1
éfinissent ou la nient. Car toute idée de l’homme
est
une idée de l’amour. Cette succession pourra surprendre. Des transiti
2
coup entre les différents chapitres du recueil ne
seraient
qu’un faible artifice — et j’y renonce au profit d’une longue Introdu
3
t d’aller et retour du religieux à l’érotique qui
est
l’un des secrets décisifs de la psycho occidentale. Je ne vois guère
4
la dialectique de l’amour et de la personne, qui
sont
les deux réalités que ces grands hommes avaient été contraints par le
5
t les deux réalités que ces grands hommes avaient
été
contraints par leur système, à la fois efficace et fermé, d’éliminer
6
bien regarder, on verra que mes thèses primitives
sont
plutôt rectifiées que niées. Quelques oppositions ont perdu de leur t
7
non contradictoire avec la réalité de la personne
étant
précisément celui de l’Amour, parce qu’il se trouve que l’être même d
8
ent celui de l’Amour, parce qu’il se trouve que l’
être
même de l’Amour — son existence, sa puissance et son essence — recrée
9
préserve au sein de l’Unité, afin de l’aimer et d’
être
aimé par elle. Voilà toute la philosophie que je déduis de mes essais
10
s de mes essais en les relisant, bien qu’elle n’y
soit
traitée qu’en images et symboles. 1. Il s’agit de L’Amour et l’Occ
11
a personne dans le monde christianisé Éros, qui
était
un dieu pour les Anciens, est un problème pour les Modernes. Le dieu
12
anisé Éros, qui était un dieu pour les Anciens,
est
un problème pour les Modernes. Le dieu était ailé, charmant et second
13
ciens, est un problème pour les Modernes. Le dieu
était
ailé, charmant et secondaire ; le problème est sérieux, complexe et e
14
était ailé, charmant et secondaire ; le problème
est
sérieux, complexe et encombrant. Mais cela n’est vrai qu’en Occident,
15
est sérieux, complexe et encombrant. Mais cela n’
est
vrai qu’en Occident, car on n’observe rien de tel en Inde, en Chine o
16
t nous expliquer ce fait ? Et pourquoi l’érotisme
est
-il devenu synonyme de perversité non seulement dans le jargon des loi
17
rigines du christianisme. Le puritanisme chrétien
est
un peu plus ancien que les évangiles : il se déclare dès les épîtres
18
se déclare dès les épîtres de saint Paul. Et s’il
est
remarquable que les évangiles, rédigés peu après, n’en portent guère
19
digés peu après, n’en portent guère de traces, il
est
constant qu’on les a lus pendant des siècles à la lumière des polémiq
20
auliniennes dirigées contre les gnostiques. Or ce
sont
les gnostiques qui ont tenté les premiers de passer de l’Éros à l’Esp
21
écutés plus tard par le christianisme établi, ils
sont
les vrais ancêtres des traditions diffuses dans l’hérésie cathare et
22
bat vingt fois séculaire, mais dont les termes se
sont
dégradés à mesure qu’on perdait conscience des orientations spirituel
23
lement, que la morale religieuse et l’érotique en
sont
venues à ce statut de conflit permanent, de mépris réciproque, de rig
24
ue peu ou nullement touchées. I. Le christianisme
est
la religion de l’Amour. — Religion d’un Dieu que l’Ancien Testament d
25
n Dieu que l’Ancien Testament définissait comme l’
Être
originel, le Créateur du monde et le sauveur d’Israël, mais que le No
26
, et d’une manière radicalement nouvelle : « Dieu
est
Amour », répète saint Jean. Religion créée par un acte de l’amour : «
27
nné son Fils unique… » Religion dont toute la Loi
est
résumée par Jésus-Christ lui-même, dans un seul et unique commandemen
28
c’est l’Amour ». Et celui qui n’a pas l’Amour « n’
est
qu’une cymbale qui retentit », n’est rien, en vérité spirituelle. 2.
29
l’Amour « n’est qu’une cymbale qui retentit », n’
est
rien, en vérité spirituelle. 2. Parce qu’il est religion de l’Amour,
30
n’est rien, en vérité spirituelle. 2. Parce qu’il
est
religion de l’Amour, le christianisme implique et pose la réalité de
31
tions qu’il définit entre l’homme et « son » Dieu
sont
personnelles. Dieu est personnel. La Trinité est composée de trois Pe
32
e l’homme et « son » Dieu sont personnelles. Dieu
est
personnel. La Trinité est composée de trois Personnes. Le modèle de t
33
sont personnelles. Dieu est personnel. La Trinité
est
composée de trois Personnes. Le modèle de toute personne humaine est
34
is Personnes. Le modèle de toute personne humaine
est
donné par l’Incarnation du Christ fils de Dieu, en Jésus fils de Mari
35
ls de Dieu, en Jésus fils de Marie — Jésus-Christ
étant
à la fois « vrai Dieu et vrai homme » selon le Credo. D’où suit imméd
36
par ce qui la distingue. Car pour aimer, il faut
être
distinct de l’objet même de l’amour, auquel on voudrait être uni. Et
37
ct de l’objet même de l’amour, auquel on voudrait
être
uni. Et pour que l’homme puisse aimer Dieu et tout d’abord en être ai
38
que l’homme puisse aimer Dieu et tout d’abord en
être
aimé, il faut que Dieu soit personnel et qu’il soit « tout autre » qu
39
eu et tout d’abord en être aimé, il faut que Dieu
soit
personnel et qu’il soit « tout autre » que l’homme. Et enfin pour que
40
re aimé, il faut que Dieu soit personnel et qu’il
soit
« tout autre » que l’homme. Et enfin pour que l’homme puisse s’aimer
41
éé par l’appel qu’il reçoit de l’Amour. Cet appel
est
sa vocation, la vie nouvelle de sa personne. Cette vie demeure en par
42
ersonne. Cette vie demeure en partie mystérieuse,
étant
« cachée avec le Christ en Dieu », mais elle se manifeste par des act
43
xuel. Notre mystique, science de l’amour divin, s’
est
développée très tardivement, dans des formes et selon des voies presq
44
x yeux de l’orthodoxie5. Notre éthique sexuelle s’
est
très longtemps réduite à quelques interdits élémentaires et que l’on
45
u sacrée comme dans les autres religions. Il n’en
est
que plus frappant d’observer à quel point les motivations spirituelle
46
Tantôt, et plus souvent, il réduit le mariage à n’
être
plus qu’une concession à la nature, une discipline contre l’incontine
47
scipline contre l’incontinence : « Je pense qu’il
est
bon pour l’homme de ne point toucher de femme. Toutefois, pour éviter
48
raient seuls à la vie spirituelle : « Celui qui n’
est
pas marié s’inquiète du Seigneur, des moyens de plaire au Seigneur, e
49
r, des moyens de plaire au Seigneur, et celui qui
est
marié s’inquiète des choses du monde, des moyens de plaire à sa femme
50
riage le plus strict et consacré, — tout le reste
étant
laissé en friche et très sommairement condamné sous les noms de luxur
51
l’extrême. Ceci ne pouvait se produire — et ne s’
est
pas produit — en dehors de la sphère d’influence du christianisme. C’
52
de la loi, lui fit cette question : Maître, quel
est
le plus grand commandement de la loi ? Jésus lui répondit : Tu aimera
53
s grand commandement. Et voici le second, qui lui
est
semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. De ces deux comma
54
lia naturelle ou parentale (physikè) unissant les
êtres
de même sang ; la philia entre les hôtes (xénikè), qui nous rappelle
55
mania, la passion déchaînée. Cette énumération n’
est
d’ailleurs pas exhaustive. Le mot Agapè, assez rare dans les textes p
56
Le mot Agapè, assez rare dans les textes païens,
était
promis à un grand avenir, parce que les premiers chrétiens et les Pèr
57
à toutes les langues de l’Asie sans exception. Il
est
caractéristique de l’Europe chrétienne et de l’Occident tout entier q
58
toutes les formes humaines de l’attrait aient pu
être
comprises sous un vocable unique, désignant non quelque substance com
59
ubstance commune, mais un mouvement créateur de l’
être
, qui se manifeste en elles toutes. Il est inévitable que certains cri
60
r de l’être, qui se manifeste en elles toutes. Il
est
inévitable que certains critiques me reprochent de « confondre » dans
61
hros ; mais cette apparente erreur de vocabulaire
est
le fait de toute notre culture occidentale. 5. La grande mystique c
62
tienne, bien qu’annoncée par saint Augustin, ne s’
est
vraiment constituée et développée que du xiie au xvie siècle, c’est
63
uligne cet élément négatif, puisqu’il ne peut ici
être
question d’une filiation divine de Marie, d’une autre Incarnation que
64
’une autre Incarnation que celle du Christ, ou ce
serait
entrer dans la Gnose. 7. Voir l’Annexe I. 8. Toute religion différ
65
oute religion différente de l’orthodoxie judaïque
est
qualifiée de prostitution par les Prophètes autant que par les Prêtre
66
fait religieux. Kierkegaard, Baudelaire et Wagner
furent
les premiers à affronter de tout leur être les conséquences de cette
67
gner furent les premiers à affronter de tout leur
être
les conséquences de cette révolution. Par l’analyse philosophique, la
68
s’il entre en conflit avec le devoir moral. Il n’
est
pas un problème en soi. On peut tuer par jalousie, ou parce qu’on est
69
en soi. On peut tuer par jalousie, ou parce qu’on
est
lésé dans son orgueil (social), mais on ne peut pas mourir d’amour (l
70
e peut pas mourir d’amour (la métaphore elle-même
est
ridiculisée). La morale officielle, indiscutée, a statué que la raiso
71
quiète pas du sexe (l’expression « vie sexuelle »
est
encore impensable). Les instincts sont classés, les passions définies
72
sexuelle » est encore impensable). Les instincts
sont
classés, les passions définies, et la religion codifiée. Instincts et
73
antithèse radicale de cette époque classique nous
est
donnée par les penseurs-poètes de la génération post-romantique. Car
74
la question que leur œuvre entreprend de résoudre
est
celle-là même que les classiques éliminaient : comment intégrer l’amo
75
ntermédiaire entre le corps animal et l’esprit. N’
est
-ce pas l’âme, au sens des gnostiques ? C’est en tout cas le milieu où
76
? C’est en tout cas le milieu où l’érotisme, qui
est
dépassement lyrique ou réflexif du sexuel biologique, va pouvoir déve
77
gage mystique, procèdent de l’imagination. Ils ne
sont
, de toute évidence, pas plus « physiques » que spirituels, bien qu’il
78
as plus « physiques » que spirituels, bien qu’ils
tiennent
à ces deux domaines, et peut-être surtout au second. Ils ne sont pas
79
domaines, et peut-être surtout au second. Ils ne
sont
pas du monde des corps, qui est substantif, ni du monde de l’esprit,
80
u second. Ils ne sont pas du monde des corps, qui
est
substantif, ni du monde de l’esprit, qui est celui du verbe, mais du
81
qui est substantif, ni du monde de l’esprit, qui
est
celui du verbe, mais du monde animé de l’adjectif qui est qualificati
82
i du verbe, mais du monde animé de l’adjectif qui
est
qualification de la substance par l’émotion. Kierkegaard, dans l’Alte
83
omme « une synthèse psycho-sensible ». L’érotisme
est
donc tout autre chose qu’un euphémisme désignant les aspects sexuels
84
ans la sphère animique. Or, le langage de l’âme n’
est
autre que le Mythe. Il est donc naturel que Kierkegaard, pour décrire
85
le langage de l’âme n’est autre que le Mythe. Il
est
donc naturel que Kierkegaard, pour décrire la catégorie du sensuel pu
86
s 1843. On le trouvait déjà chez Fourier, mais il
est
aussi neuf, à cette époque, qu’énergie nucléaire vers 1939. 10. « Hy
87
s dans divers ordres D’où viennent les mythes ?
Sont
-ils nos inventions, ou nous les leurs ? Gouvernent-ils nos actes et n
88
alifier, voire tenter de les rendre exemplaires ?
Est
-ce encore un problème de la poule et de l’œuf — qui a commencé ? Ce s
89
ème de la poule et de l’œuf — qui a commencé ? Ce
serait
cela si les mythes n’étaient que poésie, c’est-à-dire invention de ré
90
— qui a commencé ? Ce serait cela si les mythes n’
étaient
que poésie, c’est-à-dire invention de réalités qui n’existent vraimen
91
la plupart des mythes agissant dans nos vies ont
été
exprimés avant nous, s’il est sûr que plusieurs de ceux qui nous domi
92
t dans nos vies ont été exprimés avant nous, s’il
est
sûr que plusieurs de ceux qui nous dominent ne seront exprimés que de
93
st sûr que plusieurs de ceux qui nous dominent ne
seront
exprimés que demain. Une longue durée, cependant, n’est pas l’éternit
94
primés que demain. Une longue durée, cependant, n’
est
pas l’éternité. Le même problème se pose d’ailleurs au sujet des comp
95
chétypes dont parlent Freud, Adler et Jung. Ce ne
sont
pas des Idées platoniciennes éternellement préexistantes à l’homme, d
96
s cosmiques, ni des catégories de l’Esprit ; mais
sont
-ils aussi vieux que l’homme et que les circuits de son cerveau, ou bi
97
homme et que les circuits de son cerveau, ou bien
sont
-ils seulement des produits évolués de la civilisation néolithique, di
98
eurs émergences dans la littérature mondiale nous
sont
connues, et c’est à partir d’elles qu’ils ont vraiment agi et dévelop
99
t révélateurs. Tristan, Faust, Hamlet et Don Juan
sont
bel et bien les créations imaginaires d’un Béroul, d’un Marlowe, d’un
100
aît essentielle : les complexes et les archétypes
sont
définis comme des structures de l’inconscient, tandis que les mythes
101
ent de l’âme. Or si le conscient et l’inconscient
sont
des notions constamment relatives au degré d’éveil et de lucidité de
102
l n’en va pas de même des trois constituants de l’
être
humain, le corps, l’âme et l’esprit. Si la pensée (qui est doute et c
103
n, le corps, l’âme et l’esprit. Si la pensée (qui
est
doute et certitude) fournit la preuve de l’esprit, et la sensation ce
104
t la sensation celle du corps, la preuve de l’âme
est
l’émotion. Les mythes, phénomènes animiques, décrivent des réalités d
105
ui les voile en même temps qu’il les révèle, cela
tient
beaucoup moins à quelque répression d’ordre social, moral ou religieu
106
la nature même de l’âme, dont le symbole lyrique
est
le langage normal11. Une chose demeure bien certaine : les mythes qu’
107
tivement récents dans leur expression culturelle,
sont
très largement antérieurs à nos problèmes individuels. Ils sont là de
108
ement antérieurs à nos problèmes individuels. Ils
sont
là depuis plusieurs siècles, ils nous attendent, préformant les mouve
109
tures virtuelles12. Méditer sur les Noms qui leur
furent
attribués (et qui, à l’instar des noms des dieux antiques, évoquent c
110
d’acteurs de l’histoire dont les biographies nous
sont
assez connues. (La biographie d’un être original, fortement personnal
111
hies nous sont assez connues. (La biographie d’un
être
original, fortement personnalisé, étant souvent sa création la plus t
112
aphie d’un être original, fortement personnalisé,
étant
souvent sa création la plus totale et continue.) Certains mythes, c’e
113
es, c’est par eux ou contre eux que la personne s’
est
affirmée et reconnue, tout en contribuant à les mieux révéler. Car le
114
imant du même coup l’individu. Mais ce triomphe n’
est
pas fatal si l’esprit relève le défi et, malgré l’emprise du mythe qu
115
lyrique, poursuit l’histoire de la personne, qui
sera
celle de sa liberté. Si nous voulons savoir et voir comment agissent
116
ner. La première, c’est que les mythes de l’amour
sont
liés à l’expérience individuelle la plus banale et la plus largement
117
épandue dans notre monde occidental : qui n’a pas
été
amoureux ou malheureux de l’être pas, ou tout au moins curieux de sav
118
tal : qui n’a pas été amoureux ou malheureux de l’
être
pas, ou tout au moins curieux de savoir s’il l’était ? Le premier ven
119
re pas, ou tout au moins curieux de savoir s’il l’
était
? Le premier venu n’est pas tenté de se reconnaître dans Faust ou Pro
120
urieux de savoir s’il l’était ? Le premier venu n’
est
pas tenté de se reconnaître dans Faust ou Prométhée, Hamlet ou Don Qu
121
alheur d’amour, ou la fidélité. La seconde raison
tient
au fait que l’amour est lié plus que toute autre conduite, impulsion,
122
lité. La seconde raison tient au fait que l’amour
est
lié plus que toute autre conduite, impulsion, sentiment ou ambition,
123
, de métaphores, et de symboles convenus. L’amour
est
à la fois le meilleur conducteur et le meilleur excitant de l’express
124
uelle de Kierkegaard, dont le « paradoxe absolu »
est
de « vouloir sa propre perte » ; mais aussi, comme en filigrane, dans
125
nais — en voyant « Tristan » dans ce siècle. S’il
est
vrai que les mythes nous en apprennent bien autant sur l’Europe que l
126
ar leur valeur figurante. Nul Européen n’a jamais
été
Tristan, ni Don Juan, — et pas plus dans le passé qu’aujourd’hui ; ma
127
jourd’hui ; mais sans ces mythes les Européens ne
seraient
pas ce qu’ils sont, n’aimeraient pas comme ils aiment, et leurs passi
128
es mythes les Européens ne seraient pas ce qu’ils
sont
, n’aimeraient pas comme ils aiment, et leurs passions seraient incomp
129
imeraient pas comme ils aiment, et leurs passions
seraient
incompréhensibles : car elles naissent de leurs rêves et non de leurs
130
blèmes fixés, comparables aux lames du Tarot, qui
sont
des mythes figés, extraits de leur durée. Mais ce n’est pas une raiso
131
s mythes figés, extraits de leur durée. Mais ce n’
est
pas une raison suffisante pour réduire l’âme à l’inconscient. La musi
132
te pour réduire l’âme à l’inconscient. La musique
est
de l’âme, par exemple, et elle n’existe pas avant son expression ; el
133
t elle n’existe pas avant son expression ; elle n’
est
pas en réserve dans l’inconscient. 12. Les mythes ne joueraient-ils
134
e nous croyons décider librement — on admet qu’il
serait
superflu de le démontrer une fois de plus. Que cette action soit prop
135
e le démontrer une fois de plus. Que cette action
soit
propagée par la culture, par les œuvres lyriques ou romanesques qui n
136
is, relèvent du générique, tandis que la personne
est
unique ou n’est pas. Ils nous conduisent au type, tandis que la perso
137
générique, tandis que la personne est unique ou n’
est
pas. Ils nous conduisent au type, tandis que la personne est le chemi
138
s nous conduisent au type, tandis que la personne
est
le chemin vers un moi-même sans précédent, seul capable d’un amour ne
139
préexistantes, commune à tous — et dont certes il
est
sage de tenir compte — mais par un but qui n’est qu’à elle, en avant
140
est sage de tenir compte — mais par un but qui n’
est
qu’à elle, en avant d’elle, un but qu’elle réalise en l’approchant, t
141
dans son jeu propre les formes d’énergie dont ils
sont
conducteurs. Cette conversion de l’énergie d’Éros se révélera peut-êt
142
s stupéfiant par sa soudaineté et son ampleur. Il
est
daté du premier tiers du xxe siècle, et même si on lui trouvait des
143
en d’autres temps, ses moyens d’expression, eux,
sont
sans précédent. La culture commercialisée, qui est son véhicule princ
144
nt sans précédent. La culture commercialisée, qui
est
son véhicule principal, le rend sans doute irréversible, et les cultu
145
talitaires (ou dirigées), normalement puritaines,
seront
bientôt débordées. Au surplus, l’accroissement quantitatif et plus en
146
es pratiques de l’érotisme. Déplorer le phénomène
est
donc vain. Il s’agit de comprendre ses causes, et surtout ce dont il
147
t de comprendre ses causes, et surtout ce dont il
est
signe. Et d’abord, il s’agit de lui donner son vrai nom. C’est l’érot
148
availle les sociétés occidentales, de l’ouest à l’
est
, et non pas la sexualité proprement dite, instinctive et procréatrice
149
tive et procréatrice. Et les moyens de l’érotisme
sont
la littérature, les « salles obscures », les arts plastiques (dont la
150
x prises et peut entrer en polémique intime. Ce n’
est
pas l’immoralité plus ou moins grande de ce siècle qui la concerne, m
151
voir) qui justifient cette immoralité ; enfin, ce
sont
certaines notions de l’homme, qu’une élite inconnue de la foule élabo
152
sens réel du phénomène que j’ai rappelé, et qui n’
est
guère en soi que l’écume d’une vague profonde, surgie de l’âme collec
153
a vigueur, et dont elle n’a guère pu souffrir. Il
est
vrai qu’une révolution n’éclate jamais qu’après la mort des vrais tyr
154
leurs héritiers débiles et qui assurent que ce n’
est
pas leur faute… Mais de quoi la morale victorienne est-elle morte ? S
155
as leur faute… Mais de quoi la morale victorienne
est
-elle morte ? Sans doute, et tout d’abord, d’avoir eu peur de l’instin
156
itaire et laborieuse, dont la plus haute valeur n’
est
pas l’union mystique mais la sobriété spirituelle, elle a voulu ferme
157
age des disciplines éducatives élémentaires. Ce n’
est
plus la licence qui est l’ennemi, mais le refoulement, générateur de
158
atives élémentaires. Ce n’est plus la licence qui
est
l’ennemi, mais le refoulement, générateur de complexes et de névroses
159
passe quand les censures officielles périclitent.
Est
-il vrai, comme on nous le répète, que « la sensualité envahit tout »
160
à leur propos ou de les montrer sur l’écran. Ce n’
est
donc pas le sexe, mais l’érotisme, ni la sensualité, mais son aveu pu
161
ise de conscience trop longtemps différée. Mozart
est
le plus grand interprète de Don Juan, mais ce n’est pas lui qui a « d
162
t le plus grand interprète de Don Juan, mais ce n’
est
pas lui qui a « déchaîné » Casanova : il lui a seulement fait entrevo
163
s que l’on dit « obsédés par l’érotisme », loin d’
être
les fauteurs du phénomène dont j’ai rappelé plus haut les signes évid
164
s ce qu’ils cachent ainsi (volontairement ou non)
est
peut-être plus scandaleux que ce qu’ils montrent sans pudeur, — j’ent
165
’Éternel féminin les entraîne, vers un Ciel qui n’
est
pas ce qu’un chrétien moyen pense, mais le lieu des vrais spirituels…
166
e, mais le lieu des vrais spirituels… Quelles que
soient
en fin de compte leurs intentions, vaticinées, avouées ou déguisées,
167
ns, vaticinées, avouées ou déguisées, quelles que
soient
leurs « résistances à l’analyse » ou leurs complaisances banales à ce
168
nt valable et nécessaire, cependant que la vérité
est
sûrement au-delà d’eux tous, soit dans la résultante de leurs tension
169
nt que la vérité est sûrement au-delà d’eux tous,
soit
dans la résultante de leurs tensions, comme j’incline à le croire en
170
omme j’incline à le croire en tant qu’Occidental,
soit
dans cette vision purifiée dont nous parlent les Orientaux, et qui ra
171
s distinction. Les essais réunis dans ce livre ne
sont
pas des mises en jugement de tel penseur particulier ou de telle atti
172
. 13. La grande musique, de Mozart à nos jours,
est
érotique ; elle annonce les très rares révolutions et surtout les mod
173
s révolutions et surtout les modes de l’amour. Il
est
d’autant plus remarquable qu’à partir du milieu du xxe siècle, la mu
174
d’ingénieurs philosophes. La peinture abstraite n’
est
pas moins puritaine, en apparence, mais on voit mieux comment elle pr
175
décrit une introversion systématique. La musique
était
chose de l’âme. Mais si elle devient la chose de spécialistes acharné
176
nier l’âme, — cette luxure nous disent-ils —, on
est
en devoir de leur demander ce qu’ils visent : pas un seul ne l’a dit
177
nce de l’Éros, avant de nous poser ces problèmes,
est
d’abord un grand fait psychique ; ou tout au moins elle le signale et
178
d’aujourd’hui ; mais le phénomène qui nous occupe
est
antérieur. Je n’ignore pas non plus le fait technique. Je pense que l
179
sur l’océan et dans le corps des femmes ? Mais qu’
est
-ce que l’âme ? Je ne prends pas le mot dans le sens noble et vague, e
180
ifeste par des moyens physiques une réalité qui n’
est
ni matérielle ni proprement spirituelle, qui n’est pas celle du corps
181
st ni matérielle ni proprement spirituelle, qui n’
est
pas celle du corps ni celle de l’intellect, mais plutôt celle du « cœ
182
u « cœur », comme on dit, — celle de l’âme. L’âme
est
le domaine des impulsions qui outrepassent les exigences de l’instinc
183
stinct et se heurtent aux décrets du social. Elle
est
aussi le domaine de ces passions qui déjouent les « programmes » de v
184
ux que l’esprit et le corps, les forces animiques
sont
en pleine offensive au xxe siècle. Leurs premières manifestations so
185
ve au xxe siècle. Leurs premières manifestations
sont
naturellement anarchiques, névrotiques ou pathologiques : la nappe pr
186
ultueuse. Si les digues ont sauté, c’est qu’elles
étaient
trop faibles, pour une poussée nouvelle soudain trop forte. Il s’agit
187
ation en irrigation vivifiante. C’est l’amour qui
est
remis en question — tout l’amour : sexuel ou passionnel, normal ou ab
188
ou aberrant, matrimonial ou spirituel. « L’amour
est
à réinventer », disait Rimbaud. Cette espèce-là de révolution psychiq
189
élites cultivées, — les jongleurs et prédicateurs
étant
les seuls « moyens de diffusion » permettant de toucher les peuples.
190
ution de l’Amour, si soudaine dans son explosion,
fut
lente à propager ses effets bouleversants dans les mœurs de la masse
191
e et spirituelle devait prendre des siècles, et n’
est
pas terminé. Car la révolution que nous sommes en train de vivre reno
192
et n’est pas terminé. Car la révolution que nous
sommes
en train de vivre renouvelle en partie celle du xiie siècle, submerg
193
et protégée, et où toute pulsation enregistrable
est
instantanément propagée. L’imprimé bon marché, le film et la radio ne
194
aire, la passion la plus insolite, exaltées comme
étant
la vraie pureté ; le sadisme et le masochisme, l’homosexualité et l’i
195
s l’amour ? Il voit d’abord ce qui le choque, qui
est
aussi ce qui le tente. Devant « l’indiscipline des mœurs » et la « po
196
cipline des mœurs » et la « pornographie » qui en
serait
la cause, il se sent indigné et inquiet. S’il est sérieux, s’il voit
197
ait la cause, il se sent indigné et inquiet. S’il
est
sérieux, s’il voit plus loin, cela peut aller jusqu’à l’angoisse. Or
198
squ’à l’angoisse. Or ces dispositions se trouvent
être
les mêmes que celles des auteurs érotiques, quoique ces derniers aien
199
quoique ces derniers aient des motifs inverses d’
être
indignés, inquiets ou angoissés. Les deux camps se rendent bien leur
200
ent bien leur mépris, et chacun refuse de tolérer
fût
-ce un instant, par simple hypothèse de dialogue, les bonnes raisons q
201
ssaie, avant de l’évaluer, de mieux voir ce qu’il
est
, d’où il vient, où il va. J’entends bien que la littérature contempor
202
rature contemporaine méprise les puritains et les
tient
pour des fous, à la fois ridicules et dangereux. Mais je n’oublie pas
203
qu’un Mao, ont tenté d’imposer par décrets ? Elle
serait
strictement adaptée à la production matérielle, à la procréation soci
204
n’en tolère. Or ces réalités, quoi qu’on en juge,
sont
au moins aussi quotidiennes et obsédantes que les réalités économique
205
tout d’abord la recherche et la réflexion ? Je me
suis
proposé deux méthodes d’analyse, dont on trouvera dans cet ouvrage qu
206
ment la procréation, par laquelle un ange de plus
est
enfermé dans un corps vil ; — l’érotisme, véritable invention du xiie
207
xactement inverse de celle de Freud, mais qui lui
est
par là même comparable. 2° Apprendre à lire en filigrane le jeu des m
208
re vie émotive, la mythologie mène son jeu, — qui
est
jeu de l’âme. Grandes formes simples et ordonnatrices, symboles actif
209
tre leur langage et les tours et détours dont ils
sont
coutumiers peut nous permettre de trouver le fil rouge des trames où
210
mettre de trouver le fil rouge des trames où nous
sommes
engagés, et de nous orienter dans la forêt obscure de nos phantasmes,
211
rai Désir. Je propose une mythanalyse, qui puisse
être
appliquée non seulement aux personnes, mais aux personnages de l’art,
212
de vie ; l’objectif immédiat d’une telle méthode
étant
d’élucider les motifs de nos choix et leurs implications trop souvent
213
un pari : faut-il croire que la liberté ne puisse
être
conquise que par le détachement de nos liens avec la chair, avec le m
214
t suprême, qui suscite en nous la personne ? Nous
sommes
au monde comme n’étant pas du monde, mais plutôt comme étant destinés
215
n nous la personne ? Nous sommes au monde comme n’
étant
pas du monde, mais plutôt comme étant destinés à le transformer sans
216
nde comme n’étant pas du monde, mais plutôt comme
étant
destinés à le transformer sans relâche (d’où la technique) pour d’aut
217
ps nous réalisent. J’en déduis que notre vocation
est
bel et bien d’aller ailleurs, mais avec tout ce que nous sommes ; et
218
bien d’aller ailleurs, mais avec tout ce que nous
sommes
; et qu’elle est moins d’ascèse que de transmutation ; et qu’elle n’e
219
s, mais avec tout ce que nous sommes ; et qu’elle
est
moins d’ascèse que de transmutation ; et qu’elle n’est pas de fuite m
220
oins d’ascèse que de transmutation ; et qu’elle n’
est
pas de fuite mais de prise de conscience, de prise de possession de n
221
us-mêmes et des choses, au nom d’un sens qui nous
soit
propre et singulier, et par lequel nous atteindrons l’universel. Nier
222
drons l’universel. Nier les mythes et leur empire
serait
néfaste. Tenter de leur échapper en les taxant d’erreur — théologique
223
es taxant d’erreur — théologique ou rationnelle —
est
une entreprise illusoire. Il s’agit de comprendre et sentir leurs pou
224
et vers quoi leur logique nous conduit, peut-être
serons
-nous un peu mieux en mesure de courir notre risque personnel, d’assum
225
notre amour et d’aller vers nous-mêmes. Peut-être
serons
-nous un peu plus libres.
