1
Introduction
D’
où vient le nom ? Quel est son sens ? Depuis quand parle-t-on de l’Eur
2
nom ? Quel est son sens ? Depuis quand parle-t-on
de
l’Europe ? (Serait-ce seulement depuis Victor Hugo et Mazzini ? Ou de
3
is Coudenhove et Briand ? Voire depuis le congrès
de
La Haye, au mois de mai 1948 ?) Nous avons cherché la réponse ou plut
4
and ? Voire depuis le congrès de La Haye, au mois
de
mai 1948 ?) Nous avons cherché la réponse ou plutôt les réponses à ce
5
on s’arrête, en général, à Pierre Dubois, juriste
de
Philippe le Bel, premier auteur d’un plan d’union de nos États, au dé
6
ubois, juriste de Philippe le Bel, premier auteur
d’
un plan d’union de nos États, au début du xive siècle. Nous avons déc
7
iste de Philippe le Bel, premier auteur d’un plan
d’
union de nos États, au début du xive siècle. Nous avons décidé d’alle
8
Philippe le Bel, premier auteur d’un plan d’union
de
nos États, au début du xive siècle. Nous avons décidé d’aller beauco
9
tats, au début du xive siècle. Nous avons décidé
d’
aller beaucoup plus haut. Quelques mois de travail nous ont conduits v
10
décidé d’aller beaucoup plus haut. Quelques mois
de
travail nous ont conduits vers des confins étranges et des temps fabu
11
s temps fabuleux. Le premier qui ait écrit le nom
d’
Europe, c’est Hésiode : au viiie siècle avant notre ère. Et le premie
12
’Asie, c’est Hippocrate. Mais la première mention
de
l’Europe comme unité, et des « Européens » qui la défendent, ne remon
13
qui la défendent, ne remonte qu’au viiie siècle
de
notre ère, après la bataille de Poitiers, qui eut lieu en 732. L’Empi
14
’au viiie siècle de notre ère, après la bataille
de
Poitiers, qui eut lieu en 732. L’Empire carolingien marque un sommet
15
ieu en 732. L’Empire carolingien marque un sommet
de
la conscience d’une Europe unie, puis on redescend vers des guerres e
16
ire carolingien marque un sommet de la conscience
d’
une Europe unie, puis on redescend vers des guerres et des querelles d
17
is on redescend vers des guerres et des querelles
d’
investitures : notre enquête se termine au xie siècle. C’est le procè
18
se termine au xie siècle. C’est le procès-verbal
d’
une recherche étonnée que nous livrons aujourd’hui aux lecteurs de ce
19
étonnée que nous livrons aujourd’hui aux lecteurs
de
ce bulletin , — avec l’espoir qu’ils partageront nos étonnements. ⁂
20
eux auteurs, entre cent consultés, nous ont servi
de
guides en des régions qu’ils sont seuls de nos jours à connaître auss
21
servi de guides en des régions qu’ils sont seuls
de
nos jours à connaître aussi bien, du point de vue qui intéresse notre
22
nquête. Gonzague de Reynold, par le premier tome
de
sa très belle histoire de la Formation de l’Europe, et par une série
23
ld, par le premier tome de sa très belle histoire
de
la Formation de l’Europe, et par une série de lettres généreuses en s
24
er tome de sa très belle histoire de la Formation
de
l’Europe, et par une série de lettres généreuses en suggestions préci
25
ire de la Formation de l’Europe, et par une série
de
lettres généreuses en suggestions précises et pittoresques, nous a ré
26
thographes antiques. Nous souhaitons aux lecteurs
de
nos pages trop brèves, qui auront envie d’en savoir davantage, le pla
27
cteurs de nos pages trop brèves, qui auront envie
d’
en savoir davantage, le plaisir de se reporter à l’œuvre décisive du g
28
ui auront envie d’en savoir davantage, le plaisir
de
se reporter à l’œuvre décisive du grand historien suisse. Jürgen Fisc
29
suisse. Jürgen Fischer, le jeune auteur allemand
d’
une enquête exhaustive sur les concepts d’Europe, d’Orient et d’Occide
30
llemand d’une enquête exhaustive sur les concepts
d’
Europe, d’Orient et d’Occident, de la fin de l’Antiquité au xie siècl
31
une enquête exhaustive sur les concepts d’Europe,
d’
Orient et d’Occident, de la fin de l’Antiquité au xie siècle, nous a
32
exhaustive sur les concepts d’Europe, d’Orient et
d’
Occident, de la fin de l’Antiquité au xie siècle, nous a servi de sou
33
ur les concepts d’Europe, d’Orient et d’Occident,
de
la fin de l’Antiquité au xie siècle, nous a servi de source principa
34
cepts d’Europe, d’Orient et d’Occident, de la fin
de
l’Antiquité au xie siècle, nous a servi de source principale pour la
35
a fin de l’Antiquité au xie siècle, nous a servi
de
source principale pour la période carolingienne et pour les siècles q
36
parent et qui la suivent immédiatement. ⁂ L’essai
de
synthèse que nous présentons aujourd’hui ne prétend pas à l’originali
37
il fut entrepris, qu’à introduire une anthologie
de
textes sur l’Europe, des origines à nos jours. Chemin faisant, le com
38
fois réduite à quelques mots mais qu’il importait
de
situer dans une évolution des concepts et des sens hors de laquelle c
39
draient leur vraie valeur et parfois leur pouvoir
d’
émotion. L’anthologie où l’on retrouvera ces textes est en cours d’él
40
ologie où l’on retrouvera ces textes est en cours
d’
élaboration. Elle paraîtra sans doute à la fin de cette année, par les
41
d’élaboration. Elle paraîtra sans doute à la fin
de
cette année, par les soins d’un groupe d’éditeurs représentant huit d
42
sans doute à la fin de cette année, par les soins
d’
un groupe d’éditeurs représentant huit de nos langues, qui se sont ass
43
la fin de cette année, par les soins d’un groupe
d’
éditeurs représentant huit de nos langues, qui se sont associés sous l
44
es soins d’un groupe d’éditeurs représentant huit
de
nos langues, qui se sont associés sous les auspices du Centre en vue
45
Centre en vue de publier tous ensemble une série
d’
ouvrages sur l’Europe. D. R.
46
I. Protohistoire
d’
un continent sans nom La quatrième période glaciaire avait recouvert
47
rt près de la moitié des plaines et des montagnes
d’
une épaisse calotte, dont la fonte transforma le continent en marécage
48
avait produit les fascinantes peintures rupestres
de
Lascaux et d’Altamira. C’est dans le Moyen-Orient qu’une tout autre c
49
les fascinantes peintures rupestres de Lascaux et
d’
Altamira. C’est dans le Moyen-Orient qu’une tout autre civilisation va
50
u chasseresse — elle envahira d’abord le pourtour
de
la Méditerranée, pour remonter de là sur notre continent et pénétrer
51
ord le pourtour de la Méditerranée, pour remonter
de
là sur notre continent et pénétrer profondément dans sa forêt central
52
qui s’étendent du Portugal jusqu’aux rivages sud
de
l’Asie Mineure. Le continent prend sa forme actuelle. Vers 6000 av. J
53
Écosse sont recouverts par la mer du Nord. Partis
de
l’Asie Mineure et de l’Égée, des colons remontent le cours du Vardar
54
s par la mer du Nord. Partis de l’Asie Mineure et
de
l’Égée, des colons remontent le cours du Vardar et du Danube pour all
55
e pour aller défricher les fertiles terres noires
de
l’Ukraine, les rives de la Baltique et de la mer du Nord, enfin la va
56
es fertiles terres noires de l’Ukraine, les rives
de
la Baltique et de la mer du Nord, enfin la vallée du Rhin et la Belgi
57
noires de l’Ukraine, les rives de la Baltique et
de
la mer du Nord, enfin la vallée du Rhin et la Belgique, poussant jusq
58
e, les abandonnent bientôt, brûlent d’autres pans
de
forêts, avancent lentement. Un autre courant de colons venus par mer
59
s de forêts, avancent lentement. Un autre courant
de
colons venus par mer des rives de l’Égypte et du Proche-Orient, remon
60
n autre courant de colons venus par mer des rives
de
l’Égypte et du Proche-Orient, remonte peu à peu l’Italie et la vallée
61
il établit ses cités lacustres, occupe le bassin
de
la Seine, et s’aventure même jusqu’en Angleterre. Vers la fin du IIIe
62
i nous cédons la parole à M. André Varagnac, l’un
de
nos meilleurs guides dans la protohistoire du continent : Avec cette
63
encore attestées par des milliers et des milliers
de
monuments dans presque toute l’Europe occidentale. Ses origines demeu
64
à la conquête des âmes, comme feront, après plus
de
trois-mille ans, les conquistadors. Quels qu’aient pu être ces rituel
65
la conscience paysanne, la vénération des morts.
De
hardis prospecteurs ont porté jusqu’aux îles lointaines du nord de l’
66
teurs ont porté jusqu’aux îles lointaines du nord
de
l’Écosse ce culte et son architecture. Ils atteignirent le Jutland, l
67
tentrionale. Avec eux voyageaient armes et outils
de
cuivre. Ainsi s’établit, dès la première moitié du IIe millénaire ava
68
tié du IIe millénaire avant notre ère, un système
d’
échanges maritimes associant à la Méditerranée cette méditerranée du N
69
aire avant notre ère, il semble bien qu’une sorte
de
civilisation commune se soit étendue à la majeure partie du continent
70
ntinent : elle est marquée par le rite généralisé
de
l’incinération. (« Champs d’urnes ».) Puis la Grèce et l’Italie des É
71
r le rite généralisé de l’incinération. (« Champs
d’
urnes ».) Puis la Grèce et l’Italie des Étrusques, quelques siècles pl
72
ent vers l’ouest et le nord les produits raffinés
de
leurs arts et métiers : le vase de Vix illustre cette période dite de
73
duits raffinés de leurs arts et métiers : le vase
de
Vix illustre cette période dite de Hallstatt. Celle-ci fera place à l
74
iers : le vase de Vix illustre cette période dite
de
Hallstatt. Celle-ci fera place à la civilisation des Celtes, au ve s
75
tes, au ve siècle av. J.-C. Des Gaëls d’Irlande,
d’
Angleterre et de Bretagne, en passant par les Gaulois, jusqu’aux Galat
76
le av. J.-C. Des Gaëls d’Irlande, d’Angleterre et
de
Bretagne, en passant par les Gaulois, jusqu’aux Galates parvenus en A
77
tés aux Germains) ont recouvert la majeure partie
de
la péninsule occidentale, à l’exclusion toutefois de l’Italie et de l
78
la péninsule occidentale, à l’exclusion toutefois
de
l’Italie et de la Grèce, où ils n’ont fait que de rapides incursions
79
cidentale, à l’exclusion toutefois de l’Italie et
de
la Grèce, où ils n’ont fait que de rapides incursions (à Rome et à De
80
de l’Italie et de la Grèce, où ils n’ont fait que
de
rapides incursions (à Rome et à Delphes). Leur empire décentralisé, l
81
rmée, justement, par la pensée, l’art et les lois
de
ces deux peuples de la mer du Sud, mystérieusement inaccessible aux C
82
la pensée, l’art et les lois de ces deux peuples
de
la mer du Sud, mystérieusement inaccessible aux Celtes. La conquête d
83
térieusement inaccessible aux Celtes. La conquête
de
la Gaule par César va marquer le début de la fusion séculaire du mond
84
onquête de la Gaule par César va marquer le début
de
la fusion séculaire du monde continental et du monde méditerranéen. E
85
préhistoire, ou mieux protohistoire dont on vient
d’
indiquer quelques étapes, c’est celle d’un continent sans nom, lenteme
86
on vient d’indiquer quelques étapes, c’est celle
d’
un continent sans nom, lentement peuplé, civilisé et travaillé par des
87
II. Le mythe
de
l’enlèvement d’Europe Quant à l’Europe, il ne paraît pas que l’on
88
II. Le mythe de l’enlèvement
d’
Europe Quant à l’Europe, il ne paraît pas que l’on sache, ni d’où e
89
t à l’Europe, il ne paraît pas que l’on sache, ni
d’
où elle a tiré ce nom ni qui le lui a donné, à moins que nous ne disio
90
nné, à moins que nous ne disions qu’elle l’a pris
d’
Europe de Tyr, car, auparavant, ainsi que les deux autres parties du m
91
deux autres parties du monde, elle n’avait point
de
nom. Il est certain qu’Europe était Asiatique et qu’elle n’est jamais
92
maintenant l’Europe, mais qu’elle passa seulement
de
Phénicie en Crète et de Crète en Lycie.2 Hérodote. Europe fut d’abo
93
s qu’elle passa seulement de Phénicie en Crète et
de
Crète en Lycie.2 Hérodote. Europe fut d’abord une déesse, l’une des
94
e, l’une des trois-mille Océanides, « race sainte
de
filles qui, avec Apollon et les fleuves, nourrissent la jeunesse des
95
ère nous devons la première mention connue du nom
d’
Europe, au vers 357 de sa Théogonie. Parmi les innombrables sœurs Océa
96
mière mention connue du nom d’Europe, au vers 357
de
sa Théogonie. Parmi les innombrables sœurs Océanides, Hésiode nomme e
97
core Asie, et Métis ou la Raison, première épouse
de
Zeus. Beaucoup plus tard, nous retrouvons Europe non plus déesse mais
98
re. Agénor, roi de Tyr en Phénicie, et descendant
de
Neptune, est son père. Elle est si belle quant aux yeux — comme l’éty
99
est si belle quant aux yeux — comme l’étymologie
de
son nom grec l’indique — et d’une si éclatante blancheur, que Zeus lu
100
comme l’étymologie de son nom grec l’indique — et
d’
une si éclatante blancheur, que Zeus lui-même s’en éprend. Métamorphos
101
d. Métamorphosé en taureau, il l’enlève aux rives
de
l’Asie pour la conduire en Crète, où elle deviendra reine, et mère de
102
Crète, où elle deviendra reine, et mère des rois
de
la dynastie de Minos. De cette légende, qui inspira sans nul doute be
103
deviendra reine, et mère des rois de la dynastie
de
Minos. De cette légende, qui inspira sans nul doute beaucoup d’œuvres
104
reine, et mère des rois de la dynastie de Minos.
