1 1959, Les Origines de l’Europe : d’Hésiode à Charlemagne ou du mythe à l’histoire. Introduction
1 uis le congrès de La Haye, au mois de mai 1948 ?) Nous avons cherché la réponse ou plutôt les réponses à ces questions, en r
2 lippe le Bel, premier auteur d’un plan d’union de nos États, au début du xive siècle. Nous avons décidé d’aller beaucoup p
3 n d’union de nos États, au début du xive siècle. Nous avons décidé d’aller beaucoup plus haut. Quelques mois de travail nou
4 ller beaucoup plus haut. Quelques mois de travail nous ont conduits vers des confins étranges et des temps fabuleux. Le prem
5 d’Europe, c’est Hésiode : au viiie siècle avant notre ère. Et le premier qui l’ait décrite en la comparant à l’Asie, c’est
6 i la défendent, ne remonte qu’au viiie siècle de notre ère, après la bataille de Poitiers, qui eut lieu en 732. L’Empire car
7 ers des guerres et des querelles d’investitures : notre enquête se termine au xie siècle. C’est le procès-verbal d’une reche
8 ’est le procès-verbal d’une recherche étonnée que nous livrons aujourd’hui aux lecteurs de ce bulletin , — avec l’espoir qu
9 ce bulletin , — avec l’espoir qu’ils partageront nos étonnements. ⁂ Deux auteurs, entre cent consultés, nous ont servi de
10 tonnements. ⁂ Deux auteurs, entre cent consultés, nous ont servi de guides en des régions qu’ils sont seuls de nos jours à c
11 rvi de guides en des régions qu’ils sont seuls de nos jours à connaître aussi bien, du point de vue qui intéresse notre enq
12 nnaître aussi bien, du point de vue qui intéresse notre enquête. Gonzague de Reynold, par le premier tome de sa très belle h
13 néreuses en suggestions précises et pittoresques, nous a révélé les géographes et mythographes antiques. Nous souhaitons aux
14 a révélé les géographes et mythographes antiques. Nous souhaitons aux lecteurs de nos pages trop brèves, qui auront envie d’
15 graphes antiques. Nous souhaitons aux lecteurs de nos pages trop brèves, qui auront envie d’en savoir davantage, le plaisir
16 ccident, de la fin de l’Antiquité au xie siècle, nous a servi de source principale pour la période carolingienne et pour le
17 suivent immédiatement. ⁂ L’essai de synthèse que nous présentons aujourd’hui ne prétend pas à l’originalité. Il ne visait,
18 anthologie de textes sur l’Europe, des origines à nos jours. Chemin faisant, le commentaire a débordé la pure et simple cit
19 soins d’un groupe d’éditeurs représentant huit de nos langues, qui se sont associés sous les auspices du Centre en vue de p
2 1959, Les Origines de l’Europe : d’Hésiode à Charlemagne ou du mythe à l’histoire. I. Protohistoire d’un continent sans nom
20 rtour de la Méditerranée, pour remonter de là sur notre continent et pénétrer profondément dans sa forêt centrale, au-delà de
21 Angleterre. Vers la fin du IIIe millénaire avant notre ère, la métallurgie et ses techniques inventées dans le Proche-Orient
22 et bronze) se répand dans tout le continent. Ici nous cédons la parole à M. André Varagnac, l’un de nos meilleurs guides da
23 ous cédons la parole à M. André Varagnac, l’un de nos meilleurs guides dans la protohistoire du continent : Avec cette mét
24 t, dès la première moitié du IIe millénaire avant notre ère, un système d’échanges maritimes associant à la Méditerranée cett
25 che.1 Aux approches du dernier millénaire avant notre ère, il semble bien qu’une sorte de civilisation commune se soit éten
3 1959, Les Origines de l’Europe : d’Hésiode à Charlemagne ou du mythe à l’histoire. II. Le mythe de l’enlèvement d’Europe
26 a tiré ce nom ni qui le lui a donné, à moins que nous ne disions qu’elle l’a pris d’Europe de Tyr, car, auparavant, ainsi q
27 es fleuves, nourrissent la jeunesse des hommes », nous dit Hésiode. À ce poète du viiie siècle avant notre ère nous devons
28 us dit Hésiode. À ce poète du viiie siècle avant notre ère nous devons la première mention connue du nom d’Europe, au vers 3
29 iode. À ce poète du viiie siècle avant notre ère nous devons la première mention connue du nom d’Europe, au vers 357 de sa
30 À ce poète du viiie siècle avant notre ère nous devons la première mention connue du nom d’Europe, au vers 357 de sa Théogon