226
Nouvelles métamorphoses de Tristan La passion
est
cette forme de l’amour qui refuse l’immédiat, fuit le prochain, veut
227
i j’entends non point les meilleures œuvres qu’on
est
convenu de ranger dans ce genre littéraire, mais, indépendamment de l
228
passion naît de la distance, ou l’inverse. Ce qui
est
certain, c’est que le roman occidental n’a jamais décrit, jusqu’ici,
229
lateur produit par Marx et Freud), la passion qui
est
toujours antisociale reçoit cependant de la société même — et d’elle
230
evable ou déclarée en fait, dans un monde où tout
est
permis. Car la passion suppose toujours, entre le sujet et l’objet, u
231
roi Marc qui sépare Tristan d’Iseut — l’obstacle
étant
généralement social (moral ou coutumier, voire politique) à tel point
232
la limite avec la Société elle-même, encore qu’il
soit
le plus souvent symbolisé par une dramatis persona, pour les besoins
233
nnable, enfin l’amour-passion et le mariage. N’en
sommes
-nous pas au point de notre évolution où, tout étant réduit, « ramené
234
mes-nous pas au point de notre évolution où, tout
étant
réduit, « ramené à » comme on dit, profané, décapé des illusions reli
235
à la santé et à la productivité ? (Tout le reste
étant
, d’ailleurs, de mieux en mieux prescrit.) J’entrevoyais, il y a vingt
236
rait plus de place à l’amour passionné, tel qu’il
fut
inventé au xiie siècle par les troubadours du Languedoc et romancé p
237
un demi-siècle. D’autres tabous subsistent, ou se
sont
reformés, sur lesquels la passion se jette pour y trouver de nouveaux
238
œuvres où transparaît l’archétype de Tristan nous
sont
données vers ce milieu du siècle par l’Europe, l’Amérique et la Russi
239
ne d’elles on a pu dire, non sans raison, qu’elle
était
« en réalité » une description sociale, morale ou politique de l’Autr
240
s suites en URSS. Mais chacune d’elles aussi a pu
être
décrite comme le dernier roman d’amour-passion de la littérature occi
241
cidentale. Le Docteur Jivago de Boris Pasternak n’
est
pas un acte politique, selon Camus, mais au contraire « un grand livr
242
rises d’elle-même et de son frère : « Nous aurons
été
les derniers romantiques de l’amour… Au fond, c’est la dernière histo
243
la dernière histoire d’amour possible… Sans doute
serons
-nous une sorte de Derniers Mohicans de l’amour. » Je ne fais pas ici
244
llustrer un thème dont on verra bientôt que je ne
suis
pas le dernier à subir les prestiges et le charme fatal. Est-il besoi
245
dernier à subir les prestiges et le charme fatal.
Est
-il besoin de souligner que ce grand thème est l’unique justification
246
al. Est-il besoin de souligner que ce grand thème
est
l’unique justification de mon essai ? Mythe passionnel à part, tout d
247
nt plus différents à tous égards, sauf à un seul,
seront
les trois ouvrages examinés, d’autant plus significative l’action du
248
ficative l’action du mythe qui s’y trahit, et qui
est
leur seule commune mesure. Je ne m’attacherai donc, dans ces trois œu
249
— Aux yeux du « vieil Européen » que je me trouve
être
de naissance, l’Amérique est patrie d’accueil, plus que d’exil. Le le
250
» que je me trouve être de naissance, l’Amérique
est
patrie d’accueil, plus que d’exil. Le lecteur devinera que je l’aime,
251
m’irrite en elle, et en dépit de ce qu’elle veut
être
et croit qu’elle est. Son immaturité perverse me fascine. Le scandale
252
en dépit de ce qu’elle veut être et croit qu’elle
est
. Son immaturité perverse me fascine. Le scandaleux héros (par antiphr
253
que pour l’amour fou de sa fille. Mais cet amour
est
impossible, car Lolita n’a pas 13 ans. Cependant, mon héros l’enlève
254
comme lui-même, dans sa patrie. Mais ce prochain
est
« interdit » par la morale. Aimant sa sœur, Ulrich veut toucher l’int
255
oucher l’interdit et posséder l’inaccessible, qui
est
le plus vrai, puisqu’il ouvre l’accès à la vie d’extase, mais qui le
256
ient moralement un exilé de l’intérieur, comme je
suis
devenu un exilé tout court16. Boris Pasternak. — J’aime passionnémen
257
J’aime passionnément ma Russie et je voudrais en
être
aimé, comme le docteur Jivago aime Lara et en est aimé. Mais, comme L
258
tre aimé, comme le docteur Jivago aime Lara et en
est
aimé. Mais, comme Lara, la Russie a dû suivre un Maître cynique et br
259
me repousse et qu’il menace de m’exiler. Mais tel
est
mon amour que je saurai mentir : je demanderai pardon au tyran, le su
260
rés d’une Iseut « interdite » par un roi Marc qui
est
la Morale commune, la Société ou le Régime — ces trois romans trahiss
261
e lecture et, non, c’était vraiment une femme… Qu’
est
-ce que l’auteur a voulu dire ? Tout ce que nous voyons là, sans doute
262
cette ambiguïté, qu’il nous propose malgré lui, n’
est
pas du tout accidentelle. Elle ne résulte pas, j’y insiste, de quelqu
263
qu’elles, révèlent leur vraie nature, laquelle n’
est
pas humaine mais nymphique (entendons : démoniaque) ; et, pour ces cr
264
s une occasion de le souligner et de l’accentuer,
soit
en accablant son héros dans une préface d’ailleurs attribuée à un psy
265
e d’ailleurs attribuée à un psychiatre américain,
soit
, d’une manière plus convaincante, par la cynique désinvolture du styl
266
res de Humbert Humbert. Si l’amour des nymphets n’
était
pas, de nos jours, l’un des derniers tabous sexuels qui tiennent enco
267
e nos jours, l’un des derniers tabous sexuels qui
tiennent
encore (avec l’inceste), il n’y aurait ni passion ni roman véritables
268
. Qu’on ne s’y trompe pas : le roman de Tristan n’
était
pas moins choquant au xiie siècle que ne l’est aujourd’hui Lolita. C
269
était pas moins choquant au xiie siècle que ne l’
est
aujourd’hui Lolita. Ce que l’habitude et l’illusion anachronique, aid
270
nd d’hérésie bien plus dangereuse alors que ne le
sont
aujourd’hui les frénésies qui affectent une partie de la jeunesse, mo
271
nial Lewis Carroll : Alice au Pays des Merveilles
est
née de l’amour des « nymphets », refoulé par la conscience pure du cl
272
des petites nymphes et l’inceste. Ces deux amours
seraient
-ils contraires à la nature ? On les voit largement pratiqués dans le
273
constituant l’exception la plus remarquable. Ils
sont
bien moins contre nature que contre-civilisation. Nabokov fait dire à
274
ion. Nabokov fait dire à son héros : « Mon sort a
été
de grandir dans une civilisation qui autorise un homme de 25 ans à co
275
e cet adulte, par ailleurs sexuellement normal, s’
est
trouvé fixé sur la femme-enfant, rendue doublement inaccessible par l
276
lita avec plus d’amusement pervers que d’émotion,
seront
en droit de douter de la légitimité d’une interprétation si solennell
277
s plus typiques de la légende de Tristan. Mais il
est
curieux de noter qu’à chaque fois un point d’ironie frappe l’allusion
278
écisément à le désenchanter. L’épisode du philtre
est
présent, mais ridiculisé par son échec : il ne s’agit que d’un somnif
279
illeurs trop faible, le médecin qui l’a procuré s’
étant
trompé d’étiquette ou ayant trompé son client. (Inversion point par p
280
r « fatale » de Brangien.) Comme dans Tristan, il
est
vrai, la polémique contre le mariage au nom de l’amour-passion anime
281
cit. Comme dans Tristan, l’on sent que l’auteur n’
est
pas intéressé par le côté sexuel de son histoire, mais uniquement par
282
de temps l’un de l’autre, séparés. Mais leur mort
est
aussi sordide que fut grandiose, dans les versions du xiie siècle et
283
re, séparés. Mais leur mort est aussi sordide que
fut
grandiose, dans les versions du xiie siècle et dans Wagner, la Mort
284
Si Lolita avait aimé le narrateur, si elle avait
été
son Iseut, le roman réaliste eût fait place au poème et la satire soc
285
atire sociale au lyrisme intérieur. L’hypothèse n’
est
pas arbitraire, car c’est précisément ainsi que les choses se passent
286
syntaxe et son vocabulaire, on rit souvent, on n’
est
jamais ému. Tel qu’il est, cet ouvrage parfait reste, aussi, un Trist
287
e, on rit souvent, on n’est jamais ému. Tel qu’il
est
, cet ouvrage parfait reste, aussi, un Tristan manqué. Et cela tient à
288
parfait reste, aussi, un Tristan manqué. Et cela
tient
à l’immaturité de l’objet même de la passion décrite ; mais sans cett
289
int de passion… Peut-être le livre, après tout, n’
est
-il vraiment vicieux que par ce cercle. IIIRobert Musil et le « Règ
290
qu’il cherchait une vérité à vivre, Robert Musil
est
mort à peu près ignoré, tout près de ce lieu où j’écris, et son œuvre
291
dame, mais sans trace d’affectation puérile… Elle
était
merveilleusement belle : brune, des lèvres pleines, de forts sourcils
292
impression que tout le monde m’avait fui. Puis je
suis
descendu derrière la fillette, et je l’ai perdue dans la foule… — Com
293
ia Ulrich en riant. » On voit que l’amour-passion
est
seul en jeu, et que le seul exemple qu’en trouve le héros est celui d
294
jeu, et que le seul exemple qu’en trouve le héros
est
celui de l’attrait « mortel » pour une nymphet. Une autre fois, parla
295
poème d’amour écrit en secret, dont les allusions
sont
chargées d’un bonheur encore inconnu… — N’est-il pas contre nature de
296
ns sont chargées d’un bonheur encore inconnu… — N’
est
-il pas contre nature de rapporter de telles émotions à une enfant ? d
297
the. — Seule une convoitise grossièrement directe
serait
contre nature, répondit Ulrich. L’homme qui en serait capable engager
298
it contre nature, répondit Ulrich. L’homme qui en
serait
capable engagerait la créature, désarmée et inachevée encore, dans de
299
hevée encore, dans des histoires pour quoi elle n’
est
pas faite. Il devrait faire abstraction de l’immaturité de ce corps e
300
: « Si j’ai raconté cette histoire, c’est qu’elle
est
une préface à l’amour fraternel ! » Je renonce à souligner les mots r
301
nt : — Celui dont les excitations les plus fortes
sont
liées à des expériences qui sont toutes d’une manière ou d’une autre
302
les plus fortes sont liées à des expériences qui
sont
toutes d’une manière ou d’une autre impossibles, refuse les expérienc
303
ériences possibles ! Il se peut que l’imagination
soit
une fuite devant la vie, un refuge pour la lâcheté et une caverne de
304
seul et non sans insolence, le mot de sœur avait
été
chargé pour lui d’une nostalgie vague, bien qu’il n’eût jamais songé,
305
ante… Incontestablement, des phénomènes analogues
sont
fréquents. Dans plus d’une existence, la sœur imaginaire n’est que la
306
. Dans plus d’une existence, la sœur imaginaire n’
est
que la forme juvénile, insaisissable, d’un besoin d’amour qui, plus t
307
ttéraire de cette forme d’amour interdit, dont il
serait
curieux de chercher pourquoi l’époque où se passe le roman de Musil —
308
conscience, puis du choix de cet amour, par deux
êtres
en tout point normaux, supérieurement intelligents, intégrés dans la
309
inégalée dans la littérature contemporaine. Ce n’
est
pas René et ce n’est pas Byron, ce n’est pas décadent ni scandaleux.
310
térature contemporaine. Ce n’est pas René et ce n’
est
pas Byron, ce n’est pas décadent ni scandaleux. S’agirait-il moins d’
311
ne. Ce n’est pas René et ce n’est pas Byron, ce n’
est
pas décadent ni scandaleux. S’agirait-il moins d’un inceste que des r
312
fondamental de la psyché européenne. L’inceste n’
est
ici que la condition même de la « dernière histoire d’amour possible
313
, ajoute : L’homme qui tend à Dieu, selon Adler,
est
celui qui est privé de sens communautaire — selon Schleiermacher, cel
314
homme qui tend à Dieu, selon Adler, est celui qui
est
privé de sens communautaire — selon Schleiermacher, celui qui est ind
315
s communautaire — selon Schleiermacher, celui qui
est
indifférent à la morale… Je dois t’aimer (pense Agathe) parce que je
316
a notion de passion amoureuse, parce que celle-ci
est
plus religieuse que sexuelle, juge puéril de se préoccuper encore d’a
317
naturel avec une méticuleuse vigueur. Déjà alors
étaient
parus nombre de ces livres qui parlent, avec la candeur loyale d’un m
318
la vie sexuelle », et veulent aider les hommes à
être
mariés, et néanmoins contents. L’homme et la femme n’y sont plus que
319
s, et néanmoins contents. L’homme et la femme n’y
sont
plus que « porteurs de germe mâle ou femelle » ou encore « partenaire
320
le besoin de passion, rencontrant l’interdit, qui
est
l’antisocial par excellence, projette immédiatement sur lui sa nostal
321
entre eux qu’une seule certitude : c’est que tout
était
décidé et que tous les interdits, maintenant, leur étaient indifféren
322
écidé et que tous les interdits, maintenant, leur
étaient
indifférents… Chacune de leurs respirations leur publiait leur conniv
323
nt de douceur que les images de l’accomplissement
étaient
bien près de se détacher d’eux et les unissaient déjà dans leur imagi
324
lus forte encore leur commandait le calme, et ils
furent
incapables de se toucher de nouveau. L’équivoque essentielle entre l
325
à « l’amour de loin » des troubadours. Mais quel
est
ce désir ? Est-il désir de l’autre, ou seulement Désir en soi ? Les h
326
loin » des troubadours. Mais quel est ce désir ?
Est
-il désir de l’autre, ou seulement Désir en soi ? Les héros de Musil e
327
voquée par la passion, cette idole barbare, qui n’
est
pas la même ! — À t’entendre, dit Agathe, il faudrait croire qu’on n’
328
u’on aime réellement une personne irréelle ? — Là
est
le nœud de l’affaire : dans tous les rapports extérieurs, la personne
329
voquer le mythe platonicien des deux moitiés de l’
être
qui se cherchent : Ce désir d’un double de l’autre sexe qui nous res
330
’autre sexe qui nous ressemble absolument tout en
étant
un autre, d’une créature magique qui soit nous tout en possédant l’av
331
out en étant un autre, d’une créature magique qui
soit
nous tout en possédant l’avantage, sur toutes nos imaginations, d’une
332
Les grandes, les implacables passions amoureuses
sont
toutes liées au fait qu’un être s’imagine voir son moi le plus secret
333
ssions amoureuses sont toutes liées au fait qu’un
être
s’imagine voir son moi le plus secret l’épier derrière le rideau des
334
toutes les contradictions, et sur son cœur, il n’
est
plus de parole vraie ou fausse, chacune étant, hors de l’obscur, l’in
335
il n’est plus de parole vraie ou fausse, chacune
étant
, hors de l’obscur, l’incomparable naissance de l’esprit, celle que l’
336
C’est notre destin : peut-être aimons-nous ce qui
est
interdit. Mais nous ne nous tuerons pas avant d’avoir fait une tentat
337
vant d’avoir fait une tentative extrême. Le monde
est
fugace, fluide : fais ce que veux… Un homme ne va jamais si loin que
338
s si loin que lorsqu’il ne sait pas où il va… Ils
étaient
debout maintenant sur un haut balcon, entrelacés et enlacés à l’indic
339
i c’était de la tristesse ; seule la conviction d’
être
élus pour vivre l’exceptionnel retint leurs larmes… Avec les formes l
340
etint leurs larmes… Avec les formes limitatives s’
étaient
perdues toutes les limites et, comme ils ne percevaient plus aucune s
341
dans les choses, ils ne formaient plus qu’un seul
être
. Mais cet accomplissement dans l’Ile, symbolique de l’abolition du s
342
’échec fondamental de toute passion : Entre deux
êtres
isolés, il n’y a pas d’amour possible » reconnaît Ulrich. « Un amour
343
rich. « Un amour peut naître par défi, il ne peut
être
fait de défi. Il faut qu’il soit inséré dans une société. Il n’est pa
344
défi, il ne peut être fait de défi. Il faut qu’il
soit
inséré dans une société. Il n’est pas un contenu de vie, mais une nég
345
Il faut qu’il soit inséré dans une société. Il n’
est
pas un contenu de vie, mais une négation, une exception faite à tous
346
r il faut à une exception quelque chose dont elle
soit
l’exception. On ne peut vivre d’une négation pure. Sous une forme in
347
n garder pour soi, au sommet, cesser simplement d’
être
. » Cette attitude, qui rejoint le détachement bouddhique, mais qui po
348
ter la rédemption de la passion par l’amour vrai,
est
décrite au somptueux chapitre intitulé Souffles d’un jour d’été. Il n
349
somptueux chapitre intitulé Souffles d’un jour d’
été
. Il ne s’y passe rien qu’une longue conversation entre le frère et la
350
sa mort, Musil travaillait à ce chapitre, qui eût
été
, selon certains, le couronnement de l’œuvre. Ainsi le Jardin clos de
351
le. Et le Voyage au Paradis de l’ancienne ébauche
fût
devenu le « Voyage vers Dieu » auquel font allusion plusieurs notes p
352
nesque où tous les thèmes constants de la passion
sont
apparus et ont grandi l’un après l’autre, pour s’évanouir ensuite com
353
ensuite comme des îles dépassées, ce Jardin clos
serait
l’Ithaque d’une moderne Odyssée spirituelle. Mais cette présence heur
354
rdit fascinant de l’amour sororal n’aurait-il pas
été
le travesti — tout à fait inconscient, j’en suis sûr — d’un amour tro
355
s été le travesti — tout à fait inconscient, j’en
suis
sûr — d’un amour trop réel pour oser dire son nom dans un roman ? L’a
356
ion littéraire, condamnant le mariage accompli, n’
est
-elle pas un tabou bien autrement redoutable, aux yeux de l’écrivain e
357
ste ou de passion maudite ? L’érotique du mariage
est
une terre inconnue pour la littérature occidentale. Il se peut que Mu
358
américain et confirmant sa morale optimiste. Tels
étant
les goûts du public, telles seraient donc, selon l’enquête, les condi
359
optimiste. Tels étant les goûts du public, telles
seraient
donc, selon l’enquête, les conditions requises pour un succès de vent
360
ne subite (réduisant à néant les dires d’experts)
soit
le seul trait commun aux deux ouvrages : elle m’en paraît d’autant pl
361
c’est vrai, ce dont je doute. Pourquoi l’enquête
est
-elle muette sur ce qui fait depuis des siècles (depuis le xiie siècl
362
s (depuis le xiie siècle exactement) qu’un roman
soit
vraiment un roman, et nous passionne ? Les préférences qu’avoue le pu
363
du « réalisme socialiste », d’où l’amour-passion
est
exclu. Or je vois triompher dans ce même public deux romans de l’amou
364
réjugés du magazine qui a fait l’enquête ? Ce qui
est
sûr, c’est que l’amour-passion demeure mal vu, mais n’en fascine que
365
ois de plus, pour des raisons, d’ailleurs, qui ne
sont
pas dans ce livre, plus d’un lecteur sera sincèrement choqué de m’en
366
qui ne sont pas dans ce livre, plus d’un lecteur
sera
sincèrement choqué de m’en voir parler comme d’un roman d’amour. À vr
367
écrit un énorme roman (dont une partie seulement
sera
publiée) décrivant les prodromes de la révolution russe, puis les lut
368
vertus des Rouges contre les vices des Blancs. Il
est
normal que le régime, étant ce qu’il est, condamne ce livre. Il est n
369
es vices des Blancs. Il est normal que le régime,
étant
ce qu’il est, condamne ce livre. Il est normal que le roman condamné
370
ancs. Il est normal que le régime, étant ce qu’il
est
, condamne ce livre. Il est normal que le roman condamné ne puisse par
371
régime, étant ce qu’il est, condamne ce livre. Il
est
normal que le roman condamné ne puisse paraître qu’en Europe. Il est
372
oman condamné ne puisse paraître qu’en Europe. Il
est
normal que le jury du prix Nobel le couronne parce que c’est un beau
373
e que c’est un beau livre et parce que son auteur
est
resté un homme libre. Il est normal que l’URSS, au lieu de l’interpré
374
parce que son auteur est resté un homme libre. Il
est
normal que l’URSS, au lieu de l’interpréter comme un hommage rendu à
375
t lettres de cosaques zaporogues au Kremlin, tout
est
scandaleusement normal, jusque-là. Mais voici l’insolite : les autori
376
la Russie une lettre pathétique dont l’essentiel
tient
en ces deux phrases : « Le départ hors des frontières de ma patrie éq
377
littérature soviétique et que je puis encore lui
être
utile. » Il a refusé le Prix, il est prêt à renier ce qui déplaît au
378
encore lui être utile. » Il a refusé le Prix, il
est
prêt à renier ce qui déplaît au régime dans son livre, pourvu qu’on l
379
prouve afin de rentrer dans la faveur publique, n’
est
-ce pas lui qui trahit le peuple ? Ce serait le cas, en effet, si Le D
380
lique, n’est-ce pas lui qui trahit le peuple ? Ce
serait
le cas, en effet, si Le Docteur Jivago était un acte politique, comme
381
Ce serait le cas, en effet, si Le Docteur Jivago
était
un acte politique, comme on a voulu le croire de part et d’autre. Sen
382
je me disais : — Tout se passe comme si cet homme
était
retenu dans son pays par une passion secrète et sans doute interdite
383
silence humilié et sans espoir. Mais quelle peut
être
la nature de cette « Iseut » inaccessible, dont il semble être le Tri
384
e de cette « Iseut » inaccessible, dont il semble
être
le Tristan ? Et quel est le roi Marc qui l’en sépare ? Je me mis à li
385
essible, dont il semble être le Tristan ? Et quel
est
le roi Marc qui l’en sépare ? Je me mis à lire plus avant. Une jeune
386
. Leur amour se déclare. Liaison clandestine. Ils
sont
de nouveau séparés par les péripéties de la guerre civile. Finalement
387
tin de sortir de Russie : Jivago refuse. Lara lui
est
enlevée par un puissant politicien qui l’avait séduite quand elle éta
388
uissant politicien qui l’avait séduite quand elle
était
encore « une gamine ». Le docteur réussit à rejoindre Moscou, où il v
389
e heure, Lara vient pleurer sur son cadavre. Elle
est
arrêtée peu après, et va mourir en Sibérie. Ainsi, tous les moments d
390
et pacifique comme le nom de l’Océan d’Asie. Ce n’
est
pas un hasard si tu es là, au terme de ma vie, mon ange secret, mon a
391
m de l’Océan d’Asie. Ce n’est pas un hasard si tu
es
là, au terme de ma vie, mon ange secret, mon ange interdit, sous un c
392
ma vie, sous le ciel paisible de mon enfance, tu
es
apparue de la même manière… Souvent, plus tard, au cours de ma vie, j
393
urcissait, à cette musique qui s’estompait, qui s’
est
fondue avec mon existence même, qui est devenue la clé de toutes les
394
it, qui s’est fondue avec mon existence même, qui
est
devenue la clé de toutes les portes du monde, grâce à toi. Une fois
395
se posait sur leur existence condamnée… Mais qui
est
Lara ? En la perdant, dit Jivago, « il perdrait sa raison de vivre et
396
enfance, il aimait la forêt lorsque le soir elle
est
transpercée par le feu du couchant », et les scènes décisives de ce r
397
t », et les scènes décisives de ce roman de poète
sont
toujours éclairées par le même soleil rouge sortant au bas des nuages
398
se fond dans une identité lyrique : Au fait, qu’
était
-elle donc pour lui ? Oh ! à cette question, il avait toujours une rép
399
ponse prête. C’est une soirée de printemps. L’air
est
tout piqué de sons. Les voix des enfants qui jouent sont éparpillées
400
ut piqué de sons. Les voix des enfants qui jouent
sont
éparpillées un peu partout comme pour montrer que l’espace est palpit
401
es un peu partout comme pour montrer que l’espace
est
palpitant de vie. Et ce lointain, c’est la Russie, cette mère glorieu
402
s, à jamais sublimes et tragiques ! Oh ! comme il
est
doux d’exister. Comme il est doux de vivre sur la terre et d’aimer la
403
ques ! Oh ! comme il est doux d’exister. Comme il
est
doux de vivre sur la terre et d’aimer la vie ! Oh ! comme l’on voudra
404
iquer par la parole avec ces forces cachées, Lara
est
leur représentante, leur symbole. Elle est à la fois l’ouïe et la par
405
, Lara est leur représentante, leur symbole. Elle
est
à la fois l’ouïe et la parole offertes en don aux principes muets de
406
aveu, dès que l’identité de Lara et de la Russie
est
expressément déclarée, tout s’éclaire de ce qui vient de se passer da
407
otiver son refus : « De mon départ, il ne saurait
être
question. » Mais il ajoute un peu plus tard : Tout est déjà entre v
408
stion. » Mais il ajoute un peu plus tard : Tout
est
déjà entre vos mains. Il est probable qu’un jour, à bout de forces, j
409
u plus tard : Tout est déjà entre vos mains. Il
est
probable qu’un jour, à bout de forces, je devrai étouffer mon orgueil
410
La nouvelle que vous m’annoncez m’abasourdit. Je
suis
écrasé par une souffrance qui m’enlève la capacité déjuger… La seule
411
nt ; en d’autres termes, l’hostilité du passionné
est
dirigée contre le social en soi, et non point provoquée par la nature
412
au pouvoir. Ainsi, Tristan, modèle du chevalier,
est
contraint de violer le sacré féodal, devient traître et félon et se v
413
n manquait pas au xiie siècle — mais parce qu’il
est
devenu la proie d’un pouvoir beaucoup plus absolu : l’état de passion
414
e son objet idéal avant de l’identifier à quelque
être
réel par une erreur essentiellement inévitable, qu’on attribue donc a
415
connu, tout en sachant que l’on ne peut y vivre,
est
décrit par eux tous comme indicible. Tantôt il plonge ceux qui le sub
416
la plus commune, parce que la mieux communicable,
soit
celle qui fait écrire des romans, celle dont la contagion, rarement m
417
e entre un désir sexuel et l’état d’âme, l’état d’
être
amoureux. La passion amoureuse est, de toutes, celle qui se prête le
418
âme, l’état d’être amoureux. La passion amoureuse
est
, de toutes, celle qui se prête le mieux au récit. La sexualité pure e
419
écit. La sexualité pure et l’amour du prochain ne
sont
vrais qu’en acte, et leur description ennuie vite. La passion de l’Ér
420
eur description ennuie vite. La passion de l’Éros
est
vraie d’abord en rêve, et n’existe peut-être jamais mieux que dans l’
421
et d’essence, l’amour-passion, nous l’avons vu, n’
est
guère moins dépendant de cette société qu’il récuse : c’est elle qui
422
ables. Sur ce point, deux observations encore. Il
est
remarquable que la passion n’utilise interdits et tabous qu’au moment
423
nt où ceux-ci commencent à faiblir, où les violer
est
encore scandaleux mais n’entraîne pas la mise à mort instantanée, phy
424
qu’au lendemain du « dégel » soviétique : rien n’
est
encore gagné, mais quelques-uns déjà peuvent avouer quelque chose sou
425
vouer quelque chose sous le couvert du mythe. Tel
est
le « terrain » biologique où le roman trouve les meilleures chances à
426
même d’un roman. Le Docteur Jivago, par exemple,
est
de beaucoup le plus traditionnel des trois romans qu’on vient de cons
427
et l’intrigue aventure spirituelle… Ce processus
est
-il irréversible ? Fait-il prévoir la fin d’un genre, qui serait aussi
428
versible ? Fait-il prévoir la fin d’un genre, qui
serait
aussi la fin de cette forme de passion dont la littérature entretenai
429
e des mœurs dans les démocraties de l’Occident ne
sont
plus défendus sans scrupules par les élites des deux partis. Je ne vo
430
par l’État. La passion qui voudrait les violer ne
serait
plus condamnée, mais simplement soignée, aux frais de la Sécurité soc
431
aux. J’y ai fait allusion à propos de Musil. S’il
est
vrai que la passion cherche l’inaccessible, et s’il est vrai que l’Au
432
ai que la passion cherche l’inaccessible, et s’il
est
vrai que l’Autre en tant que tel reste aux yeux d’un amour exigeant l
433
le au sein même du mariage accepté ? Tout Autre n’
est
-il pas l’Inaccessible, et toute femme aimée une Iseut, même si nul in
434
e excitant, celui qui ne dépendra jamais que de l’
être
même : l’autonomie de la personne aimée, son étrangeté fascinante ?6
435
étrangeté fascinante ?6 16. On sait que Musil
est
mort à Genève, dans la misère, en 1942. 17. Toute cette partie « géo
436
e Strasbourg, dont s’inspira Wagner. 19. « Je ne
suis
nullement intéressé par ce qu’on appelle « sex » (en Amérique). N’imp
437
rd et Hamlet La carrière de Søren Kierkegaard s’
est
déroulée en une douzaine d’années comme un drame unique, intense, ine
438
e 42 ans. Le seul événement extérieur de ce drame
fut
la rupture de ses fiançailles avec Régine Olsen, crise initiale qui l
439
t mourir, certain d’avoir accompli sa mission, ce
fut
son attaque contre le christianisme moderne au nom du Christ de l’Éva
440
s d’un drame dont lui seul détenait la clé. Ce ne
fut
qu’à la fin de sa vie qu’il s’offrit sans masque à la lutte, au cours
441
e mener à la mort. Ainsi, le drame de Kierkegaard
fut
typiquement celui d’une vocation. Toute son intrigue consiste dans le
442
biographie de Kierkegaard ? Il reste à voir s’il
est
possible de pousser ce parallèle beaucoup plus loin dans le détail. C
443
e parallèle beaucoup plus loin dans le détail. Ce
serait
peut-être un bon moyen d’illustrer à la fois la pensée et la vie de K
444
ctif et l’autre réel. Hamlet, jeune prince royal,
est
un intellectuel. Il n’a d’autre désir que de retourner à l’Université
445
intenant dans quels termes Kierkegaard lui-même s’
est
décrit. Lui aussi se sent un prince. « Il y a quelque chose de royal
446
prince. « Il y a quelque chose de royal dans mon
être
», fait-il dire à l’un de ses pseudonymes. Lui aussi voudrait « retou
447
sous des apparences de gaieté. » Ou encore : « J’
étais
armé d’une foi presque téméraire en ma capacité de pouvoir toutes cho
448
es choses, sauf une : devenir un oiseau libre, ne
fût
-ce qu’un seul jour, rompre les chaînes de la mélancolie, où une autre
449
rage, L’Alternative : deux princes vraiment, deux
êtres
d’exception, pleins de hardiesse et de fierté, mais inaptes à la vie
450
ci que ces deux individus, pour qui la vie en soi
est
déjà un problème, reçoivent en outre une mission redoutable et qui le
451
core que leur nature psychologique, à devenir des
êtres
d’exception. Hamlet reçoit sa mission de son père, qui lui apparaît s
452
ctre. Assassiné, dit-il, par le roi actuel, qui n’
est
donc qu’un usurpateur, le père ordonne au fils de le venger. Hamlet r
453
ué la nature. Nous savons cependant que le secret
était
lié à la mémoire de son père. Il qualifie cette révélation de « grand
454
le : le prétendu christianisme des temps modernes
est
une tromperie, une immense illusion. « Il ne ressemble pas davantage
455
itimité. Et Kierkegaard pressent sa vocation, qui
sera
de dénoncer l’usurpation religieuse, afin de rétablir dans sa pureté
456
voyons les deux héros gémir sous le faix qui leur
est
imposé : « L’époque est détraquée, hélas ! pourquoi faut-il que je so
457
mir sous le faix qui leur est imposé : « L’époque
est
détraquée, hélas ! pourquoi faut-il que je sois né pour la rajuster !