De
cette légende, qui inspira sans nul doute beaucoup d’œuvres perdues d
105
ette légende, qui inspira sans nul doute beaucoup
d’
œuvres perdues de poètes antérieurs, et dont nous parlent Hérodote et
106
inspira sans nul doute beaucoup d’œuvres perdues
de
poètes antérieurs, et dont nous parlent Hérodote et Thucydide entre a
107
e version grecque tardive : la célèbre « Idylle »
de
Moschos, qui date du iie siècle avant notre ère, en pleine littératu
108
rine. Il est probable que Moschos, poète sicilien
de
Syracuse, artiste érudit et précieux, s’est inspiré de peintures trad
109
racuse, artiste érudit et précieux, s’est inspiré
de
peintures traditionnelles, fresques, mosaïques ou cratères, vases déc
110
printanier où les poètes, sculpteurs et peintres
de
vingt siècles occidentaux feront jouer leur imagination sensuelle du
111
nation sensuelle du Mythe, et cela va des métopes
de
Sélinonte à la décoration d’une gare moderne — celle de Genève — d’Ov
112
cela va des métopes de Sélinonte à la décoration
d’
une gare moderne — celle de Genève — d’Ovide à Victor Hugo, et de l’au
113
inonte à la décoration d’une gare moderne — celle
de
Genève — d’Ovide à Victor Hugo, et de l’auteur des mosaïques d’Aquilé
114
décoration d’une gare moderne — celle de Genève —
d’
Ovide à Victor Hugo, et de l’auteur des mosaïques d’Aquilée jusqu’aux
115
rne — celle de Genève — d’Ovide à Victor Hugo, et
de
l’auteur des mosaïques d’Aquilée jusqu’aux décorateurs du xxe siècle
116
Ovide à Victor Hugo, et de l’auteur des mosaïques
d’
Aquilée jusqu’aux décorateurs du xxe siècle, en passant par Véronèse,
117
Lorrain et Tiepolo. Nous empruntons la traduction
de
l’Idylle au précieux petit livre d’Alfred Lombard intitulé : Un Mythe
118
la traduction de l’Idylle au précieux petit livre
d’
Alfred Lombard intitulé : Un Mythe dans l’art et dans la poésie : l’en
119
Mythe dans l’art et dans la poésie : l’enlèvement
d’
Europe 3 qui donne aussi les textes d’Horace, et des poètes de l’ère m
120
’enlèvement d’Europe 3 qui donne aussi les textes
d’
Horace, et des poètes de l’ère moderne. L’Idylle de Moschos Une
121
ui donne aussi les textes d’Horace, et des poètes
de
l’ère moderne. L’Idylle de Moschos Une fois, Kypris envoya à Eu
122
orace, et des poètes de l’ère moderne. L’Idylle
de
Moschos Une fois, Kypris envoya à Europé un doux songe. C’était l
123
e. C’était l’heure où commence le troisième tiers
de
la nuit et où l’aurore est proche, l’heure où le sommeil, plus doux q
124
songes véridiques ; alors, la fille encore vierge
de
Phoinix, Europé, qui dormait dans sa chambre à l’étage supérieur, cru
125
oir deux terres se disputer à son sujet, la terre
d’
Asie et la terre d’en face ; leur aspect était celui de femmes. L’une
126
disputer à son sujet, la terre d’Asie et la terre
d’
en face ; leur aspect était celui de femmes. L’une avait les traits d’
127
e et la terre d’en face ; leur aspect était celui
de
femmes. L’une avait les traits d’une étrangère ; l’autre ressemblait
128
ect était celui de femmes. L’une avait les traits
d’
une étrangère ; l’autre ressemblait à une femme du pays ; elle s’attac
129
it mise au jour et que seule elle avait pris soin
d’
elle ; mais l’autre, la saisissant de force de ses mains puissantes, l
130
it pris soin d’elle ; mais l’autre, la saisissant
de
force de ses mains puissantes, l’entraînait sans qu’elle résistât, et
131
oin d’elle ; mais l’autre, la saisissant de force
de
ses mains puissantes, l’entraînait sans qu’elle résistât, et déclarai
132
lle résistât, et déclarait que, de par la volonté
de
Zeus porteur d’égide, il était décidé qu’Europé lui appartenait. Cell
133
déclarait que, de par la volonté de Zeus porteur
d’
égide, il était décidé qu’Europé lui appartenait. Celle-ci se précipit
134
nait. Celle-ci se précipita hors de son lit garni
de
couvertures ; elle avait peur, et son cœur palpitait ; car le songe q
135
intive : « Qui, des habitants du ciel, m’a envoyé
de
semblables visions ? Que signifient les songes, qui, planant dans ma
136
es songes, qui, planant dans ma chambre au-dessus
de
ma couche garnie de couvertures, m’ont dressée tout émue, pendant que
137
ant dans ma chambre au-dessus de ma couche garnie
de
couvertures, m’ont dressée tout émue, pendant que je dormais doucemen
138
angère que j’ai vue dans mon sommeil ? Quel désir
d’
elle a envahi mon âme ! Et elle, de son côté, avec quelle affection el
139
l ? Quel désir d’elle a envahi mon âme ! Et elle,
de
son côté, avec quelle affection elle me faisait accueil et me regarda
140
eva et alla chercher ses compagnes, nobles filles
de
son âge, nées la même année qu’elle, qui plaisaient à son cœur et éta
141
qu’elle se préparât pour prendre part à un chœur
de
danse, qu’elle baignât son corps à l’embouchure des rivières, ou qu’e
142
es fleurs ; elles gagnèrent les prairies voisines
de
la mer, qui étaient le lieu de réunion habituel de leur troupe, charm
143
prairies voisines de la mer, qui étaient le lieu
de
réunion habituel de leur troupe, charmées par la beauté des roses et
144
e la mer, qui étaient le lieu de réunion habituel
de
leur troupe, charmées par la beauté des roses et par le bruit des flo
145
des flots. Europé elle-même portait une corbeille
d’
or magnifique, admirable merveille, admirable travail d’Héphaistos ; i
146
agnifique, admirable merveille, admirable travail
d’
Héphaistos ; il l’avait donnée à Libye, quand elle était entrée dans l
147
it donnée à la toute belle Téléphaassa, qui était
de
son sang ; et Téléphaassa, mère d’Europé, avait remis ce superbe prés
148
présent à sa fille non mariée. L’objet était orné
de
beaucoup d’ouvrages d’orfèvrerie brillant d’un vif éclat. Il y avait,
149
fille non mariée. L’objet était orné de beaucoup
d’
ouvrages d’orfèvrerie brillant d’un vif éclat. Il y avait, en or, Io f
150
mariée. L’objet était orné de beaucoup d’ouvrages
d’
orfèvrerie brillant d’un vif éclat. Il y avait, en or, Io fille d’Inac
151
orné de beaucoup d’ouvrages d’orfèvrerie brillant
d’
un vif éclat. Il y avait, en or, Io fille d’Inachos, dans le temps qu’
152
llant d’un vif éclat. Il y avait, en or, Io fille
d’
Inachos, dans le temps qu’elle était encore génisse et qu’elle n’avait
153
était encore génisse et qu’elle n’avait pas forme
de
femme ; vagabonde elle marchait sur les chemins de la plaine salée, c
154
e femme ; vagabonde elle marchait sur les chemins
de
la plaine salée, comme si elle eût nagé ; la mer était faite de métal
155
alée, comme si elle eût nagé ; la mer était faite
de
métal azuré. Haut placés, deux hommes se tenaient debout sur l’escarp
156
qui traversait la mer. Il y avait aussi Zeus fils
de
Cronos, effleurant doucement de la main la génisse fille d’Inachos, q
157
t aussi Zeus fils de Cronos, effleurant doucement
de
la main la génisse fille d’Inachos, qu’auprès du Nil aux sept bouches
158
effleurant doucement de la main la génisse fille
d’
Inachos, qu’auprès du Nil aux sept bouches, de vache cornue il transfo
159
lle d’Inachos, qu’auprès du Nil aux sept bouches,
de
vache cornue il transforma de nouveau en femme ; le cours du Nil étai
160
forma de nouveau en femme ; le cours du Nil était
d’
argent ; la vache, de bronze ; quant à Zeus, il était fait en or. Auto
161
emme ; le cours du Nil était d’argent ; la vache,
de
bronze ; quant à Zeus, il était fait en or. Autour de la corbeille ro
162
était représenté Hermès ; près de lui gisait tout
de
son long Argos, orné d’yeux rebelles au sommeil ; du sang rouge d’Arg
163
; près de lui gisait tout de son long Argos, orné
d’
yeux rebelles au sommeil ; du sang rouge d’Argos, surgissait un oiseau
164
, orné d’yeux rebelles au sommeil ; du sang rouge
d’
Argos, surgissait un oiseau, fier de son plumage fleuri et multicolore
165
du sang rouge d’Argos, surgissait un oiseau, fier
de
son plumage fleuri et multicolore ; il déployait ses pennes — tel un
166
tel un navire qui fend rapidement les flots — et
de
ses pennes déployées couvrait les bords de la corbeille d’or. Telle é
167
s — et de ses pennes déployées couvrait les bords
de
la corbeille d’or. Telle était la corbeille de la toute belle Europé.
168
nnes déployées couvrait les bords de la corbeille
d’
or. Telle était la corbeille de la toute belle Europé. Arrivées dans l
169
ds de la corbeille d’or. Telle était la corbeille
de
la toute belle Europé. Arrivées dans les prés fleuris, les jeunes fil
170
tissaient à chercher chacune telle ou telle sorte
de
fleur ; l’une prenait le narcisse odorant, une autre l’hyacinthe, cel
171
nes mains les roses resplendissantes à la couleur
de
flamme, attirait parmi elle les regards comme parmi les Charites la d
172
es regards comme parmi les Charites la déesse née
de
l’écume. Elle ne devait pas longtemps prendre plaisir à ces fleurs, n
173
tacte sa ceinture virginale. Aussitôt que le fils
de
Cronos l’eut aperçue, de quel vertige saisi il fut dompté par les tra
174
le. Aussitôt que le fils de Cronos l’eut aperçue,
de
quel vertige saisi il fut dompté par les traits imprévus de Kypris, s
175
rtige saisi il fut dompté par les traits imprévus
de
Kypris, seule capable de dompter Zeus lui-même ! Voulant à la fois év
176
par les traits imprévus de Kypris, seule capable
de
dompter Zeus lui-même ! Voulant à la fois éviter le courroux de la ja
177
s lui-même ! Voulant à la fois éviter le courroux
de
la jalouse Héra et décevoir l’esprit naïf de la jeune fille, il mit u
178
roux de la jalouse Héra et décevoir l’esprit naïf
de
la jeune fille, il mit un masque au dieu, transforma sa personne, se
179
ptés par l’aiguillon, traînent des chars porteurs
de
lourds fardeaux. Tout son corps était de couleur blonde, à l’exceptio
180
porteurs de lourds fardeaux. Tout son corps était
de
couleur blonde, à l’exception d’un cercle blanc pur qui brillait au m
181
son corps était de couleur blonde, à l’exception
d’
un cercle blanc pur qui brillait au milieu de son front ; ses yeux, de
182
us, étincelaient et lançaient des éclairs chargés
d’
amour ; ses cornes s’élevaient, l’une en face de l’autre, égales au-de
183
aient, l’une en face de l’autre, égales au-dessus
de
sa tête, pareille au croissant demi-circulaire de la lune cornue. Il
184
de sa tête, pareille au croissant demi-circulaire
de
la lune cornue. Il vint dans la prairie, et son apparition n’effraya
185
les jeunes filles ; toutes furent prises du désir
de
s’approcher, de toucher le joli animal, dont la divine odeur, se répa
186
s ; toutes furent prises du désir de s’approcher,
de
toucher le joli animal, dont la divine odeur, se répandant au loin, d
187
pandant au loin, dominait même le souffle embaumé
de
la prée. Il s’arrêta en face de l’irréprochable Europé ; il lui lécha
188
le charme. Elle le caressait, essuyait doucement
de
ses mains l’écume qui lui tombait, abondante, de la bouche ; et au ta
189
de ses mains l’écume qui lui tombait, abondante,
de
la bouche ; et au taureau elle donna un baiser. Lui, poussa un tendre
190
aurait cru entendre résonner le chant harmonieux
de
la flûte mygdonnienne. Il s’agenouilla aux pieds d’Europé ; tournant
191
la flûte mygdonnienne. Il s’agenouilla aux pieds
d’
Europé ; tournant le col, il la regardait et lui montrait son large do
192
es tresses : « Venez, chères compagnes, compagnes
de
mon âge, asseyons-nous sur ce taureau, pour notre divertissement ; à
193
lles allaient en faire autant ; mais il se releva
d’
un bond, enlevant celle qu’il voulait, et gagna rapidement la mer. Eur
194
s poissons, alentour, s’ébattaient devant les pas
de
Zeus ; le dauphin, sorti de l’abîme, cabriolait joyeux au-dessus de l
195
taient devant les pas de Zeus ; le dauphin, sorti
de
l’abîme, cabriolait joyeux au-dessus de l’eau qui s’enflait. Les Néré
196
in, sorti de l’abîme, cabriolait joyeux au-dessus
de
l’eau qui s’enflait. Les Néréides surgirent du fond de l’onde, et, as
197
eau qui s’enflait. Les Néréides surgirent du fond
de
l’onde, et, assises sur le dos de poissons, défilaient en cortège ; à
198
rgirent du fond de l’onde, et, assises sur le dos
de
poissons, défilaient en cortège ; à la surface des flots, qu’il gouve
199
ui s’assemblaient les tritons, bruyants musiciens
de
la mer ; soufflant dans de longs coquillages, ils faisaient retentir
200
ns, bruyants musiciens de la mer ; soufflant dans
de
longs coquillages, ils faisaient retentir le chant nuptial. Assise su
201
ptial. Assise sur le dos du taureau Zeus, Europé,
d’
une main, serrait la grande corne de la bête ; de l’autre, elle mainte
202
Zeus, Europé, d’une main, serrait la grande corne
de
la bête ; de l’autre, elle maintenait contre elle le pli pourpré de s
203
d’une main, serrait la grande corne de la bête ;
de
l’autre, elle maintenait contre elle le pli pourpré de sa robe, pour
204
autre, elle maintenait contre elle le pli pourpré
de
sa robe, pour éviter que, traînant derrière elle, il ne fût mouillé p
205
rrière elle, il ne fût mouillé par l’onde immense
de
la mer blanchissante. Aux épaules, le péplos d’Europé se gonfla en un
206
e de la mer blanchissante. Aux épaules, le péplos
d’
Europé se gonfla en une poche profonde, comme la voile d’un navire, et
207
é se gonfla en une poche profonde, comme la voile
d’
un navire, et allégeait le poids de la jeune fille. Déjà elle était lo
208
comme la voile d’un navire, et allégeait le poids
de
la jeune fille. Déjà elle était loin de la terre natale ; il n’y avai
209
bas la mer sans limites. Alors, promenant autour
d’
elle ses regards, elle fit entendre ces mots : « Où m’emportes-tu, tau
210
s à fendre les flots ; mais les taureaux ont peur
de
la voie marine. Quelle boisson capable de te plaire, quelle nourritur
211
nt peur de la voie marine. Quelle boisson capable
de
te plaire, quelle nourriture trouves-tu dans l’onde salée ? Sans dout
212
je pense, tu vas t’élever aussi dans les hauteurs
de
l’air étincelant et tu voleras comme les oiseaux rapides. Hélas, gran
213
est mon infortune, à moi qui ai quitté la demeure
de
mon père, et, suivant ce taureau, accomplis une étrange navigation, e
214
gation, errante et solitaire. Mais toi, souverain
de
la mer blanchissante, branleur de la terre, montre-toi pour moi bienv
215
toi, souverain de la mer blanchissante, branleur
de
la terre, montre-toi pour moi bienveillant, toi qu’il me semble voir
216
me tracer la route. Ce n’est pas sans le vouloir
d’
un dieu que je suis ces humides chemins. » Elle dit ; et le taureau au
217
ssure-toi, jeune fille ; ne crains pas les vagues
de
la mer ; je suis Zeus en personne, bien que, de près, j’aie l’air d’ê
218
s de la mer ; je suis Zeus en personne, bien que,
de
près, j’aie l’air d’être un taureau ; il est en ma puissance de paraî
219
Zeus en personne, bien que, de près, j’aie l’air
d’
être un taureau ; il est en ma puissance de paraître ce que je veux. C
220
l’air d’être un taureau ; il est en ma puissance
de
paraître ce que je veux. C’est mon amour pour toi qui m’a poussé à pa
221
parcourir une telle étendue marine, sous l’aspect
d’
un taureau. Mais la Crète te recevra bientôt ; elle m’a nourri moi-mêm
222
e se célébreront tes noces. Et je te rendrai mère
de
nobles fils, qui tous, parmi les hommes, seront porteurs de sceptre.
