1
Note liminaire Cet ouvrage prend la suite
de
quelques autres où j’ai parlé de la passion d’amour, des mythes de l’
2
e prend la suite de quelques autres où j’ai parlé
de
la passion d’amour, des mythes de l’âme et du mystère de la personne1
3
te de quelques autres où j’ai parlé de la passion
d’
amour, des mythes de l’âme et du mystère de la personne1 ; il en prolo
4
s où j’ai parlé de la passion d’amour, des mythes
de
l’âme et du mystère de la personne1 ; il en prolonge les lignes, vers
5
assion d’amour, des mythes de l’âme et du mystère
de
la personne1 ; il en prolonge les lignes, vers un point de perspectiv
6
sonne1 ; il en prolonge les lignes, vers un point
de
perspective d’où le regard puisse embrasser un champ mieux unifié du
7
prolonge les lignes, vers un point de perspective
d’
où le regard puisse embrasser un champ mieux unifié du phénomène humai
8
e, et sur les personnages imaginaires du roman et
de
l’opéra en lesquels s’illustrent ces mythes ; puis une série d’observ
9
lesquels s’illustrent ces mythes ; puis une série
d’
observations (au sens clinique) sur des personnes réelles, dont le dra
10
ame vécu semble avoir épousé la formule dynamique
de
Don Juan et de Tristan ; enfin, l’on reviendra au problème capital, c
11
avoir épousé la formule dynamique de Don Juan et
de
Tristan ; enfin, l’on reviendra au problème capital, celui de la pers
12
enfin, l’on reviendra au problème capital, celui
de
la personne en soi, telle que les religions majeures la définissent o
13
jeures la définissent ou la nient. Car toute idée
de
l’homme est une idée de l’amour. Cette succession pourra surprendre.
14
la nient. Car toute idée de l’homme est une idée
de
l’amour. Cette succession pourra surprendre. Des transitions logiques
15
qu’un faible artifice — et j’y renonce au profit
d’
une longue Introduction — s’agissant d’assurer l’unité de l’ouvrage et
16
au profit d’une longue Introduction — s’agissant
d’
assurer l’unité de l’ouvrage et d’en faire accepter le vrai sujet : ce
17
ongue Introduction — s’agissant d’assurer l’unité
de
l’ouvrage et d’en faire accepter le vrai sujet : ce mouvement d’aller
18
on — s’agissant d’assurer l’unité de l’ouvrage et
d’
en faire accepter le vrai sujet : ce mouvement d’aller et retour du re
19
d’en faire accepter le vrai sujet : ce mouvement
d’
aller et retour du religieux à l’érotique qui est l’un des secrets déc
20
ux à l’érotique qui est l’un des secrets décisifs
de
la psycho occidentale. Je ne vois guère de domaine, en effet, où les
21
cisifs de la psycho occidentale. Je ne vois guère
de
domaine, en effet, où les malentendus invétérés et les préjugés prêts
22
s et les préjugés prêts au bond retiennent autant
d’
esprits, croyants et incroyants, de faire face à leurs vrais problèmes
23
iennent autant d’esprits, croyants et incroyants,
de
faire face à leurs vrais problèmes ou de souffrir seulement qu’on les
24
royants, de faire face à leurs vrais problèmes ou
de
souffrir seulement qu’on les observe. Freud a décelé quelques-uns des
25
s observe. Freud a décelé quelques-uns des motifs
d’
une pareille résistance à la lucidité ; il les situait dans le conflit
26
osé une analyse non moins « choquante » du refus
de
prendre conscience des réalités économiques, en conflit avec l’idéal
27
des réalités économiques, en conflit avec l’idéal
de
la bourgeoisie victorienne. L’un et l’autre, d’ailleurs, demeuraient
28
n et l’autre, d’ailleurs, demeuraient tributaires
de
cette même société occidentale dont ils surent génialement dénoncer l
29
s surent génialement dénoncer les « bons motifs »
de
s’aveugler dans deux domaines vitaux, bien définis. Mais ces domaines
30
écisément « taboués » par les classes dirigeantes
de
leur temps) n’enferment pas toute la réalité, ni de l’homme occidenta
31
leur temps) n’enferment pas toute la réalité, ni
de
l’homme occidental, ni de l’homme en général. Marx et Freud partageai
32
as toute la réalité, ni de l’homme occidental, ni
de
l’homme en général. Marx et Freud partageaient malgré tout avec la so
33
out avec la société qu’ils attaquaient un système
de
pensée et certains préjugés qui devaient à leur tour les aveugler sur
34
aient à leur tour les aveugler sur un autre ordre
de
réalités. J’ai donc tenté de retrouver la dialectique de l’amour et d
35
r sur un autre ordre de réalités. J’ai donc tenté
de
retrouver la dialectique de l’amour et de la personne, qui sont les d
36
ités. J’ai donc tenté de retrouver la dialectique
de
l’amour et de la personne, qui sont les deux réalités que ces grands
37
c tenté de retrouver la dialectique de l’amour et
de
la personne, qui sont les deux réalités que ces grands hommes avaient
38
ts par leur système, à la fois efficace et fermé,
d’
éliminer ou de refouler. Il s’agit ici d’une recherche, et non pas de
39
stème, à la fois efficace et fermé, d’éliminer ou
de
refouler. Il s’agit ici d’une recherche, et non pas de littérature, m
40
t fermé, d’éliminer ou de refouler. Il s’agit ici
d’
une recherche, et non pas de littérature, malgré les multiples exemple
41
fouler. Il s’agit ici d’une recherche, et non pas
de
littérature, malgré les multiples exemples que j’ai pris dans les gra
42
des xixe et xxe siècles, et cités comme autant
de
faits. Il s’agit de trouver ou d’inventer non pas des objets de langa
43
iècles, et cités comme autant de faits. Il s’agit
de
trouver ou d’inventer non pas des objets de langage (comme on l’atten
44
és comme autant de faits. Il s’agit de trouver ou
d’
inventer non pas des objets de langage (comme on l’attend de la poésie
45
’agit de trouver ou d’inventer non pas des objets
de
langage (comme on l’attend de la poésie) ni des valeurs (comme on l’a
46
non pas des objets de langage (comme on l’attend
de
la poésie) ni des valeurs (comme on l’attend des philosophes), mais u
47
s une vision plus vraie, modifiant le sujet. Rien
d’
étonnant si une telle recherche m’a porté plus d’une fois bien au-delà
48
d’étonnant si une telle recherche m’a porté plus
d’
une fois bien au-delà des conclusions de L’Amour et l’Occident . Cert
49
orté plus d’une fois bien au-delà des conclusions
de
L’Amour et l’Occident . Certains me feront peut-être un reproche d’i
50
cident . Certains me feront peut-être un reproche
d’
inconstance. Pourtant, à y bien regarder, on verra que mes thèses prim
51
tifiées que niées. Quelques oppositions ont perdu
de
leur tranchant, une fois mieux orientées dans une vue de l’Amour que
52
tranchant, une fois mieux orientées dans une vue
de
l’Amour que je ne crains pas qu’on dise moniste : le seul monisme non
53
e seul monisme non contradictoire avec la réalité
de
la personne étant précisément celui de l’Amour, parce qu’il se trouve
54
la réalité de la personne étant précisément celui
de
l’Amour, parce qu’il se trouve que l’être même de l’Amour — son exist
55
de l’Amour, parce qu’il se trouve que l’être même
de
l’Amour — son existence, sa puissance et son essence — recrée sans ce
56
a préserve au sein de l’Unité, afin de l’aimer et
d’
être aimé par elle. Voilà toute la philosophie que je déduis de mes es
57
ar elle. Voilà toute la philosophie que je déduis
de
mes essais en les relisant, bien qu’elle n’y soit traitée qu’en image
58
traitée qu’en images et symboles. 1. Il s’agit
de
L’Amour et l’Occident (1939 et 1956), de Doctrine fabuleuse (1947
59
s’agit de L’Amour et l’Occident (1939 et 1956),
de
Doctrine fabuleuse (1947) et des Personnes du Drame (1944) notamm
60
n’est vrai qu’en Occident, car on n’observe rien
de
tel en Inde, en Chine ou en Afrique. Comment nous expliquer ce fait ?
61
t ? Et pourquoi l’érotisme est-il devenu synonyme
de
perversité non seulement dans le jargon des lois de l’État laïque, ma
62
perversité non seulement dans le jargon des lois
de
l’État laïque, mais aux yeux des chrétiens exigeants et sincères, dep
63
cles ? Pour comprendre la situation problématique
de
notre temps, il faut remonter aux origines du christianisme. Le purit
64
que les évangiles : il se déclare dès les épîtres
de
saint Paul. Et s’il est remarquable que les évangiles, rédigés peu ap
65
évangiles, rédigés peu après, n’en portent guère
de
traces, il est constant qu’on les a lus pendant des siècles à la lumi
66
ce sont les gnostiques qui ont tenté les premiers
de
passer de l’Éros à l’Esprit, par des moyens extrêmes de préférence, a
67
s gnostiques qui ont tenté les premiers de passer
de
l’Éros à l’Esprit, par des moyens extrêmes de préférence, allant de l
68
ser de l’Éros à l’Esprit, par des moyens extrêmes
de
préférence, allant de la castration à la luxure sacrée, ou de la « co
69
it, par des moyens extrêmes de préférence, allant
de
la castration à la luxure sacrée, ou de la « communio spermatica » de
70
e, allant de la castration à la luxure sacrée, ou
de
la « communio spermatica » de certaines sectes basilidiennes au culte
71
a luxure sacrée, ou de la « communio spermatica »
de
certaines sectes basilidiennes au culte général d’une Sophia æterna,
72
e certaines sectes basilidiennes au culte général
d’
une Sophia æterna, Éternel féminin exalté bien au-dessus du Créateur b
73
iques du Nord (ou du moins dans leur vocabulaire)
d’
où procèdent, par les voies détournées que l’on sait, le lyrisme et le
74
le roman modernes, lesquels ne parlent guère que
d’
un amour « profane », sans plus savoir ni d’où il vient ni où il va2.
75
e que d’un amour « profane », sans plus savoir ni
d’
où il vient ni où il va2. L’intransigeante hostilité qui oppose les te
76
L’intransigeante hostilité qui oppose les tenants
de
la morale et les écrivains érotiques prolonge, à l’insu des deux camp
77
gnifiaient à l’origine. Rappelons donc ces termes
de
base, et voyons si vraiment ils permettent d’expliquer pourquoi c’est
78
mes de base, et voyons si vraiment ils permettent
d’
expliquer pourquoi c’est en Europe, et là seulement, que la morale rel
79
ligieuse et l’érotique en sont venues à ce statut
de
conflit permanent, de mépris réciproque, de rigoureuse exclusion mutu
80
en sont venues à ce statut de conflit permanent,
de
mépris réciproque, de rigoureuse exclusion mutuelle. Rien de pareil e
81
tatut de conflit permanent, de mépris réciproque,
de
rigoureuse exclusion mutuelle. Rien de pareil en Inde, répétons-le, n
82
éciproque, de rigoureuse exclusion mutuelle. Rien
de
pareil en Inde, répétons-le, ni d’une manière plus générale dans les
83
mutuelle. Rien de pareil en Inde, répétons-le, ni
d’
une manière plus générale dans les cultures que le christianisme n’a q
84
ent touchées. I. Le christianisme est la religion
de
l’Amour. — Religion d’un Dieu que l’Ancien Testament définissait comm
85
istianisme est la religion de l’Amour. — Religion
d’
un Dieu que l’Ancien Testament définissait comme l’Être originel, le C
86
Être originel, le Créateur du monde et le sauveur
d’
Israël, mais que le Nouveau Testament révèle au cœur de tous les homme
87
aël, mais que le Nouveau Testament révèle au cœur
de
tous les hommes, et d’une manière radicalement nouvelle : « Dieu est
88
u Testament révèle au cœur de tous les hommes, et
d’
une manière radicalement nouvelle : « Dieu est Amour », répète saint J
89
», répète saint Jean. Religion créée par un acte
de
l’amour : « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique…
90
mme toi-même.3 » Religion qui met au premier rang
de
toutes les vertus, l’Amour : « Maintenant ces trois choses demeurent,
91
n vérité spirituelle. 2. Parce qu’il est religion
de
l’Amour, le christianisme implique et pose la réalité de la personne.
92
our, le christianisme implique et pose la réalité
de
la personne. — Les relations qu’il définit entre l’homme et « son » D
93
lles. Dieu est personnel. La Trinité est composée
de
trois Personnes. Le modèle de toute personne humaine est donné par l’
94
rinité est composée de trois Personnes. Le modèle
de
toute personne humaine est donné par l’Incarnation du Christ fils de
95
umaine est donné par l’Incarnation du Christ fils
de
Dieu, en Jésus fils de Marie — Jésus-Christ étant à la fois « vrai Di
96
Incarnation du Christ fils de Dieu, en Jésus fils
de
Marie — Jésus-Christ étant à la fois « vrai Dieu et vrai homme » selo
97
fois « vrai Dieu et vrai homme » selon le Credo.
D’
où suit immédiatement que tout homme converti, recréé par l’Amour divi
98
é par l’Amour divin, va devenir, dans l’imitation
de
Jésus-Christ, vraie vocation et vrai individu, c’est-à-dire : une per
99
distingue. Car pour aimer, il faut être distinct
de
l’objet même de l’amour, auquel on voudrait être uni. Et pour que l’h
100
pour aimer, il faut être distinct de l’objet même
de
l’amour, auquel on voudrait être uni. Et pour que l’homme puisse aime
101
l’homme nouveau, recréé par l’appel qu’il reçoit
de
l’Amour. Cet appel est sa vocation, la vie nouvelle de sa personne. C
102
Amour. Cet appel est sa vocation, la vie nouvelle
de
sa personne. Cette vie demeure en partie mystérieuse, étant « cachée
103
ste par des actes, dans l’amour du prochain comme
de
soi-même. Ainsi l’amour distingue et relie à la fois. Il relie au mys
104
Il relie au mystère divin, mais aussi au mystère
de
ce « prochain » visible dont la personne reste invisible… 3. Cette re
105
nt la personne reste invisible… 3. Cette religion
de
l’Amour total (amour de Dieu, de Soi et du Prochain) n’a pas de livre
106
isible… 3. Cette religion de l’Amour total (amour
de
Dieu, de Soi et du Prochain) n’a pas de livres sacrés sur l’Amour. —
107
. Cette religion de l’Amour total (amour de Dieu,
de
Soi et du Prochain) n’a pas de livres sacrés sur l’Amour. — Dans cet
108
al (amour de Dieu, de Soi et du Prochain) n’a pas
de
livres sacrés sur l’Amour. — Dans cet ensemble infiniment varié de ph
109
sur l’Amour. — Dans cet ensemble infiniment varié
de
phénomènes que l’Europe seule a désignés par le seul et même terme d’
110
Europe seule a désignés par le seul et même terme
d’
amour4, considérons les raies extrêmes du spectre : l’ultraviolet du s
111
t l’infrarouge du sexuel. Notre mystique, science
de
l’amour divin, s’est développée très tardivement, dans des formes et
112
es les sociétés constituées. En dépit des traités
de
quelques Pères de l’Église (prohibant telle position sexuelle parce q
113
ue contraire à la fécondation) et des gros livres
de
casuistique des xvie et xviie siècles, la plupart écrits par des mo
114
istant ou imaginable — du Kamasutra, des tantras,
de
tant d’autres traités d’érotisme dans les Vedas et les upanishads, re
115
Kamasutra, des tantras, de tant d’autres traités
d’
érotisme dans les Vedas et les upanishads, reliant le sexuel au divin
116
ux façades des grands temples hindous, illustrant
de
la manière la plus précise les unions des dieux et de leurs femmes, à
117
a manière la plus précise les unions des dieux et
de
leurs femmes, à des fins didactiques et religieuses. Point de méthode
118
mes, à des fins didactiques et religieuses. Point
de
méthodes secrètes ni de magie sexuelle, point de physiologie du pèler
119
ues et religieuses. Point de méthodes secrètes ni
de
magie sexuelle, point de physiologie du pèlerinage mystique, comme ce
120
de méthodes secrètes ni de magie sexuelle, point
de
physiologie du pèlerinage mystique, comme celle que nous décrivent, s
121
puis mille ans, les traités du Hatha Yoga. Et pas
de
traces non plus, dans le christianisme, de ces cérémonies initiatique
122
Et pas de traces non plus, dans le christianisme,
de
ces cérémonies initiatiques, communes à la plupart des autres religio
123
i les Africains et les Peaux-Rouges, les sauvages
de
l’Australie d’hier et de l’Amazonie d’aujourd’hui, et même les primit
124
et les Peaux-Rouges, les sauvages de l’Australie
d’
hier et de l’Amazonie d’aujourd’hui, et même les primitifs de la Polyn
125
aux-Rouges, les sauvages de l’Australie d’hier et
de
l’Amazonie d’aujourd’hui, et même les primitifs de la Polynésie, aux
126
s sauvages de l’Australie d’hier et de l’Amazonie
d’
aujourd’hui, et même les primitifs de la Polynésie, aux mœurs si douce
127
e l’Amazonie d’aujourd’hui, et même les primitifs
de
la Polynésie, aux mœurs si douces, observent tous des rites plus crue
128
us cruels l’un que l’autre, afin de sacraliser et
de
socialiser l’événement de la puberté. Devant cette même crise endocri
129
, afin de sacraliser et de socialiser l’événement
de
la puberté. Devant cette même crise endocrine, le christianisme se co
130
ême crise endocrine, le christianisme se contente
de
conseils moraux très sévères, et de conseils d’hygiène vagues ou aber
131
e se contente de conseils moraux très sévères, et
de
conseils d’hygiène vagues ou aberrants. D’un côté, le rite et les sév
132
e de conseils moraux très sévères, et de conseils
d’
hygiène vagues ou aberrants. D’un côté, le rite et les sévices physiqu
133
es, et de conseils d’hygiène vagues ou aberrants.
D’
un côté, le rite et les sévices physiques, qui règlent tout ; de l’aut
134
rite et les sévices physiques, qui règlent tout ;
de
l’autre, les problèmes et les tortures morales… Les Églises chrétienn
135
ut conduire à des révélations. « La chair ne sert
de
rien » (quant au salut), déclare saint Paul. Et l’on eut bien vite fa
136
), déclare saint Paul. Et l’on eut bien vite fait
de
réduire au sexuel le sens de « chair » qui, pour l’Apôtre, désignait
137
n eut bien vite fait de réduire au sexuel le sens
de
« chair » qui, pour l’Apôtre, désignait le tout de l’homme (corps, âm
138
e « chair » qui, pour l’Apôtre, désignait le tout
de
l’homme (corps, âme, intellect) dans sa réalité, naturelle et déchue.
139
naturelle et déchue. Dans la naissance virginale
de
Jésus, la tradition et le peuple dévot virent l’absence du sexe, donc
140
sexe, donc du péché, plutôt que le signe positif
d’
une filiation divine…6 En revanche, les Églises chrétiennes, suivies
141
dans l’ensemble définissent une éthique cohérente
de
type personnaliste, et non plus sociale ou sacrée comme dans les autr
142
s autres religions. Il n’en est que plus frappant
d’
observer à quel point les motivations spirituelles du mariage diffèren
143
edisent chez saint Paul. Tantôt il pose une sorte
d’
analogie mystique entre l’amour des sexes dans le mariage et l’amour d
144
ntre l’amour des sexes dans le mariage et l’amour
de
Jésus pour l’ensemble des âmes croyantes : « Maris, aimez vos femmes
145
ontinence : « Je pense qu’il est bon pour l’homme
de
ne point toucher de femme. Toutefois, pour éviter l’impudicité, que c
146
se qu’il est bon pour l’homme de ne point toucher
de
femme. Toutefois, pour éviter l’impudicité, que chacun ait sa femme,
147
ais pas un ordre… Car il vaut mieux se marier que
de
brûler. » Il n’en reste pas moins qu’aux yeux de l’Apôtre, la chastet
148
’est pas marié s’inquiète du Seigneur, des moyens
de
plaire au Seigneur, et celui qui est marié s’inquiète des choses du m
149
marié s’inquiète des choses du monde, des moyens
de
plaire à sa femme. » 4. Ainsi donc, exalté d’une part comme l’image d
150
» 4. Ainsi donc, exalté d’une part comme l’image
de
l’amour divin, mais vilipendé d’autre part comme l’ennemi de la vie s
151
divin, mais vilipendé d’autre part comme l’ennemi
de
la vie spirituelle, toléré finalement mais dans les seules limites du
152
riche et très sommairement condamné sous les noms
de
luxure et d’impudicité ou de « prostitution spirituelle »8, — l’amour
153
sommairement condamné sous les noms de luxure et
d’
impudicité ou de « prostitution spirituelle »8, — l’amour humain devai
154
ndamné sous les noms de luxure et d’impudicité ou
de
« prostitution spirituelle »8, — l’amour humain devait fatalement dev
155
devait fatalement devenir une source intarissable
de
problèmes, tant pour la société que pour l’individu. Au surplus, lié
156
ividu. Au surplus, lié dès l’origine à la réalité
de
la personne, l’amour sexuel, sentimental ou spirituel (amour des corp
157
la dialectique du salut, c’est-à-dire du péché et
de
la grâce, — et valorisé à l’extrême. Ceci ne pouvait se produire — et
158
et ne s’est pas produit — en dehors de la sphère
d’
influence du christianisme. C’est pourquoi le phénomène que je nomme é
159
omène que je nomme érotisme, englobant le mariage
d’
amour, la passion mystique de Tristan et la licence impie de Don Juan
160
englobant le mariage d’amour, la passion mystique
de
Tristan et la licence impie de Don Juan (l’une au-delà et l’autre en
161
a passion mystique de Tristan et la licence impie
de
Don Juan (l’une au-delà et l’autre en deçà du mariage), ne devait dév
162
— qu’à la lumière de ses origines religieuses et
de
ses fins trans-naturelles. 2. Cf. L’Amour et l’Occident, nouvelle
163
ivre ii . 3. Voici les trois textes convergents
de
l’Ancien et du Nouveau Testament : « Tu aimeras ton prochain comme to
164
tique, XIX, 18. « Tu aimeras l’Éternel, ton Dieu,
de
tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force. » Deutéronome,
165
Tu aimeras l’Éternel, ton Dieu, de tout ton cœur,
de
toute ton âme et de toute ta force. » Deutéronome, VI, 5. « … l’un d’
166
, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et
de
toute ta force. » Deutéronome, VI, 5. « … l’un d’eux, docteur de la l
167
de toute ta force. » Deutéronome, VI, 5. « … l’un
d’
eux, docteur de la loi, lui fit cette question : Maître, quel est le p
168
ce. » Deutéronome, VI, 5. « … l’un d’eux, docteur
de
la loi, lui fit cette question : Maître, quel est le plus grand comma
169
ion : Maître, quel est le plus grand commandement
de
la loi ? Jésus lui répondit : Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de to
170
lui répondit : Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu,
de
tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta pensée. C’est le premi
171
aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur,
de
toute ton âme et de toute ta pensée. C’est le premier et le plus gran
172
, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et
de
toute ta pensée. C’est le premier et le plus grand commandement. Et v
173
mblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même.
De
ces deux commandements dépendent toute la loi et les prophètes. » Mat
174
’en grec « le mot philia désignait tout sentiment
d’
attachement et d’affection entre deux personnes, mais les philosophes
175
philia désignait tout sentiment d’attachement et
d’
affection entre deux personnes, mais les philosophes distinguèrent ent
176
es philosophes distinguèrent entre quatre espèces
de
philia : la philia naturelle ou parentale (physikè) unissant les être
177
énikè), qui nous rappelle l’importance des vertus
d’
hospitalité… ; la philia des amis (hétaïrikè) qui seule correspond à l
178
ureuse (erotikè), entre personnes du même sexe ou
de
sexe différent. Enfin, pour distinguer les diverses nuances d’amour,
179
rent. Enfin, pour distinguer les diverses nuances
d’
amour, les Grecs disposaient de nombreux mots, en dehors de philia et
180
s diverses nuances d’amour, les Grecs disposaient
de
nombreux mots, en dehors de philia et d’éros : eunoïa désignant le dé
181
posaient de nombreux mots, en dehors de philia et
d’
éros : eunoïa désignant le dévouement ; Agapè, l’affection désintéress
182
téressée ; storgè, la tendresse ; pothos, l’amour
de
désir ; charis, l’amour de reconnaissance et de complaisance ; mania,
183
esse ; pothos, l’amour de désir ; charis, l’amour
de
reconnaissance et de complaisance ; mania, la passion déchaînée. Cett
184
r de désir ; charis, l’amour de reconnaissance et
de
complaisance ; mania, la passion déchaînée. Cette énumération n’est d
185
ir, parce que les premiers chrétiens et les Pères
de
langue grecque l’emploieront pour désigner l’amour divin et l’amour f
186
is, 1960). Empédocle désigne l’Amour par les mots
de
philotès (analogue à philia) ou de harmonia. Socrate affirmait ne pos
187
r par les mots de philotès (analogue à philia) ou
de
harmonia. Socrate affirmait ne posséder qu’une science, celle de l’ér
188
crate affirmait ne posséder qu’une science, celle
de
l’érotikè. Enfin, les Grecs distinguaient très nettement Aphrodite (d
189
les Grecs distinguaient très nettement Aphrodite (
de
aphros, écume, ou sperme du dieu mutilé), qui préside à l’amour physi
190
rnes possèdent elles aussi la plupart de ces mots
d’
amitié, de tendresse, de désir, de passion, de compassion, de charité,
191
dent elles aussi la plupart de ces mots d’amitié,
de
tendresse, de désir, de passion, de compassion, de charité, etc. ? Sa
192
si la plupart de ces mots d’amitié, de tendresse,
de
désir, de passion, de compassion, de charité, etc. ? Sans doute, mais
193
art de ces mots d’amitié, de tendresse, de désir,
de
passion, de compassion, de charité, etc. ? Sans doute, mais tout cela
194
ots d’amitié, de tendresse, de désir, de passion,
de
compassion, de charité, etc. ? Sans doute, mais tout cela, elles l’ap
195
e tendresse, de désir, de passion, de compassion,
de
charité, etc. ? Sans doute, mais tout cela, elles l’appellent amour,
196
ue qui manque au grec, comme à toutes les langues
de
l’Asie sans exception. Il est caractéristique de l’Europe chrétienne
197
de l’Asie sans exception. Il est caractéristique
de
l’Europe chrétienne et de l’Occident tout entier que, là seulement, t
198
Il est caractéristique de l’Europe chrétienne et
de
l’Occident tout entier que, là seulement, toutes les formes humaines
199
ier que, là seulement, toutes les formes humaines
de
l’attrait aient pu être comprises sous un vocable unique, désignant n
200
que substance commune, mais un mouvement créateur
de
l’être, qui se manifeste en elles toutes. Il est inévitable que certa
201
t inévitable que certains critiques me reprochent
de
« confondre » dans ces pages l’amour divin, la passion et le désir, l
202
l’éros et l’aphros ; mais cette apparente erreur
de
vocabulaire est le fait de toute notre culture occidentale. 5. La g
203
cette apparente erreur de vocabulaire est le fait
de
toute notre culture occidentale. 5. La grande mystique chrétienne,
204
c’est-à-dire durant le troisième quart seulement
de
l’ère chrétienne ; et toujours en dehors de la théologie, qui n’a ces
205
toujours en dehors de la théologie, qui n’a cessé
de
s’en méfier : je pense aux ultimes conclusions de Maître Eckhart, de
206
de s’en méfier : je pense aux ultimes conclusions
de
Maître Eckhart, de Ruysbroek l’Admirable, de saint Jean de la Croix,
207
pense aux ultimes conclusions de Maître Eckhart,
de
Ruysbroek l’Admirable, de saint Jean de la Croix, condamnées par l’au
208
ions de Maître Eckhart, de Ruysbroek l’Admirable,
de
saint Jean de la Croix, condamnées par l’autorité ecclésiastique. 6.
209
mnées par l’autorité ecclésiastique. 6. Le dogme
de
l’Immaculée Conception de la Vierge (1871) isole et souligne cet élém
210
siastique. 6. Le dogme de l’Immaculée Conception
de
la Vierge (1871) isole et souligne cet élément négatif, puisqu’il ne
211
ment négatif, puisqu’il ne peut ici être question
d’
une filiation divine de Marie, d’une autre Incarnation que celle du Ch
212
ne peut ici être question d’une filiation divine
de
Marie, d’une autre Incarnation que celle du Christ, ou ce serait entr
213
ci être question d’une filiation divine de Marie,
d’
une autre Incarnation que celle du Christ, ou ce serait entrer dans la
214
. Voir l’Annexe I. 8. Toute religion différente
de
l’orthodoxie judaïque est qualifiée de prostitution par les Prophètes
215
différente de l’orthodoxie judaïque est qualifiée
de
prostitution par les Prophètes autant que par les Prêtres (Cf. Ézéchi
216
les Prêtres (Cf. Ézéchiel 16, p. ex.). L’exercice
de
la vraie religion ou Alliance peut donc trouver son analogie dans la
217
IINaissance
de
l’érotisme occidental Apparu pour la première fois aux lisières méd
218
aru pour la première fois aux lisières médiévales
de
l’inconscient, annoncé sous le couvert des symboles et du mythe au xi
219
sie et les premiers romans (qui prennent leur nom
de
la Romania des troubadours), l’érotisme n’accède au niveau de la cons
220
delaire et Wagner furent les premiers à affronter
de
tout leur être les conséquences de cette révolution. Par l’analyse ph
221
rs à affronter de tout leur être les conséquences
de
cette révolution. Par l’analyse philosophique, la poésie et la musiqu
222
ternative, Les Fleurs du mal, Tristan, témoignent
d’
une prise de conscience très profondément renouvelée des relations ent
223
uvelée des relations entre l’amour humain, la vie
de
l’âme et la recherche spirituelle. Pour les classiques, l’amour ne po
224
uelle. Pour les classiques, l’amour ne pose guère
de
problèmes que s’il entre en conflit avec le devoir moral. Il n’est pa
225
son orgueil (social), mais on ne peut pas mourir
d’
amour (la métaphore elle-même est ridiculisée). La morale officielle,
226
esprit, ne sait plus comment les relier : éclipse
de
l’âme. L’antithèse radicale de cette époque classique nous est donnée
227
s relier : éclipse de l’âme. L’antithèse radicale
de
cette époque classique nous est donnée par les penseurs-poètes de la
228
classique nous est donnée par les penseurs-poètes
de
la génération post-romantique. Car la question que leur œuvre entrepr
229
ntique. Car la question que leur œuvre entreprend
de
résoudre est celle-là même que les classiques éliminaient : comment i
230
rer l’amour humain dans une conception religieuse
de
l’existence ? Toute conception de l’amour (sexuel ou passionnel, libe
231
tion religieuse de l’existence ? Toute conception
de
l’amour (sexuel ou passionnel, libertin ou matrimonial), toute attitu
232
sionnel, libertin ou matrimonial), toute attitude
de
l’homme devant l’amour, correspond, qu’on le sache ou non, à une atti
233
n relation dialectique avec les fins spirituelles
de
l’âme. Par l’expérience de l’amour passionnel, l’Isolde de Wagner att
234
les fins spirituelles de l’âme. Par l’expérience
de
l’amour passionnel, l’Isolde de Wagner atteint la « joie suprême ». P
235
ner atteint la « joie suprême ». Par l’expérience
de
l’amour dit sexuel, « l’âme inassouvie » de Baudelaire conçoit « le g
236
ience de l’amour dit sexuel, « l’âme inassouvie »
de
Baudelaire conçoit « le goût de l’éternel »10. Et dans In vino verita
237
’âme inassouvie » de Baudelaire conçoit « le goût
de
l’éternel »10. Et dans In vino veritas, l’un des héros ironiques de K
238
Et dans In vino veritas, l’un des héros ironiques
de
Kierkegaard définit l’amour comme le lieu où « la vie spirituelle la
239
rituelle la plus élevée. » Le champ nouveau, dont
de
telles phrases révèlent le réseau de tensions, détermine un espace in
240
ouveau, dont de telles phrases révèlent le réseau
de
tensions, détermine un espace intermédiaire entre le corps animal et
241
fs plaisirs profonds, anxieux ou tendres, moments
de
grâce de l’amour humain et couleurs du langage mystique, procèdent de
242
rs profonds, anxieux ou tendres, moments de grâce
de
l’amour humain et couleurs du langage mystique, procèdent de l’imagin
243
humain et couleurs du langage mystique, procèdent
de
l’imagination. Ils ne sont, de toute évidence, pas plus « physiques »
244
ystique, procèdent de l’imagination. Ils ne sont,
de
toute évidence, pas plus « physiques » que spirituels, bien qu’ils ti
245
monde des corps, qui est substantif, ni du monde
de
l’esprit, qui est celui du verbe, mais du monde animé de l’adjectif q
246
prit, qui est celui du verbe, mais du monde animé
de
l’adjectif qui est qualification de la substance par l’émotion. Kierk
247
u monde animé de l’adjectif qui est qualification
de
la substance par l’émotion. Kierkegaard, dans l’Alternative, montre c
248
isme, en apportant au monde le « principe positif
de
l’Esprit », qui exclut le sensuel, a posé du même coup le sensuel com
249
el et l’érotisme.) Kierkegaard ne se contente pas
de
substituer cette bipolarité à la simple dualité des classiques. Il dé
250
se qu’un euphémisme désignant les aspects sexuels
de
l’amour dans le langage pudique et parfois si pédant du jeune discipl
251
ge pudique et parfois si pédant du jeune disciple
de
Hegel. Entre la spontanéité démoniaque du désir, irrité par l’esprit
252
r l’esprit qui veut l’anéantir, et la spontanéité
de
l’inclination amoureuse « qui ne reconnaît comme son égale que la spo
253
c incluse dans la sphère animique. Or, le langage
de
l’âme n’est autre que le Mythe. Il est donc naturel que Kierkegaard,
254
égorie du sensuel pur telle que la pose l’attaque
de
l’Esprit, et Wagner, pour décrire la passion pure telle que la transf
255
an mystique, aient eu recours aux mythes extrêmes
de
l’érotique occidentale : Don Juan, Tristan. 9. Le mot apparaît chez
256
des mythes et leurs pouvoirs dans divers ordres
D’
où viennent les mythes ? Sont-ils nos inventions, ou nous les leurs ?
257
pour les illustrer et les qualifier, voire tenter
de
les rendre exemplaires ? Est-ce encore un problème de la poule et de
258
es rendre exemplaires ? Est-ce encore un problème
de
la poule et de l’œuf — qui a commencé ? Ce serait cela si les mythes
259
laires ? Est-ce encore un problème de la poule et
de
l’œuf — qui a commencé ? Ce serait cela si les mythes n’étaient que p
260
thes n’étaient que poésie, c’est-à-dire invention
de
réalités qui n’existent vraiment que dans leur expression. Mais la pl
261
é exprimés avant nous, s’il est sûr que plusieurs
de
ceux qui nous dominent ne seront exprimés que demain. Une longue duré
262
à l’homme, des lois cosmiques, ni des catégories
de
l’Esprit ; mais sont-ils aussi vieux que l’homme et que les circuits
263
t-ils aussi vieux que l’homme et que les circuits
de
son cerveau, ou bien sont-ils seulement des produits évolués de la ci
264
, ou bien sont-ils seulement des produits évolués
de
la civilisation néolithique, diffusée de l’Euphrate vers les cinq con
265
évolués de la civilisation néolithique, diffusée
de
l’Euphrate vers les cinq continents à partir du cinquième millénaire
266
énaire avant notre ère, et dernier ancêtre commun
de
nos civilisations vivantes ? Ou encore, des symptômes spécifiques de
267
s vivantes ? Ou encore, des symptômes spécifiques
de
notre seule culture européenne ? Il semble à première vue plus facile
268
européenne ? Il semble à première vue plus facile
de
répondre dans le cas des mythes, car les dates de leurs émergences da
269
de répondre dans le cas des mythes, car les dates
de
leurs émergences dans la littérature mondiale nous sont connues, et c
270
ure mondiale nous sont connues, et c’est à partir
d’
elles qu’ils ont vraiment agi et développé tous leurs pouvoirs contagi
271
n Juan sont bel et bien les créations imaginaires
d’
un Béroul, d’un Marlowe, d’un Shakespeare et d’un Tirso de Molina, don
272
el et bien les créations imaginaires d’un Béroul,
d’
un Marlowe, d’un Shakespeare et d’un Tirso de Molina, dont les coordon
273
créations imaginaires d’un Béroul, d’un Marlowe,
d’
un Shakespeare et d’un Tirso de Molina, dont les coordonnées dans l’es
274
es d’un Béroul, d’un Marlowe, d’un Shakespeare et
d’
un Tirso de Molina, dont les coordonnées dans l’espace et le temps lai
275
t assez peu de marge au doute critique. Et chacun
d’
eux décrit l’irruption dramatique d’une force de l’âme dans une sociét
276
ue. Et chacun d’eux décrit l’irruption dramatique
d’
une force de l’âme dans une société bien datée. Mais une autre questio
277
n d’eux décrit l’irruption dramatique d’une force
de
l’âme dans une société bien datée. Mais une autre question se pose au
278
? N’ont-ils pas simplement développé les clichés
de
phénomènes plus anciens, ou plus généralement humains ? Nous voici ra
279
ralement humains ? Nous voici ramenés au problème
de
la genèse historique des complexes. Une différence, toutefois, me par
280
les archétypes sont définis comme des structures
de
l’inconscient, tandis que les mythes parlent de l’âme. Or si le consc
281
s de l’inconscient, tandis que les mythes parlent
de
l’âme. Or si le conscient et l’inconscient sont des notions constamme
282
t sont des notions constamment relatives au degré
d’
éveil et de lucidité de l’intellect, il n’en va pas de même des trois
283
notions constamment relatives au degré d’éveil et
de
lucidité de l’intellect, il n’en va pas de même des trois constituant
284
tamment relatives au degré d’éveil et de lucidité
de
l’intellect, il n’en va pas de même des trois constituants de l’être
285
ct, il n’en va pas de même des trois constituants
de
l’être humain, le corps, l’âme et l’esprit. Si la pensée (qui est dou
286
ée (qui est doute et certitude) fournit la preuve
de
l’esprit, et la sensation celle du corps, la preuve de l’âme est l’ém
287
esprit, et la sensation celle du corps, la preuve
de
l’âme est l’émotion. Les mythes, phénomènes animiques, décrivent des
288
hes, phénomènes animiques, décrivent des réalités
de
l’affectivité, que le sentiment perçoit immédiatement. Et s’ils expri
289
concepts instantanés, entrant ainsi dans le champ
de
la conscience sous une sorte de déguisement qui les voile en même tem
290
nsi dans le champ de la conscience sous une sorte
de
déguisement qui les voile en même temps qu’il les révèle, cela tient
291
e, cela tient beaucoup moins à quelque répression
d’
ordre social, moral ou religieux (comme dans le cas des complexes, sel
292
s des complexes, selon Freud) qu’à la nature même
de
l’âme, dont le symbole lyrique est le langage normal11. Une chose dem
293
nous attendent, préformant les mouvements intimes
de
notre sensibilité, ou déroulant devant nous les images simplifiées, o
294
devant nous les images simplifiées, ordonnatrices
de
nos aventures virtuelles12. Méditer sur les Noms qui leur furent attr
295
oms des dieux antiques, évoquent certains groupes
de
puissances), c’est méditer en fait sur des structures de l’âme qui no
296
sances), c’est méditer en fait sur des structures
de
l’âme qui nous inclinent à la manière des astres, c’est-à-dire sans n
297
ernant. Nous les reconnaissons, à certains stades
de
notre évolution psychique ou spirituelle, quand subitement nous nous
298
s sentons coïncider avec la forme ou le mouvement
de
telle œuvre, poème ou histoire, qui pour la première fois, bien avant
299
fascination secrètement familière — nous avertit
de
leur apparition. Nous les reconnaissons dans les grands personnages q
300
grands personnages qui leur ont attaché leur nom
de
fable, Œdipe ou Prométhée, Tristan, Faust ou Don Juan, mais aussi dan
301
ts que ces héros ont engendrés au sein des œuvres
d’
imagination de la littérature occidentale. Et nous pouvons enfin les r
302
os ont engendrés au sein des œuvres d’imagination
de
la littérature occidentale. Et nous pouvons enfin les reconnaître à l
303
uvons enfin les reconnaître à l’œuvre dans la vie
de
personnes réelles, de créateurs de l’art et de la pensée, mais aussi
304
aître à l’œuvre dans la vie de personnes réelles,
de
créateurs de l’art et de la pensée, mais aussi d’acteurs de l’histoir
305
re dans la vie de personnes réelles, de créateurs
de
l’art et de la pensée, mais aussi d’acteurs de l’histoire dont les bi
306
ie de personnes réelles, de créateurs de l’art et
de
la pensée, mais aussi d’acteurs de l’histoire dont les biographies no
307
de créateurs de l’art et de la pensée, mais aussi
d’
acteurs de l’histoire dont les biographies nous sont assez connues. (L
308
rs de l’art et de la pensée, mais aussi d’acteurs
de
l’histoire dont les biographies nous sont assez connues. (La biograph
309
ographies nous sont assez connues. (La biographie
d’
un être original, fortement personnalisé, étant souvent sa création la
310
fermer dans sa durée lyrique, poursuit l’histoire
de
la personne, qui sera celle de sa liberté. Si nous voulons savoir et
311
oursuit l’histoire de la personne, qui sera celle
de
sa liberté. Si nous voulons savoir et voir comment agissent les mythe
312
en général, il me paraît que l’étude particulière
de
l’empire exercé par les mythes de l’amour peut nous y aider le mieux,
313
de particulière de l’empire exercé par les mythes
de
l’amour peut nous y aider le mieux, et cela pour deux raisons faciles
314
es à discerner. La première, c’est que les mythes
de
l’amour sont liés à l’expérience individuelle la plus banale et la pl
315
cidental : qui n’a pas été amoureux ou malheureux
de
l’être pas, ou tout au moins curieux de savoir s’il l’était ? Le prem
316
alheureux de l’être pas, ou tout au moins curieux
de
savoir s’il l’était ? Le premier venu n’est pas tenté de se reconnaît
317
ir s’il l’était ? Le premier venu n’est pas tenté
de
se reconnaître dans Faust ou Prométhée, Hamlet ou Don Quichotte, mais
318
n’hésite pas à se croire Don Juan s’il a le goût
de
la facilité et du changement ; ou Tristan s’il se sent plus doué pour
319
ou Tristan s’il se sent plus doué pour le malheur
d’
amour, ou la fidélité. La seconde raison tient au fait que l’amour est
320
l, mais sous ses formes les plus richement dotées
de
tournures populaires et suggestives, de clichés, de métaphores, et de
321
nt dotées de tournures populaires et suggestives,
de
clichés, de métaphores, et de symboles convenus. L’amour est à la foi
322
tournures populaires et suggestives, de clichés,
de
métaphores, et de symboles convenus. L’amour est à la fois le meilleu
323
res et suggestives, de clichés, de métaphores, et
de
symboles convenus. L’amour est à la fois le meilleur conducteur et le
324
is le meilleur conducteur et le meilleur excitant
de
l’expression. Semblable en cela (comme par bien d’autres traits) à la
325
de sa « déclaration ». Mais il peut naître aussi
de
sa seule évocation : d’une lecture, d’une chanson, d’une image ou d’u
326
Mais il peut naître aussi de sa seule évocation :
d’
une lecture, d’une chanson, d’une image ou d’un mot, qui suffisent à l
327
ître aussi de sa seule évocation : d’une lecture,
d’
une chanson, d’une image ou d’un mot, qui suffisent à l’induire, ou à
328
a seule évocation : d’une lecture, d’une chanson,
d’
une image ou d’un mot, qui suffisent à l’induire, ou à fixer son choix
329
on : d’une lecture, d’une chanson, d’une image ou
d’
un mot, qui suffisent à l’induire, ou à fixer son choix. Ainsi, l’acti
330
ou à fixer son choix. Ainsi, l’action des mythes
de
l’amour devient lisible, dans la mesure où elle correspond à l’action
331
elles dans des domaines apparemment indépendants
de
l’amour et du jeu des sexes, et qui vont de la pensée spéculative rel
332
dants de l’amour et du jeu des sexes, et qui vont
de
la pensée spéculative religieuse ou métaphysique, à l’éthique de l’ac
333
éculative religieuse ou métaphysique, à l’éthique
de
l’action sociale ou de l’aventure individuelle. Je vois ainsi Don Jua
334
métaphysique, à l’éthique de l’action sociale ou
de
l’aventure individuelle. Je vois ainsi Don Juan dans l’allure et le r
335
Je vois ainsi Don Juan dans l’allure et le rythme
de
la polémique nietzschéenne ; mais aussi dans les alternances d’engage
336
e nietzschéenne ; mais aussi dans les alternances
d’
engagements passionnés et de retraits ambigus (déception ou besoin de
337
dans les alternances d’engagements passionnés et
de
retraits ambigus (déception ou besoin de se libérer ?) qui marquent l
338
onnés et de retraits ambigus (déception ou besoin
de
se libérer ?) qui marquent la carrière d’un certain type nouveau d’av
339
besoin de se libérer ?) qui marquent la carrière
d’
un certain type nouveau d’aventuriers-penseurs de notre temps. Je vois
340
ui marquent la carrière d’un certain type nouveau
d’
aventuriers-penseurs de notre temps. Je vois Tristan dans la passion i
341
d’un certain type nouveau d’aventuriers-penseurs
de
notre temps. Je vois Tristan dans la passion intellectuelle de Kierke
342
s. Je vois Tristan dans la passion intellectuelle
de
Kierkegaard, dont le « paradoxe absolu » est de « vouloir sa propre p
343
e de Kierkegaard, dont le « paradoxe absolu » est
de
« vouloir sa propre perte » ; mais aussi, comme en filigrane, dans le
344
aussi, comme en filigrane, dans le dessein secret
de
tant de romans modernes et dans le destin « fatal » de leur protagoni
345
nt de romans modernes et dans le destin « fatal »
de
leur protagoniste — souvent à l’insu de l’auteur… Et bien d’autres qu
346
« fatal » de leur protagoniste — souvent à l’insu
de
l’auteur… Et bien d’autres que moi ont su voir, c’est-à-dire prévoir
347
re prévoir Don Quichotte, dans la folie grandiose
de
Christophe Colomb partant pour les Indes du rêve. Un mot encore, pour
348
rêve. Un mot encore, pour ceux qui m’accuseraient
de
blasphémer — et j’en connais — en voyant « Tristan » dans ce siècle.
349
prennent bien autant sur l’Europe que les statues
de
dieux animaux ou de Shivas à quatre bras sur la civilisation de l’Égy
350
sur l’Europe que les statues de dieux animaux ou
de
Shivas à quatre bras sur la civilisation de l’Égypte ou de l’Inde anc
351
ux ou de Shivas à quatre bras sur la civilisation
de
l’Égypte ou de l’Inde anciennes, c’est de la même manière : non par l
352
à quatre bras sur la civilisation de l’Égypte ou
de
l’Inde anciennes, c’est de la même manière : non par leur « réalisme
353
isation de l’Égypte ou de l’Inde anciennes, c’est
de
la même manière : non par leur « réalisme » ou leur fidélité aux appa
354
ux apparences quotidiennes, mais par leur pouvoir
d’
expression du sacré et de l’âme ; non par leur valeur figurée, mais pa
355
s, mais par leur pouvoir d’expression du sacré et
de
l’âme ; non par leur valeur figurée, mais par leur valeur figurante.
356
s seraient incompréhensibles : car elles naissent
de
leurs rêves et non de leurs doctrines. 11. Il se peut que le rêve e
357
sibles : car elles naissent de leurs rêves et non
de
leurs doctrines. 11. Il se peut que le rêve emprunte à l’âme son im
358
mes du Tarot, qui sont des mythes figés, extraits
de
leur durée. Mais ce n’est pas une raison suffisante pour réduire l’âm
359
our réduire l’âme à l’inconscient. La musique est
de
l’âme, par exemple, et elle n’existe pas avant son expression ; elle
360
elui des gènes et des génotypes qui conditionnent
d’
avance la susceptibilité ou la résistance de l’individu à telle maladi
361
nnent d’avance la susceptibilité ou la résistance
de
l’individu à telle maladie ? Chacun de nous se trouverait-il ainsi do
362
résistance de l’individu à telle maladie ? Chacun
de
nous se trouverait-il ainsi doté dès sa naissance à la vie culturelle
363
ie culturelle, intellectuelle, voire spirituelle,
d’
une susceptibilité ou d’une relative immunité à telle conduite amoureu
364
uelle, voire spirituelle, d’une susceptibilité ou
d’
une relative immunité à telle conduite amoureuse, à tels choix affecti
365
IVProblèmes
de
la personne aux prises avec les mythes Que les mythes de l’amour dé
366
sonne aux prises avec les mythes Que les mythes
de
l’amour déterminent largement nos conduites individuelles, les hasard
367
os conduites individuelles, les hasards apparents
de
nos rencontres, et les choix que nous croyons décider librement — on
368
écider librement — on admet qu’il serait superflu
de
le démontrer une fois de plus. Que cette action soit propagée par la
369
uteurs croyaient s’abandonner à la pleine liberté
de
leur imagination, —j’en donnerai plus loin quelques preuves. Or les m
370
min vers un moi-même sans précédent, seul capable
d’
un amour neuf. La personne trouve la preuve de sa vraie liberté dans s
371
ble d’un amour neuf. La personne trouve la preuve
de
sa vraie liberté dans ses décisions singulières, déterminées non poin
372
ntes, commune à tous — et dont certes il est sage
de
tenir compte — mais par un but qui n’est qu’à elle, en avant d’elle,
373
e — mais par un but qui n’est qu’à elle, en avant
d’
elle, un but qu’elle réalise en l’approchant, tout en se réalisant ell
374
connaître tout d’abord leur nature et leurs modes
d’
action, puis à savoir en jouer à ses fins propres, sous peine de reste
375
dans ses rêves et dans les œuvres qui ne cessent
de
l’influencer — puis tenter d’entraîner dans son jeu propre les formes
376
vres qui ne cessent de l’influencer — puis tenter
d’
entraîner dans son jeu propre les formes d’énergie dont ils sont condu
377
tenter d’entraîner dans son jeu propre les formes
d’
énergie dont ils sont conducteurs. Cette conversion de l’énergie d’Éro
378
ergie dont ils sont conducteurs. Cette conversion
de
l’énergie d’Éros se révélera peut-être un jour plus importante, pour
379
s sont conducteurs. Cette conversion de l’énergie
d’
Éros se révélera peut-être un jour plus importante, pour l’avenir de l
380
peut-être un jour plus importante, pour l’avenir
de
l’humanité, que l’actuelle domestication de l’énergie nucléaire et so
381
venir de l’humanité, que l’actuelle domestication
de
l’énergie nucléaire et solaire. Car si l’une doit permettre d’explore
382
nucléaire et solaire. Car si l’une doit permettre
d’
explorer l’espace cosmique et de subvenir à l’alimentation des corps,
383
ne doit permettre d’explorer l’espace cosmique et
de
subvenir à l’alimentation des corps, l’autre peut permettre à l’espri
384
tion des corps, l’autre peut permettre à l’esprit
d’
explorer les richesses mal connues de l’espace et du temps animiques,
385
e à l’esprit d’explorer les richesses mal connues
de
l’espace et du temps animiques, et d’y trouver de quoi nourrir des fa
386
mal connues de l’espace et du temps animiques, et
d’
y trouver de quoi nourrir des faims d’une autre espèce, dès maintenant
387
de l’espace et du temps animiques, et d’y trouver
de
quoi nourrir des faims d’une autre espèce, dès maintenant éveillées.
388
imiques, et d’y trouver de quoi nourrir des faims
d’
une autre espèce, dès maintenant éveillées.
389
VInvasion
de
l’érotisme au xxe siècle Chrétiens traditionnels, moralistes laïqu
390
s’unissent pour déplorer l’invasion dans nos vies
d’
une sexualité « obsédante ». Les affiches dans les rues, les bureaux,
391
trés et les films, les romans noirs et les albums
de
nus, les journaux populaires et les bandes dessinées, les chansons à
392
mode, les danses et les strip-teases : il suffit
de
regarder le décor des journées et des nuits citadines pour vérifier l
393
des nuits citadines pour vérifier l’omniprésence
de
l’appel au désir sexuel. Ce phénomène mille fois décrit n’en demeure
394
vait des parallèles en d’autres temps, ses moyens
d’
expression, eux, sont sans précédent. La culture commercialisée, qui e
395
t quantitatif et plus encore qualitatif des temps
de
loisir, accroît aussi — comme l’avait dit Baudelaire avec plus de pré
396
ît aussi — comme l’avait dit Baudelaire avec plus
de
précision que le proverbe antique sur l’oisiveté mère des vices — les
397
l’oisiveté mère des vices — les chances pratiques
de
l’érotisme. Déplorer le phénomène est donc vain. Il s’agit de compren
398
e. Déplorer le phénomène est donc vain. Il s’agit
de
comprendre ses causes, et surtout ce dont il est signe. Et d’abord, i
399
rtout ce dont il est signe. Et d’abord, il s’agit
de
lui donner son vrai nom. C’est l’érotisme qui travaille les sociétés
400
érotisme qui travaille les sociétés occidentales,
de
l’ouest à l’est, et non pas la sexualité proprement dite, instinctive
401
dite, instinctive et procréatrice. Et les moyens
de
l’érotisme sont la littérature, les « salles obscures », les arts pla
402
s : milieux par excellence où agissent les mythes
de
l’âme14. C’est donc avec ces mythes, non pas avec l’instinct ou avec
403
e. Ce n’est pas l’immoralité plus ou moins grande
de
ce siècle qui la concerne, mais bien les attitudes (religieuses sans
404
tte immoralité ; enfin, ce sont certaines notions
de
l’homme, qu’une élite inconnue de la foule élabore à l’abri de toute
405
rtaines notions de l’homme, qu’une élite inconnue
de
la foule élabore à l’abri de toute sanction sociale : car c’est là qu
406
u’une élite inconnue de la foule élabore à l’abri
de
toute sanction sociale : car c’est là qu’on peut voir apparaître le s
407
ai rappelé, et qui n’est guère en soi que l’écume
d’
une vague profonde, surgie de l’âme collective. Derrière les apparence
408
e en soi que l’écume d’une vague profonde, surgie
de
l’âme collective. Derrière les apparences de la rue, derrière la tolé
409
rgie de l’âme collective. Derrière les apparences
de
la rue, derrière la tolérance déjà presque sans bornes accordée à ce
410
et qui assurent que ce n’est pas leur faute… Mais
de
quoi la morale victorienne est-elle morte ? Sans doute, et tout d’abo
411
nne est-elle morte ? Sans doute, et tout d’abord,
d’
avoir eu peur de l’instinct qu’elle voulait réprimer. Au lieu de justi
412
te ? Sans doute, et tout d’abord, d’avoir eu peur
de
l’instinct qu’elle voulait réprimer. Au lieu de justifier ses rigueur
413
r les yeux sur la réalité même du sexe : interdit
d’
en parler, sauf du haut de la chaire, et sous le seul nom d’impureté.
414
même du sexe : interdit d’en parler, sauf du haut
de
la chaire, et sous le seul nom d’impureté. C’était vider la morale pu
415
r, sauf du haut de la chaire, et sous le seul nom
d’
impureté. C’était vider la morale puritaine de sa virtu, moins religie
416
nom d’impureté. C’était vider la morale puritaine
de
sa virtu, moins religieuse d’ailleurs que civilisatrice. D’où l’effet
417
u, moins religieuse d’ailleurs que civilisatrice.
D’
où l’effet de révélation que produisit l’œuvre de Freud, l’impression
418
gieuse d’ailleurs que civilisatrice. D’où l’effet
de
révélation que produisit l’œuvre de Freud, l’impression qu’elle « exp
419
D’où l’effet de révélation que produisit l’œuvre
de
Freud, l’impression qu’elle « expliquait tout », parce qu’elle expliq
420
ait parler15. Brochant sur la mauvaise conscience
d’
une bourgeoisie qui n’avait plus le courage de ses partis pris, la vul
421
nce d’une bourgeoisie qui n’avait plus le courage
de
ses partis pris, la vulgarisation de la psychanalyse a beaucoup fait
422
s le courage de ses partis pris, la vulgarisation
de
la psychanalyse a beaucoup fait pour dévaloriser les notions mêmes de
423
beaucoup fait pour dévaloriser les notions mêmes
de
répression et de censure. Les abus dénoncés par Freud nous ont rendus
424
ur dévaloriser les notions mêmes de répression et
de
censure. Les abus dénoncés par Freud nous ont rendus méfiants quant à
425
qui est l’ennemi, mais le refoulement, générateur
de
complexes et de névroses. D’où la tolérance que j’ai dite, et qui eff
426
, mais le refoulement, générateur de complexes et
de
névroses. D’où la tolérance que j’ai dite, et qui effraye tant d’obse
427
oulement, générateur de complexes et de névroses.
D’
où la tolérance que j’ai dite, et qui effraye tant d’observateurs. Ava
428
ù la tolérance que j’ai dite, et qui effraye tant
d’
observateurs. Avant de nous effrayer à notre tour, essayons de bien vo
429
rs. Avant de nous effrayer à notre tour, essayons
de
bien voir ce qui se passe quand les censures officielles périclitent.
430
L’instinct ne dépend pas des modes, ni la nature
de
la culture, — du moins pas si directement. Ce qui se trouve libéré, c
431
se trouve libéré, c’est l’expression, la manière
de
parler des choses de l’amour, de spéculer à leur propos ou de les mon
432
est l’expression, la manière de parler des choses
de
l’amour, de spéculer à leur propos ou de les montrer sur l’écran. Ce
433
sion, la manière de parler des choses de l’amour,
de
spéculer à leur propos ou de les montrer sur l’écran. Ce n’est donc p
434
s choses de l’amour, de spéculer à leur propos ou
de
les montrer sur l’écran. Ce n’est donc pas le sexe, mais l’érotisme,
435
mps différée. Mozart est le plus grand interprète
de
Don Juan, mais ce n’est pas lui qui a « déchaîné » Casanova : il lui
436
evoir, sur le tard, le sens du « dramma giocoso »
de
sa carrière de séducteur. Kierkegaard, Baudelaire et Wagner, en plein
437
ard, le sens du « dramma giocoso » de sa carrière
de
séducteur. Kierkegaard, Baudelaire et Wagner, en pleine période de ce
438
rkegaard, Baudelaire et Wagner, en pleine période
de
censure rationnelle, puritaine et utilitaire, nous révèlent comme des
439
comme des sismographes les mouvements souterrains
de
l’âme refoulée. Quant aux écrivains d’aujourd’hui, grands romanciers,
440
outerrains de l’âme refoulée. Quant aux écrivains
d’
aujourd’hui, grands romanciers, poètes et philosophes que l’on dit « o
441
hes que l’on dit « obsédés par l’érotisme », loin
d’
être les fauteurs du phénomène dont j’ai rappelé plus haut les signes
442
s, ils agissent à leur tour comme les révélateurs
de
ce qui se trouve en jeu et monte à la conscience, derrière ces appare
443
nce, derrière ces apparences triviales. Émetteurs
de
messages qu’il reste à décoder, ils s’avancent masqués par le scandal
444
ité. Plusieurs autres l’ignorent, ou refuseraient
de
l’admettre. (Moi, religieux ? Vous voulez rire !) Il leur arrive de p
445
i, religieux ? Vous voulez rire !) Il leur arrive
de
partager les préjugés de leurs critiques, pour le plaisir de les viol
446
z rire !) Il leur arrive de partager les préjugés
de
leurs critiques, pour le plaisir de les violer. Certains des plus sér
447
les préjugés de leurs critiques, pour le plaisir
de
les violer. Certains des plus sérieux ou révolutionnaires montrent le
448
érieux ou révolutionnaires montrent les symptômes
d’
une névrose attribuable au refoulement du spirituel. Tandis que d’autr
449
imisent leur rôle —, ils signifient quelque chose
d’
important dans l’évolution de la culture et de l’anthropologie occiden
450
ifient quelque chose d’important dans l’évolution
de
la culture et de l’anthropologie occidentales. C’est l’éternel débat
451
ose d’important dans l’évolution de la culture et
de
l’anthropologie occidentales. C’est l’éternel débat entre la Gnose ar
452
entre la Gnose ardente et la Sagesse modératrice
de
l’Église, entre l’aventure personnelle et l’orthodoxie collective, qu
453
e, que vient rénover parmi nous la marée montante
de
l’Éros. Et je ne prends pas ici de parti général et sans appel, chacu
454
marée montante de l’Éros. Et je ne prends pas ici
de
parti général et sans appel, chacun des termes, que je viens d’oppose
455
al et sans appel, chacun des termes, que je viens
d’
opposer, m’apparaissant valable et nécessaire, cependant que la vérité
456
ire, cependant que la vérité est sûrement au-delà
d’
eux tous, soit dans la résultante de leurs tensions, comme j’incline à
457
ement au-delà d’eux tous, soit dans la résultante
de
leurs tensions, comme j’incline à le croire en tant qu’Occidental, so
458
s dans ce livre ne sont pas des mises en jugement
de
tel penseur particulier ou de telle attitude générale, mais des reche
459
s mises en jugement de tel penseur particulier ou
de
telle attitude générale, mais des recherches sur la nature et les mot
460
nature et les motifs des options caractéristiques
d’
une personne ou d’un personnage, et du style qui les définit ; sur la
461
fs des options caractéristiques d’une personne ou
d’
un personnage, et du style qui les définit ; sur la notion de l’homme
462
nage, et du style qui les définit ; sur la notion
de
l’homme qu’elles impliquent et supposent, nolens volens. Prendre cons
463
t et supposent, nolens volens. Prendre conscience
de
ces motivations dans des cas bien concrets mais exemplaires, peut aid
464
eux assumer sa personne. 13. La grande musique,
de
Mozart à nos jours, est érotique ; elle annonce les très rares révolu
465
e les très rares révolutions et surtout les modes
de
l’amour. Il est d’autant plus remarquable qu’à partir du milieu du xx
466
volutions et surtout les modes de l’amour. Il est
d’
autant plus remarquable qu’à partir du milieu du xxe siècle, la musiq
467
ècle, la musique expérimentale déserte le domaine
de
l’animique pour celui de la physique et du calcul, et devienne une af
468
ntale déserte le domaine de l’animique pour celui
de
la physique et du calcul, et devienne une affaire d’ingénieurs philos
469
la physique et du calcul, et devienne une affaire
d’
ingénieurs philosophes. La peinture abstraite n’est pas moins puritain
470
introversion systématique. La musique était chose
de
l’âme. Mais si elle devient la chose de spécialistes acharnés à nier
471
ait chose de l’âme. Mais si elle devient la chose
de
spécialistes acharnés à nier l’âme, — cette luxure nous disent-ils —,
472
cette luxure nous disent-ils —, on est en devoir
de
leur demander ce qu’ils visent : pas un seul ne l’a dit jusqu’ici. 1
473
as, ensuite, répandent ces œuvres, à la rencontre
d’
un « appel » préexistant, qu’ils contribuent à rendre un peu plus exig
474
s et trop adaptés… Mais inventez, dans le domaine
de
la culture, il en reste toujours quelque chose. Ainsi le style des vi
475
uissances animiques Mais la soudaine turbulence
de
l’Éros, avant de nous poser ces problèmes, est d’abord un grand fait
476
ci quatre-cents ans, si toute l’humanité continue
d’
obéir à l’instinct de reproduction ; — cette menace peut nous inciter
477
si toute l’humanité continue d’obéir à l’instinct
de
reproduction ; — cette menace peut nous inciter à séparer de plus en
478
s inciter à séparer de plus en plus le sexuel pur
de
l’érotique, et peut-être agit-elle déjà sur l’inconscient des hommes
479
e déjà sur l’inconscient des hommes et des femmes
d’
aujourd’hui ; mais le phénomène qui nous occupe est antérieur. Je n’ig
480
qu’il nous impose exagère à tel point la tyrannie
de
l’horaire, du rendement mesurable, des disciplines sociales, et d’une
481
rendement mesurable, des disciplines sociales, et
d’
une manière générale des comportements rationnels, qu’un soulèvement d
482
e des comportements rationnels, qu’un soulèvement
de
l’âme devient inévitable, à titre de compensation : « L’invasion de n
483
névitable, à titre de compensation : « L’invasion
de
nos vies par la technique » provoquerait-elle ce « déchaînement de l’
484
a technique » provoquerait-elle ce « déchaînement
de
l’érotisme » qui tendrait à neutraliser ses effets déshumanisants ? O
485
er ses effets déshumanisants ? On peut l’imaginer
d’
une manière statistique, mais non pas le vérifier dans nos vies person
486
s personnelles. Faut-il donc accepter l’hypothèse
d’
une âme collective qui aurait sa vie à elle, et qui exercerait sur les
487
t sur les hommes un pouvoir comparable à l’action
de
la Lune sur l’océan et dans le corps des femmes ? Mais qu’est-ce que
488
le âme », ou « salut des âmes », ou « immortalité
de
l’âme » (désignant la personne ou l’esprit), mais dans le sens beauco
489
ation, animosité, animadversion. Le jeu « animé »
d’
un musicien manifeste par des moyens physiques une réalité qui n’est n
490
pirituelle, qui n’est pas celle du corps ni celle
de
l’intellect, mais plutôt celle du « cœur », comme on dit, — celle de
491
s plutôt celle du « cœur », comme on dit, — celle
de
l’âme. L’âme est le domaine des impulsions qui outrepassent les exige
492
ine des impulsions qui outrepassent les exigences
de
l’instinct et se heurtent aux décrets du social. Elle est aussi le do
493
aux décrets du social. Elle est aussi le domaine
de
ces passions qui déjouent les « programmes » de vie physiologique enr
494
e de ces passions qui déjouent les « programmes »
de
vie physiologique enregistrés par nos chaînes de chromosomes, démente
495
de vie physiologique enregistrés par nos chaînes
de
chromosomes, démentent les prévisions de l’économie et troublent nos
496
chaînes de chromosomes, démentent les prévisions
de
l’économie et troublent nos systèmes de communications rationnelles e
497
révisions de l’économie et troublent nos systèmes
de
communications rationnelles et spirituelles, à la manière des explosi
498
ales, racisme, vogue immense des superstitions et
de
la magie des charlatans, voilà la boue. La vague de l’érotisme vient
499
la magie des charlatans, voilà la boue. La vague
de
l’érotisme vient ensuite, encore trouble et tumultueuse. Si les digue
500
ne poussée nouvelle soudain trop forte. Il s’agit
d’
inventer maintenant un nouveau système de canaux pour transformer l’in
501
l s’agit d’inventer maintenant un nouveau système
de
canaux pour transformer l’inondation en irrigation vivifiante. C’est
502
t à réinventer », disait Rimbaud. Cette espèce-là
de
révolution psychique n’a qu’un précédent dans l’histoire de la cultur
503
ion psychique n’a qu’un précédent dans l’histoire
de
la culture occidentale : il se situe de la manière la plus précise au
504
’histoire de la culture occidentale : il se situe
de
la manière la plus précise au xiie siècle. Depuis la fin de l’Empire
505
re la plus précise au xiie siècle. Depuis la fin
de
l’Empire romain, on n’avait plus écrit de poèmes d’amour ni de traité
506
la fin de l’Empire romain, on n’avait plus écrit
de
poèmes d’amour ni de traités de mystique originaux. La vie sexuelle s
507
l’Empire romain, on n’avait plus écrit de poèmes
d’
amour ni de traités de mystique originaux. La vie sexuelle semblait ré
508
omain, on n’avait plus écrit de poèmes d’amour ni
de
traités de mystique originaux. La vie sexuelle semblait réduite à l’o
509
’avait plus écrit de poèmes d’amour ni de traités
de
mystique originaux. La vie sexuelle semblait réduite à l’obscure anim
510
animalité. Le mariage ne posait que des problèmes
d’
héritages et de consanguinité souvent invraisemblables, justifiant des
511
ariage ne posait que des problèmes d’héritages et
de
consanguinité souvent invraisemblables, justifiant des divorces causé
512
ublimé, saint Bernard de Clairvaux et la mystique
d’
amour, Héloïse et la passion vécue, Tristan et la passion rêvée, le cu
513
sion vécue, Tristan et la passion rêvée, le culte
de
la Dame et le culte de la Vierge, les hérésies gnostiques ravivées et
514
la passion rêvée, le culte de la Dame et le culte
de
la Vierge, les hérésies gnostiques ravivées et le cynisme libertin na
515
in naissant, le célibat des prêtres et les « Lois
d’
Amour », bref, le lyrisme, l’érotisme et la mystique déchaînés sur l’E
516
ongleurs et prédicateurs étant les seuls « moyens
de
diffusion » permettant de toucher les peuples. Cette première grande
517
tant les seuls « moyens de diffusion » permettant
de
toucher les peuples. Cette première grande révolution de l’Amour, si
518
her les peuples. Cette première grande révolution
de
l’Amour, si soudaine dans son explosion, fut lente à propager ses eff
519
propager ses effets bouleversants dans les mœurs
de
la masse inculte et dans les habitudes de pensée. Le travail de décan
520
s mœurs de la masse inculte et dans les habitudes
de
pensée. Le travail de décantation, d’adaptation psychologique et de r
521
culte et dans les habitudes de pensée. Le travail
de
décantation, d’adaptation psychologique et de remise en ordre morale
522
s habitudes de pensée. Le travail de décantation,
d’
adaptation psychologique et de remise en ordre morale et spirituelle d
523
ail de décantation, d’adaptation psychologique et
de
remise en ordre morale et spirituelle devait prendre des siècles, et
524
tie celle du xiie siècle, submerge quelques-unes
de
ses conquêtes, mais surtout la déborde largement. Elle éclate dans un
525
bon marché, le film et la radio ne laissent plus
de
délais ni d’angles morts. Les effets atteignent nos sens avant que le
526
le film et la radio ne laissent plus de délais ni
d’
angles morts. Les effets atteignent nos sens avant que les causes aien
527
nt que les causes aient émergé à nos consciences.
