1 1958, Définition, valeurs, énergie, recherche : quatre essais européens (1958). Note liminaire
1 Note liminaire Au terme d’ une année de recherches en séminaires, dont nos Bulletins ont publié l
2 Note liminaire Au terme d’une année de recherches en séminaires, dont nos Bulletins ont publié les conclusio
3 s, et qui portaient sur des secteurs bien définis de la vie culturelle en Europe — comme l’Université, l’enseignement seco
4 ersité, l’enseignement secondaire, les techniques d’ avant-garde et les méthodes d’union — il nous a paru bon de revenir au
5 ire, les techniques d’avant-garde et les méthodes d’ union — il nous a paru bon de revenir aux principes qui donnent leur v
6 arde et les méthodes d’union — il nous a paru bon de revenir aux principes qui donnent leur véritable sens à ces efforts.
7 ssibles et opportunes, c’est l’action quotidienne de notre CEC. Mais cet engagement dans le concret n’aura jamais d’autre
8 Mais cet engagement dans le concret n’aura jamais d’ autre valeur que celle des motifs qui l’animent et des buts lointains
9 pporte-t-elle au monde ? Quelles sont les sources de son énergie ? Et comment les canaliser ? Les essais que l’on va lire
10 re répondent à ces questions. Mais ils n’ont rien de systématique. On verra qu’ils sont nés d’occasions très diverses. L’a
11 nt rien de systématique. On verra qu’ils sont nés d’ occasions très diverses. L’auteur n’a pas tenté de leur donner après c
12 d’occasions très diverses. L’auteur n’a pas tenté de leur donner après coup d’autre unité que celle qu’ils tirent d’un mêm
13 L’auteur n’a pas tenté de leur donner après coup d’ autre unité que celle qu’ils tirent d’un même sujet, considéré sous pl
14 après coup d’autre unité que celle qu’ils tirent d’ un même sujet, considéré sous plusieurs angles. Comment définir l’Eur
15 s. Comment définir l’Europe ? est le sténogramme d’ une conférence donnée le 27 mars 1958 à Nice, au Centre universitaire
16 voudra bien en excuser le style parlé. L’Europe de l’énergie reproduit le texte d’un discours prononcé le 30 juin 1958,
17 parlé. L’Europe de l’énergie reproduit le texte d’ un discours prononcé le 30 juin 1958, à Lausanne, lors de la séance so
18 in 1958, à Lausanne, lors de la séance solennelle d’ ouverture du congrès de l’Union internationale des producteurs et dist
19 rs de la séance solennelle d’ouverture du congrès de l’Union internationale des producteurs et distributeurs d’énergie éle
20 n internationale des producteurs et distributeurs d’ énergie électrique. Quant aux deux autres essais… Et dona ferentes et
21 es essais… Et dona ferentes et Pour une politique de la recherche, ils ont paru sous d’autres titres et une forme un peu d
22 ifférente, le premier dans Occident-Western World d’ octobre 1957, le second dans le n° 1 de la Revue internationale du Mar
23 tern World d’octobre 1957, le second dans le n° 1 de la Revue internationale du Marché commun, en avril 1958. Conçus pour
24 il 1958. Conçus pour des publics bien différents, de propos tantôt général, tantôt nettement délimité, ces quatre textes r
25 e textes restent indépendants les uns des autres. De là certaines répétitions inévitables, qu’on y a laissées chaque fois
26 fois qu’elles semblaient nécessaires à la logique de l’exposé. Mieux vaut dix fois se répéter que d’être obscur, quand on
27 e de l’exposé. Mieux vaut dix fois se répéter que d’ être obscur, quand on parle ou quand on écrit en vue de l’action. Et l
2 1958, Définition, valeurs, énergie, recherche : quatre essais européens (1958). Comment définir l’Europe ?
28 je voudrais vous proposer m’a rappelé la mémoire de l’écrivain, dont la chaire où je parle ici porte le nom. Je m’étais c
29 rle ici porte le nom. Je m’étais chargé, en 1937, de composer pour une revue française un numéro spécial consacré à la Sui
30 muz. Il m’envoya cette introduction sous la forme d’ une lettre ouverte qui fit, je l’avoue, quelque bruit. Vous verrez aus
31 de Rougemont, c’est une accablante entreprise que d’ expliquer un peuple, surtout quand il n’existe pas. Nous qui en sommes
32 an, ou Zurichois, c’est-à-dire des ressortissants de petits pays véritables. Non seulement de pays nombreux et variés, mai
33 tissants de petits pays véritables. Non seulement de pays nombreux et variés, mais parlant trois langues, sans compter bea
34 is langues, sans compter beaucoup de dialectes et de patois, pratiquant deux confessions religieuses, sans compter beaucou
35 ituant des républiques ou cantons, pourvus chacun de son gouvernement particulier et de ses propres écoles. […] En Suisse,
36 pourvus chacun de son gouvernement particulier et de ses propres écoles. […] En Suisse, il n’y a que les boîtes aux lettre
37 il n’y a que les boîtes aux lettres et l’uniforme de nos milices qui présentent quelque uniformité. Partout ailleurs nous
38 uns des autres. Et ce n’est pas la moindre ironie de notre sort que tant de précautions n’aboutissent qu’à nous faire dire
39 e niait, que cette entité pût avoir une existence d’ un ordre plus élevé, littéraire, artistique ou spirituel. Or, tout ce
40 ’écrivait au sujet de la Suisse dont je le priais de parler vaudrait également, ou bien plus, pour l’Europe dont je vais v
41 de Rougemont, c’est une accablante entreprise que de vouloir définir une Europe qui n’existe pas. » Je vais tout de même e
42 qui n’existe pas. » Je vais tout de même essayer d’ affronter cette accablante entreprise. Il y a plus de dix ans que je s
43 ffronter cette accablante entreprise. Il y a plus de dix ans que je suis engagé en elle, j’ai donc un certain entraînement
44 peu quelques très bonnes et très solides raisons de penser que l’Europe, même si elle n’existe pas, ou pas davantage que
45  : ce ne serait déjà pas si mal ! ⁂ Je me propose d’ examiner quelques-unes des définitions de l’Europe qui ont été données
46 propose d’examiner quelques-unes des définitions de l’Europe qui ont été données jusqu’ici, et d’en suggérer une nouvelle
47 ons de l’Europe qui ont été données jusqu’ici, et d’ en suggérer une nouvelle. Mais tout d’abord, il nous faudra situer le
48 blème dans sa réalité, c’est-à-dire dans le drame de notre temps. Quand un interviewer me demande à brûle-pourpoint : « Qu
49 us me répondre en une phrase ? », j’ai l’habitude de dire : « L’Europe, c’est quelque chose qu’il nous faut unir. » Défini
50 tion absolument pragmatique, mais qui a le mérite de la simplicité. Ce qu’on appelle « l’idée européenne » est en fait une
51  » est en fait une action créatrice. La nécessité d’ unir nos peuples résulte des faits les plus patents et les plus consid
52 faits les plus patents et les plus considérables de notre siècle. Je vais vous en énumérer très rapidement, sans aucun co
53 aire, une dizaine. Il y a, tout d’abord, la perte de la royauté mondiale qu’exerçait l’Europe, sans conteste, sur la planè
54 te entière depuis la Renaissance. Il y a la perte d’ une grande partie des colonies conquises par les États européens dans
55 ériques, en Asie et en Afrique. Il y a la révolte de l’Asie contre l’Occident tout entier, révolte concrétisée par l’assem
56 volte concrétisée par l’assemblée et le manifeste de Bandung. Et la révolte du monde arabe, du golfe Persique à Tanger, au
57 uropéennes. Il y a la fermentation que vous savez de l’Afrique noire, dont le sol se trouve détenir quelques-unes de nos p
58 oire, dont le sol se trouve détenir quelques-unes de nos plus grandes sources d’énergie et de matières premières. Il y a l
59 détenir quelques-unes de nos plus grandes sources d’ énergie et de matières premières. Il y a le déficit énergétique de l’E
60 ues-unes de nos plus grandes sources d’énergie et de matières premières. Il y a le déficit énergétique de l’Europe qui la
61 matières premières. Il y a le déficit énergétique de l’Europe qui la met sous la dépendance, notamment au point de vue du
62 ières qui étaient censées nous protéger, exigeant de grands marchés continentaux et des investissements à leur mesure. Il
63 ue du siècle, et qui sont trop chères pour chacun de nos trop petits pays. Il y a enfin l’augmentation vertigineuse de la
64 ts pays. Il y a enfin l’augmentation vertigineuse de la population du monde, beaucoup plus rapide en Asie et en Afrique qu
65 une seule et unique solution : la création rapide d’ une Europe fédérée, sans barrières intérieures, seule capable de tenir
66 édérée, sans barrières intérieures, seule capable de tenir son rang ou de le regagner à l’échelle mondiale. Certains disen
67 s intérieures, seule capable de tenir son rang ou de le regagner à l’échelle mondiale. Certains disent qu’il est trop tard
68 colosses qui se sont élevés à l’est et à l’ouest de l’Europe pendant que nous étions en train de nous ruiner nous-mêmes p
69 qu’on ait souvent faite depuis une bonne dizaine d’ années, n’est pas sérieuse ni objective. J’ai l’habitude de poser, au
70 n’est pas sérieuse ni objective. J’ai l’habitude de poser, au cours de causeries familières devant des auditoires beaucou
71 rope que l’on dit écrasée entre les deux colosses de l’Est et de l’Ouest ? » On me répond en général que nous devons être
72 n dit écrasée entre les deux colosses de l’Est et de l’Ouest ? » On me répond en général que nous devons être au maximum 2
73 ent être au moins 300 millions et les Russes plus de 400 millions. Un très faible effort d’information suffit à corriger c
74 usses plus de 400 millions. Un très faible effort d’ information suffit à corriger ces chiffres : nous sommes, en fait, nou
75 en fait, nous les Européens, à l’ouest du rideau de fer, 340 millions. Si nous récupérions les pays satellites, cela fera
76 périons les pays satellites, cela ferait un total de 440 millions d’habitants, c’est-à-dire deux fois et demie la populati
77 satellites, cela ferait un total de 440 millions d’ habitants, c’est-à-dire deux fois et demie la population des États-Uni
78 e la population des États-Unis d’Amérique et plus de deux fois celle de l’URSS. Même si nous laissons de côté les pays de
79 États-Unis d’Amérique et plus de deux fois celle de l’URSS. Même si nous laissons de côté les pays de l’Est, provisoireme
80 deux fois celle de l’URSS. Même si nous laissons de côté les pays de l’Est, provisoirement, ce chiffre de 340 millions éq
81 de l’URSS. Même si nous laissons de côté les pays de l’Est, provisoirement, ce chiffre de 340 millions équivaut presque à
82 ôté les pays de l’Est, provisoirement, ce chiffre de 340 millions équivaut presque à l’addition des États-Unis et de l’URS
83 s équivaut presque à l’addition des États-Unis et de l’URSS. Je ne parle que de chiffres, et non de qualités. Je ne parle
84 tion des États-Unis et de l’URSS. Je ne parle que de chiffres, et non de qualités. Je ne parle même pas de la qualité de n
85 et de l’URSS. Je ne parle que de chiffres, et non de qualités. Je ne parle même pas de la qualité de nos artistes, de nos
86 hiffres, et non de qualités. Je ne parle même pas de la qualité de nos artistes, de nos architectes, de nos éducateurs et
87 n de qualités. Je ne parle même pas de la qualité de nos artistes, de nos architectes, de nos éducateurs et de nos paysans
88 ne parle même pas de la qualité de nos artistes, de nos architectes, de nos éducateurs et de nos paysans, de la main-d’œu
89 e la qualité de nos artistes, de nos architectes, de nos éducateurs et de nos paysans, de la main-d’œuvre industrielle, de
90 rtistes, de nos architectes, de nos éducateurs et de nos paysans, de la main-d’œuvre industrielle, des artisans, des savan
91 architectes, de nos éducateurs et de nos paysans, de la main-d’œuvre industrielle, des artisans, des savants et des philos
92 r masse autant que par leur esprit, par leur sens de l’aventure autant que par leurs traditions, de créer dans le monde un
93 ns de l’aventure autant que par leurs traditions, de créer dans le monde un facteur d’équilibre, un facteur d’animation de
94 urs traditions, de créer dans le monde un facteur d’ équilibre, un facteur d’animation des échanges mondiaux, et, par là mê
95 dans le monde un facteur d’équilibre, un facteur d’ animation des échanges mondiaux, et, par là même, un facteur de paix.
96 es échanges mondiaux, et, par là même, un facteur de paix. Cependant, au cours des discussions sur l’union de l’Europe qu
97 Cependant, au cours des discussions sur l’union de l’Europe qui se déroulent depuis une dizaine d’années, on ne cesse de
98 n de l’Europe qui se déroulent depuis une dizaine d’ années, on ne cesse de reposer ces mêmes questions préalables : « Est-
99 éroulent depuis une dizaine d’années, on ne cesse de reposer ces mêmes questions préalables : « Est-ce que l’Europe est vr
100 es : « Est-ce que l’Europe est vraiment une unité de civilisation et de culture ? En d’autres termes, est-ce que l’on peut
101 ’Europe est vraiment une unité de civilisation et de culture ? En d’autres termes, est-ce que l’on peut fonder l’union pol
102 l’on peut fonder l’union politique et économique de l’Europe sur une unité plus profonde, humaine, physique et spirituell
103 lus répandues dans tous nos pays, que cette façon de mettre en doute l’existence même de l’Europe comme telle. Tantôt on n
104 e cette façon de mettre en doute l’existence même de l’Europe comme telle. Tantôt on nous dit : « Nous sommes, en Europe,
105 ge que je vous ai lu tout à l’heure, nous parlait de nos cantons suisses. Tantôt on nous dit au contraire : « Les Européen
106 u contraire : « Les Européens n’ont, au fond, pas de problèmes spécifiques qui les distinguent du reste de l’humanité. Tou
107 roblèmes spécifiques qui les distinguent du reste de l’humanité. Tous les continents se ressemblent et ont aujourd’hui les
108 essemblent et ont aujourd’hui les mêmes problèmes de technique, d’organisation sociale, etc. » Jeu typiquement européen !
