1 1961, Comme toi-même. Essais sur les mythes de l’amour. Note liminaire
1 éfinissent ou la nient. Car toute idée de l’homme est une idée de l’amour. Cette succession pourra surprendre. Des transiti
2 coup entre les différents chapitres du recueil ne seraient qu’un faible artifice — et j’y renonce au profit d’une longue Introdu
3 t d’aller et retour du religieux à l’érotique qui est l’un des secrets décisifs de la psycho occidentale. Je ne vois guère
4 la dialectique de l’amour et de la personne, qui sont les deux réalités que ces grands hommes avaient été contraints par le
5 t les deux réalités que ces grands hommes avaient été contraints par leur système, à la fois efficace et fermé, d’éliminer
6 bien regarder, on verra que mes thèses primitives sont plutôt rectifiées que niées. Quelques oppositions ont perdu de leur t
7 non contradictoire avec la réalité de la personne étant précisément celui de l’Amour, parce qu’il se trouve que l’être même d
8 ent celui de l’Amour, parce qu’il se trouve que l’ être même de l’Amour — son existence, sa puissance et son essence — recrée
9 préserve au sein de l’Unité, afin de l’aimer et d’ être aimé par elle. Voilà toute la philosophie que je déduis de mes essais
10 s de mes essais en les relisant, bien qu’elle n’y soit traitée qu’en images et symboles. 1. Il s’agit de L’Amour et l’Occ
2 1961, Comme toi-même. Essais sur les mythes de l’amour. Introduction. L’érotisme et les mythes de l’âme — I. L’amour et la personne dans le monde christianisé
11 a personne dans le monde christianisé Éros, qui était un dieu pour les Anciens, est un problème pour les Modernes. Le dieu
12 anisé Éros, qui était un dieu pour les Anciens, est un problème pour les Modernes. Le dieu était ailé, charmant et second
13 ciens, est un problème pour les Modernes. Le dieu était ailé, charmant et secondaire ; le problème est sérieux, complexe et e
14 était ailé, charmant et secondaire ; le problème est sérieux, complexe et encombrant. Mais cela n’est vrai qu’en Occident,
15 est sérieux, complexe et encombrant. Mais cela n’ est vrai qu’en Occident, car on n’observe rien de tel en Inde, en Chine o
16 t nous expliquer ce fait ? Et pourquoi l’érotisme est -il devenu synonyme de perversité non seulement dans le jargon des loi
17 rigines du christianisme. Le puritanisme chrétien est un peu plus ancien que les évangiles : il se déclare dès les épîtres
18 se déclare dès les épîtres de saint Paul. Et s’il est remarquable que les évangiles, rédigés peu après, n’en portent guère
19 digés peu après, n’en portent guère de traces, il est constant qu’on les a lus pendant des siècles à la lumière des polémiq
20 auliniennes dirigées contre les gnostiques. Or ce sont les gnostiques qui ont tenté les premiers de passer de l’Éros à l’Esp
21 écutés plus tard par le christianisme établi, ils sont les vrais ancêtres des traditions diffuses dans l’hérésie cathare et
22 bat vingt fois séculaire, mais dont les termes se sont dégradés à mesure qu’on perdait conscience des orientations spirituel
23 lement, que la morale religieuse et l’érotique en sont venues à ce statut de conflit permanent, de mépris réciproque, de rig
24 ue peu ou nullement touchées. I. Le christianisme est la religion de l’Amour. — Religion d’un Dieu que l’Ancien Testament d
25 n Dieu que l’Ancien Testament définissait comme l’ Être originel, le Créateur du monde et le sauveur d’Israël, mais que le No
26 , et d’une manière radicalement nouvelle : « Dieu est Amour », répète saint Jean. Religion créée par un acte de l’amour : «
27 nné son Fils unique… » Religion dont toute la Loi est résumée par Jésus-Christ lui-même, dans un seul et unique commandemen
28 c’est l’Amour ». Et celui qui n’a pas l’Amour « n’ est qu’une cymbale qui retentit », n’est rien, en vérité spirituelle. 2.
29 l’Amour « n’est qu’une cymbale qui retentit », n’ est rien, en vérité spirituelle. 2. Parce qu’il est religion de l’Amour,
30 n’est rien, en vérité spirituelle. 2. Parce qu’il est religion de l’Amour, le christianisme implique et pose la réalité de
31 tions qu’il définit entre l’homme et « son » Dieu sont personnelles. Dieu est personnel. La Trinité est composée de trois Pe
32 e l’homme et « son » Dieu sont personnelles. Dieu est personnel. La Trinité est composée de trois Personnes. Le modèle de t
33 sont personnelles. Dieu est personnel. La Trinité est composée de trois Personnes. Le modèle de toute personne humaine est
34 is Personnes. Le modèle de toute personne humaine est donné par l’Incarnation du Christ fils de Dieu, en Jésus fils de Mari
35 ls de Dieu, en Jésus fils de Marie — Jésus-Christ étant à la fois « vrai Dieu et vrai homme » selon le Credo. D’où suit imméd
36 par ce qui la distingue. Car pour aimer, il faut être distinct de l’objet même de l’amour, auquel on voudrait être uni. Et
37 ct de l’objet même de l’amour, auquel on voudrait être uni. Et pour que l’homme puisse aimer Dieu et tout d’abord en être ai
38 que l’homme puisse aimer Dieu et tout d’abord en être aimé, il faut que Dieu soit personnel et qu’il soit « tout autre » qu
39 eu et tout d’abord en être aimé, il faut que Dieu soit personnel et qu’il soit « tout autre » que l’homme. Et enfin pour que
40 re aimé, il faut que Dieu soit personnel et qu’il soit « tout autre » que l’homme. Et enfin pour que l’homme puisse s’aimer
41 éé par l’appel qu’il reçoit de l’Amour. Cet appel est sa vocation, la vie nouvelle de sa personne. Cette vie demeure en par
42 ersonne. Cette vie demeure en partie mystérieuse, étant « cachée avec le Christ en Dieu », mais elle se manifeste par des act
43 xuel. Notre mystique, science de l’amour divin, s’ est développée très tardivement, dans des formes et selon des voies presq
44 x yeux de l’orthodoxie5. Notre éthique sexuelle s’ est très longtemps réduite à quelques interdits élémentaires et que l’on
45 u sacrée comme dans les autres religions. Il n’en est que plus frappant d’observer à quel point les motivations spirituelle
46 Tantôt, et plus souvent, il réduit le mariage à n’ être plus qu’une concession à la nature, une discipline contre l’incontine
47 scipline contre l’incontinence : « Je pense qu’il est bon pour l’homme de ne point toucher de femme. Toutefois, pour éviter
48 raient seuls à la vie spirituelle : « Celui qui n’ est pas marié s’inquiète du Seigneur, des moyens de plaire au Seigneur, e
49 r, des moyens de plaire au Seigneur, et celui qui est marié s’inquiète des choses du monde, des moyens de plaire à sa femme
50 riage le plus strict et consacré, — tout le reste étant laissé en friche et très sommairement condamné sous les noms de luxur
51 l’extrême. Ceci ne pouvait se produire — et ne s’ est pas produit — en dehors de la sphère d’influence du christianisme. C’
52 de la loi, lui fit cette question : Maître, quel est le plus grand commandement de la loi ? Jésus lui répondit : Tu aimera
53 s grand commandement. Et voici le second, qui lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. De ces deux comma
54 lia naturelle ou parentale (physikè) unissant les êtres de même sang ; la philia entre les hôtes (xénikè), qui nous rappelle
55 mania, la passion déchaînée. Cette énumération n’ est d’ailleurs pas exhaustive. Le mot Agapè, assez rare dans les textes p
56 Le mot Agapè, assez rare dans les textes païens, était promis à un grand avenir, parce que les premiers chrétiens et les Pèr
57 à toutes les langues de l’Asie sans exception. Il est caractéristique de l’Europe chrétienne et de l’Occident tout entier q
58 toutes les formes humaines de l’attrait aient pu être comprises sous un vocable unique, désignant non quelque substance com
59 ubstance commune, mais un mouvement créateur de l’ être , qui se manifeste en elles toutes. Il est inévitable que certains cri
60 r de l’être, qui se manifeste en elles toutes. Il est inévitable que certains critiques me reprochent de « confondre » dans
61 hros ; mais cette apparente erreur de vocabulaire est le fait de toute notre culture occidentale. 5. La grande mystique c
62 tienne, bien qu’annoncée par saint Augustin, ne s’ est vraiment constituée et développée que du xiie au xvie siècle, c’est
63 uligne cet élément négatif, puisqu’il ne peut ici être question d’une filiation divine de Marie, d’une autre Incarnation que
64 ’une autre Incarnation que celle du Christ, ou ce serait entrer dans la Gnose. 7. Voir l’Annexe I. 8. Toute religion différ
65 oute religion différente de l’orthodoxie judaïque est qualifiée de prostitution par les Prophètes autant que par les Prêtre
3 1961, Comme toi-même. Essais sur les mythes de l’amour. Introduction. L’érotisme et les mythes de l’âme — II. Naissance de l’érotisme occidental
66 fait religieux. Kierkegaard, Baudelaire et Wagner furent les premiers à affronter de tout leur être les conséquences de cette
67 gner furent les premiers à affronter de tout leur être les conséquences de cette révolution. Par l’analyse philosophique, la
68 s’il entre en conflit avec le devoir moral. Il n’ est pas un problème en soi. On peut tuer par jalousie, ou parce qu’on est
69 en soi. On peut tuer par jalousie, ou parce qu’on est lésé dans son orgueil (social), mais on ne peut pas mourir d’amour (l
70 e peut pas mourir d’amour (la métaphore elle-même est ridiculisée). La morale officielle, indiscutée, a statué que la raiso
71 quiète pas du sexe (l’expression « vie sexuelle » est encore impensable). Les instincts sont classés, les passions définies
72 sexuelle » est encore impensable). Les instincts sont classés, les passions définies, et la religion codifiée. Instincts et
73 antithèse radicale de cette époque classique nous est donnée par les penseurs-poètes de la génération post-romantique. Car
74 la question que leur œuvre entreprend de résoudre est celle-là même que les classiques éliminaient : comment intégrer l’amo
75 ntermédiaire entre le corps animal et l’esprit. N’ est -ce pas l’âme, au sens des gnostiques ? C’est en tout cas le milieu où
76  ? C’est en tout cas le milieu où l’érotisme, qui est dépassement lyrique ou réflexif du sexuel biologique, va pouvoir déve
77 gage mystique, procèdent de l’imagination. Ils ne sont , de toute évidence, pas plus « physiques » que spirituels, bien qu’il
78 as plus « physiques » que spirituels, bien qu’ils tiennent à ces deux domaines, et peut-être surtout au second. Ils ne sont pas
79 domaines, et peut-être surtout au second. Ils ne sont pas du monde des corps, qui est substantif, ni du monde de l’esprit,
80 u second. Ils ne sont pas du monde des corps, qui est substantif, ni du monde de l’esprit, qui est celui du verbe, mais du
81 qui est substantif, ni du monde de l’esprit, qui est celui du verbe, mais du monde animé de l’adjectif qui est qualificati
82 i du verbe, mais du monde animé de l’adjectif qui est qualification de la substance par l’émotion. Kierkegaard, dans l’Alte
83 omme « une synthèse psycho-sensible ». L’érotisme est donc tout autre chose qu’un euphémisme désignant les aspects sexuels
84 ans la sphère animique. Or, le langage de l’âme n’ est autre que le Mythe. Il est donc naturel que Kierkegaard, pour décrire
85 le langage de l’âme n’est autre que le Mythe. Il est donc naturel que Kierkegaard, pour décrire la catégorie du sensuel pu
86 s 1843. On le trouvait déjà chez Fourier, mais il est aussi neuf, à cette époque, qu’énergie nucléaire vers 1939. 10. « Hy
4 1961, Comme toi-même. Essais sur les mythes de l’amour. Introduction. L’érotisme et les mythes de l’âme — III. Présence des mythes et leurs pouvoirs dans divers ordres
87 s dans divers ordres D’où viennent les mythes ? Sont -ils nos inventions, ou nous les leurs ? Gouvernent-ils nos actes et n
88 alifier, voire tenter de les rendre exemplaires ? Est -ce encore un problème de la poule et de l’œuf — qui a commencé ? Ce s
89 ème de la poule et de l’œuf — qui a commencé ? Ce serait cela si les mythes n’étaient que poésie, c’est-à-dire invention de ré
90 — qui a commencé ? Ce serait cela si les mythes n’ étaient que poésie, c’est-à-dire invention de réalités qui n’existent vraimen
91 la plupart des mythes agissant dans nos vies ont été exprimés avant nous, s’il est sûr que plusieurs de ceux qui nous domi
92 t dans nos vies ont été exprimés avant nous, s’il est sûr que plusieurs de ceux qui nous dominent ne seront exprimés que de
93 st sûr que plusieurs de ceux qui nous dominent ne seront exprimés que demain. Une longue durée, cependant, n’est pas l’éternit
94 primés que demain. Une longue durée, cependant, n’ est pas l’éternité. Le même problème se pose d’ailleurs au sujet des comp
95 chétypes dont parlent Freud, Adler et Jung. Ce ne sont pas des Idées platoniciennes éternellement préexistantes à l’homme, d
96 s cosmiques, ni des catégories de l’Esprit ; mais sont -ils aussi vieux que l’homme et que les circuits de son cerveau, ou bi
97 homme et que les circuits de son cerveau, ou bien sont -ils seulement des produits évolués de la civilisation néolithique, di
98 eurs émergences dans la littérature mondiale nous sont connues, et c’est à partir d’elles qu’ils ont vraiment agi et dévelop
99 t révélateurs. Tristan, Faust, Hamlet et Don Juan sont bel et bien les créations imaginaires d’un Béroul, d’un Marlowe, d’un
100 aît essentielle : les complexes et les archétypes sont définis comme des structures de l’inconscient, tandis que les mythes
101 ent de l’âme. Or si le conscient et l’inconscient sont des notions constamment relatives au degré d’éveil et de lucidité de
102 l n’en va pas de même des trois constituants de l’ être humain, le corps, l’âme et l’esprit. Si la pensée (qui est doute et c
103 n, le corps, l’âme et l’esprit. Si la pensée (qui est doute et certitude) fournit la preuve de l’esprit, et la sensation ce
104 t la sensation celle du corps, la preuve de l’âme est l’émotion. Les mythes, phénomènes animiques, décrivent des réalités d
105 ui les voile en même temps qu’il les révèle, cela tient beaucoup moins à quelque répression d’ordre social, moral ou religieu
106 la nature même de l’âme, dont le symbole lyrique est le langage normal11. Une chose demeure bien certaine : les mythes qu’
107 tivement récents dans leur expression culturelle, sont très largement antérieurs à nos problèmes individuels. Ils sont là de
108 ement antérieurs à nos problèmes individuels. Ils sont là depuis plusieurs siècles, ils nous attendent, préformant les mouve
109 tures virtuelles12. Méditer sur les Noms qui leur furent attribués (et qui, à l’instar des noms des dieux antiques, évoquent c
110 d’acteurs de l’histoire dont les biographies nous sont assez connues. (La biographie d’un être original, fortement personnal
111 hies nous sont assez connues. (La biographie d’un être original, fortement personnalisé, étant souvent sa création la plus t
112 aphie d’un être original, fortement personnalisé, étant souvent sa création la plus totale et continue.) Certains mythes, c’e
113 es, c’est par eux ou contre eux que la personne s’ est affirmée et reconnue, tout en contribuant à les mieux révéler. Car le
114 imant du même coup l’individu. Mais ce triomphe n’ est pas fatal si l’esprit relève le défi et, malgré l’emprise du mythe qu
115 lyrique, poursuit l’histoire de la personne, qui sera celle de sa liberté. Si nous voulons savoir et voir comment agissent
116 ner. La première, c’est que les mythes de l’amour sont liés à l’expérience individuelle la plus banale et la plus largement
117 épandue dans notre monde occidental : qui n’a pas été amoureux ou malheureux de l’être pas, ou tout au moins curieux de sav
118 tal : qui n’a pas été amoureux ou malheureux de l’ être pas, ou tout au moins curieux de savoir s’il l’était ? Le premier ven
119 re pas, ou tout au moins curieux de savoir s’il l’ était  ? Le premier venu n’est pas tenté de se reconnaître dans Faust ou Pro
120 urieux de savoir s’il l’était ? Le premier venu n’ est pas tenté de se reconnaître dans Faust ou Prométhée, Hamlet ou Don Qu
121 alheur d’amour, ou la fidélité. La seconde raison tient au fait que l’amour est lié plus que toute autre conduite, impulsion,
122 lité. La seconde raison tient au fait que l’amour est lié plus que toute autre conduite, impulsion, sentiment ou ambition,
123 , de métaphores, et de symboles convenus. L’amour est à la fois le meilleur conducteur et le meilleur excitant de l’express
124 uelle de Kierkegaard, dont le « paradoxe absolu » est de « vouloir sa propre perte » ; mais aussi, comme en filigrane, dans
125 nais — en voyant « Tristan » dans ce siècle. S’il est vrai que les mythes nous en apprennent bien autant sur l’Europe que l
126 ar leur valeur figurante. Nul Européen n’a jamais été Tristan, ni Don Juan, — et pas plus dans le passé qu’aujourd’hui ; ma
127 jourd’hui ; mais sans ces mythes les Européens ne seraient pas ce qu’ils sont, n’aimeraient pas comme ils aiment, et leurs passi
128 es mythes les Européens ne seraient pas ce qu’ils sont , n’aimeraient pas comme ils aiment, et leurs passions seraient incomp
129 imeraient pas comme ils aiment, et leurs passions seraient incompréhensibles : car elles naissent de leurs rêves et non de leurs
130 blèmes fixés, comparables aux lames du Tarot, qui sont des mythes figés, extraits de leur durée. Mais ce n’est pas une raiso
131 s mythes figés, extraits de leur durée. Mais ce n’ est pas une raison suffisante pour réduire l’âme à l’inconscient. La musi
132 te pour réduire l’âme à l’inconscient. La musique est de l’âme, par exemple, et elle n’existe pas avant son expression ; el
133 t elle n’existe pas avant son expression ; elle n’ est pas en réserve dans l’inconscient. 12. Les mythes ne joueraient-ils
5 1961, Comme toi-même. Essais sur les mythes de l’amour. Introduction. L’érotisme et les mythes de l’âme — IV. Problèmes de la personne aux prises avec les mythes
134 e nous croyons décider librement — on admet qu’il serait superflu de le démontrer une fois de plus. Que cette action soit prop
135 e le démontrer une fois de plus. Que cette action soit propagée par la culture, par les œuvres lyriques ou romanesques qui n
136 is, relèvent du générique, tandis que la personne est unique ou n’est pas. Ils nous conduisent au type, tandis que la perso
137 générique, tandis que la personne est unique ou n’ est pas. Ils nous conduisent au type, tandis que la personne est le chemi
138 s nous conduisent au type, tandis que la personne est le chemin vers un moi-même sans précédent, seul capable d’un amour ne
139 préexistantes, commune à tous — et dont certes il est sage de tenir compte — mais par un but qui n’est qu’à elle, en avant
140 est sage de tenir compte — mais par un but qui n’ est qu’à elle, en avant d’elle, un but qu’elle réalise en l’approchant, t
141 dans son jeu propre les formes d’énergie dont ils sont conducteurs. Cette conversion de l’énergie d’Éros se révélera peut-êt
6 1961, Comme toi-même. Essais sur les mythes de l’amour. Introduction. L’érotisme et les mythes de l’âme — V. Invasion de l’érotisme au xxe siècle
142 s stupéfiant par sa soudaineté et son ampleur. Il est daté du premier tiers du xxe siècle, et même si on lui trouvait des
143 en d’autres temps, ses moyens d’expression, eux, sont sans précédent. La culture commercialisée, qui est son véhicule princ
144 nt sans précédent. La culture commercialisée, qui est son véhicule principal, le rend sans doute irréversible, et les cultu
145 talitaires (ou dirigées), normalement puritaines, seront bientôt débordées. Au surplus, l’accroissement quantitatif et plus en
146 es pratiques de l’érotisme. Déplorer le phénomène est donc vain. Il s’agit de comprendre ses causes, et surtout ce dont il
147 t de comprendre ses causes, et surtout ce dont il est signe. Et d’abord, il s’agit de lui donner son vrai nom. C’est l’érot
148 availle les sociétés occidentales, de l’ouest à l’ est , et non pas la sexualité proprement dite, instinctive et procréatrice
149 tive et procréatrice. Et les moyens de l’érotisme sont la littérature, les « salles obscures », les arts plastiques (dont la
150 x prises et peut entrer en polémique intime. Ce n’ est pas l’immoralité plus ou moins grande de ce siècle qui la concerne, m
151 voir) qui justifient cette immoralité ; enfin, ce sont certaines notions de l’homme, qu’une élite inconnue de la foule élabo
152 sens réel du phénomène que j’ai rappelé, et qui n’ est guère en soi que l’écume d’une vague profonde, surgie de l’âme collec
153 a vigueur, et dont elle n’a guère pu souffrir. Il est vrai qu’une révolution n’éclate jamais qu’après la mort des vrais tyr
154 leurs héritiers débiles et qui assurent que ce n’ est pas leur faute… Mais de quoi la morale victorienne est-elle morte ? S
155 as leur faute… Mais de quoi la morale victorienne est -elle morte ? Sans doute, et tout d’abord, d’avoir eu peur de l’instin
156 itaire et laborieuse, dont la plus haute valeur n’ est pas l’union mystique mais la sobriété spirituelle, elle a voulu ferme
157 age des disciplines éducatives élémentaires. Ce n’ est plus la licence qui est l’ennemi, mais le refoulement, générateur de
158 atives élémentaires. Ce n’est plus la licence qui est l’ennemi, mais le refoulement, générateur de complexes et de névroses
159 passe quand les censures officielles périclitent. Est -il vrai, comme on nous le répète, que « la sensualité envahit tout »
160 à leur propos ou de les montrer sur l’écran. Ce n’ est donc pas le sexe, mais l’érotisme, ni la sensualité, mais son aveu pu
161 ise de conscience trop longtemps différée. Mozart est le plus grand interprète de Don Juan, mais ce n’est pas lui qui a « d
162 t le plus grand interprète de Don Juan, mais ce n’ est pas lui qui a « déchaîné » Casanova : il lui a seulement fait entrevo
163 s que l’on dit « obsédés par l’érotisme », loin d’ être les fauteurs du phénomène dont j’ai rappelé plus haut les signes évid
164 s ce qu’ils cachent ainsi (volontairement ou non) est peut-être plus scandaleux que ce qu’ils montrent sans pudeur, — j’ent
165 ’Éternel féminin les entraîne, vers un Ciel qui n’ est pas ce qu’un chrétien moyen pense, mais le lieu des vrais spirituels…
166 e, mais le lieu des vrais spirituels… Quelles que soient en fin de compte leurs intentions, vaticinées, avouées ou déguisées,
167 ns, vaticinées, avouées ou déguisées, quelles que soient leurs « résistances à l’analyse » ou leurs complaisances banales à ce
168 nt valable et nécessaire, cependant que la vérité est sûrement au-delà d’eux tous, soit dans la résultante de leurs tension
169 nt que la vérité est sûrement au-delà d’eux tous, soit dans la résultante de leurs tensions, comme j’incline à le croire en
170 omme j’incline à le croire en tant qu’Occidental, soit dans cette vision purifiée dont nous parlent les Orientaux, et qui ra
171 s distinction. Les essais réunis dans ce livre ne sont pas des mises en jugement de tel penseur particulier ou de telle atti
172 . 13. La grande musique, de Mozart à nos jours, est érotique ; elle annonce les très rares révolutions et surtout les mod
173 s révolutions et surtout les modes de l’amour. Il est d’autant plus remarquable qu’à partir du milieu du xxe siècle, la mu
174 d’ingénieurs philosophes. La peinture abstraite n’ est pas moins puritaine, en apparence, mais on voit mieux comment elle pr
175 décrit une introversion systématique. La musique était chose de l’âme. Mais si elle devient la chose de spécialistes acharné
176 nier l’âme, — cette luxure nous disent-ils —, on est en devoir de leur demander ce qu’ils visent : pas un seul ne l’a dit
7 1961, Comme toi-même. Essais sur les mythes de l’amour. Introduction. L’érotisme et les mythes de l’âme — VI. Soulèvement des puissances animiques
177 nce de l’Éros, avant de nous poser ces problèmes, est d’abord un grand fait psychique ; ou tout au moins elle le signale et
178 d’aujourd’hui ; mais le phénomène qui nous occupe est antérieur. Je n’ignore pas non plus le fait technique. Je pense que l
179 sur l’océan et dans le corps des femmes ? Mais qu’ est -ce que l’âme ? Je ne prends pas le mot dans le sens noble et vague, e
180 ifeste par des moyens physiques une réalité qui n’ est ni matérielle ni proprement spirituelle, qui n’est pas celle du corps
181 st ni matérielle ni proprement spirituelle, qui n’ est pas celle du corps ni celle de l’intellect, mais plutôt celle du « cœ
182 u « cœur », comme on dit, — celle de l’âme. L’âme est le domaine des impulsions qui outrepassent les exigences de l’instinc
183 stinct et se heurtent aux décrets du social. Elle est aussi le domaine de ces passions qui déjouent les « programmes » de v
184 ux que l’esprit et le corps, les forces animiques sont en pleine offensive au xxe siècle. Leurs premières manifestations so
185 ve au xxe siècle. Leurs premières manifestations sont naturellement anarchiques, névrotiques ou pathologiques : la nappe pr
186 ultueuse. Si les digues ont sauté, c’est qu’elles étaient trop faibles, pour une poussée nouvelle soudain trop forte. Il s’agit
187 ation en irrigation vivifiante. C’est l’amour qui est remis en question — tout l’amour : sexuel ou passionnel, normal ou ab
188 ou aberrant, matrimonial ou spirituel. « L’amour est à réinventer », disait Rimbaud. Cette espèce-là de révolution psychiq
189 élites cultivées, — les jongleurs et prédicateurs étant les seuls « moyens de diffusion » permettant de toucher les peuples.
190 ution de l’Amour, si soudaine dans son explosion, fut lente à propager ses effets bouleversants dans les mœurs de la masse
191 e et spirituelle devait prendre des siècles, et n’ est pas terminé. Car la révolution que nous sommes en train de vivre reno
192 et n’est pas terminé. Car la révolution que nous sommes en train de vivre renouvelle en partie celle du xiie siècle, submerg
193 et protégée, et où toute pulsation enregistrable est instantanément propagée. L’imprimé bon marché, le film et la radio ne
194 aire, la passion la plus insolite, exaltées comme étant la vraie pureté ; le sadisme et le masochisme, l’homosexualité et l’i
195 s l’amour ? Il voit d’abord ce qui le choque, qui est aussi ce qui le tente. Devant « l’indiscipline des mœurs » et la « po
196 cipline des mœurs » et la « pornographie » qui en serait la cause, il se sent indigné et inquiet. S’il est sérieux, s’il voit
197 ait la cause, il se sent indigné et inquiet. S’il est sérieux, s’il voit plus loin, cela peut aller jusqu’à l’angoisse. Or
198 squ’à l’angoisse. Or ces dispositions se trouvent être les mêmes que celles des auteurs érotiques, quoique ces derniers aien
199 quoique ces derniers aient des motifs inverses d’ être indignés, inquiets ou angoissés. Les deux camps se rendent bien leur
200 ent bien leur mépris, et chacun refuse de tolérer fût -ce un instant, par simple hypothèse de dialogue, les bonnes raisons q
8 1961, Comme toi-même. Essais sur les mythes de l’amour. Introduction. L’érotisme et les mythes de l’âme — VII. Parenthèse sur le sens des mots
201 ssaie, avant de l’évaluer, de mieux voir ce qu’il est , d’où il vient, où il va. J’entends bien que la littérature contempor
202 rature contemporaine méprise les puritains et les tient pour des fous, à la fois ridicules et dangereux. Mais je n’oublie pas
203 qu’un Mao, ont tenté d’imposer par décrets ? Elle serait strictement adaptée à la production matérielle, à la procréation soci
9 1961, Comme toi-même. Essais sur les mythes de l’amour. Introduction. L’érotisme et les mythes de l’âme — VIII. Pour une mythanalyse de la culture
204 n’en tolère. Or ces réalités, quoi qu’on en juge, sont au moins aussi quotidiennes et obsédantes que les réalités économique
205 tout d’abord la recherche et la réflexion ? Je me suis proposé deux méthodes d’analyse, dont on trouvera dans cet ouvrage qu
206 ment la procréation, par laquelle un ange de plus est enfermé dans un corps vil ; — l’érotisme, véritable invention du xiie
207 xactement inverse de celle de Freud, mais qui lui est par là même comparable. 2° Apprendre à lire en filigrane le jeu des m
208 re vie émotive, la mythologie mène son jeu, — qui est jeu de l’âme. Grandes formes simples et ordonnatrices, symboles actif
209 tre leur langage et les tours et détours dont ils sont coutumiers peut nous permettre de trouver le fil rouge des trames où
210 mettre de trouver le fil rouge des trames où nous sommes engagés, et de nous orienter dans la forêt obscure de nos phantasmes,
211 rai Désir. Je propose une mythanalyse, qui puisse être appliquée non seulement aux personnes, mais aux personnages de l’art,
212 de vie ; l’objectif immédiat d’une telle méthode étant d’élucider les motifs de nos choix et leurs implications trop souvent
213 un pari : faut-il croire que la liberté ne puisse être conquise que par le détachement de nos liens avec la chair, avec le m
214 t suprême, qui suscite en nous la personne ? Nous sommes au monde comme n’étant pas du monde, mais plutôt comme étant destinés
215 n nous la personne ? Nous sommes au monde comme n’ étant pas du monde, mais plutôt comme étant destinés à le transformer sans
216 nde comme n’étant pas du monde, mais plutôt comme étant destinés à le transformer sans relâche (d’où la technique) pour d’aut
217 ps nous réalisent. J’en déduis que notre vocation est bel et bien d’aller ailleurs, mais avec tout ce que nous sommes ; et
218 bien d’aller ailleurs, mais avec tout ce que nous sommes  ; et qu’elle est moins d’ascèse que de transmutation ; et qu’elle n’e
219 s, mais avec tout ce que nous sommes ; et qu’elle est moins d’ascèse que de transmutation ; et qu’elle n’est pas de fuite m
220 oins d’ascèse que de transmutation ; et qu’elle n’ est pas de fuite mais de prise de conscience, de prise de possession de n
221 us-mêmes et des choses, au nom d’un sens qui nous soit propre et singulier, et par lequel nous atteindrons l’universel. Nier
222 drons l’universel. Nier les mythes et leur empire serait néfaste. Tenter de leur échapper en les taxant d’erreur — théologique
223 es taxant d’erreur — théologique ou rationnelle — est une entreprise illusoire. Il s’agit de comprendre et sentir leurs pou
224 et vers quoi leur logique nous conduit, peut-être serons -nous un peu mieux en mesure de courir notre risque personnel, d’assum
225 notre amour et d’aller vers nous-mêmes. Peut-être serons -nous un peu plus libres.