D’
où le scandale, et c’est peu dire — d’où l’angoisse et la mauvaise con
528
onsciences. D’où le scandale, et c’est peu dire —
d’
où l’angoisse et la mauvaise conscience qui caractérisent à la fois ce
529
illeurs croyant ou non, plus ou moins respectueux
de
la science et du progrès, donc normal et moyen selon les standards du
530
e avec les œuvres, apparues depuis cinquante ans,
de
Freud et des écoles qui en dérivent, de Proust et de Joyce, de D. H.
531
ante ans, de Freud et des écoles qui en dérivent,
de
Proust et de Joyce, de D. H. Lawrence et de Jean Genêt, d’André Breto
532
Freud et des écoles qui en dérivent, de Proust et
de
Joyce, de D. H. Lawrence et de Jean Genêt, d’André Breton et de Rober
533
es écoles qui en dérivent, de Proust et de Joyce,
de
D. H. Lawrence et de Jean Genêt, d’André Breton et de Robert Musil, d
534
vent, de Proust et de Joyce, de D. H. Lawrence et
de
Jean Genêt, d’André Breton et de Robert Musil, d’Henry Miller et de L
535
et de Joyce, de D. H. Lawrence et de Jean Genêt,
d’
André Breton et de Robert Musil, d’Henry Miller et de Lawrence Durell,
536
. H. Lawrence et de Jean Genêt, d’André Breton et
de
Robert Musil, d’Henry Miller et de Lawrence Durell, pour ne citer que
537
de Jean Genêt, d’André Breton et de Robert Musil,
d’
Henry Miller et de Lawrence Durell, pour ne citer que très peu de noms
538
ndré Breton et de Robert Musil, d’Henry Miller et
de
Lawrence Durell, pour ne citer que très peu de noms des plus connus ;
539
plus connus ; sans oublier la fameuse « Histoire
d’
O », les essais de George Bataille et de P. Klossowski pour les initié
540
s oublier la fameuse « Histoire d’O », les essais
de
George Bataille et de P. Klossowski pour les initiés ; les romans pol
541
Histoire d’O », les essais de George Bataille et
de
P. Klossowski pour les initiés ; les romans policiers de l’école « no
542
lossowski pour les initiés ; les romans policiers
de
l’école « noire » et les films de la Nouvelle Vague internationale, p
543
omans policiers de l’école « noire » et les films
de
la Nouvelle Vague internationale, pour le grand public. Que verra dan
544
, pour le grand public. Que verra dans tout cela,
de
prime abord, le témoin normal et moyen ? La libido partout à l’œuvre,
545
, la névrose prise pour thème normal, la négation
de
l’innocence, même enfantine ; la pariade primitive, ou, au contraire,
546
homosexualité et l’inceste ; et toutes les formes
d’
exhibitionnisme et de raffinements pervers qui attendent encore leur n
547
ceste ; et toutes les formes d’exhibitionnisme et
de
raffinements pervers qui attendent encore leur nom ; bref, la luxure,
548
re chose qu’une immense dépravation, qu’un manque
de
tenue mais aussi de légèreté, de vraie tendresse mais de « saine gaul
549
nse dépravation, qu’un manque de tenue mais aussi
de
légèreté, de vraie tendresse mais de « saine gauloiserie » ? Et comme
550
on, qu’un manque de tenue mais aussi de légèreté,
de
vraie tendresse mais de « saine gauloiserie » ? Et comment pourrait-i
551
e mais aussi de légèreté, de vraie tendresse mais
de
« saine gauloiserie » ? Et comment pourrait-il y voir ce « soulèvemen
552
? Et comment pourrait-il y voir ce « soulèvement
de
l’âme », ce retour d’âme, dont certains esprits aberrants osent parle
553
-il y voir ce « soulèvement de l’âme », ce retour
d’
âme, dont certains esprits aberrants osent parler ? Lui dira-t-on qu’i
554
s, quoique ces derniers aient des motifs inverses
d’
être indignés, inquiets ou angoissés. Les deux camps se rendent bien l
555
mps se rendent bien leur mépris, et chacun refuse
de
tolérer fût-ce un instant, par simple hypothèse de dialogue, les bonn
556
e tolérer fût-ce un instant, par simple hypothèse
de
dialogue, les bonnes raisons que peut invoquer l’autre. C’est à parti
557
voquer l’autre. C’est à partir de là que j’essaie
de
réfléchir, d’élucider l’amour tel qu’on l’écrit de mon temps.
558
. C’est à partir de là que j’essaie de réfléchir,
d’
élucider l’amour tel qu’on l’écrit de mon temps.
559
e réfléchir, d’élucider l’amour tel qu’on l’écrit
de
mon temps.
560
VIIParenthèse sur le sens des mots À la clé
de
cette Introduction, j’aurais aimé pouvoir inscrire un signe d’objecti
561
oduction, j’aurais aimé pouvoir inscrire un signe
d’
objectivité, annonçant qu’ici l’on décrit, avant de juger. Qu’il reste
562
s qui les suivent, je n’utilise jamais les termes
de
morale bourgeoise et de puritanisme comme des injures, ni comme des é
563
utilise jamais les termes de morale bourgeoise et
de
puritanisme comme des injures, ni comme des épithètes nécessairement
564
cessairement dépréciatives. En revanche, le terme
d’
érotisme ne définit pour moi ni le bien ni le mal, mais un phénomène p
565
ar excellence, dont j’essaie, avant de l’évaluer,
de
mieux voir ce qu’il est, d’où il vient, où il va. J’entends bien que
566
, avant de l’évaluer, de mieux voir ce qu’il est,
d’
où il vient, où il va. J’entends bien que la littérature contemporaine
567
tes puritaines ont su nous imposer dès les débuts
de
l’Europe, il n’y aurait rien de plus dans notre civilisation que dans
568
de actuel. Il n’y aurait pas non plus le problème
de
l’érotisme ! Les auteurs érotiques l’oublient très naïvement, tout à
569
etournée, qui leur cache trop souvent les « faits
de
la vie » — comme l’anglais nomme les faits sexuels —, et leurs multip
570
eux que celle qu’un Staline, qu’un Mao, ont tenté
d’
imposer par décrets ? Elle serait strictement adaptée à la production
571
et que l’angoisse compréhensible des Occidentaux
d’
aujourd’hui conduit en général à trancher brutalement avant de l’avoir
572
VIIIPour une mythanalyse
de
la culture La littérature érotique embrasse plus de réalités psycho
573
a culture La littérature érotique embrasse plus
de
réalités psychologiques que la morale bourgeoise ne voulait en connaî
574
dans une certaine mesure, comme le confort dépend
de
notre psychologie. Une fois reconnues, elles nous posent des problème
575
on ne résoudra plus en les niant. Les découvertes
de
l’analyse des profondeurs, l’affaiblissement des tabous sexuels, l’ac
576
provoqués, qui la dépassent, mais dont elle tente
de
formuler et d’illustrer les exigences encore désordonnées. Et je vois
577
la dépassent, mais dont elle tente de formuler et
d’
illustrer les exigences encore désordonnées. Et je vois bien que du dé
578
je vois bien que du désordre inévitable résultant
d’
une évolution aussi rapide, on ne pourra sortir qu’en avant, et non po
579
ant, et non point par des retours aux disciplines
d’
antan. Mais comment ordonner tout d’abord la recherche et la réflexion
580
t la réflexion ? Je me suis proposé deux méthodes
d’
analyse, dont on trouvera dans cet ouvrage quelques applications nouve
581
s ou prônées par la littérature actuelle traitant
de
l’amour ; et voir comment ces attitudes s’ordonnent ou non à certaine
582
nent ou non à certaines conceptions fondamentales
de
l’homme définies par les grandes religions, par leurs métaphysiques,
583
et l’Occident illustrait cette approche, partant
d’
un raisonnement dont je rappelle le schéma : l’érotisme commence où l’
584
e commence où l’émotion sexuelle devient, au-delà
de
sa fin procréatrice, une fin en soi ou un moyen de l’âme ; — or les c
585
e sa fin procréatrice, une fin en soi ou un moyen
de
l’âme ; — or les croyances gnostiques et manichéennes ne décrient pas
586
invention du xiie siècle, a donc toutes chances
de
correspondre à des attitudes religieuses manichéennes et gnostiques,
587
que l’on peut porter sur lui traduisent une prise
de
position spirituelle pour ou contre ces attitudes, qu’on le sache ou
588
et mieux vaut le savoir. Il s’agit, on le voit,
d’
expliciter des motifs religieux généralement refoulés, ou tout simplem
589
ut simplement ignorés. Méthode exactement inverse
de
celle de Freud, mais qui lui est par là même comparable. 2° Apprendre
590
ment ignorés. Méthode exactement inverse de celle
de
Freud, mais qui lui est par là même comparable. 2° Apprendre à lire e
591
complexités et les intrigues apparemment insanes
de
l’érotique contemporaine. Entre les sciences du corps et de l’esprit,
592
que contemporaine. Entre les sciences du corps et
de
l’esprit, entre la biologie et la théologie, au-delà des nécessités d
593
biologie et la théologie, au-delà des nécessités
de
l’espèce, mais en deçà du Bien et du Mal, sans lois ni dogmes, mais n
594
motive, la mythologie mène son jeu, — qui est jeu
de
l’âme. Grandes formes simples et ordonnatrices, symboles actifs et vé
595
oles actifs et véhicules des puissances animiques
d’
Éros, les mythes peuvent nous servir de guides dans la Comédie inferna
596
animiques d’Éros, les mythes peuvent nous servir
de
guides dans la Comédie infernale, purgative ou sublime de nos désirs,
597
s dans la Comédie infernale, purgative ou sublime
de
nos désirs, de nos passions, de notre amour. Quand nous ignorons leur
598
ie infernale, purgative ou sublime de nos désirs,
de
nos passions, de notre amour. Quand nous ignorons leur nature, ils no
599
gative ou sublime de nos désirs, de nos passions,
de
notre amour. Quand nous ignorons leur nature, ils nous gouvernent san
600
ours dont ils sont coutumiers peut nous permettre
de
trouver le fil rouge des trames où nous sommes engagés, et de nous or
601
e fil rouge des trames où nous sommes engagés, et
de
nous orienter dans la forêt obscure de nos phantasmes, vers l’issue d
602
ngagés, et de nous orienter dans la forêt obscure
de
nos phantasmes, vers l’issue de lumière et notre vrai Désir. Je propo
603
la forêt obscure de nos phantasmes, vers l’issue
de
lumière et notre vrai Désir. Je propose une mythanalyse, qui puisse ê
604
non seulement aux personnes, mais aux personnages
de
l’art, et à certaines formules de vie ; l’objectif immédiat d’une tel
605
aux personnages de l’art, et à certaines formules
de
vie ; l’objectif immédiat d’une telle méthode étant d’élucider les mo
606
à certaines formules de vie ; l’objectif immédiat
d’
une telle méthode étant d’élucider les motifs de nos choix et leurs im
607
e ; l’objectif immédiat d’une telle méthode étant
d’
élucider les motifs de nos choix et leurs implications trop souvent in
608
t d’une telle méthode étant d’élucider les motifs
de
nos choix et leurs implications trop souvent inconscientes, spirituel
609
té ne puisse être conquise que par le détachement
de
nos liens avec la chair, avec le monde, et avec notre moi distinct ?
610
mme étant destinés à le transformer sans relâche (
d’
où la technique) pour d’autres tâches qui nous dépassent et en même te
611
t. J’en déduis que notre vocation est bel et bien
d’
aller ailleurs, mais avec tout ce que nous sommes ; et qu’elle est moi
612
ec tout ce que nous sommes ; et qu’elle est moins
d’
ascèse que de transmutation ; et qu’elle n’est pas de fuite mais de pr
613
e nous sommes ; et qu’elle est moins d’ascèse que
de
transmutation ; et qu’elle n’est pas de fuite mais de prise de consci
614
scèse que de transmutation ; et qu’elle n’est pas
de
fuite mais de prise de conscience, de prise de possession de nous-mêm
615
ransmutation ; et qu’elle n’est pas de fuite mais
de
prise de conscience, de prise de possession de nous-mêmes et des chos
616
e n’est pas de fuite mais de prise de conscience,
de
prise de possession de nous-mêmes et des choses, au nom d’un sens qui
617
as de fuite mais de prise de conscience, de prise
de
possession de nous-mêmes et des choses, au nom d’un sens qui nous soi
618
is de prise de conscience, de prise de possession
de
nous-mêmes et des choses, au nom d’un sens qui nous soit propre et si
619
les mythes et leur empire serait néfaste. Tenter
de
leur échapper en les taxant d’erreur — théologique ou rationnelle — e
620
it néfaste. Tenter de leur échapper en les taxant
d’
erreur — théologique ou rationnelle — est une entreprise illusoire. Il
621
onnelle — est une entreprise illusoire. Il s’agit
de
comprendre et sentir leurs pouvoirs, puis de les traiter de la manièr
622
agit de comprendre et sentir leurs pouvoirs, puis
de
les traiter de la manière dont il convient à l’homme de traiter la Na
623
dre et sentir leurs pouvoirs, puis de les traiter
de
la manière dont il convient à l’homme de traiter la Nature : on ne sa
624
traiter de la manière dont il convient à l’homme
de
traiter la Nature : on ne saurait lui commander qu’en obéissant d’abo
625
us connaîtrons mieux les mythes qui nous tentent,
d’
où ils viennent et vers quoi leur logique nous conduit, peut-être sero
626
uit, peut-être serons-nous un peu mieux en mesure
de
courir notre risque personnel, d’assumer notre amour et d’aller vers
627
mieux en mesure de courir notre risque personnel,
d’
assumer notre amour et d’aller vers nous-mêmes. Peut-être serons-nous
628
notre risque personnel, d’assumer notre amour et
d’
aller vers nous-mêmes. Peut-être serons-nous un peu plus libres.
629
Nouvelles métamorphoses
de
Tristan La passion est cette forme de l’amour qui refuse l’immédiat
630
morphoses de Tristan La passion est cette forme
de
l’amour qui refuse l’immédiat, fuit le prochain, veut la distance et
631
sentir et s’exalter. Cette définition rend compte
de
la plupart des vrais romans, par quoi j’entends non point les meilleu
632
non point les meilleures œuvres qu’on est convenu
de
ranger dans ce genre littéraire, mais, indépendamment de leur qualité
633
er dans ce genre littéraire, mais, indépendamment
de
leur qualité d’art, de leur notoriété ou de leur portée humaine, ces
634
littéraire, mais, indépendamment de leur qualité
d’
art, de leur notoriété ou de leur portée humaine, ces œuvres seules où
635
aire, mais, indépendamment de leur qualité d’art,
de
leur notoriété ou de leur portée humaine, ces œuvres seules où transp
636
mment de leur qualité d’art, de leur notoriété ou
de
leur portée humaine, ces œuvres seules où transparaît, dominateur, l’
637
où transparaît, dominateur, l’archétype médiéval
de
Tristan. Je ne sais à vrai dire si la passion naît de la distance, ou
638
ristan. Je ne sais à vrai dire si la passion naît
de
la distance, ou l’inverse. Ce qui est certain, c’est que le roman occ
639
le roman occidental n’a jamais décrit, jusqu’ici,
de
passion qui s’enflamme pour un objet tout proche, aisément accessible
640
généralement toléré. Comme la nature et le nombre
de
ces tolérances et des interdits qui subsistent varient selon les soci
641
us : ainsi, la bourgeoisie du xixe s’interdisant
de
parler de l’argent et du sexe, d’où le choc révélateur produit par Ma
642
, la bourgeoisie du xixe s’interdisant de parler
de
l’argent et du sexe, d’où le choc révélateur produit par Marx et Freu
643
s’interdisant de parler de l’argent et du sexe,
d’
où le choc révélateur produit par Marx et Freud), la passion qui est t
644
ion qui est toujours antisociale reçoit cependant
de
la société même — et d’elle seule, par un assez beau paradoxe — ses o
645
isociale reçoit cependant de la société même — et
d’
elle seule, par un assez beau paradoxe — ses objets, différents selon
646
objets, différents selon l’état des mœurs. Point
de
passion concevable ou déclarée en fait, dans un monde où tout est per
647
bolisé par une dramatis persona, pour les besoins
de
la narration et de la rhétorique du récit. Dans une société comme la
648
atis persona, pour les besoins de la narration et
de
la rhétorique du récit. Dans une société comme la nôtre, l’amour-pass
649
pour que son délire se déclare ? J’entends parler
de
la société occidentale, c’est-à-dire de l’Europe et de ses prolongeme
650
ds parler de la société occidentale, c’est-à-dire
de
l’Europe et de ses prolongements en Amérique et en Russie ; société t
651
société occidentale, c’est-à-dire de l’Europe et
de
ses prolongements en Amérique et en Russie ; société travaillée et fo
652
cré, créateur des tabous, et le profane, qui naît
de
leur violation, mais aussi entre la sagesse et la politique, la grâce
653
sion et le mariage. N’en sommes-nous pas au point
de
notre évolution où, tout étant réduit, « ramené à » comme on dit, pro
654
s ou sentimentales, et soumis par l’intermédiaire
d’
analyses toujours plus indiscrètes aux règles de l’hygiène et de la so
655
e d’analyses toujours plus indiscrètes aux règles
de
l’hygiène et de la sociologie — tout nous semble permis de ce qui ne
656
jours plus indiscrètes aux règles de l’hygiène et
de
la sociologie — tout nous semble permis de ce qui ne nuirait pas à la
657
ène et de la sociologie — tout nous semble permis
de
ce qui ne nuirait pas à la santé et à la productivité ? (Tout le rest
658
productivité ? (Tout le reste étant, d’ailleurs,
de
mieux en mieux prescrit.) J’entrevoyais, il y a vingt ans, quand j’éc
659
ur et l’Occident , qu’une culture trop consciente
de
ses fins et moyens, c’est-à-dire trop sociologique, ne laisserait plu
660
’est-à-dire trop sociologique, ne laisserait plus
de
place à l’amour passionné, tel qu’il fut inventé au xiie siècle par
661
oc et romancé par les Bretons. C’était faire trop
d’
honneur aux seuls tabous moraux de l’époque victorienne et bourgeoise,
662
tait faire trop d’honneur aux seuls tabous moraux
de
l’époque victorienne et bourgeoise, et aux succès des analystes et de
663
, sur lesquels la passion se jette pour y trouver
de
nouveaux prétextes à se consumer glorieusement, à défier la morale du
664
à défier la morale du Jour au nom de la mystique
de
la Nuit, et la vie d’action raisonnable au nom de l’extase et de la m
665
Jour au nom de la mystique de la Nuit, et la vie
d’
action raisonnable au nom de l’extase et de la mort enthousiasmante.
666
la vie d’action raisonnable au nom de l’extase et
de
la mort enthousiasmante. ITrois vrais romans d’amour-passion au xxe
667
de la mort enthousiasmante. ITrois vrais romans
d’
amour-passion au xxe siècle Trois œuvres où transparaît l’archétyp
668
siècle Trois œuvres où transparaît l’archétype
de
Tristan nous sont données vers ce milieu du siècle par l’Europe, l’Am
669
du siècle par l’Europe, l’Amérique et la Russie.
De
chacune d’elles on a pu dire, non sans raison, qu’elle était « en réa
670
par l’Europe, l’Amérique et la Russie. De chacune
d’
elles on a pu dire, non sans raison, qu’elle était « en réalité » une
671
té » une description sociale, morale ou politique
de
l’Autriche impériale, ou des États-Unis, ou de la Révolution et de se
672
ue de l’Autriche impériale, ou des États-Unis, ou
de
la Révolution et de ses suites en URSS. Mais chacune d’elles aussi a
673
ériale, ou des États-Unis, ou de la Révolution et
de
ses suites en URSS. Mais chacune d’elles aussi a pu être décrite comm
674
Révolution et de ses suites en URSS. Mais chacune
d’
elles aussi a pu être décrite comme le dernier roman d’amour-passion d
675
es aussi a pu être décrite comme le dernier roman
d’
amour-passion de la littérature occidentale. Le Docteur Jivago de Bori
676
re décrite comme le dernier roman d’amour-passion
de
la littérature occidentale. Le Docteur Jivago de Boris Pasternak n’es
677
, selon Camus, mais au contraire « un grand livre
d’
amour ». L’essai que Lionel Trilling consacre à Lolita de Vladimir Nab
678
ov, s’intitule « Le dernier amant ». Et l’héroïne
de
L’Homme sans qualités de Robert Musil, dit à plusieurs reprises d’ell
679
er amant ». Et l’héroïne de L’Homme sans qualités
de
Robert Musil, dit à plusieurs reprises d’elle-même et de son frère :
680
ualités de Robert Musil, dit à plusieurs reprises
d’
elle-même et de son frère : « Nous aurons été les derniers romantiques
681
rt Musil, dit à plusieurs reprises d’elle-même et
de
son frère : « Nous aurons été les derniers romantiques de l’amour… Au
682
rère : « Nous aurons été les derniers romantiques
de
l’amour… Au fond, c’est la dernière histoire d’amour possible… Sans d
683
s de l’amour… Au fond, c’est la dernière histoire
d’
amour possible… Sans doute serons-nous une sorte de Derniers Mohicans
684
’amour possible… Sans doute serons-nous une sorte
de
Derniers Mohicans de l’amour. » Je ne fais pas ici de critique littér
685
doute serons-nous une sorte de Derniers Mohicans
de
l’amour. » Je ne fais pas ici de critique littéraire, n’ayant d’autre
686
erniers Mohicans de l’amour. » Je ne fais pas ici
de
critique littéraire, n’ayant d’autre propos que d’illustrer un thème
687
e ne fais pas ici de critique littéraire, n’ayant
d’
autre propos que d’illustrer un thème dont on verra bientôt que je ne
688
e critique littéraire, n’ayant d’autre propos que
d’
illustrer un thème dont on verra bientôt que je ne suis pas le dernier
689
r les prestiges et le charme fatal. Est-il besoin
de
souligner que ce grand thème est l’unique justification de mon essai
690
ner que ce grand thème est l’unique justification
de
mon essai ? Mythe passionnel à part, tout distingue les trois œuvres
691
nt que trop les bonnes et graves raisons que j’ai
de
redouter que leur simple rapprochement choque le sens esthétique du l
692
ns moral… Mais il se peut aussi que l’incongruité
d’
une telle comparaison fasse tout son prix. D’autant plus différents à
693
uité d’une telle comparaison fasse tout son prix.
D’
autant plus différents à tous égards, sauf à un seul, seront les trois
694
uf à un seul, seront les trois ouvrages examinés,
d’
autant plus significative l’action du mythe qui s’y trahit, et qui est
695
ai donc, dans ces trois œuvres, qu’à l’apparition
de
Tristan, dictant impérieusement — à l’insu des auteurs — la rhétoriqu
696
t — à l’insu des auteurs — la rhétorique profonde
de
leur composition. Passons à l’expérience sans plus de précautions. Vo
697
établir, en se plaçant par hypothèse sous l’angle
de
vision que je propose : Vladimir Nabokov. — Aux yeux du « vieil Euro
698
yeux du « vieil Européen » que je me trouve être
de
naissance, l’Amérique est patrie d’accueil, plus que d’exil. Le lecte
699
e trouve être de naissance, l’Amérique est patrie
d’
accueil, plus que d’exil. Le lecteur devinera que je l’aime, malgré to
700
ssance, l’Amérique est patrie d’accueil, plus que
d’
exil. Le lecteur devinera que je l’aime, malgré tout ce qui m’irrite e
701
me fascine. Le scandaleux héros (par antiphrase)
de
mon roman (éduqué en Europe, j’y insiste) n’épouse l’american way of
702
) n’épouse l’american way of life, en la personne
d’
une bourgeoise accomplie, que pour l’amour fou de sa fille. Mais cet a
703
d’une bourgeoise accomplie, que pour l’amour fou
de
sa fille. Mais cet amour est impossible, car Lolita n’a pas 13 ans. C
704
pendant, mon héros l’enlève et il fuit avec elle,
de
motel en hôtel, à travers tout le continent américain qu’il découvre
705
mes. Abandonné par sa nymphet, il commet un crime
de
dément et meurt ivre d’amour, dans sa prison, après avoir écrit ce li
706
mphet, il commet un crime de dément et meurt ivre
d’
amour, dans sa prison, après avoir écrit ce livre posthume. Robert Mu
707
— J’ai aimé mon Autriche « impériale et royale »
d’
un amour exigeant, lucide et ironique. Mais elle appartenait à un mili
708
st le plus vrai, puisqu’il ouvre l’accès à la vie
d’
extase, mais qui le sépare en fait de la vie sociale. Mon héros devien
709
cès à la vie d’extase, mais qui le sépare en fait
de
la vie sociale. Mon héros devient moralement un exilé de l’intérieur,
710
ie sociale. Mon héros devient moralement un exilé
de
l’intérieur, comme je suis devenu un exilé tout court16. Boris Paste
711
rutal, qui l’a séduite et humiliée. Il m’interdit
de
lui parler. Je lui dis pourtant mon amour sous le couvert d’un roman
712
er. Je lui dis pourtant mon amour sous le couvert
d’
un roman plein d’allusions et de symboles qu’elle comprendra. Et voici
713
urtant mon amour sous le couvert d’un roman plein
d’
allusions et de symboles qu’elle comprendra. Et voici que l’on fait un
714
r sous le couvert d’un roman plein d’allusions et
de
symboles qu’elle comprendra. Et voici que l’on fait un triomphe à ma
715
voici que l’on fait un triomphe à ma déclaration
d’
amour ! Le Maître prétend aussitôt que j’ai insulté la Russie. C’est a
716
elle que j’aime qu’il me repousse et qu’il menace
de
m’exiler. Mais tel est mon amour que je saurai mentir : je demanderai
717
tir : je demanderai pardon au tyran, le suppliant
de
me laisser vivre encore un peu dans le voisinage de celle qui doit me
718
me laisser vivre encore un peu dans le voisinage
de
celle qui doit me rejeter, car loin d’elle ma vie n’a pas de sens, c’
719
voisinage de celle qui doit me rejeter, car loin
d’
elle ma vie n’a pas de sens, c’est près d’elle que je veux me taire. A
720
i doit me rejeter, car loin d’elle ma vie n’a pas
de
sens, c’est près d’elle que je veux me taire. Ainsi réduits à leur di
721
ar loin d’elle ma vie n’a pas de sens, c’est près
d’
elle que je veux me taire. Ainsi réduits à leur diagramme mythique — o
722
nnu les personnages du drame, ces Tristan séparés
d’
une Iseut « interdite » par un roi Marc qui est la Morale commune, la
723
une même ambiguïté quant à la vraie nature, sinon
de
leur sujet, du moins de l’intérêt principal qu’ils se trouvent offrir
724
à la vraie nature, sinon de leur sujet, du moins
de
l’intérêt principal qu’ils se trouvent offrir au lecteur : critique d
725
l qu’ils se trouvent offrir au lecteur : critique
d’
une société ou récit d’une passion ? On connaît ces paysages fantastiq
726
frir au lecteur : critique d’une société ou récit
d’
une passion ? On connaît ces paysages fantastiques de la Renaissance q
727
ne passion ? On connaît ces paysages fantastiques
de
la Renaissance qui, tournés d’une certaine manière, révèlent soudain
728
sages fantastiques de la Renaissance qui, tournés
d’
une certaine manière, révèlent soudain les traits d’une tête humaine.
729
une certaine manière, révèlent soudain les traits
d’
une tête humaine. C’est le phénomène inverse qui se produit à la lectu
730
trois romans : vous regardez longuement ce visage
de
femme et, peu à peu, c’est un paysage, c’est un pays, c’est une socié
731
fait (et nous ne le lirions pas). Mais la réponse
de
l’écrivain ne suffit pas, bien que sincère. Car il faut voir que cett
732
t accidentelle. Elle ne résulte pas, j’y insiste,
de
quelque hésitation prolongée de l’auteur entre deux thèmes centraux,
733
pas, j’y insiste, de quelque hésitation prolongée
de
l’auteur entre deux thèmes centraux, ou deux genres littéraires, ou d
734
raux, ou deux genres littéraires, ou deux sphères
d’
imagination. Elle exprime et traduit irrésistiblement l’ambiguïté fond
735
traduit irrésistiblement l’ambiguïté fondamentale
de
la passion, antisociale par définition, donc liée au milieu social pa
736
Comme le fera voir l’application aux trois romans
de
l’analyse mythologique proposée par L’Amour et l’Occident . IILol
737
IILolita ou le scandale « Entre les limites
d’
âge de 9 et 14 ans apparaissent des fillettes qui, aux yeux de certain
738
olita ou le scandale « Entre les limites d’âge
de
9 et 14 ans apparaissent des fillettes qui, aux yeux de certains voya
739
t, pour ces créatures choisies, je propose le nom
de
nymphets. » Lolita, 12 ans et sept mois, a le charme inquiétant, l’im
740
rme inquiétant, l’impudeur innocente et la pointe
de
vulgarité qui caractérise la nymphet. Humbert Humbert, Européen, la q
741
s une petite ville où il prend ses vacances. Coup
de
foudre. Intrigue démente pour posséder l’enfant, dont il épouse d’abo
742
fait boire un somnifère, mais n’ose pas profiter
de
son sommeil. Au matin, c’est elle qui le séduit ! Commence la longue
743
séduit ! Commence la longue fuite du beau-père et
de
la fille, traqués par leur secrète culpabilité, d’un bout à l’autre d
744
e la fille, traqués par leur secrète culpabilité,
d’
un bout à l’autre des États-Unis17. Jusqu’au jour où Lolita s’échappe,
745
r où Lolita s’échappe, séduite par un autre homme
d’
âge mûr qu’Humbert tuera. À 17 ans, mariée depuis peu avec un jeune et
746
essentiel, et l’auteur ne manque pas une occasion
de
le souligner et de l’accentuer, soit en accablant son héros dans une
747
eur ne manque pas une occasion de le souligner et
de
l’accentuer, soit en accablant son héros dans une préface d’ailleurs
748
lleurs attribuée à un psychiatre américain, soit,
d’
une manière plus convaincante, par la cynique désinvolture du style de
749
par la cynique désinvolture du style des mémoires
de
Humbert Humbert. Si l’amour des nymphets n’était pas, de nos jours, l
750
ert Humbert. Si l’amour des nymphets n’était pas,
de
nos jours, l’un des derniers tabous sexuels qui tiennent encore (avec
751
ssion ni roman véritables, au sens « tristanien »
de
ces termes. Car il manquerait entre les deux protagonistes l’obstacle
752
our que l’attrait mutuel, au lieu de s’apaiser ou
de
s’épuiser par la satisfaction des sens, se métamorphose en passion. C
753
out le scandale évident, le caractère profanateur
de
l’amour de H. H. pour Lolita, qui trahit la présence du Mythe. Négli
754
dale évident, le caractère profanateur de l’amour
de
H. H. pour Lolita, qui trahit la présence du Mythe. Négligeons pour
755
des qui séparent ce roman sarcastique et pétulant
de
la sombre épopée, simple et drue, d’un Béroul. Qu’on ne s’y trompe pa
756
et pétulant de la sombre épopée, simple et drue,
d’
un Béroul. Qu’on ne s’y trompe pas : le roman de Tristan n’était pas m
757
, d’un Béroul. Qu’on ne s’y trompe pas : le roman
de
Tristan n’était pas moins choquant au xiie siècle que ne l’est aujou
758
usion anachronique, aidées par la version moderne
de
Bédier, nous font prendre trop facilement pour la touchante histoire
759
rendre trop facilement pour la touchante histoire
d’
un amour presque chaste et conçu fortuitement hors du mariage, recelai
760
autrement bouleversants ! Les premières versions
de
Tristan glorifiaient une forme d’amour non seulement opposée au maria
761
mières versions de Tristan glorifiaient une forme
d’
amour non seulement opposée au mariage, mais ne pouvant exister que ho
762
ent »18 au nom de ce nouvel Amour toute une série
d’
actions tenues pour crimes : astuce blasphématoire de l’ordalie truqué
763
ctions tenues pour crimes : astuce blasphématoire
de
l’ordalie truquée, violation répétée des allégeances et de la foi jur
764
lie truquée, violation répétée des allégeances et
de
la foi jurée, profanation du sacré féodal et des sacrements catholiqu
765
, sorcellerie, magie noire. Tout cela sur un fond
d’
hérésie bien plus dangereuse alors que ne le sont aujourd’hui les frén
766
ujourd’hui les frénésies qui affectent une partie
de
la jeunesse, modes passagères dont l’édition et le cinéma me paraisse
767
it guère pu surprendre au Moyen Âge. On a coutume
de
vénérer l’amour de Dante pour Béatrice âgée de 9 ans, la passion de P
768
dre au Moyen Âge. On a coutume de vénérer l’amour
de
Dante pour Béatrice âgée de 9 ans, la passion de Pétrarque pour Laure
769
me de vénérer l’amour de Dante pour Béatrice âgée
de
9 ans, la passion de Pétrarque pour Laure âgée de 12 ans ; ces deux e
770
de Dante pour Béatrice âgée de 9 ans, la passion
de
Pétrarque pour Laure âgée de 12 ans ; ces deux exemples fondent une t
771
de 9 ans, la passion de Pétrarque pour Laure âgée
de
12 ans ; ces deux exemples fondent une tradition de la haute littérat
772
12 ans ; ces deux exemples fondent une tradition
de
la haute littérature européenne, qu’illustreront plus près de nous un
773
plus près de nous un Goethe créant le personnage
de
Mignon, un Novalis dédiant son œuvre à l’amour de Sophie von Kuhn, mo
774
de Mignon, un Novalis dédiant son œuvre à l’amour
de
Sophie von Kuhn, morte à 11 ans, un Edgar Poe qui épouse une fille de
775
morte à 11 ans, un Edgar Poe qui épouse une fille
de
14 ans, et le génial Lewis Carroll : Alice au Pays des Merveilles est
776
is Carroll : Alice au Pays des Merveilles est née
de
l’amour des « nymphets », refoulé par la conscience pure du clergyman
777
cience pure du clergyman, mais avoué par certains
de
ses poèmes et trahi par les plaisanteries souvent féroces de ses lett
778
es et trahi par les plaisanteries souvent féroces
de
ses lettres à des petites filles. L’adultère, de nos jours, ne condui
779
de ses lettres à des petites filles. L’adultère,
de
nos jours, ne conduit qu’au divorce, ou s’épuise en liaisons banales.
780
, ou s’épuise en liaisons banales. Il n’offre pas
de
support sérieux à ce que Freud a nommé un jour l’élan mortel, secret
781
e que Freud a nommé un jour l’élan mortel, secret
de
l’amour tristanien. Et l’absence de sacré exténue les passions, que l
782
ortel, secret de l’amour tristanien. Et l’absence
de
sacré exténue les passions, que la conscience d’une profanation faisa
783
de sacré exténue les passions, que la conscience
d’
une profanation faisait flamber. Nous restent deux tabous sexuels, cur
784
ociétés humaines connues, les classes bourgeoises
de
l’Occident constituant l’exception la plus remarquable. Ils sont bien
785
Nabokov fait dire à son héros : « Mon sort a été
de
grandir dans une civilisation qui autorise un homme de 25 ans à court
786
andir dans une civilisation qui autorise un homme
de
25 ans à courtiser une fille de 16 ans, mais non pas une fille de 12
787
autorise un homme de 25 ans à courtiser une fille
de
16 ans, mais non pas une fille de 12 ans. » Humbert raconte, au début
788
tiser une fille de 16 ans, mais non pas une fille
de
12 ans. » Humbert raconte, au début de ses mémoires, l’amour qu’il co
789
une fille de 12 ans. » Humbert raconte, au début
de
ses mémoires, l’amour qu’il conçut à 12 ans pour une petite fille de
790
amour qu’il conçut à 12 ans pour une petite fille
de
9 ans qui s’appelait Annabel, et qui mourut bientôt — rappel de Poe.
791
’appelait Annabel, et qui mourut bientôt — rappel
de
Poe. Ainsi, l’eros de cet adulte, par ailleurs sexuellement normal, s
792
qui mourut bientôt — rappel de Poe. Ainsi, l’eros
de
cet adulte, par ailleurs sexuellement normal, s’est trouvé fixé sur l
793
rendue doublement inaccessible par la différence
d’
âge et par l’idée de la mort. C’est ainsi que la « nymphet » peut deve
794
naccessible par la différence d’âge et par l’idée
de
la mort. C’est ainsi que la « nymphet » peut devenir le support de l’
795
ainsi que la « nymphet » peut devenir le support
de
l’amour-passion, c’est-à-dire du désir infini qui échappe aux rythmes
796
qui échappe aux rythmes naturels et joue le rôle
d’
un absolu préférable à la vie elle-même. La possession de cet inaccess
797
solu préférable à la vie elle-même. La possession
de
cet inaccessible devient alors l’extase, « la joie suprême », la « Hö
798
’extase, « la joie suprême », la « Höchste Lust »
d’
Isolde agonisante. Cependant, ceux qui ont lu Lolita avec plus d’amuse
799
ante. Cependant, ceux qui ont lu Lolita avec plus
d’
amusement pervers que d’émotion, seront en droit de douter de la légit
800
i ont lu Lolita avec plus d’amusement pervers que
d’
émotion, seront en droit de douter de la légitimité d’une interprétati
801
’amusement pervers que d’émotion, seront en droit
de
douter de la légitimité d’une interprétation si solennelle. Certes, d
802
pervers que d’émotion, seront en droit de douter
de
la légitimité d’une interprétation si solennelle. Certes, du coup de
803
otion, seront en droit de douter de la légitimité
d’
une interprétation si solennelle. Certes, du coup de foudre initial ju
804
l jusqu’à la mort des amants séparés, conséquence
d’
un amour interdit qui les exile de la communauté et les consume sans l
805
és, conséquence d’un amour interdit qui les exile
de
la communauté et les consume sans les unir vraiment, on aura reconnu
806
ns aux péripéties et situations les plus typiques
de
la légende de Tristan. Mais il est curieux de noter qu’à chaque fois
807
ies et situations les plus typiques de la légende
de
Tristan. Mais il est curieux de noter qu’à chaque fois un point d’iro
808
ues de la légende de Tristan. Mais il est curieux
de
noter qu’à chaque fois un point d’ironie frappe l’allusion. Ainsi, la
809
il est curieux de noter qu’à chaque fois un point
d’
ironie frappe l’allusion. Ainsi, la mère du héros meurt très tôt (comm
810
’avais 3 ans. » (Qu’on se rappelle le ton lugubre
de
destin, la « vieille et grave mélodie » qui marque la mort de la mère
811
a « vieille et grave mélodie » qui marque la mort
de
la mère dans Tristan !) Le nom de l’hôtel où se passe la nuit de la s
812
marque la mort de la mère dans Tristan !) Le nom
de
l’hôtel où se passe la nuit de la séduction, les Chasseurs enchantés,
813
Tristan !) Le nom de l’hôtel où se passe la nuit
de
la séduction, les Chasseurs enchantés, rappelle visiblement l’état de
814
Chasseurs enchantés, rappelle visiblement l’état
de
transe de la scène des aveux dans Tristan, mais toute la description
815
enchantés, rappelle visiblement l’état de transe
de
la scène des aveux dans Tristan, mais toute la description du lieu vi
816
mais ridiculisé par son échec : il ne s’agit que
d’
un somnifère que H. H. fait prendre par ruse à Lolita, et qui se révèl
817
faible, le médecin qui l’a procuré s’étant trompé
d’
étiquette ou ayant trompé son client. (Inversion point par point, et q
818
oint, et que l’on peut croire délibérée, du récit
de
l’erreur « fatale » de Brangien.) Comme dans Tristan, il est vrai, la
819
croire délibérée, du récit de l’erreur « fatale »
de
Brangien.) Comme dans Tristan, il est vrai, la polémique contre le ma
820
e l’auteur n’est pas intéressé par le côté sexuel
de
son histoire, mais uniquement par la magie de l’Éros, et il le dit19.
821
uel de son histoire, mais uniquement par la magie
de
l’Éros, et il le dit19. Comme dans Tristan, « les amants fuient le mo
822
mme dans Tristan, ils meurent à peu de temps l’un
de
l’autre, séparés. Mais leur mort est aussi sordide que fut grandiose,
823
n’a jamais répondu à la passion tendre et sauvage
de
son aîné. De là l’échec du Mythe et par compensation le ton « férocem
824
pondu à la passion tendre et sauvage de son aîné.
De
là l’échec du Mythe et par compensation le ton « férocement facétieux
825
able et ses plaisanteries un peu folles, sauvées (
de
justesse parfois) de la vulgarité par une étourdissante virtuosité ve
826
ries un peu folles, sauvées (de justesse parfois)
de
la vulgarité par une étourdissante virtuosité verbale. Si Lolita avai
827
nsi que les choses se passent dans le grand livre
de
Musil, comme on le verra tout à l’heure. Mais l’absence, ici très fra
828
Mais l’absence, ici très frappante, non seulement
de
toute espèce d’impureté sentimentale, mais aussi de tout horizon spir
829
ici très frappante, non seulement de toute espèce
d’
impureté sentimentale, mais aussi de tout horizon spirituel, réduit le
830
toute espèce d’impureté sentimentale, mais aussi
de
tout horizon spirituel, réduit le roman aux dimensions d’un tableau d
831
horizon spirituel, réduit le roman aux dimensions
d’
un tableau de mœurs à la Hogarth. On partage les irritations de l’aute
832
tuel, réduit le roman aux dimensions d’un tableau
de
mœurs à la Hogarth. On partage les irritations de l’auteur, on acclam
833
de mœurs à la Hogarth. On partage les irritations
de
l’auteur, on acclame sa syntaxe et son vocabulaire, on rit souvent, o
834
, un Tristan manqué. Et cela tient à l’immaturité
de
l’objet même de la passion décrite ; mais sans cette immaturité, poin
835
qué. Et cela tient à l’immaturité de l’objet même
de
la passion décrite ; mais sans cette immaturité, point d’obstacle et
836
ssion décrite ; mais sans cette immaturité, point
d’
obstacle et donc point de passion… Peut-être le livre, après tout, n’e
837
cette immaturité, point d’obstacle et donc point
de
passion… Peut-être le livre, après tout, n’est-il vraiment vicieux qu
838
ris, et son œuvre, en partie posthume, ne cessera
de
monter à l’horizon de la littérature européenne. Le comique dévastant
839
partie posthume, ne cessera de monter à l’horizon
de
la littérature européenne. Le comique dévastant, la lucidité calme, l
840
calme, le lyrisme qui sourd en dépit de l’acuité
d’
un regard constamment critique, l’infinie variété de l’investigation d
841
un regard constamment critique, l’infinie variété
de
l’investigation des relations humaines, des rôles sociaux, des problè
842
ations humaines, des rôles sociaux, des problèmes
de
l’amour et des buts de la vie confèrent aux deux-mille pages de son d
843
les sociaux, des problèmes de l’amour et des buts
de
la vie confèrent aux deux-mille pages de son dernier ouvrage20 une pu
844
des buts de la vie confèrent aux deux-mille pages
de
son dernier ouvrage20 une puissance d’envoûtement que je n’avais pas
845
ille pages de son dernier ouvrage20 une puissance
d’
envoûtement que je n’avais pas subie depuis l’œuvre de Proust, mieux a
846
voûtement que je n’avais pas subie depuis l’œuvre
de
Proust, mieux achevée sans doute et d’accès combien plus facile, mais
847
is l’œuvre de Proust, mieux achevée sans doute et
d’
accès combien plus facile, mais d’une moindre vertu spirituelle. J’aur
848
e sans doute et d’accès combien plus facile, mais
d’
une moindre vertu spirituelle. J’aurais aimé parler de Musil, mais de
849
e moindre vertu spirituelle. J’aurais aimé parler
de
Musil, mais de lui seul… Et j’ai quelque scrupule à le faire figurer
850
spirituelle. J’aurais aimé parler de Musil, mais
de
lui seul… Et j’ai quelque scrupule à le faire figurer dans un context
851
le faire figurer dans un contexte qu’il dépasse,
d’
autant plus qu’il s’agit ici d’aborder son chef-d’œuvre sans fin sous
852
xte qu’il dépasse, d’autant plus qu’il s’agit ici
d’
aborder son chef-d’œuvre sans fin sous le seul angle de l’amour-passio
853
rder son chef-d’œuvre sans fin sous le seul angle
de
l’amour-passion. Par bonheur, il se trouve que Musil a décrit cette d
854
e disposition para-mystique dans un langage plein
de
correspondances avec celui de mes analyses du Mythe, et d’une précisi
855
ns un langage plein de correspondances avec celui
de
mes analyses du Mythe, et d’une précision si constante qu’elle me per
856
pondances avec celui de mes analyses du Mythe, et
d’
une précision si constante qu’elle me permettra, bien souvent, de subs
857
si constante qu’elle me permettra, bien souvent,
de
substituer la citation au commentaire. Mais une chance plus bizarre v
858
il, non seulement touche à deux reprises le thème
de
l’amour passionné pour une enfant, mais surtout veut y voir une préfi
859
nfant, mais surtout veut y voir une préfiguration
de
l’amour interdit qui unira ses héros : Ulrich et Agathe, frère et sœu
860
ien attribuer à la logique du Mythe, en l’absence
de
tout autre élément qui autorise la comparaison de deux œuvres à ce po
861
de tout autre élément qui autorise la comparaison
de
deux œuvres à ce point inégales par le climat et l’ambition. Ulrich v
862
monta, elle avait peut-être 12 ans, en compagnie
d’
un père très jeune ou frère aîné. Sa façon d’entrer, de s’asseoir, de
863
gnie d’un père très jeune ou frère aîné. Sa façon
d’
entrer, de s’asseoir, de tendre négligemment au contrôleur l’argent de
864
père très jeune ou frère aîné. Sa façon d’entrer,
de
s’asseoir, de tendre négligemment au contrôleur l’argent de deux parc
865
e ou frère aîné. Sa façon d’entrer, de s’asseoir,
de
tendre négligemment au contrôleur l’argent de deux parcours, c’était
866
ir, de tendre négligemment au contrôleur l’argent
de
deux parcours, c’était déjà une dame, mais sans trace d’affectation p
867
parcours, c’était déjà une dame, mais sans trace
d’
affectation puérile… Elle était merveilleusement belle : brune, des lè
868
rveilleusement belle : brune, des lèvres pleines,
de
forts sourcils, un nez légèrement retroussé : une Polonaise noiraude
869
olonaise noiraude peut-être, ou une Slave du Sud…
D’
une pareille apparition, on peut tomber passionnément, mortellement am
870
ue s’y mêle la moindre convoitise. Je me souviens
d’
avoir regardé timidement les autres voyageurs, parce que j’avais l’imp
871
e le seul exemple qu’en trouve le héros est celui
de
l’attrait « mortel » pour une nymphet. Une autre fois, parlant encore
872
utre fois, parlant encore avec sa sœur des formes
de
l’amour « insaisissables » qui lui semblent d’ailleurs traduire « des
873
ec le monde », Ulrich conte de nouveau l’histoire
de
« la femme la plus merveilleuse qu’il eût croisée sur sa route » : «
874
r sa route » : « Elle l’avait ravi comme un poème
d’
amour écrit en secret, dont les allusions sont chargées d’un bonheur e
875
écrit en secret, dont les allusions sont chargées
d’
un bonheur encore inconnu… — N’est-il pas contre nature de rapporter d
876
heur encore inconnu… — N’est-il pas contre nature
de
rapporter de telles émotions à une enfant ? dit Agathe. — Seule une c
877
nconnu… — N’est-il pas contre nature de rapporter
de
telles émotions à une enfant ? dit Agathe. — Seule une convoitise gro
878
lle n’est pas faite. Il devrait faire abstraction
de
l’immaturité de ce corps et de cet esprit en formation, jouer sa pass
879
ite. Il devrait faire abstraction de l’immaturité
de
ce corps et de cet esprit en formation, jouer sa passion avec un part
880
faire abstraction de l’immaturité de ce corps et
de
cet esprit en formation, jouer sa passion avec un partenaire muet et
881
t et caché21… C’est une tout autre attitude, avec
de
tout autres suites ! » Et, comme il sent encore une sorte de réprobat
882
res suites ! » Et, comme il sent encore une sorte
de
réprobation, jalouse peut-être, chez Agathe, il ajoute : « Si j’ai ra
883
à souligner les mots révélateurs dans le contexte
de
notre analyse : tout y passerait ! Non seulement ces deux pages se tr
884
es se trouvent préfigurer une critique pénétrante
de
Lolita, mais elles introduisent un dialogue qui mène au cœur du drame
885
ntroduisent un dialogue qui mène au cœur du drame
de
la passion : L’amour fraternel ? demanda Agathe, comme si elle enten
886
rtes sont liées à des expériences qui sont toutes
d’
une manière ou d’une autre impossibles, refuse les expériences possibl
887
des expériences qui sont toutes d’une manière ou
d’
une autre impossibles, refuse les expériences possibles ! Il se peut q
888
la vie, un refuge pour la lâcheté et une caverne
de
vices, comme beaucoup le prétendent. Je crois que l’histoire de la pe
889
e beaucoup le prétendent. Je crois que l’histoire
de
la petite fille, et tous les autres exemples dont nous avons parlé, l
890
s exemples dont nous avons parlé, loin de relever
de
la monstruosité ou de la faiblesse, révèlent un refus du profane, une
891
vons parlé, loin de relever de la monstruosité ou
de
la faiblesse, révèlent un refus du profane, une insubordination, un d
892
tion, un désir démesuré et démesurément passionné
d’
amour ! L’expérience impossible dans laquelle s’engage Ulrich se prés
893
se présente d’abord à sa méditation sous la forme
d’
un besoin d’amour « délivré des contre-courants et des aversions socia
894
d’abord à sa méditation sous la forme d’un besoin
d’
amour « délivré des contre-courants et des aversions sociales et sexue
895
es aversions sociales et sexuelles » : Il rêvait
d’
une femme absolument inaccessible. Elle flottait devant ses yeux comme
896
Elle flottait devant ses yeux comme ces journées
d’
arrière-automne à la montagne où l’air a quelque chose d’exsangue, d’a
897
re-automne à la montagne où l’air a quelque chose
d’
exsangue, d’agonisant, tandis que les couleurs brûlent à l’extrême de
898
la montagne où l’air a quelque chose d’exsangue,
d’
agonisant, tandis que les couleurs brûlent à l’extrême de la passion.
899
sant, tandis que les couleurs brûlent à l’extrême
de
la passion. À cette rêverie se mêle l’image de sa sœur Agathe, retr
900
de la passion. À cette rêverie se mêle l’image
de
sa sœur Agathe, retrouvée après de longues années, et qui, fuyant son
901
e mêle l’image de sa sœur Agathe, retrouvée après
de
longues années, et qui, fuyant son mari, vient habiter le petit hôtel
902
herché sa voie seul et non sans insolence, le mot
de
sœur avait été chargé pour lui d’une nostalgie vague, bien qu’il n’eû
903
solence, le mot de sœur avait été chargé pour lui
d’
une nostalgie vague, bien qu’il n’eût jamais songé, alors, qu’il possé
904
es phénomènes analogues sont fréquents. Dans plus
d’
une existence, la sœur imaginaire n’est que la forme juvénile, insaisi
905
naire n’est que la forme juvénile, insaisissable,
d’
un besoin d’amour qui, plus tard, les rêves refroidis, se contentera d
906
que la forme juvénile, insaisissable, d’un besoin
d’
amour qui, plus tard, les rêves refroidis, se contentera d’un oiseau,
907
ui, plus tard, les rêves refroidis, se contentera
d’
un oiseau, d’un animal quelconque, ou se tournera vers l’humanité et l
908
, les rêves refroidis, se contentera d’un oiseau,
d’
un animal quelconque, ou se tournera vers l’humanité et le prochain.
909
, ou se tournera vers l’humanité et le prochain.
De
Chateaubriand à d’Annunzio et à Thomas Mann, en passant par le romant
910
rs l’humanité et le prochain. De Chateaubriand à
d’
Annunzio et à Thomas Mann, en passant par le romantisme allemand, fran
911
s et anglais, on sait assez la fortune littéraire
de
cette forme d’amour interdit, dont il serait curieux de chercher pour
912
n sait assez la fortune littéraire de cette forme
d’
amour interdit, dont il serait curieux de chercher pourquoi l’époque o
913
te forme d’amour interdit, dont il serait curieux
de
chercher pourquoi l’époque où se passe le roman de Musil — veille de
914
e chercher pourquoi l’époque où se passe le roman
de
Musil — veille de la guerre de 1914 — connut peut-être les derniers p
915
i l’époque où se passe le roman de Musil — veille
de
la guerre de 1914 — connut peut-être les derniers prestiges. La lente
916
se passe le roman de Musil — veille de la guerre
de
1914 — connut peut-être les derniers prestiges. La lente et fascinant
917
rniers prestiges. La lente et fascinante histoire
de
la prise de conscience, puis du choix de cet amour, par deux êtres en
918
histoire de la prise de conscience, puis du choix
de
cet amour, par deux êtres en tout point normaux, supérieurement intel
919
rement intelligents, intégrés dans la vie sociale
d’
une capitale européenne mais irrités par son insignifiance, remplit la
920
par son insignifiance, remplit la seconde partie
de
ce vaste roman. La réserve savante des descriptions, l’humour impitoy
921
ons échangées par le frère et la sœur, la qualité
de
leurs exigences morales et de leurs nostalgies spirituelles composent
922
la sœur, la qualité de leurs exigences morales et
de
leurs nostalgies spirituelles composent un philtre d’une efficacité i
923
eurs nostalgies spirituelles composent un philtre
d’
une efficacité inégalée dans la littérature contemporaine. Ce n’est pa
924
st pas décadent ni scandaleux. S’agirait-il moins
d’
un inceste que des relations entre Animus et Anima, comme l’avancent d
925
t des commentateurs ? Il ne s’agit, pour moi, que
de
la passion, c’est-à-dire d’un secret fondamental de la psyché europée
926
s’agit, pour moi, que de la passion, c’est-à-dire
d’
un secret fondamental de la psyché européenne. L’inceste n’est ici que
927
la passion, c’est-à-dire d’un secret fondamental
de
la psyché européenne. L’inceste n’est ici que la condition même de la
928
péenne. L’inceste n’est ici que la condition même
de
la « dernière histoire d’amour possible », et d’une admirable analyse
929
i que la condition même de la « dernière histoire
d’
amour possible », et d’une admirable analyse du spectre spirituel de l
930
de la « dernière histoire d’amour possible », et
d’
une admirable analyse du spectre spirituel de l’Occident. Voici la dia
931
, et d’une admirable analyse du spectre spirituel
de
l’Occident. Voici la dialectique d’Éros et d’Agapè, la lutte entre l’
932
tre spirituel de l’Occident. Voici la dialectique
d’
Éros et d’Agapè, la lutte entre l’élan qui porte l’homme vers l’ange,
933
uel de l’Occident. Voici la dialectique d’Éros et
d’
Agapè, la lutte entre l’élan qui porte l’homme vers l’ange, et le devo
934
’élan qui porte l’homme vers l’ange, et le devoir
d’
aimer les autres, fondement de toute société. « Avec une objectivité r
935
’ange, et le devoir d’aimer les autres, fondement
de
toute société. « Avec une objectivité relative, il s’avoua que les re
936
lui avaient comporté dès le début une bonne dose
d’
aversion pour la société… » Et Musil, dans une note pour l’un des chap
937
tend à Dieu, selon Adler, est celui qui est privé
de
sens communautaire — selon Schleiermacher, celui qui est indifférent
938
es les plus différentes, que c’est l’état présent
de
la société qui condamne la passion et rabat au mariage. Notre temps,
939
Notre temps, qui a probablement perdu la notion
de
passion amoureuse, parce que celle-ci est plus religieuse que sexuell
940
-ci est plus religieuse que sexuelle, juge puéril
de
se préoccuper encore d’amour, mais voue tous ses efforts au mariage,
941
que sexuelle, juge puéril de se préoccuper encore
d’
amour, mais voue tous ses efforts au mariage, dont il analyse le proce
942
iculeuse vigueur. Déjà alors étaient parus nombre
de
ces livres qui parlent, avec la candeur loyale d’un maître de gymnast
943
de ces livres qui parlent, avec la candeur loyale
d’
un maître de gymnastique, des « révolutions de la vie sexuelle », et v
944
s qui parlent, avec la candeur loyale d’un maître
de
gymnastique, des « révolutions de la vie sexuelle », et veulent aider
945
ale d’un maître de gymnastique, des « révolutions
de
la vie sexuelle », et veulent aider les hommes à être mariés, et néan
946
L’homme et la femme n’y sont plus que « porteurs
de
germe mâle ou femelle » ou encore « partenaires sexuels » et l’on bap
947
baptise « problème sexuel » l’ennui qu’il s’agit
de
bannir de leurs rapports par toute espèce de variantes physiques ou p
948
problème sexuel » l’ennui qu’il s’agit de bannir
de
leurs rapports par toute espèce de variantes physiques ou psychiques.
949
agit de bannir de leurs rapports par toute espèce
de
variantes physiques ou psychiques. Mais le besoin de passion, rencon
950
ariantes physiques ou psychiques. Mais le besoin
de
passion, rencontrant l’interdit, qui est l’antisocial par excellence,
951
ence, projette immédiatement sur lui sa nostalgie
d’
un désir infini, quitte à nommer destin cette projection. C’est alors
952
stin cette projection. C’est alors la dialectique
de
la pure passion tristanienne qui prend son essor : thèmes du regard,
953
stanienne qui prend son essor : thèmes du regard,
de
la tempête, et de l’épée de chasteté entre les corps : Lorsque leurs
954
d son essor : thèmes du regard, de la tempête, et
de
l’épée de chasteté entre les corps : Lorsque leurs regards se croisè
955
r : thèmes du regard, de la tempête, et de l’épée
de
chasteté entre les corps : Lorsque leurs regards se croisèrent, il n
956
s, maintenant, leur étaient indifférents… Chacune
de
leurs respirations leur publiait leur connivence ; ils subissaient, e
957
subissaient, en bravant autrui, ce besoin commun
de
se délivrer enfin de la tristesse du désir, mais le subir avait déjà
958
ant autrui, ce besoin commun de se délivrer enfin
de
la tristesse du désir, mais le subir avait déjà tant de douceur que l
959
e subir avait déjà tant de douceur que les images
de
l’accomplissement étaient bien près de se détacher d’eux et les uniss
960
’accomplissement étaient bien près de se détacher
d’
eux et les unissaient déjà dans leur imagination, comme la tempête, de
961
la tempête, devant les vagues, cravache un voile
d’
écume ; une exigence plus forte encore leur commandait le calme, et il
962
eur commandait le calme, et ils furent incapables
de
se toucher de nouveau. L’équivoque essentielle entre l’amour projeté
963
lle entre l’amour projeté sur l’autre et le refus
de
la possession qui mettrait un terme au désir, explique le choix d’un
964
qui mettrait un terme au désir, explique le choix
d’
un objet interdit, recréant sans cesse la distance nécessaire à « l’am
965
ant sans cesse la distance nécessaire à « l’amour
de
loin » des troubadours. Mais quel est ce désir ? Est-il désir de l’au
966
roubadours. Mais quel est ce désir ? Est-il désir
de
l’autre, ou seulement Désir en soi ? Les héros de Musil en parlent av
967
de l’autre, ou seulement Désir en soi ? Les héros
de
Musil en parlent avec une sorte de lucidité toute goethéenne, voire u
968
oi ? Les héros de Musil en parlent avec une sorte
de
lucidité toute goethéenne, voire un peu didactique par endroit : Dir
969
ellement une personne irréelle ? — Là est le nœud
de
l’affaire : dans tous les rapports extérieurs, la personne réelle doi
970
personne rêvée et même ne faire qu’un avec elle.
D’
où les innombrables confusions qui donnent au naïf commerce de l’amour
971
ombrables confusions qui donnent au naïf commerce
de
l’amour un caractère spectral si fascinant. C’est pourquoi les amant
972
à invoquer le mythe platonicien des deux moitiés
de
l’être qui se cherchent : Ce désir d’un double de l’autre sexe qui n
973
ux moitiés de l’être qui se cherchent : Ce désir
d’
un double de l’autre sexe qui nous ressemble absolument tout en étant
974
e l’être qui se cherchent : Ce désir d’un double
de
l’autre sexe qui nous ressemble absolument tout en étant un autre, d’
975
nous ressemble absolument tout en étant un autre,
d’
une créature magique qui soit nous tout en possédant l’avantage, sur t
976
ossédant l’avantage, sur toutes nos imaginations,
d’
une existence autonome… on en retrouve des traces jusque dans les circ
977
es jusque dans les circonstances les plus banales
de
l’amour : dans l’attrait lié à tout changement, à tout travesti, comm
978
ngement, à tout travesti, comme dans l’importance
de
l’unisson et de la répétition de soi dans l’autre… Les grandes, les i
979
travesti, comme dans l’importance de l’unisson et
de
la répétition de soi dans l’autre… Les grandes, les implacables passi
980
ans l’importance de l’unisson et de la répétition
de
soi dans l’autre… Les grandes, les implacables passions amoureuses so
981
e plus secret l’épier derrière le rideau des yeux
d’
un autre. D’où l’illusion que le Moi s’abolit dans cette Nuit de l’in
982
l’épier derrière le rideau des yeux d’un autre.