31 son, première épouse de Zeus. Beaucoup plus tard, nous retrouvons Europe non plus déesse mais femme légendaire. Agénor, roi
32 up d’œuvres perdues de poètes antérieurs, et dont nous parlent Hérodote et Thucydide entre autres, nous possédons une versio
33 nous parlent Hérodote et Thucydide entre autres, nous possédons une version grecque tardive : la célèbre « Idylle » de Mosc
34 dylle » de Moschos, qui date du iie siècle avant notre ère, en pleine littérature alexandrine. Il est probable que Moschos,
35 vases décorés ou pierres gravées. Il a fixé pour nous le décor printanier où les poètes, sculpteurs et peintres de vingt si
36 t par Véronèse, le Titien, le Lorrain et Tiepolo. Nous empruntons la traduction de l’Idylle au précieux petit livre d’Alfred
37 mi les Charites la déesse née de l’écume. Elle ne devait pas longtemps prendre plaisir à ces fleurs, ni conserver intacte sa c
38 chères compagnes, compagnes de mon âge, asseyons- nous sur ce taureau, pour notre divertissement ; à coup sûr, il nous recev
39 es de mon âge, asseyons-nous sur ce taureau, pour notre divertissement ; à coup sûr, il nous recevra toutes sur son dos étalé
40 ureau, pour notre divertissement ; à coup sûr, il nous recevra toutes sur son dos étalé, tant il a l’air paisible et doux, e
41 le songe du début de l’Idylle qui contient, pour nous tout au moins, la véritable signification du mythe ; ces deux terres
42 tal, qui va prendre le nom de sa précieuse proie. Nous ne donnerons pas ici d’autres versions fameuses de l’Enlèvement, cell
43 elles ne font qu’imiter le modèle de Moschos, que nous avons tenu à citer en entier parce qu’il figure en quelque sorte l’ét
44 religieux chrétien, un peu comme Simone Weil, de nos jours, le fera pour d’autres mythes, celui de Prométhée notamment. En
45 porelle en prenant l’humaine chair. Comme l’un de nous il vint demeurer en ce monde terrestre plein de tribulations… l’âme d
46 nde terrestre plein de tribulations… l’âme dévote doit le suivre et se tenir à lui comme à un très ferme appui. Pour le géo
47 ymbolise et l’Europe naissant à l’histoire. Un de nos grands historiens contemporains, G. de Reynold, nous y aidera mieux q
48 s grands historiens contemporains, G. de Reynold, nous y aidera mieux que personne : Europe nous est venue d’Asie, mère de
49 ynold, nous y aidera mieux que personne : Europe nous est venue d’Asie, mère de toutes les grandes religions, génératrice d
50 station secondaire. Comment va-t-il évoluer ? […] Nous verrons ce culte monter vers le nord, se répandre peu à peu dans l’He
51 raphie la plus complète et la mieux commentée sur notre sujet. 5. Robert Graves, The Greek Myths, 2 vol., Penguin Books, Lon
4 1959, Les Origines de l’Europe : d’Hésiode à Charlemagne ou du mythe à l’histoire. III. Le Mythe de Japhet
52 pe, c’est à un autre mythe, bien moins connu, que nous devons attribuer la persistance d’un concept de l’Europe comme contin
53 ’est à un autre mythe, bien moins connu, que nous devons attribuer la persistance d’un concept de l’Europe comme continent dis
54 Église, qu’entend remonter, dès le ive siècle de notre ère, cette tradition indépendante de la Grèce : nous l’appellerons le
55 e ère, cette tradition indépendante de la Grèce : nous l’appellerons le Mythe de Japhet. Selon saint Ambroise (né en 340), l
56 lequel insistent tous ces exégètes est celui que nous avons souligné dans le verset 27 cité : dilatet selon la Vulgate. Jap
57 ien l’état du continent dans la seconde moitié de notre premier millénaire : ce mélange originellement « indifférent » (à l’é
58 nombreux, qui porte en bloc le nom d’Europe. 8. Nous suivons ici la démonstration de Jürgen Fischer, op. cit., p. 10 à 19 
5 1959, Les Origines de l’Europe : d’Hésiode à Charlemagne ou du mythe à l’histoire. IV. Cadmus ou la quête d’Europe
59 he : là où cette vache tombera de fatigue, Cadmus devra bâtir une ville. Il achète donc une vache marquée d’une pleine lune b
60 du genre humain. Audax Japeti genum écrit Horace… Nous y reviendrons. 10. R. Graves, op. cit., I, p. 194-197.