10 1961, Comme toi-même. Essais sur les mythes de l’amour. Première partie — Nouvelles métamorphoses de Tristan
226 Nouvelles métamorphoses de Tristan La passion est cette forme de l’amour qui refuse l’immédiat, fuit le prochain, veut
227 i j’entends non point les meilleures œuvres qu’on est convenu de ranger dans ce genre littéraire, mais, indépendamment de l
228 passion naît de la distance, ou l’inverse. Ce qui est certain, c’est que le roman occidental n’a jamais décrit, jusqu’ici,
229 lateur produit par Marx et Freud), la passion qui est toujours antisociale reçoit cependant de la société même — et d’elle
230 evable ou déclarée en fait, dans un monde où tout est permis. Car la passion suppose toujours, entre le sujet et l’objet, u
231 roi Marc qui sépare Tristan d’Iseut — l’obstacle étant généralement social (moral ou coutumier, voire politique) à tel point
232 la limite avec la Société elle-même, encore qu’il soit le plus souvent symbolisé par une dramatis persona, pour les besoins
233 nnable, enfin l’amour-passion et le mariage. N’en sommes -nous pas au point de notre évolution où, tout étant réduit, « ramené
234 mes-nous pas au point de notre évolution où, tout étant réduit, « ramené à » comme on dit, profané, décapé des illusions reli
235 à la santé et à la productivité ? (Tout le reste étant , d’ailleurs, de mieux en mieux prescrit.) J’entrevoyais, il y a vingt
236 rait plus de place à l’amour passionné, tel qu’il fut inventé au xiie siècle par les troubadours du Languedoc et romancé p
237 un demi-siècle. D’autres tabous subsistent, ou se sont reformés, sur lesquels la passion se jette pour y trouver de nouveaux
238 œuvres où transparaît l’archétype de Tristan nous sont données vers ce milieu du siècle par l’Europe, l’Amérique et la Russi
239 ne d’elles on a pu dire, non sans raison, qu’elle était « en réalité » une description sociale, morale ou politique de l’Autr
240 s suites en URSS. Mais chacune d’elles aussi a pu être décrite comme le dernier roman d’amour-passion de la littérature occi
241 cidentale. Le Docteur Jivago de Boris Pasternak n’ est pas un acte politique, selon Camus, mais au contraire « un grand livr
242 rises d’elle-même et de son frère : « Nous aurons été les derniers romantiques de l’amour… Au fond, c’est la dernière histo
243 la dernière histoire d’amour possible… Sans doute serons -nous une sorte de Derniers Mohicans de l’amour. » Je ne fais pas ici
244 llustrer un thème dont on verra bientôt que je ne suis pas le dernier à subir les prestiges et le charme fatal. Est-il besoi
245 dernier à subir les prestiges et le charme fatal. Est -il besoin de souligner que ce grand thème est l’unique justification
246 al. Est-il besoin de souligner que ce grand thème est l’unique justification de mon essai ? Mythe passionnel à part, tout d
247 nt plus différents à tous égards, sauf à un seul, seront les trois ouvrages examinés, d’autant plus significative l’action du
248 ficative l’action du mythe qui s’y trahit, et qui est leur seule commune mesure. Je ne m’attacherai donc, dans ces trois œu
249 — Aux yeux du « vieil Européen » que je me trouve être de naissance, l’Amérique est patrie d’accueil, plus que d’exil. Le le
250  » que je me trouve être de naissance, l’Amérique est patrie d’accueil, plus que d’exil. Le lecteur devinera que je l’aime,
251 m’irrite en elle, et en dépit de ce qu’elle veut être et croit qu’elle est. Son immaturité perverse me fascine. Le scandale
252 en dépit de ce qu’elle veut être et croit qu’elle est . Son immaturité perverse me fascine. Le scandaleux héros (par antiphr
253 que pour l’amour fou de sa fille. Mais cet amour est impossible, car Lolita n’a pas 13 ans. Cependant, mon héros l’enlève
254 comme lui-même, dans sa patrie. Mais ce prochain est « interdit » par la morale. Aimant sa sœur, Ulrich veut toucher l’int
255 oucher l’interdit et posséder l’inaccessible, qui est le plus vrai, puisqu’il ouvre l’accès à la vie d’extase, mais qui le
256 ient moralement un exilé de l’intérieur, comme je suis devenu un exilé tout court16. Boris Pasternak. — J’aime passionnémen
257  J’aime passionnément ma Russie et je voudrais en être aimé, comme le docteur Jivago aime Lara et en est aimé. Mais, comme L
258 tre aimé, comme le docteur Jivago aime Lara et en est aimé. Mais, comme Lara, la Russie a dû suivre un Maître cynique et br
259 me repousse et qu’il menace de m’exiler. Mais tel est mon amour que je saurai mentir : je demanderai pardon au tyran, le su
260 rés d’une Iseut « interdite » par un roi Marc qui est la Morale commune, la Société ou le Régime — ces trois romans trahiss
261 e lecture et, non, c’était vraiment une femme… Qu’ est -ce que l’auteur a voulu dire ? Tout ce que nous voyons là, sans doute
262 cette ambiguïté, qu’il nous propose malgré lui, n’ est pas du tout accidentelle. Elle ne résulte pas, j’y insiste, de quelqu
263 qu’elles, révèlent leur vraie nature, laquelle n’ est pas humaine mais nymphique (entendons : démoniaque) ; et, pour ces cr
264 s une occasion de le souligner et de l’accentuer, soit en accablant son héros dans une préface d’ailleurs attribuée à un psy
265 e d’ailleurs attribuée à un psychiatre américain, soit , d’une manière plus convaincante, par la cynique désinvolture du styl
266 res de Humbert Humbert. Si l’amour des nymphets n’ était pas, de nos jours, l’un des derniers tabous sexuels qui tiennent enco
267 e nos jours, l’un des derniers tabous sexuels qui tiennent encore (avec l’inceste), il n’y aurait ni passion ni roman véritables
268 . Qu’on ne s’y trompe pas : le roman de Tristan n’ était pas moins choquant au xiie siècle que ne l’est aujourd’hui Lolita. C
269 était pas moins choquant au xiie siècle que ne l’ est aujourd’hui Lolita. Ce que l’habitude et l’illusion anachronique, aid
270 nd d’hérésie bien plus dangereuse alors que ne le sont aujourd’hui les frénésies qui affectent une partie de la jeunesse, mo
271 nial Lewis Carroll : Alice au Pays des Merveilles est née de l’amour des « nymphets », refoulé par la conscience pure du cl
272 des petites nymphes et l’inceste. Ces deux amours seraient -ils contraires à la nature ? On les voit largement pratiqués dans le
273 constituant l’exception la plus remarquable. Ils sont bien moins contre nature que contre-civilisation. Nabokov fait dire à
274 ion. Nabokov fait dire à son héros : « Mon sort a été de grandir dans une civilisation qui autorise un homme de 25 ans à co
275 e cet adulte, par ailleurs sexuellement normal, s’ est trouvé fixé sur la femme-enfant, rendue doublement inaccessible par l
276 lita avec plus d’amusement pervers que d’émotion, seront en droit de douter de la légitimité d’une interprétation si solennell
277 s plus typiques de la légende de Tristan. Mais il est curieux de noter qu’à chaque fois un point d’ironie frappe l’allusion
278 écisément à le désenchanter. L’épisode du philtre est présent, mais ridiculisé par son échec : il ne s’agit que d’un somnif
279 illeurs trop faible, le médecin qui l’a procuré s’ étant trompé d’étiquette ou ayant trompé son client. (Inversion point par p
280 r « fatale » de Brangien.) Comme dans Tristan, il est vrai, la polémique contre le mariage au nom de l’amour-passion anime
281 cit. Comme dans Tristan, l’on sent que l’auteur n’ est pas intéressé par le côté sexuel de son histoire, mais uniquement par
282 de temps l’un de l’autre, séparés. Mais leur mort est aussi sordide que fut grandiose, dans les versions du xiie siècle et
283 re, séparés. Mais leur mort est aussi sordide que fut grandiose, dans les versions du xiie siècle et dans Wagner, la Mort
284 Si Lolita avait aimé le narrateur, si elle avait été son Iseut, le roman réaliste eût fait place au poème et la satire soc
285 atire sociale au lyrisme intérieur. L’hypothèse n’ est pas arbitraire, car c’est précisément ainsi que les choses se passent
286 syntaxe et son vocabulaire, on rit souvent, on n’ est jamais ému. Tel qu’il est, cet ouvrage parfait reste, aussi, un Trist
287 e, on rit souvent, on n’est jamais ému. Tel qu’il est , cet ouvrage parfait reste, aussi, un Tristan manqué. Et cela tient à
288 parfait reste, aussi, un Tristan manqué. Et cela tient à l’immaturité de l’objet même de la passion décrite ; mais sans cett
289 int de passion… Peut-être le livre, après tout, n’ est -il vraiment vicieux que par ce cercle. IIIRobert Musil et le « Règ
290 qu’il cherchait une vérité à vivre, Robert Musil est mort à peu près ignoré, tout près de ce lieu où j’écris, et son œuvre
291 dame, mais sans trace d’affectation puérile… Elle était merveilleusement belle : brune, des lèvres pleines, de forts sourcils
292 impression que tout le monde m’avait fui. Puis je suis descendu derrière la fillette, et je l’ai perdue dans la foule… — Com
293 ia Ulrich en riant. » On voit que l’amour-passion est seul en jeu, et que le seul exemple qu’en trouve le héros est celui d
294 jeu, et que le seul exemple qu’en trouve le héros est celui de l’attrait « mortel » pour une nymphet. Une autre fois, parla
295 poème d’amour écrit en secret, dont les allusions sont chargées d’un bonheur encore inconnu… — N’est-il pas contre nature de
296 ns sont chargées d’un bonheur encore inconnu… — N’ est -il pas contre nature de rapporter de telles émotions à une enfant ? d
297 the. — Seule une convoitise grossièrement directe serait contre nature, répondit Ulrich. L’homme qui en serait capable engager
298 it contre nature, répondit Ulrich. L’homme qui en serait capable engagerait la créature, désarmée et inachevée encore, dans de
299 hevée encore, dans des histoires pour quoi elle n’ est pas faite. Il devrait faire abstraction de l’immaturité de ce corps e
300 : « Si j’ai raconté cette histoire, c’est qu’elle est une préface à l’amour fraternel ! » Je renonce à souligner les mots r
301 nt : — Celui dont les excitations les plus fortes sont liées à des expériences qui sont toutes d’une manière ou d’une autre
302 les plus fortes sont liées à des expériences qui sont toutes d’une manière ou d’une autre impossibles, refuse les expérienc
303 ériences possibles ! Il se peut que l’imagination soit une fuite devant la vie, un refuge pour la lâcheté et une caverne de
304 seul et non sans insolence, le mot de sœur avait été chargé pour lui d’une nostalgie vague, bien qu’il n’eût jamais songé,
305 ante… Incontestablement, des phénomènes analogues sont fréquents. Dans plus d’une existence, la sœur imaginaire n’est que la
306 . Dans plus d’une existence, la sœur imaginaire n’ est que la forme juvénile, insaisissable, d’un besoin d’amour qui, plus t
307 ttéraire de cette forme d’amour interdit, dont il serait curieux de chercher pourquoi l’époque où se passe le roman de Musil —
308 conscience, puis du choix de cet amour, par deux êtres en tout point normaux, supérieurement intelligents, intégrés dans la
309 inégalée dans la littérature contemporaine. Ce n’ est pas René et ce n’est pas Byron, ce n’est pas décadent ni scandaleux.
310 térature contemporaine. Ce n’est pas René et ce n’ est pas Byron, ce n’est pas décadent ni scandaleux. S’agirait-il moins d’
311 ne. Ce n’est pas René et ce n’est pas Byron, ce n’ est pas décadent ni scandaleux. S’agirait-il moins d’un inceste que des r
312 fondamental de la psyché européenne. L’inceste n’ est ici que la condition même de la « dernière histoire d’amour possible 
313 , ajoute : L’homme qui tend à Dieu, selon Adler, est celui qui est privé de sens communautaire — selon Schleiermacher, cel
314 homme qui tend à Dieu, selon Adler, est celui qui est privé de sens communautaire — selon Schleiermacher, celui qui est ind
315 s communautaire — selon Schleiermacher, celui qui est indifférent à la morale… Je dois t’aimer (pense Agathe) parce que je
316 a notion de passion amoureuse, parce que celle-ci est plus religieuse que sexuelle, juge puéril de se préoccuper encore d’a
317 naturel avec une méticuleuse vigueur. Déjà alors étaient parus nombre de ces livres qui parlent, avec la candeur loyale d’un m
318 la vie sexuelle », et veulent aider les hommes à être mariés, et néanmoins contents. L’homme et la femme n’y sont plus que
319 s, et néanmoins contents. L’homme et la femme n’y sont plus que « porteurs de germe mâle ou femelle » ou encore « partenaire
320 le besoin de passion, rencontrant l’interdit, qui est l’antisocial par excellence, projette immédiatement sur lui sa nostal
321 entre eux qu’une seule certitude : c’est que tout était décidé et que tous les interdits, maintenant, leur étaient indifféren
322 écidé et que tous les interdits, maintenant, leur étaient indifférents… Chacune de leurs respirations leur publiait leur conniv
323 nt de douceur que les images de l’accomplissement étaient bien près de se détacher d’eux et les unissaient déjà dans leur imagi
324 lus forte encore leur commandait le calme, et ils furent incapables de se toucher de nouveau. L’équivoque essentielle entre l
325 à « l’amour de loin » des troubadours. Mais quel est ce désir ? Est-il désir de l’autre, ou seulement Désir en soi ? Les h
326 loin » des troubadours. Mais quel est ce désir ? Est -il désir de l’autre, ou seulement Désir en soi ? Les héros de Musil e
327 voquée par la passion, cette idole barbare, qui n’ est pas la même ! — À t’entendre, dit Agathe, il faudrait croire qu’on n’
328 u’on aime réellement une personne irréelle ? — Là est le nœud de l’affaire : dans tous les rapports extérieurs, la personne
329 voquer le mythe platonicien des deux moitiés de l’ être qui se cherchent : Ce désir d’un double de l’autre sexe qui nous res
330 ’autre sexe qui nous ressemble absolument tout en étant un autre, d’une créature magique qui soit nous tout en possédant l’av
331 out en étant un autre, d’une créature magique qui soit nous tout en possédant l’avantage, sur toutes nos imaginations, d’une
332 Les grandes, les implacables passions amoureuses sont toutes liées au fait qu’un être s’imagine voir son moi le plus secret
333 ssions amoureuses sont toutes liées au fait qu’un être s’imagine voir son moi le plus secret l’épier derrière le rideau des
334 toutes les contradictions, et sur son cœur, il n’ est plus de parole vraie ou fausse, chacune étant, hors de l’obscur, l’in
335 il n’est plus de parole vraie ou fausse, chacune étant , hors de l’obscur, l’incomparable naissance de l’esprit, celle que l’
336 C’est notre destin : peut-être aimons-nous ce qui est interdit. Mais nous ne nous tuerons pas avant d’avoir fait une tentat
337 vant d’avoir fait une tentative extrême. Le monde est fugace, fluide : fais ce que veux… Un homme ne va jamais si loin que
338 s si loin que lorsqu’il ne sait pas où il va… Ils étaient debout maintenant sur un haut balcon, entrelacés et enlacés à l’indic
339 i c’était de la tristesse ; seule la conviction d’ être élus pour vivre l’exceptionnel retint leurs larmes… Avec les formes l
340 etint leurs larmes… Avec les formes limitatives s’ étaient perdues toutes les limites et, comme ils ne percevaient plus aucune s
341 dans les choses, ils ne formaient plus qu’un seul être . Mais cet accomplissement dans l’Ile, symbolique de l’abolition du s
342 ’échec fondamental de toute passion : Entre deux êtres isolés, il n’y a pas d’amour possible » reconnaît Ulrich. « Un amour
343 rich. « Un amour peut naître par défi, il ne peut être fait de défi. Il faut qu’il soit inséré dans une société. Il n’est pa
344 défi, il ne peut être fait de défi. Il faut qu’il soit inséré dans une société. Il n’est pas un contenu de vie, mais une nég
345 Il faut qu’il soit inséré dans une société. Il n’ est pas un contenu de vie, mais une négation, une exception faite à tous
346 r il faut à une exception quelque chose dont elle soit l’exception. On ne peut vivre d’une négation pure. Sous une forme in
347 n garder pour soi, au sommet, cesser simplement d’ être . » Cette attitude, qui rejoint le détachement bouddhique, mais qui po
348 ter la rédemption de la passion par l’amour vrai, est décrite au somptueux chapitre intitulé Souffles d’un jour d’été. Il n
349 somptueux chapitre intitulé Souffles d’un jour d’ été . Il ne s’y passe rien qu’une longue conversation entre le frère et la
350 sa mort, Musil travaillait à ce chapitre, qui eût été , selon certains, le couronnement de l’œuvre. Ainsi le Jardin clos de
351 le. Et le Voyage au Paradis de l’ancienne ébauche fût devenu le « Voyage vers Dieu » auquel font allusion plusieurs notes p
352 nesque où tous les thèmes constants de la passion sont apparus et ont grandi l’un après l’autre, pour s’évanouir ensuite com
353 ensuite comme des îles dépassées, ce Jardin clos serait l’Ithaque d’une moderne Odyssée spirituelle. Mais cette présence heur
354 rdit fascinant de l’amour sororal n’aurait-il pas été le travesti — tout à fait inconscient, j’en suis sûr — d’un amour tro
355 s été le travesti — tout à fait inconscient, j’en suis sûr — d’un amour trop réel pour oser dire son nom dans un roman ? L’a
356 ion littéraire, condamnant le mariage accompli, n’ est -elle pas un tabou bien autrement redoutable, aux yeux de l’écrivain e
357 ste ou de passion maudite ? L’érotique du mariage est une terre inconnue pour la littérature occidentale. Il se peut que Mu
358 américain et confirmant sa morale optimiste. Tels étant les goûts du public, telles seraient donc, selon l’enquête, les condi
359 optimiste. Tels étant les goûts du public, telles seraient donc, selon l’enquête, les conditions requises pour un succès de vent
360 ne subite (réduisant à néant les dires d’experts) soit le seul trait commun aux deux ouvrages : elle m’en paraît d’autant pl
361 c’est vrai, ce dont je doute. Pourquoi l’enquête est -elle muette sur ce qui fait depuis des siècles (depuis le xiie siècl
362 s (depuis le xiie siècle exactement) qu’un roman soit vraiment un roman, et nous passionne ? Les préférences qu’avoue le pu
363 du « réalisme socialiste », d’où l’amour-passion est exclu. Or je vois triompher dans ce même public deux romans de l’amou
364 réjugés du magazine qui a fait l’enquête ? Ce qui est sûr, c’est que l’amour-passion demeure mal vu, mais n’en fascine que
365 ois de plus, pour des raisons, d’ailleurs, qui ne sont pas dans ce livre, plus d’un lecteur sera sincèrement choqué de m’en
366 qui ne sont pas dans ce livre, plus d’un lecteur sera sincèrement choqué de m’en voir parler comme d’un roman d’amour. À vr
367 écrit un énorme roman (dont une partie seulement sera publiée) décrivant les prodromes de la révolution russe, puis les lut
368 vertus des Rouges contre les vices des Blancs. Il est normal que le régime, étant ce qu’il est, condamne ce livre. Il est n
369 es vices des Blancs. Il est normal que le régime, étant ce qu’il est, condamne ce livre. Il est normal que le roman condamné
370 ancs. Il est normal que le régime, étant ce qu’il est , condamne ce livre. Il est normal que le roman condamné ne puisse par
371 régime, étant ce qu’il est, condamne ce livre. Il est normal que le roman condamné ne puisse paraître qu’en Europe. Il est
372 oman condamné ne puisse paraître qu’en Europe. Il est normal que le jury du prix Nobel le couronne parce que c’est un beau
373 e que c’est un beau livre et parce que son auteur est resté un homme libre. Il est normal que l’URSS, au lieu de l’interpré
374 parce que son auteur est resté un homme libre. Il est normal que l’URSS, au lieu de l’interpréter comme un hommage rendu à
375 t lettres de cosaques zaporogues au Kremlin, tout est scandaleusement normal, jusque-là. Mais voici l’insolite : les autori
376 la Russie une lettre pathétique dont l’essentiel tient en ces deux phrases : « Le départ hors des frontières de ma patrie éq
377 littérature soviétique et que je puis encore lui être utile. » Il a refusé le Prix, il est prêt à renier ce qui déplaît au
378 encore lui être utile. » Il a refusé le Prix, il est prêt à renier ce qui déplaît au régime dans son livre, pourvu qu’on l
379 prouve afin de rentrer dans la faveur publique, n’ est -ce pas lui qui trahit le peuple ? Ce serait le cas, en effet, si Le D
380 lique, n’est-ce pas lui qui trahit le peuple ? Ce serait le cas, en effet, si Le Docteur Jivago était un acte politique, comme
381 Ce serait le cas, en effet, si Le Docteur Jivago était un acte politique, comme on a voulu le croire de part et d’autre. Sen
382 je me disais : — Tout se passe comme si cet homme était retenu dans son pays par une passion secrète et sans doute interdite 
383 silence humilié et sans espoir. Mais quelle peut être la nature de cette « Iseut » inaccessible, dont il semble être le Tri
384 e de cette « Iseut » inaccessible, dont il semble être le Tristan ? Et quel est le roi Marc qui l’en sépare ? Je me mis à li
385 essible, dont il semble être le Tristan ? Et quel est le roi Marc qui l’en sépare ? Je me mis à lire plus avant. Une jeune
386 . Leur amour se déclare. Liaison clandestine. Ils sont de nouveau séparés par les péripéties de la guerre civile. Finalement
387 tin de sortir de Russie : Jivago refuse. Lara lui est enlevée par un puissant politicien qui l’avait séduite quand elle éta
388 uissant politicien qui l’avait séduite quand elle était encore « une gamine ». Le docteur réussit à rejoindre Moscou, où il v
389 e heure, Lara vient pleurer sur son cadavre. Elle est arrêtée peu après, et va mourir en Sibérie. Ainsi, tous les moments d
390 et pacifique comme le nom de l’Océan d’Asie. Ce n’ est pas un hasard si tu es là, au terme de ma vie, mon ange secret, mon a
391 m de l’Océan d’Asie. Ce n’est pas un hasard si tu es là, au terme de ma vie, mon ange secret, mon ange interdit, sous un c
392 ma vie, sous le ciel paisible de mon enfance, tu es apparue de la même manière… Souvent, plus tard, au cours de ma vie, j
393 urcissait, à cette musique qui s’estompait, qui s’ est fondue avec mon existence même, qui est devenue la clé de toutes les
394 it, qui s’est fondue avec mon existence même, qui est devenue la clé de toutes les portes du monde, grâce à toi. Une fois
395 se posait sur leur existence condamnée… Mais qui est Lara ? En la perdant, dit Jivago, « il perdrait sa raison de vivre et
396 enfance, il aimait la forêt lorsque le soir elle est transpercée par le feu du couchant », et les scènes décisives de ce r
397 t », et les scènes décisives de ce roman de poète sont toujours éclairées par le même soleil rouge sortant au bas des nuages
398 se fond dans une identité lyrique : Au fait, qu’ était -elle donc pour lui ? Oh ! à cette question, il avait toujours une rép
399 ponse prête. C’est une soirée de printemps. L’air est tout piqué de sons. Les voix des enfants qui jouent sont éparpillées
400 ut piqué de sons. Les voix des enfants qui jouent sont éparpillées un peu partout comme pour montrer que l’espace est palpit
401 es un peu partout comme pour montrer que l’espace est palpitant de vie. Et ce lointain, c’est la Russie, cette mère glorieu
402 s, à jamais sublimes et tragiques ! Oh ! comme il est doux d’exister. Comme il est doux de vivre sur la terre et d’aimer la
403 ques ! Oh ! comme il est doux d’exister. Comme il est doux de vivre sur la terre et d’aimer la vie ! Oh ! comme l’on voudra
404 iquer par la parole avec ces forces cachées, Lara est leur représentante, leur symbole. Elle est à la fois l’ouïe et la par
405 , Lara est leur représentante, leur symbole. Elle est à la fois l’ouïe et la parole offertes en don aux principes muets de
406 aveu, dès que l’identité de Lara et de la Russie est expressément déclarée, tout s’éclaire de ce qui vient de se passer da
407 otiver son refus : « De mon départ, il ne saurait être question. » Mais il ajoute un peu plus tard : Tout est déjà entre v
408 stion. » Mais il ajoute un peu plus tard : Tout est déjà entre vos mains. Il est probable qu’un jour, à bout de forces, j
409 u plus tard : Tout est déjà entre vos mains. Il est probable qu’un jour, à bout de forces, je devrai étouffer mon orgueil
410 La nouvelle que vous m’annoncez m’abasourdit. Je suis écrasé par une souffrance qui m’enlève la capacité déjuger… La seule
411 nt ; en d’autres termes, l’hostilité du passionné est dirigée contre le social en soi, et non point provoquée par la nature
412 au pouvoir. Ainsi, Tristan, modèle du chevalier, est contraint de violer le sacré féodal, devient traître et félon et se v
413 n manquait pas au xiie siècle — mais parce qu’il est devenu la proie d’un pouvoir beaucoup plus absolu : l’état de passion
414 e son objet idéal avant de l’identifier à quelque être réel par une erreur essentiellement inévitable, qu’on attribue donc a
415 connu, tout en sachant que l’on ne peut y vivre, est décrit par eux tous comme indicible. Tantôt il plonge ceux qui le sub
416 la plus commune, parce que la mieux communicable, soit celle qui fait écrire des romans, celle dont la contagion, rarement m
417 e entre un désir sexuel et l’état d’âme, l’état d’ être amoureux. La passion amoureuse est, de toutes, celle qui se prête le
418 âme, l’état d’être amoureux. La passion amoureuse est , de toutes, celle qui se prête le mieux au récit. La sexualité pure e
419 écit. La sexualité pure et l’amour du prochain ne sont vrais qu’en acte, et leur description ennuie vite. La passion de l’Ér
420 eur description ennuie vite. La passion de l’Éros est vraie d’abord en rêve, et n’existe peut-être jamais mieux que dans l’
421 et d’essence, l’amour-passion, nous l’avons vu, n’ est guère moins dépendant de cette société qu’il récuse : c’est elle qui
422 ables. Sur ce point, deux observations encore. Il est remarquable que la passion n’utilise interdits et tabous qu’au moment
423 nt où ceux-ci commencent à faiblir, où les violer est encore scandaleux mais n’entraîne pas la mise à mort instantanée, phy
424 qu’au lendemain du « dégel » soviétique : rien n’ est encore gagné, mais quelques-uns déjà peuvent avouer quelque chose sou
425 vouer quelque chose sous le couvert du mythe. Tel est le « terrain » biologique où le roman trouve les meilleures chances à
426 même d’un roman. Le Docteur Jivago, par exemple, est de beaucoup le plus traditionnel des trois romans qu’on vient de cons
427 et l’intrigue aventure spirituelle… Ce processus est -il irréversible ? Fait-il prévoir la fin d’un genre, qui serait aussi
428 versible ? Fait-il prévoir la fin d’un genre, qui serait aussi la fin de cette forme de passion dont la littérature entretenai
429 e des mœurs dans les démocraties de l’Occident ne sont plus défendus sans scrupules par les élites des deux partis. Je ne vo
430 par l’État. La passion qui voudrait les violer ne serait plus condamnée, mais simplement soignée, aux frais de la Sécurité soc
431 aux. J’y ai fait allusion à propos de Musil. S’il est vrai que la passion cherche l’inaccessible, et s’il est vrai que l’Au
432 ai que la passion cherche l’inaccessible, et s’il est vrai que l’Autre en tant que tel reste aux yeux d’un amour exigeant l
433 le au sein même du mariage accepté ? Tout Autre n’ est -il pas l’Inaccessible, et toute femme aimée une Iseut, même si nul in
434 e excitant, celui qui ne dépendra jamais que de l’ être même : l’autonomie de la personne aimée, son étrangeté fascinante ?6
435 étrangeté fascinante ?6 16. On sait que Musil est mort à Genève, dans la misère, en 1942. 17. Toute cette partie « géo
436 e Strasbourg, dont s’inspira Wagner. 19. « Je ne suis nullement intéressé par ce qu’on appelle « sex » (en Amérique). N’imp
11 1961, Comme toi-même. Essais sur les mythes de l’amour. Première partie — Deux princes danois. Kierkegaard et Hamlet
437 rd et Hamlet La carrière de Søren Kierkegaard s’ est déroulée en une douzaine d’années comme un drame unique, intense, ine
438 e 42 ans. Le seul événement extérieur de ce drame fut la rupture de ses fiançailles avec Régine Olsen, crise initiale qui l
439 t mourir, certain d’avoir accompli sa mission, ce fut son attaque contre le christianisme moderne au nom du Christ de l’Éva
440 s d’un drame dont lui seul détenait la clé. Ce ne fut qu’à la fin de sa vie qu’il s’offrit sans masque à la lutte, au cours
441 e mener à la mort. Ainsi, le drame de Kierkegaard fut typiquement celui d’une vocation. Toute son intrigue consiste dans le
442 biographie de Kierkegaard ? Il reste à voir s’il est possible de pousser ce parallèle beaucoup plus loin dans le détail. C
443 e parallèle beaucoup plus loin dans le détail. Ce serait peut-être un bon moyen d’illustrer à la fois la pensée et la vie de K
444 ctif et l’autre réel. Hamlet, jeune prince royal, est un intellectuel. Il n’a d’autre désir que de retourner à l’Université
445 intenant dans quels termes Kierkegaard lui-même s’ est décrit. Lui aussi se sent un prince. « Il y a quelque chose de royal
446 prince. « Il y a quelque chose de royal dans mon être  », fait-il dire à l’un de ses pseudonymes. Lui aussi voudrait « retou
447 sous des apparences de gaieté. » Ou encore : « J’ étais armé d’une foi presque téméraire en ma capacité de pouvoir toutes cho
448 es choses, sauf une : devenir un oiseau libre, ne fût -ce qu’un seul jour, rompre les chaînes de la mélancolie, où une autre
449 rage, L’Alternative : deux princes vraiment, deux êtres d’exception, pleins de hardiesse et de fierté, mais inaptes à la vie
450 ci que ces deux individus, pour qui la vie en soi est déjà un problème, reçoivent en outre une mission redoutable et qui le
451 core que leur nature psychologique, à devenir des êtres d’exception. Hamlet reçoit sa mission de son père, qui lui apparaît s
452 ctre. Assassiné, dit-il, par le roi actuel, qui n’ est donc qu’un usurpateur, le père ordonne au fils de le venger. Hamlet r
453 ué la nature. Nous savons cependant que le secret était lié à la mémoire de son père. Il qualifie cette révélation de « grand
454 le : le prétendu christianisme des temps modernes est une tromperie, une immense illusion. « Il ne ressemble pas davantage
455 itimité. Et Kierkegaard pressent sa vocation, qui sera de dénoncer l’usurpation religieuse, afin de rétablir dans sa pureté
456 voyons les deux héros gémir sous le faix qui leur est imposé : « L’époque est détraquée, hélas ! pourquoi faut-il que je so
457 mir sous le faix qui leur est imposé : « L’époque est détraquée, hélas ! pourquoi faut-il que je sois né pour la rajuster !