D’
où l’illusion que le Moi s’abolit dans cette Nuit de l’indistinction q
983
où l’illusion que le Moi s’abolit dans cette Nuit
de
l’indistinction que chante le deuxième acte de Tristan : La nuit bri
984
it de l’indistinction que chante le deuxième acte
de
Tristan : La nuit brillante enferme en ses bras maternels toutes les
985
es contradictions, et sur son cœur, il n’est plus
de
parole vraie ou fausse, chacune étant, hors de l’obscur, l’incomparab
986
étant, hors de l’obscur, l’incomparable naissance
de
l’esprit, celle que l’homme connaît dans l’invention d’une pensée… Da
987
sprit, celle que l’homme connaît dans l’invention
d’
une pensée… Dans ces nuits-là, le Moi ne retient rien en lui-même… le
988
… le Soi-même exalté rayonne dans un oubli infini
de
soi-même… » Mais Agathe dit un peu plus tard : « Pourquoi ne connais-
989
dernier moment, nous sépare ? Mais ici, le roman
de
Musil s’engage dans deux voies divergentes : il nous en reste des fra
990
ns passeports dans une île de l’Adriatique. Notes
de
Musil, pour un chapitre intitulé Le Voyage au Paradis : C’est notre
991
est interdit. Mais nous ne nous tuerons pas avant
d’
avoir fait une tentative extrême. Le monde est fugace, fluide : fais c
992
nt un bonheur dont ils ne savaient pas si c’était
de
la tristesse ; seule la conviction d’être élus pour vivre l’exception
993
si c’était de la tristesse ; seule la conviction
d’
être élus pour vivre l’exceptionnel retint leurs larmes… Avec les form
994
Mais cet accomplissement dans l’Ile, symbolique
de
l’abolition du social, dévoile l’échec fondamental de toute passion :
995
’abolition du social, dévoile l’échec fondamental
de
toute passion : Entre deux êtres isolés, il n’y a pas d’amour possib
996
passion : Entre deux êtres isolés, il n’y a pas
d’
amour possible » reconnaît Ulrich. « Un amour peut naître par défi, il
997
amour peut naître par défi, il ne peut être fait
de
défi. Il faut qu’il soit inséré dans une société. Il n’est pas un con
998
inséré dans une société. Il n’est pas un contenu
de
vie, mais une négation, une exception faite à tous les contenus de vi
999
négation, une exception faite à tous les contenus
de
vie. Or il faut à une exception quelque chose dont elle soit l’except
1000
hose dont elle soit l’exception. On ne peut vivre
d’
une négation pure. Sous une forme intellectualisée — il s’agit de sim
1001
ure. Sous une forme intellectualisée — il s’agit
de
simples notes pour une suite à écrire — Musil transpose ici l’épisode
1002
dans la forêt du Morois : le philtre ayant cessé
d’
agir après trois ans, ils découvrent que le monde existe encore et les
1003
uelle départie ! ». Mais il y a plus. La lucidité
de
Musil s’attaque ici à la formule même du Roman et la détruit. Si la p
1004
i le Jour peut reprendre ses droits, l’expérience
de
l’amour interdit échoue dans la réalité, et le Roman dans l’analyse p
1005
e du Mythe, pour s’engager dans la voie difficile
d’
une recherche de l’amour mystique : c’est ce qu’il nomme le règne mill
1006
s’engager dans la voie difficile d’une recherche
de
l’amour mystique : c’est ce qu’il nomme le règne millénaire ou l’acce
1007
énaire ou l’accession à l’« autre vie », à l’état
d’
amour pur, à l’extase d’un amour non plus égocentrique, mais bien allo
1008
l’« autre vie », à l’état d’amour pur, à l’extase
d’
un amour non plus égocentrique, mais bien allocentrique : « N’avoir pl
1009
ntrique, mais bien allocentrique : « N’avoir plus
de
centre du tout, participer au monde sans réserve, sans rien garder po
1010
ien garder pour soi, au sommet, cesser simplement
d’
être. » Cette attitude, qui rejoint le détachement bouddhique, mais qu
1011
mais qui pourrait aussi manifester la rédemption
de
la passion par l’amour vrai, est décrite au somptueux chapitre intitu
1012
t décrite au somptueux chapitre intitulé Souffles
d’
un jour d’été. Il ne s’y passe rien qu’une longue conversation entre l
1013
au somptueux chapitre intitulé Souffles d’un jour
d’
été. Il ne s’y passe rien qu’une longue conversation entre le frère et
1014
e vert assombri des pelouses le fleuve silencieux
d’
une neige de fleurs. À ce point, la passion fait place à la présence,
1015
bri des pelouses le fleuve silencieux d’une neige
de
fleurs. À ce point, la passion fait place à la présence, la souffranc
1016
tre, qui eût été, selon certains, le couronnement
de
l’œuvre. Ainsi le Jardin clos de la présence mystique eût pris la pla
1017
le couronnement de l’œuvre. Ainsi le Jardin clos
de
la présence mystique eût pris la place de l’Ile de la passion mortell
1018
in clos de la présence mystique eût pris la place
de
l’Ile de la passion mortelle. Et le Voyage au Paradis de l’ancienne é
1019
e la présence mystique eût pris la place de l’Ile
de
la passion mortelle. Et le Voyage au Paradis de l’ancienne ébauche fû
1020
e de la passion mortelle. Et le Voyage au Paradis
de
l’ancienne ébauche fût devenu le « Voyage vers Dieu » auquel font all
1021
allusion plusieurs notes pour le livre. Au terme
d’
un périple romanesque où tous les thèmes constants de la passion sont
1022
n périple romanesque où tous les thèmes constants
de
la passion sont apparus et ont grandi l’un après l’autre, pour s’évan
1023
s îles dépassées, ce Jardin clos serait l’Ithaque
d’
une moderne Odyssée spirituelle. Mais cette présence heureuse dans l’a
1024
si un mystère plus prochain, une autre rédemption
de
l’éros par l’Agapè ? L’interdit fascinant de l’amour sororal n’aurait
1025
tion de l’éros par l’Agapè ? L’interdit fascinant
de
l’amour sororal n’aurait-il pas été le travesti — tout à fait inconsc
1026
avesti — tout à fait inconscient, j’en suis sûr —
d’
un amour trop réel pour oser dire son nom dans un roman ? L’amour heur
1027
e son nom dans un roman ? L’amour heureux n’a pas
d’
histoire, chacun sait cela depuis qu’on écrit des romans et qui passio
1028
eux de l’écrivain et du lecteur, que toute espèce
d’
inceste ou de passion maudite ? L’érotique du mariage est une terre in
1029
vain et du lecteur, que toute espèce d’inceste ou
de
passion maudite ? L’érotique du mariage est une terre inconnue pour l
1030
approchée plus que nul autre. Je signale au génie
de
demain ce précurseur considérable, que sa lucidité a seule retenu d’a
1031
seur considérable, que sa lucidité a seule retenu
d’
achever l’un des plus beaux romans de l’Europe de naguère. IVLa pas
1032
seule retenu d’achever l’un des plus beaux romans
de
l’Europe de naguère. IVLa passion Boris Pasternak Il résulte d’
1033
d’achever l’un des plus beaux romans de l’Europe
de
naguère. IVLa passion Boris Pasternak Il résulte d’une enquête
1034
re. IVLa passion Boris Pasternak Il résulte
d’
une enquête récente, conduite dans le public américain, que les préfér
1035
l’enquête, les conditions requises pour un succès
de
vente. En même temps paraissaient à New York deux romans écrits par d
1036
l’autre des sentiments et obsessions que bien peu
d’
hommes et moins encore de femmes ont pu vivre aux États-Unis ; l’un ra
1037
obsessions que bien peu d’hommes et moins encore
de
femmes ont pu vivre aux États-Unis ; l’un raillant cruellement le way
1038
cette fortune subite (réduisant à néant les dires
d’
experts) soit le seul trait commun aux deux ouvrages : elle m’en paraî
1039
trait commun aux deux ouvrages : elle m’en paraît
d’
autant plus surprenante. Je vois bien qu’on peut l’attribuer à des mot
1040
dentels et différents, scandale moral dans le cas
de
Lolita, manifestation politique dans le cas du Docteur Jivago. Mais c
1041
ne version américaine du « réalisme socialiste »,
d’
où l’amour-passion est exclu. Or je vois triompher dans ce même public
1042
je vois triompher dans ce même public deux romans
de
l’amour-passion. Dira-t-on qu’il s’agit d’un refoulement ? Ou simplem
1043
romans de l’amour-passion. Dira-t-on qu’il s’agit
d’
un refoulement ? Ou simplement que les questions posées suggéraient de
1044
du xxe siècle américain, nonobstant les progrès
de
l’éducation sexuelle et la préparation rationnelle au mariage dès les
1045
préparation rationnelle au mariage dès les bancs
de
l’école primaire. Cependant, l’attribution du prix Nobel ayant fait d
1046
u prix Nobel ayant fait du Docteur Jivago l’objet
d’
une polémique mondiale où l’URSS et l’Ouest s’affrontent une fois de p
1047
, d’ailleurs, qui ne sont pas dans ce livre, plus
d’
un lecteur sera sincèrement choqué de m’en voir parler comme d’un roma
1048
livre, plus d’un lecteur sera sincèrement choqué
de
m’en voir parler comme d’un roman d’amour. À vrai dire, ma thèse va p
1049
sera sincèrement choqué de m’en voir parler comme
d’
un roman d’amour. À vrai dire, ma thèse va plus loin : c’est « l’affai
1050
ement choqué de m’en voir parler comme d’un roman
d’
amour. À vrai dire, ma thèse va plus loin : c’est « l’affaire Pasterna
1051
oman lui-même, que j’interprète comme une affaire
d’
amour-passion. Voyons les faits. Pasternak écrit un énorme roman (dont
1052
e seulement sera publiée) décrivant les prodromes
de
la révolution russe, puis les luttes des années héroïques, jusqu’à la
1053
ie et rejette le glorieux confrère en le couvrant
d’
insultes officielles. Dans le concert mondial qui s’ensuit, hommages e
1054
hommages en Occident, outrages en URSS et lettres
de
cosaques zaporogues au Kremlin, tout est scandaleusement normal, jusq
1055
é qu’elles ne mettraient aucun obstacle au départ
de
l’écrivain — ce qui laissait prévoir un décret d’expulsion — Boris Pa
1056
de l’écrivain — ce qui laissait prévoir un décret
d’
expulsion — Boris Pasternak adresse au Maître de la Russie une lettre
1057
es deux phrases : « Le départ hors des frontières
de
ma patrie équivaudrait pour moi à la mort, et c’est pourquoi je vous
1058
moi à la mort, et c’est pourquoi je vous supplie
de
ne pas prendre à mon égard cette mesure extrême… J’insiste, la main s
1059
peuple. Comment comprendre cette démarche, venant
d’
un homme qu’on ne peut soupçonner de lâcheté ? Le peuple russe condamn
1060
arche, venant d’un homme qu’on ne peut soupçonner
de
lâcheté ? Le peuple russe condamne Pasternak pour avoir mal parlé des
1061
ait un acte politique, comme on a voulu le croire
de
part et d’autre. Sensible à la présence cachée d’une logique totaleme
1062
politique, comme on a voulu le croire de part et
d’
autre. Sensible à la présence cachée d’une logique totalement différen
1063
de part et d’autre. Sensible à la présence cachée
d’
une logique totalement différente de celle qui dicte normalement les p
1064
ésence cachée d’une logique totalement différente
de
celle qui dicte normalement les prises de position et gestes politiqu
1065
férente de celle qui dicte normalement les prises
de
position et gestes politiques, mais n’ayant encore lu, lorsque éclata
1066
it tout, y compris le reniement, à se voir séparé
de
l’objet de son amour, dût-il vivre auprès de lui dans un silence humi
1067
compris le reniement, à se voir séparé de l’objet
de
son amour, dût-il vivre auprès de lui dans un silence humilié et sans
1068
é et sans espoir. Mais quelle peut être la nature
de
cette « Iseut » inaccessible, dont il semble être le Tristan ? Et que
1069
e. Ils sont de nouveau séparés par les péripéties
de
la guerre civile. Finalement, le hasard les réunit dans une maison pe
1070
où Jivago se cache, traqué par la nouvelle police
d’
un régime qu’il a pourtant servi. On leur offre un moyen clandestin de
1071
pourtant servi. On leur offre un moyen clandestin
de
sortir de Russie : Jivago refuse. Lara lui est enlevée par un puissan
1072
ervi. On leur offre un moyen clandestin de sortir
de
Russie : Jivago refuse. Lara lui est enlevée par un puissant politici
1073
épouse sans amour une jeune fille qui s’occupait
de
son ménage, puis la quitte et meurt dans la foule. Inexplicablement r
1074
et va mourir en Sibérie. Ainsi, tous les moments
de
la Légende transparaissent et se recomposent l’un après l’autre, avec
1075
Tristan, depuis l’épiphanie grandiose et décisive
de
l’archétype de la passion, au xiie siècle. Écoutez-la, cette « vieil
1076
l’épiphanie grandiose et décisive de l’archétype
de
la passion, au xiie siècle. Écoutez-la, cette « vieille et grave mél
1077
dirons encore l’un à l’autre nos paroles secrètes
de
la nuit, grande et pacifique comme le nom de l’Océan d’Asie. Ce n’est
1078
ètes de la nuit, grande et pacifique comme le nom
de
l’Océan d’Asie. Ce n’est pas un hasard si tu es là, au terme de ma vi
1079
nuit, grande et pacifique comme le nom de l’Océan
d’
Asie. Ce n’est pas un hasard si tu es là, au terme de ma vie, mon ange
1080
sie. Ce n’est pas un hasard si tu es là, au terme
de
ma vie, mon ange secret, mon ange interdit, sous un ciel de guerres e
1081
mon ange secret, mon ange interdit, sous un ciel
de
guerres et d’insurrections ; il y a bien longtemps, au commencement d
1082
et, mon ange interdit, sous un ciel de guerres et
d’
insurrections ; il y a bien longtemps, au commencement de ma vie, sous
1083
rections ; il y a bien longtemps, au commencement
de
ma vie, sous le ciel paisible de mon enfance, tu es apparue de la mêm
1084
au commencement de ma vie, sous le ciel paisible
de
mon enfance, tu es apparue de la même manière… Souvent, plus tard, au
1085
us le ciel paisible de mon enfance, tu es apparue
de
la même manière… Souvent, plus tard, au cours de ma vie, j’ai tenté d
1086
ouvent, plus tard, au cours de ma vie, j’ai tenté
de
définir, de donner un nom au sortilège lumineux que tu avais jeté dan
1087
tard, au cours de ma vie, j’ai tenté de définir,
de
donner un nom au sortilège lumineux que tu avais jeté dans mon âme, à
1088
e avec mon existence même, qui est devenue la clé
de
toutes les portes du monde, grâce à toi. Une fois de plus, la passio
1089
monde : Jivago et Lara détestent « les principes
d’
un culte menteur de la société, transformé en politique ». Une fois de
1090
Lara détestent « les principes d’un culte menteur
de
la société, transformé en politique ». Une fois de plus, la passion s
1091
tre la société : Plus encore que leur communauté
d’
âme, l’abîme qui les séparait du monde les unissait. Tous deux avaient
1092
aversion pour tout ce que l’homme contemporain a
de
fatalement typique, pour son enthousiasme de commande, pour son empha
1093
in a de fatalement typique, pour son enthousiasme
de
commande, pour son emphase criarde… Ils faisaient exception… le souff
1094
hase criarde… Ils faisaient exception… le souffle
de
la passion se posait sur leur existence condamnée… Mais qui est Lara
1095
n la perdant, dit Jivago, « il perdrait sa raison
de
vivre et peut-être même la vie. » Exagération romantique ? Non, c’est
1096
gération romantique ? Non, c’est la vérité vitale
d’
un poète. « Depuis son enfance, il aimait la forêt lorsque le soir ell
1097
par le feu du couchant », et les scènes décisives
de
ce roman de poète sont toujours éclairées par le même soleil rouge so
1098
u couchant », et les scènes décisives de ce roman
de
poète sont toujours éclairées par le même soleil rouge sortant au bas
1099
ouge sortant au bas des nuages et rasant la forêt
de
ses derniers rayons. C’est cette image qui lui fait voir « dans la na
1100
ut le monde visible le visage immense et innocent
d’
une petite fille ». Mais voici l’aveu décisif ; et cette ambiguïté qu
1101
qui m’arrêtait (parlent-ils donc, ces romanciers,
d’
une société, d’un paysage de l’âme, ou d’une femme ?) se fond dans une
1102
(parlent-ils donc, ces romanciers, d’une société,
d’
un paysage de l’âme, ou d’une femme ?) se fond dans une identité lyriq
1103
donc, ces romanciers, d’une société, d’un paysage
de
l’âme, ou d’une femme ?) se fond dans une identité lyrique : Au fait
1104
anciers, d’une société, d’un paysage de l’âme, ou
d’
une femme ?) se fond dans une identité lyrique : Au fait, qu’était-el
1105
vait toujours une réponse prête. C’est une soirée
de
printemps. L’air est tout piqué de sons. Les voix des enfants qui jou
1106
est une soirée de printemps. L’air est tout piqué
de
sons. Les voix des enfants qui jouent sont éparpillées un peu partout
1107
out comme pour montrer que l’espace est palpitant
de
vie. Et ce lointain, c’est la Russie, cette mère glorieuse, incompara
1108
is sublimes et tragiques ! Oh ! comme il est doux
d’
exister. Comme il est doux de vivre sur la terre et d’aimer la vie ! O
1109
! comme il est doux d’exister. Comme il est doux
de
vivre sur la terre et d’aimer la vie ! Oh ! comme l’on voudrait dire
1110
ister. Comme il est doux de vivre sur la terre et
d’
aimer la vie ! Oh ! comme l’on voudrait dire merci à la vie même, à l’
1111
et la parole offertes en don aux principes muets
de
l’existence. Dès cet instant, dès cet aveu, dès que l’identité de La
1112
Dès cet instant, dès cet aveu, dès que l’identité
de
Lara et de la Russie est expressément déclarée, tout s’éclaire de ce
1113
tant, dès cet aveu, dès que l’identité de Lara et
de
la Russie est expressément déclarée, tout s’éclaire de ce qui vient d
1114
Russie est expressément déclarée, tout s’éclaire
de
ce qui vient de se passer dans la vie de Boris Pasternak. Sa lettre a
1115
’éclaire de ce qui vient de se passer dans la vie
de
Boris Pasternak. Sa lettre au Maître du Kremlin, nous en lisons les t
1116
ant qui a su détourner à son profit le Pouvoir né
de
la révolution et qui va confisquer Lara) offre l’exil à Jivago. Ce de
1117
Ce dernier lui répond, sans motiver son refus : «
De
mon départ, il ne saurait être question. » Mais il ajoute un peu plus
1118
t me traîner humblement à vos pieds pour recevoir
de
vos mains Lara, la vie, le moyen de retrouver ma famille, le salut… L
1119
pour recevoir de vos mains Lara, la vie, le moyen
de
retrouver ma famille, le salut… La nouvelle que vous m’annoncez m’aba
1120
seule chose que je puisse faire maintenant, c’est
de
vous approuver machinalement et de m’en remettre à vous aveuglément.
1121
ntenant, c’est de vous approuver machinalement et
de
m’en remettre à vous aveuglément. Ainsi, pour le bien de Lara, je vai
1122
remettre à vous aveuglément. Ainsi, pour le bien
de
Lara, je vais jouer la comédie… VPassion et société Toute pass
1123
VPassion et société Toute passion se nourrit
de
négation, parce qu’elle assume et souffre l’exception, au sens kierke
1124
tout ce qui règle officiellement la vie sociale.
D’
où la présence continuelle, dans nos trois romans tristaniens, de la S
1125
e continuelle, dans nos trois romans tristaniens,
de
la Société et de ses conventions ; d’où la critique mordante à laquel
1126
ns nos trois romans tristaniens, de la Société et
de
ses conventions ; d’où la critique mordante à laquelle les soumet le
1127
ristaniens, de la Société et de ses conventions ;
d’
où la critique mordante à laquelle les soumet le héros, parlant pour l
1128
arlant pour l’auteur : cette critique fait partie
de
la justification de la passion, bien plus qu’elle ne relève d’un syst
1129
: cette critique fait partie de la justification
de
la passion, bien plus qu’elle ne relève d’un système politique ou soc
1130
cation de la passion, bien plus qu’elle ne relève
d’
un système politique ou social différent ; en d’autres termes, l’hosti
1131
insi, Tristan, modèle du chevalier, est contraint
de
violer le sacré féodal, devient traître et félon et se voit exilé de
1132
féodal, devient traître et félon et se voit exilé
de
la communauté des preux, non point parce qu’il approuve quelque nouve
1133
approuve quelque nouvelle doctrine annonciatrice
de
subversions sociales — comme il n’en manquait pas au xiie siècle — m
1134
ie siècle — mais parce qu’il est devenu la proie
d’
un pouvoir beaucoup plus absolu : l’état de passion. J’ai montré dans
1135
proie d’un pouvoir beaucoup plus absolu : l’état
de
passion. J’ai montré dans L’Amour et l’Occident comment cet état pr
1136
le, qu’on attribue donc au Destin. (Mes citations
de
Musil ont illustré ce point.) C’est l’état de passion qu’on aime d’ab
1137
ons de Musil ont illustré ce point.) C’est l’état
de
passion qu’on aime d’abord, en soi, plutôt qu’Iseut l’inaccessible. C
1138
les excite à une loquacité intarissable — lettres
d’
amour, traités mystiques — et procédant généralement par antithèses et
1139
tithèses et paradoxes. Car on n’aura jamais assez
de
mots et de métaphores, et de clichés réinventés, et de symboles entre
1140
paradoxes. Car on n’aura jamais assez de mots et
de
métaphores, et de clichés réinventés, et de symboles entrecroisés pou
1141
n’aura jamais assez de mots et de métaphores, et
de
clichés réinventés, et de symboles entrecroisés pour tenter de cerner
1142
ts et de métaphores, et de clichés réinventés, et
de
symboles entrecroisés pour tenter de cerner cet indicible qu’on voudr
1143
inventés, et de symboles entrecroisés pour tenter
de
cerner cet indicible qu’on voudrait mais qu’on ne peut communiquer. D
1144
le qu’on voudrait mais qu’on ne peut communiquer.
De
là que la forme de passion la plus commune, parce que la mieux commun
1145
ais qu’on ne peut communiquer. De là que la forme
de
passion la plus commune, parce que la mieux communicable, soit celle
1146
nce entre un désir sexuel et l’état d’âme, l’état
d’
être amoureux. La passion amoureuse est, de toutes, celle qui se prête
1147
l’état d’être amoureux. La passion amoureuse est,
de
toutes, celle qui se prête le mieux au récit. La sexualité pure et l’
1148
acte, et leur description ennuie vite. La passion
de
l’Éros est vraie d’abord en rêve, et n’existe peut-être jamais mieux
1149
te peut-être jamais mieux que dans l’élan lyrique
de
son récit. Lié plus que tout autre à la littérature par une complici
1150
ue tout autre à la littérature par une complicité
d’
origine et d’essence, l’amour-passion, nous l’avons vu, n’est guère mo
1151
à la littérature par une complicité d’origine et
d’
essence, l’amour-passion, nous l’avons vu, n’est guère moins dépendant
1152
ion, nous l’avons vu, n’est guère moins dépendant
de
cette société qu’il récuse : c’est elle qui lui a fourni, jusqu’à nos
1153
érique contemporaine, certaines modes littéraires
de
l’époque 1900, permettent à un Nabokov, à un Musil, d’aller dans leur
1154
époque 1900, permettent à un Nabokov, à un Musil,
d’
aller dans leurs romans jusqu’au point périlleux où le scandale reste
1155
e efficace tandis que la censure hésite. Le Roman
de
Tristan n’apparut dans l’histoire qu’au temps où la réforme grégorien
1156
lement l’hérésie du Midi, mais l’élite culturelle
de
l’Europe. Ainsi, le roman de Pasternak ne vint au jour qu’au lendemai
1157
s l’élite culturelle de l’Europe. Ainsi, le roman
de
Pasternak ne vint au jour qu’au lendemain du « dégel » soviétique : r
1158
le roman trouve les meilleures chances à la fois
de
se déclarer et de propager sa contagion. Il y a plus. La nature des i
1159
es meilleures chances à la fois de se déclarer et
de
propager sa contagion. Il y a plus. La nature des interdits sociaux d
1160
étermine le niveau psychologique et le style même
d’
un roman. Le Docteur Jivago, par exemple, est de beaucoup le plus trad
1161
e d’un roman. Le Docteur Jivago, par exemple, est
de
beaucoup le plus traditionnel des trois romans qu’on vient de considé
1162
trois romans qu’on vient de considérer. L’ouvrage
de
Musil, au contraire, déploie tant de raffinements formels, intellectu
1163
urrait intégrer dans la littérature les démarches
de
la science et de la psychologie les plus récentes. C’est que la natur
1164
ans la littérature les démarches de la science et
de
la psychologie les plus récentes. C’est que la nature des obstacles d
1165
ssus est-il irréversible ? Fait-il prévoir la fin
d’
un genre, qui serait aussi la fin de cette forme de passion dont la li
1166
révoir la fin d’un genre, qui serait aussi la fin
de
cette forme de passion dont la littérature entretenait le culte ? Que
1167
’un genre, qui serait aussi la fin de cette forme
de
passion dont la littérature entretenait le culte ? Quels tabous subsi
1168
re entretenait le culte ? Quels tabous subsistant
de
nos jours pourraient-ils encore provoquer les épiphanies romanesques
1169
t-ils encore provoquer les épiphanies romanesques
de
Tristan et de l’amour-passion ? Le totalitarisme soviétique et le con
1170
rovoquer les épiphanies romanesques de Tristan et
de
l’amour-passion ? Le totalitarisme soviétique et le conformisme des m
1171
et le conformisme des mœurs dans les démocraties
de
l’Occident ne sont plus défendus sans scrupules par les élites des de
1172
lus condamnée, mais simplement soignée, aux frais
de
la Sécurité sociale. Quel génie saura-t-il déjouer ce plan d’asepsie
1173
té sociale. Quel génie saura-t-il déjouer ce plan
d’
asepsie spirituelle ? Mais j’imagine parfois d’autres obstacles, plus
1174
t vrai que l’Autre en tant que tel reste aux yeux
d’
un amour exigeant le mystère le mieux défendu, — Éros et Agapè ne pour
1175
u nul tabou ne vient symboliser, pour les besoins
de
la fable et la commodité du romancier, l’essence même de l’obstacle e
1176
able et la commodité du romancier, l’essence même
de
l’obstacle excitant, celui qui ne dépendra jamais que de l’être même
1177
stacle excitant, celui qui ne dépendra jamais que
de
l’être même : l’autonomie de la personne aimée, son étrangeté fascina
1178
dépendra jamais que de l’être même : l’autonomie
de
la personne aimée, son étrangeté fascinante ?6 16. On sait que Mu
1179
graphique » du livre évoque une parodie du voyage
de
Nils Holgersson à travers la Suède. 18. D’une manière implicite ou v
1180
oyage de Nils Holgersson à travers la Suède. 18.
D’
une manière implicite ou voilée dans Béroul et Thomas, explicite et ag
1181
érique). N’importe qui peut imaginer ces éléments
d’
animalité. C’est une plus grande entreprise qui me tente : fixer une f
1182
finissait le génie. La belle traduction française
de
Philippe Jaccottet s’intitule : L’Homme sans qualités. 21. Ailleurs,
1183
urs, Musil revient sur ce thème : « Un partenaire
de
valeur inégale déséquilibre l’amour ; seulement, il faudrait ajouter
1184
n déséquilibre du sentiment qui entraîne le choix
d’
un tel objet. » Voir ma remarque sur le cercle vicieux de Lolita.
1185
l objet. » Voir ma remarque sur le cercle vicieux
de
Lolita.
1186
rinces danois Kierkegaard et Hamlet La carrière
de
Søren Kierkegaard s’est déroulée en une douzaine d’années comme un dr
1187
Søren Kierkegaard s’est déroulée en une douzaine
d’
années comme un drame unique, intense, inexorablement motivé à chaque
1188
, intense, inexorablement motivé à chaque instant
de
son progrès. Sa première œuvre importante, L’Alternative, parut en 18
1189
sure qu’il se fit mieux comprendre, dans la suite
de
ses ouvrages composés et publiés au rythme accéléré de trois ou quatr
1190
s ouvrages composés et publiés au rythme accéléré
de
trois ou quatre volumes par an, le public s’écarta, effrayé. Et, lors
1191
s’écarta, effrayé. Et, lorsqu’en 1854 il attaqua
de
front le christianisme officiel et les évêques, qui avaient loué ses
1192
ute l’opinion, il s’effondra dans la rue au cours
d’
une promenade. On le transporta dans un hôpital où il mourut en quelqu
1193
un hôpital où il mourut en quelques semaines, âgé
de
42 ans. Le seul événement extérieur de ce drame fut la rupture de ses
1194
aines, âgé de 42 ans. Le seul événement extérieur
de
ce drame fut la rupture de ses fiançailles avec Régine Olsen, crise i
1195
ul événement extérieur de ce drame fut la rupture
de
ses fiançailles avec Régine Olsen, crise initiale qui libéra le jaill
1196
Olsen, crise initiale qui libéra le jaillissement
de
toute son œuvre. Mais l’acte que cette œuvre préparait, cet acte aprè
1197
ce Hamlet — autre Danois — il put mourir, certain
d’
avoir accompli sa mission, ce fut son attaque contre le christianisme
1198
eudonymes symboliques. Il qualifiait ces ouvrages
de
« communications indirectes » ; et ces pseudonymes figuraient les per
1199
s » ; et ces pseudonymes figuraient les personnes
d’
un drame dont lui seul détenait la clé. Ce ne fut qu’à la fin de sa vi
1200
t lui seul détenait la clé. Ce ne fut qu’à la fin
de
sa vie qu’il s’offrit sans masque à la lutte, au cours de la polémiqu
1201
ve qui devait le mener à la mort. Ainsi, le drame
de
Kierkegaard fut typiquement celui d’une vocation. Toute son intrigue
1202
si, le drame de Kierkegaard fut typiquement celui
d’
une vocation. Toute son intrigue consiste dans le dévoilement progress
1203
onsiste dans le dévoilement progressif du sens et
de
la fin de cette vocation, secrètement orientée, dès le début, vers un
1204
ns le dévoilement progressif du sens et de la fin
de
cette vocation, secrètement orientée, dès le début, vers une action u
1205
saut final, l’accomplissement, que le héros paie
de
sa vie. Or il existe, dans la littérature occidentale, un prototype d
1206
te, dans la littérature occidentale, un prototype
de
cette action tragique, une pièce célèbre dont il nous apparaît que la
1207
et le progrès même présentent avec la biographie
de
Kierkegaard les plus frappantes analogies. Sans nous attarder sur la
1208
s. Sans nous attarder sur la coïncidence qui fait
d’
Hamlet un prince danois — et l’on peut rêver là-dessus — rappelons d’a
1209
nous suggèrent un parallèle possible. L’histoire
d’
Hamlet peut se résumer ainsi : un jeune homme profondément mélancoliqu
1210
, qu’il ne peut révéler qu’indirectement, l’isole
de
ses semblables, l’oblige à rompre ses fiançailles avec la très jeune
1211
voit contraint, par des circonstances fortuites,
de
réaliser l’acte unique devant lequel il balançait. Il tue l’usurpateu
1212
ncolie, secret qu’il faut garder tout en essayant
de
le faire deviner, rupture des fiançailles, enfin dénonciation éclatan
1213
ure des fiançailles, enfin dénonciation éclatante
d’
une usurpation que tout le monde s’accordait à passer sous silence : c
1214
nde s’accordait à passer sous silence : ce résumé
d’
Hamlet ne vaut-il pas identiquement comme résumé de la biographie de K
1215
’Hamlet ne vaut-il pas identiquement comme résumé
de
la biographie de Kierkegaard ? Il reste à voir s’il est possible de p
1216
l pas identiquement comme résumé de la biographie
de
Kierkegaard ? Il reste à voir s’il est possible de pousser ce parallè
1217
e Kierkegaard ? Il reste à voir s’il est possible
de
pousser ce parallèle beaucoup plus loin dans le détail. Ce serait peu
1218
dans le détail. Ce serait peut-être un bon moyen
d’
illustrer à la fois la pensée et la vie de Kierkegaard et, d’une maniè
1219
n moyen d’illustrer à la fois la pensée et la vie
de
Kierkegaard et, d’une manière générale, ce que l’on pourrait nommer l
1220
à la fois la pensée et la vie de Kierkegaard et,
d’
une manière générale, ce que l’on pourrait nommer les lois ou la psych
1221
e l’on pourrait nommer les lois ou la psychologie
d’
une vocation. Considérons d’abord le caractère des deux héros, l’un fi
1222
, jeune prince royal, est un intellectuel. Il n’a
d’
autre désir que de retourner à l’Université de Wittenberg, pour s’y li
1223
al, est un intellectuel. Il n’a d’autre désir que
de
retourner à l’Université de Wittenberg, pour s’y livrer à la philosop
1224
n’a d’autre désir que de retourner à l’Université
de
Wittenberg, pour s’y livrer à la philosophie. S’il demeure à la cour,
1225
cour, c’est uniquement par obéissance aux désirs
de
sa mère. Il ne peut prendre son parti de la commune condition humaine
1226
x désirs de sa mère. Il ne peut prendre son parti
de
la commune condition humaine. Une incurable mélancolie le possède et
1227
lancolie le possède et lui fait trouver les biens
de
ce monde « fastidieux, usés et vulgaires ». Le suicide le tente. Mais
1228
éussit à masquer cette mélancolie sous des dehors
d’
une gaieté sarcastique, d’un esprit pétulant, prompt à l’ironie et aux
1229
ancolie sous des dehors d’une gaieté sarcastique,
d’
un esprit pétulant, prompt à l’ironie et aux métaphores baroques. Voyo
1230
i aussi se sent un prince. « Il y a quelque chose
de
royal dans mon être », fait-il dire à l’un de ses pseudonymes. Lui au
1231
ose de royal dans mon être », fait-il dire à l’un
de
ses pseudonymes. Lui aussi voudrait « retourner à Wittenberg », c’est
1232
s’abandonner à son génie dialectique, aux projets
de
poète et de philosophe qu’il avait conçus pendant son séjour à l’Acad
1233
à son génie dialectique, aux projets de poète et
de
philosophe qu’il avait conçus pendant son séjour à l’Académie de Berl
1234
u’il avait conçus pendant son séjour à l’Académie
de
Berlin ; mais il se résout à passer simplement son examen de théologi
1235
mais il se résout à passer simplement son examen
de
théologie, par obéissance aux désirs de son père. Et surtout, lui aus
1236
on examen de théologie, par obéissance aux désirs
de
son père. Et surtout, lui aussi se sait la victime d’une sorte de neu
1237
on père. Et surtout, lui aussi se sait la victime
d’
une sorte de neurasthénie : « J’ai vécu dès mes jeunes années sous l’e
1238
surtout, lui aussi se sait la victime d’une sorte
de
neurasthénie : « J’ai vécu dès mes jeunes années sous l’empire d’une
1239
: « J’ai vécu dès mes jeunes années sous l’empire
d’
une immense mélancolie, dont la profondeur n’a d’égale que ma faculté
1240
d’une immense mélancolie, dont la profondeur n’a
d’
égale que ma faculté de la dissimuler sous des apparences de gaieté. »
1241
ie, dont la profondeur n’a d’égale que ma faculté
de
la dissimuler sous des apparences de gaieté. » Ou encore : « J’étais
1242
e ma faculté de la dissimuler sous des apparences
de
gaieté. » Ou encore : « J’étais armé d’une foi presque téméraire en m
1243
pparences de gaieté. » Ou encore : « J’étais armé
d’
une foi presque téméraire en ma capacité de pouvoir toutes choses, sau
1244
s armé d’une foi presque téméraire en ma capacité
de
pouvoir toutes choses, sauf une : devenir un oiseau libre, ne fût-ce
1245
re, ne fût-ce qu’un seul jour, rompre les chaînes
de
la mélancolie, où une autre puissance me retenait. » Cette dispositio
1246
de la vivre réellement ; mais, quoique prisonnier
de
son tourment, il a reçu « la liberté illimitée de pouvoir donner le c
1247
de son tourment, il a reçu « la liberté illimitée
de
pouvoir donner le change ». Voici donc Hamlet tel que nous le décrive
1248
e nous le décrivent les premières scènes du drame
de
Shakespeare, et Kierkegaard tel qu’il se montre dans son premier ouvr
1249
L’Alternative : deux princes vraiment, deux êtres
d’
exception, pleins de hardiesse et de fierté, mais inaptes à la vie com
1250
princes vraiment, deux êtres d’exception, pleins
de
hardiesse et de fierté, mais inaptes à la vie commune, à cause d’une
1251
t, deux êtres d’exception, pleins de hardiesse et
de
fierté, mais inaptes à la vie commune, à cause d’une mystérieuse méla
1252
de fierté, mais inaptes à la vie commune, à cause
d’
une mystérieuse mélancolie qu’ils dissimulent sous un masque ironique.
1253
ue leur nature psychologique, à devenir des êtres
d’
exception. Hamlet reçoit sa mission de son père, qui lui apparaît sous
1254
r des êtres d’exception. Hamlet reçoit sa mission
de
son père, qui lui apparaît sous la forme d’un spectre. Assassiné, dit
1255
ssion de son père, qui lui apparaît sous la forme
d’
un spectre. Assassiné, dit-il, par le roi actuel, qui n’est donc qu’un
1256
st donc qu’un usurpateur, le père ordonne au fils
de
le venger. Hamlet revient vers ses compagnons, qui assistaient de loi
1257
mlet revient vers ses compagnons, qui assistaient
de
loin à la scène, et leur fait jurer par trois fois de garder le secre
1258
oin à la scène, et leur fait jurer par trois fois
de
garder le secret sur cette révélation. Kierkegaard, lui aussi, reçut
1259
d, lui aussi, reçut dès sa jeunesse communication
d’
un secret, auquel il se réfère souvent, mais dont il n’a jamais expliq
1260
mémoire de son père. Il qualifie cette révélation
de
« grand tremblement de terre » dans sa vie. C’est bien ainsi qu’Hamle
1261
qualifie cette révélation de « grand tremblement
de
terre » dans sa vie. C’est bien ainsi qu’Hamlet pourrait parler de la
1262
a vie. C’est bien ainsi qu’Hamlet pourrait parler
de
la scène du spectre. Et, d’autre part, c’est l’influence de son père
1263
e du spectre. Et, d’autre part, c’est l’influence
de
son père qui ouvrit les yeux de Kierkegaard sur l’absolu du christian
1264
c’est l’influence de son père qui ouvrit les yeux
de
Kierkegaard sur l’absolu du christianisme véritable et lui permit de
1265
l’absolu du christianisme véritable et lui permit
de
découvrir cette vérité terrible : le prétendu christianisme des temps
1266
ament que le salon du petit-bourgeois ou la salle
de
jeu des enfants aux décisions les plus terribles de la réalité la plu
1267
jeu des enfants aux décisions les plus terribles
de
la réalité la plus cruelle ». Nous avons dénaturé le christianisme, n
1268
stianisme, nous l’avons pris à bon marché, au Heu
de
nous en reconnaître indignes et d’avouer que nous refusons d’en payer
1269
marché, au Heu de nous en reconnaître indignes et
d’
avouer que nous refusons d’en payer le prix. C’est là, dit Kierkegaard
1270
econnaître indignes et d’avouer que nous refusons
d’
en payer le prix. C’est là, dit Kierkegaard, « un crime de lèse-majest
1271
er le prix. C’est là, dit Kierkegaard, « un crime
de
lèse-majesté qualifié ». Il y a donc usurpation. Le christianisme off
1272
l y a donc usurpation. Le christianisme officiel,
de
nos jours, joue de la sorte, aux yeux de Kierkegaard, le même rôle qu
1273
on. Le christianisme officiel, de nos jours, joue
de
la sorte, aux yeux de Kierkegaard, le même rôle que le roi Claudius a
1274
egaard, le même rôle que le roi Claudius aux yeux
d’
Hamlet. Seulement, tandis que le roi Claudius avait séduit la reine, c
1275
que le roi Claudius avait séduit la reine, c’est
de
l’Église qu’abuse la doctrine édulcorée que la foule, aujourd’hui, pr
1276
té. Et Kierkegaard pressent sa vocation, qui sera
de
dénoncer l’usurpation religieuse, afin de rétablir dans sa pureté pre
1277
tablir dans sa pureté première l’exigence absolue
de
l’Évangile. La tâche apparaît surhumaine. Et nous voyons les deux hér
1278
ster ! », s’écrie Hamlet. Et Kierkegaard ne cesse
de
répéter sur tous les tons la même idée : il est né pour forcer notre
1279
ien et, sinon à lui obéir, tout au moins à cesser
de
se dire chrétienne « à bon marché ». Tous les deux pensent qu’« il y
1280
. Tous les deux pensent qu’« il y a quelque chose
de
pourri dans le royaume de Danemark » et que leur destin sera de dénon
1281
’« il y a quelque chose de pourri dans le royaume
de
Danemark » et que leur destin sera de dénoncer cette situation, advie
1282
le royaume de Danemark » et que leur destin sera
de
dénoncer cette situation, advienne que pourra… Les caractères étant d
1283
s le début du drame, voyons maintenant le progrès
de
l’action. Il faut relever d’abord le rôle que joue le secret dans les
1284
ttentif, toutefois sans trahir l’intention réelle
de
son œuvre. Kierkegaard dresse ses plans en conséquence. Il publiera d
1285
paradoxaux, apparemment cyniques, et tous signés
de
divers pseudonymes. Le message chrétien, qui lui importe seul, y sera
1286
a toujours présent, mais soigneusement dissimulé.
De
la sorte, il attirera le public et l’amènera à son insu au point le p
1287
lle qu’Hamlet dresse un plan analogue. Il imagine
de
faire jouer devant la cour une pantomime représentant l’assassinat de
1288
t la cour une pantomime représentant l’assassinat
de
son père et l’usurpation. « Cette représentation, dit-il, est le moye
1289
s.) Mais à ce jeu ils risquent gros. Ils risquent
de
créer les pires malentendus. Et ils risquent aussi leur bonheur. Ici,
1290
nheur, la pleine participation à la vie, le signe
de
l’accession à la commune condition humaine, c’est à leurs yeux la fem
1291
le mariage. Or tous les deux se voient contraints
d’
y renoncer, à cause de leur mission, de leur secret — peut-être aussi
1292
contraints d’y renoncer, à cause de leur mission,
de
leur secret — peut-être aussi à cause de leur nature profondément mél
1293
ux cas. Kierkegaard s’est expliqué sur la rupture
de
ses fiançailles avec Régine. Il s’est expliqué, peut-on dire, dans to
1294
ble, qui sont en réalité le récit à peine déguisé
de
ses fiançailles et l’analyse interminable des motifs de la rupture. S
1295
fiançailles et l’analyse interminable des motifs
de
la rupture. Shakespeare, au contraire, ne motive guère l’attitude d’H
1296
espeare, au contraire, ne motive guère l’attitude
d’
Hamlet à l’égard d’Ophélia. Ici, c’est l’exemple vécu de Kierkegaard q
1297
et à l’égard d’Ophélia. Ici, c’est l’exemple vécu
de
Kierkegaard qui nous aide à comprendre Hamlet. Kierkegaard aime Régin
1298
ndre Hamlet. Kierkegaard aime Régine, jeune fille
de
17 ans et il en est aimé. Mais il a son secret ambigu, le secret de s
1299
est aimé. Mais il a son secret ambigu, le secret
de
sa vocation et celui de sa mélancolie. Or il comprend bientôt que le
1300
secret ambigu, le secret de sa vocation et celui
de
sa mélancolie. Or il comprend bientôt que le secret serait trop lourd
1301
elle tenterait simplement, s’il le lui révélait,
de
ramener son fiancé à une vue plus bourgeoise de l’existence et de la
1302
, de ramener son fiancé à une vue plus bourgeoise
de
l’existence et de la religion. Elle minerait son courage, déprimerait
1303
iancé à une vue plus bourgeoise de l’existence et
de
la religion. Elle minerait son courage, déprimerait sa résolution et
1304
deviendrait le pire obstacle intime à l’exercice
de
son étrange vocation. Peut-on se marier si l’on veut être un témoin d
1305
on. Peut-on se marier si l’on veut être un témoin
de
la vérité ? Un soldat à la frontière devrait-il être marié ? se deman
1306
lui, qui se bat aux avant-postes, aux frontières
de
l’esprit ? D’autre part, il redoute d’initier sa fiancée à l’« esclav
1307
frontières de l’esprit ? D’autre part, il redoute
d’
initier sa fiancée à l’« esclavage de la mélancolie » : il ne se sent
1308
, il redoute d’initier sa fiancée à l’« esclavage
de
la mélancolie » : il ne se sent pas le droit de troubler cette enfant
1309
e de la mélancolie » : il ne se sent pas le droit
de
troubler cette enfant, de l’entraîner dans des tourments auxquels lui
1310
ne se sent pas le droit de troubler cette enfant,
de
l’entraîner dans des tourments auxquels lui-même risque parfois de su
1311
ns des tourments auxquels lui-même risque parfois
de
succomber. « Qui peut comprendre, écrit-il, cette contradiction de la
1312
ui peut comprendre, écrit-il, cette contradiction
de
la douleur : ne point se révéler et faire mourir l’amour ; se révéler
1313
révéler et faire mourir l’aimée ? » S’il choisit
d’
être la victime, une seule issue lui reste ouverte : rompre avec la je
1314
sans lui laisser soupçonner un instant la nature
de
son double secret ; et pour cela faire croire à sa fiancée qu’il ne l
1315
plus. On sait la comédie que Kierkegaard s’imposa
de
jouer devant Régine. Il se peint à ses yeux comme une sorte de roué,
1316
nt Régine. Il se peint à ses yeux comme une sorte
de
roué, de séducteur cynique, qui a peut-être de graves méfaits sur la
1317
. Il se peint à ses yeux comme une sorte de roué,
de
séducteur cynique, qui a peut-être de graves méfaits sur la conscienc
1318
te de roué, de séducteur cynique, qui a peut-être
de
graves méfaits sur la conscience et qui renonce au mariage pour mieux
1319
cience et qui renonce au mariage pour mieux jouir
de
sa vie de garçon. Il a des mots atroces lors de leur séparation : « E
1320
qui renonce au mariage pour mieux jouir de sa vie
de
garçon. Il a des mots atroces lors de leur séparation : « Elle me dem
1321
Je répondis : « Oui, dans dix ans, quand » le feu
de
la jeunesse sera passé : il me faudra une » demoiselle au sang frais
1322
nuit. « Mais le lendemain, écrit-il, je fus comme
d’
ordinaire, et même plus pétillant d’esprit que jamais : c’était nécess
1323
je fus comme d’ordinaire, et même plus pétillant
d’
esprit que jamais : c’était nécessaire… » Il me semble que cette condu
1324
é plus douloureuse que scandaleuse, ne manque pas
d’
analogies précises avec la conduite d’Hamlet devant cette autre enfant
1325
manque pas d’analogies précises avec la conduite
d’
Hamlet devant cette autre enfant qu’est Ophélia. Hamlet a compris lui
1326
a compris lui aussi que l’amour spontané et naïf
d’
Ophélia ferait obstacle à ses desseins secrets. C’est à lui que pensai
1327
ut théorique qu’il imagine : « Je vois que l’idée
de
mon existence fait naufrage sur cette jeune fille, ergo la jeune fill
1328
cruel, mais c’est pour être tendre… » Il convient
de
marquer ici, en toute justice, une différence profonde entre Kierkega
1329
catastrophe dans Hamlet : c’est un simple assaut
de
fleuret. Seulement, le fleuret de Laerte est empoisonné : le duel spo
1330
n simple assaut de fleuret. Seulement, le fleuret
de
Laerte est empoisonné : le duel sportif tourne au duel à mort. Blessé
1331
le roi. Quel fut, chez Kierkegaard, l’équivalent
de
ce sommet du drame, ou de cette « chute » tragique ? Un incident mini
1332
erkegaard, l’équivalent de ce sommet du drame, ou
de
cette « chute » tragique ? Un incident minime, une simple phrase, et
1333
discours très officiel. L’évêque Mynster, primat
de
l’Église danoise, venait de mourir. Et le professeur Martensen, prono
1334
unèbre, crut devoir saluer sa mémoire comme celle
d’
un « vrai témoin de la vérité ». Dans cette phrase était le poison, po
1335
saluer sa mémoire comme celle d’un « vrai témoin
de
la vérité ». Dans cette phrase était le poison, pour Kierkegaard. Car
1336
erkegaard. Car toute son œuvre, toute sa carrière
d’
auteur n’avait eu d’autre sens, à ses yeux, que de rétablir dans sa pu
1337
son œuvre, toute sa carrière d’auteur n’avait eu
d’
autre sens, à ses yeux, que de rétablir dans sa pureté apostolique le
1338
d’auteur n’avait eu d’autre sens, à ses yeux, que
de
rétablir dans sa pureté apostolique le concept de témoin de la vérité
1339
de rétablir dans sa pureté apostolique le concept
de
témoin de la vérité, c’est-à-dire pratiquement de martyr. Or l’évêque
1340
r dans sa pureté apostolique le concept de témoin
de
la vérité, c’est-à-dire pratiquement de martyr. Or l’évêque Mynster a
1341
de témoin de la vérité, c’est-à-dire pratiquement
de
martyr. Or l’évêque Mynster avait été un grand prélat, chargé de titr
1342
’évêque Mynster avait été un grand prélat, chargé
de
titres et d’honneurs, un fin lettré, un humaniste, un homme comblé de
1343
er avait été un grand prélat, chargé de titres et
d’
honneurs, un fin lettré, un humaniste, un homme comblé des biens de ce
1344
n lettré, un humaniste, un homme comblé des biens
de
ce monde. L’appeler témoin de la vérité, c’était commettre à l’égard
1345
me comblé des biens de ce monde. L’appeler témoin
de
la vérité, c’était commettre à l’égard de l’absolu chrétien le crime
1346
commettre à l’égard de l’absolu chrétien le crime
de
lèse-majesté qualifié, c’était se moquer de l’Évangile, c’était recon
1347
crime de lèse-majesté qualifié, c’était se moquer
de
l’Évangile, c’était reconnaître et sanctionner l’usurpation. Kierkega
1348
encore, ce qui aurait pu rester un simple assaut
de
fleuret, une polémique comme une autre, tourna soudain au duel à mort
1349
ort. Kierkegaard écrivit immédiatement un article
d’
une extrême violence. Il attendit des mois avant de le publier, il att
1350
rtelle, aussi « exagérée » que peut l’être l’élan
d’
un combattant qui joue sa vie sur un seul coup. Voici un extrait de ce
1351
ui joue sa vie sur un seul coup. Voici un extrait
de
cet article : Un témoin de la vérité, c’est un homme dont la vie est
1352
oup. Voici un extrait de cet article : Un témoin
de
la vérité, c’est un homme dont la vie est, du commencement à la fin,
1353
ommencement à la fin, familière avec toute espèce
de
souffrance — avec les luttes intérieures, avec la crainte et le tremb
1354
, les frémissements, les scrupules, les angoisses
de
l’âme, les tourments de l’esprit et, de plus, toutes les souffrances
1355
scrupules, les angoisses de l’âme, les tourments
de
l’esprit et, de plus, toutes les souffrances dont on parle généraleme
1356
nt on parle généralement dans le monde. Un témoin
de
la vérité, c’est un homme qui témoigne dans le dénuement, dans la mis
1357
c’est un homme qui est flagellé, torturé, traîné
de
prison en prison, et puis enfin — car c’est bien d’un véritable témoi
1358
prison en prison, et puis enfin — car c’est bien
d’
un véritable témoin de la vérité que nous parle le professeur Martense
1359
puis enfin — car c’est bien d’un véritable témoin
de
la vérité que nous parle le professeur Martensen — et puis enfin cruc
1360
ndroit écarté, sans être enterré. Voilà un témoin
de
la vérité, sa vie et son existence, sa mort et son enterrement — et l
1361
le professeur Martensen, fut un des vrais témoins
de
la vérité. En vérité, il y a quelque chose de plus contraire au chris
1362
elle hérésie ou n’importe quel schisme — et c’est
de
jouer au christianisme, d’en écarter les dangers et de jouer ensuite
1363
uel schisme — et c’est de jouer au christianisme,
d’
en écarter les dangers et de jouer ensuite au jeu que l’évêque Mynster
1364
uer au christianisme, d’en écarter les dangers et
de
jouer ensuite au jeu que l’évêque Mynster était un témoin de la vérit
1365
suite au jeu que l’évêque Mynster était un témoin
de
la vérité. Une polémique furieuse s’éleva de toutes parts. L’opinion
1366
arts. L’opinion danoise et scandinave fut secouée
d’
une vertueuse indignation. Kierkegaard luttait seul contre tous. Il la
1367
ir et pour intensifier son offensive. Après un an
de
bataille, il succomba. Il avait osé l’acte ; il avait réussi : l’usu
1368
au lieu de se faire meurtrier, c’est lui qui paya
de
sa vie. Il devint lui-même le martyr que son œuvre avait appelé. Soul
1369
ce titre : L’Instant. Depuis longtemps, la pensée
de
Kierkegaard était comme fascinée par les deux concepts d’instant et d
1370
egaard était comme fascinée par les deux concepts
d’
instant et de saut. L’instant, c’était pour lui le temps de la foi, le
1371
comme fascinée par les deux concepts d’instant et
de
saut. L’instant, c’était pour lui le temps de la foi, le contact du t
1372
et de saut. L’instant, c’était pour lui le temps
de
la foi, le contact du temps et de l’éternité ou, comme il le disait :
1373
ur lui le temps de la foi, le contact du temps et
de
l’éternité ou, comme il le disait : « la plénitude du temps, quand la
1374
occasion ». Le saut, c’était le mouvement propre
de
la foi, irrationnel, instantané, concret, ce mouvement que le moindre
1375
les pages qui précèdent, dans la lecture alternée
de
Kierkegaard et de Shakespeare, j’avoue qu’il m’est arrivé plus d’une
1376
èdent, dans la lecture alternée de Kierkegaard et
de
Shakespeare, j’avoue qu’il m’est arrivé plus d’une fois de ne plus bi
1377
t de Shakespeare, j’avoue qu’il m’est arrivé plus
d’
une fois de ne plus bien savoir lequel des deux parlait et de m’imagin
1378
peare, j’avoue qu’il m’est arrivé plus d’une fois
de
ne plus bien savoir lequel des deux parlait et de m’imaginer qu’Hamle
1379
de ne plus bien savoir lequel des deux parlait et
de
m’imaginer qu’Hamlet avait été écrit par Kierkegaard, voire qu’à l’in
1380
r Kierkegaard, voire qu’à l’inverse la biographie
de
Kierkegaard avait été mise à la scène deux siècles et demi avant d’êt
1381
it été mise à la scène deux siècles et demi avant
d’
être vécue. Le style élisabéthain de Kierkegaard, son lyrisme énergiqu
1382
et demi avant d’être vécue. Le style élisabéthain
de
Kierkegaard, son lyrisme énergique, mêlant le trivial aux clichés poé
1383
étiques, les métaphores aux calembours, les élans
d’
éloquence aux préciosités dialectiques, tout concourait à l’illusion…
1384
lusion… Jusqu’au moment où je tombai sur une note
de
Kierkegaard lui-même au sujet d’Hamlet, qui rétablit les différences.
1385
bai sur une note de Kierkegaard lui-même au sujet
d’
Hamlet, qui rétablit les différences. Chose curieuse, cette note de de
1386
ablit les différences. Chose curieuse, cette note
de
deux pages est publiée en appendice au livre dans lequel Kierkegaard
1387
au livre dans lequel Kierkegaard raconte le drame
de
ses fiançailles. Il semble donc que le parallèle que j’ai risqué se s
1388
rallèle que j’ai risqué se soit offert à l’esprit
de
Kierkegaard, et qu’il ait tenu à le corriger lui-même. Voici en bref
1389
à le corriger lui-même. Voici en bref le contenu
de
la note, intitulée : Regard oblique sur l’Hamlet de Shakespeare. Kier
1390
e Shakespeare. Kierkegaard reproche à Shakespeare
de
n’avoir pas fait d’Hamlet un drame religieux. Car, si les scrupules d
1391
egaard reproche à Shakespeare de n’avoir pas fait
d’
Hamlet un drame religieux. Car, si les scrupules d’Hamlet ne sont pas
1392
’Hamlet un drame religieux. Car, si les scrupules
d’
Hamlet ne sont pas d’ordre religieux, le héros cesse d’être vraiment t
1393
gieux. Car, si les scrupules d’Hamlet ne sont pas
d’
ordre religieux, le héros cesse d’être vraiment tragique. Il frise le
1394
let ne sont pas d’ordre religieux, le héros cesse
d’
être vraiment tragique. Il frise le comique. Si, au contraire, ses ter
1395
Si, au contraire, ses tergiversations relevaient
de
motifs religieux, elles deviendraient infiniment intéressantes, mais
1396
ment intéressantes, mais alors il n’y aurait plus
de
drame, au sens technique et esthétique du terme. En effet, « dans l’o
1397
». Si l’obstacle à son acte est en lui, il s’agit
d’
un scrupule religieux. Dans ce cas, le héros n’est grand que par sa so
1398
a souffrance, non par son triomphe. Il n’y a plus
de
jeu poétique exaltant, il n’y a plus que le sérieux, l’existentiel… T
1399
rejoindrait purement et simplement la biographie
de
Kierkegaard. Le drame de Kierkegaard n’a pas été fictif. Il n’a pas é
1400
simplement la biographie de Kierkegaard. Le drame
de
Kierkegaard n’a pas été fictif. Il n’a pas été joué et ne saurait l’ê
1401
ence folle, pourrait-on dire), comme le drame pur
d’
une vocation chrétienne. Ici prend fin, ici « échoue sur l’existence »
1402
choue sur l’existence » le parallèle que je viens
d’
esquisser. J’ai tenté d’illustrer, par le moyen d’images connues de t
1403
e parallèle que je viens d’esquisser. J’ai tenté
d’
illustrer, par le moyen d’images connues de tous, celles de Shakespear
1404
’esquisser. J’ai tenté d’illustrer, par le moyen
d’
images connues de tous, celles de Shakespeare, certains moments mystér
1405
tenté d’illustrer, par le moyen d’images connues
de
tous, celles de Shakespeare, certains moments mystérieux d’une dialec
1406
er, par le moyen d’images connues de tous, celles
de
Shakespeare, certains moments mystérieux d’une dialectique tout intér
1407
elles de Shakespeare, certains moments mystérieux
d’
une dialectique tout intérieure. On sent le risque de l’entreprise : c
1408
ne dialectique tout intérieure. On sent le risque
de
l’entreprise : celui de l’ingéniosité. C’est le risque technique, pou
1409
rieure. On sent le risque de l’entreprise : celui
de
l’ingéniosité. C’est le risque technique, pour ainsi dire, de toute «
1410
sité. C’est le risque technique, pour ainsi dire,
de
toute « communication indirecte ». Et maintenant, par fidélité à la m
1411
recte ». Et maintenant, par fidélité à la méthode
de
Kierkegaard, passons sans transition à l’« énoncé direct », à l’exame
1412
sans transition à l’« énoncé direct », à l’examen
de
la nature ou du mystère d’une vocation historiquement vécue. Le premi
1413
é direct », à l’examen de la nature ou du mystère
d’
une vocation historiquement vécue. Le premier caractère d’une vocation
1414
cation historiquement vécue. Le premier caractère
d’
une vocation réelle consiste en son ambiguïté. Celle-ci paraît immédia
1415
t immédiatement dans notre usage courant du terme
de
vocation. On dit ainsi d’un jeune garçon qu’il a une vocation d’avoca
1416
usage courant du terme de vocation. On dit ainsi
d’
un jeune garçon qu’il a une vocation d’avocat, ou de poète ; c’est qu’
1417
dit ainsi d’un jeune garçon qu’il a une vocation
d’
avocat, ou de poète ; c’est qu’il aime à discuter ou qu’il tient des p
1418
un jeune garçon qu’il a une vocation d’avocat, ou
de
poète ; c’est qu’il aime à discuter ou qu’il tient des propos fantais
1419
menuets à sept ans, avait sans doute la vocation
d’
un musicien. Il ne s’agit ici que du don naturel et des dispositions n
1420
ens bien différent du terme. Quand Jérémie reçoit
de
l’Éternel l’ordre de parler aux nations, il répond : « Je ne suis qu’
1421
terme. Quand Jérémie reçoit de l’Éternel l’ordre
de
parler aux nations, il répond : « Je ne suis qu’un enfant, voici, je
1422
aroles dans ta bouche. » Il est rarement possible
d’
isoler dans le vif ces deux mouvements contradictoires : la poussée de
1423
ces deux mouvements contradictoires : la poussée
de
la nature et l’appel de l’esprit. Chez Kierkegaard, l’ambiguïté subsi
1424
tradictoires : la poussée de la nature et l’appel
de
l’esprit. Chez Kierkegaard, l’ambiguïté subsiste. Nous avons vu que s
1425
onde le sépare des autres et, dès l’enfance, fait
de
lui une nature d’exception. Mais l’appel religieux qui vient l’attein
1426
autres et, dès l’enfance, fait de lui une nature
d’
exception. Mais l’appel religieux qui vient l’atteindre au début de sa
1427
l’appel religieux qui vient l’atteindre au début
de
sa carrière d’écrivain, et qui le charge d’une mission unique, le ren
1428
eux qui vient l’atteindre au début de sa carrière
d’
écrivain, et qui le charge d’une mission unique, le rend une exception
1429
début de sa carrière d’écrivain, et qui le charge
d’
une mission unique, le rend une exception au second degré, le met à pa
1430
ne seconde fois, pour des raisons qui sont celles
de
l’esprit — bien que, dans ce cas particulier, la nature et l’appel re
1431
e sens. On pourra donc interpréter cette vocation
de
deux manières tout opposées. On pourra toujours dire de Kierkegaard s
1432
x manières tout opposées. On pourra toujours dire
de
Kierkegaard soit qu’il fut un neurasthénique, et que son cas relève d
1433
u’il fut un neurasthénique, et que son cas relève
de
la psychanalyse, soit qu’il fut un prophète, né pour être poète et ph
1434
nt, par l’appel transcendant, à devenir un témoin
de
la vérité. Cependant, cette ambiguïté dans notre idée courante de la
1435
pendant, cette ambiguïté dans notre idée courante
de
la vocation n’est pas celle qui retient Kierkegaard. Il en a distingu
1436
us au double sens du mot, mais à l’existence même
d’
une vocation reçue. L’homme, en effet, qui reçoit vocation, se trouve
1437
ru entendre. Et son incertitude n’est pas le fait
d’
un manque d’information, d’une conscience vague ou d’une volonté vacil
1438
Et son incertitude n’est pas le fait d’un manque
d’
information, d’une conscience vague ou d’une volonté vacillante, mais
1439
tude n’est pas le fait d’un manque d’information,
d’
une conscience vague ou d’une volonté vacillante, mais elle provient d
1440
n manque d’information, d’une conscience vague ou
d’
une volonté vacillante, mais elle provient de ce qu’il n’y a pas de pr
1441
e ou d’une volonté vacillante, mais elle provient
de
ce qu’il n’y a pas de preuve de la réalité de l’appel reçu ni de la r
1442
illante, mais elle provient de ce qu’il n’y a pas
de
preuve de la réalité de l’appel reçu ni de la réalité de son objet. I
1443
ais elle provient de ce qu’il n’y a pas de preuve
de
la réalité de l’appel reçu ni de la réalité de son objet. Il s’agit d
1444
ent de ce qu’il n’y a pas de preuve de la réalité
de
l’appel reçu ni de la réalité de son objet. Il s’agit donc ici, selon
1445
a pas de preuve de la réalité de l’appel reçu ni
de
la réalité de son objet. Il s’agit donc ici, selon Kierkegaard, d’une
1446
ve de la réalité de l’appel reçu ni de la réalité
de
son objet. Il s’agit donc ici, selon Kierkegaard, d’une incertitude o
1447
son objet. Il s’agit donc ici, selon Kierkegaard,
d’
une incertitude objective. De même qu’on ne saurait prouver l’existenc
1448
ive. De même qu’on ne saurait prouver l’existence
de
Dieu, on ne peut démontrer la nature transcendante d’une vocation. De
1449
ieu, on ne peut démontrer la nature transcendante
d’
une vocation. Devant Jésus-Christ, l’un dira : « C’est un nommé Jésus,
1450
rist, l’un dira : « C’est un nommé Jésus, le fils
d’
un charpentier de Nazareth » et l’autre confessera : « C’est le Christ
1451
« C’est un nommé Jésus, le fils d’un charpentier
de
Nazareth » et l’autre confessera : « C’est le Christ, le Fils de Dieu
1452
t l’autre confessera : « C’est le Christ, le Fils
de
Dieu, la Deuxième Personne de la Trinité. » L’incertitude objective,
1453
le Christ, le Fils de Dieu, la Deuxième Personne
de
la Trinité. » L’incertitude objective, telle que la définit Kierkegaa
1454
t l’on ne peut que « croire » une vocation, celle
d’
un autre, mais aussi et d’abord celle que l’on « croit » avoir reçue s
1455
certitude est objective dans la mesure où l’objet
de
la conviction qu’on entretient n’est pas démontrable ; dans la mesure
1456
s démontrable ; dans la mesure, aussi, où l’enjeu
de
la vocation reste passible d’être mis en doute, ou même nié ; dans la
1457
, aussi, où l’enjeu de la vocation reste passible
d’
être mis en doute, ou même nié ; dans la mesure où cet enjeu risque, a
1458
; dans la mesure où cet enjeu risque, après tout,
d’
être purement imaginaire. À cela, nous ajouterons l’incertitude subjec
1459
rète ou l’esprit qui a parlé ? » En fait, l’homme
de
la vocation se trouve plongé dans une double incertitude et dans un r
1460
rtitude et dans un risque permanent. Il n’est pas
de
méthode éprouvée ni de raisonnement qui puisse l’aider. L’homme engag
1461
ue permanent. Il n’est pas de méthode éprouvée ni
de
raisonnement qui puisse l’aider. L’homme engage son action et parie t
1462
, en ce sens qu’elle ne présente pas le caractère
d’
incertitude objective lié à tout acte de foi. Hamlet sait exactement c
1463
caractère d’incertitude objective lié à tout acte
de
foi. Hamlet sait exactement ce qu’il doit faire : tuer l’usurpateur,
1464
tien en général, il en va différemment. Il s’agit
de
découvrir le rôle qu’on devra jouer dans un drame infini, aussi vaste
1465
sommes en scène malgré nous… Telle est l’angoisse
de
la vocation. Je disais tout à l’heure que Kierkegaard, dès ses premiè
1466
ses premières publications, s’était tracé un plan
d’
action comportant toute une stratégie de pseudonymes et de « tromperie
1467
é un plan d’action comportant toute une stratégie
de
pseudonymes et de « tromperies » — comme il tient à le répéter. Ceci
1468
comportant toute une stratégie de pseudonymes et
de
« tromperies » — comme il tient à le répéter. Ceci nous porterait à c
1469
t à le répéter. Ceci nous porterait à croire que,
d’
entrée de jeu, tout comme Hamlet, il avait vu clairement l’acte histor
1470
péter. Ceci nous porterait à croire que, d’entrée
de
jeu, tout comme Hamlet, il avait vu clairement l’acte historique qu’i
1471
u clairement l’acte historique qu’il était chargé
d’
accomplir. Mais les choses de la vie ne sont pas aussi simples. C’est
1472
e qu’il était chargé d’accomplir. Mais les choses
de
la vie ne sont pas aussi simples. C’est après coup, le plus souvent,
1473
brochure intitulée Point de vue sur mon activité
d’
auteur : Il me faut préciser la part de la Providence dans mon œuvre.
1474
activité d’auteur : Il me faut préciser la part
de
la Providence dans mon œuvre. Car je me rendrais coupable de déloyaut
1475
dence dans mon œuvre. Car je me rendrais coupable
de
déloyauté envers Dieu si je prétendais avoir eu dès le début une vue
1476
eu si je prétendais avoir eu dès le début une vue
d’
ensemble de toute la structure dialectique de mon œuvre… Non, je dois
1477
étendais avoir eu dès le début une vue d’ensemble
de
toute la structure dialectique de mon œuvre… Non, je dois le dire fra
1478
vue d’ensemble de toute la structure dialectique
de
mon œuvre… Non, je dois le dire franchement, ce qui m’échappe, c’est
1479
c’est que je puis maintenant avoir l’intelligence
de
l’ensemble, sans toutefois pouvoir affirmer qu’au début je l’ai saisi
1480
a rigueur et toute la précision possibles la part
de
la Providence dans mon œuvre entière, je n’en saurais donner de formu
1481
ce dans mon œuvre entière, je n’en saurais donner
de
formule plus adéquate ou plus décisive que celle-ci : la Providence a
1482
mon éducation, qui se réfléchit dans le processus
de
ma production. Ainsi sont infirmées dans une certaine mesure les vues
1483
ut à fait fausse non plus, car j’ai eu conscience
de
moi au cours de cette éducation et dès le début. … Dès le premier mom
1484
s le premier moment l’élément religieux est donné
de
façon décisive ; il a sans contredit la suprématie, mais il attend pa
1485
, mais il attend patiemment que le poète ait fini
de
s’épancher, tout en veillant avec des yeux d’Argus à ne pas se laisse
1486
ini de s’épancher, tout en veillant avec des yeux
d’
Argus à ne pas se laisser duper dans une œuvre où se proclame le poète
1487
oppement ; c’est en elle que j’ai pris conscience
de
mon idée, de ma tâche. Dans un autre passage du même livre, il nous
1488
est en elle que j’ai pris conscience de mon idée,
de
ma tâche. Dans un autre passage du même livre, il nous décrit ce que
1489
écrit ce que l’on pourrait appeler la psychologie
d’
une vocation en exercice. Il parle de sa totale solitude. Il se dépein
1490
psychologie d’une vocation en exercice. Il parle
de
sa totale solitude. Il se dépeint non seulement privé de confident, m
1491
otale solitude. Il se dépeint non seulement privé
de
confident, mais seul avec un moi qu’il ne comprend même plus : … Vai
1492
e comprend même plus : … Vainement essaierais-je
de
raconter les occasions où Dieu m’a fait sentir son secours. Une chose
1493
: quand je faisais ce dont il m’était impossible
de
donner la raison, ne songeant pas même à la chercher ; quand je suiva
1494
e à la chercher ; quand je suivais les impulsions
de
ma nature, ce qui avait ainsi pour moi une valeur strictement personn
1495
me auteur. Je n’arrivais pas à comprendre comment
de
petites circonstances, en apparence toutes fortuites, de ma vie et qu
1496
tes circonstances, en apparence toutes fortuites,
de
ma vie et qui, mon imagination aidant, prenaient d’immenses proportio
1497
ma vie et qui, mon imagination aidant, prenaient
d’
immenses proportions, me mettaient dans une disposition précise ; je n
1498
uit toute mon œuvre comme si je n’avais rien fait
d’
autre que de copier chaque jour des fragments déterminés d’un livre dé
1499
n œuvre comme si je n’avais rien fait d’autre que
de
copier chaque jour des fragments déterminés d’un livre déjà imprimé.
1500
ue de copier chaque jour des fragments déterminés
d’
un livre déjà imprimé. Ainsi la vocation organise les hasards et fait
1501
i la vocation organise les hasards et fait flèche
de
tout bois, souvent à notre insu. Mais ce qu’illustre avant tout ce pa
1502
vant tout ce passage, c’est le paradoxe essentiel
de
toute vocation : il s’agit de suivre un chemin que l’on a l’impressio
1503
paradoxe essentiel de toute vocation : il s’agit
de
suivre un chemin que l’on a l’impression d’inventer, un chemin qui de
1504
’agit de suivre un chemin que l’on a l’impression
d’
inventer, un chemin qui demeure invisible tant qu’on ne se risque pas
1505
ière sur mon sentier », dont nous parle un psaume
de
David, n’éclaire pas au loin une voie tracée d’avance : non, elle est
1506
e de David, n’éclaire pas au loin une voie tracée
d’
avance : non, elle est « à mes pieds » seulement, elle ne peut révéler
1507
l’incertitude objective est le premier caractère
d’
une vocation réelle, l’acceptation de l’invraisemblable en est la cons
1508
er caractère d’une vocation réelle, l’acceptation
de
l’invraisemblable en est la conséquence nécessaire. Kierkegaard ne se
1509
nséquence nécessaire. Kierkegaard ne se lasse pas
d’
insister sur cette dernière catégorie. « Celui qui ne renonce pas à la
1510
a souffrance, lorsqu’il écrit cette phrase lourde
de
sens : « Ce n’est pas le chemin qui est difficile, mais c’est le diff
1511
le qui est le chemin. » On voit ici que la notion
de
vocation, chez Kierkegaard, s’oppose diamétralement à la notion coura
1512
ns le sens où la nature nous pousse, dans le sens
de
nos talents, de nos « facilités », tandis que Kierkegaard nous propos
1513
nature nous pousse, dans le sens de nos talents,
de
nos « facilités », tandis que Kierkegaard nous propose la souffrance
1514
ffrance non pas seulement comme signe et garantie
de
la vraie voie, mais plus radicalement, comme la voie même… 22. Cett
1515
e finale du beau film que Laurence Olivier a tiré
d’
Hamlet. Hamlet blessé, enfin résolu à l’action, monte sur une sorte de
1516
ssé, enfin résolu à l’action, monte sur une sorte
de
tribune élevée, et, de là, d’un saut prodigieux, se jette dans le vid
1517
ction, monte sur une sorte de tribune élevée, et,
de
là, d’un saut prodigieux, se jette dans le vide, l’épée brandie, pour
1518
monte sur une sorte de tribune élevée, et, de là,
d’
un saut prodigieux, se jette dans le vide, l’épée brandie, pour tomber
1519
arfaite traduction plastique des concepts favoris
de
Kierkegaard.
1520
Don Juan Lorsqu’il paraît brillant
d’
or et de soie, dressé sur ses ergots de grand ténor, l’on est tenté de
1521
Don Juan Lorsqu’il paraît brillant d’or et
de
soie, dressé sur ses ergots de grand ténor, l’on est tenté de ne voir
1522
t brillant d’or et de soie, dressé sur ses ergots
de
grand ténor, l’on est tenté de ne voir en lui que le feu naturel du d
1523
ssé sur ses ergots de grand ténor, l’on est tenté
de
ne voir en lui que le feu naturel du désir, une espèce d’animalité vé
1524
ir en lui que le feu naturel du désir, une espèce
d’
animalité véhémente, et comme innocente… Mais jamais la Nature n’a rie
1525
innocente… Mais jamais la Nature n’a rien produit
de
pareil. Vous sentez bien qu’il y a du démoniaque dans son cas, une so
1526
n qu’il y a du démoniaque dans son cas, une sorte
de
polémique anxieuse, de méchanceté et de défi : la main tendue au Comm
1527
ue dans son cas, une sorte de polémique anxieuse,
de
méchanceté et de défi : la main tendue au Commandeur, dans le dernier
1528
une sorte de polémique anxieuse, de méchanceté et
de
défi : la main tendue au Commandeur, dans le dernier acte de Mozart.