223
fils, qui tous, parmi les hommes, seront porteurs
de
sceptre. » Il dit ; et ce qu’il avait dit était chose accomplie. Déjà
224
Zeus reprenait sa figure ; il détacha la ceinture
d’
Europé ; les Heures lui préparaient une couche ; elle qui était vierge
225
it vierge auparavant, sans tarder devint l’épouse
de
Zeus ; sans tarder, elle conçut des enfants du fils de Cronos, et dev
226
us ; sans tarder, elle conçut des enfants du fils
de
Cronos, et devint mère. C’est sans nul doute le songe du début de l’
227
int mère. C’est sans nul doute le songe du début
de
l’Idylle qui contient, pour nous tout au moins, la véritable signific
228
s deux terres qui se disputent Europe, « la terre
d’
Asie et la terre d’en face », le continent civilisé et celui qui n’a p
229
e disputent Europe, « la terre d’Asie et la terre
d’
en face », le continent civilisé et celui qui n’a pas de nom, qui veut
230
ace », le continent civilisé et celui qui n’a pas
de
nom, qui veut un nom et un esprit, et qui va l’arracher par la violen
231
l’arracher par la violence, mais non sans l’aide
de
Zeus lui-même. Selon la plupart des commentateurs récents du Mythe, d
232
ait en somme une manifestation locale et poétique
de
la Grande Déesse, dont le culte dominait le Proche-Orient et la Médit
233
cellence. Dans les deux cas, Europe reste le nom
d’
une puissance féminine enlevée à l’Asie, puis fécondée par le dieu mâl
234
l’Olympe des Grecs continentaux : le grand masque
d’
or retrouvé sous les ruines de Mycènes, un Zeus solaire contemporain d
235
x : le grand masque d’or retrouvé sous les ruines
de
Mycènes, un Zeus solaire contemporain du déclin de la Crète et de son
236
e Mycènes, un Zeus solaire contemporain du déclin
de
la Crète et de son culte de la Grande Mère, éclaire et reflète à la f
237
eus solaire contemporain du déclin de la Crète et
de
son culte de la Grande Mère, éclaire et reflète à la fois la naissanc
238
ontemporain du déclin de la Crète et de son culte
de
la Grande Mère, éclaire et reflète à la fois la naissance de l’Europe
239
e Mère, éclaire et reflète à la fois la naissance
de
l’Europe historique. Ainsi le mythe traduit la mutation religieuse d’
240
ue. Ainsi le mythe traduit la mutation religieuse
d’
une civilisation venue du Proche-Orient sur l’obscur continent occiden
241
bscur continent occidental, qui va prendre le nom
de
sa précieuse proie. Nous ne donnerons pas ici d’autres versions fameu
242
s ne donnerons pas ici d’autres versions fameuses
de
l’Enlèvement, celle d’Ovide et celle de Diodore : elles ne font qu’im
243
d’autres versions fameuses de l’Enlèvement, celle
d’
Ovide et celle de Diodore : elles ne font qu’imiter le modèle de Mosch
244
fameuses de l’Enlèvement, celle d’Ovide et celle
de
Diodore : elles ne font qu’imiter le modèle de Moschos, que nous avon
245
le de Diodore : elles ne font qu’imiter le modèle
de
Moschos, que nous avons tenu à citer en entier parce qu’il figure en
246
parce qu’il figure en quelque sorte l’étymologie
d’
une tradition de l’Art qui traversera les siècles. Mais les traits de
247
ure en quelque sorte l’étymologie d’une tradition
de
l’Art qui traversera les siècles. Mais les traits de cette gracieuse
248
l’Art qui traversera les siècles. Mais les traits
de
cette gracieuse allégorie décorative — le songe du début mis à part —
249
aucune réalité historique ou psychologique. Rien
de
commun entre l’Idylle et le drame de l’Europe dans l’histoire à venir
250
ogique. Rien de commun entre l’Idylle et le drame
de
l’Europe dans l’histoire à venir. Il n’en va pas de même avec Horace.
251
dans l’émouvante et solennelle apostrophe finale
de
Vénus : … bene ferre magnum Disce fortunam ; tua sectus orbis Nomina
252
rtunam ; tua sectus orbis Nomina ducet. L’ode
d’
Horace À Galatée Ainsi Europe confia au taureau séducteur son flan
253
insi Europe confia au taureau séducteur son flanc
de
neige, Europe, devant les monstres pullulant sur la mer et les pièges
254
r la mer et les pièges qui l’environnaient, pâlit
de
son audace. Elle qui, naguère dans les prés, n’était occupée que des
255
uée aux nymphes, maintenant, à la clarté douteuse
de
la nuit, elle ne voit rien que les astres et les flots. Mais dès qu’e
256
e aux Cent villes : « Ô mon père, dit-elle, ô nom
de
fille que j’ai trahi, ô piété qu’a vaincue mon délire ! D’où suis-je
257
que j’ai trahi, ô piété qu’a vaincue mon délire !
D’
où suis-je venue, et où ? Une seule mort est trop légère pour la faute
258
onteux ? ou bien, sans reproche, suis-je le jouet
d’
une image Dont le vol trompeur, par la porte d’ivoire, m’amène un son
259
t d’une image Dont le vol trompeur, par la porte
d’
ivoire, m’amène un songe ? Valait-il mieux s’en aller à travers les fl
260
colère, ce taureau qui me déshonore, je voudrais,
de
toutes mes forces, déchirer, briser avec le fer les cornes du monstre
261
ant qu’une affreuse maigreur n’ait envahi l’éclat
de
mes joues, que cette proie, tendre et pleine de sève, se soit desséch
262
t de mes joues, que cette proie, tendre et pleine
de
sève, se soit desséchée, je veux belle encore, nourrir les tigres. Mé
263
pide, à moins que tu n’aimes mieux filer ta tâche
d’
esclave. Toi, le sang des rois, livrée à une maîtresse des pays barbar
264
barbares. » Ainsi elle se lamentait, mais à côté
d’
elle se tenait Vénus, souriant malignement, et son fils, l’arc détendu
265
déesse se fut assez divertie : « Trêve, dit-elle,
de
colères et de bouillantes querelles, quand l’odieux taureau viendra t
266
assez divertie : « Trêve, dit-elle, de colères et
de
bouillantes querelles, quand l’odieux taureau viendra te donner ses c
267
ornes à déchirer. Tu es, sans le savoir, la femme
de
l’invincible Jupiter. Laisse là les sanglots, apprends à bien porter
268
nce, qui sera suivi par saint Jérôme, s’efforcent
d’
en évacuer le merveilleux : Europe fut enlevée par les Crétois dans u
269
n deux lignes le récit primitif : il l’introduira
de
la sorte, grâce au succès durable de ses Étymologies, dans les écoles
270
l’introduira de la sorte, grâce au succès durable
de
ses Étymologies, dans les écoles du Moyen Âge. À l’inverse de Lactan
271
ogies, dans les écoles du Moyen Âge. À l’inverse
de
Lactance et de Jérôme, qui avaient privé le mythe de son contenu reli
272
écoles du Moyen Âge. À l’inverse de Lactance et
de
Jérôme, qui avaient privé le mythe de son contenu religieux païen, le
273
Lactance et de Jérôme, qui avaient privé le mythe
de
son contenu religieux païen, le Moyen Âge tente parfois de lui rendre
274
ntenu religieux païen, le Moyen Âge tente parfois
de
lui rendre un contenu religieux chrétien, un peu comme Simone Weil, d
275
enu religieux chrétien, un peu comme Simone Weil,
de
nos jours, le fera pour d’autres mythes, celui de Prométhée notamment
276
de nos jours, le fera pour d’autres mythes, celui
de
Prométhée notamment. En voici un exemple touchant : le moine Pierre B
277
que la Crète serait la vie contemplative. Le rapt
d’
Europe symbolise à ses yeux le passage de l’âme du temporel à l’éterne
278
Le rapt d’Europe symbolise à ses yeux le passage
de
l’âme du temporel à l’éternel : Cette pucelle Europe signifie l’âme…
279
e Europe signifie l’âme… Jupiter signifie le fils
de
Dieu qui pour sauver l’âme se mua en taureau, c’est-à-dire qu’il prit
280
corporelle en prenant l’humaine chair. Comme l’un
de
nous il vint demeurer en ce monde terrestre plein de tribulations… l’
281
nous il vint demeurer en ce monde terrestre plein
de
tribulations… l’âme dévote doit le suivre et se tenir à lui comme à u
282
enlevée en un navire, portant en proue la figure
d’
un taureau. Et aucuns reconnaissent la nef, portant l’effigie de Jupin
283
Et aucuns reconnaissent la nef, portant l’effigie
de
Jupin tutélaire et du taureau. Palephatus dit qu’un Candiot nommé Tau
284
Palephatus dit qu’un Candiot nommé Taurus enleva
d’
Italie ou région des Tyrrhènes, avec autres filles, Europe fille du ro
285
nnière. Y en a qui disent, qu’il y eut une légion
de
gens de guerre, qui portait entre autres enseignes un taureau. Quelqu
286
Y en a qui disent, qu’il y eut une légion de gens
de
guerre, qui portait entre autres enseignes un taureau. Quelques-uns d
287
appelée, à cause de sa beauté par la ressemblance
de
cette fille ravie. Le taureau, certes, par lequel ils veulent qu’Euro
288
propos les mœurs et naturel des Européens. Il est
d’
un courage un peu élevé, insolent, embelli par ses cornes, de couleur
289
e un peu élevé, insolent, embelli par ses cornes,
de
couleur blanche, d’un gosier large, d’un col gras, guide et commandeu
290
lent, embelli par ses cornes, de couleur blanche,
d’
un gosier large, d’un col gras, guide et commandeur des haras ; de trè
291
es cornes, de couleur blanche, d’un gosier large,
d’
un col gras, guide et commandeur des haras ; de très grande continence
292
e, d’un col gras, guide et commandeur des haras ;
de
très grande continence, mais s’il est amené à sexe dissemblable, il s
293
est amené à sexe dissemblable, il se montre être
de
chaleur extrême, toutefois en après chaste et modéré. Tel est quasi l
294
rd, André Chénier, Victor Hugo, en font une sorte
d’
exercice de description, dans le style de l’Idylle antique. Citons Hug
295
hénier, Victor Hugo, en font une sorte d’exercice
de
description, dans le style de l’Idylle antique. Citons Hugo : Un ou
296
ne sorte d’exercice de description, dans le style
de
l’Idylle antique. Citons Hugo : Un ouvrier d’Égine a sculpté sur la
297
e de l’Idylle antique. Citons Hugo : Un ouvrier
d’
Égine a sculpté sur la plinthe Europe dont un dieu n’écoute pas la p
298
espoir, Crie, et baissant les yeux, s’épouvante
de
voir L’Océan monstrueux qui baise ses pieds roses. Seul, Leconte d
299
eul, Leconte de Lisle retrouve un peu de l’accent
d’
Horace, dans le discours qu’il attribue à Zeus lui-même, non plus à Vé
300
iques Où tu célébreras ton hymen glorieux. Et
de
toi sortiront des Enfants héroïques Qui régiront la terre et devien
301
Entre le mythe primitif et la réalité — le drame
de
l’Europe dans l’histoire — ces poètes ont mis toute la distance qui s
302
toute la distance qui sépare l’archétype profond
de
la littérature décorative. Revenons au réel, c’est-à-dire à la relati
303
l symbolise et l’Europe naissant à l’histoire. Un
de
nos grands historiens contemporains, G. de Reynold, nous y aidera mie
304
idera mieux que personne : Europe nous est venue
d’
Asie, mère de toutes les grandes religions, génératrice de tous les gr
305
ue personne : Europe nous est venue d’Asie, mère
de
toutes les grandes religions, génératrice de tous les grands mythes.
306
mère de toutes les grandes religions, génératrice
de
tous les grands mythes. Europe est une des formes prises par le premi
307
. Europe est une des formes prises par le premier
de
ces mythes, par le panthéisme primitif et informe : l’adoration de la
308
r le panthéisme primitif et informe : l’adoration
de
la terre et de la fécondité, la Grande Mère où tout est un et divers
309
primitif et informe : l’adoration de la terre et
de
la fécondité, la Grande Mère où tout est un et divers à la fois. Dès
310
rencontre avec une intense vie maritime, une vie
de
piraterie et de commerce, de conflits et d’échanges, une vie dont il
311
une intense vie maritime, une vie de piraterie et
de
commerce, de conflits et d’échanges, une vie dont il se colore à tel
312
ie maritime, une vie de piraterie et de commerce,
de
conflits et d’échanges, une vie dont il se colore à tel point que l’o
313
e vie de piraterie et de commerce, de conflits et
d’
échanges, une vie dont il se colore à tel point que l’on a longtemps c
314
olore à tel point que l’on a longtemps cru facile
de
l’expliquer par l’histoire et par les mœurs. Sitôt méditerranéen, le
315
he Europe passe en Crète. Il y devient le symbole
de
toute une civilisation intermédiaire entre la Grèce et l’Asie. État p
316
colonisateur, la Crète des Minos répand le culte
d’
Europe associé à celui de Zeus dans le monde égéen, dans la Grèce cont
317
es Minos répand le culte d’Europe associé à celui
de
Zeus dans le monde égéen, dans la Grèce continentale. Et voici le mom
318
péenne. Qu’est-ce que l’Europe ? Europe est venue
d’
Asie. Elle a été enlevée à l’Orient par un dieu du Nord. […] Zeus-Jupi
319
rs le dieu par excellence, le principe, la racine
de
tout le polythéisme grec. Il maintient l’unité entre toutes ces divin
320
lution durant laquelle les énergies élémentaires,
d’
hypostase en hypostase, sont arrivées à se concrétiser, à s’humaniser.
321
e Zeus apparaît le dieu-homme dont la mission est
de
dominer le monde et de le gouverner, afin que les hommes puissent y v
322
-homme dont la mission est de dominer le monde et
de
le gouverner, afin que les hommes puissent y vivre. Il prendra pour p
323
son ; mais il l’absorbera en soi, dans la crainte
d’
en avoir un fils plus fort que lui-même, et il engendrera par la tête
324
Junon, sera la morale. Ces mythes ne font-ils pas
de
lui le symbole de la grande civilisation génératrice de toute la civi
325
ale. Ces mythes ne font-ils pas de lui le symbole
de
la grande civilisation génératrice de toute la civilisation européenn
326
le symbole de la grande civilisation génératrice
de
toute la civilisation européenne ? Au culte de Zeus, celui d’Europe e
327
ce de toute la civilisation européenne ? Au culte
de
Zeus, celui d’Europe est associé, mais comme une manifestation second
328
civilisation européenne ? Au culte de Zeus, celui
d’
Europe est associé, mais comme une manifestation secondaire. Comment v
329
rd, se répandre peu à peu dans l’Hellade entière.
De
Crète, il prend trois directions : vers Corinthe, la Thessalie, puis,
330
avers la Thrace, jusqu’à la partie septentrionale
de
l’Asie Mineure — vers la Béotie, la Locride, la Phocide, jusque dans
331
es et phéniciennes où le mythe retrouve son point
de
départ. Cependant, les légendes et les traditions s’embrouillent, se
332
odote : livre IV, dédié à Melpomène. 3. Éditions
de
la Baconnière, Neuchâtel, 1946, 32 illustrations. 4. W. Technau, Di
333
auf dem Stier, cité par G. de Reynold, Formation
de
l’Europe, tome I, LUF, Fribourg, 1944, et par Jürgen Fischer, Oriens,
334
iner Verlag, Wiesbaden, 1957. Ce dernier ouvrage,
d’
une très vivante et précise érudition, donne la bibliographie la plus
335
Notons que cette interprétation « rationaliste »
de
saint Jérôme était déjà celle d’Hérodote — évhémériste avant lettre —
336
« rationaliste » de saint Jérôme était déjà celle
d’
Hérodote — évhémériste avant lettre — qui écrit dans son premier livre
337
s Crétois. » 7. Gonzague de Reynold,La Formation
de
l’Europe, I, p. 112, 110, 111.