458 ue est détraquée, hélas ! pourquoi faut-il que je sois né pour la rajuster ! », s’écrie Hamlet. Et Kierkegaard ne cesse de r
459 se de répéter sur tous les tons la même idée : il est né pour forcer notre époque détraquée à reconnaître l’absolu chrétien
460 dans le royaume de Danemark » et que leur destin sera de dénoncer cette situation, advienne que pourra… Les caractères étan
461 te situation, advienne que pourra… Les caractères étant donnés, la mission définie dès le début du drame, voyons maintenant l
462 mes. Le message chrétien, qui lui importe seul, y sera toujours présent, mais soigneusement dissimulé. De la sorte, il attir
463 et l’usurpation. « Cette représentation, dit-il, est le moyen par lequel je surprendrai la conscience du roi. » Tous les d
464  » malgré eux. (Mundus vult decipi, le monde veut être trompé, constate Kierkegaard à plusieurs reprises.) Mais à ce jeu ils
465 te reste le même dans les deux cas. Kierkegaard s’ est expliqué sur la rupture de ses fiançailles avec Régine. Il s’est expl
466 r la rupture de ses fiançailles avec Régine. Il s’ est expliqué, peut-on dire, dans toute son œuvre, et non pas seulement da
467 des ouvrages tels que Coupable-Non coupable, qui sont en réalité le récit à peine déguisé de ses fiançailles et l’analyse i
468 gaard aime Régine, jeune fille de 17 ans et il en est aimé. Mais il a son secret ambigu, le secret de sa vocation et celui
469 mélancolie. Or il comprend bientôt que le secret serait trop lourd pour la jeune fille. Naïve et spontanée, elle tenterait si
470 étrange vocation. Peut-on se marier si l’on veut être un témoin de la vérité ? Un soldat à la frontière devrait-il être mar
471 e la vérité ? Un soldat à la frontière devrait-il être marié ? se demande Kierkegaard. Et lui, qui se bat aux avant-postes,
472 évéler et faire mourir l’aimée ? » S’il choisit d’ être la victime, une seule issue lui reste ouverte : rompre avec la jeune
473  Oui, dans dix ans, quand » le feu de la jeunesse sera passé : il me faudra une » demoiselle au sang frais pour me rajeunir.
474 toute la nuit. « Mais le lendemain, écrit-il, je fus comme d’ordinaire, et même plus pétillant d’esprit que jamais : c’éta
475 la conduite d’Hamlet devant cette autre enfant qu’ est Ophélia. Hamlet a compris lui aussi que l’amour spontané et naïf d’Op
476 a jeune fille, prétendre qu’il ne l’aime pas, lui tenir les propos les plus cyniques, s’écrier ensuite : « Comment ferait-on
477 es, s’écrier ensuite : « Comment ferait-on pour n’ être pas gai ! » Cependant qu’il avoue en aparté : « Je dois être cruel, m
478 i ! » Cependant qu’il avoue en aparté : « Je dois être cruel, mais c’est pour être tendre… » Il convient de marquer ici, en
479 en aparté : « Je dois être cruel, mais c’est pour être tendre… » Il convient de marquer ici, en toute justice, une différenc
480 ssaut de fleuret. Seulement, le fleuret de Laerte est empoisonné : le duel sportif tourne au duel à mort. Blessé, Hamlet ne
481 Hamlet ne peut plus hésiter. Il tue le roi. Quel fut , chez Kierkegaard, l’équivalent de ce sommet du drame, ou de cette « 
482 n « vrai témoin de la vérité ». Dans cette phrase était le poison, pour Kierkegaard. Car toute son œuvre, toute sa carrière d
483 pratiquement de martyr. Or l’évêque Mynster avait été un grand prélat, chargé de titres et d’honneurs, un fin lettré, un hu
484 publier, il attendit que le professeur Martensen fût devenu évêque à son tour, succédant à Mynster. Puis il publia l’artic
485 Mynster. Puis il publia l’article. Et cet article fut son acte, l’attaque directe, décisive et mortelle, aussi « exagérée »
486 cisive et mortelle, aussi « exagérée » que peut l’ être l’élan d’un combattant qui joue sa vie sur un seul coup. Voici un ext
487 n témoin de la vérité, c’est un homme dont la vie est , du commencement à la fin, familière avec toute espèce de souffrance
488 té, insulté, outragé, bafoué ; c’est un homme qui est flagellé, torturé, traîné de prison en prison, et puis enfin — car c’
489 jeté par le bourreau dans un endroit écarté, sans être enterré. Voilà un témoin de la vérité, sa vie et son existence, sa mo
490 et l’évêque Mynster, dit le professeur Martensen, fut un des vrais témoins de la vérité. En vérité, il y a quelque chose de
491 s et de jouer ensuite au jeu que l’évêque Mynster était un témoin de la vérité. Une polémique furieuse s’éleva de toutes par
492 de toutes parts. L’opinion danoise et scandinave fut secouée d’une vertueuse indignation. Kierkegaard luttait seul contre
493 ait osé l’acte ; il avait réussi : l’usurpation s’ était vue dénoncée, et il avait forcé le grand public à devenir attentif à
494 stant. Depuis longtemps, la pensée de Kierkegaard était comme fascinée par les deux concepts d’instant et de saut. L’instant,
495 faute de l’oser, on n’a rien22. Plongé comme je l’ étais , en écrivant les pages qui précèdent, dans la lecture alternée de Kie
496 de Kierkegaard et de Shakespeare, j’avoue qu’il m’ est arrivé plus d’une fois de ne plus bien savoir lequel des deux parlait
497 des deux parlait et de m’imaginer qu’Hamlet avait été écrit par Kierkegaard, voire qu’à l’inverse la biographie de Kierkega
498 qu’à l’inverse la biographie de Kierkegaard avait été mise à la scène deux siècles et demi avant d’être vécue. Le style éli
499 été mise à la scène deux siècles et demi avant d’ être vécue. Le style élisabéthain de Kierkegaard, son lyrisme énergique, m
500 érences. Chose curieuse, cette note de deux pages est publiée en appendice au livre dans lequel Kierkegaard raconte le dram
501 l semble donc que le parallèle que j’ai risqué se soit offert à l’esprit de Kierkegaard, et qu’il ait tenu à le corriger lui
502 it offert à l’esprit de Kierkegaard, et qu’il ait tenu à le corriger lui-même. Voici en bref le contenu de la note, intitulé
503 rame religieux. Car, si les scrupules d’Hamlet ne sont pas d’ordre religieux, le héros cesse d’être vraiment tragique. Il fr
504 t ne sont pas d’ordre religieux, le héros cesse d’ être vraiment tragique. Il frise le comique. Si, au contraire, ses tergive
505 effet, « dans l’ordre esthétique, l’obstacle doit être hors du héros, non pas en lui ». Si l’obstacle à son acte est en lui,
506 héros, non pas en lui ». Si l’obstacle à son acte est en lui, il s’agit d’un scrupule religieux. Dans ce cas, le héros n’es
507 d’un scrupule religieux. Dans ce cas, le héros n’ est grand que par sa souffrance, non par son triomphe. Il n’y a plus de j
508 l… Traduisons cela en d’autres termes : si Hamlet était religieux, il n’y aurait pas l’Hamlet de Shakespeare, mais on rejoind
509 e de Kierkegaard. Le drame de Kierkegaard n’a pas été fictif. Il n’a pas été joué et ne saurait l’être. Il a été vécu et so
510 ame de Kierkegaard n’a pas été fictif. Il n’a pas été joué et ne saurait l’être. Il a été vécu et souffert consciemment (av
511 s été fictif. Il n’a pas été joué et ne saurait l’ être . Il a été vécu et souffert consciemment (avec une conscience folle, p
512 f. Il n’a pas été joué et ne saurait l’être. Il a été vécu et souffert consciemment (avec une conscience folle, pourrait-on
513 u de poète ; c’est qu’il aime à discuter ou qu’il tient des propos fantaisistes. Mozart, qui composait des menuets à sept ans
514 ’ordre de parler aux nations, il répond : « Je ne suis qu’un enfant, voici, je ne sais point parler. » Nous dirions qu’il n’
515 la vocation. Précisément, il la reçoit. Elle lui est adressée en dépit de ce qu’il est. « Et l’Éternel me dit : « Ne dis p
516 eçoit. Elle lui est adressée en dépit de ce qu’il est . « Et l’Éternel me dit : « Ne dis pas : Je ne suis qu’un enfant. Car
517 est. « Et l’Éternel me dit : « Ne dis pas : Je ne suis qu’un enfant. Car tu iras vers tous ceux auprès de qui je t’enverrai,
518 … Voici, je mets mes paroles dans ta bouche. » Il est rarement possible d’isoler dans le vif ces deux mouvements contradict
519 met à part une seconde fois, pour des raisons qui sont celles de l’esprit — bien que, dans ce cas particulier, la nature et
520 opposées. On pourra toujours dire de Kierkegaard soit qu’il fut un neurasthénique, et que son cas relève de la psychanalyse
521 On pourra toujours dire de Kierkegaard soit qu’il fut un neurasthénique, et que son cas relève de la psychanalyse, soit qu’
522 énique, et que son cas relève de la psychanalyse, soit qu’il fut un prophète, né pour être poète et philosophe, mais contrai
523 que son cas relève de la psychanalyse, soit qu’il fut un prophète, né pour être poète et philosophe, mais contraint, par l’
524 psychanalyse, soit qu’il fut un prophète, né pour être poète et philosophe, mais contraint, par l’appel transcendant, à deve
525 biguïté dans notre idée courante de la vocation n’ est pas celle qui retient Kierkegaard. Il en a distingué une autre, plus
526 Il en a distingué une autre, plus intime, qui ne tient plus au double sens du mot, mais à l’existence même d’une vocation re
527 ’appel qu’il a cru entendre. Et son incertitude n’ est pas le fait d’un manque d’information, d’une conscience vague ou d’un
528 tude objective, telle que la définit Kierkegaard, est donc une périphrase philosophique pour désigner la foi et sa nécessit
529 croit » avoir reçue soi-même. Ainsi l’incertitude est objective dans la mesure où l’objet de la conviction qu’on entretient
530 re où l’objet de la conviction qu’on entretient n’ est pas démontrable ; dans la mesure, aussi, où l’enjeu de la vocation re
531 aussi, où l’enjeu de la vocation reste passible d’ être mis en doute, ou même nié ; dans la mesure où cet enjeu risque, après
532 dans la mesure où cet enjeu risque, après tout, d’ être purement imaginaire. À cela, nous ajouterons l’incertitude subjective
533 uvent pousser l’individu à faire ceci ou cela : «  Est -ce ma nature secrète ou l’esprit qui a parlé ? » En fait, l’homme de
534 ble incertitude et dans un risque permanent. Il n’ est pas de méthode éprouvée ni de raisonnement qui puisse l’aider. L’homm
535 nnaître, enfin, que la mission reçue par Hamlet n’ est pas une véritable vocation, en ce sens qu’elle ne présente pas le car
536 er l’usurpateur, venger le roi assassiné. Son but est donc sans équivoque, son rôle clairement tracé dans l’action générale
537 ni l’ensemble — et cependant il faut jouer, nous sommes au monde, nous sommes en scène malgré nous… Telle est l’angoisse de l
538 pendant il faut jouer, nous sommes au monde, nous sommes en scène malgré nous… Telle est l’angoisse de la vocation. Je disais
539 au monde, nous sommes en scène malgré nous… Telle est l’angoisse de la vocation. Je disais tout à l’heure que Kierkegaard,
540 ue Kierkegaard, dès ses premières publications, s’ était tracé un plan d’action comportant toute une stratégie de pseudonymes
541 ie de pseudonymes et de « tromperies » — comme il tient à le répéter. Ceci nous porterait à croire que, d’entrée de jeu, tout
542 t, il avait vu clairement l’acte historique qu’il était chargé d’accomplir. Mais les choses de la vie ne sont pas aussi simpl
543 chargé d’accomplir. Mais les choses de la vie ne sont pas aussi simples. C’est après coup, le plus souvent, que nos actions
544 es, agissait dès le départ obscurément, mais ce n’ est qu’en marchant qu’on l’a sentie à l’œuvre. Kierkegaard l’a bien su et
545 fléchit dans le processus de ma production. Ainsi sont infirmées dans une certaine mesure les vues que j’ai précédemment exp
546 sées, à savoir que toute ma production esthétique est une fraude ; car cette formule concède un peu trop à la conscience. M
547 concède un peu trop à la conscience. Mais elle n’ est pas tout à fait fausse non plus, car j’ai eu conscience de moi au cou
548 ébut. … Dès le premier moment l’élément religieux est donné de façon décisive ; il a sans contredit la suprématie, mais il
549 es du livre, il ajoute ceci : « Toute mon œuvre a été en même temps mon propre développement ; c’est en elle que j’ai pris
550 où Dieu m’a fait sentir son secours. Une chose m’ est bien souvent arrivée que je ne puis m’expliquer : quand je faisais ce
551 puis m’expliquer : quand je faisais ce dont il m’ était impossible de donner la raison, ne songeant pas même à la chercher ;
552 hoses que j’ai faites à titre privé se trouvaient être justement celles que je devais faire comme auteur. Je n’arrivais pas
553 pas au loin une voie tracée d’avance : non, elle est « à mes pieds » seulement, elle ne peut révéler que le premier pas à
554 uelle on puisse en appeler par analogie me paraît être l’expérience poétique. Car le poète, lui non plus, ne sait et ne saur
555 c’est pratiquement vivre dans l’improbable, c’est être toujours prêt à affronter l’invraisemblable. Si l’incertitude objecti
556 ter l’invraisemblable. Si l’incertitude objective est le premier caractère d’une vocation réelle, l’acceptation de l’invrai
557 ion réelle, l’acceptation de l’invraisemblable en est la conséquence nécessaire. Kierkegaard ne se lasse pas d’insister sur
558 aham n’avait pas accepté l’invraisemblable, il ne serait jamais parti pour un pays dont il ne savait rien. Mais accepter l’inv
559 squ’il écrit cette phrase lourde de sens : « Ce n’ est pas le chemin qui est difficile, mais c’est le difficile qui est le c
560 ase lourde de sens : « Ce n’est pas le chemin qui est difficile, mais c’est le difficile qui est le chemin. » On voit ici q
561 in qui est difficile, mais c’est le difficile qui est le chemin. » On voit ici que la notion de vocation, chez Kierkegaard,
12 1961, Comme toi-même. Essais sur les mythes de l’amour. Première partie — Don Juan
562 soie, dressé sur ses ergots de grand ténor, l’on est tenté de ne voir en lui que le feu naturel du désir, une espèce d’ani
563 andeur, dans le dernier acte de Mozart. Non, ce n’ est pas l’animal, mais l’homme, et non d’avant, mais d’après la morale. P
564 s son rang. Son naturel, c’est le mépris ; rien n’ est plus loin de la nature. Voyez comme il se sert des femmes : incapable
565 seule cette inconstance forcenée ? Alors Don Juan serait l’homme de la première rencontre, de la plus excitante victoire ? « L
566 e, de la plus excitante victoire ? « La nouveauté est le tyran de notre âme », écrit le vieux Casanova. Mais déjà ce n’est
567 re âme », écrit le vieux Casanova. Mais déjà ce n’ est plus l’homme de plaisir qui parle ainsi. La volupté du vrai sensuel c
568 Ils ne l’ont pas manqué. Pour eux aussi, Don Juan serait le contraire de ce que l’on croit, il souffrirait d’une anxiété secrè
569 iété secrète déjà voisine de l’impuissance. Et il est vrai que celui qui cède à cet attrait superficiel que presque toutes
570 e plus loin, à des critères spirituels ? Don Juan serait par exemple le type de l’homme qui n’atteint pas au plan de la person
571 rrait se manifester ce qu’il y a d’unique dans un être . Pourquoi ne peut-il désirer que la nouveauté dans la femme ? Et pour
572 on du nouveau, du nouveau à tout prix, quel qu’il soit  ? Celui qui cherche, c’est qu’il n’a pas ; mais peut-être aussi qu’il
573 ’est qu’il n’a pas ; mais peut-être aussi qu’il n’ est pas ? Celui qui a, vit de sa possession et ne l’abandonne pas pour l’
574 ain, — entendez : s’il possède vraiment. Don Juan serait l’homme qui ne peut pas aimer, parce qu’aimer c’est d’abord choisir,
575 ’est d’abord choisir, et pour choisir il faudrait être , et il n’est pas. Mais le contraire n’est pas moins vraisemblable : D
576 hoisir, et pour choisir il faudrait être, et il n’ est pas. Mais le contraire n’est pas moins vraisemblable : Don Juan cherc
577 udrait être, et il n’est pas. Mais le contraire n’ est pas moins vraisemblable : Don Juan cherchant partout son idéal, son «
578 n l’image de Tristan. Mais il ne trouvera pas. Il est Don Juan parce qu’on sait qu’il ne peut pas trouver, soit impuissance
579 Juan parce qu’on sait qu’il ne peut pas trouver, soit impuissance à se fixer, soit impuissance à se déprendre d’une image à
580 ne peut pas trouver, soit impuissance à se fixer, soit impuissance à se déprendre d’une image à lui-même secrète. Et de là v
581 ia, son rythme dionysiaque… Or si le don-juanisme est une passion de l’esprit, et non pas comme nous aimions le croire une
582 stinct, tout porte à supposer que cette passion n’ est pas toujours liée au sexe. Et même il faut se demander si la sensuali
583 aut se demander si la sensualité, précisément, ne serait pas le domaine où Don Juan se révèle le moins dangereux. (Appelons ic
584 es mœurs ont pour but de maintenir, cet équilibre étant d’ailleurs bon ou mauvais.) C’est que le désir de nouveauté et de cha
585 ffrir d’une dépense improductive. Certes Don Juan est un tricheur, et même il ne vit que de cela (La banque de pharaon étai
586 même il ne vit que de cela (La banque de pharaon était la grande ressource financière de Casanova : symbole dont il nous don
587 aintes fois la clé). Mais une tricherie constante est moins dangereuse que les faiblesses subites d’un honnête homme. On es
588 que les faiblesses subites d’un honnête homme. On est en garde, et l’on connaît le système, entièrement relatif aux règles
589 u d’espèces sonnantes. Alors la tricherie cesse d’ être une habileté vulgaire et profitable. Elle peut devenir l’acte héroïqu
590 re, par décret de rigueur subversive. Nietzsche s’ est dressé face au siècle. Et l’adversaire qu’il s’est choisi, c’est l’es
591 st dressé face au siècle. Et l’adversaire qu’il s’ est choisi, c’est l’esprit de lourdeur, notre poids naturel, notre facult
592 lle de retombement dans la coutume. L’immoraliste est , comme le moraliste, un ennemi vigilant de l’instinct : car s’il le g
593 caprice de l’esprit : il n’y a plus de vérité qui tienne . Les hommes se rendent ou tombent dans le doute à la première séducti
594 t tuer pour une vertu dont on ne sait plus quelle est la fin ? Et toutes ces vérités qu’ils respectaient, voyez comme elles
595 rendre à Dieu et à son Fils. Déjà « le Dieu moral est réfuté ». Que va dire l’Autre ? C’est dans la vie du Don Juan des vér
596 core l’aube de la terre. Personne n’a parlé. Dieu est mort ! De chaque idée, de chaque croyance, de chaque valeur, Nietzsch
597 e possession. Pourquoi s’attarderait-il ? Elles n’ étaient excitantes pour l’esprit que par la fausse vertu qu’on leur prêtait.
598 abuser de ses victimes. Mille et trois vérités se sont rendues, et pas une seule n’a su le retenir. Qu’importent les « contr
599 tenir. Qu’importent les « contradictions » ! Ce n’ est pas pour bâtir un système qu’il réfute, dénonce et détruit, c’est pou
600 horisme — fulgurations toujours décevantes : ce n’ est pas elle qu’il vient de posséder… Ô haine de leurs vérités faibles !
601 der… Ô haine de leurs vérités faibles ! La Vérité est morte ! Revivra-t-elle ? Car si ce Dieu est mort, à tout jamais, il n
602 érité est morte ! Revivra-t-elle ? Car si ce Dieu est mort, à tout jamais, il n’y a plus d’amour possible. Il faut inventer
603 sur le temps… Mais dans le temps, disait-il, Dieu est mort. Si Dieu est mort, c’est donc qu’il a vécu ? Dieu revivra éterne
604 dans le temps, disait-il, Dieu est mort. Si Dieu est mort, c’est donc qu’il a vécu ? Dieu revivra éternellement ! Ainsi Ni
605 amour. S’il gagne, c’est en violant la vérité des êtres . Nietzsche pose des valeurs qui détruisent les règles anciennes, mais
606 pourrons jamais que perdre. Alors : ou bien nous serons condamnés, ou bien nous recevrons notre grâce. Mais Nietzsche et Don
607 nu, me dit-elle, un homme marié avec lequel ayant été coquette en vain, il me dit en me quittant : Je vous ajoute à ma list
608 l n’avait pas eues par fidélité à la sienne. » Où est la tricherie ? Dans le défi, installé au cœur de la règle ?
13 1961, Comme toi-même. Essais sur les mythes de l’amour. Première partie — Dialectique des mythes I. Méditation au carrefour fabuleux
609 rrefour fabuleux Dans la forêt de Gribskov, il est un lieu nommé « le Coin des Huit-Chemins ». Seul le trouve celui qui
610 esse, car aucune carte ne l’indique. Son nom même est une contradiction, car comment le croisement de huit chemins publics
611 la trivialité, combien plus triviale encore doit être la rencontre de huit routes ! Pourtant, il en est bien ainsi : huit r
612 tre la rencontre de huit routes ! Pourtant, il en est bien ainsi : huit routes et quelle solitude ! … Tout près de là, un b
613 ’« Enclos fatal »… L’animation des huit chemins n’ est qu’une pure possibilité, — possibilité pour l’esprit. Car personne ne
614 couvre son Isolde. Pour l’un et l’autre la pensée est une passion, et l’expression totale de la passion ne peut être que mu
615 ion, et l’expression totale de la passion ne peut être que musicale. « Par la musique, les passions jouissent d’elles-mêmes.
616 n’a pu que rêver, que sa personne refuse, et qui est son Ombre. J’ai cherché bien longtemps le point de perspective d’où l
617 ne étape significative, — et « l’enclos fatal » n’ est pas loin, mais en même temps s’ouvrent des avenues… Ces carrefours « 
618 ues… Ces carrefours « qu’aucune carte n’indique » sont les lieux les plus émouvants, pour celui qui chevauche à l’aventure a
619 des grands bois du Nord de la Seeland, un soir d’ été , que les convives du Banquet se réunissent devant le seuil d’un pavil
620 ier de mon bonheur ! Car en vérité, cette pièce s’ est emparée de moi d’une façon si diabolique que je ne pourrai plus jamai
621 ité existentielle. La vie réelle de Kierkegaard s’ est qualifiée par son refus du mythe de Don Juan, tentation permanente et
622 . En voici l’argument condensé. Le christianisme, étant esprit, a posé dans le monde la sensualité. Parce qu’il l’excluait en
623 tanéité. La musique seule va s’y prêter. Car elle est un langage des sens, mais le sens de l’ouïe, plus que tout autre, est
624 ens, mais le sens de l’ouïe, plus que tout autre, est « déterminé par l’esprit ». La musique, au surplus, est, après la par
625 déterminé par l’esprit ». La musique, au surplus, est , après la parole, le médium le moins matériel de l’idée : elle n’exis
626 son « objet absolu », car « l’état d’âme sensuel est trop lourd et trop dense pour être porté par la parole ; seule la mus
627 t d’âme sensuel est trop lourd et trop dense pour être porté par la parole ; seule la musique peut l’exprimer ». Si Don Juan
628 ble et démoniaque, « déterminé par l’esprit comme étant ce que l’esprit exclut », l’expression de Don Juan ne peut être que m
629 esprit exclut », l’expression de Don Juan ne peut être que musicale. Et c’est pourquoi le seul Don Juan conforme au mythe24,
630 Voici son signalement selon Kierkegaard. Don Juan est une puissance, et non pas une personne : Quand Don Juan est conçu mu
631 ssance, et non pas une personne : Quand Don Juan est conçu musicalement, j’entends en lui tout l’infini, mais aussi la pui
632 e triomphe absolu de ce désir, triomphe auquel il serait vain de s’opposer. Si d’aventure la pensée s’attarde à l’obstacle, ce
633 que de s’y opposer réellement ; la jouissance en est accrue, la victoire est certaine et l’obstacle n’est qu’un stimulant.