1529
a main tendue au Commandeur, dans le dernier acte
de
Mozart. Non, ce n’est pas l’animal, mais l’homme, et non d’avant, mai
1530
Non, ce n’est pas l’animal, mais l’homme, et non
d’
avant, mais d’après la morale. Point de Don Juan ni chez les « bons sa
1531
me, et non d’avant, mais d’après la morale. Point
de
Don Juan ni chez les « bons sauvages » ni chez les « primitifs » qu’o
1532
us décrit. Don Juan suppose une société encombrée
de
règles précises dont elle rêve moins de se délivrer que d’abuser. Dan
1533
encombrée de règles précises dont elle rêve moins
de
se délivrer que d’abuser. Dans le vertige de l’anarchie où il se plaî
1534
précises dont elle rêve moins de se délivrer que
d’
abuser. Dans le vertige de l’anarchie où il se plaît, ce grand seigneu
1535
oins de se délivrer que d’abuser. Dans le vertige
de
l’anarchie où il se plaît, ce grand seigneur n’oublie jamais son rang
1536
re. Voyez comme il se sert des femmes : incapable
de
les posséder, il les viole d’abord moralement pour s’imposer à l’anim
1537
par le bon et le juste — contre eux. Si les lois
de
la morale n’existaient pas, il les inventerait pour les violer. Et c’
1538
la qui nous fait pressentir la nature spirituelle
de
son secret, si bien masqué par le prétexte de l’instinct. Aux sommets
1539
lle de son secret, si bien masqué par le prétexte
de
l’instinct. Aux sommets de l’esprit révolté, on verra Nietzsche, cent
1540
masqué par le prétexte de l’instinct. Aux sommets
de
l’esprit révolté, on verra Nietzsche, cent ans plus tard, renouveler
1541
aller si haut ? La recherche « toute naturelle »
de
l’intensité du désir ne peut-elle expliquer à elle seule cette incons
1542
onstance forcenée ? Alors Don Juan serait l’homme
de
la première rencontre, de la plus excitante victoire ? « La nouveauté
1543
Don Juan serait l’homme de la première rencontre,
de
la plus excitante victoire ? « La nouveauté est le tyran de notre âme
1544
excitante victoire ? « La nouveauté est le tyran
de
notre âme », écrit le vieux Casanova. Mais déjà ce n’est plus l’homme
1545
e vieux Casanova. Mais déjà ce n’est plus l’homme
de
plaisir qui parle ainsi. La volupté du vrai sensuel commence au-delà
1546
insi. La volupté du vrai sensuel commence au-delà
de
ces moments que Don Juan fuit à peine atteints. Faudra-t-il se résoud
1547
soudre à soumettre le cas aux docteurs indiscrets
de
l’école viennoise ? Le beau sujet ! Ils ne l’ont pas manqué. Pour eux
1548
qué. Pour eux aussi, Don Juan serait le contraire
de
ce que l’on croit, il souffrirait d’une anxiété secrète déjà voisine
1549
le contraire de ce que l’on croit, il souffrirait
d’
une anxiété secrète déjà voisine de l’impuissance. Et il est vrai que
1550
il souffrirait d’une anxiété secrète déjà voisine
de
l’impuissance. Et il est vrai que celui qui cède à cet attrait superf
1551
ur presque tous les hommes, n’évoque pas une idée
de
santé. Mais dans cette furie insolente, dans cette jactance batailleu
1552
spirituels ? Don Juan serait par exemple le type
de
l’homme qui n’atteint pas au plan de la personne où pourrait se manif
1553
mple le type de l’homme qui n’atteint pas au plan
de
la personne où pourrait se manifester ce qu’il y a d’unique dans un ê
1554
a personne où pourrait se manifester ce qu’il y a
d’
unique dans un être. Pourquoi ne peut-il désirer que la nouveauté dans
1555
eut-être aussi qu’il n’est pas ? Celui qui a, vit
de
sa possession et ne l’abandonne pas pour l’incertain, — entendez : s’
1556
on Juan cherchant partout son idéal, son « type »
de
beauté féminine (souvenir inconscient de la mère) — trop vite séduit
1557
« type » de beauté féminine (souvenir inconscient
de
la mère) — trop vite séduit par la plus fugitive ressemblance, toujou
1558
angoissé et cruel… S’il le trouvait, ce « type »
de
femme rêvé ! J’imagine cette métamorphose. On le voit interrompre sa
1559
On le voit interrompre sa course, changer soudain
de
contenance, baisser la tête, s’assombrir, comme saisi d’une timidité,
1560
enance, baisser la tête, s’assombrir, comme saisi
d’
une timidité, et fasciné pour la première fois par la révélation d’amo
1561
t fasciné pour la première fois par la révélation
d’
amour, se muer en l’image de Tristan. Mais il ne trouvera pas. Il est
1562
ois par la révélation d’amour, se muer en l’image
de
Tristan. Mais il ne trouvera pas. Il est Don Juan parce qu’on sait qu
1563
sance à se fixer, soit impuissance à se déprendre
d’
une image à lui-même secrète. Et de là vient sa puissance apparente, s
1564
à se déprendre d’une image à lui-même secrète. Et
de
là vient sa puissance apparente, sa furia, son rythme dionysiaque… Or
1565
ionysiaque… Or si le don-juanisme est une passion
de
l’esprit, et non pas comme nous aimions le croire une exultation de l
1566
n pas comme nous aimions le croire une exultation
de
l’instinct, tout porte à supposer que cette passion n’est pas toujour
1567
rtain équilibre social que les mœurs ont pour but
de
maintenir, cet équilibre étant d’ailleurs bon ou mauvais.) C’est que
1568
nt d’ailleurs bon ou mauvais.) C’est que le désir
de
nouveauté et de changement perpétuel, dès que l’esprit insatiable l’e
1569
n ou mauvais.) C’est que le désir de nouveauté et
de
changement perpétuel, dès que l’esprit insatiable l’excite, devient u
1570
isent, sans que l’ordre des choses ait à souffrir
d’
une dépense improductive. Certes Don Juan est un tricheur, et même il
1571
s Don Juan est un tricheur, et même il ne vit que
de
cela (La banque de pharaon était la grande ressource financière de Ca
1572
richeur, et même il ne vit que de cela (La banque
de
pharaon était la grande ressource financière de Casanova : symbole do
1573
e de pharaon était la grande ressource financière
de
Casanova : symbole dont il nous donne maintes fois la clé). Mais une
1574
e est moins dangereuse que les faiblesses subites
d’
un honnête homme. On est en garde, et l’on connaît le système, entière
1575
Imaginons un don-juanisme plus secret, une table
de
pharaon où l’on met sur les cartes des « valeurs » invisibles au lieu
1576
ieu d’espèces sonnantes. Alors la tricherie cesse
d’
être une habileté vulgaire et profitable. Elle peut devenir l’acte hér
1577
et profitable. Elle peut devenir l’acte héroïque
d’
une loyauté sans scrupules, toutefois considérée comme criminelle du f
1578
fait qu’elle institue un nouvel ordre, par décret
de
rigueur subversive. Nietzsche s’est dressé face au siècle. Et l’adver
1579
t l’adversaire qu’il s’est choisi, c’est l’esprit
de
lourdeur, notre poids naturel, notre faculté naturelle de retombement
1580
eur, notre poids naturel, notre faculté naturelle
de
retombement dans la coutume. L’immoraliste est, comme le moraliste, u
1581
liste est, comme le moraliste, un ennemi vigilant
de
l’instinct : car s’il le glorifie, c’est par esprit de polémique, c’e
1582
instinct : car s’il le glorifie, c’est par esprit
de
polémique, c’est qu’il veut forcer la nature autrement qu’on ne l’a f
1583
re autrement qu’on ne l’a fait jusqu’à lui. Il va
de
défi en défi, excité puis exaspéré par le silence ou les lâchetés de
1584
cité puis exaspéré par le silence ou les lâchetés
de
l’adversaire. Les idées se retournent au caprice de l’esprit : il n’y
1585
l’adversaire. Les idées se retournent au caprice
de
l’esprit : il n’y a plus de vérité qui tienne. Les hommes se rendent
1586
retournent au caprice de l’esprit : il n’y a plus
de
vérité qui tienne. Les hommes se rendent ou tombent dans le doute à l
1587
ou tombent dans le doute à la première séduction
d’
une hypothèse scientifique. Il n’y a plus de foi qui affirme et qui ma
1588
ction d’une hypothèse scientifique. Il n’y a plus
de
foi qui affirme et qui maintienne en vertu de l’absurde. Ah ! comme o
1589
nne en vertu de l’absurde. Ah ! comme on se lasse
de
gagner à tout coup pour peu qu’on ait l’envie de nier des règles que
1590
de gagner à tout coup pour peu qu’on ait l’envie
de
nier des règles que personne n’ose plus dire inviolables ! Qui donc s
1591
’est dans la vie du Don Juan des vérités, l’heure
de
l’invitation au Commandeur ! Or Dieu se tait. Il ne relève pas le déf
1592
des hauteurs. Une aube vient. C’est encore l’aube
de
la terre. Personne n’a parlé. Dieu est mort ! De chaque idée, de chaq
1593
de la terre. Personne n’a parlé. Dieu est mort !
De
chaque idée, de chaque croyance, de chaque valeur, Nietzsche a voulu
1594
rsonne n’a parlé. Dieu est mort ! De chaque idée,
de
chaque croyance, de chaque valeur, Nietzsche a voulu violer le secret
1595
eu est mort ! De chaque idée, de chaque croyance,
de
chaque valeur, Nietzsche a voulu violer le secret ; et leur défaite r
1596
Il faut rejeter avec dégoût ce que l’on désirait
de
toute sa fougue ; et se rire des suiveurs, des successeurs, de ces di
1597
ougue ; et se rire des suiveurs, des successeurs,
de
ces disciples enhardis par le triomphe ardent d’un autre, et qui déjà
1598
de ces disciples enhardis par le triomphe ardent
d’
un autre, et qui déjà croient pouvoir abuser de ses victimes. Mille et
1599
nt d’un autre, et qui déjà croient pouvoir abuser
de
ses victimes. Mille et trois vérités se sont rendues, et pas une seul
1600
joie du viol intellectuel. Comme Don Juan l’image
de
la Mère, Nietzsche poursuit l’image obscure, et à lui-même infiniment
1601
’image obscure, et à lui-même infiniment secrète,
d’
une Vérité qui ne se rendrait point, mais qui le posséderait à tout ja
1602
ais qui le posséderait à tout jamais, digne enfin
de
sa vraie passion ! Il traque sans relâche tout ce qui bouge, tout ce
1603
ouge, tout ce qui s’arrête, tout ce qui fait mine
de
résister… Voluptés brèves — le temps d’un aphorisme — fulgurations to
1604
fait mine de résister… Voluptés brèves — le temps
d’
un aphorisme — fulgurations toujours décevantes : ce n’est pas elle qu
1605
e n’est pas elle qu’il vient de posséder… Ô haine
de
leurs vérités faibles ! La Vérité est morte ! Revivra-t-elle ? Car si
1606
si ce Dieu est mort, à tout jamais, il n’y a plus
d’
amour possible. Il faut inventer un amour qui permette au moins de haï
1607
. Il faut inventer un amour qui permette au moins
de
haïr tout ce qui passe, tout ce qui cède, toute l’impudeur et la lour
1608
’impudeur et la lourdeur du monde. C’est au point
de
fureur dionysiaque où la joie de détruire devient douleur, et dans l’
1609
. C’est au point de fureur dionysiaque où la joie
de
détruire devient douleur, et dans l’angoisse d’une puissance anéantie
1610
e de détruire devient douleur, et dans l’angoisse
d’
une puissance anéantie par son succès, que Nietzsche a rencontré souda
1611
fascinante idée du Retour éternel. Devant le roc
de
Sils-Maria on le voit interrompre sa course, changer de contenance, e
1612
s-Maria on le voit interrompre sa course, changer
de
contenance, et pour la première fois baisser la tête et adorer. Tout
1613
ternellement ! Ainsi Nietzsche devient le Tristan
d’
un Destin qu’il ne peut posséder que par l’amour éternellement lointai
1614
uan ne gagnait qu’en trichant, et s’il n’y a plus
de
règles, on ne peut plus tricher). Voici peut-être la clé du mystère :
1615
s notre grâce. Mais Nietzsche et Don Juan doutent
de
leur grâce. Les voici donc contraints de gagner dans le temps de leur
1616
doutent de leur grâce. Les voici donc contraints
de
gagner dans le temps de leur vie — d’où la tricherie ; ou bien il leu
1617
Les voici donc contraints de gagner dans le temps
de
leur vie — d’où la tricherie ; ou bien il leur faut nier la fin des t
1618
contraints de gagner dans le temps de leur vie —
d’
où la tricherie ; ou bien il leur faut nier la fin des temps, le règle
1619
temps, le règlement final, le jugement dernier —
d’
où l’idée du retour éternel. Comme je parlais de ces choses à une amie
1620
— d’où l’idée du retour éternel. Comme je parlais
de
ces choses à une amie : « J’ai connu, me dit-elle, un homme marié ave
1621
est la tricherie ? Dans le défi, installé au cœur
de
la règle ?
1622
Méditation au carrefour fabuleux Dans la forêt
de
Gribskov, il est un lieu nommé « le Coin des Huit-Chemins ». Seul le
1623
uve celui qui le cherche avec beaucoup de soin et
de
finesse, car aucune carte ne l’indique. Son nom même est une contradi
1624
est une contradiction, car comment le croisement
de
huit chemins publics peut-il former un « coin » solitaire et dérobé ?
1625
un « coin » solitaire et dérobé ? Si la rencontre
de
trois routes suffit à donner son nom à tout ce que craint un solitair
1626
mbien plus triviale encore doit être la rencontre
de
huit routes ! Pourtant, il en est bien ainsi : huit routes et quelle
1627
le solitude ! … Tout près de là, un bosquet fermé
de
haies, porte le nom d’« Enclos fatal »… L’animation des huit chemins
1628
ès de là, un bosquet fermé de haies, porte le nom
d’
« Enclos fatal »… L’animation des huit chemins n’est qu’une pure possi
1629
nte ces routes, hormis le vent dont on ne sait ni
d’
où il vient ni où il va. (In Vino Veritas) Kierkegaard a vécu l’amour
1630
ard a vécu l’amour unique, la passion malheureuse
de
Tristan, mais ses premiers grands livres pseudonymes évoquent le vol
1631
remiers grands livres pseudonymes évoquent le vol
d’
un sombre papillon fasciné par la flamme de Don Juan. Nietzsche a vécu
1632
le vol d’un sombre papillon fasciné par la flamme
de
Don Juan. Nietzsche a vécu plus seul encore, et guère moins chaste, m
1633
moins chaste, mais toute son œuvre mène le train
d’
enfer d’un « Don Juan de la connaissance », jusqu’au jour où il s’arrê
1634
haste, mais toute son œuvre mène le train d’enfer
d’
un « Don Juan de la connaissance », jusqu’au jour où il s’arrête, « cl
1635
e son œuvre mène le train d’enfer d’un « Don Juan
de
la connaissance », jusqu’au jour où il s’arrête, « cloué », sur le se
1636
u’au jour où il s’arrête, « cloué », sur le seuil
d’
une Éternité en laquelle il découvre son Isolde. Pour l’un et l’autre
1637
la pensée est une passion, et l’expression totale
de
la passion ne peut être que musicale. « Par la musique, les passions
1638
usicale. « Par la musique, les passions jouissent
d’
elles-mêmes.23 » L’un par Mozart et l’autre par Wagner accède au cœur
1639
t son Ombre. J’ai cherché bien longtemps le point
de
perspective d’où le regard puisse embrasser à la fois ces deux vies d
1640
ai cherché bien longtemps le point de perspective
d’
où le regard puisse embrasser à la fois ces deux vies dénuées et ces d
1641
la fois ces deux vies dénuées et ces deux œuvres
d’
une richesse inépuisable ; ces deux mythes majeurs de l’amour et leurs
1642
ne richesse inépuisable ; ces deux mythes majeurs
de
l’amour et leurs épiphanies les plus parfaites dans le lyrisme occide
1643
ans le lyrisme occidental. À la quête spirituelle
d’
une vision juste, ou peut-être seulement d’une qualité heureuse et pén
1644
tuelle d’une vision juste, ou peut-être seulement
d’
une qualité heureuse et pénétrante du regard, situant en vérité celui
1645
elui qui voit, il arrive qu’on pressente l’invite
d’
une étape significative, — et « l’enclos fatal » n’est pas loin, mais
1646
qui chevauche à l’aventure au profond des forêts
de
l’âme occidentale. Arrêtons-nous ici pour méditer. Et nous suivrons t
1647
pour méditer. Et nous suivrons tantôt cette allée
de
lumière frayée dans les hautes futaies par les rayons obliques de l’a
1648
e dans les hautes futaies par les rayons obliques
de
l’après-midi, tantôt cette allée assombrie et qui s’anime au gré d’un
1649
antôt cette allée assombrie et qui s’anime au gré
d’
un vent soudain, dont on ne sait ni d’où il vient ni où il va. IKier
1650
nime au gré d’un vent soudain, dont on ne sait ni
d’
où il vient ni où il va. IKierkegaard et Don Juan C’est au cœur d
1651
ur des grands bois du Nord de la Seeland, un soir
d’
été, que les convives du Banquet se réunissent devant le seuil d’un pa
1652
convives du Banquet se réunissent devant le seuil
d’
un pavillon de chasse. Les portes s’ouvrirent à deux battants ; l’écl
1653
nquet se réunissent devant le seuil d’un pavillon
de
chasse. Les portes s’ouvrirent à deux battants ; l’éclairage étincel
1654
is que l’orchestre attaquait la musique du ballet
de
Don Juan, ils se sentirent transfigurés, et comme frappés de respect
1655
, ils se sentirent transfigurés, et comme frappés
de
respect pour un esprit invisible, ils s’arrêtèrent un instant, sembla
1656
amour qui composent In Vino Veritas, donne le ton
de
la passion de Kierkegaard pour le Don Giovanni de Mozart. Dans le Jou
1657
osent In Vino Veritas, donne le ton de la passion
de
Kierkegaard pour le Don Giovanni de Mozart. Dans le Journal de 1839,
1658
d pour le Don Giovanni de Mozart. Dans le Journal
de
1839, on lit déjà : D’une certaine façon, je puis dire de Don Juan,
1659
e Mozart. Dans le Journal de 1839, on lit déjà :
D’
une certaine façon, je puis dire de Don Juan, comme Elvire : — Toi, me
1660
on lit déjà : D’une certaine façon, je puis dire
de
Don Juan, comme Elvire : — Toi, meurtrier de mon bonheur ! Car en vér
1661
dire de Don Juan, comme Elvire : — Toi, meurtrier
de
mon bonheur ! Car en vérité, cette pièce s’est emparée de moi d’une f
1662
onheur ! Car en vérité, cette pièce s’est emparée
de
moi d’une façon si diabolique que je ne pourrai plus jamais l’oublier
1663
! Car en vérité, cette pièce s’est emparée de moi
d’
une façon si diabolique que je ne pourrai plus jamais l’oublier. C’est
1664
-t-il plus tard — dans les Étapes — qu’il aura dû
de
n’avoir pas vécu sans aimer, « quoique d’un amour malheureux ». Relié
1665
aura dû de n’avoir pas vécu sans aimer, « quoique
d’
un amour malheureux ». Reliée par ces derniers mots à la vie trop réel
1666
a fascination du mythe révèle ici sa vraie nature
de
virtualité existentielle. La vie réelle de Kierkegaard s’est qualifié
1667
nature de virtualité existentielle. La vie réelle
de
Kierkegaard s’est qualifiée par son refus du mythe de Don Juan, tenta
1668
ierkegaard s’est qualifiée par son refus du mythe
de
Don Juan, tentation permanente et toujours refoulée. C’est pourquoi p
1669
nte et toujours refoulée. C’est pourquoi personne
d’
autre n’a mieux jugé ce mythe. La thèse de Kierkegaard sur Don Juan re
1670
ersonne d’autre n’a mieux jugé ce mythe. La thèse
de
Kierkegaard sur Don Juan rejoint Mozart dans sa génialité : elle réin
1671
ente la structure du drame comme par une création
de
logique intrépide. Elle nous impose, par la vertu d’une cohérence ino
1672
logique intrépide. Elle nous impose, par la vertu
d’
une cohérence inoubliable une interprétation triple et unique de l’opé
1673
e inoubliable une interprétation triple et unique
de
l’opéra, du mythe, et de l’essence de la musique occidentale. En voic
1674
étation triple et unique de l’opéra, du mythe, et
de
l’essence de la musique occidentale. En voici l’argument condensé. Le
1675
e et unique de l’opéra, du mythe, et de l’essence
de
la musique occidentale. En voici l’argument condensé. Le christianism
1676
par l’esprit, exige désormais un langage capable
de
traduire sa spontanéité. La musique seule va s’y prêter. Car elle est
1677
r. Car elle est un langage des sens, mais le sens
de
l’ouïe, plus que tout autre, est « déterminé par l’esprit ». La musiq
1678
est, après la parole, le médium le moins matériel
de
l’idée : elle n’existe que dans le temps, dans une succession de mome
1679
e n’existe que dans le temps, dans une succession
de
moments, puis disparaît, contrairement à l’œuvre plastique, peinte ou
1680
omme étant ce que l’esprit exclut », l’expression
de
Don Juan ne peut être que musicale. Et c’est pourquoi le seul Don Jua
1681
ui tout l’infini, mais aussi la puissance infinie
de
la passion, à laquelle rien ne peut résister ; j’entends la convoitis
1682
effrénée du désir, mais aussi le triomphe absolu
de
ce désir, triomphe auquel il serait vain de s’opposer. Si d’aventure
1683
bsolu de ce désir, triomphe auquel il serait vain
de
s’opposer. Si d’aventure la pensée s’attarde à l’obstacle, celui-ci t
1684
, triomphe auquel il serait vain de s’opposer. Si
d’
aventure la pensée s’attarde à l’obstacle, celui-ci tire son importanc
1685
ttarde à l’obstacle, celui-ci tire son importance
d’
exciter la passion plutôt que de s’y opposer réellement ; la jouissanc
1686
re son importance d’exciter la passion plutôt que
de
s’y opposer réellement ; la jouissance en est accrue, la victoire est
1687
ulant. Je trouve en Don Juan une vie ainsi animée
d’
un démoniaque puissant et irrésistible, à la façon d’un élément. Telle
1688
n démoniaque puissant et irrésistible, à la façon
d’
un élément. Telle est son idéalité dont je puis me réjouir tranquillem
1689
. Lancé comme une pierre qui ricoche à la surface
de
l’eau, il s’enfonce instantanément dans l’abîme du néant, après le de
1690
gues… La réflexion lui fait défaut… Il n’a besoin
d’
aucun préparatif, d’aucun plan, d’aucun temps, car il est toujours prê
1691
ui fait défaut… Il n’a besoin d’aucun préparatif,
d’
aucun plan, d’aucun temps, car il est toujours prêt, l’énergie est con
1692
… Il n’a besoin d’aucun préparatif, d’aucun plan,
d’
aucun temps, car il est toujours prêt, l’énergie est constamment prése
1693
ui et le désir aussi. » Il n’étourdit pas Zerline
de
belles paroles, il l’invite à entrer, fait un geste. « II ne séduit p
1694
ce qu’elles veulent, et celle qui ne rêverait pas
de
devenir malheureuse pour avoir été une fois heureuse avec Don Juan se
1695
n Juan est convaincu que « l’expression véritable
de
la femme consiste en sa volonté d’être séduite… C’est pourquoi elle n
1696
sion véritable de la femme consiste en sa volonté
d’
être séduite… C’est pourquoi elle ne se fâche jamais contre son séduct
1697
moins s’il l’a vraiment séduite.26 » L’érotisme
de
Don Juan s’oppose à l’Éros antique, qui était psychique et non sensue
1698
mps, l’amour sensuel disparition dans le temps »,
d’
où vient que la musique est son parfait médium. Pour Don Juan, « la fé
1699
on et multiplicité. Sa vie n’étant qu’« une somme
de
moments distincts… une addition d’instants », Don Juan ne saurait avo
1700
qu’« une somme de moments distincts… une addition
d’
instants », Don Juan ne saurait avoir de biographie : le doter d’une e
1701
addition d’instants », Don Juan ne saurait avoir
de
biographie : le doter d’une enfance et d’une jeunesse fut l’erreur fa
1702
on Juan ne saurait avoir de biographie : le doter
d’
une enfance et d’une jeunesse fut l’erreur fatale de Byron. Il est le
1703
t avoir de biographie : le doter d’une enfance et
d’
une jeunesse fut l’erreur fatale de Byron. Il est le génie de l’instan
1704
une enfance et d’une jeunesse fut l’erreur fatale
de
Byron. Il est le génie de l’instant. Ses conquêtes sont sans histoire
1705
sse fut l’erreur fatale de Byron. Il est le génie
de
l’instant. Ses conquêtes sont sans histoire, « car le temps lui manqu
1706
éjouit, jusqu’à ce qu’il butte contre « la pierre
d’
achoppement », la statue de pierre du Commandeur. Mais le Commandeur e
1707
tte contre « la pierre d’achoppement », la statue
de
pierre du Commandeur. Mais le Commandeur est un esprit ! C’est même u
1708
résente la négation spirituelle du génie spontané
de
l’instant. Il est donc seul capable de dompter Don Juan, nulle puissa
1709
e spontané de l’instant. Il est donc seul capable
de
dompter Don Juan, nulle puissance du monde n’en ayant eu raison. Cet
1710
ythe par Kierkegaard n’est pas seulement inspirée
de
Mozart : elle a pour but de démontrer que l’opéra de Mozart est le my
1711
as seulement inspirée de Mozart : elle a pour but
de
démontrer que l’opéra de Mozart est le mythe pur, intégralement manif
1712
Mozart : elle a pour but de démontrer que l’opéra
de
Mozart est le mythe pur, intégralement manifesté en chaque détail com
1713
chaque détail comme dans le style et la structure
de
l’ensemble. On a pu varier les interprétations de la légende, « jusqu
1714
de l’ensemble. On a pu varier les interprétations
de
la légende, « jusqu’à ce que Mozart en ait découvert à la fois le méd
1715
en ait découvert à la fois le médium et l’idée »,
d’
où « la valeur classique absolue » de son opéra. On pourra multiplier
1716
et l’idée », d’où « la valeur classique absolue »
de
son opéra. On pourra multiplier les Faust 28, car « l’idée de Faust s
1717
. On pourra multiplier les Faust 28, car « l’idée
de
Faust suppose une telle maturité d’esprit qu’il est naturel qu’il y e
1718
car « l’idée de Faust suppose une telle maturité
d’
esprit qu’il est naturel qu’il y en ait plusieurs conceptions », chacu
1719
e Don Juan de Mozart, « par le caractère abstrait
de
l’idée, vivra éternellement et dans tous les temps ». En récrire un a
1720
à produire une Ilias post Homerum. Du commentaire
de
l’opéra lui-même (dont la pénétration proprement musicale est stupéfi
1721
centre, par ce que ce centre, qui est la vitalité
de
Don Juan, se trouve partout. » Le seul personnage qui semble faire ex
1722
exception est naturellement le Commandeur, mais,
d’
une certaine manière (que précise l’analyse des thèmes musicaux), il e
1723
Tristan Kierkegaard fut pourtant le contraire
d’
un Don Juan. Dans ses rapports avec son œuvre, son action publique, et
1724
Cependant, je n’ai trouvé dans tout son œuvre que
de
rares allusions à l’Hamlet de Shakespeare, et pas une mention de Tris
1725
ons à l’Hamlet de Shakespeare, et pas une mention
de
Tristan — pour des centaines de pages enthousiastes et lyriques sur l
1726
t pas une mention de Tristan — pour des centaines
de
pages enthousiastes et lyriques sur le Don Juan de la légende et de M
1727
e pages enthousiastes et lyriques sur le Don Juan
de
la légende et de Mozart. Le contraste entre cette discrétion, voire c
1728
stes et lyriques sur le Don Juan de la légende et
de
Mozart. Le contraste entre cette discrétion, voire ce mutisme, et cet
1729
oire ce mutisme, et cette luxuriance verbale, est
de
ceux qui expriment à coup sûr les données essentielles d’une personne
1730
qui expriment à coup sûr les données essentielles
d’
une personne. Qu’est-ce que Don Juan pour ce célibataire parfaitement
1731
e Don Juan pour ce célibataire parfaitement libre
de
mener sa vie comme il lui plaît, riche et oisif, brillant esprit, cur
1732
i plaît, riche et oisif, brillant esprit, curieux
de
tout, mais en même temps de complexion plutôt malingre (« Qu’on me do
1733
llant esprit, curieux de tout, mais en même temps
de
complexion plutôt malingre (« Qu’on me donne un corps ! », gémit-il d
1734
it-il dans son Journal) et qui pressent son génie
d’
écrivain et sa vocation religieuse ? Don Juan est de toute évidence la
1735
écrivain et sa vocation religieuse ? Don Juan est
de
toute évidence la figure de lui-même qui le tente le plus : c’est son
1736
gieuse ? Don Juan est de toute évidence la figure
de
lui-même qui le tente le plus : c’est son moi potentiel, prestigieux,
1737
e peut et qu’il ne veut actualiser. En l’écartant
de
soi, en le refusant, il le voit et le définit mieux que personne ; du
1738
non pas sans lui. Il ne conçoit que deux manières
de
vivre dignes de l’absolu et possibles pour lui : ou bien le séducteur
1739
. Il ne conçoit que deux manières de vivre dignes
de
l’absolu et possibles pour lui : ou bien le séducteur, ou bien l’anac
1740
l’autre excluent le mariage, « suprême expression
de
l’amour », à laquelle il a dû renoncer pour une raison qui reste son
1741
et dernier. Le mariage étant écarté, s’il choisit
d’
être anachorète, le séducteur devient son mythe. Don Juan devient son
1742
était pas ce qu’il subit et souffre, et s’efforce
de
dépasser vers l’absolu, vers ce qu’il veut devenir selon l’esprit. Si
1743
st alors la forme actuelle, historiquement vécue,
de
son Éros ? C’est la passion unique, totale, et malheureuse ; et par c
1744
humain repose sur un instinct qui, élevé au rang
d’
inclination, trouve son expression suprême, unique et absolue, poétiqu
1745
seul être bien-aimé, et que cette « seule fois »
de
l’amour est l’amour, et que la « seconde fois » n’est rien… Une fois
1746
tout absolu, et la seconde fois la ruine absolue
de
tout.30 Certes, le Jeune Homme d’In Vino Veritas, qui n’a jamais en
1747
ruine absolue de tout.30 Certes, le Jeune Homme
d’
In Vino Veritas, qui n’a jamais encore aimé, a beau jeu de faire éclat
1748
o Veritas, qui n’a jamais encore aimé, a beau jeu
de
faire éclater l’absurdité tragi-comique de ce choix sans appel de la
1749
au jeu de faire éclater l’absurdité tragi-comique
de
ce choix sans appel de la passion, qui est d’une importance capitale
1750
l’absurdité tragi-comique de ce choix sans appel
de
la passion, qui est d’une importance capitale et qu’on ne peut faire
1751
que de ce choix sans appel de la passion, qui est
d’
une importance capitale et qu’on ne peut faire « qu’à l’aveuglette ».
1752
e ». Comment expliquer « un acte aussi monstrueux
de
sélection » ? L’amoureux passionné, dans son choix exclusif, n’est-il
1753
usif, n’est-il pas « un pantin dont quelque chose
d’
inexplicable tire les ficelles » ? Un tel point de vue, réplique Johan
1754
s avec la vie, car « la résolution, la résolution
de
la convoitise, est la pointe de l’existence ». Il faut choisir pour e
1755
on, la résolution de la convoitise, est la pointe
de
l’existence ». Il faut choisir pour exister. Le Séducteur choisit d’a
1756
l faut choisir pour exister. Le Séducteur choisit
d’
aimer le plus souvent qu’il le pourra, car c’est la femme qu’il aime,
1757
parole dans la seconde partie des Étapes, choisit
d’
aimer une seule femme et de l’épouser, car le mariage est cette décisi
1758
ie des Étapes, choisit d’aimer une seule femme et
de
l’épouser, car le mariage est cette décision qui « traduit l’exaltati
1759
ion qui « traduit l’exaltation en réalité. » Loin
d’
appauvrir l’expérience de la vie, elle peut seule y introduire. Elle e
1760
ation en réalité. » Loin d’appauvrir l’expérience
de
la vie, elle peut seule y introduire. Elle est la décision par excell
1761
té fondamentale du mariage, et même il la formule
d’
entrée de jeu : « L’amour et l’inclination amoureuse sont tout à fait
1762
entale du mariage, et même il la formule d’entrée
de
jeu : « L’amour et l’inclination amoureuse sont tout à fait spontanés
1763
temps la décision la plus libre… En outre, l’une
de
ces choses ne doit pas suivre l’autre, la décision ne doit pas arrive
1764
a décision ne doit pas arriver par-derrière à pas
de
loup : le tout doit avoir lieu simultanément. » Suivent cent pages au
1765
pages au cours desquelles le Mari réitère à coup
d’
arguments philosophiques que la décision ne saurait être fondée dans l
1766
ne saurait être fondée dans l’argumentation. Rien
d’
étonnant si cet ouvrage ne convainc guère : Kierkegaard est derrière l
1767
ibilité que Kierkegaard subit, et qu’il va tenter
d’
expliquer — de justifier — dans tout le reste de son œuvre. Admettons
1768
erkegaard subit, et qu’il va tenter d’expliquer —
de
justifier — dans tout le reste de son œuvre. Admettons que l’amour vr
1769
r d’expliquer — de justifier — dans tout le reste
de
son œuvre. Admettons que l’amour vrai soit la passion unique et parta
1770
par exemple, cet amour devrait opérer le miracle
de
« faire du différent l’égal », créant ainsi la possibilité d’une comp
1771
u différent l’égal », créant ainsi la possibilité
d’
une compréhension véritable. Mais cela reste théorique. On le comprend
1772
a reste théorique. On le comprendra par le détour
de
la théologie de Kierkegaard. Dans ses ouvrages religieux, il revient
1773
e. On le comprendra par le détour de la théologie
de
Kierkegaard. Dans ses ouvrages religieux, il revient sans cesse sur «
1774
Cet amour serait même impossible hors du paradoxe
de
la foi, laquelle est un mouvement de passion, un saut. Toute communic
1775
du paradoxe de la foi, laquelle est un mouvement
de
passion, un saut. Toute communication directe de Dieu à l’homme tuera
1776
de passion, un saut. Toute communication directe
de
Dieu à l’homme tuerait l’homme, c’est-à-dire tuerait en lui son pouvo
1777
l’homme, c’est-à-dire tuerait en lui son pouvoir
d’
appropriation subjective et libre de la vérité. C’est donc l’amour div
1778
i son pouvoir d’appropriation subjective et libre
de
la vérité. C’est donc l’amour divin lui-même qui exige la communicati
1779
se entre Kierkegaard et sa fiancée semble relever
d’
une structure analogue du possible et de l’impossible dans la communic
1780
e relever d’une structure analogue du possible et
de
l’impossible dans la communication. Il l’aime, elle l’aime, mais le s
1781
colie » comme il dit, mais aussi le pressentiment
de
sa vocation exceptionnelle) lui interdit d’entrer avec elle dans ce r
1782
iment de sa vocation exceptionnelle) lui interdit
d’
entrer avec elle dans ce rapport de communication directe, égalisante,
1783
) lui interdit d’entrer avec elle dans ce rapport
de
communication directe, égalisante, en quoi consiste à ses yeux le mar
1784
ine, il doit donc s’éloigner, bien qu’il ne cesse
de
s’adresser à elle, sous le couvert de ses pseudonymes, et de lui dédi
1785
il ne cesse de s’adresser à elle, sous le couvert
de
ses pseudonymes, et de lui dédier toutes ses œuvres, comme autant de
1786
er à elle, sous le couvert de ses pseudonymes, et
de
lui dédier toutes ses œuvres, comme autant de justifications de la ru
1787
et de lui dédier toutes ses œuvres, comme autant
de
justifications de la rupture et d’assurances de sa fidélité. « Qui co
1788
toutes ses œuvres, comme autant de justifications
de
la rupture et d’assurances de sa fidélité. « Qui comprendra cette con
1789
, comme autant de justifications de la rupture et
d’
assurances de sa fidélité. « Qui comprendra cette contradiction de la
1790
t de justifications de la rupture et d’assurances
de
sa fidélité. « Qui comprendra cette contradiction de la douleur : ne
1791
sa fidélité. « Qui comprendra cette contradiction
de
la douleur : ne point se révéler, et faire mourir l’amour ; se révéle
1792
; se révéler et faire mourir l’aimée ?31 » Tenter
d’
établir, en ce point, si l’attitude théologique de Kierkegaard « expli
1793
d’établir, en ce point, si l’attitude théologique
de
Kierkegaard « explique » sa conduite amoureuse, ou si ce n’est pas pl
1794
vérifiable. En effet, tout homme pensant dispose
d’
un système, plus ou moins « original » mais toujours unique, d’appréhe
1795
plus ou moins « original » mais toujours unique,
d’
appréhension de la réalité sous toutes ses formes. Ce système définit
1796
« original » mais toujours unique, d’appréhension
de
la réalité sous toutes ses formes. Ce système définit son individuali
1797
n individualité. Or je ne regarde ici et n’essaie
de
saisir qu’une certaine structure dynamique : Kierkegaard dans sa vie
1798
indissociables ; et je vois qu’elle est disposée
de
telle manière que « l’esthétique » et le « religieux » y sont constam
1799
nt constamment homologues, tous les deux irrigués
d’
énergie passionnelle, tandis que « l’éthique », le stade intermédiaire
1800
olisait aussi, nous l’avons vu, le fondement même
de
toute éthique existentielle. Mais voici que cette décision échappe à
1801
elle et autonome : La décision n’est pas pouvoir
de
l’homme, de son courage, ni de son habileté… mais elle est un point d
1802
nome : La décision n’est pas pouvoir de l’homme,
de
son courage, ni de son habileté… mais elle est un point de départ rel
1803
n’est pas pouvoir de l’homme, de son courage, ni
de
son habileté… mais elle est un point de départ religieux ; si elle n’
1804
urage, ni de son habileté… mais elle est un point
de
départ religieux ; si elle n’est pas cela, celui qui décide n’a été r
1805
rendu fini que dans sa réflexion, il n’a pas pris
de
vitesse l’inclination amoureuse, mais est resté en cours de route, et
1806
l’inclination amoureuse, mais est resté en cours
de
route, et une telle décision est trop misérable pour que l’inclinatio
1807
rise et ne préfère se fier à elle-même plutôt que
de
se livrer aux directives d’un tel faux savant. La spontanéité de l’in
1808
elle-même plutôt que de se livrer aux directives
d’
un tel faux savant. La spontanéité de l’inclination amoureuse ne recon
1809
x directives d’un tel faux savant. La spontanéité
de
l’inclination amoureuse ne reconnaît qu’une seule spontanéité comme l
1810
egaard le réitère un peu plus loin, « l’absurdité
de
l’inclination amoureuse arrive à une entente divine avec l’absurdité
1811
orale sans passion. Je vois enfin que la personne
de
Kierkegaard est ce système qui se définit par la mise en tension et l
1812
finit par la mise en tension et l’interdépendance
de
trois réalités hétérogènes : — sa croyance en l’altérité totale de Di
1813
hétérogènes : — sa croyance en l’altérité totale
de
Dieu et en l’unicité de l’amour humain ; — la « mélancolie » qui l’ac
1814
ance en l’altérité totale de Dieu et en l’unicité
de
l’amour humain ; — la « mélancolie » qui l’accable et lui rend ce mar
1815
qui monte la garde aux frontières, est-il permis
de
se marier ? Un tel soldat ose-t-il — ceci soit dit dans un sens spiri
1816
s Tartares et les Scythes, mais contre les hordes
de
brigands d’une mélancolie innée ?33 L’amour n’en est pas moins l’ag
1817
t les Scythes, mais contre les hordes de brigands
d’
une mélancolie innée ?33 L’amour n’en est pas moins l’agent privilég
1818
pas moins l’agent privilégié du progrès spirituel
de
« l’homme supérieur » — toutefois à condition de n’être pas « heureux
1819
posséda, car par elle il ne devint que conseiller
d’
État ; pas un ne fut un héros par la jeune fille qu’il posséda, car pa
1820
ce et dans sa ruse avec la vie. Et c’est le mythe
de
Tristan qui reparaît enfin ! ⁂ On sait assez que le paradoxe est la c
1821
sez que le paradoxe est la catégorie fondamentale
de
la pensée de Kierkegaard. Or voici ce qu’il en dit dans l’un de ses o
1822
radoxe est la catégorie fondamentale de la pensée
de
Kierkegaard. Or voici ce qu’il en dit dans l’un de ses ouvrages les p
1823
e Kierkegaard. Or voici ce qu’il en dit dans l’un
de
ses ouvrages les plus achevés, les Riens philosophiques 34 : Il ne f
1824
Riens philosophiques 34 : Il ne faut pas penser
de
mal du paradoxe, cette passion de la pensée, et les penseurs qui en m
1825
faut pas penser de mal du paradoxe, cette passion
de
la pensée, et les penseurs qui en manquent sont comme des amants sans
1826
sont comme des amants sans passion, c’est-à-dire
de
piètres partenaires. Mais le paroxysme de toute passion est toujours
1827
-à-dire de piètres partenaires. Mais le paroxysme
de
toute passion est toujours de vouloir sa propre perte… C’est là le pa
1828
. Mais le paroxysme de toute passion est toujours
de
vouloir sa propre perte… C’est là le paradoxe suprême de la pensée, q
1829
oir sa propre perte… C’est là le paradoxe suprême
de
la pensée, que de vouloir découvrir quelque chose qu’elle-même ne pui
1830
e… C’est là le paradoxe suprême de la pensée, que
de
vouloir découvrir quelque chose qu’elle-même ne puisse penser. Et pl
1831
i ces deux puissances s’entendent dans la passion
de
l’instant, et cette puissance est justement l’amour. Cette forme de
1832
te puissance est justement l’amour. Cette forme
de
pensée est tristanienne. Elle est d’abord une forme d’existence. Elle
1833
nsée est tristanienne. Elle est d’abord une forme
d’
existence. Elle s’illustre dans les relations malheureuses — mais spir
1834
ntre Kierkegaard et Régine. Il n’a pu l’aimer que
de
loin, dans la perte, choisie par lui, de toute présence autre que nos
1835
imer que de loin, dans la perte, choisie par lui,
de
toute présence autre que nostalgique. (Et déjà, durant les fiançaille
1836
rant les fiançailles, il lui écrit pour s’excuser
d’
un rendez-vous manqué : il est allé tout seul à la campagne, ce jour-l
1837
orsqu’il peut la dire « sienne » dans la solitude
de
son cœur, « c’est alors seulement que nous sommes unis ».) Régine s’e
1838
mariée ailleurs. Le dernier appel qu’il ait tenté
de
lui adresser — par l’intermédiaire du mari ! — ne l’a pas atteinte. U
1839
er. C’était le 7 mars 1855, à la veille du départ
de
Régine pour un long voyage aux Antilles. Il mourut le 11 novembre de
1840
ong voyage aux Antilles. Il mourut le 11 novembre
de
la même année. Régine était au-delà des mers, dans une autre île. Que
1841
elà des mers, dans une autre île. Que cette forme
d’
amour nostalgique et de possession par la perte transparaisse égalemen
1842
autre île. Que cette forme d’amour nostalgique et
de
possession par la perte transparaisse également dans la dialectique e
1843
tentielle et dans la pensée proprement religieuse
de
Kierkegaard, apparaît désormais trop évident pour qu’il y ait lieu d’
1844
raît désormais trop évident pour qu’il y ait lieu
d’
en reprendre la démonstration en termes de théologie. J’en donnerai to
1845
donnerai toutefois un exemple, qui touche au cœur
de
mon sujet. Dans ses Œuvres de l’amour, Kierkegaard marque le contrast
1846
qui touche au cœur de mon sujet. Dans ses Œuvres
de
l’amour, Kierkegaard marque le contraste, apparemment insurmontable,
1847
ochain (amour chrétien), dont le commandement est
d’
aimer tous les hommes, sans distinction, non par sympathie élective to
1848
urs égoïste et « charnelle », mais dans l’égalité
de
tous devant Dieu. On s’étonne : cet amour général, impersonnel, et qu
1849
lence désigne l’homme isolé par l’esprit, — isolé
de
la foule, « qui est mensonge ». Et l’objet, le prochain — celui qu’il
1850
que — ne saurait être à son tour que l’expression
de
l’esprit en tout homme. Seul donc celui qui s’est connu et accepté en
1851
est connu et accepté en tant qu’esprit, celui qui
de
la sorte se trouve séparé de la communauté naturelle, — comme ayant c
1852
qu’esprit, celui qui de la sorte se trouve séparé
de
la communauté naturelle, — comme ayant choisi de la perdre — peut vra
1853
de la communauté naturelle, — comme ayant choisi
de
la perdre — peut vraiment aimer le prochain. Seul, il peut discerner,
1854
doxe proprement kierkegaardien. L’amour ne va pas
de
n’importe qui à tout le monde, mais d’un seul, distingué par l’esprit
1855
ne va pas de n’importe qui à tout le monde, mais
d’
un seul, distingué par l’esprit, à chacun de ceux, quels qu’ils soient
1856
mais d’un seul, distingué par l’esprit, à chacun
de
ceux, quels qu’ils soient, également existants par l’esprit. Mais ici
1857
, comment ne pas rappeler que la première mention
de
l’Individu figure dans la dédicace des Discours religieux de 1843, so
1858
du figure dans la dédicace des Discours religieux
de
1843, sous cette forme : « À l’Individu qu’avec joie et reconnaissanc
1859
Journal — c’était Régine ! Plus tard, le concept
d’
individu s’universalise (paradoxalement !) et s’approfondit. Il est la
1860
xalement !) et s’approfondit. Il est la signature
de
l’homme spirituel, distingué dans la foule anonyme, séquestré par sa
1861
, ou pour mieux dire : la vocation exceptionnelle
de
Søren Kierkegaard lui-même. Vocation qui devait le mener à sa perte,
1862
qui devait le mener à sa perte, puisqu’il mourut
d’
une longue passion unique pour l’intériorité de la Vérité. IIINietz
1863
ut d’une longue passion unique pour l’intériorité
de
la Vérité. IIINietzsche et son ombre Deux vies dénuées. Deux cé
1864
élibataires maladifs, chastes sans vœux, frustrés
de
toute tendresse quotidienne, souffrant tous les tourments de la passi
1865
ndresse quotidienne, souffrant tous les tourments
de
la passion poétique mais pour l’Idée, aventuriers de l’esprit seul. D
1866
la passion poétique mais pour l’Idée, aventuriers
de
l’esprit seul. Deux existences à peu près dépourvues de péripéties ex
1867
sprit seul. Deux existences à peu près dépourvues
de
péripéties extérieures. Pour l’un, la rupture des fiançailles, l’atta
1868
ans. Pour l’autre, moins encore : quelques années
de
professorat, une longue solitude errante, la folie à 44 ans. L’un et
1869
ans. L’un et l’autre ont produit en une quinzaine
d’
années leur œuvre difficile et foisonnante, et n’ont forcé qu’in extre
1870
orcé qu’in extremis, par le scandale, l’attention
de
quelques-uns de leurs contemporains. Ce dépouillement extérieur contr
1871
mis, par le scandale, l’attention de quelques-uns
de
leurs contemporains. Ce dépouillement extérieur contrastant avec tant
1872
s y révèle mieux qu’ailleurs ses lents mouvements
d’
approche, d’émergences et d’éclipses alternées. Ces deux chastes ont b
1873
ieux qu’ailleurs ses lents mouvements d’approche,
d’
émergences et d’éclipses alternées. Ces deux chastes ont beaucoup médi
1874
ses lents mouvements d’approche, d’émergences et
d’
éclipses alternées. Ces deux chastes ont beaucoup médité sur l’amour,
1875
thèmes. Il est remarquable que les contradictions
de
Nietzsche offrent un raccourci fidèle de celles de Kierkegaard, qui à
1876
dictions de Nietzsche offrent un raccourci fidèle
de
celles de Kierkegaard, qui à leur tour répétaient celles de saint Pau
1877
e Nietzsche offrent un raccourci fidèle de celles
de
Kierkegaard, qui à leur tour répétaient celles de saint Paul lui-même
1878
de Kierkegaard, qui à leur tour répétaient celles
de
saint Paul lui-même ! Sur le mariage, par exemple, voici chez Nietzsc
1879
qu’il soit une passion, est cependant susceptible
de
durer en tant que passion et que l’amour à vie peut être considéré co
1880
être considéré comme la règle. Par cette ténacité
d’
une noble croyance, maintenue malgré des réfutations si fréquentes qu’
1881
ont concédé à une passion la croyance en la durée
de
celle-ci, et la responsabilité de la durée, malgré l’essence même de
1882
nce en la durée de celle-ci, et la responsabilité
de
la durée, malgré l’essence même de la passion, lui ont procuré un ran
1883
responsabilité de la durée, malgré l’essence même
de
la passion, lui ont procuré un rang nouveau…35 Comme pour le Mari d
1884
ari des Étapes, qui voulait voir dans la synthèse
d’
une décision et d’une inclination le plus haut risque, et même un risq
1885
i voulait voir dans la synthèse d’une décision et
d’
une inclination le plus haut risque, et même un risque plus qu’humain,
1886
t par l’esprit que par le ton, et par l’évocation
de
Socrate — cette attaque frontale : Le philosophe a horreur du mariag
1887
frontale : Le philosophe a horreur du mariage et
de
tout ce qui pourrait l’y conduire, — du mariage en tant qu’obstacle f
1888
par ironie, précisément pour démontrer la vérité
de
cette thèse.36 « Marie-toi, ne te marie pas, dans les deux cas tu l
1889
t qu’aucune femme ne pouvait élever la prétention
d’
être pour l’homme l’objet de l’amour le plus proche et le plus haut, o
1890
élever la prétention d’être pour l’homme l’objet
de
l’amour le plus proche et le plus haut, ou même l’objet unique — comm
1891
d au contraire pense que c’est par la femme aimée
de
passion que l’homme s’élève, à condition cependant qu’il ne l’épouse
1892
pendant qu’il ne l’épouse pas. Dans ses moments «
d’
équilibre doré » et d’évaluation créatrice de la morale et de la civil
1893
use pas. Dans ses moments « d’équilibre doré » et
d’
évaluation créatrice de la morale et de la civilisation, Nietzsche met
1894
ts « d’équilibre doré » et d’évaluation créatrice
de
la morale et de la civilisation, Nietzsche met tout l’accent non sur
1895
doré » et d’évaluation créatrice de la morale et
de
la civilisation, Nietzsche met tout l’accent non sur l’ascèse, mais s
1896
sur la maîtrise des instincts : La civilisation
d’
un peuple se manifeste dans l’unité disciplinée des instincts de ce pe
1897
manifeste dans l’unité disciplinée des instincts
de
ce peuple : la philosophie maîtrise l’instinct de connaissance, l’art
1898
de ce peuple : la philosophie maîtrise l’instinct
de
connaissance, l’art maîtrise l’instinct créateur de formes et l’extas
1899
connaissance, l’art maîtrise l’instinct créateur
de
formes et l’extase, l’Agapè maîtrise l’Éros, etc.38 L’Agapè dont i
1900
ecs que l’amour désintéressé ; mais dans l’esprit
de
Nietzsche, elle désigne déjà cette passion « noble » qui dès le xiie
1901
siècle a fait porter au premier rang les valeurs
d’
art et l’enthousiasme dans la vénération, plutôt que la revendication
1902
e dans la vénération, plutôt que la revendication
d’
une liberté des mœurs, qui appartient à la « morale des esclaves. » M
1903
esclaves. » Maintenant l’on comprendra sans plus
d’
explications pourquoi l’amour en tant que passion — notre spécialité e
1904
spécialité européenne — doit être nécessairement
d’
origine noble. On sait que son invention doit être attribuée aux cheva
1905
génieux du gai saber à qui l’Europe est redevable
de
tant de choses et presque d’elle-même.39 Plus tard, ayant énuméré s
1906
Europe est redevable de tant de choses et presque
d’
elle-même.39 Plus tard, ayant énuméré six moyens de brider la violen
1907
lle-même.39 Plus tard, ayant énuméré six moyens
de
brider la violence de l’instinct sexuel (éviter les occasions, implan
1908
d, ayant énuméré six moyens de brider la violence
de
l’instinct sexuel (éviter les occasions, implanter la règle dans l’in
1909
é, associer à l’instinct une idée martyrisante ou
de
honte, dissocier et disperser ses forces, enfin s’affaiblir et se dép
1910
e en vient à découvrir qu’en réalité « la volonté
de
combattre la violence d’un instinct est en dehors de notre puissance
1911
’en réalité « la volonté de combattre la violence
d’
un instinct est en dehors de notre puissance ». Dans le procès de maît
1912
st en dehors de notre puissance ». Dans le procès
de
maîtrise d’un instinct : … l’intellect n’est que l’instrument aveug
1913
de notre puissance ». Dans le procès de maîtrise
d’
un instinct : … l’intellect n’est que l’instrument aveugle d’un autr
1914
: … l’intellect n’est que l’instrument aveugle
d’
un autre instinct, qui est le rival de celui dont la violence nous tou
1915
ent aveugle d’un autre instinct, qui est le rival
de
celui dont la violence nous tourmente, que ce soit le besoin de repos
1916
la violence nous tourmente, que ce soit le besoin
de
repos, ou la crainte de la honte et d’autres suites néfastes, ou bien
1917
te, que ce soit le besoin de repos, ou la crainte
de
la honte et d’autres suites néfastes, ou bien encore l’amour. Donc, t
1918
mour. Donc, tandis que nous croyons nous plaindre
de
la violence d’un instinct, c’est au fond un instinct qui se plaint d’
1919
dis que nous croyons nous plaindre de la violence
d’
un instinct, c’est au fond un instinct qui se plaint d’un autre instin
1920
instinct, c’est au fond un instinct qui se plaint
d’
un autre instinct.40 Passage capital pour mon propos ! Ce que Nietzs
1921
sme sexuel et l’amour. Or, ni la passion érotique
d’
un Byron ou d’un Napoléon — cités peu avant — ni l’amour qu’on invoque
1922
l’amour. Or, ni la passion érotique d’un Byron ou
d’
un Napoléon — cités peu avant — ni l’amour qu’on invoque ici, ne sont,
1923
comme un possible instinct rival, est la passion
de
l’âme par excellence. La lutte entre les deux « instincts » n’est don
1924
utre chose que la lutte entre les deux puissances
de
l’Éros animique que symbolisent les mythes de Don Juan et de Tristan.
1925
ces de l’Éros animique que symbolisent les mythes
de
Don Juan et de Tristan. Suivons maintenant les phases de leur grande
1926
nimique que symbolisent les mythes de Don Juan et
de
Tristan. Suivons maintenant les phases de leur grande polémique dans
1927
Juan et de Tristan. Suivons maintenant les phases
de
leur grande polémique dans l’œuvre et dans la vie de Nietzsche. ⁂ « P
1928
leur grande polémique dans l’œuvre et dans la vie
de
Nietzsche. ⁂ « Par la musique, les passions jouissent d’elles-mêmes.
1929
zsche. ⁂ « Par la musique, les passions jouissent
d’
elles-mêmes. » Il est curieux de relever que Nietzsche, comme Kierkega
1930
assions jouissent d’elles-mêmes. » Il est curieux
de
relever que Nietzsche, comme Kierkegaard, commence sa carrière d’aute
1931
ietzsche, comme Kierkegaard, commence sa carrière
d’
auteur par un ouvrage sur la musique, la tragédie lyrique et le mythe
1932
la tragédie lyrique et le mythe : c’est L’Origine
de
la tragédie, qu’il publie à 28 ans. Au même âge, Kierkegaard écrit Ou
1933
iovanni de Mozart l’expression parfaite et unique
de
la spontanéité passionnée, l’autre ne veut prendre à témoin que le se
1934
e Wagner, comme expression exemplaire du mythe et
de
la musique dionysiaque. L’un et l’autre tiennent le langage pour impu
1935
t le langage pour impuissant à traduire l’essence
de
la musique, en laquelle l’un voit l’expression de la spontanéité sens
1936
de la musique, en laquelle l’un voit l’expression
de
la spontanéité sensuelle, et l’autre l’expression de « l’esprit diony
1937
la spontanéité sensuelle, et l’autre l’expression
de
« l’esprit dionysien », de la spontanéité orgiastique. Pour l’un et l
1938
t l’autre l’expression de « l’esprit dionysien »,
de
la spontanéité orgiastique. Pour l’un et l’autre, « seule, la musique
1939
l’un et l’autre, « seule, la musique » peut dire
d’
une manière immédiate, le secret de l’éros et de ses mythes. Mais seul
1940
ue » peut dire d’une manière immédiate, le secret
de
l’éros et de ses mythes. Mais seule aussi, elle peut régénérer la tra
1941
e d’une manière immédiate, le secret de l’éros et
de
ses mythes. Mais seule aussi, elle peut régénérer la tragédie. « Une
1942
zsche voit dans le mythe en général « le but réel
de
la science », s’il est vrai que « la cause finale de la science est d
1943
la science », s’il est vrai que « la cause finale
de
la science est de rendre l’existence concevable ». Le mythe est une «
1944
est vrai que « la cause finale de la science est
de
rendre l’existence concevable ». Le mythe est une « image du monde en
1945
et, sans le mythe, « toute culture est dépossédée
de
sa force naturelle, saine et créatrice ; seul un horizon constellé de
1946
e, saine et créatrice ; seul un horizon constellé
de
mythes parachève l’unité d’une époque de culture. Le seul mythe peut
1947
un horizon constellé de mythes parachève l’unité
d’
une époque de culture. Le seul mythe peut préserver de l’incohérence d
1948
onstellé de mythes parachève l’unité d’une époque
de
culture. Le seul mythe peut préserver de l’incohérence d’une activité
1949
e époque de culture. Le seul mythe peut préserver
de
l’incohérence d’une activité sans but les facultés de l’imagination…
1950
re. Le seul mythe peut préserver de l’incohérence
d’
une activité sans but les facultés de l’imagination… Les images du myt
1951
’incohérence d’une activité sans but les facultés
de
l’imagination… Les images du mythe doivent être les esprits tutélaire
1952
sibles et omniprésents, propices au développement
de
l’âme adolescente, et dont les signes annoncent et expliquent à l’hom
1953
La Tragédie absorbe en elle le délire orgiastique
de
la musique, portant ainsi du premier coup la musique à sa perfection,
1954
et nous en délivre. … Entre la portée universelle
de
sa musique et l’auditeur soumis à l’influence dionysiaque, la Tragédi
1955
soit qu’un admirable procédé, un inégalable moyen
de
donner la vie au monde plastique du mythe. Ce noble subterfuge permet
1956
he. Ce noble subterfuge permet alors à la musique
d’
assouplir ses allures aux rythmes des danses dithyrambiques, de s’aban
1957
es allures aux rythmes des danses dithyrambiques,
de
s’abandonner impunément à un sentiment orgiastique de liberté auquel,
1958
’abandonner impunément à un sentiment orgiastique
de
liberté auquel, en tant que musique en soi, il lui serait interdit d’
1959
n tant que musique en soi, il lui serait interdit
d’
oser se livrer avec une telle licence, sans la sauvegarde de cette ill
1960
livrer avec une telle licence, sans la sauvegarde
de
cette illusion. Le mythe nous protège contre la musique, et lui seul,
1961
atteindre. Et c’est tout spécialement par l’effet
de
la musique que le spectateur de la Tragédie est envahi de ce sûr pres
1962
ement par l’effet de la musique que le spectateur
de
la Tragédie est envahi de ce sûr pressentiment d’une joie suprême, à
1963
sique que le spectateur de la Tragédie est envahi
de
ce sûr pressentiment d’une joie suprême, à laquelle aboutit ce chemin
1964
de la Tragédie est envahi de ce sûr pressentiment
d’
une joie suprême, à laquelle aboutit ce chemin de ruine et de déceptio
1965
d’une joie suprême, à laquelle aboutit ce chemin
de
ruine et de déception, de sorte qu’il croit entendre la voix la plus
1966
suprême, à laquelle aboutit ce chemin de ruine et
de
déception, de sorte qu’il croit entendre la voix la plus secrète des
1967
e la voix la plus secrète des choses qui, du fond
de
l’abîme, lui parle intelligiblement.42 Sans les paroles et l’image
1968
e pourrait supporter l’audition du troisième acte
de
Tristan « à moins de suffoquer sous la tension convulsive de toutes l
1969
l’audition du troisième acte de Tristan « à moins
de
suffoquer sous la tension convulsive de toutes les fibres de son âme
1970
« à moins de suffoquer sous la tension convulsive
de
toutes les fibres de son âme ». Cet ouvrage de jeunesse marque l’apog
1971
r sous la tension convulsive de toutes les fibres
de
son âme ». Cet ouvrage de jeunesse marque l’apogée de l’amitié avec W
1972
ve de toutes les fibres de son âme ». Cet ouvrage
de
jeunesse marque l’apogée de l’amitié avec Wagner et de l’admiration p
1973
on âme ». Cet ouvrage de jeunesse marque l’apogée
de
l’amitié avec Wagner et de l’admiration pour Schopenhauer, leur maîtr
1974
unesse marque l’apogée de l’amitié avec Wagner et
de
l’admiration pour Schopenhauer, leur maître commun. « J’aime en Wagne
1975
la gaieté, l’irresponsabilité ! Vivons au-dessus
de
nous afin de pouvoir vivre avec nous-mêmes ! » Que s’est-il passé ent
1976
ine tout. Wagner n’est plus « mon noble compagnon
d’
armes » mais « l’asphyxie par le rabâchage de toutes les absurdités mo
1977
gnon d’armes » mais « l’asphyxie par le rabâchage
de
toutes les absurdités morales et religieuses ». Loin de Bâle, loin de
1978
riebschen, loin de Bayreuth surtout — où l’auteur
de
Tristan est l’époux comblé de Cosima… — loin du Nord désormais détest
1979
rtout — où l’auteur de Tristan est l’époux comblé
de
Cosima… — loin du Nord désormais détesté, Nietzsche vit à Gênes, et i
1980
ênes, et il écrit Aurore. « Presque chaque phrase
de
ce livre a été pensée et comme capturée dans les mille recoins de ce
1981
é pensée et comme capturée dans les mille recoins
de
ce chaos de rochers près de Gênes, où je vivais tout seul, en une fam
1982
comme capturée dans les mille recoins de ce chaos
de
rochers près de Gênes, où je vivais tout seul, en une familière intim
1983
des hauteurs, et il y termine la première partie
de
Zarathoustra, à « l’heure sainte » — tiendra-t-il à préciser plus tar
1984
e est femme… » Que dit Aurore ? « Il n’y a encore
d’
efficace contre l’amour que ce vieux remède radical : l’amour en retou
1985
ligiosité décadente et aux « Sursum ! Bouboum ! »
de
Wagner ? Elle enseigne l’amour « remis à sa place dans la nature ! No
1986
remis à sa place dans la nature ! Non pas l’amour
d’
une femme « idéale » !… Au contraire, l’amour dans ce qu’il a de fatal
1987
idéale » !… Au contraire, l’amour dans ce qu’il a
de
fatal, de cynique, de candide, de cruel… L’amour dont la guerre est l
1988
… Au contraire, l’amour dans ce qu’il a de fatal,
de
cynique, de candide, de cruel… L’amour dont la guerre est le moyen, d
1989
re, l’amour dans ce qu’il a de fatal, de cynique,
de
candide, de cruel… L’amour dont la guerre est le moyen, dont la haine
1990
dans ce qu’il a de fatal, de cynique, de candide,
de
cruel… L’amour dont la guerre est le moyen, dont la haine mortelle de
1991
amour dont Benjamin Constant a bien dit qu’il est
de
tous les sentiments le plus égoïste, — l’amour « naturel » à la Don J
1992
ui-même, en tant que philosophe, en tant qu’amant
de
la « Sagesse », qui se croit devenu Don Juan, et qui se définit comme
1993
an, et qui se définit comme tel ! Les philosophes
de
l’avenir réclameront le titre de « séducteurs ». Ils seront « curieux
1994
Les philosophes de l’avenir réclameront le titre
de
« séducteurs ». Ils seront « curieux jusqu’au vice, chercheurs jusqu’
1995
rêts à n’importe quelle aventure grâce à un excès
de
libre jugement… Cachés sous le manteau de la lumière… des conquérants
1996
n excès de libre jugement… Cachés sous le manteau
de
la lumière… des conquérants ! » Et leur morale, au-delà du bien et du
1997
ute le texte capital : Une fable. — Le Don Juan
de
la connaissance : aucun philosophe, aucun poète ne l’a encore découve
1998
nque l’amour des choses qu’il découvre, mais il a
de
l’esprit et de la volupté et il jouit des chasses et des intrigues de
1999
s choses qu’il découvre, mais il a de l’esprit et
de
la volupté et il jouit des chasses et des intrigues de la connaissanc
2000
volupté et il jouit des chasses et des intrigues
de
la connaissance — qu’il poursuit jusqu’aux étoiles les plus hautes et
2001
ste plus rien à chasser, si ce n’est ce qu’il y a
d’
absolument douloureux dans la connaissance, comme l’ivrogne qui finit
2002
connaissance, comme l’ivrogne qui finit par boire
de
l’absinthe et de l’eau-forte. C’est pourquoi il finit par désirer l’e
2003
me l’ivrogne qui finit par boire de l’absinthe et
de
l’eau-forte. C’est pourquoi il finit par désirer l’enfer, — c’est la
2004
é, cloué à la déception et devenu lui-même l’hôte
de
pierre, et il éprouvera le désir d’un repas du soir de la connaissanc
2005
i-même l’hôte de pierre, et il éprouvera le désir
d’
un repas du soir de la connaissance ! qui jamais plus ne lui tombera e
2006
erre, et il éprouvera le désir d’un repas du soir
de
la connaissance ! qui jamais plus ne lui tombera en partage ! « — Car
2007
amé.47 Le rythme allègre ou endiablé, le presto
de
Don Juan, son humeur insolente et gaie, la désinvolture de grand seig
2008
an, son humeur insolente et gaie, la désinvolture
de
grand seigneur avec laquelle on « laisse tomber » une vérité dès qu’u
2009
ante pour l’esprit, tout cela domine les recueils
d’
aphorismes, d’Humain, trop humain au Gai Savoir et à la Généalogie de
2010
prit, tout cela domine les recueils d’aphorismes,
d’
Humain, trop humain au Gai Savoir et à la Généalogie de la Morale. Mai
2011
ain, trop humain au Gai Savoir et à la Généalogie
de
la Morale. Mais déjà dans Aurore, il arrive que le Don Juan de la con
2012
Mais déjà dans Aurore, il arrive que le Don Juan
de
la connaissance s’interroge, et cela n’est pas dans le droit fil du p
2013
plus outre dans son sens, emporté par sa frénésie
de
découvertes et de négations triomphantes ? La dernière va le jeter da
2014
n sens, emporté par sa frénésie de découvertes et
de
négations triomphantes ? La dernière va le jeter dans cela même dont
2015
oi craignons-nous et haïssons-nous la possibilité
d’
un retour à la barbarie ? Serait-ce peut-être parce que la barbarie re
2016
eux qu’ils ne le sont ? Hélas, non ! Les barbares
de
tous les temps avaient plus de bonheur : ne nous y trompons pas. — Ma
2017
non ! Les barbares de tous les temps avaient plus
de
bonheur : ne nous y trompons pas. — Mais c’est notre instinct de conn
2018
nous y trompons pas. — Mais c’est notre instinct
de
connaissance qui est trop développé pour que nous puissions encore ap
2019
le bonheur sans connaissance, ou bien le bonheur
d’
une illusion solide et vigoureuse ; nous souffrons rien qu’à nous repr
2020
présenter un pareil état de choses ! L’inquiétude
de
la découverte et de la divination a pris pour nous autant de charme e
2021
état de choses ! L’inquiétude de la découverte et
de
la divination a pris pour nous autant de charme et nous est devenue t
2022
verte et de la divination a pris pour nous autant
de
charme et nous est devenue tout aussi indispensable que ne l’est, pou
2023
aucun prix il n’aimerait l’abandonner pour l’état
d’
indifférence ; — oui, peut-être sommes-nous, nous aussi, des amants ma
2024
transformée chez nous en passion qui ne s’effraie
d’
aucun sacrifice et n’a, au fond, qu’une seule crainte, celle de s’étei
2025
fice et n’a, au fond, qu’une seule crainte, celle
de
s’éteindre elle-même… Mais la passion de la connaissance peut faire
2026
, celle de s’éteindre elle-même… Mais la passion
de
la connaissance peut faire périr l’humanité ? Qu’à cela ne tienne ! «
2027
sur nous. Le christianisme s’est-il donc effrayé
d’
idées semblables ? La passion et la mort ne sont-elles pas sœurs ?48 »
2028
i, Don Juan vient de surprendre la vérité secrète
de
son pire Adversaire. Qui sait s’il ne va pas l’aimer ? ⁂ Dans la troi
2029
il ne va pas l’aimer ? ⁂ Dans la troisième partie
d’
Ainsi parlait Zarathoustra se produit le coup de théâtre préparé par c
2030
e d’Ainsi parlait Zarathoustra se produit le coup
de
théâtre préparé par ces quelques accords dissonants, dont la sourde i
2031
ants, dont la sourde interrogation n’a pu manquer
de
réveiller dans la mémoire de Nietzsche les motifs tristaniens du Dési
2032
ation n’a pu manquer de réveiller dans la mémoire
de
Nietzsche les motifs tristaniens du Désir, de l’Invocation à la Nuit,
2033
ire de Nietzsche les motifs tristaniens du Désir,
de
l’Invocation à la Nuit, de la Délivrance du Temps et de l’Extase. Sub
2034
tristaniens du Désir, de l’Invocation à la Nuit,
de
la Délivrance du Temps et de l’Extase. Subitement, ce qui parle, c’es
2035
nvocation à la Nuit, de la Délivrance du Temps et
de
l’Extase. Subitement, ce qui parle, c’est l’Ombre, c’est son ombre :
2036
Minuit profond ? J’ai dormi, j’ai dormi — Du fond
d’
un songe je m’éveille : Profond est le monde Et plus profond que le jo
2037
la « nouvelle passion » qu’annonçait le fragment
d’
Aurore : c’est le retour du mythe mortel de l’Amour qui transfixe et t
2038
agment d’Aurore : c’est le retour du mythe mortel
de
l’Amour qui transfixe et transfigure. C’est le Chant de Minuit saluan
2039
mour qui transfixe et transfigure. C’est le Chant
de
Minuit saluant l’Éternité, quand Don Juan meurt avec le temps et la s
2040
tour éternel qui subitement « cloue » le Don Juan
de
la connaissance. C’est Nietzsche lui-même qui tend la main au Command
2041
Wagner — qui est un dernier Anti-Tristan — venait
d’
être envoyé à l’impression. Dans Aurore, je relis : « Que celui qui v
2042
rsaire considère si ce ne serait pas là une façon
de
l’éterniser en soi-même ». ⁂ Le « cas Nietzsche » n’a pas été tranché
2043
nées que Nietzsche lui-même. Le dernier aphorisme
d’
Aurore se termine ainsi : Où voulons-nous aller ? Voulons-nous donc f
2044
nt et s’éteignirent ? Dira-t-on peut-être un jour
de
nous que, nous aussi, gouvernant toujours vers l’ouest, nous espérion
2045
Inde inconnue, — mais que c’était notre destinée
d’
échouer devant l’infini ? Ou bien, mes frères, ou bien ? Dans Ecce Ho
2046
Tristan de la Foi. Était-ce vraiment la destinée
de
Nietzsche « d’échouer devant l’infini » ? Ou au contraire son choix d
2047
Foi. Était-ce vraiment la destinée de Nietzsche «
d’
échouer devant l’infini » ? Ou au contraire son choix délibéré ? Ou bi
2048
ns le Don Juan du théâtre comme le reflet inversé
de
Tristan. Le contraste est d’abord dans l’allure extérieure des person
2049
u contraire, Tristan vient en scène avec l’espèce
de
lenteur somnambulique de celui qu’hypnotise un objet merveilleux, don
2050
t en scène avec l’espèce de lenteur somnambulique
de
celui qu’hypnotise un objet merveilleux, dont il n’aura jamais épuisé
2051
Don Juan, toujours aimé, ne peut aimer en retour.
