que les premiers chrétiens se soient conduits en « révolutionnaires » au sens moderne de l’expression. Cer
428 l’Empire défaillant. Mais les premiers chrétiens sont restés « conformistes » à l’égard des pouvoirs établis. On ne les voi
429 tution de l’esclavage, par exemple36, lesquels ne seront pas abolis pour des raisons théologiques, mais militaires dans le pre
430 remonter à notre dialectique de la personne. Ce n’ est pas la personne qui se détache d’abord du corps magique de la tribu,
431 peut naître la révolution. Deux formules d’ordre sont en effet concevables à ce moment. Il y a l’Église et sa fraternité fo
432 e38 dans la lutte contre l’ordre établi. L’Église est obéissance au Libérateur éternel, mort pour nous mais présent dans la
433 oses qu’on ne voit point ». Le Parti au contraire est aux ordres d’un chef dont la présence visible et matérielle est confi
434 d’un chef dont la présence visible et matérielle est confirmée sur tous les murs ; il réclame lui aussi la foi des militan
435 ts dans un monde idéal et futur, mais cette foi n’ est gagée que sur le sacrifice et la mort de ses adversaires. On entre da
436 s adversaires. On entre dans l’Église parce qu’on est converti, donc changé ; mais on entre dans le Parti pour changer le m
437 du révolutionnaire, d’une conversion non pas de l’ être mais du faire ; et de plus, déléguée à l’action collective. L’individ
438 au lieu de se retrouver une personne engagée, il est devenu le soldat politique embrigadé. Que le Parti révolutionnaire so
439 politique embrigadé. Que le Parti révolutionnaire soit une exacte parodie (consciente ou non) de l’Église chrétienne, voilà
440 jusqu’aux derniers replis du cervelet. Saint-Just était un enfant de chœur, comparé à ces Philanthropes, sinon par l’intentio
441 t les purges communistes, et son « cléricalisme » fut sans tache. Toutefois, les églises politiques ne copient de l’Église
442 Aucun des traits communs qu’on vient d’énumérer n’ est proprement évangélique. C’est l’ambition théocratique, non l’Agapè, q
443 s juges. D’où la Terreur inévitable qu’il exerce, étant lui-même terrorisé. D’où le fait nécessaire et non accidentel — en dé
444 partisans — que la Révolution, mythe libertaire, est une réalité close et lugubre, une psychose de persécution, la paranoï
445 éon, Hitler, Mussolini, Staline. Ces tyrans n’ont été abattus que par la guerre ou par la mort. Et la plupart furent les bé
446 s que par la guerre ou par la mort. Et la plupart furent les bénéficiaires, non les victimes, de nos révolutions « libératrice
447 elle des disciplines d’État qui leur ont succédé, fut mainte fois baptisée « douceur de vivre » non seulement par ses survi
448 asochistes. L’éloquence crispée d’un Saint-Just40 était leur idée de la « pureté », les sentences brutales d’un Lénine leur i
449 temps tenu lieu de spiritualité, et ses prestiges sont loin d’être épuisés. La guillotine et les camps soviétiques font part
450 ieu de spiritualité, et ses prestiges sont loin d’ être épuisés. La guillotine et les camps soviétiques font partie de la bon
451 ous estimons froidement ses résultats, force nous est de constater que les révolutions européennes, sans aucune exception n
452 ption notable, ont abouti à renforcer la tyrannie soit d’un homme, soit d’une classe, et toujours de l’État. Adoptant les va
453 t abouti à renforcer la tyrannie soit d’un homme, soit d’une classe, et toujours de l’État. Adoptant les valeurs de la Passi
454 la mort ! » s’écriaient les jacobins, et la mort était là, celle des autres d’abord, mais la Liberté se voilait — laissant e
455 Vive la Russie ! Il proclame un nouveau mythe. Il est comme une invocation à un dieu nouveau, une sorte de Gott mit uns aus
456 sitôt exaucé, puisque par ce seul cri la bataille sera gagnée. La nation à l’état naissant, comme nous la trouvons à Valmy,
457 venir et de volonté. Toutefois, cette idéologie n’ est pas le fait du peuple entier, mais d’un parti ; et ce parti agit par
458 l’intérieur du pays, la première tâche de l’État sera d’écraser les opposants, car la nation est religion et les religions,
459 ’État sera d’écraser les opposants, car la nation est religion et les religions, en Occident, ne transigent pas, du moins d
460 la France napoléonienne. L’idéologie de la nation est par essence conquérante : elle veut apporter la Liberté aux autres pe
461 ilosophie du nationalisme va se constituer. Hegel est la contrepartie réflexive de Napoléon. Hegel se représente la nation
462 la nation comme une croisade pour l’idée. « Ce ne sont pas les déterminations naturelles de la nation qui lui donnent son ca
463 lui comme esprit et nature.) Cet esprit national est « un individu dans la marche de l’Histoire. » Il se fait par sa propr
464 us haut concept de l’Esprit ». Pour la France, ce seront les « immortels principes ». Pour la Prusse, l’idée de l’État. Pour l
465 synthétique, afin de mieux prouver leur raison d’ être . Nationalisme de reflet, d’imitation, parfois plus proche du vrai pat
466 nations », et de « droit international », mais il est clair que ces États-nations-Individus rendent tout ordre internationa
467 es occasions décisives. Certes, l’esprit national est un dieu bien réel, et que l’on croit vraiment, puisqu’il peut exiger
468 ans les écoles sous le nom de « patriotisme ». Il est admis que tout orgueil, toute vanité, et jusqu’aux vantardises les pl
469 nce tout entière de l’homme. « L’orgueil national est loin de la vie quotidienne », remarque Simone Weil. La nation est un
470 ie quotidienne », remarque Simone Weil. La nation est un dieu lointain, qui demande beaucoup plus qu’il ne donne, infinimen
471 d’amour, la nation revendique des absolus dont il est manifeste qu’elle est spirituellement indigne et matériellement incap
472 endique des absolus dont il est manifeste qu’elle est spirituellement indigne et matériellement incapable : celui de la sou
473 de la souveraineté sans limites, par exemple, qui est un des attributs de Dieu ; ou celui de l’éternité, au mépris de toute
474 « France éternelle », « l’Allemagne immortelle » sont des expressions courantes en temps de guerre. Cette rhétorique émeut
475 rénésie pseudo-religieuse du nationalisme pouvait être mortelle à l’Occident, et je vois deux raisons considérables pour le
476 ci n’ont pas souhaité cette responsabilité, et ne sont pas équipés pour l’exercer : c’est par là qu’ils différent profondéme
477 mande pourquoi, je répondrai par cette phrase qui est la parabole biologique d’une vérité fondamentale de l’esprit : « Tout
478 ma seconde raison : c’est que l’Asie tout entière est menacée de « prendre » notre fièvre nationaliste. Certains pays en fo
479 rtel aux Polynésiens. Le nationalisme en Europe s’ est trouvé partiellement neutralisé par la durable résistance des groupes
480 volution, Nation : ces trois maladies spécifiques sont les « signes particuliers » de la fiche de l’Europe au dossier de l’H
481 de l’Europe au dossier de l’Histoire. Mais ce ne sont pas seulement des maladies fiévreuses, ce sont aussi des hérésies ; v
482 ne sont pas seulement des maladies fiévreuses, ce sont aussi des hérésies ; vérités dévoyées, isolées de l’ensemble où elles
483 la résolution toujours fuyante. Toutes les trois sont le résultat d’une transposition abusive de réalités spirituelles soit
484 ne transposition abusive de réalités spirituelles soit sur l’individu, soit sur la société. Toutes les trois sont mortelles
485 ive de réalités spirituelles soit sur l’individu, soit sur la société. Toutes les trois sont mortelles et liées à la mort pa
486 l’individu, soit sur la société. Toutes les trois sont mortelles et liées à la mort par une complicité originelle. Nous le s
487 Couper ces fièvres aurait un effet dévastant : ne serait -ce pas nous vider d’une affectivité qui est devenue la saveur et le s
488 ne serait-ce pas nous vider d’une affectivité qui est devenue la saveur et le sens mêmes de la vie pour des millions de nos
489 les apparaît presque inconcevable. C’est qu’elles tiennent aux motifs les plus profonds de notre situation dans l’Histoire ; à l
490 oire ; à la genèse de toute notre Aventure. Elles sont les longues erreurs inséparables de la périlleuse Odyssée dans laquel
491 ables de la périlleuse Odyssée dans laquelle nous sommes nés embarqués. Un dernier trait commun à toutes les trois achèvera de
492 le But dernier de l’Aventure, qui ne peut jamais être saisi que par la foi. Le christianisme se distingue de la plupart des
493 râce subvienne à sa débilité et qu’ainsi le salut soit donné par Dieu seul, il se jette vers des buts plus prochains et sens
494 truction et sa mort ». Sacraliser des buts qui ne sont pas le But, c’est la formule de la révolte occidentale. Révolte contr
495 évolte contre l’Amour de Dieu et du prochain, qui était le commandement remplaçant toute la Loi, et l’on voudrait mais on ne
496 onner sans réserve, d’aimer dans la totalité de l’ être , jusqu’au sacrifice éperdu. Alors je ferai d’Iseut l’absolu du désir,
497 rs je ferai d’Iseut l’absolu du désir, et elle le sera tant qu’un obstacle réel ou non entre elle et moi, même embrassés, em
498 ppel intime. Il pense alors : c’est Dieu qui doit être trop faible pour me contraindre à l’obéissance et à l’amour. La révol
499 e la force à son zénith. Mais, d’un pouvoir qu’on tient pour affaibli, toute exigence est ressentie comme un « abus ». Ainsi
500 pouvoir qu’on tient pour affaibli, toute exigence est ressentie comme un « abus ». Ainsi toutes nos révoltes imitent, même
501 on de l’Occident ». On voit maintenant qu’il n’en est rien. L’Occident comme ensemble historique n’a jamais été converti, e
502 . L’Occident comme ensemble historique n’a jamais été converti, et il ne saurait l’être, en vérité, du seul fait qu’il n’es
503 rique n’a jamais été converti, et il ne saurait l’ être , en vérité, du seul fait qu’il n’est pas une personne. Mais le fermen
504 e saurait l’être, en vérité, du seul fait qu’il n’ est pas une personne. Mais le ferment du christianisme originel, son exig
505  christianisée » dans ses structures qu’elle ne l’ était avant le xiie siècle. D’où l’on ne saurait conclure, en poussant à l
506 en poussant à l’absurde, que l’incroyant moderne est plus « chrétien » que ne pouvait l’être un paroissien naïf du Moyen Â
507 nt moderne est plus « chrétien » que ne pouvait l’ être un paroissien naïf du Moyen Âge, mais seulement que la dialectique fo
508 lement que la dialectique formelle de la personne est plus profondément active qu’on ne le pensait naguère dans l’âme de no
509 n pourrait même soutenir que le christianisme n’a été subversif qu’en dépit des prétentions de l’Église à imposer un ordre
510 s le souligne avec raison : « L’Empire de Byzance était un état plus ou moins théocratique. En Occident, il en allait tout au
511 evé les mêmes prétentions. Mais comme celles-ci n’ étaient pas admises, elle devint militante, et tout en se développant sur le
512 out en se développant sur le plan spirituel, elle fut un facteur de liberté contre les abus du pouvoir temporel. Ainsi le c
513 u pouvoir temporel. Ainsi le christianisme a-t-il été jusqu’à encourager les aspirations libérales des adversaires de l’Égl
514 ne et sens de l’Histoire, p. 79.) 38. Tout homme est mon frère, quoi qu’il fasse ou pense, si je suis chrétien. Tout camar
515 e est mon frère, quoi qu’il fasse ou pense, si je suis chrétien. Tout camarade peut à chaque instant cesser de l’être, si je
516 . Tout camarade peut à chaque instant cesser de l’ être , si je suis communiste. 39. Les chefs soviétiques font récrire Marx
517 ade peut à chaque instant cesser de l’être, si je suis communiste. 39. Les chefs soviétiques font récrire Marx lui-même, cr
518 r subsister quelque instance supérieure au Parti, fût -elle humaine. 40. Ce personnage s’égale aux plus grands, dans leur c
519 le, même s’ils n’y croient plus. « Ne mêlons pas, fût -ce une seconde, la personne grandiose de Saint-Just, au triste Marat…
6 1957, L’Aventure occidentale de l’homme. Deuxième partie. La Quête occidentale — Chapitre V. L’expérience du temps historique
520 siècle, crut pouvoir la préciser : l’homme avait été créé en 4004 avant J.-C., le 23 octobre, à 9 heures du matin. Les pro
521 re, à 9 heures du matin. Les professeurs d’Oxford tenaient pour le 23 mars, même heure et même année. Buffon écrit un peu plus t
522 est-à-dire depuis la création de l’homme, il ne s’ est écoulé que six ou huit-mille ans. » Cuvier partage ces vues, que Sche
523 t paraître une révolution considérable. Mais ce n’ est guère qu’un détail dénué d’intérêt pour peu que l’on considère les di
524 , l’unité de temps — le Kalpa ou Jour de Brahma — est de quatre-milliards-trois-cent-vingt-millions d’années solaires. Or l
525 millions d’années solaires. Or la vie d’un Brahma est de 108 « années », dont chaque jour et chaque nuit représentent un Ka
526 la destruction du monde et sa reconstruction, qui sera l’œuvre de Kalki, dernier avatar de Vishnu. En regard des ordres de g
527 maintenant ce double fait : le sens de l’Histoire est caractéristique de l’Occident, et il y tourne même à l’obsession si l
528 ance de l’histoire et de la personne Un fait n’ est historique, au sens exact du terme, qu’en vertu de son unicité. S’il
529 unicité que lui confère sa vocation, autrement il est vu comme une répétition, grain de poussière isolé d’un univers absurd
530 d’un corps magique sans fin. Combien d’individus sont -ils donc nés et morts depuis qu’il y a des hommes sur cette planète ?
