1 1958, Définition, valeurs, énergie, recherche : quatre essais européens (1958). Note liminaire
1 ans la seule mesure où il leur restera fidèle. Ce sont à ces motifs et à ces buts que l’on voudrait ici se référer. Qu’est-c
2 t à ces buts que l’on voudrait ici se référer. Qu’ est -ce donc que cette Europe que nous voulons servir ? Comment la définir
3 la définir ? Qu’apporte-t-elle au monde ? Quelles sont les sources de son énergie ? Et comment les canaliser ? Les essais qu
4 s ils n’ont rien de systématique. On verra qu’ils sont nés d’occasions très diverses. L’auteur n’a pas tenté de leur donner
5 ous plusieurs angles. Comment définir l’Europe ? est le sténogramme d’une conférence donnée le 27 mars 1958 à Nice, au Cen
6 de l’exposé. Mieux vaut dix fois se répéter que d’ être obscur, quand on parle ou quand on écrit en vue de l’action. Et l’on
7 on. Et l’on voit bien que « l’idée européenne » n’ est qu’une nostalgie assez vaine, si elle ne commande pas une action — je
2 1958, Définition, valeurs, énergie, recherche : quatre essais européens (1958). Comment définir l’Europe ?
8 dont la chaire où je parle ici porte le nom. Je m’ étais chargé, en 1937, de composer pour une revue française un numéro spéci
9 euple, surtout quand il n’existe pas. Nous qui en sommes , nous savons bien que nous ne sommes pas Suisses, mais Neuchâtelois,
10 Nous qui en sommes, nous savons bien que nous ne sommes pas Suisses, mais Neuchâtelois, comme vous, ou Vaudois, comme moi, ou
11 distinguons avec soin les uns des autres. Et ce n’ est pas la moindre ironie de notre sort que tant de précautions n’aboutis
12 aboutissent qu’à nous faire dire à l’étranger : — Tiens , vous êtes Suisse ? Comment se fait-il que vous parliez si bien le fr
13 qu’à nous faire dire à l’étranger : — Tiens, vous êtes Suisse ? Comment se fait-il que vous parliez si bien le français ? R
14 en le français ? Ramuz concluait que la Suisse n’ est qu’une entité politique et militaire, fort utile à ses peuples, il es
15 itique et militaire, fort utile à ses peuples, il est vrai. Mais il doutait, ou même niait, que cette entité pût avoir une
16 us parler, à cette différence près que l’Europe n’ est pas même — ou pas encore — une entité politique et militaire. J’imagi
17 ablante entreprise. Il y a plus de dix ans que je suis engagé en elle, j’ai donc un certain entraînement. Au surplus, je voi
18 autant. Avouons-le, sans fausse modestie : ce ne serait déjà pas si mal ! ⁂ Je me propose d’examiner quelques-unes des défini
19 quelques-unes des définitions de l’Europe qui ont été données jusqu’ici, et d’en suggérer une nouvelle. Mais tout d’abord,
20 n interviewer me demande à brûle-pourpoint : « Qu’ est -ce que l’Europe ? Pouvez-vous me répondre en une phrase ? », j’ai l’h
21 implicité. Ce qu’on appelle « l’idée européenne » est en fait une action créatrice. La nécessité d’unir nos peuples résulte
22 les transformations techniques considérables qui sont intervenues dans ce siècle, réduisant les distances, abaissant les ba
23 uisant les distances, abaissant les barrières qui étaient censées nous protéger, exigeant de grands marchés continentaux et des
24 ques, qui dominent la politique du siècle, et qui sont trop chères pour chacun de nos trop petits pays. Il y a enfin l’augme
25 rée, sans barrières intérieures, seule capable de tenir son rang ou de le regagner à l’échelle mondiale. Certains disent qu’i
26 agner à l’échelle mondiale. Certains disent qu’il est trop tard ; que l’URSS et les USA, ces deux colosses qui se sont élev
27 ; que l’URSS et les USA, ces deux colosses qui se sont élevés à l’est et à l’ouest de l’Europe pendant que nous étions en tr
28 les USA, ces deux colosses qui se sont élevés à l’ est et à l’ouest de l’Europe pendant que nous étions en train de nous rui
29 à l’est et à l’ouest de l’Europe pendant que nous étions en train de nous ruiner nous-mêmes par deux guerres, vont nous écrase
30 ouvent faite depuis une bonne dizaine d’années, n’ est pas sérieuse ni objective. J’ai l’habitude de poser, au cours de caus
31 uestion suivante : « Combien pensez-vous que nous soyons dans cette pauvre petite Europe que l’on dit écrasée entre les deux c
32 que l’on dit écrasée entre les deux colosses de l’ Est et de l’Ouest ? » On me répond en général que nous devons être au max
33 Ouest ? » On me répond en général que nous devons être au maximum 200 millions, que les Américains doivent être au moins 300
34 maximum 200 millions, que les Américains doivent être au moins 300 millions et les Russes plus de 400 millions. Un très fai
35 information suffit à corriger ces chiffres : nous sommes , en fait, nous les Européens, à l’ouest du rideau de fer, 340 million
36 URSS. Même si nous laissons de côté les pays de l’ Est , provisoirement, ce chiffre de 340 millions équivaut presque à l’addi
37 néficions pour le moment. Les États-Unis d’Europe seraient donc parfaitement capables par leur masse autant que par leur esprit,
38 sse de reposer ces mêmes questions préalables : «  Est -ce que l’Europe est vraiment une unité de civilisation et de culture 
39 êmes questions préalables : « Est-ce que l’Europe est vraiment une unité de civilisation et de culture ? En d’autres termes
40 civilisation et de culture ? En d’autres termes, est -ce que l’on peut fonder l’union politique et économique de l’Europe s
41 l’Europe comme telle. Tantôt on nous dit : « Nous sommes , en Europe, beaucoup trop différents les uns des autres. Nos nations
42 p trop différents les uns des autres. Nos nations sont vraiment, par tradition, presque sans commune mesure », un peu dans l
43 e papier la définition suivante : « L’Européen ne serait -il pas cet homme étrange, qui se manifeste comme Européen dans la mes
44 opéen dans la mesure précise où il doute qu’il le soit , et prétend au contraire s’identifier soit avec l’homme universel, so
45 ’il le soit, et prétend au contraire s’identifier soit avec l’homme universel, soit avec l’homme d’une seule nation du grand
46 ntraire s’identifier soit avec l’homme universel, soit avec l’homme d’une seule nation du grand complexe européen, dont il r
47 n ne les comprend pas. Car, vue de loin, l’Europe est évidente. Tout le problème consiste à se placer à la bonne distance d
48 tudier l’éléphant à l’aide d’un microscope ? Il n’ est jamais venu à bout de sa description de l’éléphant, dont il n’a pu co
49 grand-chose en commun… Vus d’Amérique, quelle que soit notre nation, nous sommes tous des Européens. Vus d’Asie, je n’ai pas
50 us d’Amérique, quelle que soit notre nation, nous sommes tous des Européens. Vus d’Asie, je n’ai pas besoin d’insister, on nou
51 « Bon ! admettons que, vue de très loin, l’Europe soit une entité. Mais vous ne pouvez pas la préciser. Où commence-t-elle ?