D’
où son angoisse et sa course éperdue. L’un recherche dans l’acte d’amo
2052
et sa course éperdue. L’un recherche dans l’acte
d’
amour la volupté d’une profanation, l’autre accomplit en restant chast
2053
ue. L’un recherche dans l’acte d’amour la volupté
d’
une profanation, l’autre accomplit en restant chaste la « prouesse » d
2054
t chaste la « prouesse » divinisante. La tactique
de
Don Juan, c’est le viol, et aussitôt remportée la victoire, il abando
2055
il abandonne le terrain et s’enfuit. Or la règle
de
l’amour courtois faisait du viol précisément le crime des crimes, la
2056
crime des crimes, la félonie sans rémission ; et
de
l’hommage un engagement jusqu’à la mort. Don Juan se rend donc tribut
2057
jusqu’à la mort. Don Juan se rend donc tributaire
de
la morale dont il abuse. Il a grand besoin qu’elle existe pour trouve
2058
es règles, des péchés et des vertus, par la grâce
d’
une vertu qui transcende le monde de la Loi. Enfin tout se ramène à ce
2059
par la grâce d’une vertu qui transcende le monde
de
la Loi. Enfin tout se ramène à cette opposition : Don Juan est le dém
2060
ramène à cette opposition : Don Juan est le démon
de
l’immanence pure, le prisonnier des apparences du monde, le martyr de
2061
le prisonnier des apparences du monde, le martyr
de
la sensation de plus en plus décevante et méprisable — quand Tristan
2062
e et méprisable — quand Tristan est le prisonnier
d’
un au-delà du jour et de la nuit, le martyr d’un ravissement qui se mu
2063
Tristan est le prisonnier d’un au-delà du jour et
de
la nuit, le martyr d’un ravissement qui se mue en joie pure à la mort
2064
ier d’un au-delà du jour et de la nuit, le martyr
d’
un ravissement qui se mue en joie pure à la mort. On peut noter encore
2065
e le Commandeur lui tend la main, au dernier acte
de
Mozart, rachetant par cet ultime défi des lâchetés qui eussent déshon
2066
’abdique au contraire son orgueil qu’à l’approche
de
la mort lumineuse. Je ne leur vois qu’un trait commun : tous deux ont
2067
se éternité. — Don Juan, joyeux moments, éternité
d’
enfer. Un contraste aussi pur, terme à terme, implique évidemment un l
2068
i pur, terme à terme, implique évidemment un lien
d’
interaction ; bien plus : une relation complémentaire au sens de la ph
2069
; bien plus : une relation complémentaire au sens
de
la physique actuelle. Don Juan n’est pas concevable sans Tristan, et
2070
n, et sans lui n’eût pas vu le jour. Mais ce lien
de
genèse réciproque ne saurait s’exprimer de la même manière en termes
2071
e lien de genèse réciproque ne saurait s’exprimer
de
la même manière en termes d’histoire, d’éthique, ou de psychologie. L
2072
exprimer de la même manière en termes d’histoire,
d’
éthique, ou de psychologie. L’Histoire constate la filiation des mythe
2073
même manière en termes d’histoire, d’éthique, ou
de
psychologie. L’Histoire constate la filiation des mythes, puis leurs
2074
nfin leur coexistence statistique dans l’ensemble
d’
une société aussi complexe que la nôtre. L’Éthique condamne en princip
2075
e valoir sa vertu, ce soit au prix de l’exclusion
d’
autant plus radicale de l’autre. (Pire qu’un Don Juan, pire qu’un Tris
2076
oit au prix de l’exclusion d’autant plus radicale
de
l’autre. (Pire qu’un Don Juan, pire qu’un Tristan, seraient un Don Ju
2077
ur.) Enfin, pour la Psychologie, toute apparition
de
l’un des mythes au niveau de la conscience individuelle correspond à
2078
onscience individuelle correspond à l’occultation
de
l’autre en l’inconscient. La possibilité d’une inversion du rapport s
2079
ation de l’autre en l’inconscient. La possibilité
d’
une inversion du rapport subsiste donc en permanence. Au surplus, dans
2080
mesure où la conduite, la pensée et l’affectivité
d’
un même individu sont dissociées, Don Juan peut régir telle d’entre el
2081
elle autre. La filiation des mythes ne pose guère
de
problèmes. La légende de Tristan date du xiie siècle, celle de Don J
2082
des mythes ne pose guère de problèmes. La légende
de
Tristan date du xiie siècle, celle de Don Juan ne remonte guère qu’à
2083
La légende de Tristan date du xiie siècle, celle
de
Don Juan ne remonte guère qu’à la Renaissance, et ne s’est vraiment c
2084
nstituée qu’à la faveur du refoulement temporaire
de
la « noble » passion dont parlait Nietzsche, pendant le siècle des Lu
2085
que l’on vient de considérer, l’éclipse du mythe
de
la passion devait faire apparaître l’antithèse de Tristan. Si Don Jua
2086
de la passion devait faire apparaître l’antithèse
de
Tristan. Si Don Juan n’est pas, historiquement, une invention du xvii
2087
il joué par rapport à ce personnage le rôle exact
de
Lucifer par rapport à la Création, dans la doctrine manichéenne : c’e
2088
imprimé pour toujours ces deux traits si typiques
de
l’époque : la noirceur et la scélératesse. Antithèse vraiment parfait
2089
esse. Antithèse vraiment parfaite des deux vertus
de
l’amour chevaleresque : la candeur et la courtoisie.50. » Observons a
2090
u féodal. Si Tristan quitte ses terres, s’éloigne
de
la Cour, son « errance » traduit dans l’espace la Quête ou l’Exil spi
2091
uête ou l’Exil spirituel. Mais l’humeur voyageuse
de
Don Juan ne relève que du nomadisme ; elle traduit l’infidélité systé
2092
coutumes, préjugés et principes du groupe natif,
de
la tribu ou de la nation. C’est pourquoi le retour de la passion mort
2093
ugés et principes du groupe natif, de la tribu ou
de
la nation. C’est pourquoi le retour de la passion mortelle vers le mi
2094
a tribu ou de la nation. C’est pourquoi le retour
de
la passion mortelle vers le milieu du xixe , s’il est d’abord le fait
2095
ntisme, ne coïncide point par hasard avec l’essor
de
la passion nationaliste, qui est sa transposition au niveau politique
2096
position au niveau politique51. Mais le nomadisme
de
Don Juan n’est pas seulement cosmopolite et donc moderne. Les succès
2097
et donc moderne. Les succès du héros, comme ceux
de
Casanova, ne sont pas seulement le fait d’un charme individuel. Des c
2098
e ceux de Casanova, ne sont pas seulement le fait
d’
un charme individuel. Des coutumes ancestrales, oubliées depuis des si
2099
iècles, sont subitement réactivées par sa qualité
d’
Étranger. À la question d’une femme qu’il veut séduire : « Ah ciel ! H
2100
activées par sa qualité d’Étranger. À la question
d’
une femme qu’il veut séduire : « Ah ciel ! Homme, qui es-tu ? » le Don
2101
mme sans nom, sans passé ni lendemain, c’est l’un
de
ces cavaliers sortis des temps où les hordes nomades apparaissaient s
2102
femmes, leur révélaient le plaisir dans l’acuité
de
l’épouvante, et fuyaient au galop vers leur désert. Et c’est aussi le
2103
assez fort pour oser assumer les périls supposés
de
l’acte de défloration, — périls de l’âme, perte de la mana. Ainsi le
2104
t pour oser assumer les périls supposés de l’acte
de
défloration, — périls de l’âme, perte de la mana. Ainsi le jus primæ
2105
érils supposés de l’acte de défloration, — périls
de
l’âme, perte de la mana. Ainsi le jus primæ noctis serait plutôt une
2106
e l’acte de défloration, — périls de l’âme, perte
de
la mana. Ainsi le jus primæ noctis serait plutôt une sorte de devoir
2107
Ainsi le jus primæ noctis serait plutôt une sorte
de
devoir littéralement « religieux » du seigneur. Dans la nuit, sous le
2108
en est. En ce sens, uniquement, Don Juan procède
d’
un état de civilisation bien antérieur au christianisme, et plus encor
2109
n ce sens, uniquement, Don Juan procède d’un état
de
civilisation bien antérieur au christianisme, et plus encore à la che
2110
encore à la chevalerie courtoise. Du point de vue
de
la psychologie individuelle, l’antériorité de Tristan apparaît encore
2111
vue de la psychologie individuelle, l’antériorité
de
Tristan apparaît encore plus évidente. L’amour-passion n’est ressenti
2112
, et ne sera plus jamais aussi nettement distinct
de
toute autre douleur ou joie. Le sentiment qu’expriment les troubadour
2113
uit normalement au mariage, c’est-à-dire au point
de
départ d’une dialectique des plus complexes, dont les termes de base
2114
ement au mariage, c’est-à-dire au point de départ
d’
une dialectique des plus complexes, dont les termes de base sont le se
2115
e dialectique des plus complexes, dont les termes
de
base sont le sexuel, le social et le sentimental. Supposons que la sy
2116
hanges avec la société — aient trouvé leur régime
d’
équilibre en mouvement, et que la résultante de ce système d’échanges
2117
me d’équilibre en mouvement, et que la résultante
de
ce système d’échanges soit positive, pour l’une et l’autre des person
2118
en mouvement, et que la résultante de ce système
d’
échanges soit positive, pour l’une et l’autre des personnes composant
2119
ar elle sera bientôt soumise à l’épreuve imprévue
de
la durée, qui modifie nécessairement l’importance relative de chacun
2120
qui modifie nécessairement l’importance relative
de
chacun des trois termes, et cela chez deux être différents. (Calculez
2121
ossibles : ce n’est pas ici mon sujet, mais celui
d’
un traité du mariage.) Si au contraire le sentiment, dans son essor ve
2122
s obstacles insurmontables, qui sont généralement
de
nature sociale : ou bien il s’exalte et les nie — ou bien il renonce
2123
nd une nouvelle énergie, ou des raisons nouvelles
de
se renier. C’est alors que les mythes s’emparent de lui. Dans les deu
2124
se renier. C’est alors que les mythes s’emparent
de
lui. Dans les deux cas, le mariage est condamné : puisqu’il est la du
2125
se que l’instant des brèves rencontres érotiques.
De
ce point de vue, Tristan serait un mari manqué pour avoir manqué le s
2126
al et le sentimental52. Mais comme il n’est guère
de
mariage qui parvienne à maintenir sans crise une synthèse dans la dur
2127
es réels sont soumis dans leurs crises à l’action
de
l’un des deux. La morale et la société prononcent alors leurs décrets
2128
la leur, exige une prise de conscience objective
de
leur véritable nature, et des fins vers lesquelles nous conduisent le
2129
nous conduisent leurs structures. Du point de vue
de
l’histoire et de la psychologie — phylogenèse, ontogenèse —, c’est l’
2130
eurs structures. Du point de vue de l’histoire et
de
la psychologie — phylogenèse, ontogenèse —, c’est l’alternance des my
2131
ombre quand l’autre agit au jour. Tout diagnostic
d’
une situation, tout pronostic sur son évolution, devront donc s’établi
2132
évoqués ici l’ont établi. En revanche, aux heures
de
crise que les célibataires comme les couples mariés traversent quelqu
2133
ariés traversent quelquefois, c’est sous la forme
d’
une alternative que le drame s’impose, qu’il est vécu, et que la moral
2134
ive qu’en connaissance des fins auxquelles chacun
de
ses termes s’ordonne et nous incline, selon sa loi. Mais il se peut a
2135
ellement complémentaires. Ce ne serait plus alors
d’
un dilemme à trancher qu’il s’agirait, mais d’une tension à restaurer
2136
ors d’un dilemme à trancher qu’il s’agirait, mais
d’
une tension à restaurer dans son équilibre vital… VSens final des d
2137
ns final des deux mythes Quelles sont les fins
de
nos vies au-delà de survivre, travailler et gagner de l’argent, qui n
2138
thes Quelles sont les fins de nos vies au-delà
de
survivre, travailler et gagner de l’argent, qui ne sont au vrai que d
2139
os vies au-delà de survivre, travailler et gagner
de
l’argent, qui ne sont au vrai que des moyens ? Limitons-nous aux quat
2140
amoureux. Le bonheur spontané veut la durée. Mais
de
la durée naît l’ennui : c’est pourquoi beaucoup les confondent. J’ima
2141
t. J’imagine cependant deux raisons non médiocres
de
refuser la durée normale ; ou plutôt deux tempéraments qui ne pourron
2142
rer l’amour dans l’existence normale, ou par goût
de
l’excès en soi, l’un prétendra transcender la durée, l’autre en faire
2143
aité mieux. « Le croire malheureux parce qu’il va
de
l’une à l’autre, c’est le croire malheureux parce qu’il n’atteint pas
2144
nt pas un but qu’il ne poursuit pas », écrit l’un
de
ses apologistes53, qui ajoute aussitôt : « Il est heureux jusque dans
2145
ussitôt : « Il est heureux jusque dans les échecs
de
sa chasse, puisque son plaisir est dans la chasse plus que dans la pr
2146
la chasse plus que dans la prise. » L’excitation
de
la chasse lui suffit donc, et, l’on insiste : elle est même pour lui
2147
’en vois une autre : rien de plus raisonnable que
de
la cueillir aussi. » Il est vrai que Don Juan « raisonne » ainsi, en
2148
t vrai que Don Juan « raisonne » ainsi, en chacun
de
nous à ses heures. C’est qu’il oublie qu’une femme n’est pas une pomm
2149
lui qui ne l’aura pas « prise », s’étant contenté
de
la « goûter ». Dona Anna poursuit Don Juan de sa haine, parce que, se
2150
nté de la « goûter ». Dona Anna poursuit Don Juan
de
sa haine, parce que, selon la légende primitive — que nous rappelle u
2151
devait… Il a trompé la femme en elle, en abusant
de
son rôle divin d’animateur pour satisfaire seulement le plaisir de se
2152
pé la femme en elle, en abusant de son rôle divin
d’
animateur pour satisfaire seulement le plaisir de ses sens.54 » Toute
2153
d’animateur pour satisfaire seulement le plaisir
de
ses sens.54 » Toute magie sexuelle mise à part, le « divin » ramené à
2154
prit ou la personne, le sens est clair : le refus
de
la durée, chez Don Juan, équivaut au refus de la vraie possession, qu
2155
fus de la durée, chez Don Juan, équivaut au refus
de
la vraie possession, qui implique échange et don, entre humains tout
2156
l’on n’en finit pas si vite ! Il n’est que juste
d’
observer d’ailleurs que le Don Juan mangeur de pommes, qu’on vient de
2157
ste d’observer d’ailleurs que le Don Juan mangeur
de
pommes, qu’on vient de citer, reste un peu court. Il n’accédera jamai
2158
accédera jamais à l’érotisme, qui est dépassement
de
l’instinct et des faims animales. Il n’intéresse pas plus que les par
2159
pas plus que les pariades des autres, et n’a pas
de
prestige pour l’imagination. Mozart n’en eût rien fait, ni même Da Po
2160
n’en eût rien fait, ni même Da Ponte. Il sert ici
d’
exemple extrême, pour déceler une certaine faiblesse intime de l’éroti
2161
trême, pour déceler une certaine faiblesse intime
de
l’érotisme donjuanesque, même dans ses manifestations les plus altièr
2162
st pas seulement la réalité du couple, mais celle
de
l’objet désiré. La plupart des rêveries érotiques échouent devant la
2163
ure lui-même avec tout ce que cela peut comporter
de
gênant ou d’insupportable, après l’accomplissement du phantasme excit
2164
avec tout ce que cela peut comporter de gênant ou
d’
insupportable, après l’accomplissement du phantasme excitant. Et c’est
2165
ice Théodora faisait tuer avant l’aube ses amants
d’
une nuit. Tristan veut au contraire l’éternité, car il veut échapper à
2166
, veut la profonde éternité ». Telle est la forme
de
son évasion, de son refus de la durée incarnée. Il veut plus, et non
2167
de éternité ». Telle est la forme de son évasion,
de
son refus de la durée incarnée. Il veut plus, et non moins, que le ma
2168
. Telle est la forme de son évasion, de son refus
de
la durée incarnée. Il veut plus, et non moins, que le mariage ; plus,
2169
e mariage ; plus, et non moins, que la possession
de
« la vérité dans une âme et un corps » comme dit Rimbaud. L’excitatio
2170
âme et un corps » comme dit Rimbaud. L’excitation
de
la nouveauté, il la trouve dans le drame renouvelé d’une seule passio
2171
a nouveauté, il la trouve dans le drame renouvelé
d’
une seule passion mais toujours plus intense, brûlant la vie. Psychose
2172
rce véritable ? Seule une estimation bien assurée
de
notre vie dans ce monde-ci, et de son sens ou de son absurdité, nous
2173
on bien assurée de notre vie dans ce monde-ci, et
de
son sens ou de son absurdité, nous mettrait en mesure de répondre. Si
2174
de notre vie dans ce monde-ci, et de son sens ou
de
son absurdité, nous mettrait en mesure de répondre. Si notre incarnat
2175
sens ou de son absurdité, nous mettrait en mesure
de
répondre. Si notre incarnation présente n’est que souffrance et illus
2176
an qui a raison contre le mariage. S’il n’est pas
d’
autre vie ni d’autre réalité qu’historique, matérielle et biologique,
2177
contre le mariage. S’il n’est pas d’autre vie ni
d’
autre réalité qu’historique, matérielle et biologique, le mariage est
2178
n Juan serait alors la liberté, un reflet inversé
de
l’esprit que l’on nie. On peut aussi penser que le mariage est « la p
2179
t « la plénitude du temps », comme le dit le Mari
de
Kierkegaard, la synthèse vivante de l’instant, de la durée et de l’ét
2180
e dit le Mari de Kierkegaard, la synthèse vivante
de
l’instant, de la durée et de l’éternité. Celui qui a résolu ce problè
2181
de Kierkegaard, la synthèse vivante de l’instant,
de
la durée et de l’éternité. Celui qui a résolu ce problème dans sa vie
2182
la synthèse vivante de l’instant, de la durée et
de
l’éternité. Celui qui a résolu ce problème dans sa vie est seul en me
2183
résolu ce problème dans sa vie est seul en mesure
de
condamner Don Juan et Tristan à la fois ; mais il n’a plus de raisons
2184
Don Juan et Tristan à la fois ; mais il n’a plus
de
raisons de le faire… Le Bonheur. — Moments de grand plaisir multipli
2185
t Tristan à la fois ; mais il n’a plus de raisons
de
le faire… Le Bonheur. — Moments de grand plaisir multipliés par les
2186
us de raisons de le faire… Le Bonheur. — Moments
de
grand plaisir multipliés par les aventures sans lendemain, couples he
2187
res sans lendemain, couples heureux dans la durée
de
leur amour, tourments bienheureux de la passion : l’argument du bonhe
2188
ans la durée de leur amour, tourments bienheureux
de
la passion : l’argument du bonheur sert à tous. Et ce n’est pas une r
2189
ions ou l’impuissance, la solitude ou l’obsession
de
l’abandon, l’angoisse ou la vulgarité d’esprit et d’âme — ces deux ca
2190
bsession de l’abandon, l’angoisse ou la vulgarité
d’
esprit et d’âme — ces deux cas sont les plus généraux — empêchent de j
2191
l’abandon, l’angoisse ou la vulgarité d’esprit et
d’
âme — ces deux cas sont les plus généraux — empêchent de jouer un rôle
2192
— ces deux cas sont les plus généraux — empêchent
de
jouer un rôle « heureux » dans le mariage, ou le libertinage, ou la p
2193
’il arrive à chacun des trois types, même réussi,
d’
éprouver à l’endroit des deux autres : j’étais né pour ceci ou pour ce
2194
: j’étais né pour ceci ou pour cela (le contraire
de
ce que je suis en train de vivre), j’ai toujours rêvé de…, si je pouv
2195
ue je suis en train de vivre), j’ai toujours rêvé
de
…, si je pouvais refaire ma vie… Mais rêver d’autre chose est normal.
2196
êvé de…, si je pouvais refaire ma vie… Mais rêver
d’
autre chose est normal. Une certaine dualité est normale, dans la mesu
2197
sure où elle ne fait que traduire la formule même
de
la vie sur tous les plans : spirituel, animique, biologique et physiq
2198
t concevable hors de la tension permanente, voire
de
la lutte (latente ou déclarée) entre au moins deux tendances antagoni
2199
ns ici l’exemple élémentaire et primordial, celui
de
la vie d’une cellule. On sait aujourd’hui que cette vie dépend de l’a
2200
xemple élémentaire et primordial, celui de la vie
d’
une cellule. On sait aujourd’hui que cette vie dépend de l’action simu
2201
cellule. On sait aujourd’hui que cette vie dépend
de
l’action simultanée de deux acides nucléiques, concentrés dans le noy
2202
d’hui que cette vie dépend de l’action simultanée
de
deux acides nucléiques, concentrés dans le noyau mais également à l’œ
2203
’œuvre dans le cytoplasme, où ils sont les agents
d’
induction de la synthèse des protéines. Tant que les deux sont à l’œuv
2204
le cytoplasme, où ils sont les agents d’induction
de
la synthèse des protéines. Tant que les deux sont à l’œuvre, la cellu
2205
à l’œuvre, la cellule fonctionne bien, son régime
d’
échanges et de synthèses est créateur : on pourrait dire qu’elle est «
2206
cellule fonctionne bien, son régime d’échanges et
de
synthèses est créateur : on pourrait dire qu’elle est « heureuse ». M
2207
dans son « âme » (c’est-à-dire dans le programme
d’
activité dont ses chromosomes sont porteurs) qui se met à fabriquer le
2208
n virus ? Voilà le point. Un virus est un composé
de
substances analogues à celles de la cellule, sauf en ceci qu’il ne re
2209
s est un composé de substances analogues à celles
de
la cellule, sauf en ceci qu’il ne renferme qu’un seul des acides nucl
2210
nvaincre et modifier le cœur secret, le « noyau »
de
cette âme, et voici la névrose déclarée, le drame et l’éclatement du
2211
mplement mis en latence, mais demeure susceptible
de
ressusciter sous l’effet d’un choc émotif. Cette analogie biologique
2212
s demeure susceptible de ressusciter sous l’effet
d’
un choc émotif. Cette analogie biologique n’explique pas, on s’en dout
2213
e n’explique pas, on s’en doute, la nature en soi
de
nos mythes, qui sont phénomènes de l’âme. Mais elle nous aide à mieux
2214
nature en soi de nos mythes, qui sont phénomènes
de
l’âme. Mais elle nous aide à mieux imaginer le processus de leur acti
2215
Mais elle nous aide à mieux imaginer le processus
de
leur action ; peut-être aussi de leurs éclipses apparentes, et de leu
2216
ner le processus de leur action ; peut-être aussi
de
leurs éclipses apparentes, et de leurs soudaines récurrences dans une
2217
peut-être aussi de leurs éclipses apparentes, et
de
leurs soudaines récurrences dans une vie. (Je songe par exemple au ch
2218
ar exemple au choc reçu par Nietzsche à l’annonce
de
la mort de Wagner : le motif de Tristan reparaît peu après dans le se
2219
au choc reçu par Nietzsche à l’annonce de la mort
de
Wagner : le motif de Tristan reparaît peu après dans le second Zarath
2220
zsche à l’annonce de la mort de Wagner : le motif
de
Tristan reparaît peu après dans le second Zarathoustra : « Car je t’a
2221
étant commune à tous les phénomènes qui relèvent
de
la vie en général, pourquoi refuser l’hypothèse que les agents « morb
2222
e les agents « morbides » se comportent eux aussi
d’
une manière formellement analogue, quel que soit le niveau de la vie c
2223
re formellement analogue, quel que soit le niveau
de
la vie considéré ? Je ne citerai — et en passant — qu’un seul exemple
2224
e ne citerai — et en passant — qu’un seul exemple
d’
application de cette même dialectique à la vie politique. Le totalitar
2225
et en passant — qu’un seul exemple d’application
de
cette même dialectique à la vie politique. Le totalitarisme est carac
2226
ractérisé par sa prétention unitaire et son refus
de
composer avec aucune espèce d’opposition. Ce qui le distingue de tout
2227
taire et son refus de composer avec aucune espèce
d’
opposition. Ce qui le distingue de tout autre régime — quelles que soi
2228
c aucune espèce d’opposition. Ce qui le distingue
de
tout autre régime — quelles que soient ses ressemblances avec plusieu
2229
ressemblances avec plusieurs d’entre eux — c’est,
d’
une manière précise, qu’il n’admet qu’une tendance, la centralisation
2230
ntraire, se définit comme la synthèse perpétuelle
de
deux tendances antagonistes : l’autorité centrale et l’autonomie des
2231
talitarisme, sa maladie mortelle. Ayant vécu près
d’
une année en Allemagne hitlérienne, j’avais coutume de dire à ceux qui
2232
e année en Allemagne hitlérienne, j’avais coutume
de
dire à ceux qui me questionnaient sur les motifs de l’adhésion réelle
2233
dire à ceux qui me questionnaient sur les motifs
de
l’adhésion réelle de tant d’Allemands à une doctrine évidemment démen
2234
uestionnaient sur les motifs de l’adhésion réelle
de
tant d’Allemands à une doctrine évidemment démente : « J’ai vu certai
2235
aient sur les motifs de l’adhésion réelle de tant
d’
Allemands à une doctrine évidemment démente : « J’ai vu certains de me
2236
doctrine évidemment démente : « J’ai vu certains
de
mes étudiants devenir nazis. J’ai vu qu’ils changeaient physiquement.
2237
cette lourdeur dans le bas du visage, qui permet
de
reconnaître au premier regard un chef nazi. Si peu sérieux que cela p
2238
e du Trio. Quelques accords puissants, un échange
de
saluts comme on croise l’épée, toutes forces en alerte, et Don Juan d
2239
oise l’épée, toutes forces en alerte, et Don Juan
d’
une voix forte s’écrie : « Que ce lieu s’ouvre à tous ! Vive la libert
2240
armonie ? Car la liberté, pour les Masques, c’est
de
tuer le traître séducteur et de se faire les exécutants d’un destin q
2241
es Masques, c’est de tuer le traître séducteur et
de
se faire les exécutants d’un destin qui les terrifie ; pour le valet,
2242
e traître séducteur et de se faire les exécutants
d’
un destin qui les terrifie ; pour le valet, c’est de servir son maître
2243
un destin qui les terrifie ; pour le valet, c’est
de
servir son maître tant qu’il le paye, et de le trahir si les choses t
2244
c’est de servir son maître tant qu’il le paye, et
de
le trahir si les choses tournent mal ; pour Mazetto, c’est d’empêcher
2245
si les choses tournent mal ; pour Mazetto, c’est
d’
empêcher Zerline de succomber aux entreprises du seigneur ; pour Zerli
2246
nent mal ; pour Mazetto, c’est d’empêcher Zerline
de
succomber aux entreprises du seigneur ; pour Zerline, c’est de succom
2247
aux entreprises du seigneur ; pour Zerline, c’est
de
succomber ; et pour Don Juan de conquérir. Ici donc la morale des pri
2248
ur Zerline, c’est de succomber ; et pour Don Juan
de
conquérir. Ici donc la morale des principes, la morale des esclaves e
2249
es crient toutes : Vive la Loi ! Seule la liberté
de
Don Juan, qui d’ailleurs mène le chœur, fait exception : elle veut br
2250
al ou son éthique utilitaire. N’y a-t-il donc pas
de
liberté ? Ou bien la seule vraie liberté serait-elle dans le défi du
2251
servée aux esprits supérieurs, seuls dépositaires
de
cet ultime secret : Rien n’est vrai, tout est permis. C’était là de l
2252
et : Rien n’est vrai, tout est permis. C’était là
de
la vraie liberté d’esprit, une parole qui mettait en question la foi
2253
, tout est permis. C’était là de la vraie liberté
d’
esprit, une parole qui mettait en question la foi même de la vérité.56
2254
t, une parole qui mettait en question la foi même
de
la vérité.56 On ne peut aller plus loin, on ne peut aller plus haut
2255
la défense et dans l’illustration du libertinage
de
l’esprit, contre la liberté chrétienne d’une part, qui est obéissance
2256
la liberté que Nietzsche veut aimer cessera vite
d’
être désirable quand il aura tué la vérité elle-même : pas de « vraie
2257
rable quand il aura tué la vérité elle-même : pas
de
« vraie » liberté sans vérité. Comme Nietzsche l’indique — pour l’oub
2258
a pas dit autre chose avant eux, ni les mystiques
de
l’islam après eux. Cette connaissance ne peut être obtenue par un déf
2259
tte liberté seule « vraie » ne peut être le terme
d’
aucune espèce de revendication, nécessairement tournée vers l’extérieu
2260
e « vraie » ne peut être le terme d’aucune espèce
de
revendication, nécessairement tournée vers l’extérieur, vers les véri
2261
pose donc une libération. Libération est la voie
de
Tristan. Sa passion veut aimer sans limites au-delà des formes et du
2262
mps, au-delà du moi distinct et désirant, au-delà
de
tous les attachements terrestres, — elle veut ce ciel où l’amant et l
2263
onfondent en un seul être, dans le règne sans fin
de
l’Amour sans réveil. Là, rien n’est plus ni vrai ni faux, ni tien ni
2264
re aimer qui ? C’est dans l’énigme jamais résolue
de
ce nirvana romantique (où le Souffle du Monde est encore une « tourme
2265
ente » !) que nous laissent les dernières mesures
de
Tristan. L’amour. — Ici la dialectique des deux mythes se resserre.
2266
t son origine concrète, et qui lui échappe. Point
d’
amour pour Don Juan, le désir seul ; ni de prochain, mais seulement de
2267
. Point d’amour pour Don Juan, le désir seul ; ni
de
prochain, mais seulement des objets. Mais pour Tristan, si le dernier
2268
dans l’inconscient tout-englobant, il n’y a plus
d’
objet, ni de prochain. Il n’y a plus que l’amour de l’amour dans un su
2269
nscient tout-englobant, il n’y a plus d’objet, ni
de
prochain. Il n’y a plus que l’amour de l’amour dans un sujet qui, lui
2270
’objet, ni de prochain. Il n’y a plus que l’amour
de
l’amour dans un sujet qui, lui aussi, doit s’évanouir. Que reste-t-il
2271
autres perdent, pour sauver leur vie, les raisons
de
vivre, Tristan perd, à cause de l’amour les raisons humaines d’aimer.
2272
tan perd, à cause de l’amour les raisons humaines
d’
aimer. Dans la pureté de leur expression mythique, l’extraversion de
2273
our les raisons humaines d’aimer. Dans la pureté
de
leur expression mythique, l’extraversion de Don Juan et l’introversio
2274
ureté de leur expression mythique, l’extraversion
de
Don Juan et l’introversion de Tristan anéantissent, chacun à sa maniè
2275
que, l’extraversion de Don Juan et l’introversion
de
Tristan anéantissent, chacun à sa manière, la réalité du prochain. Do
2276
éalité du prochain. Don Juan et Tristan, symboles
de
l’âme, ne sont en fait que deux manières d’aimer sans aimer le procha
2277
boles de l’âme, ne sont en fait que deux manières
d’
aimer sans aimer le prochain. N’étant pas des personnes, mais des puis
2278
raient s’aimer eux-mêmes, ce qui est la condition
de
l’amour d’un autre, et donc de tout amour réel : car sans prochain, l
2279
mer eux-mêmes, ce qui est la condition de l’amour
d’
un autre, et donc de tout amour réel : car sans prochain, l’amour ne s
2280
i est la condition de l’amour d’un autre, et donc
de
tout amour réel : car sans prochain, l’amour ne sait plus où se prend
2281
qu’il reçoit, sujet nouveau, — et tel est l’amour
de
soi-même. Elle s’établit ensuite à l’intérieur du couple, entre les d
2282
et la communauté humaine. Telle est la plénitude
de
l’amour — et sa rareté merveilleuse ! Mais nos arts devant elle ont t
2283
antes à créer le mythe du mariage idéal, ont vécu
de
ses maladies… ⁂ En ce terme d’une longue méditation au carrefour fabu
2284
ge idéal, ont vécu de ses maladies… ⁂ En ce terme
d’
une longue méditation au carrefour fabuleux qu’aucune carte n’indique,
2285
sage ambigu. Les deux mythes les plus prestigieux
de
l’amour que l’on rêve en Occident sont en réalité deux négations de l
2286
n rêve en Occident sont en réalité deux négations
de
l’amour vrai dans le mariage, bien qu’ils en soient inséparables : il
2287
bien qu’ils en soient inséparables : ils sont nés
de
lui, contre lui, et ne pourraient se perpétuer sans lui. Mais ici se
2288
nos tentations majeures, mais des signes chargés
de
sens. Qu’ils se lèvent soudain devant nous, fascinants comme un rêve
2289
e, et nous savons que le moment est venu de virer
de
cap, ou bien d’affronter la tempête et les orages désirés. Tous les d
2290
s que le moment est venu de virer de cap, ou bien
d’
affronter la tempête et les orages désirés. Tous les deux ont raison c
2291
re l’amour, sitôt qu’il se ramène en soi, cessant
d’
être un échange vivant. Enfin tous les deux ont raison contre nos mora
2292
Enfin tous les deux ont raison contre nos morales
de
série, hygiéniques, étatiques, et sans style ni virtu. Dès qu’un désé
2293
e l’un des deux gagne à la main, il aura tôt fait
de
ruiner mariage, modération, personne, et la vie même. Mais sans eux,
2294
ée pure, à l’idéalité, à la catégorie. Il n’a pas
de
peine à démontrer que les Don Juan de Molière, de Heiberg, de Byron s
2295
de peine à démontrer que les Don Juan de Molière,
de
Heiberg, de Byron sont à cet égard loin de compte. 25. Ou bien… ou
2296
émontrer que les Don Juan de Molière, de Heiberg,
de
Byron sont à cet égard loin de compte. 25. Ou bien… ou bien, « Les
2297
n de compte. 25. Ou bien… ou bien, « Les stades
de
l’érotique spontané ou l’érotique musical » (troisième stade). 26.
2298
» (troisième stade). 26. Étapes sur le chemin
de
la vie, « In Vino Veritas », discours de Johannes le Séducteur. Casan
2299
e chemin de la vie, « In Vino Veritas », discours
de
Johannes le Séducteur. Casanova serait beaucoup plus conforme au type
2300
’à gagner des parties. C’est un des lieux communs
de
la critique moderne que de nier le caractère donjuanesque du personna
2301
t un des lieux communs de la critique moderne que
de
nier le caractère donjuanesque du personnage de Casanova. Certes, Cas
2302
e de nier le caractère donjuanesque du personnage
de
Casanova. Certes, Casanova n’est pas impie, n’est pas démon, ne provo
2303
fe mais très superstitieux. Enfin, il se contente
de
conquêtes faciles. (Mais je ne sais où l’on prend que Don Juan les dé
2304
s Mémoires existent bel et bien. Quant aux points
de
contact historiques entre le Vénitien et Don Giovanni, qu’il suffise
2305
entre le Vénitien et Don Giovanni, qu’il suffise
de
rappeler l’amitié qui liait Da Ponte et Casanova au moment où l’abbé
2306
deux compères firent alors à Mozart, la présence
de
Casanova lors de la première de Don Giovanni à Prague, enfin une vers
2307
zart, la présence de Casanova lors de la première
de
Don Giovanni à Prague, enfin une version différente du sextuor du IIe
2308
rouvée dans ses papiers à Dux. 27. À rapprocher
de
Nietzsche : « Le mot le plus pudique que j’aie jamais entendu : — Dan
2309
Kierkegaard voit très bien la parenté des mythes
de
Faust et de Don Juan (voir notamment le développement sur Marguerite,
2310
voit très bien la parenté des mythes de Faust et
de
Don Juan (voir notamment le développement sur Marguerite, dans Ou bie
2311
t sur Marguerite, dans Ou bien… ou bien, « Tracés
d’
ombre »). Dans l’ouvrage si intelligent et si bien informé de Mlle Mic
2312
Dans l’ouvrage si intelligent et si bien informé
de
Mlle Micheline Sauvage : Le Cas Don Juan (une seule lacune, presque i
2313
nt des gémeaux mythiques… moitiés complémentaires
d’
un être double… Don Juan est intelligent, épris de clair savoir, il a
2314
d’un être double… Don Juan est intelligent, épris
de
clair savoir, il a une tête faustienne, Faust est voluptueux, désireu
2315
e tête faustienne, Faust est voluptueux, désireux
d’
amour, il a des sens et un cœur donjuanesques… Faust est l’intelligenc
2316
t un cœur donjuanesques… Faust est l’intelligence
de
Don Juan ; Don Juan est l’érotisme de Faust… Le romantisme conclura q
2317
ntelligence de Don Juan ; Don Juan est l’érotisme
de
Faust… Le romantisme conclura que Don Juan et Faust cherchent tous de
2318
e à la volupté. » Etc. 29. Étapes sur le Chemin
de
la Vie, « Propos sur le mariage ». 30. Les Œuvres de l’amour, 1847.
2319
Vie, « Propos sur le mariage ». 30. Les Œuvres
de
l’amour, 1847. 31. Riens philosophiques, « Le Dieu comme maître et
2320
hysique) ». 35. Aurore, n° 27. 36. Généalogie
de
la Morale, « Quel est le sens de tout idéal ascétique ? », 7. 37. A
2321
36. Généalogie de la Morale, « Quel est le sens
de
tout idéal ascétique ? », 7. 37. Aurore, n° 503. 38. La Naissance
2322
? », 7. 37. Aurore, n° 503. 38. La Naissance
de
la philosophie à l’époque de la tragédie grecque, chap. II. 39. Par
2323
. 38. La Naissance de la philosophie à l’époque
de
la tragédie grecque, chap. II. 39. Par-delà…, n° 260 fin. 40. Aur
2324
n° 260 fin. 40. Aurore, n° 109. 41. L’Origine
de
la tragédie (1869-1872), p. 137, 207, 208, trad. française, Mercure d
2325
ad. française, Mercure de France. 42. L’Origine
de
la tragédie, p. 190-191. 43. Ecce Homo. 44. Le choc profond que du
2326
prouver Nietzsche, à cette nouvelle, précède donc
de
très peu l’illumination de Sils-Maria, le renversement spectaculaire
2327
nouvelle, précède donc de très peu l’illumination
de
Sils-Maria, le renversement spectaculaire dont la seconde partie de Z
2328
renversement spectaculaire dont la seconde partie
de
Zarathoustra va témoigner. Cf. infra, p. 153. 45. Le Cas Wagner, d
2329
st la France, il est bien près de le dire en plus
d’
une page de ses mémoires, et pas seulement aux premières phrases où il
2330
e, il est bien près de le dire en plus d’une page
de
ses mémoires, et pas seulement aux premières phrases où il compare la
2331
es malheurs exemplaires ». Il l’a longtemps aimée
de
loin, dans son exil. Il l’a ramenée au Mari légitime, représenté par
2332
enée au Mari légitime, représenté par la Légalité
de
l’État, après l’avoir délivrée de haute lutte en terrassant le géant
2333
par la Légalité de l’État, après l’avoir délivrée
de
haute lutte en terrassant le géant qui la tenait captive et qui exige
2334
qui la tenait captive et qui exigeait son tribut
de
jeunes gens (Minotaure-Morholt-Hitler). Puis il a dû s’éloigner de no
2335
el. Mais la vraie passion tristanienne se nourrit
de
retraits et d’obstacles, quitte à les susciter s’ils semblent faire d
2336
ie passion tristanienne se nourrit de retraits et
d’
obstacles, quitte à les susciter s’ils semblent faire défaut. Entre la
2337
déposé une épée symbolique ? Pour qu’une passion
de
cette nature n’aboutisse point à quelque « malheur exemplaire », il f
2338
xemplaire », il faudrait qu’un heureux « accident
de
l’histoire » vienne déjouer la logique du Mythe. 52. « Celui qui ne
2339
as trouver le chemin qui conduit à son idéal, vit
de
façon plus frivole, plus insolente, que l’être sans idéal », observe
2340
e, 1922. — À propos de Dona Anna : les biographes
de
Mozart nous assurent que ses contemporains ne doutaient pas un instan
2341
« l’homme inconnu » pour son fiancé, à la faveur
de
l’obscurité. Mais c’est Dona Anna qui appelle son père, au moment où
2342
peu trop vite. Je ne vois pas Casanova « trahi »
de
la sorte. Il a mieux aimé ses conquêtes et elles l’ont mieux conquis
2343
déclare sa haine pour Don Juan, n’est pas pressée
d’
épouser Don Ottavio… 55. Mon Journal d’Allemagne ne fait qu’une ou
2344
pressée d’épouser Don Ottavio… 55. Mon Journal
d’
Allemagne ne fait qu’une ou deux allusions très voilées à cette trans
2345
pu dire que mon livre lui avait suggéré le sujet
de
son Rhinocéros. 56. Généalogie de la morale, III, 24. 57. Romains,
2346
géré le sujet de son Rhinocéros. 56. Généalogie
de
la morale, III, 24. 57. Romains, 7, 6. 58. Derniers vers du livret
2347
57. Romains, 7, 6. 58. Derniers vers du livret
de
Tristan.
2348
Dialectique des mythes II Les deux âmes
d’
André Gide … à présent que j’y vois un peu plus clair… Et nunc man
2349
u plus clair… Et nunc manet in te. Au lendemain
de
la mort d’André Gide, j’avais écrit pour un Hommage collectif quelque
2350
r… Et nunc manet in te. Au lendemain de la mort
d’
André Gide, j’avais écrit pour un Hommage collectif quelques pages don
2351
e qui m’intéresse ici, certain flou dans la prise
de
vues et certaines erreurs d’éclairage, et leur possible mise au point
2352
n flou dans la prise de vues et certaines erreurs
d’
éclairage, et leur possible mise au point par un regard mieux informé.
2353
s peut-elle permettre une connaissance plus juste
de
quelqu’un qui a vécu sous vos yeux, qui a beaucoup parlé de lui-même
2354
un qui a vécu sous vos yeux, qui a beaucoup parlé
de
lui-même et vous a livré des aveux que vous pensiez avoir compris, ma
2355
faite pour confirmer, par recoupement, mes essais
de
mythanalyse portant sur des personnes que je n’ai pas connues et sur
2356
s et sur des personnages fictifs, donc incapables
de
me réfuter. Un complot de protestants Tout compte fait, nous nou
2357
tifs, donc incapables de me réfuter. Un complot
de
protestants Tout compte fait, nous nous connaissions peu, ce jour
2358
compte fait, nous nous connaissions peu, ce jour
de
juin 39 où, dans le hall de la rue Sébastien-Bottin, j’étais en train
2359
aissions peu, ce jour de juin 39 où, dans le hall
de
la rue Sébastien-Bottin, j’étais en train de téléphoner, quand je le
2360
vois descendre l’escalier. Je parle en le suivant
d’
un œil. Il s’arrête, il paraît attendre. Je pose le récepteur et nous
2361
que je l’ignore, devant quitter demain la maison
de
Charles Du Bos qui rentre d’Amérique, et je viens d’apprendre au télé
2362
ter demain la maison de Charles Du Bos qui rentre
d’
Amérique, et je viens d’apprendre au téléphone que « cela ne va plus »
2363
Charles Du Bos qui rentre d’Amérique, et je viens
d’
apprendre au téléphone que « cela ne va plus » pour un appartement pro
2364
oudain, en se levant : « Eh bien ! allons le voir
de
ce pas ! » Alors, seulement, je comprends qu’il avait dit : « J’ai un
2365
z lui. Le studio est vaste et plaisant, agrémenté
d’
un escalier conduisant à une large galerie. Par une porte capitonnée q
2366
n robe de chambre grise, le corps un peu tassé et
de
large carrure, sa belle tête de moine tibétain barrée d’un sourire mi
2367
s un peu tassé et de large carrure, sa belle tête
de
moine tibétain barrée d’un sourire mince et pourtant amical. Il fait
2368
e carrure, sa belle tête de moine tibétain barrée
d’
un sourire mince et pourtant amical. Il fait très chaud. De ses poches
2369
ire mince et pourtant amical. Il fait très chaud.
De
ses poches, il tire deux bouteilles de bière et nous les offre. Au mi
2370
rès chaud. De ses poches, il tire deux bouteilles
de
bière et nous les offre. Au milieu du studio pend un trapèze. Gide s’
2371
ire ?… » avec un sourire inquisiteur. Je me garde
de
répondre. Finalement, Gide, en riant : « On va dire que c’est un comp
2372
ide, en riant : « On va dire que c’est un complot
de
protestants ! » Le mot ne manque pas de pertinence. Tous les matins,
2373
n complot de protestants ! » Le mot ne manque pas
de
pertinence. Tous les matins, vers onze heures, il viendra entr’ouvrir
2374
par un profond « Allô ! Allô ! » et me demandera
de
passer chez lui pour quelques instants. Chaque fois, il orientera la
2375
é. Saint Paul reste sa bête noire. Et l’idée même
d’
orthodoxie. Il nie vivement que l’expression d’orthodoxie protestante
2376
me d’orthodoxie. Il nie vivement que l’expression
d’
orthodoxie protestante puisse avoir un sens. Le protestant, pour lui,
2377
-je, vous vous en tenez au protestantisme libéral
de
la fin du xixe siècle ? » — « Oui, c’est assez cela, la position du
2378
y, que j’aimais bien. » Vite lassé par les débats
d’
idées, il semble répugner à toute pensée qui par le style d’abord ne l
2379
l’ait séduit. Il me parle souvent des Variations
de
Bossuet, avec une vive admiration, mais se refuse à Kierkegaard, qu’i
2380
anchement ses limites, et les moyens particuliers
de
sa recherche. Sur un seul de ces entretiens, j’ai pris des notes. C’e
2381
moyens particuliers de sa recherche. Sur un seul
de
ces entretiens, j’ai pris des notes. C’est celui du 20 juin. J’avais
2382
ise, qu’il y trouve une explication des « erreurs
de
sa vie de jeune homme ». En phrases lentes et difficultueuses, coupée
2383
y trouve une explication des « erreurs de sa vie
de
jeune homme ». En phrases lentes et difficultueuses, coupées de silen
2384
». En phrases lentes et difficultueuses, coupées
de
silences et de reniflements, il se met à parler du « drame de sa vie
2385
lentes et difficultueuses, coupées de silences et
de
reniflements, il se met à parler du « drame de sa vie ». Jeune homme,
2386
et de reniflements, il se met à parler du « drame
de
sa vie ». Jeune homme, épris et puritain, il a voulu disjoindre l’amo
2387
ir. Il croyait que « l’amour hétérosexuel » était
d’
autant plus pur que rien de charnel ne s’y mêlait60. « C’est ainsi que
2388
r hétérosexuel » était d’autant plus pur que rien
de
charnel ne s’y mêlait60. « C’est ainsi que je me suis complètement bl
2389
frappé chez bien des femmes, c’est leur manière «
de
s’offusquer du désir de l’homme. » Plusieurs, mariées, lui ont confié
2390
mes, c’est leur manière « de s’offusquer du désir
de
l’homme. » Plusieurs, mariées, lui ont confié « qu’elles tenaient la
2391
ées, lui ont confié « qu’elles tenaient la libido
de
leur mari pour quelque chose de morbide. Cela recommence tout le temp
2392
enaient la libido de leur mari pour quelque chose
de
morbide. Cela recommence tout le temps ! disaient-elles. » Il hoche l
2393
uve cela très curieux, n’est-ce pas ? — un éclair
de
malice au coin de l’œil. Puis il a quelques phrases obscures, apparem
2394
. « Je vous parle très sincèrement, je vous parle
de
choses qui ont joué un rôle très grave dans ma vie. » (Frappé par le
2395
rôle très grave dans ma vie. » (Frappé par le ton
de
confession, par le ton « c’était mal » de ses propos.) Et, subitement
2396
le ton de confession, par le ton « c’était mal »
de
ses propos.) Et, subitement, après un silence : « C’est ainsi que j’a
2397
ainsi que j’ai commis, à cette époque — je parle
de
mon premier séjour en Afrique —, une terrible erreur d’aiguillage ! »
2398
premier séjour en Afrique —, une terrible erreur
d’
aiguillage ! » Puis il tousse, se plaint de fumer trop, et de n’arrive
2399
erreur d’aiguillage ! » Puis il tousse, se plaint
de
fumer trop, et de n’arriver point à se contraindre. Les jours suivant
2400
e ! » Puis il tousse, se plaint de fumer trop, et
de
n’arriver point à se contraindre. Les jours suivants, il me donne à l
2401
ants, il me donne à lire par paquets les épreuves
de
son Journal en cours d’impression, et sur lequel je vais écrire un ar
2402
par paquets les épreuves de son Journal en cours
d’
impression, et sur lequel je vais écrire un article pour la NRF. Il in
2403
us tard. Il les a recopiés dans deux cahiers gris
d’
écolier. Un soir il vient m’avertir qu’il compte s’absenter pour huit
2404
sûr. Des housses couvrent les meubles, une sorte
de
vieux drap son grand bureau. Sur l’étoffe, bien en évidence, un fort
2405
r l’étoffe, bien en évidence, un fort cahier gris
d’
écolier. J’ai lu les premières lignes, pour vérifier, et j’ai vite ref
2406
ner dans le piège ? Les deux, sans doute. Combien
de
fois l’ai-je revu après la guerre ? Souvent, en somme, et dans les li
2407
à Neuchâtel, à Berne. Mais je n’ai plus souvenir
d’
aucune conversation qui mérite d’être rapportée, j’entends : qui modif
2408
ai plus souvenir d’aucune conversation qui mérite
d’
être rapportée, j’entends : qui modifie le moins du monde l’image que
2409
odifie le moins du monde l’image que l’on connaît
de
lui. Nous parlions style, tournures de phrases, Littré. Et quelquefoi
2410
on connaît de lui. Nous parlions style, tournures
de
phrases, Littré. Et quelquefois, littérature. (Mais il s’en détachait
2411
e les ouvrages qu’il se sentait le plus incapable
d’
écrire : ceux d’un Marcel Aymé, d’un Simenon). À Berne, pendant un déj
2412
u’il se sentait le plus incapable d’écrire : ceux
d’
un Marcel Aymé, d’un Simenon). À Berne, pendant un déjeuner, il s’enqu
2413
plus incapable d’écrire : ceux d’un Marcel Aymé,
d’
un Simenon). À Berne, pendant un déjeuner, il s’enquit avec insistance
2414
pendant un déjeuner, il s’enquit avec insistance
de
mon opinion sur Strindberg, et je lui fis une réponse assez vague, m’
2415
i fis une réponse assez vague, m’étonnant surtout
de
la question. Huit jours plus tard, il recevait le prix Nobel. Chez Ri
2416
ponses, puis on lit à haute voix les papiers. Jeu
de
télépathie plutôt que de hasard. J’avais écrit, dernière question : «
2417
te voix les papiers. Jeu de télépathie plutôt que
de
hasard. J’avais écrit, dernière question : « Qu’est-ce que le style ?
2418
ts-rimés. « Car j’y excelle ! » annonça-t-il. Peu
d’
hommes m’ont donné l’impression que le problème religieux existait dan
2419
il restait, pour lui, un problème. Gide avait peu
d’
instinct religieux, et moins encore de goût pour la métaphysique. Il p
2420
e avait peu d’instinct religieux, et moins encore
de
goût pour la métaphysique. Il préférait ce qu’il jugeait important à
2421
tant à ce que d’autres jugent profond. Son défaut
de
sens poétique me paraît presque inégalé depuis Montaigne. (Je ne nie
2422
itude envers le christianisme et son mystère. Peu
d’
instinct religieux chez cet homme, alors que le christianisme, l’Églis
2423
’Église et l’Évangile furent ses constants sujets
d’
irritation, de ferveur ou de nostalgie ? Le paradoxe n’est qu’apparent
2424
vangile furent ses constants sujets d’irritation,
de
ferveur ou de nostalgie ? Le paradoxe n’est qu’apparent. Qu’on n’oubl
2425
ses constants sujets d’irritation, de ferveur ou
de
nostalgie ? Le paradoxe n’est qu’apparent. Qu’on n’oublie pas sa form
2426
ses lectures prolongées et sans cesse renouvelées
de
l’Écriture ; son amour pour le style biblique ; la confusion courante
2427
enue chez les jeunes bourgeois — et non seulement
de
son époque — entre tabous sexuels et spiritualité, d’où sa polémique
2428
on époque — entre tabous sexuels et spiritualité,
d’
où sa polémique inlassable contre l’orthodoxie telle qu’il l’imaginait
2429
dans laquelle il voyait (par erreur) la sanction
d’
une certaine éthique ; la conversion de quelques-uns de ses amis ; enf
2430
a sanction d’une certaine éthique ; la conversion
de
quelques-uns de ses amis ; enfin la piété de sa femme. Ces données bi
2431
certaine éthique ; la conversion de quelques-uns
de
ses amis ; enfin la piété de sa femme. Ces données biographiques ne f
2432
sion de quelques-uns de ses amis ; enfin la piété
de
sa femme. Ces données biographiques ne font point une nature. Elles e
2433
insistance du problème aux stades les plus variés
de
l’évolution de Gide. Ce qui l’a vraiment torturé, c’est l’éthique, no
2434
roblème aux stades les plus variés de l’évolution
de
Gide. Ce qui l’a vraiment torturé, c’est l’éthique, non le religieux
2435
ale ? Je pense plutôt que la morale était le lieu
de
son vrai drame, et qu’il ne pouvait approcher la religion que dans ce
2436
éfinir un saint qui ne croit pas ? Un saint privé
de
foi autant que de religion, ni chrétien ni hindou, sans mystique ni m
2437
i ne croit pas ? Un saint privé de foi autant que
de
religion, ni chrétien ni hindou, sans mystique ni mystère ? Ne serait
2438
partis pris éthiques ? Ce débat nous éloignerait
de
la réalité de Gide. Une intense affectivité le liait, le reliait, au
2439
thiques ? Ce débat nous éloignerait de la réalité
de
Gide. Une intense affectivité le liait, le reliait, au monde du chris
2440
s dimensions profondes. J’ai dit qu’il se méfiait
d’
une certaine « profondeur », qui mesure parfois la distance entre l’ét
2441
u’il tenait pour la vérité. Il lui arrivait ainsi
de
s’arrêter à la logique exotérique d’un texte sacré, disons à son seul
2442
rivait ainsi de s’arrêter à la logique exotérique
d’
un texte sacré, disons à son seul sens éthique. Penchant bien protesta
2443
e. Penchant bien protestant, ou simplement rançon
d’
une stricte sobriété. Ses connaissances bibliques me stupéfiaient. L’u
2444
écusé, Gide objectait, déduisait, s’émouvait… Peu
d’
écrivains, même chrétiens, nous ont montré pareil amour pour l’Évangil
2445
ile, et cela jusque dans les années où il doutait
de
l’existence de Dieu. Mais il croyait à l’homme individuel, et cette c
2446
sque dans les années où il doutait de l’existence
de
Dieu. Mais il croyait à l’homme individuel, et cette croyance est née
2447
t à l’homme individuel, et cette croyance est née
de
la synthèse du christianisme. Elle n’existe pas hors de lui, et n’est
2448
. Savons-nous encore mesurer le sens et la portée
de
cette banalité, en vérité bizarre et unique dans l’Histoire, une civi
2449
rétique entre les hérétiques », toujours soucieux
de
différer mais de légitimer sa différence, on ne pouvait être plus occ
2450
hérétiques », toujours soucieux de différer mais
de
légitimer sa différence, on ne pouvait être plus occidental. On ne po
2451
traditionnelles, au sens du mythe, des astres et
de
l’ordre cosmique, ou bien encore au sens des lois fatales et collecti
2452
hristianisé, et à lui seul, libéré « par la foi »
de
l’empire des mythes, n’a cessé d’occuper sa pensée. Et j’ignore si c’
2453
« par la foi » de l’empire des mythes, n’a cessé
d’
occuper sa pensée. Et j’ignore si c’est mal ou bien : je constate simp
2454
iens pas la foi pour une vertu plus que l’absence
de
foi pour une preuve de courage. Des vertus et des vices, dans un mili
2455
e vertu plus que l’absence de foi pour une preuve
de
courage. Des vertus et des vices, dans un milieu donné, tout le monde
2456
ans un milieu donné, tout le monde reste en droit
de
juger au nom des normes établies. Mais la foi, le salut personnel n’o
2457
nt rien à voir avec la bienséance, et ne sont pas
de
l’ordre des mérites. Et c’est pourquoi il est écrit : « Ne jugez pas
2458
e réprouve ces discussions sur la croyance ou non
d’
un homme célèbre, multipliées et prolongées après sa mort dans notre s
2459
s après sa mort dans notre siècle. Elles relèvent
de
l’esprit de parti, qui est le contraire de l’amour du prochain. Elles
2460
ort dans notre siècle. Elles relèvent de l’esprit
de
parti, qui est le contraire de l’amour du prochain. Elles ne sont ni
2461
lèvent de l’esprit de parti, qui est le contraire
de
l’amour du prochain. Elles ne sont ni chrétiennes ni simplement honnê
2462
u’on croie cela, laissant aux incroyants le droit
de
mieux savoir. Et qu’est-ce que cela peut bien nous faire ? Sinon nous
2463
que cela peut bien nous faire ? Sinon nous servir
d’
argument et nous rassurer curieusement dans notre foi ou dans notre in
2464
’est justement le totalitarisme, qui est l’esprit
de
parti logiquement développé. Et d’abord dans la religion. Le vrai cro
2465
nd l’État contre l’homme invoquera les nécessités
de
l’Histoire ? Il n’est pas de vraie foi sans vrai doute, plus qu’il n’
2466
quera les nécessités de l’Histoire ? Il n’est pas
de
vraie foi sans vrai doute, plus qu’il n’est de lumière sans ombre. Et
2467
as de vraie foi sans vrai doute, plus qu’il n’est
de
lumière sans ombre. Et je n’entends pas dire que Gide fut un croyant,
2468
ité des conclusions que j’avais cru pouvoir tirer
de
mes entretiens avec Gide, touchant sa vie intime, ses jugements sur l
2469
ême, ou son attitude religieuse. Et par exemple :
de
cette confession surprenante dont j’ai donné la relation fidèle, la l
2470
te dont j’ai donné la relation fidèle, la lecture
de
L’Amour et l’Occident n’avait-elle été que le prétexte — ou la moti
2471
é à ce curieux besoin (dont il se plaint souvent)
d’
abonder dans le sens de l’interlocuteur — quitte à se reprendre tôt ap
2472
dont il se plaint souvent) d’abonder dans le sens
de
l’interlocuteur — quitte à se reprendre tôt après, tête à tête avec s
2473
avec son Journal ? Ne cherchait-il que l’occasion
d’
un aveu qui le tentait depuis longtemps ? Ou bien venait-il vraiment d
2474
ait depuis longtemps ? Ou bien venait-il vraiment
de
découvrir une « explication » convaincante de ses « erreurs » ? Ce de
2475
ent de découvrir une « explication » convaincante
de
ses « erreurs » ? Ce dernier mot lui-même, à cet instant, comment l’e
2476
aliste qui se constatait ? Le passionnant ouvrage
de
Jean Delay sur La Jeunesse d’André Gide m’a permis de lever une parti
2477
passionnant ouvrage de Jean Delay sur La Jeunesse
d’
André Gide m’a permis de lever une partie de ces doutes. Au cours d’un
2478
ean Delay sur La Jeunesse d’André Gide m’a permis
de
lever une partie de ces doutes. Au cours d’une conversation qui prend
2479
nesse d’André Gide m’a permis de lever une partie
de
ces doutes. Au cours d’une conversation qui prend place dans les dern
2480
ermis de lever une partie de ces doutes. Au cours
d’
une conversation qui prend place dans les derniers temps de sa vie (un
2481
versation qui prend place dans les derniers temps
de
sa vie (une bonne dizaine d’années après nos entretiens) Gide, écrit
2482
s les derniers temps de sa vie (une bonne dizaine
d’
années après nos entretiens) Gide, écrit le Dr Delay « me dit attacher
2483
L’Amour et l’Occident et à ses analyses du mythe
de
Tristan. « C’est là, ajouta-t-il, et non dans les ouvrages des psycha
2484
des psychanalystes, que j’ai trouvé l’explication
de
quelques-unes de mes erreurs, et des plus anciennes61 ». Partant de l
2485
s, que j’ai trouvé l’explication de quelques-unes
de
mes erreurs, et des plus anciennes61 ». Partant de là, Jean Delay rec
2486
e mes erreurs, et des plus anciennes61 ». Partant
de
là, Jean Delay reconstitue la psychologie tristanienne, si typique de
2487
psychologie tristanienne, si typique des Cahiers
d’
André Walter et des premiers « traités » de Gide, mais dont la persist
2488
ahiers d’André Walter et des premiers « traités »
de
Gide, mais dont la persistance à travers toute une vie est attestée p
2489
une vie est attestée par la publication posthume
de
fragments du Journal intime, et de Et nunc manet in te. Confirmation
2490
ation posthume de fragments du Journal intime, et
de
Et nunc manet in te. Confirmation précieuse et qui m’invite à reprend
2491
emble, le cas-limite que figure à mes yeux la vie
de
Gide : un exemple à peu près parfait de dissociation de la personne,
2492
ux la vie de Gide : un exemple à peu près parfait
de
dissociation de la personne, permettant la coexistence — l’actualité
2493
e : un exemple à peu près parfait de dissociation
de
la personne, permettant la coexistence — l’actualité simultanée — des
2494
anée — des deux mythes normalement exclusifs l’un
de
l’autre de Tristan et de Don Juan62. André Walter, ou l’angélisme
2495
deux mythes normalement exclusifs l’un de l’autre
de
Tristan et de Don Juan62. André Walter, ou l’angélisme Dès le p
2496
rmalement exclusifs l’un de l’autre de Tristan et
de
Don Juan62. André Walter, ou l’angélisme Dès le premier livre d
2497
ré Walter, ou l’angélisme Dès le premier livre
de
Gide, toutes les « notes » de Tristan sont manifestes. L’amour est li
2498
ès le premier livre de Gide, toutes les « notes »
de
Tristan sont manifestes. L’amour est lié à la séparation des deux ama
2499
pour tenir le rôle obligé du roi Marc. L’extrême
de
la séparation étant la mort, Emmanuèle devra mourir, et André note (d
2500
nuèle devra mourir, et André note (dans un projet
de
roman, anticipant la réalité) : « Elle meurt, donc il la possède… Tan
2501
, mais aussitôt la mort venue, l’amour triomphera
de
toutes les entraves. » Cet amour doit s’élever à une extase libératri
2502
e, et garderait pourtant la volontaire conscience
de
son évanouissement ; ce serait comme un néant voluptueusement percept
2503
en somme, et une âme conçue comme « adversaire »
de
la chair. Mais la vertu de ce mot âme « s’épuise à force de le répéte
2504
e comme « adversaire » de la chair. Mais la vertu
de
ce mot âme « s’épuise à force de le répéter : il faudrait dire l’ange
2505
le est donc l’Ange, mais en même temps le « but »
de
l’ange, « l’essor de l’ange » chez son amant. Elle n’est jamais un mo
2506
ais en même temps le « but » de l’ange, « l’essor
de
l’ange » chez son amant. Elle n’est jamais un moi distinct, indépenda
2507
une projection déguisée, le Double féminin du moi
d’
André : « Voilée de noir, au crépuscule, je t’ai vue accoudée au cheve
2508
isée, le Double féminin du moi d’André : « Voilée
de
noir, au crépuscule, je t’ai vue accoudée au chevet de mon lit, telle
2509
ir, au crépuscule, je t’ai vue accoudée au chevet
de
mon lit, telle qu’une ombre silencieuse… J’eus peur, et la vision s’é
2510
ur, et la vision s’évanouit. » Ailleurs — et plus
d’
une fois — elle se confond avec l’image de la mère : « Le soir je retr
2511
et plus d’une fois — elle se confond avec l’image
de
la mère : « Le soir je retrouvais son profil disparu dans l’ombre de
2512
oir je retrouvais son profil disparu dans l’ombre
de
ta tête penchée… ta voix quand tu parlais me faisait souvenir. Et bie
2513
se confondait, indécise. » Parce qu’il a « peur »
de
cette reconnaissance et du double interdit qui s’y attache, il ne peu
2514
pour éviter le mariage, la vie commune ; et faute
d’
obstacles extérieurs empêchant que l’amour « tourne à réalité » (comme
2515
ommé. Les voyages du mari et la « fragile » santé
de
la femme, les goûts de l’un et les silences de l’autre — quand un mot
2516
ri et la « fragile » santé de la femme, les goûts
de
l’un et les silences de l’autre — quand un mot pouvait tout dénouer !
2517
té de la femme, les goûts de l’un et les silences
de
l’autre — quand un mot pouvait tout dénouer ! — les données naturelle
2518
s en apparence, tout concourt à sauver la loi non
de
la morale mais du mythe : car il est inconcevable à jamais que Trista
2519
, ce ne sera qu’apparence. La vérité particulière
de
leur amour interdit cette réalité. Ils mourront donc comme ils auront
2520
ourront donc comme ils auront vécu : séparés l’un
de
l’autre et s’aimant65. Telle est la mystérieuse complicité de la vie
2521
t s’aimant65. Telle est la mystérieuse complicité
de
la vie contingente et du mythe : mystérieuse en ce sens qu’il demeure
2522
: mystérieuse en ce sens qu’il demeure impossible
de
décider si c’est le mythe qui a fait la vie, ou si la vie se trouvait
2523
Comme Kierkegaard, Gide s’est plaint très souvent
d’
une « écharde dans la chair » qui, pensait-il, le rendait inapte au ma
2524
-il, le rendait inapte au mariage. Cause ou effet
de
l’emprise du mythe ? La question n’a peut-être pas de sens. On ne peu
2525
’emprise du mythe ? La question n’a peut-être pas
de
sens. On ne peut se retenir de penser qu’un conseil judicieux, quelqu
2526
n’a peut-être pas de sens. On ne peut se retenir
de
penser qu’un conseil judicieux, quelques mots dits à temps à ce jeune
2527
homme élevé dans une folle ignorance des réalités
de
la chair, eussent au moins prévenu le drame du mariage blanc. Mais ju
2528
eils et les accidents qui eussent ouvert les yeux
de
sa victime consentante… Le nomadisme, ou Don Juan « Bondir à l’
2529
isme, ou Don Juan « Bondir à l’autre extrémité
de
soi-même » étant l’un des mouvements les plus typiques de Gide66, con
2530
ême » étant l’un des mouvements les plus typiques
de
Gide66, considérons en lui sans transition, Don Juan. C’est pendant s
2531
ns transition, Don Juan. C’est pendant son voyage
de
noces, pendant qu’il vit l’échec atroce de son mariage, que Gide écri
2532
voyage de noces, pendant qu’il vit l’échec atroce
de
son mariage, que Gide écrit Les Nourritures terrestres, bréviaire du
2533
uan surgit comme pour venger la douleur inhumaine
de
Tristan. Il se déguise un peu, pour mieux se faire admettre. Il préte
2534
ord que sa doctrine est justifiée par la religion
de
Gide : « L’Évangile y mène, dit Euclide ; on appellera ta doctrine No
2535
mos, pâturage67. » Ensuite, il substitue au terme
de
nomadisme, qui évoquerait l’infidélité — et ce scrupule est tristanie
2536
a « disponibilité », qui a je ne sais quel relent
de
charité générale, d’ouverture généreuse, voire d’amour du prochain. E
2537
qui a je ne sais quel relent de charité générale,
d’
ouverture généreuse, voire d’amour du prochain. En fait, il s’agit bie
2538
de charité générale, d’ouverture généreuse, voire
d’
amour du prochain. En fait, il s’agit bien du refus de la durée et du
2539
our du prochain. En fait, il s’agit bien du refus
de
la durée et du refus d’assumer l’autre, caractéristiques de Don Juan.