109 ont aujourd’hui les mêmes problèmes de technique, d’ organisation sociale, etc. » Jeu typiquement européen ! À tel point qu
110 uropéen ! À tel point que pendant une table ronde de l’Europe, que je présidais à Rome il y a quelques années, agacé par c
111 aient autour du tapis vert, j’ai noté sur un bout de papier la définition suivante : « L’Européen ne serait-il pas cet hom
112 er soit avec l’homme universel, soit avec l’homme d’ une seule nation du grand complexe européen, dont il révèle ainsi qu’i
113 ctuels, nos mandarins, dirai-je, adorent ce genre de jeu. Mais hors d’Europe, on ne les comprend pas. Car, vue de loin, l’
114 ins, dirai-je, adorent ce genre de jeu. Mais hors d’ Europe, on ne les comprend pas. Car, vue de loin, l’Europe est évident
115 s hors d’Europe, on ne les comprend pas. Car, vue de loin, l’Europe est évidente. Tout le problème consiste à se placer à
116 du savant qui voulait étudier l’éléphant à l’aide d’ un microscope ? Il n’est jamais venu à bout de sa description de l’élé
117 ide d’un microscope ? Il n’est jamais venu à bout de sa description de l’éléphant, dont il n’a pu connaître ni la forme, n
118 e ? Il n’est jamais venu à bout de sa description de l’éléphant, dont il n’a pu connaître ni la forme, ni la couleur, ni l
119 voyons que nos différences. Nous disons : « Quoi de commun entre un Scandinave du cercle arctique et un Italien de la Sic
120 cercle arctique et un Italien de la Sicile ? Quoi de commun entre les Anglais et les Continentaux ? Entre nos chrétiens et
121 aires et nos progressistes ? Et pire encore, quoi de commun entre des radicaux valoisiens, des radicaux non valdoisiens et
122 n valdoisiens et des radicaux centre gauche, donc de droite ? » À nous entendre, nous autres Européens de différentes nati
123 droite ? » À nous entendre, nous autres Européens de différentes nations, nous autres Français de différents partis, ou no
124 éens de différentes nations, nous autres Français de différents partis, ou nous autres Suisses de différents cantons, nous
125 çais de différents partis, ou nous autres Suisses de différents cantons, nous n’aurions vraiment pas grand-chose en commun
126 n’aurions vraiment pas grand-chose en commun… Vus d’ Amérique, quelle que soit notre nation, nous sommes tous des Européens
127 notre nation, nous sommes tous des Européens. Vus d’ Asie, je n’ai pas besoin d’insister, on nous confond même avec les Amé
128 ous des Européens. Vus d’Asie, je n’ai pas besoin d’ insister, on nous confond même avec les Américains. Et, de toute maniè
129 er, on nous confond même avec les Américains. Et, de toute manière, cette unité européenne dont nous nous plaisons à doute
130 pas. Ils nous disent : « Bon ! admettons que, vue de très loin, l’Europe soit une entité. Mais vous ne pouvez pas la préci
131 Or, il est parfaitement clair que les frontières de l’Europe ont considérablement varié au cours des âges, et que cela n’
132 au gré des poussées et des contre-poussées venant de l’Asie et de l’Europe. L’Europe a varié et elle variera. Est-ce à dir
133 ussées et des contre-poussées venant de l’Asie et de l’Europe. L’Europe a varié et elle variera. Est-ce à dire qu’elle n’e
134 a. Est-ce à dire qu’elle n’existe pas ? Il suffit de rappeler ici que les frontières de toutes nos nations, en Europe, ont
135 as ? Il suffit de rappeler ici que les frontières de toutes nos nations, en Europe, ont varié au cours des âges, et j’ente
136 épondrai que, même si une définition géographique de l’Europe était possible, elle ne présenterait pas grand intérêt, car
137 devons unir, mais des hommes, des hommes relevant d’ un certain type d’humanité et d’un certain type de culture. Or ces hom
138 des hommes, des hommes relevant d’un certain type d’ humanité et d’un certain type de culture. Or ces hommes ne sont pas de
139 s hommes relevant d’un certain type d’humanité et d’ un certain type de culture. Or ces hommes ne sont pas des produits du
140 d’un certain type d’humanité et d’un certain type de culture. Or ces hommes ne sont pas des produits du sol, quoi qu’en di
141 dise une certaine littérature, mais les produits d’ une tradition. Ils ne naissent pas de la terre, mais d’autres hommes.
142 les produits d’une tradition. Ils ne naissent pas de la terre, mais d’autres hommes. Aux amateurs de géographie je répond
143 de la terre, mais d’autres hommes. Aux amateurs de géographie je réponds donc : l’Europe, c’est d’abord le fonds commun
144 ds donc : l’Europe, c’est d’abord le fonds commun de tous ceux qui se réclament de « l’Europe notre mère ». Si les critèr
145 ord le fonds commun de tous ceux qui se réclament de « l’Europe notre mère ». Si les critères physiques sont vraiment inc
146 es moraux ? Il faudrait donner ici une définition de l’Europe par sa culture. Mais avons-nous vraiment une culture commune
147 dire que nous sommes trop différents. Il y a trop de diversités de tous ordres en Europe pour que nous puissions vraiment
148 sommes trop différents. Il y a trop de diversités de tous ordres en Europe pour que nous puissions vraiment former une cul
149 mune. La seconde consiste à dire qu’il n’y a rien de réel, en Europe, hors de nos cultures nationales. Vous n’arriverez ja
150 que nous parlons, en Europe, un trop grand nombre de langues trop différentes pour arriver jamais à nous entendre. Examino
151 entendre. Examinons rapidement ces trois groupes d’ objections. La première invoque nos diversités. Il faut commencer par
152 ais en tant qu’observation. L’Europe est la terre de la diversité, par excellence. Ce fait même, comme vous le voyez, nous
153 e, comme vous le voyez, nous donne une définition de l’Europe, loin de nous prouver que celle-ci n’existe pas. Je crois qu
154 de plus commun à tous les Européens que leur goût de différer les uns des autres. Rien de plus typiquement européen que ce
155 en de plus typiquement européen que cette volonté de différence et d’originalité, que ce culte de la nouveauté et du recor
156 ement européen que cette volonté de différence et d’ originalité, que ce culte de la nouveauté et du record, de ce qui chan
157 onté de différence et d’originalité, que ce culte de la nouveauté et du record, de ce qui change, surprend, innove, et sur
158 alité, que ce culte de la nouveauté et du record, de ce qui change, surprend, innove, et surtout vous permet de ne pas êtr
159 change, surprend, innove, et surtout vous permet de ne pas être confondu avec le voisin. Voilà ce qui nous oppose le plus
160 sations antiques ou traditionnelles, comme celles de l’Inde ou des Mayas, qui bannissaient toute nouveauté — sauf dictée p
161 — sauf dictée par l’astrologie — comme une sorte de blasphème contre l’ordre, toute originalité comme une erreur ou une i
162 sacrés et rituels, l’obéissance absolue aux lois de la caste où le ciel vous avait fait naître. La deuxième objection por
163 seraient les seules réelles, et sur l’inexistence d’ une culture généralement européenne. Cette erreur-là, ce sont nos manu
164 e pour unir l’Europe, il ne saurait être question de mélanger toutes nos cultures en vue d’obtenir une culture européenne.
165 e question de mélanger toutes nos cultures en vue d’ obtenir une culture européenne. C’est absolument impossible, puisque n
166 fait récents, qui ont été pratiqués sur le corps de la grande culture commune européenne, laquelle est beaucoup plus anci
167 ans exception, étant l’œuvre commune et séculaire de tous les Européens réunis. Sur la base des manuels d’histoire et de g
168 ous les Européens réunis. Sur la base des manuels d’ histoire et de géographie on parle aujourd’hui couramment de la peintu
169 ens réunis. Sur la base des manuels d’histoire et de géographie on parle aujourd’hui couramment de la peinture française,
170 et de géographie on parle aujourd’hui couramment de la peinture française, de la musique allemande, de la science russe,
171 aujourd’hui couramment de la peinture française, de la musique allemande, de la science russe, ou que sais-je, du folklor
172 e la peinture française, de la musique allemande, de la science russe, ou que sais-je, du folklore danois, bâlois ou holla
173 lument courant, et c’est entièrement faux. Aucune de ces choses n’existe en réalité. La peinture, la musique, la littératu
174 musique, la littérature même — qui tient pourtant de si près aux langues — sont nées dans plusieurs foyers simultanés ou s
175 nés ou successifs en Europe, se sont transportées d’ un de ces foyers à l’autre, d’une région à l’autre, ont circulé à trav
176 u successifs en Europe, se sont transportées d’un de ces foyers à l’autre, d’une région à l’autre, ont circulé à travers t
177 e sont transportées d’un de ces foyers à l’autre, d’ une région à l’autre, ont circulé à travers toute l’Europe, et aucune
178 , ont circulé à travers toute l’Europe, et aucune de ces histoires d’un de nos arts, prise en soi, ne coïncide avec les fr
179 ravers toute l’Europe, et aucune de ces histoires d’ un de nos arts, prise en soi, ne coïncide avec les frontières d’aucune
180 s toute l’Europe, et aucune de ces histoires d’un de nos arts, prise en soi, ne coïncide avec les frontières d’aucune de n
181 ts, prise en soi, ne coïncide avec les frontières d’ aucune de nos nations d’aujourd’hui. Si vous prenez, par exemple, l’hi
182 en soi, ne coïncide avec les frontières d’aucune de nos nations d’aujourd’hui. Si vous prenez, par exemple, l’histoire de
183 ncide avec les frontières d’aucune de nos nations d’ aujourd’hui. Si vous prenez, par exemple, l’histoire de la musique dan
184 ourd’hui. Si vous prenez, par exemple, l’histoire de la musique dans ses grands traits, vous voyez qu’elle commence dans p
185 vous voyez qu’elle commence dans plusieurs foyers de l’Italie du Nord — de ce qui est aujourd’hui l’Italie du Nord et qui
186 mence dans plusieurs foyers de l’Italie du Nord — de ce qui est aujourd’hui l’Italie du Nord et qui n’était pas l’Italie —
187 ivant les grands axes du commerce du Moyen Âge et de la Renaissance ; que, de là, elle redescend vers la Bourgogne en se t
188 commerce du Moyen Âge et de la Renaissance ; que, de là, elle redescend vers la Bourgogne en se transformant ; que ces tra
189 nent apprendre leur métier ; qu’ensuite, le foyer de la musique devient l’Allemagne, au xixe siècle seulement ; que c’est
190 sont des Russes comme Stravinsky (et les ballets de Diaghilev) qui reviennent apporter un nouveau style musical à notre E
191 yle musical à notre Europe de l’Ouest. Le périple de la peinture est à peu près le même. Vous voyez que, dans ces deux cas
192 me. Vous voyez que, dans ces deux cas, l’histoire de nos arts ne coïncide nullement avec l’histoire de la nation, et qu’au
193 de nos arts ne coïncide nullement avec l’histoire de la nation, et qu’aucune de nos nations actuelles n’a le droit de dire
194 lement avec l’histoire de la nation, et qu’aucune de nos nations actuelles n’a le droit de dire : « La peinture, c’est à m
195 t qu’aucune de nos nations actuelles n’a le droit de dire : « La peinture, c’est à moi, et je te laisse la musique si tu v
196 Quant aux sciences, il serait simplement absurde de vouloir leur accoler un adjectif national. La science, par définition
197 ire, que nous parlons, nous les Européens, autant de langues que nous avons de nations, ou à peu près ; que la nation est
198 s les Européens, autant de langues que nous avons de nations, ou à peu près ; que la nation est définie d’abord par une la
199 l y a identité entre langue et culture. Il suffit de répondre, sur ce point, par quelques observations absolument élémenta
200 Petit Larousse. En France, par exemple, type même de la nation, on parle au moins sept langues différentes. On parle le fr
201 ns sept langues différentes. On parle le français de l’Île-de-France, devenu langue officielle de l’État depuis 1539 seule
202 çais de l’Île-de-France, devenu langue officielle de l’État depuis 1539 seulement, par un décret de François 1er ; mais on
203 le de l’État depuis 1539 seulement, par un décret de François 1er ; mais on parle aussi l’allemand, le flamand, le breton,
204 isse, au Luxembourg, en Autriche, dans une partie de la Tchécoslovaquie, dans une partie de la Roumanie et dans une partie
205 une partie de la Tchécoslovaquie, dans une partie de la Roumanie et dans une partie de la Pologne, sans oublier une partie
206 dans une partie de la Roumanie et dans une partie de la Pologne, sans oublier une partie du nord de l’Italie. On ne saurai
207 ie de la Pologne, sans oublier une partie du nord de l’Italie. On ne saurait donc observer aucune coïncidence nécessaire,
208 e chose. Admettons que nous parlons une vingtaine de langues bien constituées en Europe. Les meilleures linguistes d’aujou
209 constituées en Europe. Les meilleures linguistes d’ aujourd’hui vous diront que toutes ces langues, — sauf le finno-ougrie
210 auf le finno-ougrien, parlé par quelques millions de Hongrois et de Finlandais — toutes ces langues sont profondément pare
211 grien, parlé par quelques millions de Hongrois et de Finlandais — toutes ces langues sont profondément parentes, sont de s
212 utes ces langues sont profondément parentes, sont de structures comparables, ont des racines communes, un vocabulaire asse
213 do-européenne. Alors que si vous prenez l’exemple de l’URSS ou celui de l’Inde, vous vous apercevez que, dans ces vastes f
214 s que si vous prenez l’exemple de l’URSS ou celui de l’Inde, vous vous apercevez que, dans ces vastes fédérations, on parl
215 dérations, on parle un nombre beaucoup plus grand de langues, beaucoup plus différentes entre elles que ne le sont l’allem
216 ol et l’italien. On parle, en Inde, une quinzaine de « grandes langues » et des centaines de dialectes. Ces langues — cell
217 quinzaine de « grandes langues » et des centaines de dialectes. Ces langues — celles du Nord et celles du Sud en tout cas
218 du Nord et celles du Sud en tout cas — n’ont pas de racines communes. Entre le groupe des langues dravidiennes du Sud et
219 Nord dérivées du sanscrit, il n’y a presque rien de commun. À tel point que M. Nehru, qui fut l’un des créateurs de l’uni
220 el point que M. Nehru, qui fut l’un des créateurs de l’unité indienne, pour avoir contribué à chasser les Anglais de l’Ind
221 dans tout le pays. Bien entendu, il ne suffit pas d’ écarter des objections pour arriver à une définition plus positive de
222 tions pour arriver à une définition plus positive de la communauté de culture propre à l’Europe, c’est-à-dire de l’unité d
223 r à une définition plus positive de la communauté de culture propre à l’Europe, c’est-à-dire de l’unité de base sur laquel
224 unauté de culture propre à l’Europe, c’est-à-dire de l’unité de base sur laquelle nous pourrons bâtir notre union. À cet é
225 ulture propre à l’Europe, c’est-à-dire de l’unité de base sur laquelle nous pourrons bâtir notre union. À cet égard, on a
226 n. À cet égard, on a proposé jusqu’ici deux types de définitions, l’une se référant aux sources communes de notre culture,
227 finitions, l’une se référant aux sources communes de notre culture, l’autre aux produits spécifiques, aux résultats actuel
228 e aux produits spécifiques, aux résultats actuels de cette culture. Vous connaissez tous la définition de la culture europ
229 cette culture. Vous connaissez tous la définition de la culture européenne ou de l’Europe elle-même, par ses trois sources
230 ez tous la définition de la culture européenne ou de l’Europe elle-même, par ses trois sources : Athènes, Rome et Jérusale
231 trouve déjà dans les œuvres des grands humanistes de la Renaissance et de la fin du Moyen Âge. C’est ainsi qu’Æneas Sylviu
232 œuvres des grands humanistes de la Renaissance et de la fin du Moyen Âge. C’est ainsi qu’Æneas Sylvius Piccolomini, qui de
233 e Pie II, l’exprimait en des termes assez voisins de ceux qu’a repris de nos jours Paul Valéry. Il est visible que nous ré
234 t en des termes assez voisins de ceux qu’a repris de nos jours Paul Valéry. Il est visible que nous résultons, nous autres
235 isible que nous résultons, nous autres Européens, d’ Athènes, de Rome et de Jérusalem, dans cette mesure qu’Athènes a été l
236 nous résultons, nous autres Européens, d’Athènes, de Rome et de Jérusalem, dans cette mesure qu’Athènes a été l’origine de
237 ons, nous autres Européens, d’Athènes, de Rome et de Jérusalem, dans cette mesure qu’Athènes a été l’origine de ce que nou
238 lem, dans cette mesure qu’Athènes a été l’origine de ce que nous appelons la raison, le sens critique et la notion d’indiv
239 appelons la raison, le sens critique et la notion d’ individu ; que Rome a été l’origine de la conception de l’État, du Dro
240 t la notion d’individu ; que Rome a été l’origine de la conception de l’État, du Droit et de la personne du citoyen ; et q
241 ividu ; que Rome a été l’origine de la conception de l’État, du Droit et de la personne du citoyen ; et que, de la traditi
242 l’origine de la conception de l’État, du Droit et de la personne du citoyen ; et que, de la tradition juive, nous viennent
243 , du Droit et de la personne du citoyen ; et que, de la tradition juive, nous viennent les notions de la foi, du monothéis
244 de la tradition juive, nous viennent les notions de la foi, du monothéisme jaloux, et du prophétisme transcendant la Loi,
245 définition par les trois sources a le désavantage d’ être incomplète, puisqu’elle laisse de côté tous les apports qui ne so
246 désavantage d’être incomplète, puisqu’elle laisse de côté tous les apports qui ne sont ni grecs, ni juifs, ni romains, c’e
247 s des âges. Mais surtout, cette définition risque de créer l’illusion qu’une espèce de providence historique, quasi hégéli