458
ue est détraquée, hélas ! pourquoi faut-il que je
sois
né pour la rajuster ! », s’écrie Hamlet. Et Kierkegaard ne cesse de r
459
se de répéter sur tous les tons la même idée : il
est
né pour forcer notre époque détraquée à reconnaître l’absolu chrétien
460
dans le royaume de Danemark » et que leur destin
sera
de dénoncer cette situation, advienne que pourra… Les caractères étan
461
te situation, advienne que pourra… Les caractères
étant
donnés, la mission définie dès le début du drame, voyons maintenant l
462
mes. Le message chrétien, qui lui importe seul, y
sera
toujours présent, mais soigneusement dissimulé. De la sorte, il attir
463
et l’usurpation. « Cette représentation, dit-il,
est
le moyen par lequel je surprendrai la conscience du roi. » Tous les d
464
» malgré eux. (Mundus vult decipi, le monde veut
être
trompé, constate Kierkegaard à plusieurs reprises.) Mais à ce jeu ils
465
te reste le même dans les deux cas. Kierkegaard s’
est
expliqué sur la rupture de ses fiançailles avec Régine. Il s’est expl
466
r la rupture de ses fiançailles avec Régine. Il s’
est
expliqué, peut-on dire, dans toute son œuvre, et non pas seulement da
467
des ouvrages tels que Coupable-Non coupable, qui
sont
en réalité le récit à peine déguisé de ses fiançailles et l’analyse i
468
gaard aime Régine, jeune fille de 17 ans et il en
est
aimé. Mais il a son secret ambigu, le secret de sa vocation et celui
469
mélancolie. Or il comprend bientôt que le secret
serait
trop lourd pour la jeune fille. Naïve et spontanée, elle tenterait si
470
étrange vocation. Peut-on se marier si l’on veut
être
un témoin de la vérité ? Un soldat à la frontière devrait-il être mar
471
e la vérité ? Un soldat à la frontière devrait-il
être
marié ? se demande Kierkegaard. Et lui, qui se bat aux avant-postes,
472
évéler et faire mourir l’aimée ? » S’il choisit d’
être
la victime, une seule issue lui reste ouverte : rompre avec la jeune
473
Oui, dans dix ans, quand » le feu de la jeunesse
sera
passé : il me faudra une » demoiselle au sang frais pour me rajeunir.
474
toute la nuit. « Mais le lendemain, écrit-il, je
fus
comme d’ordinaire, et même plus pétillant d’esprit que jamais : c’éta
475
la conduite d’Hamlet devant cette autre enfant qu’
est
Ophélia. Hamlet a compris lui aussi que l’amour spontané et naïf d’Op
476
a jeune fille, prétendre qu’il ne l’aime pas, lui
tenir
les propos les plus cyniques, s’écrier ensuite : « Comment ferait-on
477
es, s’écrier ensuite : « Comment ferait-on pour n’
être
pas gai ! » Cependant qu’il avoue en aparté : « Je dois être cruel, m
478
i ! » Cependant qu’il avoue en aparté : « Je dois
être
cruel, mais c’est pour être tendre… » Il convient de marquer ici, en
479
en aparté : « Je dois être cruel, mais c’est pour
être
tendre… » Il convient de marquer ici, en toute justice, une différenc
480
ssaut de fleuret. Seulement, le fleuret de Laerte
est
empoisonné : le duel sportif tourne au duel à mort. Blessé, Hamlet ne
481
Hamlet ne peut plus hésiter. Il tue le roi. Quel
fut
, chez Kierkegaard, l’équivalent de ce sommet du drame, ou de cette «
482
n « vrai témoin de la vérité ». Dans cette phrase
était
le poison, pour Kierkegaard. Car toute son œuvre, toute sa carrière d
483
pratiquement de martyr. Or l’évêque Mynster avait
été
un grand prélat, chargé de titres et d’honneurs, un fin lettré, un hu
484
publier, il attendit que le professeur Martensen
fût
devenu évêque à son tour, succédant à Mynster. Puis il publia l’artic
485
Mynster. Puis il publia l’article. Et cet article
fut
son acte, l’attaque directe, décisive et mortelle, aussi « exagérée »
486
cisive et mortelle, aussi « exagérée » que peut l’
être
l’élan d’un combattant qui joue sa vie sur un seul coup. Voici un ext
487
n témoin de la vérité, c’est un homme dont la vie
est
, du commencement à la fin, familière avec toute espèce de souffrance
488
té, insulté, outragé, bafoué ; c’est un homme qui
est
flagellé, torturé, traîné de prison en prison, et puis enfin — car c’
489
jeté par le bourreau dans un endroit écarté, sans
être
enterré. Voilà un témoin de la vérité, sa vie et son existence, sa mo
490
et l’évêque Mynster, dit le professeur Martensen,
fut
un des vrais témoins de la vérité. En vérité, il y a quelque chose de
491
s et de jouer ensuite au jeu que l’évêque Mynster
était
un témoin de la vérité. Une polémique furieuse s’éleva de toutes par
492
de toutes parts. L’opinion danoise et scandinave
fut
secouée d’une vertueuse indignation. Kierkegaard luttait seul contre
493
ait osé l’acte ; il avait réussi : l’usurpation s’
était
vue dénoncée, et il avait forcé le grand public à devenir attentif à
494
stant. Depuis longtemps, la pensée de Kierkegaard
était
comme fascinée par les deux concepts d’instant et de saut. L’instant,
495
faute de l’oser, on n’a rien22. Plongé comme je l’
étais
, en écrivant les pages qui précèdent, dans la lecture alternée de Kie
496
de Kierkegaard et de Shakespeare, j’avoue qu’il m’
est
arrivé plus d’une fois de ne plus bien savoir lequel des deux parlait
497
des deux parlait et de m’imaginer qu’Hamlet avait
été
écrit par Kierkegaard, voire qu’à l’inverse la biographie de Kierkega
498
qu’à l’inverse la biographie de Kierkegaard avait
été
mise à la scène deux siècles et demi avant d’être vécue. Le style éli
499
été mise à la scène deux siècles et demi avant d’
être
vécue. Le style élisabéthain de Kierkegaard, son lyrisme énergique, m
500
érences. Chose curieuse, cette note de deux pages
est
publiée en appendice au livre dans lequel Kierkegaard raconte le dram
501
l semble donc que le parallèle que j’ai risqué se
soit
offert à l’esprit de Kierkegaard, et qu’il ait tenu à le corriger lui
502
it offert à l’esprit de Kierkegaard, et qu’il ait
tenu
à le corriger lui-même. Voici en bref le contenu de la note, intitulé
503
rame religieux. Car, si les scrupules d’Hamlet ne
sont
pas d’ordre religieux, le héros cesse d’être vraiment tragique. Il fr
504
t ne sont pas d’ordre religieux, le héros cesse d’
être
vraiment tragique. Il frise le comique. Si, au contraire, ses tergive
505
effet, « dans l’ordre esthétique, l’obstacle doit
être
hors du héros, non pas en lui ». Si l’obstacle à son acte est en lui,
506
héros, non pas en lui ». Si l’obstacle à son acte
est
en lui, il s’agit d’un scrupule religieux. Dans ce cas, le héros n’es
507
d’un scrupule religieux. Dans ce cas, le héros n’
est
grand que par sa souffrance, non par son triomphe. Il n’y a plus de j
508
l… Traduisons cela en d’autres termes : si Hamlet
était
religieux, il n’y aurait pas l’Hamlet de Shakespeare, mais on rejoind
509
e de Kierkegaard. Le drame de Kierkegaard n’a pas
été
fictif. Il n’a pas été joué et ne saurait l’être. Il a été vécu et so
510
ame de Kierkegaard n’a pas été fictif. Il n’a pas
été
joué et ne saurait l’être. Il a été vécu et souffert consciemment (av
511
s été fictif. Il n’a pas été joué et ne saurait l’
être
. Il a été vécu et souffert consciemment (avec une conscience folle, p
512
f. Il n’a pas été joué et ne saurait l’être. Il a
été
vécu et souffert consciemment (avec une conscience folle, pourrait-on
513
u de poète ; c’est qu’il aime à discuter ou qu’il
tient
des propos fantaisistes. Mozart, qui composait des menuets à sept ans
514
’ordre de parler aux nations, il répond : « Je ne
suis
qu’un enfant, voici, je ne sais point parler. » Nous dirions qu’il n’
515
la vocation. Précisément, il la reçoit. Elle lui
est
adressée en dépit de ce qu’il est. « Et l’Éternel me dit : « Ne dis p
516
eçoit. Elle lui est adressée en dépit de ce qu’il
est
. « Et l’Éternel me dit : « Ne dis pas : Je ne suis qu’un enfant. Car
517
est. « Et l’Éternel me dit : « Ne dis pas : Je ne
suis
qu’un enfant. Car tu iras vers tous ceux auprès de qui je t’enverrai,
518
… Voici, je mets mes paroles dans ta bouche. » Il
est
rarement possible d’isoler dans le vif ces deux mouvements contradict
519
met à part une seconde fois, pour des raisons qui
sont
celles de l’esprit — bien que, dans ce cas particulier, la nature et
520
opposées. On pourra toujours dire de Kierkegaard
soit
qu’il fut un neurasthénique, et que son cas relève de la psychanalyse
521
On pourra toujours dire de Kierkegaard soit qu’il
fut
un neurasthénique, et que son cas relève de la psychanalyse, soit qu’
522
énique, et que son cas relève de la psychanalyse,
soit
qu’il fut un prophète, né pour être poète et philosophe, mais contrai
523
que son cas relève de la psychanalyse, soit qu’il
fut
un prophète, né pour être poète et philosophe, mais contraint, par l’
524
psychanalyse, soit qu’il fut un prophète, né pour
être
poète et philosophe, mais contraint, par l’appel transcendant, à deve
525
biguïté dans notre idée courante de la vocation n’
est
pas celle qui retient Kierkegaard. Il en a distingué une autre, plus
526
Il en a distingué une autre, plus intime, qui ne
tient
plus au double sens du mot, mais à l’existence même d’une vocation re
527
’appel qu’il a cru entendre. Et son incertitude n’
est
pas le fait d’un manque d’information, d’une conscience vague ou d’un
528
tude objective, telle que la définit Kierkegaard,
est
donc une périphrase philosophique pour désigner la foi et sa nécessit
529
croit » avoir reçue soi-même. Ainsi l’incertitude
est
objective dans la mesure où l’objet de la conviction qu’on entretient
530
re où l’objet de la conviction qu’on entretient n’
est
pas démontrable ; dans la mesure, aussi, où l’enjeu de la vocation re
531
aussi, où l’enjeu de la vocation reste passible d’
être
mis en doute, ou même nié ; dans la mesure où cet enjeu risque, après
532
dans la mesure où cet enjeu risque, après tout, d’
être
purement imaginaire. À cela, nous ajouterons l’incertitude subjective
533
uvent pousser l’individu à faire ceci ou cela : «
Est
-ce ma nature secrète ou l’esprit qui a parlé ? » En fait, l’homme de
534
ble incertitude et dans un risque permanent. Il n’
est
pas de méthode éprouvée ni de raisonnement qui puisse l’aider. L’homm
535
nnaître, enfin, que la mission reçue par Hamlet n’
est
pas une véritable vocation, en ce sens qu’elle ne présente pas le car
536
er l’usurpateur, venger le roi assassiné. Son but
est
donc sans équivoque, son rôle clairement tracé dans l’action générale
537
ni l’ensemble — et cependant il faut jouer, nous
sommes
au monde, nous sommes en scène malgré nous… Telle est l’angoisse de l
538
pendant il faut jouer, nous sommes au monde, nous
sommes
en scène malgré nous… Telle est l’angoisse de la vocation. Je disais
539
au monde, nous sommes en scène malgré nous… Telle
est
l’angoisse de la vocation. Je disais tout à l’heure que Kierkegaard,
540
ue Kierkegaard, dès ses premières publications, s’
était
tracé un plan d’action comportant toute une stratégie de pseudonymes
541
ie de pseudonymes et de « tromperies » — comme il
tient
à le répéter. Ceci nous porterait à croire que, d’entrée de jeu, tout
542
t, il avait vu clairement l’acte historique qu’il
était
chargé d’accomplir. Mais les choses de la vie ne sont pas aussi simpl
543
chargé d’accomplir. Mais les choses de la vie ne
sont
pas aussi simples. C’est après coup, le plus souvent, que nos actions
544
es, agissait dès le départ obscurément, mais ce n’
est
qu’en marchant qu’on l’a sentie à l’œuvre. Kierkegaard l’a bien su et
545
fléchit dans le processus de ma production. Ainsi
sont
infirmées dans une certaine mesure les vues que j’ai précédemment exp
546
sées, à savoir que toute ma production esthétique
est
une fraude ; car cette formule concède un peu trop à la conscience. M
547
concède un peu trop à la conscience. Mais elle n’
est
pas tout à fait fausse non plus, car j’ai eu conscience de moi au cou
548
ébut. … Dès le premier moment l’élément religieux
est
donné de façon décisive ; il a sans contredit la suprématie, mais il
549
es du livre, il ajoute ceci : « Toute mon œuvre a
été
en même temps mon propre développement ; c’est en elle que j’ai pris
550
où Dieu m’a fait sentir son secours. Une chose m’
est
bien souvent arrivée que je ne puis m’expliquer : quand je faisais ce
551
puis m’expliquer : quand je faisais ce dont il m’
était
impossible de donner la raison, ne songeant pas même à la chercher ;
552
hoses que j’ai faites à titre privé se trouvaient
être
justement celles que je devais faire comme auteur. Je n’arrivais pas
553
pas au loin une voie tracée d’avance : non, elle
est
« à mes pieds » seulement, elle ne peut révéler que le premier pas à
554
uelle on puisse en appeler par analogie me paraît
être
l’expérience poétique. Car le poète, lui non plus, ne sait et ne saur
555
c’est pratiquement vivre dans l’improbable, c’est
être
toujours prêt à affronter l’invraisemblable. Si l’incertitude objecti
556
ter l’invraisemblable. Si l’incertitude objective
est
le premier caractère d’une vocation réelle, l’acceptation de l’invrai
557
ion réelle, l’acceptation de l’invraisemblable en
est
la conséquence nécessaire. Kierkegaard ne se lasse pas d’insister sur
558
aham n’avait pas accepté l’invraisemblable, il ne
serait
jamais parti pour un pays dont il ne savait rien. Mais accepter l’inv
559
squ’il écrit cette phrase lourde de sens : « Ce n’
est
pas le chemin qui est difficile, mais c’est le difficile qui est le c
560
ase lourde de sens : « Ce n’est pas le chemin qui
est
difficile, mais c’est le difficile qui est le chemin. » On voit ici q
561
in qui est difficile, mais c’est le difficile qui
est
le chemin. » On voit ici que la notion de vocation, chez Kierkegaard,
562
soie, dressé sur ses ergots de grand ténor, l’on
est
tenté de ne voir en lui que le feu naturel du désir, une espèce d’ani
563
andeur, dans le dernier acte de Mozart. Non, ce n’
est
pas l’animal, mais l’homme, et non d’avant, mais d’après la morale. P
564
s son rang. Son naturel, c’est le mépris ; rien n’
est
plus loin de la nature. Voyez comme il se sert des femmes : incapable
565
seule cette inconstance forcenée ? Alors Don Juan
serait
l’homme de la première rencontre, de la plus excitante victoire ? « L
566
e, de la plus excitante victoire ? « La nouveauté
est
le tyran de notre âme », écrit le vieux Casanova. Mais déjà ce n’est
567
re âme », écrit le vieux Casanova. Mais déjà ce n’
est
plus l’homme de plaisir qui parle ainsi. La volupté du vrai sensuel c
568
Ils ne l’ont pas manqué. Pour eux aussi, Don Juan
serait
le contraire de ce que l’on croit, il souffrirait d’une anxiété secrè
569
iété secrète déjà voisine de l’impuissance. Et il
est
vrai que celui qui cède à cet attrait superficiel que presque toutes
570
e plus loin, à des critères spirituels ? Don Juan
serait
par exemple le type de l’homme qui n’atteint pas au plan de la person
571
rrait se manifester ce qu’il y a d’unique dans un
être
. Pourquoi ne peut-il désirer que la nouveauté dans la femme ? Et pour
572
on du nouveau, du nouveau à tout prix, quel qu’il
soit
? Celui qui cherche, c’est qu’il n’a pas ; mais peut-être aussi qu’il
573
’est qu’il n’a pas ; mais peut-être aussi qu’il n’
est
pas ? Celui qui a, vit de sa possession et ne l’abandonne pas pour l’
574
ain, — entendez : s’il possède vraiment. Don Juan
serait
l’homme qui ne peut pas aimer, parce qu’aimer c’est d’abord choisir,
575
’est d’abord choisir, et pour choisir il faudrait
être
, et il n’est pas. Mais le contraire n’est pas moins vraisemblable : D
576
hoisir, et pour choisir il faudrait être, et il n’
est
pas. Mais le contraire n’est pas moins vraisemblable : Don Juan cherc
577
udrait être, et il n’est pas. Mais le contraire n’
est
pas moins vraisemblable : Don Juan cherchant partout son idéal, son «
578
n l’image de Tristan. Mais il ne trouvera pas. Il
est
Don Juan parce qu’on sait qu’il ne peut pas trouver, soit impuissance
579
Juan parce qu’on sait qu’il ne peut pas trouver,
soit
impuissance à se fixer, soit impuissance à se déprendre d’une image à
580
ne peut pas trouver, soit impuissance à se fixer,
soit
impuissance à se déprendre d’une image à lui-même secrète. Et de là v
581
ia, son rythme dionysiaque… Or si le don-juanisme
est
une passion de l’esprit, et non pas comme nous aimions le croire une
582
stinct, tout porte à supposer que cette passion n’
est
pas toujours liée au sexe. Et même il faut se demander si la sensuali
583
aut se demander si la sensualité, précisément, ne
serait
pas le domaine où Don Juan se révèle le moins dangereux. (Appelons ic
584
es mœurs ont pour but de maintenir, cet équilibre
étant
d’ailleurs bon ou mauvais.) C’est que le désir de nouveauté et de cha
585
ffrir d’une dépense improductive. Certes Don Juan
est
un tricheur, et même il ne vit que de cela (La banque de pharaon étai
586
même il ne vit que de cela (La banque de pharaon
était
la grande ressource financière de Casanova : symbole dont il nous don
587
aintes fois la clé). Mais une tricherie constante
est
moins dangereuse que les faiblesses subites d’un honnête homme. On es
588
que les faiblesses subites d’un honnête homme. On
est
en garde, et l’on connaît le système, entièrement relatif aux règles
589
u d’espèces sonnantes. Alors la tricherie cesse d’
être
une habileté vulgaire et profitable. Elle peut devenir l’acte héroïqu
590
re, par décret de rigueur subversive. Nietzsche s’
est
dressé face au siècle. Et l’adversaire qu’il s’est choisi, c’est l’es
591
st dressé face au siècle. Et l’adversaire qu’il s’
est
choisi, c’est l’esprit de lourdeur, notre poids naturel, notre facult
592
lle de retombement dans la coutume. L’immoraliste
est
, comme le moraliste, un ennemi vigilant de l’instinct : car s’il le g
593
caprice de l’esprit : il n’y a plus de vérité qui
tienne
. Les hommes se rendent ou tombent dans le doute à la première séducti
594
t tuer pour une vertu dont on ne sait plus quelle
est
la fin ? Et toutes ces vérités qu’ils respectaient, voyez comme elles
595
rendre à Dieu et à son Fils. Déjà « le Dieu moral
est
réfuté ». Que va dire l’Autre ? C’est dans la vie du Don Juan des vér
596
core l’aube de la terre. Personne n’a parlé. Dieu
est
mort ! De chaque idée, de chaque croyance, de chaque valeur, Nietzsch
597
e possession. Pourquoi s’attarderait-il ? Elles n’
étaient
excitantes pour l’esprit que par la fausse vertu qu’on leur prêtait.
598
abuser de ses victimes. Mille et trois vérités se
sont
rendues, et pas une seule n’a su le retenir. Qu’importent les « contr
599
tenir. Qu’importent les « contradictions » ! Ce n’
est
pas pour bâtir un système qu’il réfute, dénonce et détruit, c’est pou
600
horisme — fulgurations toujours décevantes : ce n’
est
pas elle qu’il vient de posséder… Ô haine de leurs vérités faibles !
601
der… Ô haine de leurs vérités faibles ! La Vérité
est
morte ! Revivra-t-elle ? Car si ce Dieu est mort, à tout jamais, il n
602
érité est morte ! Revivra-t-elle ? Car si ce Dieu
est
mort, à tout jamais, il n’y a plus d’amour possible. Il faut inventer
603
sur le temps… Mais dans le temps, disait-il, Dieu
est
mort. Si Dieu est mort, c’est donc qu’il a vécu ? Dieu revivra éterne
604
dans le temps, disait-il, Dieu est mort. Si Dieu
est
mort, c’est donc qu’il a vécu ? Dieu revivra éternellement ! Ainsi Ni
605
amour. S’il gagne, c’est en violant la vérité des
êtres
. Nietzsche pose des valeurs qui détruisent les règles anciennes, mais
606
pourrons jamais que perdre. Alors : ou bien nous
serons
condamnés, ou bien nous recevrons notre grâce. Mais Nietzsche et Don
607
nu, me dit-elle, un homme marié avec lequel ayant
été
coquette en vain, il me dit en me quittant : Je vous ajoute à ma list
608
l n’avait pas eues par fidélité à la sienne. » Où
est
la tricherie ? Dans le défi, installé au cœur de la règle ?
609
rrefour fabuleux Dans la forêt de Gribskov, il
est
un lieu nommé « le Coin des Huit-Chemins ». Seul le trouve celui qui
610
esse, car aucune carte ne l’indique. Son nom même
est
une contradiction, car comment le croisement de huit chemins publics
611
la trivialité, combien plus triviale encore doit
être
la rencontre de huit routes ! Pourtant, il en est bien ainsi : huit r
612
tre la rencontre de huit routes ! Pourtant, il en
est
bien ainsi : huit routes et quelle solitude ! … Tout près de là, un b
613
’« Enclos fatal »… L’animation des huit chemins n’
est
qu’une pure possibilité, — possibilité pour l’esprit. Car personne ne
614
couvre son Isolde. Pour l’un et l’autre la pensée
est
une passion, et l’expression totale de la passion ne peut être que mu
615
ion, et l’expression totale de la passion ne peut
être
que musicale. « Par la musique, les passions jouissent d’elles-mêmes.
616
n’a pu que rêver, que sa personne refuse, et qui
est
son Ombre. J’ai cherché bien longtemps le point de perspective d’où l
617
ne étape significative, — et « l’enclos fatal » n’
est
pas loin, mais en même temps s’ouvrent des avenues… Ces carrefours «
618
ues… Ces carrefours « qu’aucune carte n’indique »
sont
les lieux les plus émouvants, pour celui qui chevauche à l’aventure a
619
des grands bois du Nord de la Seeland, un soir d’
été
, que les convives du Banquet se réunissent devant le seuil d’un pavil
620
ier de mon bonheur ! Car en vérité, cette pièce s’
est
emparée de moi d’une façon si diabolique que je ne pourrai plus jamai
621
ité existentielle. La vie réelle de Kierkegaard s’
est
qualifiée par son refus du mythe de Don Juan, tentation permanente et
622
. En voici l’argument condensé. Le christianisme,
étant
esprit, a posé dans le monde la sensualité. Parce qu’il l’excluait en
623
tanéité. La musique seule va s’y prêter. Car elle
est
un langage des sens, mais le sens de l’ouïe, plus que tout autre, est
624
ens, mais le sens de l’ouïe, plus que tout autre,
est
« déterminé par l’esprit ». La musique, au surplus, est, après la par
625
déterminé par l’esprit ». La musique, au surplus,
est
, après la parole, le médium le moins matériel de l’idée : elle n’exis
626
son « objet absolu », car « l’état d’âme sensuel
est
trop lourd et trop dense pour être porté par la parole ; seule la mus
627
t d’âme sensuel est trop lourd et trop dense pour
être
porté par la parole ; seule la musique peut l’exprimer ». Si Don Juan
628
ble et démoniaque, « déterminé par l’esprit comme
étant
ce que l’esprit exclut », l’expression de Don Juan ne peut être que m
629
esprit exclut », l’expression de Don Juan ne peut
être
que musicale. Et c’est pourquoi le seul Don Juan conforme au mythe24,
630
Voici son signalement selon Kierkegaard. Don Juan
est
une puissance, et non pas une personne : Quand Don Juan est conçu mu
631
ssance, et non pas une personne : Quand Don Juan
est
conçu musicalement, j’entends en lui tout l’infini, mais aussi la pui
632
e triomphe absolu de ce désir, triomphe auquel il
serait
vain de s’opposer. Si d’aventure la pensée s’attarde à l’obstacle, ce
633
que de s’y opposer réellement ; la jouissance en
est
accrue, la victoire est certaine et l’obstacle n’est qu’un stimulant.