52 . Où commence-t-elle ? Où finit-elle exactement ? Est -ce que la Turquie d’Asie Mineure en fait partie ? Est-ce que l’Afriqu
53 ce que la Turquie d’Asie Mineure en fait partie ? Est -ce que l’Afrique du Nord en fait partie ? Est-ce que la Russie en fai
54 e ? Est-ce que l’Afrique du Nord en fait partie ? Est -ce que la Russie en fait partie ? Tant que vous ne nous aurez pas don
55 on géographique, nous ne marcherons pas. » Or, il est parfaitement clair que les frontières de l’Europe ont considérablemen
56 érablement varié au cours des âges, et que cela n’ est pas fini. Surtout du côté de l’Est, où n’existent pas ce que l’on a a
57 et que cela n’est pas fini. Surtout du côté de l’ Est , où n’existent pas ce que l’on a appelé — à tort d’ailleurs — des fro
58 — des frontières naturelles. La frontière avec l’ Est a toujours été une frontière purement historique, changeante au gré d
59 es naturelles. La frontière avec l’Est a toujours été une frontière purement historique, changeante au gré des poussées et
60 et de l’Europe. L’Europe a varié et elle variera. Est -ce à dire qu’elle n’existe pas ? Il suffit de rappeler ici que les fr
61 n’existe pas parce que ses frontières varient à l’ Est  », je répondrai que, même si une définition géographique de l’Europe
62 , même si une définition géographique de l’Europe était possible, elle ne présenterait pas grand intérêt, car en réalité, ce
63 enterait pas grand intérêt, car en réalité, ce ne sont pas des terres que nous devons unir, mais des hommes, des hommes rele
64 et d’un certain type de culture. Or ces hommes ne sont pas des produits du sol, quoi qu’en dise une certaine littérature, ma
65 l’Europe notre mère ». Si les critères physiques sont vraiment incertains, qu’en est-il des critères moraux ? Il faudrait d
66 ritères physiques sont vraiment incertains, qu’en est -il des critères moraux ? Il faudrait donner ici une définition de l’E
67 allusion tout à l’heure, consiste à dire que nous sommes trop différents. Il y a trop de diversités de tous ordres en Europe p
68 re européenne synthétique. La troisième objection est relative aux langues. Il paraît que nous parlons, en Europe, un trop
69 rsités. Il faut commencer par reconnaître qu’elle est exacte, non pas en tant qu’objection, mais en tant qu’observation. L’
70 ’objection, mais en tant qu’observation. L’Europe est la terre de la diversité, par excellence. Ce fait même, comme vous le
71 urprend, innove, et surtout vous permet de ne pas être confondu avec le voisin. Voilà ce qui nous oppose le plus profondémen
72 orte sur l’existence des cultures nationales, qui seraient les seules réelles, et sur l’inexistence d’une culture généralement e
73 ture généralement européenne. Cette erreur-là, ce sont nos manuels scolaires qui en sont les principaux responsables depuis
74 e erreur-là, ce sont nos manuels scolaires qui en sont les principaux responsables depuis un siècle. Il est bien entendu qu
75 les principaux responsables depuis un siècle. Il est bien entendu que pour unir l’Europe, il ne saurait être question de m
76 ien entendu que pour unir l’Europe, il ne saurait être question de mélanger toutes nos cultures en vue d’obtenir une culture
77 nt impossible, puisque nos cultures nationales ne sont , en fait, que des découpages abstraits, le plus souvent erronés, et t
78 souvent erronés, et tout à fait récents, qui ont été pratiqués sur le corps de la grande culture commune européenne, laque
79 de la grande culture commune européenne, laquelle est beaucoup plus ancienne que toutes nos nations sans exception, étant l
80 s ancienne que toutes nos nations sans exception, étant l’œuvre commune et séculaire de tous les Européens réunis. Sur la bas
81 a peinture, la musique, la littérature même — qui tient pourtant de si près aux langues — sont nées dans plusieurs foyers sim
82 ême — qui tient pourtant de si près aux langues — sont nées dans plusieurs foyers simultanés ou successifs en Europe, se son
83 urs foyers simultanés ou successifs en Europe, se sont transportées d’un de ces foyers à l’autre, d’une région à l’autre, on
84 plusieurs foyers de l’Italie du Nord — de ce qui est aujourd’hui l’Italie du Nord et qui n’était pas l’Italie — qu’elle se
85 ce qui est aujourd’hui l’Italie du Nord et qui n’ était pas l’Italie — qu’elle se transporte dans les Flandres en suivant les
86 mposition ; et que finalement, au xxe siècle, ce sont des Russes comme Stravinsky (et les ballets de Diaghilev) qui revienn
87 otre Europe de l’Ouest. Le périple de la peinture est à peu près le même. Vous voyez que, dans ces deux cas, l’histoire de
88 e la musique si tu veux. » Quant aux sciences, il serait simplement absurde de vouloir leur accoler un adjectif national. La s