248 finition risque de créer l’illusion qu’une espèce de providence historique, quasi hégélienne, a voulu que ces trois tradit
249 mmé « le carrefour hasardeux des premiers siècles de notre ère », et non pas du tout comme l’avènement d’une synthèse orga
250 notre ère », et non pas du tout comme l’avènement d’ une synthèse organique et logique. Point d’harmonie préétablie entre,
251 nement d’une synthèse organique et logique. Point d’ harmonie préétablie entre, par exemple, le prophétisme juif et le sens
252 par exemple, le prophétisme juif et le sens grec de la mesure ; ou entre le sens critique d’un Socrate et la raison d’Éta
253 ens grec de la mesure ; ou entre le sens critique d’ un Socrate et la raison d’État des empereurs romains ; ou enfin, entre
254 entre le sens critique d’un Socrate et la raison d’ État des empereurs romains ; ou enfin, entre les religions syncrétiste
255 elungen. Il subsiste dans tout cela beaucoup plus de contradiction que de principe d’unité. En revanche, la définition par
256 dans tout cela beaucoup plus de contradiction que de principe d’unité. En revanche, la définition par les sources a l’avan
257 la beaucoup plus de contradiction que de principe d’ unité. En revanche, la définition par les sources a l’avantage d’expli
258 anche, la définition par les sources a l’avantage d’ expliquer les tensions dynamiques qui ont fait la force, et le drame a
259 amiques qui ont fait la force, et le drame aussi, de notre Europe. La définition par les produits de notre culture et par
260 , de notre Europe. La définition par les produits de notre culture et par ses résultats actuels est, elle, purement descri
261 à dresser l’inventaire des créations spécifiques de l’Europe, dans les ordres les plus divers. C’est l’Europe qui a créé
262 qui a créé les sciences physiques et naturelles, d’ où la technique et les machines. Mais c’est elle aussi qui a créé la n
263 hines. Mais c’est elle aussi qui a créé la notion de personne et tout ce qui en dérive : les valeurs morales, le droit, le
264 nfluence du christianisme, a cru à la possibilité de la conversion individuelle brusque, renouvelant tout. D’où, par une t
265 onversion individuelle brusque, renouvelant tout. D’ où, par une transposition au plan social, la notion de révolution, sor
266 , par une transposition au plan social, la notion de révolution, sorte de conversion qu’on attend d’une collectivité. Noti
267 on au plan social, la notion de révolution, sorte de conversion qu’on attend d’une collectivité. Notion purement européenn
268 n de révolution, sorte de conversion qu’on attend d’ une collectivité. Notion purement européenne, incompréhensible aux Asi
269 es occidentales. C’est l’Europe qui a créé l’idée d’ histoire, d’évolution et de science historique. D’où l’idée de progrès
270 les. C’est l’Europe qui a créé l’idée d’histoire, d’ évolution et de science historique. D’où l’idée de progrès. C’est l’Eu
271 rope qui a créé l’idée d’histoire, d’évolution et de science historique. D’où l’idée de progrès. C’est l’Europe enfin qui
272 d’histoire, d’évolution et de science historique. D’ où l’idée de progrès. C’est l’Europe enfin qui a créé quantité de form
273 d’évolution et de science historique. D’où l’idée de progrès. C’est l’Europe enfin qui a créé quantité de formes d’organis
274 progrès. C’est l’Europe enfin qui a créé quantité de formes d’organisation sociale inconnues de l’Asie, comme les Églises,
275 ’est l’Europe enfin qui a créé quantité de formes d’ organisation sociale inconnues de l’Asie, comme les Églises, la commun
276 antité de formes d’organisation sociale inconnues de l’Asie, comme les Églises, la commune, le Parlement, la Nation. Et en
277 ience née en Europe. Seulement voilà, qu’y a-t-il de commun à ces produits de notre culture ? Tout cela est foncièrement h
278 ement voilà, qu’y a-t-il de commun à ces produits de notre culture ? Tout cela est foncièrement hétéroclite, hétérogène. O
279 ne. On voit mal la commune mesure entre la notion de personne et la machine. Tout ce qu’on peut dire, c’est que ces deux c
280 r exemple ? Ainsi donc, toute définition statique de l’Europe, soit par ses limites géographiques, ou par sa date de naiss
281 oit par ses limites géographiques, ou par sa date de naissance dans l’histoire, ou par ses sources, ou par ses principes j
282 r ses sources, ou par ses principes juridiques ou d’ organisation politique et sociale, manque son but. Parce que la civili
283 sation européenne est essentiellement un complexe de tensions, de contradictions, un mouvement à travers les siècles, un d
284 enne est essentiellement un complexe de tensions, de contradictions, un mouvement à travers les siècles, un dynamisme, par
285 tant d’autres civilisations sacrées, comme celles de l’Asie, en général, ou comme les anciennes civilisations babylonienne
286 nc, à nos yeux tout au moins, un principe général de cohérence. ⁂ Pour l’Asie, la civilisation et la religion enseignent u
287 ui résume les réflexions que j’ai faites au cours d’ une dizaine d’années d’action et de recherches européennes, j’ai préci
288 réflexions que j’ai faites au cours d’une dizaine d’ années d’action et de recherches européennes, j’ai précisément tenté d
289 s que j’ai faites au cours d’une dizaine d’années d’ action et de recherches européennes, j’ai précisément tenté de définir
290 aites au cours d’une dizaine d’années d’action et de recherches européennes, j’ai précisément tenté de définir l’Europe co
291 de recherches européennes, j’ai précisément tenté de définir l’Europe comme une Aventure, et j’en suis arrivé aux conclusi
292 général et dans ses résultats à tel moment donné de l’histoire, ce sont ses grandes options de base. Je m’explique. L’att
293 donné de l’histoire, ce sont ses grandes options de base. Je m’explique. L’attitude originelle, les grands choix initiaux
294 L’attitude originelle, les grands choix initiaux de toute recherche humaine, conditionnent non seulement les découvertes
295 s découvertes futures, mais encore la nature même de ce que l’on tiendra plus tard pour « la réalité ». Les résultats de f
296 ndra plus tard pour « la réalité ». Les résultats de fait d’une civilisation, et de ses recherches, révèlent beaucoup moin
297 s tard pour « la réalité ». Les résultats de fait d’ une civilisation, et de ses recherches, révèlent beaucoup moins quelqu
298 é ». Les résultats de fait d’une civilisation, et de ses recherches, révèlent beaucoup moins quelque réalité en soi, qu’il
299 énérale dans laquelle les créateurs et les agents de cette civilisation ont décidé de chercher et persistent à chercher au
300 rs et les agents de cette civilisation ont décidé de chercher et persistent à chercher au cours des siècles. « Dis-moi ce
301 cherchais », c’est-à-dire ce que tu avais décidé d’ avance de trouver, et que tu appelles, en conséquence, le Réel. Qu’avo
302 s », c’est-à-dire ce que tu avais décidé d’avance de trouver, et que tu appelles, en conséquence, le Réel. Qu’avons-nous c
303 ient, lui, a toujours cherché l’âme, les pouvoirs de l’esprit sur l’âme. C’était pour lui le réel, la vraie réalité. Il a
304 é ce qu’il cherchait : des sagesses, des méthodes d’ action que nous dirions parapsychiques, et qui nous demeurent souvent
305 . L’Occident, par contre, dès le départ, a choisi de chercher tout à fait ailleurs. Il a trouvé tout à fait autre chose, u
306 tre « réalité ». La question, pour moi, n’est pas de savoir si notre réalité — ou ce que nous appelons ainsi — est plus ou
307 , caractéristiques du génie européen, expliquent, d’ une manière cohérente, l’évolution générale de l’Europe, ses découvert
308 nt, d’une manière cohérente, l’évolution générale de l’Europe, ses découvertes les plus diverses, et ses finalités. Finali
309 ges et des recherches. Je donnerai trois exemples de ces choix initiaux. Et je les tirerai tous les trois d’une seule et m
310 choix initiaux. Et je les tirerai tous les trois d’ une seule et même période, que je crois décisive pour la formation de
311 période, que je crois décisive pour la formation de l’Europe. C’est la période des grands conciles, qui va du ive au vie
312 es grands conciles, qui va du ive au vie siècle de notre ère. À l’époque des grands conciles, les Européens ont décidé —
313 emps a un sens ; et que l’homme est une personne. De ces trois grands choix initiaux découlent presque toutes les découver
314 écouvertes, création et invention caractéristique de l’Europe. Je ne voudrais pas lasser votre attention en entrant dans l
315 lasser votre attention en entrant dans le détail de cette démonstration, si passionnante qu’elle puisse être quand on y v
316 ssionnante qu’elle puisse être quand on y va voir d’ assez près. Je voudrais seulement vous rappeler quelque chose d’extrêm
317 Je voudrais seulement vous rappeler quelque chose d’ extrêmement simple et de si évident qu’on n’y pense plus jamais. En pr
318 us rappeler quelque chose d’extrêmement simple et de si évident qu’on n’y pense plus jamais. En proclamant le dogme de l’I
319 ’on n’y pense plus jamais. En proclamant le dogme de l’Incarnation, les grands conciles ont reconnu que le corps, et la ma
320 us nommons « science » l’étude du corps humain et de la matière. Il y a plus. Pour l’Européen chrétien, pour un Kepler, pa
321 est incarné dans la matière. Ainsi donc, l’option de base prise au concile de Nicée a entraîné des conséquences littéralem
322 re. Ainsi donc, l’option de base prise au concile de Nicée a entraîné des conséquences littéralement incalculables, — tant
323 use du christianisme, en Europe. Deuxième exemple de ces choix ou de ces options de base. En proclamant le dogme de la Tri
324 isme, en Europe. Deuxième exemple de ces choix ou de ces options de base. En proclamant le dogme de la Trinité, c’est-à-di
325 . Deuxième exemple de ces choix ou de ces options de base. En proclamant le dogme de la Trinité, c’est-à-dire des Trois Pe
326 ou de ces options de base. En proclamant le dogme de la Trinité, c’est-à-dire des Trois Personnes divines, distinguées par
327 nes divines, distinguées par leurs fonctions mais d’ essence unique, les conciles ont fourni le modèle du concept même de l
328 les conciles ont fourni le modèle du concept même de la personne, transposé par la suite au plan humain. La personne humai
329 s et philosophes, depuis des siècles, n’ont cessé de redéfinir — la personne humaine c’est l’individu (n’importe quel indi
330 c’est l’individu (n’importe quel individu humain de n’importe quelle race ou rang social) qui reçoit une vocation. Cette
331 eçoit une vocation. Cette vocation le distinguant de la masse, mais en même temps, le reliant au prochain ainsi qu’au Créa
332 emps, le reliant au prochain ainsi qu’au Créateur de tous les hommes. Cet homme-là, j’entends la personne, se voit donc à
333 vraie source du Droit nouveau, du respect humain, de toute la morale occidentale, et de toutes les institutions civiques e
334 espect humain, de toute la morale occidentale, et de toutes les institutions civiques et sociales si caractéristiques de l
335 itutions civiques et sociales si caractéristiques de l’Europe, chargées d’assurer à la fois les libertés de l’individu et
336 ociales si caractéristiques de l’Europe, chargées d’ assurer à la fois les libertés de l’individu et ses devoirs communauta
337 Europe, chargées d’assurer à la fois les libertés de l’individu et ses devoirs communautaires. Troisième exemple d’option
338 et ses devoirs communautaires. Troisième exemple d’ option de base : c’est celui de la notion du Temps et de l’Histoire. P
339 evoirs communautaires. Troisième exemple d’option de base : c’est celui de la notion du Temps et de l’Histoire. Presque to
340 Troisième exemple d’option de base : c’est celui de la notion du Temps et de l’Histoire. Presque toutes les civilisations
341 on de base : c’est celui de la notion du Temps et de l’Histoire. Presque toutes les civilisations connues se sont fait ou
342 ar exemple, la durée du monde se calcule en jours de Brahma, chacun de ces jours équivalant à 4320 millions d’années. Or,
343 ée du monde se calcule en jours de Brahma, chacun de ces jours équivalant à 4320 millions d’années. Or, un Brahma vit 249
344 a, chacun de ces jours équivalant à 4320 millions d’ années. Or, un Brahma vit 249 milliards d’années. Puis il meurt. L’uni
345 illions d’années. Or, un Brahma vit 249 milliards d’ années. Puis il meurt. L’univers retourne alors au chaos, jusqu’à ce q
346 qu’on nomme le retour éternel. Il n’y a donc pas d’ histoire possible, puisque cette histoire se noierait dans un déluge d
347 puisque cette histoire se noierait dans un déluge de chiffres où elle perdrait tout sens. Le temps lui-même est supprimé a
348 l semble que les Européens aient conçu le courage d’ affronter le temps, et de ne pas fuir devant lui dans le refuge des cy
349 s aient conçu le courage d’affronter le temps, et de ne pas fuir devant lui dans le refuge des cycles éternels. Le Symbole
350 es éternels. Le Symbole des apôtres et le Symbole de Nicée datent d’une manière précise la mort du Christ ; ils précisent
351 Symbole des apôtres et le Symbole de Nicée datent d’ une manière précise la mort du Christ ; ils précisent que le Christ es
352 le Christ est mort « sous Ponce Pilate », manière de souligner expressément l’unicité, l’historicité du fait. Il s’agit be
353 ité, l’historicité du fait. Il s’agit bel et bien d’ un événement historique et non pas d’un événement mythique, comme le s
354 bel et bien d’un événement historique et non pas d’ un événement mythique, comme le sont toujours les apparitions des dieu
355 ement historique que l’Europe comptera les années de sa nouvelle ère. Et le temps, désormais, pour les Européens, court da
356 Européens, court dans un seul sens. Il n’y a pas de retour éternel du temps. Il y aura un seul retour, celui du Christ, q
357 is la création du monde jusqu’à l’Incarnation, et de là jusqu’au Jugement dernier, prend un sens et un sens unique. Il ces
358 ernier, prend un sens et un sens unique. Il cesse de tourner en rond comme il le faisait dans toutes les autres religions.
359 nt linéaire, imprévu, il va vers un avenir chargé de nouveauté — l’aventure permanente. Alors, l’Histoire devient possible
360 , l’Histoire devient possible. Elle vaut la peine d’ être prise au sérieux, enregistrée, racontée, étudiée, puisqu’elle pre
361 e prend un sens, elle aussi, celui du déroulement d’ actions humaines irréversibles, ayant lieu une fois pour toutes. À leu
362 ans cette évolution unique, dramatique, créatrice de nouveauté, et qui a été inaugurée par la vision chrétienne du temps.
363 temps. Du même coup, l’homme devient responsable de ses actions et de leurs conséquences. Il n’est plus soumis à la pure
364 up, l’homme devient responsable de ses actions et de leurs conséquences. Il n’est plus soumis à la pure et simple fatalité
365 nture à lui. Là encore, nous retrouvons la notion de personne à la fois libre et responsable — adjectifs inconnus de l’Ori
366 la fois libre et responsable — adjectifs inconnus de l’Orient traditionnel. Partant de ces trois grandes options religieus
367 ectifs inconnus de l’Orient traditionnel. Partant de ces trois grandes options religieuses et métaphysiques, celles des gr
368 ues, celles des grands conciles, j’ai donc essayé de marquer le point de départ, dans le complexe européen, des résultats
369 ds conciles, j’ai donc essayé de marquer le point de départ, dans le complexe européen, des résultats les plus typiques de
370 omplexe européen, des résultats les plus typiques de notre culture : les sciences physiques et naturelles, la technique, m
371 s institutions sociales qui en découlent, le sens de l’histoire, l’idée du progrès, la liberté et la responsabilité de l’i
372 ’idée du progrès, la liberté et la responsabilité de l’individu dans la communauté. Voici donc notre civilisation européen
373 rente, non point comme la réalisation progressive d’ une sorte d’idée platonicienne ou d’une essence éternelle, mais au con
374 oint comme la réalisation progressive d’une sorte d’ idée platonicienne ou d’une essence éternelle, mais au contraire comme
375 n progressive d’une sorte d’idée platonicienne ou d’ une essence éternelle, mais au contraire comme un vaste complexe de te
376 rnelle, mais au contraire comme un vaste complexe de tensions, de recherches jamais achevées vers un équilibre sans cesse
377 au contraire comme un vaste complexe de tensions, de recherches jamais achevées vers un équilibre sans cesse remis en ques
378 ers un équilibre sans cesse remis en question, et de découvertes inouïes qui posent toujours de nouveaux problèmes. En un
379 on, et de découvertes inouïes qui posent toujours de nouveaux problèmes. En un mot, voici notre civilisation définie comme
380 ivilisation définie comme une aventure. Le point de départ de cette aventure, je le vois donc dans un certain nombre de c
381 n définie comme une aventure. Le point de départ de cette aventure, je le vois donc dans un certain nombre de choix initi
382 aventure, je le vois donc dans un certain nombre de choix initiaux, instituant des tensions caractéristiques et délimitan
383 ensions caractéristiques et délimitant des champs de recherche très largement ouverts sur l’inconnu. Et, certes, ceux qui
384 tes, comme la machine, ou la commune, ou le droit d’ opposition, ou le Parlement, ou la révolution, ont été conçues et créé
385 Europe et par elle seule. ⁂ On ne peut s’empêcher de se demander vers quoi cette aventure peut encore nous mener. Cependan
386 aventureux reste ambigu, réserve des possibilités de catastrophes et des possibilités de nouvelles découvertes favorables.