634
lement ; la jouissance en est accrue, la victoire
est
certaine et l’obstacle n’est qu’un stimulant. Je trouve en Don Juan u
635
accrue, la victoire est certaine et l’obstacle n’
est
qu’un stimulant. Je trouve en Don Juan une vie ainsi animée d’un démo
636
t et irrésistible, à la façon d’un élément. Telle
est
son idéalité dont je puis me réjouir tranquillement, parce que la mus
637
e ou individu, mais comme puissance.25 Don Juan
est
un mouvement, une tension pure, ou n’est plus rien. Lancé comme une p
638
Don Juan est un mouvement, une tension pure, ou n’
est
plus rien. Lancé comme une pierre qui ricoche à la surface de l’eau,
639
n préparatif, d’aucun plan, d’aucun temps, car il
est
toujours prêt, l’énergie est constamment présente en lui et le désir
640
’aucun temps, car il est toujours prêt, l’énergie
est
constamment présente en lui et le désir aussi. » Il n’étourdit pas Ze
641
ne rêverait pas de devenir malheureuse pour avoir
été
une fois heureuse avec Don Juan serait une pauvre fille. Don Juan est
642
se pour avoir été une fois heureuse avec Don Juan
serait
une pauvre fille. Don Juan est convaincu que « l’expression véritable
643
e avec Don Juan serait une pauvre fille. Don Juan
est
convaincu que « l’expression véritable de la femme consiste en sa vol
644
on véritable de la femme consiste en sa volonté d’
être
séduite… C’est pourquoi elle ne se fâche jamais contre son séducteur,
645
otisme de Don Juan s’oppose à l’Éros antique, qui
était
psychique et non sensuel, « et c’est ce qui inspire cette pudeur qui
646
tois, essentiellement fidèle. « L’amour psychique
est
existence dans le temps, l’amour sensuel disparition dans le temps »,
647
rition dans le temps », d’où vient que la musique
est
son parfait médium. Pour Don Juan, « la féminité tout à fait abstrait
648
our Don Juan, « la féminité tout à fait abstraite
est
l’essentiel », l’individualité n’existe pas : il n’y aura jamais à se
649
is seulement répétition et multiplicité. Sa vie n’
étant
qu’« une somme de moments distincts… une addition d’instants », Don J
650
raphie : le doter d’une enfance et d’une jeunesse
fut
l’erreur fatale de Byron. Il est le génie de l’instant. Ses conquêtes
651
t d’une jeunesse fut l’erreur fatale de Byron. Il
est
le génie de l’instant. Ses conquêtes sont sans histoire, « car le tem
652
yron. Il est le génie de l’instant. Ses conquêtes
sont
sans histoire, « car le temps lui manque ». « La voir et l’aimer sont
653
« car le temps lui manque ». « La voir et l’aimer
sont
une seule chose… et aussitôt tout est fini, puis cela se répète à l’i
654
et l’aimer sont une seule chose… et aussitôt tout
est
fini, puis cela se répète à l’infini. » Sans passé, sans mémoire (il
655
tatue de pierre du Commandeur. Mais le Commandeur
est
un esprit ! C’est même un revenant, donc un retour du passé. Il repré
656
on spirituelle du génie spontané de l’instant. Il
est
donc seul capable de dompter Don Juan, nulle puissance du monde n’en
657
on. Cette description du mythe par Kierkegaard n’
est
pas seulement inspirée de Mozart : elle a pour but de démontrer que l
658
lle a pour but de démontrer que l’opéra de Mozart
est
le mythe pur, intégralement manifesté en chaque détail comme dans le
659
e Faust suppose une telle maturité d’esprit qu’il
est
naturel qu’il y en ait plusieurs conceptions », chacune pouvant être
660
y en ait plusieurs conceptions », chacune pouvant
être
« parfaite » pour une génération ; tandis que le Don Juan de Mozart,
661
lui-même (dont la pénétration proprement musicale
est
stupéfiante, Kierkegaard se disant lui-même un « amateur » sans aucun
662
en mouvement. Elle résonne partout ». Don Juan n’
étant
pas caractère, mais puissance et vie, donc « absolument musical », le
663
olument musical », les autres personnages, qui ne
sont
que passions déterminées par Don Juan, sont dans cette mesure même mu
664
ui ne sont que passions déterminées par Don Juan,
sont
dans cette mesure même musicaux. « On peut arriver pendant la représe
665
. « On peut arriver pendant la représentation, on
est
immédiatement au centre, par ce que ce centre, qui est la vitalité de
666
mmédiatement au centre, par ce que ce centre, qui
est
la vitalité de Don Juan, se trouve partout. » Le seul personnage qui
667
. » Le seul personnage qui semble faire exception
est
naturellement le Commandeur, mais, d’une certaine manière (que précis
668
e (que précise l’analyse des thèmes musicaux), il
est
« placé en dehors de la pièce, ou il la circonscrit ». Comme le temps
669
la pièce, ou il la circonscrit ». Comme le temps
est
circonscrit par l’éternité. IIKierkegaard et Tristan Kierkegaar
670
rnité. IIKierkegaard et Tristan Kierkegaard
fut
pourtant le contraire d’un Don Juan. Dans ses rapports avec son œuvre
671
e, son action publique, et sa vocation finale, il
fut
Hamlet. Mais dans sa vie individuelle, dans son amour unique et longu
672
r unique et longuement malheureux pour Régine, il
fut
Tristan. Cependant, je n’ai trouvé dans tout son œuvre que de rares a
673
n, voire ce mutisme, et cette luxuriance verbale,
est
de ceux qui expriment à coup sûr les données essentielles d’une perso
674
p sûr les données essentielles d’une personne. Qu’
est
-ce que Don Juan pour ce célibataire parfaitement libre de mener sa vi
675
e d’écrivain et sa vocation religieuse ? Don Juan
est
de toute évidence la figure de lui-même qui le tente le plus : c’est
676
e raison qui reste son secret dernier. Le mariage
étant
écarté, s’il choisit d’être anachorète, le séducteur devient son myth
677
dernier. Le mariage étant écarté, s’il choisit d’
être
anachorète, le séducteur devient son mythe. Don Juan devient son ombr
678
il doit exalter et condamner sans cesse, car elle
est
lui autant que lui, mais elle est ce qu’il refuse en lui. Elle est ce
679
cesse, car elle est lui autant que lui, mais elle
est
ce qu’il refuse en lui. Elle est ce qu’il saurait être, exemplairemen
680
e lui, mais elle est ce qu’il refuse en lui. Elle
est
ce qu’il saurait être, exemplairement, s’il n’était pas ce qu’il subi
681
ce qu’il refuse en lui. Elle est ce qu’il saurait
être
, exemplairement, s’il n’était pas ce qu’il subit et souffre, et s’eff
682
est ce qu’il saurait être, exemplairement, s’il n’
était
pas ce qu’il subit et souffre, et s’efforce de dépasser vers l’absolu
683
vers ce qu’il veut devenir selon l’esprit. Si tel
est
bien son mythe, son Éros virtuel, quelle est alors la forme actuelle,
684
tel est bien son mythe, son Éros virtuel, quelle
est
alors la forme actuelle, historiquement vécue, de son Éros ? C’est la
685
lue, dans le fait qu’il n’y a au monde qu’un seul
être
bien-aimé, et que cette « seule fois » de l’amour est l’amour, et que
686
bien-aimé, et que cette « seule fois » de l’amour
est
l’amour, et que la « seconde fois » n’est rien… Une fois est le tout
687
l’amour est l’amour, et que la « seconde fois » n’
est
rien… Une fois est le tout absolu, et la seconde fois la ruine absolu
688
, et que la « seconde fois » n’est rien… Une fois
est
le tout absolu, et la seconde fois la ruine absolue de tout.30 Cert
689
comique de ce choix sans appel de la passion, qui
est
d’une importance capitale et qu’on ne peut faire « qu’à l’aveuglette
690
L’amoureux passionné, dans son choix exclusif, n’
est
-il pas « un pantin dont quelque chose d’inexplicable tire les ficelle
691
« la résolution, la résolution de la convoitise,
est
la pointe de l’existence ». Il faut choisir pour exister. Le Séducteu
692
e, et dans chaque femme réelle, c’est ce qui veut
être
séduit et qui ne peut l’être qu’une fois. Au contraire, le Mari, qui
693
e, c’est ce qui veut être séduit et qui ne peut l’
être
qu’une fois. Au contraire, le Mari, qui prendra la parole dans la sec
694
r une seule femme et de l’épouser, car le mariage
est
cette décision qui « traduit l’exaltation en réalité. » Loin d’appauv
695
nce de la vie, elle peut seule y introduire. Elle
est
la décision par excellence, qui rend l’existence concrète. Par elle,
696
rée de jeu : « L’amour et l’inclination amoureuse
sont
tout à fait spontanés, le mariage est une décision ; vouloir se marie
697
amoureuse sont tout à fait spontanés, le mariage
est
une décision ; vouloir se marier, cela veut dire que ce qu’il y a de
698
veut dire que ce qu’il y a de plus spontané doit
être
en même temps la décision la plus libre… En outre, l’une de ces chose
699
guments philosophiques que la décision ne saurait
être
fondée dans l’argumentation. Rien d’étonnant si cet ouvrage ne convai
700
nt si cet ouvrage ne convainc guère : Kierkegaard
est
derrière les pseudonymes, exaltant un Don Juan qu’il refuse, mais qui
701
il refuse, mais qui demeure sa possibilité ; il n’
est
pas derrière le Mari. Car celui-ci représente et défend l’impossibili
702
le reste de son œuvre. Admettons que l’amour vrai
soit
la passion unique et partagée. Pour être heureux, dans un mariage par
703
our vrai soit la passion unique et partagée. Pour
être
heureux, dans un mariage par exemple, cet amour devrait opérer le mir
704
eu un amour essentiellement malheureux. Cet amour
serait
même impossible hors du paradoxe de la foi, laquelle est un mouvement
705
e impossible hors du paradoxe de la foi, laquelle
est
un mouvement de passion, un saut. Toute communication directe de Dieu
706
rd « explique » sa conduite amoureuse, ou si ce n’
est
pas plutôt l’inverse, — ne correspondrait à rien dans notre perspecti
707
et son œuvre indissociables ; et je vois qu’elle
est
disposée de telle manière que « l’esthétique » et le « religieux » y
708
anière que « l’esthétique » et le « religieux » y
sont
constamment homologues, tous les deux irrigués d’énergie passionnelle
709
l’éthique temporelle et autonome : La décision n’
est
pas pouvoir de l’homme, de son courage, ni de son habileté… mais elle
710
me, de son courage, ni de son habileté… mais elle
est
un point de départ religieux ; si elle n’est pas cela, celui qui déci
711
elle est un point de départ religieux ; si elle n’
est
pas cela, celui qui décide n’a été rendu fini que dans sa réflexion,
712
ux ; si elle n’est pas cela, celui qui décide n’a
été
rendu fini que dans sa réflexion, il n’a pas pris de vitesse l’inclin
713
pas pris de vitesse l’inclination amoureuse, mais
est
resté en cours de route, et une telle décision est trop misérable pou
714
st resté en cours de route, et une telle décision
est
trop misérable pour que l’inclination amoureuse ne la méprise et ne p
715
e ne reconnaît qu’une seule spontanéité comme lui
étant
égale par le rang, c’est la spontanéité religieuse.32 Ainsi, comme
716
ion. Je vois enfin que la personne de Kierkegaard
est
ce système qui se définit par la mise en tension et l’interdépendance
717
; — enfin sa vocation exceptionnelle. Le mariage
est
interdit à celui qui doit être l’Exception : Au soldat qui monte la
718
onnelle. Le mariage est interdit à celui qui doit
être
l’Exception : Au soldat qui monte la garde aux frontières, est-il pe
719
n : Au soldat qui monte la garde aux frontières,
est
-il permis de se marier ? Un tel soldat ose-t-il — ceci soit dit dans
720
rmis de se marier ? Un tel soldat ose-t-il — ceci
soit
dit dans un sens spirituel — se marier, s’il doit jour et nuit se bat
721
rigands d’une mélancolie innée ?33 L’amour n’en
est
pas moins l’agent privilégié du progrès spirituel de « l’homme supéri
722
l’homme supérieur » — toutefois à condition de n’
être
pas « heureux » : Grâce à une jeune fille, bien des hommes sont deve
723
eux » : Grâce à une jeune fille, bien des hommes
sont
devenus des génies, beaucoup des héros, beaucoup des poètes, beaucoup
724
des poètes, beaucoup des saints — mais pas un ne
fut
un génie par la jeune fille qu’il posséda, car par elle il ne devint
725
le il ne devint que conseiller d’État ; pas un ne
fut
un héros par la jeune fille qu’il posséda, car par elle il ne devint
726
car par elle il ne devint que général ; pas un ne
fut
poète par la jeune fille qu’il posséda, car par elle il ne devint que
727
car par elle il ne devint que père ; et pas un ne
fut
un saint par la jeune fille qu’il posséda, car il n’en posséda aucune
728
« entraîne » et transfigure dans la mesure où il
est
par essence malheureux, ce n’est pas l’Éternel féminin mystique du Se
729
la mesure où il est par essence malheureux, ce n’
est
pas l’Éternel féminin mystique du Second Faust. C’est la passion dans
730
reparaît enfin ! ⁂ On sait assez que le paradoxe
est
la catégorie fondamentale de la pensée de Kierkegaard. Or voici ce qu
731
ion de la pensée, et les penseurs qui en manquent
sont
comme des amants sans passion, c’est-à-dire de piètres partenaires. M
732
s partenaires. Mais le paroxysme de toute passion
est
toujours de vouloir sa propre perte… C’est là le paradoxe suprême de
733
e rende qu’imparfaitement la situation. L’égoïsme
est
à l’origine du sentiment pour autrui, mais quand sa passion paradoxal
734
dans la passion de l’instant, et cette puissance
est
justement l’amour. Cette forme de pensée est tristanienne. Elle est
735
ce est justement l’amour. Cette forme de pensée
est
tristanienne. Elle est d’abord une forme d’existence. Elle s’illustre
736
r. Cette forme de pensée est tristanienne. Elle
est
d’abord une forme d’existence. Elle s’illustre dans les relations mal
737
écrit pour s’excuser d’un rendez-vous manqué : il
est
allé tout seul à la campagne, ce jour-là, « à Fredensborg où souvenir
738
ude de son cœur, « c’est alors seulement que nous
sommes
unis ».) Régine s’est mariée ailleurs. Le dernier appel qu’il ait ten
739
alors seulement que nous sommes unis ».) Régine s’
est
mariée ailleurs. Le dernier appel qu’il ait tenté de lui adresser — p
740
— ne l’a pas atteinte. Une dernière fois, ils se
sont
rencontrés, mais par hasard, dans la rue. Elle l’a salué, et il a rép
741
Il mourut le 11 novembre de la même année. Régine
était
au-delà des mers, dans une autre île. Que cette forme d’amour nostalg
742
our-passion (ou amour poétique), qui élit un seul
être
bien-aimé, et l’amour du prochain (amour chrétien), dont le commandem
743
u prochain (amour chrétien), dont le commandement
est
d’aimer tous les hommes, sans distinction, non par sympathie élective
744
urrait confondre avec un sens social humanitaire,
serait
-il vraiment chrétien selon la conception kierkegaardienne ? Le dévelo
745
ntielle. Le sujet du « Tu dois aimer » ne saurait
être
, en effet, que l’Individu. Or on sait que cette catégorie kierkegaard
746
me isolé par l’esprit, — isolé de la foule, « qui
est
mensonge ». Et l’objet, le prochain — celui qu’il faut aider, selon l
747
aider, selon la parabole évangélique — ne saurait
être
à son tour que l’expression de l’esprit en tout homme. Seul donc celu
748
de l’esprit en tout homme. Seul donc celui qui s’
est
connu et accepté en tant qu’esprit, celui qui de la sorte se trouve s
749
mer en l’autre, l’esprit qui crée l’Individu. Tel
est
le paradoxe proprement kierkegaardien. L’amour ne va pas de n’importe
750
ngué par l’esprit, à chacun de ceux, quels qu’ils
soient
, également existants par l’esprit. Mais ici, comment ne pas rappeler
751
versalise (paradoxalement !) et s’approfondit. Il
est
la signature de l’homme spirituel, distingué dans la foule anonyme, s
752
onguement écrit que Kierkegaard, mais son œuvre n’
est
pas moins riche en jugements brefs, d’ailleurs effrontément contradic
753
ntément contradictoires, sur ces trois thèmes. Il
est
remarquable que les contradictions de Nietzsche offrent un raccourci
754
opiniâtrement la croyance que l’amour, bien qu’il
soit
une passion, est cependant susceptible de durer en tant que passion e
755
royance que l’amour, bien qu’il soit une passion,
est
cependant susceptible de durer en tant que passion et que l’amour à v
756
rer en tant que passion et que l’amour à vie peut
être
considéré comme la règle. Par cette ténacité d’une noble croyance, ma
757
nue malgré des réfutations si fréquentes qu’elles
sont
presque la règle, et qui en font par conséquent une pia fraus, l’inst
758
que, et même un risque plus qu’humain, le mariage
est
ici aux yeux de Nietzsche « une conception surhumaine qui élève l’hom
759
s l’optimum. Parmi les grands philosophes, lequel
était
marié ? Héraclite, Platon, Descartes, Spinoza, Leibniz, Kant, Schopen
760
Spinoza, Leibniz, Kant, Schopenhauer — ils ne le
furent
point ; bien plus, on ne pourrait même se les imaginer mariés. Un phi
761
hilosophe marié a sa place dans la comédie, telle
est
ma thèse ; et Socrate, seule exception, le malicieux Socrate, s’est s
762
Socrate, seule exception, le malicieux Socrate, s’
est
semble-t-il marié par ironie, précisément pour démontrer la vérité de
763
Kierkegaard : « Toutes les grandes choses qui ont
été
faites par l’humanité antique tiraient leur force du fait que l’homme
764
qu’aucune femme ne pouvait élever la prétention d’
être
pour l’homme l’objet de l’amour le plus proche et le plus haut, ou mê
765
’Agapè maîtrise l’Éros, etc.38 L’Agapè dont il
est
ici question n’est encore pour les Grecs que l’amour désintéressé ; m
766
ros, etc.38 L’Agapè dont il est ici question n’
est
encore pour les Grecs que l’amour désintéressé ; mais dans l’esprit d
767
que passion — notre spécialité européenne — doit
être
nécessairement d’origine noble. On sait que son invention doit être a
768
t d’origine noble. On sait que son invention doit
être
attribuée aux chevaliers-poètes provençaux, ces hommes magnifiques et
769
nifiques et ingénieux du gai saber à qui l’Europe
est
redevable de tant de choses et presque d’elle-même.39 Plus tard, ay
770
la volonté de combattre la violence d’un instinct
est
en dehors de notre puissance ». Dans le procès de maîtrise d’un insti
771
cès de maîtrise d’un instinct : … l’intellect n’
est
que l’instrument aveugle d’un autre instinct, qui est le rival de cel
772
que l’instrument aveugle d’un autre instinct, qui
est
le rival de celui dont la violence nous tourmente, que ce soit le bes
773
de celui dont la violence nous tourmente, que ce
soit
le besoin de repos, ou la crainte de la honte et d’autres suites néfa
774
ités peu avant — ni l’amour qu’on invoque ici, ne
sont
, à parler proprement, des instincts. L’érotisme commence précisément
775
etzsche suggère comme un possible instinct rival,
est
la passion de l’âme par excellence. La lutte entre les deux « instinc
776
cellence. La lutte entre les deux « instincts » n’
est
donc pas autre chose que la lutte entre les deux puissances de l’Éros
777
sique, les passions jouissent d’elles-mêmes. » Il
est
curieux de relever que Nietzsche, comme Kierkegaard, commence sa carr
778
the et de la musique dionysiaque. L’un et l’autre
tiennent
le langage pour impuissant à traduire l’essence de la musique, en laq
779
he en général « le but réel de la science », s’il
est
vrai que « la cause finale de la science est de rendre l’existence co
780
s’il est vrai que « la cause finale de la science
est
de rendre l’existence concevable ». Le mythe est une « image du monde
781
est de rendre l’existence concevable ». Le mythe
est
une « image du monde en raccourci » et, sans le mythe, « toute cultur
782
en raccourci » et, sans le mythe, « toute culture
est
dépossédée de sa force naturelle, saine et créatrice ; seul un horizo
783
tés de l’imagination… Les images du mythe doivent
être
les esprits tutélaires invisibles et omniprésents, propices au dévelo
784
uscite chez celui-là l’illusion que la musique ne
soit
qu’un admirable procédé, un inégalable moyen de donner la vie au mond
785
iberté auquel, en tant que musique en soi, il lui
serait
interdit d’oser se livrer avec une telle licence, sans la sauvegarde
786
sans cet auxiliaire unique, la parole et l’image
fussent
demeurées à jamais impuissantes à l’atteindre. Et c’est tout spéciale
787
et de la musique que le spectateur de la Tragédie
est
envahi de ce sûr pressentiment d’une joie suprême, à laquelle aboutit
788
s afin de pouvoir vivre avec nous-mêmes ! » Que s’
est
-il passé entre-temps ? Sur la scène tout au moins — et l’on veut dire
789
e que Nietzsche exprime consciemment —, Tristan s’
est
évanoui et Don Juan domine tout. Wagner n’est plus « mon noble compag
790
n s’est évanoui et Don Juan domine tout. Wagner n’
est
plus « mon noble compagnon d’armes » mais « l’asphyxie par le rabâcha
791
loin de Bayreuth surtout — où l’auteur de Tristan
est
l’époux comblé de Cosima… — loin du Nord désormais détesté, Nietzsche
792
rit Aurore. « Presque chaque phrase de ce livre a
été
pensée et comme capturée dans les mille recoins de ce chaos de rocher
793
re partie de Zarathoustra, à « l’heure sainte » —
tiendra-t
-il à préciser plus tard — où Richard Wagner meurt à Venise44. Que di
794
lleur, violent — ainsi nous veut la sagesse. Elle
est
femme… » Que dit Aurore ? « Il n’y a encore d’efficace contre l’amour
795
que, de candide, de cruel… L’amour dont la guerre
est
le moyen, dont la haine mortelle des sexes est la base.45 » Cet amour
796
re est le moyen, dont la haine mortelle des sexes
est
la base.45 » Cet amour dont Benjamin Constant a bien dit qu’il est de
797
Cet amour dont Benjamin Constant a bien dit qu’il
est
de tous les sentiments le plus égoïste, — l’amour « naturel » à la Do
798
Don Juan. Il y a plus. Le don-juanisme érotique n’
est
guère pour Nietzsche qu’une image, voire un argument polémique, mais
799
venir réclameront le titre de « séducteurs ». Ils
seront
« curieux jusqu’au vice, chercheurs jusqu’à la cruauté, avec des doig
800
ts ! » Et leur morale, au-delà du bien et du mal,
sera
« la danse dans l’esprit.46 » Voici sans doute le texte capital :
801
nfin il ne lui reste plus rien à chasser, si ce n’
est
ce qu’il y a d’absolument douloureux dans la connaissance, comme l’iv
802
on Juan de la connaissance s’interroge, et cela n’
est
pas dans le droit fil du personnage. Ou bien veut-il aller plus outre
803
s-nous la possibilité d’un retour à la barbarie ?
Serait
-ce peut-être parce que la barbarie rendrait les hommes plus malheureu
804
rendrait les hommes plus malheureux qu’ils ne le
sont
? Hélas, non ! Les barbares de tous les temps avaient plus de bonheur
805
. — Mais c’est notre instinct de connaissance qui
est
trop développé pour que nous puissions encore apprécier le bonheur sa
806
ination a pris pour nous autant de charme et nous
est
devenue tout aussi indispensable que ne l’est, pour l’amoureux, l’amo
807
ous est devenue tout aussi indispensable que ne l’
est
, pour l’amoureux, l’amour malheureux : à aucun prix il n’aimerait l’a
808
ner pour l’état d’indifférence ; — oui, peut-être
sommes
-nous, nous aussi, des amants malheureux. La connaissance s’est transf
809
s aussi, des amants malheureux. La connaissance s’
est
transformée chez nous en passion qui ne s’effraie d’aucun sacrifice e
810
ssance peut faire périr l’humanité ? Qu’à cela ne
tienne
! « Cette pensée, elle aussi, est sans puissance sur nous. Le christi
811
Qu’à cela ne tienne ! « Cette pensée, elle aussi,
est
sans puissance sur nous. Le christianisme s’est-il donc effrayé d’idé
812
, est sans puissance sur nous. Le christianisme s’
est
-il donc effrayé d’idées semblables ? La passion et la mort ne sont-el
813
ayé d’idées semblables ? La passion et la mort ne
sont
-elles pas sœurs ?48 » Au comble du défi, Don Juan vient de surprendre
814
dormi — Du fond d’un songe je m’éveille : Profond
est
le monde Et plus profond que le jour ne l’a cru. Profonde est sa doul
815
Et plus profond que le jour ne l’a cru. Profonde
est
sa douleur — Mais la joie plus profonde encore que la peine La douleu
816
! — dans un suprême défi, et pour sombrer. Et ce
sera
bientôt l’aveu presque posthume, le dernier appel à Isolde, ce billet
817
t’aime ! signé : Dionysos. » Le Cas Wagner — qui
est
un dernier Anti-Tristan — venait d’être envoyé à l’impression. Dans
818
gner — qui est un dernier Anti-Tristan — venait d’
être
envoyé à l’impression. Dans Aurore, je relis : « Que celui qui veut
819
i qui veut tuer son adversaire considère si ce ne
serait
pas là une façon de l’éterniser en soi-même ». ⁂ Le « cas Nietzsche »
820
ser en soi-même ». ⁂ Le « cas Nietzsche » n’a pas
été
tranché par la folie. Et personne n’en a mieux formulé les données qu
821
— ou bien Don Juan, ou bien le Tristan de la Foi.
Était
-ce vraiment la destinée de Nietzsche « d’échouer devant l’infini » ?
822
ristan, telle que je l’ai formulée ailleurs, doit
être
ici rappelée en quelques phrases : Considérons le Don Juan du théâtr
823
comme le reflet inversé de Tristan. Le contraste
est
d’abord dans l’allure extérieure des personnages, dans leur rythme. O
824
e une seule femme. Mais c’est la multiplicité qui
est
pauvre, tandis que dans un être unique et possédé à l’infini se conce
825
a multiplicité qui est pauvre, tandis que dans un
être
unique et possédé à l’infini se concentre le monde entier. Tristan n’
826
nfin tout se ramène à cette opposition : Don Juan
est
le démon de l’immanence pure, le prisonnier des apparences du monde,
827
s en plus décevante et méprisable — quand Tristan
est
le prisonnier d’un au-delà du jour et de la nuit, le martyr d’un ravi
828
taire au sens de la physique actuelle. Don Juan n’
est
pas concevable sans Tristan, et sans lui n’eût pas vu le jour. Mais c
829
i l’un des deux prétend faire valoir sa vertu, ce
soit
au prix de l’exclusion d’autant plus radicale de l’autre. (Pire qu’un
830
’autre. (Pire qu’un Don Juan, pire qu’un Tristan,
seraient
un Don Juan marié ou un Tristan coureur.) Enfin, pour la Psychologie,
831
te, la pensée et l’affectivité d’un même individu
sont
dissociées, Don Juan peut régir telle d’entre elles, Tristan telle au
832
uan ne remonte guère qu’à la Renaissance, et ne s’
est
vraiment constituée qu’à la faveur du refoulement temporaire de la «
833
apparaître l’antithèse de Tristan. Si Don Juan n’
est
pas, historiquement, une invention du xviiie , du moins ce siècle a-t
834
la passion mortelle vers le milieu du xixe , s’il
est
d’abord le fait du romantisme, ne coïncide point par hasard avec l’es
835
sard avec l’essor de la passion nationaliste, qui
est
sa transposition au niveau politique51. Mais le nomadisme de Don Juan
836
veau politique51. Mais le nomadisme de Don Juan n’
est
pas seulement cosmopolite et donc moderne. Les succès du héros, comme
837
. Les succès du héros, comme ceux de Casanova, ne
sont
pas seulement le fait d’un charme individuel. Des coutumes ancestrale
838
outumes ancestrales, oubliées depuis des siècles,
sont
subitement réactivées par sa qualité d’Étranger. À la question d’une
839
femme qu’il veut séduire : « Ah ciel ! Homme, qui
es
-tu ? » le Don Juan de Tirso de Molina répond : « Qui je suis ? Un hom
840
le Don Juan de Tirso de Molina répond : « Qui je
suis
? Un homme sans nom. » Cet homme sans nom, sans passé ni lendemain, c
841
les religions antiques et primitives : celui qui
est
assez saint ou assez fort pour oser assumer les périls supposés de l’
842
’âme, perte de la mana. Ainsi le jus primæ noctis
serait
plutôt une sorte de devoir littéralement « religieux » du seigneur. D
843
e paysan Mazetto semble savoir un peu ce qu’il en
est
. En ce sens, uniquement, Don Juan procède d’un état de civilisation b
844
apparaît encore plus évidente. L’amour-passion n’
est
ressenti dans sa pureté animique que par la prime adolescence. Il est
845
pureté animique que par la prime adolescence. Il
est
alors sentiment pur, douleur-joie pure, et ne sera plus jamais aussi
846
est alors sentiment pur, douleur-joie pure, et ne
sera
plus jamais aussi nettement distinct de toute autre douleur ou joie.
847
u joie. Le sentiment qu’expriment les troubadours
est
typiquement adolescent, et comme indépendant du sexe. S’il réussit à
848
dant du sexe. S’il réussit à se fixer sur un seul
être
, sans obstacles insurmontables, il conduit normalement au mariage, c’
849
tique des plus complexes, dont les termes de base
sont
le sexuel, le social et le sentimental. Supposons que la synthèse des
850
nt, et que la résultante de ce système d’échanges
soit
positive, pour l’une et l’autre des personnes composant le couple. Un
851
eut devenir plus ou moins stable, mais ne saurait
être
en aucun cas statique, au sens où la supposent la morale sociale et s
852
iale et ses lois laïques ou religieuses. Car elle
sera
bientôt soumise à l’épreuve imprévue de la durée, qui modifie nécessa
853
ive de chacun des trois termes, et cela chez deux
être
différents. (Calculez le nombre des combinaisons et des permutations
854
combinaisons et des permutations possibles : ce n’
est
pas ici mon sujet, mais celui d’un traité du mariage.) Si au contrair
855
ire le sentiment, dans son essor vers le mariage,
est
arrêté par des obstacles insurmontables, qui sont généralement de nat
856
est arrêté par des obstacles insurmontables, qui
sont
généralement de nature sociale : ou bien il s’exalte et les nie — ou
857
s’emparent de lui. Dans les deux cas, le mariage
est
condamné : puisqu’il est la durée sociale, l’un des deux mythes pouss
858
les deux cas, le mariage est condamné : puisqu’il
est
la durée sociale, l’un des deux mythes pousse à le dépasser, l’autre
859
rencontres érotiques. De ce point de vue, Tristan
serait
un mari manqué pour avoir manqué le social et surcompensé cet échec p
860
sé cet échec par la passion ; tandis que Don Juan
serait
un Tristan manqué, pour avoir reculé à la fois devant le social et le
861
nt le social et le sentimental52. Mais comme il n’
est
guère de mariage qui parvienne à maintenir sans crise une synthèse da
862
l’excès ou l’échec, la plupart des couples réels
sont
soumis dans leurs crises à l’action de l’un des deux. La morale et la
863
isent au divorce ou à l’électrochoc, il demande à
être
écouté : non comme médecin psychiatre, non comme prêtre, et non comme
864
ordonnatrice et dynamique qui pourrait aussi bien
être
la leur, exige une prise de conscience objective de leur véritable na
865
, ontogenèse —, c’est l’alternance des mythes qui
est
manifeste — leur interdépendance génétique et leur coexistence dialec
866
me d’une alternative que le drame s’impose, qu’il
est
vécu, et que la morale formule ses exigences. Or, on ne saurait tranc
867
s découvre essentiellement complémentaires. Ce ne
serait
plus alors d’un dilemme à trancher qu’il s’agirait, mais d’une tensio
868
vital… VSens final des deux mythes Quelles
sont
les fins de nos vies au-delà de survivre, travailler et gagner de l’a
869
urvivre, travailler et gagner de l’argent, qui ne
sont
au vrai que des moyens ? Limitons-nous aux quatre que voici : la duré
870
cherchera le drame et l’autre la surprise. Que ce
soit
par dépit devant leur impuissance à intégrer l’amour dans l’existence
871
n, l’autre Don Juan. Don Juan nous chante qu’il n’
est
heureux que dans l’instant, la nouveauté et le changement, et qu’il n
872
de ses apologistes53, qui ajoute aussitôt : « Il
est
heureux jusque dans les échecs de sa chasse, puisque son plaisir est
873
dans les échecs de sa chasse, puisque son plaisir
est
dans la chasse plus que dans la prise. » L’excitation de la chasse lu
874
a chasse lui suffit donc, et, l’on insiste : elle
est
même pour lui « l’essentiel ». Cet instinct « naturel du mâle » serai
875
« l’essentiel ». Cet instinct « naturel du mâle »
serait
aussi un « instinct raisonnable ». (Saluons au passage cette nouveaut
876
e plus raisonnable que de la cueillir aussi. » Il
est
vrai que Don Juan « raisonne » ainsi, en chacun de nous à ses heures.