338
III. Le Mythe
de
Japhet8 S’il reste vrai que le mythe du rapt d’Europe se trouve tr
339
e Japhet8 S’il reste vrai que le mythe du rapt
d’
Europe se trouve traduire les grandes données ethnographiques et histo
340
es grandes données ethnographiques et historiques
de
la formation de l’Europe, c’est à un autre mythe, bien moins connu, q
341
es ethnographiques et historiques de la formation
de
l’Europe, c’est à un autre mythe, bien moins connu, que nous devons a
342
s connu, que nous devons attribuer la persistance
d’
un concept de l’Europe comme continent distinct, même aux époques où l
343
nous devons attribuer la persistance d’un concept
de
l’Europe comme continent distinct, même aux époques où le nom d’Europ
344
me continent distinct, même aux époques où le nom
d’
Europe n’éveillait plus, dans les esprits, que la seule idée géographi
345
dans les esprits, que la seule idée géographique
d’
une des trois grandes régions de l’univers alors connu. C’est à la Bib
346
idée géographique d’une des trois grandes régions
de
l’univers alors connu. C’est à la Bible, interprétée par les premiers
347
l’Église, qu’entend remonter, dès le ive siècle
de
notre ère, cette tradition indépendante de la Grèce : nous l’appeller
348
siècle de notre ère, cette tradition indépendante
de
la Grèce : nous l’appellerons le Mythe de Japhet. Selon saint Ambrois
349
endante de la Grèce : nous l’appellerons le Mythe
de
Japhet. Selon saint Ambroise (né en 340), les trois fils de Noé, Sem,
350
Selon saint Ambroise (né en 340), les trois fils
de
Noé, Sem, Cham et Japhet, ont reçu en partage les trois parties du mo
351
’Afrique et l’Europe. Cette tripartition mythique
de
la terre domine toute la géographie du Moyen Âge. Elle se fonde sur l
352
oyen Âge. Elle se fonde sur les chapitres 9 et 10
de
la Genèse, qui racontent comment les fils de Noé au sortir de l’Arche
353
t 10 de la Genèse, qui racontent comment les fils
de
Noé au sortir de l’Arche, reçurent de leur père l’ordre de remplir to
354
nt les fils de Noé au sortir de l’Arche, reçurent
de
leur père l’ordre de remplir toute la terre de leur postérité. Ils ne
355
sortir de l’Arche, reçurent de leur père l’ordre
de
remplir toute la terre de leur postérité. Ils ne furent pas traités é
356
nt de leur père l’ordre de remplir toute la terre
de
leur postérité. Ils ne furent pas traités également, car Sem et Japhe
357
lement, car Sem et Japhet ayant couvert la nudité
de
Noé ivre furent seuls bénis par lui : Béni soit l’Éternel, Dieu de Se
358
soit l’Éternel, Dieu de Sem, et que Canaan (fils
de
Cham) soit leur esclave ! Que Dieu étende les possessions de Japhet,
359
it leur esclave ! Que Dieu étende les possessions
de
Japhet, qu’il habite dans les tentes de Sem, et que Canaan soit leur
360
ssessions de Japhet, qu’il habite dans les tentes
de
Sem, et que Canaan soit leur esclave ! (Gen. 9, 26 et 27). Pour Ambro
361
ave ! (Gen. 9, 26 et 27). Pour Ambroise, les fils
de
Sem sont bons, ceux de Cham mauvais, ceux de Japhet « indifférents »,
362
). Pour Ambroise, les fils de Sem sont bons, ceux
de
Cham mauvais, ceux de Japhet « indifférents », c’est-à-dire païens, «
363
fils de Sem sont bons, ceux de Cham mauvais, ceux
de
Japhet « indifférents », c’est-à-dire païens, « attachés aux biens de
364
ents », c’est-à-dire païens, « attachés aux biens
de
ce monde », mais capables de se convertir. Les commentateurs des sièc
365
« attachés aux biens de ce monde », mais capables
de
se convertir. Les commentateurs des siècles suivants comme Paul Orose
366
e Brescia reprennent et précisent la tripartition
d’
Ambroise. Pour saint Augustin, Japhet est l’ancêtre des peuples de l’O
367
saint Augustin, Japhet est l’ancêtre des peuples
de
l’Occident, qui comprend l’Europe et l’Afrique, tandis que Sem est l’
368
Afrique, tandis que Sem est l’ancêtre des peuples
de
l’Orient. Augustin voit dans Genèse 9, 27 une prophétie, « prophetica
369
benedictio », et l’interprète ainsi : les tentes
de
Sem représentent l’Église ; Japhet, par sa postérité « s’étendra » ju
370
, par sa postérité « s’étendra » jusqu’au domaine
de
Sem, donc les peuples de l’Europe se convertiront au vrai Dieu. Le mo
371
endra » jusqu’au domaine de Sem, donc les peuples
de
l’Europe se convertiront au vrai Dieu. Le mot sur lequel insistent to
372
e latitudo, largeur, expansion. Ainsi l’expansion
de
l’Empire romain en Europe et dans tout l’orbis terrarum connu à l’épo
373
pré-formé, selon Isidore de Séville, l’expansion
de
l’Église chrétienne. Le concept d’Europe reçoit ainsi un contenu reli
374
e, l’expansion de l’Église chrétienne. Le concept
d’
Europe reçoit ainsi un contenu religieux en même temps qu’un contenu g
375
ographique. Isidore fait entrer dans la postérité
de
Japhet les Cappadociens, Ciliciens, Ioniens, Thraces, Gaulois et Espa
376
es, Gaulois et Espagnols. « Tels sont les peuples
de
la lignée de Japhet, qui, du mont Taurus dans l’Asie médiane jusqu’à
377
t Espagnols. « Tels sont les peuples de la lignée
de
Japhet, qui, du mont Taurus dans l’Asie médiane jusqu’à l’Océan Brita
378
mnem Europam). » Jürgen Fischer cite une douzaine
d’
auteurs du ve au xve siècles, qui rattachent à Japhet et à ses 23 ou
379
gues distinctes. Relevons en passant que certains
de
ces auteurs divisent le genre humain en trois classes : Les hommes li
380
humain en trois classes : Les hommes libres, fils
de
Sem, les soldats, fils de Japhet, et les esclaves, fils de Cham. « Il
381
Les hommes libres, fils de Sem, les soldats, fils
de
Japhet, et les esclaves, fils de Cham. « Il n’est certes pas démontra
382
es soldats, fils de Japhet, et les esclaves, fils
de
Cham. « Il n’est certes pas démontrable, mais possible, que la relati
383
t et l’Europe se soit vue confirmée dans l’esprit
de
ces auteurs par la traduction en grec de l’allégorie (biblique) : au
384
l’esprit de ces auteurs par la traduction en grec
de
l’allégorie (biblique) : au latin latus (large, étendu) correspond le
385
et la mythologie grecque. L’Europe ferait partie
de
l’économie du salut, serait donc un concept acceptable aux yeux des P
386
oncept acceptable aux yeux des Pères. Et le mythe
de
Japhet, ainsi interprété, exprimerait assez bien l’état du continent
387
z bien l’état du continent dans la seconde moitié
de
notre premier millénaire : ce mélange originellement « indifférent »
388
ement « indifférent » (à l’égard de la vraie foi)
de
païens et de convertis toujours plus nombreux, qui porte en bloc le n
389
férent » (à l’égard de la vraie foi) de païens et
de
convertis toujours plus nombreux, qui porte en bloc le nom d’Europe.
390
toujours plus nombreux, qui porte en bloc le nom
d’
Europe. 8. Nous suivons ici la démonstration de Jürgen Fischer, op.
391
d’Europe. 8. Nous suivons ici la démonstration
de
Jürgen Fischer, op. cit., p. 10 à 19 : « Die Japhet-Historie ». 9.
392
IV. Cadmus ou la quête
d’
Europe Relevons enfin un autre point de contact ou de contamination
393
la quête d’Europe Relevons enfin un autre point
de
contact ou de contamination entre les deux mythes, le grec et le bibl
394
ope Relevons enfin un autre point de contact ou
de
contamination entre les deux mythes, le grec et le biblique. Agénor,
395
, le grec et le biblique. Agénor, roi de Tyr venu
d’
Égypte pour habiter le pays de Canaan, est le père de cinq fils et d’u
396
or, roi de Tyr venu d’Égypte pour habiter le pays
de
Canaan, est le père de cinq fils et d’une fille : Europe. Cette derni
397
gypte pour habiter le pays de Canaan, est le père
de
cinq fils et d’une fille : Europe. Cette dernière ayant été enlevée p
398
er le pays de Canaan, est le père de cinq fils et
d’
une fille : Europe. Cette dernière ayant été enlevée par le taureau di
399
in (ou par le roi de Crète Taurus), les cinq fils
d’
Agénor partent à sa recherche, sur l’ordre de leur père. Comme ils ign
400
fils d’Agénor partent à sa recherche, sur l’ordre
de
leur père. Comme ils ignorent où est allé le taureau, ils prennent ch
401
future Carthage, où il donne son nom aux Punici (
de
Poeni) puis revient en Canaan, qui sera rebaptisé Phénicie en son hon
402
eus aux Dardanelles, Thasus à Olympie puis à Pile
de
Thasos. Enfin Cadmus, le plus célèbre des cinq frères va d’abord à Rh
403
inq frères va d’abord à Rhodes, puis en Thrace et
de
là, à Delphes. Il interroge l’oracle pour savoir où il trouvera Europ
404
ir où il trouvera Europe. La Pythie lui conseille
d’
abandonner sa Quête, et de suivre plutôt une vache : là où cette vache
405
La Pythie lui conseille d’abandonner sa Quête, et
de
suivre plutôt une vache : là où cette vache tombera de fatigue, Cadmu
406
ivre plutôt une vache : là où cette vache tombera
de
fatigue, Cadmus devra bâtir une ville. Il achète donc une vache marqu
407
bâtir une ville. Il achète donc une vache marquée
d’
une pleine lune blanche sur chaque flanc, la chasse devant lui sans ré
408
’effondre, épuisée, au lieu où s’élèvera la ville
de
Thèbes. On voit donc que la Quête d’Europe — selon ce groupe de légen
409
era la ville de Thèbes. On voit donc que la Quête
d’
Europe — selon ce groupe de légendes rapportées notamment par Pausania
410
voit donc que la Quête d’Europe — selon ce groupe
de
légendes rapportées notamment par Pausanias — se confond avec les voy
411
ien, dès ces débuts fabuleux, il paraît difficile
de
« retrouver Europe » ! C’est la poursuite de son image mythique qui f
412
cile de « retrouver Europe » ! C’est la poursuite
de
son image mythique qui fait découvrir aux cinq frères sa réalité géog
413
ères sa réalité géographique. Voilà qui est plein
d’
enseignements. Rechercher l’Europe, c’est la faire ! En d’autres terme
414
en Chnas, qui apparaît dans la Genèse sous le nom
de
Canaan. Nombre de coutumes cananéennes indiquent une provenance est-a
415
raît dans la Genèse sous le nom de Canaan. Nombre
de
coutumes cananéennes indiquent une provenance est-africaine, et les C
416
Basse-Égypte de l’Ouganda. La dispersion des fils
d’
Agénor semble rappeler la fuite vers l’ouest des Cananéens, au second
417
Sémites. On se rappelle que Canaan était ce fils
de
Cham promis à l’esclavage. Ainsi le mythe japhétique et le mythe gréc
418
t au moins en ce point, non sans qu’il en résulte
de
nouvelles incertitudes et complexités, puisque Europe descendrait ain
419
et complexités, puisque Europe descendrait ainsi
de
Cham selon la légende classique et son interprétation phénicienne, ta
420
elon la tradition biblique, c’est aux descendants
de
Japhet qu’aurait été promis le continent occidental. Mais que penser
421
it à son tour) entre le Japhet de la Genèse, fils
de
Noé, et le Japet de la mythologie, ce Titan père de Prométhée, et don
422
le Japhet de la Genèse, fils de Noé, et le Japet
de
la mythologie, ce Titan père de Prométhée, et donc grand-père de Deuc
423
Noé, et le Japet de la mythologie, ce Titan père
de
Prométhée, et donc grand-père de Deucalion qui fut précisément le Noé
424
des signes et des sons qu’il est parfois possible
d’
établir sans équivoque, elle se propose de rechercher des significatio
425
ossible d’établir sans équivoque, elle se propose
de
rechercher des significations, tenant les primitives pour plus authen
426
st significatif. Elle décrit donc les préférences
de
celui qui découvre une « vraie » racine, plutôt qu’elle ne statue sur
427
sens du mot. Et c’est pourquoi il est intéressant
de
rappeler ici quelques-unes des « origines » retenues par diverses épo
428
tenues par diverses époques pour expliquer ce nom
d’
Europe, dont Hérodote pensait que nul mortel ne saurait espérer découv
429
sur la double croyance traditionnelle que le nom
d’
Europe vient de l’hébreu et que notre continent fut la part de Japhet.
430
nt de l’hébreu et que notre continent fut la part
de
Japhet. (Il s’agit donc, comme on l’a vu plus haut, de donner une rac
431
phet. (Il s’agit donc, comme on l’a vu plus haut,
de
donner une racine biblique à ce nom qui, autrement, rappellerait fâch
432
t les coupables amours du roi des dieux païens et
d’
une fille de Tyr, cette ville cent fois maudite par les prophètes.) Go
433
les amours du roi des dieux païens et d’une fille
de
Tyr, cette ville cent fois maudite par les prophètes.) Goropius écrit
434
n mariage légitime ; Ur, excellent, Hop, espoir :
d’
où réussit qu’Europ soit espoir excellent d’un mariage légitime, leque
435
oir : d’où réussit qu’Europ soit espoir excellent
d’
un mariage légitime, lequel a été propre de cette portion des terres,
436
ellent d’un mariage légitime, lequel a été propre
de
cette portion des terres, laquelle Noé donna à Japhet pour sa demeure
437
het pour sa demeure. Car combien que la postérité
de
Sem a été plusieurs siècles alliée avec Dieu en la race d’Abraham, si
438
été plusieurs siècles alliée avec Dieu en la race
d’
Abraham, si a elle toutefois répudiée. Mais le mariage, par lequel le
439
jamais rompu : de sorte qu’à bon droit la portion
de
Japhet est dite Europe. b) Après l’étymologie fantaisiste, voici la
440
fantaisiste, voici la celtique : dans leur Atlas
de
géographie ancienne et moderne publié en 1829, Lapie père et Lapie fi
441
stre. c) L’étymologie sémitique, dérivant Europe
de
ereb, qui veut dire soir, a été longtemps admise. Ainsi l’historien r
442
iens peuples orientaux qui vivaient dans les pays
d’
où se lève le soleil, c’est-à-dire en Asie, par le mot Europe, on ente
443
ope, on entendait le pays où le soleil se couche.
De
leur côté, la lumière ; du nôtre, l’obscurité, les ténèbres, l’Arip,
444
, mot que l’on doit mettre à côté du sombre Erèbe
de
la mythologie grecque. En effet, ne pouvant pas déplacer encore davan
445
. de Reynold11 nous signale toutefois l’existence
d’
un lien possible entre ereb et Europe : On a cessé de croire à la par
446
lien possible entre ereb et Europe : On a cessé
de
croire à la parenté d’Erèbe et d’Europe, par quoi entendre une parent
447
eb et Europe : On a cessé de croire à la parenté
d’
Erèbe et d’Europe, par quoi entendre une parenté directe, comme celle
448
e : On a cessé de croire à la parenté d’Erèbe et
d’
Europe, par quoi entendre une parenté directe, comme celle du frère et
449
ndre une parenté directe, comme celle du frère et
de
la sœur. Cependant, il y a un lien indirect, et c’est encore la mytho
450
iode — engendra donc la Nuit. Et la Nuit engendra
de
terribles enfants : la Détresse, le Trépas, la Mort, les Parques, Ném
451
personne », le Sommeil, les Songes ; mais enfin,
de
son frère Erèbe lui-même, l’Éther et la Lumière du jour, cette lumièr
452
mière du jour, cette lumière victorieuse qui naît
de
la nuit pour la tuer. Puis Erèbe prit un sens dérivé : les profondeur
453
tique ereb, soir. d) Reste notre nom grec, celui
de
la Fille d’Agénor. Ici, nous sommes sur un terrain plus ferme12 : «
454
soir. d) Reste notre nom grec, celui de la Fille
d’
Agénor. Ici, nous sommes sur un terrain plus ferme12 : « Europe est d
455
us rarement euruopè, une des épithètes homériques
de
Zeus. Euruopa se relève plusieurs fois dans l’Iliade et l’Odyssée : e
456
ment récents. Ces formes sont des vocatifs. Celle
d’
euruopa est également employée comme nominatif éolien ou bien comme ac
457
ogie, elle est facile. Nous avons là des composés
de
deux autres mots grecs : l’adjectif eurus, large, ample, spacieux ; l
458
yeux, au beau regard, au beau visage. La parenté
d’
Europe avec l’épithète homérique de Zeus est ainsi évidente. Eurôpè,
459
ge. La parenté d’Europe avec l’épithète homérique
de
Zeus est ainsi évidente. Eurôpè, de son côté, n’a point tardé à prod
460
te homérique de Zeus est ainsi évidente. Eurôpè,
de
son côté, n’a point tardé à produire son masculin eurôpos. « Zeus qui
461
» a sa cité divine sur l’Olympe : dans le massif
de
l’Olympe, le Pénée prend sa source, et il a pour affluent l’Europos.