387 possibilités de catastrophes et des possibilités de nouvelles découvertes favorables. Mais devons-nous considérer l’aveni
388 favorables. Mais devons-nous considérer l’avenir de cette culture qui a fait l’Europe — qui est l’Europe — avec les yeux
389 timistes qui voient surtout la diffusion mondiale de notre civilisation européenne et ses sensationnelles conquêtes techni
390 ationnelles conquêtes techniques, seules capables de nourrir demain une humanité en si rapide croissance ? Faut-il être pe
391 pessimiste ou optimiste ? Bernanos avait coutume de dire à ses amis : « Les pessimistes sont des imbéciles malheureux ; l
392 seule civilisation qui mérite réellement le titre de civilisation mondiale. N’a-t-elle pas répandu sur la planète entière
393 u sur la planète entière ses machines, ses formes de gouvernement, son hygiène — d’où le pullulement des masses asiatiques
394 chines, ses formes de gouvernement, son hygiène — d’ où le pullulement des masses asiatiques — et même ses délires, comme l
395 e supérieure à la culture occidentale, et capable de la remplacer un jour ou l’autre. Il n’y a pas de candidat sérieux pou
396 de la remplacer un jour ou l’autre. Il n’y a pas de candidat sérieux pour nous évincer de notre rôle universel. Le commun
397 l n’y a pas de candidat sérieux pour nous évincer de notre rôle universel. Le communisme lui-même ne peut apporter à l’Asi
398 porter à l’Asie qu’une caricature très simplifiée de l’Occident, dont il est lui-même issu. En revanche, je vois très bie
399 urnies, et qu’ainsi nous courons l’immense danger de perdre notre indépendance, nation après nation, ce qui entraînerait l
400 e qui entraînerait la désagrégation du foyer même de la civilisation actuelle, c’est-à-dire de l’Europe — l’Europe étant l
401 er même de la civilisation actuelle, c’est-à-dire de l’Europe — l’Europe étant le lieu du monde où sont conservés, cultivé
402 t renouvelés les grands secrets humains et divins de la personne, de ses pouvoirs créateurs et de ses libertés. Rien n’est
403 grands secrets humains et divins de la personne, de ses pouvoirs créateurs et de ses libertés. Rien n’est fatal. Les deux
404 vins de la personne, de ses pouvoirs créateurs et de ses libertés. Rien n’est fatal. Les deux éventualités sont possibles 
405 tal. Les deux éventualités sont possibles : celle d’ une nouvelle royauté pacifique de l’Europe sur toute la planète, si no
406 ossibles : celle d’une nouvelle royauté pacifique de l’Europe sur toute la planète, si nous savons à temps nous unir, et c
407 anète, si nous savons à temps nous unir, et celle d’ un asservissement de l’Europe, si elle reste divisée devant les menace
408 s à temps nous unir, et celle d’un asservissement de l’Europe, si elle reste divisée devant les menaces mondiales. Je ne p
409 conclure ces réflexions qu’en revenant à ma thèse de départ : l’Europe, c’est ce qu’il nous faut unir. Nous avons beaucoup
410 trait qu’à la faire dans le concret. Cessons donc de demander ce qu’elle est, comme si nous n’étions pas personnellement i
411 ns l’affaire. Prenons en main notre sort, le sort de l’Europe, qui est aussi celui de nos enfants, et à l’éternelle questi
412 re sort, le sort de l’Europe, qui est aussi celui de nos enfants, et à l’éternelle question « Qu’est-ce que l’Europe ? »,
3 1958, Définition, valeurs, énergie, recherche : quatre essais européens (1958). … Et dona ferentes (Remarques sur la diffusion inégale de nos valeurs et de nos produits)
413 dona ferentes (Remarques sur la diffusion inégale de nos valeurs et de nos produits) L’Asie sourde à nos mélodies L
414 arques sur la diffusion inégale de nos valeurs et de nos produits) L’Asie sourde à nos mélodies L’énoncé des plus h
415 lus hautes valeurs européennes tient dans l’œuvre de Bach et dans celle de Mozart. La Messe en ut mineur réduit à peu de c
416 opéennes tient dans l’œuvre de Bach et dans celle de Mozart. La Messe en ut mineur réduit à peu de chose toute tentative v
417 plus haut, peut-être ; mais qui serait en mesure d’ exiger davantage ou de proposer mieux dans le monde d’aujourd’hui ? Ce
418 ; mais qui serait en mesure d’exiger davantage ou de proposer mieux dans le monde d’aujourd’hui ? Certes, l’Europe réelle
419 iger davantage ou de proposer mieux dans le monde d’ aujourd’hui ? Certes, l’Europe réelle est loin de tels sommets, mais c
420 de même ses sommets. Elle n’est pas souvent digne de ces œuvres, mais c’est elle qui les a créées. Nous l’oublions souvent
421 pas nos grandeurs. Car la musique est le sublime de l’Occident, mais pour l’oreille d’un Oriental, c’est un bruit vague,
422 est le sublime de l’Occident, mais pour l’oreille d’ un Oriental, c’est un bruit vague, une espèce de rumeur insensée… Il f
423 e d’un Oriental, c’est un bruit vague, une espèce de rumeur insensée… Il fallait bien rappeler ici qu’une réflexion sur no
424 uation dominée par le malentendu et toute chargée de tragédies latentes. En voici la formule la plus simple, je crois : la
425 a formule la plus simple, je crois : la diffusion de nos valeurs n’est pas co-extensive à celle de nos produits et n’en es
426 ion de nos valeurs n’est pas co-extensive à celle de nos produits et n’en est pas non plus contemporaine ; elle reste loin
427 le temps. Tel est le drame. Il intéresse l’avenir de tous les peuples de la Terre. Diffusion de la civilisation occiden
428 drame. Il intéresse l’avenir de tous les peuples de la Terre. Diffusion de la civilisation occidentale Si l’on cher
429 nir de tous les peuples de la Terre. Diffusion de la civilisation occidentale Si l’on cherche à se figurer l’aire de
430 ccidentale Si l’on cherche à se figurer l’aire de diffusion de la civilisation occidentale, on s’aperçoit qu’elle n’est
431 Si l’on cherche à se figurer l’aire de diffusion de la civilisation occidentale, on s’aperçoit qu’elle n’est pas loin de
432 ensemble des terres habitées, mais que la densité d’ occidentalisation varie d’une manière considérable selon les pays, et
433 es, mais que la densité d’occidentalisation varie d’ une manière considérable selon les pays, et à l’intérieur même de pres
434 onsidérable selon les pays, et à l’intérieur même de presque tous les pays. L’Europe latine, anglo-saxonne et germano-scan
435 germano-scandinave, conservatoire et laboratoire de toute l’Histoire, de toutes les valeurs et de tous les produits d’ord
436 conservatoire et laboratoire de toute l’Histoire, de toutes les valeurs et de tous les produits d’ordres divers qui ont ca
437 ire de toute l’Histoire, de toutes les valeurs et de tous les produits d’ordres divers qui ont caractérisé notre civilisat
438 re, de toutes les valeurs et de tous les produits d’ ordres divers qui ont caractérisé notre civilisation, des origines jus
439 et certains pays du Commonwealth forment une zone de diffusion occidentale parfois plus homogène, mais un peu moins dense,
440 des valeurs et des tensions. Le Sud-Est européen, de la Puszta hongroise à l’Asie Mineure turque, en passant par les Balka
441 i furent éliminées avec les anciennes classes, et de valeurs autochtones et populaires systématiquement refoulées. Reporté
442 efoulées. Reportées sur un planisphère, ces zones de diffusion pourraient être représentées par une petite tache d’un roug
443 pourraient être représentées par une petite tache d’ un rouge sombre sur l’Europe médiane, tandis que les Amériques et l’Au
444 tralie seraient en rouge vif, les franges sud-est de l’Europe en rose, et l’URSS en quadrillé rouge et blanc. Quant à l’As
445 Hong Kong1 et des décors industriels aux confins de la jungle ou en plein désert. Enfin la Chine vient d’adopter coup sur
446 a jungle ou en plein désert. Enfin la Chine vient d’ adopter coup sur coup une doctrine d’État venue d’Europe : le marxisme
447 Chine vient d’adopter coup sur coup une doctrine d’ État venue d’Europe : le marxisme ; la technique et les armes de l’Occ
448 d’adopter coup sur coup une doctrine d’État venue d’ Europe : le marxisme ; la technique et les armes de l’Occident ; l’alp
449 ’Europe : le marxisme ; la technique et les armes de l’Occident ; l’alphabet substitué aux idéogrammes ; et même le contrô
450 des naissances. Métamorphose moderne du cheval de Troie Ce tableau de la diffusion de notre civilisation résume tant
451 morphose moderne du cheval de Troie Ce tableau de la diffusion de notre civilisation résume tant d’aspects variés, d’ir
452 du cheval de Troie Ce tableau de la diffusion de notre civilisation résume tant d’aspects variés, d’irrégularités de t
453 de la diffusion de notre civilisation résume tant d’ aspects variés, d’irrégularités de transmission, d’influences tantôt v
454 notre civilisation résume tant d’aspects variés, d’ irrégularités de transmission, d’influences tantôt vagues et générales
455 ion résume tant d’aspects variés, d’irrégularités de transmission, d’influences tantôt vagues et générales et tantôt sélec
456 ’aspects variés, d’irrégularités de transmission, d’ influences tantôt vagues et générales et tantôt sélectives à l’excès,
457 signifier, en fin de compte, l’occidentalisation d’ un peuple, d’un État ou d’un individu. Ici, l’on se contente d’import
458 n fin de compte, l’occidentalisation d’un peuple, d’ un État ou d’un individu. Ici, l’on se contente d’importer nos machin
459 te, l’occidentalisation d’un peuple, d’un État ou d’ un individu. Ici, l’on se contente d’importer nos machines et nos arm
460 ’un État ou d’un individu. Ici, l’on se contente d’ importer nos machines et nos armements, là nos formes politiques, part
461 . Plus tard, telle nation neuve ou telle fraction de son intelligentsia décide d’adopter nos conceptions sécularistes de l
462 ve ou telle fraction de son intelligentsia décide d’ adopter nos conceptions sécularistes de l’existence, désacralisée, rat
463 sia décide d’adopter nos conceptions sécularistes de l’existence, désacralisée, rationalisée, scientiste et démocratique.
464 es et intellectuelles qui explique seul la genèse de ces « produits », qui définit ou qui limite leur mode d’emploi et don
465 « produits », qui définit ou qui limite leur mode d’ emploi et donne un sens à l’aventure occidentale, ce système de valeur
466 onne un sens à l’aventure occidentale, ce système de valeurs reste ignoré, refusé d’instinct par les masses ou expressémen
467 ntale, ce système de valeurs reste ignoré, refusé d’ instinct par les masses ou expressément combattu par leurs guides spir
468 Le décalage sans cesse croissant entre le rythme d’ expansion de nos produits et celui de nos valeurs régulatrices est en
469 sans cesse croissant entre le rythme d’expansion de nos produits et celui de nos valeurs régulatrices est en train de fom
470 re le rythme d’expansion de nos produits et celui de nos valeurs régulatrices est en train de fomenter dans le monde entie
471 iétantes, des malentendus pathétiques, une menace de chaos sans précédent. Un intellectuel indonésien me dit un jour : « V
472 oi n’y joignez-vous pas un petit livre expliquant d’ où viennent ces objets, pourquoi vous avez eu l’idée de les construire
473 viennent ces objets, pourquoi vous avez eu l’idée de les construire et comment ils expriment et transportent, en fait, tou
474 expriment et transportent, en fait, tout un monde de valeurs complètement étranger à nos croyances traditionnelles ? » Une
475 emme, qui est une Hollandaise, donnait des leçons de solfège aux enfants d’une école de Djakarta ; et quand ils eurent app
476 ndaise, donnait des leçons de solfège aux enfants d’ une école de Djakarta ; et quand ils eurent appris les notes de notre
477 ait des leçons de solfège aux enfants d’une école de Djakarta ; et quand ils eurent appris les notes de notre gamme, elle
478 e Djakarta ; et quand ils eurent appris les notes de notre gamme, elle leur dit : composez maintenant une chanson dans le
479 it : composez maintenant une chanson dans le goût de ce pays ; mais ils ne purent écrire que de petites mélodies qui ne ra
480 e goût de ce pays ; mais ils ne purent écrire que de petites mélodies qui ne rappelaient rien de leur musique indonésienne
481 e que de petites mélodies qui ne rappelaient rien de leur musique indonésienne et ne faisaient que réinventer les lieux co
482 et ne faisaient que réinventer les lieux communs de nos chansons européennes, qu’ils n’avaient jamais entendues. Ainsi, c
483 , chaque machine exportée est, en fait, un cheval de Troie. Nous avons évacué nos guerriers et retiré nos fonctionnaires,
484 ils commandent, aux sentiments, aux sources mêmes de l’invention et de la compréhension de la vie. Nos machines et nos rai
485 x sentiments, aux sources mêmes de l’invention et de la compréhension de la vie. Nos machines et nos raisonnements, nos fo
486 urces mêmes de l’invention et de la compréhension de la vie. Nos machines et nos raisonnements, nos formes d’art et de gou
487 ie. Nos machines et nos raisonnements, nos formes d’ art et de gouvernement transportent au loin des champs de force qui vo
488 achines et nos raisonnements, nos formes d’art et de gouvernement transportent au loin des champs de force qui vont agir a
489 t de gouvernement transportent au loin des champs de force qui vont agir anarchiquement, détruisant les bases mêmes d’équi
490 t agir anarchiquement, détruisant les bases mêmes d’ équilibres anciens, appelant et impliquant impérieusement d’autres ens
491 t et impliquant impérieusement d’autres ensembles de valeurs, mais ne pouvant les communiquer, les expliquer et les faire
492 xpliquer et les faire vivre, au sens le plus fort de ce terme. Les trois aspects de notre message Que répondre à ces
493 ns le plus fort de ce terme. Les trois aspects de notre message Que répondre à ces Orientaux, et bientôt à ces Afric
494 cains, qui nous demandent avec anxiété, non point de les laisser comme ils sont, dans leur « sagesse » intacte et leur fam
495 ans leur « sagesse » intacte et leur famine, mais de déclarer nos valeurs ? Ils nous obligent à nous interroger sur ce qui
496 s interroger sur ce qui va de soi dans nos façons de penser et nos conduites habituées ; à prendre conscience, devant eux,
497 tes habituées ; à prendre conscience, devant eux, de ce que nous croyons et voulons ; à réviser sous leur regard méfiant l
498 à réviser sous leur regard méfiant les illusions de notre « universalisme » — ou à découvrir ses vraies bases. Classons d
499 s. Classons d’abord les éléments caractéristiques de la civilisation occidentale en trois ordres : produits, principes de
500 occidentale en trois ordres : produits, principes de vie publique et valeurs. Produits : les machines, la technique, l’in
501 e, l’industrie, le confort matériel, les procédés de construction et d’alimentation, l’hygiène ; les sociétés, les capitau
502 confort matériel, les procédés de construction et d’ alimentation, l’hygiène ; les sociétés, les capitaux et leur mode d’em
503 hygiène ; les sociétés, les capitaux et leur mode d’ emploi ; la commune et les syndicats ; le suffrage universel, les parl
504 on publique obligatoire et la presse ; les œuvres d’ art. Principes de vie publique : la séparation du temporel et du spir
505 toire et la presse ; les œuvres d’art. Principes de vie publique : la séparation du temporel et du spirituel ; la séparat
506 ; la séparation des pouvoirs et la réglementation de leurs rapports ; l’égalité devant la loi, la liberté de l’individu ou
507 rs rapports ; l’égalité devant la loi, la liberté de l’individu ou du groupe garantie par la justice (habeas corpus et dro
508 e garantie par la justice (habeas corpus et droit d’ association) ; le droit à l’opposition (majorité possible de demain),
509 ion) ; le droit à l’opposition (majorité possible de demain), le droit de libre expression, le droit au travail et à la sé
510 pposition (majorité possible de demain), le droit de libre expression, le droit au travail et à la sécurité sociale ou pri
511 aites, etc.), la souveraineté nationale et l’idée d’ une loi internationale. Valeurs : la personne humaine considérée comm
512 humaine considérée comme inviolable ; le respect de la vérité objective, condition du progrès de la recherche autant que
513 pect de la vérité objective, condition du progrès de la recherche autant que de la liberté ; l’interdépendance étroite de
514 , condition du progrès de la recherche autant que de la liberté ; l’interdépendance étroite de la liberté et de la justice