531 he génial pouvait nous dire demain que la réponse est « de l’ordre de 300 milliards », nous en serions moins étourdis que g
532 onse est « de l’ordre de 300 milliards », nous en serions moins étourdis que gênés. Mais d’où viendrait notre malaise ? Comment
533 endrait notre malaise ? Comment ne pas voir qu’il serait intimement lié, chez ceux qui l’éprouveraient, au sens de la personne
534 ycose, à l’astrologie et aux castes. Tout cela se tient et se relie, tout cela est « religion » au sens premier du terme43 — 
535 castes. Tout cela se tient et se relie, tout cela est « religion » au sens premier du terme43 — et ne laisse aucune place à
536 e de l’Histoire : il annonce la Résurrection, qui est victoire sur le Temps comme sur la mort. Mais c’est bien à partir de
537 haque personne devient unique et décisif, comme l’ était sous l’Ancienne Alliance le rôle collectif d’Israël. Le dialogue de P
538 istoire, conscience nouvelle du temps des hommes, est née de la même rupture des grands rythmes cosmiques et des fatalités
539 la mort, qui libère et suscite la personne. Ce n’ est pas un hasard, si le premier auteur d’une philosophie de l’Histoire —
540 ’une philosophie de l’Histoire — la Civitas Dei — fut aussi le premier auteur d’une biographie de sa personne : les Confess
541 du temps. Voilà le fait fondamental. Car le temps est lié à la mort comme à la perte des paradis — Eden, âge d’or, enfance 
542 , âge d’or, enfance — vécus ou imaginaires. Et il est lié à la menace toujours instante des catastrophes imprévisibles et a
543 dévalorise le temps vécu de la souffrance. Ce n’ est plus la souffrance qui est vaine, dès lors qu’elle prend un sens exem
544 e la souffrance. Ce n’est plus la souffrance qui est vaine, dès lors qu’elle prend un sens exemplaire dans le Mythe, mais
545 es termes que saint Paul la présente. Que Dieu se soit manifesté comme une Personne ; par un geste sans précédent ; au temps
546 devient responsable de son temps sur la Terre. Ce serait intolérable si la Révélation n’apportait en même temps la certitude q
547 portait en même temps la certitude que le temps a été vaincu au matin de Pâques, que l’homme ne lui appartient que par la c
548 , que l’homme ne lui appartient que par la chair ( étant au monde mais non du monde) et qu’un terme est promis à l’Histoire, e
549 (étant au monde mais non du monde) et qu’un terme est promis à l’Histoire, encore que nul n’en sache « le jour ni l’heure »
550 i échappe au temps et à la mort. « Si le Christ n’ est pas ressuscité, votre foi est vaine et vous êtes encore dans vos péch
551 t. « Si le Christ n’est pas ressuscité, votre foi est vaine et vous êtes encore dans vos péchés. » Mais cette preuve n’est
552 n’est pas ressuscité, votre foi est vaine et vous êtes encore dans vos péchés. » Mais cette preuve n’est valable que pour la
553 tes encore dans vos péchés. » Mais cette preuve n’ est valable que pour la foi parfaite, et ce recours au Transcendant, non
554 on plus au Mythe, contre la dictature du temps, n’ est effectif que pour celui qui croit « que Dieu peut tout à tout instant
555 ant », ainsi que l’écrit Kierkegaard. Or la foi n’ est jamais parfaite, et dans l’homme converti persiste « le vieil homme »
556 ersiste « le vieil homme ». Son mouvement naturel sera de chercher et d’inventer contre le temps d’autres défenses. Il essai
557 des cycles et des rythmes cosmiques de l’Histoire sera reprise — contre l’esprit des Pères — par les plus grands docteurs oc
558 re du temps et du progrès continu de l’Histoire n’ est guère soutenue que par un Joachim de Flore, dont les écrits sont cond
559 enue que par un Joachim de Flore, dont les écrits sont condamnés ou falsifiés. Dans la conscience populaire médiévale, comme
560 ’idée d’une évolution imprévisible et progressive est généralement éliminée par des représentations archétypiques et mythiq
561 — comme on l’a ressassé depuis les romantiques — fut bien plutôt dans son ensemble une longue réaction de défense contre l
562 l’Évangile. (J’ai dit plus haut que le Moyen Âge fut la période « orientale » de l’Europe.) Touchée en premier lieu par le
563 lieu des temps », symbole archétypique. Les temps sont rétrécis à quelques millénaires dont la chronologie restera symboliqu
564 ’où les excès qu’on signalait plus haut). Elle ne sera vraiment bouleversée qu’aux débuts de notre xxe siècle. Relevons ici
565 er. C’est un mouvement exactement contraire qui s’ est produit dans l’Occident moderne, où à l’inverse de ce qui s’était pas
566 ns l’Occident moderne, où à l’inverse de ce qui s’ était passé durant l’intermède médiéval, l’état civil des hommes et des act
567 ne humaine. Ceci pose un problème encore neuf. Être ou non dans l’histoire Tout d’un coup (dans l’espace d’une quarant
568 de l’Univers, qui se répéterait à l’infini : nous serions dans une phase d’expansion. La cosmologie des Hindous paraît alors mo
569 torité que celle d’un précepteur. Ses « lois » ne sont encore que celles de la morale, et sa réalité celle d’un discours. Ma
570 elle d’un discours. Mais l’Histoire aujourd’hui n’ est plus un conte, elle se distingue absolument de son récit. Elle ne con
571 leçons », qu’on pourrait aussi bien ignorer. Elle est tout autre chose : le devenir présent. Elle est plus vraie que nous,
572 e est tout autre chose : le devenir présent. Elle est plus vraie que nous, qui ne faisons que l’habiter pour un atome de te
573 habiter pour un atome de temps insignifiant. Elle est devenue le cours de la réalité, où ce qu’il y a de plus réel, c’est l
574 le cours même. Et comme ce mouvement pur « doit » être dépourvu d’origine et de but connaissable, on ne peut savoir son sens
575 çoit l’attribut d’exister. Ce qui résiste au sens est « mystification » aux yeux des théoriciens et polémistes, « sabotage 
576 ’action d’un pays ou de l’option d’un homme, il n’ est donc plus question de demander si c’est « vrai ». C’est « dans le sen
577  ». C’est « dans le sens de l’Histoire », ou ce n’ est rien qui vaille… Suis-je dans l’Histoire ? es-tu dans l’Histoire ? so
578 ens de l’Histoire », ou ce n’est rien qui vaille… Suis -je dans l’Histoire ? es-tu dans l’Histoire ? sont-ils dans l’Histoire
579 n’est rien qui vaille… Suis-je dans l’Histoire ? es -tu dans l’Histoire ? sont-ils dans l’Histoire ? ainsi conjugue une bo
580 Suis-je dans l’Histoire ? es-tu dans l’Histoire ? sont -ils dans l’Histoire ? ainsi conjugue une bonne partie de l’intelligen
581 ligentsia occidentale du xxe siècle45. Comme il est clair qu’on ne peut pas « être » dans l’Histoire rédigée par des hist
582 siècle45. Comme il est clair qu’on ne peut pas «  être  » dans l’Histoire rédigée par des historiens, on voit qu’il s’agit d’
583 de l’Existence. Cette Histoire absolutisée, qui n’ est plus connaissance des actes du passé, mais flux irrésistible entraîna
584 eut-on la distinguer encore du temps lui-même ? N’ est -elle pas simplement une manière de le penser qui le ferme à toute tra
585 t nous interdit tout recours ? « Au monde comme n’ étant pas du monde », disait saint Paul. Mais l’Histoire absolue veut que l
586 s l’Histoire absolue veut que l’homme tout entier soit uniquement du monde : elle le coupe de l’Esprit. Ce faisant, elle nie
587 couvre impuissant devant elle et en elle : rien n’ est plus répandu que ce sentiment anxieux dans l’intelligentsia comme dan
588 seule conviction que la vocation d’un homme peut être plus vraie que la règle — d’où les martyrs des premiers temps du chri
589 ituer dans l’ensemble de l’Aventure occidentale ? Est -elle le signe annonciateur d’une fin lugubre, ou seulement d’une cris
590 r la croyance à l’action personnelle. La personne est agent de liberté. Cette Histoire nous conduit au fatalisme. Comment l
591 venir exclusives l’une de l’autre, alors qu’elles sont nées en même temps d’un même acte libérateur ? Mais d’abord, est-il s
592 e temps d’un même acte libérateur ? Mais d’abord, est -il sûr que la croyance moderne à l’Histoire comme devenir tout-puissa
593 moderne à l’Histoire comme devenir tout-puissant soit le développement normal et la suite obligée de l’attitude chrétienne
594 répandu que jamais dans le grand public : Toynbee est best-seller, les revues et la presse nous parlent de Sumer, du paléol
595 se mettre au passé dans un livre. Mais la réponse est non s’il s’agit de cette Histoire dans le « sens » de laquelle on nou
596 le « sens » de laquelle on nous dit qu’il faut «  être  » de toute nécessité, sous peine de n’être pas. Celle-ci marque un re
597 faut « être » de toute nécessité, sous peine de n’ être pas. Celle-ci marque un recul devant le risque du temps. La conscienc
598 t le risque du temps. La conscience de l’Histoire est née de l’acceptation d’un temps radicalement imprévisible. Et sa fin
599 temps radicalement imprévisible. Et sa fin seule était certaine et serait bonne. Mais encore fallait-il croire à l’Apocalyps
600 t imprévisible. Et sa fin seule était certaine et serait bonne. Mais encore fallait-il croire à l’Apocalypse. D’ici là, nul so
601 manière dont il décide d’identifier au devenir l’ être et la vérité elle-même. Solution masochiste, pour un Occidental. L’in
602 te façon je ne pourrais plus le distinguer. Je ne suis plus responsable, mais c’est l’Évolution, et je n’ai plus d’autre cho
603 choix que de m’en dire l’agent. Cet abandon de l’ être entier à la Maya, sans plus rêver la délivrance du nirvana, cet enlis
604 éel du sens de la personne et de la liberté. Ce n’ est pas qu’on n’aime plus être soi librement, ni vraiment qu’on renie la
605 et de la liberté. Ce n’est pas qu’on n’aime plus être soi librement, ni vraiment qu’on renie la personne : mais on ne croit
606 plus croire qu’elle puisse répondre, c’est-à-dire être responsable. Derrière ce masochisme, comme toujours, un sadisme. Dans
607 l’orgueil fou trouve un alibi. L’Évolution fatale est en réalité celle que l’on voudrait imposer. Les communistes affirment
608 oudrait imposer. Les communistes affirment qu’ils sont les instruments du sens inévitable de l’Histoire, légitimant la mort
609 ter son utopie. Si le sang de ses propres martyrs fut la semence de l’Église, c’est le sang des « païens », le sang des aut
610 temps ne va pas apporter la négation de ce que je suis , de ce que j’attends, de mes croyances ou de mon incroyance, ou même
611 u même de ces raisons de désespérer auxquelles je tiens contre le monde et contre Dieu — la négation de moi-même et du sens d
612 ir. Utopies optimistes chez les totalitaires : ce sont les mêmes, mais ils s’en félicitent. Et les unes comme les autres, re
613 rs au transcendant libérateur. Engendrer l’utopie est un mouvement de l’âme, sans doute inséparable de l’historicité initié
614 le défi du temps paraisse insurmontable. L’utopie est recul devant le temps ouvert, elle refuse d’affronter cette situation
615 lle refuse d’affronter cette situation béante qui fut celle des premiers chrétiens, mais elle en reste tributaire — et c’es
616 s que ceux de la routine. L’Histoire-devenir, qui est une conjuration du temps, exige des sacrifices sanglants bien plus ma
617 ais d’anticiper sur nos lendemains, et ceux-ci ne seront point marqués par nos hypothèses même exactes, mais par nos choix fon
618 ais par nos choix fondamentaux. Car la question n’ est pas de savoir « ce qui arrivera », mais de savoir dès maintenant ce q
619 vera », mais de savoir dès maintenant ce que nous sommes disposés à laisser arriver ou à faire arriver ; la question n’est pas
620 aisser arriver ou à faire arriver ; la question n’ est pas de supputer le sens probable d’un devenir fatal, pour nous « ajus
621 s’originer qu’en la personne. Bref, la question n’ est pas de deviner l’Histoire, mais de la faire. Seules nos options prése
622 eaucoup48, l’option centrale de l’âme occidentale est décrite en des termes si lucides à mon sens, que je veux les citer en
623 orizon des archétypes et de la répétition ne peut être dépassé impunément que si l’on adhère à une philosophie de la liberté
624 a liberté qui n’exclut pas Dieu… Le christianisme est la « religion » de l’homme moderne et de l’homme historique, de celui
625 le temps continu (au lieu du temps cyclique). Il est même intéressant de noter que l’existence de Dieu s’imposait avec une
626 i au sens judéo-chrétien du mot (= pour Dieu tout est possible), l’homme détaché de l’horizon des archétypes et de la répét
627 en d’autres termes, l’“inauguration” d’un mode d’ être nouveau et unique dans l’Univers), et d’autre part la certitude que l
628 on transhistorique, même si cette signification n’ est pas toujours transparente pour l’actuelle condition humaine. Toute au
629 . La première société d’histoire connue en orient fut fondée au xixe siècle par un Anglais, Sir William Jones : la Société
630 Jones : la Société asiatique du Bengale. Et ce n’ est guère que depuis la fin du xixe siècle qu’une science historique s’e
631 a fin du xixe siècle qu’une science historique s’ est constituée en Inde. 43. Religio, de religare, lier ensemble. 44. L
632 nouveauté — le fait sans précédent archétypique — est la terreur de tous les moyens âges. Quand elle survient, quand on se
633 çais connus. Le premier accusait le second de « n’ être pas dans l’Histoire », le second tentait de prouver qu’il y était bel
634 ’Histoire », le second tentait de prouver qu’il y était bel et bien, avec certaines réserves. Et l’on parlait beaucoup de Heg
635 x écrivains, fermement convaincus qu’il fallait «  être dans l’Histoire », laissaient passer l’histoire en train de se faire,
636 urope unie ou le triomphe des Soviets. Fallait-il être avec les communistes ou non ? C’était le vrai fond de leur débat. Cep
637 disait aux applaudissements de tous que le monde était vide depuis les Romains : Washington vivait pourtant, et Clive avait
638 dres rassurants ; d’autant plus rassurants qu’ils sont rigides, mais de là vient précisément leur malfaisance. 48. Le Myth