89 s avons de nations, ou à peu près ; que la nation est définie d’abord par une langue ; et que, d’autre part, il y a identit
90 la Corse, bien entendu. En revanche, le français est parlé dans trois ou quatre autres pays que la France. Et l’allemand n
91 définit nullement la nation allemande, puisqu’il est parlé dans au moins sept autres pays que la République fédérale allem
92 res pays que la République fédérale allemande. Il est parlé naturellement dans l’Allemagne de l’Est, mais aussi en Suisse,
93 de Hongrois et de Finlandais — toutes ces langues sont profondément parentes, sont de structures comparables, ont des racine
94 — toutes ces langues sont profondément parentes, sont de structures comparables, ont des racines communes, un vocabulaire a
95 , beaucoup plus différentes entre elles que ne le sont l’allemand, l’anglais, le français, l’espagnol et l’italien. On parle
96 que rien de commun. À tel point que M. Nehru, qui fut l’un des créateurs de l’unité indienne, pour avoir contribué à chasse
97 parler à ses administrés qu’en anglais, s’il veut être compris dans tout le pays. Bien entendu, il ne suffit pas d’écarter d
98 illustrée par Paul Valéry. Cette définition peut être dite traditionnelle, puisqu’on la retrouve déjà dans les œuvres des g
99 de ceux qu’a repris de nos jours Paul Valéry. Il est visible que nous résultons, nous autres Européens, d’Athènes, de Rome
100 e et de Jérusalem, dans cette mesure qu’Athènes a été l’origine de ce que nous appelons la raison, le sens critique et la n
101 ens critique et la notion d’individu ; que Rome a été l’origine de la conception de l’État, du Droit et de la personne du c
102 finition par les trois sources a le désavantage d’ être incomplète, puisqu’elle laisse de côté tous les apports qui ne sont n
103 uisqu’elle laisse de côté tous les apports qui ne sont ni grecs, ni juifs, ni romains, c’est-à-dire les apports germaniques,
104 ques, celtes, arabes, iraniens, et orientaux, qui sont venus s’ajouter au cours des âges. Mais surtout, cette définition ris
105 un certain moment pour former l’Europe idéale. Je tiens au contraire que cette rencontre a été purement accidentelle. Elle s’
106 éale. Je tiens au contraire que cette rencontre a été purement accidentelle. Elle s’est produite dans ce que j’ai nommé « l
107 tte rencontre a été purement accidentelle. Elle s’ est produite dans ce que j’ai nommé « le carrefour hasardeux des premiers
108 its de notre culture et par ses résultats actuels est , elle, purement descriptive et objective. Elle consiste à dresser l’i
109 compréhensible aux Asiatiques, avant qu’ils aient été contaminés par les idées occidentales. C’est l’Europe qui a créé l’id
110 ert toute la terre, alors qu’elle-même n’a jamais été découverte par d’autres peuples. Et c’est aujourd’hui l’Europe qui a
111 ncé les savants à la conquête du ciel. Même si ce sont les Russes et les Américains qui y vont les premiers, ils le feront a
112 ommun à ces produits de notre culture ? Tout cela est foncièrement hétéroclite, hétérogène. On voit mal la commune mesure e
113 ue ces deux choses viennent de l’Europe, qu’elles sont nées en Europe et ne sont pas nées ailleurs. Mais pourquoi sont-elles
114 t de l’Europe, qu’elles sont nées en Europe et ne sont pas nées ailleurs. Mais pourquoi sont-elles nées en Europe et non pas
115 urope et ne sont pas nées ailleurs. Mais pourquoi sont -elles nées en Europe et non pas en Asie, par exemple ? Ainsi donc, to
116 insi donc, toute définition statique de l’Europe, soit par ses limites géographiques, ou par sa date de naissance dans l’his
117 que son but. Parce que la civilisation européenne est essentiellement un complexe de tensions, de contradictions, un mouvem
118 é de définir l’Europe comme une Aventure, et j’en suis arrivé aux conclusions que voici : Ce qui définit une civilisation, à
119 es résultats à tel moment donné de l’histoire, ce sont ses grandes options de base. Je m’explique. L’attitude originelle, le
120 utures, mais encore la nature même de ce que l’on tiendra plus tard pour « la réalité ». Les résultats de fait d’une civilisati
121 tout autre « réalité ». La question, pour moi, n’ est pas de savoir si notre réalité — ou ce que nous appelons ainsi — est
122 i notre réalité — ou ce que nous appelons ainsi — est plus ou moins vraie que ce que les Orientaux appellent réalité. Je ve
123 e veux souligner simplement que ces deux réalités sont différentes essentiellement et différentes dès le début. La question,
124 itales. Ils ont décidé que la matière et le corps sont des réalités ; que le temps a un sens ; et que l’homme est une person