2540
, il s’agit bien du refus de la durée et du refus
d’
assumer l’autre, caractéristiques de Don Juan. « Gide ne tient pas en
2541
e et du refus d’assumer l’autre, caractéristiques
de
Don Juan. « Gide ne tient pas en place — note Jean Paulhan. Il préfèr
2542
an. Il préfère la chasse à la prise ». Impatience
de
l’Aventurier et d’un certain type de sensuels. « Le voluptueux Ménalq
2543
hasse à la prise ». Impatience de l’Aventurier et
d’
un certain type de sensuels. « Le voluptueux Ménalque veut oublier le
2544
. Impatience de l’Aventurier et d’un certain type
de
sensuels. « Le voluptueux Ménalque veut oublier le passé comme il veu
2545
veut ignorer l’avenir, il veut « le parfait oubli
d’
hier » et « n’importe quel avenir », pour jouir totalement de l’instan
2546
« n’importe quel avenir », pour jouir totalement
de
l’instant présent et lui appartenir sans restriction, dans une « stup
2547
taisies ou ces phantasmes voluptueux sont le fait
d’
un tempérament plus excitable que bien maîtrisé : « Pour moi… que souv
2548
es et sans lendemain, presto et fuite perpétuelle
de
Don Juan ! Ici l’artiste et l’homme se confondent, dans la même impat
2549
liquerait quelque durée. (Il n’a d’ailleurs cessé
de
le redire, — mais en des endroits différents.) Et voici le trait fina
2550
r cela même dont il gémira en tant d’autres pages
de
son œuvre : « Ma joie fut immense et telle que je ne la pusse imagine
2551
telle que je ne la pusse imaginer plus pleine si
de
l’amour s’y fût mêlé. Comment eût-il été question d’amour ? Comment e
2552
l’amour s’y fût mêlé. Comment eût-il été question
d’
amour ? Comment eussè-je laissé le désir disposer de mon cœur ? Mon pl
2553
amour ? Comment eussè-je laissé le désir disposer
de
mon cœur ? Mon plaisir était sans arrière-pensée et ne devait être su
2554
était sans arrière-pensée et ne devait être suivi
d’
aucun remords.69 » C’est de cette « joie immense » que Gide voulait pa
2555
t ne devait être suivi d’aucun remords.69 » C’est
de
cette « joie immense » que Gide voulait parler, lorsqu’il me dit, dan
2556
l avait commis, ce jour-là, « une terrible erreur
d’
aiguillage. » Le désir et l’amour dissociés Désirer ceux que l’o
2557
e pas, aimer celle qu’on ne désire pas : ce drame
de
la vie d’André Gide est celui d’une dissociation presque totale de la
2558
er celle qu’on ne désire pas : ce drame de la vie
d’
André Gide est celui d’une dissociation presque totale de la personne,
2559
e pas : ce drame de la vie d’André Gide est celui
d’
une dissociation presque totale de la personne, et qui l’a livré sans
2560
Gide est celui d’une dissociation presque totale
de
la personne, et qui l’a livré sans défense à la tyrannie de deux myth
2561
onne, et qui l’a livré sans défense à la tyrannie
de
deux mythes, — quand un seul suffit bien au malheur d’un seul homme o
2562
ux mythes, — quand un seul suffit bien au malheur
d’
un seul homme ou à la passion d’un personnage romanesque. Dans quelle
2563
t bien au malheur d’un seul homme ou à la passion
d’
un personnage romanesque. Dans quelle mesure peut-on tenir Gide pour r
2564
quelle mesure peut-on tenir Gide pour responsable
de
cette « inhabileté foncière à mêler l’esprit et les sens70 » dont il
2565
e début très conscient ? Il en a tiré le meilleur
de
sa création littéraire, il l’a subie comme une « écharde dans la chai
2566
sa vie intime et son mariage et peut-être la vie
de
sa femme. Il en parle tantôt comme d’un destin cruel, tantôt comme de
2567
être la vie de sa femme. Il en parle tantôt comme
d’
un destin cruel, tantôt comme de son choix « quasi mystique » et final
2568
arle tantôt comme d’un destin cruel, tantôt comme
de
son choix « quasi mystique » et finalement comme d’une « erreur » mor
2569
son choix « quasi mystique » et finalement comme
d’
une « erreur » morale. Dans cette perplexité fondamentale, dans ce reg
2570
lexité fondamentale, dans ce regard critique qu’à
de
certains moments il porte sur ses deux lui-même dissociés — et qui n’
2571
qui n’entrent vraiment en conflit qu’à la faveur
de
cette mise en question comme par un Tiers, oui : dans ce Tiers exclu
2572
ion comme par un Tiers, oui : dans ce Tiers exclu
de
ses amours réside sans doute la vraie personne d’André Gide71. Dès le
2573
de ses amours réside sans doute la vraie personne
d’
André Gide71. Dès les Cahiers d’André Walter, il se sent et se connaît
2574
la vraie personne d’André Gide71. Dès les Cahiers
d’
André Walter, il se sent et se connaît double : « Puis je les ai tant
2575
ant je n’en suis plus le maître ; ils vont chacun
de
leur côté, le corps et l’âme. Elle rêve de caresses toujours plus cha
2576
chacun de leur côté, le corps et l’âme. Elle rêve
de
caresses toujours plus chastes ; lui s’abandonne à la dérive. La sage
2577
n’en être plus le maître — l’un devenant la proie
de
« Tristan » et l’autre de « Don Juan » ? A-t-il été victime des dieux
2578
l’un devenant la proie de « Tristan » et l’autre
de
« Don Juan » ? A-t-il été victime des dieux, j’entends des mythes ? O
2579
été victime des dieux, j’entends des mythes ? Ou
d’
une originelle erreur sur la personne ? Ou simplement, de son éducatio
2580
riginelle erreur sur la personne ? Ou simplement,
de
son éducation et de la morale puritaine ? La troisième hypothèse est
2581
la personne ? Ou simplement, de son éducation et
de
la morale puritaine ? La troisième hypothèse est la plus vraisemblabl
2582
uritaine avait fait un monstre des revendications
de
la chair »72. Non seulement c’était mal, mais c’était le Péché. Et da
2583
ché pire que tout autre, — et que nul ne se vante
d’
avoir commis par forfanterie d’immoraliste. Or le jeune Gide, en press
2584
ue nul ne se vante d’avoir commis par forfanterie
d’
immoraliste. Or le jeune Gide, en pressent l’épouvante, s’il vient à d
2585
ent à désirer une femme qu’il aime. Tout à la fin
de
sa vie, parlant de ses rêves, Gide remarque : « … mais dans le rêve s
2586
emme qu’il aime. Tout à la fin de sa vie, parlant
de
ses rêves, Gide remarque : « … mais dans le rêve seulement, la figure
2587
rque : « … mais dans le rêve seulement, la figure
de
ma femme se substitue parfois, subtilement et comme mystiquement, à c
2588
rfois, subtilement et comme mystiquement, à celle
de
ma mère, sans que j’en sois très étonné. Les contours des visages ne
2589
es visages ne sont pas assez nets pour me retenir
de
passer de l’une à l’autre… bien plus : le rôle que l’une ou l’autre j
2590
ne sont pas assez nets pour me retenir de passer
de
l’une à l’autre… bien plus : le rôle que l’une ou l’autre joue dans l
2591
ve reste à peu près le même, c’est-à-dire un rôle
d’
inhibition, ce qui explique ou motive la substitution.73 » Élevé par
2592
par des femmes qui furent toutes, nous dit-il, «
d’
admirables figures chrétiennes » — sa mère, sa gouvernante et deux tan
2593
maternelles — « à qui le prêt du moindre trouble
de
la chair eût fait injure, me semblait-il » — puis confondant avec l’i
2594
, me semblait-il » — puis confondant avec l’image
de
sa mère celle de sa proche cousine Madeleine, qu’il épousera malgré t
2595
» — puis confondant avec l’image de sa mère celle
de
sa proche cousine Madeleine, qu’il épousera malgré tout — comment Gid
2596
comment Gide eût-il pu surmonter l’interdit jeté
de
la sorte sur la femme ? Incapable de révoquer les données mêmes de ce
2597
nterdit jeté de la sorte sur la femme ? Incapable
de
révoquer les données mêmes de ce drame, cherchant son salut dans la f
2598
a femme ? Incapable de révoquer les données mêmes
de
ce drame, cherchant son salut dans la fuite, il recourt au moyen d’Ul
2599
hant son salut dans la fuite, il recourt au moyen
d’
Ulysse : — « Je n’y suis pas. Je ne suis personne ! » Devant l’imminen
2600
vant l’imminence du péril tapi tout près du seuil
de
sa conscience, il se scinde en deux êtres distincts : le Monstre ne l
2601
ra beaucoup plus tard la clef74. 1° Aimer l’image
de
sa mère reste permis, tant que le « désir charnel » est inhibé. 2° En
2602
inhibé. 2° En revanche, désirer les corps brunis
de
jeunes « vauriens » qu’on ne reverra jamais n’est certes pas bien vu
2603
iole pas le suprême interdit. Cette grande audace
de
notre immoraliste est le type même de la demi-mesure, du compromis d’
2604
ande audace de notre immoraliste est le type même
de
la demi-mesure, du compromis d’ailleurs vital, entre le désir naturel
2605
ctionnée par la Mère. Donc Gide « prend son parti
de
dissocier le plaisir de l’amour ». Et même il fait de cette nécessité
2606
nc Gide « prend son parti de dissocier le plaisir
de
l’amour ». Et même il fait de cette nécessité vertu : « Il me paraiss
2607
issocier le plaisir de l’amour ». Et même il fait
de
cette nécessité vertu : « Il me paraissait que ce divorce était souha
2608
ageaient point75. » C’est le moyen qu’il a trouvé
de
ménager à la fois l’amour et le plaisir sans violer le tabou de l’inc
2609
a fois l’amour et le plaisir sans violer le tabou
de
l’inceste et en s’accommodant, en quelque sorte, aux structures impos
2610
jeunesse par le puritanisme maternel. Un complexe
d’
Œdipe mieux noué, plus « normal », dirais-je, eût peut-être donné à Gi
2611
tructures puritaines, comme l’ont fait après tout
d’
innombrables jeunes gens élevés dans la même tradition : mais quand so
2612
ut — homme libéral et bon, et par bien des traits
de
caractère moins « viril », dirait-on, que la mère, du moins telle que
2613
les jeux sont faits. L’alternance, et la fuite
de
l’âme Cette espèce de sécurité dans l’alternance de ses moi dissoc
2614
’alternance, et la fuite de l’âme Cette espèce
de
sécurité dans l’alternance de ses moi dissociés — j’allais dire qu’au
2615
âme Cette espèce de sécurité dans l’alternance
de
ses moi dissociés — j’allais dire qu’au sens littéral Gide l’a payée
2616
j’allais dire qu’au sens littéral Gide l’a payée
de
sa personne. L’expression, pour être toute faite, est pourtant fausse
2617
tre toute faite, est pourtant fausse. C’est l’âme
de
Gide qui a fait les frais de sa ruse vitale. Il faut s’entendre, évid
2618
fausse. C’est l’âme de Gide qui a fait les frais
de
sa ruse vitale. Il faut s’entendre, évidemment, sur ce mot d’âme. Je
2619
itale. Il faut s’entendre, évidemment, sur ce mot
d’
âme. Je le prends ici au sens de Nietzsche, et de Gide lui-même dans s
2620
mment, sur ce mot d’âme. Je le prends ici au sens
de
Nietzsche, et de Gide lui-même dans sa maturité. Selon la conception
2621
d’âme. Je le prends ici au sens de Nietzsche, et
de
Gide lui-même dans sa maturité. Selon la conception traditionnelle de
2622
conception traditionnelle des gnostiques et même
de
saint Paul, l’homme consiste en un corps physique, un corps psychique
2623
instincts et passions ». Pour Gide, « un faisceau
d’
émotions, de tendances, de susceptibilités, dont le lien n’est peut-êt
2624
passions ». Pour Gide, « un faisceau d’émotions,
de
tendances, de susceptibilités, dont le lien n’est peut-être que physi
2625
our Gide, « un faisceau d’émotions, de tendances,
de
susceptibilités, dont le lien n’est peut-être que physiologique ». C’
2626
est peut-être que physiologique ». C’est le siège
de
l’amour sous ses formes diverses : amour de désir ou de don (« Le gli
2627
siège de l’amour sous ses formes diverses : amour
de
désir ou de don (« Le glissement de l’un à l’autre reste toujours pos
2628
mour sous ses formes diverses : amour de désir ou
de
don (« Le glissement de l’un à l’autre reste toujours possible77 »).
2629
erses : amour de désir ou de don (« Le glissement
de
l’un à l’autre reste toujours possible77 »). Gide ne distingue pas da
2630
scriminations me donnent le vertige. » On le voit
de
reste, lorsqu’il écrit un peu plus loin, parlant de sa femme : « C’ét
2631
reste, lorsqu’il écrit un peu plus loin, parlant
de
sa femme : « C’était son âme que j’aimais ; et cette âme, je n’y croy
2632
que le langage moderne, même religieux, ne cesse
de
confondre avec l’âme.) Cet aveu pathétique est l’un de ces moments o
2633
fondre avec l’âme.) Cet aveu pathétique est l’un
de
ces moments où Gide existe, « irremplaçable », où il rejoint sa vraie
2634
vrai moi final, assume enfin l’insoluble conflit
de
ses deux âmes. Songeant à ces « extrêmes » si longtemps ménagés, cult
2635
mes » si longtemps ménagés, cultivés, isolés l’un
de
l’autre — et que symbolisent nos deux mythes —, j’oserai dire à mon t
2636
nous avons pu connaître n’était ni le mari transi
d’
Emmanuèle, ni le nomade en chasse de brefs plaisirs solaires, ni André
2637
e mari transi d’Emmanuèle, ni le nomade en chasse
de
brefs plaisirs solaires, ni André Walter, ni Ménalque. Il eût semblé
2638
Walter, ni Ménalque. Il eût semblé bien incongru
d’
évoquer devant lui, en sa présence « d’inflexible Mongol à tête de sca
2639
n incongru d’évoquer devant lui, en sa présence «
d’
inflexible Mongol à tête de scarabée79 » les figures alternées de Tris
2640
lui, en sa présence « d’inflexible Mongol à tête
de
scarabée79 » les figures alternées de Tristan et Don Juan. Ces deux «
2641
ngol à tête de scarabée79 » les figures alternées
de
Tristan et Don Juan. Ces deux « extrêmes » dont il s’était loué d’avo
2642
Juan. Ces deux « extrêmes » dont il s’était loué
d’
avoir su protéger la « cohabitation » semblaient s’être absentés de lu
2643
er la « cohabitation » semblaient s’être absentés
de
lui-même, entraînant avec eux son âme divisée. Comme évacués de sa pe
2644
ntraînant avec eux son âme divisée. Comme évacués
de
sa personne, ils étaient devenus personnages de ses œuvres. Encore qu
2645
s de sa personne, ils étaient devenus personnages
de
ses œuvres. Encore qu’en aucune d’elles — sauf le Journal — ils aient
2646
us personnages de ses œuvres. Encore qu’en aucune
d’
elles — sauf le Journal — ils aient jamais « cohabité », d’où l’absenc
2647
sauf le Journal — ils aient jamais « cohabité »,
d’
où l’absence de tension profonde qui a sans nul doute favorisé les per
2648
l — ils aient jamais « cohabité », d’où l’absence
de
tension profonde qui a sans nul doute favorisé les perfections formel
2649
ie que l’on sait, aux dépens du pouvoir tragique.
D’
avoir été séparément mais simultanément actualisés, ils avaient privé
2650
simultanément actualisés, ils avaient privé Gide
de
cette Ombre qui est le refoulement d’une part virtuelle de l’âme, — d
2651
Ombre qui est le refoulement d’une part virtuelle
de
l’âme, — donc sa présence encore, secrète mais active. Ils avaient ce
2652
ce encore, secrète mais active. Ils avaient cessé
de
le toucher. Et trop bien isolés l’un de l’autre en ses œuvres, loin d
2653
ent cessé de le toucher. Et trop bien isolés l’un
de
l’autre en ses œuvres, loin de s’y prêter force en secret, ils exténu
2654
cret, ils exténuaient leur énergie dans la pureté
d’
un jeu bien alterné. Demeurait la perplexité, sereine ou tourmentée, m
2655
ou l’interlocuteur. Beaucoup de petits problèmes
de
langage ou de morale, mais dont le débat tournait souvent à l’argutie
2656
uteur. Beaucoup de petits problèmes de langage ou
de
morale, mais dont le débat tournait souvent à l’argutie, — ou bien il
2657
vous rendait les armes un peu trop vite. Beaucoup
d’
arrière-pensées, qu’il ne voulait plus suivre, et c’étaient elles pour
2658
Bref, en dépit de sa curiosité demeurée vive, et
de
sa générosité, un refus quasi instinctif d’approfondir et d’élargir,
2659
e, et de sa générosité, un refus quasi instinctif
d’
approfondir et d’élargir, d’intégrer et de prolonger, doublé d’une pro
2660
osité, un refus quasi instinctif d’approfondir et
d’
élargir, d’intégrer et de prolonger, doublé d’une propension de plus e
2661
efus quasi instinctif d’approfondir et d’élargir,
d’
intégrer et de prolonger, doublé d’une propension de plus en plus marq
2662
tinctif d’approfondir et d’élargir, d’intégrer et
de
prolonger, doublé d’une propension de plus en plus marquée à vouloir
2663
et d’élargir, d’intégrer et de prolonger, doublé
d’
une propension de plus en plus marquée à vouloir le contraire de tout
2664
on de plus en plus marquée à vouloir le contraire
de
tout cela, c’est-à-dire à cerner et limiter, dissocier et démystifier
2665
clair » il le faut bien — un certain assèchement
de
l’âme et de ses pouvoirs d’expansion. De là cette impression que j’av
2666
le faut bien — un certain assèchement de l’âme et
de
ses pouvoirs d’expansion. De là cette impression que j’avais gardée d
2667
n certain assèchement de l’âme et de ses pouvoirs
d’
expansion. De là cette impression que j’avais gardée de lui, et que je
2668
èchement de l’âme et de ses pouvoirs d’expansion.
De
là cette impression que j’avais gardée de lui, et que je traduisais e
2669
ansion. De là cette impression que j’avais gardée
de
lui, et que je traduisais en parlant d’un défaut d’imagination spirit
2670
is gardée de lui, et que je traduisais en parlant
d’
un défaut d’imagination spirituelle, — pour moi le vrai sens poétique.
2671
lui, et que je traduisais en parlant d’un défaut
d’
imagination spirituelle, — pour moi le vrai sens poétique. (Lui préfér
2672
moi le vrai sens poétique. (Lui préférait parler
de
son « refus d’accueil » à toute espèce de réalité inaccessible au « r
2673
ns poétique. (Lui préférait parler de son « refus
d’
accueil » à toute espèce de réalité inaccessible au « raisonnable ».)
2674
parler de son « refus d’accueil » à toute espèce
de
réalité inaccessible au « raisonnable ».) Je distingue mieux, aujourd
2675
e mieux, aujourd’hui, les origines fonctionnelles
de
cette fuite de l’âme dédoublée, et comment elle devait se produire à
2676
d’hui, les origines fonctionnelles de cette fuite
de
l’âme dédoublée, et comment elle devait se produire à la longue dans
2677
e devait se produire à la longue dans l’évolution
de
sa personne. Gide fut-il la victime d’une fin d’époque cruelle et déj
2678
’évolution de sa personne. Gide fut-il la victime
d’
une fin d’époque cruelle et déjà tout absurde à nos yeux, comme peuven
2679
de sa personne. Gide fut-il la victime d’une fin
d’
époque cruelle et déjà tout absurde à nos yeux, comme peuvent paraître
2680
s yeux, comme peuvent paraître absurdes ou dénués
d’
intérêt les conflits entretenus dans la vie d’un Aztèque par les décre
2681
ués d’intérêt les conflits entretenus dans la vie
d’
un Aztèque par les décrets de dieux déments, et qui sont morts ? Fut-i
2682
tretenus dans la vie d’un Aztèque par les décrets
de
dieux déments, et qui sont morts ? Fut-il plutôt l’acteur, sacrifié à
2683
ts ? Fut-il plutôt l’acteur, sacrifié à son rôle,
d’
une dramatique de l’âme qui vivra bien autant que notre Occident et se
2684
t l’acteur, sacrifié à son rôle, d’une dramatique
de
l’âme qui vivra bien autant que notre Occident et ses mythes ? Nietzs
2685
tre Occident et ses mythes ? Nietzsche se vantait
d’
avoir écrit le seul ouvrage au monde qui se termine par ou bien ? — Gi
2686
iant, mais vos troubadours, je ne puis m’empêcher
de
penser qu’ils devaient être homosexuels pour la plupart. » Je réponds
2687
ar ailleurs, prouver que je n’étais pas incapable
d’
élan (je parle de l’élan qui procrée), mais à condition que rien d’int
2688
ver que je n’étais pas incapable d’élan (je parle
de
l’élan qui procrée), mais à condition que rien d’intellectuel ou de s
2689
de l’élan qui procrée), mais à condition que rien
d’
intellectuel ou de sentimental ne s’y mêlât. » (Note de 1960.) 61. L
2690
rée), mais à condition que rien d’intellectuel ou
de
sentimental ne s’y mêlât. » (Note de 1960.) 61. La Jeunesse d’André
2691
ellectuel ou de sentimental ne s’y mêlât. » (Note
de
1960.) 61. La Jeunesse d’André Gide, tome I, p. 505, 1956. 62. Not
2692
ne s’y mêlât. » (Note de 1960.) 61. La Jeunesse
d’
André Gide, tome I, p. 505, 1956. 62. Noter que Gide n’a jamais parlé
2693
age était bien fait pour le scandaliser. L’action
de
nos deux mythes, dans l’existence de Gide, n’est donc ni « littéraire
2694
er. L’action de nos deux mythes, dans l’existence
de
Gide, n’est donc ni « littéraire », ni musicale, comme chez Kierkegaa
2695
ant cette phrase, note qu’elle trahit l’influence
de
la lecture de Schopenhauer. Or on sait que cette même lecture fut déc
2696
se, note qu’elle trahit l’influence de la lecture
de
Schopenhauer. Or on sait que cette même lecture fut décisive pour Wag
2697
u’invoque André Walter, c’est la « joie suprême »
d’
Isolde. 64. J. Delay, op. cit., II, p. 22. 65. Et nunc manet in te
2698
n ne meurt, p. 251. 67. (Telle était l’épigraphe
de
Ménalque quand ce fragment central des Nourritures parut en revue.) L
2699
hoisis par Gide pour La Porte étroite était Essai
de
bien mourir. Les Nourritures terrestres traduisent la volonté d’oppos
2700
Les Nourritures terrestres traduisent la volonté
d’
opposer brutalement l’ici-bas de Don Juan à l’au-delà angélique de Tri
2701
uisent la volonté d’opposer brutalement l’ici-bas
de
Don Juan à l’au-delà angélique de Tristan. 68. J. Delay, op. cit.,
2702
ement l’ici-bas de Don Juan à l’au-delà angélique
de
Tristan. 68. J. Delay, op. cit., II, p. 598. 69. Si le grain ne m
2703
ces les plus opposées n’ont jamais réussi à faire
de
moi un être tourmenté, mais perplexe… Cet état de dialogue… devenait
2704
de moi un être tourmenté, mais perplexe… Cet état
de
dialogue… devenait pour moi nécessaire… il m’invitait à l’œuvre d’art
2705
nait pour moi nécessaire… il m’invitait à l’œuvre
d’
art. » Morceaux choisis, p. 434. 72. Si le grain ne meurt, p. 247.
2706
ou les jeux sont faits, p. 128. Les premiers mots
de
la citation — « dans le rêve seulement » — sont un curieux exemple de
2707
ans le rêve seulement » — sont un curieux exemple
de
refoulement. J. Delay cite en effet plusieurs phrases telles que cell
2708
s telles que celle-ci (tirée du journal manuscrit
de
Gide, 1er janvier 1886) : « Que de fois Madeleine étant dans la chamb
2709
rnal manuscrit de Gide, 1er janvier 1886) : « Que
de
fois Madeleine étant dans la chambre voisine, je l’ai confondue avec
2710
explique ou motive… » : ils marquent la méfiance
de
Gide à l’égard des relations de causalité à sens unique posées par Fr
2711
quent la méfiance de Gide à l’égard des relations
de
causalité à sens unique posées par Freud — et par tout le xixe s. 7
2712
te, dans Ainsi soit-il, p. 132 : « Je me souviens
d’
avoir déjà parlé ailleurs de ceci, qui reste pour moi incompréhensible
2713
32 : « Je me souviens d’avoir déjà parlé ailleurs
de
ceci, qui reste pour moi incompréhensible : que l’on puisse à la fois
2714
isse à la fois fournir soi-même tous les éléments
de
la surprise, et être surpris… » 75. Si le grain ne meurt, p. 289.
2715
., 15 mai 1949. 79. Jean Paulhan, dans l’Hommage
de
la NRF .
2716
humaine Rudolf Kassner vient de mourir à l’âge
de
86 ans, au comble de sa gloire secrète. Qui l’a mis à son rang dans n
2717
sner vient de mourir à l’âge de 86 ans, au comble
de
sa gloire secrète. Qui l’a mis à son rang dans notre siècle ? Les mei
2718
n œuvre, laquelle compte environ quarante volumes
d’
une séduisante difficulté. (Il a traduit aussi Platon, Pouchkine et Go
2719
ne et Newman, le Philoctète de Gide et les Éloges
de
Saint-John Perse.) Intimement hé avec Rilke et avec Hofmannsthal, il
2720
l, il procède à la fois, par un étrange paradoxe,
de
la dialectique kierkegaardienne, comme son cadet Kafka, et de la soci
2721
tique kierkegaardienne, comme son cadet Kafka, et
de
la société autrichienne d’avant 1914, comme Robert Musil. Ces cinq no
2722
me son cadet Kafka, et de la société autrichienne
d’
avant 1914, comme Robert Musil. Ces cinq noms que l’Autriche a donnés
2723
à l’Europe sont parmi les plus grands des Lettres
de
ce temps. Ils illustrent, au même titre que ceux qu’on a cités d’entr
2724
ême titre que ceux qu’on a cités d’entre les amis
de
Kassner, la seule littérature digne du nom ; et l’on ne s’étonnera pa
2725
riques dites « littéraires ». Première approche
de
l’œuvre Ces premiers textes de Kassner, lus en français dans une p
2726
emière approche de l’œuvre Ces premiers textes
de
Kassner, lus en français dans une précieuse et simple traduction81, l
2727
récieuse et simple traduction81, lorsque j’essaie
de
me remémorer l’espèce de choc que j’en reçus, à 25 ans, un seul mot m
2728
tion81, lorsque j’essaie de me remémorer l’espèce
de
choc que j’en reçus, à 25 ans, un seul mot me vient à l’esprit : auto
2729
un seul mot me vient à l’esprit : autorité. Avant
d’
avoir compris ce qui était dit — j’entends compris à la manière intell
2730
ries, à des clichés — j’avais reconnu la grandeur
d’
un ton, d’un style, d’une impatience rigoureuse. Une manière d’occuper
2731
s clichés — j’avais reconnu la grandeur d’un ton,
d’
un style, d’une impatience rigoureuse. Une manière d’occuper la scène
2732
j’avais reconnu la grandeur d’un ton, d’un style,
d’
une impatience rigoureuse. Une manière d’occuper la scène en deux répl
2733
n style, d’une impatience rigoureuse. Une manière
d’
occuper la scène en deux répliques, d’imposer une allure bien « rassem
2734
Une manière d’occuper la scène en deux répliques,
d’
imposer une allure bien « rassemblée », n’admettant que des gestes net
2735
’admettant que des gestes nets et maîtrisés, puis
de
la briser soudain par une cascade d’ellipses saisissantes qui laissai
2736
trisés, puis de la briser soudain par une cascade
d’
ellipses saisissantes qui laissaient le lecteur pantois, comme l’antiq
2737
: devine, ou je te dévore ! Une constante énergie
de
l’énoncé. Et une grande force d’exclusion. Seuls les mondains, pensai
2738
onstante énergie de l’énoncé. Et une grande force
d’
exclusion. Seuls les mondains, pensais-je, savent encore exclure avec
2739
ntolérance instantanée à l’égard du doute faible,
de
l’adjectif incertain, et en général des complaisances « artistes » ou
2740
réflexion passionnément originale. Et je tentais
de
décrire — dans le premier article, je crois bien, publié en France su
2741
, publié en France sur Kassner — « l’acuité lente
de
la réflexion, l’alliage précieux de hauteur, de rigueur et de pitié h
2742
’acuité lente de la réflexion, l’alliage précieux
de
hauteur, de rigueur et de pitié humaine, la retenue presque solennell
2743
e de la réflexion, l’alliage précieux de hauteur,
de
rigueur et de pitié humaine, la retenue presque solennelle mais qui s
2744
ion, l’alliage précieux de hauteur, de rigueur et
de
pitié humaine, la retenue presque solennelle mais qui sans cesse frôl
2745
composaient, au sens magique du mot, les charmes
de
cette prose et son autorité. Voici donc cette première approche. ⁂ Da
2746
Dans la mesure même où Kassner se montre disciple
de
Kierkegaard, sa pensée paraît réfractaire à toute description, car el
2747
définis que par leurs rapports mutuels et tirent
de
cette interdépendance leur valeur originale. Kassner reprend un des t
2748
sentiels du pré-romantisme allemand, l’opposition
de
l’antique et du moderne, non du point de vue littéraire comme on le f
2749
tales (problème que notre xviie siècle se devait
de
ne pas poser). L’homme antique peut atteindre la grandeur parce qu’il
2750
fini : Famille, dieux, nature, tout lui commande
d’
être grand. Grand pour la loi, grand pour le Tout. Il ne se recherche
2751
s la démesure, et lorsqu’il « veut prendre mesure
de
lui-même, il se sent aussitôt incomplet et coupable. Il est donc poss
2752
sitôt incomplet et coupable. Il est donc possible
de
dire que le péché est la mesure du démesuré, et que pour le chrétien
2753
du démesuré, et que pour le chrétien il n’est pas
d’
autre grandeur. » Ainsi le chrétien existe en tant que le péché crée u
2754
omme sans mesure naturelle : s’il ne retrouve pas
de
loi interne et de tension par le péché, il n’est plus qu’un être sans
2755
aturelle : s’il ne retrouve pas de loi interne et
de
tension par le péché, il n’est plus qu’un être sans destinée, un Indi
2756
t crevassée et divisée. Son œuvre, souvent pleine
de
charme mais sans forme et sans but, peut bien nous stimuler, mais ne
2757
on vient de l’intérieur… Il ne peut jamais sortir
de
son moi sans trahison et chaque manifestation de son essence intime r
2758
de son moi sans trahison et chaque manifestation
de
son essence intime ressemble par quelque côté à un outrage, voire à u
2759
une impudeur. À l’opposition du Beau objectif et
de
l’intéressant sentimental qui pour Schiller et surtout pour Schlegel
2760
hiller et surtout pour Schlegel symbolisait celle
de
l’antique et du moderne, Kassner répondrait aujourd’hui par l’opposit
2761
, Kassner répondrait aujourd’hui par l’opposition
de
la grandeur mesurée et de l’indiscrétion journalistique82. La férocit
2762
rd’hui par l’opposition de la grandeur mesurée et
de
l’indiscrétion journalistique82. La férocité réfléchie qui préside à
2763
. La férocité réfléchie qui préside à son analyse
de
l’indiscret nous vaut une description inégalable du mal du siècle. Ic
2764
-il reconnaître à ce seul philosophe le privilège
d’
avoir parlé sans complicité de ce qui nous détruit : Rudolf Kassner do
2765
osophe le privilège d’avoir parlé sans complicité
de
ce qui nous détruit : Rudolf Kassner donne la sensation à peu près un
2766
donne la sensation à peu près unique en ce temps
d’
une pensée autoritaire. Entendons que, pour lui, penser n’est pas se d
2767
plus s’ingénier sur des idées et des combinaisons
d’
idées : mais créer de tout son être spirituel des faits nouveaux et vr
2768
es idées et des combinaisons d’idées : mais créer
de
tout son être spirituel des faits nouveaux et vrais, dans un certain
2769
vrais, dans un certain style. Car il n’est point
de
vérité sans forme. Quelques pages étranges et puissantes sur les chim
2770
ues pages étranges et puissantes sur les chimères
de
Notre-Dame illustrent ce réalisme de la forme, hors de quoi il n’est
2771
les chimères de Notre-Dame illustrent ce réalisme
de
la forme, hors de quoi il n’est qu’indiscrétion, et qui livre la clé
2772
uoi il n’est qu’indiscrétion, et qui livre la clé
de
la pensée de Kassner, comme aussi de son apparente obscurité. D’où pr
2773
qu’indiscrétion, et qui livre la clé de la pensée
de
Kassner, comme aussi de son apparente obscurité. D’où provient cette
2774
livre la clé de la pensée de Kassner, comme aussi
de
son apparente obscurité. D’où provient cette obscurité si fascinante
2775
Kassner, comme aussi de son apparente obscurité.
D’
où provient cette obscurité si fascinante ? De cela sans doute que Rud
2776
té. D’où provient cette obscurité si fascinante ?
De
cela sans doute que Rudolf Kassner se garde bien de poser les problèm
2777
cela sans doute que Rudolf Kassner se garde bien
de
poser les problèmes dans nos catégories psychologiques. Il prend tout
2778
ut savoir taire ce qui permettrait aux indiscrets
de
comprendre intellectuellement sans « réaliser ». Il faut que les pens
2779
Une pensée neuve ne saurait être comprise à moins
d’
être recréée dans sa forme — ce dont certaine clarté dispense le lecte
2780
aussi que l’indiscret est celui qui se préoccupe
de
défendre plutôt que d’illustrer. Ainsi, selon Kierkegaard, le premier
2781
est celui qui se préoccupe de défendre plutôt que
d’
illustrer. Ainsi, selon Kierkegaard, le premier homme qui s’avisa de d
2782
, selon Kierkegaard, le premier homme qui s’avisa
de
défendre la religion mériterait-il d’être appelé Judas numéro deux. C
2783
qui s’avisa de défendre la religion mériterait-il
d’
être appelé Judas numéro deux. Car il ne s’agit pas de professer une c
2784
re appelé Judas numéro deux. Car il ne s’agit pas
de
professer une chose mais d’être la chose. Le rare, c’est que chez Kas
2785
Car il ne s’agit pas de professer une chose mais
d’
être la chose. Le rare, c’est que chez Kassner, comme chez Kierkegaard
2786
omme chez Kierkegaard, cette présence s’accommode
d’
une ironie qui chez d’autres serait plutôt le fait du détachement. Une
2787
s, qui les fouille et les purifie, une ironie née
de
la rigueur et non du scepticisme. Le dialogue de Laurence Sterne et d
2788
de la rigueur et non du scepticisme. Le dialogue
de
Laurence Sterne et du recteur Krooks sur Judas et la Parole est à cet
2789
eur Krooks sur Judas et la Parole est à cet égard
d’
une saveur particulièrement riche et complexe : Les bavards ne tirent
2790
nt riche et complexe : Les bavards ne tirent pas
d’
eux-mêmes toutes les paroles qu’ils profèrent ; ils les reçoivent des
2791
les reçoivent des prophètes ; s’il n’y avait pas
de
prophètes, les bavards seraient peut-être des créatures très silencie
2792
s filantes. Mais plus encore que leur conception
de
l’« existence » et que leur ironie, ce qui rapproche Kassner et son m
2793
tragique du péché. Le Lépreux, journal apocryphe
de
l’empereur Alexandre Ier de Russie, n’est qu’une suite de méditations
2794
ereur Alexandre Ier de Russie, n’est qu’une suite
de
méditations sur le thème du tout-ou-rien moral qui caractérise Kierke
2795
actérise Kierkegaard. On ne peut dire précisément
de
Kassner qu’il réfute ses adversaires — Freud en particulier, dans Chr
2796
t et l’Âme du monde — mais bien plutôt qu’à force
d’
approfondir leur domaine propre, il les mine et les ruine intérieureme
2797
le est la forme des dialogues où culmine son art.
De
ces dialogues, où chaque interlocuteur, tour à tour, atteint à l’expr
2798
à tour, atteint à l’expression la plus virulente
de
sa vérité — si bien que la conclusion ne peut être qu’implicite et fo
2799
conclusion ne peut être qu’implicite et fonction
d’
une hiérarchie de valeurs, non de la seule exactitude des pensées — no
2800
ut être qu’implicite et fonction d’une hiérarchie
de
valeurs, non de la seule exactitude des pensées — nous connaissons le
2801
cite et fonction d’une hiérarchie de valeurs, non
de
la seule exactitude des pensées — nous connaissons le modèle immortel
2802
s — nous connaissons le modèle immortel, le Livre
de
Job. Il serait curieux d’en suivre la filiation, jusqu’au Soulier de
2803
dèle immortel, le Livre de Job. Il serait curieux
d’
en suivre la filiation, jusqu’au Soulier de satin, de Claudel : ce ser
2804
urieux d’en suivre la filiation, jusqu’au Soulier
de
satin, de Claudel : ce serait une sorte de généalogie du réalisme poé
2805
n suivre la filiation, jusqu’au Soulier de satin,
de
Claudel : ce serait une sorte de généalogie du réalisme poétique. ⁂ T
2806
oulier de satin, de Claudel : ce serait une sorte
de
généalogie du réalisme poétique. ⁂ Telle fut ma première impression.
2807
re dont la difficulté, précisément, n’a pas cessé
de
me séduire et inciter. Je suppose qu’il est devenu banal de déplorer
2808
ire et inciter. Je suppose qu’il est devenu banal
de
déplorer l’obscurité des essais et dialogues de Kassner. Elle est pou
2809
l de déplorer l’obscurité des essais et dialogues
de
Kassner. Elle est pourtant la garantie de leur pouvoir, et ne saurait
2810
alogues de Kassner. Elle est pourtant la garantie
de
leur pouvoir, et ne saurait traduire, à mon avis, qu’une intention pr
2811
tention profondément délibérée. Car il s’agit ici
d’
une maïeutique, s’exerçant sur les mythes de l’âme. Je parlais tout à
2812
t ici d’une maïeutique, s’exerçant sur les mythes
de
l’âme. Je parlais tout à l’heure d’ellipses « saisissantes » et c’éta
2813
ur les mythes de l’âme. Je parlais tout à l’heure
d’
ellipses « saisissantes » et c’était au sens littéral, non pathétique,
2814
es » et c’était au sens littéral, non pathétique,
de
l’adjectif. L’ellipse de pensée n’est nullement, chez Kassner, un pro
2815
ittéral, non pathétique, de l’adjectif. L’ellipse
de
pensée n’est nullement, chez Kassner, un procédé de rhétorique, une m
2816
pensée n’est nullement, chez Kassner, un procédé
de
rhétorique, une manière de sauter les évidences ou platitudes intermé
2817
ez Kassner, un procédé de rhétorique, une manière
de
sauter les évidences ou platitudes intermédiaires. Elle est un acte d
2818
es ou platitudes intermédiaires. Elle est un acte
de
vision. Nous montrant d’un seul coup, sans transition, plusieurs obje
2819
tume sépare, non seulement elle oblige à les voir
d’
un œil neuf, mais encore elle excite à découvrir l’angle particulier s
2820
ir, proches ou confondues, son auteur. (Cet angle
de
vision étant son vrai message.) Elle propose donc à l’imagination un
2821
qu’imposent aux néophytes les moines bouddhistes
de
la secte du zen. Pourtant, le thème profond, omniprésent, de l’œuvre,
2822
du zen. Pourtant, le thème profond, omniprésent,
de
l’œuvre, c’est à l’inverse du bouddhisme, en apparence, le problème c
2823
en apparence, le problème chrétien du Dieu-Homme,
d’
où naît celui de la personne, générateur de l’Occident. Problème ambig
2824
problème chrétien du Dieu-Homme, d’où naît celui
de
la personne, générateur de l’Occident. Problème ambigu s’il en fut, e
2825
Homme, d’où naît celui de la personne, générateur
de
l’Occident. Problème ambigu s’il en fut, et qui échappe par définitio
2826
on à la pensée systématique et discursive : point
de
réponse rationnelle au cur deus homo de saint Anselme. Kassner gravit
2827
e : point de réponse rationnelle au cur deus homo
de
saint Anselme. Kassner gravite autour de ce mystère, l’approche par l
2828
ite autour de ce mystère, l’approche par le moyen
de
paraboles, de questions, de comparaisons. De quels autres moyens disp
2829
ce mystère, l’approche par le moyen de paraboles,
de
questions, de comparaisons. De quels autres moyens disposons-nous, qu
2830
approche par le moyen de paraboles, de questions,
de
comparaisons. De quels autres moyens disposons-nous, qui soient ordon
2831
oyen de paraboles, de questions, de comparaisons.
De
quels autres moyens disposons-nous, qui soient ordonnés à cette fin ?
2832
qui soient ordonnés à cette fin ? Ce sont moyens
de
poésie, c’est-à-dire d’âme, inadéquats sans doute, s’agissant de l’Es
2833
ette fin ? Ce sont moyens de poésie, c’est-à-dire
d’
âme, inadéquats sans doute, s’agissant de l’Esprit… « La faculté princ
2834
t-à-dire d’âme, inadéquats sans doute, s’agissant
de
l’Esprit… « La faculté principale de l’âme est de comparer », remarqu
2835
, s’agissant de l’Esprit… « La faculté principale
de
l’âme est de comparer », remarque Montesquieu, et il ajoute : « Ce qu
2836
de l’Esprit… « La faculté principale de l’âme est
de
comparer », remarque Montesquieu, et il ajoute : « Ce qui fait ordina
2837
ombre d’autres, et qu’on nous fait découvrir tout
d’
un coup ce que nous ne pouvions espérer qu’après une grande lecture. »
2838
moderne, ou les grandes intuitions tautologiques
de
l’Inde et les conséquences « dramatiques » de l’incarnation de la Par
2839
ues de l’Inde et les conséquences « dramatiques »
de
l’incarnation de la Parole : par leurs images plutôt que leurs concep
2840
les conséquences « dramatiques » de l’incarnation
de
la Parole : par leurs images plutôt que leurs concepts ; sans conclus
2841
ue leurs concepts ; sans conclusion. Mais l’angle
de
vision s’est imposé. Et l’imagination, irrésistiblement, s’oriente ve
2842
, s’oriente vers le mystère crucial. S’agirait-il
d’
une théologie ? Kassner veut voir. D’une gnose, alors ? On pourrait le
2843
S’agirait-il d’une théologie ? Kassner veut voir.
D’
une gnose, alors ? On pourrait le penser. De poésie ? Très certainemen
2844
voir. D’une gnose, alors ? On pourrait le penser.
De
poésie ? Très certainement. Mais encore faudrait-il s’entendre sur le
2845
re faudrait-il s’entendre sur le sens authentique
de
ce mot. Disons, pour couper court à de longs développements, que ceux
2846
uthentique de ce mot. Disons, pour couper court à
de
longs développements, que ceux-là seuls qui se font de la poésie une
2847
ngs développements, que ceux-là seuls qui se font
de
la poésie une idée finalement plus favorable au Livre de Job et aux p
2848
oésie une idée finalement plus favorable au Livre
de
Job et aux proverbes zen qu’à Lamartine ou même à Rilke, reconnaîtron
2849
reconnaîtront dans les dialogues et les paraboles
de
Kassner son irréfutable présence. Bâtons rompus Au lendemain de
2850
utable présence. Bâtons rompus Au lendemain
de
la dernière guerre, des amis lui avaient ménagé une assez plaisante r
2851
ménagé une assez plaisante retraite dans le bourg
de
Sierre-en-Valais, non loin de cette tour de Muzot où Rilke passa la f
2852
bourg de Sierre-en-Valais, non loin de cette tour
de
Muzot où Rilke passa la fin de sa vie. À travers les longs corridors
2853
loin de cette tour de Muzot où Rilke passa la fin
de
sa vie. À travers les longs corridors d’un château renaissant transfo
2854
a la fin de sa vie. À travers les longs corridors
d’
un château renaissant transformé en hôtel, un domestique poussait à vi
2855
uteuil roulant, jusqu’à l’ombrage des marronniers
de
la terrasse. Là, Kassner recevait presque chaque jour des visiteurs v
2856
chaque jour des visiteurs venus des quatre coins
de
l’Europe. Pourquoi n’y suis-je allé que si rarement ? Sans doute à ca
2857
être aussi, et surtout, parce que je m’étais fait
de
Kassner l’image d’un maître spirituel, d’un guru comme disent les Hin
2858
out, parce que je m’étais fait de Kassner l’image
d’
un maître spirituel, d’un guru comme disent les Hindous. Je le confess
2859
is fait de Kassner l’image d’un maître spirituel,
d’
un guru comme disent les Hindous. Je le confesse cum grano salis, tong
2860
elle serait donc l’expression française ? — amusé
de
retrouver en moi cette persistance du premier choc reçu par mon adole
2861
ransposant vingt-cinq ans en arrière une relation
de
maître à disciple qui avait été réelle dans mon esprit seulement et q
2862
assner serrait deux cannes dans ses énormes mains
d’
infirme — paralysé des jambes dès le berceau — mais sa maîtrise n’exer
2863
ions, sur les trop nombreux visiteurs, que celles
d’
un bref regard pénétrant de malice, d’un éclat de voix sardonique ou d
2864
visiteurs, que celles d’un bref regard pénétrant
de
malice, d’un éclat de voix sardonique ou d’un subit changement de suj
2865
que celles d’un bref regard pénétrant de malice,
d’
un éclat de voix sardonique ou d’un subit changement de sujet. Après t
2866
d’un bref regard pénétrant de malice, d’un éclat
de
voix sardonique ou d’un subit changement de sujet. Après tout, n’étai
2867
trant de malice, d’un éclat de voix sardonique ou
d’
un subit changement de sujet. Après tout, n’était-ce pas ce que j’atte
2868
éclat de voix sardonique ou d’un subit changement
de
sujet. Après tout, n’était-ce pas ce que j’attendais ? Il parlait à b
2869
tique, ou pour mieux dire allègrement disciplinée
de
dominer son grand malheur physique et de refuser que ce malheur l’iso
2870
ciplinée de dominer son grand malheur physique et
de
refuser que ce malheur l’isole dans la seule profondeur de sa vision8
2871
r que ce malheur l’isole dans la seule profondeur
de
sa vision84. D’où sa curiosité avide et amusée pour tous ceux que l’o
2872
l’isole dans la seule profondeur de sa vision84.
D’
où sa curiosité avide et amusée pour tous ceux que l’on pouvait connaî
2873
us ceux que l’on pouvait connaître, ne fût-ce que
de
réputation, qu’il avait bien connus lui-même ou rencontrés dans ses v
2874
bles en Europe, en Russie, en Inde. Il ne cessait
de
mettre et de remettre à jour son tableau d’une certaine société finis
2875
e, en Russie, en Inde. Il ne cessait de mettre et
de
remettre à jour son tableau d’une certaine société finissante, compos
2876
ssait de mettre et de remettre à jour son tableau
d’
une certaine société finissante, composée certes des meilleurs esprits
2877
t des plus authentiques grandes dames, mais aussi
d’
une foule de figures touchantes, excentriques ou typiques, qu’il se di
2878
uthentiques grandes dames, mais aussi d’une foule
de
figures touchantes, excentriques ou typiques, qu’il se divertissait à
2879
ques ou typiques, qu’il se divertissait à évoquer
d’
un seul trait fortement appuyé — et l’on devinait alors qu’ils étaient
2880
alors qu’ils étaient les modèles des personnages
de
ses Dialogues et récits physiognomoniques, officiers, acteurs ou arti
2881
officiers, acteurs ou artistes, grands maniaques
de
la chasse ou du jeu, courtisans, courtisanes, ascètes, « indiscrets »
2882
discrets » ou ratés exemplaires. Cette collection
de
types de notre siècle puisait dans l’Europe de naguère — surtout vien
2883
» ou ratés exemplaires. Cette collection de types
de
notre siècle puisait dans l’Europe de naguère — surtout viennoise — s
2884
on de types de notre siècle puisait dans l’Europe
de
naguère — surtout viennoise — ses éléments anecdotiques ou réalistes
2885
tures qui décorent l’extérieur des grands temples
de
l’Inde. Je relève encore ceci dans ses Propos, confirmant les souveni
2886
ses Propos, confirmant les souvenirs que je viens
d’
interpréter : « Le Witz (la boutade, le trait d’esprit) est la forme l
2887
s d’interpréter : « Le Witz (la boutade, le trait
d’
esprit) est la forme logique et naturelle que revêt la sociabilité che
2888
même en bavardant, une platitude. Qu’il s’agisse
de
ses pages les plus denses ou des anecdotes qu’il contait avec un humo
2889
ique (ces deux mots accolés me rappellent son ton
de
voix), tout en lui, l’œuvre et l’homme, évoquait la présence d’une ma
2890
en lui, l’œuvre et l’homme, évoquait la présence
d’
une maîtrise achevée, comme infaillible. D’où l’image qui me vint à l’
2891
ésence d’une maîtrise achevée, comme infaillible.
D’
où l’image qui me vint à l’esprit, pendant notre première rencontre, d
2892
int à l’esprit, pendant notre première rencontre,
de
cet archer qui tire les yeux fermés et atteint à chaque coup le centr
2893
es yeux fermés et atteint à chaque coup le centre
de
la cible. D’où mes allusions répétées à la technique du zen-bouddhism
2894
s et atteint à chaque coup le centre de la cible.
D’
où mes allusions répétées à la technique du zen-bouddhisme — que je vo
2895
Elle remonte aux années qui précédèrent la guerre
de
1914, et plusieurs témoignages importants nous en demeurent : lettres
2896
émoignages importants nous en demeurent : lettres
de
Rilke à leur amie commune, la princesse de Tour et Taxis, dédicace à
2897
la princesse de Tour et Taxis, dédicace à Kassner
de
la Huitième Élégie de Duino, fin des Cahiers de Malte Laurids Brigge,
2898
t Taxis, dédicace à Kassner de la Huitième Élégie
de
Duino, fin des Cahiers de Malte Laurids Brigge, portant les traces vi
2899
r de la Huitième Élégie de Duino, fin des Cahiers
de
Malte Laurids Brigge, portant les traces visibles de l’influence kass
2900
Malte Laurids Brigge, portant les traces visibles
de
l’influence kassnérienne ; et les sept essais successifs consacrés pa
2901
essais successifs consacrés par Kassner à Rilke,
de
1926, au lendemain de la mort du poète, jusqu’au trentième anniversai
2902
sacrés par Kassner à Rilke, de 1926, au lendemain
de
la mort du poète, jusqu’au trentième anniversaire de cette mort. Dès
2903
la mort du poète, jusqu’au trentième anniversaire
de
cette mort. Dès le premier de ces essais, Kassner, tout en mettant le
2904
ntième anniversaire de cette mort. Dès le premier
de
ces essais, Kassner, tout en mettant le Poète au plus haut comme pur
2905
fondamentale du sacrifice, seul chemin qui permet
de
passer de l’intériorité fervente à la grandeur. Relisons les essais q
2906
le du sacrifice, seul chemin qui permet de passer
de
l’intériorité fervente à la grandeur. Relisons les essais qui suivent
2907
nde « phallique » aussi, « mélange très singulier
de
candeur enfantine et de perversion », monde spatial, antihistorique,
2908
« mélange très singulier de candeur enfantine et
de
perversion », monde spatial, antihistorique, désincarné, lunaire, mon
2909
atial, antihistorique, désincarné, lunaire, monde
de
l’âme et non de l’esprit, profondément antipaulinien, et qui permet s
2910
rique, désincarné, lunaire, monde de l’âme et non
de
l’esprit, profondément antipaulinien, et qui permet seul de comprendr
2911
t, profondément antipaulinien, et qui permet seul
de
comprendre chez Rilke « son hostilité au Christ, qui blesse les uns,
2912
, auxquelles Kassner recourt pour se différencier
de
celui que, pourtant, il ne cesse de tenir pour l’un des plus grands d
2913
différencier de celui que, pourtant, il ne cesse
de
tenir pour l’un des plus grands depuis Dante. Le monde de Kassner, au
2914
pour l’un des plus grands depuis Dante. Le monde
de
Kassner, au contraire, est le monde du Fils, de la Parole qui tranche
2915
e de Kassner, au contraire, est le monde du Fils,
de
la Parole qui tranche et institue le drame, le monde ouvert par la tr
2916
du paradoxe, du sacrifice et du Retour (Umkehr),
de
la Personne et de la Liberté. Monde viril où ne peut régner que « cet
2917
acrifice et du Retour (Umkehr), de la Personne et
de
la Liberté. Monde viril où ne peut régner que « cette prose qui exclu
2918
ibue sur Rilke, Kassner cite de nouveau la phrase
de
ses Proverbes du yogi : « Le chemin de l’intériorité à la grandeur pa
2919
la phrase de ses Proverbes du yogi : « Le chemin
de
l’intériorité à la grandeur passe par le sacrifice », phrase dont Ril
2920
st resté qu’un nom pour lui. Mais dans le recueil
d’
hommages publié pour ses 80 ans (le Gedenkbuch déjà cité), le rapproch
2921
qu’à ce que, peu de temps après, je fusse informé
de
l’existence d’une école du zen dont les maîtres parviendraient à ceci
2922
u de temps après, je fusse informé de l’existence
d’
une école du zen dont les maîtres parviendraient à ceci : atteindre le
2923
e le but sans le voir, placer la flèche au centre
de
la cible, les yeux fermés… Je pressentais maintenant ce que le zen si
2924
avec mon œuvre, qui comptait à ce moment-là plus
d’
un demi-siècle. Atteindre le but sans le voir (blind), celui qui peut
2925
tes… Le zen suppose la dissolution, l’éclatement
de
tout le conceptuel. Le point noir qu’atteint la flèche du tireur aux
2926
lèche du tireur aux yeux bandés est le point zéro
de
la cible, le Néant qui est en même temps le Tout… Que signifie encore
2927
… Que signifie encore le zen, sinon l’élimination
de
la fortune, au sens antique, c’est-à-dire de la chance, du hasard, et
2928
tion de la fortune, au sens antique, c’est-à-dire
de
la chance, du hasard, et celui-là seul peut y arriver qui ne sépare p
2929
-là seul peut y arriver qui ne sépare plus l’acte
de
l’ascèse. Ceci est absolument hindou, ajoute Kassner, appartient à l
2930
atteint. Dans les deux cas, il s’agit du concept,
de
l’idée et de l’existence de l’Infini, dès que la parole cesse d’être
2931
les deux cas, il s’agit du concept, de l’idée et
de
l’existence de l’Infini, dès que la parole cesse d’être une simple co
2932
il s’agit du concept, de l’idée et de l’existence
de
l’Infini, dès que la parole cesse d’être une simple coque ; et il s’a
2933
l’existence de l’Infini, dès que la parole cesse
d’
être une simple coque ; et il s’agit aussi de l’union ultime du But et
2934
esse d’être une simple coque ; et il s’agit aussi
de
l’union ultime du But et du Sens. Si je m’en tiens à cette interpréta
2935
s tous mes écrits, à commencer par cette « Morale
de
la musique » qui aujourd’hui, à cause de cela, remonte vers moi dans
2936
et rajeuni. Kassner rappelle alors sa conception
de
la musique comme absorption totale du contenu dans la forme, où il vo
2937
u contenu dans la forme, où il voit un équivalent
de
l’unité du Tout et du Rien, maintenus ensemble et assumés par la seul
2938
maintenus ensemble et assumés par la seule force
de
l’Imagination. Et il poursuit : Le zen nie le Dieu personnel, il ne
2939
isme, oh ! pas du tout, mais en vertu de son idée
de
l’Infini, du trans-conceptuel, de l’inconcevable, en vertu de l’Imagi
2940
rtu de son idée de l’Infini, du trans-conceptuel,
de
l’inconcevable, en vertu de l’Imagination créatrice, qui est pour lui
2941
éatrice, qui est pour lui la seule forme possible
de
la foi. Et certes, il m’est souvent venu à l’esprit que cette Einbil
2942
être pour Kassner d’abord la seule forme possible
de
la foi — ce qui est plus gnostique qu’orthodoxe… Ne tire-t-il pas le
2943
s gnostique qu’orthodoxe… Ne tire-t-il pas le zen
de
son côté ? Il ajoute d’ailleurs aussitôt qu’on ne saurait croire un s
2944
un extravagant maître du zen » ! Il n’a que faire
d’
une doctrine ou d’un système ; mais peut-être, dans certains de ses li
2945
tre du zen » ! Il n’a que faire d’une doctrine ou
d’
un système ; mais peut-être, dans certains de ses livres, a-t-il jeté
2946
e ou d’un système ; mais peut-être, dans certains
de
ses livres, a-t-il jeté un pont, une arche par-dessus continents et m
2947
et millénaires, reliant ainsi les représentations
de
l’ancienne Asie à celles de l’Occident chrétien. Ce qui lui semble, e
2948
i les représentations de l’ancienne Asie à celles
de
l’Occident chrétien. Ce qui lui semble, en fin de compte, relier au z
2949
, c’est que l’un et l’autre se soucient davantage
de
limites que de causes. Et cette notion de limite, si importante pour
2950
n et l’autre se soucient davantage de limites que
de
causes. Et cette notion de limite, si importante pour lui, le ramène
2951
vantage de limites que de causes. Et cette notion
de
limite, si importante pour lui, le ramène à Rilke, dont il cite ce ve
2952
re te semble amer, deviens Vin. Ici, dit-il, plus
de
théâtre… Il s’agit de limites, d’abîme, de centre et d’absence de cen
2953
iens Vin. Ici, dit-il, plus de théâtre… Il s’agit
de
limites, d’abîme, de centre et d’absence de centre. Il s’agit égaleme
2954
i, dit-il, plus de théâtre… Il s’agit de limites,
d’
abîme, de centre et d’absence de centre. Il s’agit également de la lim
2955
, plus de théâtre… Il s’agit de limites, d’abîme,
de
centre et d’absence de centre. Il s’agit également de la limite entre
2956
âtre… Il s’agit de limites, d’abîme, de centre et
d’
absence de centre. Il s’agit également de la limite entre existence et
2957
’agit de limites, d’abîme, de centre et d’absence
de
centre. Il s’agit également de la limite entre existence et poésie, o
2958
entre et d’absence de centre. Il s’agit également
de
la limite entre existence et poésie, ou de la poésie comme existence,
2959
lement de la limite entre existence et poésie, ou
de
la poésie comme existence, ce qui donne une parfaite question zen, la
2960
. Voilà qui est zen, conclut Kassner, ou solution
d’
un problème zen par le poète, par la langue, la langue vivante des ima
2961
détour du zen, que le Kassner des derniers temps
de
sa vie a pu relier son monde et celui de Rilke. Par un suprême dépass
2962
rs temps de sa vie a pu relier son monde et celui
de
Rilke. Par un suprême dépassement des concepts, au nom du Sens qui es
2963
ris connaissance du zen par le fameux petit livre
d’
Herrigel sur L’Art chevaleresque du tir à l’arc 89. Le vers de Rilke s
2964
ur L’Art chevaleresque du tir à l’arc 89. Le vers
de
Rilke sur le vin a donc pu lui rappeler ce précepte donné par un maît
2965
toi-même, puis, oublie tout et peins. (Problème
de
la limite entre existence et art, ou de l’art comme existence.) D’aut
2966
(Problème de la limite entre existence et art, ou
de
l’art comme existence.) D’autres correspondances ont pu le frapper. N
2967
a-t-il par reconnu le style même, et sinon le son
de
sa voix qu’on est seul à ne pas reconnaître, du moins le mouvement de
2968
seul à ne pas reconnaître, du moins le mouvement
de
pensée de ses Dialogues et Paraboles dans ces paroles d’un maître zen
2969
pas reconnaître, du moins le mouvement de pensée
de
ses Dialogues et Paraboles dans ces paroles d’un maître zen sur le ti
2970
ée de ses Dialogues et Paraboles dans ces paroles
d’
un maître zen sur le tir à l’arc : Celui qui est capable de tirer ave
2971
e zen sur le tir à l’arc : Celui qui est capable
de
tirer avec l’écaille du lièvre et le poil de la tortue, c’est-à-dire
2972
able de tirer avec l’écaille du lièvre et le poil
de
la tortue, c’est-à-dire d’atteindre le centre de la cible sans arc (é
2973
e du lièvre et le poil de la tortue, c’est-à-dire
d’
atteindre le centre de la cible sans arc (écaille) et sans flèche (poi
2974
de la tortue, c’est-à-dire d’atteindre le centre
de
la cible sans arc (écaille) et sans flèche (poil), ce dernier est Maî
2975
dans l’acception la plus élevée du terme, Maître
de
l’art sans art, mieux, il est l’art sans art, à la fois ainsi Maître
2976
ble. Il semble que Kassner ne se soit pas souvenu
d’
avoir écrit lui-même dans ses Proverbes du yogi 90 les phrases suivant
2977
entraînant au tir à l’arc. « Vos flèches manquent
de
portée (fait remarquer le Maître au débutant) parce que spirituelleme
2978
’infini… Un bon archer tire plus loin avec un arc
de
moyenne puissance qu’un archer sans âme avec l’arc le plus fort. Le r
2979
vec l’arc le plus fort. Le résultat ne dépend pas
de
l’arc mais de la « présence d’esprit », du dynamisme et de la faculté
2980
lus fort. Le résultat ne dépend pas de l’arc mais
de
la « présence d’esprit », du dynamisme et de la faculté d’éveil avec
2981
ltat ne dépend pas de l’arc mais de la « présence
d’
esprit », du dynamisme et de la faculté d’éveil avec laquelle vous tir
2982
mais de la « présence d’esprit », du dynamisme et
de
la faculté d’éveil avec laquelle vous tirez. » Ou encore : « La Grand
2983
résence d’esprit », du dynamisme et de la faculté
d’
éveil avec laquelle vous tirez. » Ou encore : « La Grande Doctrine du
2984
: « La Grande Doctrine du tir à l’arc ignore tout
d’
une cible dressée à une distance déterminée ; elle ne connaît que le b
2985
ée ; elle ne connaît que le but, qui ne s’atteint
d’
aucune manière technique, et si elle lui donne un nom, ce sera : Boudd
2986
moniste : le disciple dit au maître : « Je crains
de
ne plus rien comprendre… Est-ce moi qui touche le but ou bien le but
2987
us appelez le « quelque chose » (qui tire) est-il
de
nature spirituelle aux yeux du corps, ou corporelle aux yeux de l’esp
2988
’amalgament tellement que je ne suis plus capable
de
les séparer… Le Maître m’interrompit alors et dit : Voilà justement l
2989
terrompit alors et dit : Voilà justement la corde
de
l’arc qui vient de vous traverser ! » Mais je n’en finirais pas de ci
2990
t de vous traverser ! » Mais je n’en finirais pas
de
citer tantôt Kassner, tantôt les maîtres du zen, au risque de confond
2991
se rejoignent d’un seul coup dans l’illumination
de
la vision (dirait Kassner), du satori (disent les bouddhistes), l’Un
2992
final92. J’en reviens donc à l’homme que j’essaie
de
décrire par le biais d’une vision particulière que j’eus de lui, et d
2993
nc à l’homme que j’essaie de décrire par le biais
d’
une vision particulière que j’eus de lui, et dans laquelle il semble b
2994
par le biais d’une vision particulière que j’eus
de
lui, et dans laquelle il semble bien qu’il se soit finalement reconnu
2995
se soit finalement reconnu. J’ai dit que l’image
d’
un maître zen m’était venue en écoutant parler Kassner. Et voici ce qu
2996
nt parler Kassner. Et voici ce qu’il dit lui-même
de
la conversation telle qu’il l’entend et la pratique : Je suis toujou
2997
tincelle, la détente, le drame du rejaillissement
d’
une image, d’une idée survenant, d’un principe ; le coup est parti, to
2998
détente, le drame du rejaillissement d’une image,
d’
une idée survenant, d’un principe ; le coup est parti, tout de suite,
2999
ejaillissement d’une image, d’une idée survenant,
d’
un principe ; le coup est parti, tout de suite, cela jaillit et puis,
3000
la jaillit et puis, parfois, cela touche le noir.
De
là mon « Tireur zen », mon zen… L’arc est toujours tendu. Eh oui, bie
3001
oui, bien sûr, pourquoi ne pas penser ici au bios
d’
Héraclite, qui signifie Vie et Arc, vie qui appelle et produit, et arc
3002
c’est bien cette volupté qu’on pourrait qualifier
de
bouddhiste… Si j’avais pu revoir Kassner, l’hiver dernier, venant de
3003
’avais pu revoir Kassner, l’hiver dernier, venant
de
lire son essai sur le zen et Rilke, je lui aurais posé des questions
3004
Je lui aurais dit sans doute : le but du zen est
de
nous libérer du moi conscient, mais le sens dernier de votre œuvre es
3005
us libérer du moi conscient, mais le sens dernier
de
votre œuvre est de libérer ce moi conscient (qui est la personne) du
3006
onscient, mais le sens dernier de votre œuvre est
de
libérer ce moi conscient (qui est la personne) du moi factice, du per
3007
est la personne) du moi factice, du personnage et
de
son masque, laissant alors paraître le visage. Entre les deux « abîme
3008
» du monde magique, qui est le monde sans mesure
d’
avant le drame, d’avant l’idée et la Parole — et du monde collectif, q
3009
e, qui est le monde sans mesure d’avant le drame,
d’
avant l’idée et la Parole — et du monde collectif, qui est sa contrepa
3010
magie à rebours », vous nous avez montré la voie
de
la personne, le passage vers l’esprit et vers la liberté, qui est sou
3011
ance et vision, tension et sacrifice, incarnation
de
la Parole dans l’histoire. Maintenant, comment passer de cette réalit
3012
arole dans l’histoire. Maintenant, comment passer
de
cette réalité qui est liberté de la personne, à celle du zen qui est
3013
, comment passer de cette réalité qui est liberté
de
la personne, à celle du zen qui est négation du personnel ? Ou plutôt
3014
porter des éléments sans prix pour le Grand Œuvre
de
ce temps, la transmutation créatrice des valeurs de l’Orient et de l’
3015
ce temps, la transmutation créatrice des valeurs
de
l’Orient et de l’Occident. ⁂ Je ne pouvais présenter Kassner à des le
3016
ransmutation créatrice des valeurs de l’Orient et
de
l’Occident. ⁂ Je ne pouvais présenter Kassner à des lecteurs dont la
3017
ar on ne le trouverait pas, on ne toucherait rien
de
lui en partant de généralités. Il est par excellence l’auteur incompa
3018
rait pas, on ne toucherait rien de lui en partant
de
généralités. Il est par excellence l’auteur incomparable. Et de même,
3019
parable. Et de même, son œuvre défie toute espèce
de
catégorie. Ni philosophe professionnel, ni romancier, ni dramaturge,
3020
ficile et mal connue (surtout en France) par l’un
de
ses aspects les plus particuliers, j’entends par sa relation récemmen
3021
ent entrevue avec ce qui semblait le plus éloigné
d’
elle, j’ai tenté d’épouser son style et son mouvement, essentiellement
3022
e qui semblait le plus éloigné d’elle, j’ai tenté
d’
épouser son style et son mouvement, essentiellement paradoxaux, dans l
3023
vement, essentiellement paradoxaux, dans l’espoir
d’
alerter quelques esprits, curieux d’une grandeur authentique. Je pensa
3024
dans l’espoir d’alerter quelques esprits, curieux
d’
une grandeur authentique. Je pensais à ce personnage du plus beau dial
3025
Je pensais à ce personnage du plus beau dialogue
de
Kassner93, l’oncle Hammond Sterne, de Bath, qui haïssait les boutons
3026
au dialogue de Kassner93, l’oncle Hammond Sterne,
de
Bath, qui haïssait les boutons et n’admettait au monde que les boucle
3027
’agitait tout particulièrement et s’abandonnait à
de
sombres pensées lorsqu’il lui arrivait de parler de quatre grands bou
3028
nnait à de sombres pensées lorsqu’il lui arrivait
de
parler de quatre grands boutons de nacre, fixés à l’habit d’un clown
3029
sombres pensées lorsqu’il lui arrivait de parler
de
quatre grands boutons de nacre, fixés à l’habit d’un clown célèbre de
3030
l lui arrivait de parler de quatre grands boutons
de
nacre, fixés à l’habit d’un clown célèbre de son temps, Big Button. L
3031
e quatre grands boutons de nacre, fixés à l’habit
d’
un clown célèbre de son temps, Big Button. Les pensées que ces quatre
3032
tons de nacre, fixés à l’habit d’un clown célèbre
de
son temps, Big Button. Les pensées que ces quatre boutons éveillaient
3033
que ces quatre boutons éveillaient dans l’esprit
de
l’oncle Hammond étaient absolument originales et ne tarissaient pas.
3034
lui qu’il eût pu les voir. 80. Les Éléments
de
la grandeur humaine, NRF, 1931 ; Le Livre du souvenir, Stock, 1942 ;
3035
ions et paraboles, Plon, 1956. 81. Les Éléments
de
la grandeur humaine, traduction anonyme, que je crois due aux soins c
3036
ion anonyme, que je crois due aux soins conjugués
de
Bernard Groethuysen et de Jean Paulhan. 82. « Je ne songe pas ici —
3037
due aux soins conjugués de Bernard Groethuysen et
de
Jean Paulhan. 82. « Je ne songe pas ici — écrit Kassner — au journal
3038
omans, des systèmes. Ce journaliste-là, préoccupé
d’
une immortalité tout à fait impossible, est indiscret, l’autre ne fait
3039
ue son devoir. » 83. Je viens de lire des propos
de
Kassner (recueillis par M. Kensik, Neue Zürcher Zeitung, 11 septembre
3040
Zeitung, 11 septembre 1958) sur sa propre manière
de
concevoir les visites : « Surtout, dit-il, pas de cérémonies. Pour l’
3041
de concevoir les visites : « Surtout, dit-il, pas
de
cérémonies. Pour l’amour du ciel, pas de cérémonies ! » Il aime qu’on
3042
-il, pas de cérémonies. Pour l’amour du ciel, pas
de
cérémonies ! » Il aime qu’on arrive et s’en aille à l’improviste, que
3043
oviste, que les récits soient brefs — surtout pas
d’
analyses ! — les propos vifs, spontanés, sautant d’un objet ou d’un pa
3044
’analyses ! — les propos vifs, spontanés, sautant
d’
un objet ou d’un paradoxe à un autre, et qu’on prenne congé sans étrei
3045
les propos vifs, spontanés, sautant d’un objet ou
d’
un paradoxe à un autre, et qu’on prenne congé sans étreintes, excuses,
3046
tel que je l’entends, devrait permettre justement
d’
éviter ces « cérémonies » ; de saluer, de parler, d’écouter, et de s’e
3047
permettre justement d’éviter ces « cérémonies » ;
de
saluer, de parler, d’écouter, et de s’en aller sans bavures. 84. Kas
3048
ustement d’éviter ces « cérémonies » ; de saluer,
de
parler, d’écouter, et de s’en aller sans bavures. 84. Kassner s’obli
3049
éviter ces « cérémonies » ; de saluer, de parler,
d’
écouter, et de s’en aller sans bavures. 84. Kassner s’obligeait à mar
3050
érémonies » ; de saluer, de parler, d’écouter, et
de
s’en aller sans bavures. 84. Kassner s’obligeait à marcher sur ses c
3051
nes plusieurs heures par jour : « Depuis le temps
de
mon semestre à Berlin, en 1895, pendant plus d’un demi-siècle, j’ai m
3052
s de mon semestre à Berlin, en 1895, pendant plus
d’
un demi-siècle, j’ai marché trois heures par jour ou parfois plus… Si
3053
on obtiendrait un chiffre considérable. À défaut
d’
une autre gloire, n’est-ce pas, je garderai peut-être celle d’avoir ét
3054
gloire, n’est-ce pas, je garderai peut-être celle
d’
avoir été le plus grand promeneur de la littérature universelle, malgr
3055
ut-être celle d’avoir été le plus grand promeneur
de
la littérature universelle, malgré mes cannes ou à cause d’elles. Ce
3056
érature universelle, malgré mes cannes ou à cause
d’
elles. Ce qui ne signifie pas grand-chose pour la littérature, mais be
3057
enkbuch, 1954) où je lis à propos de Kierkegaard,
de
son père, de sa fiancée, de sa mélancolie et de son angoisse : « De m
3058
) où je lis à propos de Kierkegaard, de son père,
de
sa fiancée, de sa mélancolie et de son angoisse : « De même qu’Hamlet
3059
ropos de Kierkegaard, de son père, de sa fiancée,
de
sa mélancolie et de son angoisse : « De même qu’Hamlet est une génial
3060
, de son père, de sa fiancée, de sa mélancolie et
de
son angoisse : « De même qu’Hamlet est une géniale conception de Shak
3061
: « De même qu’Hamlet est une géniale conception
de
Shakespeare, on pourrait appeler Kierkegaard une géniale conception d
3062
urrait appeler Kierkegaard une géniale conception
de
Dieu… ou bien devrait-on le nommer l’Hamlet de l’idée du Dieu-Homme,
3063
on de Dieu… ou bien devrait-on le nommer l’Hamlet
de
l’idée du Dieu-Homme, l’Hamlet de l’idée de foi ?… » Je développais c
3064
nommer l’Hamlet de l’idée du Dieu-Homme, l’Hamlet
de
l’idée de foi ?… » Je développais cette même idée dans mon essai sur
3065
amlet de l’idée du Dieu-Homme, l’Hamlet de l’idée
de
foi ?… » Je développais cette même idée dans mon essai sur Kierkegaar
3066
2 et suiv.) 88. Il serait absolument insuffisant
de
traduire Einbildungskraft par imagination : chez Kassner, il s’agit d
3067
gskraft par imagination : chez Kassner, il s’agit
d’
une force, de la vraie force créatrice, de l’acte même qui relie l’hom
3068
magination : chez Kassner, il s’agit d’une force,
de
la vraie force créatrice, de l’acte même qui relie l’homme à sa visio
3069
s’agit d’une force, de la vraie force créatrice,
de
l’acte même qui relie l’homme à sa vision, à l’infini ; donc du « pou
3070
homme à sa vision, à l’infini ; donc du « pouvoir
de
transformer » par excellence. C’est elle qui nous permet de passer du
3071
rmer » par excellence. C’est elle qui nous permet
de
passer du monde magico-mythique à celui de la personne et de la liber
3072
permet de passer du monde magico-mythique à celui
de
la personne et de la liberté. 89. C’est là qu’on trouvera la scène d
3073
u monde magico-mythique à celui de la personne et
de
la liberté. 89. C’est là qu’on trouvera la scène du Maître qui tire,
3074
, dans l’obscurité, une première flèche au centre
de
la cible, puis une seconde qui perce la première. Il dit ensuite : «
3075
Ans), E. Rentsch, Zürich, 1949. Une bonne partie
de
ces proverbes étaient écrits avant la guerre de 1914 et avaient paru
3076
e de ces proverbes étaient écrits avant la guerre
de
1914 et avaient paru en revue. Je rappelle que Kassner n’a découvert
3077
plusieurs reprises sur les mots Alleinheit (état
d’
isolement de l’homme spirituel, de l’Individu kierkegaardien) et All-E
3078
eprises sur les mots Alleinheit (état d’isolement
de
l’homme spirituel, de l’Individu kierkegaardien) et All-Einheit (unit
3079
lleinheit (état d’isolement de l’homme spirituel,
de
l’Individu kierkegaardien) et All-Einheit (unité tout-embrassante).