7 1957, L’Aventure occidentale de l’homme. Deuxième partie. La Quête occidentale — Chapitre VI. L’expérience de l’espace
639 es connaissons. Deux révolutions considérables se sont donc produites en trois siècles dans l’image de la Terre que les Occi
640 et la seconde supprime toute apparence de centre, soit religieux, soit géographique. Un peu plus tard, les premiers astronom
641 pprime toute apparence de centre, soit religieux, soit géographique. Un peu plus tard, les premiers astronomes vont décentre
642 notre galaxie n’occupe qu’un coin perdu, comme le sont tous les autres : car le centre est partout et nulle part, dans l’esp
643 du, comme le sont tous les autres : car le centre est partout et nulle part, dans l’espace inimaginable défini par l’astrop
644 rit. La terre, une découverte européenne Il est facile de constater que l’exploration systématique de l’espace terres
645 on systématique de l’espace terrestre et cosmique fut entreprise par les Européens, et par eux seuls, et qu’elle devint, dè
646 gale, conquis et dépassé l’Indochine. Les Hindous étaient en relation avec l’Afrique grâce aux navigateurs arabes, et avec la C
647 ient même poussé jusqu’au golfe Persique. Mais ce sont les Portugais qui, au xvie siècle, venant de très loin et allant bie
648 passage tout ce trafic maritime. La flotte arabe était très supérieure à celle des Ibériques au xve siècle, mais ce sont po
649 ure à celle des Ibériques au xve siècle, mais ce sont pourtant ces derniers qui ont réussi les premiers tours du monde. Il
650 rs qui ont réussi les premiers tours du monde. Il serait vain de chercher à toutes les civilisations non européennes un commun
651 sons géographiques, démographiques ou techniques, sont de toutes les moins convaincantes : certaines vaudraient autant ou pl
652 bulations ou de leur foi. Quant aux Romains, nous tenons d’eux, sans nul doute, cette volonté d’étendre au monde entier nos lo
653 ’amour de la Quête. Les raisons historiques enfin sont bien connues : la principale fut le barrage massif établi par l’islam
654 storiques enfin sont bien connues : la principale fut le barrage massif établi par l’islam entre l’Asie et nous, forçant no
655 le contact avec l’Europe… Les raisons historiques sont donc insuffisantes. Restent les raisons religieuses. Il y a la foi d’
656 ges de Thomas l’Apôtre (en 52) puis de Mar-Thomas sont peut-être une légende, mais l’Église jacobite est une réalité, perpét
657 ont peut-être une légende, mais l’Église jacobite est une réalité, perpétuée jusqu’à nos jours. Au vie siècle, ce sont des
658 , perpétuée jusqu’à nos jours. Au vie siècle, ce sont des moines qui rapportent à Byzance les premiers vers à soie du fabul
659 remière moitié du viie siècle, la Chine des Tang est évangélisée par des pèlerins nestoriens ; elle se couvre d’églises et
660 ant à l’Amérique précolombienne, les présomptions sont fortes en faveur de la thèse qui veut que des chrétiens nordiques et
661 , avait peau blanche et barbe blonde, venait de l’ Est porteur d’une bonne nouvelle dont le symbole était la croix, et prédi
662 ’Est porteur d’une bonne nouvelle dont le symbole était la croix, et prédisait « que des hommes blancs semblables à lui viend
663 blancs semblables à lui viendraient un jour de l’ Est , par la mer » et régneraient alors sur le Mexique49. Pour des raisons
664 iracocha, dont la légende voulait aussi qu’il ait été porteur de croix et qu’il ait baptisé par aspersion… La vraie mission
665 un autre peuple, pendant la période historique, n’ est venu « découvrir » l’Europe. Mais comment expliquer ce phénomène uniq
666 cet Ulysse au cœur chrétien, d’origine juive, qui sera fondateur d’Empire. Et son vrai nom est Cristóbal Colón50. Son vrai n
667 ive, qui sera fondateur d’Empire. Et son vrai nom est Cristóbal Colón50. Son vrai nom selon l’état civil, sinon de Gênes où
668 vrai nom selon l’état civil, sinon de Gênes où il est né, mais de la Castille qui le fera vice-roi des Indes, Grand amiral
669 noms et prénoms en accord avec la tâche qui leur est confiée… Il reçut donc comme prénom Cristóbal, c’est-à-dire Christum
670 ’est ainsi qu’il signa souvent ; car en vérité il fut le premier à ouvrir les portes de l’Océan pour y faire passer notre S
671 royaumes lointains jusqu’alors inconnus… Son nom fut Colón, c’est-à-dire repeupleur, nom qui convient à celui grâce à qui
672 ui tant d’âmes, par la prédication de l’Évangile, sont allées repeupler la cité glorieuse du ciel. Il lui convient aussi pou
673 du ciel. Il lui convient aussi pour autant qu’il fut le premier à faire venir des gens d’Espagne (quoique pas ceux qu’il e
674 l’évangélisation des nations découvertes n’avait été pour l’Occident que le « prétexte » à conquérir les Amériques ? La vi
675 rope ; et les rois catholiques de Castille-Aragon furent enfin convaincus par son délire mystique, mais non point par l’idée d
676 fonder un Empire. En effet, l’objectif de Colón n’ était pas de conquérir une Amérique dont il n’a jamais cru qu’elle existât,
677 l’Ouest, de convertir leur prince, qu’il croyait être le Grand Khan, et de rapporter assez d’or pour payer une nouvelle cro
678 ainsi délivrer Jérusalem. Ces motifs religieux ne furent pas seuls en cause dans son projet mégalomane, ni dans l’esprit de Fe
679 i dans l’esprit de Ferdinand et d’Isabelle ; mais étant seuls vraiment communs aux deux parties, ils furent aussi, et par là
680 tant seuls vraiment communs aux deux parties, ils furent aussi, et par là même, seuls décisifs : « Car c’était la fin et le co
681 és de nos motifs profonds et de nos fins humaines sont là. Il y a certes la foi d’Abraham : Colón l’exalte en un passage sub
682 ièvre, dans cet état ; tout espoir d’en réchapper étant mort ; […] d’une voix effrayée, pleurant et en grande hâte, j’ai appe
683 rs ; mais ils ne m’ont pas répondu. Épuisé, je me suis laissé aller au sommeil en gémissant : j’ai entendu une voix très com
684 issement merveilleux sur la Terre. Les Indes, qui sont une partie du monde si riche, Il te les a données comme tiennes ; tu
685 rtie du monde si riche, Il te les a données comme tiennes  ; tu les as données à qui tu voulais et Il t’a donné pouvoir d’en fai
686 n faire ainsi. Des entraves de la mer Océane, qui étaient nouées avec de si fortes chaînes, Il t’a donné les clés ; et tu as ét
687 fortes chaînes, Il t’a donné les clés ; et tu as été obéi en de nombreuses terres et tu as acquis grand honneur et renom p
688 e vers Lui et connais enfin ton erreur : Sa merci est infinie : ton âge ne sera pas un obstacle à de grandes choses : Il a
689 in ton erreur : Sa merci est infinie : ton âge ne sera pas un obstacle à de grandes choses : Il a de nombreux et très grands
690 lus de cent ans quand il engendra Isaac, et Sarah était -elle une jeune fille ? Tu réclames une aide incertaine : réponds, qui
691 après qu’Il a reçu le service, que Son intention était différente et que cela devait être compris d’une autre façon, et Il n
692 Son intention était différente et que cela devait être compris d’une autre façon, et Il ne donne pas non plus le martyre à q
693 ur prêter de la couleur à la force pure : Il s’en tient à la lettre ; tout ce qu’Il promet, Il le tient et au-delà : est-ce c
694 n tient à la lettre ; tout ce qu’Il promet, Il le tient et au-delà : est-ce coutumier ? J’ai dit ce que ton Créateur a fait p
695  ; tout ce qu’Il promet, Il le tient et au-delà : est -ce coutumier ? J’ai dit ce que ton Créateur a fait pour toi et ce qu’
696 uf de pleurer pour mes erreurs. Celui, quel qu’il fût , qui parlait, termina en disant : Ne crains point. Sois confiant. Tou
697 qui parlait, termina en disant : Ne crains point. Sois confiant. Toutes ces tribulations sont écrites sur du marbre et ne so
698 ins point. Sois confiant. Toutes ces tribulations sont écrites sur du marbre et ne sont pas sans cause. Il y a donc la foi.
699 ces tribulations sont écrites sur du marbre et ne sont pas sans cause. Il y a donc la foi. Mais est-elle pure ? Sans elle,
700 ne sont pas sans cause. Il y a donc la foi. Mais est -elle pure ? Sans elle, il ne serait pas ce qu’il est devenu, mais n’a
701 onc la foi. Mais est-elle pure ? Sans elle, il ne serait pas ce qu’il est devenu, mais n’a-t-il pas suivi d’autres appels obsc
702 -elle pure ? Sans elle, il ne serait pas ce qu’il est devenu, mais n’a-t-il pas suivi d’autres appels obscurs ? L’ambition
703 soif d’un Inconnu dont les merveilles absurdes ne seront peut-être pas toutes catholiques, les complaisances passionnées qu’év
704 eille l’idée de l’or même au cœur d’un Croisé… Il est bon de partir sans savoir où l’on va, mauvais de rêver des voies qu’o
705 innommé. Qui peut juger ? Toute aventure humaine est aussi une erreur ; celle de Colón ne fut pas moins prodigieuse que le
706 humaine est aussi une erreur ; celle de Colón ne fut pas moins prodigieuse que le succès qui en résulta. Sa science de cos
707 succès qui en résulta. Sa science de cosmographe est un complexe d’erreurs — comme le début de toutes nos sciences sans ex
708 a Terre » ; et du livre apocryphe d’Esdras, où il est dit que les mers n’occupent que la septième partie de la Terre ; et d
709 uel confirme ces croyances. Toutes ces preuves ne sont telles, à ses yeux, que dans la mesure où elles concordent avec son r
710 té, mais différente de celle qu’il attendait, tel fut le périple de Colon, cette parabole vivante, ambiguë et grandiose, de
711 encore, sincèrement, que le vrai motif d’un acte est toujours le plus bas52, ceux-là « ramènent » toute l’entreprise des I
712 ession de l’or et de la conquête. Mais ces motifs sont trop universels pour expliquer la Découverte européenne. L’amiral de
713 Découverte européenne. L’amiral de la mer Océane était certes obsédé par l’Or. Pourtant l’or était loin de signifier à ses y
714 céane était certes obsédé par l’Or. Pourtant l’or était loin de signifier à ses yeux ce qu’il peut signifier aux yeux de ses
715 peut signifier aux yeux de ses détracteurs. L’or était tout d’abord un symbole, comme pour l’alchimie médiévale : « Il est f
716 n symbole, comme pour l’alchimie médiévale : « Il est fort excellent », nous dit Colon, et « celui qui le possède fait tout
717 eut même élever des âmes jusqu’au Paradis ». L’or était ensuite un moyen de libérer Jérusalem. Enfin, Colón s’imaginait qu’en
718 : en quoi il se trompait, car l’appui qu’il reçut fut accordé pour des motifs bien différents. Et quant à l’esprit de conqu
719 n différents. Et quant à l’esprit de conquête, il est vrai que le départ de Colón suit de peu l’achèvement de la Reconquist
720 us ouvrir le Nouveau Monde. Le centre du monde est dans l’homme Jamais Colón n’a su ce qu’il avait trouvé, et que c’é
721 ouveau le monde que nous ne cessons de découvrir. Sommes -nous vraiment conscients, à notre tour, de la nature et de la portée
722 e ? Le produit brut de l’entreprise des Espagnols fut l’or, aussitôt lié à l’esclavage. Et pour ceux qui n’aiment pas l’Amé
723 urs de l’espace infini et de cet autre infini qui est dans le microcosme. Il fallait que l’homme découvre l’homme, pour mie
724 itant de la production stakhanoviste ? La liberté serait -elle devenue plus grande en allant de Rousseau vers Marx ? Aurait-ell
725 n voit maintenant pourquoi l’Europe et l’Amérique sont devenues le Musée du monde. Leurs collections, leurs bibliothèques, l
726 ies de la Terre, évoque l’effort persévérant d’un être immense qui essaie de se remémorer son existence. Pourtant, rien ne s
727 de se remémorer son existence. Pourtant, rien ne serait plus faux que d’en inférer je ne sais quel vieillissement de l’Occide
728 ssement de l’Occident. Restituer le néolithique n’ est pas « se tourner vers le passé », car il s’agit encore d’exploration.
729 passé », car il s’agit encore d’exploration. Ce n’ est pas fuir le présent mais le remettre en question, et cette vaillance
730 mais le remettre en question, et cette vaillance est juvénile. Car un même mouvement de l’esprit nous porte à fouiller les
731 er, c’est tenter d’interdire les possibles qui ne seraient pas déjà dans le plan qu’on projette, c’est ainsi condamner le futur
732 u’on projette, c’est ainsi condamner le futur à n’ être rien de plus que le passé, où l’aujourd’hui tombera ce soir. Celui qu
733 assé, où l’aujourd’hui tombera ce soir. Celui qui tient « les Indes et le Cathay » pour le vrai but de sa recherche, sa chanc
734 y » pour le vrai but de sa recherche, sa chance n’ est plus que dans l’erreur ou dans l’échec. Quant à l’homme de la foi, n
735 or, sachons qu’il pense à délivrer Jérusalem, qui est pour lui le centre du monde et l’Ithaque de son Odyssée : la patrie d
736 iations du nom : Colombo, Colomo, Colom, Colón, y sont étudiées et définies avec précision. C’est à ce livre que j’emprunte
737 supposer que la navigation interplanétaire, qui n’ est encore qu’un rêve pour cette génération, se réalise au xxie siècle,
8 1957, L’Aventure occidentale de l’homme. Deuxième partie. La Quête occidentale — Chapitre VII. L’exploration de la matière
738 t-on rendre compte du fait certain que la Science est liée à l’Occident, si l’on partait encore du vieux conflit entre la s
739 même temps que la liberté, sujet de conflits ? N’ est -elle pas englobée par ce qu’elle veut nier ? La seule question sérieu
740 os vies, procède des options de Nicée. Le rapport est -il positif, dialectique, ou purement négatif ? Les aspects négatifs
741 , ou purement négatif ? Les aspects négatifs ont été soulignés par deux siècles de polémiques aujourd’hui déprimées et sté
742 polémiques aujourd’hui déprimées et stériles. Il est temps de renouveler la question et de rappeler les aspects positifs :
743 ion et de rappeler les aspects positifs : ceux-ci sont à la fois plus « nouveaux » (voire choquants) pour les esprits encore
744 de pensée en tension, ou mieux par tensions, qui sera jusqu’à nous la marque et le ressort de l’esprit de recherche occiden
745 La pensée par tensions. — Le dogme du Dieu-homme fut le problème crucial de la spéculation des Pères et de leurs conciles.