634 lement ; la jouissance en est accrue, la victoire est certaine et l’obstacle n’est qu’un stimulant. Je trouve en Don Juan u
635 accrue, la victoire est certaine et l’obstacle n’ est qu’un stimulant. Je trouve en Don Juan une vie ainsi animée d’un démo
636 t et irrésistible, à la façon d’un élément. Telle est son idéalité dont je puis me réjouir tranquillement, parce que la mus
637 e ou individu, mais comme puissance.25 Don Juan est un mouvement, une tension pure, ou n’est plus rien. Lancé comme une p
638 Don Juan est un mouvement, une tension pure, ou n’ est plus rien. Lancé comme une pierre qui ricoche à la surface de l’eau,
639 n préparatif, d’aucun plan, d’aucun temps, car il est toujours prêt, l’énergie est constamment présente en lui et le désir
640 ’aucun temps, car il est toujours prêt, l’énergie est constamment présente en lui et le désir aussi. » Il n’étourdit pas Ze
641 ne rêverait pas de devenir malheureuse pour avoir été une fois heureuse avec Don Juan serait une pauvre fille. Don Juan est
642 se pour avoir été une fois heureuse avec Don Juan serait une pauvre fille. Don Juan est convaincu que « l’expression véritable
643 e avec Don Juan serait une pauvre fille. Don Juan est convaincu que « l’expression véritable de la femme consiste en sa vol
644 on véritable de la femme consiste en sa volonté d’ être séduite… C’est pourquoi elle ne se fâche jamais contre son séducteur,
645 otisme de Don Juan s’oppose à l’Éros antique, qui était psychique et non sensuel, « et c’est ce qui inspire cette pudeur qui
646 tois, essentiellement fidèle. « L’amour psychique est existence dans le temps, l’amour sensuel disparition dans le temps »,
647 rition dans le temps », d’où vient que la musique est son parfait médium. Pour Don Juan, « la féminité tout à fait abstrait
648 our Don Juan, « la féminité tout à fait abstraite est l’essentiel », l’individualité n’existe pas : il n’y aura jamais à se
649 is seulement répétition et multiplicité. Sa vie n’ étant qu’« une somme de moments distincts… une addition d’instants », Don J
650 raphie : le doter d’une enfance et d’une jeunesse fut l’erreur fatale de Byron. Il est le génie de l’instant. Ses conquêtes
651 t d’une jeunesse fut l’erreur fatale de Byron. Il est le génie de l’instant. Ses conquêtes sont sans histoire, « car le tem
652 yron. Il est le génie de l’instant. Ses conquêtes sont sans histoire, « car le temps lui manque ». « La voir et l’aimer sont
653 « car le temps lui manque ». « La voir et l’aimer sont une seule chose… et aussitôt tout est fini, puis cela se répète à l’i
654 et l’aimer sont une seule chose… et aussitôt tout est fini, puis cela se répète à l’infini. » Sans passé, sans mémoire (il
655 tatue de pierre du Commandeur. Mais le Commandeur est un esprit ! C’est même un revenant, donc un retour du passé. Il repré
656 on spirituelle du génie spontané de l’instant. Il est donc seul capable de dompter Don Juan, nulle puissance du monde n’en
657 on. Cette description du mythe par Kierkegaard n’ est pas seulement inspirée de Mozart : elle a pour but de démontrer que l
658 lle a pour but de démontrer que l’opéra de Mozart est le mythe pur, intégralement manifesté en chaque détail comme dans le
659 e Faust suppose une telle maturité d’esprit qu’il est naturel qu’il y en ait plusieurs conceptions », chacune pouvant être
660 y en ait plusieurs conceptions », chacune pouvant être « parfaite » pour une génération ; tandis que le Don Juan de Mozart,
661 lui-même (dont la pénétration proprement musicale est stupéfiante, Kierkegaard se disant lui-même un « amateur » sans aucun
662 en mouvement. Elle résonne partout ». Don Juan n’ étant pas caractère, mais puissance et vie, donc « absolument musical », le
663 olument musical », les autres personnages, qui ne sont que passions déterminées par Don Juan, sont dans cette mesure même mu
664 ui ne sont que passions déterminées par Don Juan, sont dans cette mesure même musicaux. « On peut arriver pendant la représe
665 . « On peut arriver pendant la représentation, on est immédiatement au centre, par ce que ce centre, qui est la vitalité de
666 mmédiatement au centre, par ce que ce centre, qui est la vitalité de Don Juan, se trouve partout. » Le seul personnage qui
667 . » Le seul personnage qui semble faire exception est naturellement le Commandeur, mais, d’une certaine manière (que précis
668 e (que précise l’analyse des thèmes musicaux), il est « placé en dehors de la pièce, ou il la circonscrit ». Comme le temps
669 la pièce, ou il la circonscrit ». Comme le temps est circonscrit par l’éternité. IIKierkegaard et Tristan Kierkegaar
670 rnité. IIKierkegaard et Tristan Kierkegaard fut pourtant le contraire d’un Don Juan. Dans ses rapports avec son œuvre
671 e, son action publique, et sa vocation finale, il fut Hamlet. Mais dans sa vie individuelle, dans son amour unique et longu
672 r unique et longuement malheureux pour Régine, il fut Tristan. Cependant, je n’ai trouvé dans tout son œuvre que de rares a
673 n, voire ce mutisme, et cette luxuriance verbale, est de ceux qui expriment à coup sûr les données essentielles d’une perso
674 p sûr les données essentielles d’une personne. Qu’ est -ce que Don Juan pour ce célibataire parfaitement libre de mener sa vi
675 e d’écrivain et sa vocation religieuse ? Don Juan est de toute évidence la figure de lui-même qui le tente le plus : c’est
676 e raison qui reste son secret dernier. Le mariage étant écarté, s’il choisit d’être anachorète, le séducteur devient son myth
677 dernier. Le mariage étant écarté, s’il choisit d’ être anachorète, le séducteur devient son mythe. Don Juan devient son ombr
678 il doit exalter et condamner sans cesse, car elle est lui autant que lui, mais elle est ce qu’il refuse en lui. Elle est ce
679 cesse, car elle est lui autant que lui, mais elle est ce qu’il refuse en lui. Elle est ce qu’il saurait être, exemplairemen
680 e lui, mais elle est ce qu’il refuse en lui. Elle est ce qu’il saurait être, exemplairement, s’il n’était pas ce qu’il subi
681 ce qu’il refuse en lui. Elle est ce qu’il saurait être , exemplairement, s’il n’était pas ce qu’il subit et souffre, et s’eff
682 est ce qu’il saurait être, exemplairement, s’il n’ était pas ce qu’il subit et souffre, et s’efforce de dépasser vers l’absolu
683 vers ce qu’il veut devenir selon l’esprit. Si tel est bien son mythe, son Éros virtuel, quelle est alors la forme actuelle,
684 tel est bien son mythe, son Éros virtuel, quelle est alors la forme actuelle, historiquement vécue, de son Éros ? C’est la
685 lue, dans le fait qu’il n’y a au monde qu’un seul être bien-aimé, et que cette « seule fois » de l’amour est l’amour, et que
686 bien-aimé, et que cette « seule fois » de l’amour est l’amour, et que la « seconde fois » n’est rien… Une fois est le tout
687 l’amour est l’amour, et que la « seconde fois » n’ est rien… Une fois est le tout absolu, et la seconde fois la ruine absolu
688 , et que la « seconde fois » n’est rien… Une fois est le tout absolu, et la seconde fois la ruine absolue de tout.30 Cert
689 comique de ce choix sans appel de la passion, qui est d’une importance capitale et qu’on ne peut faire « qu’à l’aveuglette 
690 L’amoureux passionné, dans son choix exclusif, n’ est -il pas « un pantin dont quelque chose d’inexplicable tire les ficelle
691 « la résolution, la résolution de la convoitise, est la pointe de l’existence ». Il faut choisir pour exister. Le Séducteu
692 e, et dans chaque femme réelle, c’est ce qui veut être séduit et qui ne peut l’être qu’une fois. Au contraire, le Mari, qui
693 e, c’est ce qui veut être séduit et qui ne peut l’ être qu’une fois. Au contraire, le Mari, qui prendra la parole dans la sec
694 r une seule femme et de l’épouser, car le mariage est cette décision qui « traduit l’exaltation en réalité. » Loin d’appauv
695 nce de la vie, elle peut seule y introduire. Elle est la décision par excellence, qui rend l’existence concrète. Par elle,
696 rée de jeu : « L’amour et l’inclination amoureuse sont tout à fait spontanés, le mariage est une décision ; vouloir se marie
697 amoureuse sont tout à fait spontanés, le mariage est une décision ; vouloir se marier, cela veut dire que ce qu’il y a de
698 veut dire que ce qu’il y a de plus spontané doit être en même temps la décision la plus libre… En outre, l’une de ces chose
699 guments philosophiques que la décision ne saurait être fondée dans l’argumentation. Rien d’étonnant si cet ouvrage ne convai
700 nt si cet ouvrage ne convainc guère : Kierkegaard est derrière les pseudonymes, exaltant un Don Juan qu’il refuse, mais qui
701 il refuse, mais qui demeure sa possibilité ; il n’ est pas derrière le Mari. Car celui-ci représente et défend l’impossibili
702 le reste de son œuvre. Admettons que l’amour vrai soit la passion unique et partagée. Pour être heureux, dans un mariage par
703 our vrai soit la passion unique et partagée. Pour être heureux, dans un mariage par exemple, cet amour devrait opérer le mir
704 eu un amour essentiellement malheureux. Cet amour serait même impossible hors du paradoxe de la foi, laquelle est un mouvement
705 e impossible hors du paradoxe de la foi, laquelle est un mouvement de passion, un saut. Toute communication directe de Dieu
706 rd « explique » sa conduite amoureuse, ou si ce n’ est pas plutôt l’inverse, — ne correspondrait à rien dans notre perspecti
707 et son œuvre indissociables ; et je vois qu’elle est disposée de telle manière que « l’esthétique » et le « religieux » y
708 anière que « l’esthétique » et le « religieux » y sont constamment homologues, tous les deux irrigués d’énergie passionnelle
709 l’éthique temporelle et autonome : La décision n’ est pas pouvoir de l’homme, de son courage, ni de son habileté… mais elle
710 me, de son courage, ni de son habileté… mais elle est un point de départ religieux ; si elle n’est pas cela, celui qui déci
711 elle est un point de départ religieux ; si elle n’ est pas cela, celui qui décide n’a été rendu fini que dans sa réflexion,
712 ux ; si elle n’est pas cela, celui qui décide n’a été rendu fini que dans sa réflexion, il n’a pas pris de vitesse l’inclin
713 pas pris de vitesse l’inclination amoureuse, mais est resté en cours de route, et une telle décision est trop misérable pou
714 st resté en cours de route, et une telle décision est trop misérable pour que l’inclination amoureuse ne la méprise et ne p
715 e ne reconnaît qu’une seule spontanéité comme lui étant égale par le rang, c’est la spontanéité religieuse.32 Ainsi, comme
716 ion. Je vois enfin que la personne de Kierkegaard est ce système qui se définit par la mise en tension et l’interdépendance
717  ; — enfin sa vocation exceptionnelle. Le mariage est interdit à celui qui doit être l’Exception : Au soldat qui monte la
718 onnelle. Le mariage est interdit à celui qui doit être l’Exception : Au soldat qui monte la garde aux frontières, est-il pe
719 n : Au soldat qui monte la garde aux frontières, est -il permis de se marier ? Un tel soldat ose-t-il — ceci soit dit dans
720 rmis de se marier ? Un tel soldat ose-t-il — ceci soit dit dans un sens spirituel — se marier, s’il doit jour et nuit se bat
721 rigands d’une mélancolie innée ?33 L’amour n’en est pas moins l’agent privilégié du progrès spirituel de « l’homme supéri
722  l’homme supérieur » — toutefois à condition de n’ être pas « heureux » : Grâce à une jeune fille, bien des hommes sont deve
723 eux » : Grâce à une jeune fille, bien des hommes sont devenus des génies, beaucoup des héros, beaucoup des poètes, beaucoup
724 des poètes, beaucoup des saints — mais pas un ne fut un génie par la jeune fille qu’il posséda, car par elle il ne devint
725 le il ne devint que conseiller d’État ; pas un ne fut un héros par la jeune fille qu’il posséda, car par elle il ne devint
726 car par elle il ne devint que général ; pas un ne fut poète par la jeune fille qu’il posséda, car par elle il ne devint que
727 car par elle il ne devint que père ; et pas un ne fut un saint par la jeune fille qu’il posséda, car il n’en posséda aucune
728 « entraîne » et transfigure dans la mesure où il est par essence malheureux, ce n’est pas l’Éternel féminin mystique du Se
729 la mesure où il est par essence malheureux, ce n’ est pas l’Éternel féminin mystique du Second Faust. C’est la passion dans
730 reparaît enfin ! ⁂ On sait assez que le paradoxe est la catégorie fondamentale de la pensée de Kierkegaard. Or voici ce qu
731 ion de la pensée, et les penseurs qui en manquent sont comme des amants sans passion, c’est-à-dire de piètres partenaires. M
732 s partenaires. Mais le paroxysme de toute passion est toujours de vouloir sa propre perte… C’est là le paradoxe suprême de
733 e rende qu’imparfaitement la situation. L’égoïsme est à l’origine du sentiment pour autrui, mais quand sa passion paradoxal
734 dans la passion de l’instant, et cette puissance est justement l’amour. Cette forme de pensée est tristanienne. Elle est
735 ce est justement l’amour. Cette forme de pensée est tristanienne. Elle est d’abord une forme d’existence. Elle s’illustre
736 r. Cette forme de pensée est tristanienne. Elle est d’abord une forme d’existence. Elle s’illustre dans les relations mal
737 écrit pour s’excuser d’un rendez-vous manqué : il est allé tout seul à la campagne, ce jour-là, « à Fredensborg où souvenir
738 ude de son cœur, « c’est alors seulement que nous sommes unis ».) Régine s’est mariée ailleurs. Le dernier appel qu’il ait ten
739 alors seulement que nous sommes unis ».) Régine s’ est mariée ailleurs. Le dernier appel qu’il ait tenté de lui adresser — p
740 — ne l’a pas atteinte. Une dernière fois, ils se sont rencontrés, mais par hasard, dans la rue. Elle l’a salué, et il a rép
741 Il mourut le 11 novembre de la même année. Régine était au-delà des mers, dans une autre île. Que cette forme d’amour nostalg
742 our-passion (ou amour poétique), qui élit un seul être bien-aimé, et l’amour du prochain (amour chrétien), dont le commandem
743 u prochain (amour chrétien), dont le commandement est d’aimer tous les hommes, sans distinction, non par sympathie élective
744 urrait confondre avec un sens social humanitaire, serait -il vraiment chrétien selon la conception kierkegaardienne ? Le dévelo
745 ntielle. Le sujet du « Tu dois aimer » ne saurait être , en effet, que l’Individu. Or on sait que cette catégorie kierkegaard
746 me isolé par l’esprit, — isolé de la foule, « qui est mensonge ». Et l’objet, le prochain — celui qu’il faut aider, selon l
747 aider, selon la parabole évangélique — ne saurait être à son tour que l’expression de l’esprit en tout homme. Seul donc celu
748 de l’esprit en tout homme. Seul donc celui qui s’ est connu et accepté en tant qu’esprit, celui qui de la sorte se trouve s
749 mer en l’autre, l’esprit qui crée l’Individu. Tel est le paradoxe proprement kierkegaardien. L’amour ne va pas de n’importe
750 ngué par l’esprit, à chacun de ceux, quels qu’ils soient , également existants par l’esprit. Mais ici, comment ne pas rappeler
751 versalise (paradoxalement !) et s’approfondit. Il est la signature de l’homme spirituel, distingué dans la foule anonyme, s
752 onguement écrit que Kierkegaard, mais son œuvre n’ est pas moins riche en jugements brefs, d’ailleurs effrontément contradic
753 ntément contradictoires, sur ces trois thèmes. Il est remarquable que les contradictions de Nietzsche offrent un raccourci
754 opiniâtrement la croyance que l’amour, bien qu’il soit une passion, est cependant susceptible de durer en tant que passion e
755 royance que l’amour, bien qu’il soit une passion, est cependant susceptible de durer en tant que passion et que l’amour à v
756 rer en tant que passion et que l’amour à vie peut être considéré comme la règle. Par cette ténacité d’une noble croyance, ma
757 nue malgré des réfutations si fréquentes qu’elles sont presque la règle, et qui en font par conséquent une pia fraus, l’inst
758 que, et même un risque plus qu’humain, le mariage est ici aux yeux de Nietzsche « une conception surhumaine qui élève l’hom
759 s l’optimum. Parmi les grands philosophes, lequel était marié ? Héraclite, Platon, Descartes, Spinoza, Leibniz, Kant, Schopen
760 Spinoza, Leibniz, Kant, Schopenhauer — ils ne le furent point ; bien plus, on ne pourrait même se les imaginer mariés. Un phi
761 hilosophe marié a sa place dans la comédie, telle est ma thèse ; et Socrate, seule exception, le malicieux Socrate, s’est s
762 Socrate, seule exception, le malicieux Socrate, s’ est semble-t-il marié par ironie, précisément pour démontrer la vérité de
763 Kierkegaard : « Toutes les grandes choses qui ont été faites par l’humanité antique tiraient leur force du fait que l’homme
764 qu’aucune femme ne pouvait élever la prétention d’ être pour l’homme l’objet de l’amour le plus proche et le plus haut, ou mê
765 ’Agapè maîtrise l’Éros, etc.38 L’Agapè dont il est ici question n’est encore pour les Grecs que l’amour désintéressé ; m
766 ros, etc.38 L’Agapè dont il est ici question n’ est encore pour les Grecs que l’amour désintéressé ; mais dans l’esprit d
767 que passion — notre spécialité européenne — doit être nécessairement d’origine noble. On sait que son invention doit être a
768 t d’origine noble. On sait que son invention doit être attribuée aux chevaliers-poètes provençaux, ces hommes magnifiques et
769 nifiques et ingénieux du gai saber à qui l’Europe est redevable de tant de choses et presque d’elle-même.39 Plus tard, ay
770 la volonté de combattre la violence d’un instinct est en dehors de notre puissance ». Dans le procès de maîtrise d’un insti
771 cès de maîtrise d’un instinct : … l’intellect n’ est que l’instrument aveugle d’un autre instinct, qui est le rival de cel
772 que l’instrument aveugle d’un autre instinct, qui est le rival de celui dont la violence nous tourmente, que ce soit le bes
773 de celui dont la violence nous tourmente, que ce soit le besoin de repos, ou la crainte de la honte et d’autres suites néfa
774 ités peu avant — ni l’amour qu’on invoque ici, ne sont , à parler proprement, des instincts. L’érotisme commence précisément
775 etzsche suggère comme un possible instinct rival, est la passion de l’âme par excellence. La lutte entre les deux « instinc
776 cellence. La lutte entre les deux « instincts » n’ est donc pas autre chose que la lutte entre les deux puissances de l’Éros
777 sique, les passions jouissent d’elles-mêmes. » Il est curieux de relever que Nietzsche, comme Kierkegaard, commence sa carr
778 the et de la musique dionysiaque. L’un et l’autre tiennent le langage pour impuissant à traduire l’essence de la musique, en laq
779 he en général « le but réel de la science », s’il est vrai que « la cause finale de la science est de rendre l’existence co
780 s’il est vrai que « la cause finale de la science est de rendre l’existence concevable ». Le mythe est une « image du monde
781 est de rendre l’existence concevable ». Le mythe est une « image du monde en raccourci » et, sans le mythe, « toute cultur
782 en raccourci » et, sans le mythe, « toute culture est dépossédée de sa force naturelle, saine et créatrice ; seul un horizo
783 tés de l’imagination… Les images du mythe doivent être les esprits tutélaires invisibles et omniprésents, propices au dévelo
784 uscite chez celui-là l’illusion que la musique ne soit qu’un admirable procédé, un inégalable moyen de donner la vie au mond
785 iberté auquel, en tant que musique en soi, il lui serait interdit d’oser se livrer avec une telle licence, sans la sauvegarde
786 sans cet auxiliaire unique, la parole et l’image fussent demeurées à jamais impuissantes à l’atteindre. Et c’est tout spéciale
787 et de la musique que le spectateur de la Tragédie est envahi de ce sûr pressentiment d’une joie suprême, à laquelle aboutit
788 s afin de pouvoir vivre avec nous-mêmes ! » Que s’ est -il passé entre-temps ? Sur la scène tout au moins — et l’on veut dire
789 e que Nietzsche exprime consciemment —, Tristan s’ est évanoui et Don Juan domine tout. Wagner n’est plus « mon noble compag
790 n s’est évanoui et Don Juan domine tout. Wagner n’ est plus « mon noble compagnon d’armes » mais « l’asphyxie par le rabâcha
791 loin de Bayreuth surtout — où l’auteur de Tristan est l’époux comblé de Cosima… — loin du Nord désormais détesté, Nietzsche
792 rit Aurore. « Presque chaque phrase de ce livre a été pensée et comme capturée dans les mille recoins de ce chaos de rocher
793 re partie de Zarathoustra, à « l’heure sainte » —  tiendra-t -il à préciser plus tard — où Richard Wagner meurt à Venise44. Que di
794 lleur, violent — ainsi nous veut la sagesse. Elle est femme… » Que dit Aurore ? « Il n’y a encore d’efficace contre l’amour
795 que, de candide, de cruel… L’amour dont la guerre est le moyen, dont la haine mortelle des sexes est la base.45 » Cet amour
796 re est le moyen, dont la haine mortelle des sexes est la base.45 » Cet amour dont Benjamin Constant a bien dit qu’il est de
797 Cet amour dont Benjamin Constant a bien dit qu’il est de tous les sentiments le plus égoïste, — l’amour « naturel » à la Do
798 Don Juan. Il y a plus. Le don-juanisme érotique n’ est guère pour Nietzsche qu’une image, voire un argument polémique, mais
799 venir réclameront le titre de « séducteurs ». Ils seront « curieux jusqu’au vice, chercheurs jusqu’à la cruauté, avec des doig
800 ts ! » Et leur morale, au-delà du bien et du mal, sera « la danse dans l’esprit.46 » Voici sans doute le texte capital :
801 nfin il ne lui reste plus rien à chasser, si ce n’ est ce qu’il y a d’absolument douloureux dans la connaissance, comme l’iv
802 on Juan de la connaissance s’interroge, et cela n’ est pas dans le droit fil du personnage. Ou bien veut-il aller plus outre
803 s-nous la possibilité d’un retour à la barbarie ? Serait -ce peut-être parce que la barbarie rendrait les hommes plus malheureu
804 rendrait les hommes plus malheureux qu’ils ne le sont  ? Hélas, non ! Les barbares de tous les temps avaient plus de bonheur
805 . — Mais c’est notre instinct de connaissance qui est trop développé pour que nous puissions encore apprécier le bonheur sa
806 ination a pris pour nous autant de charme et nous est devenue tout aussi indispensable que ne l’est, pour l’amoureux, l’amo
807 ous est devenue tout aussi indispensable que ne l’ est , pour l’amoureux, l’amour malheureux : à aucun prix il n’aimerait l’a
808 ner pour l’état d’indifférence ; — oui, peut-être sommes -nous, nous aussi, des amants malheureux. La connaissance s’est transf
809 s aussi, des amants malheureux. La connaissance s’ est transformée chez nous en passion qui ne s’effraie d’aucun sacrifice e
810 ssance peut faire périr l’humanité ? Qu’à cela ne tienne  ! « Cette pensée, elle aussi, est sans puissance sur nous. Le christi
811 Qu’à cela ne tienne ! « Cette pensée, elle aussi, est sans puissance sur nous. Le christianisme s’est-il donc effrayé d’idé
812 , est sans puissance sur nous. Le christianisme s’ est -il donc effrayé d’idées semblables ? La passion et la mort ne sont-el
813 ayé d’idées semblables ? La passion et la mort ne sont -elles pas sœurs ?48 » Au comble du défi, Don Juan vient de surprendre
814 dormi — Du fond d’un songe je m’éveille : Profond est le monde Et plus profond que le jour ne l’a cru. Profonde est sa doul
815 Et plus profond que le jour ne l’a cru. Profonde est sa douleur — Mais la joie plus profonde encore que la peine La douleu
816  ! — dans un suprême défi, et pour sombrer. Et ce sera bientôt l’aveu presque posthume, le dernier appel à Isolde, ce billet
817 t’aime ! signé : Dionysos. » Le Cas Wagner — qui est un dernier Anti-Tristan — venait d’être envoyé à l’impression. Dans
818 gner — qui est un dernier Anti-Tristan — venait d’ être envoyé à l’impression. Dans Aurore, je relis : « Que celui qui veut
819 i qui veut tuer son adversaire considère si ce ne serait pas là une façon de l’éterniser en soi-même ». ⁂ Le « cas Nietzsche »
820 ser en soi-même ». ⁂ Le « cas Nietzsche » n’a pas été tranché par la folie. Et personne n’en a mieux formulé les données qu
821 — ou bien Don Juan, ou bien le Tristan de la Foi. Était -ce vraiment la destinée de Nietzsche « d’échouer devant l’infini » ?
822 ristan, telle que je l’ai formulée ailleurs, doit être ici rappelée en quelques phrases : Considérons le Don Juan du théâtr
823 comme le reflet inversé de Tristan. Le contraste est d’abord dans l’allure extérieure des personnages, dans leur rythme. O
824 e une seule femme. Mais c’est la multiplicité qui est pauvre, tandis que dans un être unique et possédé à l’infini se conce
825 a multiplicité qui est pauvre, tandis que dans un être unique et possédé à l’infini se concentre le monde entier. Tristan n’
826 nfin tout se ramène à cette opposition : Don Juan est le démon de l’immanence pure, le prisonnier des apparences du monde,
827 s en plus décevante et méprisable — quand Tristan est le prisonnier d’un au-delà du jour et de la nuit, le martyr d’un ravi
828 taire au sens de la physique actuelle. Don Juan n’ est pas concevable sans Tristan, et sans lui n’eût pas vu le jour. Mais c
829 i l’un des deux prétend faire valoir sa vertu, ce soit au prix de l’exclusion d’autant plus radicale de l’autre. (Pire qu’un
830 ’autre. (Pire qu’un Don Juan, pire qu’un Tristan, seraient un Don Juan marié ou un Tristan coureur.) Enfin, pour la Psychologie,
831 te, la pensée et l’affectivité d’un même individu sont dissociées, Don Juan peut régir telle d’entre elles, Tristan telle au
832 uan ne remonte guère qu’à la Renaissance, et ne s’ est vraiment constituée qu’à la faveur du refoulement temporaire de la « 
833 apparaître l’antithèse de Tristan. Si Don Juan n’ est pas, historiquement, une invention du xviiie , du moins ce siècle a-t
834 la passion mortelle vers le milieu du xixe , s’il est d’abord le fait du romantisme, ne coïncide point par hasard avec l’es
835 sard avec l’essor de la passion nationaliste, qui est sa transposition au niveau politique51. Mais le nomadisme de Don Juan
836 veau politique51. Mais le nomadisme de Don Juan n’ est pas seulement cosmopolite et donc moderne. Les succès du héros, comme
837 . Les succès du héros, comme ceux de Casanova, ne sont pas seulement le fait d’un charme individuel. Des coutumes ancestrale
838 outumes ancestrales, oubliées depuis des siècles, sont subitement réactivées par sa qualité d’Étranger. À la question d’une
839 femme qu’il veut séduire : « Ah ciel ! Homme, qui es -tu ? » le Don Juan de Tirso de Molina répond : « Qui je suis ? Un hom
840 le Don Juan de Tirso de Molina répond : « Qui je suis  ? Un homme sans nom. » Cet homme sans nom, sans passé ni lendemain, c
841 les religions antiques et primitives : celui qui est assez saint ou assez fort pour oser assumer les périls supposés de l’
842 ’âme, perte de la mana. Ainsi le jus primæ noctis serait plutôt une sorte de devoir littéralement « religieux » du seigneur. D
843 e paysan Mazetto semble savoir un peu ce qu’il en est . En ce sens, uniquement, Don Juan procède d’un état de civilisation b
844 apparaît encore plus évidente. L’amour-passion n’ est ressenti dans sa pureté animique que par la prime adolescence. Il est
845 pureté animique que par la prime adolescence. Il est alors sentiment pur, douleur-joie pure, et ne sera plus jamais aussi
846 est alors sentiment pur, douleur-joie pure, et ne sera plus jamais aussi nettement distinct de toute autre douleur ou joie.
847 u joie. Le sentiment qu’expriment les troubadours est typiquement adolescent, et comme indépendant du sexe. S’il réussit à
848 dant du sexe. S’il réussit à se fixer sur un seul être , sans obstacles insurmontables, il conduit normalement au mariage, c’
849 tique des plus complexes, dont les termes de base sont le sexuel, le social et le sentimental. Supposons que la synthèse des
850 nt, et que la résultante de ce système d’échanges soit positive, pour l’une et l’autre des personnes composant le couple. Un
851 eut devenir plus ou moins stable, mais ne saurait être en aucun cas statique, au sens où la supposent la morale sociale et s
852 iale et ses lois laïques ou religieuses. Car elle sera bientôt soumise à l’épreuve imprévue de la durée, qui modifie nécessa
853 ive de chacun des trois termes, et cela chez deux être différents. (Calculez le nombre des combinaisons et des permutations
854 combinaisons et des permutations possibles : ce n’ est pas ici mon sujet, mais celui d’un traité du mariage.) Si au contrair
855 ire le sentiment, dans son essor vers le mariage, est arrêté par des obstacles insurmontables, qui sont généralement de nat
856 est arrêté par des obstacles insurmontables, qui sont généralement de nature sociale : ou bien il s’exalte et les nie — ou
857 s’emparent de lui. Dans les deux cas, le mariage est condamné : puisqu’il est la durée sociale, l’un des deux mythes pouss
858 les deux cas, le mariage est condamné : puisqu’il est la durée sociale, l’un des deux mythes pousse à le dépasser, l’autre
859 rencontres érotiques. De ce point de vue, Tristan serait un mari manqué pour avoir manqué le social et surcompensé cet échec p
860 sé cet échec par la passion ; tandis que Don Juan serait un Tristan manqué, pour avoir reculé à la fois devant le social et le
861 nt le social et le sentimental52. Mais comme il n’ est guère de mariage qui parvienne à maintenir sans crise une synthèse da
862 l’excès ou l’échec, la plupart des couples réels sont soumis dans leurs crises à l’action de l’un des deux. La morale et la
863 isent au divorce ou à l’électrochoc, il demande à être écouté : non comme médecin psychiatre, non comme prêtre, et non comme
864 ordonnatrice et dynamique qui pourrait aussi bien être la leur, exige une prise de conscience objective de leur véritable na
865 , ontogenèse —, c’est l’alternance des mythes qui est manifeste — leur interdépendance génétique et leur coexistence dialec
866 me d’une alternative que le drame s’impose, qu’il est vécu, et que la morale formule ses exigences. Or, on ne saurait tranc
867 s découvre essentiellement complémentaires. Ce ne serait plus alors d’un dilemme à trancher qu’il s’agirait, mais d’une tensio
868 vital… VSens final des deux mythes Quelles sont les fins de nos vies au-delà de survivre, travailler et gagner de l’a
869 urvivre, travailler et gagner de l’argent, qui ne sont au vrai que des moyens ? Limitons-nous aux quatre que voici : la duré
870 cherchera le drame et l’autre la surprise. Que ce soit par dépit devant leur impuissance à intégrer l’amour dans l’existence
871 n, l’autre Don Juan. Don Juan nous chante qu’il n’ est heureux que dans l’instant, la nouveauté et le changement, et qu’il n
872 de ses apologistes53, qui ajoute aussitôt : « Il est heureux jusque dans les échecs de sa chasse, puisque son plaisir est
873 dans les échecs de sa chasse, puisque son plaisir est dans la chasse plus que dans la prise. » L’excitation de la chasse lu
874 a chasse lui suffit donc, et, l’on insiste : elle est même pour lui « l’essentiel ». Cet instinct « naturel du mâle » serai
875 « l’essentiel ». Cet instinct « naturel du mâle » serait aussi un « instinct raisonnable ». (Saluons au passage cette nouveaut
876 e plus raisonnable que de la cueillir aussi. » Il est vrai que Don Juan « raisonne » ainsi, en chacun de nous à ses heures.