462
uropos. Le fait qu’« europe » est un qualificatif
de
Zeus amène à se demander s’il ne se serait pas produit un dédoublemen
463
lle aussi, des possibilités diverses. Voici l’une
d’
elles, explorée par Robert Graves13, dans les notes jointes à son chap
464
ues signalées par cet auteur donnera quelque idée
de
l’extrême complexité du thème : Europe signifie « large face », syno
465
thème : Europe signifie « large face », synonyme
de
pleine lune et l’un des titres des déesses-Lune, Demeter à Labadie et
466
bien irrigué ». Le saule régit le cinquième mois
de
l’année sacrée14 et il est associé à la magie et aux rites de fertili
467
acrée14 et il est associé à la magie et aux rites
de
fertilité dans toute l’Europe… Le rapt d’Europe par Zeus, qui rappell
468
x rites de fertilité dans toute l’Europe… Le rapt
d’
Europe par Zeus, qui rappelle une très ancienne occupation de la Crète
469
r Zeus, qui rappelle une très ancienne occupation
de
la Crète par les Hellènes, a été tiré d’images pré-helléniques de la
470
cupation de la Crète par les Hellènes, a été tiré
d’
images pré-helléniques de la Prêtresse lunaire chevauchant triomphalem
471
les Hellènes, a été tiré d’images pré-helléniques
de
la Prêtresse lunaire chevauchant triomphalement le taureau solaire, s
472
e. La scène est dépeinte par huit plaques moulées
de
verre bleu, trouvées dans la cité mycénienne de Midea : il semble qu’
473
s de verre bleu, trouvées dans la cité mycénienne
de
Midea : il semble qu’elle fasse partie d’un rituel de fertilité au co
474
énienne de Midea : il semble qu’elle fasse partie
d’
un rituel de fertilité au cours duquel la guirlande de Mai d’Europe ét
475
idea : il semble qu’elle fasse partie d’un rituel
de
fertilité au cours duquel la guirlande de Mai d’Europe était portée e
476
rituel de fertilité au cours duquel la guirlande
de
Mai d’Europe était portée en procession. Quant à la séduction d’Europ
477
de fertilité au cours duquel la guirlande de Mai
d’
Europe était portée en procession. Quant à la séduction d’Europe par Z
478
était portée en procession. Quant à la séduction
d’
Europe par Zeus changé en aigle15, elle rappelle la séduction d’Héra p
479
eus changé en aigle15, elle rappelle la séduction
d’
Héra par Zeus changé en coucou ; et selon Hésychius, Héra portait le t
480
oucou ; et selon Hésychius, Héra portait le titre
d’
Europia. Le nom crétois et corinthien d’Europe était Hellotis, qui évo
481
le titre d’Europia. Le nom crétois et corinthien
d’
Europe était Hellotis, qui évoque Helice (saule) ; Hellé et Hélène son
482
que le plane était aussi tenu pour l’arbre sacré
d’
Hélène. Sa sainteté s’explique par les cinq pointes de sa feuille, rep
483
lène. Sa sainteté s’explique par les cinq pointes
de
sa feuille, représentant les cinq doigts de la déesse… Faut-il rappe
484
intes de sa feuille, représentant les cinq doigts
de
la déesse… Faut-il rappeler au surplus que Hellén — masculin d’Hélèn
485
Faut-il rappeler au surplus que Hellén — masculin
d’
Hélène et ancêtre éponyme de tous les Hellènes — était le fils de Deuc
486
que Hellén — masculin d’Hélène et ancêtre éponyme
de
tous les Hellènes — était le fils de Deucalion ? Que celui-ci est le
487
être éponyme de tous les Hellènes — était le fils
de
Deucalion ? Que celui-ci est le Noé de la mythologie grecque, seul re
488
it le fils de Deucalion ? Que celui-ci est le Noé
de
la mythologie grecque, seul rescapé avec Pyrrha sa femme (grâce à l’A
489
une que Prométhée son père lui a fait construire)
d’
un déluge dont une colombe lui annonça la fin ? Hellén est donc l’arri
490
des symboles et des mythes ! On n’en finirait pas
de
les préciser, de les distinguer, de les contraster — jusqu’au moment
491
es mythes ! On n’en finirait pas de les préciser,
de
les distinguer, de les contraster — jusqu’au moment où ils apparaîtra
492
finirait pas de les préciser, de les distinguer,
de
les contraster — jusqu’au moment où ils apparaîtraient, peut-être, co
493
nt où ils apparaîtraient, peut-être, comme autant
de
récits véridiques d’une seule et même histoire, vue par divers témoin
494
ent, peut-être, comme autant de récits véridiques
d’
une seule et même histoire, vue par divers témoins. 11. Dans une let
495
i paraît avoir été commune aux traditions sacrées
de
toute l’Europe, commençait un jour après le solstice d’hiver et se di
496
te l’Europe, commençait un jour après le solstice
d’
hiver et se divisait en 13 mois désignés chacun par une lettre et par
497
un par une lettre et par un arbre. 15. Il s’agit
d’
une autre légende d’Europe, beaucoup moins connue.
498
par un arbre. 15. Il s’agit d’une autre légende
d’
Europe, beaucoup moins connue.
499
VI. Le concept géographique On a coutume
d’
attribuer à Paul Valéry la remarque que l’Europe n’est qu’un cap ou «
500
ue que l’Europe n’est qu’un cap ou « un appendice
de
l’Asie ». Voici son texte le plus souvent cité à ce sujet : L’Europe
501
u’elle paraît, c’est-à-dire : la partie précieuse
de
l’univers terrestre, la perle de la sphère, le cerveau d’un vaste cor
502
partie précieuse de l’univers terrestre, la perle
de
la sphère, le cerveau d’un vaste corps ?16 Ailleurs encore (p. 38,
503
vers terrestre, la perle de la sphère, le cerveau
d’
un vaste corps ?16 Ailleurs encore (p. 38, op. cit.) Valéry nomme l’
504
(p. 38, op. cit.) Valéry nomme l’Europe une sorte
de
cap du vieux continent, un appendice occidental de l’Asie. Cela fit n
505
e cap du vieux continent, un appendice occidental
de
l’Asie. Cela fit naguère sensation. Il s’agit en réalité d’un lieu co
506
Cela fit naguère sensation. Il s’agit en réalité
d’
un lieu commun des géographes depuis des siècles. Citons-en quelques-u
507
er un tout indépendant. Ce n’est qu’une péninsule
de
l’Asie, l’extrémité, la pointe du continent asiatique.20 Et, dans l
508
lus, Auguste Himly, Raoul Blanchard, tous auteurs
d’
atlas et de manuels classiques. Mais une comparaison non moins traditi
509
e Himly, Raoul Blanchard, tous auteurs d’atlas et
de
manuels classiques. Mais une comparaison non moins traditionnelle fai
510
ais une comparaison non moins traditionnelle fait
de
l’Europe une Grèce agrandie21 : On a souvent dit que l’Europe était
511
riée et coupée, des limites naturelles ; entourée
de
mers, baignée de golfes profonds, elle tenait un heureux milieu entre
512
es limites naturelles ; entourée de mers, baignée
de
golfes profonds, elle tenait un heureux milieu entre l’hiver de la Sc
513
onds, elle tenait un heureux milieu entre l’hiver
de
la Scythie et les ardeurs de l’Égypte. Elle dominait alors les mers l
514
milieu entre l’hiver de la Scythie et les ardeurs
de
l’Égypte. Elle dominait alors les mers les plus connues. Mais ce para
515
t être étendu à des rapports plus nobles que ceux
de
la nature corporelle. Le feu mutuel de plusieurs caractères nationaux
516
s que ceux de la nature corporelle. Le feu mutuel
de
plusieurs caractères nationaux différents et même opposés ; l’esprit
517
s nationaux différents et même opposés ; l’esprit
de
liberté tant civil que politique : voilà les deux grands points de re
518
ivil que politique : voilà les deux grands points
de
ressemblance. Pourtant ce ne sont pas les Grecs qui ont découvert l’
519
ais bien les Phéniciens, étendant leurs comptoirs
de
commerce, leur piraterie et leurs explorations maritimes à toute la M
520
toute la Méditerranée, puis au-delà des Colonnes
d’
Hercule jusqu’aux Canaries, à la Bretagne, aux îles Britanniques et à
521
tanniques et à la mer du Nord, où le Monde cesse…
De
Carthage, colonie de Tyr (découverte, nous l’avons vu, par Phoenix, l
522
du Nord, où le Monde cesse… De Carthage, colonie
de
Tyr (découverte, nous l’avons vu, par Phoenix, l’un des frères d’Euro
523
selon Pline, reçut un siècle plus tard la mission
de
remonter les côtes atlantiques de l’Europe : « Sicut ad extera Europa
524
tard la mission de remonter les côtes atlantiques
de
l’Europe : « Sicut ad extera Europae noscenda missus eodem tempore Hi
525
noscenda missus eodem tempore Himilco ». Un poète
de
la décadence, Rufius Festus Avienus, devait mettre en vers latin, ver
526
ttre en vers latin, vers 370, le récit du périple
d’
Himilco : Au-delà des Colonnes, sur les plages d’Europe, les Carthagi
527
d’Himilco : Au-delà des Colonnes, sur les plages
d’
Europe, les Carthaginois eurent autrefois des établissements et des vi
528
établissements et des villes. Leur coutume était
de
construire des navires à carène plate, propres à glisser sur une mer
529
rapporte qu’en dehors des Colonnes, à l’occident
de
l’Europe, s’étend une mer sans limites ; l’océan s’y déploie vers des
530
it la voile. Aussi l’air y est-il enveloppé comme
d’
un manteau de brouillards ; une brume épaisse cache en tout temps les
531
Aussi l’air y est-il enveloppé comme d’un manteau
de
brouillards ; une brume épaisse cache en tout temps les flots, et de
532
e brume épaisse cache en tout temps les flots, et
de
sombres vapeurs y voilent la clarté du jour. Cependant les Grecs ont
533
t été les premiers à donner à ce continent le nom
de
la princesse enlevée par leur dieu aux Phéniciens, précisément : d’ap
534
c’est le savant Hippias d’Élis, inventeur allégué
de
la mnémotechnie, qui aurait le premier « nommé les parties du monde d
535
né vers 540 av. J.-C, avait écrit une Description
de
la Terre en deux livres, dont l’un consacré à l’Europe, l’autre à l’A
536
ent la même définition : l’Europe va des Colonnes
d’
Hercule (c’est Gibraltar) jusqu’au Phase — ou Rioni — petit fleuve qui
537
te et que nous qui habitons du Phase aux Colonnes
d’
Hercule, nous n’en habitons qu’une petite partie, vivant tout autour d
538
mer, comme des fourmis et des grenouilles autour
d’
un marécage, et qu’il y a par ailleurs divers et nombreux peuples qui
539
d’autres contrées semblables. C’est ici le lieu
de
rappeler que Socrate fut le premier philosophe à dire que sa patrie é
540
Reynold22 distingue trois étapes dans le passage
de
la conception mythique et géographique au plan politique et « culture
541
lan politique et « culturel » (mot qu’il estime «
de
mauvaise langue », mais comment le récuser aujourd’hui, et dans ce Bu
542
tin du Centre européen de la culture ?) : l’étape
d’
Hippocrate, celle d’Aristote et celle d’Isocrate. Voici les textes : V
543
en de la culture ?) : l’étape d’Hippocrate, celle
d’
Aristote et celle d’Isocrate. Voici les textes : Vers la fin du ve si
544
: l’étape d’Hippocrate, celle d’Aristote et celle
d’
Isocrate. Voici les textes : Vers la fin du ve siècle av. J.-C., Hipp
545
différents phénomènes qui, par leur dissemblance
de
caractère, font distinguer l’Asie de l’Europe. Dissemblance qui s’éte
546
ux parties du monde, qu’ils contrastent entre eux
d’
une manière étonnante. Comme il seroit trop difficile de traiter ces p
547
manière étonnante. Comme il seroit trop difficile
de
traiter ces phénomènes dans tous leurs développements, je me bornerai
548
J’avance donc que l’Asie diffère considérablement
de
l’Europe, non seulement en ce qui est particulier aux hommes, mais en
549
re en ce qui est relatif à toutes les productions
de
la terre. Tous les caractères des différens phénomènes sont donc comm
550
empérature la plus habituelle en est plus douce ;
d’
où il suit encore que les peuples qui l’habitent sont d’un naturel plu
551
l suit encore que les peuples qui l’habitent sont
d’
un naturel plus doux et d’un esprit plus pénétrant. Mais ces caractère
552
les qui l’habitent sont d’un naturel plus doux et
d’
un esprit plus pénétrant. Mais ces caractères tiennent à la températur
553
s à l’accroissement et à la bonté des productions
de
la nature, c’est une température uniforme, où tout se trouve en équil
554
u milieu de tous les extrêmes. […] La température
de
ce pays ressemble davantage à celle d’un printemps continuel, attendu
555
empérature de ce pays ressemble davantage à celle
d’
un printemps continuel, attendu que les saisons n’y éprouvent point de
556
nuel, attendu que les saisons n’y éprouvent point
de
variations fortes et inopinées. Cependant il est impossible que dans
557
le que dans un tel pays les hommes aient la force
de
corps et l’énergie de l’âme, et par conséquent, qu’ils supportent le
558
s les hommes aient la force de corps et l’énergie
de
l’âme, et par conséquent, qu’ils supportent le travail de corps et le
559
, et par conséquent, qu’ils supportent le travail
de
corps et les peines d’esprit… § 21. Si donc les Asiatiques sont pusil
560
’ils supportent le travail de corps et les peines
d’
esprit… § 21. Si donc les Asiatiques sont pusillanimes, sans courage,
561
t pusillanimes, sans courage, moins belliqueux et
d’
un caractère plus doux que les Européens, c’est encore dans la nature
562
faut chercher la principale cause. En Asie, loin
d’
éprouver de fortes tribulations, celles-ci ont à-peu-près les mêmes ca
563
her la principale cause. En Asie, loin d’éprouver
de
fortes tribulations, celles-ci ont à-peu-près les mêmes caractères, p
564
s les mêmes caractères, passant du froid au chaud
d’
une manière insensible ; de sorte que dans une telle température la fa
565
toujours égale ; car ce sont les passages rapides
d’
un extrême à l’autre qui stimulent les esprits de l’homme, et font naî
566
d’un extrême à l’autre qui stimulent les esprits
de
l’homme, et font naître les idées de s’arracher à son état d’inertie
567
les esprits de l’homme, et font naître les idées
de
s’arracher à son état d’inertie et d’insouciance. Mais, non seulement
568
et font naître les idées de s’arracher à son état
d’
inertie et d’insouciance. Mais, non seulement, je pense que c’est au d
569
e les idées de s’arracher à son état d’inertie et
d’
insouciance. Mais, non seulement, je pense que c’est au défaut de pare
570
Mais, non seulement, je pense que c’est au défaut
de
pareils changemens qu’il faut attribuer la pusillanimité des Asiatiqu
571
auxquelles ils sont soumis. La plus grande partie
de
l’Asie étant gouvernée par des rois, il en résulte que partout où les
572
ulte que partout où les hommes ne sont ni maîtres
de
leurs volontés, ni gouvernés par les lois qu’ils se sont données, mai
573
uper du métier des armes, ils ont même grand soin
de
ne point paraître avoir l’inclination guerrière, par la raison que le
574
es intérêts) ne sont pas également partagés. Sous
de
tels gouvernements les sujets sont forcés d’aller à la guerre, d’en s
575
Sous de tels gouvernements les sujets sont forcés
d’
aller à la guerre, d’en supporter toutes les peines, et de mourir même
576
ments les sujets sont forcés d’aller à la guerre,
d’
en supporter toutes les peines, et de mourir même pour leurs maîtres,
577
à la guerre, d’en supporter toutes les peines, et
de
mourir même pour leurs maîtres, loin de leurs enfans, de leurs femmes
578
ir même pour leurs maîtres, loin de leurs enfans,
de
leurs femmes et de leurs amis. Leurs exploits ne servent donc qu’à au
579
maîtres, loin de leurs enfans, de leurs femmes et
de
leurs amis. Leurs exploits ne servent donc qu’à augmenter et à propag
580
nt donc qu’à augmenter et à propager la puissance
de
leurs tyrans, lorsque les dangers et la mort sont les seuls fruits qu
581
la mort sont les seuls fruits qu’ils recueillent
de
leur bravoure. Ajoutez à cela que sous de tels hommes la terre reste
582
eillent de leur bravoure. Ajoutez à cela que sous
de
tels hommes la terre reste encore sans culture, autant par l’inertie
583
e reste encore sans culture, autant par l’inertie
de
leur tempérament, que par la crainte des ravages de la guerre ; de so
584
leur tempérament, que par la crainte des ravages
de
la guerre ; de sorte que, quand même il se trouverait parmi eux des h
585
rmi eux des hommes braves et courageux, la nature
de
leurs lois doit s’ajouter à la répugnance de donner essor à leur cour
586
ture de leurs lois doit s’ajouter à la répugnance
de
donner essor à leur courage. La plus forte preuve de ce que j’avance
587
donner essor à leur courage. La plus forte preuve
de
ce que j’avance est fournie par l’Asie même, où tous ceux des Grecs e
588
que pour eux, sont les hommes les plus courageux
de
tous, pour la raison qu’ils ne s’exposent que pour leur propre intérê
589
intérêt, et que ce sont eux qui reçoivent le prix
de
leur bravoure ou qui portent la peine de leur lâcheté. Enfin, il est
590
le prix de leur bravoure ou qui portent la peine
de
leur lâcheté. Enfin, il est encore à observer que les Asiatiques même
591
ques même diffèrent entre eux en plus ou en moins
de
courage ; et que cette différence tient (principalement) au changemen
592
avois à dire sur l’Asie. § 23. […] Ce qu’on vient
d’
observer à l’égard du caractère du physique, peut aussi s’appliquer au
593
ractères moraux. Aussi voit-on les Européens être
d’
un naturel plus sauvage, insociable, emporté, par cela même que vivant
594
rendent l’homme agreste, et dépouillent ses mœurs
de
douceur et d’aménité. Par la même raison, je les regarde donc comme p
595
e agreste, et dépouillent ses mœurs de douceur et
d’
aménité. Par la même raison, je les regarde donc comme plus courageux
596
donc comme plus courageux que les Asiatiques, car
de
l’influence d’une température uniforme naît l’insouciance et la pares
597
courageux que les Asiatiques, car de l’influence
d’
une température uniforme naît l’insouciance et la paresse, ce qui est
598
causes du caractère plus belliqueux des habitants
de
l’Europe que des Asiatiques. Mais il n’est pas moins certain que la f
599
ce que l’âme asservie ne peut avoir aucune envie
de
risquer sa personne, sans autre intérêt que celui d’augmenter la puis
600
risquer sa personne, sans autre intérêt que celui
d’
augmenter la puissance de qui l’opprime. Ainsi il reste pour certain q
601
autre intérêt que celui d’augmenter la puissance
de
qui l’opprime. Ainsi il reste pour certain que les gouvernements infl
602
Européens aux Asiatiques, je n’ai point eu en vue
d’
en faire le parallèle particulier. Enfin on remarque encore en Europe
603
ariété tient aux causes que j’ai déjà assignées à
de
semblables variations. Le passage essentiel d’Aristote (384-322 av.