125 éalités ; que le temps a un sens ; et que l’homme est une personne. De ces trois grands choix initiaux découlent presque to
126 tte démonstration, si passionnante qu’elle puisse être quand on y va voir d’assez près. Je voudrais seulement vous rappeler
127 nnu que le corps, et la matière qui le constitue, sont des réalités reconnues par Dieu lui-même. Dès ce moment, les sciences
128 e moment, les sciences deviennent possibles, s’il est vrai que nous nommons « science » l’étude du corps humain et de la ma
129 pour un Kepler, par exemple, le cosmos lui-même n’ est pas cette fantasmagorie que décrivent les mythologies orientales, mai
130 mythologies orientales, mais une réalité qui doit être interprétée, et qui doit même être sauvée par l’homme, par son action
131 alité qui doit être interprétée, et qui doit même être sauvée par l’homme, par son action illuminante. L’homme peut étudier
132 re ce cosmos et son esprit, l’un et l’autre ayant été créés et voulus par le même Dieu qui s’est incarné dans la matière. A
133 ayant été créés et voulus par le même Dieu qui s’ est incarné dans la matière. Ainsi donc, l’option de base prise au concil
134 nséquences littéralement incalculables, — tant il est certain qu’aucun des Pères de l’Église qui prirent ces décisions dogm
135 que, et finalement nos bombes dites atomiques. Il est très remarquable que le plus grand adversaire du christianisme à la f
136 tianisme à la fin du xixe siècle, Nietzsche, ait été le premier à l’avoir vu : les sciences physiques n’ont été possibles
137 emier à l’avoir vu : les sciences physiques n’ont été possibles qu’à cause du christianisme, en Europe. Deuxième exemple de
138 oire. Presque toutes les civilisations connues se sont fait ou se font encore du temps, une idée cyclique. Pour les hindous,
139 res où elle perdrait tout sens. Le temps lui-même est supprimé aux yeux de l’esprit. Mais à l’époque des conciles, pour la
140 e la mort du Christ ; ils précisent que le Christ est mort « sous Ponce Pilate », manière de souligner expressément l’unici
141 ique et non pas d’un événement mythique, comme le sont toujours les apparitions des dieux dans la théogonie hindoue, les « a
142 des Apôtres insistent sur le fait que le Christ s’ est incarné « une fois pour toutes », dans l’histoire. Alors que les dieu
143 s’incarnent « chaque fois que » cette incarnation est rendue nécessaire par des catastrophes ou des crises. C’est à partir
144 l’Histoire devient possible. Elle vaut la peine d’ être prise au sérieux, enregistrée, racontée, étudiée, puisqu’elle prend u
145 que, dramatique, créatrice de nouveauté, et qui a été inaugurée par la vision chrétienne du temps. Du même coup, l’homme de
146 ble de ses actions et de leurs conséquences. Il n’ est plus soumis à la pure et simple fatalité des astres. Il court son ave
147 erait, où elle mènerait leurs descendants. Rien n’ était fatal dans ce qui s’est produit. Mais pourtant, nous comprenons mieux
148 urs descendants. Rien n’était fatal dans ce qui s’ est produit. Mais pourtant, nous comprenons mieux maintenant pourquoi tou
149 pposition, ou le Parlement, ou la révolution, ont été conçues et créées par l’Europe et par elle seule. ⁂ On ne peut s’empê
150 avenir de cette culture qui a fait l’Europe — qui est l’Europe — avec les yeux des pessimistes qui voient surtout nos divis
151 in une humanité en si rapide croissance ? Faut-il être pessimiste ou optimiste ? Bernanos avait coutume de dire à ses amis :
152 it coutume de dire à ses amis : « Les pessimistes sont des imbéciles malheureux ; les optimistes sont des imbéciles heureux…
153 es sont des imbéciles malheureux ; les optimistes sont des imbéciles heureux… » Je préfère me ranger, pour ma part, dans la
154 e. Nous n’imitons aucune autre culture qui puisse être considérée comme supérieure à la culture occidentale, et capable de l
155 caricature très simplifiée de l’Occident, dont il est lui-même issu. En revanche, je vois très bien que le reste du monde
156 revanche, je vois très bien que le reste du monde est en train de retourner contre nous les armes idéologiques, économiques
157 ion actuelle, c’est-à-dire de l’Europe — l’Europe étant le lieu du monde où sont conservés, cultivés et constamment renouvelé
158 de l’Europe — l’Europe étant le lieu du monde où sont conservés, cultivés et constamment renouvelés les grands secrets huma
159 ses pouvoirs créateurs et de ses libertés. Rien n’ est fatal. Les deux éventualités sont possibles : celle d’une nouvelle ro
160 libertés. Rien n’est fatal. Les deux éventualités sont possibles : celle d’une nouvelle royauté pacifique de l’Europe sur to
161 s le concret. Cessons donc de demander ce qu’elle est , comme si nous n’étions pas personnellement impliqués dans l’affaire.