877
s à ses heures. C’est qu’il oublie qu’une femme n’
est
pas une pomme. Et qu’elle en voudra mortellement à celui qui ne l’aur
878
rtellement à celui qui ne l’aura pas « prise », s’
étant
contenté de la « goûter ». Dona Anna poursuit Don Juan de sa haine, p
879
part, le « divin » ramené à l’humain, et l’âme n’
étant
plus confondue avec l’esprit ou la personne, le sens est clair : le r
880
s confondue avec l’esprit ou la personne, le sens
est
clair : le refus de la durée, chez Don Juan, équivaut au refus de la
881
au moins ; et l’on n’en finit pas si vite ! Il n’
est
que juste d’observer d’ailleurs que le Don Juan mangeur de pommes, qu
882
peu court. Il n’accédera jamais à l’érotisme, qui
est
dépassement de l’instinct et des faims animales. Il n’intéresse pas p
883
r l’esprit. Il nous rappelle aussi que la durée n’
est
pas seulement la réalité du couple, mais celle de l’objet désiré. La
884
l veut échapper à la souffrance, et la souffrance
est
liée au temps et à l’espace, qui modifient, distinguent et séparent —
885
ut l’éternité, veut la profonde éternité ». Telle
est
la forme de son évasion, de son refus de la durée incarnée. Il veut p
886
sure de répondre. Si notre incarnation présente n’
est
que souffrance et illusion — souffrance à cause de l’illusion, dit le
887
st Tristan qui a raison contre le mariage. S’il n’
est
pas d’autre vie ni d’autre réalité qu’historique, matérielle et biolo
888
’historique, matérielle et biologique, le mariage
est
un devoir civique, et Don Juan serait alors la liberté, un reflet inv
889
ue, le mariage est un devoir civique, et Don Juan
serait
alors la liberté, un reflet inversé de l’esprit que l’on nie. On peut
890
que l’on nie. On peut aussi penser que le mariage
est
« la plénitude du temps », comme le dit le Mari de Kierkegaard, la sy
891
rnité. Celui qui a résolu ce problème dans sa vie
est
seul en mesure de condamner Don Juan et Tristan à la fois ; mais il n
892
sion : l’argument du bonheur sert à tous. Et ce n’
est
pas une raison pour qu’il soit faux. Il n’en fait pas moins ricaner c
893
ert à tous. Et ce n’est pas une raison pour qu’il
soit
faux. Il n’en fait pas moins ricaner ceux que l’ennui, la satiété, la
894
ou la vulgarité d’esprit et d’âme — ces deux cas
sont
les plus généraux — empêchent de jouer un rôle « heureux » dans le ma
895
éussi, d’éprouver à l’endroit des deux autres : j’
étais
né pour ceci ou pour cela (le contraire de ce que je suis en train de
896
pour ceci ou pour cela (le contraire de ce que je
suis
en train de vivre), j’ai toujours rêvé de…, si je pouvais refaire ma
897
pouvais refaire ma vie… Mais rêver d’autre chose
est
normal. Une certaine dualité est normale, dans la mesure où elle ne f
898
er d’autre chose est normal. Une certaine dualité
est
normale, dans la mesure où elle ne fait que traduire la formule même
899
ue, biologique et physique. En effet, nulle vie n’
est
concevable hors de la tension permanente, voire de la lutte (latente
900
is également à l’œuvre dans le cytoplasme, où ils
sont
les agents d’induction de la synthèse des protéines. Tant que les deu
901
n de la synthèse des protéines. Tant que les deux
sont
à l’œuvre, la cellule fonctionne bien, son régime d’échanges et de sy
902
ionne bien, son régime d’échanges et de synthèses
est
créateur : on pourrait dire qu’elle est « heureuse ». Mais voici qu’u
903
synthèses est créateur : on pourrait dire qu’elle
est
« heureuse ». Mais voici qu’un virus y pénètre : elle le digère, le d
904
le le digère, le désintègre et l’assimile, — il n’
est
plus là, matériellement. Et puis, quelques minutes ou quelques heures
905
dans le programme d’activité dont ses chromosomes
sont
porteurs) qui se met à fabriquer le virus disparu —jusqu’à ce qu’elle
906
la contagion dans un organe. Mais après tout, qu’
est
-ce qu’un virus ? Voilà le point. Un virus est un composé de substance
907
qu’est-ce qu’un virus ? Voilà le point. Un virus
est
un composé de substances analogues à celles de la cellule, sauf en ce
908
renferme qu’un seul des acides nucléiques. À cela
tient
toute sa nocivité. (Notons aussi que le virus ne peut se propager et
909
n couple, cette « cellule sociale » : son bonheur
sera
conditionné par la présence des deux tendances antagonistes, et sa du
910
ence des deux tendances antagonistes, et sa durée
sera
le produit des synthèses qu’elles induisent en permanence. Qu’un seul
911
nt du couple. Si au contraire l’âme résiste, elle
sera
désormais immunisée. Ou bien encore, l’effet nocif du mythe est simpl
912
immunisée. Ou bien encore, l’effet nocif du mythe
est
simplement mis en latence, mais demeure susceptible de ressusciter so
913
n s’en doute, la nature en soi de nos mythes, qui
sont
phénomènes de l’âme. Mais elle nous aide à mieux imaginer le processu
914
ô éternité ! ») Une certaine dialectique formelle
étant
commune à tous les phénomènes qui relèvent de la vie en général, pour
915
ssi d’une manière formellement analogue, quel que
soit
le niveau de la vie considéré ? Je ne citerai — et en passant — qu’un
916
dialectique à la vie politique. Le totalitarisme
est
caractérisé par sa prétention unitaire et son refus de composer avec
917
i le distingue de tout autre régime — quelles que
soient
ses ressemblances avec plusieurs d’entre eux — c’est, d’une manière p
918
isse vous paraître, je crois que le totalitarisme
est
un virus, et si vous l’attrapez, vous n’y pourrez plus rien. » Je ne
919
’orchestre multiplie les appels au plaisir. (Nous
sommes
maintenant dans le palais.) Brusquement tout s’arrête à l’entrée du T
920
ette liberté seule nous intéresse ; les autres ne
sont
guère que revendications déterminées dans l’homme par son « emploi »
921
c pas de liberté ? Ou bien la seule vraie liberté
serait
-elle dans le défi du Libertin à tout ce que le commun des hommes tien
922
fi du Libertin à tout ce que le commun des hommes
tient
pour vrai, nécessaire et sacré ? Lorsque les croisés se heurtèrent e
923
mbole, le principe essentiel dont la connaissance
était
réservée aux esprits supérieurs, seuls dépositaires de cet ultime sec
924
seuls dépositaires de cet ultime secret : Rien n’
est
vrai, tout est permis. C’était là de la vraie liberté d’esprit, une p
925
ires de cet ultime secret : Rien n’est vrai, tout
est
permis. C’était là de la vraie liberté d’esprit, une parole qui metta
926
loin, on ne peut aller plus haut — mais peut-être
est
-ce aller trop haut — dans la défense et dans l’illustration du libert
927
rit, contre la liberté chrétienne d’une part, qui
est
obéissance au Révélé, et d’autre part contre l’ascèse scientifique, q
928
et d’autre part contre l’ascèse scientifique, qui
est
elle aussi, à sa manière, une foi dans le vrai objectif, une obéissan
929
a liberté que Nietzsche veut aimer cessera vite d’
être
désirable quand il aura tué la vérité elle-même : pas de « vraie » li
930
e « petit faitalisme » scientifique — le « Rien n’
est
vrai, tout est permis » est une connaissance réservée, un savoir reli
931
lisme » scientifique — le « Rien n’est vrai, tout
est
permis » est une connaissance réservée, un savoir religieux et un sym
932
tifique — le « Rien n’est vrai, tout est permis »
est
une connaissance réservée, un savoir religieux et un symbole mystique
933
n savoir religieux et un symbole mystique. « Tout
est
permis », déclare saint Paul. « Aime et fais ce que tu veux », dit Au
934
de l’islam après eux. Cette connaissance ne peut
être
obtenue par un défi à la morale courante, ni même par une révolte con
935
ntre la Loi, à laquelle tous les vrais spirituels
sont
« morts… de sorte qu’ils servent dans un esprit nouveau, non selon la
936
lettre.57 » Cette liberté seule « vraie » ne peut
être
le terme d’aucune espèce de revendication, nécessairement tournée ver
937
, vers les vérités constituées : car celles-ci ne
sont
pas « vraies » (si elles sont souvent utiles) et leur renversement ne
938
: car celles-ci ne sont pas « vraies » (si elles
sont
souvent utiles) et leur renversement ne suffirait pas à révéler la Vé
939
liberté suppose donc une libération. Libération
est
la voie de Tristan. Sa passion veut aimer sans limites au-delà des fo
940
el où l’amant et l’aimée se confondent en un seul
être
, dans le règne sans fin de l’Amour sans réveil. Là, rien n’est plus n
941
règne sans fin de l’Amour sans réveil. Là, rien n’
est
plus ni vrai ni faux, ni tien ni mien, ni séparé ni interdit, dans l’
942
îmer Inconscient Joie suprême58 ! Mais si le moi
est
dépassé, qui est libre ? Et qui peut encore aimer qui ? C’est dans l’
943
Joie suprême58 ! Mais si le moi est dépassé, qui
est
libre ? Et qui peut encore aimer qui ? C’est dans l’énigme jamais rés
944
de ce nirvana romantique (où le Souffle du Monde
est
encore une « tourmente » !) que nous laissent les dernières mesures d
945
an, si le dernier obstacle qui nourrit sa passion
est
dans le moi distinct, et si ce moi doit s’abîmer dans l’inconscient t
946
chain. Don Juan et Tristan, symboles de l’âme, ne
sont
en fait que deux manières d’aimer sans aimer le prochain. N’étant pas
947
e deux manières d’aimer sans aimer le prochain. N’
étant
pas des personnes, mais des puissances, ils ne sauraient s’aimer eux-
948
ances, ils ne sauraient s’aimer eux-mêmes, ce qui
est
la condition de l’amour d’un autre, et donc de tout amour réel : car
949
ne sait plus où se prendre. Tout amour véritable
est
relation réciproque. Cette relation s’établit tout d’abord à l’intéri
950
térieur de chaque personne, entre l’individu, qui
est
l’objet naturel, et la vocation qu’il reçoit, sujet nouveau, — et tel
951
la vocation qu’il reçoit, sujet nouveau, — et tel
est
l’amour de soi-même. Elle s’établit ensuite à l’intérieur du couple,
952
n entre le couple et la communauté humaine. Telle
est
la plénitude de l’amour — et sa rareté merveilleuse ! Mais nos arts d
953
aucune carte n’indique, une conclusion que l’on n’
était
pas sans pressentir dévoile enfin son visage ambigu. Les deux mythes
954
prestigieux de l’amour que l’on rêve en Occident
sont
en réalité deux négations de l’amour vrai dans le mariage, bien qu’il
955
s de l’amour vrai dans le mariage, bien qu’ils en
soient
inséparables : ils sont nés de lui, contre lui, et ne pourraient se p
956
mariage, bien qu’ils en soient inséparables : ils
sont
nés de lui, contre lui, et ne pourraient se perpétuer sans lui. Mais
957
le, ou devenue telle dans notre évolution. Ils ne
sont
pas seulement nos tentations majeures, mais des signes chargés de sen
958
pagner dans l’ombre, et nous savons que le moment
est
venu de virer de cap, ou bien d’affronter la tempête et les orages dé
959
l’amour, sitôt qu’il se ramène en soi, cessant d’
être
un échange vivant. Enfin tous les deux ont raison contre nos morales
960
ion, personne, et la vie même. Mais sans eux, que
seraient
nos amours ? 23. Nietzsche, Par-delà le bien et le mal, n° 106.
961
que les Don Juan de Molière, de Heiberg, de Byron
sont
à cet égard loin de compte. 25. Ou bien… ou bien, « Les stades de l
962
as », discours de Johannes le Séducteur. Casanova
serait
beaucoup plus conforme au type donjuanesque selon Kierkegaard — sinon
963
que du personnage de Casanova. Certes, Casanova n’
est
pas impie, n’est pas démon, ne provoque ni Dieu ni les hommes. Il n’e
964
de Casanova. Certes, Casanova n’est pas impie, n’
est
pas démon, ne provoque ni Dieu ni les hommes. Il n’est pas révolution
965
as démon, ne provoque ni Dieu ni les hommes. Il n’
est
pas révolutionnaire, et n’est pas non plus grand seigneur. Il est tri
966
ni les hommes. Il n’est pas révolutionnaire, et n’
est
pas non plus grand seigneur. Il est tricheur, vulgaire, catholique à
967
onnaire, et n’est pas non plus grand seigneur. Il
est
tricheur, vulgaire, catholique à bon compte mais pas athée, occultist
968
ntiel. Mais quoi ! Don Juan n’a jamais existé, il
est
un mythe ; et la plus grande différence entre Casanova et le mythe, c
969
eule lacune, presque incroyable : Kierkegaard n’y
est
pas même nommé), je trouve ces formules adroitement balancées : « Don
970
mules adroitement balancées : « Don Juan et Faust
sont
des gémeaux mythiques… moitiés complémentaires d’un être double… Don
971
s gémeaux mythiques… moitiés complémentaires d’un
être
double… Don Juan est intelligent, épris de clair savoir, il a une têt
972
oitiés complémentaires d’un être double… Don Juan
est
intelligent, épris de clair savoir, il a une tête faustienne, Faust e
973
de clair savoir, il a une tête faustienne, Faust
est
voluptueux, désireux d’amour, il a des sens et un cœur donjuanesques…
974
ur, il a des sens et un cœur donjuanesques… Faust
est
l’intelligence de Don Juan ; Don Juan est l’érotisme de Faust… Le rom
975
… Faust est l’intelligence de Don Juan ; Don Juan
est
l’érotisme de Faust… Le romantisme conclura que Don Juan et Faust che
976
ore, n° 27. 36. Généalogie de la Morale, « Quel
est
le sens de tout idéal ascétique ? », 7. 37. Aurore, n° 503. 38. L
977
uanesque. À l’autre extrême, le général de Gaulle
est
tristanien dans son nationalisme. Son Iseut, c’est la France, il est
978
son nationalisme. Son Iseut, c’est la France, il
est
bien près de le dire en plus d’une page de ses mémoires, et pas seule
979
ée à une destinée éminente et exceptionnelle », —
fût
-ce à « des malheurs exemplaires ». Il l’a longtemps aimée de loin, da
980
vrée de haute lutte en terrassant le géant qui la
tenait
captive et qui exigeait son tribut de jeunes gens (Minotaure-Morholt-
981
œuré par l’intrigue des barons félons. Certes, il
est
revenu à son appel. Mais la vraie passion tristanienne se nourrit de
982
nt faire défaut. Entre la France et lui, quand il
était
le plus fort — Tristan plus fort que le roi Marc —, n’a-t-il pas dépo
983
vit de façon plus frivole, plus insolente, que l’
être
sans idéal », observe Nietzsche. (Par-delà… n° 133). 53. H. de Month
984
a Anna, si elle déclare sa haine pour Don Juan, n’
est
pas pressée d’épouser Don Ottavio… 55. Mon Journal d’Allemagne ne
985
r le sien ? Une réponse positive à cette question
serait
bien faite pour confirmer, par recoupement, mes essais de mythanalyse
986
39 où, dans le hall de la rue Sébastien-Bottin, j’
étais
en train de téléphoner, quand je le vois descendre l’escalier. Je par
987
main, très tôt, nous arrivons chez lui. Le studio
est
vaste et plaisant, agrémenté d’un escalier conduisant à une large gal
988
e balance en regardant nos valises. « Tout cela s’
est
arrangé si soudainement, dit-il, c’est inquiétant… Cela me ferait pre
989
ites-moi, quand on saura que vous habitez ici, qu’
est
-ce qu’on va dire ?… » Et il répète, à travers ses dents serrées : « Q
990
Et il répète, à travers ses dents serrées : « Qu’
est
-ce qu’on va dire ?… » avec un sourire inquisiteur. Je me garde de rép
991
a « critique dogmatique » des grandes époques, ne
sont
plus que mensonges à ses yeux dès que l’on passe à l’ordre spirituel.
992
la morale ? « En somme, lui dis-je, vous vous en
tenez
au protestantisme libéral de la fin du xixe siècle ? » — « Oui, c’es
993
ation s’engage sur L’Amour et l’Occident , qu’il
est
en train de lire59, et dont il me déclare, à ma profonde surprise, qu
994
plaisir. Il croyait que « l’amour hétérosexuel »
était
d’autant plus pur que rien de charnel ne s’y mêlait60. « C’est ainsi
995
charnel ne s’y mêlait60. « C’est ainsi que je me
suis
complètement blousé ! », répète-t-il en accentuant, circonflexant le
996
. » Plusieurs, mariées, lui ont confié « qu’elles
tenaient
la libido de leur mari pour quelque chose de morbide. Cela recommence
997
. » Il hoche la tête, trouve cela très curieux, n’
est
-ce pas ? — un éclair de malice au coin de l’œil. Puis il a quelques p
998
ir… On se trompe ainsi, et les conséquences… J’ai
été
assez bête pour croire cela ! Il ne faut jamais croire ce qu’elles no
999
t ce qui concerne intimement sa femme — « le seul
être
, dit-il, que j’aie vraiment aimé » — tous ces passages ont été coupés
1000
que j’aie vraiment aimé » — tous ces passages ont
été
coupés. On les lira plus tard. Il les a recopiés dans deux cahiers gr
1001
plus souvenir d’aucune conversation qui mérite d’
être
rapportée, j’entends : qui modifie le moins du monde l’image que l’on
1002
e hasard. J’avais écrit, dernière question : « Qu’
est
-ce que le style ? » Catherine, sa fille, lut sa dernière réponse : «
1003
lors que le christianisme, l’Église et l’Évangile
furent
ses constants sujets d’irritation, de ferveur ou de nostalgie ? Le pa
1004
ation, de ferveur ou de nostalgie ? Le paradoxe n’
est
qu’apparent. Qu’on n’oublie pas sa formation chrétienne ; ses lecture
1005
igion à la morale ? Je pense plutôt que la morale
était
le lieu de son vrai drame, et qu’il ne pouvait approcher la religion
1006
n credo. J’en donne la preuve : avoir la foi sans
être
saint lui paraissait la tricherie même, tandis qu’il eût admis la sai
1007
chrétien ni hindou, sans mystique ni mystère ? Ne
serait
-il pas un homme tout à fait plat, réduit à quelques partis pris éthiq
1008
ntre l’éthique et la mystique, mais qui souvent n’
est
qu’un concept bâtard, engendré par le romantisme. Gide recherchait pl
1009
isme. Gide recherchait plutôt la rectitude, qu’il
tenait
pour la vérité. Il lui arrivait ainsi de s’arrêter à la logique exoté
1010
n élan pour caramboler des symboles, où Valéry se
fût
poliment récusé, Gide objectait, déduisait, s’émouvait… Peu d’écrivai
1011
l croyait à l’homme individuel, et cette croyance
est
née de la synthèse du christianisme. Elle n’existe pas hors de lui, e
1012
hristianisme. Elle n’existe pas hors de lui, et n’
est
pas explicable sang lui. (Je ne dis pas qu’elle soit chrétienne pour
1013
t pas explicable sang lui. (Je ne dis pas qu’elle
soit
chrétienne pour autant.) Gide était individualiste. Savons-nous encor
1014
is pas qu’elle soit chrétienne pour autant.) Gide
était
individualiste. Savons-nous encore mesurer le sens et la portée de ce
1015
er mais de légitimer sa différence, on ne pouvait
être
plus occidental. On ne pouvait être moins mystique au sens des religi
1016
on ne pouvait être plus occidental. On ne pouvait
être
moins mystique au sens des religions traditionnelles, au sens du myth
1017
bien : je constate simplement le phénomène. Je ne
tiens
pas la foi pour une vertu plus que l’absence de foi pour une preuve d
1018
onnel n’ont rien à voir avec la bienséance, et ne
sont
pas de l’ordre des mérites. Et c’est pourquoi il est écrit : « Ne jug
1019
pas de l’ordre des mérites. Et c’est pourquoi il
est
écrit : « Ne jugez pas ! ». J’avoue que je comprends mal, ou plutôt q
1020
siècle. Elles relèvent de l’esprit de parti, qui
est
le contraire de l’amour du prochain. Elles ne sont ni chrétiennes ni
1021
est le contraire de l’amour du prochain. Elles ne
sont
ni chrétiennes ni simplement honnêtes. « Le Seigneur seul connaît les
1022
eul connaît les siens », dit l’Écriture : si l’on
est
chrétien, qu’on croie cela, laissant aux incroyants le droit de mieux
1023
nt aux incroyants le droit de mieux savoir. Et qu’
est
-ce que cela peut bien nous faire ? Sinon nous servir d’argument et no
1024
n de plus vient renforcer notre parti, et qu’il n’
est
pas le premier venu. C’est usurper la place du Juge, ou mêler vanités
1025
lque chose, c’est justement le totalitarisme, qui
est
l’esprit de parti logiquement développé. Et d’abord dans la religion.
1026
bord dans la religion. Le vrai croyant demain, ne
sera-t
-il pas celui qui osera dire : « Je ne crois pas ! » quand l’État cont
1027
mme invoquera les nécessités de l’Histoire ? Il n’
est
pas de vraie foi sans vrai doute, plus qu’il n’est de lumière sans om
1028
st pas de vraie foi sans vrai doute, plus qu’il n’
est
de lumière sans ombre. Et je n’entends pas dire que Gide fut un croya
1029
ère sans ombre. Et je n’entends pas dire que Gide
fut
un croyant, mais il reste un douteur exemplaire. Un cas-limite
1030
a lecture de L’Amour et l’Occident n’avait-elle
été
que le prétexte — ou la motivation réelle ? Gide avait-il seulement c
1031
mais dont la persistance à travers toute une vie
est
attestée par la publication posthume de fragments du Journal intime,
1032
er livre de Gide, toutes les « notes » de Tristan
sont
manifestes. L’amour est lié à la séparation des deux amants : la mère
1033
les « notes » de Tristan sont manifestes. L’amour
est
lié à la séparation des deux amants : la mère d’André Walter s’est op
1034
ration des deux amants : la mère d’André Walter s’
est
opposée à son amour pour Emmanuèle ; celle-ci épouse un certain T., d
1035
use un certain T., dont on ne sait rien, et qui n’
est
là, visiblement, que pour tenir le rôle obligé du roi Marc. L’extrême
1036
sait rien, et qui n’est là, visiblement, que pour
tenir
le rôle obligé du roi Marc. L’extrême de la séparation étant la mort,
1037
le obligé du roi Marc. L’extrême de la séparation
étant
la mort, Emmanuèle devra mourir, et André note (dans un projet de rom
1038
c il la possède… Tant que le corps vivra, l’amour
sera
contraint, mais aussitôt la mort venue, l’amour triomphera de toutes
1039
volontaire conscience de son évanouissement ; ce
serait
comme un néant voluptueusement perceptible63 ». La femme aimée est id
1040
t voluptueusement perceptible63 ». La femme aimée
est
idéale : c’est « Béatrice », c’est l’éternelle fiancée, c’est « une D
1041
e de le répéter : il faudrait dire l’ange ». Elle
est
donc l’Ange, mais en même temps le « but » de l’ange, « l’essor de l’
1042
nge, « l’essor de l’ange » chez son amant. Elle n’
est
jamais un moi distinct, indépendant, aimé dans sa réalité, mais une p
1043
vre avec celle qu’il aime. Tous les prétextes lui
seront
bons pour éviter le mariage, la vie commune ; et faute d’obstacles ex
1044
se passent : le mariage auquel rien ne s’oppose64
est
d’abord retardé par des scrupules étranges (qu’on nommera puritains p
1045
a puritains pour la simple raison que les fiancés
sont
protestants) ; puis, quand il sera conclu — trop tard, naturellement
1046
ue les fiancés sont protestants) ; puis, quand il
sera
conclu — trop tard, naturellement — il ne sera jamais consommé. Les v
1047
il sera conclu — trop tard, naturellement — il ne
sera
jamais consommé. Les voyages du mari et la « fragile » santé de la fe
1048
er la loi non de la morale mais du mythe : car il
est
inconcevable à jamais que Tristan et Iseut se marient et s’ils le fon
1049
Iseut se marient et s’ils le font pourtant, ce ne
sera
qu’apparence. La vérité particulière de leur amour interdit cette réa
1050
cu : séparés l’un de l’autre et s’aimant65. Telle
est
la mystérieuse complicité de la vie contingente et du mythe : mystéri
1051
dans le sens du mythe. Comme Kierkegaard, Gide s’
est
plaint très souvent d’une « écharde dans la chair » qui, pensait-il,
1052
e blanc. Mais justement le mythe existe, le mythe
est
là, dans cette complicité des circonstances, dans ce complot semblabl
1053
uan « Bondir à l’autre extrémité de soi-même »
étant
l’un des mouvements les plus typiques de Gide66, considérons en lui s
1054
admettre. Il prétend tout d’abord que sa doctrine
est
justifiée par la religion de Gide : « L’Évangile y mène, dit Euclide
1055
sme, qui évoquerait l’infidélité — et ce scrupule
est
tristanien — la « disponibilité », qui a je ne sais quel relent de ch
1056
l’autre, caractéristiques de Don Juan. « Gide ne
tient
pas en place — note Jean Paulhan. Il préfère la chasse à la prise ».
1057
.68 » Ces fantaisies ou ces phantasmes voluptueux
sont
le fait d’un tempérament plus excitable que bien maîtrisé : « Pour mo
1058
voici le trait final, décisif : le désir pur doit
être
sans amour. (Donc l’amour pur doit être sans désir). Dans Si le grain
1059
pur doit être sans amour. (Donc l’amour pur doit
être
sans désir). Dans Si le grain ne meurt, à la page où il décrit sa pre
1060
a en tant d’autres pages de son œuvre : « Ma joie
fut
immense et telle que je ne la pusse imaginer plus pleine si de l’amou
1061
e la pusse imaginer plus pleine si de l’amour s’y
fût
mêlé. Comment eût-il été question d’amour ? Comment eussè-je laissé l
1062
pleine si de l’amour s’y fût mêlé. Comment eût-il
été
question d’amour ? Comment eussè-je laissé le désir disposer de mon c
1063
aissé le désir disposer de mon cœur ? Mon plaisir
était
sans arrière-pensée et ne devait être suivi d’aucun remords.69 » C’es
1064
on plaisir était sans arrière-pensée et ne devait
être
suivi d’aucun remords.69 » C’est de cette « joie immense » que Gide v
1065
n ne désire pas : ce drame de la vie d’André Gide
est
celui d’une dissociation presque totale de la personne, et qui l’a li
1066
personnage romanesque. Dans quelle mesure peut-on
tenir
Gide pour responsable de cette « inhabileté foncière à mêler l’esprit
1067
foncière à mêler l’esprit et les sens70 » dont il
fut
dès le début très conscient ? Il en a tiré le meilleur de sa création
1068
uis je les ai tant séparés que maintenant je n’en
suis
plus le maître ; ils vont chacun de leur côté, le corps et l’âme. Ell
1069
emble, qu’on fasse converger leurs poursuites… ».
Est
-ce bien lui, cependant, qui les a séparés, jusqu’à n’en être plus le
1070
n lui, cependant, qui les a séparés, jusqu’à n’en
être
plus le maître — l’un devenant la proie de « Tristan » et l’autre de
1071
e « Tristan » et l’autre de « Don Juan » ? A-t-il
été
victime des dieux, j’entends des mythes ? Ou d’une originelle erreur
1072
t de la morale puritaine ? La troisième hypothèse
est
la plus vraisemblable à première vue. « Mon éducation puritaine avait
1073
e mystiquement, à celle de ma mère, sans que j’en
sois
très étonné. Les contours des visages ne sont pas assez nets pour me
1074
’en sois très étonné. Les contours des visages ne
sont
pas assez nets pour me retenir de passer de l’une à l’autre… bien plu
1075
ve la substitution.73 » Élevé par des femmes qui
furent
toutes, nous dit-il, « d’admirables figures chrétiennes » — sa mère,
1076
fuite, il recourt au moyen d’Ulysse : — « Je n’y
suis
pas. Je ne suis personne ! » Devant l’imminence du péril tapi tout pr
1077
rt au moyen d’Ulysse : — « Je n’y suis pas. Je ne
suis
personne ! » Devant l’imminence du péril tapi tout près du seuil de s
1078
s du seuil de sa conscience, il se scinde en deux
êtres
distincts : le Monstre ne le trouvera plus ! Il ne saura plus où le p
1079
ouvera plus ! Il ne saura plus où le prendre ! Je
suis
Tristan, voyez mon âme, c’est un ange. Je suis Don Juan, voyez mon co
1080
Je suis Tristan, voyez mon âme, c’est un ange. Je
suis
Don Juan, voyez mon corps, bête innocente… Ce qui se traduit en terme
1081
esque inconscients, cela va sans dire, et dont il
sera
le premier surpris lorsqu’il en trouvera beaucoup plus tard la clef74
1082
mère reste permis, tant que le « désir charnel »
est
inhibé. 2° En revanche, désirer les corps brunis de jeunes « vauriens
1083
de jeunes « vauriens » qu’on ne reverra jamais n’
est
certes pas bien vu dans « nos milieux », mais du moins ne viole pas l
1084
nterdit. Cette grande audace de notre immoraliste
est
le type même de la demi-mesure, du compromis d’ailleurs vital, entre
1085
cessité vertu : « Il me paraissait que ce divorce
était
souhaitable, que le plaisir était ainsi plus pur, l’amour plus parfai
1086
que ce divorce était souhaitable, que le plaisir
était
ainsi plus pur, l’amour plus parfait, si le cœur et la chair ne s’ent
1087
is se refermait sur moi.76 » Les derniers mots ne
sont
pas seulement touchants… Dès cet instant, les jeux sont faits. L’a
1088
as seulement touchants… Dès cet instant, les jeux
sont
faits. L’alternance, et la fuite de l’âme Cette espèce de sécur
1089
Gide l’a payée de sa personne. L’expression, pour
être
toute faite, est pourtant fausse. C’est l’âme de Gide qui a fait les
1090
sa personne. L’expression, pour être toute faite,
est
pourtant fausse. C’est l’âme de Gide qui a fait les frais de sa ruse
1091
hique, un corps mental ou spirituel. Le psychique
est
, pour Nietzsche, « l’âme mortelle… l’âme coordonnatrice des instincts
1092
de tendances, de susceptibilités, dont le lien n’
est
peut-être que physiologique ». C’est le siège de l’amour sous ses for
1093
croyait plus à l’esprit distinct, personnel, qui
sera
sauvé ou détruit après la mort des corps physique et animique, et que
1094
se de confondre avec l’âme.) Cet aveu pathétique
est
l’un de ces moments où Gide existe, « irremplaçable », où il rejoint
1095
sa vraie personne, parce qu’un Tiers en lui, qui
est
son vrai moi final, assume enfin l’insoluble conflit de ses deux âmes
1096
telle image. Celui que nous avons pu connaître n’
était
ni le mari transi d’Emmanuèle, ni le nomade en chasse de brefs plaisi
1097
stan et Don Juan. Ces deux « extrêmes » dont il s’
était
loué d’avoir su protéger la « cohabitation » semblaient s’être absent
1098
voir su protéger la « cohabitation » semblaient s’
être
absentés de lui-même, entraînant avec eux son âme divisée. Comme évac
1099
on âme divisée. Comme évacués de sa personne, ils
étaient
devenus personnages de ses œuvres. Encore qu’en aucune d’elles — sauf
1100
’on sait, aux dépens du pouvoir tragique. D’avoir
été
séparément mais simultanément actualisés, ils avaient privé Gide de c
1101
alisés, ils avaient privé Gide de cette Ombre qui
est
le refoulement d’une part virtuelle de l’âme, — donc sa présence enco
1102
er et démystifier. Cette attitude a sa vertu, qui
est
celle du doute. Mais elle trahit aussi ce qu’il me faut bien nommer —
1103
à la longue dans l’évolution de sa personne. Gide
fut
-il la victime d’une fin d’époque cruelle et déjà tout absurde à nos y
1104
Aztèque par les décrets de dieux déments, et qui
sont
morts ? Fut-il plutôt l’acteur, sacrifié à son rôle, d’une dramatique
1105
les décrets de dieux déments, et qui sont morts ?
Fut
-il plutôt l’acteur, sacrifié à son rôle, d’une dramatique de l’âme qu
1106
s par sa vie. 59. — « Vous allez croire que je
suis
un obsédé, me dit-il en riant, mais vos troubadours, je ne puis m’emp
1107
, je ne puis m’empêcher de penser qu’ils devaient
être
homosexuels pour la plupart. » Je réponds qu’en effet, plusieurs d’en
1108
Je réponds qu’en effet, plusieurs d’entre eux le
furent
. 60. Dans Et nunc manet in te : p. 27, je lis : « Je sus bien, par a
1109
s : « Je sus bien, par ailleurs, prouver que je n’
étais
pas incapable d’élan (je parle de l’élan qui procrée), mais à conditi
1110
ion passionnée ». Quant à Don Juan, le personnage
était
bien fait pour le scandaliser. L’action de nos deux mythes, dans l’ex
1111
n de nos deux mythes, dans l’existence de Gide, n’
est
donc ni « littéraire », ni musicale, comme chez Kierkegaard et chez N
1112
comme chez Kierkegaard et chez Nietzsche. Elle n’
est
même pas consciente. Et c’est ce qui m’intéresse. 63. J. Delay, cita
1113
e Schopenhauer. Or on sait que cette même lecture
fut
décisive pour Wagner écrivant Tristan : le nirvana qu’invoque André W
1114
qu’en sa présence réelle ; lorsque soudain je me
suis
dit : mais elle est morte ! » 66. Si le Grain ne meurt, p. 251. 67
1115
elle ; lorsque soudain je me suis dit : mais elle
est
morte ! » 66. Si le Grain ne meurt, p. 251. 67. (Telle était l’épi
1116
» 66. Si le Grain ne meurt, p. 251. 67. (Telle
était
l’épigraphe de Ménalque quand ce fragment central des Nourritures par
1117
ers titres choisis par Gide pour La Porte étroite
était
Essai de bien mourir. Les Nourritures terrestres traduisent la volont
1118
us opposées n’ont jamais réussi à faire de moi un
être
tourmenté, mais perplexe… Cet état de dialogue… devenait pour moi néc
1119
. 72. Si le grain ne meurt, p. 247. 73. Ainsi
soit
-il, ou les jeux sont faits, p. 128. Les premiers mots de la citation
1120
e meurt, p. 247. 73. Ainsi soit-il, ou les jeux
sont
faits, p. 128. Les premiers mots de la citation — « dans le rêve seul
1121
ots de la citation — « dans le rêve seulement » —
sont
un curieux exemple de refoulement. J. Delay cite en effet plusieurs p
1122
Gide, 1er janvier 1886) : « Que de fois Madeleine
étant
dans la chambre voisine, je l’ai confondue avec ma mère. » Notons que
1123
nir soi-même tous les éléments de la surprise, et
être
surpris… » 75. Si le grain ne meurt, p. 289. 76. Si le grain ne m
1124
Ces cinq noms que l’Autriche a donnés à l’Europe
sont
parmi les plus grands des Lettres de ce temps. Ils illustrent, au mêm
1125
ne du nom ; et l’on ne s’étonnera pas que Kassner
soit
resté, jusqu’ici, le moins connu d’entre eux, si l’on songe à ce dont
1126
l’esprit : autorité. Avant d’avoir compris ce qui
était
dit — j’entends compris à la manière intellectuelle et discursive, ra
1127
, limite, sacrifice, chance, drame et tension, ne
sont
guère définis que par leurs rapports mutuels et tirent de cette inter
1128
ni : Famille, dieux, nature, tout lui commande d’
être
grand. Grand pour la loi, grand pour le Tout. Il ne se recherche pas
1129
. L’homme chrétien au contraire, l’homme qui doit
être
surpassé, vit dans la démesure, et lorsqu’il « veut prendre mesure de
1130
me, il se sent aussitôt incomplet et coupable. Il
est
donc possible de dire que le péché est la mesure du démesuré, et que
1131
upable. Il est donc possible de dire que le péché
est
la mesure du démesuré, et que pour le chrétien il n’est pas d’autre g
1132
mesure du démesuré, et que pour le chrétien il n’
est
pas d’autre grandeur. » Ainsi le chrétien existe en tant que le péché
1133
acte par excellence du chrétien, hors duquel il n’
est
pour lui ni mesure, ni grandeur, ni forme, mais seulement chimères et
1134
s de loi interne et de tension par le péché, il n’
est
plus qu’un être sans destinée, un Indiscret. Sa substance interne es
1135
e et de tension par le péché, il n’est plus qu’un
être
sans destinée, un Indiscret. Sa substance interne est crevassée et d
1136
ans destinée, un Indiscret. Sa substance interne
est
crevassée et divisée. Son œuvre, souvent pleine de charme mais sans f
1137
ais ne nous détermine jamais… Cet homme indiscret
est
distrait, et sa distraction vient de l’intérieur… Il ne peut jamais s
1138
rte aucune atteinte à la perspicacité parce qu’il
est
vraiment souverain. Peut-être faut-il reconnaître à ce seul philosoph
1139
ée autoritaire. Entendons que, pour lui, penser n’
est
pas se débattre dans ses contradictions personnelles, parlementarisme
1140
ant que la réalité humaine, non sa pensée privée,
est
tourmentée.) Penser n’est pas non plus s’ingénier sur des idées et de
1141
, non sa pensée privée, est tourmentée.) Penser n’
est
pas non plus s’ingénier sur des idées et des combinaisons d’idées : m
1142
des combinaisons d’idées : mais créer de tout son
être
spirituel des faits nouveaux et vrais, dans un certain style. Car il
1143
ouveaux et vrais, dans un certain style. Car il n’
est
point de vérité sans forme. Quelques pages étranges et puissantes sur
1144
strent ce réalisme de la forme, hors de quoi il n’
est
qu’indiscrétion, et qui livre la clé de la pensée de Kassner, comme a
1145
chologiques. Il prend tout par des biais qui nous
sont
peu familiers. Et puis enfin, voilà une philosophie qui postule la vi
1146
l’appréhension poétique du monde. Il faut savoir
être
secret pour penser avec autorité. Il faut savoir taire ce qui permett
1147
s « réaliser ». Il faut que les pensées créées ne
soient
concevables qu’en elles-mêmes, et comme à l’état sauvage, non par une
1148
t qui les domestique. Une pensée neuve ne saurait
être
comprise à moins d’être recréée dans sa forme — ce dont certaine clar
1149
e pensée neuve ne saurait être comprise à moins d’
être
recréée dans sa forme — ce dont certaine clarté dispense le lecteur.