746 la spéculation des Pères et de leurs conciles. Il fut aussi le modèle suprême de la polarité impensable mais vraie, qui exi
747 e nos catégories intellectuelles. Si Jésus-Christ est à la foi « vrai Dieu » et « vrai homme » en une seule et même Personn
748 et même Personne, et si cette Personne à son tour est à la fois vraiment distincte et vraiment reliée au sein de la Trinité
749 e, le « scandale » des réalités contradictoires s’ est propagé ou transposé : dès l’instant qu’il était accepté au sommet, i
750 s’est propagé ou transposé : dès l’instant qu’il était accepté au sommet, il devenait difficile de le refuser en droit dans
751 bordonnés. Mais la transposition n’a pas toujours été légitime : il s’en faut de beaucoup. Au couple d’opposés vrai Dieu-vr
752 enfin la foi et la religion naturelle. Mais qu’en est -il des autres couples d’opposés qui se sont multipliés dans notre his
753 qu’en est-il des autres couples d’opposés qui se sont multipliés dans notre histoire ? La plupart mettent en jeu des réalit
754 près ni de loin, aux deux termes originaux. S’il est vrai que l’opposition entre l’Église et l’Empire (guelfes et gibelins
755 même type de tension nécessaire (les deux termes sont vrais, contradictoires, mais essentiels) que la théologie avait élabo
756 commune origine, dont le grand modèle historique fut montré comme objet de la foi par les Pères du concile de Nicée, mais
757 ue ce passage de la christologie à la psychologie soit légitime — ni les théologiens ni les savants ne devraient l’accepter
758 t renaît sans fin ni cesse de cette tension. S’il est vrai que le secret de la synthèse est de « comprendre » les incompati
759 nsion. S’il est vrai que le secret de la synthèse est de « comprendre » les incompatibles, cela ne peut se produire que dan
760 . Aussi longtemps que les aspects contradictoires sont vus séparément par des esprits divers, il n’y a, dans l’ensemble d’un
761 s, monismes séquestrés, scepticismes stériles. Ce fut le cas de l’Antiquité. Ou bien l’on pose, comme les sagesses d’Orient
762 rient, l’identité des contraires apparents : tout est dans tout, bien sûr, mais la science n’a pas lieu. Or, la physique ac
763 la science n’a pas lieu. Or, la physique actuelle est caractérisée par la reconnaissance de ses incompatibles : le problème
764 incompatibles : le problème onde ou corpuscule en est l’exemple le plus pur55. Certes, il s’agit de phénomènes de même natu
765 es d’analyse employées. Mais la forme du problème est typique ; elle évoque une analogie dont les savants, sans doute, ont
766 dans lesquels on pourrait retrouver — et ce jeu n’ est peut-être pas vain — l’équivalent des hérésies les plus connues, dual
767 ophysites, arianistes ou docétistes, l’orthodoxie étant alors représentée par MM. Einstein et de Broglie, non moins acharnés
768 ’esquisser en partant de la christologie pourrait être faite à partir de la doctrine trinitaire. De Nicée à saint Augustin,
769 es qui, finalement détaché de son objet primitif, est devenu une forme de notre esprit56. b) La valorisation du monde mani
770 lui-même a choisi de se manifester en elles ? Il est bien vrai que le but dernier de l’homme est de connaître Dieu, mais D
771  ? Il est bien vrai que le but dernier de l’homme est de connaître Dieu, mais Dieu lui-même s’est rendu connaissable dans l
772 homme est de connaître Dieu, mais Dieu lui-même s’ est rendu connaissable dans la chair. Et il est vrai aussi que « l’Esprit
773 ême s’est rendu connaissable dans la chair. Et il est vrai aussi que « l’Esprit seul vivifie, la chair ne sert de rien », m
774 ir ; c’est « ici-bas », sans évasion possible, qu’ est le lieu de son obéissance. Et il est vrai enfin que « la chair n’héri
775 possible, qu’est le lieu de son obéissance. Et il est vrai enfin que « la chair n’héritera pas du Royaume des cieux », et q
776 n’héritera pas du Royaume des cieux », et qu’elle est aujourd’hui sous le règne de la Loi, donc du péché et de la mort, mai
777 des fils de Dieu… avec l’espérance qu’elle aussi sera affranchie de la servitude de la corruption, pour avoir part à la lib
778 par elle pour affronter un monde dont la réalité est attestée par Dieu, et qui attend son salut de l’homme sauvé. Il est t
779 ieu, et qui attend son salut de l’homme sauvé. Il est très important que Kepler ait écrit : « Les œuvres de Dieu sont digne
780 rtant que Kepler ait écrit : « Les œuvres de Dieu sont dignes d’être contemplées. » Ne voir là qu’une phrase édifiante inter
781 er ait écrit : « Les œuvres de Dieu sont dignes d’ être contemplées. » Ne voir là qu’une phrase édifiante interdirait de comp
782 faire de physique. Certes, beaucoup d’athées ont été physiciens, mais le mouvement créateur de la science — comme il est a
783 is le mouvement créateur de la science — comme il est avéré par l’histoire des génies — procède d’une confiance intuitive d
784 ésurrection. Dès lors le témoignage de nos sens n’ est pas vain : il est certes affecté d’erreur par le péché, mais il peut
785 ors le témoignage de nos sens n’est pas vain : il est certes affecté d’erreur par le péché, mais il peut être corrigé par l
786 ertes affecté d’erreur par le péché, mais il peut être corrigé par l’expérience, corrigeant à son tour les rêveries de la ra
787 e notre œil et la lumière, quoique mystérieuse, n’ est plus une illusion ; et le cosmos n’est pas une fantasmagorie privée d
788 érieuse, n’est plus une illusion ; et le cosmos n’ est pas une fantasmagorie privée de cohérence, d’ordre et de sens, mais i
789 s, dans une profonde complicité de l’espérance, d’ être à son tour interprété et révélé… Celui qui estime vraiment que le mon
790 et révélé… Celui qui estime vraiment que le monde est absurde, on sent qu’il peut en faire de la littérature, mais non de l
791 Einstein confirmera l’intuition de Descartes, qui fut aussi celle de Newton et de Kepler58. c) Les vertus scientifiques. — 
792 tre idée, implique une intention, trahit un sens, est intéressante et valable : « Dieu est aussi présent dans l’intestin d’
793 hit un sens, est intéressante et valable : « Dieu est aussi présent dans l’intestin d’un pou », déclare Luther — inaugurant
794 ires leur ont manqué. Au contraire, le chrétien a été capable de faire avancer cette science, grâce à son christianisme et
795 ’immensité de l’expérience possible, le Grec s’en tient à des images cosmiques fermées, à la beauté du cosmos tel qu’il le co
796 ralysant ainsi la science. Entièrement différente est l’impulsion moderne, qui veut que l’on reste ouvert sans réserve au t
797 ichie, et poursuivre ce processus à l’infini sans être comblée jamais. La science moderne est née d’une rationalité qui, loi
798 fini sans être comblée jamais. La science moderne est née d’une rationalité qui, loin de se refermer sur elle-même, reste o
799 vient le courage qu’elle suppose ? De la foi, qui est confiance en Dieu. Car « Si Dieu est le créateur du monde, il est dés
800 la foi, qui est confiance en Dieu. Car « Si Dieu est le créateur du monde, il est désormais responsable de ce qu’est le mo
801 Dieu. Car « Si Dieu est le créateur du monde, il est désormais responsable de ce qu’est le monde et de ce qui s’y passe ».
802 r du monde, il est désormais responsable de ce qu’ est le monde et de ce qui s’y passe ». Il y a donc un sens, et il vaut la
803 e du réel, qui pourtant vient de Dieu. […] Dieu n’ est pas l’objet d’une foi véritable s’il ne peut pas supporter d’être mis
804 d’une foi véritable s’il ne peut pas supporter d’ être mis en question par les faits ; et toute quête de Dieu se rend en mêm
805 ions. C’est un trait particulier du savant que de tenir pour suspecte toute pensée qui d’avance le satisfait et le convainc.
806 de la vérité. Car la vérité, pour la foi, ne peut être que celle de Dieu, même quand elle semble nuire au groupe, à la tribu
807 religions de l’Orient, le christianisme pourrait être qualifié de matérialisme, en tant que son dogme central postule la ré
808 On vient de voir, au surplus, comment la science est liée à l’attitude et à la dialectique fondamentales du christianisme.
809 x débuts de notre siècle, la majorité des savants tiendra pour l’attitude matérialiste contre l’ensemble des croyants. Finaleme
810 le matérialisme devenu système général de pensée, sera décrété doctrine d’État par l’URSS. Mais tandis que dans ce pays, l’h
811 en Église, le déclin de son prestige en Occident est précisément amorcé par la défection des savants. Il est remarquable q
812 écisément amorcé par la défection des savants. Il est remarquable que le christianisme ait été menacé d’abord par une hérés
813 ants. Il est remarquable que le christianisme ait été menacé d’abord par une hérésie toute contraire : je veux parler du do
814 oute contraire : je veux parler du docétisme, qui tenait le corps du Christ pour une simple apparence, et l’Esprit pour la seu
815 plupart des grandes hérésies des premiers siècles sont très nettement spiritualistes, ce qui indique bien que l’orthodoxie c
816 , ce qui indique bien que l’orthodoxie chrétienne était ressentie comme trop matérialiste, dans un monde encore tout pénétré
817 a donné libre cours à l’extrémisme occidental que fut le matérialisme sous ses formes diverses : mécaniste, moniste, ou « d
818 vant dont le spiritualisme, puis le matérialisme, sont deux manières de s’évader, l’une par en haut et l’autre par en bas. M
819 ses prétentions à l’objectivité, le matérialisme est demeuré, du moins chez ses théoriciens, un point de vue typiquement p
820 dément marqué au signe de la croix, il ne pouvait être senti que sous la forme d’un manichéisme inversé, comme on le voit pa
821 credo, il semble bien que l’élément polémique ait été moins déterminant que l’espèce de fascination qu’exerçaient les progr
822 ence du spirituel, pour que le fond de la matière fût percé et qu’une nouvelle lumière encore diffuse, apparût de l’autre c
823 ntre la matière et quelque autre chose. » Et ce n’ est pas seulement entre la matière et « autre chose », ou entre l’énergie
824 ’on ne sait quoi, que la frontière intelligible s’ est évanouie ; mais c’est aussi entre le vivant et l’inerte, entre le som
825 lité dans tous les cas et dans tous les domaines, est fournie par les seules expériences qu’on peut reproduire à volonté, t
826 es qu’on peut reproduire à volonté, toutes choses étant d’ailleurs matériellement égales62. L’expression de « preuve matériel
827 solue, mettant fin à toute discussion. La science était censée garantir ce point de vue, au nom duquel on pouvait écarter tou
828 mais dont la forme et la complexité structurelle sont si clairement définies par les lois des ondes, que beaucoup de choses
829 que beaucoup de choses se passent comme si elles étaient des êtres substantiels et durables63. » Voilà ce qui reste de la mati
830 p de choses se passent comme si elles étaient des êtres substantiels et durables63. » Voilà ce qui reste de la matière aux ye
831 science d’aujourd’hui. Si la base du matérialisme était moins la matière classique que la négation de l’Esprit, il n’en reste
832 este pas moins que ses arguments scientifiques se sont évanouis avec les caractères classiques de la matière ; car celle-ci
833 ent les attributs que les matérialistes pensaient être ceux de l’Esprit : l’ubiquité, l’invisibilité, une certaine indétermi
834 que le matérialisme vulgarisé, survivant à ce qui fut sa base, n’est plus guère qu’une superstition. Il entretient religieu
835 isme vulgarisé, survivant à ce qui fut sa base, n’ est plus guère qu’une superstition. Il entretient religieusement des atti
836 esprit paraît fort compromise. Si le matérialiste est à bon droit gêné par le fait que la science subtilise sa matière, que
837 ait de la liberté jusque dans la matière : mais n’ était -ce pas admettre du même coup qu’il y aurait aussi de la détermination
838 rgie, puis entre l’énergie et quelque chose qui n’ est plus exprimable qu’en formules mathématiques, et qui semble, par suit
839 rmais, peut fonder son jugement sur des faits qui sont « démontrés par la science », au lieu que le médiéval se voyait oblig
840 fondées dans l’erreur. Mais comme cet homme moyen serait fort incapable de vérifier les faits affirmés par la science, cela re
841 matière, au lieu de celle de l’esprit. Ce choix n’ est donc pas scientifique, mais proprement théologique : c’est l’hérésie
842 logique : c’est l’hérésie que j’ai décrite. Qu’en est -il du choix des savants ? Beaucoup d’entre eux, et non des moindres,
843 Beaucoup d’entre eux, et non des moindres, ayant été conduits par leurs travaux bien au-delà de la superstition matérialis
844 qu’ils qualifient de panthéiste. Car si le cosmos est vraiment l’infini à la fois dans le temps et dans l’espace — comme l’
845 i plusieurs astronomes en renom — ou si le cosmos est pratiquement fini, mais cependant illimité, comme le pense curieuseme
846 divin prend alors les noms les plus bizarres : il est tantôt la forme archétypique organisant les ondes créatrices de la ma
847 , le choix théologique reste aussi apparent qu’il est inévitable. Et il opère en général sur d’assez grossières confusions 
848 e la transcendance, dès l’instant que la première est conçue comme le système total des lois d’un Univers par ailleurs inim
849 résent de l’Aventure occidentale, dont la science est la pointe extrême en notre siècle, notre image du monde s’évanouit. E
850 déjà échappé à nos sens. Dépassée la matière, qui était pourtant devenue l’objet principal de la science, nous butons contre
851 à partir de l’hydrogène. Le noyau de l’hydrogène est un proton. Cet ultime substrat de l’Univers physique est un « nœud d’
852 proton. Cet ultime substrat de l’Univers physique est un « nœud d’énergie » qui se produit dans un « champ » au sein duquel
853 uels archétypes formateurs… Le monde phénoménal n’ est plus qu’une apparence flottant sur l’océan sans rivages et sans fond
854 galaxie. Mais dans quoi tout cela se meut-il ? Il est vrai que la question n’a pas de sens : rien « au monde » ne peut y ré
855 ode einsteinienne revient à constater que la Maya est tout, et qu’il est fou de penser à n’importe quoi d’autre, c’est qu’a
856 evient à constater que la Maya est tout, et qu’il est fou de penser à n’importe quoi d’autre, c’est qu’alors il est fou de
857 enser à n’importe quoi d’autre, c’est qu’alors il est fou de penser Dieu, mais aussi de penser Liberté. Le refus qu’on oppo
858 ppose à ma question dernière dissimule un refus d’ être mis en question par autre chose que le monde et la mathématique. Tout
859 uestion : elle nous juge et pose nos limites, qui sont celles du savoir humain, mais elle pose en même temps l’existence de
860 au Cosmos. Mais le Dieu que prient les chrétiens est celui qui s’est fait connaître par cela justement que la science ne c
861 le Dieu que prient les chrétiens est celui qui s’ est fait connaître par cela justement que la science ne connaît pas, et n
862 donnée par sa révélation en Jésus-Christ : « Dieu est Amour. » (Dans le contexte ardu que l’on vient d’explorer, le mot pre
863 s. Certains incompatibles aujourd’hui reconnus ne sont peut-être qu’apparents : ainsi le fait que la masse combinée des neut
864 utrons et des protons composant le noyau atomique est toujours inférieure à la masse totale de ce noyau (le défaut de masse
865 à la masse totale de ce noyau (le défaut de masse étant représenté, croit-on, par l’énergie de liaison des particules). D’aut
866 iaison des particules). D’autres incompatibles ne tiennent peut-être qu’à l’insuffisance provisoire de nos mesures : ainsi le fa
867 ces produits extrêmes de la philosophie idéaliste seraient demeurés impensables sur tout autre arrière-plan que celui de la dogm
868 57. Rappelons que « la chair » selon saint Paul n’ est pas seulement le corps physique, mais l’homme naturel tout entier, le
869 llect-âme volitive et affective. L’erreur moderne est générale à ce sujet : elle en vient souvent à l’excès d’identifier la
870 et poussée jusqu’à l’absolu. Une doctrine ne peut être qualifiée d’hérétique que si elle a pris son point de départ dans le
871 point de départ dans le complexe orthodoxe, et s’ est développée contre lui. 61. L’homme de science moyen du xixe siècle
872 ui. 61. L’homme de science moyen du xixe siècle est moins hostile qu’indifférent au christianisme, dont il est loin de so
873 hostile qu’indifférent au christianisme, dont il est loin de soupçonner que sa propre situation puisse encore être tributa
874 soupçonner que sa propre situation puisse encore être tributaire. Est-ce bien sa faute ? Et la théologie du temps — je pens
875 a propre situation puisse encore être tributaire. Est -ce bien sa faute ? Et la théologie du temps — je pense surtout à cell
876 t-elle grand-chose à lui offrir ? Elle n’a jamais été plus éloignée des grandes affirmations de Nicée. Elle fait de l’histo
877 jectif, le motif personnel, le but dernier, etc., étaient considérés, au mieux, comme facteurs nuls. 63. Erwin Schrödinger, « 
878 te. 64. En un sens, la superstition scientifique est plus aveugle que celle qu’on reprochait au Moyen Âge. Car les vérités
879 u Moyen Âge. Car les vérités théologiques d’alors étaient plus à la portée du croyant moyen que les théories de la mécanique on
880 e ondulatoire ou de la physique des quantas ne le sont du moderne qui ne croit qu’à la Science. 65. Cf. O. L. Reiser, « The
9 1957, L’Aventure occidentale de l’homme. Deuxième partie. La Quête occidentale — Chapitre VIII. L’aventure technique
881 nos caractères nationaux. La question qui se pose est alors de savoir si l’Occident qui pense n’a pas pris l’habitude, depu
882 dénonce la « dépersonnalisation » de l’homme qui serait liée à la production en série. On prédit le règne des robots. On va j
883 de la chaise électrique, mais n’importe, la cause est noble et l’angoisse qu’on traduit, réelle et populaire. Derrière cett
884 « L’envahissement de nos vies par les machines » est freiné par le prix des appareils, non par la plainte des écrivains. I
885 oncé à briser les machines, et les bourgeois s’en sont toujours gardé. Et quant à ceux qui ont décidé de « sortir du monde »
886 se remettre à tisser leurs vêtements, etc., il n’ est rien sorti de durable de leurs petites communautés de retraite. Cepen
887 ntribue de la sorte à entretenir la « crise » qui est le thème préféré de nos meilleurs esprits. Et pourtant, bien qu’elle
888 sse devant l’ère des machines et de la Bombe n’en est pas moins révélatrice de notre condition occidentale. Il s’agit, une
889 se distingue de l’Occident. Les jonques chinoises sont supérieures aux caravelles de Colomb, l’architecture hindoue ne le cè
890 s de sa pensée. D’autres prétendent que l’homme n’ était poussé que par l’envie d’améliorer son sort ou d’amasser plus de nour
891  — a-t-il vraiment rêvé de dominer la Nature ? Il est baigné par elle et il y participe. Comment pourrait-elle menacer « le
892 le le tue, mais c’est d’elle qu’il vit. Tout cela est accepté comme allant de soi, comme « naturel » précisément. Quand l’e
893 ent. Quand l’esprit de l’homme entre en jeu, ce n’ est pas pour attaquer cette Nature animée d’intentions qui sont loin d’êt
894 our attaquer cette Nature animée d’intentions qui sont loin d’être toutes malveillantes : c’est pour négocier avec elle, pou
895 cette Nature animée d’intentions qui sont loin d’ être toutes malveillantes : c’est pour négocier avec elle, pour traiter av
896 69. Bien plus qu’une « volonté de puissance » qui serait une relation de force à sens unique, inimaginable à ce stade, sentons
897 le besoin de jouer, mais au sens fort du mot, qui est un sens religieux. La civilisation apparaît en même temps que les out
898 ême, le plus souvent, n’en rend pas compte : tout est magie à l’origine, tout est dialogue avec les forces naturelles qu’il
899 end pas compte : tout est magie à l’origine, tout est dialogue avec les forces naturelles qu’il faut séduire tout en leur o
900 les peuples anciens. L’histoire des inventions n’ est pas celle de « besoins » qui auraient existé avant elles. Sa logique
901 s » qui auraient existé avant elles. Sa logique n’ est pas celle de l’utile, mais du jeu70. Or qui dit jeu dit règles fixes.