3080
brassante). 93. « La chimère » dans Les Éléments
de
la grandeur humaine.
3081
en se vident au Japon. (Mais il y a beaucoup plus
de
chrétiens japonais que de sectateurs du Dr Suzuki en Amérique.) L’Occ
3082
is il y a beaucoup plus de chrétiens japonais que
de
sectateurs du Dr Suzuki en Amérique.) L’Occident découvre la sagesse
3083
peu christianisées qu’en donnent les successeurs
de
Ramakrishna ; mais déjà l’intelligentzia de l’Inde se préoccupe des p
3084
seurs de Ramakrishna ; mais déjà l’intelligentzia
de
l’Inde se préoccupe des problèmes qui lui sont imposés par la techniq
3085
e occidentale, et cherche à les résoudre à l’aide
d’
un socialisme qui ne doit rien à Shankara. L’Occident découvre Zoroast
3086
oufis, mais l’Iran, l’Arabie sont en pleine crise
d’
adaptation à l’habitus capitaliste. L’Occident découvre et publie le H
3087
x parlementaires, et l’exploitation par elle-même
de
ses ressources matérielles. Ce que nous découvrons avec passion dans
3088
n. Ils adoptent nos formes sociales, nos procédés
de
gouvernement et nos techniques, mais non pas les tensions spirituelle
3089
moteur secret. Ce qui était pour nous résultantes
d’
innombrables poussées et résistances, malaisément équilibrées mais len
3090
evenir immédiat, mais peut orienter la conscience
de
quelques-uns de ceux qui la feront demain. L’essentiel du dialogue né
3091
mais peut orienter la conscience de quelques-uns
de
ceux qui la feront demain. L’essentiel du dialogue nécessaire et déso
3092
eur centrale pour l’Occident, il doit en résulter
d’
infinies conséquences dans tous les domaines du réel, du spirituel au
3093
’affirme d’une part, et quel est le moi qu’on nie
de
l’autre ? Est-ce bien le même ? La personne Le christianisme a
3094
n formant, dès les premiers conciles, ses modèles
de
pensée en tension : Incarnation, Personnes divines à la fois distinct
3095
ersonnes divines à la fois distinctes et reliées.
D’
où la définition de la personne humaine ou du vrai moi, reprise et pré
3096
la fois distinctes et reliées. D’où la définition
de
la personne humaine ou du vrai moi, reprise et précisée par toutes le
3097
eprise et précisée par toutes les grandes époques
de
la théologie et de la philosophie, et toujours opposée à l’homme natu
3098
par toutes les grandes époques de la théologie et
de
la philosophie, et toujours opposée à l’homme naturel, animal plus ou
3099
al plus ou moins raisonnable et simple exemplaire
de
l’espèce. Pour saint Paul, le vrai moi est l’homme nouveau, « appelé
3100
on peut suivre l’évolution du concept et du terme
de
personne, forgé par la doctrine trinitaire : il s’appliquera de mieux
3101
orgé par la doctrine trinitaire : il s’appliquera
de
mieux en mieux à l’homme nouveau, à l’ens sibi suscité par l’esprit d
3102
tes, le vrai moi, c’est « l’âme », mais il s’agit
d’
une âme tout intellectuelle, dont « la nature n’est que de penser » et
3103
e tout intellectuelle, dont « la nature n’est que
de
penser » et qui reste entièrement distincte du corps. Avec Kant, le v
3104
al, s’oppose au moi phénoménal, et reprend le nom
de
personne. Chez Renouvier, la personne apparaît comme « fonction à plu
3105
« fonction à plusieurs variables », par là douée
d’
une liberté que n’aura jamais l’individu, simple objet du déterminisme
3106
du déterminisme universel. Et quant à la science
d’
aujourd’hui, dont on a pu penser « qu’elle n’aborde le Moi que pour le
3107
dité, l’équilibre endocrinien), et nous le montre
d’
autant plus distinct, dans sa fonction centrale, totalisante, dans son
3108
fonction centrale, totalisante, dans son pouvoir
d’
intégration de l’être. Loin de dissocier le moi, les recherches psycho
3109
rale, totalisante, dans son pouvoir d’intégration
de
l’être. Loin de dissocier le moi, les recherches psychologiques du xx
3110
gent de toutes parts, et retrouvent par le détour
de
leurs descriptions « objectives » l’opposition paulinienne des « deux
3111
vrai que le langage courant confond sans l’ombre
d’
un scrupule la personne et tout ce qu’elle n’est pas — l’individu, la
3112
l’élémentaire et souvent si trompeuse conscience
de
soi — reste que la croyance au moi distinct et le recours à la « vale
3113
moi distinct et le recours à la « valeur absolue
de
la personne » sont à peu près universels en Occident. Comme l’atteste
3114
ttestent tant de notions considérées comme allant
de
soi — et tant de réalités « bien vues » à l’Ouest, mais que l’Est se
3115
« bien vues » à l’Ouest, mais que l’Est se devait
d’
ignorer, voire de condamner, telles que l’originalité, les droits de l
3116
’Ouest, mais que l’Est se devait d’ignorer, voire
de
condamner, telles que l’originalité, les droits de l’homme, le record
3117
mnation par nos critiques du style impersonnel ou
de
la banalité, la dénonciation de l’on par nos philosophes, et les diat
3118
le impersonnel ou de la banalité, la dénonciation
de
l’on par nos philosophes, et les diatribes marxistes contre l’aliénat
3119
aliénation. Et comme l’atteste enfin notre notion
de
l’amour, — à quoi j’entends venir plus loin. L’ange Quelle est
3120
nir plus loin. L’ange Quelle est cette part
de
la personne dès maintenant libérée du monde où elle vit encore en exi
3121
ant l’image céleste », « glorifiée », « revêtue »
de
lumière, d’incorruptibilité et d’immortalité ; dès maintenant donc «
3122
céleste », « glorifiée », « revêtue » de lumière,
d’
incorruptibilité et d’immortalité ; dès maintenant donc « ressuscitée
3123
», « revêtue » de lumière, d’incorruptibilité et
d’
immortalité ; dès maintenant donc « ressuscitée avec le Christ », bien
3124
chée avec le Christ en Dieu » jusqu’à l’avènement
de
l’Amour ? C’est l’Ange, répond l’Iran des spirituels, l’Iran du mazdé
3125
che de l’Inde mais enté sur le tronc abrahamique,
d’
où sont issus les Juifs, les chrétiens, et l’islam. Que serait l’Ange
3126
on du moi individuel ou collectif. Pour les sages
de
l’Iran, il est ce moi. Barakat, juif passé à l’islam, écrit en 1165 :
3127
finité, il y a un être spirituel qui tout au long
de
leur existence assume envers cette âme ou ce groupe d’âmes une sollic
3128
ur existence assume envers cette âme ou ce groupe
d’
âmes une sollicitude et une tendresse spéciales ; c’est lui qui les in
3129
us du simple messager transmettant les ordres, ni
de
l’idée courante de l’Ange gardien », mais de ceci : « que la Forme so
3130
er transmettant les ordres, ni de l’idée courante
de
l’Ange gardien », mais de ceci : « que la Forme sous laquelle chacun
3131
, ni de l’idée courante de l’Ange gardien », mais
de
ceci : « que la Forme sous laquelle chacun des spirituels connaît Die
3132
dmirables commentaires qu’Henry Corbin nous donne
de
la mystique soufi, « la totalité de notre être, ce n’est pas seulemen
3133
in nous donne de la mystique soufi, « la totalité
de
notre être, ce n’est pas seulement cette partie que nous appelons pré
3134
oufis n’évoque pas seulement cette part initiante
de
l’être renouvelé qui demeure cachée en Dieu selon le christianisme, m
3135
e en Dieu selon le christianisme, mais encore, et
d’
une manière plus précise dans l’homologie, ces entités célestes, fémin
3136
ces entités célestes, féminines, que la religion
de
Zarathustra nommait les Fravartis, « celles qui ont choisi » (c’est-à
3137
s, « celles qui ont choisi » (c’est-à-dire choisi
de
combattre pour venir en aide à Ohrmazd) et qui sont à la fois les arc
3138
e ou morale, chaque être complet ou chaque groupe
d’
êtres appartenant au monde de Lumière a sa Fravarti » — Ohrmazd, le Di
3139
let ou chaque groupe d’êtres appartenant au monde
de
Lumière a sa Fravarti » — Ohrmazd, le Dieu lumineux a lui-même la sie
3140
s. L’événement majeur, la scène capitale du drame
de
la personne ainsi constituée se produit à l’aube de la troisième nuit
3141
la personne ainsi constituée se produit à l’aube
de
la troisième nuit qui suit la mort terrestre : c’est la rencontre de
3142
t qui suit la mort terrestre : c’est la rencontre
de
l’âme avec son moi céleste à l’entrée du pont Chinvat. Dans un paysag
3143
à l’entrée du pont Chinvat. Dans un paysage nimbé
de
la Lumière-de-Gloire restituant toutes choses et tous les êtres dans
3144
es dans leur pureté paradisiaque, « dans un décor
de
montagnes flamboyant aux aurores, d’eaux célestes où croissent les pl
3145
ans un décor de montagnes flamboyant aux aurores,
d’
eaux célestes où croissent les plantes d’immortalité », au centre du m
3146
aurores, d’eaux célestes où croissent les plantes
d’
immortalité », au centre du monde spirituel (qui est le monde réel des
3147
vant l’âme sa Dâenâ, son moi céleste, jeune femme
d’
une beauté resplendissante et qui lui dit : — Je suis toi-même ! Mais
3148
sie diffèrent bien plus entre eux que les peuples
de
l’Europe, mais s’il est une croyance qu’ils ont tous en commun, c’est
3149
nous semble à première vue impliquer comme allant
de
soi la croyance en un moi reconnaissable au travers de ses vies succe
3150
distincte, voilà précisément ce que les doctrines
de
l’Inde, ou nées en Inde comme le bouddhisme, dénoncent depuis des mil
3151
ue des autres ? En fait, on ne voit pas les Sages
de
l’Asie dénoncer sans relâche, comme on pourrait s’y attendre, les cro
3152
n pourrait s’y attendre, les croyances populaires
de
leurs contrées ; c’est bien plutôt à notre idée de la personne qu’ils
3153
e leurs contrées ; c’est bien plutôt à notre idée
de
la personne qu’ils opposent leur idée du non-moi. Le vrai malentendu
3154
nsitoire et « aveugle », enveloppe obscurcissante
d’
une âme divine. Ainsi parlent tous les upanishads, et les premiers écr
3155
sme : il faut éteindre le désir individuel, cause
de
l’erreur, des souffrances et de la mort, dissiper cet écran de matièr
3156
individuel, cause de l’erreur, des souffrances et
de
la mort, dissiper cet écran de matière entre l’âme et la Réalité. On
3157
des souffrances et de la mort, dissiper cet écran
de
matière entre l’âme et la Réalité. On peut penser qu’il s’agit bien i
3158
la Réalité. On peut penser qu’il s’agit bien ici
de
la même « mort au monde et à soi-même » que le Christ exige de ses di
3159
mort au monde et à soi-même » que le Christ exige
de
ses disciples, et qui est la condition de leur accession à leur vrai
3160
t exige de ses disciples, et qui est la condition
de
leur accession à leur vrai moi spirituel, celui qui doit ressusciter
3161
lieu que l’âme chrétienne doit le transfigurer, —
d’
où la « résurrection de la chair ». Il en va de même pour le bouddhism
3162
ne doit le transfigurer, — d’où la « résurrection
de
la chair ». Il en va de même pour le bouddhisme originel. Qu’est-ce q
3163
. Qu’est-ce que l’homme ? Un ensemble transitoire
d’
agrégats matériels et de formations mentales en proie au désir égoïste
3164
? Un ensemble transitoire d’agrégats matériels et
de
formations mentales en proie au désir égoïste, qui naît de l’ignoranc
3165
ions mentales en proie au désir égoïste, qui naît
de
l’ignorance et qui entraîne fatalement les attachements à l’illusoire
3166
raîne fatalement les attachements à l’illusoire ;
d’
où l’action, le devenir, la mort, et la roue des retours sans fin. « I
3167
loppés par l’ignorance, et que le désir conduit à
de
criminelles renaissances. »99 Le but est donc « de nous apprendre le
3168
e criminelles renaissances. »99 Le but est donc «
de
nous apprendre le moyen de ne pas renaître », nous dit une moderne in
3169
»99 Le but est donc « de nous apprendre le moyen
de
ne pas renaître », nous dit une moderne interprète du bouddhisme tibé
3170
t, un interprète du zen fait écho : « La négation
de
l’Atman énoncée par les premiers bouddhistes porte sur l’Atman de l’e
3171
ée par les premiers bouddhistes porte sur l’Atman
de
l’ego relatif, non sur l’Atman de l’ego absolu, l’ego d’après l’expér
3172
rte sur l’Atman de l’ego relatif, non sur l’Atman
de
l’ego absolu, l’ego d’après l’expérience illuminante.101 » Ou dans le
3173
e voit, l’expérience personnelle est le fondement
de
la philosophie bouddhiste », comprenons qu’il s’agit pour lui d’une e
3174
ie bouddhiste », comprenons qu’il s’agit pour lui
d’
une expérience rigoureusement spirituelle. En somme, l’adversaire prin
3175
n’est pas encore la personne, mais l’obstination
de
l’ego qui veut durer au-delà de la mort sans rien comprendre aux cond
3176
ais l’obstination de l’ego qui veut durer au-delà
de
la mort sans rien comprendre aux conditions de cette survie, sans pur
3177
là de la mort sans rien comprendre aux conditions
de
cette survie, sans purifier d’avance son jîva, — sans s’ordonner d’av
3178
dre aux conditions de cette survie, sans purifier
d’
avance son jîva, — sans s’ordonner d’avance, dirions-nous, aux exigenc
3179
ans purifier d’avance son jîva, — sans s’ordonner
d’
avance, dirions-nous, aux exigences du vrai moi, qui est notre réponda
3180
n des buts majeurs des méthodes spirituelles soit
de
l’empêcher de renaître103 ! Mais vient le second stade, où les spiri
3181
eurs des méthodes spirituelles soit de l’empêcher
de
renaître103 ! Mais vient le second stade, où les spirituels s’oppose
3182
uels s’opposent même à l’ego absolu, à la réalité
de
l’âme distincte. Le soi de chacun se confond avec le Soi de l’Immensi
3183
o absolu, à la réalité de l’âme distincte. Le soi
de
chacun se confond avec le Soi de l’Immensité, ou du Brahma. Qu’est-ce
3184
istincte. Le soi de chacun se confond avec le Soi
de
l’Immensité, ou du Brahma. Qu’est-ce que l’âme ? Une monade disent le
3185
ïtins : il n’y a que brahman. Et tu n’es rien. Et
de
leur côté les bouddhistes (mais le tao chinois et le shinto nippon di
3186
: « Nagasena, existe-t-il un être qui transmigre
de
ce corps dans un autre ? — Non, il n’y en a point. — S’il n’y a pas d
3187
utre ? — Non, il n’y en a point. — S’il n’y a pas
de
transmigration, peut-il y avoir une réincarnation ? — Oui, c’est pos
3188
être pur. — O Nagasena, dis-moi s’il existe rien
de
semblable à l’âme ? — Il n’y a rien de semblable à l’âme.104 » Un tex
3189
xiste rien de semblable à l’âme ? — Il n’y a rien
de
semblable à l’âme.104 » Un texte zen chinois surenchérit : « Y a-t-il
3190
ire du samahdi : c’est un éveil instantané. Éveil
de
quoi ? De la vision-en-soi, du Cela qui n’est pas personnel et se jou
3191
ahdi : c’est un éveil instantané. Éveil de quoi ?
De
la vision-en-soi, du Cela qui n’est pas personnel et se joue à traver
3192
oyance en la transmigration… Mais voici le moment
d’
ajuster la vision. Tout l’Orient exagère ses formules. Il dit cent-mil
3193
té pour dire longévité. Notre hygiène, augmentant
de
cinquante ans la durée moyenne de la vie, serait alors une « recette
3194
ène, augmentant de cinquante ans la durée moyenne
de
la vie, serait alors une « recette d’immortalité ». Et même la seule
3195
rée moyenne de la vie, serait alors une « recette
d’
immortalité ». Et même la seule qui ait réussi. Apprenons donc à lire
3196
on. Et les trois autres distinctions s’expliquent
de
la même manière. Puis il ajoute : Si le disciple est exceptionnelle
3197
ndateur du zen) l’a déclaré, zen ne se soucie pas
de
disserter sur des notions abstruses telles que Dieu, la Vérité ; ce q
3198
la Vérité ; ce que zen demande au disciple, c’est
de
voir sa propre physionomie. » Ou, comme le disait le sixième Patriarc
3199
omie. » Ou, comme le disait le sixième Patriarche
de
la secte (638-713) : « Ne pense pas au bien ni au mal, mais regarde c
3200
ionomie originelle, celle que tu avais avant même
d’
être né.106 » Par où nous rejoignons un certain christianisme — à par
3201
us rejoignons un certain christianisme — à partir
d’
un certain bouddhisme — et certainement le mazdéisme et les soufis : i
3202
rtainement le mazdéisme et les soufis : il s’agit
d’
une seule quête de l’esprit, dont le Graal, ou l’Ange, est : toi-même.
3203
éisme et les soufis : il s’agit d’une seule quête
de
l’esprit, dont le Graal, ou l’Ange, est : toi-même. ⁂ Les différences
3204
tons préciser leur nature, c’est dans les notions
de
l’amour traduisant ces trois conceptions que nous avons les plus gran
3205
nceptions que nous avons les plus grandes chances
de
les trouver. Dans ce domaine, toute différence reconnue peut être vér
3206
romet au dialogue des spirituels un élargissement
de
la conscience que chacun prendra de son bien. Tandis qu’au plan de l’
3207
élargissement de la conscience que chacun prendra
de
son bien. Tandis qu’au plan de l’anthropologie plus ou moins « scient
3208
que chacun prendra de son bien. Tandis qu’au plan
de
l’anthropologie plus ou moins « scientifique » de ce siècle, il sembl
3209
de l’anthropologie plus ou moins « scientifique »
de
ce siècle, il semblerait que les négations du moi selon les écoles or
3210
orientales correspondent simplement aux névroses
de
la psychanalyse freudienne : elles seraient autant de « rationalisati
3211
a psychanalyse freudienne : elles seraient autant
de
« rationalisations » des attitudes « dysfonctionnelles » qui menacent
3212
et nous laisse « nos » problèmes. Trois écoles
de
l’amour Si l’amour est le premier moteur non seulement de l’homme
3213
Si l’amour est le premier moteur non seulement
de
l’homme mais du monde, c’est son action qui configure l’idée du moi q
3214
te idée du moi révèle l’amour, comme la structure
de
l’atome traduit certaines propriétés de l’énergie. « C’est l’amour do
3215
structure de l’atome traduit certaines propriétés
de
l’énergie. « C’est l’amour dominant qui fait l’homme… L’homme est abs
3216
’homme est absolument tel qu’est l’amour dominant
de
sa vie : selon (cet amour) se fait son ciel, s’il est bon, ou son enf
3217
it Swedenborg dans La Nouvelle Jérusalem. Et dans
De
Cœlo, il ajoute : « Le corps de chaque esprit et de chaque ange est l
3218
érusalem. Et dans De Cœlo, il ajoute : « Le corps
de
chaque esprit et de chaque ange est la forme de son amour.107 » Les t
3219
Cœlo, il ajoute : « Le corps de chaque esprit et
de
chaque ange est la forme de son amour.107 » Les trois notions de l’ho
3220
s de chaque esprit et de chaque ange est la forme
de
son amour.107 » Les trois notions de l’homme que l’on vient d’évoquer
3221
est la forme de son amour.107 » Les trois notions
de
l’homme que l’on vient d’évoquer nous apparaissent alors comme autant
3222
107 » Les trois notions de l’homme que l’on vient
d’
évoquer nous apparaissent alors comme autant de modèles d’une énergéti
3223
nt d’évoquer nous apparaissent alors comme autant
de
modèles d’une énergétique de l’amour, ou comme autant d’effets de son
3224
r nous apparaissent alors comme autant de modèles
d’
une énergétique de l’amour, ou comme autant d’effets de son action con
3225
t alors comme autant de modèles d’une énergétique
de
l’amour, ou comme autant d’effets de son action configurante et compo
3226
les d’une énergétique de l’amour, ou comme autant
d’
effets de son action configurante et composante. Et nous les voyons di
3227
énergétique de l’amour, ou comme autant d’effets
de
son action configurante et composante. Et nous les voyons différer d’
3228
urante et composante. Et nous les voyons différer
d’
une manière subtile mais précise par la forme des rapports qu’elles im
3229
l’ego et le Soi. Observons que les trois partent
d’
une dualité sans laquelle ni l’homme ni l’amour ne seraient même conce
3230
s, préalablement à tout jugement moral, il s’agit
de
la reconnaissance d’une bipolarité, d’une tension permanente entre l’
3231
ut jugement moral, il s’agit de la reconnaissance
d’
une bipolarité, d’une tension permanente entre l’individu et le « vrai
3232
il s’agit de la reconnaissance d’une bipolarité,
d’
une tension permanente entre l’individu et le « vrai moi ». (L’individ
3233
se des nations. Et cela vaut d’abord pour l’amour
de
soi-même, sans lequel point d’amour du prochain. Tous les moralistes
3234
abord pour l’amour de soi-même, sans lequel point
d’
amour du prochain. Tous les moralistes du monde s’accordent avec les s
3235
ordent avec les spirituels dans leur condamnation
de
l’égoïsme, qui est l’impérialisme de l’ego naturel et sa fermeture au
3236
condamnation de l’égoïsme, qui est l’impérialisme
de
l’ego naturel et sa fermeture autarcique. Mais les motifs de cette co
3237
turel et sa fermeture autarcique. Mais les motifs
de
cette condamnation ne sont pas les mêmes : les moralistes jugent au n
3238
L’école chrétienne Dans une vue chrétienne
de
l’homme, l’amour de soi est le rapport positif entre l’individu et le
3239
ne Dans une vue chrétienne de l’homme, l’amour
de
soi est le rapport positif entre l’individu et le vrai moi. Le second
3240
nt un moi duel, au sein duquel l’amour s’instaure
d’
une manière telle que s’aimer et aimer le prochain soit un même acte :
3241
e comme n’aurait pas son plein sens. Dans l’amour
de
soi-même, l’homme naturel s’ouvre à l’action du vrai moi spirituel et
3242
lui. C’est le vrai moi qui aime, qui est l’agent
de
l’amour. Ce vrai moi seul peut aimer le prochain, parce que seul il d
3243
imer, c’est soutenir, deviner, porter le meilleur
de
ce qu’on aime », disait Alain. Or le meilleur de l’autre — comme de s
3244
de ce qu’on aime », disait Alain. Or le meilleur
de
l’autre — comme de soi — est sa vocation singulière. Aimer le prochai
3245
, disait Alain. Or le meilleur de l’autre — comme
de
soi — est sa vocation singulière. Aimer le prochain dans sa personne,
3246
e, intégrant l’animique au spirituel, va toujours
de
personne à personne. Mais alors, d’où vient la personne ? Quel que so
3247
, va toujours de personne à personne. Mais alors,
d’
où vient la personne ? Quel que soit le nom que lui ont donné les troi
3248
dans l’homme la personne. Si la plus haute valeur
de
l’Occident chrétien n’est pas la connaissance détachée mais le sacrif
3249
et si le sacrifice diffère du suicide — la nature
de
l’amour véritable l’explique seule. « Personne n’a un plus grand amou
3250
que seule. « Personne n’a un plus grand amour que
de
donner sa vie pour ceux qu’il aime. » Se sacrifier pour l’autre aimé,
3251
par l’esprit. C’est rejoindre la forme immortelle
de
son être au travers d’une « mort à soi-même » transfigurante. Ce modè
3252
oindre la forme immortelle de son être au travers
d’
une « mort à soi-même » transfigurante. Ce modèle de l’amour et du vra
3253
une « mort à soi-même » transfigurante. Ce modèle
de
l’amour et du vrai moi instaure le normal, le sublime, et la probléma
3254
staure le normal, le sublime, et la problématique
de
l’Occident chrétien. Il conditionne aussi les déviations de l’amour e
3255
ent chrétien. Il conditionne aussi les déviations
de
l’amour et les formes particulières que prennent en Occident certaine
3256
iées à tel point qu’il devient parfois impossible
d’
en reconnaître ailleurs les homologues. En voici deux exemples extrême
3257
ples extrêmes. Le masochisme religieux, ou haine
de
soi. — Dans son langage dramatique, saint Paul parle parfois de la ha
3258
son langage dramatique, saint Paul parle parfois
de
la haine de soi-même, formule reprise au pied de la lettre par tous l
3259
dramatique, saint Paul parle parfois de la haine
de
soi-même, formule reprise au pied de la lettre par tous les spirituel
3260
de la haine de soi-même, formule reprise au pied
de
la lettre par tous les spirituels de tendance ascétique, avec une com
3261
rise au pied de la lettre par tous les spirituels
de
tendance ascétique, avec une complaisance croissante. Je sais bien qu
3262
roissante. Je sais bien que la haine est l’envers
de
l’amour, mais comment l’amour fasciné par le désir de ce qu’il aime p
3263
’amour, mais comment l’amour fasciné par le désir
de
ce qu’il aime peut-il haïr vraiment ce qu’il lui sacrifie ? Le masoch
3264
i sacrifie ? Le masochisme n’est-il pas le moment
de
retombement de l’âme frustrée, quand l’esprit qui l’appelait cesse de
3265
masochisme n’est-il pas le moment de retombement
de
l’âme frustrée, quand l’esprit qui l’appelait cesse de la diriger dan
3266
âme frustrée, quand l’esprit qui l’appelait cesse
de
la diriger dans son élan vers le vrai moi ? Elle voulait l’ange. Il l
3267
? Elle voulait l’ange. Il lui reste la nostalgie
d’
une fuite hors du moi naturel. Désormais le vieil homme est jugé : n’a
3268
u l’entraîner avec elle vers son bien et l’animer
de
son amour, l’âme l’accuse de volonté mauvaise. Mais elle sait bien qu
3269
son bien et l’animer de son amour, l’âme l’accuse
de
volonté mauvaise. Mais elle sait bien qu’ils ont partie liée, et qu’e
3270
lle mourra si elle le tue. Elle se contente alors
de
le maudire, de le traiter en « corps de mort », et leurs relations s’
3271
lle le tue. Elle se contente alors de le maudire,
de
le traiter en « corps de mort », et leurs relations s’empoisonnent. L
3272
nte alors de le maudire, de le traiter en « corps
de
mort », et leurs relations s’empoisonnent. La plupart des névroses di
3273
l’âme oppose au corps, vu comme signe et symbole
de
la « prison » du moi. Et c’est que l’âme avait rêvé d’une métamorphos
3274
« prison » du moi. Et c’est que l’âme avait rêvé
d’
une métamorphose angélique, quand l’esprit lui demandait seulement d’o
3275
angélique, quand l’esprit lui demandait seulement
d’
ordonner tout le moi terrestre et temporel à la vocation de l’amour. M
3276
r tout le moi terrestre et temporel à la vocation
de
l’amour. Mais celui qui se hait de cette manière ne peut pas aimer le
3277
à la vocation de l’amour. Mais celui qui se hait
de
cette manière ne peut pas aimer le prochain : il ne peut voir en lui
3278
corps lui paraît désirable, il sera parfois tenté
d’
attribuer ce mouvement, né de l’instinct, à la révélation d’un amour a
3279
l sera parfois tenté d’attribuer ce mouvement, né
de
l’instinct, à la révélation d’un amour angélique. La passion romantiq
3280
r ce mouvement, né de l’instinct, à la révélation
d’
un amour angélique. La passion romantique trouve ici sa genèse. Exalté
3281
trouve ici sa genèse. Exaltée jusqu’à la mystique
de
l’ascèse autopunitive, elle finit par confondre avec les exigences de
3282
tive, elle finit par confondre avec les exigences
de
la mort au faux-moi, l’instinct de mort… Contre cet ascétisme non tra
3283
les exigences de la mort au faux-moi, l’instinct
de
mort… Contre cet ascétisme non transfigurant, Nietzsche n’écrit pas s
3284
ui se hait lui-même, car nous serons les victimes
de
sa colère et de sa vengeance. Ayons donc soin de l’induire à l’amour
3285
ême, car nous serons les victimes de sa colère et
de
sa vengeance. Ayons donc soin de l’induire à l’amour de lui-même108 »
3286
de sa colère et de sa vengeance. Ayons donc soin
de
l’induire à l’amour de lui-même108 ». L’érotisme sensuel est l’autre
3287
vengeance. Ayons donc soin de l’induire à l’amour
de
lui-même108 ». L’érotisme sensuel est l’autre extrême où se porte l’
3288
procède du vrai moi et se dirige vers le vrai moi
de
l’autre. Mais il peut arriver qu’il s’arrête en chemin, que son élan
3289
élan vers la personne singulière retombe au plan
de
l’individuel, du générique. Capté par l’instinct qu’il excite au-delà
3290
de anesthésie, l’âme retombe alors dans les liens
de
l’instinct, qui est la puissance impersonnelle par excellence, et s’é
3291
nce, et s’épuise à s’en libérer par le changement
de
l’excitation, par le défi perpétuel aux attachements. C’est la libert
3292
e revendiquée par Don Juan contre les conventions
de
la morale commune — qu’il est déjà trop « spirituel » pour respecter
3293
mais aussi contre le respect du mystère exigeant
de
l’Autre — qu’il n’est pas assez « spirituel » pour aimer. (Mais s’il
3294
ait assez, il retrouverait aussi la justification
de
certaines conventions, protégeant chez la brute et l’innocent les pre
3295
chez la brute et l’innocent les premières chances
de
l’esprit, — ou mettant à l’abri des atteintes de l’esprit l’indispens
3296
de l’esprit, — ou mettant à l’abri des atteintes
de
l’esprit l’indispensable tissu conjonctif de toutes les sociétés qui
3297
ntes de l’esprit l’indispensable tissu conjonctif
de
toutes les sociétés qui ne sont pas un ordre.) ⁂ L’école iranienne
3298
rdre.) ⁂ L’école iranienne Il n’existe plus
de
communauté humaine, d’unité de civilisation qui s’inspire du mazdéism
3299
nienne Il n’existe plus de communauté humaine,
d’
unité de civilisation qui s’inspire du mazdéisme de Zarathustra ; et n
3300
Il n’existe plus de communauté humaine, d’unité
de
civilisation qui s’inspire du mazdéisme de Zarathustra ; et nulle ne
3301
’unité de civilisation qui s’inspire du mazdéisme
de
Zarathustra ; et nulle ne s’inspira jamais de la mystique des soufis,
3302
sme de Zarathustra ; et nulle ne s’inspira jamais
de
la mystique des soufis, et pour cause. Si je les fais intervenir ici,
3303
use. Si je les fais intervenir ici, c’est à titre
d’
évocation d’une dimension virtuelle, intemporelle, et donc permanente
3304
es fais intervenir ici, c’est à titre d’évocation
d’
une dimension virtuelle, intemporelle, et donc permanente de l’esprit
3305
nsion virtuelle, intemporelle, et donc permanente
de
l’esprit : le mazdéisme et les soufis ont proposé des notions de l’ho
3306
e mazdéisme et les soufis ont proposé des notions
de
l’homme et de l’amour homologues aux notions chrétiennes, mais comme
3307
les soufis ont proposé des notions de l’homme et
de
l’amour homologues aux notions chrétiennes, mais comme transposées te
3308
chrétiennes, mais comme transposées terme à terme
d’
un degré vers le « ciel » des archétypes : ainsi la dualité ego-vrai m
3309
s : ainsi la dualité ego-vrai moi y devient celle
de
l’âme et de son ange. Pour situer dans son vrai climat spirituel le p
3310
dualité ego-vrai moi y devient celle de l’âme et
de
son ange. Pour situer dans son vrai climat spirituel le personnalisme
3311
vrai climat spirituel le personnalisme essentiel
de
ces doctrines109, citons ce verset du Coran (24-41) qui pose comme un
3312
une clef musicale : « Chaque être connaît le mode
de
prière et de glorification qui lui est propre. » Toute personne s’ori
3313
cale : « Chaque être connaît le mode de prière et
de
glorification qui lui est propre. » Toute personne s’origine en Dieu,
3314
Dieu, qui l’a créée afin d’être connu par elle et
de
devenir en elle l’objet de Sa propre connaissance. C’est donc en Dieu
3315
être connu par elle et de devenir en elle l’objet
de
Sa propre connaissance. C’est donc en Dieu que tout amour peut reconn
3316
Dieu que tout amour peut reconnaître la personne
de
l’autre et l’aimer « comme soi-même », — comme étant née du même amou
3317
au regard de chaque amant… car il est impossible
d’
aimer un être sans se représenter en lui la divinité… Un être n’aime e
3318
i la divinité… Un être n’aime en réalité personne
d’
autre que son créateur ?110 » Ibn Arabi distingue trois amours : l’amo
3319
: l’amour divin du Créateur pour sa créature, et
d’
elle pour Lui ; l’amour spirituel « dont le siège est en la créature t
3320
t le siège est en la créature toujours à la quête
de
l’être dont elle découvre en elle l’Image, ou dont elle se découvre c
3321
in l’amour naturel, qui recherche la satisfaction
de
ses désirs sans souci de l’agrément de l’Aimé. « Et telle est hélas !
3322
echerche la satisfaction de ses désirs sans souci
de
l’agrément de l’Aimé. « Et telle est hélas ! dit Ibn Arabi, la manièr
3323
tisfaction de ses désirs sans souci de l’agrément
de
l’Aimé. « Et telle est hélas ! dit Ibn Arabi, la manière dont la plup
3324
it Ibn Arabi, la manière dont la plupart des gens
d’
aujourd’hui comprennent l’amour. » Comment réconcilier l’amour naturel
3325
que cette capacité révèle chez eux l’unification
de
leur double nature (le dénouement de la « conscience malheureuse » en
3326
’unification de leur double nature (le dénouement
de
la « conscience malheureuse » en proie aux déchirements). » Telle est
3327
est donc la personne unifiée et tel est son amour
de
soi-même. Quant à l’amour-passion (ici, non romantique !) il se situe
3328
n romantique !) il se situe au point où le regard
de
l’âme reconnaît soudain dans l’Aimé cette Forme sensible du divin, ce
3329
e que l’âme peut aimer dans toutes les dimensions
de
l’amour unifié. L’Aimé n’est plus alors un simple objet — comme il es
3330
à faire exister dans l’être aimé, par l’efficace
de
son amour pré-figurant. C’est précisément là que s’origine la plus
3331
écisément là que s’origine la plus haute fonction
de
l’amour humain, celle-là même qui assure la coalescence de ce que l’o
3332
r humain, celle-là même qui assure la coalescence
de
ce que l’on a désigné historiquement comme amour courtois et amour my
3333
r mystique. Car l’amour tend à la transfiguration
de
la figure aimée terrestre, en l’adossant à une lumière qui en fasse é
3334
s les virtualités surhumaines, jusqu’à l’investir
de
la fonction théophanique de l’Ange (ainsi en a-t-il été des Figures f
3335
s, jusqu’à l’investir de la fonction théophanique
de
l’Ange (ainsi en a-t-il été des Figures féminines célébrées par les F
3336
té des Figures féminines célébrées par les Fedeli
d’
amore, compagnons de Dante ; ainsi en a-t-il été de celle qui apparut
3337
ines célébrées par les Fedeli d’amore, compagnons
de
Dante ; ainsi en a-t-il été de celle qui apparut à Ibn Arabi, à la Me
3338
’amore, compagnons de Dante ; ainsi en a-t-il été
de
celle qui apparut à Ibn Arabi, à la Mekke, comme figure de la Sophia
3339
qui apparut à Ibn Arabi, à la Mekke, comme figure
de
la Sophia divine). Que l’amant tende à contempler l’être aimé, à s’un
3340
dans l’Aimé.111 On reconnaît ici les « notes »
de
l’amour du prochain selon Kierkegaard112, mais aussi selon Swedenborg
3341
t-à-dire que chacun est le prochain en proportion
de
ce qu’il a quelque chose du Seigneur en lui ; or, comme nul ne reçoit
3342
hose du Seigneur en lui ; or, comme nul ne reçoit
de
la même manière le bien qui procède du Seigneur, il s’ensuit que l’un
3343
gneur, il s’ensuit que l’un n’est pas le prochain
de
la même manière que l’autre… ; il n’y a jamais chez deux personnes un
3344
chain, et chacun est le prochain selon la qualité
de
son amour.113 En dépit de tout ce qui distingue la transparence (p
3345
ngue la transparence (parfois trompeuse) du latin
de
l’ingénieur-philosophe Swedenborg et la poésie dense de l’Arabe, l’an
3346
ngénieur-philosophe Swedenborg et la poésie dense
de
l’Arabe, l’analogie des énoncés est indéniable. Si le symbolisme conc
3347
tement comparable, comme le sont les trois formes
de
l’amour que manifeste cette structure. Mais « l’Imagination créatrice
3348
combien plus vivement l’unité première et finale
de
tout amour ! Peut-être aussi nous fera-telle entrevoir comment le myt
3349
aussi nous fera-telle entrevoir comment le mythe
de
Tristan — en dépit du pseudo-bouddhisme tardivement emprunté par Wagn
3350
sticisme soufi, et même la « rencontre aurorale »
de
l’âme et de sa Dâenâ au pont Chinvat ? Et n’est-ce pas pour avoir dés
3351
fi, et même la « rencontre aurorale » de l’âme et
de
sa Dâenâ au pont Chinvat ? Et n’est-ce pas pour avoir désiré l’amour
3352
invat ? Et n’est-ce pas pour avoir désiré l’amour
de
l’Ange que les amants de la forêt du Morois en viennent à découvrir q
3353
our avoir désiré l’amour de l’Ange que les amants
de
la forêt du Morois en viennent à découvrir que c’est leur passion mêm
3354
vie », mais pour l’autre ? S’il est une « erreur
de
Tristan », motivant le malheur essentiel de sa passion, ce serait alo
3355
rreur de Tristan », motivant le malheur essentiel
de
sa passion, ce serait alors dans le mode de la transposition du « cie
3356
ntiel de sa passion, ce serait alors dans le mode
de
la transposition du « ciel » sur Terre et de l’Ange en la femme, que
3357
mode de la transposition du « ciel » sur Terre et
de
l’Ange en la femme, que l’on pourrait en pressentir l’ultime secret.
3358
s. Du même coup se trouvent évacués les problèmes
de
l’amour de soi-même et de l’amour de Dieu et du prochain : faute de p
3359
coup se trouvent évacués les problèmes de l’amour
de
soi-même et de l’amour de Dieu et du prochain : faute de protagoniste
3360
t évacués les problèmes de l’amour de soi-même et
de
l’amour de Dieu et du prochain : faute de protagonistes bien réels, c
3361
es problèmes de l’amour de soi-même et de l’amour
de
Dieu et du prochain : faute de protagonistes bien réels, ces problème
3362
t des sexes agissant fatalement sur des milliards
d’
agrégats éphémères, combinés et défaits selon le cours des astres et l
3363
a morale sociale condamne radicalement l’adultère
de
la femme mariée ; mais ce n’est pas au nom de l’amour, on le pense bi
3364
e et du bouddhisme. S’il est vrai que « la notion
de
Moi n’a d’accès que dans la pensée des sots », comme le dit un texte
3365
ddhisme. S’il est vrai que « la notion de Moi n’a
d’
accès que dans la pensée des sots », comme le dit un texte tibétain, l
3366
sots », comme le dit un texte tibétain, la notion
de
Toi ne vaut pas mieux. « La morale bouddhique, qui est une sorte d’hy
3367
mieux. « La morale bouddhique, qui est une sorte
d’
hygiène spirituelle, tend à détruire, en nous, les causes de souffranc
3368
spirituelle, tend à détruire, en nous, les causes
de
souffrance pour autrui.116 » « On ne peut comprendre la nature de l’u
3369
ur autrui.116 » « On ne peut comprendre la nature
de
l’ultime réalité qu’après avoir détruit tout attachement inné ou acqu
3370
17 » Et le Bouddha lui-même : « Qui a cent sortes
d’
amours a cent sortes de douleurs ; qui a un amour a une douleur ; qui
3371
même : « Qui a cent sortes d’amours a cent sortes
de
douleurs ; qui a un amour a une douleur ; qui n’a pas d’amour n’a pas
3372
eurs ; qui a un amour a une douleur ; qui n’a pas
d’
amour n’a pas de douleur. » Si l’on s’en tient aux textes, la cause es
3373
amour a une douleur ; qui n’a pas d’amour n’a pas
de
douleur. » Si l’on s’en tient aux textes, la cause est entendue : l’A
3374
sique ne connaît pas l’amour, — j’entends l’amour
de
Dieu, de soi et du prochain, l’amour-passion, et même l’amour matrimo
3375
connaît pas l’amour, — j’entends l’amour de Dieu,
de
soi et du prochain, l’amour-passion, et même l’amour matrimonial. Mai
3376
x textes. On ajoutera peut-être qu’on ne voit pas
de
raisons pour que l’Orient réel soit plus conforme aux sermons du Boud
3377
aura tort. Car les grandes doctrines religieuses
de
l’Asie n’ont jamais été révolutionnaires. Elles n’ont jamais prétendu
3378
ents, par le régime des castes et la condamnation
de
toute curiosité du monde) ; d’autre part, en tant que doctrines elles
3379
ctrines elles proposent aux spirituels les moyens
de
s’en évader en dérangeant le moins de choses possible. Les religions
3380
les moyens de s’en évader en dérangeant le moins
de
choses possible. Les religions abrahamiques, au contraire, monothéist
3381
s à le transformer en vérité118. Elles provoquent
d’
innombrables réactions. Il est par suite inévitable que l’existence ré
3382
as, jusqu’à nos jours, en Asie. Prenons l’exemple
de
l’érotisme. Le shivaïsme explique le cosmos tout entier en termes de
3383
termes de sexualité : il pose le désir à la base
de
tout. « Nous ne désirons des choses que dans la mesure où elles nous
3384
curent une jouissance. La divinité n’est un objet
d’
amour que parce qu’elle représente une volupté sans mélange… Le désir
3385
me n’existe que parce qu’il voit en elle la forme
de
son plaisir, la source de sa jouissance. Dans la joie de la possessio
3386
l voit en elle la forme de son plaisir, la source
de
sa jouissance. Dans la joie de la possession, la souffrance du désir
3387
plaisir, la source de sa jouissance. Dans la joie
de
la possession, la souffrance du désir est pour un instant apaisée… et
3388
ité. C’est cet amour qui est l’amour pur, l’amour
de
l’amour même, l’amour de l’Être-de-volupté transcendant »119. Kâma, l
3389
est l’amour pur, l’amour de l’amour même, l’amour
de
l’Être-de-volupté transcendant »119. Kâma, le dieu du plaisir érotiqu
3390
ncore : « Celui qui cherche l’amour dans l’espoir
d’
une jouissance est la victime du désir. Le sage accepte les plaisirs s
3391
expérience du divin, comparons-les aux diatribes
d’
un saint Paul annonçant la « colère de Dieu, révélée du Ciel » contre
3392
x diatribes d’un saint Paul annonçant la « colère
de
Dieu, révélée du Ciel » contre les « impudiques » et les « infâmes »,
3393
e sont livrés à l’impureté, selon les convoitises
de
leur cœur. » Comparons le Shiva Purana, le Kamasutra, le Mahabharata,
3394
é et catégorie spirituelle. Dans les littératures
de
l’Asie, on trouvera peu d’exemples convaincants — pour ma part, je n’
3395
Dans les littératures de l’Asie, on trouvera peu
d’
exemples convaincants — pour ma part, je n’en connais point — de ce qu
3396
vaincants — pour ma part, je n’en connais point —
de
ce que nous baptisons amour-passion, et l’on sait à quel point cette
3397
ur-passion, et l’on sait à quel point cette forme
de
l’amour est liée à ses expressions. La passion et l’amour mystique, l
3398
ntaux, posés à tous par les rigueurs mal tolérées
de
dogmes et de doctrines impératives, cependant que les voies de sagess
3399
à tous par les rigueurs mal tolérées de dogmes et
de
doctrines impératives, cependant que les voies de sagesse asiatiques
3400
de doctrines impératives, cependant que les voies
de
sagesse asiatiques sont seulement proposées, — à quelques-uns. Les re
3401
ulement proposées, — à quelques-uns. Les recettes
de
plaisir, ou d’immortalité par la rétention du semen, sont liées en As
3402
es, — à quelques-uns. Les recettes de plaisir, ou
d’
immortalité par la rétention du semen, sont liées en Asie à la piété,
3403
Asie à la piété, tandis que nos coutumes viennent
d’
un vieux fond païen et que notre hygiène moderne se veut « scientifiqu
3404
fique ». À cause de la nature du christianisme et
de
la nature de l’hindouisme ou du bouddhisme, la vie réelle de l’Occide
3405
use de la nature du christianisme et de la nature
de
l’hindouisme ou du bouddhisme, la vie réelle de l’Occident est en con
3406
e de l’hindouisme ou du bouddhisme, la vie réelle
de
l’Occident est en conflit avec la foi, tandis que la vie réelle de l’
3407
en conflit avec la foi, tandis que la vie réelle
de
l’Asie est en symbiose avec ses religions. Et si la symétrie de ces f
3408
en symbiose avec ses religions. Et si la symétrie
de
ces formules inquiète, revenons au quotidien banal, pris sur le vif :
3409
ment, cela me donnait l’invraisemblable privilège
de
comprendre les choses de l’amour.122 » Ceci encore : le cliché Orien
3410
nvraisemblable privilège de comprendre les choses
de
l’amour.122 » Ceci encore : le cliché Orient — Occident = non-moi —
3411
e moins cours en Orient que dans certains milieux
d’
Europe et d’Amérique sérieusement éperdus de sagesse asiatique, me par
3412
s en Orient que dans certains milieux d’Europe et
d’
Amérique sérieusement éperdus de sagesse asiatique, me paraît appeler
3413
lieux d’Europe et d’Amérique sérieusement éperdus
de
sagesse asiatique, me paraît appeler deux remarques, à vrai dire d’in
3414
ue, me paraît appeler deux remarques, à vrai dire
d’
inégale importance, et qu’on voudrait déconcertantes. 1. Précaution de
3415
, et qu’on voudrait déconcertantes. 1. Précaution
de
méthode dialectique. — Au défi de dogmes sublimes et qui prétendent t
3416
. 1. Précaution de méthode dialectique. — Au défi
de
dogmes sublimes et qui prétendent transfigurer la vie concrète, l’Occ
3417
ses résistances naturelles, et qui font l’intérêt
de
sa vie amoureuse. Mais l’Orient se contente de proposer des voies aux
3418
êt de sa vie amoureuse. Mais l’Orient se contente
de
proposer des voies aux Renonçants (ou sannyasins) qui ont épuisé la c
3419
s) qui ont épuisé la coupe, ou la dédaignent. Pas
de
drame, encore moins de tragique, et surtout pas de tout ou rien, mais
3420
upe, ou la dédaignent. Pas de drame, encore moins
de
tragique, et surtout pas de tout ou rien, mais d’innombrables variété
3421
e drame, encore moins de tragique, et surtout pas
de
tout ou rien, mais d’innombrables variétés dans l’approche de l’ultim
3422
de tragique, et surtout pas de tout ou rien, mais
d’
innombrables variétés dans l’approche de l’ultime réalité. Où nous ver
3423
ien, mais d’innombrables variétés dans l’approche
de
l’ultime réalité. Où nous verrions contradiction, antinomie, ils ne m
3424
nces ne s’opposent pas. S’il arrive que certaines
de
leurs croyances semblent bien se confondre avec les nôtres (semblent
3425
(semblent bien affirmer, par exemple, la réalité
de
la personne ou du prochain) on n’en saurait déduire qu’elles excluent
3426
aire, ou que l’on s’était mépris sur le vrai sens
de
leurs affirmations répétées du contraire (comme la non-existence du m
3427
la non-existence du moi). Illustrons cela. L’idée
de
vocation personnelle accomplie aux dépens de l’individu est loin d’êt
3428
nelle accomplie aux dépens de l’individu est loin
d’
être absente de la Bhagavad-Gita : Sois détaché et accomplis l’action
3429
aux dépens de l’individu est loin d’être absente
de
la Bhagavad-Gita : Sois détaché et accomplis l’action qui est ton de
3430
t, vaut mieux que le devoir parfaitement accompli
d’
un autre. Le dharma d’un autre est plein de dangers. (III, 35.) Et da
3431
evoir parfaitement accompli d’un autre. Le dharma
d’
un autre est plein de dangers. (III, 35.) Et dans les upanishads : L
3432
compli d’un autre. Le dharma d’un autre est plein
de
dangers. (III, 35.) Et dans les upanishads : La vie n’a servi de ri
3433
35.) Et dans les upanishads : La vie n’a servi
de
rien à celui qui quitte ce monde sans avoir réalisé son propre monde
3434
n non accomplie. (Brihad-âranyaka Up.) La notion
de
l’amour du prochain, et l’injonction évangélique d’aimer aussi son en
3435
l’amour du prochain, et l’injonction évangélique
d’
aimer aussi son ennemi ne sont pas absentes du bouddhisme : car l’enne
3436
enseigna le zen à toutes les Amériques dégoûtées
de
l’Occident, et de plus en plus à l’Europe, va jusqu’à dire que la mét
3437
philosophie sans dogmatique. Nous parlerons alors
d’
inconséquence logique ? Mais notre science n’a-t-elle pas inventé plus
3438
cés spirituels correspondant à différents niveaux
d’
évolution, à différents degrés d’éveil de la conscience… 2. Mise en qu
3439
fférents niveaux d’évolution, à différents degrés
d’
éveil de la conscience… 2. Mise en question par l’expérience vécue. —
3440
niveaux d’évolution, à différents degrés d’éveil
de
la conscience… 2. Mise en question par l’expérience vécue. — Dans le
3441
question par l’expérience vécue. — Dans le roman
de
Raja Rao qu’on vient de citer, cette sentence d’un upanishad reparaît
3442
de Raja Rao qu’on vient de citer, cette sentence
d’
un upanishad reparaît à plusieurs reprises : En vérité, à quoi se rap
3443
reprises : En vérité, à quoi se rapporte l’amour
d’
un mari pour sa femme ? Non point à la femme, mais en vérité au Soi qu
3444
lle phrase, j’éprouve d’abord ceci : le sentiment
d’
une immédiate et vive reconnaissance. Car toute vérité sur l’amour est
3445
atement reconnue par celui qui s’est mis en quête
d’
un savoir de l’amour qu’il vit. N’importe qui m’avertira que le Soi de
3446
nnue par celui qui s’est mis en quête d’un savoir
de
l’amour qu’il vit. N’importe qui m’avertira que le Soi de l’Inde n’es
3447
ur qu’il vit. N’importe qui m’avertira que le Soi
de
l’Inde n’est pas le vrai Dieu des chrétiens, qui est personnel. On co
3448
artir de là que nos questions deviennent capables
de
réponses. Sur cette phrase des upanishads, sur le dialogue qui peut s
3449
ds, sur le dialogue qui peut s’instituer à partir
d’
expériences reconnues, on pourrait écrire tout un livre. (Mais si c’ét
3450
nnu tout d’abord en soi-même — le vrai moi, sujet
de
l’amour, et l’aider à prendre conscience de ce qu’il est ou peut deve
3451
sujet de l’amour, et l’aider à prendre conscience
de
ce qu’il est ou peut devenir. N’est-ce pas l’aider à réfléchir la lum
3452
enir. N’est-ce pas l’aider à réfléchir la lumière
de
l’amour créateur ? Non, ce serait-là trop dire, et pas assez. Aimer,
3453
as assez. Aimer, c’est aider l’autre à se’ situer
de
telle manière que la lumière se voie en lui, mais qu’en même temps le
3454
se voie en lui, mais qu’en même temps le vrai moi
de
l’amant s’y découvre, autrement éclairé, et par là subtilement changé
3455
-ce le Nom qu’on lui donne qui diffère, — ou quoi
d’
autre ? Le point du dialogue est ici. Un point seulement, sans étendue
3456
re : l’Occidental ou l’Oriental. Tous les risques
d’
erreur sont de notre côté, nous les payons par les névroses ou l’abêti
3457
tal ou l’Oriental. Tous les risques d’erreur sont
de
notre côté, nous les payons par les névroses ou l’abêtissement spirit
3458
tout ce qui existe (à tel point que le seul fait
d’
exister devient pour eux l’équivalent de notre péché originel). Ils en
3459
seul fait d’exister devient pour eux l’équivalent
de
notre péché originel). Ils en ont fait autant pour les névroses qui s
3460
tout entier semble résulter — selon leurs sages —
d’
une gigantesque schizophrénie du Soi. (Mais il sera finalement résorbé
3461
Tout est le contraire du drame. Tous les risques
d’
erreur sont liés à notre amour ; et plus l’amour est passionné, exigea
3462
royons aimer en elle, est-ce elle-même ou l’image
de
notre ange ? Ce que nous avons cru voir en elle, et que nous déifions
3463
alystes nous l’ont dit : l’erreur sur la personne
de
l’être aimé est la source des pires conflits, une violence faite à l’
3464
ce des pires conflits, une violence faite à l’âme
de
l’autre, à son corps ou à son esprit — ou encore à son moi total non
3465
imer mieux, c’est apprendre à discerner la raison
d’
être — donc d’être unique — de l’autre aimé, comme de soi-même. Ce cor
3466
est apprendre à discerner la raison d’être — donc
d’
être unique — de l’autre aimé, comme de soi-même. Ce corps visible que
3467
discerner la raison d’être — donc d’être unique —
de
l’autre aimé, comme de soi-même. Ce corps visible que vient animer un
3468
tre — donc d’être unique — de l’autre aimé, comme
de
soi-même. Ce corps visible que vient animer un mouvement singulier et
3469
vient animer un mouvement singulier et fascinant
de
l’être… « Aimer ce que jamais on ne verra deux fois ! » — Aimer, c’es
3470
on « Dieu » dans ses créatures, puisqu’il est dit
de
Lui qu’il est amour. — Mais Dieu pour nous est une Personne, et nous
3471
tout en tous. » Depuis six millénaires, les sages
de
l’Asie n’ont pas varié dans leur croyance en la dualité de l’Un et du
3472
n’ont pas varié dans leur croyance en la dualité
de
l’Un et du Multiple, dualité finalement illusoire puisqu’un jour — do
3473
une trace, comme n’ayant pas eu lieu. Le triomphe
de
ces spirituels et de leur eschatologie se confondra ce jour-là avec l
3474
ant pas eu lieu. Le triomphe de ces spirituels et
de
leur eschatologie se confondra ce jour-là avec l’aboutissement d’un p
3475
ogie se confondra ce jour-là avec l’aboutissement
d’
un processus entièrement matériel calculé par la science occidentale :
3476
es plans poétique et religieux du second principe
de
la thermodynamique. L’autre moitié de l’humanité croit dur comme fer
3477
nd principe de la thermodynamique. L’autre moitié
de
l’humanité croit dur comme fer à la réalité tangible, insuffisante, p
3478
e fer à la réalité tangible, insuffisante, pleine
de
mystères, des apparences actuelles, qu’elle s’évertue en conséquence
3479
la vie et contre l’entropie127. Elle ne sait plus
d’
où lui vient cette passion qui a produit la technique et les sciences,
3480
homme et une extraordinaire avidité. Le sens réel
de
l’aventure échappe à la majorité de ceux qu’elle entraîne. Et il est
3481
Le sens réel de l’aventure échappe à la majorité
de
ceux qu’elle entraîne. Et il est vrai qu’on ne saurait guère le conce
3482
’on ne saurait guère le concevoir sans une vision
de
sa fin anticipée. La petite phrase de saint Paul au début de notre èr
3483
une vision de sa fin anticipée. La petite phrase
de
saint Paul au début de notre ère, « Dieu tout en tous », d’un seul tr
3484
nticipée. La petite phrase de saint Paul au début
de
notre ère, « Dieu tout en tous », d’un seul trait fulgurant décrit ce
3485
aul au début de notre ère, « Dieu tout en tous »,
d’
un seul trait fulgurant décrit cette fin. Dès lors, au duel de l’Un et
3486
ait fulgurant décrit cette fin. Dès lors, au duel
de
l’Un et du Multiple est substitué le drame de l’Un et des uniques —
3487
uel de l’Un et du Multiple est substitué le drame
de
l’Un et des uniques — à l’anéantissement final dans l’unisson, l’har
3488
l’anéantissement final dans l’unisson, l’harmonie
d’
un chœur infini ; — à la régressive extinction des différences éphémèr
3489
— à l’individuel aboli par une longue aspiration
de
l’Atman, le personnel éternisé par l’effort vivifiant de l’Imaginatio
3490
man, le personnel éternisé par l’effort vivifiant
de
l’Imagination. Ce sont là deux doctrines, deux vues des spirituels. Q
3491
es spirituels. Quelle est la vraie ? Si les sages
de
l’Orient ont raison, personne ne pourra le vérifier à la consommation
3492
eux Créations totalement insensées. Si les saints
de
l’Occident ont raison, ils seront seuls à être là pour le savoir. La
3493
e sera celle que nous choisirons, en vérité vécue
de
conscience et d’action. Les résultats actuels et historiques sont amb
3494
nous choisirons, en vérité vécue de conscience et
d’
action. Les résultats actuels et historiques sont ambigus à l’infini,
3495
l’ignorance malheureuse des origines et des fins
de
ce qu’ils croient, bien qu’ils en vivent plus ou moins bien, et même
3496
’Orient est resté jusqu’ici, et que ses doctrines
d’
extinction n’ont pas tué l’illusion du moi ; au contraire, ce moi sans
3497
aloir ses revendications, par plusieurs centaines
de
millions de bouches à nourrir, et demain de cerveaux à diriger. Nous
3498
vendications, par plusieurs centaines de millions
de
bouches à nourrir, et demain de cerveaux à diriger. Nous pressentons
3499
aines de millions de bouches à nourrir, et demain
de
cerveaux à diriger. Nous pressentons dans la terreur et l’espérance c
3500
t peut devenir : soit s’engloutir dans l’illusion
de
la matière (et l’Orient aurait eu raison), soit accomplir sa vocation
3501
iffrer l’Être dans le singulier et les structures
de
l’énergie universelle. Car c’est au secret des personnes que nous ten
3502
ar c’est au secret des personnes que nous tentons
d’
écouter la Personne, mais c’est dans la matière que nous cherchons le
3503
’est dans la matière que nous cherchons le Soi. «
D’
autant plus nous connaissons les choses particulières, dit Spinoza, d’
3504
onnaissons les choses particulières, dit Spinoza,
d’
autant plus nous connaissons Dieu. » La création tout entière, « soumi
3505
« un ardent désir, attend la révélation des fils
de
Dieu » (Romains, 8). Et saint Justin, l’œcuménique du iie siècle, os
3506
t Justin, l’œcuménique du iie siècle, ose parler
d’
un salut de la Matière. À force de l’étreindre de ses mains, de la mes
3507
’œcuménique du iie siècle, ose parler d’un salut
de
la Matière. À force de l’étreindre de ses mains, de la mesurer par la
3508
d’un salut de la Matière. À force de l’étreindre
de
ses mains, de la mesurer par la vue, de la dissoudre et de la recompo
3509
la Matière. À force de l’étreindre de ses mains,
de
la mesurer par la vue, de la dissoudre et de la recomposer, de l’épie
3510
étreindre de ses mains, de la mesurer par la vue,
de
la dissoudre et de la recomposer, de l’épier dans sa vie secrète, com
3511
ins, de la mesurer par la vue, de la dissoudre et
de
la recomposer, de l’épier dans sa vie secrète, comme l’alchimiste, ce
3512
par la vue, de la dissoudre et de la recomposer,
de
l’épier dans sa vie secrète, comme l’alchimiste, cette matière du cos
3513
alchimiste, cette matière du cosmos en expansion,
de
l’atome élusif, des corps vivants, l’homme d’Occident ne cherche pas
3514
on, de l’atome élusif, des corps vivants, l’homme
d’
Occident ne cherche pas seulement à dévoiler ses lois secrètes, mais à
3515
est dans l’individuel, et l’Être dans les raisons
d’
être des uniques. Or ce choix est celui de l’amour, de la connaissance
3516
raisons d’être des uniques. Or ce choix est celui
de
l’amour, de la connaissance par l’amour, car tout ce qui existe est u
3517
re des uniques. Or ce choix est celui de l’amour,
de
la connaissance par l’amour, car tout ce qui existe est unique, à voi
3518
’amour, car tout ce qui existe est unique, à voir
de
près, comme voit l’amour. 94. Cf. Charles Baudoin : Découverte de
3519
l’amour. 94. Cf. Charles Baudoin : Découverte
de
la Personne, p. 22. (Cet ouvrage est le meilleur exposé du personnali
3520
si Ch. Baudoin me paraît un peu trop pessimiste,
de
son propre point de vue, D. T. Suzuki passe la mesure dans l’autre se
3521
Corbin : L’Imagination créatrice dans le soufisme
d’
Ibn Arabi, 1958, p. 28 et 50. 96. Ibid., p. 131. 97. Henry Corbin :
3522
. 131. 97. Henry Corbin : Terre céleste et corps
de
résurrection, 1960, p. 31. 98. Sur les solutions proposées par l’Ind
3523
103. A. David-Neel donne une Parabole tibétaine
de
la « personne » dans l’op. cit. « Une personne » ressemble à une ass
3524
Une personne » ressemble à une assemblée composée
d’
une quantité de membres. La discussion ne cesse jamais. Parfois, un de
3525
ressemble à une assemblée composée d’une quantité
de
membres. La discussion ne cesse jamais. Parfois, un de ses membres se
3526
mbres. La discussion ne cesse jamais. Parfois, un
de
ses membres se lève, prononce un discours, préconise une action ; ses
3527
qu’il a proposé. D’autres fois, plusieurs membres
de
l’assemblée se lèvent ensemble, proposent des choses différentes et c
3528
emble, proposent des choses différentes et chacun
d’
eux appuie ses propositions sur des raisons particulières. On en vient
3529
collègues. Il advient aussi que certains membres
de
l’assemblée la quittent d’eux-mêmes ; d’autres sont graduellement pou
3530
i que certains membres de l’assemblée la quittent
d’
eux-mêmes ; d’autres sont graduellement poussés au-dehors et d’autres,
3531
ssés au-dehors et d’autres, encore, sont expulsés
de
force par leurs collègues. Pendant ce temps, de nouveaux venus s’intr
3532
s de force par leurs collègues. Pendant ce temps,
de
nouveaux venus s’introduisent dans l’assemblée, soit en s’y glissant
3533
s portes. On remarque encore que certains membres
de
l’assemblée dépérissent lentement ; leur voix devient faible, on fini
3534
finissent par s’instituer dictateurs. Les membres
de
cette assemblée, ce sont les éléments physiques et mentaux qui consti
3535
nos idées, nos croyances, nos désirs, etc. Chacun
de
ceux-ci se trouve être, de par les causes qui l’ont engendré, le desc
3536
s qui l’ont engendré, le descendant et l’héritier
de
multiples lignes de causes, de multiples séries de phénomènes remonta
3537
, le descendant et l’héritier de multiples lignes
de
causes, de multiples séries de phénomènes remontant loin dans le pass
3538
dant et l’héritier de multiples lignes de causes,
de
multiples séries de phénomènes remontant loin dans le passé et dont l
3539
e multiples lignes de causes, de multiples séries
de
phénomènes remontant loin dans le passé et dont les traces se perdent
3540
t dont les traces se perdent dans les profondeurs
de
l’éternité. » Nous connaissons assez bien cela en Occident. Bismarck
3541
n Occident. Bismarck écrit : « Faust se plaignait
d’
avoir deux âmes en lui. J’ai en moi une foule d’âmes turbulentes. Et t
3542
t d’avoir deux âmes en lui. J’ai en moi une foule
d’
âmes turbulentes. Et tout se passe comme dans une république. » À rega
3543
est forme dominante et gouvernante. Si on tentait
de
l’observer à l’aide d’un microscope, l’éléphant lui aussi ne serait p
3544
gouvernante. Si on tentait de l’observer à l’aide
d’
un microscope, l’éléphant lui aussi ne serait plus qu’une vaste illusi
3545
plus qu’une vaste illusion. 104. Les Questions
de
Milinda (Milindahunha), Ier siècle A. D. Milinda est le roi indo-grec
3546
304-305. 107. Ces deux phrases sont à rapprocher
de
cette vue d’un soufi : « Le paradis du gnostique fidèle, c’est son co
3547
. Ces deux phrases sont à rapprocher de cette vue
d’
un soufi : « Le paradis du gnostique fidèle, c’est son corps même, et
3548
nostique fidèle, c’est son corps même, et l’enfer
de
l’homme sans foi ni connaissance c’est également son corps même. » (C
3549
re, 517. 109. Voir sur ce point les beaux essais
de
Hans Heinrich Schaeder recueillis dans Der Mensch in Orient und Okzid
3550
Corbin, L’Imagination créatrice dans le soufisme
d’
Ibn’Arabi, p. III. 111. Id. ibid., p. 117. 112. Cf. supra, p. 125 à
3551
qu’aux yeux de celui qui nie l’âme ; mais alors,
d’
où viendrait cet amour, à qui irait-il ? La passion de Tristan est la
3552
viendrait cet amour, à qui irait-il ? La passion
de
Tristan est la preuve de l’âme, s’il en fût jamais. 115. Katha upani
3553
ui irait-il ? La passion de Tristan est la preuve
de
l’âme, s’il en fût jamais. 115. Katha upanishad. 116. Alexandra Dav
3554
la vraie religion ». (La vraie ! Aux autres, pas
de
bonjour.) » 119. Lingopasanâ rahasya. 120. Alain Daniélou, Le Poly
3555
rien dans la littérature qui confronte avec plus
de
tendresse et de rigueur l’Est et l’Ouest. Lire aussi, mais c’est beau
3556
ttérature qui confronte avec plus de tendresse et
de
rigueur l’Est et l’Ouest. Lire aussi, mais c’est beaucoup moins tendr
3557
pour les deux, c’est même féroce, le chef-d’œuvre
d’
Henri Michaux, Un Barbare en Asie. Lire enfin de Rudolf Kassner, Le Li
3558
e d’Henri Michaux, Un Barbare en Asie. Lire enfin
de
Rudolf Kassner, Le Livre de ma Vie. Puis aller en Inde et sentir l’in
3559
e en Asie. Lire enfin de Rudolf Kassner, Le Livre
de
ma Vie. Puis aller en Inde et sentir l’innombrable, le « corps magiqu
3560
uteur ne vienne ici à la rencontre des catégories
de
L’Amour et l’Occident un peu plus qu’il ne serait souhaitable, de s
3561
ccident un peu plus qu’il ne serait souhaitable,
de
son propre point de vue. 124. On pourra retrouver ce passage dans la
3562
. Phrases empruntées comme plusieurs ici au roman
de
Raja Rao, Le Serpent et la Corde. 126. P. Teilhard de Chardin : La
3563
a Corde. 126. P. Teilhard de Chardin : La Route
de
l’Ouest (inédit). 127. Il serait peut-être fécond d’interpréter le p
3564
’Ouest (inédit). 127. Il serait peut-être fécond
d’
interpréter le principe de Carnot-Clausius (accroissement général de l
3565
serait peut-être fécond d’interpréter le principe
de
Carnot-Clausius (accroissement général de l’entropie, mort lumineuse)
3566
rincipe de Carnot-Clausius (accroissement général
de
l’entropie, mort lumineuse) en termes de métaphysique orientale, et l
3567
termes de métaphysique orientale, et le principe
d’
exclusion de Pauli (individuation des électrons, conditionnant la « vi
3568
étaphysique orientale, et le principe d’exclusion
de
Pauli (individuation des électrons, conditionnant la « vie ») en term
3569
L’amour même ILes quatre couleurs
de
l’amour (Schéma philosophique abstrait, orné d’une illustration.)