162 donc de demander ce qu’elle est, comme si nous n’ étions pas personnellement impliqués dans l’affaire. Prenons en main notre s
163 nons en main notre sort, le sort de l’Europe, qui est aussi celui de nos enfants, et à l’éternelle question « Qu’est-ce que
164 ui de nos enfants, et à l’éternelle question « Qu’ est -ce que l’Europe ? », répondons avec réalisme : l’Europe, c’est ce que
3 1958, Définition, valeurs, énergie, recherche : quatre essais européens (1958). … Et dona ferentes (Remarques sur la diffusion inégale de nos valeurs et de nos produits)
165 s L’énoncé des plus hautes valeurs européennes tient dans l’œuvre de Bach et dans celle de Mozart. La Messe en ut mineur r
166 e, elle n’ira pas plus haut, peut-être ; mais qui serait en mesure d’exiger davantage ou de proposer mieux dans le monde d’auj
167 le monde d’aujourd’hui ? Certes, l’Europe réelle est loin de tels sommets, mais ce sont tout de même ses sommets. Elle n’e
168 l’Europe réelle est loin de tels sommets, mais ce sont tout de même ses sommets. Elle n’est pas souvent digne de ces œuvres,
169 ts, mais ce sont tout de même ses sommets. Elle n’ est pas souvent digne de ces œuvres, mais c’est elle qui les a créées. No
170  » l’ignorent ; ils voient plus facilement ce qui est beaucoup plus bas, au niveau du contact brutal entre leurs coutumes e
171 ur sagesse ancestrale et nos machines. Nos péchés sont criants, et tout Bandung les crie, mais il n’entend pas nos grandeurs
172 ais il n’entend pas nos grandeurs. Car la musique est le sublime de l’Occident, mais pour l’oreille d’un Oriental, c’est un
173 réflexion sur nos valeurs occidentales ne saurait être académique ; elle s’inscrit dans une situation dominée par le malente
174 simple, je crois : la diffusion de nos valeurs n’ est pas co-extensive à celle de nos produits et n’en est pas non plus con
175 pas co-extensive à celle de nos produits et n’en est pas non plus contemporaine ; elle reste loin derrière dans l’espace e
176 este loin derrière dans l’espace et le temps. Tel est le drame. Il intéresse l’avenir de tous les peuples de la Terre. D
177 civilisation occidentale, on s’aperçoit qu’elle n’ est pas loin de recouvrir l’ensemble des terres habitées, mais que la den
178 ’Asie Mineure turque, en passant par les Balkans, est demeuré sans nul doute moins occidental que ne le sont devenus le Can
179 demeuré sans nul doute moins occidental que ne le sont devenus le Canada, le Chili ou l’Australie. Vient ensuite l’empire de
180 dépens de valeurs européennes plus complexes, qui furent éliminées avec les anciennes classes, et de valeurs autochtones et po
181 un planisphère, ces zones de diffusion pourraient être représentées par une petite tache d’un rouge sombre sur l’Europe médi
182 médiane, tandis que les Amériques et l’Australie seraient en rouge vif, les franges sud-est de l’Europe en rose, et l’URSS en q
183 ent, des stries plus ou moins serrées. Le Japon s’ est notoirement occidentalisé depuis la seconde moitié du xixe siècle. L
184 nos produits et celui de nos valeurs régulatrices est en train de fomenter dans le monde entier des tensions inquiétantes,
185 » Une autre fois, il me raconte que sa femme, qui est une Hollandaise, donnait des leçons de solfège aux enfants d’une écol
186 jamais entendues. Ainsi, chaque machine exportée est , en fait, un cheval de Troie. Nous avons évacué nos guerriers et reti
187 avec anxiété, non point de les laisser comme ils sont , dans leur « sagesse » intacte et leur famine, mais de déclarer nos v
188 la liberté et de la justice, le but de la justice étant de protéger les libertés et la garantie interne des libertés consista
189 du prochain. On voit sans peine que nos produits sont les plus faciles à exporter et les plus rapidement acceptés hors d’Eu
190 hors d’Europe ; que nos principes de vie publique sont officiellement invoqués, mais surtout contre nous, et dans la mesure
191 condamnent notre présence ; enfin que nos valeurs sont difficiles à « vendre » (au sens américain du verbe) et sont le plus
192 iles à « vendre » (au sens américain du verbe) et sont le plus souvent totalement ignorées. Il importe donc de montrer comme
193 croyance profonde que le cosmos, créé par Dieu, n’ est pas absurde ni soumis aux caprices des divinités monstrueuses. Il vau
194 cruter les lois. Et l’univers attend de l’homme d’ être compris, révélé, voire sauvé : « Car la création tout entière attend,
195 i en illustra la haute portée morale ; la seconde fut définie par les premiers conciles, à l’occasion des grands débats sur
196 santes ou socialisantes de nos institutions. Tels étant les liens innombrables qui unissent les attitudes fondamentales de la
197 Il ne s’agit nullement ici de politique, et ce n’ est qu’en vertu d’un accident de l’Histoire que la France paraît seule en
198 se dans cette affaire. Car en réalité le problème est mondial. Il concerne tout l’Occident, dans ses relations avec le Mond
199 emps que nos créations. On voit que l’alternative est utopique, chacun de ses termes l’étant. Il nous reste à trouver des f
200 ’alternative est utopique, chacun de ses termes l’ étant . Il nous reste à trouver des formules d’équilibre ou de compromis tol
201 nité tout entière. 1. Chacun sait que « Naples est la seule ville orientale qui n’ait pas de quartier européen ».
4 1958, Définition, valeurs, énergie, recherche : quatre essais européens (1958). L’Europe de l’énergie
202 risque à prendre la parole, ce matin, ce ne peut être qu’au seul titre de technicien de la culture générale, producteur et
203 eur d’idées. Pour qu’une rencontre de ce genre ne soit pas vaine ou ennuyeuse, il faut, et il suffit peut-être, que l’on tro
204 tretenir des sujets et des intérêts que j’imagine être communs à nos professions respectives. Et ce seront tout d’abord, et
205 être communs à nos professions respectives. Et ce seront tout d’abord, et tout naturellement, les relations entre la culture g
206 ant par le pétrole et l’électricité, que celle-ci soit produite par le charbon ou l’eau, la fission de l’atome ou sa fusion.