902 rées entre l’homme et les forces naturelles. Ce n’ est donc pas des « lois » de la Nature qu’on a peur, mais au contraire de
903 ou ses rêves éveillés. C’est du rêve de voler qu’ est né l’avion ; et du rêve de partir au hasard sur les routes qu’est née
904 et du rêve de partir au hasard sur les routes qu’ est née l’auto71. L’histoire des inventions non faites, ou non « utilisée
905 roue que pour faire des jouets ? Et pourquoi l’or fut -il pur ornement, jamais monnaie, chez tant de peuples ? À cause de le
906 y voit que ses songes, et que les âmes des choses sont les reflets de son âme. Plongé dans la Nature, il la sent la plus for
907 stance entre la Nature et sa vie — cette distance est le « milieu » dans lequel il existe —, l’esprit conçoit un Bien disti
908 mourir… Ce qui s’oppose et résiste à ce Bien, ce sont alors les servitudes de la Nature, la nécessité animale de tuer pour
909 concevront Dieu comme semblable à leur Bien : il sera bon, juste, parfait et immortel, sa toute-puissance n’étant mise en é
910 juste, parfait et immortel, sa toute-puissance n’ étant mise en échec que par le principe démoniaque, assimilé dès lors à la
911 ilé dès lors à la Nature. Le Dieu du Bien ne peut être auteur du Mal. La Nature est donc l’œuvre d’un Autre. On a reconnu ce
912 ieu du Bien ne peut être auteur du Mal. La Nature est donc l’œuvre d’un Autre. On a reconnu cette attitude manichéenne qui
913  », c’est-à-dire en fait un dualisme. Car l’homme est conçu désormais comme une âme enfermée dans un corps. Il ne sera jama
914 rmais comme une âme enfermée dans un corps. Il ne sera jamais libre et vraiment bon que s’il parvient à s’évader de la chair
915 . Toute magie expulsée de la Nature, la technique est en train de la domestiquer, pour la première fois dans l’Histoire. Dé
916 ransports rapides, télécommunications). L’homme n’ est pas encore, il s’en faut, au terme parfait de l’entreprise, mais il a
917 us grands fauves, la vermine et quelques insectes sont vaincus.) D’autre part, nous nous découvrons les tout premiers contem
918 s que pendant le premier tiers de ce siècle. Tels sont bien les faits, dans l’ensemble. Mais il serait faux de penser que le
919 els sont bien les faits, dans l’ensemble. Mais il serait faux de penser que les peuples d’Occident aient jamais cherché et vou
920 nce à l’industrie de l’auto, qu’on oublie qu’elle est née d’un fantasme (au sens précis de la psychanalyse). D’où vient don
921 chanalyse). D’où vient donc la technique, si ce n’ est pas de nos besoins matériels et utilitaires, qui n’entrent en jeu qu’
922 à tel moment donné de l’Aventure occidentale. Il serait vain de chercher le pourquoi de la passion d’inventer, qui est d’ordr
923 hercher le pourquoi de la passion d’inventer, qui est d’ordre poétique (au sens premier du terme) et qui est de l’homme en
924 ’ordre poétique (au sens premier du terme) et qui est de l’homme en général. Mais quelque chose d’unique se produisit en Eu
925 ion et de l’Empire. Trois forces, donc, dont deux sont créatrices, et la troisième instrumentale. Pour la science, la chose
926 chose va de soi : mathématiques, physique, chimie sont à l’origine immédiate des inventions majeures de la technique. Mais e
927 savons aujourd’hui que le rêve des alchimistes n’ était pas de faire de l’or pour s’enrichir, mais bien d’opérer le grand œuv
928 ies modernes. Léonard Euler, piétiste de Bâle, ne fut pas seulement le plus grand mathématicien de son siècle, mais l’inven
929 grand mythe de l’ère moderne : le Faust de Goethe est d’abord alchimiste, mais il termine son aventure humaine (conditionné
930 moderne que l’on devait dénommer capitalisme, se soit emparé de ces données, le contraire eût été surprenant. Mais le capit
931 , se soit emparé de ces données, le contraire eût été surprenant. Mais le capitalisme n’a rien créé : il a financé le « Pro
932 nd de l’ère technique naît du fait que ses dons n’ étaient pas attendus. Prise de court par un phénomène qui l’étonnait merveill
933 ochaine, la société occidentale du xixe siècle s’ est doublement trompée sur les fins de la technique et la manière de s’en
934 ficiels. Ces erreurs monstrueuses, au départ, ont été lourdement payées — et le sont encore — par le prolétariat industriel
935 ses, au départ, ont été lourdement payées — et le sont encore — par le prolétariat industriel, qui a subi tous les « frais h
936 idèrent avec un croissant pessimisme. Ce décalage est significatif. En 1835, Andrew Ure, dans sa Philosophy of Manufactures
937 , de vouloir, tandis que l’homme, faible et pâle, est l’humble serviteur de ces géants d’acier… J’admirais tristement ; il
938 ces géants d’acier… J’admirais tristement ; il m’ était impossible de ne pas voir en même temps ces pitoyables visages d’homm
939 ux de rééducation. Au xxe siècle, la situation s’ est retournée. Les ouvriers américains et scandinaves ont chez eux les pr
940 le « mouvement irrésistible de l’Histoire » leur est de plus en plus favorable. Cependant que les bourgeois cultivés, atte
941 core que les valeurs se trouvent inversées : ce n’ est plus la Nature qui représente le Mal, mais c’est l’œuvre de l’homme,
942 pirituelle. C’est battre la table à laquelle on s’ est heurté. Mais c’est aussi cacher ses doutes intimes derrière une oppor
943 derrière une opportune « fatalité ». Les machines sont plus fortes que nous, c’est entendu (le marteau est plus dur que la m
944 t plus fortes que nous, c’est entendu (le marteau est plus dur que la main, les murs de la maison plus résistants que nos c
945 que nos corps). Mais si vous ne priez plus, ce n’ est tout de même pas leur faute. Retour à l’axe Au contraire du bou
946 é de la Nature. La doctrine de l’Incarnation, qui est son fondement toujours actuel, le lui interdirait à elle seule. La Na
947 , le lui interdirait à elle seule. La Nature doit être sauvée, par le moyen de l’homme sauvé, ayant été soumise à la corrupt
948 être sauvée, par le moyen de l’homme sauvé, ayant été soumise à la corruption non de son gré, mais à cause du péché76. Il s
949 e l’homme pour la soumettre aux volontés humaines sera bon, s’il fait partie de l’effort divin dans l’homme ; très mauvais,
950 mauvais, s’il procède de notre orgueil. Le mal n’ est pas dans les choses mais dans l’homme. Il est lié à notre liberté. Il
951 l n’est pas dans les choses mais dans l’homme. Il est lié à notre liberté. Il tient à notre condition, comme l’envers tient
952 mais dans l’homme. Il est lié à notre liberté. Il tient à notre condition, comme l’envers tient à l’endroit. Il est dans notr
953 berté. Il tient à notre condition, comme l’envers tient à l’endroit. Il est dans notre esprit, n’existe pas ailleurs, et c’es
954 e condition, comme l’envers tient à l’endroit. Il est dans notre esprit, n’existe pas ailleurs, et c’est là qu’il faut le c
955 ers le salut. Cessons donc de projeter le mal qui est en nous sur les choses, machines ou Nature, douées d’intentions auton
956 te de distinguer. 1° L’idée chrétienne que le mal est dans l’homme, et que la Nature est innocente, leur fait craindre que
957 nne que le mal est dans l’homme, et que la Nature est innocente, leur fait craindre que la technique augmente la capacité h
958 te, l’un et l’autre unilatéraux. 2° L’idée du Mal est projetée à nouveau non plus sur la Nature mais bien sur la Technique
959 ’écrivais au lendemain d’Hiroshima : « La Bombe n’ est pas dangereuse du tout. C’est un objet. Ce qui est horriblement dange
960 st pas dangereuse du tout. C’est un objet. Ce qui est horriblement dangereux, c’est l’homme. C’est lui qui a fait la Bombe
961 se prépare à l’employer. Le contrôle de la Bombe est une absurdité. On nomme des Comités pour la retenir ! C’est comme si
962 anquille, elle ne fera rien, c’est clair. Elle se tiendra coite dans sa caisse. Qu’on ne nous raconte donc pas d’histoires. Ce
963 Erreur sur le téléphone. L’esclavage du téléphone est un des clichés de l’époque. Mais le téléphone, simple appareil, n’a j
964 que chose que vous ne désirez pas manquer. Vous n’ êtes donc esclaves que de vous-même. Erreur sur la belle voiture. Cet hom
965 Erreur sur la belle voiture. Cet homme, dit-on, est un esclave de sa voiture. Voyez les soins dont il l’entoure ! Il voya
966 les nations soumises au communisme, mais le crime serait le même s’il n’y en avait qu’un seul. Voilà le sérieux de la chose :
967 e sans âme », mais dans le fait que des hommes ne sont plus que les « compléments vivants d’un mécanisme mort ». Or, ce n’es
968 mpléments vivants d’un mécanisme mort ». Or, ce n’ est pas ce mécanisme mort qui peut en être responsable. Ce n’est pas la m
969 ». Or, ce n’est pas ce mécanisme mort qui peut en être responsable. Ce n’est pas la machine qui rend un homme esclave : ce s
970 mécanisme mort qui peut en être responsable. Ce n’ est pas la machine qui rend un homme esclave : ce sont certains comportem
971 est pas la machine qui rend un homme esclave : ce sont certains comportements que d’autres hommes imposent à l’ouvrier, moin
972 ent calculé. C’est alors du rendement que l’homme est esclave, quel que soit le régime qui l’exige, capitaliste ou communis
973 rs du rendement que l’homme est esclave, quel que soit le régime qui l’exige, capitaliste ou communiste. Taylor a conçu l’ou
974 semer de la neige sur les villes accablées par l’ été  ; l’avion bombarde nos cités. Les découvertes géniales d’Einstein abo
975  ? Imagine-t-on quelque invention qui ne pourrait être utilisée que pour le bien ? Je dis que ce serait une invention du dia
976 it être utilisée que pour le bien ? Je dis que ce serait une invention du diable : elle priverait l’homme de sa liberté, voulu
977 de plainte du xxe siècle contre la technique eût été justifiée, cent ans plus tôt, contre l’usine ignoble où l’ouvrier pou
978 es Polynésiens de Gauguin. C’est le Moyen Âge qui était loin de la Nature : il la craignait80. L’âge classique la jugeait mal
979 ent. Le goût de s’étaler au soleil sur les plages est contemporain de l’auto. La technique naissante a créé le prolétariat
980 ndition et du décor hideux de son existence. Ce n’ est pas la scolastique qui a supprimé l’institution de l’esclavage en Eur
981 ge des chevaux au moyen d’un licol rigide). Ce ne sont pas nos protestations contre le travail à la chaîne qui libéreront le
982 robots. L’usine sans ouvriers, réalité prochaine, est la solution du problème de « l’ouvrier esclave de la machine ». Mais
983 ue devient un danger véritable ; non pas elle, il est vrai, mais l’homme qui parle ainsi. Ernst Jünger a bien vu que la tec
984 e tend alors vers une morale nihiliste, sa maxime étant celle d’une action « sans pourquoi ni vers quoi »81, sans cause ni bu