877 s à ses heures. C’est qu’il oublie qu’une femme n’ est pas une pomme. Et qu’elle en voudra mortellement à celui qui ne l’aur
878 rtellement à celui qui ne l’aura pas « prise », s’ étant contenté de la « goûter ». Dona Anna poursuit Don Juan de sa haine, p
879 part, le « divin » ramené à l’humain, et l’âme n’ étant plus confondue avec l’esprit ou la personne, le sens est clair : le r
880 s confondue avec l’esprit ou la personne, le sens est clair : le refus de la durée, chez Don Juan, équivaut au refus de la
881 au moins ; et l’on n’en finit pas si vite ! Il n’ est que juste d’observer d’ailleurs que le Don Juan mangeur de pommes, qu
882 peu court. Il n’accédera jamais à l’érotisme, qui est dépassement de l’instinct et des faims animales. Il n’intéresse pas p
883 r l’esprit. Il nous rappelle aussi que la durée n’ est pas seulement la réalité du couple, mais celle de l’objet désiré. La
884 l veut échapper à la souffrance, et la souffrance est liée au temps et à l’espace, qui modifient, distinguent et séparent —
885 ut l’éternité, veut la profonde éternité ». Telle est la forme de son évasion, de son refus de la durée incarnée. Il veut p
886 sure de répondre. Si notre incarnation présente n’ est que souffrance et illusion — souffrance à cause de l’illusion, dit le
887 st Tristan qui a raison contre le mariage. S’il n’ est pas d’autre vie ni d’autre réalité qu’historique, matérielle et biolo
888 ’historique, matérielle et biologique, le mariage est un devoir civique, et Don Juan serait alors la liberté, un reflet inv
889 ue, le mariage est un devoir civique, et Don Juan serait alors la liberté, un reflet inversé de l’esprit que l’on nie. On peut
890 que l’on nie. On peut aussi penser que le mariage est « la plénitude du temps », comme le dit le Mari de Kierkegaard, la sy
891 rnité. Celui qui a résolu ce problème dans sa vie est seul en mesure de condamner Don Juan et Tristan à la fois ; mais il n
892 sion : l’argument du bonheur sert à tous. Et ce n’ est pas une raison pour qu’il soit faux. Il n’en fait pas moins ricaner c
893 ert à tous. Et ce n’est pas une raison pour qu’il soit faux. Il n’en fait pas moins ricaner ceux que l’ennui, la satiété, la
894 ou la vulgarité d’esprit et d’âme — ces deux cas sont les plus généraux — empêchent de jouer un rôle « heureux » dans le ma
895 éussi, d’éprouver à l’endroit des deux autres : j’ étais né pour ceci ou pour cela (le contraire de ce que je suis en train de
896 pour ceci ou pour cela (le contraire de ce que je suis en train de vivre), j’ai toujours rêvé de…, si je pouvais refaire ma
897 pouvais refaire ma vie… Mais rêver d’autre chose est normal. Une certaine dualité est normale, dans la mesure où elle ne f
898 er d’autre chose est normal. Une certaine dualité est normale, dans la mesure où elle ne fait que traduire la formule même
899 ue, biologique et physique. En effet, nulle vie n’ est concevable hors de la tension permanente, voire de la lutte (latente
900 is également à l’œuvre dans le cytoplasme, où ils sont les agents d’induction de la synthèse des protéines. Tant que les deu
901 n de la synthèse des protéines. Tant que les deux sont à l’œuvre, la cellule fonctionne bien, son régime d’échanges et de sy
902 ionne bien, son régime d’échanges et de synthèses est créateur : on pourrait dire qu’elle est « heureuse ». Mais voici qu’u
903 synthèses est créateur : on pourrait dire qu’elle est « heureuse ». Mais voici qu’un virus y pénètre : elle le digère, le d
904 le le digère, le désintègre et l’assimile, — il n’ est plus là, matériellement. Et puis, quelques minutes ou quelques heures
905 dans le programme d’activité dont ses chromosomes sont porteurs) qui se met à fabriquer le virus disparu —jusqu’à ce qu’elle
906 la contagion dans un organe. Mais après tout, qu’ est -ce qu’un virus ? Voilà le point. Un virus est un composé de substance
907 qu’est-ce qu’un virus ? Voilà le point. Un virus est un composé de substances analogues à celles de la cellule, sauf en ce
908 renferme qu’un seul des acides nucléiques. À cela tient toute sa nocivité. (Notons aussi que le virus ne peut se propager et
909 n couple, cette « cellule sociale » : son bonheur sera conditionné par la présence des deux tendances antagonistes, et sa du
910 ence des deux tendances antagonistes, et sa durée sera le produit des synthèses qu’elles induisent en permanence. Qu’un seul
911 nt du couple. Si au contraire l’âme résiste, elle sera désormais immunisée. Ou bien encore, l’effet nocif du mythe est simpl
912 immunisée. Ou bien encore, l’effet nocif du mythe est simplement mis en latence, mais demeure susceptible de ressusciter so
913 n s’en doute, la nature en soi de nos mythes, qui sont phénomènes de l’âme. Mais elle nous aide à mieux imaginer le processu
914 ô éternité ! ») Une certaine dialectique formelle étant commune à tous les phénomènes qui relèvent de la vie en général, pour
915 ssi d’une manière formellement analogue, quel que soit le niveau de la vie considéré ? Je ne citerai — et en passant — qu’un
916 dialectique à la vie politique. Le totalitarisme est caractérisé par sa prétention unitaire et son refus de composer avec
917 i le distingue de tout autre régime — quelles que soient ses ressemblances avec plusieurs d’entre eux — c’est, d’une manière p
918 isse vous paraître, je crois que le totalitarisme est un virus, et si vous l’attrapez, vous n’y pourrez plus rien. » Je ne
919 ’orchestre multiplie les appels au plaisir. (Nous sommes maintenant dans le palais.) Brusquement tout s’arrête à l’entrée du T
920 ette liberté seule nous intéresse ; les autres ne sont guère que revendications déterminées dans l’homme par son « emploi »
921 c pas de liberté ? Ou bien la seule vraie liberté serait -elle dans le défi du Libertin à tout ce que le commun des hommes tien
922 fi du Libertin à tout ce que le commun des hommes tient pour vrai, nécessaire et sacré ? Lorsque les croisés se heurtèrent e
923 mbole, le principe essentiel dont la connaissance était réservée aux esprits supérieurs, seuls dépositaires de cet ultime sec
924 seuls dépositaires de cet ultime secret : Rien n’ est vrai, tout est permis. C’était là de la vraie liberté d’esprit, une p
925 ires de cet ultime secret : Rien n’est vrai, tout est permis. C’était là de la vraie liberté d’esprit, une parole qui metta
926 loin, on ne peut aller plus haut — mais peut-être est -ce aller trop haut — dans la défense et dans l’illustration du libert
927 rit, contre la liberté chrétienne d’une part, qui est obéissance au Révélé, et d’autre part contre l’ascèse scientifique, q
928 et d’autre part contre l’ascèse scientifique, qui est elle aussi, à sa manière, une foi dans le vrai objectif, une obéissan
929 a liberté que Nietzsche veut aimer cessera vite d’ être désirable quand il aura tué la vérité elle-même : pas de « vraie » li
930 e « petit faitalisme » scientifique — le « Rien n’ est vrai, tout est permis » est une connaissance réservée, un savoir reli
931 lisme » scientifique — le « Rien n’est vrai, tout est permis » est une connaissance réservée, un savoir religieux et un sym
932 tifique — le « Rien n’est vrai, tout est permis » est une connaissance réservée, un savoir religieux et un symbole mystique
933 n savoir religieux et un symbole mystique. « Tout est permis », déclare saint Paul. « Aime et fais ce que tu veux », dit Au
934 de l’islam après eux. Cette connaissance ne peut être obtenue par un défi à la morale courante, ni même par une révolte con
935 ntre la Loi, à laquelle tous les vrais spirituels sont « morts… de sorte qu’ils servent dans un esprit nouveau, non selon la
936 lettre.57 » Cette liberté seule « vraie » ne peut être le terme d’aucune espèce de revendication, nécessairement tournée ver
937 , vers les vérités constituées : car celles-ci ne sont pas « vraies » (si elles sont souvent utiles) et leur renversement ne
938  : car celles-ci ne sont pas « vraies » (si elles sont souvent utiles) et leur renversement ne suffirait pas à révéler la Vé
939 liberté suppose donc une libération. Libération est la voie de Tristan. Sa passion veut aimer sans limites au-delà des fo
940 el où l’amant et l’aimée se confondent en un seul être , dans le règne sans fin de l’Amour sans réveil. Là, rien n’est plus n
941 règne sans fin de l’Amour sans réveil. Là, rien n’ est plus ni vrai ni faux, ni tien ni mien, ni séparé ni interdit, dans l’
942 îmer Inconscient Joie suprême58 ! Mais si le moi est dépassé, qui est libre ? Et qui peut encore aimer qui ? C’est dans l’
943 Joie suprême58 ! Mais si le moi est dépassé, qui est libre ? Et qui peut encore aimer qui ? C’est dans l’énigme jamais rés
944 de ce nirvana romantique (où le Souffle du Monde est encore une « tourmente » !) que nous laissent les dernières mesures d
945 an, si le dernier obstacle qui nourrit sa passion est dans le moi distinct, et si ce moi doit s’abîmer dans l’inconscient t
946 chain. Don Juan et Tristan, symboles de l’âme, ne sont en fait que deux manières d’aimer sans aimer le prochain. N’étant pas
947 e deux manières d’aimer sans aimer le prochain. N’ étant pas des personnes, mais des puissances, ils ne sauraient s’aimer eux-
948 ances, ils ne sauraient s’aimer eux-mêmes, ce qui est la condition de l’amour d’un autre, et donc de tout amour réel : car
949 ne sait plus où se prendre. Tout amour véritable est relation réciproque. Cette relation s’établit tout d’abord à l’intéri
950 térieur de chaque personne, entre l’individu, qui est l’objet naturel, et la vocation qu’il reçoit, sujet nouveau, — et tel
951 la vocation qu’il reçoit, sujet nouveau, — et tel est l’amour de soi-même. Elle s’établit ensuite à l’intérieur du couple,
952 n entre le couple et la communauté humaine. Telle est la plénitude de l’amour — et sa rareté merveilleuse ! Mais nos arts d
953 aucune carte n’indique, une conclusion que l’on n’ était pas sans pressentir dévoile enfin son visage ambigu. Les deux mythes
954 prestigieux de l’amour que l’on rêve en Occident sont en réalité deux négations de l’amour vrai dans le mariage, bien qu’il
955 s de l’amour vrai dans le mariage, bien qu’ils en soient inséparables : ils sont nés de lui, contre lui, et ne pourraient se p
956 mariage, bien qu’ils en soient inséparables : ils sont nés de lui, contre lui, et ne pourraient se perpétuer sans lui. Mais
957 le, ou devenue telle dans notre évolution. Ils ne sont pas seulement nos tentations majeures, mais des signes chargés de sen
958 pagner dans l’ombre, et nous savons que le moment est venu de virer de cap, ou bien d’affronter la tempête et les orages dé
959 l’amour, sitôt qu’il se ramène en soi, cessant d’ être un échange vivant. Enfin tous les deux ont raison contre nos morales
960 ion, personne, et la vie même. Mais sans eux, que seraient nos amours ? 23. Nietzsche, Par-delà le bien et le mal, n° 106.
961 que les Don Juan de Molière, de Heiberg, de Byron sont à cet égard loin de compte. 25. Ou bien… ou bien, « Les stades de l
962 as », discours de Johannes le Séducteur. Casanova serait beaucoup plus conforme au type donjuanesque selon Kierkegaard — sinon
963 que du personnage de Casanova. Certes, Casanova n’ est pas impie, n’est pas démon, ne provoque ni Dieu ni les hommes. Il n’e
964 de Casanova. Certes, Casanova n’est pas impie, n’ est pas démon, ne provoque ni Dieu ni les hommes. Il n’est pas révolution
965 as démon, ne provoque ni Dieu ni les hommes. Il n’ est pas révolutionnaire, et n’est pas non plus grand seigneur. Il est tri
966 ni les hommes. Il n’est pas révolutionnaire, et n’ est pas non plus grand seigneur. Il est tricheur, vulgaire, catholique à
967 onnaire, et n’est pas non plus grand seigneur. Il est tricheur, vulgaire, catholique à bon compte mais pas athée, occultist
968 ntiel. Mais quoi ! Don Juan n’a jamais existé, il est un mythe ; et la plus grande différence entre Casanova et le mythe, c
969 eule lacune, presque incroyable : Kierkegaard n’y est pas même nommé), je trouve ces formules adroitement balancées : « Don
970 mules adroitement balancées : « Don Juan et Faust sont des gémeaux mythiques… moitiés complémentaires d’un être double… Don
971 s gémeaux mythiques… moitiés complémentaires d’un être double… Don Juan est intelligent, épris de clair savoir, il a une têt
972 oitiés complémentaires d’un être double… Don Juan est intelligent, épris de clair savoir, il a une tête faustienne, Faust e
973 de clair savoir, il a une tête faustienne, Faust est voluptueux, désireux d’amour, il a des sens et un cœur donjuanesques…
974 ur, il a des sens et un cœur donjuanesques… Faust est l’intelligence de Don Juan ; Don Juan est l’érotisme de Faust… Le rom
975 … Faust est l’intelligence de Don Juan ; Don Juan est l’érotisme de Faust… Le romantisme conclura que Don Juan et Faust che
976 ore, n° 27. 36. Généalogie de la Morale, « Quel est le sens de tout idéal ascétique ? », 7. 37. Aurore, n° 503. 38. L
977 uanesque. À l’autre extrême, le général de Gaulle est tristanien dans son nationalisme. Son Iseut, c’est la France, il est
978 son nationalisme. Son Iseut, c’est la France, il est bien près de le dire en plus d’une page de ses mémoires, et pas seule
979 ée à une destinée éminente et exceptionnelle », —  fût -ce à « des malheurs exemplaires ». Il l’a longtemps aimée de loin, da
980 vrée de haute lutte en terrassant le géant qui la tenait captive et qui exigeait son tribut de jeunes gens (Minotaure-Morholt-
981 œuré par l’intrigue des barons félons. Certes, il est revenu à son appel. Mais la vraie passion tristanienne se nourrit de
982 nt faire défaut. Entre la France et lui, quand il était le plus fort — Tristan plus fort que le roi Marc —, n’a-t-il pas dépo
983 vit de façon plus frivole, plus insolente, que l’ être sans idéal », observe Nietzsche. (Par-delà… n° 133). 53. H. de Month
984 a Anna, si elle déclare sa haine pour Don Juan, n’ est pas pressée d’épouser Don Ottavio… 55. Mon Journal d’Allemagne ne
14 1961, Comme toi-même. Essais sur les mythes de l’amour. Première partie — Dialectique des mythes II. Les deux âmes d’André Gide
985 r le sien ? Une réponse positive à cette question serait bien faite pour confirmer, par recoupement, mes essais de mythanalyse
986 39 où, dans le hall de la rue Sébastien-Bottin, j’ étais en train de téléphoner, quand je le vois descendre l’escalier. Je par
987 main, très tôt, nous arrivons chez lui. Le studio est vaste et plaisant, agrémenté d’un escalier conduisant à une large gal
988 e balance en regardant nos valises. « Tout cela s’ est arrangé si soudainement, dit-il, c’est inquiétant… Cela me ferait pre
989 ites-moi, quand on saura que vous habitez ici, qu’ est -ce qu’on va dire ?… » Et il répète, à travers ses dents serrées : « Q
990 Et il répète, à travers ses dents serrées : « Qu’ est -ce qu’on va dire ?… » avec un sourire inquisiteur. Je me garde de rép
991 a « critique dogmatique » des grandes époques, ne sont plus que mensonges à ses yeux dès que l’on passe à l’ordre spirituel.
992 la morale ? « En somme, lui dis-je, vous vous en tenez au protestantisme libéral de la fin du xixe siècle ? » — « Oui, c’es
993 ation s’engage sur L’Amour et l’Occident , qu’il est en train de lire59, et dont il me déclare, à ma profonde surprise, qu
994 plaisir. Il croyait que « l’amour hétérosexuel » était d’autant plus pur que rien de charnel ne s’y mêlait60. « C’est ainsi
995 charnel ne s’y mêlait60. « C’est ainsi que je me suis complètement blousé ! », répète-t-il en accentuant, circonflexant le
996 . » Plusieurs, mariées, lui ont confié « qu’elles tenaient la libido de leur mari pour quelque chose de morbide. Cela recommence
997 . » Il hoche la tête, trouve cela très curieux, n’ est -ce pas ? — un éclair de malice au coin de l’œil. Puis il a quelques p
998 ir… On se trompe ainsi, et les conséquences… J’ai été assez bête pour croire cela ! Il ne faut jamais croire ce qu’elles no
999 t ce qui concerne intimement sa femme — « le seul être , dit-il, que j’aie vraiment aimé » — tous ces passages ont été coupés
1000 que j’aie vraiment aimé » — tous ces passages ont été coupés. On les lira plus tard. Il les a recopiés dans deux cahiers gr
1001 plus souvenir d’aucune conversation qui mérite d’ être rapportée, j’entends : qui modifie le moins du monde l’image que l’on
1002 e hasard. J’avais écrit, dernière question : « Qu’ est -ce que le style ? » Catherine, sa fille, lut sa dernière réponse : « 
1003 lors que le christianisme, l’Église et l’Évangile furent ses constants sujets d’irritation, de ferveur ou de nostalgie ? Le pa
1004 ation, de ferveur ou de nostalgie ? Le paradoxe n’ est qu’apparent. Qu’on n’oublie pas sa formation chrétienne ; ses lecture
1005 igion à la morale ? Je pense plutôt que la morale était le lieu de son vrai drame, et qu’il ne pouvait approcher la religion
1006 n credo. J’en donne la preuve : avoir la foi sans être saint lui paraissait la tricherie même, tandis qu’il eût admis la sai
1007 chrétien ni hindou, sans mystique ni mystère ? Ne serait -il pas un homme tout à fait plat, réduit à quelques partis pris éthiq
1008 ntre l’éthique et la mystique, mais qui souvent n’ est qu’un concept bâtard, engendré par le romantisme. Gide recherchait pl
1009 isme. Gide recherchait plutôt la rectitude, qu’il tenait pour la vérité. Il lui arrivait ainsi de s’arrêter à la logique exoté
1010 n élan pour caramboler des symboles, où Valéry se fût poliment récusé, Gide objectait, déduisait, s’émouvait… Peu d’écrivai
1011 l croyait à l’homme individuel, et cette croyance est née de la synthèse du christianisme. Elle n’existe pas hors de lui, e
1012 hristianisme. Elle n’existe pas hors de lui, et n’ est pas explicable sang lui. (Je ne dis pas qu’elle soit chrétienne pour
1013 t pas explicable sang lui. (Je ne dis pas qu’elle soit chrétienne pour autant.) Gide était individualiste. Savons-nous encor
1014 is pas qu’elle soit chrétienne pour autant.) Gide était individualiste. Savons-nous encore mesurer le sens et la portée de ce
1015 er mais de légitimer sa différence, on ne pouvait être plus occidental. On ne pouvait être moins mystique au sens des religi
1016 on ne pouvait être plus occidental. On ne pouvait être moins mystique au sens des religions traditionnelles, au sens du myth
1017 bien : je constate simplement le phénomène. Je ne tiens pas la foi pour une vertu plus que l’absence de foi pour une preuve d
1018 onnel n’ont rien à voir avec la bienséance, et ne sont pas de l’ordre des mérites. Et c’est pourquoi il est écrit : « Ne jug
1019 pas de l’ordre des mérites. Et c’est pourquoi il est écrit : « Ne jugez pas ! ». J’avoue que je comprends mal, ou plutôt q
1020 siècle. Elles relèvent de l’esprit de parti, qui est le contraire de l’amour du prochain. Elles ne sont ni chrétiennes ni
1021 est le contraire de l’amour du prochain. Elles ne sont ni chrétiennes ni simplement honnêtes. « Le Seigneur seul connaît les
1022 eul connaît les siens », dit l’Écriture : si l’on est chrétien, qu’on croie cela, laissant aux incroyants le droit de mieux
1023 nt aux incroyants le droit de mieux savoir. Et qu’ est -ce que cela peut bien nous faire ? Sinon nous servir d’argument et no
1024 n de plus vient renforcer notre parti, et qu’il n’ est pas le premier venu. C’est usurper la place du Juge, ou mêler vanités
1025 lque chose, c’est justement le totalitarisme, qui est l’esprit de parti logiquement développé. Et d’abord dans la religion.
1026 bord dans la religion. Le vrai croyant demain, ne sera-t -il pas celui qui osera dire : « Je ne crois pas ! » quand l’État cont
1027 mme invoquera les nécessités de l’Histoire ? Il n’ est pas de vraie foi sans vrai doute, plus qu’il n’est de lumière sans om
1028 st pas de vraie foi sans vrai doute, plus qu’il n’ est de lumière sans ombre. Et je n’entends pas dire que Gide fut un croya
1029 ère sans ombre. Et je n’entends pas dire que Gide fut un croyant, mais il reste un douteur exemplaire. Un cas-limite
1030 a lecture de L’Amour et l’Occident n’avait-elle été que le prétexte — ou la motivation réelle ? Gide avait-il seulement c
1031 mais dont la persistance à travers toute une vie est attestée par la publication posthume de fragments du Journal intime,
1032 er livre de Gide, toutes les « notes » de Tristan sont manifestes. L’amour est lié à la séparation des deux amants : la mère
1033 les « notes » de Tristan sont manifestes. L’amour est lié à la séparation des deux amants : la mère d’André Walter s’est op
1034 ration des deux amants : la mère d’André Walter s’ est opposée à son amour pour Emmanuèle ; celle-ci épouse un certain T., d
1035 use un certain T., dont on ne sait rien, et qui n’ est là, visiblement, que pour tenir le rôle obligé du roi Marc. L’extrême
1036 sait rien, et qui n’est là, visiblement, que pour tenir le rôle obligé du roi Marc. L’extrême de la séparation étant la mort,
1037 le obligé du roi Marc. L’extrême de la séparation étant la mort, Emmanuèle devra mourir, et André note (dans un projet de rom
1038 c il la possède… Tant que le corps vivra, l’amour sera contraint, mais aussitôt la mort venue, l’amour triomphera de toutes
1039 volontaire conscience de son évanouissement ; ce serait comme un néant voluptueusement perceptible63 ». La femme aimée est id
1040 t voluptueusement perceptible63 ». La femme aimée est idéale : c’est « Béatrice », c’est l’éternelle fiancée, c’est « une D
1041 e de le répéter : il faudrait dire l’ange ». Elle est donc l’Ange, mais en même temps le « but » de l’ange, « l’essor de l’
1042 nge, « l’essor de l’ange » chez son amant. Elle n’ est jamais un moi distinct, indépendant, aimé dans sa réalité, mais une p
1043 vre avec celle qu’il aime. Tous les prétextes lui seront bons pour éviter le mariage, la vie commune ; et faute d’obstacles ex
1044 se passent : le mariage auquel rien ne s’oppose64 est d’abord retardé par des scrupules étranges (qu’on nommera puritains p
1045 a puritains pour la simple raison que les fiancés sont protestants) ; puis, quand il sera conclu — trop tard, naturellement 
1046 ue les fiancés sont protestants) ; puis, quand il sera conclu — trop tard, naturellement — il ne sera jamais consommé. Les v
1047 il sera conclu — trop tard, naturellement — il ne sera jamais consommé. Les voyages du mari et la « fragile » santé de la fe
1048 er la loi non de la morale mais du mythe : car il est inconcevable à jamais que Tristan et Iseut se marient et s’ils le fon
1049 Iseut se marient et s’ils le font pourtant, ce ne sera qu’apparence. La vérité particulière de leur amour interdit cette réa
1050 cu : séparés l’un de l’autre et s’aimant65. Telle est la mystérieuse complicité de la vie contingente et du mythe : mystéri
1051 dans le sens du mythe. Comme Kierkegaard, Gide s’ est plaint très souvent d’une « écharde dans la chair » qui, pensait-il,
1052 e blanc. Mais justement le mythe existe, le mythe est là, dans cette complicité des circonstances, dans ce complot semblabl
1053 uan « Bondir à l’autre extrémité de soi-même » étant l’un des mouvements les plus typiques de Gide66, considérons en lui s
1054 admettre. Il prétend tout d’abord que sa doctrine est justifiée par la religion de Gide : « L’Évangile y mène, dit Euclide 
1055 sme, qui évoquerait l’infidélité — et ce scrupule est tristanien — la « disponibilité », qui a je ne sais quel relent de ch
1056 l’autre, caractéristiques de Don Juan. « Gide ne tient pas en place — note Jean Paulhan. Il préfère la chasse à la prise ».
1057 .68 » Ces fantaisies ou ces phantasmes voluptueux sont le fait d’un tempérament plus excitable que bien maîtrisé : « Pour mo
1058 voici le trait final, décisif : le désir pur doit être sans amour. (Donc l’amour pur doit être sans désir). Dans Si le grain
1059 pur doit être sans amour. (Donc l’amour pur doit être sans désir). Dans Si le grain ne meurt, à la page où il décrit sa pre
1060 a en tant d’autres pages de son œuvre : « Ma joie fut immense et telle que je ne la pusse imaginer plus pleine si de l’amou
1061 e la pusse imaginer plus pleine si de l’amour s’y fût mêlé. Comment eût-il été question d’amour ? Comment eussè-je laissé l
1062 pleine si de l’amour s’y fût mêlé. Comment eût-il été question d’amour ? Comment eussè-je laissé le désir disposer de mon c
1063 aissé le désir disposer de mon cœur ? Mon plaisir était sans arrière-pensée et ne devait être suivi d’aucun remords.69 » C’es
1064 on plaisir était sans arrière-pensée et ne devait être suivi d’aucun remords.69 » C’est de cette « joie immense » que Gide v
1065 n ne désire pas : ce drame de la vie d’André Gide est celui d’une dissociation presque totale de la personne, et qui l’a li
1066 personnage romanesque. Dans quelle mesure peut-on tenir Gide pour responsable de cette « inhabileté foncière à mêler l’esprit
1067 foncière à mêler l’esprit et les sens70 » dont il fut dès le début très conscient ? Il en a tiré le meilleur de sa création
1068 uis je les ai tant séparés que maintenant je n’en suis plus le maître ; ils vont chacun de leur côté, le corps et l’âme. Ell
1069 emble, qu’on fasse converger leurs poursuites… ». Est -ce bien lui, cependant, qui les a séparés, jusqu’à n’en être plus le
1070 n lui, cependant, qui les a séparés, jusqu’à n’en être plus le maître — l’un devenant la proie de « Tristan » et l’autre de
1071 e « Tristan » et l’autre de « Don Juan » ? A-t-il été victime des dieux, j’entends des mythes ? Ou d’une originelle erreur
1072 t de la morale puritaine ? La troisième hypothèse est la plus vraisemblable à première vue. « Mon éducation puritaine avait
1073 e mystiquement, à celle de ma mère, sans que j’en sois très étonné. Les contours des visages ne sont pas assez nets pour me
1074 ’en sois très étonné. Les contours des visages ne sont pas assez nets pour me retenir de passer de l’une à l’autre… bien plu
1075 ve la substitution.73 » Élevé par des femmes qui furent toutes, nous dit-il, « d’admirables figures chrétiennes » — sa mère,
1076 fuite, il recourt au moyen d’Ulysse : — « Je n’y suis pas. Je ne suis personne ! » Devant l’imminence du péril tapi tout pr
1077 rt au moyen d’Ulysse : — « Je n’y suis pas. Je ne suis personne ! » Devant l’imminence du péril tapi tout près du seuil de s
1078 s du seuil de sa conscience, il se scinde en deux êtres distincts : le Monstre ne le trouvera plus ! Il ne saura plus où le p
1079 ouvera plus ! Il ne saura plus où le prendre ! Je suis Tristan, voyez mon âme, c’est un ange. Je suis Don Juan, voyez mon co
1080 Je suis Tristan, voyez mon âme, c’est un ange. Je suis Don Juan, voyez mon corps, bête innocente… Ce qui se traduit en terme
1081 esque inconscients, cela va sans dire, et dont il sera le premier surpris lorsqu’il en trouvera beaucoup plus tard la clef74
1082 mère reste permis, tant que le « désir charnel » est inhibé. 2° En revanche, désirer les corps brunis de jeunes « vauriens
1083 de jeunes « vauriens » qu’on ne reverra jamais n’ est certes pas bien vu dans « nos milieux », mais du moins ne viole pas l
1084 nterdit. Cette grande audace de notre immoraliste est le type même de la demi-mesure, du compromis d’ailleurs vital, entre
1085 cessité vertu : « Il me paraissait que ce divorce était souhaitable, que le plaisir était ainsi plus pur, l’amour plus parfai
1086 que ce divorce était souhaitable, que le plaisir était ainsi plus pur, l’amour plus parfait, si le cœur et la chair ne s’ent
1087 is se refermait sur moi.76 » Les derniers mots ne sont pas seulement touchants… Dès cet instant, les jeux sont faits. L’a
1088 as seulement touchants… Dès cet instant, les jeux sont faits. L’alternance, et la fuite de l’âme Cette espèce de sécur
1089 Gide l’a payée de sa personne. L’expression, pour être toute faite, est pourtant fausse. C’est l’âme de Gide qui a fait les
1090 sa personne. L’expression, pour être toute faite, est pourtant fausse. C’est l’âme de Gide qui a fait les frais de sa ruse
1091 hique, un corps mental ou spirituel. Le psychique est , pour Nietzsche, « l’âme mortelle… l’âme coordonnatrice des instincts
1092 de tendances, de susceptibilités, dont le lien n’ est peut-être que physiologique ». C’est le siège de l’amour sous ses for
1093 croyait plus à l’esprit distinct, personnel, qui sera sauvé ou détruit après la mort des corps physique et animique, et que
1094 se de confondre avec l’âme.) Cet aveu pathétique est l’un de ces moments où Gide existe, « irremplaçable », où il rejoint
1095 sa vraie personne, parce qu’un Tiers en lui, qui est son vrai moi final, assume enfin l’insoluble conflit de ses deux âmes
1096 telle image. Celui que nous avons pu connaître n’ était ni le mari transi d’Emmanuèle, ni le nomade en chasse de brefs plaisi
1097 stan et Don Juan. Ces deux « extrêmes » dont il s’ était loué d’avoir su protéger la « cohabitation » semblaient s’être absent
1098 voir su protéger la « cohabitation » semblaient s’ être absentés de lui-même, entraînant avec eux son âme divisée. Comme évac
1099 on âme divisée. Comme évacués de sa personne, ils étaient devenus personnages de ses œuvres. Encore qu’en aucune d’elles — sauf
1100 ’on sait, aux dépens du pouvoir tragique. D’avoir été séparément mais simultanément actualisés, ils avaient privé Gide de c
1101 alisés, ils avaient privé Gide de cette Ombre qui est le refoulement d’une part virtuelle de l’âme, — donc sa présence enco
1102 er et démystifier. Cette attitude a sa vertu, qui est celle du doute. Mais elle trahit aussi ce qu’il me faut bien nommer —
1103 à la longue dans l’évolution de sa personne. Gide fut -il la victime d’une fin d’époque cruelle et déjà tout absurde à nos y
1104 Aztèque par les décrets de dieux déments, et qui sont morts ? Fut-il plutôt l’acteur, sacrifié à son rôle, d’une dramatique
1105 les décrets de dieux déments, et qui sont morts ? Fut -il plutôt l’acteur, sacrifié à son rôle, d’une dramatique de l’âme qu
1106 s par sa vie. 59. — « Vous allez croire que je suis un obsédé, me dit-il en riant, mais vos troubadours, je ne puis m’emp
1107 , je ne puis m’empêcher de penser qu’ils devaient être homosexuels pour la plupart. » Je réponds qu’en effet, plusieurs d’en
1108 Je réponds qu’en effet, plusieurs d’entre eux le furent . 60. Dans Et nunc manet in te : p. 27, je lis : « Je sus bien, par a
1109 s : « Je sus bien, par ailleurs, prouver que je n’ étais pas incapable d’élan (je parle de l’élan qui procrée), mais à conditi
1110 ion passionnée ». Quant à Don Juan, le personnage était bien fait pour le scandaliser. L’action de nos deux mythes, dans l’ex
1111 n de nos deux mythes, dans l’existence de Gide, n’ est donc ni « littéraire », ni musicale, comme chez Kierkegaard et chez N
1112 comme chez Kierkegaard et chez Nietzsche. Elle n’ est même pas consciente. Et c’est ce qui m’intéresse. 63. J. Delay, cita
1113 e Schopenhauer. Or on sait que cette même lecture fut décisive pour Wagner écrivant Tristan : le nirvana qu’invoque André W
1114 qu’en sa présence réelle ; lorsque soudain je me suis dit : mais elle est morte ! » 66. Si le Grain ne meurt, p. 251. 67
1115 elle ; lorsque soudain je me suis dit : mais elle est morte ! » 66. Si le Grain ne meurt, p. 251. 67. (Telle était l’épi
1116 » 66. Si le Grain ne meurt, p. 251. 67. (Telle était l’épigraphe de Ménalque quand ce fragment central des Nourritures par
1117 ers titres choisis par Gide pour La Porte étroite était Essai de bien mourir. Les Nourritures terrestres traduisent la volont
1118 us opposées n’ont jamais réussi à faire de moi un être tourmenté, mais perplexe… Cet état de dialogue… devenait pour moi néc
1119 . 72. Si le grain ne meurt, p. 247. 73. Ainsi soit -il, ou les jeux sont faits, p. 128. Les premiers mots de la citation
1120 e meurt, p. 247. 73. Ainsi soit-il, ou les jeux sont faits, p. 128. Les premiers mots de la citation — « dans le rêve seul
1121 ots de la citation — « dans le rêve seulement » — sont un curieux exemple de refoulement. J. Delay cite en effet plusieurs p
1122 Gide, 1er janvier 1886) : « Que de fois Madeleine étant dans la chambre voisine, je l’ai confondue avec ma mère. » Notons que
1123 nir soi-même tous les éléments de la surprise, et être surpris… » 75. Si le grain ne meurt, p. 289. 76. Si le grain ne m
15 1961, Comme toi-même. Essais sur les mythes de l’amour. Deuxième partie — Rudolf Kassner et la grandeur humaine
1124 Ces cinq noms que l’Autriche a donnés à l’Europe sont parmi les plus grands des Lettres de ce temps. Ils illustrent, au mêm
1125 ne du nom ; et l’on ne s’étonnera pas que Kassner soit resté, jusqu’ici, le moins connu d’entre eux, si l’on songe à ce dont
1126 l’esprit : autorité. Avant d’avoir compris ce qui était dit — j’entends compris à la manière intellectuelle et discursive, ra
1127 , limite, sacrifice, chance, drame et tension, ne sont guère définis que par leurs rapports mutuels et tirent de cette inter
1128 ni : Famille, dieux, nature, tout lui commande d’ être grand. Grand pour la loi, grand pour le Tout. Il ne se recherche pas
1129 . L’homme chrétien au contraire, l’homme qui doit être surpassé, vit dans la démesure, et lorsqu’il « veut prendre mesure de
1130 me, il se sent aussitôt incomplet et coupable. Il est donc possible de dire que le péché est la mesure du démesuré, et que
1131 upable. Il est donc possible de dire que le péché est la mesure du démesuré, et que pour le chrétien il n’est pas d’autre g
1132 mesure du démesuré, et que pour le chrétien il n’ est pas d’autre grandeur. » Ainsi le chrétien existe en tant que le péché
1133 acte par excellence du chrétien, hors duquel il n’ est pour lui ni mesure, ni grandeur, ni forme, mais seulement chimères et
1134 s de loi interne et de tension par le péché, il n’ est plus qu’un être sans destinée, un Indiscret. Sa substance interne es
1135 e et de tension par le péché, il n’est plus qu’un être sans destinée, un Indiscret. Sa substance interne est crevassée et d
1136 ans destinée, un Indiscret. Sa substance interne est crevassée et divisée. Son œuvre, souvent pleine de charme mais sans f
1137 ais ne nous détermine jamais… Cet homme indiscret est distrait, et sa distraction vient de l’intérieur… Il ne peut jamais s
1138 rte aucune atteinte à la perspicacité parce qu’il est vraiment souverain. Peut-être faut-il reconnaître à ce seul philosoph
1139 ée autoritaire. Entendons que, pour lui, penser n’ est pas se débattre dans ses contradictions personnelles, parlementarisme
1140 ant que la réalité humaine, non sa pensée privée, est tourmentée.) Penser n’est pas non plus s’ingénier sur des idées et de
1141 , non sa pensée privée, est tourmentée.) Penser n’ est pas non plus s’ingénier sur des idées et des combinaisons d’idées : m
1142 des combinaisons d’idées : mais créer de tout son être spirituel des faits nouveaux et vrais, dans un certain style. Car il
1143 ouveaux et vrais, dans un certain style. Car il n’ est point de vérité sans forme. Quelques pages étranges et puissantes sur
1144 strent ce réalisme de la forme, hors de quoi il n’ est qu’indiscrétion, et qui livre la clé de la pensée de Kassner, comme a
1145 chologiques. Il prend tout par des biais qui nous sont peu familiers. Et puis enfin, voilà une philosophie qui postule la vi
1146 l’appréhension poétique du monde. Il faut savoir être secret pour penser avec autorité. Il faut savoir taire ce qui permett
1147 s « réaliser ». Il faut que les pensées créées ne soient concevables qu’en elles-mêmes, et comme à l’état sauvage, non par une
1148 t qui les domestique. Une pensée neuve ne saurait être comprise à moins d’être recréée dans sa forme — ce dont certaine clar
1149 e pensée neuve ne saurait être comprise à moins d’ être recréée dans sa forme — ce dont certaine clarté dispense le lecteur.