604
à de semblables variations. Le passage essentiel
d’
Aristote (384-322 av. J.-C.) sur l’Europe se trouve au livre IV, chapi
605
) sur l’Europe se trouve au livre IV, chapitre 6,
de
la Politique : Les peuples qui habitent les pays froids et les diffé
606
itent les pays froids et les différentes contrées
de
l’Europe sont généralement pleins de courage, mais ils sont inférieur
607
tes contrées de l’Europe sont généralement pleins
de
courage, mais ils sont inférieurs sous le rapport de l’intelligence e
608
t inférieurs sous le rapport de l’intelligence et
de
l’industrie. C’est pour cette raison qu’ils savent mieux conserver le
609
conserver leur liberté, mais ils sont incapables
d’
organiser un gouvernement et ils ne peuvent pas conquérir les pays voi
610
uvent pas conquérir les pays voisins. Les peuples
de
l’Asie sont intelligents et propres à l’industrie, mais ils manquent
611
gents et propres à l’industrie, mais ils manquent
de
courage, et c’est pour cela qu’ils ne sortent pas de leur assujettiss
612
courage, et c’est pour cela qu’ils ne sortent pas
de
leur assujettissement et de leur esclavage perpétuels. La race des Gr
613
qu’ils ne sortent pas de leur assujettissement et
de
leur esclavage perpétuels. La race des Grecs, occupant les contrées i
614
s contrées intermédiaires, réunit ces deux sortes
de
caractères, elle est brave et intelligente. Aussi demeure-t-elle libr
615
Après cette étape « hégémonique » vient l’étape
de
« l’adoption ». Elle est caractérisée par la phrase célèbre d’Isocrat
616
on ». Elle est caractérisée par la phrase célèbre
d’
Isocrate, contemporain de Platon (ve au ive siècle av. J.-C.) et anc
617
ée par la phrase célèbre d’Isocrate, contemporain
de
Platon (ve au ive siècle av. J.-C.) et ancêtre de tous les « conféd
618
Platon (ve au ive siècle av. J.-C.) et ancêtre
de
tous les « confédéralistes » ou « unionistes » européens : On appell
619
nant la généalogie des descriptions géographiques
de
l’Europe, d’Hérodote à saint Augustin. Hérodote, écrivain au ve siè
620
logie des descriptions géographiques de l’Europe,
d’
Hérodote à saint Augustin. Hérodote, écrivain au ve siècle av. J.-C.
621
pe comme une région nordique assez mal distinguée
de
la Scythie, qui est la plaine russe. Il lui donne pour axe le Danube,
622
’Europe entière, il entre dans la Scythie par une
de
ses extrémités. Cependant, Hérodote se demande pourquoi la Terre é
623
ui donne trois noms différents, qui sont des noms
de
femmes. En effet, selon Strabon : Du temps d’Homère, ni l’Europe, n
624
s de femmes. En effet, selon Strabon : Du temps
d’
Homère, ni l’Europe, ni l’Asie n’avaient reçu leurs noms respectifs ;
625
fait trop marquant qu’il n’eût certes pas négligé
de
mentionner. Et pourtant, il semble qu’Homère ait eu la notion de l’E
626
Et pourtant, il semble qu’Homère ait eu la notion
de
l’Europe. On lit au chant XIV de l’Iliade, à propos d’Hypnos et d’Hér
627
ait eu la notion de l’Europe. On lit au chant XIV
de
l’Iliade, à propos d’Hypnos et d’Héré : Tous deux allèrent sur le co
628
it au chant XIV de l’Iliade, à propos d’Hypnos et
d’
Héré : Tous deux allèrent sur le continent, et le haut des forêts s’a
629
Strabon, Grec du Pont, écrivant sous les règnes
d’
Auguste et de Tibère, nous donne un premier grand tableau géographique
630
ec du Pont, écrivant sous les règnes d’Auguste et
de
Tibère, nous donne un premier grand tableau géographique de l’Europe,
631
nous donne un premier grand tableau géographique
de
l’Europe, continent supérieur aux deux autres, nous dit-il, à cause
632
e l’a placé pour le développement moral et social
de
ses habitants… Car même dans les régions montagneuses, leur intellige
633
nt vaincu la nature et permis à leur civilisation
de
se développer. Suit une théorie des climats, qui rappelle Hippocrate
634
eur goût pour les arts et à leur parfaite entente
de
toutes les conditions de la vie matérielle. Les Romains, de leur côté
635
à leur parfaite entente de toutes les conditions
de
la vie matérielle. Les Romains, de leur côté, après avoir incorporé à
636
les conditions de la vie matérielle. Les Romains,
de
leur côté, après avoir incorporé à leur empire maintes nations restée
637
upaient et que leur âpreté naturelle, leur manque
de
ports, la rigueur de leur climat ou telle autre cause rendaient presq
638
preté naturelle, leur manque de ports, la rigueur
de
leur climat ou telle autre cause rendaient presque inhabitables, sont
639
t presque inhabitables, sont parvenus à les tirer
de
leur isolement, à les mettre en rapport les unes avec les autres, et
640
tres, et à ployer les plus barbares aux habitudes
de
la vie sociale. Mais dans le reste de la partie habitable, là où le s
641
x habitudes de la vie sociale. Mais dans le reste
de
la partie habitable, là où le sol de l’Europe est uni et son climat t
642
ans le reste de la partie habitable, là où le sol
de
l’Europe est uni et son climat tempéré, la nature semble avoir tout f
643
ure semble avoir tout fait pour hâter les progrès
de
la civilisation. Comme il arrive, en effet, que dans les contrées ria
644
iantes et fertiles, les populations sont toujours
d’
humeur pacifique, tandis qu’elles sont belliqueuses et énergiques dans
645
s’établit entre les unes et les autres un échange
de
mutuels services, les secondes prêtant le secours de leurs armes aux
646
mutuels services, les secondes prêtant le secours
de
leurs armes aux premières qui les aident à leur tour des productions
647
mières qui les aident à leur tour des productions
de
leur sol, des travaux de leurs artistes et des leçons de leurs philos
648
eur tour des productions de leur sol, des travaux
de
leurs artistes et des leçons de leurs philosophes. En revanche, on co
649
sol, des travaux de leurs artistes et des leçons
de
leurs philosophes. En revanche, on conçoit tout le mal qu’elles peuve
650
’elles peuvent se faire pour peu qu’elles cessent
de
s’entraider ainsi, l’avantage dans le cas d’un conflit, devant être,
651
sent de s’entraider ainsi, l’avantage dans le cas
d’
un conflit, devant être, à ce qu’il semble, du côté de ces populations
652
lations toujours armées et toujours prêtes à user
de
violence, à moins pourtant quelles ne succombent sous le nombre. Eh b
653
Eh bien ! à cet égard, là encore, l’Europe a reçu
de
la nature de grands avantages. Comme elle est, en effet, toute parsem
654
et égard, là encore, l’Europe a reçu de la nature
de
grands avantages. Comme elle est, en effet, toute parsemée de montagn
655
antages. Comme elle est, en effet, toute parsemée
de
montagnes et de plaines, partout les populations agricoles et civilis
656
lle est, en effet, toute parsemée de montagnes et
de
plaines, partout les populations agricoles et civilisées y vivent côt
657
ervir et la propager. Il s’ensuit aussi qu’en cas
de
guerre, l’Europe est en état de se suffire à elle-même, puisqu’à côté
658
t aussi qu’en cas de guerre, l’Europe est en état
de
se suffire à elle-même, puisqu’à côté d’une population nombreuse de c
659
en état de se suffire à elle-même, puisqu’à côté
d’
une population nombreuse de cultivateurs et de citadins, elle compte b
660
le-même, puisqu’à côté d’une population nombreuse
de
cultivateurs et de citadins, elle compte beaucoup de soldats exercés.