207 a technique, dont l’une des fonctions principales est de produire et de distribuer l’énergie. Je ne vous apprendrais rien e
208 us apprendrais rien en rappelant que la technique est une création de l’Occident, et plus spécialement de l’Europe. Mais je
209 on prend garde à cette question très simple, l’on est amené à se demander ce qui a bien pu prédisposer l’Européen à cherche
210 nt l’Occident, cet Occident dont la petite Europe fut longtemps le seul centre vivant, et demeure peut-être encore le foyer
211 croit qu’à l’âme. Le symbole de cette différence est dans le dogme de l’Incarnation. En effet, lorsqu’ils ont proclamé le
212 e coup, que le corps humain et la matière dont il est formé, et par suite le cosmos matériel tout entier, sont bel et bien
213 rmé, et par suite le cosmos matériel tout entier, sont bel et bien réels, ne sont pas des illusions, comme le pensait l’Orie
214 matériel tout entier, sont bel et bien réels, ne sont pas des illusions, comme le pensait l’Orient, ne sont pas le « Voile
215 pas des illusions, comme le pensait l’Orient, ne sont pas le « Voile de Maya » comme l’enseignaient les religions bouddhist
216 le moment où la réalité du corps et de la matière est affirmée — mais pas avant ! — la science, nos sciences deviennent pos
217 nce, nos sciences deviennent possibles. Voilà qui est évident, puisque nous appelons science l’étude des lois du corps huma
218 i perdre son temps à étudier les lois de ce qui n’ est qu’illusion ? L’Orient s’est donc voué à l’étude de l’âme et des pouv
219 les lois de ce qui n’est qu’illusion ? L’Orient s’ est donc voué à l’étude de l’âme et des pouvoirs sur l’âme — et il a trou
220 n toutes les vérités établies, sans laquelle il n’ est point de recherche féconde, ni d’invention, ni de progrès. Je ne vous
221 ère, théologique, philosophique et politique, que sont nées toutes nos sciences, et la technique moderne. Mais, bien que née
222 , les journalistes et l’opinion de nos élites, se sont mis à se lamenter sur le matérialisme occidental, sur le déclin des v
223 e faut-il donc penser de cette longue plainte qui fut mise à la mode par Bergson il y a cinquante ans de cela, et de ce pes
224 es envahissent nos vies ? Si seulement, car elles sont très chères ! Mais jamais une Talbot, une Cadillac, ni une simple 4 c
225 e Talbot, une Cadillac, ni une simple 4 chevaux n’ est entrée dans ma cour, spontanément, dans l’intention de m’envahir ! Et
226 on oublie simplement que les machines et la Bombe sont faites par l’homme et ne feront rien sans lui. J’écrivais au lendemai
227 J’écrivais au lendemain d’Hiroshima : La Bombe n’ est pas dangereuse du tout. C’est un objet. Ce qui est horriblement dange
228 st pas dangereuse du tout. C’est un objet. Ce qui est horriblement dangereux, c’est l’homme. C’est lui qui a fait la Bombe
229 se prépare à l’employer. Le contrôle de la Bombe est une absurdité. On nomme des Comités pour la retenir ! C’est comme si
230 anquille, elle ne fera rien, c’est clair. Elle se tiendra coite dans sa caisse. Qu’on ne nous raconte donc pas d’histoires. Ce
231 contrôle de l’homme. Observez au surplus qu’il n’ est pas d’invention, si simple et si utilitaire soit-elle, qui ne puisse
232 n’est pas d’invention, si simple et si utilitaire soit -elle, qui ne puisse être mise au service des passions meurtrières de
233 simple et si utilitaire soit-elle, qui ne puisse être mise au service des passions meurtrières de l’homme : le couteau de c
234 notre vie quotidienne : l’esclavage du téléphone est un des clichés de l’époque. Mais le téléphone, simple appareil, n’a j
235 que chose que vous ne désirez pas manquer. Vous n’ êtes donc pas esclaves du téléphone, mais de votre seule curiosité. Qu’il
236 yante, ou du téléphone agaçant, vous voyez que ce sont nos passions, nos manies, que c’est donc l’homme lui-même qui reste r
237 ’a produite. Dire que la machine domine l’homme n’ est donc qu’une manière de parler, non seulement excessive mais erronée,
238 tretient une illusion courante contre laquelle je tenais à mettre en garde. Ce qui par contre ne fut pas une illusion, ni une
239 je tenais à mettre en garde. Ce qui par contre ne fut pas une illusion, ni une manière de parler, ce qui fut même une doulo
240 as une illusion, ni une manière de parler, ce qui fut même une douloureuse tragédie depuis plus d’un siècle et demi, pour u
241 ur une partie de nos populations occidentales, ce fut le sort du travailleur industriel, de cet immense prolétariat, créé p
242 ylorisé, travaillant à la chaîne. Et certes, ce n’ étaient pas non plus les machines ou les chaînes qui forçaient l’ouvrier à le
243 dentale. Chose étrange et bien remarquable, ce ne sont pas les justes indignations d’un Marx, ou l’action politique des part
244 étariat, mais c’est la technique elle-même ! Ce n’ est pas en freinant les progrès de la technique, mais au contraire en les
245 ue, mais au contraire en les accélérant, que nous sommes parvenus au seuil d’une ère nouvelle, cette ère qui doit et peut, pro
246 rythme, devient au contraire libérateur dès qu’il est poussé jusqu’au bout, et qu’il n’a plus besoin d’être servi, mais seu
247 poussé jusqu’au bout, et qu’il n’a plus besoin d’ être servi, mais seulement surveillé par l’homme. L’exemple de l’automatio
248 urveillé par l’homme. L’exemple de l’automation n’ est qu’un symbole : il illustre à peu près idéalement les effets bénéfiqu
249 ls ne connaissaient pas le machinisme — dont nous sommes les premiers usagers quotidiens — mais ils n’en communiaient pas dava
250 que. Le goût de s’étaler au soleil sur les plages est contemporain de l’auto. Mais il y a plus. Le principal produit de la
251 au bureau, obtenue depuis trois quarts de siècle, est d’environ deux-mille heures par an aux États-Unis. Ce chiffre se verr
252 avail, c’est même le vrai travail humain. Mais il est clair que si le temps libre est augmenté, la consommation de la cultu
253 l humain. Mais il est clair que si le temps libre est augmenté, la consommation de la culture augmentera elle aussi, et que
254 suite, les conditions du producteur de la culture seront sensiblement améliorées. Donc, tout ce que la technique permet de gag
255 er sur le temps de travail mécanique et routinier sera gagné pour la culture, ou pourra l’être. Nous allons vers un temps où
256 routinier sera gagné pour la culture, ou pourra l’ être . Nous allons vers un temps où les loisirs deviendront quantitativemen
257 ite aux cours de marxisme-léninisme. Mais le fait est que les Russes ont lancé les Sputniks, et tout le monde voudra donc l
258 r les sources vives de l’invention technique, qui tient , comme j’ai tenté de vous le montrer, à l’ensemble de notre culture.