1150
e lecteur. On pourrait dire aussi que l’indiscret
est
celui qui se préoccupe de défendre plutôt que d’illustrer. Ainsi, sel
1151
i s’avisa de défendre la religion mériterait-il d’
être
appelé Judas numéro deux. Car il ne s’agit pas de professer une chose
1152
ar il ne s’agit pas de professer une chose mais d’
être
la chose. Le rare, c’est que chez Kassner, comme chez Kierkegaard, ce
1153
ésence s’accommode d’une ironie qui chez d’autres
serait
plutôt le fait du détachement. Une ironie à l’intérieur des choses, q
1154
terne et du recteur Krooks sur Judas et la Parole
est
à cet égard d’une saveur particulièrement riche et complexe : Les ba
1155
es ; s’il n’y avait pas de prophètes, les bavards
seraient
peut-être des créatures très silencieuses, comme les belettes ou les
1156
pocryphe de l’empereur Alexandre Ier de Russie, n’
est
qu’une suite de méditations sur le thème du tout-ou-rien moral qui ca
1157
les dissout dans une réalité plus absolue. Telle
est
la forme des dialogues où culmine son art. De ces dialogues, où chaqu
1158
de sa vérité — si bien que la conclusion ne peut
être
qu’implicite et fonction d’une hiérarchie de valeurs, non de la seule
1159
nnaissons le modèle immortel, le Livre de Job. Il
serait
curieux d’en suivre la filiation, jusqu’au Soulier de satin, de Claud
1160
ation, jusqu’au Soulier de satin, de Claudel : ce
serait
une sorte de généalogie du réalisme poétique. ⁂ Telle fut ma première
1161
sorte de généalogie du réalisme poétique. ⁂ Telle
fut
ma première impression. Je la vois aujourd’hui confirmée par un comme
1162
cessé de me séduire et inciter. Je suppose qu’il
est
devenu banal de déplorer l’obscurité des essais et dialogues de Kassn
1163
bscurité des essais et dialogues de Kassner. Elle
est
pourtant la garantie de leur pouvoir, et ne saurait traduire, à mon a
1164
pathétique, de l’adjectif. L’ellipse de pensée n’
est
nullement, chez Kassner, un procédé de rhétorique, une manière de sau
1165
les évidences ou platitudes intermédiaires. Elle
est
un acte de vision. Nous montrant d’un seul coup, sans transition, plu
1166
s ou confondues, son auteur. (Cet angle de vision
étant
son vrai message.) Elle propose donc à l’imagination un exercice spir
1167
générateur de l’Occident. Problème ambigu s’il en
fut
, et qui échappe par définition à la pensée systématique et discursive
1168
isons. De quels autres moyens disposons-nous, qui
soient
ordonnés à cette fin ? Ce sont moyens de poésie, c’est-à-dire d’âme,
1169
posons-nous, qui soient ordonnés à cette fin ? Ce
sont
moyens de poésie, c’est-à-dire d’âme, inadéquats sans doute, s’agissa
1170
ant de l’Esprit… « La faculté principale de l’âme
est
de comparer », remarque Montesquieu, et il ajoute : « Ce qui fait ord
1171
cepts ; sans conclusion. Mais l’angle de vision s’
est
imposé. Et l’imagination, irrésistiblement, s’oriente vers le mystère
1172
venus des quatre coins de l’Europe. Pourquoi n’y
suis
-je allé que si rarement ? Sans doute à cause de la réserve qu’inspire
1173
Mais peut-être aussi, et surtout, parce que je m’
étais
fait de Kassner l’image d’un maître spirituel, d’un guru comme disent
1174
sse cum grano salis, tongue in the cheek — quelle
serait
donc l’expression française ? — amusé de retrouver en moi cette persi
1175
rière une relation de maître à disciple qui avait
été
réelle dans mon esprit seulement et qui ne pouvait ni ne devait l’êtr
1176
esprit seulement et qui ne pouvait ni ne devait l’
être
autrement, je le voyais bien, je jouais encore avec l’idée que cette
1177
ou d’un subit changement de sujet. Après tout, n’
était
-ce pas ce que j’attendais ? Il parlait à bâtons rompus sur le dos des
1178
’illusion banale qui veut que l’auteur et l’œuvre
soient
pareils, alors qu’ils sont toujours en tension dialectique — du moins
1179
l’auteur et l’œuvre soient pareils, alors qu’ils
sont
toujours en tension dialectique — du moins s’ils comptent ? Nos trop
1180
sée pour tous ceux que l’on pouvait connaître, ne
fût
-ce que de réputation, qu’il avait bien connus lui-même ou rencontrés
1181
fortement appuyé — et l’on devinait alors qu’ils
étaient
les modèles des personnages de ses Dialogues et récits physiognomoniq
1182
réter : « Le Witz (la boutade, le trait d’esprit)
est
la forme logique et naturelle que revêt la sociabilité chez le solita
1183
istances… » Finalement, je crois bien que Kassner
est
à peu près le seul homme que j’aie connu dont je ne puisse imaginer q
1184
fférencier de celui que, pourtant, il ne cesse de
tenir
pour l’un des plus grands depuis Dante. Le monde de Kassner, au contr
1185
depuis Dante. Le monde de Kassner, au contraire,
est
le monde du Fils, de la Parole qui tranche et institue le drame, le m
1186
un titre curieux : Rilke, le zen et moi 86 et il
est
curieusement décousu. À propos de l’influence qu’on lui attribue sur
1187
ucoup plus tard, il entendit parler du zen, qui n’
est
resté qu’un nom pour lui. Mais dans le recueil d’hommages publié pour
1188
: Cela resta fixé dans ma mémoire, écrit-il, me
tint
alerté… jusqu’à ce que, peu de temps après, je fusse informé de l’exi
1189
nt alerté… jusqu’à ce que, peu de temps après, je
fusse
informé de l’existence d’une école du zen dont les maîtres parviendra
1190
le zen signifiait et dans quel rapport il pouvait
être
avec mon œuvre, qui comptait à ce moment-là plus d’un demi-siècle. At
1191
oir le but en lui-même ?… Le zen, le tir aveugle,
est
acte, mais cet acte est en outre notre pensée la plus profonde, l’ult
1192
… Le zen, le tir aveugle, est acte, mais cet acte
est
en outre notre pensée la plus profonde, l’ultime, et, le dirai-je, la
1193
ir qu’atteint la flèche du tireur aux yeux bandés
est
le point zéro de la cible, le Néant qui est en même temps le Tout… Qu
1194
andés est le point zéro de la cible, le Néant qui
est
en même temps le Tout… Que signifie encore le zen, sinon l’éliminatio
1195
iver qui ne sépare plus l’acte de l’ascèse. Ceci
est
absolument hindou, ajoute Kassner, appartient à l’Asie, et n’eût été
1196
ou, ajoute Kassner, appartient à l’Asie, et n’eût
été
compris que par peu de Grecs, par les éléates, et par aucun Romain. I
1197
’existence de l’Infini, dès que la parole cesse d’
être
une simple coque ; et il s’agit aussi de l’union ultime du But et du
1198
i de l’union ultime du But et du Sens. Si je m’en
tiens
à cette interprétation du zen, Denis de Rougemont a raison ; il y a d
1199
cevable, en vertu de l’Imagination créatrice, qui
est
pour lui la seule forme possible de la foi. Et certes, il m’est souv
1200
seule forme possible de la foi. Et certes, il m’
est
souvent venu à l’esprit que cette Einbildungskraft 88, qui joue dans
1201
mental que la libido chez un Freud, pourrait bien
être
pour Kassner d’abord la seule forme possible de la foi — ce qui est p
1202
’abord la seule forme possible de la foi — ce qui
est
plus gnostique qu’orthodoxe… Ne tire-t-il pas le zen de son côté ? Il
1203
, peut-être, pour les hommes auxquels la Langue a
été
donnée. C’est cette question que le 23e des « Sonnets à Orphée » pose
1204
ose, ou tout au moins, comme il convient à Rilke,
tient
cachée : C’est lorsqu’un pur essor vers où ? Aura vaincu l’orgueil pu
1205
uéril Qu’enfin, submergé par son gain Celui qui s’
est
approché des lointains Sera ce que son vol solitaire a conquis. Voil
1206
era ce que son vol solitaire a conquis. Voilà qui
est
zen, conclut Kassner, ou solution d’un problème zen par le poète, par
1207
rême dépassement des concepts, au nom du Sens qui
est
le But à l’infini. Le but, la flèche et l’homme Kassner avait s
1208
u le style même, et sinon le son de sa voix qu’on
est
seul à ne pas reconnaître, du moins le mouvement de pensée de ses Dia
1209
s d’un maître zen sur le tir à l’arc : Celui qui
est
capable de tirer avec l’écaille du lièvre et le poil de la tortue, c’
1210
s arc (écaille) et sans flèche (poil), ce dernier
est
Maître, dans l’acception la plus élevée du terme, Maître de l’art san
1211
vée du terme, Maître de l’art sans art, mieux, il
est
l’art sans art, à la fois ainsi Maître et non-Maître. Par ce revireme
1212
le plus remarquable. Il semble que Kassner ne se
soit
pas souvenu d’avoir écrit lui-même dans ses Proverbes du yogi 90 les
1213
Quand je décoche une flèche, le but que je vise
est
toujours dans le fini. Le point où tombe la flèche, c’est le fini (sa
1214
s maintenant Herrigel, ce philosophe allemand qui
est
allé au Japon pour s’initier au zen en s’entraînant au tir à l’arc. «
1215
ez pas assez loin. Comportez-vous comme si le but
était
l’infini… Un bon archer tire plus loin avec un arc de moyenne puissan
1216
anière technique, et si elle lui donne un nom, ce
sera
: Bouddha. » Enfin ceci, qui devait combler chez Kassner le penseur e
1217
maître : « Je crains de ne plus rien comprendre…
Est
-ce moi qui touche le but ou bien le but qui m’atteint ? Ce que vous a
1218
que vous appelez le « quelque chose » (qui tire)
est
-il de nature spirituelle aux yeux du corps, ou corporelle aux yeux de
1219
rc, flèche, moi, s’amalgament tellement que je ne
suis
plus capable de les séparer… Le Maître m’interrompit alors et dit : V
1220
de lui, et dans laquelle il semble bien qu’il se
soit
finalement reconnu. J’ai dit que l’image d’un maître zen m’était venu
1221
t reconnu. J’ai dit que l’image d’un maître zen m’
était
venue en écoutant parler Kassner. Et voici ce qu’il dit lui-même de l
1222
rsation telle qu’il l’entend et la pratique : Je
suis
toujours chargé (comme un fusil) quand je suis réellement alerté, éve
1223
Je suis toujours chargé (comme un fusil) quand je
suis
réellement alerté, éveillé. Le dialogue, la dialectique sont alors le
1224
ment alerté, éveillé. Le dialogue, la dialectique
sont
alors les moyens convenables pour provoquer l’étincelle, la détente,
1225
le noir. De là mon « Tireur zen », mon zen… L’arc
est
toujours tendu. Eh oui, bien sûr, pourquoi ne pas penser ici au bios
1226
la mort ? Mais il ajoute aussitôt que le silence
est
pour lui une véritable volupté — pendant des heures, chaque soir — et
1227
nse. Je lui aurais dit sans doute : le but du zen
est
de nous libérer du moi conscient, mais le sens dernier de votre œuvre
1228
oi conscient, mais le sens dernier de votre œuvre
est
de libérer ce moi conscient (qui est la personne) du moi factice, du
1229
votre œuvre est de libérer ce moi conscient (qui
est
la personne) du moi factice, du personnage et de son masque, laissant
1230
. Entre les deux « abîmes » du monde magique, qui
est
le monde sans mesure d’avant le drame, d’avant l’idée et la Parole —
1231
l’idée et la Parole — et du monde collectif, qui
est
sa contrepartie plate et abstraite, et que vous nommez souvent « magi
1232
le passage vers l’esprit et vers la liberté, qui
est
souffrance et vision, tension et sacrifice, incarnation de la Parole
1233
. Maintenant, comment passer de cette réalité qui
est
liberté de la personne, à celle du zen qui est négation du personnel
1234
ui est liberté de la personne, à celle du zen qui
est
négation du personnel ? Ou plutôt, saurez-vous nous faire voir l’unit
1235
autre mieux que vous, vous seul sans doute… Il n’
est
plus là. Mais j’imagine que ses Propos, que l’on commence à publier,
1236
cherait rien de lui en partant de généralités. Il
est
par excellence l’auteur incomparable. Et de même, son œuvre défie tou
1237
tons éveillaient dans l’esprit de l’oncle Hammond
étaient
absolument originales et ne tarissaient pas. L’oncle Hammond pouvait,
1238
éoccupé d’une immortalité tout à fait impossible,
est
indiscret, l’autre ne fait que son devoir. » 83. Je viens de lire de
1239
rive et s’en aille à l’improviste, que les récits
soient
brefs — surtout pas d’analyses ! — les propos vifs, spontanés, sautan
1240
ffre considérable. À défaut d’une autre gloire, n’
est
-ce pas, je garderai peut-être celle d’avoir été le plus grand promene
1241
n’est-ce pas, je garderai peut-être celle d’avoir
été
le plus grand promeneur de la littérature universelle, malgré mes can
1242
re, mais beaucoup pour moi… Ma vision, ma pensée,
sont
liées à la marche, au chemin. Inséparables !… » (A. Cl. Kensik : « En
1243
eistige Welten, Ullstein, 1958. 87. Ce parallèle
est
déjà indiqué dans les Propos recueillis par Kensik (Gedenkbuch, 1954)
1244
lancolie et de son angoisse : « De même qu’Hamlet
est
une géniale conception de Shakespeare, on pourrait appeler Kierkegaar
1245
aravant. (Voir plus haut, p. 82 et suiv.) 88. Il
serait
absolument insuffisant de traduire Einbildungskraft par imagination :
1246
, Zürich, 1949. Une bonne partie de ces proverbes
étaient
écrits avant la guerre de 1914 et avaient paru en revue. Je rappelle
1247
tzia de l’Inde se préoccupe des problèmes qui lui
sont
imposés par la technique et par l’hygiène occidentale, et cherche à l
1248
extes des mystiques soufis, mais l’Iran, l’Arabie
sont
en pleine crise d’adaptation à l’habitus capitaliste. L’Occident déco
1249
découvrons avec passion dans le tiers-monde, ce n’
est
pas ce dont il vivait, c’est ce qui manquait à nos élites, ou qu’elle
1250
re foi. Ce que le tiers-monde nous emprunte, ce n’
est
pas notre créativité, mais ses produits. Nous découvrons leurs secret
1251
spirituels en même temps que leur misère, qui en
était
la rançon. Ils adoptent nos formes sociales, nos procédés de gouverne
1252
es, mais non pas les tensions spirituelles qui en
étaient
le moteur secret. Ce qui était pour nous résultantes d’innombrables p
1253
rituelles qui en étaient le moteur secret. Ce qui
était
pour nous résultantes d’innombrables poussées et résistances, malaisé
1254
re et désormais inévitable, pour mal engagé qu’il
soit
, porte sur l’homme et sa définition. S’il est vrai que l’Orient nie l
1255
il soit, porte sur l’homme et sa définition. S’il
est
vrai que l’Orient nie le moi, qui est une valeur centrale pour l’Occi
1256
ition. S’il est vrai que l’Orient nie le moi, qui
est
une valeur centrale pour l’Occident, il doit en résulter d’infinies c
1257
spirituel au politique ; mais dans quelle mesure
est
-ce vrai ? Quel est le moi qui s’affirme d’une part, et quel est le mo
1258
ique ; mais dans quelle mesure est-ce vrai ? Quel
est
le moi qui s’affirme d’une part, et quel est le moi qu’on nie de l’au
1259
Quel est le moi qui s’affirme d’une part, et quel
est
le moi qu’on nie de l’autre ? Est-ce bien le même ? La personne
1260
e part, et quel est le moi qu’on nie de l’autre ?
Est
-ce bien le même ? La personne Le christianisme a formé l’Occide
1261
mplaire de l’espèce. Pour saint Paul, le vrai moi
est
l’homme nouveau, « appelé » par un Dieu personnel, donc créé par une
1262
e le « vieil homme », puisque sa vie « nouvelle »
est
à la fois dans le monde et hors du monde, à la fois manifestée par so
1263
d’une âme tout intellectuelle, dont « la nature n’
est
que de penser » et qui reste entièrement distincte du corps. Avec Kan
1264
totalisante, dans son pouvoir d’intégration de l’
être
. Loin de dissocier le moi, les recherches psychologiques du xxe sièc
1265
nisé par la loi) et le spirituel libérateur. S’il
est
vrai que le langage courant confond sans l’ombre d’un scrupule la per
1266
re d’un scrupule la personne et tout ce qu’elle n’
est
pas — l’individu, la persona, la « forte individualité », l’âme sensi
1267
le recours à la « valeur absolue de la personne »
sont
à peu près universels en Occident. Comme l’attestent tant de notions
1268
t de réalités « bien vues » à l’Ouest, mais que l’
Est
se devait d’ignorer, voire de condamner, telles que l’originalité, le
1269
oi j’entends venir plus loin. L’ange Quelle
est
cette part de la personne dès maintenant libérée du monde où elle vit
1270
e l’Inde mais enté sur le tronc abrahamique, d’où
sont
issus les Juifs, les chrétiens, et l’islam. Que serait l’Ange pour no
1271
t issus les Juifs, les chrétiens, et l’islam. Que
serait
l’Ange pour nos psychologues ? Une projection du moi individuel ou co
1272
viduel ou collectif. Pour les sages de l’Iran, il
est
ce moi. Barakat, juif passé à l’islam, écrit en 1165 : « … pour chaqu
1273
lusieurs ayant même nature ou affinité, il y a un
être
spirituel qui tout au long de leur existence assume envers cette âme
1274
les réconforte, les fait triompher, et c’est cet
être
qu’ils appelaient Nature Parfaite. » C’est le vrai moi, c’est l’Ange.
1275
sous laquelle chacun des spirituels connaît Dieu
est
aussi la forme sous laquelle Dieu le connaît, parce qu’elle est la fo
1276
orme sous laquelle Dieu le connaît, parce qu’elle
est
la forme sous laquelle Dieu se révèle à soi-même en lui… C’est la « p
1277
onne de la mystique soufi, « la totalité de notre
être
, ce n’est pas seulement cette partie que nous appelons présentement n
1278
mystique soufi, « la totalité de notre être, ce n’
est
pas seulement cette partie que nous appelons présentement notre perso
1279
n’évoque pas seulement cette part initiante de l’
être
renouvelé qui demeure cachée en Dieu selon le christianisme, mais enc
1280
de combattre pour venir en aide à Ohrmazd) et qui
sont
à la fois les archétypes célestes des êtres et leurs anges tutélaires
1281
et qui sont à la fois les archétypes célestes des
êtres
et leurs anges tutélaires. Il y a plus : selon le mazdéisme « chaque
1282
déisme « chaque entité physique ou morale, chaque
être
complet ou chaque groupe d’êtres appartenant au monde de Lumière a sa
1283
ou morale, chaque être complet ou chaque groupe d’
êtres
appartenant au monde de Lumière a sa Fravarti » — Ohrmazd, le Dieu lu
1284
i-même la sienne97. La Terre physique et tous les
êtres
qui l’habitent apparaissent ainsi comme la contrepartie visible du mo
1285
re-de-Gloire restituant toutes choses et tous les
êtres
dans leur pureté paradisiaque, « dans un décor de montagnes flamboyan
1286
’immortalité », au centre du monde spirituel (qui
est
le monde réel des Archétypes), le pont Chinvat s’élance, reliant un s
1287
’une beauté resplendissante et qui lui dit : — Je
suis
toi-même ! Mais si l’homme sur la Terre a maltraité son moi, au lieu
1288
stianisme véritable, ne demande pas d’abord ce qu’
est
l’homme, mais qui es-tu ? Toute réalité dernière est personnelle. Le
1289
l’homme, mais qui es-tu ? Toute réalité dernière
est
personnelle. Le vrai moi est Ailleurs, mais son drame ici-bas. L’a
1290
ute réalité dernière est personnelle. Le vrai moi
est
Ailleurs, mais son drame ici-bas. L’absolu, ou la négation du moi
1291
entre eux que les peuples de l’Europe, mais s’il
est
une croyance qu’ils ont tous en commun, c’est la croyance à la métemp
1292
vies successives. Car si le moi n’existe pas, qu’
est
-ce qui transmigre98 ? Mais ce moi, cet ego, cette entité distincte, v
1293
osent leur idée du non-moi. Le vrai malentendu se
serait
-il instauré entre eux et nous ? Entre cela qu’ils pensent que nous cr
1294
me » que le Christ exige de ses disciples, et qui
est
la condition de leur accession à leur vrai moi spirituel, celui qui d
1295
Il en va de même pour le bouddhisme originel. Qu’
est
-ce que l’homme ? Un ensemble transitoire d’agrégats matériels et de f
1296
et la roue des retours sans fin. « Inconnaissable
est
le commencement des êtres enveloppés par l’ignorance, et que le désir
1297
ans fin. « Inconnaissable est le commencement des
êtres
enveloppés par l’ignorance, et que le désir conduit à de criminelles
1298
conduit à de criminelles renaissances. »99 Le but
est
donc « de nous apprendre le moyen de ne pas renaître », nous dit une
1299
kkha Sabbe dhamma anatta (Toutes choses composées
sont
transitoires Toutes choses composées sont souffrantes Toutes les chos
1300
mposées sont transitoires Toutes choses composées
sont
souffrantes Toutes les choses sont sans moi.102) Si D. T. Suzuki peu
1301
oses composées sont souffrantes Toutes les choses
sont
sans moi.102) Si D. T. Suzuki peut écrire après cela : « On le voit,
1302
rès cela : « On le voit, l’expérience personnelle
est
le fondement de la philosophie bouddhiste », comprenons qu’il s’agit
1303
es védantins comme des premiers bouddhistes, ce n’
est
pas encore la personne, mais l’obstination de l’ego qui veut durer au
1304
nce, dirions-nous, aux exigences du vrai moi, qui
est
notre répondant céleste. Et faut-il qu’il existe et qu’il soit fort,
1305
pondant céleste. Et faut-il qu’il existe et qu’il
soit
fort, ce moi qu’on réputé illusoire, pour qu’un des buts majeurs des
1306
qu’un des buts majeurs des méthodes spirituelles
soit
de l’empêcher de renaître103 ! Mais vient le second stade, où les sp
1307
fond avec le Soi de l’Immensité, ou du Brahma. Qu’
est
-ce que l’âme ? Une monade disent les uns. Un reflet du Brahma disent
1308
ent les advaïtins : il n’y a que brahman. Et tu n’
es
rien. Et de leur côté les bouddhistes (mais le tao chinois et le shin
1309
s les mêmes phrases) : « Nagasena, existe-t-il un
être
qui transmigre de ce corps dans un autre ? — Non, il n’y en a point.
1310
ui a péché reprend une individualité, mais non un
être
pur. — O Nagasena, dis-moi s’il existe rien de semblable à l’âme ? —
1311
Les spirituels hindous cherchent le samahdi, qui
est
l’absorption totale dans l’Absolu du Soi : le grand sommeil, lentemen
1312
Quant aux bouddhistes zen, on dirait qu’ils s’en
tiennent
à la stase pure et simple : faire face au fait, signe du Tout, et don
1313
fait, signe du Tout, et donc du Vide. Leur satori
est
le contraire du samahdi : c’est un éveil instantané. Éveil de quoi ?
1314
veil de quoi ? De la vision-en-soi, du Cela qui n’
est
pas personnel et se joue à travers notre moi. Ainsi tout l’Orient des
1315
tant de cinquante ans la durée moyenne de la vie,
serait
alors une « recette d’immortalité ». Et même la seule qui ait réussi.
1316
isons face à l’Un tout-transcendant.105 » (Ce qui
est
chrétien.) Le même Chang Chen-Chi qui cite ce koan : Parfois, j’arra
1317
a même manière. Puis il ajoute : Si le disciple
est
exceptionnellement doué, le maître ne touche ni à la personne, ni à l
1318
e pense pas au bien ni au mal, mais regarde ce qu’
est
, au moment présent, ta physionomie originelle, celle que tu avais ava
1319
nomie originelle, celle que tu avais avant même d’
être
né.106 » Par où nous rejoignons un certain christianisme — à partir
1320
eule quête de l’esprit, dont le Graal, ou l’Ange,
est
: toi-même. ⁂ Les différences ne sont donc pas où l’on croyait, ne so
1321
, ou l’Ange, est : toi-même. ⁂ Les différences ne
sont
donc pas où l’on croyait, ne sont jamais exactement ce que l’on croya
1322
différences ne sont donc pas où l’on croyait, ne
sont
jamais exactement ce que l’on croyait. Si nous souhaitons préciser le
1323
. Dans ce domaine, toute différence reconnue peut
être
vérifiée par l’expérience intime, et promet au dialogue des spirituel
1324
ux névroses de la psychanalyse freudienne : elles
seraient
autant de « rationalisations » des attitudes « dysfonctionnelles » qu
1325
oblèmes. Trois écoles de l’amour Si l’amour
est
le premier moteur non seulement de l’homme mais du monde, c’est son a
1326
C’est l’amour dominant qui fait l’homme… L’homme
est
absolument tel qu’est l’amour dominant de sa vie : selon (cet amour)
1327
t qui fait l’homme… L’homme est absolument tel qu’
est
l’amour dominant de sa vie : selon (cet amour) se fait son ciel, s’il
1328
sa vie : selon (cet amour) se fait son ciel, s’il
est
bon, ou son enfer, s’il est mauvais », dit Swedenborg dans La Nouvell
1329
e fait son ciel, s’il est bon, ou son enfer, s’il
est
mauvais », dit Swedenborg dans La Nouvelle Jérusalem. Et dans De Cœlo
1330
e : « Le corps de chaque esprit et de chaque ange
est
la forme de son amour.107 » Les trois notions de l’homme que l’on vie
1331
ne dualité sans laquelle ni l’homme ni l’amour ne
seraient
même concevables. Il ne s’agit ici ni du dualisme trop facilement nom
1332
ntre l’individu et le « vrai moi ». (L’individu n’
est
pas le mal en soi : il ne devient mauvais que dans la seule mesure où
1333
se refuse à l’amour. Et de même le « vrai moi » n’
est
pas le bien en soi, car il peut devenir un monstre.) Pour aimer, il
1334
il peut devenir un monstre.) Pour aimer, il faut
être
deux, dit la sagesse des nations. Et cela vaut d’abord pour l’amour d
1335
irituels dans leur condamnation de l’égoïsme, qui
est
l’impérialisme de l’ego naturel et sa fermeture autarcique. Mais les
1336
arcique. Mais les motifs de cette condamnation ne
sont
pas les mêmes : les moralistes jugent au nom de la société, les spiri
1337
ans une vue chrétienne de l’homme, l’amour de soi
est
le rapport positif entre l’individu et le vrai moi. Le second command
1338
ne manière telle que s’aimer et aimer le prochain
soit
un même acte : sinon le comme n’aurait pas son plein sens. Dans l’amo
1339
orienter par lui. C’est le vrai moi qui aime, qui
est
l’agent de l’amour. Ce vrai moi seul peut aimer le prochain, parce qu
1340
Alain. Or le meilleur de l’autre — comme de soi —
est
sa vocation singulière. Aimer le prochain dans sa personne, c’est dis
1341
ne. Mais alors, d’où vient la personne ? Quel que
soit
le nom que lui ont donné les trois religions abrahamiques, le vrai mo
1342
nné les trois religions abrahamiques, le vrai moi
est
toujours suscité par l’amour même : « Dieu nous a aimés le premier ».