3570
s de l’amour (Schéma philosophique abstrait, orné
d’
une illustration.) L’amour étant l’initiateur de tout ce qui existe
3571
’une illustration.) L’amour étant l’initiateur
de
tout ce qui existe, on appellera néant l’absence d’amour. Les degrés
3572
tout ce qui existe, on appellera néant l’absence
d’
amour. Les degrés d’existence de l’amour sont ceux de la création à l’
3573
on appellera néant l’absence d’amour. Les degrés
d’
existence de l’amour sont ceux de la création à l’œuvre, sans laquelle
3574
a néant l’absence d’amour. Les degrés d’existence
de
l’amour sont ceux de la création à l’œuvre, sans laquelle le néant ne
3575
mour. Les degrés d’existence de l’amour sont ceux
de
la création à l’œuvre, sans laquelle le néant ne serait pas conçu, ni
3576
erait pas conçu, ni l’être. L’amour divin, venant
de
Dieu, retourne à Dieu, posant en son point de réflexion et de résonan
3577
ant de Dieu, retourne à Dieu, posant en son point
de
réflexion et de résonance dans la créature, un moi nouveau qui transc
3578
ourne à Dieu, posant en son point de réflexion et
de
résonance dans la créature, un moi nouveau qui transcende l’ancien pa
3579
e totalise et l’ordonne à l’esprit. (Cette action
d’
ordonnance, d’orientation de soi dans l’axe d’efficacité majeure, est
3580
l’ordonne à l’esprit. (Cette action d’ordonnance,
d’
orientation de soi dans l’axe d’efficacité majeure, est la prière. Pri
3581
esprit. (Cette action d’ordonnance, d’orientation
de
soi dans l’axe d’efficacité majeure, est la prière. Prier n’est pas d
3582
ion d’ordonnance, d’orientation de soi dans l’axe
d’
efficacité majeure, est la prière. Prier n’est pas demander mais s’ori
3583
r et à réaliser.) Le moi posé, quelle est la voie
de
l’amour en l’homme ? L’expérience méditée — et que j’espère banale (a
3584
tre états que l’on peut distinguer par leur ordre
d’
apparition. Ils se mêleront et combineront dans l’homme achevé. 1. La
3585
me achevé. 1. La vision intuitive. — Cette forme
de
l’amour est l’acte de l’esprit ; et elle est connaissance active en m
3586
on intuitive. — Cette forme de l’amour est l’acte
de
l’esprit ; et elle est connaissance active en même temps que reconnai
3587
t la philia, l’amitié spirituelle. Elle est agent
de
différenciation par excellence, du fait qu’elle voit — ou cherche à v
3588
regard intuitif est appel, donc attente agissante
d’
une réponse, et, par suite, de l’échange qui est l’action de l’amour.
3589
c attente agissante d’une réponse, et, par suite,
de
l’échange qui est l’action de l’amour. Quand ce désir et ce besoin d’
3590
nse, et, par suite, de l’échange qui est l’action
de
l’amour. Quand ce désir et ce besoin d’agir sur l’autre excèdent la c
3591
l’action de l’amour. Quand ce désir et ce besoin
d’
agir sur l’autre excèdent la conscience de soi-même et le respect de s
3592
besoin d’agir sur l’autre excèdent la conscience
de
soi-même et le respect de sa propre personne en tant que vocation uni
3593
excèdent la conscience de soi-même et le respect
de
sa propre personne en tant que vocation unique, cet amour du prochain
3594
cation unique, cet amour du prochain peut changer
de
signe, et du coup sa fonction s’inverse : il se mue en impérialisme,
3595
il se mue en impérialisme, et devient donc agent
d’
uniformisation, tout d’abord dans l’échange de personne à personne, co
3596
ent d’uniformisation, tout d’abord dans l’échange
de
personne à personne, comme l’amitié, l’éducation et le mariage, mais
3597
utions religieuses ou philosophiques pour le bien
de
l’âme de ceux qu’on massacrait, et comme nous le montre aujourd’hui l
3598
ligieuses ou philosophiques pour le bien de l’âme
de
ceux qu’on massacrait, et comme nous le montre aujourd’hui la « vertu
3599
iner ce qui, dans sa nature déterminée, l’empêche
d’
aimer. Nul ne peut distinguer le bien d’autrui s’il n’a su distinguer
3600
l’empêche d’aimer. Nul ne peut distinguer le bien
d’
autrui s’il n’a su distinguer d’abord son propre bien. Qui s’aime mal,
3601
onne unique s’édifie dans l’individu. Cette règle
d’
or est la norme morale, par excellence, en tout domaine, aussi bien da
3602
xcellence, en tout domaine, aussi bien dans celui
de
l’érotique que dans l’éducation, l’amitié et le mariage. Au point d’é
3603
ans l’éducation, l’amitié et le mariage. Au point
d’
équilibre idéal entre la retenue qui naît de l’amour de soi et l’élan
3604
point d’équilibre idéal entre la retenue qui naît
de
l’amour de soi et l’élan vers le moi d’autrui, l’amour du prochain co
3605
ilibre idéal entre la retenue qui naît de l’amour
de
soi et l’élan vers le moi d’autrui, l’amour du prochain constitue le
3606
qui naît de l’amour de soi et l’élan vers le moi
d’
autrui, l’amour du prochain constitue le modèle créateur de toute comm
3607
l’amour du prochain constitue le modèle créateur
de
toute communauté, et l’image organisatrice d’une biologie de l’humani
3608
eur de toute communauté, et l’image organisatrice
d’
une biologie de l’humanité en tant que celle-ci forme un tout. L’amour
3609
mmunauté, et l’image organisatrice d’une biologie
de
l’humanité en tant que celle-ci forme un tout. L’amour d’autrui comme
3610
anité en tant que celle-ci forme un tout. L’amour
d’
autrui comme de soi-même pouvant seul assurer la santé et régler le mé
3611
ue celle-ci forme un tout. L’amour d’autrui comme
de
soi-même pouvant seul assurer la santé et régler le métabolisme du gr
3612
s. 2. L’émotion, ou l’Éros. — Cette seconde forme
de
l’amour procède de l’âme. Elle est moins sélective que le regard intu
3613
l’Éros. — Cette seconde forme de l’amour procède
de
l’âme. Elle est moins sélective que le regard intuitif, puisqu’elle n
3614
existe et tant que dure sa plénitude, elle exclut
de
sa réalité tout ce qui n’est ni l’objet ni le sujet de l’émotion : à
3615
réalité tout ce qui n’est ni l’objet ni le sujet
de
l’émotion : à ces deux se réduit pour elle l’univers. Dans sa genèse,
3616
e, elle correspond, quel que soit l’âge, à l’état
de
première adolescence, quand l’amour « point le cœur », oppresse le so
3617
oppresse le souffle, brûle en rêve, et reste loin
d’
imaginer la possession. (C’est un aspect de l’amour courtois, non le p
3618
e loin d’imaginer la possession. (C’est un aspect
de
l’amour courtois, non le plus spécifique, ni le plus insolite). Mais
3619
ît guère sans que l’ait éveillé un premier regard
de
l’intuition. Les très jeunes gens l’ignorent encore ; la plupart des
3620
gnorent encore ; la plupart des adultes ont cessé
de
le sentir ; mais un homme qui se connaît bien et les femmes surtout s
3621
rtaine perception instantanée du secret singulier
de
l’autre — et surtout s’il paraît lui-même l’ignorer — est la conditio
3622
lui-même l’ignorer — est la condition nécessaire
de
l’émotion vraiment envahissante. Dans ce domaine de l’âme intermédiai
3623
l’émotion vraiment envahissante. Dans ce domaine
de
l’âme intermédiaire entre le spirituel et le sensuel, les risques d’e
3624
ire entre le spirituel et le sensuel, les risques
d’
erreur sont plus grands, parce que l’émotion la plus vive peut très bi
3625
t, s’émeut, et « le reste est silence ». Au degré
de
la passion, l’âme va se détacher du spirituel et du sensuel, pour le
3626
tuel et du sensuel, pour le plaisir et la douleur
de
mieux brûler. L’amour-passion oriente le moi vers un objet qu’il veut
3627
n objet qu’il veut unique, infiniment différencié
de
tous les autres, et dans lequel s’investissent bientôt toute la prése
3628
« Seul je suis, moi, le Monde ! » À cette limite
de
l’extrême différence actualisée, tout ce qui avait été refoulé, écart
3629
it été refoulé, écarté et virtualisé dans la nuit
de
l’indifférencié, d’un seul coup submerge l’amant : il s’abîme dans le
3630
eux » et dans la « tourmente du Monde » — sa mort
d’
amour, sa « Joie suprême 128. » 3. Le plaisir sexuel. — Cette troisièm
3631
. » 3. Le plaisir sexuel. — Cette troisième forme
de
l’amour est dite physique, encore que nous sachions très bien que le
3632
e est lié comme nulle autre fonction à la volonté
de
l’intellect, à l’âme et à l’imaginaire ; et qu’en tant qu’il ne serai
3633
a sexualité quand vient son temps. Les confusions
de
notre langage courant semblent parfois assimiler l’amour au sexe, mai
3634
assimiler l’amour au sexe, mais elles proviennent
d’
une contamination en sens inverse : si la sexualité peut signifier l’a
3635
onne à des fins nouvelles qui ne sont plus celles
de
l’espèce mais de la personne, la sexualité mérite ce nom d’amour que
3636
ouvelles qui ne sont plus celles de l’espèce mais
de
la personne, la sexualité mérite ce nom d’amour que lui donne l’Occid
3637
e mais de la personne, la sexualité mérite ce nom
d’
amour que lui donne l’Occident moderne, — quoi qu’en pense la morale m
3638
ue rationnelle et « scientifique », elle se garde
de
la déclarer, mais trahit constamment son intime conviction par des ju
3639
que la comparaison qui est faite ici entre l’acte
de
la connaissance religieuse et l’acte de l’union sexuelle, rabaisse le
3640
re l’acte de la connaissance religieuse et l’acte
de
l’union sexuelle, rabaisse le spirituel ou élève l’érotique ? (J’ente
3641
l’homme spirituel doit atteindre avec l’ensemble
de
ses facultés.) La sexualité en elle-même ne me paraît pas indifférent
3642
re. Et cependant, dès qu’elle accède à la liberté
de
l’érotisme (qui transcende la fonction naturelle et vitale) elle devi
3643
lle et vitale) elle devient justiciable à la fois
de
la morale et de l’esprit, comme tout autre élément impliqué dans la s
3644
lle devient justiciable à la fois de la morale et
de
l’esprit, comme tout autre élément impliqué dans la synthèse de la pe
3645
omme tout autre élément impliqué dans la synthèse
de
la personne. Deux déviations morales, symétriques, la tentent dès lor
3646
ce : a) La sexualité condamnée. Ceux qui ont peur
de
leur sexualité et qui ne voient qu’ignominie dans l’érotisme, expulse
3647
ne voient qu’ignominie dans l’érotisme, expulsent
de
leur propre personne (et de celle d’autrui s’ils le peuvent !) cette
3648
l’érotisme, expulsent de leur propre personne (et
de
celle d’autrui s’ils le peuvent !) cette troisième forme de l’amour.
3649
e, expulsent de leur propre personne (et de celle
d’
autrui s’ils le peuvent !) cette troisième forme de l’amour. Ils la co
3650
’autrui s’ils le peuvent !) cette troisième forme
de
l’amour. Ils la condamnent ainsi à rester indifférenciée, inculte, no
3651
une force mauvaise, obscure et menaçante, aliénée
de
la personne : or ce sont là les caractères et la genèse d’un démon. I
3652
sonne : or ce sont là les caractères et la genèse
d’
un démon. Ils verront ce démon apparaître partout, passant le bout de
3653
ront ce démon apparaître partout, passant le bout
de
l’oreille entre ces lignes, par exemple ; et certains semblent bien ê
3654
qu’à le matérialiser, si l’on en croit les récits
de
vies d’anachorètes. À leur intention, je me répète. « Faire l’amour »
3655
matérialiser, si l’on en croit les récits de vies
d’
anachorètes. À leur intention, je me répète. « Faire l’amour » peut-êt
3656
me, libération ou servitude, ou simplement erreur
de
part et d’autre, accident ridicule mais sans suites. Ce n’est en soi
3657
ion ou servitude, ou simplement erreur de part et
d’
autre, accident ridicule mais sans suites. Ce n’est en soi ni bien ni
3658
s. Ce n’est en soi ni bien ni mal. Seul, le degré
d’
amour réel (personnifiant, lié à la personne) peut qualifier l’acte se
3659
) peut qualifier l’acte sexuel. Et je ne vois pas
d’
autre critère qui tienne, ou ne soit réductible à celui-là. b) La sexu
3660
. b) La sexualité séparée. Dès qu’il est dissocié
de
l’amour d’intuition et de l’amour de sentiment, qui le précèdent et l
3661
ualité séparée. Dès qu’il est dissocié de l’amour
d’
intuition et de l’amour de sentiment, qui le précèdent et le situent d
3662
Dès qu’il est dissocié de l’amour d’intuition et
de
l’amour de sentiment, qui le précèdent et le situent dans l’amour vra
3663
est dissocié de l’amour d’intuition et de l’amour
de
sentiment, qui le précèdent et le situent dans l’amour vrai, le désir
3664
désir sensuel tend aussitôt à redescendre au plan
de
l’instinct. Mais alors que le désir animal est simplement déterminé p
3665
al est simplement déterminé par le renouvellement
de
l’espèce, le désir sensuel-érotique est devenu force libre, autonome,
3666
i agit désormais contre l’amour en tant que force
d’
individuation. Don Juan ne choisit pas, il désire toutes les femmes, e
3667
s, il désire toutes les femmes, et ce désir fait,
de
chacune, la femme en tant que sexe en général. (Au contraire, l’amour
3668
tant que sexe en général. (Au contraire, l’amour
de
Tristan faisait d’une seule, élue, la Femme unique.) Cette forme du d
3669
énéral. (Au contraire, l’amour de Tristan faisait
d’
une seule, élue, la Femme unique.) Cette forme du désir part de l’amou
3670
élue, la Femme unique.) Cette forme du désir part
de
l’amour mais en direction du néant : elle accroît l’indifférencié, el
3671
: et c’est l’apparition du Commandeur. Le contact
de
ce Double d’antimatière anéantit le corps physique. (La main saisie,
3672
apparition du Commandeur. Le contact de ce Double
d’
antimatière anéantit le corps physique. (La main saisie, l’éclair, la
3673
appe.) 4. L’énergie cosmique. — La dernière forme
de
l’amour n’est atteinte que par la pensée, mais à travers le monde des
3674
elà des corps à notre échelle, au-delà du domaine
de
l’individuation, au-delà même de la matière que l’on dit brute, mais
3675
-delà du domaine de l’individuation, au-delà même
de
la matière que l’on dit brute, mais encore tangible et sensible, elle
3676
, elle découvre et mesure l’énergie et le mystère
de
l’attraction universelle. Et il est beau que l’aventure de l’intellec
3677
action universelle. Et il est beau que l’aventure
de
l’intellect, descendant des clartés instantanées de l’esprit intuitif
3678
l’intellect, descendant des clartés instantanées
de
l’esprit intuitif au clair-obscur de l’âme, à l’obscur de la chair, à
3679
instantanées de l’esprit intuitif au clair-obscur
de
l’âme, à l’obscur de la chair, à l’opaque de la matière et au noir ab
3680
rit intuitif au clair-obscur de l’âme, à l’obscur
de
la chair, à l’opaque de la matière et au noir absolu de l’espace élec
3681
scur de l’âme, à l’obscur de la chair, à l’opaque
de
la matière et au noir absolu de l’espace électronique, débouche enfin
3682
chair, à l’opaque de la matière et au noir absolu
de
l’espace électronique, débouche enfin sur des lueurs nouvelles qui so
3683
sont peut-être celles qu’entrevoyaient les sages
de
l’Inde et de la Grèce, et que Dante dit avoir contemplées au prix de
3684
re celles qu’entrevoyaient les sages de l’Inde et
de
la Grèce, et que Dante dit avoir contemplées au prix de sa vue « cons
3685
ma volonté étaient mus — comme une roue tournant
d’
une manière uniforme — par l’Amour qui meut aussi le soleil et les aut
3686
aussi le soleil et les autres étoiles. La forme
de
pensée qui se révèle ici transcende la recherche moderne d’une formul
3687
qui se révèle ici transcende la recherche moderne
d’
une formule du champ unitaire. Elle implique l’équation plus générale
3688
les lois cosmiques, et l’amour créateur. Théorie
de
l’amour unifiant, c’est autant dire de l’Amour même. La science actue
3689
r. Théorie de l’amour unifiant, c’est autant dire
de
l’Amour même. La science actuelle, guidée par l’intuition d’Einstein,
3690
même. La science actuelle, guidée par l’intuition
d’
Einstein, conçoit déjà la possibilité d’une explication unifiée des ph
3691
intuition d’Einstein, conçoit déjà la possibilité
d’
une explication unifiée des phénomènes gravitationnels et magnétiques,
3692
ulations créatrices. Déjà, les grandes « écoles »
de
mathématiciens, de physiciens et d’astronomes, reconnaissent qu’elles
3693
. Déjà, les grandes « écoles » de mathématiciens,
de
physiciens et d’astronomes, reconnaissent qu’elles diffèrent essentie
3694
es « écoles » de mathématiciens, de physiciens et
d’
astronomes, reconnaissent qu’elles diffèrent essentiellement par leurs
3695
par leurs options métaphysiques. Ainsi l’extrême
de
l’amour cognitif, de la passion de savoir, d’inventer le savoir et d’
3696
taphysiques. Ainsi l’extrême de l’amour cognitif,
de
la passion de savoir, d’inventer le savoir et d’y soumettre la pensée
3697
insi l’extrême de l’amour cognitif, de la passion
de
savoir, d’inventer le savoir et d’y soumettre la pensée, poussé jusqu
3698
ême de l’amour cognitif, de la passion de savoir,
d’
inventer le savoir et d’y soumettre la pensée, poussé jusqu’au dernier
3699
de la passion de savoir, d’inventer le savoir et
d’
y soumettre la pensée, poussé jusqu’au dernier degré de l’abstraction
3700
oumettre la pensée, poussé jusqu’au dernier degré
de
l’abstraction et de l’audace logique, semble en voie de rejoindre en
3701
poussé jusqu’au dernier degré de l’abstraction et
de
l’audace logique, semble en voie de rejoindre en perspective l’extrêm
3702
bstraction et de l’audace logique, semble en voie
de
rejoindre en perspective l’extrême de l’amour intuitif : la vue mysti
3703
ble en voie de rejoindre en perspective l’extrême
de
l’amour intuitif : la vue mystique. ⁂ Une illustration. — Tout le mon
3704
out le monde connaît les cartes à jouer, au moins
de
vue, mais presque personne ne les voit. Presque personne ne prend la
3705
Presque personne ne prend la peine ou le plaisir
d’
en déchiffrer l’idéogramme. C’est trop sérieux pour les joueurs, et po
3706
moment, mais sans jouer, les « couleurs » du jeu
de
cartes ordinaire, on ne tardera pas à découvrir qu’elles corresponden
3707
rait pour trait aux quatre amours que nous venons
d’
identifier. (Et si l’on remonte aux tarots, on verra qu’il ne s’agit p
3708
remonte aux tarots, on verra qu’il ne s’agit pas
d’
un hasard ou d’une fantaisie, comme l’ont montré les belles études de
3709
rots, on verra qu’il ne s’agit pas d’un hasard ou
d’
une fantaisie, comme l’ont montré les belles études de l’indianiste He
3710
e fantaisie, comme l’ont montré les belles études
de
l’indianiste Heinrich Zimmer). Les quatre amours Pique ♠ La fo
3711
mbre 1. Elle suggère : pénétrer, traverser, voler
d’
un trait, blesser, tuer, féconder. Correspond à l’ Esprit et à l’int
3712
sme et sadisme, ou à l’inverse, ascétisme et goût
de
l’autosacrifice ; vers l’autre : crime ; vers soi : suicide. Concept
3713
l’autre : crime ; vers soi : suicide. Conception
de
l’amour : un roi de pique dira que « l’Amour n’est pas un sentiment,
3714
rs soi : suicide. Conception de l’amour : un roi
de
pique dira que « l’Amour n’est pas un sentiment, mais la situation to
3715
n’est pas un sentiment, mais la situation totale
de
celui qui aime, orienté vers la vérité. » Preuve de validité de cet
3716
celui qui aime, orienté vers la vérité. » Preuve
de
validité de cet amour : le regard juste. Cœur ♥ La forme indique le n
3717
me, orienté vers la vérité. » Preuve de validité
de
cet amour : le regard juste. Cœur ♥ La forme indique le nombre 2. Ell
3718
me. (Seul celui qui a une âme, et le sait, a lieu
d’
être masochiste et de s’en réjouir.) Goût de la mort à deux. Paranoïa.
3719
une âme, et le sait, a lieu d’être masochiste et
de
s’en réjouir.) Goût de la mort à deux. Paranoïa. Conception de l’amo
3720
lieu d’être masochiste et de s’en réjouir.) Goût
de
la mort à deux. Paranoïa. Conception de l’amour : « La beauté fait p
3721
r.) Goût de la mort à deux. Paranoïa. Conception
de
l’amour : « La beauté fait pleurer les meilleures larmes ». — Tristan
3722
sation. (« Toute chair est comme l’herbe. » Amour
de
la chair pour ce qui la transcende et l’anime, car la poussée vient d
3723
ui la transcende et l’anime, car la poussée vient
d’
en bas, mais l’éclosion et l’épanouissement dépendent de la lumière re
3724
as, mais l’éclosion et l’épanouissement dépendent
de
la lumière reçue, de l’air et de la rosée.) Tempérament : sensuel-im
3725
t l’épanouissement dépendent de la lumière reçue,
de
l’air et de la rosée.) Tempérament : sensuel-impulsif-curieux ; préd
3726
sement dépendent de la lumière reçue, de l’air et
de
la rosée.) Tempérament : sensuel-impulsif-curieux ; prédateur-exclus
3727
mpulsif-curieux ; prédateur-exclusif-fabricateur (
d’
objets, non de concepts.) Déviations typiques : Don Juan. Aberrations
3728
x ; prédateur-exclusif-fabricateur (d’objets, non
de
concepts.) Déviations typiques : Don Juan. Aberrations de l’instinct
3729
ts.) Déviations typiques : Don Juan. Aberrations
de
l’instinct. Naturisme mystique. (C’est l’utopie magique, quelquefois
3730
éalisée, du trèfle à quatre : transformer la tige
de
l’instinct en quatrième feuille). Conception de l’amour : la gourman
3731
de l’instinct en quatrième feuille). Conception
de
l’amour : la gourmandise. « Ce qui est vrai, ce qui est beau, c’est c
3732
és, rappelant que ce carré fut d’abord un carreau
d’
arbalète, une flèche à quatre pans) ; contredire et mettre en parallèl
3733
Intellect, à la pensée (Amour du juste et passion
de
la découverte). Tempérament : exclusif, bâtisseur, critique, prudent
3734
») ; abstracteur, classique, impudent, inventif (
de
structures et de concepts). Déviations typiques : Schizophrénie. Goû
3735
, classique, impudent, inventif (de structures et
de
concepts). Déviations typiques : Schizophrénie. Goût du viol. Impuis
3736
. Goût du viol. Impuissance sexuelle par méfiance
de
l’âme. (L’Intellectuel, au mauvais sens, est celui qui est coupé de l
3737
lectuel, au mauvais sens, est celui qui est coupé
de
l’âme, ou ne sait qu’en faire et la nie.) Conception de l’amour : l’
3738
e, ou ne sait qu’en faire et la nie.) Conception
de
l’amour : l’équilibre exigeant l’échange, le maintien de chacun dans
3739
our : l’équilibre exigeant l’échange, le maintien
de
chacun dans ses justes limites. Preuve : comprendre (ou au contraire
3740
nnu au passage les quatre fonctions fondamentales
de
C. G. Jung : pensée, sensation, intuition, sentiment, bien que placée
3741
raduisant la logique particulière et l’ontogenèse
de
l’amour. Ces quatre fonctions coexistent dans la vie de tout homme no
3742
mour. Ces quatre fonctions coexistent dans la vie
de
tout homme normal, mais l’une, en général, est dominante, plus fortem
3743
dans l’inconscient la fonction la plus différente
d’
elle-même. Les couples d’opposés décrits par Jung : intuition-sensatio
3744
ction la plus différente d’elle-même. Les couples
d’
opposés décrits par Jung : intuition-sensation (signes noirs du jeu de
3745
r Jung : intuition-sensation (signes noirs du jeu
de
cartes) et sentiment-pensée (signes rouges) se retrouvent dans mon sc
3746
le vide, n’étant nous-mêmes que furtifs agrégats
d’
infimes tourbillons statistiques ; que tout soit vide en vérité de sci
3747
llons statistiques ; que tout soit vide en vérité
de
science, dans les dimensions de l’Univers (millions d’années-lumière
3748
it vide en vérité de science, dans les dimensions
de
l’Univers (millions d’années-lumière dans l’espace, milliards d’année
3749
ience, dans les dimensions de l’Univers (millions
d’
années-lumière dans l’espace, milliards d’années terrestres dans le te
3750
illions d’années-lumière dans l’espace, milliards
d’
années terrestres dans le temps), et qu’au fond du réel calculé soit l
3751
l calculé soit le Vide — mais que, scintillements
d’
une seconde dans l’histoire de ce grain, notre Terre, des civilisation
3752
que, scintillements d’une seconde dans l’histoire
de
ce grain, notre Terre, des civilisations passées nous apparaissent gr
3753
grandes et majestueuses ; bien plus, qu’au détour
d’
un sentier suivi dans la forêt d’avril nous attende une révélation du
3754
us, qu’au détour d’un sentier suivi dans la forêt
d’
avril nous attende une révélation du bonheur pur ; qu’il ait suffi de
3755
e une révélation du bonheur pur ; qu’il ait suffi
de
l’inflexion d’une voix pour que cette rencontre, demain, soit soudain
3756
n du bonheur pur ; qu’il ait suffi de l’inflexion
d’
une voix pour que cette rencontre, demain, soit soudain le point de la
3757
ue cette rencontre, demain, soit soudain le point
de
la vie ; qu’il y ait tels moments où nous sommes convaincus que « tou
3758
nts où nous sommes convaincus que « tout » dépend
d’
une décision à prendre ; qu’un monde coloré, déployé, dense et stable
3759
a mais le vide, tout cela dans le vide et composé
de
vide, compénétré et imprégné de vacuité, ce vertige accompagne en sil
3760
e vide et composé de vide, compénétré et imprégné
de
vacuité, ce vertige accompagne en silence la pensée des hommes d’aujo
3761
ertige accompagne en silence la pensée des hommes
d’
aujourd’hui et leur action. Le miracle est qu’il y ait des formes ! Qu
3762
miracle est qu’il y ait des formes ! Qu’il y ait
de
la consistance, des paysages, des visages, une Nature, autour de nous
3763
i fait ma joie, et c’est le passage du tourbillon
de
billions d’agrégats divisibles au désir d’un corps animé, d’une forme
3764
ie, et c’est le passage du tourbillon de billions
d’
agrégats divisibles au désir d’un corps animé, d’une forme unique, lib
3765
billon de billions d’agrégats divisibles au désir
d’
un corps animé, d’une forme unique, libérée pour un peu de temps de ce
3766
d’agrégats divisibles au désir d’un corps animé,
d’
une forme unique, libérée pour un peu de temps de cette transparence i
3767
ps animé, d’une forme unique, libérée pour un peu
de
temps de cette transparence incolore qui est la malédiction originell
3768
d’une forme unique, libérée pour un peu de temps
de
cette transparence incolore qui est la malédiction originelle, l’enfe
3769
vue lointaine et la musique, la souple résistance
de
la chair, et le désir qui ne s’arrêtera plus dans sa lancée vers un a
3770
ne s’arrêtera plus dans sa lancée vers un au-delà
de
plénitude, vers le Plérome. Car cette Nature qui nous paraît miracule
3771
flété sur le Vide, si elle n’est pas une parabole
de
l’éternel. Ces formes demeurent allusives, ces corps souffrent et meu
3772
s nous voulons l’au-delà, et non pas le contraire
de
nos angoisses et de nos joies, l’au-delà qui transforme et non pas un
3773
delà, et non pas le contraire de nos angoisses et
de
nos joies, l’au-delà qui transforme et non pas un reflet ! Un poète m
3774
et non pas un reflet ! Un poète mineur et parfait
de
ce temps l’a découvert un jour, non sans stupeur : Il y a un autre m
3775
il qu’un ? Il y a le monde du Vide, l’autre monde
de
la science : il est là, parmi nous et tout autour de nous, ici et mai
3776
, et nous ne le voyons pas, quoique étant assurés
de
sa présence instante. Il n’est pas nous. Mais il y a en nous le Royau
3777
a en nous le Royaume ! Le Royaume « qui n’est pas
de
ce monde », et qui pourtant est « au-dedans de nous », car il est plu
3778
us nous-mêmes que nous, parce qu’il est en chacun
de
ceux qui le reçoivent « le Fils de Dieu », la part céleste, le répond
3779
est en chacun de ceux qui le reçoivent « le Fils
de
Dieu », la part céleste, le répondant de l’Ange qui sera « notre effi
3780
le Fils de Dieu », la part céleste, le répondant
de
l’Ange qui sera « notre effigie » au cercle de feu qu’a vu Dante. Et
3781
nt de l’Ange qui sera « notre effigie » au cercle
de
feu qu’a vu Dante. Et par quelle parabole le représenterons-nous ? «
3782
présenterons-nous ? « Il est semblable à un grain
de
sénevé, la plus petite de toutes les semences qui sont sur la terre,
3783
st semblable à un grain de sénevé, la plus petite
de
toutes les semences qui sont sur la terre, mais lorsqu’il a été semé,
3784
e, mais lorsqu’il a été semé, il monte… et pousse
de
grandes branches, en sorte que les oiseaux du ciel (les anges) peuven
3785
et le temps, qui étendent le Vide aux dimensions
de
l’univers ; il n’est pas loin d’ici ou d’à présent, du monde des form
3786
ensions de l’univers ; il n’est pas loin d’ici ou
d’
à présent, du monde des formes, qui est la Nature, la Parabole — mais
3787
i-même. Le Royaume du ciel est un point, le point
d’
éternité posé dans toi, la semence du Plérome à venir, quand « la figu
3788
la semence du Plérome à venir, quand « la figure
de
ce monde passera », et que l’invisible sera vu. Quand tu le sais, l’a
3789
Pourquoi pas rien ? — si la pensée ne trouve pas
de
réponse, elle se rend au vide et s’annule. Ce qui peut la retenir au
3790
etenir au bord du rien, c’est l’intuition directe
de
l’amour. C’est à cause de l’amour qu’il y a quelque chose, que le vid
3791
à tout : au vide cosmique où danse tel brouillard
d’
électrons empruntés à droite et à gauche et qui tout d’un coup peut di
3792
ctrons empruntés à droite et à gauche et qui tout
d’
un coup peut dire moi, peut dire toi quand il voit le moi dans l’autre
3793
utre ; peut dire : je suis ; mais aussi à ce coin
de
sentier perdu dans la forêt d’avril, petit monde complexe et fortuit,
3794
is aussi à ce coin de sentier perdu dans la forêt
d’
avril, petit monde complexe et fortuit, terre et pierres, herbe humide
3795
i-je aimé ? Pourquoi pas rien ? Parce que ce coin
de
sentier m’a fait un signe et fut un signe à cet instant pour moi, exi
3796
ue tout signe ou sens manifeste l’amour ; et rien
d’
autre n’importe en vérité : rien d’autre au monde ne m’appelle. J’ai p
3797
mour ; et rien d’autre n’importe en vérité : rien
d’
autre au monde ne m’appelle. J’ai pu douter de l’être, et du devenir,
3798
ien d’autre au monde ne m’appelle. J’ai pu douter
de
l’être, et du devenir, et de toutes nos idées sur « Dieu », je n’ai j
3799
elle. J’ai pu douter de l’être, et du devenir, et
de
toutes nos idées sur « Dieu », je n’ai jamais douté de l’amour même.
3800
utes nos idées sur « Dieu », je n’ai jamais douté
de
l’amour même. J’ai pu douter jusqu’au vertige de presque toutes les v
3801
de l’amour même. J’ai pu douter jusqu’au vertige
de
presque toutes les vérités de la morale et de la culture occidentales
3802
er jusqu’au vertige de presque toutes les vérités
de
la morale et de la culture occidentales, — avant d’en retrouver quelq
3803
ige de presque toutes les vérités de la morale et
de
la culture occidentales, — avant d’en retrouver quelques-unes mieux c
3804
la morale et de la culture occidentales, — avant
d’
en retrouver quelques-unes mieux comprises, au retour d’un Orient de l
3805
etrouver quelques-unes mieux comprises, au retour
d’
un Orient de l’esprit. J’ai douté de la plupart des vérités successive
3806
lques-unes mieux comprises, au retour d’un Orient
de
l’esprit. J’ai douté de la plupart des vérités successivement démontr
3807
es, au retour d’un Orient de l’esprit. J’ai douté
de
la plupart des vérités successivement démontrées par nos sciences ; e
3808
ment démontrées par nos sciences ; et je ne cesse
de
douter de notre image du monde, du vide et des distances inconcevable
3809
trées par nos sciences ; et je ne cesse de douter
de
notre image du monde, du vide et des distances inconcevables calculée
3810
lculées à partir de nos formes. (Je pressens trop
de
raccourcis, et qu’on trouvera !) Mais je crois bien n’avoir jamais do
3811
ouvera !) Mais je crois bien n’avoir jamais douté
de
tout cela, qu’en vertu et au nom de l’Amour. Il est la grâce indubita
3812
l’Amour. Il est la grâce indubitable. Je n’ai pas
d’
autre foi certaine, d’autre espérance, et je ne vois pas de sens hors
3813
ce indubitable. Je n’ai pas d’autre foi certaine,
d’
autre espérance, et je ne vois pas de sens hors d’elle, ni d’autres ra
3814
oi certaine, d’autre espérance, et je ne vois pas
de
sens hors d’elle, ni d’autres raisons de douter, je veux dire : de ch
3815
d’autre espérance, et je ne vois pas de sens hors
d’
elle, ni d’autres raisons de douter, je veux dire : de chercher jusqu’
3816
vois pas de sens hors d’elle, ni d’autres raisons
de
douter, je veux dire : de chercher jusqu’au bout ce qu’un jour nous p
3817
le, ni d’autres raisons de douter, je veux dire :
de
chercher jusqu’au bout ce qu’un jour nous pourrons aimer de tout notr
3818
r jusqu’au bout ce qu’un jour nous pourrons aimer
de
tout notre être enfin réalisé, dans le Tout enfin contemplé. Quand l’
3819
l’Amour sera tout en tous, lors du renouvellement
de
toutes les choses. FIN 128. Les citations sont de saint Jean de la
3820
toutes les choses. FIN 128. Les citations sont
de
saint Jean de la Croix, Novalis, et Wagner (dans Tristan). 129. Paul
3821
aussi aimés… Il n’y a pas de plus grand amour que
de
donner sa vie pour ses amis… Je vous ai appelés amis parce que je vou
3822
je vous ai fait connaître tout ce que j’ai appris
de
mon Père. (Jean, XV, 9, 13, 15.) Celui qui garde mes commandements, c
3823
celui qui m’aime ; et celui qui m’aime sera aimé
de
mon Père, je l’aimerai et je me ferai connaître de lui. (Jean, XV, 15
3824
e mon Père, je l’aimerai et je me ferai connaître
de
lui. (Jean, XV, 15). Celui qui aime sa vie la perdra, et celui qui ha
3825
XII, 25). Jésus sachant son heure venue de passer
de
ce monde au Père, et ayant aimé les siens qui étaient dans le monde,
3826
les.) (Jean, XIII, 1). Enfin, ce passage capital
de
l’Épître de Jean I, 4, 7-21 : Bien-aimés, aimons-nous les uns les aut
3827
XIII, 1). Enfin, ce passage capital de l’Épître
de
Jean I, 4, 7-21 : Bien-aimés, aimons-nous les uns les autres ; car l’
3828
aimons-nous les uns les autres ; car l’amour est
de
Dieu, et quiconque aime est né de Dieu et connaît Dieu. Celui qui n’a
3829
car l’amour est de Dieu, et quiconque aime est né
de
Dieu et connaît Dieu. Celui qui n’aime pas n’a pas connu Dieu, car Di
3830
s lui répondit : Tu aimeras le Seigneur ton Dieu,
de
tout ton cœur, de toute ton âme, et de toute ta pensée. C’est le prem
3831
u aimeras le Seigneur ton Dieu, de tout ton cœur,
de
toute ton âme, et de toute ta pensée. C’est le premier et le plus gra
3832
ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, et
de
toute ta pensée. C’est le premier et le plus grand commandement. Et v
3833
mblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même.
De
ces deux commandements dépendent toute la Loi et les Prophètes (Matt.
3834
n ? (demande un autre docteur de la Loi). Réponse
de
Jésus : Celui qui a secouru le blessé trouvé au bord du chemin, celui
3835
ux qui vous maltraitent, afin que vous soyez fils
de
votre Père qui est dans les cieux (Matt., V, 43). L’amour du prochai
3836
ent étranger aux attachements naturels, aux liens
de
la chair : Si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense mér
3837
on fils ou sa fille plus que moi, n’est pas digne
de
moi (Matt., X, 37). Quelqu’un lui dit : Ta mère et tes frères sont de
3838
irent, pour l’éprouver : Est-il permis à un homme
de
répudier sa femme pour un motif quelconque ? Il répondit : N’avez-vou
3839
vez appris qu’il a été dit : Tu ne commettras pas
d’
adultère. Mais moi je vous dis que quiconque regarde une femme pour la
3840
devant Jésus une femme surprise en flagrant délit
d’
adultère. Faut-il la lapider ? Qu’en pense-il ? Mais Jésus, s’étant ba
3841
’interroger, il se releva et leur dit : Que celui
de
vous qui est sans péché jette, le premier, la pierre contre elle. Jé
3842
e celui qui répudie sa femme lui donne une lettre
de
divorce. Mais moi je vous dis que celui qui répudie sa femme, sauf po
3843
s que celui qui répudie sa femme, sauf pour cause
d’
infidélité, l’expose à devenir adultère, et que celui qui épouse une f
3844
les sadducéens. Jésus leur répondit : les enfants
de
ce siècle prennent des femmes et des maris, mais ceux qui seront trou
3845
et des maris, mais ceux qui seront trouvés dignes
d’
avoir part au siècle à venir et à la résurrection des morts ne prendro
3846
eront semblables aux anges, et qu’ils seront fils
de
Dieu, étant fils de la Résurrection (Luc, XX, 34-36). Ses disciples l
3847
anges, et qu’ils seront fils de Dieu, étant fils
de
la Résurrection (Luc, XX, 34-36). Ses disciples lui dirent : Si telle
3848
disciples lui dirent : Si telle est la condition
de
l’homme à l’égard de la femme (interdiction de divorcer, sauf pour ca
3849
on de l’homme à l’égard de la femme (interdiction
de
divorcer, sauf pour cause d’infidélité), il n’est pas avantageux de s
3850
femme (interdiction de divorcer, sauf pour cause
d’
infidélité), il n’est pas avantageux de se marier. Il leur répondit :
3851
pour cause d’infidélité), il n’est pas avantageux
de
se marier. Il leur répondit : Tous ne comprennent pas cette parole, m
3852
Car il y a des eunuques qui le sont dès le ventre
de
leur mère ; il y en a qui le sont devenus par les hommes ; et il y en
3853
dit le récit, vient voir Jésus qui est à la table
d’
un pharisien. Elle pleure, essuie les pieds de Jésus de ses cheveux, l
3854
ble d’un pharisien. Elle pleure, essuie les pieds
de
Jésus de ses cheveux, les baise et les oint de parfum. Le pharisien s
3855
pharisien. Elle pleure, essuie les pieds de Jésus
de
ses cheveux, les baise et les oint de parfum. Le pharisien se dit en
3856
ds de Jésus de ses cheveux, les baise et les oint
de
parfum. Le pharisien se dit en lui-même : Si cet homme était un proph
3857
: Si cet homme était un prophète, il connaîtrait
de
quelle espèce est la femme qui le touche et que c’est une pécheresse.
3858
e donc, dans le contexte : elle a montré beaucoup
d’
amour pour moi, parce qu’elle se sentait pardonnée et qu’elle a cru à
3859
, fatigué, s’arrête au bord d’un puits. Une femme
de
Samarie survient. S’engage un entretien, en termes paraboliques, sur
3860
termes paraboliques, sur l’eau du puits et l’eau
de
la vie éternelle. La Samaritaine comprend. Jésus lui dit : « — Tu as
3861
sentiel, et presque la totalité, des déclarations
de
l’Évangile sur l’amour. Je n’ai omis, je crois, que les développement
3862
r. Je n’ai omis, je crois, que les développements
de
Jean sur l’amour divin (aux chapitres 14, 15 et 17) et les répétition
3863
autres évangiles synoptiques, des passages cités
de
l’un des trois. Quelques observations : 1. Tous les textes cités, dan
3864
pparent où nous vivons. 2. Jésus n’a jamais parlé
de
sa naissance virginale. Pas une seule fois. Mais constamment, de sa f
3865
virginale. Pas une seule fois. Mais constamment,
de
sa filiation céleste, aussi promise à ceux qui aiment, « car quiconqu
3866
se à ceux qui aiment, « car quiconque aime est né
de
Dieu. » 3. Le passage sur les « eunuques… à cause du Royaume » ne ces
3867
les « eunuques… à cause du Royaume » ne cesserait
d’
être mystérieux que s’il était interprété en termes « charnels », comm
3868
omme le fit Origène. 4. Jésus donne quelques-unes
de
ses révélations les plus profondes à des « gens de mauvaise vie » (do
3869
e ses révélations les plus profondes à des « gens
de
mauvaise vie » (dont plusieurs femmes), que les doctes lui reprochent
3870
plusieurs femmes), que les doctes lui reprochent
de
fréquenter de préférence ; or ce sont les « hommes de mœurs impures »
3871
mes), que les doctes lui reprochent de fréquenter
de
préférence ; or ce sont les « hommes de mœurs impures » que saint Pau
3872
réquenter de préférence ; or ce sont les « hommes
de
mœurs impures » que saint Paul ordonne à ses disciples non seulement
3873
saint Paul ordonne à ses disciples non seulement
de
« ne pas fréquenter », mais de « livrer à Satan. » 5. Saint Paul écri
3874
ples non seulement de « ne pas fréquenter », mais
de
« livrer à Satan. » 5. Saint Paul écrit que « les impudiques n’entrer
3875
s « riches ». L’Occident n’a retenu que la phrase
de
saint Paul. 6. Le péché signifie de nos jours, pour le chrétien moyen
3876
que la phrase de saint Paul. 6. Le péché signifie
de
nos jours, pour le chrétien moyen (si l’on ose dire) essentiellement
3877
) essentiellement l’immoralité, non pas le manque
de
sens du spirituel ; et le premier exemple d’immoralité qui vienne à l
3878
nque de sens du spirituel ; et le premier exemple
d’
immoralité qui vienne à l’esprit du chrétien moyen, c’est la contraven
3879
rétien moyen, c’est la contravention aux « lois »
de
la vie sexuelle. On voit donc où le bât nous blesse, en Occident. 7.
3880
ccident. 7. En regard des déclarations constantes
de
Jésus sur l’amour spirituel, seul décisif, et de ses rares jugements
3881
de Jésus sur l’amour spirituel, seul décisif, et
de
ses rares jugements (autant de pardons, d’ailleurs) sur l’amour sexue
3882
, seul décisif, et de ses rares jugements (autant
de
pardons, d’ailleurs) sur l’amour sexuel « irrégulier », contrastant a
3883
ec sa sévérité envers les autres « attachements »
de
la chair, tels que les liens familiaux, voici dans l’Évangile une « o
3884
Annexe IIMisère et grandeur
de
saint Paul Du point de vue de la psychologie du xxe siècle, la mor
3885
isère et grandeur de saint Paul Du point de vue
de
la psychologie du xxe siècle, la morale sexuelle de saint Paul sembl
3886
la psychologie du xxe siècle, la morale sexuelle
de
saint Paul semble conditionnée par une névrose, sans doute liée à cet
3887
e profonde à l’égard de la femme, besoin constant
de
s’humilier (« moi, l’avorton ») mais aussitôt de justifier et d’exalt
3888
de s’humilier (« moi, l’avorton ») mais aussitôt
de
justifier et d’exalter son rôle (« j’ai donc sujet de me glorifier »)
3889
« moi, l’avorton ») mais aussitôt de justifier et
d’
exalter son rôle (« j’ai donc sujet de me glorifier ») : ces comportem
3890
ustifier et d’exalter son rôle (« j’ai donc sujet
de
me glorifier ») : ces comportements sont classiques en psychiatrie. L
3891
es raisons qu’il invoque contre la femme relèvent
d’
une logique consternante131, si elles ne comportent pas un sens ésotér
3892
ens ésotérique qui nous échappe. Une bonne moitié
de
ses épîtres consiste en imprécations contre les « impudiques » et con
3893
ton est le même dans les deux cas, l’assimilation
de
l’impudicité et de l’impudence spirituelle est évidente). Celui qui v
3894
s les deux cas, l’assimilation de l’impudicité et
de
l’impudence spirituelle est évidente). Celui qui vient de lire les év
3895
et qui aborde l’Épître aux Romains se sent tomber
de
la prière dans l’éloquence polémique, de l’exposé souverain de la vér
3896
t tomber de la prière dans l’éloquence polémique,
de
l’exposé souverain de la vérité en acte (et heureux seront ceux qui L
3897
dans l’éloquence polémique, de l’exposé souverain
de
la vérité en acte (et heureux seront ceux qui La croient) dans l’obju
3898
tandis que l’indignation morale et les règlements
de
comptes théologiques alternent leurs motifs, entrecoupés d’appels au
3899
théologiques alternent leurs motifs, entrecoupés
d’
appels au secours (« Qui me délivrera de ce corps de mort ? » ou de «
3900
trecoupés d’appels au secours (« Qui me délivrera
de
ce corps de mort ? » ou de « ce corps d’humiliation ») et de rares hy
3901
appels au secours (« Qui me délivrera de ce corps
de
mort ? » ou de « ce corps d’humiliation ») et de rares hymnes de vict
3902
rs (« Qui me délivrera de ce corps de mort ? » ou
de
« ce corps d’humiliation ») et de rares hymnes de victoire et d’actio
3903
élivrera de ce corps de mort ? » ou de « ce corps
d’
humiliation ») et de rares hymnes de victoire et d’action de grâces, b
3904
de mort ? » ou de « ce corps d’humiliation ») et
de
rares hymnes de victoire et d’action de grâces, brefs et sublimes dan
3905
de « ce corps d’humiliation ») et de rares hymnes
de
victoire et d’action de grâces, brefs et sublimes dans leur élan. Mai
3906
’humiliation ») et de rares hymnes de victoire et
d’
action de grâces, brefs et sublimes dans leur élan. Mais du point de v
3907
ion ») et de rares hymnes de victoire et d’action
de
grâces, brefs et sublimes dans leur élan. Mais du point de vue de l’h
3908
et sublimes dans leur élan. Mais du point de vue
de
l’histoire, tout change. C’est que Paul se battait pour fonder une Ég
3909
pour fonder une Église, pour imposer une doctrine
de
l’homme, et pour épurer sans relâche ses petits groupes de militants
3910
e, et pour épurer sans relâche ses petits groupes
de
militants locaux, convertis de la première heure, mal ressuyés de leu
3911
ses petits groupes de militants locaux, convertis
de
la première heure, mal ressuyés de leur éducation hellénistique ou ju
3912
aux, convertis de la première heure, mal ressuyés
de
leur éducation hellénistique ou judaïque, et tentés par la gnose nais
3913
et vulgaires, facilement entraînés « à tout vent
de
doctrine », et toujours prêts à retourner aux coutumes de leurs pères
3914
ine », et toujours prêts à retourner aux coutumes
de
leurs pères ou de leur tribu « comme le chien à son vomissement », le
3915
prêts à retourner aux coutumes de leurs pères ou
de
leur tribu « comme le chien à son vomissement », le puritanisme agres
3916
oxie ombrageuse sont des nécessités indiscutables
de
l’action révolutionnaire et missionnaire, sous tous les deux et de to
3917
utionnaire et missionnaire, sous tous les deux et
de
tous les temps. Juger saint Paul à la manière dont un critique littér
3918
e ou un psychanalyste jugeraient un grand penseur
de
notre époque, serait d’un naïf et ridicule anachronisme. Mais accepte
3919
geraient un grand penseur de notre époque, serait
d’
un naïf et ridicule anachronisme. Mais accepter « comme parole d’Évang
3920
dicule anachronisme. Mais accepter « comme parole
d’
Évangile » pour tous les temps, à tout jamais, sans nulle critique, de
3921
ment dictés par les circonstances, par la passion
d’
un chef réaliste, par une névrose peut-être assez commune et par une f
3922
pirituelle ? N’est-ce pas entretenir, sous le nom
de
religion, des règlements de mœurs « toujours bons pour la masse », et
3923
tretenir, sous le nom de religion, des règlements
de
mœurs « toujours bons pour la masse », et sans doute défendables, voi
3924
ends pas un instant proposer une nouvelle échelle
de
valeurs, subordonnant la Vérité aux contingences de l’histoire, voire
3925
valeurs, subordonnant la Vérité aux contingences
de
l’histoire, voire aux aléas de la culture. Je propose au contraire qu
3926
é aux contingences de l’histoire, voire aux aléas
de
la culture. Je propose au contraire que l’on cesse de confondre avec
3927
a culture. Je propose au contraire que l’on cesse
de
confondre avec la vérité de l’Esprit le puritanisme et la misogynie d
3928
traire que l’on cesse de confondre avec la vérité
de
l’Esprit le puritanisme et la misogynie de l’Apôtre, qui me paraissen
3929
vérité de l’Esprit le puritanisme et la misogynie
de
l’Apôtre, qui me paraissent dépendre en premier lieu de contingences
3930
pôtre, qui me paraissent dépendre en premier lieu
de
contingences tout historiques et personnelles. Je propose d’appliquer
3931
nces tout historiques et personnelles. Je propose
d’
appliquer à la morale paulinienne la critique qu’il recommandait lui-m
3932
ulinienne la critique qu’il recommandait lui-même
d’
appliquer aux morales ritualistes et magiques de son temps. Il nommait
3933
e d’appliquer aux morales ritualistes et magiques
de
son temps. Il nommait cela : « discerner les esprits ». Et il disait
3934
oit pas se couvrir la tête, puisqu’il est l’image
de
la gloire de Dieu, tandis que la femme est la gloire de l’homme. En e
3935
uvrir la tête, puisqu’il est l’image de la gloire
de
Dieu, tandis que la femme est la gloire de l’homme. En effet, l’homme
3936
gloire de Dieu, tandis que la femme est la gloire
de
l’homme. En effet, l’homme n’a pas été tiré de la femme, mais la femm
3937
re de l’homme. En effet, l’homme n’a pas été tiré
de
la femme, mais la femme de l’homme… C’est pourquoi la femme, à cause
3938
homme n’a pas été tiré de la femme, mais la femme
de
l’homme… C’est pourquoi la femme, à cause des anges, doit avoir sur l
3939
ause des anges, doit avoir sur la tête une marque
de
l’autorité dont elle dépend ». C’est une honte pour l’homme de porter
3940
dont elle dépend ». C’est une honte pour l’homme
de
porter de longs cheveux, mais une gloire pour la femme, « parce que l
3941
dépend ». C’est une honte pour l’homme de porter
de
longs cheveux, mais une gloire pour la femme, « parce que la chevelur
3942
Nature ! (v. 15). Comme s’il sentait la faiblesse
de
l’argument, surtout venant de la part d’un furieux contempteur de la
3943
urtout venant de la part d’un furieux contempteur
de
la Nature, Paul conclut : « Si quelqu’un se plaît à contester, nous n
3944
Annexe IIIPost-scriptum IUne querelle
de
famille Dans sa Jeunesse d’André Gide, Jean Delay cite une lettre
3945
IUne querelle de famille Dans sa Jeunesse
d’
André Gide, Jean Delay cite une lettre inédite qu’adressait le fameux
3946
on neveu André, le futur prix Nobel. André venait
d’
avouer à son oncle qu’il avait eu, à 25 ans et pour la première fois,
3947
les Gide écrit le 20 janvier 1895 : Tu as besoin
de
revenir aux vérités élémentaires de la morale que vos spéculations ph
3948
Tu as besoin de revenir aux vérités élémentaires
de
la morale que vos spéculations philosophiques et littéraires ont comp
3949
Les impudiques n’entreront point dans le Royaume
de
Dieu ». Voilà qui est simple et clair. J’entends bien que ton explica
3950
e était moral, presque religieux… mais ce sont là
de
misérables sophismes. En admettant qu’il ne t’ait pas laissé de souve
3951
sophismes. En admettant qu’il ne t’ait pas laissé
de
souvenir voluptueux, il t’aura laissé d’obscènes images : c’est l’un
3952
s laissé de souvenir voluptueux, il t’aura laissé
d’
obscènes images : c’est l’un ou l’autre. Avec ce raisonnement-là, d’ai
3953
en être recherchés et expérimentés dans un esprit
de
curiosité scientifique ou d’éducation morale… Dans tout pays, coucher
3954
entés dans un esprit de curiosité scientifique ou
d’
éducation morale… Dans tout pays, coucher avec une femme sans l’aimer
3955
avec une femme sans l’aimer est le dernier degré
de
l’avilissement qu’on puisse lui infliger… Mais en voilà assez. « What
3956
ot be undone », dit Lady Macbeth en parlant aussi
d’
une tache que rien ne pouvait effacer. Or, en couchant avec la jolie
3957
cer. Or, en couchant avec la jolie Mériem, fille
de
joie, Gide avait justement essayé de normaliser ses goûts sexuels. Et
3958
ériem, fille de joie, Gide avait justement essayé
de
normaliser ses goûts sexuels. Et l’on sait que l’arrivée à Biskra (un
3959
n peu trop tôt) et la malencontreuse intervention
de
sa mère mirent un terme à cette tentative. En jugeant André au nom de
3960
l’impudique » au nom de l’Évangile et du Royaume
de
Dieu, l’oncle le rejetait à l’incroyance. André Gide jugea la lettre
3961
jetait à l’incroyance. André Gide jugea la lettre
de
son oncle « admirable ». Elle le condamnait certes, mais avec quelle
3962
ú paternelle — qui jouait d’ailleurs dans le sens
d’
un complexe d’Œdipe jamais élucidé ou éliminé. On peut penser aussi qu
3963
qui jouait d’ailleurs dans le sens d’un complexe
d’
Œdipe jamais élucidé ou éliminé. On peut penser aussi que la sévérité
3964
ou éliminé. On peut penser aussi que la sévérité
de
l’oncle à l’occasion d’une aventure féminine ne pouvait pas déplaire
3965
ser aussi que la sévérité de l’oncle à l’occasion
d’
une aventure féminine ne pouvait pas déplaire à l’homosexuel que Gide
3966
lairs » : — « Heureux les pauvres, car le Royaume
de
Dieu est à eux » et : « Il est plus facile à un chameau de passer par
3967
st à eux » et : « Il est plus facile à un chameau
de
passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le Roya
3968
st plus facile à un chameau de passer par le trou
d’
une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le Royaume de Dieu. » Charles
3969
e passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche
d’
entrer dans le Royaume de Dieu. » Charles Gide était économiste. L’éco
3970
e aiguille qu’à un riche d’entrer dans le Royaume
de
Dieu. » Charles Gide était économiste. L’économie s’occupe de nos ric
3971
harles Gide était économiste. L’économie s’occupe
de
nos richesses, production et répartition. Admettons que « l’impudicit
3972
l’impudicité » selon l’Évangile ne concerne rien
d’
autre que les relations sexuelles (ce dont je doute fort). Or l’Évangi
3973
t je doute fort). Or l’Évangile, selon la version
de
l’oncle, dit que l’impudique n’entre pas au Royaume, mais il dit auss
3974
le riche ne peut pas y entrer. Celui qui s’occupe
d’
érotisme et celui qui s’occupe d’économie seraient donc sur le même pl
3975
lui qui s’occupe d’érotisme et celui qui s’occupe
d’
économie seraient donc sur le même plan, s’agissant du salut ? Sophism
3976
et deux mesures. D’une part la chose est claire,
de
l’autre il faut, nuancer. Je demande pourquoi. Je propose que dans le
3977
quoi. Je propose que dans les deux cas, on essaie
d’
évaluer, d’interpréter d’ordonner les moyens à la fin spirituelle. And
3978
opose que dans les deux cas, on essaie d’évaluer,
d’
interpréter d’ordonner les moyens à la fin spirituelle. André Gide, co
3979
les deux cas, on essaie d’évaluer, d’interpréter
d’
ordonner les moyens à la fin spirituelle. André Gide, connaissant les
3980
ageux, ni les ravisseurs, n’hériteront le Royaume
de
Dieu. » Les impudiques sont cités en premier, les voleurs viennent en
3981
t les riches sont omis. Cette hiérarchie n’a rien
d’
évangélique. II« Croissez et multipliez » Vu sous l’aspect physi
3982
us l’aspect physiologique, l’érotisme est l’usage
de
la sexualité pour d’autres fins que la procréation. Les Églises le co
3983
attendus — au nom du commandement donné aux Juifs
de
croître et de multiplier. C’est aussi l’argument que l’on opposa aux
3984
nom du commandement donné aux Juifs de croître et
de
multiplier. C’est aussi l’argument que l’on opposa aux cathares et au
3985
abstinence, à l’époque où le pape Grégoire venait
d’
imposer le célibat à tous les prêtres séculiers. Parce qu’il fut dit a
3986
rêtres séculiers. Parce qu’il fut dit aux Hébreux
d’
il y a trois millénaires : « Croissez et multipliez ! », nombre de bon
3987
illénaires : « Croissez et multipliez ! », nombre
de
bons chrétiens croient encore aujourd’hui que la limitation volontair
3988
, — chiffre qui ne prétend qu’à indiquer un ordre
de
grandeur, comparative. Près de 3 milliards d’hommes vivent aujourd’hu
3989
dre de grandeur, comparative. Près de 3 milliards
d’
hommes vivent aujourd’hui. Ils seront 6 milliards en l’an 2000. S’ils
3990
milliards en l’an 2000. S’ils devaient continuer
de
croître et de multiplier au rythme actuel (la population mondiale dou
3991
l’an 2000. S’ils devaient continuer de croître et
de
multiplier au rythme actuel (la population mondiale doublant tous les
3992
ois-cents ans. La surface habitable (aujourd’hui)
de
la Terre étant de 7 milliards d’hectares, il y aurait donc un homme t
3993
surface habitable (aujourd’hui) de la Terre étant
de
7 milliards d’hectares, il y aurait donc un homme tous les dix mètres
3994
le (aujourd’hui) de la Terre étant de 7 milliards
d’
hectares, il y aurait donc un homme tous les dix mètres vers l’an 2260
3995
0. Puis un homme par mètre carré vers 2400. Moins
de
cent ans plus tard, ils se touchent tous. Ces chiffres sont absurdes
3996
trent en effet que l’instinct parfaitement animal
de
croître et de multiplier, si la croyance aveugle au commandement bibl
3997
que l’instinct parfaitement animal de croître et
de
multiplier, si la croyance aveugle au commandement biblique interdisa
3998
u commandement biblique interdisait effectivement
de
le maîtriser, mènerait l’humanité d’une main ferme à sa perte, la mèn
3999
ffectivement de le maîtriser, mènerait l’humanité
d’
une main ferme à sa perte, la mènerait à l’enfer sur la Terre ; et que
4000
it à l’enfer sur la Terre ; et que le seul espoir
d’
y échapper sans crime ne pourrait être mis, par les « croyants » que j
4001
par des catastrophes naturelles ou des épidémies
d’
une ampleur inouïe. Ou bien, serait-ce Elle qui inciterait un général
4002
é institué : … pour amener l’homme à se contenter
d’
une seule femme, et pour nous donner des enfants : mais c’est la premi
4003
t dans les nombreux mariages qui ne peuvent avoir
d’
enfant. C’est pourquoi la première raison du mariage, c’est de régler
4004
est pourquoi la première raison du mariage, c’est
de
régler la concupiscence, maintenant surtout que le genre humain a rem
4005
ga : « Il faut convenir que l’exaltation effrénée
de
la sexualité, dans la société contemporaine est sans doute plus catas
4006
euve ou enquête, et nous laisse ignorer la nature
de
la catastrophe alléguée : serait-elle physique, morale, ou spirituell
4007
é que les préjugés antioccidentaux des sectateurs
d’
une discipline venue d’Orient et qui se répand de nos jours sur toute
4008
occidentaux des sectateurs d’une discipline venue
d’
Orient et qui se répand de nos jours sur toute la Terre. Mais un autre
4009
d’une discipline venue d’Orient et qui se répand
de
nos jours sur toute la Terre. Mais un autre passage du même livre nou
4010
me sexuel, pour les hommes, en raison de la perte
de
liqueur séminale, est un des principaux facteurs de diminution du cap
4011
liqueur séminale, est un des principaux facteurs
de
diminution du capital vital. Pour éviter cette déperdition, ils arrêt
4012
rdition, ils arrêtent l’éjaculation par un effort
de
volonté et la transforment en un épanchement intérieur qui ne les pri
4013
enues dans le sperme. » Ce procédé est bien connu
de
l’Inde : les upanishads et les écrits tantriques le désignent sous le
4014
et les écrits tantriques le désignent sous le nom
de
vajrolî mudrâ ou « geste de l’éclair » qui, selon le Shiva samhita «
4015
désignent sous le nom de vajrolî mudrâ ou « geste
de
l’éclair » qui, selon le Shiva samhita « détruit la Ténèbre du monde
4016
le secret des secrets ». Dans la seconde version
de
L’Amour et l’Occident (pages 100 à 108), je soutenais l’hypothèse qu’
4017
e qu’un pareil procédé fût aussi l’un des secrets
de
l’amour courtois. La forme tantrique ou courtoise de l’érotisme peut
4018
l’amour courtois. La forme tantrique ou courtoise
de
l’érotisme peut être interprétée de deux manières, soit qu’on la cons
4019
ou courtoise de l’érotisme peut être interprétée
de
deux manières, soit qu’on la considère comme résultant d’une crainte
4020
manières, soit qu’on la considère comme résultant
d’
une crainte magique, soit qu’on la considère comme visant à « élever »
4021
re comme visant à « élever » et « animer » le jeu
d’
amour, à des fins proprement érotiques, que certains tiennent même pou
4022
tains tiennent même pour spirituelles. 1. La peur
de
perdre sa vitalité en perdant le semen correspond chez nous — me dise
4023
nous — me disent les psychiatres — à un symptôme
de
névrose caractérisée. Cette peur est plus ouvertement avouée, voire c
4024
ent active en Orient qu’en Occident. Le sentiment
de
faute qui, pour un Oriental, peut s’attacher à l’acte sexuel, reste d
4025
Oriental, peut s’attacher à l’acte sexuel, reste
de
l’ordre naturel, pour ainsi dire physiologique, tandis que chez l’Occ
4026
dental il est masqué et relégué aux arrière-plans
de
la conscience par un sentiment de culpabilité d’ordre moral. Les reli
4027
x arrière-plans de la conscience par un sentiment
de
culpabilité d’ordre moral. Les religions hindouistes et surtout boudd
4028
de la conscience par un sentiment de culpabilité
d’
ordre moral. Les religions hindouistes et surtout bouddhistes, ayant p
4029
es et surtout bouddhistes, ayant pour fin suprême
d’
éteindre le Désir, cause d’attachements à l’éphémère, se gardent bien
4030
ayant pour fin suprême d’éteindre le Désir, cause
d’
attachements à l’éphémère, se gardent bien de brider la sexualité : le
4031
ause d’attachements à l’éphémère, se gardent bien
de
brider la sexualité : leur morale est à cet égard plus que laxiste :
4032
es à tort ou à raison des évangiles, mais surtout
de
saint Paul, entendent discipliner le désir naturel dans le seul cadre
4033
entionnées. Ceci dit, le vajrolî mudrâ ou le tour
de
force des yogis reversant dans leur corps le semen (s’ils n’ont pas p
4034
en ne revient pas en son lieu, mais dans le canal
de
l’urètre, d’où il sera bientôt éliminé. Le procédé physique comporte
4035
pas en son lieu, mais dans le canal de l’urètre,
d’
où il sera bientôt éliminé. Le procédé physique comporte donc une erre
4036
ntièrement différent, quand elle devient un moyen
de
l’érotisme, un moyen de maîtriser l’instinct pour l’ordonner à certai
4037
and elle devient un moyen de l’érotisme, un moyen
de
maîtriser l’instinct pour l’ordonner à certaines fins plus « idéales
4038
rions : pour le sublimer, soit en plaisir détaché
de
l’instinct, soit en amour, soit en adoration de l’Éternel féminin au
4039
é de l’instinct, soit en amour, soit en adoration
de
l’Éternel féminin au sens mystique. La maithuna tantrique (union sexu
4040
ue le tantrisme fait subir à l’amant ont pour but
de
le faire accéder à une maîtrise de soi telle que le jeu d’amour puiss
4041
t ont pour but de le faire accéder à une maîtrise
de
soi telle que le jeu d’amour puisse se prolonger très longtemps sans
4042
re accéder à une maîtrise de soi telle que le jeu
d’
amour puisse se prolonger très longtemps sans achèvement physique, et
4043
longtemps sans achèvement physique, et sans perte
de
semen ou bindu. À ceux qui peuvent y parvenir est promise « l’immorta
4044
uelle, vers le détachement du concret par l’effet
d’
un désir détaché de l’instinct et tourné vers l’essence divine. La cor
4045
chement du concret par l’effet d’un désir détaché
de
l’instinct et tourné vers l’essence divine. La cortezia des troubadou
4046
) ce que l’on a longtemps pris pour simple « joie
d’
amour », et qui était en fait « le jeu d’amour133 », un moyen de le pr
4047
e « joie d’amour », et qui était en fait « le jeu
d’
amour133 », un moyen de le prolonger « sans fin », sans « achèvement »
4048
qui était en fait « le jeu d’amour133 », un moyen
de
le prolonger « sans fin », sans « achèvement », et d’élever ainsi le
4049
e prolonger « sans fin », sans « achèvement », et
d’
élever ainsi le désir à la hauteur de l’amour animique et du culte ren
4050
vement », et d’élever ainsi le désir à la hauteur
de
l’amour animique et du culte rendu à la Dame (considérée non pas comm
4051
comme femme et comme personne, mais comme symbole
de
l’Anima) tout en échappant aux « conséquences », — lesquelles étaient
4052
res. C’est dans la cortezia que je vois l’origine
de
l’érotisme occidental, et des problèmes qu’il ne cesse de poser et de
4053
tisme occidental, et des problèmes qu’il ne cesse
de
poser et de reposer dans tous les ordres, à notre civilisation. D’où
4054
ntal, et des problèmes qu’il ne cesse de poser et
de
reposer dans tous les ordres, à notre civilisation. D’où la nécessité
4055
poser dans tous les ordres, à notre civilisation.
D’
où la nécessité de ce rappel technique, au terme d’un ouvrage dont le
4056
s ordres, à notre civilisation. D’où la nécessité
de
ce rappel technique, au terme d’un ouvrage dont le sujet n’était null
4057
’où la nécessité de ce rappel technique, au terme
d’
un ouvrage dont le sujet n’était nullement la sexualité, mais bien l’a
4058
la sexualité, mais bien l’amour. ⁂ Est-il besoin
de
préciser que cet ouvrage n’est pas un manuel de morale et n’entend pa
4059
n de préciser que cet ouvrage n’est pas un manuel
de
morale et n’entend pas donner de conseils à qui que ce soit ? (Et enc
4060
st pas un manuel de morale et n’entend pas donner
de
conseils à qui que ce soit ? (Et encore moins, de permissions ! Celui
4061
de conseils à qui que ce soit ? (Et encore moins,
de
permissions ! Celui qui en demande prouvant en général, et par là mêm
4062
me, qu’il n’y a pas encore droit). Le libre usage
d’
Éros peut être un bien pour les sages qui voudraient intégrer sa vertu
4063
indique l’esprit : mais ceux-là ne cherchent plus
de
recettes morales, sachant bien que leur personne est en jeu, et qu’il
4064
lle se révèle suffisante. Certes, l’éducation n’a
d’
autre fin dernière que de rendre l’individu apte à mieux assumer la li
4065
Certes, l’éducation n’a d’autre fin dernière que
de
rendre l’individu apte à mieux assumer la liberté de la personne resp
4066
rendre l’individu apte à mieux assumer la liberté
de
la personne responsable d’elle-même ; celle qui peut reconnaître le p
4067
eux assumer la liberté de la personne responsable
d’
elle-même ; celle qui peut reconnaître le prochain et donc l’aimer. Ma
4068
la personne on croit aussi à l’absolue nécessité
de
maîtriser l’individu, qui est son support inséparable, et qu’elle tra
4069
u’elle transformera plus tard à sa manière. Point
d’
aristocratie sans disciplines, ni de démocratie non plus : mais ce ne
4070
anière. Point d’aristocratie sans disciplines, ni
de
démocratie non plus : mais ce ne sont pas les mêmes disciplines. Car
4071
nes, et qu’il n’en est pas deux interchangeables.
D’
où la difficulté de concevoir une morale générale de l’amour, des règl
4072
est pas deux interchangeables. D’où la difficulté
de
concevoir une morale générale de l’amour, des règles générales imposé
4073
où la difficulté de concevoir une morale générale
de
l’amour, des règles générales imposées à l’amour — au nom de quoi, qu
4074
le social et l’éducation ; pour tout ce qu’il y a
de
social et de sexuel dans le mariage, les liaisons, etc. Non pour l’am
4075
l’éducation ; pour tout ce qu’il y a de social et
de
sexuel dans le mariage, les liaisons, etc. Non pour l’amour propremen
4076
ersonne est posée par l’amour, existe par un acte
de
l’amour, et que l’amour la fait unique. Toute morale qui n’est pas un
4077
badours (La Table ronde, janvier 1956) et La Joie
d’
amour et l’Occident (Les Cahiers du Sud, n° 348). L’auteur montre que
4078
nt la maîtrise « donne à l’individu une sensation
de
liberté. » M. Camproux estime, bien à tort selon moi, que cette inter
4079
n s’oppose « absolument » à celle que j’ai donnée
de
« l’Éros sans fin » et de l’amour réciproque malheureux. C’est qu’il
4080
à celle que j’ai donnée de « l’Éros sans fin » et
de
l’amour réciproque malheureux. C’est qu’il veut limiter la cortezia à
4081
C’est qu’il veut limiter la cortezia à une sorte
de
technique érotique, tandis que je montrais son horizon mystique ; et
4082
se et doive être modifiée. Mais d’abord il s’agit
de
mieux la voir, comme j’ai tenté de le faire dans ce livre.
4083
bord il s’agit de mieux la voir, comme j’ai tenté
de
le faire dans ce livre.