515 ant que de la liberté ; l’interdépendance étroite de la liberté et de la justice, le but de la justice étant de protéger l
516 erté ; l’interdépendance étroite de la liberté et de la justice, le but de la justice étant de protéger les libertés et la
517 ce étroite de la liberté et de la justice, le but de la justice étant de protéger les libertés et la garantie interne des
518 erté et de la justice, le but de la justice étant de protéger les libertés et la garantie interne des libertés consistant
519 ntie interne des libertés consistant dans le sens de la responsabilité de chacun envers tous, ou solidarité ; l’unité, non
520 rtés consistant dans le sens de la responsabilité de chacun envers tous, ou solidarité ; l’unité, non exclusive de la dive
521 vers tous, ou solidarité ; l’unité, non exclusive de la diversité (ainsi les voix distinctes s’accordent dans nos chœurs) 
522 s’accordent dans nos chœurs) ; la reconnaissance de la réalité de la matière et du corps ; la croyance à la raison et à l
523 ans nos chœurs) ; la reconnaissance de la réalité de la matière et du corps ; la croyance à la raison et à la rationalité
524 alité du cosmos ; la foi au transcendant, l’amour de Dieu et du prochain. On voit sans peine que nos produits sont les plu
525 s à exporter et les plus rapidement acceptés hors d’ Europe ; que nos principes de vie publique sont officiellement invoqué
526 dement acceptés hors d’Europe ; que nos principes de vie publique sont officiellement invoqués, mais surtout contre nous,
527 plus souvent totalement ignorées. Il importe donc de montrer comment ces produits et principes procèdent en réalité de nos
528 nt ces produits et principes procèdent en réalité de nos valeurs, et ne trouvent que dans le contexte de ces valeurs ou po
529 nos valeurs, et ne trouvent que dans le contexte de ces valeurs ou pour mieux dire : dans le champ magnétique qu’elles dé
530 asse généralement pour le produit le plus typique de l’Occident. D’où provient-elle ? De la technique évidemment. Mais com
531 nt pour le produit le plus typique de l’Occident. D’ où provient-elle ? De la technique évidemment. Mais comment expliquer
532 plus typique de l’Occident. D’où provient-elle ? De la technique évidemment. Mais comment expliquer que l’Europe ait seul
533 en Europe, une conjonction sans précédent : celle de la science, s’établissant enfin sur les bases autonomes du calcul et
534 issant enfin sur les bases autonomes du calcul et de l’expérimentation ; de la philanthropie illuministe, héritière des rê
535 ses autonomes du calcul et de l’expérimentation ; de la philanthropie illuministe, héritière des rêves alchimiques ; et de
536 illuministe, héritière des rêves alchimiques ; et de la raison profane, égalitaire, balayant les coutumes sacrées et les e
537 outumes sacrées et les entraves ancestrales. Mais d’ où venaient cette science et cette raison hardie rénovant les institut
538 nt les institutions, et cette ambition singulière de transformer le monde matériel ? Si l’on remonte à leurs origines, on
539 rèce et le christianisme, c’est-à-dire le respect de la vérité objective, la dialectique et la libre critique d’une part,
540 ritique d’une part, et d’autre part la conviction de la réalité de la matière et la croyance profonde que le cosmos, créé
541 part, et d’autre part la conviction de la réalité de la matière et la croyance profonde que le cosmos, créé par Dieu, n’es
542 ices des divinités monstrueuses. Il vaut la peine d’ en scruter les lois. Et l’univers attend de l’homme d’être compris, ré
543 peine d’en scruter les lois. Et l’univers attend de l’homme d’être compris, révélé, voire sauvé : « Car la création tout
544 scruter les lois. Et l’univers attend de l’homme d’ être compris, révélé, voire sauvé : « Car la création tout entière att
545 ns une attente ardente, la révélation des enfants de Dieu. » (Rom. 8-19) Quant à nos principes de vie publique, ils s’insp
546 ants de Dieu. » (Rom. 8-19) Quant à nos principes de vie publique, ils s’inspirèrent tous, d’une manière plus ou moins dir
547 rincipes de vie publique, ils s’inspirèrent tous, d’ une manière plus ou moins directe ou correcte, de deux valeurs fondame
548 d’une manière plus ou moins directe ou correcte, de deux valeurs fondamentales élaborées aux origines mêmes de l’Europe ;
549 aleurs fondamentales élaborées aux origines mêmes de l’Europe ; la notion grecque d’individu et la notion chrétienne de pe
550 ux origines mêmes de l’Europe ; la notion grecque d’ individu et la notion chrétienne de personne. La première remonte aux
551 notion grecque d’individu et la notion chrétienne de personne. La première remonte aux philosophes présocratiques, mais c’
552 se lia par la suite indissolublement à la notion de vocation personnelle. C’est de la conjonction séculaire de ces valeur
553 lement à la notion de vocation personnelle. C’est de la conjonction séculaire de ces valeurs grecques et chrétiennes que p
554 on personnelle. C’est de la conjonction séculaire de ces valeurs grecques et chrétiennes que procède l’idée de liberté dan
555 aleurs grecques et chrétiennes que procède l’idée de liberté dans ses différentes acceptions, ces dernières permettant de
556 différentes acceptions, ces dernières permettant de rendre compte des tendances plus ou moins égalitaires ou aristocratiq
557 ues, plus ou moins anarchisantes ou socialisantes de nos institutions. Tels étant les liens innombrables qui unissent les
558 mbrables qui unissent les attitudes fondamentales de la psyché européenne et les principes ou les produits qui manifestent
559 son activité, il apparaît clairement que l’usage de ces produits et le recours à ces principes ne peuvent aller sans impl
560 ncipes ne peuvent aller sans impliquer le système de valeurs dont ils procèdent. User des uns ou invoquer les autres hors
561 ou invoquer les autres hors du contexte spirituel de l’Occident, entraîne des conséquences incalculables et généralement c
562 alculables et généralement chaotiques. Le contact de la civilisation occidentale et des coutumes arabes en Algérie nous en
563 e un exemple tragique. Il ne s’agit nullement ici de politique, et ce n’est qu’en vertu d’un accident de l’Histoire que la
564 politique, et ce n’est qu’en vertu d’un accident de l’Histoire que la France paraît seule en cause dans cette affaire. Ca
565 s. On voit que l’alternative est utopique, chacun de ses termes l’étant. Il nous reste à trouver des formules d’équilibre
566 mes l’étant. Il nous reste à trouver des formules d’ équilibre ou de compromis tolérables entre ces extrêmes idéaux. C’est
567 nous reste à trouver des formules d’équilibre ou de compromis tolérables entre ces extrêmes idéaux. C’est la tâche la plu
568 xtrêmes idéaux. C’est la tâche la plus importante de la seconde moitié du xxe siècle. Et c’est sans doute la première foi
569 Naples est la seule ville orientale qui n’ait pas de quartier européen ».
4 1958, Définition, valeurs, énergie, recherche : quatre essais européens (1958). L’Europe de l’énergie
570 L’Europe de l’énergie Devant cet auditoire de techniciens, producteurs et distr
571 L’Europe de l’énergie Devant cet auditoire de techniciens, producteurs et distributeurs d’énergie, si je me risque
572 oire de techniciens, producteurs et distributeurs d’ énergie, si je me risque à prendre la parole, ce matin, ce ne peut êtr
573 arole, ce matin, ce ne peut être qu’au seul titre de technicien de la culture générale, producteur et distributeur d’idées
574 n, ce ne peut être qu’au seul titre de technicien de la culture générale, producteur et distributeur d’idées. Pour qu’une
575 e la culture générale, producteur et distributeur d’ idées. Pour qu’une rencontre de ce genre ne soit pas vaine ou ennuyeus
576 ur et distributeur d’idées. Pour qu’une rencontre de ce genre ne soit pas vaine ou ennuyeuse, il faut, et il suffit peut-ê
577 qui écoutent. Je ne saurais donc mieux faire que de vous entretenir des sujets et des intérêts que j’imagine être communs
578 ons entre la culture générale et la science, mère de la technique ; puis, d’une manière plus précise, les relations entre
579 érale et la science, mère de la technique ; puis, d’ une manière plus précise, les relations entre l’énergie et notre socié
580 occidentale. Je placerai tout cela sous le signe de l’Europe, patrie sentimentale et spirituelle — sinon native — de la p
581 trie sentimentale et spirituelle — sinon native — de la plupart d’entre vous ; patrie surtout de cette culture particulièr
582 ive — de la plupart d’entre vous ; patrie surtout de cette culture particulière qui devait inventer ou découvrir toutes le
583 inventer ou découvrir toutes les formes modernes de l’énergie, de la vapeur à l’utilisation du rayonnement solaire, en pa
584 écouvrir toutes les formes modernes de l’énergie, de la vapeur à l’utilisation du rayonnement solaire, en passant par le p
585 soit produite par le charbon ou l’eau, la fission de l’atome ou sa fusion. La technique et les valeurs spirituelles J
586 valeurs spirituelles J’essaierai tout d’abord de vous décrire les rapports généraux qui unissent en Europe la culture
587 chnique, dont l’une des fonctions principales est de produire et de distribuer l’énergie. Je ne vous apprendrais rien en r
588 ’une des fonctions principales est de produire et de distribuer l’énergie. Je ne vous apprendrais rien en rappelant que la
589 en en rappelant que la technique est une création de l’Occident, et plus spécialement de l’Europe. Mais je vous surprendra
590 une création de l’Occident, et plus spécialement de l’Europe. Mais je vous surprendrais peut-être si je vous demandais à
591 s, les Asiatiques en général n’aient rien produit de tel au cours de leur histoire, en dépit du très haut niveau intellect
592 uropéen à chercher, et donc à trouver, les moyens de puissance matérielle qui caractérisent l’Occident, cet Occident dont
593 out cas peut le redevenir. Nous ne trouverons pas de réponse bien convaincante dans les données physiques de notre contine
594 onse bien convaincante dans les données physiques de notre continent, c’est-à-dire dans ce qui nous lie au sol, au climat,
595 isation européenne se caractérise par son pouvoir d’ universalité, ou pour le dire en termes plus concrets : par sa facilit
596 a facilité à exporter ses produits et les secrets de sa puissance vers d’autres continents et d’autres peuples. Si notre t
597 et d’autres peuples. Si notre technique dépendait de nos conditions physiques ou ethniques, comment expliquerait-on que, s
598 s faut donc chercher beaucoup plus haut l’origine de cette technique occidentale. Il nous faut aller la chercher dans quel
599 ns une certaine attitude spirituelle, religieuse, de l’esprit humain. Je m’explique. Un grand fait fondamental distingue l
600 e. Un grand fait fondamental distingue l’Occident de l’Orient. L’un croit à la matière, l’autre ne croit qu’à l’âme. Le sy
601 matière, l’autre ne croit qu’à l’âme. Le symbole de cette différence est dans le dogme de l’Incarnation. En effet, lorsqu
602 Le symbole de cette différence est dans le dogme de l’Incarnation. En effet, lorsqu’ils ont proclamé le dogme de l’Incarn
603 ation. En effet, lorsqu’ils ont proclamé le dogme de l’Incarnation, c’est-à-dire Dieu lui-même se manifestant à nous dans
604 Dieu lui-même se manifestant à nous dans un corps d’ homme, les grands conciles des premiers siècles de notre ère se trouve
605 d’homme, les grands conciles des premiers siècles de notre ère se trouvent avoir reconnu, du même coup, que le corps humai
606 comme le pensait l’Orient, ne sont pas le « Voile de Maya » comme l’enseignaient les religions bouddhistes et les écoles i
607 nt les religions bouddhistes et les écoles issues de l’hindouisme. Or, prenez-y bien garde : dès le moment où la réalité d
608 n garde : dès le moment où la réalité du corps et de la matière est affirmée — mais pas avant ! — la science, nos sciences
609 ppelons science l’étude des lois du corps humain, de la matière et du cosmos. Les sciences physiques et naturelles n’avaie
610 iences physiques et naturelles n’avaient pas lieu de se développer dans la perspective religieuse des Orientaux : en effet
611 fet, pourquoi perdre son temps à étudier les lois de ce qui n’est qu’illusion ? L’Orient s’est donc voué à l’étude de l’âm
612 qu’illusion ? L’Orient s’est donc voué à l’étude de l’âme et des pouvoirs sur l’âme — et il a trouvé ce qu’il cherchait d
613 il a trouvé ce qu’il cherchait dans ses recettes de sagesse, dans le yoga ; tandis que l’Europe christianisée allait se t
614 rope christianisée allait se tourner vers l’étude d’ une création voulue par Dieu et elle a trouvé, elle aussi, une tout au
615 e, au sens le plus vaste, l’ensemble des pouvoirs de l’homme sur le cosmos. Ajoutons que la Grèce antique fournissait à l’
616 que fournissait à l’Europe naissante les méthodes de pensée nécessaires au développement de cette étude. La tradition des
617 s méthodes de pensée nécessaires au développement de cette étude. La tradition des grands philosophes grecs nous léguait e
618 cs nous léguait en effet les principes directeurs de toute recherche scientifique : d’une part le respect absolu de la vér
619 erche scientifique : d’une part le respect absolu de la vérité objective, mesurable — et d’autre part l’esprit critique, l
620 e — et d’autre part l’esprit critique, la volonté de remettre en question toutes les vérités établies, sans laquelle il n’
621 es vérités établies, sans laquelle il n’est point de recherche féconde, ni d’invention, ni de progrès. Je ne vous retracer
622 laquelle il n’est point de recherche féconde, ni d’ invention, ni de progrès. Je ne vous retracerai pas l’histoire de notr
623 st point de recherche féconde, ni d’invention, ni de progrès. Je ne vous retracerai pas l’histoire de notre science, du Mo
624 de progrès. Je ne vous retracerai pas l’histoire de notre science, du Moyen Âge scolastique à la Renaissance, siècles où
625 ment la difficile synthèse gréco-chrétienne, puis de la philosophie rationnelle d’un Descartes et des spéculations mystiqu
626 co-chrétienne, puis de la philosophie rationnelle d’ un Descartes et des spéculations mystiques de l’alchimie jusqu’aux déb
627 elle d’un Descartes et des spéculations mystiques de l’alchimie jusqu’aux débuts de la technique moderne, c’est-à-dire de
628 ulations mystiques de l’alchimie jusqu’aux débuts de la technique moderne, c’est-à-dire de la science appliquée, qui n’app
629 ’aux débuts de la technique moderne, c’est-à-dire de la science appliquée, qui n’apparaît qu’au crépuscule du xviiie sièc
630 les institutions démocratiques. Qu’il me suffise de résumer cette longue évolution dans une seule phrase : c’est de notre
631 te longue évolution dans une seule phrase : c’est de notre culture entière, théologique, philosophique et politique, que s
632 nces, et la technique moderne. Mais, bien que née de la culture, la technique ne risque-t-elle pas de se retourner désorma
633 de la culture, la technique ne risque-t-elle pas de se retourner désormais contre l’homme et contre l’esprit ? Dans la pr
634 sté à ce qu’on l’on nomme souvent l’envahissement de notre vie par la machine. Et tous nos grands penseurs européens, suiv
635 ands penseurs européens, suivis à quelques années de distance par les vulgarisateurs, les journalistes et l’opinion de nos
636 les vulgarisateurs, les journalistes et l’opinion de nos élites, se sont mis à se lamenter sur le matérialisme occidental,
637 valeurs spirituelles, et sur la mise en esclavage de l’homme par les machines, bientôt par les robots et les cerveaux élec
638 s cerveaux électroniques. Que faut-il donc penser de cette longue plainte qui fut mise à la mode par Bergson il y a cinqua
639 t mise à la mode par Bergson il y a cinquante ans de cela, et de ce pessimisme général, que l’invention de la bombe A, pui
640 mode par Bergson il y a cinquante ans de cela, et de ce pessimisme général, que l’invention de la bombe A, puis de la bomb
641 ela, et de ce pessimisme général, que l’invention de la bombe A, puis de la bombe H, risquent de transformer en panique pl
642 isme général, que l’invention de la bombe A, puis de la bombe H, risquent de transformer en panique planétaire ? Je vous d
643 ntion de la bombe A, puis de la bombe H, risquent de transformer en panique planétaire ? Je vous dirai tout de suite que j