1343
er ». Pour le chrétien, c’est parce que Dieu, qui
est
Amour, est un Dieu personnel dans sa tri-unité, que l’amour spirituel
1344
le chrétien, c’est parce que Dieu, qui est Amour,
est
un Dieu personnel dans sa tri-unité, que l’amour spirituel crée dans
1345
Si la plus haute valeur de l’Occident chrétien n’
est
pas la connaissance détachée mais le sacrifice personnel, et si le sa
1346
tion. Ou c’est encore : se sacrifier tel que l’on
est
, à soi-même tel qu’on va le devenir par l’esprit. C’est rejoindre la
1347
sprit. C’est rejoindre la forme immortelle de son
être
au travers d’une « mort à soi-même » transfigurante. Ce modèle de l’a
1348
omplaisance croissante. Je sais bien que la haine
est
l’envers de l’amour, mais comment l’amour fasciné par le désir de ce
1349
vraiment ce qu’il lui sacrifie ? Le masochisme n’
est
-il pas le moment de retombement de l’âme frustrée, quand l’esprit qui
1350
ite hors du moi naturel. Désormais le vieil homme
est
jugé : n’ayant pu l’entraîner avec elle vers son bien et l’animer de
1351
n autonomie. Si le corps lui paraît désirable, il
sera
parfois tenté d’attribuer ce mouvement, né de l’instinct, à la révéla
1352
aut craindre celui qui se hait lui-même, car nous
serons
les victimes de sa colère et de sa vengeance. Ayons donc soin de l’in
1353
e à l’amour de lui-même108 ». L’érotisme sensuel
est
l’autre extrême où se porte l’âme irritée mais non pas convertie par
1354
e retombe alors dans les liens de l’instinct, qui
est
la puissance impersonnelle par excellence, et s’épuise à s’en libérer
1355
ntre les conventions de la morale commune — qu’il
est
déjà trop « spirituel » pour respecter — mais aussi contre le respect
1356
respect du mystère exigeant de l’Autre — qu’il n’
est
pas assez « spirituel » pour aimer. (Mais s’il l’était assez, il retr
1357
pas assez « spirituel » pour aimer. (Mais s’il l’
était
assez, il retrouverait aussi la justification de certaines convention
1358
le tissu conjonctif de toutes les sociétés qui ne
sont
pas un ordre.) ⁂ L’école iranienne Il n’existe plus de communau
1359
4-41) qui pose comme une clef musicale : « Chaque
être
connaît le mode de prière et de glorification qui lui est propre. » T
1360
aît le mode de prière et de glorification qui lui
est
propre. » Toute personne s’origine en Dieu, qui l’a créée afin d’être
1361
personne s’origine en Dieu, qui l’a créée afin d’
être
connu par elle et de devenir en elle l’objet de Sa propre connaissanc
1362
de l’autre et l’aimer « comme soi-même », — comme
étant
née du même amour qui m’a créé. « (Dieu) est celui qui dans chaque êt
1363
me étant née du même amour qui m’a créé. « (Dieu)
est
celui qui dans chaque être aimé se manifeste au regard de chaque aman
1364
qui m’a créé. « (Dieu) est celui qui dans chaque
être
aimé se manifeste au regard de chaque amant… car il est impossible d’
1365
mé se manifeste au regard de chaque amant… car il
est
impossible d’aimer un être sans se représenter en lui la divinité… Un
1366
de chaque amant… car il est impossible d’aimer un
être
sans se représenter en lui la divinité… Un être n’aime en réalité per
1367
n être sans se représenter en lui la divinité… Un
être
n’aime en réalité personne d’autre que son créateur ?110 » Ibn Arabi
1368
elle pour Lui ; l’amour spirituel « dont le siège
est
en la créature toujours à la quête de l’être dont elle découvre en el
1369
siège est en la créature toujours à la quête de l’
être
dont elle découvre en elle l’Image, ou dont elle se découvre comme ét
1370
e en elle l’Image, ou dont elle se découvre comme
étant
l’Image » ; enfin l’amour naturel, qui recherche la satisfaction de s
1371
rs sans souci de l’agrément de l’Aimé. « Et telle
est
hélas ! dit Ibn Arabi, la manière dont la plupart des gens d’aujourd’
1372
bi observe que les plus parfaits amants mystiques
sont
ceux qui aiment Dieu simultanément pour lui-même et pour eux-mêmes, p
1373
malheureuse » en proie aux déchirements). » Telle
est
donc la personne unifiée et tel est son amour de soi-même. Quant à l’
1374
nts). » Telle est donc la personne unifiée et tel
est
son amour de soi-même. Quant à l’amour-passion (ici, non romantique !
1375
toutes les dimensions de l’amour unifié. L’Aimé n’
est
plus alors un simple objet — comme il est pour l’amour naturel, posse
1376
’Aimé n’est plus alors un simple objet — comme il
est
pour l’amour naturel, possessif — mais une virtualité divine que l’am
1377
ine l’Image) et qu’il tend à faire exister dans l’
être
aimé, par l’efficace de son amour pré-figurant. C’est précisément l
1378
fonction théophanique de l’Ange (ainsi en a-t-il
été
des Figures féminines célébrées par les Fedeli d’amore, compagnons de
1379
li d’amore, compagnons de Dante ; ainsi en a-t-il
été
de celle qui apparut à Ibn Arabi, à la Mekke, comme figure de la Soph
1380
Sophia divine). Que l’amant tende à contempler l’
être
aimé, à s’unir en lui, à en perpétuer la présence, son amour tend tou
1381
tend toujours à faire exister quelque chose qui n’
est
pas encore existant dans l’Aimé.111 On reconnaît ici les « notes »
1382
Comme tout bien procède du Seigneur, le Seigneur
est
, dans le sens suprême et au degré le plus éminent, le Prochain ; c’es
1383
ns relatives au prochain, c’est-à-dire que chacun
est
le prochain en proportion de ce qu’il a quelque chose du Seigneur en
1384
n qui procède du Seigneur, il s’ensuit que l’un n’
est
pas le prochain de la même manière que l’autre… ; il n’y a jamais che
1385
ue… C’est l’amour qui fait le prochain, et chacun
est
le prochain selon la qualité de son amour.113 En dépit de tout ce
1386
a poésie dense de l’Arabe, l’analogie des énoncés
est
indéniable. Si le symbolisme concret des soufis transpose doublement
1387
le prochain reste exactement comparable, comme le
sont
les trois formes de l’amour que manifeste cette structure. Mais « l’I
1388
un amour dédié à sa propre âme114, dont Iseut ne
serait
que l’image sensible, — et c’est pourquoi j’ai osé dire que Tristan n
1389
que Tristan n’aimait pas Iseut — cette passion n’
est
-elle pas mieux vue si l’on évoque les Fravarti du mazdéisme, les figu
1390
» de l’âme et de sa Dâenâ au pont Chinvat ? Et n’
est
-ce pas pour avoir désiré l’amour de l’Ange que les amants de la forêt
1391
ce que « leur engagement — comme dira Novalis — n’
était
pas pris pour cette vie », mais pour l’autre ? S’il est une « erreur
1392
s pris pour cette vie », mais pour l’autre ? S’il
est
une « erreur de Tristan », motivant le malheur essentiel de sa passio
1393
, motivant le malheur essentiel de sa passion, ce
serait
alors dans le mode de la transposition du « ciel » sur Terre et de l’
1394
t transitoire et le Soi tout impersonnel : « Il n’
est
qu’un Soi pour tous les êtres. 115 » L’individualité qui est là, qui
1395
impersonnel : « Il n’est qu’un Soi pour tous les
êtres
. 115 » L’individualité qui est là, qui tombe sous le sens, doit être
1396
oi pour tous les êtres. 115 » L’individualité qui
est
là, qui tombe sous le sens, doit être exténuée méthodiquement (non po
1397
idualité qui est là, qui tombe sous le sens, doit
être
exténuée méthodiquement (non point transfigurée ou glorifiée) pour at
1398
i sans distinction, la Réalité sans visage, qui n’
est
ni ceci ni cela, mais qui est l’Immensité, disent les hindous, et qui
1399
sans visage, qui n’est ni ceci ni cela, mais qui
est
l’Immensité, disent les hindous, et qui est le Vide disent les bouddh
1400
s qui est l’Immensité, disent les hindous, et qui
est
le Vide disent les bouddhistes. Du même coup se trouvent évacués les
1401
es problèmes ne sauraient avoir lieu (ou du moins
être
pris au sérieux). L’amour même est évacué. Il n’est plus que l’attrai
1402
(ou du moins être pris au sérieux). L’amour même
est
évacué. Il n’est plus que l’attrait des sexes agissant fatalement sur
1403
e pris au sérieux). L’amour même est évacué. Il n’
est
plus que l’attrait des sexes agissant fatalement sur des milliards d’
1404
selon le cours des astres et le Karma. Il ne peut
être
, pour l’esprit, qu’indifférent. (Quoique la morale sociale condamne r
1405
alement l’adultère de la femme mariée ; mais ce n’
est
pas au nom de l’amour, on le pense bien). « Écarte les choses, ô aman
1406
ense bien). « Écarte les choses, ô amant, ta voie
est
fuite ! » s’écriait saint Jean de la Croix. Écarte le prochain ! ajou
1407
s spirituels du védantisme et du bouddhisme. S’il
est
vrai que « la notion de Moi n’a d’accès que dans la pensée des sots »
1408
oi ne vaut pas mieux. « La morale bouddhique, qui
est
une sorte d’hygiène spirituelle, tend à détruire, en nous, les causes
1409
’a pas d’amour n’a pas de douleur. » Si l’on s’en
tient
aux textes, la cause est entendue : l’Asie métaphysique ne connaît pa
1410
ouleur. » Si l’on s’en tient aux textes, la cause
est
entendue : l’Asie métaphysique ne connaît pas l’amour, — j’entends l’
1411
l’amour matrimonial. Mais on me dira que l’Asie n’
est
pas toute spirituelle, et que la vie ne s’en tient pas aux textes. On
1412
’est pas toute spirituelle, et que la vie ne s’en
tient
pas aux textes. On ajoutera peut-être qu’on ne voit pas de raisons po
1413
’on ne voit pas de raisons pour que l’Orient réel
soit
plus conforme aux sermons du Bouddha, que l’Europe au Sermon sur la m
1414
ndes doctrines religieuses de l’Asie n’ont jamais
été
révolutionnaires. Elles n’ont jamais prétendu transformer l’ensemble
1415
ennent à partie, un à un, tout individu tel qu’il
est
, décidées à le transformer en vérité118. Elles provoquent d’innombrab
1416
18. Elles provoquent d’innombrables réactions. Il
est
par suite inévitable que l’existence réelle, en Occident, ressemble m
1417
Occident, ressemble moins à la doctrine que ce n’
était
le cas, jusqu’à nos jours, en Asie. Prenons l’exemple de l’érotisme.
1418
lles nous procurent une jouissance. La divinité n’
est
un objet d’amour que parce qu’elle représente une volupté sans mélang
1419
la joie de la possession, la souffrance du désir
est
pour un instant apaisée… et l’homme perçoit dans le plaisir sa propre
1420
dans le plaisir sa propre nature essentielle, qui
est
la joie. Toute jouissance, tout plaisir est une expérience du divin…
1421
, qui est la joie. Toute jouissance, tout plaisir
est
une expérience du divin… Mais l’amour parfait est celui dont l’objet
1422
est une expérience du divin… Mais l’amour parfait
est
celui dont l’objet n’est pas limité. C’est cet amour qui est l’amour
1423
in… Mais l’amour parfait est celui dont l’objet n’
est
pas limité. C’est cet amour qui est l’amour pur, l’amour de l’amour m
1424
ont l’objet n’est pas limité. C’est cet amour qui
est
l’amour pur, l’amour de l’amour même, l’amour de l’Être-de-volupté tr
1425
scendant »119. Kâma, le dieu du plaisir érotique,
est
vénéré par les yogis, « car c’est lui seul, lorsqu’il est satisfait,
1426
ré par les yogis, « car c’est lui seul, lorsqu’il
est
satisfait, qui peut libérer l’esprit du désir… Ce n’est pas le plaisi
1427
tisfait, qui peut libérer l’esprit du désir… Ce n’
est
pas le plaisir mais le désir qui lie l’homme et qui est un obstacle à
1428
s le plaisir mais le désir qui lie l’homme et qui
est
un obstacle à son progrès spirituel.120 » Et encore : « Celui qui che
1429
ui cherche l’amour dans l’espoir d’une jouissance
est
la victime du désir. Le sage accepte les plaisirs sensuels quand ils
1430
and ils viennent, mais avec un cœur détaché. Il n’
est
pas victime du désir.121 » Ce « détachement » tout accueillant, cette
1431
s » et les « infâmes », contre « tous ceux qui se
sont
livrés à l’impureté, selon les convoitises de leur cœur. » Comparons
1432
et l’on sait à quel point cette forme de l’amour
est
liée à ses expressions. La passion et l’amour mystique, l’érotisme et
1433
mour mystique, l’érotisme et l’amour du prochain,
sont
des problèmes occidentaux, posés à tous par les rigueurs mal tolérées
1434
es, cependant que les voies de sagesse asiatiques
sont
seulement proposées, — à quelques-uns. Les recettes de plaisir, ou d’
1435
isir, ou d’immortalité par la rétention du semen,
sont
liées en Asie à la piété, tandis que nos coutumes viennent d’un vieux
1436
sme ou du bouddhisme, la vie réelle de l’Occident
est
en conflit avec la foi, tandis que la vie réelle de l’Asie est en sym
1437
t avec la foi, tandis que la vie réelle de l’Asie
est
en symbiose avec ses religions. Et si la symétrie de ces formules inq
1438
te dans un roman moderne, dont l’auteur se trouve
être
un brahmane védantin : « J’avais vécu en Europe, j’avais épousé une E
1439
e qu’elles excluent leur contraire, ou que l’on s’
était
mépris sur le vrai sens de leurs affirmations répétées du contraire (
1440
on personnelle accomplie aux dépens de l’individu
est
loin d’être absente de la Bhagavad-Gita : Sois détaché et accomplis
1441
lle accomplie aux dépens de l’individu est loin d’
être
absente de la Bhagavad-Gita : Sois détaché et accomplis l’action qui
1442
du est loin d’être absente de la Bhagavad-Gita :
Sois
détaché et accomplis l’action qui est ton devoir, car en accomplissan
1443
ad-Gita : Sois détaché et accomplis l’action qui
est
ton devoir, car en accomplissant l’action sans attachement, l’homme o
1444
. (III, 19.) Notre propre devoir, si humble qu’il
soit
, vaut mieux que le devoir parfaitement accompli d’un autre. Le dharma
1445
itement accompli d’un autre. Le dharma d’un autre
est
plein de dangers. (III, 35.) Et dans les upanishads : La vie n’a se
1446
njonction évangélique d’aimer aussi son ennemi ne
sont
pas absentes du bouddhisme : car l’ennemi et toi-même ne diffèrent qu
1447
er Éros en Agapè 123 ». Je répète que tout cela n’
est
pas contradictoire, dans une philosophie sans dogmatique. Nous parler
1448
? Non point à la femme, mais en vérité au Soi qui
est
en elle.124 En présence d’une telle phrase, j’éprouve d’abord ceci
1449
vive reconnaissance. Car toute vérité sur l’amour
est
immédiatement reconnue par celui qui s’est mis en quête d’un savoir d
1450
’amour est immédiatement reconnue par celui qui s’
est
mis en quête d’un savoir de l’amour qu’il vit. N’importe qui m’averti
1451
. N’importe qui m’avertira que le Soi de l’Inde n’
est
pas le vrai Dieu des chrétiens, qui est personnel. On connaît les déf
1452
l’Inde n’est pas le vrai Dieu des chrétiens, qui
est
personnel. On connaît les définitions. Mais je retrouve ici mon expér
1453
rire tout un livre. (Mais si c’était celui que je
suis
en train d’écrire ? Et qui précisément, ici, touche à sa fin ?) Je di
1454
mour, et l’aider à prendre conscience de ce qu’il
est
ou peut devenir. N’est-ce pas l’aider à réfléchir la lumière de l’amo
1455
dre conscience de ce qu’il est ou peut devenir. N’
est
-ce pas l’aider à réfléchir la lumière de l’amour créateur ? Non, ce s
1456
éfléchir la lumière de l’amour créateur ? Non, ce
serait
-là trop dire, et pas assez. Aimer, c’est aider l’autre à se’ situer d
1457
us lui-même qu’avant : amour mutuel. L’expérience
est
la même, ou du moins je la sens telle. Mais la lumière ? Est-ce le No
1458
, ou du moins je la sens telle. Mais la lumière ?
Est
-ce le Nom qu’on lui donne qui diffère, — ou quoi d’autre ? Le point d
1459
diffère, — ou quoi d’autre ? Le point du dialogue
est
ici. Un point seulement, sans étendue, mais selon le regard que nous
1460
cidental ou l’Oriental. Tous les risques d’erreur
sont
de notre côté, nous les payons par les névroses ou l’abêtissement spi
1461
par les névroses ou l’abêtissement spirituel. Eux
sont
tellement en garde contre l’illusion, qu’ils l’ont mise en facteur co
1462
d’une gigantesque schizophrénie du Soi. (Mais il
sera
finalement résorbé, tout s’arrangera.) Ils en ont fait autant pour le
1463
smique (Purusha dont la contrepartie actualisante
est
Prakriti), finalement dissociée et fondu dans le Soi : « Tu es Cela »
1464
finalement dissociée et fondu dans le Soi : « Tu
es
Cela ». Le drame individuel est noyé dans le Tout. Mais le Tout est l
1465
dans le Soi : « Tu es Cela ». Le drame individuel
est
noyé dans le Tout. Mais le Tout est le contraire du drame. Tous les r
1466
me individuel est noyé dans le Tout. Mais le Tout
est
le contraire du drame. Tous les risques d’erreur sont liés à notre am
1467
le contraire du drame. Tous les risques d’erreur
sont
liés à notre amour ; et plus l’amour est passionné, exigeant, singuli
1468
’erreur sont liés à notre amour ; et plus l’amour
est
passionné, exigeant, singulier, plus grand le risque. Ce que nous cro
1469
and le risque. Ce que nous croyons aimer en elle,
est
-ce elle-même ou l’image de notre ange ? Ce que nous avons cru voir en
1470
lle, et que nous déifions peut-être à ses dépens,
est
-ce notre anima projetée ? Tous les psychanalystes nous l’ont dit : l’
1471
es nous l’ont dit : l’erreur sur la personne de l’
être
aimé est la source des pires conflits, une violence faite à l’âme de
1472
ont dit : l’erreur sur la personne de l’être aimé
est
la source des pires conflits, une violence faite à l’âme de l’autre,
1473
aux « vues justes » comme disait le Bouddha — qui
était
l’un des nôtres, un Indien —, si tu vois bien ce que tu vois et porte
1474
mmuable seul, toutes ces erreurs que tu craignais
sont
illusoires. Comme le moi. — La vue juste distingue et juge, mais ne p
1475
er mieux, c’est apprendre à discerner la raison d’
être
— donc d’être unique — de l’autre aimé, comme de soi-même. Ce corps v
1476
t apprendre à discerner la raison d’être — donc d’
être
unique — de l’autre aimé, comme de soi-même. Ce corps visible que vie
1477
t animer un mouvement singulier et fascinant de l’
être
… « Aimer ce que jamais on ne verra deux fois ! » — Aimer, c’est voulo
1478
bsorbant. Mais que nous devenions Shiva, la femme
est
dissoute et le monde avec elle. Car le monde ne doit pas être refusé
1479
e et le monde avec elle. Car le monde ne doit pas
être
refusé mais dissous.125 » — Je veux voir l’autre en sa réalité, qui e
1480
s.125 » — Je veux voir l’autre en sa réalité, qui
est
unique. J’aime en elle à la fois ce que je vois et ce qui fait que je
1481
: ce vrai moi pressenti par l’amour seul, et qui
est
elle-même. Tu dis le Soi, ce n’est personne. — Il n’y a personne. Per
1482
r seul, et qui est elle-même. Tu dis le Soi, ce n’
est
personne. — Il n’y a personne. Personne ne peut aimer, sauf l’égoïste
1483
er que ton « Dieu » dans ses créatures, puisqu’il
est
dit de Lui qu’il est amour. — Mais Dieu pour nous est une Personne, e
1484
ans ses créatures, puisqu’il est dit de Lui qu’il
est
amour. — Mais Dieu pour nous est une Personne, et nous crée comme per
1485
dit de Lui qu’il est amour. — Mais Dieu pour nous
est
une Personne, et nous crée comme personnes bien distinctes. Tu ne voi
1486
er. — Quand je saurai aimer le Soi en elle, je ne
serai
plus moi, elle ne sera plus elle, et les dieux mêmes me serviront.
1487
mer le Soi en elle, je ne serai plus moi, elle ne
sera
plus elle, et les dieux mêmes me serviront. Tout et tous L’Orie
1488
consommation des temps, répond saint Paul, « Dieu
sera
tout en tous. » Depuis six millénaires, les sages de l’Asie n’ont pas
1489
s savent la date — la vie, le cosmos et les dieux
seront
résorbés dans l’Un seul, sans laisser aucune trace, comme n’ayant pas
1490
ulé par la science occidentale : mais personne ne
sera
là pour constater que leurs doctrines sur la Lumière finale et sur le
1491
nes sur la Lumière finale et sur le Vide n’auront
été
, dans leur ensemble, qu’une immense transposition sur les plans poéti
1492
ppe à la majorité de ceux qu’elle entraîne. Et il
est
vrai qu’on ne saurait guère le concevoir sans une vision de sa fin an
1493
tte fin. Dès lors, au duel de l’Un et du Multiple
est
substitué le drame de l’Un et des uniques — à l’anéantissement final
1494
rnisé par l’effort vivifiant de l’Imagination. Ce
sont
là deux doctrines, deux vues des spirituels. Quelle est la vraie ? Si
1495
deux doctrines, deux vues des spirituels. Quelle
est
la vraie ? Si les sages de l’Orient ont raison, personne ne pourra le
1496
sées. Si les saints de l’Occident ont raison, ils
seront
seuls à être là pour le savoir. La doctrine qui peut devenir vraie se
1497
ints de l’Occident ont raison, ils seront seuls à
être
là pour le savoir. La doctrine qui peut devenir vraie sera celle que
1498
our le savoir. La doctrine qui peut devenir vraie
sera
celle que nous choisirons, en vérité vécue de conscience et d’action.
1499
et d’action. Les résultats actuels et historiques
sont
ambigus à l’infini, pour nos mesures. Les peuples sont dans l’ignoran
1500
ambigus à l’infini, pour nos mesures. Les peuples
sont
dans l’ignorance malheureuse des origines et des fins de ce qu’ils cr
1501
pour leurs croyances. Nous voyons ce que l’Orient
est
resté jusqu’ici, et que ses doctrines d’extinction n’ont pas tué l’il
1502
llusion du moi ; au contraire, ce moi sans valeur
est
en train de faire valoir ses revendications, par plusieurs centaines
1503
r et l’espérance ce que l’Occident peut devenir :
soit
s’engloutir dans l’illusion de la matière (et l’Orient aurait eu rais
1504
ion de la matière (et l’Orient aurait eu raison),
soit
accomplir sa vocation aventureuse, — déchiffrer l’Être dans le singul
1505
accomplir sa vocation aventureuse, — déchiffrer l’
Être
dans le singulier et les structures de l’énergie universelle. Car c’e
1506
, qu’il aille jusqu’au bout ! Pour lui la Réalité
est
dans l’individuel, et l’Être dans les raisons d’être des uniques. Or
1507
! Pour lui la Réalité est dans l’individuel, et l’
Être
dans les raisons d’être des uniques. Or ce choix est celui de l’amour
1508
t dans l’individuel, et l’Être dans les raisons d’
être
des uniques. Or ce choix est celui de l’amour, de la connaissance par
1509
dans les raisons d’être des uniques. Or ce choix
est
celui de l’amour, de la connaissance par l’amour, car tout ce qui exi
1510
connaissance par l’amour, car tout ce qui existe
est
unique, à voir de près, comme voit l’amour. 94. Cf. Charles Baudoi
1511
: Découverte de la Personne, p. 22. (Cet ouvrage
est
le meilleur exposé du personnalisme moderne, par un psychanalyste ass
1512
nd Buddhist, p. 39.) La psychologie dont il parle
est
occidentale. Cherchant à guérir les « maladies du moi », elle le conf
1513
ise une action ; ses collègues l’approuvent et il
est
décidé qu’il sera fait suivant ce qu’il a proposé. D’autres fois, plu
1514
ses collègues l’approuvent et il est décidé qu’il
sera
fait suivant ce qu’il a proposé. D’autres fois, plusieurs membres de
1515
de l’assemblée la quittent d’eux-mêmes ; d’autres
sont
graduellement poussés au-dehors et d’autres, encore, sont expulsés de
1516
duellement poussés au-dehors et d’autres, encore,
sont
expulsés de force par leurs collègues. Pendant ce temps, de nouveaux
1517
e nouveaux venus s’introduisent dans l’assemblée,
soit
en s’y glissant doucement, soit en enfonçant les portes. On remarque
1518
dans l’assemblée, soit en s’y glissant doucement,
soit
en enfonçant les portes. On remarque encore que certains membres de l
1519
ar ne plus l’entendre. Au contraire, d’autres qui
étaient
débiles et timides se fortifient et s’enhardissent, et finissent par
1520
er dictateurs. Les membres de cette assemblée, ce
sont
les éléments physiques et mentaux qui constituent la « personne » ; c
1521
s et mentaux qui constituent la « personne » ; ce
sont
nos instincts, nos tendances, nos idées, nos croyances, nos désirs, e
1522
ces, nos désirs, etc. Chacun de ceux-ci se trouve
être
, de par les causes qui l’ont engendré, le descendant et l’héritier de
1523
moi, on le perd assurément et par méthode. Car il
est
forme dominante et gouvernante. Si on tentait de l’observer à l’aide
1524
à l’aide d’un microscope, l’éléphant lui aussi ne
serait
plus qu’une vaste illusion. 104. Les Questions de Milinda (Milinda
1525
Milinda (Milindahunha), Ier siècle A. D. Milinda
est
le roi indo-grec Ménandre, qui vivait au IIe siècle av. J.-C. Nagasen
1526
eel, op. cit., p. 304-305. 107. Ces deux phrases
sont
à rapprocher de cette vue d’un soufi : « Le paradis du gnostique fidè
1527
près ce que Freud nomme « narcissisme », et qui n’
est
tel qu’aux yeux de celui qui nie l’âme ; mais alors, d’où viendrait c
1528
cet amour, à qui irait-il ? La passion de Tristan
est
la preuve de l’âme, s’il en fût jamais. 115. Katha upanishad. 116.