259 re. Gardons-nous de scier la branche sur laquelle est assise notre puissance technique ; elle se nomme culture générale. Le
260 lus grands inventeurs de tous les temps n’ont pas été des techniciens au sens étroit, mais des poètes, des philosophes et d
261 oète français un peu loufoque, Charles Cros. Tels sont les successeurs modernes d’un Archimède dans son bain et d’un Léonard
262 2° que c’est alors que nous courrons le risque d’ être spirituellement soumis à nos machines, étant dressés d’avance à les s
263 que d’être spirituellement soumis à nos machines, étant dressés d’avance à les servir, au lieu d’être éduqués pour vivre mieu
264 s, étant dressés d’avance à les servir, au lieu d’ être éduqués pour vivre mieux en disposant de leurs services. Énergie,
265 n exemple qui vous touche de près : l’énergie. Qu’ est -ce que l’énergie ? Vous la produisez, vous la distribuez, et vous en
266 et vous en vivez. Mais savez-vous bien ce qu’elle est , ce qu’elle signifie dans nos vies ? Et pourriez-vous la définir ? Je
267 t aussitôt nous pose cette question simple : « Qu’ est -ce que l’énergie ? » Plusieurs d’entre nous essaient de répondre : c’
268 ondre : c’est plutôt vague, c’est maladroit, ce n’ est rien qui vaille. Alors le colonel nous arrêtant d’un geste sec déclar
269 80 kilomètres. Ce colonel avait raison. L’énergie est quelque chose qui sommeille non pas seulement dans l’homme, mais dans
270 re en œuvre, et enfin de la distribuer. L’énergie est partout. Elle attend l’homme qui la réveille. Mais la plupart des hom
271 te la Terre — alors qu’eux-mêmes n’avaient jamais été découverts par un autre peuple ! Ils inventèrent des armes et des ins
272 a reine incontestée de la Planète. Et pourtant qu’ était -elle en soi-même ? Physiquement, fort peu de chose à vrai dire : 4 %
273 tte péninsule la conscience et le cœur du monde n’ est pas clairement lisible sur les cartes, mais le devient dans l’histoir
274 Et du même coup, nous aurons dit que la culture n’ est pas un luxe pour nos peuples, mais une nécessité vitale. L’Europe, c’
275 pour en tirer une énergie insoupçonnée. L’Europe est donc une énergie, que je désignerai par E, et qui est égale au produi
276 donc une énergie, que je désignerai par E, et qui est égale au produit de sa faible masse physique, soit m, par une culture
277 est égale au produit de sa faible masse physique, soit m, par une culture dont les effets se font sentir en progression géom
278 demande pardon aux esprits scientifiques que vous êtes , mais cette espèce de calembour mathématique auquel je viens de me li
279 u loin, par son transfert et sa distribution. Que serait une énergie qui ne se transmettrait pas, qui s’épuiserait sur place,
280 n. L’Europe a rayonné dans le monde parce qu’elle était un foyer d’énergies de toute espèce. Et ce sont bel et bien ses énerg
281 était un foyer d’énergies de toute espèce. Et ce sont bel et bien ses énergies transmises qui ont déclenché le vaste proces
282 n peut le déplorer, on ne peut plus le nier. Nous sommes donc en droit de constater que la civilisation européenne est devenue
283 droit de constater que la civilisation européenne est devenue au xxe siècle la première civilisation effectivement mondial
284 a Chine l’adopter sous une forme caricaturale, il est vrai, importée de la Russie, qui d’ailleurs l’a copiée sur l’Amérique
285 sur l’Europe ; mais n’oublions pas que l’Amérique est une invention de l’Europe… Pouvons-nous donc crier victoire ? On sait
286 jourd’hui contre nous. En fait, l’Europe actuelle est assiégée. Chassée de l’Asie et d’une partie de l’Afrique, qui menacen
287 ndance. Et dans aucun domaine, notre dépendance n’ est plus sensible, plus exactement mesurable, que dans le domaine de l’én
288 énergie de plus qu’elle n’en produit. En 1975, ce sera 37 % de plus. Pour combler cet écart, par des importations de charbon
289 iements ? Que deviendrait son indépendance ? Elle serait proprement colonisée, financièrement, politiquement et moralement, pa
290 e dépendance à l’égard des pays arabes. Voilà qui est grave, mais il y a pire. Les réserves en pétrole et charbon, corps qu
291 r le moyen d’une prospection systématique ; elles seront un jour épuisées. Les experts varient sur la date, non sur la vraisem
292 notre continent — et de l’humanité tout entière — serait apparemment sans espoir, si la culture élaborée par notre Europe n’av
293 ne nouvelle source d’énergie. L’énergie nucléaire est la réponse, inventée par notre génie, par nos savants européens, au d
294 nt notre science, notre hygiène et nos techniques étaient en train d’accroître au-delà du possible les besoins matériels et les
295 omestiquer l’énergie cachée dans l’atome, il n’en est pas moins clair qu’aucun de nos pays ne saurait à lui seul la mettre
296 ses. On s’imagine parfois que l’union de l’Europe est une manie de doux rêveurs, d’idéalistes, ou, au contraire, d’impérial
297 e, d’impérialistes européens. L’union de l’Europe est simplement une nécessité vitale, la condition de notre survie et de l
298 ment avec les six qui ont commencé ; ou bien nous serons colonisés. Et le monde entier, alors, en pâtirait. Car le monde entie
299 énergie de techniciens et d’hommes. 2. Ce qui est qualifié de « sérieux », c’est ce qui assure la subsistance de l’homm
5 1958, Définition, valeurs, énergie, recherche : quatre essais européens (1958). Pour une politique de la recherche
300 fera pas l’Europe sans l’aide de sa culture : ce serait vouloir la faire sans ce qui la définit. Si elle a dominé le globe du