644 artage nullement ce pessimisme, et que les motifs de craindre la technique me paraissent déjà dépassés par l’évolution mêm
645 me paraissent déjà dépassés par l’évolution même… de la technique. Les machines envahissent nos vies ? Si seulement, car e
646 trée dans ma cour, spontanément, dans l’intention de m’envahir ! Et pas même une machine à laver ! Et que de mal n’ai-je p
647 nvahir ! Et pas même une machine à laver ! Et que de mal n’ai-je pas eu, au contraire, dans les maisons que j’habitais à l
648 ne feront rien sans lui. J’écrivais au lendemain d’ Hiroshima : La Bombe n’est pas dangereuse du tout. C’est un objet. Ce
649 la Bombe et se prépare à l’employer. Le contrôle de la Bombe est une absurdité. On nomme des Comités pour la retenir ! C’
650 des Comités pour la retenir ! C’est comme si tout d’ un coup on se jetait sur une chaise pour l’empêcher d’aller casser les
651 coup on se jetait sur une chaise pour l’empêcher d’ aller casser les vases de Chine. Si on laisse la Bombe tranquille, ell
652 e chaise pour l’empêcher d’aller casser les vases de Chine. Si on laisse la Bombe tranquille, elle ne fera rien, c’est cla
653 te dans sa caisse. Qu’on ne nous raconte donc pas d’ histoires. Ce qu’il nous faut, c’est un contrôle de l’homme. Observez
654 ’histoires. Ce qu’il nous faut, c’est un contrôle de l’homme. Observez au surplus qu’il n’est pas d’invention, si simple
655 de l’homme. Observez au surplus qu’il n’est pas d’ invention, si simple et si utilitaire soit-elle, qui ne puisse être mi
656 sse être mise au service des passions meurtrières de l’homme : le couteau de cuisine, perfectionné ou non, a sûrement fait
657 des passions meurtrières de l’homme : le couteau de cuisine, perfectionné ou non, a sûrement fait plus de victimes dans n
658 uisine, perfectionné ou non, a sûrement fait plus de victimes dans notre histoire que les bombes atomiques larguées sur le
659 Prenons un autre exemple, moins tragique, et tiré de notre vie quotidienne : l’esclavage du téléphone est un des clichés d
660 nne : l’esclavage du téléphone est un des clichés de l’époque. Mais le téléphone, simple appareil, n’a jamais rien fait pa
661 toujours quelqu’un qui vous appelle par le moyen de ce porte-voix. Si vous courez répondre, agacé par le bruit, c’est que
662 Vous n’êtes donc pas esclaves du téléphone, mais de votre seule curiosité. Qu’il s’agisse de la bombe effrayante, ou du t
663 ne, mais de votre seule curiosité. Qu’il s’agisse de la bombe effrayante, ou du téléphone agaçant, vous voyez que ce sont
664 machine domine l’homme n’est donc qu’une manière de parler, non seulement excessive mais erronée, et qui entretient une i
665 ar contre ne fut pas une illusion, ni une manière de parler, ce qui fut même une douloureuse tragédie depuis plus d’un siè
666 qui fut même une douloureuse tragédie depuis plus d’ un siècle et demi, pour une partie de nos populations occidentales, ce
667 depuis plus d’un siècle et demi, pour une partie de nos populations occidentales, ce fut le sort du travailleur industrie
668 ntales, ce fut le sort du travailleur industriel, de cet immense prolétariat, créé par l’expansion subite du machinisme dè
669 r, mais d’autres hommes conduits par leur passion de produire toujours plus pour s’enrichir, sans tenir compte du facteur
670 ’enrichir, sans tenir compte du facteur humain et de la dignité de la personne humaine, dans leurs plans de rendement à to
671 s tenir compte du facteur humain et de la dignité de la personne humaine, dans leurs plans de rendement à tout prix. C’est
672 dignité de la personne humaine, dans leurs plans de rendement à tout prix. C’est alors que Karl Marx peut décrire le prol
673 rolétaire industriel comme « le complément vivant d’ un mécanisme mort ». C’est alors, véritablement, qu’on peut parler de
674  ». C’est alors, véritablement, qu’on peut parler de l’homme esclave de la machine. Mais déjà nous voyons s’approcher la f
675 ritablement, qu’on peut parler de l’homme esclave de la machine. Mais déjà nous voyons s’approcher la fin de cette ère pri
676 machine. Mais déjà nous voyons s’approcher la fin de cette ère primitive, inhumaine et cruelle, de la technique occidental
677 fin de cette ère primitive, inhumaine et cruelle, de la technique occidentale. Chose étrange et bien remarquable, ce ne so
678 marquable, ce ne sont pas les justes indignations d’ un Marx, ou l’action politique des partis socialistes, et c’est encore
679 des communistes, qui ont créé les moyens concrets de libérer le prolétariat, mais c’est la technique elle-même ! Ce n’est
680 elle-même ! Ce n’est pas en freinant les progrès de la technique, mais au contraire en les accélérant, que nous sommes pa
681 les accélérant, que nous sommes parvenus au seuil d’ une ère nouvelle, cette ère qui doit et peut, progressivement, nous pe
682 rogressivement, nous permettre non plus seulement d’ améliorer la condition prolétarienne, mais de la supprimer, à la limit
683 ment d’améliorer la condition prolétarienne, mais de la supprimer, à la limite. Je veux parler, vous l’avez deviné, des pr
684 Je veux parler, vous l’avez deviné, des promesses de l’automation. L’utopie de « l’usine sans ouvriers » commence à se réa
685 z deviné, des promesses de l’automation. L’utopie de « l’usine sans ouvriers » commence à se réaliser en Occident. Et l’on
686 st poussé jusqu’au bout, et qu’il n’a plus besoin d’ être servi, mais seulement surveillé par l’homme. L’exemple de l’autom
687 , mais seulement surveillé par l’homme. L’exemple de l’automation n’est qu’un symbole : il illustre à peu près idéalement
688 t doit produire cette technique que l’on accusait de nous asservir. On nous disait que la technique tend à séparer l’homme
689 us disait que la technique tend à séparer l’homme de la nature, et je vois au contraire que c’est elle qui a rendu les cam
690 arpiller au loin dans la nature, grâce aux moyens de transport bon marché multipliés par la technique. Le goût de s’étaler
691 t bon marché multipliés par la technique. Le goût de s’étaler au soleil sur les plages est contemporain de l’auto. Mais i
692 ’étaler au soleil sur les plages est contemporain de l’auto. Mais il y a plus. Le principal produit de la technique moder
693 e l’auto. Mais il y a plus. Le principal produit de la technique moderne et de l’automatisation de l’industrie, en fin de
694 . Le principal produit de la technique moderne et de l’automatisation de l’industrie, en fin de compte, c’est le loisir !
695 it de la technique moderne et de l’automatisation de l’industrie, en fin de compte, c’est le loisir ! La réduction du temp
696 e compte, c’est le loisir ! La réduction du temps de travail moyen à l’usine ou au bureau, obtenue depuis trois quarts de
697 l’usine ou au bureau, obtenue depuis trois quarts de siècle, est d’environ deux-mille heures par an aux États-Unis. Ce chi
698 ureau, obtenue depuis trois quarts de siècle, est d’ environ deux-mille heures par an aux États-Unis. Ce chiffre se verra f
699 rtiellement libérée du travail mécanique, pourvue de loisirs tout nouveaux, et privée du même coup du droit de se plaindre
700 rs tout nouveaux, et privée du même coup du droit de se plaindre qu’elle n’a pas le temps de se cultiver ! Bien sûr, nous
701 du droit de se plaindre qu’elle n’a pas le temps de se cultiver ! Bien sûr, nous ne confondrons pas le simple loisir et l
702 s disques, ni même à se préparer pour quelque jeu de « Quitte ou double » à la télévision. La culture consiste d’abord à é
703 consiste d’abord à écrire des livres, à composer de la musique, à méditer, à inventer et à créer. C’est un travail, c’est
704 e si le temps libre est augmenté, la consommation de la culture augmentera elle aussi, et que par suite, les conditions du
705 i, et que par suite, les conditions du producteur de la culture seront sensiblement améliorées. Donc, tout ce que la techn
706 améliorées. Donc, tout ce que la technique permet de gagner sur le temps de travail mécanique et routinier sera gagné pour
707 ce que la technique permet de gagner sur le temps de travail mécanique et routinier sera gagné pour la culture, ou pourra
708 en résultera que la culture deviendra le sérieux de la vie 2. Je résume cette première partie de mon propos : la culture
709 ieux de la vie 2. Je résume cette première partie de mon propos : la culture de l’Europe a produit la technique ; on a pu
710 cette première partie de mon propos : la culture de l’Europe a produit la technique ; on a pu craindre alors que cette te
711 croissante. Cependant, un danger subsiste. L’ère de l’automation et de l’électronique exige la formation scientifique trè
712 ant, un danger subsiste. L’ère de l’automation et de l’électronique exige la formation scientifique très poussée non seule
713 formation scientifique très poussée non seulement d’ une petite élite, mais d’une masse importante de techniciens. Deux exe
714 ès poussée non seulement d’une petite élite, mais d’ une masse importante de techniciens. Deux exemples me suffiront : la F
715 t d’une petite élite, mais d’une masse importante de techniciens. Deux exemples me suffiront : la France déclare qu’elle m
716 la France déclare qu’elle manque dès aujourd’hui d’ environ cinquante mille ingénieurs et techniciens. Quant à l’URSS, vou
717 Cette formation obligatoire absorbe 67 % du temps d’ étude, et ne laisse à peu près aucune place à la culture générale, réd
718 ne place à la culture générale, réduite aux cours de marxisme-léninisme. Mais le fait est que les Russes ont lancé les Spu
719 rique, on réclame à grands cris l’intensification de la formation de techniciens, aux dépens de la culture générale. Le da
720 e à grands cris l’intensification de la formation de techniciens, aux dépens de la culture générale. Le danger qui apparaî
721 générale. Le danger qui apparaît ici, c’est celui de stériliser les sources vives de l’invention technique, qui tient, com
722 ici, c’est celui de stériliser les sources vives de l’invention technique, qui tient, comme j’ai tenté de vous le montrer
723 ’invention technique, qui tient, comme j’ai tenté de vous le montrer, à l’ensemble de notre culture. Gardons-nous de scier
724 comme j’ai tenté de vous le montrer, à l’ensemble de notre culture. Gardons-nous de scier la branche sur laquelle est assi
725 trer, à l’ensemble de notre culture. Gardons-nous de scier la branche sur laquelle est assise notre puissance technique ;
726 omme culture générale. Les plus grands inventeurs de tous les temps n’ont pas été des techniciens au sens étroit, mais des
727 Charles Cros. Tels sont les successeurs modernes d’ un Archimède dans son bain et d’un Léonard de Vinci, qu’on imagine trè
728 cesseurs modernes d’un Archimède dans son bain et d’ un Léonard de Vinci, qu’on imagine très mal sortant d’écoles technique
729 Léonard de Vinci, qu’on imagine très mal sortant d’ écoles techniques politiquement disciplinées, ou même d’écoles où ils
730 es techniques politiquement disciplinées, ou même d’ écoles où ils n’auraient reçu qu’une instruction purement technique. L
731 ère nouvelle exigera, c’est entendu, des dizaines de milliers d’ingénieurs, mais si l’on subordonne tout notre enseignemen
732 exigera, c’est entendu, des dizaines de milliers d’ ingénieurs, mais si l’on subordonne tout notre enseignement à leur seu
733 en résultera 1° que nous aurons sans doute moins de grands inventeurs et 2° que c’est alors que nous courrons le risque d
734 et 2° que c’est alors que nous courrons le risque d’ être spirituellement soumis à nos machines, étant dressés d’avance à l
735 rituellement soumis à nos machines, étant dressés d’ avance à les servir, au lieu d’être éduqués pour vivre mieux en dispos
736 lieu d’être éduqués pour vivre mieux en disposant de leurs services. Énergie, Europe et culture J’essaierai maintena
737 rgie, Europe et culture J’essaierai maintenant d’ évoquer les grands prolongements culturels d’une branche bien définie
738 nant d’évoquer les grands prolongements culturels d’ une branche bien définie de la technique, à propos d’un exemple qui vo
739 rolongements culturels d’une branche bien définie de la technique, à propos d’un exemple qui vous touche de près : l’énerg
740 technique, à propos d’un exemple qui vous touche de près : l’énergie. Qu’est-ce que l’énergie ? Vous la produisez, vous l
741 nel qui m’a beaucoup frappé. Je faisais mon école d’ officier dans l’armée suisse. Un jour, dans notre classe de « théorie 
742 r dans l’armée suisse. Un jour, dans notre classe de « théorie », le colonel entre à grands pas, nous prenons le garde-à-v
743 que l’énergie ? » Plusieurs d’entre nous essaient de répondre : c’est plutôt vague, c’est maladroit, ce n’est rien qui vai
744 t rien qui vaille. Alors le colonel nous arrêtant d’ un geste sec déclare : « Je vais vous le dire. L’énergie, c’est quelqu
745 rgie, c’est quelque chose qui sommeille en chacun de vous, et qu’il s’agit de réveiller. » Puis il sortit, et nous sûmes a
746 qui sommeille en chacun de vous, et qu’il s’agit de réveiller. » Puis il sortit, et nous sûmes aussitôt ce qui nous atten
747 t ce qui nous attendait le lendemain : une marche de 80 kilomètres. Ce colonel avait raison. L’énergie est quelque chose q
748 éveiller, ouvrant à la technique les possibilités de la capter, puis de la mettre en œuvre, et enfin de la distribuer. L’é
749 la technique les possibilités de la capter, puis de la mettre en œuvre, et enfin de la distribuer. L’énergie est partout.
750 e la capter, puis de la mettre en œuvre, et enfin de la distribuer. L’énergie est partout. Elle attend l’homme qui la réve
751 soupçonner son existence, sans avoir la curiosité de la réveiller pour voir — ou pour la mettre à leur service. Ainsi l’hu
752 dant des millénaires, des dizaines, des centaines de millénaires… Jusqu’au jour où les habitants d’un médiocre cap de l’As
753 es de millénaires… Jusqu’au jour où les habitants d’ un médiocre cap de l’Asie, qu’on nomme Europe, se mirent à étudier cet
754 nous. Poussés par une curiosité passionnée, mère de toute science, ils découvrirent d’abord la surface de toute la Terre
755 oute science, ils découvrirent d’abord la surface de toute la Terre — alors qu’eux-mêmes n’avaient jamais été découverts p
756 èrent des armes et des institutions, des procédés de culture et de gouvernement, et ils les transportèrent au loin. Si bie
757 s et des institutions, des procédés de culture et de gouvernement, et ils les transportèrent au loin. Si bien que l’Europe
758 les transportèrent au loin. Si bien que l’Europe, de la Renaissance jusqu’aux débuts du xxe siècle, devint la reine incon
759 ébuts du xxe siècle, devint la reine incontestée de la Planète. Et pourtant qu’était-elle en soi-même ? Physiquement, for
760 utres régions et vastes continents. Ce qui a fait de cette péninsule la conscience et le cœur du monde n’est pas clairemen
761 e sur les cartes, mais le devient dans l’histoire de l’esprit et des mœurs. Nous le nommerons pour simplifier : culture. E
762 toire, il le doit à ce quelque chose que l’esprit de ses habitants vint ajouter à ses données physiques, pour en tirer une
763 je désignerai par E, et qui est égale au produit de sa faible masse physique, soit m, par une culture dont les effets se
764 s, comme par hasard, à l’équation la plus célèbre de ce siècle : E = mc2, que je me permets de lire comme suit : Europe =
765 célèbre de ce siècle : E = mc2, que je me permets de lire comme suit : Europe = cap de l’Asie multiplié par culture inten
766 je me permets de lire comme suit : Europe = cap de l’Asie multiplié par culture intensive. J’en demande pardon aux espr
767 ts scientifiques que vous êtes, mais cette espèce de calembour mathématique auquel je viens de me livrer peut faire compre
768 eût demandé un long discours : prenez-le à titre d’ exemple d’une économie d’énergie. Je disais tout à l’heure que l’Europ
769 dé un long discours : prenez-le à titre d’exemple d’ une économie d’énergie. Je disais tout à l’heure que l’Europe a régné
770 ours : prenez-le à titre d’exemple d’une économie d’ énergie. Je disais tout à l’heure que l’Europe a régné longtemps sur l
771 comme le disait Valéry, en « exportant ses moyens de puissance ». Je voudrais insister sur ce point, qui me permettra de p
772 voudrais insister sur ce point, qui me permettra de préciser ma définition de l’Europe considérée comme source d’énergie.