1529
assion de Tristan est la preuve de l’âme, s’il en
fût
jamais. 115. Katha upanishad. 116. Alexandra David-Neel, Le Bouddhi
1530
hristianisme et le judaïsme. « Dans l’Arabe, tout
est
colère », écrit Henri Michaux. « Son bonjour : « Que le salut soit su
1531
rit Henri Michaux. « Son bonjour : « Que le salut
soit
sur quiconque suit la vraie religion ». (La vraie ! Aux autres, pas d
1532
confronte avec plus de tendresse et de rigueur l’
Est
et l’Ouest. Lire aussi, mais c’est beaucoup moins tendre pour les deu
1533
s de L’Amour et l’Occident un peu plus qu’il ne
serait
souhaitable, de son propre point de vue. 124. On pourra retrouver ce
1534
Chardin : La Route de l’Ouest (inédit). 127. Il
serait
peut-être fécond d’interpréter le principe de Carnot-Clausius (accroi
1535
ue abstrait, orné d’une illustration.) L’amour
étant
l’initiateur de tout ce qui existe, on appellera néant l’absence d’am
1536
bsence d’amour. Les degrés d’existence de l’amour
sont
ceux de la création à l’œuvre, sans laquelle le néant ne serait pas c
1537
la création à l’œuvre, sans laquelle le néant ne
serait
pas conçu, ni l’être. L’amour divin, venant de Dieu, retourne à Dieu,
1538
sans laquelle le néant ne serait pas conçu, ni l’
être
. L’amour divin, venant de Dieu, retourne à Dieu, posant en son point
1539
ientation de soi dans l’axe d’efficacité majeure,
est
la prière. Prier n’est pas demander mais s’orienter, de manière à rec
1540
’axe d’efficacité majeure, est la prière. Prier n’
est
pas demander mais s’orienter, de manière à recevoir et à réaliser.) L
1541
re à recevoir et à réaliser.) Le moi posé, quelle
est
la voie de l’amour en l’homme ? L’expérience méditée — et que j’espèr
1542
1. La vision intuitive. — Cette forme de l’amour
est
l’acte de l’esprit ; et elle est connaissance active en même temps qu
1543
forme de l’amour est l’acte de l’esprit ; et elle
est
connaissance active en même temps que reconnaissance. Elle naît et se
1544
répondre. Son regard tend à susciter ce qui peut
être
aimé parce qu’aimant à son tour. Cette action du regard quand elle es
1545
ant à son tour. Cette action du regard quand elle
est
confirmée par l’interaction des personnes que l’amour met en résonanc
1546
ction des personnes que l’amour met en résonance,
est
la philia, l’amitié spirituelle. Elle est agent de différenciation pa
1547
onance, est la philia, l’amitié spirituelle. Elle
est
agent de différenciation par excellence, du fait qu’elle voit — ou ch
1548
ion qui les distingue absolument ; la nouveauté —
fût
-elle imperceptible ; l’irremplaçable que chaque être humain, s’il y e
1549
t-elle imperceptible ; l’irremplaçable que chaque
être
humain, s’il y est appelé, peut devenir. Le désir du regard intuitif
1550
; l’irremplaçable que chaque être humain, s’il y
est
appelé, peut devenir. Le désir du regard intuitif est appel, donc att
1551
appelé, peut devenir. Le désir du regard intuitif
est
appel, donc attente agissante d’une réponse, et, par suite, de l’écha
1552
te d’une réponse, et, par suite, de l’échange qui
est
l’action de l’amour. Quand ce désir et ce besoin d’agir sur l’autre e
1553
unique s’édifie dans l’individu. Cette règle d’or
est
la norme morale, par excellence, en tout domaine, aussi bien dans cel
1554
e seconde forme de l’amour procède de l’âme. Elle
est
moins sélective que le regard intuitif, puisqu’elle ne va pas vers l’
1555
lénitude, elle exclut de sa réalité tout ce qui n’
est
ni l’objet ni le sujet de l’émotion : à ces deux se réduit pour elle
1556
nivers. Dans sa genèse, elle correspond, quel que
soit
l’âge, à l’état de première adolescence, quand l’amour « point le cœu
1557
tre — et surtout s’il paraît lui-même l’ignorer —
est
la condition nécessaire de l’émotion vraiment envahissante. Dans ce d
1558
le spirituel et le sensuel, les risques d’erreur
sont
plus grands, parce que l’émotion la plus vive peut très bien se suffi
1559
en se suffire en soi. L’intuition qui se trompe n’
est
rien, le désir non comblé n’est pas une sensation, mais l’émotion tro
1560
n qui se trompe n’est rien, le désir non comblé n’
est
pas une sensation, mais l’émotion trouve en elle-même et dans la seul
1561
, si on l’a mal vu, si on l’imagine autre qu’il n’
est
, ou si l’on ne fait que projeter sur lui l’image du soi que l’on aime
1562
vrai dialogue ; Éros élit, s’émeut, et « le reste
est
silence ». Au degré de la passion, l’âme va se détacher du spirituel
1563
usqu’au point où l’Élue, devenant le monde — « On
est
seul avec tout ce que l’on aime » — l’amour confond le moi et son obj
1564
r confond le moi et son objet, et enfin « Seul je
suis
, moi, le Monde ! » À cette limite de l’extrême différence actualisée,
1565
’extrême différence actualisée, tout ce qui avait
été
refoulé, écarté et virtualisé dans la nuit de l’indifférencié, d’un s
1566
laisir sexuel. — Cette troisième forme de l’amour
est
dite physique, encore que nous sachions très bien que le sexe est lié
1567
e, encore que nous sachions très bien que le sexe
est
lié comme nulle autre fonction à la volonté de l’intellect, à l’âme e
1568
l’âme et à l’imaginaire ; et qu’en tant qu’il ne
serait
qu’un instinct animal, il n’aurait rien à voir avec l’amour. Les anim
1569
alité peut signifier l’amour, c’est parce qu’elle
est
, chez l’homme, autre chose que l’instinct. Dans la mesure où, sans pe
1570
tinct, elle s’ordonne à des fins nouvelles qui ne
sont
plus celles de l’espèce mais de la personne, la sexualité mérite ce n
1571
catholiques, protestants ou laïques. Cette morale
tient
le sexe pour mauvais en principe. Comme elle sent qu’une telle attitu
1572
n principe. Comme elle sent qu’une telle attitude
est
plus hérétique que chrétienne, ou plus religieuse que rationnelle et
1573
shad, 7, 25.) Pensez-vous que la comparaison qui
est
faite ici entre l’acte de la connaissance religieuse et l’acte de l’u
1574
araît pas indifférente pour l’esprit. Mais elle n’
est
ni mauvaise ni bonne : en tant que fonction, je la verrais moralement
1575
cure et menaçante, aliénée de la personne : or ce
sont
là les caractères et la genèse d’un démon. Ils verront ce démon appar
1576
s lignes, par exemple ; et certains semblent bien
être
allés jusqu’à le matérialiser, si l’on en croit les récits de vies d’
1577
onne, aveuglément, comme dans la nuit ; peut donc
être
: amour, égoïsme, bienfait ou crime, libération ou servitude, ou simp
1578
d’autre, accident ridicule mais sans suites. Ce n’
est
en soi ni bien ni mal. Seul, le degré d’amour réel (personnifiant, li
1579
cte sexuel. Et je ne vois pas d’autre critère qui
tienne
, ou ne soit réductible à celui-là. b) La sexualité séparée. Dès qu’il
1580
je ne vois pas d’autre critère qui tienne, ou ne
soit
réductible à celui-là. b) La sexualité séparée. Dès qu’il est dissoci
1581
le à celui-là. b) La sexualité séparée. Dès qu’il
est
dissocié de l’amour d’intuition et de l’amour de sentiment, qui le pr
1582
lan de l’instinct. Mais alors que le désir animal
est
simplement déterminé par le renouvellement de l’espèce, le désir sens
1583
uvellement de l’espèce, le désir sensuel-érotique
est
devenu force libre, autonome, et qui agit désormais contre l’amour en
1584
ec une grande simplicité dans l’opéra, Don Juan n’
est
plus qu’un corps, qu’on nous montre mangeant, buvant et célébrant les
1585
nergie cosmique. — La dernière forme de l’amour n’
est
atteinte que par la pensée, mais à travers le monde des sensations, l
1586
et le mystère de l’attraction universelle. Et il
est
beau que l’aventure de l’intellect, descendant des clartés instantané
1587
ique, débouche enfin sur des lueurs nouvelles qui
sont
peut-être celles qu’entrevoyaient les sages de l’Inde et de la Grèce,
1588
consumée » : … mais déjà mon désir et ma volonté
étaient
mus — comme une roue tournant d’une manière uniforme — par l’Amour qu
1589
e pour elle le plus impénétrable des mystères. Il
est
capital qu’elle l’admette. Ce qui était écarté depuis des siècles, re
1590
ystères. Il est capital qu’elle l’admette. Ce qui
était
écarté depuis des siècles, renvoyé au chapitre des magies puériles, r
1591
érieux pour les joueurs, et pour les sérieux ce n’
est
qu’un jeu. Pourtant, si l’on regarde un moment, mais sans jouer, les
1592
de l’amour : un roi de pique dira que « l’Amour n’
est
pas un sentiment, mais la situation totale de celui qui aime, orienté
1593
e 2. Elle suggère : palpiter, contracter-dilater,
être
vulnérable ou blessé, transpercé par une pique (« Une épée te transpe
1594
. (Seul celui qui a une âme, et le sait, a lieu d’
être
masochiste et de s’en réjouir.) Goût de la mort à deux. Paranoïa. Co
1595
espond au Corps et à la sensation. (« Toute chair
est
comme l’herbe. » Amour de la chair pour ce qui la transcende et l’ani
1596
Conception de l’amour : la gourmandise. « Ce qui
est
vrai, ce qui est beau, c’est ce qui m’est bon. » Preuve :toucher, ét
1597
amour : la gourmandise. « Ce qui est vrai, ce qui
est
beau, c’est ce qui m’est bon. » Preuve :toucher, étreindre. Carreau
1598
Ce qui est vrai, ce qui est beau, c’est ce qui m’
est
bon. » Preuve :toucher, étreindre. Carreau ♦ La forme indique le nom
1599
les sens (angles aiguisés, rappelant que ce carré
fut
d’abord un carreau d’arbalète, une flèche à quatre pans) ; contredire
1600
iance de l’âme. (L’Intellectuel, au mauvais sens,
est
celui qui est coupé de l’âme, ou ne sait qu’en faire et la nie.) Con
1601
. (L’Intellectuel, au mauvais sens, est celui qui
est
coupé de l’âme, ou ne sait qu’en faire et la nie.) Conception de l’a
1602
vie de tout homme normal, mais l’une, en général,
est
dominante, plus fortement actualisée ; par là même, elle potentialise
1603
gnes rouges) se retrouvent dans mon schéma. Je me
suis
limité aux interprétations touchant l’amour, celles qui peuvent illus
1604
ue toute la matière du cosmos, rassemblée, puisse
tenir
dans un dé ; que sur cette petite Terre suspendue dans le vide, nous
1605
de, nous marchions sur du vide et vers le vide, n’
étant
nous-mêmes que furtifs agrégats d’infimes tourbillons statistiques ;
1606
ats d’infimes tourbillons statistiques ; que tout
soit
vide en vérité de science, dans les dimensions de l’Univers (millions
1607
res dans le temps), et qu’au fond du réel calculé
soit
le Vide — mais que, scintillements d’une seconde dans l’histoire de c
1608
xion d’une voix pour que cette rencontre, demain,
soit
soudain le point de la vie ; qu’il y ait tels moments où nous sommes
1609
oint de la vie ; qu’il y ait tels moments où nous
sommes
convaincus que « tout » dépend d’une décision à prendre ; qu’un monde
1610
s hommes d’aujourd’hui et leur action. Le miracle
est
qu’il y ait des formes ! Qu’il y ait de la consistance, des paysages,
1611
aissance à la plénitude des corps, que la lumière
soit
devenue vision, l’énergie sentiment, la structure mythe, et la gravit
1612
n peu de temps de cette transparence incolore qui
est
la malédiction originelle, l’enfer cosmique. L’incarnation présente e
1613
ginelle, l’enfer cosmique. L’incarnation présente
est
notre grâce. Elle seule crée du même coup la couleur, le toucher, la
1614
e. Car cette Nature qui nous paraît miraculeuse n’
est
encore qu’un mirage reflété sur le Vide, si elle n’est pas une parabo
1615
ncore qu’un mirage reflété sur le Vide, si elle n’
est
pas une parabole de l’éternel. Ces formes demeurent allusives, ces co
1616
rent, ce désir exige un Ailleurs où la possession
soit
entière. Certes, la science nous donne, dès maintenant, des « ailleur
1617
la possibilité : elle les calcule exactement. Que
sont
-ils pour notre désir ? Ce Vide qui baigne tout ? L’antimatière ? D’au
1618
? L’antimatière ? D’autres mondes parallèles, qui
seraient
le nôtre en creux ? Mais nous voulons l’au-delà, et non pas le contra
1619
on sans stupeur : Il y a un autre monde, mais il
est
dans celui-là.129 Qu’entendait-il ? Qu’avait-il vu ? Quel autre mo
1620
e monde du Vide, l’autre monde de la science : il
est
là, parmi nous et tout autour de nous, ici et maintenant, et nous ne
1621
et maintenant, et nous ne le voyons pas, quoique
étant
assurés de sa présence instante. Il n’est pas nous. Mais il y a en no
1622
oique étant assurés de sa présence instante. Il n’
est
pas nous. Mais il y a en nous le Royaume ! Le Royaume « qui n’est pas
1623
is il y a en nous le Royaume ! Le Royaume « qui n’
est
pas de ce monde », et qui pourtant est « au-dedans de nous », car il
1624
me « qui n’est pas de ce monde », et qui pourtant
est
« au-dedans de nous », car il est plus nous-mêmes que nous, parce qu’
1625
et qui pourtant est « au-dedans de nous », car il
est
plus nous-mêmes que nous, parce qu’il est en chacun de ceux qui le re
1626
car il est plus nous-mêmes que nous, parce qu’il
est
en chacun de ceux qui le reçoivent « le Fils de Dieu », la part céles
1627
eu », la part céleste, le répondant de l’Ange qui
sera
« notre effigie » au cercle de feu qu’a vu Dante. Et par quelle parab
1628
par quelle parabole le représenterons-nous ? « Il
est
semblable à un grain de sénevé, la plus petite de toutes les semences
1629
sénevé, la plus petite de toutes les semences qui
sont
sur la terre, mais lorsqu’il a été semé, il monte… et pousse de grand
1630
semences qui sont sur la terre, mais lorsqu’il a
été
semé, il monte… et pousse de grandes branches, en sorte que les oisea
1631
s anges) peuvent habiter sous son ombre130 » Il n’
est
pas dans l’espace et le temps, qui étendent le Vide aux dimensions de
1632
endent le Vide aux dimensions de l’univers ; il n’
est
pas loin d’ici ou d’à présent, du monde des formes, qui est la Nature
1633
in d’ici ou d’à présent, du monde des formes, qui
est
la Nature, la Parabole — mais ici, maintenant, et en toi-même. Le Roy
1634
i, maintenant, et en toi-même. Le Royaume du ciel
est
un point, le point d’éternité posé dans toi, la semence du Plérome à
1635
figure de ce monde passera », et que l’invisible
sera
vu. Quand tu le sais, l’amour commence, l’amour a déjà commencé, car
1636
s. L’amour seul explique tout, et l’être-en-soi n’
est
qu’un mot désignant l’inconcevable : ce qui serait sans l’amour, « ce
1637
n’est qu’un mot désignant l’inconcevable : ce qui
serait
sans l’amour, « ce qui est » moins l’amour par qui seul il y a quelqu
1638
concevable : ce qui serait sans l’amour, « ce qui
est
» moins l’amour par qui seul il y a quelque chose. L’amour seul peut
1639
a quelque chose. L’amour seul peut donc dire : je
suis
. Sans l’amour, il n’y aurait pas même le vide. L’amour a créé le vide
1640
uand il voit le moi dans l’autre ; peut dire : je
suis
; mais aussi à ce coin de sentier perdu dans la forêt d’avril, petit
1641
Parce que ce coin de sentier m’a fait un signe et
fut
un signe à cet instant pour moi, existant dans ma re-connaissance, et
1642
’autre au monde ne m’appelle. J’ai pu douter de l’
être
, et du devenir, et de toutes nos idées sur « Dieu », je n’ai jamais d
1643
e tout cela, qu’en vertu et au nom de l’Amour. Il
est
la grâce indubitable. Je n’ai pas d’autre foi certaine, d’autre espér
1644
t ce qu’un jour nous pourrons aimer de tout notre
être
enfin réalisé, dans le Tout enfin contemplé. Quand l’Amour sera tout
1645
lisé, dans le Tout enfin contemplé. Quand l’Amour
sera
tout en tous, lors du renouvellement de toutes les choses. FIN 128
1646
t de toutes les choses. FIN 128. Les citations
sont
de saint Jean de la Croix, Novalis, et Wagner (dans Tristan). 129. P
1647
ngéliques sur l’amour, le mariage et la sexualité
tiennent
en peu de pages. Les voici. Amour divin Dieu a tant aimé le mond
1648
nts, c’est celui qui m’aime ; et celui qui m’aime
sera
aimé de mon Père, je l’aimerai et je me ferai connaître de lui. (Jean
1649
de ce monde au Père, et ayant aimé les siens qui
étaient
dans le monde, mit le comble à son amour pour eux. (Suit le récit du
1650
més, aimons-nous les uns les autres ; car l’amour
est
de Dieu, et quiconque aime est né de Dieu et connaît Dieu. Celui qui
1651
tres ; car l’amour est de Dieu, et quiconque aime
est
né de Dieu et connaît Dieu. Celui qui n’aime pas n’a pas connu Dieu,
1652
Celui qui n’aime pas n’a pas connu Dieu, car Dieu
est
amour. … Et cet amour consiste non point en ce que nous avons aimé D
1653
docteur de la Loi, lui fit cette question : quel
est
le plus grand commandement ? Jésus lui répondit : Tu aimeras le Seign
1654
s grand commandement. Et voici le second, qui lui
est
semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. De ces deux comma
1655
Loi et les Prophètes (Matt., XXII, 35-40). Et qui
est
mon prochain ? (demande un autre docteur de la Loi). Réponse de Jésus
1656
s lui » (Luc, X, 29-37). Vous avez appris qu’il a
été
dit : Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi. Mais moi je vo
1657
iez pour ceux qui vous maltraitent, afin que vous
soyez
fils de votre Père qui est dans les cieux (Matt., V, 43). L’amour du
1658
itent, afin que vous soyez fils de votre Père qui
est
dans les cieux (Matt., V, 43). L’amour du prochain est spirituel, to
1659
ns les cieux (Matt., V, 43). L’amour du prochain
est
spirituel, totalement étranger aux attachements naturels, aux liens d
1660
ou sa mère, son fils ou sa fille plus que moi, n’
est
pas digne de moi (Matt., X, 37). Quelqu’un lui dit : Ta mère et tes f
1661
X, 37). Quelqu’un lui dit : Ta mère et tes frères
sont
dehors et demandent à te parler : Jésus répondit : Qui est ma mère et
1662
s et demandent à te parler : Jésus répondit : Qui
est
ma mère et qui sont mes frères ? Puis étendant la main sur ses discip
1663
parler : Jésus répondit : Qui est ma mère et qui
sont
mes frères ? Puis étendant la main sur ses disciples, il dit : Voici
1664
res, ses sœurs, et même sa propre vie, il ne peut
être
mon disciple (Luc, XIV, 26). Mariage, adultère, divorce Les pha
1665
isiens l’abordèrent, et dirent, pour l’éprouver :
Est
-il permis à un homme de répudier sa femme pour un motif quelconque ?
1666
s deux deviendront une seule chair ? Ainsi ils ne
sont
plus deux, mais ils sont une seule chair. Que l’homme donc ne sépare
1667
ule chair ? Ainsi ils ne sont plus deux, mais ils
sont
une seule chair. Que l’homme donc ne sépare pas ce que Dieu a joint (
1668
joint (Matt., XIX, 3-6). Vous avez appris qu’il a
été
dit : Tu ne commettras pas d’adultère. Mais moi je vous dis que quico
1669
ut-il la lapider ? Qu’en pense-il ? Mais Jésus, s’
étant
baissé, écrivait avec le doigt sur la terre. Comme ils continuaient à
1670
il se releva et leur dit : Que celui de vous qui
est
sans péché jette, le premier, la pierre contre elle. Jésus se remet
1671
s ; va, et ne pèche plus (Jean, VIII, 3-11). Il a
été
dit (par Moïse) : Que celui qui répudie sa femme lui donne une lettre
1672
femme a eu sept maris. À la résurrection, duquel
sera-t
-elle la femme ? demandent à Jésus les sadducéens. Jésus leur répondit
1673
e prennent des femmes et des maris, mais ceux qui
seront
trouvés dignes d’avoir part au siècle à venir et à la résurrection de
1674
is. Car ils ne pourront plus mourir, parce qu’ils
seront
semblables aux anges, et qu’ils seront fils de Dieu, étant fils de la
1675
rce qu’ils seront semblables aux anges, et qu’ils
seront
fils de Dieu, étant fils de la Résurrection (Luc, XX, 34-36). Ses dis
1676
blables aux anges, et qu’ils seront fils de Dieu,
étant
fils de la Résurrection (Luc, XX, 34-36). Ses disciples lui dirent :
1677
, XX, 34-36). Ses disciples lui dirent : Si telle
est
la condition de l’homme à l’égard de la femme (interdiction de divorc
1678
de divorcer, sauf pour cause d’infidélité), il n’
est
pas avantageux de se marier. Il leur répondit : Tous ne comprennent p
1679
pas cette parole, mais seulement ceux à qui cela
est
donné. Car il y a des eunuques qui le sont dès le ventre de leur mère
1680
ui cela est donné. Car il y a des eunuques qui le
sont
dès le ventre de leur mère ; il y en a qui le sont devenus par les ho
1681
ont dès le ventre de leur mère ; il y en a qui le
sont
devenus par les hommes ; et il y en a qui se sont rendus tels eux-mêm
1682
sont devenus par les hommes ; et il y en a qui se
sont
rendus tels eux-mêmes, à cause du royaume des cieux. Que celui qui pe
1683
pécheresse », dit le récit, vient voir Jésus qui
est
à la table d’un pharisien. Elle pleure, essuie les pieds de Jésus de
1684
m. Le pharisien se dit en lui-même : Si cet homme
était
un prophète, il connaîtrait de quelle espèce est la femme qui le touc
1685
tait un prophète, il connaîtrait de quelle espèce
est
la femme qui le touche et que c’est une pécheresse. Jésus lui dit :
1686
heresse. Jésus lui dit : Ses nombreux péchés ont
été
pardonnés, car elle a beaucoup aimé. Mais celui à qui on pardonne peu
1687
as eu cinq maris, et celui que tu as maintenant n’
est
point ton mari. — Seigneur, lui dit la femme, je vois que tu es proph
1688
ari. — Seigneur, lui dit la femme, je vois que tu
es
prophète. » Et c’est à elle que Jésus dit alors cette phrase capitale
1689
que Jésus dit alors cette phrase capitale : Dieu
est
esprit, et il faut que ceux qui l’adorent, l’adorent en esprit et en
1690
, dans le contexte général des évangiles, doivent
être
interprétés « en esprit et en vérité » : on n’y trouve pas un seul ju
1691
au Royaume spirituel, dont la « petite semence »
est
posée dans « ce siècle », dans le monde apparent où nous vivons. 2. J
1692
i promise à ceux qui aiment, « car quiconque aime
est
né de Dieu. » 3. Le passage sur les « eunuques… à cause du Royaume »
1693
s « eunuques… à cause du Royaume » ne cesserait d’
être
mystérieux que s’il était interprété en termes « charnels », comme le
1694
Royaume » ne cesserait d’être mystérieux que s’il
était
interprété en termes « charnels », comme le fit Origène. 4. Jésus don
1695
ui reprochent de fréquenter de préférence ; or ce
sont
les « hommes de mœurs impures » que saint Paul ordonne à ses disciple
1696
donc sujet de me glorifier ») : ces comportements
sont
classiques en psychiatrie. Les raisons qu’il invoque contre la femme
1697
diques » et contre les « faux docteurs ». (Le ton
est
le même dans les deux cas, l’assimilation de l’impudicité et de l’imp
1698
ion de l’impudicité et de l’impudence spirituelle
est
évidente). Celui qui vient de lire les évangiles et qui aborde l’Épît
1699
exposé souverain de la vérité en acte (et heureux
seront
ceux qui La croient) dans l’objurgation pathétique, tandis que l’indi
1700
que, et tentés par la gnose naissante. Les hommes
étant
ce qu’ils sont, lâches et vulgaires, facilement entraînés « à tout ve
1701
ar la gnose naissante. Les hommes étant ce qu’ils
sont
, lâches et vulgaires, facilement entraînés « à tout vent de doctrine
1702
e puritanisme agressif et l’orthodoxie ombrageuse
sont
des nécessités indiscutables de l’action révolutionnaire et missionna
1703
yste jugeraient un grand penseur de notre époque,
serait
d’un naïf et ridicule anachronisme. Mais accepter « comme parole d’Év
1704
re assez commune et par une foi presque unique, n’
est
-ce pas commettre une erreur spirituelle ? N’est-ce pas entretenir, so
1705
n’est-ce pas commettre une erreur spirituelle ? N’
est
-ce pas entretenir, sous le nom de religion, des règlements de mœurs «
1706
discerner les esprits ». Et il disait aussi qu’il
tenait
du Seigneur que « rien n’est impur en soi, et qu’une chose n’est impu
1707
isait aussi qu’il tenait du Seigneur que « rien n’
est
impur en soi, et qu’une chose n’est impure que pour celui qui la croi
1708
que « rien n’est impur en soi, et qu’une chose n’
est
impure que pour celui qui la croit telle » (Rom., XII, 14). « Tout es
1709
elui qui la croit telle » (Rom., XII, 14). « Tout
est
permis, mais tout n’édifie pas »… 131. Cf. I Corinthiens, II, 4-16.
1710
se voiler la tête ou sinon, « c’est comme si elle
était
rasée… L’homme ne doit pas se couvrir la tête, puisqu’il est l’image
1711
L’homme ne doit pas se couvrir la tête, puisqu’il
est
l’image de la gloire de Dieu, tandis que la femme est la gloire de l’
1712
l’image de la gloire de Dieu, tandis que la femme
est
la gloire de l’homme. En effet, l’homme n’a pas été tiré de la femme,
1713
t la gloire de l’homme. En effet, l’homme n’a pas
été
tiré de la femme, mais la femme de l’homme… C’est pourquoi la femme,
1714
ire pour la femme, « parce que la chevelure lui a
été
donnée comme voile ». Et qui nous enseigne ces grandes vérités ? La N
1715
reront point dans le Royaume de Dieu ». Voilà qui
est
simple et clair. J’entends bien que ton explication tend à établir qu
1716
que, dans les circonstances particulières où il a
été
fait, cet acte était moral, presque religieux… mais ce sont là de mis
1717
nstances particulières où il a été fait, cet acte
était
moral, presque religieux… mais ce sont là de misérables sophismes. En
1718
cet acte était moral, presque religieux… mais ce
sont
là de misérables sophismes. En admettant qu’il ne t’ait pas laissé de
1719
’autre. Avec ce raisonnement-là, d’ailleurs, ce n’
est
pas seulement l’acte sexuel, mais les vices contre nature qui pourrai
1720
les vices contre nature qui pourraient aussi bien
être
recherchés et expérimentés dans un esprit de curiosité scientifique o
1721
ns tout pays, coucher avec une femme sans l’aimer
est
le dernier degré de l’avilissement qu’on puisse lui infliger… Mais en
1722
: — « Heureux les pauvres, car le Royaume de Dieu
est
à eux » et : « Il est plus facile à un chameau de passer par le trou
1723
res, car le Royaume de Dieu est à eux » et : « Il
est
plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un
1724
d’entrer dans le Royaume de Dieu. » Charles Gide
était
économiste. L’économie s’occupe de nos richesses, production et répar
1725
ccupe d’érotisme et celui qui s’occupe d’économie
seraient
donc sur le même plan, s’agissant du salut ? Sophisme ! s’écrient les
1726
t deux poids et deux mesures. D’une part la chose
est
claire, de l’autre il faut, nuancer. Je demande pourquoi. Je propose
1727
n’hériteront le Royaume de Dieu. » Les impudiques
sont
cités en premier, les voleurs viennent ensuite, et les riches sont om
1728
mier, les voleurs viennent ensuite, et les riches
sont
omis. Cette hiérarchie n’a rien d’évangélique. II« Croissez et mul
1729
z » Vu sous l’aspect physiologique, l’érotisme
est
l’usage de la sexualité pour d’autres fins que la procréation. Les Ég
1730
célibat à tous les prêtres séculiers. Parce qu’il
fut
dit aux Hébreux d’il y a trois millénaires : « Croissez et multipliez
1731
d’hui que la limitation volontaire des naissances
est
un péché. Mais à l’époque où fut donné ce commandement, les Douze Tri
1732
e des naissances est un péché. Mais à l’époque où
fut
donné ce commandement, les Douze Tribus n’étaient qu’un groupe infime
1733
où fut donné ce commandement, les Douze Tribus n’
étaient
qu’un groupe infime dans une population mondiale que l’on estime à 30
1734
s de 3 milliards d’hommes vivent aujourd’hui. Ils
seront
6 milliards en l’an 2000. S’ils devaient continuer de croître et de m
1735
tion mondiale doublant tous les quarante ans) ils
seraient
donc 700 milliards dans trois-cents ans. La surface habitable (aujour
1736
s. La surface habitable (aujourd’hui) de la Terre
étant
de 7 milliards d’hectares, il y aurait donc un homme tous les dix mèt
1737
ans plus tard, ils se touchent tous. Ces chiffres
sont
absurdes : ils montrent en effet que l’instinct parfaitement animal d
1738
e seul espoir d’y échapper sans crime ne pourrait
être
mis, par les « croyants » que j’ai dit, que dans une Providence qui s
1739
s ou des épidémies d’une ampleur inouïe. Ou bien,
serait
-ce Elle qui inciterait un général à décrocher le fameux téléphone rou
1740
Il y a deux raisons pour lesquelles le mariage a
été
institué : … pour amener l’homme à se contenter d’une seule femme, et
1741
s donner des enfants : mais c’est la première qui
est
la principale… Quant à la procréation, le mariage ne l’entraîne pas a
1742
ariage ne l’entraîne pas absolument… La preuve en
est
dans les nombreux mariages qui ne peuvent avoir d’enfant. C’est pourq
1743
ée de la sexualité, dans la société contemporaine
est
sans doute plus catastrophique, pour beaucoup, que l’hypocrisie et le
1744
se ignorer la nature de la catastrophe alléguée :
serait
-elle physique, morale, ou spirituelle ? Il y a toutes chances pour qu
1745
ommes, en raison de la perte de liqueur séminale,
est
un des principaux facteurs de diminution du capital vital. Pour évite
1746
s hormones contenues dans le sperme. » Ce procédé
est
bien connu de l’Inde : les upanishads et les écrits tantriques le dés
1747
iva samhita « détruit la Ténèbre du monde et doit
être
tenu pour le secret des secrets ». Dans la seconde version de L’Amour
1748
amhita « détruit la Ténèbre du monde et doit être
tenu
pour le secret des secrets ». Dans la seconde version de L’Amour et l
1749
8), je soutenais l’hypothèse qu’un pareil procédé
fût
aussi l’un des secrets de l’amour courtois. La forme tantrique ou cou
1750
a forme tantrique ou courtoise de l’érotisme peut
être
interprétée de deux manières, soit qu’on la considère comme résultant
1751
’érotisme peut être interprétée de deux manières,
soit
qu’on la considère comme résultant d’une crainte magique, soit qu’on
1752
considère comme résultant d’une crainte magique,
soit
qu’on la considère comme visant à « élever » et « animer » le jeu d’a
1753
ur, à des fins proprement érotiques, que certains
tiennent
même pour spirituelles. 1. La peur de perdre sa vitalité en perdant l
1754
à un symptôme de névrose caractérisée. Cette peur
est
plus ouvertement avouée, voire commentée et justifiée, elle est donc
1755
tement avouée, voire commentée et justifiée, elle
est
donc plus visiblement active en Orient qu’en Occident. Le sentiment d
1756
re physiologique, tandis que chez l’Occidental il
est
masqué et relégué aux arrière-plans de la conscience par un sentiment
1757
gardent bien de brider la sexualité : leur morale
est
à cet égard plus que laxiste : elle est prodigue en bonnes recettes.
1758
ur morale est à cet égard plus que laxiste : elle
est
prodigue en bonnes recettes. Au contraire, les doctrines morales dédu
1759
son lieu, mais dans le canal de l’urètre, d’où il
sera
bientôt éliminé. Le procédé physique comporte donc une erreur ou tric
1760
erreur ou tricherie biologique, dont la « vertu »
serait
au mieux psychologique. 2. Il n’en reste pas moins que cette méthode
1761
s « idéales », — nous dirions : pour le sublimer,
soit
en plaisir détaché de l’instinct, soit en amour, soit en adoration de
1762
sublimer, soit en plaisir détaché de l’instinct,
soit
en amour, soit en adoration de l’Éternel féminin au sens mystique. La
1763
en plaisir détaché de l’instinct, soit en amour,
soit
en adoration de l’Éternel féminin au sens mystique. La maithuna tantr
1764
de semen ou bindu. À ceux qui peuvent y parvenir
est
promise « l’immortalité conquise en quinze jours » (lisons, comme le
1765
ngtemps pris pour simple « joie d’amour », et qui
était
en fait « le jeu d’amour133 », un moyen de le prolonger « sans fin »,
1766
t en échappant aux « conséquences », — lesquelles
étaient
obligatoires dans le mariage, mais condamnées par le manichéisme des
1767
technique, au terme d’un ouvrage dont le sujet n’
était
nullement la sexualité, mais bien l’amour. ⁂ Est-il besoin de précise
1768
tait nullement la sexualité, mais bien l’amour. ⁂
Est
-il besoin de préciser que cet ouvrage n’est pas un manuel de morale e
1769
ur. ⁂ Est-il besoin de préciser que cet ouvrage n’
est
pas un manuel de morale et n’entend pas donner de conseils à qui que
1770
e et n’entend pas donner de conseils à qui que ce
soit
? (Et encore moins, de permissions ! Celui qui en demande prouvant en
1771
y a pas encore droit). Le libre usage d’Éros peut
être
un bien pour les sages qui voudraient intégrer sa vertu dans une orie
1772
recettes morales, sachant bien que leur personne
est
en jeu, et qu’il n’y a pas au monde deux personnes identiques. Pour l
1773
l’absolue nécessité de maîtriser l’individu, qui
est
son support inséparable, et qu’elle transformera plus tard à sa maniè
1774
sciplines, ni de démocratie non plus : mais ce ne
sont
pas les mêmes disciplines. Car les unes sont particulières, opérative
1775
e ne sont pas les mêmes disciplines. Car les unes
sont
particulières, opératives, les autres générales, préparatoires. Au ni
1776
, préparatoires. Au niveau de la personne, ce qui
est
remède pour l’un sera peut-être poison pour l’autre au même dosage, o
1777
iveau de la personne, ce qui est remède pour l’un
sera
peut-être poison pour l’autre au même dosage, ou simplement indiffére
1778
mplement indifférent. Or, nous savons que l’amour
est
le fait des personnes, et qu’il n’en est pas deux interchangeables. D
1779
l’amour est le fait des personnes, et qu’il n’en
est
pas deux interchangeables. D’où la difficulté de concevoir une morale
1780
énérales imposées à l’amour — au nom de quoi, qui
serait
plus vrai ? Les normes valent pour tout, sauf pour l’amour — comme l’
1781
t dit. Car c’est l’amour qui pose les normes, qui
est
la norme finale, première, universelle. Autrement dit : l’éducation a
1782
ne peut plus l’aider. Parce que la vraie personne
est
posée par l’amour, existe par un acte de l’amour, et que l’amour la f
1783
et que l’amour la fait unique. Toute morale qui n’
est
pas une école — ouverte sur la liberté future — est une prison, si «
1784
t pas une école — ouverte sur la liberté future —
est
une prison, si « laxiste » soit-elle. Voilà qui nous ramène irrésisti
1785
a liberté future — est une prison, si « laxiste »
soit
-elle. Voilà qui nous ramène irrésistiblement au paradoxe évangélique
1786
que et paulinien : pour le vrai spirituel, la Loi
est
abolie, bien que pas un iota n’en soit retiré. Mais l’amour seul peut
1787
uel, la Loi est abolie, bien que pas un iota n’en
soit
retiré. Mais l’amour seul peut le comprendre en vérité. 132. Disc
1788
s du Sud, n° 348). L’auteur montre que le mot joi
est
masculin, et désigne non pas un sentiment mais un jeu, dont la maîtri
1789
t notamment depuis le romantisme, puisse et doive
être
modifiée. Mais d’abord il s’agit de mieux la voir, comme j’ai tenté d