985 atigue mentale ; et cet oubli des buts derniers n’ est qu’un immense lapsus révélateur : il trahit une angoisse devant les p
986 e, désormais, pour régler le phénomène technique, sera donc la morale sociale, définie par les grands États. L’oubli des but
987 ture humaine conduit alors à la Technocratie, qui est le gouvernement des moyens sur les fins. (Les « exigences de la techn
988 été, et l’État seul représentant la Société, il n’ est plus de recours contre ses décisions.) L’évolution vers des sociétés
989 es en dividendes, le technocrate ne cessera pas d’ être le maître des moyens, mais son prestige s’évanouira dans la mesure mê
990 « sérieux » changera de camp. Celui dont le rôle sera d’administrer l’immense usine sans ouvriers régnera souverainement su
991 rison du mal technique par la technique elle-même est -elle une utopie ? Voyons d’abord dans quelle mesure elle est déjà réa
992 e utopie ? Voyons d’abord dans quelle mesure elle est déjà réalisée. Le niveau de vie moyen en Europe a passé de 1 en 1800
993 1800 à 15 en 1950, nous dit-on. (On précise qu’il est 10 fois plus élevé en 1954 qu’en 1880.) Ces chiffres, je l’avoue, me
994 u : la notion même d’un « niveau de vie moyen » n’ est pas bien claire, et le devient encore moins quand on le multiplie. (Q
995 us-produit de la technique, dont le but principal est encore de fournir plus d’objets et plus de bénéfices. Pourtant, ce « 
996 lus de bénéfices. Pourtant, ce « sous-produit » n’ était -il pas d’abord l’une des arrière-pensées de l’invention technique ? E
997 certain point de saturation des besoins naturels soit atteint. La technique a multiplié les hommes dont elle augmentait les
998 rs pendant ce laps de temps. Un deuxième but, qui est d’assurer la subsistance d’une humanité qui s’augmente de 70 000 âmes
999 objectifs proprement humains de la technique. Ce sont maintenant les moyens à trouver qui devront s’adapter à cette fin rec
1000 e comme auparavant. Ces moyens à trouver, nous en tenons les principes : énergie nucléaire, photosynthèse, automation, plans à
1001 semaine, pour que tous nos besoins « matériels » soient satisfaits (et bien mieux qu’aujourd’hui) : alimentation et transport
1002 que peut tout compromettre dans l’œuf. Mais l’œuf est là, portant son germe et notre avenir : cet avenir qu’il nous faut ac
1003 es refouler parce qu’ils donnent le vertige. Nous sommes au seuil des temps où la culture va devenir le sérieux de la vie. (El
1004 devenir le sérieux de la vie. (Elle l’a toujours été , mais cela se verra.) Jusqu’ici, c’était le travail qui occupait l’es
1005 diennes. La question « Que faire de ma vie ? » ne sera plus réprimée par cette réponse, plusieurs fois millénaire : « La gag
1006 plusieurs fois millénaire : « La gagner ! » Elle sera subitement mise à nu. Je n’entends pas peindre ici quelque utopie qui
1007 évoir, qu’en vertu de nos libres décisions. (Ce n’ est pas l’invention de la roue qui compte en soi, mais bien l’usage qu’un
1008 t, jouets et ornements chez les Aztèques.) Ce qui est certain, c’est que le progrès technique va faire un saut sans précéde
1009 ns se manifesteront d’une manière transparente et seront suivis d’effets presque immédiats. Ce sont ces vœux et ces orientatio
1010 e et seront suivis d’effets presque immédiats. Ce sont ces vœux et ces orientations que l’on peut essayer d’induire de notre
1011 la suite. Une expérience un peu plus longue nous est donnée par les populations du cercle arctique (Suède et Norvège), con
1012 onférences, causeries et discussions publiques se tiennent par dizaines de milliers dans nos pays démocratiques ; et l’instructi
1013 os pays démocratiques ; et l’instruction publique est heureusement doublée par des centaines d’ouvrages de vulgarisation qu
1014 us mène vers une ère religieuse. Car la culture n’ est en fin de compte qu’un prisme diffracteur du sentiment religieux dans
1015 ment, en Occident comme en Orient. (En fait, elle est surtout — et devrait être — accession à la vérité, et peu importent l
1016 n Orient. (En fait, elle est surtout — et devrait être  — accession à la vérité, et peu importent les moyens.) On voit donc m
1017 ère technique conduirait aux religions. L’ascèse était en fait une résistance à la technique sous ses formes primitives, com
1018 que sous ses formes primitives, comme la mystique était un mouvement de dépassement ou de retrait en deçà du dogme formulé ;
1019 u dogme et de la liturgie dans la culture dont il est imprégné. Voilà pourquoi la connaissance des dogmes et des options pr
1020 dogmes et des options premières de nos religions sera demain la première condition des hérésies et gnoses qui vont paraître
1021 ballon qui ne demande qu’à « s’élever » dès qu’il est délivré des soucis quotidiens. La preuve qu’il n’en est rien, c’est q
1022 livré des soucis quotidiens. La preuve qu’il n’en est rien, c’est que nos plus grands mystiques ont vécu dans les pires con
1023 religieuses deviendront plus sérieuses que ne le sont aujourd’hui les questions matérielles, les « lois » économiques, les
1024 jours, prouve que l’appât du gain ou du confort n’ est presque jamais leur motif. (Cf. D. Brinkmann, Mensch und Technik, 194
1025 tion » de la cuisson des aliments !) Dès lors, il est lié, pour avoir partagé un même repas rituel avec les hommes. 70. Le
1026 les hommes. 70. Les automates du xviiie siècle sont pur jeu. Ils sont pourtant les ancêtres de nos robots d’usine, indisp
1027 Les automates du xviiie siècle sont pur jeu. Ils sont pourtant les ancêtres de nos robots d’usine, indispensables pour mani
1028 à construire une « locomotive routière », qui ne fût pas astreinte à suivre la loi rigide des « voies ferrées » et ses hor
1029 e. 72. En 1833, Thiers déclare que la locomotive est « une simple construction d’amusette scientifique ». 73. Sur l’entre
1030 s plus ou moins « délirants », dont le mysticisme fut décisif en ce qui concerne la plupart de nos progrès techniques. Noto
1031 ux grands mystiques de cette époque se trouvaient être des ingénieurs des mines : Swedenborg et Novalis. 74. Le modèle qui
1032 ervit à Goethe pour écrire la fin du second Faust fut l’ingénieur anglais W. A. Madocks, constructeur de digues sur la côte
1033 e prolétaires, appliqué aux ouvriers d’industrie, fut introduit par Sismondi dès 1819. Trente ans plus tard, Marx pouvait d
1034 ine psychanalyse, aux yeux de laquelle le mal qui est dans l’homme peut être « ramené » à des inadaptations éthico-sociales
1035 yeux de laquelle le mal qui est dans l’homme peut être « ramené » à des inadaptations éthico-sociales. Ce qui ne fait que re
1036 lté. Ou bien c’est la morale, produit humain, qui est « mal » : on revient au néo-manichéisme. Ou bien c’est la Nature qui
1037 t au néo-manichéisme. Ou bien c’est la Nature qui serait mauvaise : manichéisme. Mais bien et mal supposent une Autorité suprê
1038 torité suprême qui juge : si l’on refuse Dieu, ce sera la Société. C’est accepter la conception totalitaire dans son princip
1039 nture médiévales concernent les vergers. Le reste était terreur. 81. « Ein Minimum an Warum und Wofür », Ernst Jünger, Der
1040 s, entraîne et suppose un progrès culturel (qu’il soit appelé loisir ou travail). 83. L’Encyclopédie de 1765 définit le lo
1041 e temps vuide. » Elle suppose donc que le travail est le vrai temps, le temps plein. Cette hiérarchie des valeurs a dominé
1042 a le devenir dès que les bénéfices de l’industrie seront distribués aux ouvriers non seulement sous la forme d’une diminution
1043 urs vins ni la qualité de leur air : ces « vues » sont donc autant de fausses-nouvelles-vraisemblables, les plus dangereuses
1044 ris affiché pour les questions religieuses n’aura été qu’un phénomène transitoire de notre civilisation occidentale. (Voir
1045 e de la parisienne, au xxe siècle, se crurent et furent dans une large mesure antireligieuses ou a-religieuses. Le surréalism
1046 gieuses ou a-religieuses. Le surréalisme français fut le signal d’une première révolte contre la conception « rationaliste 
1047 s » d’une éthique protestante-libérale — quel que soit par ailleurs son athéisme. Le retour aux problèmes religieux dans la
1048 lèmes religieux dans la littérature occidentale s’ est amorcé dès 1919, et n’a pas cessé de s’amplifier. 86. Nos sectes ori
10 1957, L’Aventure occidentale de l’homme. Deuxième partie. La Quête occidentale — Chapitre IX. Les ambivalences du progrès
1049 préjuger du résultat de ses entreprises, qui peut être aussi bien ce « bonheur » dont parle la Constitution américaine qu’un
1050 s oscillations du pendule s’amplifient, voilà qui est certain. Les guerres du siècle ont tué plus d’hommes que toutes les a
1051 tres guerres de notre Histoire, mais l’humanité s’ est accrue sur un rythme sans précédent. La désunion des nations de l’Eur
1052 récise en même temps. Le christianisme n’a jamais été plus puissamment combattu, soit par l’État totalitaire, soit par des
1053 ianisme n’a jamais été plus puissamment combattu, soit par l’État totalitaire, soit par des conceptions du monde tirées de l
1054 uissamment combattu, soit par l’État totalitaire, soit par des conceptions du monde tirées de la Science ; jamais non plus o
1055 smos. Quant aux ambivalences de la science, elles sont liées, nous l’avons vu plus haut, à l’essence de cette discipline à l
1056 diplomatie des États. Tout cela sans que personne soit encore en mesure de trancher la question confusément posée de savoir
1057 nté la crise de l’idée du Progrès. Évolution n’ est plus synonyme de progrès L’idée d’évolution est une forme de pensé
1058 st plus synonyme de progrès L’idée d’évolution est une forme de pensée qui affleure avec puissance, en Occident, au débu
1059 l’évolution de la science de Sumer à nos jours », sont devenues des expressions aussi courantes que « l’évolution des espèce
1060 s 1793. Les deux termes d’évolution et de progrès seront synonymes pendant le xixe siècle, et ceci définit l’optimisme foncie
1061 ait la croyance au Progrès88. Le progrès linéaire était nécessairement une conception optimiste. L’évolution laisse place à d
1062 contrarier l’ascension continue du Progrès. Nous serions par exemple « gagnés de vitesse par la technique », qui dès lors nous
1063 sages angoissés. Mais cette attitude pessimiste n’ est pas moins utopique que celle qui prévalait du temps des enthousiastes
1064 es d’une théorie mathématique ? La Bombe atomique est sortie de E = mc2 . Fallait-il empêcher Einstein de faire connaître s
1065 Bombe H, d’autre part (à plus longue échéance il est vrai), les moyens de subvenir aux besoins d’énergie d’une humanité qu
1066 l’idée de Progrès, contre l’idée d’Évolution, qui est un retour inconscient (par angoisse) aux formes de pensée cycliques.