773 point, qui me permettra de préciser ma définition de l’Europe considérée comme source d’énergie. Il semble en effet que c’
774 ma définition de l’Europe considérée comme source d’ énergie. Il semble en effet que c’est le propre de l’énergie sous tout
775 d’énergie. Il semble en effet que c’est le propre de l’énergie sous toutes ses formes que de se communiquer, de se transme
776 le propre de l’énergie sous toutes ses formes que de se communiquer, de se transmettre, et d’exercer son plein effet, au p
777 gie sous toutes ses formes que de se communiquer, de se transmettre, et d’exercer son plein effet, au près ou au loin, par
778 rmes que de se communiquer, de se transmettre, et d’ exercer son plein effet, au près ou au loin, par son transfert et sa d
779 n instant ? J’en vois un exemple frappant : celui de la bombe atomique. L’énergie nucléaire réveillée, mais non transmise
780 ntraire, canalisée et transmise, elle va produire de l’électricité, qui à son tour deviendra mouvement, transfert et commu
781 ayonné dans le monde parce qu’elle était un foyer d’ énergies de toute espèce. Et ce sont bel et bien ses énergies transmis
782 le monde parce qu’elle était un foyer d’énergies de toute espèce. Et ce sont bel et bien ses énergies transmises qui ont
783 s transmises qui ont déclenché le vaste processus d’ unification de l’humanité, aux débuts duquel nous assistons. C’est un
784 ui ont déclenché le vaste processus d’unification de l’humanité, aux débuts duquel nous assistons. C’est un fait que la te
785 us assistons. C’est un fait que la technique, née de l’Europe, puissamment développée de nos jours par les États-Unis et l
786 echnique, née de l’Europe, puissamment développée de nos jours par les États-Unis et la Russie, se répand rapidement dans
787 des morales, leur habitat physique et leur rythme de vie, les amenant de la sorte à se ressembler davantage et à se connaî
788 bitat physique et leur rythme de vie, les amenant de la sorte à se ressembler davantage et à se connaître mieux les uns le
789 n ne peut plus le nier. Nous sommes donc en droit de constater que la civilisation européenne est devenue au xxe siècle l
790 ous une forme caricaturale, il est vrai, importée de la Russie, qui d’ailleurs l’a copiée sur l’Amérique plutôt que sur l’
791 s n’oublions pas que l’Amérique est une invention de l’Europe… Pouvons-nous donc crier victoire ? On sait bien que non. No
792 En fait, l’Europe actuelle est assiégée. Chassée de l’Asie et d’une partie de l’Afrique, qui menacent de s’unir contre el
793 urope actuelle est assiégée. Chassée de l’Asie et d’ une partie de l’Afrique, qui menacent de s’unir contre elle sous le si
794 e est assiégée. Chassée de l’Asie et d’une partie de l’Afrique, qui menacent de s’unir contre elle sous le signe du congrè
795 l’Asie et d’une partie de l’Afrique, qui menacent de s’unir contre elle sous le signe du congrès de Bandung, et au nom d’u
796 nt de s’unir contre elle sous le signe du congrès de Bandung, et au nom d’un anticolonialisme qui survit à nos colonies ;
797 icolonialisme qui survit à nos colonies ; menacée de tout près par la Russie, qui occupe ou contrôle près d’un quart de no
798 t près par la Russie, qui occupe ou contrôle près d’ un quart de nos peuples ; concurrencée par les États-Unis, qui l’ont g
799 la Russie, qui occupe ou contrôle près d’un quart de nos peuples ; concurrencée par les États-Unis, qui l’ont généreusemen
800 e, plus exactement mesurable, que dans le domaine de l’énergie, précisément ! Vous n’ignorez pas que l’Europe consomme déj
801 ous n’ignorez pas que l’Europe consomme déjà 20 % d’ énergie de plus qu’elle n’en produit. En 1975, ce sera 37 % de plus. P
802 lus. Pour combler cet écart, par des importations de charbon ou de pétrole, l’Europe devrait alors dépenser, aux prix actu
803 ler cet écart, par des importations de charbon ou de pétrole, l’Europe devrait alors dépenser, aux prix actuels, environ 5
804 s dépenser, aux prix actuels, environ 5 milliards de dollars. Que deviendrait alors sa balance de paiements ? Que deviendr
805 ards de dollars. Que deviendrait alors sa balance de paiements ? Que deviendrait son indépendance ? Elle serait proprement
806 critiquent aujourd’hui encore notre colonialisme d’ hier ! Nous courons, aujourd’hui déjà, un danger qu’on ne saurait exag
807 un danger qu’on ne saurait exagérer du seul fait de notre dépendance à l’égard des pays arabes. Voilà qui est grave, mais
808 t charbon, corps qui produisent actuellement 68 % de l’énergie mondiale, s’épuisent plus vite qu’elles ne se renouvellent
809 lus vite qu’elles ne se renouvellent par le moyen d’ une prospection systématique ; elles seront un jour épuisées. Les expe
810 plutôt géométrique qu’arithmétique. La situation de notre continent — et de l’humanité tout entière — serait apparemment
811 rithmétique. La situation de notre continent — et de l’humanité tout entière — serait apparemment sans espoir, si la cultu
812 t vraiment au dernier moment, une nouvelle source d’ énergie. L’énergie nucléaire est la réponse, inventée par notre génie,
813 r notre génie, par nos savants européens, au défi d’ une humanité dont notre science, notre hygiène et nos techniques étaie
814 , les équations et les premiers moyens permettant de réveiller et de domestiquer l’énergie cachée dans l’atome, il n’en es
815 et les premiers moyens permettant de réveiller et de domestiquer l’énergie cachée dans l’atome, il n’en est pas moins clai
816 ans l’atome, il n’en est pas moins clair qu’aucun de nos pays ne saurait à lui seul la mettre en œuvre. L’Amérique et l’UR
817 n faire une grande force. Et c’est ce que tentent de réaliser les grandes institutions européennes, l’Euratom et l’OECE da
818 ons européennes, l’Euratom et l’OECE dans le plan de la production, et le Laboratoire européen de recherches nucléaires, o
819 plan de la production, et le Laboratoire européen de recherches nucléaires, ou CERN, dans le plan de la recherche pure, qu
820 n de recherches nucléaires, ou CERN, dans le plan de la recherche pure, qui domine tout. Votre avenir dépend matériellemen
821 out. Votre avenir dépend matériellement du succès de ces entreprises. On s’imagine parfois que l’union de l’Europe est une
822 ces entreprises. On s’imagine parfois que l’union de l’Europe est une manie de doux rêveurs, d’idéalistes, ou, au contrair
823 ine parfois que l’union de l’Europe est une manie de doux rêveurs, d’idéalistes, ou, au contraire, d’impérialistes europée
824 ’union de l’Europe est une manie de doux rêveurs, d’ idéalistes, ou, au contraire, d’impérialistes européens. L’union de l’
825 de doux rêveurs, d’idéalistes, ou, au contraire, d’ impérialistes européens. L’union de l’Europe est simplement une nécess
826 au contraire, d’impérialistes européens. L’union de l’Europe est simplement une nécessité vitale, la condition de notre s
827 est simplement une nécessité vitale, la condition de notre survie et de l’avenir de notre culture. Ou bien nous ferons l’E
828 nécessité vitale, la condition de notre survie et de l’avenir de notre culture. Ou bien nous ferons l’Europe, avec tous se
829 tale, la condition de notre survie et de l’avenir de notre culture. Ou bien nous ferons l’Europe, avec tous ses pays et pa
830 t. Car le monde entier a besoin du génie créateur de l’Europe, de son sens de la mesure comme de son sens critique, et de
831 de entier a besoin du génie créateur de l’Europe, de son sens de la mesure comme de son sens critique, et de son expérienc
832 besoin du génie créateur de l’Europe, de son sens de la mesure comme de son sens critique, et de son expérience séculaire
833 ateur de l’Europe, de son sens de la mesure comme de son sens critique, et de son expérience séculaire des bienfaits et mé
834 sens de la mesure comme de son sens critique, et de son expérience séculaire des bienfaits et méfaits alternés de la tech
835 ience séculaire des bienfaits et méfaits alternés de la technique. J’ai tenté de vous faire voir à quel point cette techni
836 s et méfaits alternés de la technique. J’ai tenté de vous faire voir à quel point cette technique dépend de l’ensemble de
837 us faire voir à quel point cette technique dépend de l’ensemble de notre culture, et comment notre avenir dépend de notre
838 à quel point cette technique dépend de l’ensemble de notre culture, et comment notre avenir dépend de notre union. Il me r
839 de notre culture, et comment notre avenir dépend de notre union. Il me reste à souhaiter que plusieurs d’entre vous consa
840 comme je l’ai fait depuis dix ans — leur énergie de techniciens et d’hommes. 2. Ce qui est qualifié de « sérieux », c’
841 t depuis dix ans — leur énergie de techniciens et d’ hommes. 2. Ce qui est qualifié de « sérieux », c’est ce qui assure
842 echniciens et d’hommes. 2. Ce qui est qualifié de « sérieux », c’est ce qui assure la subsistance de l’homme et qui occ
843 e « sérieux », c’est ce qui assure la subsistance de l’homme et qui occupe la plus grande partie de son temps. Or nous ven
844 ce de l’homme et qui occupe la plus grande partie de son temps. Or nous venons d’apprendre qu’une actrice de cinéma d’avan
845 a plus grande partie de son temps. Or nous venons d’ apprendre qu’une actrice de cinéma d’avant-garde apporte à son pays pl
846 temps. Or nous venons d’apprendre qu’une actrice de cinéma d’avant-garde apporte à son pays plus de devises que l’industr
847 nous venons d’apprendre qu’une actrice de cinéma d’ avant-garde apporte à son pays plus de devises que l’industrie automob
848 e de cinéma d’avant-garde apporte à son pays plus de devises que l’industrie automobile : voilà pour la subsistance matéri
5 1958, Définition, valeurs, énergie, recherche : quatre essais européens (1958). Pour une politique de la recherche
849 Pour une politique de la recherche Le musée et le laboratoire On ne fera pas l’Europ
850 aboratoire On ne fera pas l’Europe sans l’aide de sa culture : ce serait vouloir la faire sans ce qui la définit. Si el
851 siècles, on ne saurait expliquer ce fait central de l’histoire de l’humanité par des données purement physiques, bien au
852 e saurait expliquer ce fait central de l’histoire de l’humanité par des données purement physiques, bien au contraire. Ni
853 climat, ni les déséquilibres dynamiques résultant de ces facteurs combinés ne rendent compte d’une manière décisive de ce
854 ultant de ces facteurs combinés ne rendent compte d’ une manière décisive de ce qu’il faut bien appeler le miracle européen
855 combinés ne rendent compte d’une manière décisive de ce qu’il faut bien appeler le miracle européen. Ce qui a fait de cett
856 t bien appeler le miracle européen. Ce qui a fait de cette péninsule la conscience et le cœur du monde n’est pas clairemen
857 e sur les cartes, mais le devient dans l’histoire de l’esprit et des mœurs. Nous le nommerons pour simplifier culture. Et
858 . Ce n’est pas seulement l’activité assimilatrice de ceux qui regardent des tableaux, lisent des livres et apprennent une
859 apprennent une science, mais l’activité créatrice de ceux qui peignent, écrivent, conçoivent et inventent. Car s’il est vr
860 urope a découvert la Terre, puis toute l’histoire de l’Homme et de ses créations, et qu’elle en a collectionné les témoign
861 ert la Terre, puis toute l’histoire de l’Homme et de ses créations, et qu’elle en a collectionné les témoignages, il n’est
862 ait su devenir effectivement mondiale. Le symbole de l’Europe et de sa culture n’est donc pas seulement le Musée : c’est d
863 effectivement mondiale. Le symbole de l’Europe et de sa culture n’est donc pas seulement le Musée : c’est d’abord le Labor
864 atoire. Et si l’on veut sauver le foyer rayonnant de cette culture que toute la Terre imite, ce n’est pas du Musée d’abord
865 ns ces images en termes tout pratiques : l’avenir de notre Europe étant lié à l’avenir de sa culture, c’est aux activités
866 s : l’avenir de notre Europe étant lié à l’avenir de sa culture, c’est aux activités de recherche créatrice que doit aller
867 lié à l’avenir de sa culture, c’est aux activités de recherche créatrice que doit aller d’abord le soutien financier du mé
868 urs. Cependant, un phénomène nouveau se manifeste de nos jours : c’est celui de la subvention, qui n’est plus l’aide aux c
869 e nouveau se manifeste de nos jours : c’est celui de la subvention, qui n’est plus l’aide aux créateurs individuels, mais
870 ide aux créateurs individuels, mais aux instituts de recherches, bureaux d’études, séminaires et brain-trusts, œuvres d’éd
871 iduels, mais aux instituts de recherches, bureaux d’ études, séminaires et brain-trusts, œuvres d’éducation, fouilles et fi
872 eaux d’études, séminaires et brain-trusts, œuvres d’ éducation, fouilles et films. Rien de pareil au xvie siècle ni, de fa
873 usts, œuvres d’éducation, fouilles et films. Rien de pareil au xvie siècle ni, de fait, avant notre époque. Et ceci modif
874 lles et films. Rien de pareil au xvie siècle ni, de fait, avant notre époque. Et ceci modifie profondément les méthodes e
875 sparition, que l’on allègue, des princes capables de dépense. Car il existe parmi nous autant ou plus de grandes fortunes
876 dépense. Car il existe parmi nous autant ou plus de grandes fortunes qu’à la Renaissance ou au Grand Siècle. Le problème
877 s à l’ancienne mode ne sont plus en mesure — sauf de rares exceptions — de savoir par eux-mêmes où il faudrait aider, de q
878 sont plus en mesure — sauf de rares exceptions — de savoir par eux-mêmes où il faudrait aider, de quelle manière et pour
879 s — de savoir par eux-mêmes où il faudrait aider, de quelle manière et pour quelles fins utiles. Pour se faire le mécène d
880 pour quelles fins utiles. Pour se faire le mécène d’ un peintre ou d’un auteur, il suffisait d’avoir de l’argent et du goût
881 s utiles. Pour se faire le mécène d’un peintre ou d’ un auteur, il suffisait d’avoir de l’argent et du goût, une certaine c
882 mécène d’un peintre ou d’un auteur, il suffisait d’ avoir de l’argent et du goût, une certaine culture générale et l’insti
883 d’un peintre ou d’un auteur, il suffisait d’avoir de l’argent et du goût, une certaine culture générale et l’instinct de l
884 goût, une certaine culture générale et l’instinct de la qualité. Mais aujourd’hui, ce sont les éditeurs, les marchands de
885 aujourd’hui, ce sont les éditeurs, les marchands de tableaux et les impresarios qui ont repris cette fonction, non sans l
886 domaines très différents, où il est moins facile de s’orienter. Comment savoir où sont les vrais besoins, quelles recherc
887 et qui pourra les diriger ? Il faudrait disposer d’ un état permanent des problèmes à résoudre, des chercheurs disponibles
888 ercheurs disponibles, et des initiatives en quête de fonds. Cette information encyclopédique dépasse évidemment les capaci
889 n encyclopédique dépasse évidemment les capacités d’ un particulier, si riche soit-il, ou d’un ministère national. Elle sup
890 capacités d’un particulier, si riche soit-il, ou d’ un ministère national. Elle suppose l’existence d’instituts de la conj
891 d’un ministère national. Elle suppose l’existence d’ instituts de la conjoncture culturelle à l’échelle internationale, et
892 re national. Elle suppose l’existence d’instituts de la conjoncture culturelle à l’échelle internationale, et c’est bien c
893 ires (variés, nombreux et souvent fort lointains) de son appui. Qu’avons-nous de ce genre, en Europe ? Quantité d’institut
894 uvent fort lointains) de son appui. Qu’avons-nous de ce genre, en Europe ? Quantité d’instituts nationaux — ministères, co
895 . Qu’avons-nous de ce genre, en Europe ? Quantité d’ instituts nationaux — ministères, conseils de la recherche et fondatio
896 tité d’instituts nationaux — ministères, conseils de la recherche et fondations spécialisées — mais presque rien au plan e
897 s presque rien au plan européen. Le Marché commun de la culture, qui existe en fait depuis des siècles en Europe (et qu’un
898 un mécénat à sa mesure. Problèmes particuliers d’ un mécénat européen L’Europe unie, dont le Marché commun, le Consei
899 Conseil de l’Europe, la CECA et l’Euratom tentent de construire les premiers cadres, va découvrir très vite, en entrant da
900 dans le concret, qu’elle ne saurait se passer ni de recherches nouvelles ni d’un immense effort d’éducation des peuples.