301 tte péninsule la conscience et le cœur du monde n’ est pas clairement lisible sur les cartes, mais le devient dans l’histoir
302 Et du même coup, nous aurons dit que la culture n’ est pas un luxe pour nos peuples, mais une nécessité vitale. Qu’est-ce qu
303 e pour nos peuples, mais une nécessité vitale. Qu’ est -ce que l’Europe ? Assez peu de choses plus une culture. Et si vous ôt
304 p de l’Asie, 4 % des terres du globe… Tout cela n’ est pas nouveau, mais on l’oublie souvent, notamment quand on pense en ma
305 On entend bien que la culture dont je parle ici n’ est pas seulement celle des loisirs, celle que les gens qui en prennent l
306 somment, mais bien plutôt celle qui produit. Ce n’ est pas seulement l’activité assimilatrice de ceux qui regardent des tabl
307 nent, écrivent, conçoivent et inventent. Car s’il est vrai que l’Europe a découvert la Terre, puis toute l’histoire de l’Ho
308 t qu’elle en a collectionné les témoignages, il n’ est pas moins certain qu’elle a produit elle-même la seule culture ou civ
309 ndiale. Le symbole de l’Europe et de sa culture n’ est donc pas seulement le Musée : c’est d’abord le Laboratoire. Et si l’o
310 t de cette culture que toute la Terre imite, ce n’ est pas du Musée d’abord, mais du Laboratoire qu’il faut se préoccuper. (
311 d, mais du Laboratoire qu’il faut se préoccuper. ( Étant bien entendu que ce Laboratoire a derrière lui toute l’histoire des i
312 termes tout pratiques : l’avenir de notre Europe étant lié à l’avenir de sa culture, c’est aux activités de recherche créatr
313 sté dans cette aide indirecte à la culture, qui n’ était pas sans exercer quelque influence sur son cours. Cependant, un phéno
314 e nos jours : c’est celui de la subvention, qui n’ est plus l’aide aux créateurs individuels, mais aux instituts de recherch
315 écénat. Notez bien que le problème que j’évoque n’ est pas posé par la disparition, que l’on allègue, des princes capables d
316 ’à la Renaissance ou au Grand Siècle. Le problème est posé par le fait que nos virtuels mécènes à l’ancienne mode ne sont p
317 ait que nos virtuels mécènes à l’ancienne mode ne sont plus en mesure — sauf de rares exceptions — de savoir par eux-mêmes o
318 et l’instinct de la qualité. Mais aujourd’hui, ce sont les éditeurs, les marchands de tableaux et les impresarios qui ont re
319 tourner vers des domaines très différents, où il est moins facile de s’orienter. Comment savoir où sont les vrais besoins,
320 est moins facile de s’orienter. Comment savoir où sont les vrais besoins, quelles recherches sont nécessaires, et qui pourra
321 oir où sont les vrais besoins, quelles recherches sont nécessaires, et qui pourra les diriger ? Il faudrait disposer d’un ét
322 idemment les capacités d’un particulier, si riche soit -il, ou d’un ministère national. Elle suppose l’existence d’instituts
323 d’information. La question qui se pose d’urgence est celle de l’aide puissante et cohérente qu’il faut donner à cette cult
324 u’il faut donner à cette culture dont la vitalité sera décisive. Aide puissante, tout d’abord. Les rares institutions qui se
325 ante, tout d’abord. Les rares institutions qui se sont donné pour mission de servir à la fois la culture et l’Europe en sont
326 ion de servir à la fois la culture et l’Europe en sont encore réduites à des budgets de misère. Signe hélas trop certain que
327 ses « européennes » dans le domaine de la culture est encore plus choquante, si possible, que nos divisions nationales, et
328 , si possible, que nos divisions nationales, et n’ est pas moins débilitante. Non seulement elle multiplie les doubles emplo
329 ces problèmes depuis une bonne dizaine d’années, tient en trois points : 1. Création d’un Conseil européen de la recherche e
330 des fonds jugés par lui nécessaires, — fonds qui seraient fournis par le secteur privé (firmes et fondations) et par les organi
331 pour trouver ce qu’il faut. Les besoins devraient être formulés dans toute la liberté de l’imagination la mieux nourrie de c
332 és. Un second avantage du Conseil que je propose serait d’éliminer l’amateurisme qui menace parfois de caractériser les sugge
333 ne volonté n’y suffit plus. La fonction du mécène est devenue collective ; elle relève de la science et non plus de hobbies
334 elève de la science et non plus de hobbies ; elle est devenue part intégrante de la stratégie à long terme de notre monde o
6 1958, Définition, valeurs, énergie, recherche : quatre essais européens (1958). Notes sur deux projets
335 notamment : a) pensez-vous que le Conseil devrait être créé par les Communautés des Six déjà existantes, sur leur initiative
336 t à priori se réjouir de cette prolifération, qui est la preuve d’une prise de conscience généralisée de l’utilité des rech
337 que. En fait, on constate que : 1° Ces efforts ne sont nullement coordonnés ; il y a souvent duplications, concurrence nuisi
338 pillage des énergies et perte d’efficacité. 2° Il est de plus en plus difficile de financer tous ces efforts et projets car
339 organisations culturelles européennes, à laquelle seraient invités les responsables des principales institutions indiquées ci-de
340 oyens dont elle dispose. L’objectif de la réunion serait en effet de dresser dans ses grandes lignes le plan d’une action cult
341 privés et officiels — existants ou à trouver. Ce serait en quelque sorte un budget de l’action culturelle européenne. Documen
342 drait les décisions nécessaires. N.B. Ce projet a été adopté par la Fondation européenne de la culture, lors du congrès qu’
343 ropéenne de la culture, lors du congrès qu’elle a tenu à Milan du 11 au 14 décembre 1958.