1067 urope a dominé le monde pendant des siècles. Elle est encore, à notre époque, celle qu’on imite partout même quand on la co
1068 qu’on imite partout même quand on la combat. Elle est donc encore la plus forte. Pourtant, si on la compare à d’autres, pas
1069 ’en distingue par deux grands traits généralement tenus pour des causes de faiblesse : je veux parler d’une inquiétude fondam
1070 its déplorent depuis des siècles ? Ils ne peuvent être accidentels. Je pense même qu’ils remontent aux sources vives de notr
1071 sources vives de notre civilisation, et qu’ils en sont inséparables. Je les rattache à nos plus grandes traditions : le chri
1072 iétude provient de notre foi, et nos incertitudes sont créées par la nature même de nos certitudes. Ce paradoxe s’explique d
1073 te, pas même un seul » et que pourtant il devrait être saint. Il sait que le péché consiste à être séparé de la Vérité vivan
1074 vrait être saint. Il sait que le péché consiste à être séparé de la Vérité vivante, et que tous les hommes sont pécheurs. Il
1075 paré de la Vérité vivante, et que tous les hommes sont pécheurs. Il cherche donc. Il cherche à se rapprocher de la Vérité et
1076 a sainteté. Dans cet effort sans fin ni cesse, il est pourtant soutenu par sa foi dans la grâce. Il est donc un inquiet per
1077 est pourtant soutenu par sa foi dans la grâce. Il est donc un inquiet perpétuel, mais qui sait les raisons de son inquiétud
1078 t les raisons de son inquiétude ; il sait qu’elle est normale, et non désespérée, puisqu’elle est produite par sa foi, c’es
1079 ’elle est normale, et non désespérée, puisqu’elle est produite par sa foi, c’est-à-dire par sa certitude. Prenons ensuite l
1080 « vérités » qu’établissent les écoles successives sont relatives et provisoires, ont été dépassées l’une après l’autre, et q
1081 es successives sont relatives et provisoires, ont été dépassées l’une après l’autre, et que pourtant la raison d’être de la
1082 l’une après l’autre, et que pourtant la raison d’ être de la Science est de saisir des vérités certaines. Dans cet effort sa
1083 e, et que pourtant la raison d’être de la Science est de saisir des vérités certaines. Dans cet effort sans fin ni cesse — 
1084 e — pour s’approcher d’un but toujours fuyant, il est soutenu par sa confiance en la raison et l’expérience vérifiante. La
1085 ertitudes que l’on croyait acquises, d’autre part est le gage d’un progrès vers le vrai. Ainsi donc, du désordre vers un ce
1086 recherche à la pleine possession de la vérité. On serait tenté de répondre qu’il en est bien ainsi, quand on entend les intell
1087 e la vérité. On serait tenté de répondre qu’il en est bien ainsi, quand on entend les intellectuels libéraux d’aujourd’hui
1088 rvances le reproche, à leurs yeux rédhibitoire, d’ être des hommes « qui ont cessé de chercher » et « qui se croient les déte
1089 croient les détenteurs de la vérité absolue ». Il serait peut-être erroné d’en déduire que l’Occidental nie l’existence d’une
1090 sse vraiment y accéder. (L’Hindou le croit.) S’il est tenté de s’en persuader parfois, c’est en présence de certaines grand
1091 té totale, également valable pour tous, et qui ne serait plus à découvrir au sens actif et créateur du mot, mais seulement à i
1092 ps que l’idée du Progrès, certains progrès qui ne sont pas illusoires. J’en donnerai deux exemples précis. Les religions ori
1093 s qu’aucune ait jamais réussi. L’Occident, lui, s’ est contenté de mettre en pratique les modestes recettes d’une hygiène sc
1094 puis cent ans, l’âge moyen des Occidentaux. Et ce sont les premières applications de cette hygiène absolument profane qui re
1095 tion simplifiée de la démocratie occidentale : ce serait la suppression légale des castes et de l’esclavage organisé. Condamné
1096 justifié par saint Thomas d’Aquin, l’esclavage ne fut rétabli qu’en 1452 par une bulle du pape Calixte III autorisant Henri
1097 ession. Mais qui oserait dire que le problème ait été complètement résolu, puisque les libéraux et les chrétiens aux USA tr
1098 ste qu’au cœur du monde occidental, l’esclavage n’ est plus qu’un souvenir, puisque la condition prolétarienne, qui en fut l
1099 venir, puisque la condition prolétarienne, qui en fut l’image moderne à notre honte, y pourrait être supprimée dans peu de
1100 en fut l’image moderne à notre honte, y pourrait être supprimée dans peu de temps par l’évolution de la technique. Une conc
1101 c’est que le système des castes et de l’esclavage est le système normal des sociétés qui pensent avoir et représenter la Vé
1102 Chrétien conséquent, ou sceptique, l’Occidental n’ est pas dans ce cas. Buts occidentaux du progrès L’intérêt de l’His
1103 oire pour l’Occident, c’est le Progrès. Mais quel est l’intérêt du Progrès ? C’est qu’il y ait plus de sens dans nos vies p
1104 personnelles : plus de joie à avoir ce qu’on a, à être ce qu’on est, à faire ce que l’on veut, à aimer ce que l’on aime, don
1105 plus de joie à avoir ce qu’on a, à être ce qu’on est , à faire ce que l’on veut, à aimer ce que l’on aime, donc plus de lib
1106 subjectives et généralement inavouées. Si le but est l’accroissement constant de l’autonomie personnelle — que chacun puis
1107 isse de mieux en mieux réaliser sa vocation, donc être libre — ce but n’étant nullement celui de l’URSS, expressément collec
1108 réaliser sa vocation, donc être libre — ce but n’ étant nullement celui de l’URSS, expressément collectiviste, et la praxis p
1109 iés de « mystification ».) Si au contraire le but est l’accroissement de la quantité de biens consommables et du pouvoir d’
1110 d’achat individuel, le pays le plus progressiste est sans conteste les USA, l’un des plus arriérés restant l’URSS après pl
1111 s de trente ans de travail forcé. Si enfin le but est l’accroissement des règlements d’État, du pouvoir d’une doctrine d’Ét
1112 , donc pratiquement de l’entropie sociale, l’URSS est alors au premier rang, ouvrant la voie. Ce qui a pris le nom de « pro
1113 qui a pris le nom de « progressisme » depuis 1945 est donc à l’évidence des faits, une antiphrase. Quand on compare la loi
1114 les intellectuels qui se disent « progressistes » sont violemment hostiles à la nation qui a fait et qui respecte la deuxièm
1115 se du Progrès » vit de telles confusions, si elle est née bien avant, comme on l’a vu. Il y aurait pourtant lieu de poser d
1116 oint de vue des spiritualistes, l’URSS et les USA sont régressifs, encore que les seconds tolèrent bien des folies, dans l’o
1117 in croit mieux au sien, mais le mythe des Soviets est mieux cru hors de l’URSS. Du point de vue de la personne enfin : l’Eu
1118 ent à des antinomies flagrantes aussitôt qu’elles sont appliquées. Définition par la technique : produire toujours plus de m
1119 toujours frustrée va s’inventer d’autres moyens d’ être trompée. Mais les grandes hérésies et les gnoses de demain, politique
1120 ente d’en mesurer les effets historiques. Il n’en serait pas moins vain d’imaginer qu’on puisse l’éliminer ou l’oublier. Admet
1121 Mais l’Europe, responsable de l’idée du Progrès, est responsable aussi de sa rectification. Toutes les « hérésies du Progr
1122 rectification. Toutes les « hérésies du Progrès » sont bel et bien nées en Europe, encore qu’elles n’aient vraiment déployé
1123 omme extraites de leur contexte original, elles n’ étaient plus mises en échec par trop de coutumes anciennes ou de limitations
1124 core le sens d’un équilibre intime : si ce sens n’ était pas blessé, rien ne réagirait ; s’il est blessé et réagit, c’est qu’i
1125 sens n’était pas blessé, rien ne réagirait ; s’il est blessé et réagit, c’est qu’il existe. J’essaierai donc d’en définir l
1126 ident. Forme de pensée et d’amour, car tout amour est à la fois du même et de l’autre, du prochain et de soi, de l’homme et
1127 de Quelqu’un qui transcende l’homme : tout amour est paradoxal. Et si l’on essaie d’échapper à ce paradoxe essentiel, l’am
1128 de la liberté. Si le génie profond de l’Europe n’ est pas cette forme paradoxale d’amour actif, l’Europe ne mérite plus qu’
1129 ntent tous un grand trait commun : ils ne peuvent être surmontés par la réduction d’un de leurs termes et ils ne souffrent p
1130 ple. Mais la technique ne cesse pas pour autant d’ être en tension avec d’autres aspects de notre existence. L’illusion serai
1131 c d’autres aspects de notre existence. L’illusion serait alors d’imaginer un état stable, un arrêt de l’Aventure. Cet état ne
1132 ble, un arrêt de l’Aventure. Cet état ne pourrait être acquis qu’au prix d’une répression soit de l’essor technique (interdi
1133 pourrait être acquis qu’au prix d’une répression soit de l’essor technique (interdiction des recherches nucléaires, par exe
1134 rdiction des recherches nucléaires, par exemple), soit des bénéfices « bouleversants » qui peuvent en résulter à bref délai
1135 ppliquer l’idée de progrès à des domaines où ce n’ est pas l’évolution mais l’instant et l’acte qui comptent. Je donnerai l’
1136 ui comptent. Je donnerai l’exemple des arts. S’il est vrai que la relativité d’Einstein représente un progrès sur la physiq
1137 ysique newtonienne, et si le cerveau électronique est un progrès sur l’automate de Vaucanson, il n’en résulte pas que la de
1138 ne peut « dépasser » Mozart : il se suffit. Il n’ est pas une étape transitoire dans une recherche collective jamais finie,
1139 niers de l’Histoire et de la chronologie, nous en sommes arrivés au point de nous figurer que l’extrême avant-garde équivaut a
1140 araît en soi supérieur à ressembler à quoi que ce soit , surtout lorsqu’il s’agit de ressembler aux chefs-d’œuvre. C’est se r
1141 que l’on déclare « dépassé ». C’est s’interdire d’ être vraiment de son temps, d’être vraiment moderne, comme le furent sans
1142 C’est s’interdire d’être vraiment de son temps, d’ être vraiment moderne, comme le furent sans le vouloir tous les siècles et
1143 t de son temps, d’être vraiment moderne, comme le furent sans le vouloir tous les siècles et tous les artistes avant nous. Cet
1144 ue, fondé dans une croyance abusive à l’Histoire, est en train d’appauvrir ou de paralyser des milliers de jeunes peintres,
1145 ent-ils avec anxiété. Certes, le goût de différer est l’une des marques permanentes de l’Occident : mais il n’est vraiment
1146 des marques permanentes de l’Occident : mais il n’ est vraiment créateur que s’il traduit spontanément la personne et sa voc
1147 duit spontanément la personne et sa vocation ; il est stérile et caricatural quand il se fait systématique et prétend procé
1148 re. Il n’y a pas de progrès dans les arts, qui ne sont pas faits de « courants », mais d’œuvres signifiantes. L’Orient l’a t
1149 sa vertu en nous copiant. La mesure du grand art est l’amour, non le procédé d’expression ; le sublime, non la différence 
1150 te variation provisoirement curieuse… Mais ceci n’ est qu’une parenthèse. Purifiée de ses illusions les plus courantes, on v
1151 gissement du risque humain. Mais il importe ici d’ être bien clair quant au sens du mot risque dans cette définition. Le risq
1152 ue dans cette définition. Le risque dont je parle est dialectique : il consiste en une double possibilité, et il la crée. I
1153 ouveaux défis. Le danger qui apparaît d’un côté n’ est plus un risque véritable, s’il met un point final au développement hu
1154 personne. Dans ce sens, le vrai risque d’Ulysse n’ est pas le naufrage définitif, mais la poursuite de sa navigation à trave
1155 profondes. Prenons un exemple brûlant. La bombe H est un « risque » et plus grand que celui de la bombe A ; elle n’est pas
1156  » et plus grand que celui de la bombe A ; elle n’ est pas un progrès pour autant, et son interdiction dans les deux camps n
1157 t son interdiction dans les deux camps ne saurait être considérée comme un acte réactionnaire. Le progrès suppose au contrai
1158 du Progrès, dans la définition que j’en propose, sont analogues à celles de la personne. Les paradoxes et les tensions, les
1159 les que l’on a reconnues dans le cours du Progrès sont nées avec notre notion de la personne, elle-même issue des débats tri
1160 trices de l’Occident. C’est pourquoi la personne est seule juge, et mesure à la fois, du Progrès. Si ce dernier mérite vra
1161 s de mieux devenir la personne que nous pourrions être  ? La réponse ne saurait dépendre d’une enquête. La personne n’est jam
1162 ne saurait dépendre d’une enquête. La personne n’ est jamais mesurable : elle mesure. Elle n’est donc pas objet de statisti
1163 onne n’est jamais mesurable : elle mesure. Elle n’ est donc pas objet de statistiques ; et par définition elle échappera tou
1164 ersonnel devient plus fréquent et plus ample — ce serait la seule preuve du Progrès — et si la liberté gagne sur ses ennemis ?
1165 i donc j’affirme ici ma foi dans le Progrès, ce n’ est pas au terme logique d’une expertise plus ou moins compétente de notr
1166 ui-même et sur le cosmos où il existe, bien qu’il soit proprement occidental par ses origines historiques, ne m’en paraît pa
1167 ses exigences les plus pures. À ce titre, il peut être accepté par l’Orient. Et je n’en connais point d’autre qui ménage mie
1168 voir un jour s’unir la Voie et l’Aventure. 88. Est -il besoin de rappeler ici les œuvres de Spengler et de Toynbee, qui o
1169 et bouddhistes, et les livres sacrés de la Chine sont particulièrement riches en exemples de cet ordre. L’idée que la sexua
1170 onne. Aimer Dieu et le prochain — comme soi-même. Être au monde — comme n’en étant pas. Être libre — et pourtant responsable
1171 hain — comme soi-même. Être au monde — comme n’en étant pas. Être libre — et pourtant responsable. Être dans l’histoire — et
1172 e soi-même. Être au monde — comme n’en étant pas. Être libre — et pourtant responsable. Être dans l’histoire — et la faire.
1173 étant pas. Être libre — et pourtant responsable. Être dans l’histoire — et la faire. Être un Individu autonome — mais dans
1174 responsable. Être dans l’histoire — et la faire. Être un Individu autonome — mais dans une société organisée. Trouver des c
11 1957, L’Aventure occidentale de l’homme. Troisième partie. Où allons-nous ? — Chapitre X. Le drame occidental
1175 Chapitre XLe drame occidental Ce livre n’ est sans doute qu’un signe, entre mille autres, de la prise de conscience
1176 il arrive toujours, une telle prise de conscience est motivée par un arrêt de l’action normale : échec brutal, mise en ques
1177 emprisonnement, confrontation avec la mort. Telle est bien notre situation. (Et je parle surtout pour l’Europe, mais les Am
1178 ce qu’elle représentait et de ce qu’elle pourrait être encore. Elle découvre sa vocation qu’elle avait si souvent trahie, dè
1179 qu’elle avait si souvent trahie, dès lors qu’elle est mise au défi de s’unir pour revivre ou de descendre aux catacombes de
1180 ors connus. S’il a cru que c’était le monde, il s’ est trompé. Mais cette erreur ne peut être la nôtre. Qu’a fait l’Europe d
1181 monde, il s’est trompé. Mais cette erreur ne peut être la nôtre. Qu’a fait l’Europe du xve siècle jusqu’à nos jours ? Elle
1182 e monde du xxe siècle une autre civilisation qui soit en état de surpasser celle qu’a répandue l’Occident ? L’URSS et la Ch
1183 ’un recul politique de l’Occident ? Et si l’on se tient au plan des religions : le christianisme n’a pas conquis le monde ent
1184 christianisme n’a pas conquis le monde entier, il est même en recul dans l’empire communiste, mais il a rayonné — seul dans
1185 ique où nous vivons depuis 1914, et dont le foyer est le lieu même d’où partit l’Aventure : l’Europe. Choisissant trois sym
1186 ble à tout essai d’union sur le plan politique, n’ est encore que le fait d’élites restreintes, et d’ailleurs curieusement h
1187 et d’ailleurs curieusement hétérogènes. Quel que soit le succès, prochain ou retardé, de l’action pour unir l’Europe — il e
1188 n ou retardé, de l’action pour unir l’Europe — il est beaucoup trop tôt pour en juger, après quelques années d’efforts mal
1189 c’est le fait en lui-même qu’une telle action se soit manifestée à tel moment de l’évolution de l’Occident. Dans une perspe
1190 mondiale, deux attitudes bien différentes peuvent être prises devant l’Europe actuelle — désunie et battant en retraite. On
1191  ». Mais on peut penser au contraire que l’Europe est la mieux placée pour chercher et trouver les remèdes aux maladies née
1192 al. Voilà pourquoi les partisans de l’Europe unie sont convaincus qu’ils servent tout l’humain, quand ils luttent, chez eux
1193 e fédérée, reprenant sa place dans l’histoire, ne sera pas la suprême solution ni l’accomplissement de la Quête. Mais leur e
1194 eur humaine de leur action. Pareil combat ne peut être perdu — quelle qu’en soit l’issue collective — que par celui qui l’ab
1195 . Pareil combat ne peut être perdu — quelle qu’en soit l’issue collective — que par celui qui l’abandonne. Sécession du p
1196 tion dont ils rendent le régime, si libéral qu’il soit , responsable de leur condition. Tous les peuples civilisés ont connu
1197 éditaire. Jamais cependant le prolétariat n’avait été créé aussi directement par le principe même du progrès, ni en contrad
1198 grante avec les idéaux d’une Société. Le scandale étant apparu avec la même soudaineté que la technique, aux débuts du xixe
1199 e la technique, aux débuts du xixe siècle, il en est résulté que l’Europe, la première, en a pris une conscience non point
1200 la suppression de la condition prolétarienne. Il est typique de l’Occident qu’une ambition de ce genre y ait été conçue, p
1201 e de l’Occident qu’une ambition de ce genre y ait été conçue, puis considérée par beaucoup comme à la fois juste et réalisa
1202 semble d’un peuple, et que ce progrès à rebours n’ est obtenu qu’au prix de l’asservissement de tous à quelques chefs, dont
1203 uccès dépend de plusieurs conditions que l’Europe est encore bien loin de réaliser. Il exige en effet que l’Europe, dans se
1204 l’éducation : charisme et chance de l’Europe. Il est clair que les USA ont résolu les deux premiers problèmes — mais à moi
1205 arfois suppléer — mettons une fois sur deux, ce n’ est pas si mal — à l’absence d’idéaux directeurs des gouvernants et techn
1206 s, quand il s’agit de mesures dont le mécanisme n’ est pas bien compris par la masse mais dont les intentions finales, même
1207 dont les intentions finales, même inconscientes, sont pressenties. Toutefois, ceci n’est vrai que sous deux conditions. La
1208 nconscientes, sont pressenties. Toutefois, ceci n’ est vrai que sous deux conditions. La première étant que l’électeur n’ait
1209 n’est vrai que sous deux conditions. La première étant que l’électeur n’ait à juger que de problèmes à sa portée : aménageme
1210 s de corriger le défaut d’informations techniques est moins facile à définir. Il s’agit d’une question de confiance — d’une
1211 librement accordée (non par décision d’un parti) soit à un homme soit au régime. Car l’homme ou le régime auxquels on fait
1212 dée (non par décision d’un parti) soit à un homme soit au régime. Car l’homme ou le régime auxquels on fait confiance se sen
1213 — nord de l’Europe, Suisse, USA — qui se trouvent être en même temps, notons-le, les pays qui ont subi le moins de révolutio
1214 s et italiens qui votent régulièrement pour le PC sont simplement des mécontents : ils se prononcent contre le régime en gén
1215 prononcent contre le régime en général, comme on est anticlérical une fois pour toutes. Une minorité convaincue vote au co
1216 t personnel, risque et santé de la démocratie, ne sera pas franchement cultivé, le communisme (ou ses succédanés fascistes)
1217 verselle moscovite. Stratégiquement, le pronostic est différent. Le stalinisme n’apporte pas un message plus libérateur, pl
1218 t de libre recherche, vie de la Science, laquelle est à son tour indispensable au progrès de la technique, faute de quoi nu
1219 régimes les plus variés. Il n’a jamais renoncé à être missionnaire, à témoigner auprès de tous les peuples de sa vérité inv
1220 mais cessé d’offrir à tous les hommes, quelle que soit leur race ou leur classe, ou leur degré d’évolution, la possibilité d
1221 nc gagner à long terme — bien qu’un tel pronostic soit encore tributaire de nos très courtes vues humaines. (En fait, il a «
1222 Dire que l’empire de Che-Huang-Ti dans sa légende était la grande puissance du monde, ce n’est rien dire, puisqu’il n’existai
1223 légende était la grande puissance du monde, ce n’ est rien dire, puisqu’il n’existait pas alors de monde mesurable et fini.