6 1959, Les Origines de l’Europe : d’Hésiode à Charlemagne ou du mythe à l’histoire. V. Les étymologies
61 V. Les étymologies L’étymologie, trop souvent, nous est donnée pour science par ceux qui la pratiquent sans art. À traver
62 elle que le nom d’Europe vient de l’hébreu et que notre continent fut la part de Japhet. (Il s’agit donc, comme on l’a vu plu
63 les prophètes.) Goropius écrit, selon Mercator : Nous voyons qu’à Japhet est promise dilatation, ou, comme d’autres l’inter
64 comme d’autres l’interprètent, joie, laquelle il devait obtenir lorsque le Christ nous aurait rachetés par sa mort. E donc si
65 oie, laquelle il devait obtenir lorsque le Christ nous aurait rachetés par sa mort. E donc signifie un mariage légitime ; Ur
66 e soleil se couche. De leur côté, la lumière ; du nôtre , l’obscurité, les ténèbres, l’Arip, mot que l’on doit mettre à côté d
67 , l’obscurité, les ténèbres, l’Arip, mot que l’on doit mettre à côté du sombre Erèbe de la mythologie grecque. En effet, ne
68 logie est aujourd’hui abandonnée. G. de Reynold11 nous signale toutefois l’existence d’un lien possible entre ereb et Europe
69 lien indirect, et c’est encore la mythologie qui nous l’explique : Erebos, en mythologie, c’est le fils du Chaos et le frè
70 indirectement, du sémitique ereb, soir. d) Reste notre nom grec, celui de la Fille d’Agénor. Ici, nous sommes sur un terrain
71 notre nom grec, celui de la Fille d’Agénor. Ici, nous sommes sur un terrain plus ferme12 : « Europe est dans son premier s
72 bien comme accusatif. Régulièrement, le nominatif devrait être : euruopès, ou euruops ; mais ces deux formes sont hypothétiques
73 clinaison. Quant à l’étymologie, elle est facile. Nous avons là des composés de deux autres mots grecs : l’adjectif eurus, l
74 pour devenir lui-même un substantif. Et voilà qui nous oblige à consulter la mythologie. » e) Ces précisions épuisent-elles
7 1959, Les Origines de l’Europe : d’Hésiode à Charlemagne ou du mythe à l’histoire. VI. Le concept géographique
75 ues. Mais ce parallèle entre l’Europe et la Grèce doit être étendu à des rapports plus nobles que ceux de la nature corporel
76 e cesse… De Carthage, colonie de Tyr (découverte, nous l’avons vu, par Phoenix, l’un des frères d’Europe), Hannon était allé
77 ait allé jusqu’au Sénégal dès le ve siècle avant notre ère. C’est un autre amiral carthaginois, Himilco, qui, selon Pline, r
78 Un poète de la décadence, Rufius Festus Avienus, devait mettre en vers latin, vers 370, le récit du périple d’Himilco : Au-d
79 s Océanides ». Hippias vivait au ve siècle avant notre ère. Avant lui, Hécathée de Milet, né vers 540 av. J.-C, avait écrit
80 ope ? Tous les auteurs du temps, jusqu’à Strabon, nous donnent la même définition : l’Europe va des Colonnes d’Hercule (c’es
81 plus convaincu que la terre est très vaste et que nous qui habitons du Phase aux Colonnes d’Hercule, nous n’en habitons qu’u
82 ous qui habitons du Phase aux Colonnes d’Hercule, nous n’en habitons qu’une petite partie, vivant tout autour de la mer, com
83 mmes braves et courageux, la nature de leurs lois doit s’ajouter à la répugnance de donner essor à leur courage. La plus for
84 n appelle Grecs plutôt les gens qui participent à notre éducation que ceux qui ont une même origine que nous.24 Reprenons m
85 e éducation que ceux qui ont une même origine que nous .24 Reprenons maintenant la généalogie des descriptions géographique
86 ster : L’Ister est le plus grand des fleuves que nous connaissions… On ne doit pas s’étonner que l’ester reçoive tant de ri
87 us grand des fleuves que nous connaissions… On ne doit pas s’étonner que l’ester reçoive tant de rivières puisqu’il traverse
88 écrivant sous les règnes d’Auguste et de Tibère, nous donne un premier grand tableau géographique de l’Europe, continent su