1150 e lecteur. On pourrait dire aussi que l’indiscret est celui qui se préoccupe de défendre plutôt que d’illustrer. Ainsi, sel
1151 i s’avisa de défendre la religion mériterait-il d’ être appelé Judas numéro deux. Car il ne s’agit pas de professer une chose
1152 ar il ne s’agit pas de professer une chose mais d’ être la chose. Le rare, c’est que chez Kassner, comme chez Kierkegaard, ce
1153 ésence s’accommode d’une ironie qui chez d’autres serait plutôt le fait du détachement. Une ironie à l’intérieur des choses, q
1154 terne et du recteur Krooks sur Judas et la Parole est à cet égard d’une saveur particulièrement riche et complexe : Les ba
1155 es ; s’il n’y avait pas de prophètes, les bavards seraient peut-être des créatures très silencieuses, comme les belettes ou les
1156 pocryphe de l’empereur Alexandre Ier de Russie, n’ est qu’une suite de méditations sur le thème du tout-ou-rien moral qui ca
1157 les dissout dans une réalité plus absolue. Telle est la forme des dialogues où culmine son art. De ces dialogues, où chaqu
1158 de sa vérité — si bien que la conclusion ne peut être qu’implicite et fonction d’une hiérarchie de valeurs, non de la seule
1159 nnaissons le modèle immortel, le Livre de Job. Il serait curieux d’en suivre la filiation, jusqu’au Soulier de satin, de Claud
1160 ation, jusqu’au Soulier de satin, de Claudel : ce serait une sorte de généalogie du réalisme poétique. ⁂ Telle fut ma première
1161 sorte de généalogie du réalisme poétique. ⁂ Telle fut ma première impression. Je la vois aujourd’hui confirmée par un comme
1162 cessé de me séduire et inciter. Je suppose qu’il est devenu banal de déplorer l’obscurité des essais et dialogues de Kassn
1163 bscurité des essais et dialogues de Kassner. Elle est pourtant la garantie de leur pouvoir, et ne saurait traduire, à mon a
1164 pathétique, de l’adjectif. L’ellipse de pensée n’ est nullement, chez Kassner, un procédé de rhétorique, une manière de sau
1165 les évidences ou platitudes intermédiaires. Elle est un acte de vision. Nous montrant d’un seul coup, sans transition, plu
1166 s ou confondues, son auteur. (Cet angle de vision étant son vrai message.) Elle propose donc à l’imagination un exercice spir
1167 générateur de l’Occident. Problème ambigu s’il en fut , et qui échappe par définition à la pensée systématique et discursive
1168 isons. De quels autres moyens disposons-nous, qui soient ordonnés à cette fin ? Ce sont moyens de poésie, c’est-à-dire d’âme,
1169 posons-nous, qui soient ordonnés à cette fin ? Ce sont moyens de poésie, c’est-à-dire d’âme, inadéquats sans doute, s’agissa
1170 ant de l’Esprit… « La faculté principale de l’âme est de comparer », remarque Montesquieu, et il ajoute : « Ce qui fait ord
1171 cepts ; sans conclusion. Mais l’angle de vision s’ est imposé. Et l’imagination, irrésistiblement, s’oriente vers le mystère
1172 venus des quatre coins de l’Europe. Pourquoi n’y suis -je allé que si rarement ? Sans doute à cause de la réserve qu’inspire
1173 Mais peut-être aussi, et surtout, parce que je m’ étais fait de Kassner l’image d’un maître spirituel, d’un guru comme disent
1174 sse cum grano salis, tongue in the cheek — quelle serait donc l’expression française ? — amusé de retrouver en moi cette persi
1175 rière une relation de maître à disciple qui avait été réelle dans mon esprit seulement et qui ne pouvait ni ne devait l’êtr
1176 esprit seulement et qui ne pouvait ni ne devait l’ être autrement, je le voyais bien, je jouais encore avec l’idée que cette
1177 ou d’un subit changement de sujet. Après tout, n’ était -ce pas ce que j’attendais ? Il parlait à bâtons rompus sur le dos des
1178 ’illusion banale qui veut que l’auteur et l’œuvre soient pareils, alors qu’ils sont toujours en tension dialectique — du moins
1179 l’auteur et l’œuvre soient pareils, alors qu’ils sont toujours en tension dialectique — du moins s’ils comptent ? Nos trop
1180 sée pour tous ceux que l’on pouvait connaître, ne fût -ce que de réputation, qu’il avait bien connus lui-même ou rencontrés
1181 fortement appuyé — et l’on devinait alors qu’ils étaient les modèles des personnages de ses Dialogues et récits physiognomoniq
1182 réter : « Le Witz (la boutade, le trait d’esprit) est la forme logique et naturelle que revêt la sociabilité chez le solita
1183 istances… » Finalement, je crois bien que Kassner est à peu près le seul homme que j’aie connu dont je ne puisse imaginer q
1184 fférencier de celui que, pourtant, il ne cesse de tenir pour l’un des plus grands depuis Dante. Le monde de Kassner, au contr
1185 depuis Dante. Le monde de Kassner, au contraire, est le monde du Fils, de la Parole qui tranche et institue le drame, le m
1186 un titre curieux : Rilke, le zen et moi 86 et il est curieusement décousu. À propos de l’influence qu’on lui attribue sur
1187 ucoup plus tard, il entendit parler du zen, qui n’ est resté qu’un nom pour lui. Mais dans le recueil d’hommages publié pour
1188  : Cela resta fixé dans ma mémoire, écrit-il, me tint alerté… jusqu’à ce que, peu de temps après, je fusse informé de l’exi
1189 nt alerté… jusqu’à ce que, peu de temps après, je fusse informé de l’existence d’une école du zen dont les maîtres parviendra
1190 le zen signifiait et dans quel rapport il pouvait être avec mon œuvre, qui comptait à ce moment-là plus d’un demi-siècle. At
1191 oir le but en lui-même ?… Le zen, le tir aveugle, est acte, mais cet acte est en outre notre pensée la plus profonde, l’ult
1192 … Le zen, le tir aveugle, est acte, mais cet acte est en outre notre pensée la plus profonde, l’ultime, et, le dirai-je, la
1193 ir qu’atteint la flèche du tireur aux yeux bandés est le point zéro de la cible, le Néant qui est en même temps le Tout… Qu
1194 andés est le point zéro de la cible, le Néant qui est en même temps le Tout… Que signifie encore le zen, sinon l’éliminatio
1195 iver qui ne sépare plus l’acte de l’ascèse. Ceci est absolument hindou, ajoute Kassner, appartient à l’Asie, et n’eût été
1196 ou, ajoute Kassner, appartient à l’Asie, et n’eût été compris que par peu de Grecs, par les éléates, et par aucun Romain. I
1197 ’existence de l’Infini, dès que la parole cesse d’ être une simple coque ; et il s’agit aussi de l’union ultime du But et du
1198 i de l’union ultime du But et du Sens. Si je m’en tiens à cette interprétation du zen, Denis de Rougemont a raison ; il y a d
1199 cevable, en vertu de l’Imagination créatrice, qui est pour lui la seule forme possible de la foi. Et certes, il m’est souv
1200 seule forme possible de la foi. Et certes, il m’ est souvent venu à l’esprit que cette Einbildungskraft 88, qui joue dans
1201 mental que la libido chez un Freud, pourrait bien être pour Kassner d’abord la seule forme possible de la foi — ce qui est p
1202 ’abord la seule forme possible de la foi — ce qui est plus gnostique qu’orthodoxe… Ne tire-t-il pas le zen de son côté ? Il
1203 , peut-être, pour les hommes auxquels la Langue a été donnée. C’est cette question que le 23e des « Sonnets à Orphée » pose
1204 ose, ou tout au moins, comme il convient à Rilke, tient cachée : C’est lorsqu’un pur essor vers où ? Aura vaincu l’orgueil pu
1205 uéril Qu’enfin, submergé par son gain Celui qui s’ est approché des lointains Sera ce que son vol solitaire a conquis. Voil
1206 era ce que son vol solitaire a conquis. Voilà qui est zen, conclut Kassner, ou solution d’un problème zen par le poète, par
1207 rême dépassement des concepts, au nom du Sens qui est le But à l’infini. Le but, la flèche et l’homme Kassner avait s
1208 u le style même, et sinon le son de sa voix qu’on est seul à ne pas reconnaître, du moins le mouvement de pensée de ses Dia
1209 s d’un maître zen sur le tir à l’arc : Celui qui est capable de tirer avec l’écaille du lièvre et le poil de la tortue, c’
1210 s arc (écaille) et sans flèche (poil), ce dernier est Maître, dans l’acception la plus élevée du terme, Maître de l’art san
1211 vée du terme, Maître de l’art sans art, mieux, il est l’art sans art, à la fois ainsi Maître et non-Maître. Par ce revireme
1212 le plus remarquable. Il semble que Kassner ne se soit pas souvenu d’avoir écrit lui-même dans ses Proverbes du yogi 90 les
1213 Quand je décoche une flèche, le but que je vise est toujours dans le fini. Le point où tombe la flèche, c’est le fini (sa
1214 s maintenant Herrigel, ce philosophe allemand qui est allé au Japon pour s’initier au zen en s’entraînant au tir à l’arc. «
1215 ez pas assez loin. Comportez-vous comme si le but était l’infini… Un bon archer tire plus loin avec un arc de moyenne puissan
1216 anière technique, et si elle lui donne un nom, ce sera  : Bouddha. » Enfin ceci, qui devait combler chez Kassner le penseur e
1217 maître : « Je crains de ne plus rien comprendre… Est -ce moi qui touche le but ou bien le but qui m’atteint ? Ce que vous a
1218 que vous appelez le « quelque chose » (qui tire) est -il de nature spirituelle aux yeux du corps, ou corporelle aux yeux de
1219 rc, flèche, moi, s’amalgament tellement que je ne suis plus capable de les séparer… Le Maître m’interrompit alors et dit : V
1220 de lui, et dans laquelle il semble bien qu’il se soit finalement reconnu. J’ai dit que l’image d’un maître zen m’était venu
1221 t reconnu. J’ai dit que l’image d’un maître zen m’ était venue en écoutant parler Kassner. Et voici ce qu’il dit lui-même de l
1222 rsation telle qu’il l’entend et la pratique : Je suis toujours chargé (comme un fusil) quand je suis réellement alerté, éve
1223 Je suis toujours chargé (comme un fusil) quand je suis réellement alerté, éveillé. Le dialogue, la dialectique sont alors le
1224 ment alerté, éveillé. Le dialogue, la dialectique sont alors les moyens convenables pour provoquer l’étincelle, la détente,
1225 le noir. De là mon « Tireur zen », mon zen… L’arc est toujours tendu. Eh oui, bien sûr, pourquoi ne pas penser ici au bios
1226 la mort ? Mais il ajoute aussitôt que le silence est pour lui une véritable volupté — pendant des heures, chaque soir — et
1227 nse. Je lui aurais dit sans doute : le but du zen est de nous libérer du moi conscient, mais le sens dernier de votre œuvre
1228 oi conscient, mais le sens dernier de votre œuvre est de libérer ce moi conscient (qui est la personne) du moi factice, du
1229 votre œuvre est de libérer ce moi conscient (qui est la personne) du moi factice, du personnage et de son masque, laissant
1230 . Entre les deux « abîmes » du monde magique, qui est le monde sans mesure d’avant le drame, d’avant l’idée et la Parole — 
1231 l’idée et la Parole — et du monde collectif, qui est sa contrepartie plate et abstraite, et que vous nommez souvent « magi
1232 le passage vers l’esprit et vers la liberté, qui est souffrance et vision, tension et sacrifice, incarnation de la Parole
1233 . Maintenant, comment passer de cette réalité qui est liberté de la personne, à celle du zen qui est négation du personnel 
1234 ui est liberté de la personne, à celle du zen qui est négation du personnel ? Ou plutôt, saurez-vous nous faire voir l’unit
1235 autre mieux que vous, vous seul sans doute… Il n’ est plus là. Mais j’imagine que ses Propos, que l’on commence à publier,
1236 cherait rien de lui en partant de généralités. Il est par excellence l’auteur incomparable. Et de même, son œuvre défie tou
1237 tons éveillaient dans l’esprit de l’oncle Hammond étaient absolument originales et ne tarissaient pas. L’oncle Hammond pouvait,
1238 éoccupé d’une immortalité tout à fait impossible, est indiscret, l’autre ne fait que son devoir. » 83. Je viens de lire de
1239 rive et s’en aille à l’improviste, que les récits soient brefs — surtout pas d’analyses ! — les propos vifs, spontanés, sautan
1240 ffre considérable. À défaut d’une autre gloire, n’ est -ce pas, je garderai peut-être celle d’avoir été le plus grand promene
1241 n’est-ce pas, je garderai peut-être celle d’avoir été le plus grand promeneur de la littérature universelle, malgré mes can
1242 re, mais beaucoup pour moi… Ma vision, ma pensée, sont liées à la marche, au chemin. Inséparables !… » (A. Cl. Kensik : « En
1243 eistige Welten, Ullstein, 1958. 87. Ce parallèle est déjà indiqué dans les Propos recueillis par Kensik (Gedenkbuch, 1954)
1244 lancolie et de son angoisse : « De même qu’Hamlet est une géniale conception de Shakespeare, on pourrait appeler Kierkegaar
1245 aravant. (Voir plus haut, p. 82 et suiv.) 88. Il serait absolument insuffisant de traduire Einbildungskraft par imagination :
1246 , Zürich, 1949. Une bonne partie de ces proverbes étaient écrits avant la guerre de 1914 et avaient paru en revue. Je rappelle
16 1961, Comme toi-même. Essais sur les mythes de l’amour. Deuxième partie — La personne, l’ange et l’absolu ou Le dialogue Occident-Orient
1247 tzia de l’Inde se préoccupe des problèmes qui lui sont imposés par la technique et par l’hygiène occidentale, et cherche à l
1248 extes des mystiques soufis, mais l’Iran, l’Arabie sont en pleine crise d’adaptation à l’habitus capitaliste. L’Occident déco
1249 découvrons avec passion dans le tiers-monde, ce n’ est pas ce dont il vivait, c’est ce qui manquait à nos élites, ou qu’elle
1250 re foi. Ce que le tiers-monde nous emprunte, ce n’ est pas notre créativité, mais ses produits. Nous découvrons leurs secret
1251 spirituels en même temps que leur misère, qui en était la rançon. Ils adoptent nos formes sociales, nos procédés de gouverne
1252 es, mais non pas les tensions spirituelles qui en étaient le moteur secret. Ce qui était pour nous résultantes d’innombrables p
1253 rituelles qui en étaient le moteur secret. Ce qui était pour nous résultantes d’innombrables poussées et résistances, malaisé
1254 re et désormais inévitable, pour mal engagé qu’il soit , porte sur l’homme et sa définition. S’il est vrai que l’Orient nie l
1255 il soit, porte sur l’homme et sa définition. S’il est vrai que l’Orient nie le moi, qui est une valeur centrale pour l’Occi
1256 ition. S’il est vrai que l’Orient nie le moi, qui est une valeur centrale pour l’Occident, il doit en résulter d’infinies c
1257 spirituel au politique ; mais dans quelle mesure est -ce vrai ? Quel est le moi qui s’affirme d’une part, et quel est le mo
1258 ique ; mais dans quelle mesure est-ce vrai ? Quel est le moi qui s’affirme d’une part, et quel est le moi qu’on nie de l’au
1259 Quel est le moi qui s’affirme d’une part, et quel est le moi qu’on nie de l’autre ? Est-ce bien le même ? La personne
1260 e part, et quel est le moi qu’on nie de l’autre ? Est -ce bien le même ? La personne Le christianisme a formé l’Occide
1261 mplaire de l’espèce. Pour saint Paul, le vrai moi est l’homme nouveau, « appelé » par un Dieu personnel, donc créé par une
1262 e le « vieil homme », puisque sa vie « nouvelle » est à la fois dans le monde et hors du monde, à la fois manifestée par so
1263 d’une âme tout intellectuelle, dont « la nature n’ est que de penser » et qui reste entièrement distincte du corps. Avec Kan
1264 totalisante, dans son pouvoir d’intégration de l’ être . Loin de dissocier le moi, les recherches psychologiques du xxe sièc
1265 nisé par la loi) et le spirituel libérateur. S’il est vrai que le langage courant confond sans l’ombre d’un scrupule la per
1266 re d’un scrupule la personne et tout ce qu’elle n’ est pas — l’individu, la persona, la « forte individualité », l’âme sensi
1267 le recours à la « valeur absolue de la personne » sont à peu près universels en Occident. Comme l’attestent tant de notions
1268 t de réalités « bien vues » à l’Ouest, mais que l’ Est se devait d’ignorer, voire de condamner, telles que l’originalité, le
1269 oi j’entends venir plus loin. L’ange Quelle est cette part de la personne dès maintenant libérée du monde où elle vit
1270 e l’Inde mais enté sur le tronc abrahamique, d’où sont issus les Juifs, les chrétiens, et l’islam. Que serait l’Ange pour no
1271 t issus les Juifs, les chrétiens, et l’islam. Que serait l’Ange pour nos psychologues ? Une projection du moi individuel ou co
1272 viduel ou collectif. Pour les sages de l’Iran, il est ce moi. Barakat, juif passé à l’islam, écrit en 1165 : « … pour chaqu
1273 lusieurs ayant même nature ou affinité, il y a un être spirituel qui tout au long de leur existence assume envers cette âme
1274 les réconforte, les fait triompher, et c’est cet être qu’ils appelaient Nature Parfaite. » C’est le vrai moi, c’est l’Ange.
1275 sous laquelle chacun des spirituels connaît Dieu est aussi la forme sous laquelle Dieu le connaît, parce qu’elle est la fo
1276 orme sous laquelle Dieu le connaît, parce qu’elle est la forme sous laquelle Dieu se révèle à soi-même en lui… C’est la « p
1277 onne de la mystique soufi, « la totalité de notre être , ce n’est pas seulement cette partie que nous appelons présentement n
1278 mystique soufi, « la totalité de notre être, ce n’ est pas seulement cette partie que nous appelons présentement notre perso
1279 n’évoque pas seulement cette part initiante de l’ être renouvelé qui demeure cachée en Dieu selon le christianisme, mais enc
1280 de combattre pour venir en aide à Ohrmazd) et qui sont à la fois les archétypes célestes des êtres et leurs anges tutélaires
1281 et qui sont à la fois les archétypes célestes des êtres et leurs anges tutélaires. Il y a plus : selon le mazdéisme « chaque
1282 déisme « chaque entité physique ou morale, chaque être complet ou chaque groupe d’êtres appartenant au monde de Lumière a sa
1283 ou morale, chaque être complet ou chaque groupe d’ êtres appartenant au monde de Lumière a sa Fravarti » — Ohrmazd, le Dieu lu
1284 i-même la sienne97. La Terre physique et tous les êtres qui l’habitent apparaissent ainsi comme la contrepartie visible du mo
1285 re-de-Gloire restituant toutes choses et tous les êtres dans leur pureté paradisiaque, « dans un décor de montagnes flamboyan
1286 ’immortalité », au centre du monde spirituel (qui est le monde réel des Archétypes), le pont Chinvat s’élance, reliant un s
1287 ’une beauté resplendissante et qui lui dit : — Je suis toi-même ! Mais si l’homme sur la Terre a maltraité son moi, au lieu
1288 stianisme véritable, ne demande pas d’abord ce qu’ est l’homme, mais qui es-tu ? Toute réalité dernière est personnelle. Le
1289 l’homme, mais qui es-tu ? Toute réalité dernière est personnelle. Le vrai moi est Ailleurs, mais son drame ici-bas. L’a
1290 ute réalité dernière est personnelle. Le vrai moi est Ailleurs, mais son drame ici-bas. L’absolu, ou la négation du moi
1291 entre eux que les peuples de l’Europe, mais s’il est une croyance qu’ils ont tous en commun, c’est la croyance à la métemp
1292 vies successives. Car si le moi n’existe pas, qu’ est -ce qui transmigre98 ? Mais ce moi, cet ego, cette entité distincte, v
1293 osent leur idée du non-moi. Le vrai malentendu se serait -il instauré entre eux et nous ? Entre cela qu’ils pensent que nous cr
1294 me » que le Christ exige de ses disciples, et qui est la condition de leur accession à leur vrai moi spirituel, celui qui d
1295 Il en va de même pour le bouddhisme originel. Qu’ est -ce que l’homme ? Un ensemble transitoire d’agrégats matériels et de f
1296 et la roue des retours sans fin. « Inconnaissable est le commencement des êtres enveloppés par l’ignorance, et que le désir
1297 ans fin. « Inconnaissable est le commencement des êtres enveloppés par l’ignorance, et que le désir conduit à de criminelles
1298 conduit à de criminelles renaissances. »99 Le but est donc « de nous apprendre le moyen de ne pas renaître », nous dit une
1299 kkha Sabbe dhamma anatta (Toutes choses composées sont transitoires Toutes choses composées sont souffrantes Toutes les chos
1300 mposées sont transitoires Toutes choses composées sont souffrantes Toutes les choses sont sans moi.102) Si D. T. Suzuki peu
1301 oses composées sont souffrantes Toutes les choses sont sans moi.102) Si D. T. Suzuki peut écrire après cela : « On le voit,
1302 rès cela : « On le voit, l’expérience personnelle est le fondement de la philosophie bouddhiste », comprenons qu’il s’agit
1303 es védantins comme des premiers bouddhistes, ce n’ est pas encore la personne, mais l’obstination de l’ego qui veut durer au
1304 nce, dirions-nous, aux exigences du vrai moi, qui est notre répondant céleste. Et faut-il qu’il existe et qu’il soit fort,
1305 pondant céleste. Et faut-il qu’il existe et qu’il soit fort, ce moi qu’on réputé illusoire, pour qu’un des buts majeurs des
1306 qu’un des buts majeurs des méthodes spirituelles soit de l’empêcher de renaître103 ! Mais vient le second stade, où les sp
1307 fond avec le Soi de l’Immensité, ou du Brahma. Qu’ est -ce que l’âme ? Une monade disent les uns. Un reflet du Brahma disent
1308 ent les advaïtins : il n’y a que brahman. Et tu n’ es rien. Et de leur côté les bouddhistes (mais le tao chinois et le shin
1309 s les mêmes phrases) : « Nagasena, existe-t-il un être qui transmigre de ce corps dans un autre ? — Non, il n’y en a point.
1310 ui a péché reprend une individualité, mais non un être pur. — O Nagasena, dis-moi s’il existe rien de semblable à l’âme ? —
1311 Les spirituels hindous cherchent le samahdi, qui est l’absorption totale dans l’Absolu du Soi : le grand sommeil, lentemen
1312 Quant aux bouddhistes zen, on dirait qu’ils s’en tiennent à la stase pure et simple : faire face au fait, signe du Tout, et don
1313 fait, signe du Tout, et donc du Vide. Leur satori est le contraire du samahdi : c’est un éveil instantané. Éveil de quoi ?
1314 veil de quoi ? De la vision-en-soi, du Cela qui n’ est pas personnel et se joue à travers notre moi. Ainsi tout l’Orient des
1315 tant de cinquante ans la durée moyenne de la vie, serait alors une « recette d’immortalité ». Et même la seule qui ait réussi.
1316 isons face à l’Un tout-transcendant.105 » (Ce qui est chrétien.) Le même Chang Chen-Chi qui cite ce koan : Parfois, j’arra
1317 a même manière. Puis il ajoute : Si le disciple est exceptionnellement doué, le maître ne touche ni à la personne, ni à l
1318 e pense pas au bien ni au mal, mais regarde ce qu’ est , au moment présent, ta physionomie originelle, celle que tu avais ava
1319 nomie originelle, celle que tu avais avant même d’ être né.106 » Par où nous rejoignons un certain christianisme — à partir
1320 eule quête de l’esprit, dont le Graal, ou l’Ange, est  : toi-même. ⁂ Les différences ne sont donc pas où l’on croyait, ne so
1321 , ou l’Ange, est : toi-même. ⁂ Les différences ne sont donc pas où l’on croyait, ne sont jamais exactement ce que l’on croya
1322 différences ne sont donc pas où l’on croyait, ne sont jamais exactement ce que l’on croyait. Si nous souhaitons préciser le
1323 . Dans ce domaine, toute différence reconnue peut être vérifiée par l’expérience intime, et promet au dialogue des spirituel
1324 ux névroses de la psychanalyse freudienne : elles seraient autant de « rationalisations » des attitudes « dysfonctionnelles » qu
1325 oblèmes. Trois écoles de l’amour Si l’amour est le premier moteur non seulement de l’homme mais du monde, c’est son a
1326  C’est l’amour dominant qui fait l’homme… L’homme est absolument tel qu’est l’amour dominant de sa vie : selon (cet amour)
1327 t qui fait l’homme… L’homme est absolument tel qu’ est l’amour dominant de sa vie : selon (cet amour) se fait son ciel, s’il
1328 sa vie : selon (cet amour) se fait son ciel, s’il est bon, ou son enfer, s’il est mauvais », dit Swedenborg dans La Nouvell
1329 e fait son ciel, s’il est bon, ou son enfer, s’il est mauvais », dit Swedenborg dans La Nouvelle Jérusalem. Et dans De Cœlo
1330 e : « Le corps de chaque esprit et de chaque ange est la forme de son amour.107 » Les trois notions de l’homme que l’on vie
1331 ne dualité sans laquelle ni l’homme ni l’amour ne seraient même concevables. Il ne s’agit ici ni du dualisme trop facilement nom
1332 ntre l’individu et le « vrai moi ». (L’individu n’ est pas le mal en soi : il ne devient mauvais que dans la seule mesure où
1333 se refuse à l’amour. Et de même le « vrai moi » n’ est pas le bien en soi, car il peut devenir un monstre.) Pour aimer, il
1334 il peut devenir un monstre.) Pour aimer, il faut être deux, dit la sagesse des nations. Et cela vaut d’abord pour l’amour d
1335 irituels dans leur condamnation de l’égoïsme, qui est l’impérialisme de l’ego naturel et sa fermeture autarcique. Mais les
1336 arcique. Mais les motifs de cette condamnation ne sont pas les mêmes : les moralistes jugent au nom de la société, les spiri
1337 ans une vue chrétienne de l’homme, l’amour de soi est le rapport positif entre l’individu et le vrai moi. Le second command
1338 ne manière telle que s’aimer et aimer le prochain soit un même acte : sinon le comme n’aurait pas son plein sens. Dans l’amo
1339 orienter par lui. C’est le vrai moi qui aime, qui est l’agent de l’amour. Ce vrai moi seul peut aimer le prochain, parce qu
1340 Alain. Or le meilleur de l’autre — comme de soi — est sa vocation singulière. Aimer le prochain dans sa personne, c’est dis
1341 ne. Mais alors, d’où vient la personne ? Quel que soit le nom que lui ont donné les trois religions abrahamiques, le vrai mo
1342 nné les trois religions abrahamiques, le vrai moi est toujours suscité par l’amour même : « Dieu nous a aimés le premier ».