1224 les rythmes des civilisations et de leurs nations sont destinés à s’accorder : par la guerre bien souvent puisque l’homme n’
1225 er : par la guerre bien souvent puisque l’homme n’ est pas bon, mais vers la paix quand l’accord s’établit par l’échange des
1226 es vices dans la lutte. Les rythmes de l’histoire sont dictés aujourd’hui par deux puissances antagonistes mais qui se resse
1227 t déjà en deux moitiés. Comment les accorder ? Ce serait faire une synthèse de la foi et de l’utopie. On peut prévoir que l’ut
1228 On peut prévoir que l’utopie, échouant longtemps, sera vaincue. Ou bien que l’Occident, lassé de sa liberté, le cède un jour
1229 la fin de ce siècle, et je vois que le problème n’ est plus du tout capitalisme ou communisme, USA ou URSS. Il y a le camp d
1230 de guerre froide a passé au second plan, ou bien est oubliée. La situation de l’URSS (aidée par l’Occident ?) s’est amélio
1231 La situation de l’URSS (aidée par l’Occident ?) s’ est améliorée à ce point que les Russes sont désormais dans le camp des h
1232 dent ?) s’est améliorée à ce point que les Russes sont désormais dans le camp des haves, confrontés à la Chine, chef du camp
1233 , riche et minoritaire. Mais déjà les deux termes sont en train de changer. L’Occident, découvrant le loisir, se tourne vers
1234 mbigu, du Progrès technique et social ? 91. Ce sont aussi les pays où le sens du groupe privé, spontanément formé par des
12 1957, L’Aventure occidentale de l’homme. Troisième partie. Où allons-nous ? — Chapitre XI. Où l’Aventure et la Voie se rejoignent
1235 jusqu’à ce siècle, le dialogue a toujours échoué, soit qu’il ait tourné court à peine amorcé, soit qu’il ait aussitôt dégéné
1236 houé, soit qu’il ait tourné court à peine amorcé, soit qu’il ait aussitôt dégénéré en poussées militaires alternées92, créan
1237 ion de Plan Carpin a échoué. Jean de Montecorvino est arrivé trop tard au rendez-vous avec le vieux Kubilai Khan, fils d’un
1238 institution. Les études orientales en Occident ne sont devenues systématiques qu’avec le romantisme allemand. Peu après, l’i
1239 ts anarchiques dans tous les ordres. Tout échange est ambivalent. Il peut détruire autant que féconder. L’adoption de nos m
1240 ence à soupçonner que ces autres sciences peuvent être « vraies » aussi, et même devenir vitales. L’Aventure s’approchant de
1241 rer l’autre (mais au prix de sacrifices dont il n’ est pas du tout certain qu’ils seraient féconds), ou bien il faut cherche
1242 crifices dont il n’est pas du tout certain qu’ils seraient féconds), ou bien il faut chercher un principe transcendant, dont un
1243 n certain pragmatisme courant m’objecte ici qu’il serait dangereux de vouloir confronter les principes, qu’il est plus sûr et
1244 gereux de vouloir confronter les principes, qu’il est plus sûr et plus facile de prendre pour base d’une entente ce que l’o
1245 lles. » Il peut sembler pourtant que le contraire est vrai, que ce sont les repus qui n’écoutent pas, et que l’angoisse est
1246 embler pourtant que le contraire est vrai, que ce sont les repus qui n’écoutent pas, et que l’angoisse est mère de la pensée
1247 t les repus qui n’écoutent pas, et que l’angoisse est mère de la pensée. Si les anciens Hindous, les Sumériens, les Égyptie
1248 faim ! » il n’y aurait pas de civilisation. Nous serions sans moyens techniques de remédier à la famine. Mais il y a plus. Ado
1249 pensée le trouvent beaucoup plus démuni que ne le fut l’Occident devant ces mêmes défis. Nous étions en défense contre beau
1250 ne le fut l’Occident devant ces mêmes défis. Nous étions en défense contre beaucoup d’abus, et cela en vertu même des concepti
1251 parce qu’ils s’accroissent trop vite, ou bien ils sont contraints d’adopter nos méthodes, et avec elles, mais sans le savoir
1252 savoir ni l’assumer, un ensemble d’options qui ne sont pas orientales. Transcender cette alternative, ruineuse pour l’âme ou
1253 uineuse pour l’âme ou pour les corps, au choix, n’ est pas l’affaire des experts commerciaux, ni des hommes politiques, ni m
1254 s’instituer qu’au niveau des options de base, qui sont d’ordre métaphysique. Difficulté du dialogue Prenons un exemple
1255 précis : celui de l’aide technique que l’Occident est requis d’apporter à l’Asie. « Il faut analyser les relations intimes
1256 manisme et de l’évolution de l’idéal de l’homme n’ est qu’une caricature ; il faut prendre des mesures efficaces pour liquid
1257 phrase mérite un examen sérieux. On nous disait ( soit en Orient, soit dans les cercles occidentaux qui aiment à parler de n
1258 n examen sérieux. On nous disait (soit en Orient, soit dans les cercles occidentaux qui aiment à parler de notre décadence) 
1259  Vous avez négligé l’Esprit et l’Âme, vos valeurs sont matérialistes et vous ne croyez qu’à la technique. » On nous dit aujo
1260 iques. » Et certes nous ne le refuserons pas : ce serait contraire à nos valeurs comme à nos absolus chrétiens. Mais nos techn
1261 nos absolus chrétiens. Mais nos techniques aussi sont nées de ces valeurs, que vous avez longtemps rejetées. Vous avez préf
1262 ère et les corps. Cette préférence fondamentale n’ est pas sans liens avec les maux physiques dont vous souffrez. Vous exige
1263 us sauver des résultats de vos croyances que vous tenez encore pour supérieures. N’y a-t-il pas là quelque injustice profond
1264 N’y a-t-il pas là quelque injustice profonde ? N’ est -il pas temps de reconnaître que nos valeurs n’étaient en somme pas si
1265 est-il pas temps de reconnaître que nos valeurs n’ étaient en somme pas si mauvaises, puisque les résultats qui en découlent log
1266 uisque les résultats qui en découlent logiquement sont seuls capables de guérir des maux permis ou tolérés par votre spiritu
1267 x permis ou tolérés par votre spiritualité, qui n’ était en somme pas si bonne ? À quoi d’autres swamis, plus orthodoxes (et c
1268 ent pas de répondre qu’en effet, l’Esprit ne peut être atteint par ce qui atteint les corps, dont les besoins ne sauraient ê
1269 atteint les corps, dont les besoins ne sauraient être tenus pour primordiaux. Les vérités de l’Orient gardent donc leur ple
1270 int les corps, dont les besoins ne sauraient être tenus pour primordiaux. Les vérités de l’Orient gardent donc leur plein dro
1271 de l’unité. La conception occidentale de l’unité est essentiellement exclusive, tandis que l’orientale est inclusive. L’un
1272 essentiellement exclusive, tandis que l’orientale est inclusive. L’unité invoquée par les épîtres pauliniennes était synony
1273 ve. L’unité invoquée par les épîtres pauliniennes était synonyme de l’Amour, de l’absence de partis hostiles et d’oppositions
1274 hostiles et d’oppositions fanatiques ; mais elle est devenue dans l’Église, dès le temps des conciles, et sans nul doute p
1275 ion des hérésies. En fait, le dogme de l’Église s’ est créé à coups d’anathèmes. Si l’on regarde de près l’Enchiridion du P.
1276 , dit l’Église catholique. Et les réformateurs ne seront pas moins exclusifs, encore qu’ils simplifient le système de référenc
1277 essinent. La preuve de « réalité » par la matière est en train d’être dépassée en Occident, tandis que la cosmogonie tradit
1278 euve de « réalité » par la matière est en train d’ être dépassée en Occident, tandis que la cosmogonie traditionnelle des Hin
1279 sent de l’Aventure occidentale, on dirait qu’il n’ est plus qu’un seul des rêves constants de l’humanité qui ne soit pas thé
1280 ’un seul des rêves constants de l’humanité qui ne soit pas théoriquement réalisable : connaître l’au-delà de la mort. Mais p
1281 les pensées, tuer ou guérir sans contact… — tout est là, ou peut l’être bientôt. Déjà nous volons, transmutons les métaux,
1282 ou guérir sans contact… — tout est là, ou peut l’ être bientôt. Déjà nous volons, transmutons les métaux, dépassons la vites
1283 oriques de réalisation de bien d’autres rêves. Il serait surprenant que tel d’entre eux se révèle à jamais utopique, et démont
1284 se révèle à jamais utopique, et démontrer qu’il l’ est représenterait déjà une découverte aussi intéressante que celles qui
1285 ros et au total, tout se passe comme si nos rêves étaient les gages de nos futures réalités, et représentaient ainsi une sorte
1286 e anticipée des choses à venir ; comme si l’homme était en puissance de tout ce qu’il peut imaginer ; comme si la vérité deva
1287 devait devenir un jour ce que nous rêvons qu’elle est , et cela seul. L’homme est défini par ses rêves qui, bien plus que l’
1288 ue nous rêvons qu’elle est, et cela seul. L’homme est défini par ses rêves qui, bien plus que l’action, façonnent son réel.
1289 plus que l’action, façonnent son réel. Mais quel est le rêve oriental ? Nous voulions contrôler la physis, eux la psyché.
1290 hénomènes, ou de certaines conceptions que l’Asie tient pour vraies : la magie, le contrôle des sources de la pensée, l’idéal
1291 la conscience occidentale — la science-fiction en est le signe indubitable — au moment où le danger qui nous guette n’est p
1292 itable — au moment où le danger qui nous guette n’ est plus celui d’échouer dans notre effort constant, mais au contraire de
1293 tié de l’humanité ; et les réalités vécues qui en sont nées. On ne peut comparer deux rêves de cette nature, mais bien leurs
1294 et savants, la technique. Le rêve des sages de l’ Est conduit-il au salut, à la paix véritable de l’âme ? C’est la question
1295 conde prévu) ; dans les deux cas, l’effet probant est de nature tangible ou mesurable. Mais la preuve par l’effet spirituel
1296 st entendu : on avait tout arrangé pour cela ! Qu’ est -ce que cela prouve, sinon ce que nous savions déjà ? Serrons encore d
1297 terre, même lorsqu’ils enseignaient que la vie n’ est qu’illusion. Mais aucun ne devint immortel. Nous cherchons plutôt les
1298 n un mot, qui ont permis au problème de se poser, sont précisément les qualités et attitudes qui prédisposent le moins à l’u
1299 rer au grand nombre. Au moment même où l’Occident serait en mesure d’en instituer les conditions pour tous, il se voit appauvr
1300 techniques et en oublie ses valeurs propres, qui seraient celles dont nous aurions le plus grand besoin… ⁂ Je vois bien ce qui
1301 n conflit dans son plan : il faut passer au-delà, soit dans le temps et l’espace, soit dans les dimensions spirituelles. L’a
1302 t passer au-delà, soit dans le temps et l’espace, soit dans les dimensions spirituelles. L’au-delà des crises occidentales p
1303 u xiie siècle dans le Midi de la France, mais ne sont pas connues comme telles, à cette époque. 94. Ramakrishna est le mie
1304 es comme telles, à cette époque. 94. Ramakrishna est le mieux connu d’entre eux en Europe (voir sa biographie par R. Rolla
13 1957, L’Aventure occidentale de l’homme. Troisième partie. Où allons-nous ? — Chapitre XII. La quête sans fin
1305 bord d’où elle vient, et comment, jusqu’ici, elle est allée. On verra que la Question même est spécifique de l’Occident. To
1306 ci, elle est allée. On verra que la Question même est spécifique de l’Occident. Toute réponse décisive annoncerait donc la
1307 trouver lui-même, dès lors qu’il sait qu’il n’en est point de vraiment générale et transposable — il quitterait en esprit
1308 ce blanche, aventureuse moitié du monde. La Quête est notre forme d’exister. Et pourtant, songeant à l’Orient, j’invoquerai
1309 at l’oppose au parti plus nombreux de ceux qui le tenaient pour mort et condamné. Et soudain la Sagesse éternelle apparaît, Mine