901 e saurait se passer ni de recherches nouvelles ni d’ un immense effort d’éducation des peuples. Le retentissement mondial d
902 ni de recherches nouvelles ni d’un immense effort d’ éducation des peuples. Le retentissement mondial du lancement des Spou
903 Une civilisation continentale, ou une fédération de peuples embarqués pour un même destin, qui négligeraient encore la re
904 ême destin, qui négligeraient encore la recherche d’ avant-garde et l’éducation générale, se verraient rapidement liquidées
905 faire : subventionner les entreprises européennes de recherche et d’éducation qui supposent l’entretien d’équipes d’intell
906 onner les entreprises européennes de recherche et d’ éducation qui supposent l’entretien d’équipes d’intellectuels et des f
907 echerche et d’éducation qui supposent l’entretien d’ équipes d’intellectuels et des frais d’administration. Et nous voyons
908 t d’éducation qui supposent l’entretien d’équipes d’ intellectuels et des frais d’administration. Et nous voyons que le méc
909 ’entretien d’équipes d’intellectuels et des frais d’ administration. Et nous voyons que le mécénat privé n’y peut suffire,
910 mécénat privé n’y peut suffire, non certes faute d’ argent, mais faute d’information. La question qui se pose d’urgence es
911 ut suffire, non certes faute d’argent, mais faute d’ information. La question qui se pose d’urgence est celle de l’aide pui
912 mais faute d’information. La question qui se pose d’ urgence est celle de l’aide puissante et cohérente qu’il faut donner à
913 tion. La question qui se pose d’urgence est celle de l’aide puissante et cohérente qu’il faut donner à cette culture dont
914 rares institutions qui se sont donné pour mission de servir à la fois la culture et l’Europe en sont encore réduites à des
915 et l’Europe en sont encore réduites à des budgets de misère. Signe hélas trop certain que les pouvoirs publics, les organi
916 organisations européennes et les sources privées de financement n’ont pas encore compris la nouveauté et les impératifs d
917 n des entreprises « européennes » dans le domaine de la culture est encore plus choquante, si possible, que nos divisions
918 fuser les fonds nécessaires pour l’essor efficace de chaque initiative. Idée d’un Conseil européen de la recherche C
919 ur l’essor efficace de chaque initiative. Idée d’ un Conseil européen de la recherche Comment guérir cette « maladie
920 chaque initiative. Idée d’un Conseil européen de la recherche Comment guérir cette « maladie infantile de l’européi
921 erche Comment guérir cette « maladie infantile de l’européisme » dont je viens d’esquisser le diagnostic ? Le programme
922 maladie infantile de l’européisme » dont je viens d’ esquisser le diagnostic ? Le programme constructif que je déduis d’une
923 agnostic ? Le programme constructif que je déduis d’ une expérience intime de ces problèmes depuis une bonne dizaine d’anné
924 constructif que je déduis d’une expérience intime de ces problèmes depuis une bonne dizaine d’années, tient en trois point
925 intime de ces problèmes depuis une bonne dizaine d’ années, tient en trois points : 1. Création d’un Conseil européen de l
926 ine d’années, tient en trois points : 1. Création d’ un Conseil européen de la recherche et de l’aide à la culture. 2. Mise
927 trois points : 1. Création d’un Conseil européen de la recherche et de l’aide à la culture. 2. Mise à la disposition de c
928 Création d’un Conseil européen de la recherche et de l’aide à la culture. 2. Mise à la disposition de ce Conseil des fonds
929 de l’aide à la culture. 2. Mise à la disposition de ce Conseil des fonds jugés par lui nécessaires, — fonds qui seraient
930 éennes. 3. Désignation, création, ou renforcement de quelques organismes centraux d’étude et d’exécution des tâches défini
931 , ou renforcement de quelques organismes centraux d’ étude et d’exécution des tâches définies par le Conseil (recherches, i
932 cement de quelques organismes centraux d’étude et d’ exécution des tâches définies par le Conseil (recherches, informations
933 relations avec d’autres régions du monde.) Faute de pouvoir développer ici ce programme, je me bornerai à quelques brèves
934 à quelques brèves remarques. Un Conseil européen de la recherche devrait grouper essentiellement des représentants qualif
935 nts qualifiés (créateurs plutôt qu’organisateurs) de toutes les branches de la culture. On pensera que cela va de soi. Mai
936 s plutôt qu’organisateurs) de toutes les branches de la culture. On pensera que cela va de soi. Mais je vois au contraire
937 s au contraire que trop souvent, dans les comités d’ aide aux arts et aux sciences, on mêle la stratégie de la recherche et
938 de aux arts et aux sciences, on mêle la stratégie de la recherche et la tactique du financement, si bien que la seconde pa
939 ins devraient être formulés dans toute la liberté de l’imagination la mieux nourrie de connaissances précises des différen
940 oute la liberté de l’imagination la mieux nourrie de connaissances précises des différents domaines envisagés et des persp
941 s ouvrent. Après quoi, d’autres comités, composés d’ organisateurs, de financiers et d’officiels, donneraient ou refuseraie
942 quoi, d’autres comités, composés d’organisateurs, de financiers et d’officiels, donneraient ou refuseraient les moyens néc
943 mités, composés d’organisateurs, de financiers et d’ officiels, donneraient ou refuseraient les moyens nécessaires, — ces m
944 second avantage du Conseil que je propose serait d’ éliminer l’amateurisme qui menace parfois de caractériser les suggesti
945 erait d’éliminer l’amateurisme qui menace parfois de caractériser les suggestions et les méthodes de comités trop mixtes d
946 s de caractériser les suggestions et les méthodes de comités trop mixtes dans leur composition. Je rappelle à ce propos ce
947 pos ce que j’écrivais plus haut sur la difficulté d’ une connaissance sérieuse de la conjoncture culturelle ; et que la bon
948 aut sur la difficulté d’une connaissance sérieuse de la conjoncture culturelle ; et que la bonne volonté n’y suffit plus.
949 on du mécène est devenue collective ; elle relève de la science et non plus de hobbies ; elle est devenue part intégrante
950 ollective ; elle relève de la science et non plus de hobbies ; elle est devenue part intégrante de la stratégie à long ter
951 lus de hobbies ; elle est devenue part intégrante de la stratégie à long terme de notre monde occidental. Il faut donc éta
952 enue part intégrante de la stratégie à long terme de notre monde occidental. Il faut donc établir en Europe une politique
953 tal. Il faut donc établir en Europe une politique de la culture et des recherches, dominée par des vues d’ensemble et tena
954 a culture et des recherches, dominée par des vues d’ ensemble et tenant compte d’études conjoncturelles, dont les départeme
955 dominée par des vues d’ensemble et tenant compte d’ études conjoncturelles, dont les départements spécialisés des fondatio
956 le contexte européen. Mais pour qu’une politique de ce genre porte effet, il faut absolument que les responsables de notr
957 te effet, il faut absolument que les responsables de notre vie économique et politique saisissent la réalité du xxe siècl
958 rcher les autres, et l’Europe gagnera la maîtrise de la paix si elle se décide enfin à soutenir puissamment la culture, so
6 1958, Définition, valeurs, énergie, recherche : quatre essais européens (1958). Notes sur deux projets
959 tes sur deux projets Pour un Conseil européen de la recherche Dans l’esprit de la proposition qu’on vient de lire,
960 onseil européen de la recherche Dans l’esprit de la proposition qu’on vient de lire, le CEC a lancé une enquête auprès
961 s personnalités européennes les plus susceptibles de s’intéresser à un tel projet. Voici le texte du questionnaire soumis 
962 umis : 1. Sentez-vous l’utilité, ou la nécessité, de former un Conseil européen de la recherche ? Ce problème existe-t-il
963 é, ou la nécessité, de former un Conseil européen de la recherche ? Ce problème existe-t-il à vos yeux, et vous a-t-il déj
964 Conseil se justifierait avant tout par sa volonté de maintenir un certain équilibre, conforme au génie européen, entre les
965 me au génie européen, entre les diverses branches de la recherche, sciences physiques, mathématiques, technologie, science
966 manière à éviter, entre autres, le double danger d’ une insistance exclusive sur les sciences physiques et la technique (L
967 iences physiques et la technique (Laboratoire) ou d’ une persistance à cultiver surtout les valeurs du Musée européen ? 3.
968 eurs du Musée européen ? 3. Approuvez-vous l’idée d’ une « séparation des pouvoirs », le Conseil ayant pour fonction de déc
969 on des pouvoirs », le Conseil ayant pour fonction de déceler les besoins et de proposer des plans d’aide à la recherche, c
970 eil ayant pour fonction de déceler les besoins et de proposer des plans d’aide à la recherche, c’est-à-dire de formuler un
971 n de déceler les besoins et de proposer des plans d’ aide à la recherche, c’est-à-dire de formuler une « politique de la re
972 ser des plans d’aide à la recherche, c’est-à-dire de formuler une « politique de la recherche » en Europe, tandis que d’au
973 cherche, c’est-à-dire de formuler une « politique de la recherche » en Europe, tandis que d’autres instances gouvernementa
974 s (fondations par exemple) auraient pour fonction de financer les recherches en s’inspirant des plans établis par le Conse
975 soins requis, et comptant des savants et penseurs d’ une compétence indiscutée dans leur domaine respectif acquerrait de ce
976 indiscutée dans leur domaine respectif acquerrait de ce fait assez de prestige et une autorité suffisante pour influencer
977 eur domaine respectif acquerrait de ce fait assez de prestige et une autorité suffisante pour influencer et orienter utile
978 i détiennent le pouvoir et contrôlent les sources de financement nécessaires ? 5. Si vous estimez l’idée juste, et la réa
979 . Si vous estimez l’idée juste, et la réalisation d’ un CER nécessaire, comment imaginez-vous cette réalisation ? Et notamm
980 éjà existantes, sur leur initiative et au service de leurs objectifs ? ou par l’OECE, le Conseil de l’Europe et les trois
981 devrait-il se constituer sur l’initiative privée d’ un institut non gouvernemental donnant l’impulsion — ou d’un groupe de
982 titut non gouvernemental donnant l’impulsion — ou d’ un groupe de personnalités décidant d’étudier ensemble le problème et
983 uvernemental donnant l’impulsion — ou d’un groupe de personnalités décidant d’étudier ensemble le problème et de constitue
984 ulsion — ou d’un groupe de personnalités décidant d’ étudier ensemble le problème et de constituer le premier noyau d’un te
985 alités décidant d’étudier ensemble le problème et de constituer le premier noyau d’un tel Conseil, quitte à le compléter e
986 ble le problème et de constituer le premier noyau d’ un tel Conseil, quitte à le compléter ensuite par cooptations ? c) une
987 ion des instituts et des projets, dans le domaine de la recherche, de l’enseignement et de la culture en général, au nivea
988 et des projets, dans le domaine de la recherche, de l’enseignement et de la culture en général, au niveau européen. Quelq
989 le domaine de la recherche, de l’enseignement et de la culture en général, au niveau européen. Quelques faits : 1949 : Ce
990 l’Europe, Strasbourg 1949 : Commission culturelle de l’Assemblée du Conseil de l’Europe, Strasbourg 1950 : Campagne europé
991 e l’Europe, Strasbourg 1950 : Campagne européenne de la jeunesse, Paris 1951 : Association des instituts d’études européen
992 jeunesse, Paris 1951 : Association des instituts d’ études européennes, Genève 1952 : Association des universitaires d’Eur
993 nes, Genève 1952 : Association des universitaires d’ Europe, Paris 1953 : Journée européenne des écoles, Paris 1954 : Fonda
994 nne des écoles, Paris 1954 : Fondation européenne de la culture, Genève puis Amsterdam 1956 : Fondation pour les échanges
995 trois Communautés européennes (CECA, MC, Euratom) d’ une Université européenne 1958 : Préparation d’instituts spécialisés
996 ) d’une Université européenne 1958 : Préparation d’ instituts spécialisés pour les ingénieurs (Lausanne) et l’administrati
997 affaires (Paris) 1958 : Association des instituts de la Communauté européenne pour les études universitaires, Luxembourg 1
998 il de l’Europe II. On doit à priori se réjouir de cette prolifération, qui est la preuve d’une prise de conscience géné
999 réjouir de cette prolifération, qui est la preuve d’ une prise de conscience généralisée de l’utilité des recherches et du
1000 t la preuve d’une prise de conscience généralisée de l’utilité des recherches et du développement culturel, non seulement
1001 l y a souvent duplications, concurrence nuisible, d’ où gaspillage des énergies et perte d’efficacité. 2° Il est de plus en
1002 e nuisible, d’où gaspillage des énergies et perte d’ efficacité. 2° Il est de plus en plus difficile de financer tous ces e
1003 d’efficacité. 2° Il est de plus en plus difficile de financer tous ces efforts et projets car tous s’adressent aux mêmes s
1004 se découragent : ce désordre donne une impression d’ inefficacité et de luttes d’intérêts personnels. III. Solution propos
1005 e désordre donne une impression d’inefficacité et de luttes d’intérêts personnels. III. Solution proposée : 1° Convocatio
1006 donne une impression d’inefficacité et de luttes d’ intérêts personnels. III. Solution proposée : 1° Convocation d’une ta
1007 sonnels. III. Solution proposée : 1° Convocation d’ une table ronde des organisations culturelles européennes, à laquelle
1008 ramme et les moyens dont elle dispose. L’objectif de la réunion serait en effet de dresser dans ses grandes lignes le plan
1009 dispose. L’objectif de la réunion serait en effet de dresser dans ses grandes lignes le plan d’une action culturelle europ
1010 effet de dresser dans ses grandes lignes le plan d’ une action culturelle européenne, comportant : — la coordination des t
1011 s tâches reconnues nécessaires ; — la répartition de leur exécution ; — l’élimination des doubles emplois. 3° Sur la base
1012 l’élimination des doubles emplois. 3° Sur la base d’ un tel plan d’ensemble, il y aurait lieu d’établir un tableau des beso
1013 des doubles emplois. 3° Sur la base d’un tel plan d’ ensemble, il y aurait lieu d’établir un tableau des besoins financiers
1014 a base d’un tel plan d’ensemble, il y aurait lieu d’ établir un tableau des besoins financiers correspondants et des moyens
1015 s besoins financiers correspondants et des moyens de les couvrir — privés et officiels — existants ou à trouver. Ce serait
1016 u à trouver. Ce serait en quelque sorte un budget de l’action culturelle européenne. Document capital, indispensable, jama
1017 ndispensable, jamais établi jusqu’ici. 4° Le plan d’ ensemble et l’état des besoins une fois connus, les participants de ce
1018 tat des besoins une fois connus, les participants de cette table ronde pourraient se tourner vers les gouvernements et leu
1019 e projet a été adopté par la Fondation européenne de la culture, lors du congrès qu’elle a tenu à Milan du 11 au 14 décemb