661
ôté d’une population nombreuse de cultivateurs et
de
citadins, elle compte beaucoup de soldats exercés. Un autre de ces av
662
elle compte beaucoup de soldats exercés. Un autre
de
ces avantages, c’est qu’elle tire de son sol les produits les meilleu
663
és. Un autre de ces avantages, c’est qu’elle tire
de
son sol les produits les meilleurs et les plus nécessaires à la vie,
664
es meilleurs et les plus nécessaires à la vie, et
de
ses mines les métaux les plus utiles. Restent donc les parfums et les
665
fums et les pierres précieuses quelle est obligée
de
tirer du dehors, mais ce sont là des biens dont on peut être privé sa
666
ns enfin qu’elle nourrit une très grande quantité
de
bétail et fort peu de bêtes féroces, et nous aurons achevé de donner
667
fort peu de bêtes féroces, et nous aurons achevé
de
donner de la nature de ce continent une idée générale. Saint August
668
de bêtes féroces, et nous aurons achevé de donner
de
la nature de ce continent une idée générale. Saint Augustin, dans l
669
ces, et nous aurons achevé de donner de la nature
de
ce continent une idée générale. Saint Augustin, dans la Cité de Die
670
une idée générale. Saint Augustin, dans la Cité
de
Dieu, pense que le monde est partagé en deux moitiés, l’Asie occupant
671
lités modernes : Et maintenant je vais parcourir
de
la plume l’Europe en tant qu’elle est connue des hommes. Elle commenc
672
i sont à l’orient. Elle se continue par le rivage
de
l’océan septentrional jusqu’à la Gaule Belgique et au fleuve Rhin qui
673
à la Gaule Belgique et au fleuve Rhin qui descend
de
l’occident, puis jusqu’au Danube, que l’on appelle aussi l’ester, qui
674
ble représente cinquante-quatre nations. Sautons
de
là au xve siècle de notre ère. Sébastian Münster écrit en 1567 dans
675
nte-quatre nations. Sautons de là au xve siècle
de
notre ère. Sébastian Münster écrit en 1567 dans sa Cosmographie : Eu
676
é, un ciel doux, et il n’y a dedans nulle pénurie
de
vin et d’arbres fruitiers. En sus, c’est un beau pays, bien orné de v
677
doux, et il n’y a dedans nulle pénurie de vin et
d’
arbres fruitiers. En sus, c’est un beau pays, bien orné de villes, châ
678
fruitiers. En sus, c’est un beau pays, bien orné
de
villes, châteaux, villages, et a un peuple viril, quelle surpasse Asi
679
a aussi des régions occupées tout à la ronde par
d’
âpres montagnes, et là c’est dur de rester. Mais là où c’est plat, c’e
680
à la ronde par d’âpres montagnes, et là c’est dur
de
rester. Mais là où c’est plat, c’est un bon pays, et y croissent tout
681
ontagnes. En 1679, Robbe, ingénieur et géographe
de
Louis XIV, fait imprimer à Paris une Méthode pour apprendre facilemen
682
est la plus grande en qualité… Si l’Asie se vante
d’
avoir vu former le premier homme par les mains mêmes du Créateur du ci
683
homme par les mains mêmes du Créateur du ciel et
de
la terre, et d’avoir été honorée de la naissance et de la présence du
684
ains mêmes du Créateur du ciel et de la terre, et
d’
avoir été honorée de la naissance et de la présence du Sauveur du mond
685
ur du ciel et de la terre, et d’avoir été honorée
de
la naissance et de la présence du Sauveur du monde pendant le cours d
686
terre, et d’avoir été honorée de la naissance et
de
la présence du Sauveur du monde pendant le cours de sa vie mortelle :
687
la présence du Sauveur du monde pendant le cours
de
sa vie mortelle : l’Europe dira que c’est une grâce singulière, à la
688
ne grâce singulière, à la vérité, qu’elle a reçue
de
la Sagesse éternelle ; mais que la gloire en est empruntée pour l’Asi
689
rendent illustre. Même idée dans le Dictionnaire
de
Moreri, édité en 1759 : Quoique l’Europe soit la moindre des trois p
690
uoique l’Europe soit la moindre des trois parties
de
continent, elle a pourtant des avantages qui la doivent faire préfére
691
le continent. Elle est abondante en toutes sortes
de
biens, et les peuples y sont ordinairement doux, honnêtes, civilisés
692
es termes presque, dans la Géographie universelle
de
Mantelle et Malte Brun, parue à Paris en 1816 : En sortant des mains
693
un, parue à Paris en 1816 : En sortant des mains
de
la nature, notre partie du monde n’avait reçu aucun titre à cette glo
694
ujourd’hui. Petit continent, qui possède le moins
de
richesses territoriales… nous ne sommes riches que d’emprunts. Tel es
695
ichesses territoriales… nous ne sommes riches que
d’
emprunts. Tel est néanmoins le pouvoir de l’esprit humain. Cette régio
696
ches que d’emprunts. Tel est néanmoins le pouvoir
de
l’esprit humain. Cette région, que la nature n’avait ornée que de for
697
in. Cette région, que la nature n’avait ornée que
de
forêts immenses, s’est peuplée de nations puissantes, s’est couverte
698
avait ornée que de forêts immenses, s’est peuplée
de
nations puissantes, s’est couverte de cités magnifiques, s’est enrich
699
est peuplée de nations puissantes, s’est couverte
de
cités magnifiques, s’est enrichie du butin des deux mondes ; cette ét
700
est devenue la métropole du genre humain. Ainsi
d’
Hérodote et d’Hippocrate jusqu’à nos jours, l’Europe physique n’a pas
701
a métropole du genre humain. Ainsi d’Hérodote et
d’
Hippocrate jusqu’à nos jours, l’Europe physique n’a pas cessé d’être c
702
usqu’à nos jours, l’Europe physique n’a pas cessé
d’
être conçue comme un ensemble caractéristique, diversifié mais disting
703
t le seul continent articulé, semble déjà l’œuvre
de
l’intelligence plus que de la nature. L’Europe, c’est le continent qu
704
é, semble déjà l’œuvre de l’intelligence plus que
de
la nature. L’Europe, c’est le continent qui doit se projeter hors de
705
nent qui doit se projeter hors de soi-même, celui
de
l’expansion et de la conquête, de la découverte et de la colonisation
706
rojeter hors de soi-même, celui de l’expansion et
de
la conquête, de la découverte et de la colonisation. L’Europe est née
707
soi-même, celui de l’expansion et de la conquête,
de
la découverte et de la colonisation. L’Europe est née impériale. Elle
708
’expansion et de la conquête, de la découverte et
de
la colonisation. L’Europe est née impériale. Elle a été créée pour êt
709
le a été créée pour être le globe. Voyez sa ligne
de
force sortir de l’Asie pour se tendre vers l’infini par-dessus l’océa
710
our être le globe. Voyez sa ligne de force sortir
de
l’Asie pour se tendre vers l’infini par-dessus l’océan. Les autres co
711
’article Europe, la représente ainsi en l’honneur
de
Charles-Quint : « L’Espagne était la tête de cette femme ; le col, le
712
neur de Charles-Quint : « L’Espagne était la tête
de
cette femme ; le col, les provinces de Languedoc et de Gascogne ; le
713
it la tête de cette femme ; le col, les provinces
de
Languedoc et de Gascogne ; le reste de la Gaule, la poitrine ; les br
714
tte femme ; le col, les provinces de Languedoc et
de
Gascogne ; le reste de la Gaule, la poitrine ; les bras, l’Italie et
715
provinces de Languedoc et de Gascogne ; le reste
de
la Gaule, la poitrine ; les bras, l’Italie et la Grande-Bretagne ; le
716
emagne ; la Bohême, le nombril ; et tout le reste
de
son corps, les autres royaumes et provinces. » Mais la représentation
717
eprésentation la plus symbolique est encore celle
de
quelques anciens géographes. Ils voyaient dans l’Europe l’image de la
718
ns géographes. Ils voyaient dans l’Europe l’image
de
la Vierge : une Vierge couronnée, pour tête l’Espagne, pour cœur la F
719
ne Vierge dont la plaine russe se perdant au fond
de
l’Asie obscure, représentait la robe aux vastes et vagues plis. La Vi
720
ie européenne que nous préparons. 23. Traduction
de
Delavaud, chez Bossange et consorts, Paris, 1804. 24. Panégyrique,
721
ue, 50. Cf. Georges Mathieu, Les Idées politiques
d’
Isocrate, Paris, 1925. L’auteur fait des réserves sur l’universalisme
722
5. L’auteur fait des réserves sur l’universalisme
d’
Isocrate…
723
VII.
De
la géographie à l’histoire Des pages qui précèdent, deux conclusion
724
conclusions se dégagent : le concept géographique
d’
Europe est beaucoup plus ancien, et les mythes grecs et sémitiques bea
725
ythes grecs et sémitiques beaucoup moins éloignés
de
la réalité qu’on ne l’imagine généralement de nos jours. Mais la cons
726
nés de la réalité qu’on ne l’imagine généralement
de
nos jours. Mais la conscience politico-historique d’une entité europé
727
nos jours. Mais la conscience politico-historique
d’
une entité européenne, c’est-à-dire d’une communauté de destin des peu
728
-historique d’une entité européenne, c’est-à-dire
d’
une communauté de destin des peuples habitant l’Europe telle qu’Hérodo
729
entité européenne, c’est-à-dire d’une communauté
de
destin des peuples habitant l’Europe telle qu’Hérodote ou Strabon la
730
comparaisons globales entre le destin des peuples
de
l’Europe et de l’Asie, esquissées par Hippocrate et Aristote. Mais ce
731
obales entre le destin des peuples de l’Europe et
de
l’Asie, esquissées par Hippocrate et Aristote. Mais ces deux grands g
732
ces deux grands génies n’étaient pas l’expression
d’
une opinion courante ou d’une conscience populaire : celles-ci ne pouv
733
taient pas l’expression d’une opinion courante ou
d’
une conscience populaire : celles-ci ne pouvaient exister, de leur tem
734
ience populaire : celles-ci ne pouvaient exister,
de
leur temps, que dans la croyance religieuse et dans les mythes. Penda
735
et dans les mythes. Pendant l’ère romaine, l’idée
d’
une Europe politique est tout naturellement refoulée par celle de l’un
736
litique est tout naturellement refoulée par celle
de
l’unité impériale commune à l’Orient et à l’Occident, moitiés géograp
737
és géographiques et administrativement distinctes
d’
un seul et même État : utraque pars, pars orientalis et pars occidenta
738
nommée en lieu et place de la moitié occidentale
de
l’Empire, l’Asie en lieu et place de la moitié orientale : ainsi dans
739
de la moitié orientale : ainsi dans l’inscription
de
l’an 7 av. J.-C., trouvée sur l’île de Philae, en Égypte, et désignan
740
t désignant Auguste comme Seigneur de l’Europe et
de
l’Asie 25. Ce ne sont là ni l’Europe réelle ni encore moins l’Asie da
741
des désignations allégoriques. C’est ici le lieu
de
remarquer que les termes d’Orient et d’Occident ont subi au cours des
742
es. C’est ici le lieu de remarquer que les termes
d’
Orient et d’Occident ont subi au cours des siècles antiques et moderne
743
i le lieu de remarquer que les termes d’Orient et
d’
Occident ont subi au cours des siècles antiques et modernes des fluctu
744
es fluctuations beaucoup plus fortes que le terme
d’
Europe : tantôt moitiés administratives de l’Empire (Arcadius et Honor
745
e terme d’Europe : tantôt moitiés administratives
de
l’Empire (Arcadius et Honorius), tantôt moitiés théologiques de l’Égl
746
rcadius et Honorius), tantôt moitiés théologiques
de
l’Église (Rome et Byzance), ou enfin vastes et vagues désignations my
747
és lumineuses et spirituelles, l’Occident la nuit
de
la matière. Relevant les caractères régulièrement attribués à cet Ori
748
t à cet Occident mystiques par les métaphysiciens
de
la Grèce présocratique, puis de la Perse avicennienne, et enfin par t
749
es métaphysiciens de la Grèce présocratique, puis
de
la Perse avicennienne, et enfin par tous les auteurs européens jusqu’
750
opéens jusqu’à nos jours qui déclarent s’inspirer
de
« la Tradition », D. de Rougemont donne le tableau suivant formé de q
751
», D. de Rougemont donne le tableau suivant formé
de
quatorze antithèses26 : Orient : l’aurore, le matin, le haut, la dr
752
droite, l’extrême raffinement, la lumière, l’Ange
de
la Révélation, le but dernier, l’âme, l’initiation, la sagesse, la ré
753
gauche, l’épaisseur opaque, la pénombre, le démon
de
l’utilitarisme et de la puissance aveugle, l’oubli des buts de l’âme,
754
paque, la pénombre, le démon de l’utilitarisme et
de
la puissance aveugle, l’oubli des buts de l’âme, le corps et la matiè
755
isme et de la puissance aveugle, l’oubli des buts
de
l’âme, le corps et la matière, l’activité désordonnée, la passion, la
756
e par les liens matériels et passionnels, le lieu
d’
exil. Cette unanimité dans l’interprétation, uniquement favorable à l’
757
’interprétation, uniquement favorable à l’Orient,
de
nos deux termes symboliques ne peut manquer d’impressionner. On ne sa
758
t, de nos deux termes symboliques ne peut manquer
d’
impressionner. On ne saurait la réduire à rien d’accidentel, de physiq
759
d’impressionner. On ne saurait la réduire à rien
d’
accidentel, de physique ou d’anecdotique. Car si le soleil se lève à l
760
er. On ne saurait la réduire à rien d’accidentel,
de
physique ou d’anecdotique. Car si le soleil se lève à l’Orient pour l
761
it la réduire à rien d’accidentel, de physique ou
d’
anecdotique. Car si le soleil se lève à l’Orient pour les Grecs, il en
762
et ceux-ci ne figurent pas pour autant l’Occident
de
la Chine27 ou de la Malaisie, ni le Japon l’Occident de l’Amérique !
763
urent pas pour autant l’Occident de la Chine27 ou
de
la Malaisie, ni le Japon l’Occident de l’Amérique ! Elle révèle donc
764
cident de l’Amérique ! Elle révèle donc une forme
de
l’âme, une pente de l’âme, voire une « orientation » de la psyché occ
765
! Elle révèle donc une forme de l’âme, une pente
de
l’âme, voire une « orientation » de la psyché occidentale. Ajoutons
766
me, une pente de l’âme, voire une « orientation »
de
la psyché occidentale. Ajoutons à tout cela l’influence de plusieurs
767
hé occidentale. Ajoutons à tout cela l’influence
de
plusieurs passages des psaumes, des prophètes et des évangiles célébr
768
et des évangiles célébrant l’Orient comme le lieu
d’
où vient le salut. Ainsi Matthieu 24, 27 : Comme l’éclair part de l’O
769
lut. Ainsi Matthieu 24, 27 : Comme l’éclair part
de
l’Orient et se montre jusqu’en Occident, ainsi sera l’avènement du Fi
770
jusqu’en Occident, ainsi sera l’avènement du Fils
de
l’Homme. Ce thème de l’ex oriente lux est si puissant, que la Vulgat
771
si sera l’avènement du Fils de l’Homme. Ce thème
de
l’ex oriente lux est si puissant, que la Vulgate traduit presque touj
772
r « germe » ! (ainsi Zacharie 6, 12). Le prestige
de
l’Orient biblique, métaphysique et occultiste empêchera longtemps que
773
ra longtemps que l’Europe (plus ou moins synonyme
d’
Occident) prenne un sens autre que géographique, c’est-à-dire prenne l
774
tre que géographique, c’est-à-dire prenne le sens
d’
une entité historique et spirituelle que l’on puisse opposer à l’Asie,
775
ologètes. Il faut attendre le début du ve siècle
de
notre ère pour voir reparaître — et c’est la première fois depuis Hér
776
e fois depuis Hérodote28 — l’autonomie historique
de
l’Europe. Un poème latin de Claudius Claudien (né à Alexandrie vers 3
777
’autonomie historique de l’Europe. Un poème latin
de
Claudius Claudien (né à Alexandrie vers 365, et demeuré païen) désign
778
t demeuré païen) désigne en effet les « ennemis »
de
l’Europe : le maure Gildon et le barbare Alaric : … Duo namque fuere
779
cum barbara Peuce Nutrierat…29 Au iie siècle
de
notre ère — donc 200 ans après l’inscription de Philae : notons ce lo
780
e de notre ère — donc 200 ans après l’inscription
de
Philae : notons ce long silence — c’est un polémiste antichrétien, Ce
781
détruirait les diversités politiques des peuples
de
la Terre, voulues et garanties par les dieux païens ! Pour cet ancêtr
782
ur cet ancêtre du nationalisme, qui ne manque pas
de
lucidité, l’ennemi juré c’est l’universalisme des chrétiens. Mais cec
783
le doit. Sulpice Sévère est en effet le biographe
de
saint Martin de Tours, qui passera pour « le plus grand ascète de tou
784
de Tours, qui passera pour « le plus grand ascète
de
toute l’Europe » pendant les siècles à venir. Et ce seul saint, selon
785
celle-ci s’enorgueillisse du nombre et des vertus
de
ses saints, il ne sera pas mauvais de lui faire entendre que l’Europe
786
des vertus de ses saints, il ne sera pas mauvais
de
lui faire entendre que l’Europe ne le cède pas à toute l’Asie, grâce
787
Martin.31 À Martin de Tours s’ajoutent bientôt
d’
innombrables saints européens : Vital de Ravenne, Gervais et Ambroise
788
t bientôt d’innombrables saints européens : Vital
de
Ravenne, Gervais et Ambroise de Milan, Justine de Padoue, Eulalie de
789
e Rome, Cécile de Sicile, et finalement tous ceux
de
la Légion Thébaine, saint Maurice à leur tête, sacrifiés pour leur fo
790
ir, selon les chroniqueurs du temps, fait le tour
de
presque toute l’Europe : omne … fere Europa circuita. C’est donc à se
791
rcuita. C’est donc à ses saints que l’Europe doit
de
se distinguer enfin de « l’Occident » — si mal vu par les spirituels
792
s saints que l’Europe doit de se distinguer enfin
de
« l’Occident » — si mal vu par les spirituels — et de revêtir une dig
793
l’Occident » — si mal vu par les spirituels — et
de
revêtir une dignité qui la rapproche de « l’Orient » des mystiques. D
794
uels — et de revêtir une dignité qui la rapproche
de
« l’Orient » des mystiques. Dès lors, le nom d’Europe et le concept d
795
e de « l’Orient » des mystiques. Dès lors, le nom
d’
Europe et le concept d’Europe vont revenir avec une insistance croissa
796
ystiques. Dès lors, le nom d’Europe et le concept
d’
Europe vont revenir avec une insistance croissante, jusqu’à l’Empire d
797
avec une insistance croissante, jusqu’à l’Empire
de
Charlemagne, dans les textes solennels des apostrophes au pape, dans
798
00, s’adresse au pape Grégoire comme à « la fleur
de
toute l’Europe », puis en 615 au pape Boniface IV comme au chef de t
799
», puis en 615 au pape Boniface IV comme au chef
de
toutes les Églises de toute l’Europe (omnium totius Europae ecclesiar
800
Boniface IV comme au chef de toutes les Églises
de
toute l’Europe (omnium totius Europae ecclesiarum capiti). Dans les
801
ecclesiarum capiti). Dans les Annales burgondes
d’
Avenches (milieu du viie siècle) on lit à plusieurs reprises le nom d
802
viie siècle) on lit à plusieurs reprises le nom
de
Eurupa, désignant à la fois les peuples francs et le continent arrosé
803
son Histoire des Goths, montre tous les peuples
de
l’Europe tremblant devant eux. (Hos Europae omnes tremuere gentes.)