1343 er ». Pour le chrétien, c’est parce que Dieu, qui est Amour, est un Dieu personnel dans sa tri-unité, que l’amour spirituel
1344 le chrétien, c’est parce que Dieu, qui est Amour, est un Dieu personnel dans sa tri-unité, que l’amour spirituel crée dans
1345 Si la plus haute valeur de l’Occident chrétien n’ est pas la connaissance détachée mais le sacrifice personnel, et si le sa
1346 tion. Ou c’est encore : se sacrifier tel que l’on est , à soi-même tel qu’on va le devenir par l’esprit. C’est rejoindre la
1347 sprit. C’est rejoindre la forme immortelle de son être au travers d’une « mort à soi-même » transfigurante. Ce modèle de l’a
1348 omplaisance croissante. Je sais bien que la haine est l’envers de l’amour, mais comment l’amour fasciné par le désir de ce
1349 vraiment ce qu’il lui sacrifie ? Le masochisme n’ est -il pas le moment de retombement de l’âme frustrée, quand l’esprit qui
1350 ite hors du moi naturel. Désormais le vieil homme est jugé : n’ayant pu l’entraîner avec elle vers son bien et l’animer de
1351 n autonomie. Si le corps lui paraît désirable, il sera parfois tenté d’attribuer ce mouvement, né de l’instinct, à la révéla
1352 aut craindre celui qui se hait lui-même, car nous serons les victimes de sa colère et de sa vengeance. Ayons donc soin de l’in
1353 e à l’amour de lui-même108 ». L’érotisme sensuel est l’autre extrême où se porte l’âme irritée mais non pas convertie par
1354 e retombe alors dans les liens de l’instinct, qui est la puissance impersonnelle par excellence, et s’épuise à s’en libérer
1355 ntre les conventions de la morale commune — qu’il est déjà trop « spirituel » pour respecter — mais aussi contre le respect
1356 respect du mystère exigeant de l’Autre — qu’il n’ est pas assez « spirituel » pour aimer. (Mais s’il l’était assez, il retr
1357 pas assez « spirituel » pour aimer. (Mais s’il l’ était assez, il retrouverait aussi la justification de certaines convention
1358 le tissu conjonctif de toutes les sociétés qui ne sont pas un ordre.) ⁂ L’école iranienne Il n’existe plus de communau
1359 4-41) qui pose comme une clef musicale : « Chaque être connaît le mode de prière et de glorification qui lui est propre. » T
1360 aît le mode de prière et de glorification qui lui est propre. » Toute personne s’origine en Dieu, qui l’a créée afin d’être
1361 personne s’origine en Dieu, qui l’a créée afin d’ être connu par elle et de devenir en elle l’objet de Sa propre connaissanc
1362 de l’autre et l’aimer « comme soi-même », — comme étant née du même amour qui m’a créé. « (Dieu) est celui qui dans chaque êt
1363 me étant née du même amour qui m’a créé. « (Dieu) est celui qui dans chaque être aimé se manifeste au regard de chaque aman
1364 qui m’a créé. « (Dieu) est celui qui dans chaque être aimé se manifeste au regard de chaque amant… car il est impossible d’
1365 mé se manifeste au regard de chaque amant… car il est impossible d’aimer un être sans se représenter en lui la divinité… Un
1366 de chaque amant… car il est impossible d’aimer un être sans se représenter en lui la divinité… Un être n’aime en réalité per
1367 n être sans se représenter en lui la divinité… Un être n’aime en réalité personne d’autre que son créateur ?110 » Ibn Arabi
1368 elle pour Lui ; l’amour spirituel « dont le siège est en la créature toujours à la quête de l’être dont elle découvre en el
1369 siège est en la créature toujours à la quête de l’ être dont elle découvre en elle l’Image, ou dont elle se découvre comme ét
1370 e en elle l’Image, ou dont elle se découvre comme étant l’Image » ; enfin l’amour naturel, qui recherche la satisfaction de s
1371 rs sans souci de l’agrément de l’Aimé. « Et telle est hélas ! dit Ibn Arabi, la manière dont la plupart des gens d’aujourd’
1372 bi observe que les plus parfaits amants mystiques sont ceux qui aiment Dieu simultanément pour lui-même et pour eux-mêmes, p
1373 malheureuse » en proie aux déchirements). » Telle est donc la personne unifiée et tel est son amour de soi-même. Quant à l’
1374 nts). » Telle est donc la personne unifiée et tel est son amour de soi-même. Quant à l’amour-passion (ici, non romantique !
1375 toutes les dimensions de l’amour unifié. L’Aimé n’ est plus alors un simple objet — comme il est pour l’amour naturel, posse
1376 ’Aimé n’est plus alors un simple objet — comme il est pour l’amour naturel, possessif — mais une virtualité divine que l’am
1377 ine l’Image) et qu’il tend à faire exister dans l’ être aimé, par l’efficace de son amour pré-figurant. C’est précisément l
1378 fonction théophanique de l’Ange (ainsi en a-t-il été des Figures féminines célébrées par les Fedeli d’amore, compagnons de
1379 li d’amore, compagnons de Dante ; ainsi en a-t-il été de celle qui apparut à Ibn Arabi, à la Mekke, comme figure de la Soph
1380 Sophia divine). Que l’amant tende à contempler l’ être aimé, à s’unir en lui, à en perpétuer la présence, son amour tend tou
1381 tend toujours à faire exister quelque chose qui n’ est pas encore existant dans l’Aimé.111 On reconnaît ici les « notes »
1382 Comme tout bien procède du Seigneur, le Seigneur est , dans le sens suprême et au degré le plus éminent, le Prochain ; c’es
1383 ns relatives au prochain, c’est-à-dire que chacun est le prochain en proportion de ce qu’il a quelque chose du Seigneur en
1384 n qui procède du Seigneur, il s’ensuit que l’un n’ est pas le prochain de la même manière que l’autre… ; il n’y a jamais che
1385 ue… C’est l’amour qui fait le prochain, et chacun est le prochain selon la qualité de son amour.113 En dépit de tout ce
1386 a poésie dense de l’Arabe, l’analogie des énoncés est indéniable. Si le symbolisme concret des soufis transpose doublement
1387 le prochain reste exactement comparable, comme le sont les trois formes de l’amour que manifeste cette structure. Mais « l’I
1388 un amour dédié à sa propre âme114, dont Iseut ne serait que l’image sensible, — et c’est pourquoi j’ai osé dire que Tristan n
1389 que Tristan n’aimait pas Iseut — cette passion n’ est -elle pas mieux vue si l’on évoque les Fravarti du mazdéisme, les figu
1390  » de l’âme et de sa Dâenâ au pont Chinvat ? Et n’ est -ce pas pour avoir désiré l’amour de l’Ange que les amants de la forêt
1391 ce que « leur engagement — comme dira Novalis — n’ était pas pris pour cette vie », mais pour l’autre ? S’il est une « erreur
1392 s pris pour cette vie », mais pour l’autre ? S’il est une « erreur de Tristan », motivant le malheur essentiel de sa passio
1393 , motivant le malheur essentiel de sa passion, ce serait alors dans le mode de la transposition du « ciel » sur Terre et de l’
1394 t transitoire et le Soi tout impersonnel : « Il n’ est qu’un Soi pour tous les êtres. 115 » L’individualité qui est là, qui
1395 impersonnel : « Il n’est qu’un Soi pour tous les êtres . 115 » L’individualité qui est là, qui tombe sous le sens, doit être
1396 oi pour tous les êtres. 115 » L’individualité qui est là, qui tombe sous le sens, doit être exténuée méthodiquement (non po
1397 idualité qui est là, qui tombe sous le sens, doit être exténuée méthodiquement (non point transfigurée ou glorifiée) pour at
1398 i sans distinction, la Réalité sans visage, qui n’ est ni ceci ni cela, mais qui est l’Immensité, disent les hindous, et qui
1399 sans visage, qui n’est ni ceci ni cela, mais qui est l’Immensité, disent les hindous, et qui est le Vide disent les bouddh
1400 s qui est l’Immensité, disent les hindous, et qui est le Vide disent les bouddhistes. Du même coup se trouvent évacués les
1401 es problèmes ne sauraient avoir lieu (ou du moins être pris au sérieux). L’amour même est évacué. Il n’est plus que l’attrai
1402 (ou du moins être pris au sérieux). L’amour même est évacué. Il n’est plus que l’attrait des sexes agissant fatalement sur
1403 e pris au sérieux). L’amour même est évacué. Il n’ est plus que l’attrait des sexes agissant fatalement sur des milliards d’
1404 selon le cours des astres et le Karma. Il ne peut être , pour l’esprit, qu’indifférent. (Quoique la morale sociale condamne r
1405 alement l’adultère de la femme mariée ; mais ce n’ est pas au nom de l’amour, on le pense bien). « Écarte les choses, ô aman
1406 ense bien). « Écarte les choses, ô amant, ta voie est fuite ! » s’écriait saint Jean de la Croix. Écarte le prochain ! ajou
1407 s spirituels du védantisme et du bouddhisme. S’il est vrai que « la notion de Moi n’a d’accès que dans la pensée des sots »
1408 oi ne vaut pas mieux. « La morale bouddhique, qui est une sorte d’hygiène spirituelle, tend à détruire, en nous, les causes
1409 ’a pas d’amour n’a pas de douleur. » Si l’on s’en tient aux textes, la cause est entendue : l’Asie métaphysique ne connaît pa
1410 ouleur. » Si l’on s’en tient aux textes, la cause est entendue : l’Asie métaphysique ne connaît pas l’amour, — j’entends l’
1411 l’amour matrimonial. Mais on me dira que l’Asie n’ est pas toute spirituelle, et que la vie ne s’en tient pas aux textes. On
1412 ’est pas toute spirituelle, et que la vie ne s’en tient pas aux textes. On ajoutera peut-être qu’on ne voit pas de raisons po
1413 ’on ne voit pas de raisons pour que l’Orient réel soit plus conforme aux sermons du Bouddha, que l’Europe au Sermon sur la m
1414 ndes doctrines religieuses de l’Asie n’ont jamais été révolutionnaires. Elles n’ont jamais prétendu transformer l’ensemble
1415 ennent à partie, un à un, tout individu tel qu’il est , décidées à le transformer en vérité118. Elles provoquent d’innombrab
1416 18. Elles provoquent d’innombrables réactions. Il est par suite inévitable que l’existence réelle, en Occident, ressemble m
1417 Occident, ressemble moins à la doctrine que ce n’ était le cas, jusqu’à nos jours, en Asie. Prenons l’exemple de l’érotisme.
1418 lles nous procurent une jouissance. La divinité n’ est un objet d’amour que parce qu’elle représente une volupté sans mélang
1419 la joie de la possession, la souffrance du désir est pour un instant apaisée… et l’homme perçoit dans le plaisir sa propre
1420 dans le plaisir sa propre nature essentielle, qui est la joie. Toute jouissance, tout plaisir est une expérience du divin…
1421 , qui est la joie. Toute jouissance, tout plaisir est une expérience du divin… Mais l’amour parfait est celui dont l’objet
1422 est une expérience du divin… Mais l’amour parfait est celui dont l’objet n’est pas limité. C’est cet amour qui est l’amour
1423 in… Mais l’amour parfait est celui dont l’objet n’ est pas limité. C’est cet amour qui est l’amour pur, l’amour de l’amour m
1424 ont l’objet n’est pas limité. C’est cet amour qui est l’amour pur, l’amour de l’amour même, l’amour de l’Être-de-volupté tr
1425 scendant »119. Kâma, le dieu du plaisir érotique, est vénéré par les yogis, « car c’est lui seul, lorsqu’il est satisfait,
1426 ré par les yogis, « car c’est lui seul, lorsqu’il est satisfait, qui peut libérer l’esprit du désir… Ce n’est pas le plaisi
1427 tisfait, qui peut libérer l’esprit du désir… Ce n’ est pas le plaisir mais le désir qui lie l’homme et qui est un obstacle à
1428 s le plaisir mais le désir qui lie l’homme et qui est un obstacle à son progrès spirituel.120 » Et encore : « Celui qui che
1429 ui cherche l’amour dans l’espoir d’une jouissance est la victime du désir. Le sage accepte les plaisirs sensuels quand ils
1430 and ils viennent, mais avec un cœur détaché. Il n’ est pas victime du désir.121 » Ce « détachement » tout accueillant, cette
1431 s » et les « infâmes », contre « tous ceux qui se sont livrés à l’impureté, selon les convoitises de leur cœur. » Comparons
1432 et l’on sait à quel point cette forme de l’amour est liée à ses expressions. La passion et l’amour mystique, l’érotisme et
1433 mour mystique, l’érotisme et l’amour du prochain, sont des problèmes occidentaux, posés à tous par les rigueurs mal tolérées
1434 es, cependant que les voies de sagesse asiatiques sont seulement proposées, — à quelques-uns. Les recettes de plaisir, ou d’
1435 isir, ou d’immortalité par la rétention du semen, sont liées en Asie à la piété, tandis que nos coutumes viennent d’un vieux
1436 sme ou du bouddhisme, la vie réelle de l’Occident est en conflit avec la foi, tandis que la vie réelle de l’Asie est en sym
1437 t avec la foi, tandis que la vie réelle de l’Asie est en symbiose avec ses religions. Et si la symétrie de ces formules inq
1438 te dans un roman moderne, dont l’auteur se trouve être un brahmane védantin : « J’avais vécu en Europe, j’avais épousé une E
1439 e qu’elles excluent leur contraire, ou que l’on s’ était mépris sur le vrai sens de leurs affirmations répétées du contraire (
1440 on personnelle accomplie aux dépens de l’individu est loin d’être absente de la Bhagavad-Gita : Sois détaché et accomplis
1441 lle accomplie aux dépens de l’individu est loin d’ être absente de la Bhagavad-Gita : Sois détaché et accomplis l’action qui
1442 du est loin d’être absente de la Bhagavad-Gita : Sois détaché et accomplis l’action qui est ton devoir, car en accomplissan
1443 ad-Gita : Sois détaché et accomplis l’action qui est ton devoir, car en accomplissant l’action sans attachement, l’homme o
1444 . (III, 19.) Notre propre devoir, si humble qu’il soit , vaut mieux que le devoir parfaitement accompli d’un autre. Le dharma
1445 itement accompli d’un autre. Le dharma d’un autre est plein de dangers. (III, 35.) Et dans les upanishads : La vie n’a se
1446 njonction évangélique d’aimer aussi son ennemi ne sont pas absentes du bouddhisme : car l’ennemi et toi-même ne diffèrent qu
1447 er Éros en Agapè 123 ». Je répète que tout cela n’ est pas contradictoire, dans une philosophie sans dogmatique. Nous parler
1448 ? Non point à la femme, mais en vérité au Soi qui est en elle.124 En présence d’une telle phrase, j’éprouve d’abord ceci 
1449 vive reconnaissance. Car toute vérité sur l’amour est immédiatement reconnue par celui qui s’est mis en quête d’un savoir d
1450 ’amour est immédiatement reconnue par celui qui s’ est mis en quête d’un savoir de l’amour qu’il vit. N’importe qui m’averti
1451 . N’importe qui m’avertira que le Soi de l’Inde n’ est pas le vrai Dieu des chrétiens, qui est personnel. On connaît les déf
1452 l’Inde n’est pas le vrai Dieu des chrétiens, qui est personnel. On connaît les définitions. Mais je retrouve ici mon expér
1453 rire tout un livre. (Mais si c’était celui que je suis en train d’écrire ? Et qui précisément, ici, touche à sa fin ?) Je di
1454 mour, et l’aider à prendre conscience de ce qu’il est ou peut devenir. N’est-ce pas l’aider à réfléchir la lumière de l’amo
1455 dre conscience de ce qu’il est ou peut devenir. N’ est -ce pas l’aider à réfléchir la lumière de l’amour créateur ? Non, ce s
1456 éfléchir la lumière de l’amour créateur ? Non, ce serait -là trop dire, et pas assez. Aimer, c’est aider l’autre à se’ situer d
1457 us lui-même qu’avant : amour mutuel. L’expérience est la même, ou du moins je la sens telle. Mais la lumière ? Est-ce le No
1458 , ou du moins je la sens telle. Mais la lumière ? Est -ce le Nom qu’on lui donne qui diffère, — ou quoi d’autre ? Le point d
1459 diffère, — ou quoi d’autre ? Le point du dialogue est ici. Un point seulement, sans étendue, mais selon le regard que nous
1460 cidental ou l’Oriental. Tous les risques d’erreur sont de notre côté, nous les payons par les névroses ou l’abêtissement spi
1461 par les névroses ou l’abêtissement spirituel. Eux sont tellement en garde contre l’illusion, qu’ils l’ont mise en facteur co
1462 d’une gigantesque schizophrénie du Soi. (Mais il sera finalement résorbé, tout s’arrangera.) Ils en ont fait autant pour le
1463 smique (Purusha dont la contrepartie actualisante est Prakriti), finalement dissociée et fondu dans le Soi : « Tu es Cela »
1464 finalement dissociée et fondu dans le Soi : « Tu es Cela ». Le drame individuel est noyé dans le Tout. Mais le Tout est l
1465 dans le Soi : « Tu es Cela ». Le drame individuel est noyé dans le Tout. Mais le Tout est le contraire du drame. Tous les r
1466 me individuel est noyé dans le Tout. Mais le Tout est le contraire du drame. Tous les risques d’erreur sont liés à notre am
1467 le contraire du drame. Tous les risques d’erreur sont liés à notre amour ; et plus l’amour est passionné, exigeant, singuli
1468 ’erreur sont liés à notre amour ; et plus l’amour est passionné, exigeant, singulier, plus grand le risque. Ce que nous cro
1469 and le risque. Ce que nous croyons aimer en elle, est -ce elle-même ou l’image de notre ange ? Ce que nous avons cru voir en
1470 lle, et que nous déifions peut-être à ses dépens, est -ce notre anima projetée ? Tous les psychanalystes nous l’ont dit : l’
1471 es nous l’ont dit : l’erreur sur la personne de l’ être aimé est la source des pires conflits, une violence faite à l’âme de
1472 ont dit : l’erreur sur la personne de l’être aimé est la source des pires conflits, une violence faite à l’âme de l’autre,
1473 aux « vues justes » comme disait le Bouddha — qui était l’un des nôtres, un Indien —, si tu vois bien ce que tu vois et porte
1474 mmuable seul, toutes ces erreurs que tu craignais sont illusoires. Comme le moi. — La vue juste distingue et juge, mais ne p
1475 er mieux, c’est apprendre à discerner la raison d’ être — donc d’être unique — de l’autre aimé, comme de soi-même. Ce corps v
1476 t apprendre à discerner la raison d’être — donc d’ être unique — de l’autre aimé, comme de soi-même. Ce corps visible que vie
1477 t animer un mouvement singulier et fascinant de l’ être … « Aimer ce que jamais on ne verra deux fois ! » — Aimer, c’est voulo
1478 bsorbant. Mais que nous devenions Shiva, la femme est dissoute et le monde avec elle. Car le monde ne doit pas être refusé
1479 e et le monde avec elle. Car le monde ne doit pas être refusé mais dissous.125 » — Je veux voir l’autre en sa réalité, qui e
1480 s.125 » — Je veux voir l’autre en sa réalité, qui est unique. J’aime en elle à la fois ce que je vois et ce qui fait que je
1481  : ce vrai moi pressenti par l’amour seul, et qui est elle-même. Tu dis le Soi, ce n’est personne. — Il n’y a personne. Per
1482 r seul, et qui est elle-même. Tu dis le Soi, ce n’ est personne. — Il n’y a personne. Personne ne peut aimer, sauf l’égoïste
1483 er que ton « Dieu » dans ses créatures, puisqu’il est dit de Lui qu’il est amour. — Mais Dieu pour nous est une Personne, e
1484 ans ses créatures, puisqu’il est dit de Lui qu’il est amour. — Mais Dieu pour nous est une Personne, et nous crée comme per
1485 dit de Lui qu’il est amour. — Mais Dieu pour nous est une Personne, et nous crée comme personnes bien distinctes. Tu ne voi
1486 er. — Quand je saurai aimer le Soi en elle, je ne serai plus moi, elle ne sera plus elle, et les dieux mêmes me serviront.
1487 mer le Soi en elle, je ne serai plus moi, elle ne sera plus elle, et les dieux mêmes me serviront. Tout et tous L’Orie
1488 consommation des temps, répond saint Paul, « Dieu sera tout en tous. » Depuis six millénaires, les sages de l’Asie n’ont pas
1489 s savent la date — la vie, le cosmos et les dieux seront résorbés dans l’Un seul, sans laisser aucune trace, comme n’ayant pas
1490 ulé par la science occidentale : mais personne ne sera là pour constater que leurs doctrines sur la Lumière finale et sur le
1491 nes sur la Lumière finale et sur le Vide n’auront été , dans leur ensemble, qu’une immense transposition sur les plans poéti
1492 ppe à la majorité de ceux qu’elle entraîne. Et il est vrai qu’on ne saurait guère le concevoir sans une vision de sa fin an
1493 tte fin. Dès lors, au duel de l’Un et du Multiple est substitué le drame de l’Un et des uniques — à l’anéantissement final
1494 rnisé par l’effort vivifiant de l’Imagination. Ce sont là deux doctrines, deux vues des spirituels. Quelle est la vraie ? Si
1495 deux doctrines, deux vues des spirituels. Quelle est la vraie ? Si les sages de l’Orient ont raison, personne ne pourra le
1496 sées. Si les saints de l’Occident ont raison, ils seront seuls à être là pour le savoir. La doctrine qui peut devenir vraie se
1497 ints de l’Occident ont raison, ils seront seuls à être là pour le savoir. La doctrine qui peut devenir vraie sera celle que
1498 our le savoir. La doctrine qui peut devenir vraie sera celle que nous choisirons, en vérité vécue de conscience et d’action.
1499 et d’action. Les résultats actuels et historiques sont ambigus à l’infini, pour nos mesures. Les peuples sont dans l’ignoran
1500 ambigus à l’infini, pour nos mesures. Les peuples sont dans l’ignorance malheureuse des origines et des fins de ce qu’ils cr
1501 pour leurs croyances. Nous voyons ce que l’Orient est resté jusqu’ici, et que ses doctrines d’extinction n’ont pas tué l’il
1502 llusion du moi ; au contraire, ce moi sans valeur est en train de faire valoir ses revendications, par plusieurs centaines
1503 r et l’espérance ce que l’Occident peut devenir : soit s’engloutir dans l’illusion de la matière (et l’Orient aurait eu rais
1504 ion de la matière (et l’Orient aurait eu raison), soit accomplir sa vocation aventureuse, — déchiffrer l’Être dans le singul
1505 accomplir sa vocation aventureuse, — déchiffrer l’ Être dans le singulier et les structures de l’énergie universelle. Car c’e
1506 , qu’il aille jusqu’au bout ! Pour lui la Réalité est dans l’individuel, et l’Être dans les raisons d’être des uniques. Or
1507 ! Pour lui la Réalité est dans l’individuel, et l’ Être dans les raisons d’être des uniques. Or ce choix est celui de l’amour
1508 t dans l’individuel, et l’Être dans les raisons d’ être des uniques. Or ce choix est celui de l’amour, de la connaissance par
1509 dans les raisons d’être des uniques. Or ce choix est celui de l’amour, de la connaissance par l’amour, car tout ce qui exi
1510 connaissance par l’amour, car tout ce qui existe est unique, à voir de près, comme voit l’amour. 94. Cf. Charles Baudoi
1511  : Découverte de la Personne, p. 22. (Cet ouvrage est le meilleur exposé du personnalisme moderne, par un psychanalyste ass
1512 nd Buddhist, p. 39.) La psychologie dont il parle est occidentale. Cherchant à guérir les « maladies du moi », elle le conf
1513 ise une action ; ses collègues l’approuvent et il est décidé qu’il sera fait suivant ce qu’il a proposé. D’autres fois, plu
1514 ses collègues l’approuvent et il est décidé qu’il sera fait suivant ce qu’il a proposé. D’autres fois, plusieurs membres de
1515 de l’assemblée la quittent d’eux-mêmes ; d’autres sont graduellement poussés au-dehors et d’autres, encore, sont expulsés de
1516 duellement poussés au-dehors et d’autres, encore, sont expulsés de force par leurs collègues. Pendant ce temps, de nouveaux
1517 e nouveaux venus s’introduisent dans l’assemblée, soit en s’y glissant doucement, soit en enfonçant les portes. On remarque
1518 dans l’assemblée, soit en s’y glissant doucement, soit en enfonçant les portes. On remarque encore que certains membres de l
1519 ar ne plus l’entendre. Au contraire, d’autres qui étaient débiles et timides se fortifient et s’enhardissent, et finissent par
1520 er dictateurs. Les membres de cette assemblée, ce sont les éléments physiques et mentaux qui constituent la « personne » ; c
1521 s et mentaux qui constituent la « personne » ; ce sont nos instincts, nos tendances, nos idées, nos croyances, nos désirs, e
1522 ces, nos désirs, etc. Chacun de ceux-ci se trouve être , de par les causes qui l’ont engendré, le descendant et l’héritier de
1523 moi, on le perd assurément et par méthode. Car il est forme dominante et gouvernante. Si on tentait de l’observer à l’aide
1524 à l’aide d’un microscope, l’éléphant lui aussi ne serait plus qu’une vaste illusion. 104. Les Questions de Milinda (Milinda
1525 Milinda (Milindahunha), Ier siècle A. D. Milinda est le roi indo-grec Ménandre, qui vivait au IIe siècle av. J.-C. Nagasen
1526 eel, op. cit., p. 304-305. 107. Ces deux phrases sont à rapprocher de cette vue d’un soufi : « Le paradis du gnostique fidè
1527 près ce que Freud nomme « narcissisme », et qui n’ est tel qu’aux yeux de celui qui nie l’âme ; mais alors, d’où viendrait c
1528 cet amour, à qui irait-il ? La passion de Tristan est la preuve de l’âme, s’il en fût jamais. 115. Katha upanishad. 116.