89 de l’Europe, continent supérieur aux deux autres, nous dit-il, à cause des conditions éminemment favorables dans lesquelles
90 antité de bétail et fort peu de bêtes féroces, et nous aurons achevé de donner de la nature de ce continent une idée général
91 -quatre nations. Sautons de là au xve siècle de notre ère. Sébastian Münster écrit en 1567 dans sa Cosmographie : Europa e
92 e continent, elle a pourtant des avantages qui la doivent faire préférer aux autres. L’air y est extrêmement tempéré, et les pr
93 ris en 1816 : En sortant des mains de la nature, notre partie du monde n’avait reçu aucun titre à cette glorieuse prééminenc
94 qui possède le moins de richesses territoriales… nous ne sommes riches que d’emprunts. Tel est néanmoins le pouvoir de l’es
95 humain. Ainsi d’Hérodote et d’Hippocrate jusqu’à nos jours, l’Europe physique n’a pas cessé d’être conçue comme un ensembl
96 rps ». C’est tout cela que résume l’historien que nous avons pris pour guide dans ce dédale crétois : Gonzague de Reynold :
97 ue de la nature. L’Europe, c’est le continent qui doit se projeter hors de soi-même, celui de l’expansion et de la conquête,
98 la représentaient comme une femme assise. Postel, nous dit Moreri à l’article Europe, la représente ainsi en l’honneur de Ch
99 la culture en vue de l’anthologie européenne que nous préparons. 23. Traduction de Delavaud, chez Bossange et consorts, Pa
8 1959, Les Origines de l’Europe : d’Hésiode à Charlemagne ou du mythe à l’histoire. VII. De la géographie à l’histoire
100 de la réalité qu’on ne l’imagine généralement de nos jours. Mais la conscience politico-historique d’une entité européenne
101 , et enfin par tous les auteurs européens jusqu’à nos jours qui déclarent s’inspirer de « la Tradition », D. de Rougemont d
102 terprétation, uniquement favorable à l’Orient, de nos deux termes symboliques ne peut manquer d’impressionner. On ne saurai
103 traduit presque toujours par oriens des mots que nos versions modernes rendront par « ciel » ou « soleil levant », voire p
104 gètes. Il faut attendre le début du ve siècle de notre ère pour voir reparaître — et c’est la première fois depuis Hérodote2
105 barbara Peuce Nutrierat…29 Au iie siècle de notre ère — donc 200 ans après l’inscription de Philae : notons ce long sil
106 omie du salut », et c’est à ses saints qu’elle le doit . Sulpice Sévère est en effet le biographe de saint Martin de Tours, q
107 pa circuita. C’est donc à ses saints que l’Europe doit de se distinguer enfin de « l’Occident » — si mal vu par les spiritue
108 le terme d’Européens, pour la première fois dans notre ère, désigne une communauté continentale, celle qui englobe dans un m
109 Le recul de l’islam à partir de cette date serait , selon E. Berl, à une crise intérieure du monde arabe, et surtout à l
110 l pour que Poitiers marque une date décisive dans notre histoire. La preuve est là, qu’au viiie siècle, ceux qui défendent c
9 1959, Les Origines de l’Europe : d’Hésiode à Charlemagne ou du mythe à l’histoire. VIII. « Europa vel regnum Caroli »
111 hors de Rome, à domination franque incontestée — nous dirions franco-germanique. Ce n’est donc plus seulement l’une des tro
112 et papauté, dans les siècles à venir, qui seront notre Moyen Âge, vont remplir les chroniques de leurs luttes, refoulant le
113 du ixe et de tout le xe siècle, Jürgen Fischer nous cite plusieurs dizaines d’auteurs qui parlent encore de l’Europe, mai
114 emonte vers les Allemagnes, accompagné seulement, nous dit le récit de l’époque36, par très peu de soldats, c’est-à-dire :
115 chrétienté, l’idée d’Europe. Ici donc prend fin notre enquête sur les origines attestées. 34. Monumenta germanica, Poet.