804
x. (Hos Europae omnes tremuere gentes.) L’auteur
de
la Vie de Gertrude, parlant de la fille de Pépin de Landen, déclare q
805
ropae omnes tremuere gentes.) L’auteur de la Vie
de
Gertrude, parlant de la fille de Pépin de Landen, déclare que tout un
806
gentes.) L’auteur de la Vie de Gertrude, parlant
de
la fille de Pépin de Landen, déclare que tout un chacun en Europe (Qu
807
auteur de la Vie de Gertrude, parlant de la fille
de
Pépin de Landen, déclare que tout un chacun en Europe (Quisnam in Eur
808
la Vie de Gertrude, parlant de la fille de Pépin
de
Landen, déclare que tout un chacun en Europe (Quisnam in Euruppa habi
809
n Euruppa habitans…) connaît son nom et la gloire
de
sa race ; tandis que l’auteur de la Vie de Landibert écrit : En ce t
810
nom et la gloire de sa race ; tandis que l’auteur
de
la Vie de Landibert écrit : En ce temps-là, Pépin était le prince de
811
gloire de sa race ; tandis que l’auteur de la Vie
de
Landibert écrit : En ce temps-là, Pépin était le prince de nombreuse
812
rt écrit : En ce temps-là, Pépin était le prince
de
nombreuses régions et cités d’Europe. (Il orthographie Eoruppa.) Mai
813
in était le prince de nombreuses régions et cités
d’
Europe. (Il orthographie Eoruppa.) Mais voici le texte capital, que l
814
le texte capital, que l’on peut tenir pour l’acte
de
naissance de l’Europe historique et politique : on le trouve dans une
815
tal, que l’on peut tenir pour l’acte de naissance
de
l’Europe historique et politique : on le trouve dans une suite à la f
816
n le trouve dans une suite à la fameuse Chronique
d’
Isidore de Séville, rédigée un siècle plus tôt. Le continuateur anonym
817
nonyme (Isidor Pacensis, ou Isidore de Badajoz ou
de
Beja ? on ne sait) décrit la bataille de Poitiers, gagnée par Charles
818
dajoz ou de Beja ? on ne sait) décrit la bataille
de
Poitiers, gagnée par Charles Martel sur les Arabes en 732. Il a certa
819
sur les Arabes en 732. Il a certainement été mêlé
de
près à l’événement, qu’il rapporte en détail quelques années plus tar
820
Européens » (soldats des contrées diverses allant
de
l’Aquitaine à la Germanie et formant l’armée du maire du Palais) vire
821
les tentes des Arabes sont vides ; les guerriers
de
Charles Martel, après le pillage, n’ont plus qu’à s’en retourner, joy
822
n suas leti recipiunt patrias.32 Ainsi le terme
d’
Européens, pour la première fois dans notre ère, désigne une communaut
823
ntinentale, celle qui englobe dans un même destin
de
défense contre un même ennemi les peuples vivant au nord des Pyrénées
824
peut que les historiens qui ramènent la bataille
de
Poitiers à un « mythe » ou à « un incident sans importance » aient ra
825
s Arabes n’aient qu’à peine enregistré la défaite
d’
Abdarrahmân : selon leurs historiens de l’époque, elle n’aurait marqué
826
la défaite d’Abdarrahmân : selon leurs historiens
de
l’époque, elle n’aurait marqué que l’issue malheureuse d’une razzia d
827
que, elle n’aurait marqué que l’issue malheureuse
d’
une razzia de plus chez les Francs. Le recul de l’islam à partir de ce
828
se d’une razzia de plus chez les Francs. Le recul
de
l’islam à partir de cette date serait dû, selon E. Berl, à une crise
829
t Byzance, dès 71833. Mais il y a cette chronique
de
l’anonyme espagnol, il y a ce mot Europenses qui suffit à lui seul po
830
nt naturellement décrits non comme les défenseurs
d’
une Romania devenue mythique, ni de l’Occident en général, ni de la pa
831
les défenseurs d’une Romania devenue mythique, ni
de
l’Occident en général, ni de la papauté, ni de leur « nation » ou pat
832
devenue mythique, ni de l’Occident en général, ni
de
la papauté, ni de leur « nation » ou patrie particulière, mais bien c
833
ni de l’Occident en général, ni de la papauté, ni
de
leur « nation » ou patrie particulière, mais bien comme les membres d
834
patrie particulière, mais bien comme les membres
d’
une même famille de peuples. 25. R. Cagnat, Inscriptiones Graecae a
835
e, mais bien comme les membres d’une même famille
de
peuples. 25. R. Cagnat, Inscriptiones Graecae ad res Romanas perti
836
pertinentes, 1906. 26. L’Aventure occidentale
de
l’homme , Albin Michel, Paris, 1957. 27. L’auteur se trompe sur ce p
837
econnaissent expressément. 28. Selon la remarque
de
J. Fischer, op. cit., p. 41. 29. Claudius Claudianus, Paneg. de sex
838
p. cit., p. 41. 29. Claudius Claudianus, Paneg.
de
sext. consul. Honorii, Monumenta Germanica AA, X, 239. 30. Cité par
839
363, 20 et 30. 33. Emmanuel Berl, Les Impostures
de
l’histoire, Paris, 1959.
840
pa vel regnum Caroli » Cette conscience commune
de
l’Europe — remplaçant de plus en plus le concept déprécié ou déprécia
841
e plus en plus le concept déprécié ou dépréciatif
d’
Occident — va s’affermir et se préciser avec les conquêtes de Charlema
842
— va s’affermir et se préciser avec les conquêtes
de
Charlemagne, de 768 à 814. Selon Bède le Vénérable (675-755), histori
843
et se préciser avec les conquêtes de Charlemagne,
de
768 à 814. Selon Bède le Vénérable (675-755), historien des Anglais e
844
monde », l’Europe était essentiellement composée
de
la Gaule, de la Germanie et de l’Espagne, l’Italie s’y joignant plus
845
urope était essentiellement composée de la Gaule,
de
la Germanie et de l’Espagne, l’Italie s’y joignant plus tard. L’Angle
846
iellement composée de la Gaule, de la Germanie et
de
l’Espagne, l’Italie s’y joignant plus tard. L’Angleterre et la Scandi
847
arlemagne conquiert les Lombards, ajoute le titre
de
roi d’Italie à ceux de roi de Neustrie, d’Aquitaine et d’Austrasie, d
848
Lombards, ajoute le titre de roi d’Italie à ceux
de
roi de Neustrie, d’Aquitaine et d’Austrasie, déborde largement l’anci
849
titre de roi d’Italie à ceux de roi de Neustrie,
d’
Aquitaine et d’Austrasie, déborde largement l’ancien limes à l’est et
850
’Italie à ceux de roi de Neustrie, d’Aquitaine et
d’
Austrasie, déborde largement l’ancien limes à l’est et au nord, ainsi
851
ine et chrétienne, impérialiste et universaliste,
d’
un impossible imperium mundi. Voici le prêtre Cathwulf qui loue Charle
852
oici le prêtre Cathwulf qui loue Charles, en 775,
d’
avoir été choisi par Dieu pour être élevé au rang de « gloire de l’emp
853
avoir été choisi par Dieu pour être élevé au rang
de
« gloire de l’empire d’Europe » : quod ipse te exaltavit in honorem
854
oisi par Dieu pour être élevé au rang de « gloire
de
l’empire d’Europe » : quod ipse te exaltavit in honorem glorie regni
855
u pour être élevé au rang de « gloire de l’empire
d’
Europe » : quod ipse te exaltavit in honorem glorie regni Europae. V
856
in honorem glorie regni Europae. Voici le poète
de
la cour, Angilbert, gendre de l’empereur, qui décerne à Charles, en 7
857
ae. Voici le poète de la cour, Angilbert, gendre
de
l’empereur, qui décerne à Charles, en 799, les titres de « tête du mo
858
pereur, qui décerne à Charles, en 799, les titres
de
« tête du monde…, cime (ou tiare) de l’Europe… père suprême » et ce s
859
, les titres de « tête du monde…, cime (ou tiare)
de
l’Europe… père suprême » et ce sont là titres mêlés et conjugués d’im
860
suprême » et ce sont là titres mêlés et conjugués
d’
imperator et de pontifex : Rex Carolus caput orbis, amor populique, d
861
sont là titres mêlés et conjugués d’imperator et
de
pontifex : Rex Carolus caput orbis, amor populique, decusque Europ
862
4 : Rex, pater Europae… Cette « Europe ou règne
de
Charles » Europa vel regnum Caroli comme la nomment les Annales de Fu
863
pa vel regnum Caroli comme la nomment les Annales
de
Fulda (fin du ixe siècle), est donc un seul empire chrétien, né hors
864
n’est donc plus seulement l’une des trois parties
de
la carte du monde traditionnelle (l’Europe, la Libye ou Afrique, l’As
865
ue, l’Asie), mais une existence autonome et dotée
de
vertus spirituelles. Selon Alcuin (735-804), maître de l’école du pal
866
rtus spirituelles. Selon Alcuin (735-804), maître
de
l’école du palais, éducateur, théologien, astronome et rhéteur de cou
867
lais, éducateur, théologien, astronome et rhéteur
de
cour, elle est le continent de la foi. En tant que telle, l’Europe de
868
tronome et rhéteur de cour, elle est le continent
de
la foi. En tant que telle, l’Europe de Charles se trouve plus près de
869
s près de « l’Orient », qui est Jésus-Christ, que
de
« l’Occident » classique, mauvaise moitié du monde… C’est ici le prem
870
tié du monde… C’est ici le premier épanouissement
d’
une véritable idée européenne, d’une conscience commune attestée par d
871
r épanouissement d’une véritable idée européenne,
d’
une conscience commune attestée par d’innombrables expressions exclama
872
européenne, d’une conscience commune attestée par
d’
innombrables expressions exclamatives. Hélas ! printemps prématuré. Tô
873
Tôt après Charlemagne, en effet, la grande image
d’
un « règne européen » s’estompe. Déjà, sous Louis le Pieux, son fils —
874
Déjà, sous Louis le Pieux, son fils — le partage
de
l’empire vient d’être consommé — on note un changement bien typique d
875
le Pieux, son fils — le partage de l’empire vient
d’
être consommé — on note un changement bien typique dans les formules d
876
um Europae — empire unique —, voici dans un poème
de
l’Espagnol Theowulf (après 814) l’expression de regna, ou royaumes d’
877
e de l’Espagnol Theowulf (après 814) l’expression
de
regna, ou royaumes d’Europe : Tu pius Europae regna potenter habes.3
878
lf (après 814) l’expression de regna, ou royaumes
d’
Europe : Tu pius Europae regna potenter habes.35 L’idée du regnum E
879
er habes.35 L’idée du regnum Europae se détache
de
l’idée d’un empire terrestre — qui déjà ne se compose plus que de reg
880
5 L’idée du regnum Europae se détache de l’idée
d’
un empire terrestre — qui déjà ne se compose plus que de regna, c’est-
881
mpire terrestre — qui déjà ne se compose plus que
de
regna, c’est-à-dire d’une multiplicité de royaumes distincts — pour s
882
éjà ne se compose plus que de regna, c’est-à-dire
d’
une multiplicité de royaumes distincts — pour se rapprocher de l’idée
883
lus que de regna, c’est-à-dire d’une multiplicité
de
royaumes distincts — pour se rapprocher de l’idée médiévale d’un empi
884
licité de royaumes distincts — pour se rapprocher
de
l’idée médiévale d’un empire sur les âmes, c’est-à-dire au concret d’
885
istincts — pour se rapprocher de l’idée médiévale
d’
un empire sur les âmes, c’est-à-dire au concret d’une chrétienté papal
886
d’un empire sur les âmes, c’est-à-dire au concret
d’
une chrétienté papale. Au lieu de l’Europe unie de Charlemagne, règne
887
d’une chrétienté papale. Au lieu de l’Europe unie
de
Charlemagne, règne sacerdotal et impérial tout à la fois, une confédé
888
tal et impérial tout à la fois, une confédération
de
princes occidentaux se dessine vaguement dans l’ombre des intrigues p
889
re des intrigues pré-nationales, et sera le champ
de
l’ambition « romaine » des empereurs « de nation germanique » ; tandi
890
e champ de l’ambition « romaine » des empereurs «
de
nation germanique » ; tandis que l’unité spirituelle deviendra l’autr
891
l’unité spirituelle deviendra l’autre pôle, celui
de
la papauté. Dès 843, Léon IV s’oppose au Patriarche de Constantinople
892
papauté. Dès 843, Léon IV s’oppose au Patriarche
de
Constantinople, en invoquant toutes les Églises d’Europe contre l’Emp
893
e Constantinople, en invoquant toutes les Églises
d’
Europe contre l’Empire romano-byzantin. Empire et papauté, dans les si
894
ront notre Moyen Âge, vont remplir les chroniques
de
leurs luttes, refoulant le concept d’Europe dans le domaine du mythe
895
chroniques de leurs luttes, refoulant le concept
d’
Europe dans le domaine du mythe et de l’allégorie, ou dans la nostalgi
896
t le concept d’Europe dans le domaine du mythe et
de
l’allégorie, ou dans la nostalgie du grand passé carolingien. Parfois
897
and passé carolingien. Parfois, cependant, le nom
d’
Europe affleure et brille encore pour un instant. Notker le Bègue, cha
898
nt. Notker le Bègue, chargé par Charles le Simple
de
rédiger les Gesta Caroli dès 883, célèbre la construction du pont de
899
a Caroli dès 883, célèbre la construction du pont
de
Mayence comme une démonstration du pouvoir des Européens, « grands et
900
unis : … Comme en témoignent les arches du pont
de
Mayence, que toute l’Europe édifia par une œuvre commune certes, mais
901
ieux ordonnées (ordinatissimae participationis).
De
cette fin du ixe et de tout le xe siècle, Jürgen Fischer nous cite
902
ssimae participationis). De cette fin du ixe et
de
tout le xe siècle, Jürgen Fischer nous cite plusieurs dizaines d’aut
903
ècle, Jürgen Fischer nous cite plusieurs dizaines
d’
auteurs qui parlent encore de l’Europe, mais le sens du nom n’est plus
904
e plusieurs dizaines d’auteurs qui parlent encore
de
l’Europe, mais le sens du nom n’est plus que rhétorique (souvenir de
905
e sens du nom n’est plus que rhétorique (souvenir
de
Charles) ou simplement géographique ; tout cela, le plus souvent, dan
906
vent, dans un latin douteux. Après le règne agité
d’
Othon III, « imperator » d’imitation, l’idée revit d’un « peuple europ
907
. Après le règne agité d’Othon III, « imperator »
d’
imitation, l’idée revit d’un « peuple européen » : des expressions tel
908
thon III, « imperator » d’imitation, l’idée revit
d’
un « peuple européen » : des expressions telles que populus Europae, o
909
plume des annalistes : c’est que l’utopie tenace
d’
une rénovation de l’Empire romain a provisoirement reculé. Derniers ra
910
stes : c’est que l’utopie tenace d’une rénovation
de
l’Empire romain a provisoirement reculé. Derniers rayons furtifs, mai
911
lemagnes, accompagné seulement, nous dit le récit
de
l’époque36, par très peu de soldats, c’est-à-dire : … soutenu par ce
912
a occurendo admiserat). Sur le manteau constellé
de
l’empereur était brodée cette inscription : O decus Europae Caesar H
913
i tibi rex qui regnat in aevum. (Ô toi, honneur
de
l’Europe, César Henri, sois bienheureux. Que Celui qui règne en étern
914
t funèbre, rimé par un poète rhénan, clama la fin
de
l’idée carolingienne de l’Europe : « Que pleure l’Europe décapitée !
915
oète rhénan, clama la fin de l’idée carolingienne
de
l’Europe : « Que pleure l’Europe décapitée ! » : loret hunc Europa i
916
iam decapitata. Et commença l’éclipse médiévale
de
la conscience — non certes de la réalité — européenne. Il faudra les
917
l’éclipse médiévale de la conscience — non certes
de
la réalité — européenne. Il faudra les menaces mongole et turque pour
918
turque pour réveiller, avec la chrétienté, l’idée
d’
Europe. Ici donc prend fin notre enquête sur les origines attestées.