1529 assion de Tristan est la preuve de l’âme, s’il en fût jamais. 115. Katha upanishad. 116. Alexandra David-Neel, Le Bouddhi
1530 hristianisme et le judaïsme. « Dans l’Arabe, tout est colère », écrit Henri Michaux. « Son bonjour : « Que le salut soit su
1531 rit Henri Michaux. « Son bonjour : « Que le salut soit sur quiconque suit la vraie religion ». (La vraie ! Aux autres, pas d
1532 confronte avec plus de tendresse et de rigueur l’ Est et l’Ouest. Lire aussi, mais c’est beaucoup moins tendre pour les deu
1533 s de L’Amour et l’Occident un peu plus qu’il ne serait souhaitable, de son propre point de vue. 124. On pourra retrouver ce
1534 Chardin : La Route de l’Ouest (inédit). 127. Il serait peut-être fécond d’interpréter le principe de Carnot-Clausius (accroi
17 1961, Comme toi-même. Essais sur les mythes de l’amour. Deuxième partie — L’amour même
1535 ue abstrait, orné d’une illustration.) L’amour étant l’initiateur de tout ce qui existe, on appellera néant l’absence d’am
1536 bsence d’amour. Les degrés d’existence de l’amour sont ceux de la création à l’œuvre, sans laquelle le néant ne serait pas c
1537 la création à l’œuvre, sans laquelle le néant ne serait pas conçu, ni l’être. L’amour divin, venant de Dieu, retourne à Dieu,
1538 sans laquelle le néant ne serait pas conçu, ni l’ être . L’amour divin, venant de Dieu, retourne à Dieu, posant en son point
1539 ientation de soi dans l’axe d’efficacité majeure, est la prière. Prier n’est pas demander mais s’orienter, de manière à rec
1540 ’axe d’efficacité majeure, est la prière. Prier n’ est pas demander mais s’orienter, de manière à recevoir et à réaliser.) L
1541 re à recevoir et à réaliser.) Le moi posé, quelle est la voie de l’amour en l’homme ? L’expérience méditée — et que j’espèr
1542 1. La vision intuitive. — Cette forme de l’amour est l’acte de l’esprit ; et elle est connaissance active en même temps qu
1543 forme de l’amour est l’acte de l’esprit ; et elle est connaissance active en même temps que reconnaissance. Elle naît et se
1544 répondre. Son regard tend à susciter ce qui peut être aimé parce qu’aimant à son tour. Cette action du regard quand elle es
1545 ant à son tour. Cette action du regard quand elle est confirmée par l’interaction des personnes que l’amour met en résonanc
1546 ction des personnes que l’amour met en résonance, est la philia, l’amitié spirituelle. Elle est agent de différenciation pa
1547 onance, est la philia, l’amitié spirituelle. Elle est agent de différenciation par excellence, du fait qu’elle voit — ou ch
1548 ion qui les distingue absolument ; la nouveauté —  fût -elle imperceptible ; l’irremplaçable que chaque être humain, s’il y e
1549 t-elle imperceptible ; l’irremplaçable que chaque être humain, s’il y est appelé, peut devenir. Le désir du regard intuitif
1550  ; l’irremplaçable que chaque être humain, s’il y est appelé, peut devenir. Le désir du regard intuitif est appel, donc att
1551 appelé, peut devenir. Le désir du regard intuitif est appel, donc attente agissante d’une réponse, et, par suite, de l’écha
1552 te d’une réponse, et, par suite, de l’échange qui est l’action de l’amour. Quand ce désir et ce besoin d’agir sur l’autre e
1553 unique s’édifie dans l’individu. Cette règle d’or est la norme morale, par excellence, en tout domaine, aussi bien dans cel
1554 e seconde forme de l’amour procède de l’âme. Elle est moins sélective que le regard intuitif, puisqu’elle ne va pas vers l’
1555 lénitude, elle exclut de sa réalité tout ce qui n’ est ni l’objet ni le sujet de l’émotion : à ces deux se réduit pour elle
1556 nivers. Dans sa genèse, elle correspond, quel que soit l’âge, à l’état de première adolescence, quand l’amour « point le cœu
1557 tre — et surtout s’il paraît lui-même l’ignorer — est la condition nécessaire de l’émotion vraiment envahissante. Dans ce d
1558 le spirituel et le sensuel, les risques d’erreur sont plus grands, parce que l’émotion la plus vive peut très bien se suffi
1559 en se suffire en soi. L’intuition qui se trompe n’ est rien, le désir non comblé n’est pas une sensation, mais l’émotion tro
1560 n qui se trompe n’est rien, le désir non comblé n’ est pas une sensation, mais l’émotion trouve en elle-même et dans la seul
1561 , si on l’a mal vu, si on l’imagine autre qu’il n’ est , ou si l’on ne fait que projeter sur lui l’image du soi que l’on aime
1562 vrai dialogue ; Éros élit, s’émeut, et « le reste est silence ». Au degré de la passion, l’âme va se détacher du spirituel
1563 usqu’au point où l’Élue, devenant le monde — « On est seul avec tout ce que l’on aime » — l’amour confond le moi et son obj
1564 r confond le moi et son objet, et enfin « Seul je suis , moi, le Monde ! » À cette limite de l’extrême différence actualisée,
1565 ’extrême différence actualisée, tout ce qui avait été refoulé, écarté et virtualisé dans la nuit de l’indifférencié, d’un s
1566 laisir sexuel. — Cette troisième forme de l’amour est dite physique, encore que nous sachions très bien que le sexe est lié
1567 e, encore que nous sachions très bien que le sexe est lié comme nulle autre fonction à la volonté de l’intellect, à l’âme e
1568 l’âme et à l’imaginaire ; et qu’en tant qu’il ne serait qu’un instinct animal, il n’aurait rien à voir avec l’amour. Les anim
1569 alité peut signifier l’amour, c’est parce qu’elle est , chez l’homme, autre chose que l’instinct. Dans la mesure où, sans pe
1570 tinct, elle s’ordonne à des fins nouvelles qui ne sont plus celles de l’espèce mais de la personne, la sexualité mérite ce n
1571 catholiques, protestants ou laïques. Cette morale tient le sexe pour mauvais en principe. Comme elle sent qu’une telle attitu
1572 n principe. Comme elle sent qu’une telle attitude est plus hérétique que chrétienne, ou plus religieuse que rationnelle et
1573 shad, 7, 25.) Pensez-vous que la comparaison qui est faite ici entre l’acte de la connaissance religieuse et l’acte de l’u
1574 araît pas indifférente pour l’esprit. Mais elle n’ est ni mauvaise ni bonne : en tant que fonction, je la verrais moralement
1575 cure et menaçante, aliénée de la personne : or ce sont là les caractères et la genèse d’un démon. Ils verront ce démon appar
1576 s lignes, par exemple ; et certains semblent bien être allés jusqu’à le matérialiser, si l’on en croit les récits de vies d’
1577 onne, aveuglément, comme dans la nuit ; peut donc être  : amour, égoïsme, bienfait ou crime, libération ou servitude, ou simp
1578 d’autre, accident ridicule mais sans suites. Ce n’ est en soi ni bien ni mal. Seul, le degré d’amour réel (personnifiant, li
1579 cte sexuel. Et je ne vois pas d’autre critère qui tienne , ou ne soit réductible à celui-là. b) La sexualité séparée. Dès qu’il
1580 je ne vois pas d’autre critère qui tienne, ou ne soit réductible à celui-là. b) La sexualité séparée. Dès qu’il est dissoci
1581 le à celui-là. b) La sexualité séparée. Dès qu’il est dissocié de l’amour d’intuition et de l’amour de sentiment, qui le pr
1582 lan de l’instinct. Mais alors que le désir animal est simplement déterminé par le renouvellement de l’espèce, le désir sens
1583 uvellement de l’espèce, le désir sensuel-érotique est devenu force libre, autonome, et qui agit désormais contre l’amour en
1584 ec une grande simplicité dans l’opéra, Don Juan n’ est plus qu’un corps, qu’on nous montre mangeant, buvant et célébrant les
1585 nergie cosmique. — La dernière forme de l’amour n’ est atteinte que par la pensée, mais à travers le monde des sensations, l
1586 et le mystère de l’attraction universelle. Et il est beau que l’aventure de l’intellect, descendant des clartés instantané
1587 ique, débouche enfin sur des lueurs nouvelles qui sont peut-être celles qu’entrevoyaient les sages de l’Inde et de la Grèce,
1588 consumée » : … mais déjà mon désir et ma volonté étaient mus — comme une roue tournant d’une manière uniforme — par l’Amour qu
1589 e pour elle le plus impénétrable des mystères. Il est capital qu’elle l’admette. Ce qui était écarté depuis des siècles, re
1590 ystères. Il est capital qu’elle l’admette. Ce qui était écarté depuis des siècles, renvoyé au chapitre des magies puériles, r
1591 érieux pour les joueurs, et pour les sérieux ce n’ est qu’un jeu. Pourtant, si l’on regarde un moment, mais sans jouer, les
1592 de l’amour : un roi de pique dira que « l’Amour n’ est pas un sentiment, mais la situation totale de celui qui aime, orienté
1593 e 2. Elle suggère : palpiter, contracter-dilater, être vulnérable ou blessé, transpercé par une pique (« Une épée te transpe
1594 . (Seul celui qui a une âme, et le sait, a lieu d’ être masochiste et de s’en réjouir.) Goût de la mort à deux. Paranoïa. Co
1595 espond au Corps et à la sensation. (« Toute chair est comme l’herbe. » Amour de la chair pour ce qui la transcende et l’ani
1596 Conception de l’amour : la gourmandise. « Ce qui est vrai, ce qui est beau, c’est ce qui m’est bon. » Preuve :toucher, ét
1597 amour : la gourmandise. « Ce qui est vrai, ce qui est beau, c’est ce qui m’est bon. » Preuve :toucher, étreindre. Carreau
1598  Ce qui est vrai, ce qui est beau, c’est ce qui m’ est bon. » Preuve :toucher, étreindre. Carreau ♦ La forme indique le nom
1599 les sens (angles aiguisés, rappelant que ce carré fut d’abord un carreau d’arbalète, une flèche à quatre pans) ; contredire
1600 iance de l’âme. (L’Intellectuel, au mauvais sens, est celui qui est coupé de l’âme, ou ne sait qu’en faire et la nie.) Con
1601 . (L’Intellectuel, au mauvais sens, est celui qui est coupé de l’âme, ou ne sait qu’en faire et la nie.) Conception de l’a
1602 vie de tout homme normal, mais l’une, en général, est dominante, plus fortement actualisée ; par là même, elle potentialise
1603 gnes rouges) se retrouvent dans mon schéma. Je me suis limité aux interprétations touchant l’amour, celles qui peuvent illus
1604 ue toute la matière du cosmos, rassemblée, puisse tenir dans un dé ; que sur cette petite Terre suspendue dans le vide, nous
1605 de, nous marchions sur du vide et vers le vide, n’ étant nous-mêmes que furtifs agrégats d’infimes tourbillons statistiques ;
1606 ats d’infimes tourbillons statistiques ; que tout soit vide en vérité de science, dans les dimensions de l’Univers (millions
1607 res dans le temps), et qu’au fond du réel calculé soit le Vide — mais que, scintillements d’une seconde dans l’histoire de c
1608 xion d’une voix pour que cette rencontre, demain, soit soudain le point de la vie ; qu’il y ait tels moments où nous sommes
1609 oint de la vie ; qu’il y ait tels moments où nous sommes convaincus que « tout » dépend d’une décision à prendre ; qu’un monde
1610 s hommes d’aujourd’hui et leur action. Le miracle est qu’il y ait des formes ! Qu’il y ait de la consistance, des paysages,
1611 aissance à la plénitude des corps, que la lumière soit devenue vision, l’énergie sentiment, la structure mythe, et la gravit
1612 n peu de temps de cette transparence incolore qui est la malédiction originelle, l’enfer cosmique. L’incarnation présente e
1613 ginelle, l’enfer cosmique. L’incarnation présente est notre grâce. Elle seule crée du même coup la couleur, le toucher, la
1614 e. Car cette Nature qui nous paraît miraculeuse n’ est encore qu’un mirage reflété sur le Vide, si elle n’est pas une parabo
1615 ncore qu’un mirage reflété sur le Vide, si elle n’ est pas une parabole de l’éternel. Ces formes demeurent allusives, ces co
1616 rent, ce désir exige un Ailleurs où la possession soit entière. Certes, la science nous donne, dès maintenant, des « ailleur
1617 la possibilité : elle les calcule exactement. Que sont -ils pour notre désir ? Ce Vide qui baigne tout ? L’antimatière ? D’au
1618 ? L’antimatière ? D’autres mondes parallèles, qui seraient le nôtre en creux ? Mais nous voulons l’au-delà, et non pas le contra
1619 on sans stupeur : Il y a un autre monde, mais il est dans celui-là.129 Qu’entendait-il ? Qu’avait-il vu ? Quel autre mo
1620 e monde du Vide, l’autre monde de la science : il est là, parmi nous et tout autour de nous, ici et maintenant, et nous ne
1621 et maintenant, et nous ne le voyons pas, quoique étant assurés de sa présence instante. Il n’est pas nous. Mais il y a en no
1622 oique étant assurés de sa présence instante. Il n’ est pas nous. Mais il y a en nous le Royaume ! Le Royaume « qui n’est pas
1623 is il y a en nous le Royaume ! Le Royaume « qui n’ est pas de ce monde », et qui pourtant est « au-dedans de nous », car il
1624 me « qui n’est pas de ce monde », et qui pourtant est « au-dedans de nous », car il est plus nous-mêmes que nous, parce qu’
1625 et qui pourtant est « au-dedans de nous », car il est plus nous-mêmes que nous, parce qu’il est en chacun de ceux qui le re
1626 car il est plus nous-mêmes que nous, parce qu’il est en chacun de ceux qui le reçoivent « le Fils de Dieu », la part céles
1627 eu », la part céleste, le répondant de l’Ange qui sera « notre effigie » au cercle de feu qu’a vu Dante. Et par quelle parab
1628 par quelle parabole le représenterons-nous ? « Il est semblable à un grain de sénevé, la plus petite de toutes les semences
1629 sénevé, la plus petite de toutes les semences qui sont sur la terre, mais lorsqu’il a été semé, il monte… et pousse de grand
1630 semences qui sont sur la terre, mais lorsqu’il a été semé, il monte… et pousse de grandes branches, en sorte que les oisea
1631 s anges) peuvent habiter sous son ombre130 » Il n’ est pas dans l’espace et le temps, qui étendent le Vide aux dimensions de
1632 endent le Vide aux dimensions de l’univers ; il n’ est pas loin d’ici ou d’à présent, du monde des formes, qui est la Nature
1633 in d’ici ou d’à présent, du monde des formes, qui est la Nature, la Parabole — mais ici, maintenant, et en toi-même. Le Roy
1634 i, maintenant, et en toi-même. Le Royaume du ciel est un point, le point d’éternité posé dans toi, la semence du Plérome à
1635 figure de ce monde passera », et que l’invisible sera vu. Quand tu le sais, l’amour commence, l’amour a déjà commencé, car
1636 s. L’amour seul explique tout, et l’être-en-soi n’ est qu’un mot désignant l’inconcevable : ce qui serait sans l’amour, « ce
1637 n’est qu’un mot désignant l’inconcevable : ce qui serait sans l’amour, « ce qui est » moins l’amour par qui seul il y a quelqu
1638 concevable : ce qui serait sans l’amour, « ce qui est  » moins l’amour par qui seul il y a quelque chose. L’amour seul peut
1639 a quelque chose. L’amour seul peut donc dire : je suis . Sans l’amour, il n’y aurait pas même le vide. L’amour a créé le vide
1640 uand il voit le moi dans l’autre ; peut dire : je suis  ; mais aussi à ce coin de sentier perdu dans la forêt d’avril, petit
1641 Parce que ce coin de sentier m’a fait un signe et fut un signe à cet instant pour moi, existant dans ma re-connaissance, et
1642 ’autre au monde ne m’appelle. J’ai pu douter de l’ être , et du devenir, et de toutes nos idées sur « Dieu », je n’ai jamais d
1643 e tout cela, qu’en vertu et au nom de l’Amour. Il est la grâce indubitable. Je n’ai pas d’autre foi certaine, d’autre espér
1644 t ce qu’un jour nous pourrons aimer de tout notre être enfin réalisé, dans le Tout enfin contemplé. Quand l’Amour sera tout
1645 lisé, dans le Tout enfin contemplé. Quand l’Amour sera tout en tous, lors du renouvellement de toutes les choses. FIN 128
1646 t de toutes les choses. FIN 128. Les citations sont de saint Jean de la Croix, Novalis, et Wagner (dans Tristan). 129. P
18 1961, Comme toi-même. Essais sur les mythes de l’amour. Annexes — Annexe I. L’amour selon les évangiles
1647 ngéliques sur l’amour, le mariage et la sexualité tiennent en peu de pages. Les voici. Amour divin Dieu a tant aimé le mond
1648 nts, c’est celui qui m’aime ; et celui qui m’aime sera aimé de mon Père, je l’aimerai et je me ferai connaître de lui. (Jean
1649 de ce monde au Père, et ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, mit le comble à son amour pour eux. (Suit le récit du
1650 més, aimons-nous les uns les autres ; car l’amour est de Dieu, et quiconque aime est né de Dieu et connaît Dieu. Celui qui
1651 tres ; car l’amour est de Dieu, et quiconque aime est né de Dieu et connaît Dieu. Celui qui n’aime pas n’a pas connu Dieu,
1652 Celui qui n’aime pas n’a pas connu Dieu, car Dieu est amour. … Et cet amour consiste non point en ce que nous avons aimé D
1653 docteur de la Loi, lui fit cette question : quel est le plus grand commandement ? Jésus lui répondit : Tu aimeras le Seign
1654 s grand commandement. Et voici le second, qui lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. De ces deux comma
1655 Loi et les Prophètes (Matt., XXII, 35-40). Et qui est mon prochain ? (demande un autre docteur de la Loi). Réponse de Jésus
1656 s lui » (Luc, X, 29-37). Vous avez appris qu’il a été dit : Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi. Mais moi je vo
1657 iez pour ceux qui vous maltraitent, afin que vous soyez fils de votre Père qui est dans les cieux (Matt., V, 43). L’amour du
1658 itent, afin que vous soyez fils de votre Père qui est dans les cieux (Matt., V, 43). L’amour du prochain est spirituel, to
1659 ns les cieux (Matt., V, 43). L’amour du prochain est spirituel, totalement étranger aux attachements naturels, aux liens d
1660 ou sa mère, son fils ou sa fille plus que moi, n’ est pas digne de moi (Matt., X, 37). Quelqu’un lui dit : Ta mère et tes f
1661 X, 37). Quelqu’un lui dit : Ta mère et tes frères sont dehors et demandent à te parler : Jésus répondit : Qui est ma mère et
1662 s et demandent à te parler : Jésus répondit : Qui est ma mère et qui sont mes frères ? Puis étendant la main sur ses discip
1663 parler : Jésus répondit : Qui est ma mère et qui sont mes frères ? Puis étendant la main sur ses disciples, il dit : Voici
1664 res, ses sœurs, et même sa propre vie, il ne peut être mon disciple (Luc, XIV, 26). Mariage, adultère, divorce Les pha
1665 isiens l’abordèrent, et dirent, pour l’éprouver : Est -il permis à un homme de répudier sa femme pour un motif quelconque ?
1666 s deux deviendront une seule chair ? Ainsi ils ne sont plus deux, mais ils sont une seule chair. Que l’homme donc ne sépare
1667 ule chair ? Ainsi ils ne sont plus deux, mais ils sont une seule chair. Que l’homme donc ne sépare pas ce que Dieu a joint (
1668 joint (Matt., XIX, 3-6). Vous avez appris qu’il a été dit : Tu ne commettras pas d’adultère. Mais moi je vous dis que quico
1669 ut-il la lapider ? Qu’en pense-il ? Mais Jésus, s’ étant baissé, écrivait avec le doigt sur la terre. Comme ils continuaient à
1670 il se releva et leur dit : Que celui de vous qui est sans péché jette, le premier, la pierre contre elle. Jésus se remet
1671 s ; va, et ne pèche plus (Jean, VIII, 3-11). Il a été dit (par Moïse) : Que celui qui répudie sa femme lui donne une lettre
1672 femme a eu sept maris. À la résurrection, duquel sera-t -elle la femme ? demandent à Jésus les sadducéens. Jésus leur répondit
1673 e prennent des femmes et des maris, mais ceux qui seront trouvés dignes d’avoir part au siècle à venir et à la résurrection de
1674 is. Car ils ne pourront plus mourir, parce qu’ils seront semblables aux anges, et qu’ils seront fils de Dieu, étant fils de la
1675 rce qu’ils seront semblables aux anges, et qu’ils seront fils de Dieu, étant fils de la Résurrection (Luc, XX, 34-36). Ses dis
1676 blables aux anges, et qu’ils seront fils de Dieu, étant fils de la Résurrection (Luc, XX, 34-36). Ses disciples lui dirent :
1677 , XX, 34-36). Ses disciples lui dirent : Si telle est la condition de l’homme à l’égard de la femme (interdiction de divorc
1678 de divorcer, sauf pour cause d’infidélité), il n’ est pas avantageux de se marier. Il leur répondit : Tous ne comprennent p
1679 pas cette parole, mais seulement ceux à qui cela est donné. Car il y a des eunuques qui le sont dès le ventre de leur mère
1680 ui cela est donné. Car il y a des eunuques qui le sont dès le ventre de leur mère ; il y en a qui le sont devenus par les ho
1681 ont dès le ventre de leur mère ; il y en a qui le sont devenus par les hommes ; et il y en a qui se sont rendus tels eux-mêm
1682 sont devenus par les hommes ; et il y en a qui se sont rendus tels eux-mêmes, à cause du royaume des cieux. Que celui qui pe
1683 pécheresse », dit le récit, vient voir Jésus qui est à la table d’un pharisien. Elle pleure, essuie les pieds de Jésus de
1684 m. Le pharisien se dit en lui-même : Si cet homme était un prophète, il connaîtrait de quelle espèce est la femme qui le touc
1685 tait un prophète, il connaîtrait de quelle espèce est la femme qui le touche et que c’est une pécheresse. Jésus lui dit :
1686 heresse. Jésus lui dit : Ses nombreux péchés ont été pardonnés, car elle a beaucoup aimé. Mais celui à qui on pardonne peu
1687 as eu cinq maris, et celui que tu as maintenant n’ est point ton mari. — Seigneur, lui dit la femme, je vois que tu es proph
1688 ari. — Seigneur, lui dit la femme, je vois que tu es prophète. » Et c’est à elle que Jésus dit alors cette phrase capitale
1689 que Jésus dit alors cette phrase capitale : Dieu est esprit, et il faut que ceux qui l’adorent, l’adorent en esprit et en
1690 , dans le contexte général des évangiles, doivent être interprétés « en esprit et en vérité » : on n’y trouve pas un seul ju
1691 au Royaume spirituel, dont la « petite semence » est posée dans « ce siècle », dans le monde apparent où nous vivons. 2. J
1692 i promise à ceux qui aiment, « car quiconque aime est né de Dieu. » 3. Le passage sur les « eunuques… à cause du Royaume »
1693 s « eunuques… à cause du Royaume » ne cesserait d’ être mystérieux que s’il était interprété en termes « charnels », comme le
1694 Royaume » ne cesserait d’être mystérieux que s’il était interprété en termes « charnels », comme le fit Origène. 4. Jésus don
1695 ui reprochent de fréquenter de préférence ; or ce sont les « hommes de mœurs impures » que saint Paul ordonne à ses disciple
19 1961, Comme toi-même. Essais sur les mythes de l’amour. Annexes — Annexe II. Misère et grandeur de saint Paul
1696 donc sujet de me glorifier ») : ces comportements sont classiques en psychiatrie. Les raisons qu’il invoque contre la femme
1697 diques » et contre les « faux docteurs ». (Le ton est le même dans les deux cas, l’assimilation de l’impudicité et de l’imp
1698 ion de l’impudicité et de l’impudence spirituelle est évidente). Celui qui vient de lire les évangiles et qui aborde l’Épît
1699 exposé souverain de la vérité en acte (et heureux seront ceux qui La croient) dans l’objurgation pathétique, tandis que l’indi
1700 que, et tentés par la gnose naissante. Les hommes étant ce qu’ils sont, lâches et vulgaires, facilement entraînés « à tout ve
1701 ar la gnose naissante. Les hommes étant ce qu’ils sont , lâches et vulgaires, facilement entraînés « à tout vent de doctrine 
1702 e puritanisme agressif et l’orthodoxie ombrageuse sont des nécessités indiscutables de l’action révolutionnaire et missionna
1703 yste jugeraient un grand penseur de notre époque, serait d’un naïf et ridicule anachronisme. Mais accepter « comme parole d’Év
1704 re assez commune et par une foi presque unique, n’ est -ce pas commettre une erreur spirituelle ? N’est-ce pas entretenir, so
1705 n’est-ce pas commettre une erreur spirituelle ? N’ est -ce pas entretenir, sous le nom de religion, des règlements de mœurs «
1706 discerner les esprits ». Et il disait aussi qu’il tenait du Seigneur que « rien n’est impur en soi, et qu’une chose n’est impu
1707 isait aussi qu’il tenait du Seigneur que « rien n’ est impur en soi, et qu’une chose n’est impure que pour celui qui la croi
1708 que « rien n’est impur en soi, et qu’une chose n’ est impure que pour celui qui la croit telle » (Rom., XII, 14). « Tout es
1709 elui qui la croit telle » (Rom., XII, 14). « Tout est permis, mais tout n’édifie pas »… 131. Cf. I Corinthiens, II, 4-16.
1710 se voiler la tête ou sinon, « c’est comme si elle était rasée… L’homme ne doit pas se couvrir la tête, puisqu’il est l’image
1711 L’homme ne doit pas se couvrir la tête, puisqu’il est l’image de la gloire de Dieu, tandis que la femme est la gloire de l’
1712 l’image de la gloire de Dieu, tandis que la femme est la gloire de l’homme. En effet, l’homme n’a pas été tiré de la femme,
1713 t la gloire de l’homme. En effet, l’homme n’a pas été tiré de la femme, mais la femme de l’homme… C’est pourquoi la femme,
1714 ire pour la femme, « parce que la chevelure lui a été donnée comme voile ». Et qui nous enseigne ces grandes vérités ? La N
20 1961, Comme toi-même. Essais sur les mythes de l’amour. Annexes — Annexe III. Post-scriptum
1715 reront point dans le Royaume de Dieu ». Voilà qui est simple et clair. J’entends bien que ton explication tend à établir qu
1716 que, dans les circonstances particulières où il a été fait, cet acte était moral, presque religieux… mais ce sont là de mis
1717 nstances particulières où il a été fait, cet acte était moral, presque religieux… mais ce sont là de misérables sophismes. En
1718 cet acte était moral, presque religieux… mais ce sont là de misérables sophismes. En admettant qu’il ne t’ait pas laissé de
1719 ’autre. Avec ce raisonnement-là, d’ailleurs, ce n’ est pas seulement l’acte sexuel, mais les vices contre nature qui pourrai
1720 les vices contre nature qui pourraient aussi bien être recherchés et expérimentés dans un esprit de curiosité scientifique o
1721 ns tout pays, coucher avec une femme sans l’aimer est le dernier degré de l’avilissement qu’on puisse lui infliger… Mais en
1722 : — « Heureux les pauvres, car le Royaume de Dieu est à eux » et : « Il est plus facile à un chameau de passer par le trou
1723 res, car le Royaume de Dieu est à eux » et : « Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un
1724 d’entrer dans le Royaume de Dieu. » Charles Gide était économiste. L’économie s’occupe de nos richesses, production et répar
1725 ccupe d’érotisme et celui qui s’occupe d’économie seraient donc sur le même plan, s’agissant du salut ? Sophisme ! s’écrient les
1726 t deux poids et deux mesures. D’une part la chose est claire, de l’autre il faut, nuancer. Je demande pourquoi. Je propose
1727 n’hériteront le Royaume de Dieu. » Les impudiques sont cités en premier, les voleurs viennent ensuite, et les riches sont om
1728 mier, les voleurs viennent ensuite, et les riches sont omis. Cette hiérarchie n’a rien d’évangélique. II« Croissez et mul
1729 z » Vu sous l’aspect physiologique, l’érotisme est l’usage de la sexualité pour d’autres fins que la procréation. Les Ég
1730 célibat à tous les prêtres séculiers. Parce qu’il fut dit aux Hébreux d’il y a trois millénaires : « Croissez et multipliez
1731 d’hui que la limitation volontaire des naissances est un péché. Mais à l’époque où fut donné ce commandement, les Douze Tri
1732 e des naissances est un péché. Mais à l’époque où fut donné ce commandement, les Douze Tribus n’étaient qu’un groupe infime
1733 où fut donné ce commandement, les Douze Tribus n’ étaient qu’un groupe infime dans une population mondiale que l’on estime à 30
1734 s de 3 milliards d’hommes vivent aujourd’hui. Ils seront 6 milliards en l’an 2000. S’ils devaient continuer de croître et de m
1735 tion mondiale doublant tous les quarante ans) ils seraient donc 700 milliards dans trois-cents ans. La surface habitable (aujour
1736 s. La surface habitable (aujourd’hui) de la Terre étant de 7 milliards d’hectares, il y aurait donc un homme tous les dix mèt
1737 ans plus tard, ils se touchent tous. Ces chiffres sont absurdes : ils montrent en effet que l’instinct parfaitement animal d
1738 e seul espoir d’y échapper sans crime ne pourrait être mis, par les « croyants » que j’ai dit, que dans une Providence qui s
1739 s ou des épidémies d’une ampleur inouïe. Ou bien, serait -ce Elle qui inciterait un général à décrocher le fameux téléphone rou
1740 Il y a deux raisons pour lesquelles le mariage a été institué : … pour amener l’homme à se contenter d’une seule femme, et
1741 s donner des enfants : mais c’est la première qui est la principale… Quant à la procréation, le mariage ne l’entraîne pas a
1742 ariage ne l’entraîne pas absolument… La preuve en est dans les nombreux mariages qui ne peuvent avoir d’enfant. C’est pourq
1743 ée de la sexualité, dans la société contemporaine est sans doute plus catastrophique, pour beaucoup, que l’hypocrisie et le
1744 se ignorer la nature de la catastrophe alléguée : serait -elle physique, morale, ou spirituelle ? Il y a toutes chances pour qu
1745 ommes, en raison de la perte de liqueur séminale, est un des principaux facteurs de diminution du capital vital. Pour évite
1746 s hormones contenues dans le sperme. » Ce procédé est bien connu de l’Inde : les upanishads et les écrits tantriques le dés
1747 iva samhita « détruit la Ténèbre du monde et doit être tenu pour le secret des secrets ». Dans la seconde version de L’Amour
1748 amhita « détruit la Ténèbre du monde et doit être tenu pour le secret des secrets ». Dans la seconde version de L’Amour et l
1749 8), je soutenais l’hypothèse qu’un pareil procédé fût aussi l’un des secrets de l’amour courtois. La forme tantrique ou cou
1750 a forme tantrique ou courtoise de l’érotisme peut être interprétée de deux manières, soit qu’on la considère comme résultant
1751 ’érotisme peut être interprétée de deux manières, soit qu’on la considère comme résultant d’une crainte magique, soit qu’on
1752 considère comme résultant d’une crainte magique, soit qu’on la considère comme visant à « élever » et « animer » le jeu d’a
1753 ur, à des fins proprement érotiques, que certains tiennent même pour spirituelles. 1. La peur de perdre sa vitalité en perdant l
1754 à un symptôme de névrose caractérisée. Cette peur est plus ouvertement avouée, voire commentée et justifiée, elle est donc
1755 tement avouée, voire commentée et justifiée, elle est donc plus visiblement active en Orient qu’en Occident. Le sentiment d
1756 re physiologique, tandis que chez l’Occidental il est masqué et relégué aux arrière-plans de la conscience par un sentiment
1757 gardent bien de brider la sexualité : leur morale est à cet égard plus que laxiste : elle est prodigue en bonnes recettes.
1758 ur morale est à cet égard plus que laxiste : elle est prodigue en bonnes recettes. Au contraire, les doctrines morales dédu
1759 son lieu, mais dans le canal de l’urètre, d’où il sera bientôt éliminé. Le procédé physique comporte donc une erreur ou tric
1760 erreur ou tricherie biologique, dont la « vertu » serait au mieux psychologique. 2. Il n’en reste pas moins que cette méthode
1761 s « idéales », — nous dirions : pour le sublimer, soit en plaisir détaché de l’instinct, soit en amour, soit en adoration de
1762 sublimer, soit en plaisir détaché de l’instinct, soit en amour, soit en adoration de l’Éternel féminin au sens mystique. La
1763 en plaisir détaché de l’instinct, soit en amour, soit en adoration de l’Éternel féminin au sens mystique. La maithuna tantr
1764 de semen ou bindu. À ceux qui peuvent y parvenir est promise « l’immortalité conquise en quinze jours » (lisons, comme le
1765 ngtemps pris pour simple « joie d’amour », et qui était en fait « le jeu d’amour133 », un moyen de le prolonger « sans fin »,
1766 t en échappant aux « conséquences », — lesquelles étaient obligatoires dans le mariage, mais condamnées par le manichéisme des
1767 technique, au terme d’un ouvrage dont le sujet n’ était nullement la sexualité, mais bien l’amour. ⁂ Est-il besoin de précise
1768 tait nullement la sexualité, mais bien l’amour. ⁂ Est -il besoin de préciser que cet ouvrage n’est pas un manuel de morale e
1769 ur. ⁂ Est-il besoin de préciser que cet ouvrage n’ est pas un manuel de morale et n’entend pas donner de conseils à qui que
1770 e et n’entend pas donner de conseils à qui que ce soit  ? (Et encore moins, de permissions ! Celui qui en demande prouvant en
1771 y a pas encore droit). Le libre usage d’Éros peut être un bien pour les sages qui voudraient intégrer sa vertu dans une orie
1772 recettes morales, sachant bien que leur personne est en jeu, et qu’il n’y a pas au monde deux personnes identiques. Pour l
1773 l’absolue nécessité de maîtriser l’individu, qui est son support inséparable, et qu’elle transformera plus tard à sa maniè
1774 sciplines, ni de démocratie non plus : mais ce ne sont pas les mêmes disciplines. Car les unes sont particulières, opérative
1775 e ne sont pas les mêmes disciplines. Car les unes sont particulières, opératives, les autres générales, préparatoires. Au ni
1776 , préparatoires. Au niveau de la personne, ce qui est remède pour l’un sera peut-être poison pour l’autre au même dosage, o
1777 iveau de la personne, ce qui est remède pour l’un sera peut-être poison pour l’autre au même dosage, ou simplement indiffére
1778 mplement indifférent. Or, nous savons que l’amour est le fait des personnes, et qu’il n’en est pas deux interchangeables. D
1779 l’amour est le fait des personnes, et qu’il n’en est pas deux interchangeables. D’où la difficulté de concevoir une morale
1780 énérales imposées à l’amour — au nom de quoi, qui serait plus vrai ? Les normes valent pour tout, sauf pour l’amour — comme l’
1781 t dit. Car c’est l’amour qui pose les normes, qui est la norme finale, première, universelle. Autrement dit : l’éducation a
1782 ne peut plus l’aider. Parce que la vraie personne est posée par l’amour, existe par un acte de l’amour, et que l’amour la f
1783 et que l’amour la fait unique. Toute morale qui n’ est pas une école — ouverte sur la liberté future — est une prison, si « 
1784 t pas une école — ouverte sur la liberté future — est une prison, si « laxiste » soit-elle. Voilà qui nous ramène irrésisti
1785 a liberté future — est une prison, si « laxiste » soit -elle. Voilà qui nous ramène irrésistiblement au paradoxe évangélique
1786 que et paulinien : pour le vrai spirituel, la Loi est abolie, bien que pas un iota n’en soit retiré. Mais l’amour seul peut
1787 uel, la Loi est abolie, bien que pas un iota n’en soit retiré. Mais l’amour seul peut le comprendre en vérité. 132. Disc
1788 s du Sud, n° 348). L’auteur montre que le mot joi est masculin, et désigne non pas un sentiment mais un jeu, dont la maîtri
1789 t notamment depuis le romantisme, puisse et doive être modifiée. Mais d’abord il s’agit de mieux la voir, comme j’ai tenté d